HANDBOUND
AT THE
UNIVERSITY OF
41 "f^
LA
GUERRE DE METZ
EN 1324
Paris. — Typographie Firmin-Didot i-t C'% rue Jacolj, 56.
Iv
GRAND SCEAU ET CONTRE-SCEAU DE LA CITE DE METZ
AU X1V'= StÈCLE.
Martyre de saint Etienne, patron du diocèse.
Saint Paul, apôtre, patron du chapitre de la cathédrale.
[Ardt. tniin. de Metz.)
LA
GUERRE DE METZ
EN 1324
POÈME DU XIV SIÈCLE
PUIil.lK
Par E. de BOUTEILLER
ANCIKX DÉPUTÉ DE METZ
SUIVI D'ÉTUDES CRITIQUES SUR LE TEXTE
Par F. BONNARDOT
ancien élève-pensionnaire de l'École des Chartes
ET PRÉCÉDÉ d'une PRÉFACE
Par Léon GAUTIER.
PARIS
LIBRAIRIE FIRMIN-DIDOÏ ET C-
IMPRIMEURS-LIBRAIRES DE L'INSTITUT, RUE JACOB, 56
1875
Tous droils réserrés.
Ifl-J
\
FFB27 1963
8211677
Jkd îœ Sçvîïe c^e JdbetZ'.
é. de '^o/detc/^/'.
L'auteur de cette publication doit, avant toutes
choses , exprimer des regrets et des remercîments :
les premiers vont à l'adresse de M. le comte de
Puymaigre , si versé dans la littérature du moyen
âge, avecle concours duquel ce travail devait s'exé-
cuter. Une bien fâcheuse absence a mis obstacle à
cette collaboration dont le mérite de l'ouvrage se
serait si heureusement ressenti.
Quant aux remercîments , ils sont dus à ceux
qui ont bien voulu comprendre tout l'intérêt poi-
gnant attaché au nom de Metz, et sans la généreuse
bienveillance desquels ce livre n'aurait sans doute
pas vu le jour : à MM. Léon Gautier et Firmin-
Didot. C'est à eux que les Messins exilés devront
la consolation de voir cet honneur fait à la noble
cité qu'une douloureuse séparation leur a rendue
plus chère encore.
L'auteur a aussi à dire : merci I aux fidèles cor-
respondants messins qui ont mis tant de cœur à sup-
plëer un ami absent, poui- la vérification des élé-
ments de son étude. Il doit le dire également aux
savants de Luxembourg , qui ont, avec la plus cor-
diale obligeance, mis à sa disposition les richesses
de leurs archives et de leurs publications : preuve
ajoutée à tant d'autres, données aux jours de misère
et de deuil, des sentiments fraternels qui, dans
toutes les fortunes, unissent les Luxembourgeois aux
Messins !
PREFACE.
'A cilé de Metz « est aux autres
cités ce que la rose est aux au-
tres fleurs » : telle est la compa-
llil Hn^il RII raison où se plaît tout d'abord
l'auteur des vers naïfs qui vont
être ici publiés pour la première
fois. Pour être simple, l'idée n'en
est pas moins charmante, et révèle un Messin. On
n'a jamais aimé sa ville comme les Messins aiment
leur Metz. Cet amour n'est pas de ceux que certains
peuples du midi portent à leur patrie : il n'a rien
d'efféminé ni de mélancolique. C'est une affection
grave, mâle et fière. Oii sont-ils ceux qui s'en vont
répétant tous les jours que l'Amour de la patrie est
un sentiment « antique )i, et que nos races mo-
dernes n'en ont pas connu la féconde beauté? Où
sont-ils ceux qui prétendent que la virilité du ci-
toyen a toujours fait défaut aux nations chrétien-^
l'HEKACE.
lies? L'Âlhénien conttMnpIaiit les lignes idéales de
son Parthénon, elle Romain l'œil fixé sur son (api-
toie, n'ont pas connu ce flot de contentement qui
traversait l'aine du Messin à la vue de sa chèi'c ca-
thédrale et en écoutant le son de la Mutte. Il faut
les entendre, ces vrais citoyens, parler de leur
vieille cité libre : « Sa prospérité, s'écrient-ils, était
« due aux efforts de dix générations de patriotes
(( aussi intelligents que vigoureux. » Là-dessus, ils
relèvent la tête et se perdent dans leurs souvenirs.
Le seul aspect de cette ville si profondément ai-
mée était fait, semble-t-il, pour inspirer un tel
amour. C'étaient des gens d'esprit que ces Belges.
Certain jour, ils arrivèrent au confluent de ces deux
cours d'eau qui devaient un jour s'appeler la Mo-
selle et la Seille. Ils s'arrêtèrent à la vue d'un vaste
mamelon « qui était défendu par ses propres escar-
pements et par les eaux des deux rivières ». Cette
race essentiellement guerrière fut sans doute frappée
de la puissance de ces défenses naturelles : il restait
vraiment bien peu de chose à faire pour construire
en ce lieu un repaire tout à fait inattaquable.
Comme le dit M. de Saulcy, « il suffisait de cons-
truire un rempart capable de relier les deux cours
d'eau du côté où la colline s'abaissait doucement
et descendait au niveau de la plaine. » C'est ce qui
fut fait. Et de là cette « ville des deux eaux », ce
PRÉFACE. XI
Divodurum qui ne tarda point à prendre dans la
Gaule une importance considérable, et dont l'histoire,
chose rare, est si profondément conforme à la mis-
sion historique.
Chaque nation ici -bas reçoit de Dieu une mission
spéciale, avec un poste particulier, des instructions
et un mot d'ordre. C'est ainsi, pour prendre un
exemple doublement décisif, que la Hongrie et l'Es-
pagne ont été chargées d'être au moyen âge les bar-
rières vivantes contre les flots de l'Islamisme et de
la Barbarie. Metz, elle aussi, a eu sa mission. Elle
a été le boulevard providentiel placé, depuis plus de
deux mille ans, entre les tribus barbares qui avaient
fait halte et celles qui voulaient perpétuer les inva-
sions. De l'Orient il nous venait sans cesse de nou-
velles inondations de peuples, et il fallait, de toute
nécessité, arrêter ce mauvais courant. Metz a été la
digue. En d'autres termes, Metz a été pour la
France ce que la Hongrie et l'Espagne ont été pour
la Chrétienté tout entière. Et telle est toute la phi-
losophie de son histoire.
Cette mission avait commencé avant les siècles
chrétiens. Une forte et belle tribu belge, les Médio-
matrices, avait fait de Divodurum sa capitale. Ces
Médiomatrices étaient des hommes. Hs avaient sans
cesse leurs regards tournés du côté du Rhin et se
préoccupaient avant tout de savoir si de nouvelles
XII PRÉFACE.
nuées d'hommes ne venaient pas de la trop féconde ^
Germanie. On a dit avec raison qu'ils étaient la senti-
nelle avancée de la race gauloise. Toujours en alerte,
toujours armés, toujours prêts, ils étaient forcés
par leur situation géographique d'être une race
vaillante et éveillée. Ils s'y hahituèrent aisément, et
transmirent à leurs descendants ce tempérament vi-
ril qui est encore aujourd'hui le caractère des Mes-
sins. Est-il besoin de dire qu'ils résistèrent énergi-
quement à César, et faut-il rappeler qu'au nombre
des derniers bataillons qui eurent la gloire de se
grouper autour de Vercingétorix, il y avait cinq mille
Médiomatrices? Après ce sublime et dernier effort, la
vaillante tribu vit que son rôle, loin d'être fini, était
seulement transformé. Avec cet esprit pratique
qu'on retrouve encore aujourd'hui dans le fond de
ce peuple, ils comprirent soudain toute la supério-
rité de leurs vainqueurs, et ces sentinelles gauloises
acceptèrent volontiers de devenir des sentinelles ro-
maines. (]e furent d'excellents alliés pour le grand
Empire, et qui montèrent bien leur garde devant les
invasions barbares, La tâche n'était pas mince. En
282, les Alamans massacrèrent cette héroïque popu-
lation. En 45 1, les. Huns brûlèrent la noble ville.
Le souvenir de cette effroyable catastrophe devait
rester longtemps dans la mémoire des vaincus. Les
Messins, d'ailleurs, mirent sur le compte des Van-
PRÉFACE. XIII
dales ou des « Vandres » tous les désastres de cette
lamentable époque. Les Vandales cependant étaient
ici bien innocents. Une fois n'est pas coutume.
Metz cependant reconstruisit ses murs brûlés et
reprit placidement son poste, son rôle, sa mission.
Les invasions germaines avaient triomphé avec
Clovis, et les Franks étaient devenus les maîtres d'une
partie de ce pays qui devait plus tard se nommer
la France. Deux grands groupes se formèrent bien-
tôt. Il y eut la Neustrie et il y eut l'Austrasie. Il y
eut les Franks qui s'endormirent dans la mollesse et
dans le vice, et il y eut les Franks qui demeurèrent
virils et durent rester armés pour résister à l'enva-
hissement des autres Barbares. Durant toute la pre-
mière race, Metz fut le représentant le plus exact de
l'esprit austrasien. Or, c'est dans cet esprit qu'était
alors le salut de la France, et peut-être du monde.
Il y a certains moments où la terre est sauvée par
quelques soldats au cœur fier. Pépin d'Héristal,
Charles Martel et Pépin le Bref furent ces soldats.
Les Maires austrasiens conquirent, à force d'énergie
et de talent, cette royauté que les vrais rois perdi-
rent par excès de sottise et de faiblesse. Metz fut
alors le centre de la vie auslrasienne. Il y a certains
côtés par où Charlemagne est Messin : car Charle-
magne a reçu de Dieu, dans l'histoire, le même mot
d'ordre que l'ancienne capitale des Médiomatrices,
XIV PRÉFACE.
et ce mot d'ordre est celui-ci : « Halte aux invasions ! »
Ce n'est donc pas en vain que le fils de Pépin a
aimé le séjour de Metz, qu'il y a fondé des écoles
et entrepris d'autres établissements. Le grand homme
et la grande ville remplissaient le môme rôle : ils
étaient faits pour se comprendre.
J'admire avec quelle précision clairvoyante les
Messins remplirent leur mission providentielle à tra-
vers les horribles ténèbres de la féodalité naissante.
Tout ce qu'il y a d'envahisseurs dans notre vieux
monde vient alors se heurter contre les murs de
Metz. Ces brûleurs d'églises et ces tueurs d'hom-
mes, les Normands, furent chassés de ses murailles
libératrices par un bras laïque, celui du comte
Âdelard, et un bras clérical, celui de l'éveque Wala.
Ce Wala fut le Gozlin de Metz, et c'était en 883.
Moins d'un siècle après, les Hongrois sont expulsés
par Conrad. Cependant la Lorraine s'était providen-
tiellement formée. Les historiens ne comprennent
rien à ce pan bizarre de terrain , à ce royaume
étrange qui a d'abord pour limites la Saône et le
Rliône, la Meuse et le Rhin. Il semble cependant
que cette bande de terre chrétienne a eu son utilité
dans le monde : elle a servi de frontière et, encore
un coup, de boulevard entre le monde Frank et le
monde Germain. A ce point de vue, la Lorraine,
, c'est Metz prolongée.
PRÉFACE. XV
Cependant le moment était venu, pour la cité
messine, de se prononcer entre l'Allemagne et la
France : il se fallait décider. Au milieu de mille
événements et accidents dont ils ne furent pas les
maîtres, les Messins trouvèrent dans leur esprit pra-
tique le secret de se tirer d'affaire : ils se rattachè-
rent dès 980 à l'Empire; mais à la condition, plus ou
moins sous-entendue^ de garder leur très-précieuse
liberté. Ce fut presque un trait de génie. Metz fut
une « cité libre impériale », libre de fait, impériale
de nom. Elle comprit que sa chère indépendance
sauverait ce qu'il y avait en elle de plus auguste et
de plus grand : sa véritable origine et sa véritable
patrie. Ne pouvant s'ériger en royaume entre la
Fiance et l'Allemagne, elle finit un jour par se cons-
tituer en république. De 980 à i25o, son histoire
se divise en deux chapitres : a lutte contre les Empe-
reurs ; lutte contre ses propres évêques, qui préten-
dent devenir ses seigneurs. » Au milieu du treizième
siècle, le grand but de Metz est atteint : elle est
libre sous le sceptre des empereurs allemands, scep-
tre qu'elle honore et ne subit guère. C'est une cité
« du Saint Empire germanique » qui parle fran-
çais à plein gosier et se donne la joie d'être républi-
caine au nez de l'Empereur, sans jamais lui man-
quer de respect. Metz est peut-être la plus forte et
la mieux organisée de toutes les républiques du
XVI PRÉFACE.
moyen âge. On ne la saurait comparer qu'aux villes
Italiennes; mais, par plus d'un coté, elle leur est
véritablement supérieure. Vous voyez que les Mes-
sins sont de fins compères et qu'ils sont venus h
bout, fort ingénieusement, des Césars et de leur
fortune.
C'est une chose merveilleuse, en effet, que l'orga-
nisation communale de Metz. En apparence rien
n'est plus compliqué; en réalité rien n'est plus simple
ni mieux pondéré. C'est le triomphe de l'esprit pra-
tique. Pour en arriver à se constituer en commune,
les Messins, certain jour, ont dû entrer en lutte avec
leurs évêques, qu'ils respectaient et aimaient : ils
n'ont pas hésité à le faire, et ont aisément trouvé le
moyen de demeurer bons catholiques, tout en se
montrant vigoureux citoyens. Race curieuse à étu-
dier et que notre vieux poëte a peinte en deux traits
charmants : a Les Messins, dit-il, entendent très- dé-
« votement la messe ; puis, chacun va à ses affaires. »
C'est ainsi que, tout en sollicllantfort dévotement la
bénédiction de ses évêques, Metz a fini par renverser
très-énergiquement leur pouvoir politique. En ré-
sumé, ce peuple avait deux adversaires de son in-
dépendance : ses Evêques et les empereurs d'Al-
lemagne. Il a respectueusement abattu la puissance
des premiers ; il s'est débarrassé de la suprématie
des seconds en paraissant l'accepter et en accolant
PRÉFACE. XVII
au nom de sa cité l'épithète « impériale » qui n'était
point gênante.
Le terrain étant déblayé, on bâtit.
A la tête de l'État fut placé le Maître-échevin ,
que l'on peut considérer comme le président de
cette tumultueuse petite république. Pour bien at-
tester la vivacité de leur confiance en leur église,
les Messins lui voulurent réserver l'élection de ce
premier magistrat de leur ville, et cette élection, de-
puis 1179, appartint en effet au primicier de la
cathédrale et aux cinq abbés de Gorze, de Saint-
Arnoult, de Saint-Clément , de Saint-Symphorien
et de Saint-Vincent. Mais là se bornait l'action du
clergé dans le gouvernement de cette cité, qui, d'ail-
leurs, fut fidèle autant que remuante et oii l'indé-
pendance n'eut jamais les allures de la révolte. On
ne voulait pas de la domination temporelle de l'é-
vêque; mais on acceptait avec amour la direction
spirituelle de l'Eglise.
Au Maître-échevin les Messins abandonnèrent tout
d'aboi'd de trop importantes et de trop nombreuses
attributions, et bien peu de souverains ont eu, au
moyen âge, une puissance aussi incontestée. Mais un
jour il arriva que ces bourgeois, jaloux de leur in-
dépendance, trouvèrent excessif un pouvoir dont ils
n'avaient pas, à l'origine, su bien régler les propor-
tions. Et ils se décidèrent sagement à le restreindre.
XVIII PRÉFACE.
Au dessous du Maître-échevin se tenaient fière-
ment les vingt Echevins qni formaient son conseil et
furent longtemps nommés par lui. Un tribunal spé-
cial, celui des Treize, exerçait, avec eux et en pre-
mier ressort, la magistrature judiciaire. Concurrem-
ment avec les trois Mayeurs, ils administraient la
justice dans les trois mairies de Porte-Muselle , de
Port-Sailly et d'Outre-Moselle, dont dépendaient ces
deux cent quatorze villages qui étaient en quelque
manière le rayonnement magnifique de la cité mes-
sine. Aux Eswardeurs était réservé, en de certains
cas et à de certaines époques, l'examen des mêmes
affaires. Les «Sept de la guerre » (magistrature qui
fut précisément créée à l'occasion de la guerre de
1 324) étaient, comme leur nom l'indique, chargés
des affaires de la guerre et de l'organisation de la
résistance. Tous ces membres du Gouvernement
messin se réunissaient en des Assemblées oîi chacun
d'eux avait voix délibérative : les intérêts du peuple
y étaient représentés parles vingt cinq Comtes des
paroisses. Cependant un corps de mercenaires, les
Soldoyeurs, veillaient sans cesse à la défense de la
cité qui les payait bien et les recrutait surtout parmi
les pauvres chevaliers allemands ou français. Puis, on
voyait sur les remparts, en temps de guerre, des
soldats improvisés qui montaient gravement leur fac-
tion, les yeux fixés sur l'ennemi. C'étaient les gens
l>r,Él-ACE. XIX
des Métiers. Les Corporations semblent avoir été,
dans cette ville militaire, plus fortement organisées
que partout ailleurs, et on leur avait notamment
confié la défense de toutes les tours qui faisaient une
si belle couronne à Metz. Ces» sortes de gardes na-
tionaux attachaient un grand prix à ce privilège et
surent plus d'une fois s'en montrer dignes.
Et telle était, dans' ses principaux traits, la cons-
titution de cette noble cité messine, qui fut à l'apo-
gée de sa puissance vers le milieu du quatorzième
siècle.
Toutefois, cette constitution, dont nous venons
d'esquisser le tableau, n'était que la constitution of-
ficielle. Il y avait quelque chose au-dessous : il y
avait un substratiim vivant ; il y avait un milieu où
se puisaient tous les éléments , où se recrutaient
tous lejs membres de cette puissante organisation
communale. Quand il n'y a plus de vie intime dans
un Ordre religieux, cet Ordre meurt; quand il n'y
a pas dans une Commune une puissante oligarchie
bourgeoise, cette Commune est en danger de mort.
Or Metz eut l'heureuse fortune de posséder cette
oligarchie, et ce furent ces très-célèbres paraiges
dont n'avons pas encore eu à prononcer le nom.
On appelait de la sorte six grandes associations de
familles bourgeoises, six \as\.es co^nationes onparen-
telm qui arrivèrent, par la force des choses, à exer-
XX PRÉFACE.
cer dans la cité une prépondéraïuc sans rivale. Ce
patriciat était à la fois en possession d'une grande
partie de la fortune publique et de tous les pouvoirs
de l'Etat. C'est à lui qu'appartenait en réalité le gou-
vernement de la Commune, et son action dirigeante
s'exerçait par des commissions permanentes , les
Septeries et les Treizeries, lesquelles étaient exclusi-
vement formées dans son sein. Le Maître-échevin
(c'est tout dire) devait être pris dans ses rangs, et
c'est avec raison (jue les éditeurs de la Guerre des
quatre rois ont donné à lem* livre, pour principale
illustration, les armes des paraiges, Porte-Muselle,
Jurue, Saint-Martin, Port-Sailly et Outre- Seilh^,
auxquels il faut joindre le Commun. L'histoire de
Metz est inséparable de l'histoire de cette aristocra-
tie « paraigienne » , et l'on ne peut séparer ce que
le passé a si intimement uni.
Nous nous la figurons volontiers, cette antique et
fière cité de Metz; nous nous la figurons au mo-
ment où la guerre de 13^4 va éclater. Elle est assise
au milieu d'un groupe de collines riantes qui sont
chargées de vignobles, et n'est point sans ressem-
bler quelque peu à la belle Florence. Telle est du
moins l'opinion des Messins; mais il ne faudrait pas
demander aux Morentins de la partager trop vive-
ment. A tout le moins, la cathédrale de Metz vaut
bien Sainte-Marie-des-Fleurs et offre un profd plus
PRÉFACE. XXI
architectural. Çà et là, sur l'azur de ce ciel dont
notre poëte exagère peut-être la douceur et les par-
fums, les vingt paroisses et les dix abbayes de la
vieille ville font monter les flèches de leurs églises
d'où partent de beaux sons de cloches. Voici là-bas
l'hôpital Saint-Nicolas ou du Neuf-Bourg, que les
bourgeois administrent eux-mêmes , et voilà par ici
le dédale des rues marchandes de l'active et labo-
rieuse cité. Trois jours par semaine, c'est marché, et
il faut voir, ces jours-là, l'étonnant mouvement de
la ville et des faubourgs . Commerce d'argent, com-
merce de blé et de vins, c'est ce qui attire à Metz le
plus d'acheteurs , sans parler de l'armurerie, qui,
dans un pays si militaire, doit occuper et occupe en
effet de nombreux ouvriers. Et le soir, quelle belle
lumière projettent toutes ces lanternes qui sont sus-
pendues aux maisons ! Mais ce qu'il y a de meilleur
à Metz, ce sont les Messins. Contemplons celui-ci
qui passe, là, dans la rue, et fredonne en ce mo-
ment l'un des vers les plus fiers de notre vieux
poëme : Metz est la mère de jrancliise. Abordons-
le et, comme un véritable reporter^ accablons-le de
questions indiscrètes. A.u seul nom de sa ville na-
tale, il se redresse : « Nous sommes une ville libre, »
s'écrie-t-il. Puis, il ajoute d'une forte voix : « Nous
« sommes très-riches. — Et que faites-vous de tant
« d'argent? — Nous le prêtons. — N'est-ce pas
XXU l'HÉIACK.
(( bien imprudent? — Oli! nous exigeons de bons
« gages. — Et quels sont vos emprunteurs ? — Des
(( seigneurs et des chevaliers qui ont gaspillé les
« trois quarts de leur fortune et veulent perdre le
« reste. Oui, oui, l'on prête à Metz bien de I ar-
ec gent. » Là-dessus, notre gros bourgeois se ren-
gorge : «D'ailleurs, dit-il, on est très-aumônier
« chez nous. Venez, venez voir le nouvel hôpital
a que nous bâtissons. » Et il s'éloigne en sifïlant
ces autres vers de la Guerre des quatre rois : « La
gent de Metz est moult pitouse ; — Ele paist la
gent souffreteuse. » Mais le brave Messin n'a pas
tout dit sur ses concitoyens. Il n'a point parlé de
leur esprit pratique et un peu formaliste ; ni de leur
prudence en affaires, qui se concilie étrangement
avec leur amour pour les fêtes , les théâtres et le
plaisir ; ni surtout de leur très-profond amour pour
leur pays. Il n'a pas dit, — mais c'est notre devoir
de le dire en sa place, — que ce qui caractérise le
mieux les citoyens et la cité, c'est cette vitalité puis-
sante, avec cette fierté civique dont la Guerre des
quatre rois va tout à l'heure nous fournir tant
d'exemples; c'est cet entêtement de tout un peuple
à vouloir rester le seul maître de sa destinée ; c'est
enfin cette belle et opiniâtre fidélité à la mission
que Metz avait reçue de Dieu. Et cette mission con-
sistait à interposer entre la France et l'Allemagne
PUEtACK. xxm
une bande de terre indépendante, une nation virile
et forte ; elle consistait, en d'autres termes, à être
le boulevard français de la France.
La Guerre des quatre rois, que M. de Bouteiller
va raconter à nos lecteurs dans sa curieuse et vivante
Introduction , n'est qu'un épisode de cette longue
histoire. A dire le vrai et à bien pénétrer le fond
des choses, il semble que les Messins n'ont pas été,
en cette occasion, sans fournir quelque grief légitime
à leurs quatre ennemis. Emportés trop loin par leur
fierté patriotique, ils s'arrogeaient volontiers, dans
toutes les seigneuries voisines où ils acquéraient des
fiefs, le droit singulier de ne point acquitter les droits
seigneuriaux. De là ces colères et ces haines qui
éclatèrent en i'5'll^. 11 ne faudrait pas, d'ailleurs,
faire la part trop belle aux «quatre rois » : il est cer-
tain que deux d'entre eux (le comte de Bar et le
duc de Lorraine) étaient alors chargés de dettes, et
que leurs créanciers étaient Messins. Puis, celte cité
était si riche, si renommée, si belle; elle s'épanouis-
sait au soleil avec de si puissantes séductions ! On va
voir quelles furent les péripéties de cette lutte entre
des seigneurs trop avides et une ville qui fut par-
fois un peu trop fière. Malgré les prodiges de valeur
que les Messins accomplirent sous les murs de leui'
ville, malgré la beauté de leur résistance, il paraît
prouvé qu'ils durent, en fin de compte, faire droit
PREFACE.
aux justes réclamations de leurs puissants adver-
saires et s'engager à remplir désormais toutes leurs
obligations féodales dans les fiefs qu'ils possédaient
hors de Metz. Néanmoins, ils en arrivèrent à cet ad-
mirable résultat de ne pas laisser violer l'enceinte
de leur cité. L'ennemi n'y put pénétrer, et les Mes-
sins purent répéter fièrement le vers de notre'poëte :
Metz tout le pnls fait trembler.
MM. de Bouteiller et Bonnardot ont publié ce
vieux poëme avec la même ardeur et la même pa-
tience que s'il se fût agi d'une autre Chanson de
Roland. 11 est trop vrai cependant que cette chro-
nique rimée n'est pas un chef-d'œuvre. Mais c'est
si bonhomme et si fier; c'est si exact et si vivant!
— A M. de Bouteiller revient l'honneur d'avoir
eu la pensée de l'œuvre el d'en avoir conçu le
plan. C'est à lui qu'appartiennent encore l'Intro-
duction, les Notes historiques et la Traduction de
ce précieux document. M. Bonnardot a revisé le
Texte et est l'auteur des Notes philologiques, de la
Grammaire et du Glossaire : il y a fait preuve de
cette sagacité critique qui nous fait désirer si vive-
ment la publication de son Recueil des chartes fran-
çaises de Metz. M. Hurèl (un Messin) a dessiné de
son crayon le plus fin el gravé de son burin le plus
délicat les charmants ornements de ce livre, qui
PRÉFACE. XXV
sont tous empruntes aux manusci'its et aux monu-
ments figurés de sa cité natale. Tous s'accordent
pour dédier leur œuvre à la très-chère ville de Metz.
Et moi, je lui offre aussi ces quelques pages où
je voudrais avoir parlé en bons termes de sa gloire
passée. Hélas ! pourquoi prononcer le mot « gloire »?
Et n'est-ce pas plutôt le cas, en présentant à Metz
cette humble offrande, de lui appliquer ce vers d'un
poëte contemporain : « Ne trouvant qu'un tom-
« beau , je le couvre de fleurs. »
Léon GAUTIER.
INTRODUCTION.
'histoire de la guerre de
1824, bien que préparée par
ses contemporains au moyen
des docunienls les plus inté-
ressants, n'a pas, occupé dans
les Annales messines la place
qu'elle mérite d'y tenir. Cette
1 réflexion est permise alors
Bibi. de Metz, xivc ». ' qu'on cn cherche le récit dans
I deux ouvrages d'érudition classiques en ce qui
concerne Metz et la Lorraine, F histoire de cette
ville par les religieux Bénédictins, et la grande
histoire de Lorraine de dom Galmet. Le premier
de ces ouvrages, en effet, n'en offre qu'un ta-
bleau incomplet, décousu, à peine intelligible.
Cette œuvre, digne de tous les respects, et, sous
bien des rapports, pleine d'autorité comme tout
2 I-NTROOLCTION.
ce qui est l'œuvre de l'illustre Congrégation, est tout à
lait inférieure à elle-même dans les quelques pages
consacrées à ces événements. Les sources cependant
éiaient loin de faire défaut à ses auteurs. Mais il est
certain qu'ils n'en ont pas tiré le parti qu'on pouvait
en attendre, et que le précis de la guerre de 1824 res-
tait à écrire après eux. Ainsi, la révolte populaire, qui
forme un des actes les plus saisissants du drame, est à
peine l'objet d'une esquisse fort imparfaite et mal à
propos caractérisée par une prétendue trahison du
maitre-échevin. Quanta la paix finale qui remit toutes
choses à leur place, elle n'est même pas indiquée.
L'histoire de dom Calmet ne se recommande pas
davantage par la netteté du récit ; là encore la lumière
qui éclaire les événements sous leur jour vrai fait
presque entièrement défaut.
C'est cette raison qui justifie , aux yeux de l'auteur
de ce livre, les développements qu'il a cru devoir don-
ner à V Introduction qui va suivre. Si le récit, quelque
peu complet et méthodique, de ces événements exis-
tait quelque part, ailleurs que dans les fidèles et cu-
rieuses chroniques messines du temps, il eût été meil-
leur pour tout le monde que l'on put se contenter d'y
renvoyer le lecteur. Mais il a eu le regret de ne pas
trouver, sinon dans un ouvrage malheuleusement
resté inachevé et devenu fort rare (i), le tableau détaillé
de la guerre de 1824 tracé dans des conditions d'en-
(I) Metz depuis dix-huit siècles^ [tar Emile Begiii, 3 toi. gr. iii-8*>.
Meizj Verronnais, 1845;
liM'RODUCÏlON. 3
tière exactitude et de précision parfaite. Il lui a donc
fallu s'acquitter de cette tâche ; mais, en le faisant, il
a surtout cherché à laisser la parole aux chroniqueurs
contemporains et aux rédacteurs des pièces officielles
que les archives de Metz et des pays voisins ont heu-
reusement conservées. Il n'a donc fait qu'écrire son
récit sous la dictée de ces véridiques témoins des évé-
nements qu'il rapporte.
I.
Metz, jadis capitale du royaume d'Austrasie, puis
du royaume de Lorraine, avait été, après l'écroule-
ment de l'empire carlovingien, l'ohjet des convoitises,
successivement victorieuses, de la France et de la
Germanie. L'accord intervenu, en 980, entre le roi de
France Lothaire et l'empereur d'Allemagne Othon II,
la rattacha définitivement à cette dernière puissance.
On la vit dès lors, pendant deux siècles etdemi, main-
tenir contre l'autorité des empereurs, puis contre celle
de ses évêques, un état permanent de résistance armée,
et arriver enfin à se constituer à l'élat de cité libre et
impériale.
Cependant, dans plusieurs villes du voisinage^ l'au-
torité des prélats n'avait fait que s'affermir, et, soit
par les concessions des empereurs, soit par d'heu-
reuses et progressives usurpations, ils avaient fini par
devenir souverains. On peut se demander pourquoi
les évêques de Melz, animés d'une égale ambition^ en
4 INTRODUCTION.
possession d'une égale puissance, ne réussirent à relâ-
cher les liens qui unissaient la cité à l'empire que pour
se heurter à. une résistance nationale plus forte qu'eux,
alors surtout que reffacenicnt successif des grands
officiers impériaux, comtes et voués, semblait de-
voir si bien favoriser leurs prétentions à l'autorité su-
prême.
C'est que le peuple messin , dans le cœur duquel le
sentiment des franchises municipales n'avait pas cessé
de vivre avec une intensité singulière, et qui , de son
ancien litre de municipe romain, avait conservé, à tra-
vers toutes les transformations politiques, de précieux
privilèges, s'était mis résolument en travers de ces
prétentions. Après bien des années de luttes san-
glantes, de troubles intérieurs, de succès et de dé-
faites, c'est le pouvoir municipal qui reste le maître.
Dès le premier quart du \if siècle, en effet, les Mes-
sins ont un maître-échevin auquel ils obéissent : une
habile évolution, tentée par l'évoque Pertram, ne fait
que retarder un peu le jour de l'affranchissement
complet.
Vers le milieu du xiii® siècle le but est atteint, la
cité est libre et autonome , sous l'autorité de droit
de l'empereur. L'évêque n'est plus désormais que le
chef d'une religion auguste , qu'entourent tous les
respects sur le terrain spirituel, mais à la condition
qu'il n'en sortira pas. Il conserve cependant certains
droits, faibles restes de l'autorité de fait qui a été
entre ses mains. La monnaie est à lui, il donne l'in-
INTRODUCTION.
vestiture aux magistrats chargés de rendre la justice ;
mais il a transporté à \ ic le siège de sa souveraineté
temporelle. Il n'a plus aucune part dans le gouverne-
ment de la cité, et les Messins, en possession d'une
constitution oligarchique basée sur l'élection , peuvent
se dire le peuple le plus vraiment libre et indépen-
dant qui soit au monde.
La sagesse avec laquelle leur code politique a été
conçu, la prudence qui en a fait écarter les dangers de
l'élection populaire, leur gravité naturelle, leur équité
proverbiale, leur absence d'ambition , ajoutent à cette
précieuse liberté toutes les garanties dont elle a besoin
pour ne pas tomber dans la licence et dégénérer en
une fatale anarchie.
Seulement, ils sont isolés, et entourés de voisins
aussi ambitieux que cupides, et là réside pour eux le
danger. Il faut que la cité se suffise à elle-même :
c'est à ce prix qu'elle a obtenu des empereurs son
affranchissement des charges communes. Mais elle
est à la hauteur d'une situation qui exige autant de
vigilance que d'énergie : au moyen de ses fortes mu-
railles, d'une organisation militaire puissante dans sa
simplicité , d'une diplomatie habile et féconde en res-
sources, elle parvient à se soustraire jusqu'à la fin aux
périls que d'ardentes convoitises, celles des ducs de
Lorraine surtout, ne cessent de lui susciter.
Administrée avec une rare sagesse et un patrio-
tisme éclairé , cette cité a sa force principale dans sa
bourgeoisie, classe dirigeante par droit héréditaire.
0 INTRODUCTION.
dont la subdivision en paraîges^ ou associations poli-
tiques permanentes, donne à son histoire un cachet
particuhèrement original et intéressant (i). Ces asso-
ciations, rattachées par un lien commun, ont fmi, dès
les dernières années du xiii* siècle, par absorber en
elles toutes les forces actives de la cité. Tous les em-
plois administratifs leur sont réservés. Elles peuvent
dire en toute vérité : « L'Etat, c'est nous. »
Mais ce n'est pas encore assez pour celte bourgeoi-
sie messine que d'associer la possession du pouvoir civil
au commandement militaire des forces de la cité : elle
sait encore y joindre la pratique d'opérations de ban-
que, d'affaires commerciales, de créations industrielles,
à la faveur desquelles sa situation de fortune prend
un prodigieux essor. On reste étonné de la facilité
avec laquelle s'ouvrent les coffres de ses opulents bour-
geois, toutes les fois qu'un grand personnage du voi-
sinage, duc, évêque ou comte, a des besoins extraor-
dinaires. Des sommes, énormes pour l'époque, en
sortent en échange de garanties mobilières ou terri-
toriales.
Prenons un seul exemple : Edouard de Bar a besoin
de payer sa rançon en i3i5. Il trouve chez une bour-
geoise de Metz, dame Poince, femme de Nicolas de
la Court, à emprunter 19,000 livres de bons petits
tournois et 1 12 sols d'or en pour la sûreté desquels il
engage plusieurs seigneuries.
(1) Voir l'exceUent ouvrage de M. Aug. Prost, intitulé le Patrlcïal
dans la cité de Metz (l vol. in-S», Paris, 1873).
INTRODUCTION. 7
Le renom proverbial de Metz la Riche allait chaque
jour grandissant. Mais la richesse entraîne souvent à
sa suite la recherche des satisfactions de la vanité, et
les Messins n'échappent pas au désir de s'élever dans
la hiérarchie sociale, A partir du moment où , entrant
dans cette voie , ils délaissent les principes démocra-
tiques qui avaient présidé à l'établissement de la ré-
publique , le besoin de tenir des fiefs et des terres
nobles et d'avoir des châteaux se généralise rapide-
ment parmi eux. Tous les domaines du territoire de
la cité ne tardent pas à être possédés à titre de francs-
alleux, et, chose beaucoup plus grave, on voit un
grand nombre de Messins acquérir des fiefs dans les
principautés avoisinantes , le plus souvent sans l'auto-
risation du suzerain, et avec la prétention de ne pas
s'acquitter du service dû par les feudataires , leur
titre de citoyens de Metz devant, dans leur convic-
tion, les affranchir de toute obligation à cet égard.
II y eut là une source de sérieuses difficultés qui
ne furent pas étrangères aux événements que nous
verrons se dérouler.
Du reste, au moment où se préparait contre la cité
de Metz le plus violent orage qui eût encore grondé
contre elle , elle voyait fonctionner, selon leur jeu le
plus régulier, le»itislitutions qu'elle s'était données et
grandir de jour en jour sa prospérité. Plus d'une fois
elle avait eu à tirer l'épée dans des querelles assez sé-
rieuses contre son évêque , contre le duc de Lorraine
ou le comte de Bar; mais ^lle était toujours sortie avec
INTRODUCTION.
gloire de ces épreuves. Aussi, convaincue que l'union
tle ses citoyens et la solide organisation de son gouver-
nement lui donnaient une force supérieure à tous les
mauvais vouloirs du dehors, elle marquait sa confiance
en elle-même par cette fière devise, qui existe encore
aujourd'hui gravée au-dessus de la porte Sainte-
Barbe :
2lt)0n6-n0U6 paijf ^f^ane, nom
auoiiô paix î>fl)c»V6.
Mais l'application du principe d'association allait
lui faire connaître de nouveaux périls, et ce n'était
pas trop, pour leur faire face, de tout ce qu'il y avait
en elle de ressources et de patriotisme.
II.
Il faut mettre maintenant en scène les redoutables
ennemis qui se préparaient, en i324, à lever contre
Metz l'étendard de la guerre; guerre qui, en raison de
leur nombre et de la dignité de l'un d'entre eux, a été
appelée, dans les chroniques, la Guerre des quatre rois.
Un seul en réalité, Jean de Luxembourg, portait la
couronne royale de Bohême; le second, Baudoin,
était archevêque de Trêves ; les deux autres étaient
Ferry IV, duc de Lorraine, et Edouard P', comte de
Bar. Nous aurons ensuite à faire connaître sommai-
rement la situation générale du pays et à démêler
INTRODUCTION. 9
les motifs de la guerre, tant clans les questions tou-
chant à la politique que dans celles où l'intérêt per-
sonnel était surtout en jeu.
Jean de Luxenibouifr était fils du comte Henri IV
o
de Luxembourg, empereur en i3o8 et mort en i3i3,
grand homme de guerre et grand homme de bien.
Son mariage avec Elisabeth, fille de Wenceslas, roi
de Bohême, lui avait donné, dès sa première jeunesse,
la couronne de ce royaume. Il avait moatré, dans
Texercice d'une autorité souveraine vivement disputée,
d'éminentes qualités comme prince et comme cheva-
lier. Ces mêmes qualités, il les avait fait voir dans la
longue et sanglante querelle de la double élection à
l'Empire. Les droits de Louis de Bavière n'avaient pas
eu de plus vaillant défenseur. Depuis peu , dégagé des
grands soins de ces affaires, il venait de terminer, avec
le comte de Namur, une querelle très-vive contre l'évè-
que de Liège, et enfin, dégoûté par les difficultés renais-
santes qu'il rencontrait en Bohême, il semblait résolu
à se tenir surtout dans ses Etats héréditaires et à
se consacrer à leur prospérité. Or, quelle idée plus
naturelle pouvait venir à ce prince belliqueux et habi-
tué aux grandes choses, que de chercher à agrandir
ses domaines et à faire du Luxembourg un Etat plus
important par son étendue et ses richesses?
Baudoin de Luxembourg, archevêque de Trêves,
oncle du roi Jean, avait été appelé, en i3o8, à peine
âgé de vingt-trois ans, à succédera Dielher de Nassau,
sur le siège épiscopal de cette illustre Eglise. Uni à
10 INTRODUCTION.
son frère et à son neveu par la plus tendre et la plus
fidèle amitié, il avait pris une part très-active aux
événements tumultueux qui avaient rempli le règne
de Henri VII et suivi la mort de ce prince. Il joua
un rôle doublement considérable dans ces graves con-
flits, et, vaillant homme de guerre autant que profond
politique, rendit de signalés services à ceux dont il
avait embrassé la cause. On pouvait être assuré que
tout projet favorable aux intérêts de son neveu et à la
gloire de sa maison trouverait en lui un énergique et
constant appui. Son alliance avec le roi Jean n'était
donc que la conséquence naturelle des sentiments qu'ils
avaient l'un pour l'autre.
Quant à Ferry IV, successeur, en i3ia, de son père,
Tliiébaut II, sur le trône ducal de Lorraine, il aimait
la guerre pour la guerre, avec cette humeur aventu-
reuse héréditaire dans sa glorieuse maison. Ce n'é-
tait pas pour rien qu'il avait gagné le surnom de
Luitteur. Epoux d'Isabelle d'Autriche, fille de l'em-
pereur Albert, il avait, après plusieurs guerres locales
sans grande importance, pris une part sérieuse à celle
des deux empereurs. Mais, vaincu et fait prisonnier, il
n'avait recouvré la liberté qu'au prix de 4>ooo livres
de rançon : un emprunt aux caisses messines lui avait
permis de les payer sans retard.
Il était dans la force de l'âge et plein de cette ar-
deur guerrière qui devait, trois ans plus tard, l'emme-
ner sur le champ de bataille de Cassel pour y trouver
une mort glorieuse sous les étendards de la France.
INTRODUCTION. U
Le comte Edouard de Bar avait été, bien jeune en-
core, mis en possession du comté par suite de la capti-
vité de son père Henri III, et de son départ pour
l'expédition forcée d'outre-mer, où il trouva la mort
en i3o2. Il avait eu pour régent de ses Etats son
oncle , Renaud de Bar, évêque de Metz ; entré à sa
suite dans une querelle avec le duc de Lorraine, il
avait été battu et pris sous les murs de Frouard, en
1809. Il n'était sorti de captivité qu'après quatre Ion-
gués années et aux conditions les plus rigoureuses, de
sorte que sa situation financière était des plus embar-
rassées; depuis cette époque, il comptait à Metz de
nombreux créanciers et par cela même plusieurs feu-
dataires , mis par lui en possession de seigneuries à
titre d'engagères , en échange des services d'argent
qu'ils lui avaient rendus.
Quelques difficultés avec l'évêque de Verdun , qui
avaient eu pour conséquences la prise de Dieulouard
et la collation au comte de Bar des droits de protec-
teur de l'évêché de Verdun ; une guerre contre le
Luxembourg, pour laquelle il avait acheté très-cher la
neutralité du duc Ferry, avaient rempli ses précé-
dentes années. Esprit inquiet et remuant, peu heu-
reux dans ses entreprises, très-préoccupé de la ques-
tion financière et à la recherche des moyens de la ré-
soudre, Edouard devait voir surtout, en entrant dans
une association contre la cité, un moyen de payer ses
dettes sans bourse délier. Dans sa position, il ne pou-
vait pas résister à l'attrait d'une telle perspective.
12 INTRODUCTION.
Il est cependant des historiens qui ont cherché dans
une cause politique d'intérêt général le point de dé-
part des mauvaises dispositions des princes contre
Metz. Ils les ont attribuées à l'égoïste indifférence
avec laquelle les Messins s'étaient tenus désintéressés
de l'élection au trône impérial.
L'Empire, nous l'avons dit, venait en effet d'être
troublé profondément par le choix du successeur de
l'empereur Henri VII. Un certain nombre d'électeuis
avaient élu Frédéric d'Autriche, les autres Louis de
Bavière, et chacun des deux partis affirmait la validité
de l'élection et la soutenait par la force des armes.
L'Allemagne s'était divisée en deux camps, chaque Etat
se déclarant pour l'un ou pour l'autre des deux préten-
dants, et pendant plusieurs années le sang avait coulé
abondamment sans que la question fût résolue. Enfin,
Frédéric d'Autriche ayant, en i322, envahi les Etats de
son concurrent avec une armée considérable , une ba-
taille sanglante et longtemps disputée s'était engagée à
Muhldorf, et avait fini par la défaite et la prise du
prince autrichien.
Ce succès avait affermi définitivement l'autorité de
Louis de Bavière. Réconcilié avec la plupart de ses
anciens adversaires , il était allé à Milan recevoir la
couronne de fer et à Rome la couronne impériale,
malgré la violente opposition du pape Jean XXII.
Pendant cette période orageuse, les princes de la
maison de Luxembourg étaient constamment restés ses
dévoués auxiliaires. On les avait vus mettre en œuvre
INTRODUCTION. 13
toutes les ressources de la guerre et celles de la poli-
tique, pour assurer le pouvoir à celui au parti duquel
ils s'étaient attachés. C'est ainsi qu'ils avaient envoyé
aux Messins des lettres collectives très-pressantes pour
les inviter à se déclarer en faveur de Louis et à le sou-
tenir par les armes. Mais les liens qui unissaient la cité
à l'Empire n'étaient pas assez étroits pour que, sortant
de sa prudente réserve, elle se décidât à prendre cou-
leur dans une affaire qui ne l'intéressait que si indi-
rectement. Elle avait donc repoussé l'alliance qui lui
était offerte et refusé les secours qui lui étaient deman-
dés, fort résolue à montrer, à l'égard de Frédéric d'Au-
triche, une indifférence toute pareille. Les démarches
tentées dans le sens de ce prétendant par le duc Ferry
de Lorraine, très-chaudement attaché au parti de son
beau-frère, n'avaient pas, en effet, obtenu un meil-
leur succès.
On reconnaîtra qu'il faut tenir compte des senti-
ments opposés du duc de Lorraine et des princes de
Luxembourg dans la question impériale, pour appré-
cier la part qu'elle put avoir dans les causes détermi-
nantes de la guerre. Non, l'on ne doit pas, en les ana-
lysant, donner une trop grande place à la politique
proprement dite. Pour être dans le vrai , il y a lieu de
compter le désir d'agrandir ses domaines, d'ajouter de
nouveaux fleurons à sa couronne, de donner un plus
vif éclat à la gloire de sa maison; celui de trouver un
moyen de s'affranchir de dettes trop lourdes ; en un
mot, ambition, convoitise et mauvaise foi, alliées à
Ift INTRODUCTION.
l'amour de la gloire militaire, tels sont les vrais et les
seuls mobiles auxquels obéissaient les ennemis de la
cité.
On voit que nous n'hésitons pas à donner aux citains
de Metz une situation inattaquable au point de vue
du droit strict ; mais une simple translation de quel-
ques lignes d'une chronique contemporaine montrera
avec quelle roideur orgueilleuse et hautaine ils se te-
naient sur le terrain de ce droit, n'évitant rien de ce qui
était de nature à exciter autour d'eux la jalousie < t la
cupidité.
« Cette cité de Metz (i) jouissait alors d'une telle
renommée et d'une telle puissance que les gens des
pays voisins, clercs, gentilshommes, bourgeois, mar-
chands, pauvres et riches, venaient à l'envi y établii-
leur résidence, et que toutes espèces de produits y
abondaient, à cause de la grande franchise et liberté
qu'elle offrait à ses habitants. Et, comme ces visiteurs
y rencontraient bon accueil et protection assurée, et
que, s'ils y amenaient des denrées de diverse nature,
ils trouvaient à les vendre avantageusement, ils y re-
venaient et d'autres avec eux. Si quelque prince ou
seigneur du voisinage, et même de plus loin, avait be-
soin d'or ou d'argent, il en trouvait à l'hôtel des
changes, où les bourgeois tenaient leur banque, contre
des gages convenables, terres ou seigneuries, ou des
obligations et reconnaissances qu'on déposait dans les
(1) Chron. Praillon^ sOus l'an 1324. — Huguenini Cl&on. mess.,
1). 39.
INTRODUCTION. 15
arches des amans (i). Et lorsque les emprunteurs
manquaient à leurs engagements, les terres étaient sai-
sies et les gages confisqués. Il en résultait bien que
les grandes richesses des Messins les rendaient l'objet
de la crainte et de l'envie de la plupart de leurs voi-
sins ; mais il n'y avait pas de prince qui osât les atta-
quer.
« Cependant presque tous étaient sous la dépen-
dance de la cité et eussent bien voulu s'en affranchir.
Souvent il était difficile d'obtenir le payement des
dettes contractées par eux. Il fallait formuler des ré-
clamations, puis des sommations, saisir les débiteurs
inexacts, tenir des journées amiables aux marches
d^Estault des différents pays. Mais toujours force
restait à la loi, et lorsque le gage avait été saisi et
que l'emprunteur avait subi quelques dommages par
suite de confiscation ou d'emprisonnement, les Mes-
sins déclaraient avoir eu, de toute ancienneté, le droit
de garder les gages sans en rien restituer, une fois
que les sommations et proclamations légales avaient
été exécutées. Il en résultait de fréquentes difficul-
tés, où les frais et dépens n'étaient épargnés à per-
sonne. »
En ce moment, par suite des guerres nombreuses
qui s'étaient faites pendant les dernières années, alors
que Metz, au contraire, jouissait des bienfaits de la
paix , les princes et seigneurs du voisinage avaient
(1) Notaires publics, d'un ordre élevé, dont l'inslilution était spé-
ciale à Metz.
,6 INTRODUCTION.
dans la cité un passif des plus considérables. Le eonite
de Bar et le duc de Lorraine étaient, nous l'avons dit,
à \a tête de ses débiteurs. A leur suite venaient, dans
la même situation de dettes contractées et d'iiypothè-
ques prises, la plupart des seigneurs, grands et petits,
qui relevaient de leur puissance. • Or, continue le
clironiqueur, comme il arrive souvent que ceux qui
doivent et n'ont pas bonne volonté de payer ciierchent
des ruses et des finesses pour éluder leurs engage-
ments et se sentent pleins de rancune et de mauvais
vouloir pour leurs créanciers, au point d'en venir à les
haïr mortellement, les citains de Metz trouvèrent de
tels sentiments chez ceux aux nécessités desquels ils
avaient subvenu avec tant de générosité et de con-
fiance. «
Il est permis ici de faire remarquer que des créan-
ciers rigoureux comme l'étaient les prêteurs de Metz
ne tiennent généralement que fort peu de compte de
la reconnaissance de leurs débiteurs. Il n'y a qu'à se
mettre en face des procédés plus que sévères dont le
tableau, esquissé dans la chronique en prose, est déve-
loppé avec une sorte de complaisance dans le Poème
de la Guerre^ pour réduire à ses proportions vraies la
dette morale qui pouvait être contractée envers les
Messins par surcroît de la dette financière.
Ce qui rendait véritablement redoutables les exécu-
tions de la justice messine et partait, il' faut l'avouer,
d'un admirable sentiment de communauté et de soli-
darité, c'est que la cité elle-même se chargeait, avec
INTRODUCTION. 17
toute sa puissance, do faire valoir les droits du moin-
dre de ses citoyens. Seulement il y avait une sorte de
code conventionnel auquel les intéressés devaient se
conformer. Il leur était interdit de se faire justice eux-
mêmes. 11 leur était également interdit de détruire les
gages par le feu. Condition intelligente et pratique,
plus encore que partant d'un sentiment généreux.
11 est aisé de comprendre dans quel but ces principes
avaient été établis par l'oligarchie des paraiges, à la
fois en possession d'une grande partie de la fortune
publique et de tous les pouvoirs de l'Etat. De telles
mesures étaient des plus favorables à ses intérêts par-
ticuliers.
Pour montrer, par l'exemple de faits absolument
voisins de ceux que nous avons à raconter, comment
les choses se passaient, prenons Tannée i323.
Là paix profonde à l'abri de laquelle croissait la
prospérité publique n'avait pas été troublée. Il ne s'était
produit que quelques légers incidents relatifs à des
questions toutes personnelles. Le sire Gobert d'Apre-
mont avait opéré une saisie sur un citoyen de Metz,
Jehan le Truan. Simon de Monder avait commis une
injustice envers Simon de Volmerange, un des fidèles
amis de la cité; enfin le sire Jacques Grongnai, che-
valier messin des plus illustres , avait à se plaindre de
ce que les fils de Herbert de Méraumont eussent pris
possession d'un village sur lequel il prétendait avoir
des droits.
Le gouvernement de la cité, pour mettre fin à ces
2
18 INTRODUCTION.
difficultés, nomma une commission de sept nicmbresi
à laquelle il donna les pouvoirs les plus étendus. Elle
fut chargée de prendre toutes les mesures nécessaires
pour maintenir les droits méconnus, et eut à sa dis-
position , dans ce but, toutes les forces de la cité,
«grandes et petites, à cloche sonnant ». On com-
prend que la lourde intervention de toute la puissance
de l'État pour le règlement d'une querelle particulière
donnait aux Messins un poids singulier et assurait un
facile succès à leurs prétentions. Mais, si de tels pro-
cédés étaient de nature à les faire redouter, de là à les
faire aimer il y avait une grande distance.
Disons maintenant quelle était la situation inté-
rieure de la cité de Metz et quels personnages prési-
daient alors à Tadministration de ses intérêts. La paix
intérieure n'avait pas été troublée depuis le soulève-
ment de 1283, où la classe populaire avait cherché à
se mettre violemment en possession de quelques droits
politiques. Les esprits conservaient bien sans doute
une certaine tendance à chercher dans l'emploi de la
force ouverte une moins inégale distribution des char-
ges et des privilèges ; mais la surface restait calme et
le gouvernement des paraiges obtenait une obéissance
sans conteste.
Quelques année? auparavant, en i3i 5, d'effroyables
calamités s'étaient déchaînées sur la Lorraine et les
pays adjacents. Une terrible famine, causée par des per-
turbations atmosphériques désastreuses, avait amené
à sa suite des maladies épidémiques et une mortalité
INTRODUCTION. 19
effrayante. Mais il avait suffi de quelques bonnes ré-
coltes pour cicatriser ces plaies, malheureusement trop
fréquentes au moyen âge. A ces épreuves en avait suc-
cédé une autre : un violent incendie était venu détruire
deux rues entières, celles de Fournirue et de Saulnerie.
Cette calamité n'avait pas non plus entravé Tessor
d'une prospérité prompte à se rétablir. Sous l'action
d'une autorité aussi vigilante que vigoureuse, Met/
était rentrée sans retard en possession de sa puissante
vitalité.
Son administration, composée, à son sommet, d'un
maître-échevin, élu tous les ans, à tour de rôle, dans
chacun des paraiges, et de plusieurs conseils électifs,
donnait l'exemple du plus intelligent dévouement aux
intérêts publics. Le maître-échevin en exercice depuis
le 2 5 mars i'di4 était messire Geoffroy Grongnat, du
paraige de Porte-Moselle. Il appartenait à une famille
entrée depuis peu de temps dans la classe dirigeante,
mais déjà en possession d'une grande fortune et d'une
haute influence. 11 était fils de Jean Grongnat, aman
de Saiut-Ferroy, et frère de Jacques Grongnat, cheva^
lier de Jérusalem, l'un des plus vaillants défenseurs de
la cité.
Autour de lui se groupaient, dans le conseil des
échevins du Palais et dans celui des Treize^ les mem-
bres les plus éminents de cette patriotique aristocratie
paraigienne, alors dans tout l'éclat de sa puissance. On
y comptait des personnages tels que Jacques de Rai-
gecourt, seigneur de Jouy ; Henry Roucel, seigneur
20 INTRODUCTION.
de Champel, et ses deux fils, Henry et Collignon; Jean
de la Court, Arnould Baudoche, Thiébaut de Heu,
seigneur d'Eunery, et son fils Perrin. Lft noble fa-
mille des Gournay, plus respectée encore pour ses ser-
vices que pour sa grande situation, y comptait quatre
de ses membres : Poince, Simon, Jean et Thiébaut.
La plupart de ces seigneurs étaient honorés du titre
de chevalier et plusieurs avaient occupé la suprême
magistrature de la république. A côté d'eux, se voyaient
des Le Maire, des De Laitre, des Ruece , des Xaviu,
des Ghielairon, des Le Hungre, en un mot tout ce qu'il
V avait à Met/ d'hommes de valeur par le mérite, la
fortune et la noblesse.
C'est que les seigneurs de la cité ne connaissaient
pas les paisibles jouissances de la richesse et les loisirs
d'une vie facile et désœuvrée. Dès leur première jeu-
nesse, appelés par les privilèges de la naissance à
servir leur pays, c'était à bien remplir ce devoir qu'ils
attachaient avant tout l'honneur de leur vie. C'était pour
mieux défendre la cité contre ses ennemis qu'ils fai-
saient l'apprentissage du métier des armes ; c'était pour
la mieux honorer qu'ils allaient conquérir au loin, et
jusque dans les plaines de l'Orient, les titres glorieux
de chevaliers de Jérusalem et de Constantinople. C'était
à l'administration des intérêts de tous que la meilleure
part de leur intelligence était consacrée. Le soin de
leurs affaires personnelles, si bien dirigées qu'elles
fussent, ne venait qu'en second ordre.
Tels étaient les principes dans le respect desquels
INTRODDCTION. 21
ils étaient élevés et dans la pratique desquels s'écou-
lait leur existence. Ni la constitution de la cité, ni
Topinion publique n'auraient, du reste, souffert que,
se soustrayant à ces nobles obligations, aucun d'eux
donnât à ses concitoyens l'exemple d'une vie inutile
et d'une égoïste paresse. Ils étaient en possession de
tous les droits, mais ils se le faisaient pardonner en
sachant remplir tous les devoirs.
Nous parlerons plus au long de l'évêque de Metz,
Henri Dauphin.
Les Messins n'étaient plus, il est vrai, unis au chef
de leur Eglise par d'autres liens que ceux de sa supré-
matie spirituelle, et ceux-là ils savaient généralement
les respecter. Mais telle était la connexité des affaires
qui intervenaient incessamment entre le pouvoir civil
et la puissance épiscopale, qu'il y avait pour eux un
intérêt considérable à voir à la tête du diocèse un prélat
bienveillant et animé du pur amour des âmes dont la
charge lui était confiée. Or tel n'était pas celui entre
les mains duquel le pape Jean XXII avait, depuis
i3i8, placé le bâton pastoral de saint Clément.
Après la mort de Renaud de Bar, dont l'hostilité
des ducs de Lorraine avait troublé l'épiscopat, le sou-
verain pontife avait choisi pour lui succéder, à la
suite d'une vacance de deux ans, un personnage qui
n'avait aucune des qualités non plus qu'aucun des
goûts nécessaires à un dignitaire de l'Église.
Nous avons nommé Henri de la Tour, second fils de
Humbert, dauphin de Viennois. Ce ne fut, du reste, que
22 INTRODUCTION.
malgré lui que ce prince accepta l'évéché de MeU, et
même à la condition d'obtenir la dispense de recevoir
les ordres mineurs, en même temps que celle de rési-
der dans son diocèse. 11 ne dissimulait, du reste, au-
cunement sa ferme résolution de quitter au plus tôt le
titre que lui imposait la volonté du souverain pontife,
pour mener une existence plus conforme aux entraîne-
ments de sa nature belliqueuse.
Mis en possession des dispenses qu'il sollicitait, il
vint se faire installer dans sa dignité, mais, durant le
cours de son épiscopat de six années, ne fit à Metz que
de rares et courtes apparitions, ayant pour but unique
d'en rapporter le plus d'argent possible.
Régent et gouverneur du Dauphiné pendant la mi-
norité de son neveu Guignes II, exclusivement occupé
des guerres qu'il avait à soutenir, il laissa l'adminis-
tration temporelle de son évêché à trois Daupliinois
qu'il avait amenés avec lui : Amblard de Beaumont,
Guy de Grolée et André de Grenoble. Quant à l'ad-
ministration spirituelle, on peut penser qu'il s'y mon-
tra absolument indifférent. Le soin en était confié à
Pierre de Beaufremorit , chancelier de l'évéché ; à
Jean de Raigecourt, contre de la cathédrale, et à Ber-
thaud, officiai du diocèse, revêtus du titre de vicaires
généraux.
Le choix fait par le souverain pontife de Henri de
la Tour, pour occuper le siège de Metz, n'avait
donné satisfaction à aucun des puissants voisins de la
cité, dont les préférences favorisaient d'autres candi-
INTRODUCTION. 25
dats. Philippe de Bayon, archidiacre de Sarrehourg,
avait été vivement appuyé auprès du saint -siège par le
comte de Bar, et le duc de Lorraine avait soutenu de
même les prétentions de Pierre de Sierck, archidiacre
de Marsal, frère du dernier évêque de Toul. C'était,
du reste, sur ce dernier que s'étaient portées les voix
de la pluralité des membres du chapitre, et son élec-
tion était régulière et conforme aux droits de l'Eglise
de Metz.
Mais, en dépit de l'antique privilège qui, en principe
seulement, conservait toute sa vigueur, le pape avait
invalidé l'élection et adopté un autre candidat pour lui
conférer la dignité èpiscopale.
Cependant l'insuccès des efforts du duc Ferry, en
faveur de son protégé, ne le rendit pas hostile envers
celui qui avait obtenu la préférence, car un des premiers
actes de Henri Dauphin, lorsqu'il eut pris possession
de la puissance èpiscopale, fut de conclure avec lui
un traité d'alliance offensive et défensive duquel
étaient seulement exceptés le roi de France, l'empe-
reur et la cité de Metz (22 juin i32o).
L'administration èpiscopale de Henri Dauphin ne
fut qu'une série d'actes d'emprunts et d'engagements.
C'est ainsi que, le 3i décembre 1822, il empruntait
à sire Jacques Grongnat, chevalier, une somme de
4,000 livres de bons petits tournois et lui donnait
pour gages les seigneuries d'Argancy, Olgy, Antilly et
Rupigny; que, le i4 février i323,il engageait à Edouard
de Bar le château de Condé-sur-Moselle, en échange
24 INTRODLCTION.
(le 6,000 livres... En somme, lorsqu'il quitta révê-
clié il r avait grevé de plus de 200,000 florins de
dettes.
Tel était le prélat, type tout à fait exceptionnel dans
la série des illustres évêques de Metz, qui ne devait
pas tarder, lui aussi, à prendre rang parmi les ennemis
de la cité. Les sujets de mécontentement contre elle, il
faut le dire du reste, ne lui faisaient pas défaut, non
plus qu'à la plupart de ses récents prédécesseurs.
III.
Convoqués officiellement par le roi Jean à se réunir
à Thionville, vers le milieu d'août, les trois autres
princes furent fidèles au rendez-vous.
Si nous mettons à part rarclievêque de Trêves, les
rapports réciproques des princes qu'un commun sen-
timent d'hostilité réunissait contre Metz n'avaient pas
toujours été marqués au coin de l'amitié et du bon
accord. Jean de Bohême et le duc de Lorraine, Fer-
ry IV, bien peu auparavant , combattaient clans des
camps opposés pendant la longue guerre de l'élection
impériale. On sait avec quel dévouement Jean ser-
vait la cause de Louis de Bavière, et, quant au duc
Ferry, il apportait une égale ardeur à défendre la
cause du prétendant autrichien, son beau- frère. Resté
prisonnier à la bataille de Muhldorf , il n'avait dû la
liberté qu'à l'intervention du roi de France Charles IV
INTRODUCTION. »
et à une, riche rançon dont les caisses messines avaient,
nous l'avons dit, fait les principaux frais.
Vis-à-vis du roi Jean, le comte Edouard de Bar,
n'était pas non plus retenu par l'attrait d'une fidèle
et invariable alliance. En i322, une guerre s'était
engagée entre ces deux princes, au sujet de la garde
de révêché de Verdun, et, pour s'assurer la neutra-
lité du duc Ferry, dont il redoutait la malveil-
lance, le comte de Bar avait dû lui faire hommage des
châteaux de l' Avant-Garde, Pierrefort, Sommedieue
et Bouconville. L'arbitrage du roi de France avait , le
23 mai i323, mis fin à ces démêlés, et la promesse de
l'union future de l'héritier du comté avec Béatrix, fille
du roi de Bohême, avait été le gage de la paix.
Quant au duc de Lorraine, le comte de Bar trou-
vait des souvenirs bien autrement pénibles dans ses
relations avec lui. N'était-ce pas contre la Lorraine
qu'il avait eu l'imprudence de prendre le parti de son
oncle Renaud de Bar, douze ans auparavant, et la
défaite subie par lui sous le château de Frouard ne
lui avait-elle pas ouvert les portes d'une prison où il
était resté quatre longues années ? Encore n'en était-il
sorti que grâce à l'intervention du roi de Navarre, fils
du roi de France, et à des conditions cruellement ri-
goureuses. Sa rançon , en effet , avait été fixée à
90,000 livres, dont 20,000 payées comptant et le reste
hypothéqué sur les plus belles châtellenies de son do-
maine.
Quoi qu'il en fût de tous ces précédents hostiles, la
20 INTRODUCTION.
commune animosité des princes contre la cité de Melz
et la commune espérance des grands avantages qu'ils
devaient retirer d'une guerre contre elle avaient effacé
le souvenir des luttes passées et établi entre eux la
plus parfaite union.
Ils se communiquèrent leurs sujets de mécontente-
ment contre les Messins, les trouvèrent parfaitement
valables et se mirent d'accord pour proclamer la réso-
lution de leur faire la guerre, « de prendre et subju-
guer la cité de Metz, abattre ses murailles, la livrer au
pillage et la soumettre à leur autorité, partagée en
quatre parts égales » .
Ce point principal une fois établi, ils se réunirent
de nouveau, le a3 août, à Remich, petite ville luxem-
bourgeoise située sur la rive droite de la Moselle. Là
ils formulèrent solennellement et par écrit les con-
ditions de leur alliance. Les motifs de l'agression sont
résumés en termes vagues dans cette pbrase : « pour les
griefz et oppressions que li citains et habitans de la ville
de Mez ont fait et font à nous et à nos gens de jour en
jour «. Puis viennent leurs engagements réciproques :
ils promettent de tenir sur pied, pendant toute la durée
de la guerre, le roi sept cents bommes d'armes à che-
val, l'archevêque trois cents, le duc et le comte cinq
cents chacun, avec un nombre proportionné de gens de
pied. Ils s'engagent à être eux-mêmes à la tête de
leurs troupes et à ne pas faire la paix sans le consente-
ment les uns des autres. C'est au roi Jean qu'est confié
le commandement suprême.
INTRODUCTION. 27
Ce traité rédigé et signé, ils firent chanter une messe
solennelle pour appeler sur leur entreprise les béné-
dictions divines, et donnèrent sans plus attendre tous
les ordres nécessaires pour que les troupes fussent
levées et les approvisionnements réunis sans délai.
Quant à prévenir les Messins de leurs intentions à
leur sujet, ils convinrent de ne le faire que plus tard.
Ils suspendirent donc jusqu'au dernier moment l'en-
voi des lettres de défi sans lesquelles une guerre n'a-
vait pas de caractère légal et se réduisait à un véritable
brigandage.
Cependant le bruit de l'alliance qui venait de se
conclure parvint jusqu'à Metz et y excita une légitime
émotion. Les Messins étaient éminemment formalistes.
Il était parmi eux d'usage traditionnel que, dans toutes
les querelles qui menaçaient de s'élever entre la cité et
quelque puissance voisine, les choses n'en arrivassent
jamais à une rupture ouverte et définitive, sans que
des explications courtoises eussent été échangées
entre les parties intéressées. La prudence et l'esprit
de justice, double caractère par lequel se faisaient re-
marquer les Messins , leur en avaient fait de tout
temps une loi. Les lieux où se passaient ces essais de
conciliation préliminaire, nommés Aes journées amia-
bles^ étaient fixés par l'usage et par les traités. Ces
marches (VEstaidt (tel était le nom qu'on leur don-
nait) étaient au nombre de onze, généralement placées
sur la frontière même qui séparait le territoire de la
cité de celui de l'autre puissance.
28 INTRODUCTION.
La juste prétention des Messins était que l'on épui-
sât, avant d'arriver à une rupture, la série des forma-
lités pacifiques jusqu'alors en usage; mais leur préten-
tion plus juste encore était de savoir, avant tout, ce
qu'ils avaient à redouter, et quels griefs on avait à
leur opposer.
Les magistrats, pour éclaircir ces doutes mêlés d'an-
goisses, écrivirent aux princes des lettres envoyées par
des messagers chargés de rapporter la réponse. Ils
disaient : « que le bruit public leur attribuait l'inten-
tion de faire la guerre à la cité ; mais que les Messins
ne pouvaient croire à la réalité de ce bruit, ne voyant
aucune raison pour qu'il fût fondé, et n'ayant rien que
la conscience leur reprochât. Ils se déclaraient prêts,
dans le présent comme dans le passé, à leur rendre
service et faire plaisir en toutes choses. »
Les messagers eurent pour toute réponse que : « si
on leur faisait la guerre, ils en seraient au préalable
avertis. » Cette réponse offensante ne laissant plus de
doutes aux Messins sur les mauvais sentiments dont
ils étaient l'objet, ils ne perdirent pas de temps pour
se mettre en situation de résister. Ils prirent des me-
sures pour se pourvoir d'hommes et de vivres, et firent
remettre les fortifications en état, aussi bien qu'ils le
pouvaient dans un moment de trouble si pressant. Mais
ils ne négligèrent pas non plus de maintenir lé droit
de leur côté, en donnant suite aux négociations en-
tamées, malgré le mauvais accueil qui leur avait été
fait.
INTRODUCTION. 29
Des seigneurs de la cité se rendirent donc auprès
de chacun des princes, clierchant à connaître leurs
griefs, pour y donner satisfaction, si cela pouvait se
faire honorablement. Mais ces ambassades, renouve-
lées à plusieurs reprises, trouvèient chaque fois un
autre langage, d'auti-es griefs et d'autres prétentions.
Il était évident que l'on ne voulait arriver qu'à une
rupture à main armée.
Cependant une journée amiable s'ouvrit enfin à
Thionville, dans les premiers jours de septembre. Les
princes firent l'exposé de leurs sujets d'irritation contre
la cité. Les députés messins répondirent par des ex-
plications calmes et sérieuses, et offrirent de s'en
rapporter sur tous les points litigieux au jugement
d'arbitres tels que le pape, le conseil de l'Empire, le
roi de France, le parlement de Paris, ou la cour de
tout autre prince chrétien, en prenant l'engagement
formel de se soumettre à la décision qui serait prise.
Cette proposition ne fut pas accueillie.
Peu de jours après, la discussion fut reprise dans
une autre journée qui se tint à Pont-à-Mousson le
9 septembre et n'eut pas un résultat meilleur. Ce
jour-là le roi de Bohême, comme s'il eut voulu abré-
ger toutes ces impuissantes négociations, dit à l'un des
Messins : « On dit que vous avez fait faire un étendard
« qui est porté sur un char traîné par des bœufs. Or
a je vous déclare que, si vous l'amenez à l'assemblée
« que nous ferons, j'aurai des bœufs la meilleure
■• part. » — « Sire roi, répondit le Messin sans s'é-
30 INTRODUCTION.
« mouvoir, ceux de Metz ont payé et entretenu les
« bœufs, et les boucliers qui les mènent ont aiguisé
« leurs couteaux pour les garder. Si vous voulez les
« gagner, il sera juste de voir auparavant ce que ces
<- couteaux sauront faire. »
Une dernière journée fut encore assignée à Pont-à-
Mousson pour le iT) septembre, et il fut convenu que
celle-là serait décisive et qu'il en sortirait soit la paix
soit la guerre.
Les Messins n'avaient que trop bien compris que
ces atermoiements successifs n'avaient d'autre but que
de les leurrer et de leur faire perdre un temps pré-
cieux pour les préparatifs de guerre, en même temps
que leurs ennemis disposaient tout avec activité pour
les assaillir. Aussi , malgré le peu d'espoir de paix
que semblait encore donner le maintien des négo-
ciations, avaient-ils fait tout ce que la prudence con-
seillait dans cette redoutable occurrence. Ils avaient
pris à leurs gages un nombre considérable de sol-
doyeurs, Allemands pour la plupart et dégagés des liens
de vassalité vis-à-vis des princes confédérés: tels étaient
le comte de Bitche, le comte de Saarwerden, le comte
de Geroldseck , le Raugraf Conrad , André de la
Pierre et beaucoup d'autres, formant un total de sept
cents hommes d'armes à cheval. Les seigneurs de
la cité, avec les serviteurs composant leurs compa-
gnies, formaient un nombre à peu près égal. Enfin
les bandes de gens de pied, formées tant des métiers
que des gens des paroisses et de ceux des villages^
INTI\ODUCTIOi\. / 31
présentaient une force nombreuse et en bon état d'ar-
raement.
Les seigneurs de la cité ordonnèrent également, dans
tout le pa^'S qui relevait de leur autorité, de labourer
et de semer les terres sans retard, de battre les gerbes
qui étaient dans les granges et d'amener à Metz les
grains en toute diligence, ainsi que le foin et les autres
fourrages, de mettre hors des villages ce qu'on ne
pourrait emporter, pour diminuer la facilité des in-
cendies, et de venir chercher un refuge derrière les
murailles de la cité.
Malgré ces préparatifs, imposés par les circonstances,
les envoyés de la ville se rendirent à Pont-à-Mousson
avec une ferme volonté de détourner, si cela se pou-
vait encore, au prix de toutes les concessions compa-
tibles avec leur honneur, Forage qui se préparait à
fondre sur eux. Mais les princes ne voulurenj, rien en-
tendre, et, pleins de confiance dans un succès assuré,
ils refusèrent de prêter l'oreille à aucune des proposi-
tions qui leur étaient apportées. Les négociations fu-
rent donc rompues et les envoyés de Metz n'eurent
plus qu'à reprendre le chemin de la cité.
Alors l'un d'entre eux, Jean de la Court (i), qui,
en échange de services rendus et de grosses sommes
(1) Jean de la Court, du paraige de .lurue, était un des citoyens leâ
plus éminents de Metz à tous les points de vue. Maître-échevin en
131G, aman de Sainte-Croix, il avait aidé à fonder, en 1321, l'abbaye du
Pontiffroy, et laissa plus tard, par son testament, les fonds nécessaires
pour créer l'hôpital de la ChapeloUe, destiné aux femmes en couches.
52 INTRODDCTIO^.
prêtées au comte de Bar, était devenu l'un de ses feu-
dataires, se présente devant le comte, environné de
ses principaux gentilshommes. En présence de tous
les assistants, et d'une voix haute et fière, il lui adresse
ces paroles : « Monseigneur, voilà plusieurs années
« que je vous ai servi de mon mieux. Je vous prie de
« dire et de faire dire, aux gens de votre hôtel ou à
« tous autres, si j'ai fait dans ce service quelque chose
« qui ne soit à mon honneur, et qu'il veuille bien le
(I dire hautement, pendant que je suis encore ici. »
« — Seigneur Jean, répond Edouard, pourquoi me
» dire cela, et ainsi vous émouvoir? » Jean de la
Court réitère sa demande et le comte lui dit : « que
tout le monde sait combien^ il est homme d'honneur
et sans reproche. » Jean renouvelle ses instances
et ajoute : « Monseigneur, ce que j*ai dit et répété, je
« le réclame encore, parce quç je suis votre feuda-
« taire, que j'ai été à votre conseil, à vos gages et à
« voire livrée. Aujourd'hui nous nous séparons sans
« rien nous faire; mais peut-être demain serons-nous
« en guerre l'un contre l'autre. C'est pour cela que je
« veux vous quitter avec honneur et avec la certitude
« qu'il n'y a pas un mot à dire contre moi. Je vous
« rends vos biens et vos robes, et renonce à ma vas-
« salité envers vous. Je vous remercie et veux rester
» toujours votre serviteur, tout en étant libre des
« fiefs que je tenais de vous. Et je vous recommande
« à Dieu. »
Sur ces paroles, le comte le prend par les mains en
INTUODCCTION. 33
lui disant que ce qu'il vient de faire n'était pas néces-
saire ; que nur n'aura le droit de lui adresser le
moindre reproche, et ({ue lui aussi le recommande
à Dieu. Et, après cette déclaration, ils prennent congé
l'un de l'autre.
La guerre étant ainsi décidée, chacun des quatre
princes retourne dans ses Etats, pour activer la réu-
nion de ses troupes et hâter l'entrée en campagne.
IV.
Le roi de Bohême se trouva prêt le premier : dès
le i6 septembre, il était avec ses bandes, composées
de près de mille hommes d'armes et d'un grand nom-
bre de piétons, à Justement, célèbre abbaye de Pré-
montrés, située au-dessus de l'Orne, à peu de dis-
tance de la frontière messine. Quelques heures après,
le comte de Bar venait l'y rejoindre.
Ils se décidèrent alors à remplir la formalité des
lettres de défi et envoyèrent leurs hérauts d'armes les
porter aux magistrats de IVlelz, qui, fidèles aux habi-
tudes de généreuse courtoisie de la cité, leur firent
donner des présents , comme s'ils apportaient de
bonnes nouvelles.
Mais l'observation de cette règle impérieuse de la
chevalerie n'était que bien imparfaite chez les princes
alliés. L'usage voulait qu'après la remise de la lettre
de défi il se passât un certain temps pendant lequel les
3
3a 7 INTHOUUCTlOiN.
hostilités restaient suspendues, de manière à permet-
tre l'emploi de quelques mesures de protection au
profit des populations menacées. Leur impatience de
commencer la campagne les fit passer sur cette équi-
table et salutaire disposition. En effet, une fois leur
conscience satisfaite - de l'exécution , si incomplète
qu'elle fût, de la première des lois de la guerre, les
deux princes ne perdirent pas un instant pour faire
éprouver aux habitants du pays messin les procédés
impitoyables dont ils voulaient user à leur égard.
Tous les villages des environs furent livrés aux
flammes; ils n'épargnèrent même pas les maisons de
Mancourt, où ils avaient tenu leurs quartiers. Le len-
demain, jour de Saint-Lambert (17 septembre), ils
s'avancèrent jusqu'à Malroy, et les lieux avoisinants,
Argancy, Olgy, Antilly et autres, furent traités avec
la même rigueur. Ce jour-là, le roi de Bohême commit
un acte, de basse et presque inutile rapine. Il avait fait
descendre de Thionville, à son quartier, une nef char-
gée d'artillerie et d'engins de guçrre. Après l'avoir
fait décharger de tout ce qu'elle contenait, il la fit
remplir de raisins encore fort imparfaitement mîirs,
produit du pillage des vignes d'alentour, et envoya
cette vendange à Thionville pour qu'elle y fut pressu-
rée et que son produit enrichît ses caves, en ce mo-
ment sans doute mal garnies.
Après ce brillant début, il lança ses coureurs en
avant pour livrer au pillage les fermes et villages de
la banlieue de Metz, sur la rive droite de la Moselle 5
INTRODUCTION. 35
mais le vaillant Messin, Jacques Grongnat, sortit de la
ville à la tête cViin parti de soldoyeurs, commandé
par le comte de Saarwerden. Il reprit les prisonniers
et les troupeaux qu'avaient déjà réunis les agresseurs,
et les repoussa si rudement dans leurs quartiers qu'ils
restèrent trois jours sans en sortir, à se remettre de
cette chaude alarme, en attendant la venue de leurs
alliés.
Sur ces entrefaites, l'archevêque de Trêves étant
arrivé avec une troupe nombreuse, ils reprirent cou-
rage et allèrent établir leur camp à Grimont, à l'extré-
mité d'un plateau du haut duquel ils dominaient la
cité et la campagne qui l'entoure. Les villages de Val-
lières, Vantoux et Méy furent pillés et brûlés, et leurs
habitants massacrés sans miséricorde.
Enhardis par ce facile succès, ils n'hésitèrent pas à
donner l'assaut au faubourg de Saint-Julien, situé hors
de l'enceinte de Metz, en avant de la porte au Pont-
Rengmont. Ils l'attaquèrent plusieurs fois, mais sans
réussir à le forcer. Le sîre de Bitche, faisant alors
ouvrir la porte, en sortit à la tête de sa compagnie et
vint prendre part à la défense avec une pièce d'artil-
lerie dont il lit tirer plusieurs coups. Son intervention
causa de grandes pertes aux assaillants, et, sans ha-
sarder une nouvelle attaque, le roi de Bohême fit son-
ner la retraite.
Le lendemain (22 septembre), les trois princes^ ap-
prenant que le duc de Lorraine arrivait enfin avec son
armée^ se portèrent au-devant de lui; Il venait par le
30 INTRODUCTION.
Saulnois, à la tête de dix compagnies de gens d'armes,
et signalait son passage par des ravages et des pilleries
plus dignes de « Turcs et de Sarrasins » que d'un
prince chrétien. Les confédérés, réunis en un seul
camp, fêtèrent la concentration de leurs forces par des
banquets où régna une joie bruyante, puis ils tinrent
conseil le lendemain pour arrêter leur plan d'opéra-
tions. Peu encouragés par l'insuccès de l'attaque tentée
le jour précédent, ils ne se décidèrent pas à renouveler
la tentative, et prirent le parti d'aller se poser à
Fleury sur la Seille, au centre d'un canton riche et
peuplé, qui offrait à leur armée de précieuses res-
sources.
Cependant , avant de lever le camp, le roi de
Bohême, plein de confiance en la vaillance de ses
gens, voulut faire une pointe agressive contre la cité,
dans le voisinage de la porte Mazelle. Mais il n'eut pas
lieu de se féliciter de celte hardiesse; car il rencontra,
près de la Seille, un corps de cavalerie messine qui
s'y était établi pour surveiller les mouvements de
l'ennemi, et qui aborda ses troupes avec une inésis-
tible impétuosité. Plusieurs de ses meilleurs che-
valiers , parmi lesquels Milon d'Acey et Henri de
Serrières, furent tués au premier choc, et d'autres faits
prisonniers, tels que le seigneur de Lénoncourt et
Gillet d'Avoncourt, pertes très-sensibles dont il de-
meura aussi affligé qu'irrité.
Sur tout le chemin que suivirent les alliés entre
Grimont et Fleury, il ne resta pas une maison intacte.
INTRODUCTION. 37
Magny, Poiiilly, furent livrées aux flammes. Après
deux jours consacrés à cette cruelle exécution, ils vou-
lurent revenir clans les environs de Metz ; mais ce mou-
vement fut arrêté, car le pont de la Seille avait été
rompu par la sage précaution des Messins, et il le fal-
lait faire reconstruire. Pendant cet intervalle, les sei-
gneurs de la cité, s'attendant à une tentative d'attaque
sur un nouveau point, avaient fait rapidement rentrer
dans la ville tout ce que contenaient les faubourgs de
Saint-Arnould, de Saint-Clément et de Saint-Sympho-
rien, formés autour des célèbres abbayes bénédictines
de ce nom, et voisins de l'enceinte, en face du front
qui s'étend entre la porte Serpenoise et la porte Saint-
Thiébaut.
Le passage sur la Seille rétabli, le 29 septembre,
les alliés se dirigèrent vers Moulins, dont le pont, sur
la Moselle, avait également été rompu. Il ne leur fallut
que peu de temps pour le restaurer et ils se répan-
dirent dans le Val-de-Metz, dont les villages, riches
et nombreux, avaient été jusque-là épargnés. Les dé-
vastations et les cruautés qui se commirent alors dé-
passèrent ce qu'on avait vu jusque-là; car à l'armée
s'étaient joints une foule de gens venus du marquisat
de Pont-à-Mousson et des prévôtés voisines, pillards
de bas étage, capables de toutes les infamies, qui,
s'abritant derrière les hommes d'armes de leur sei-
gneur, trouvaient aussi facile que lucratif d'exercer,
sans danger comme sans vergogne, le métier de vo-
leur et d'incendiaire, et, à l'occasion, celui d'assassin.
38 INTRODUCTION.
Les habitants du Val-de-Metz furent traités sans pitié ;
on ne voyait que gens tués ou blessés : c'était un
spectacle à faire horreur.
A la tête de ces bandes de destructeurs figurait un
capitaine nommé Jean de Marly, écuyer, qui était au
service du comte de Bar, bien que sa seigneurie fît
partie du territoire messin. Malgré les motifs qui, à
ce titre, eussent dû le rendre clément pour des com-
patriotes , il se montrait, au contraire, plus que per-
sonne animé à faire le mal. Depuis Arry jusqu'à
Moulins, sur les deux rives de la Moselle, le ciel était
obscurci par la fumée des incendies.
Pendant que cette cruelle dévastation s'opérait, un
parti nombreux se dirigeait, presque aux portes de
Metz, sur un lieu sinistre et découvert appelé le Ge-
nestroy, à cause des genêts qui s'y trouvaient. C'est
là qu'était la justice de Metz, et un vaste gibet, à
quatre piliers, unis par de longues barres de fer, y
supportait bon nombre de malfaiteurs , pendus par
arrêt du tribunal des Treize, et dont les corps se
balançaient au vent. Les ennemis commencèrent, en
dérision des formes de la justice messine, par hucher
les Treize, c'est-à-dire les sommer de comparaître ;
puis ils jetèrent bas le gibet, avec sa lugubre charge,
et laissèrent confondus pêle-mêle sur le sol les débris
de la construction et les restes humains qui y étaient
attachés. Seulement, peut-être par un sentiment de
superstition et pour essayer d'en faire quelque charme,
ils prirent soin de détacher et d'emporter avec eux
INTRODITCTIGN. 39
toutes les chaînes et tous les carcans de fer qui avaient
supporté les pendus.
Mais, pendant que cette ignoble scène se passait, les
défenseurs de Metz firent une sortie qui y mit brus-
quement un terme. Il y eut des morts de part et
d'autre, et les Messins rentrèrent dans leurs murs
en y emmenant prisonnier un des plus éminents per-
sonnages de l'armée lorraine, Henry de Fénestrange,
sire de Faulquemont. Une telle capture aurait dû re-
présenter, pour la cité, une source d'avantages considé-
rables, mais elle ne lui rapporta que des déceptions.
Ce seigneur, en effet, possesseur de grands domaines
voisins de l'Alsace et du Saargau, comptait des amis,
des parents, parmi les soldoyeurs les plus notables qui
s'étaient mis au service de Metz. Ceux-ci intervinrent
auprès des magistrats pour qu'on épargnât au prison-
nier les pénibles rigueurs de la captivité. Il fut laissé
libre sur parole, moyennant un cautionnement de
10,000 livres. Cette somme fut même réduite à 7,000
sur les instances ou, pour mieux dire, sous la pression
des seigneurs allemands. Il jura sur les saints Evangiles
qu'il ne nuirait jamais à la cité ni à ses alliés. A ce
prix il redevint libre; mais l'engagement ne fut pas
mieux tenu que le serment.
Pendant trois jours, les alliés occupèrent le Val-de-
Metz et y causèrent tous les maux imaginables. Pendant
ce temps un capitaine messin, Guillaume de Vry, se
distingua par une prouesse dont le principal résultat
fut la sauvegarde de la digue de Waclrinau, si impor-
40 INÏIVODUCTIOK.
tante à préserver, à cause des eaux du bras intérieur
dont elle sert à élever le niveau.
11 fit charger une nef de toutes sortes d'armes de
hast et de trait, y compris une arbalète puissante et
même une serpentine, s'il faut en croire la chronique.
Cette nef était garnie de créneaux et aucun de ses
défenseurs n'était à découvert. Il l'emmena le long de
la rivière, faisant des décharges meurtrières sur les
groupes ennemis qui étaient à sa portée, et, sans avoir
subi aucune perte, ne h» ramena en ville qu'après avoir
fait beaucoup de mal aux envahisseurs.
Durant le séjour que les alliés firent à Moulins, on
ne saurait décrire les ravages cju'ils exercèrent. En-
fin, le dimanche 3o septembre , ils parurent se déci-
der à un effort plus digne de leur titre de chevalier que
les misérables pilleries qui , jusqu'alors, paraissaient
avoir suffi à leur gloire. Au point du jour, l'armée fut
mise en mouvement et vint se ranger en bataille vis-
à-vis des ponts de la Moselle, dans une belle ordon-
nance de combat. Les princes, pour stimuler le zèle
de leurs partisans , conférèrent à plusieurs d'entre eux
l'ordre de la chevalerie avec toutes les cérémonies
ordinaires. Mais là se horna leur démonstration ; ils
ne firent même pas mine d'attaquer les murailles.
Pendant ce temps, toutes les troupes de la cité,
soldoyeurs ei gens de pied, étaient sous les armes,
attendant l'attaque pour y répondre vigoureusement.
Voyant que cette attaque était différée et trouvant
imprudent de tenter une sortre dans laquelle les gens
INTRODUCTION. • ûl
de pied, mal exercés et peu faits pour la guerre, au-
raient pu subir quelque mésaventure , ils prirent le
parti de rester sur la défensive.
Ainsi se passa la journée. Un seul incident la si-
gnala. Un parti barrisien ayant passé la rivière vis-à-
vis de la porte Palard, pour mettre le feu au Moulin-le-
Duc, quelques bommes des métiers de Metz, conduits
par un cordonnier plein de cœur, sortirent de la ville
par les Barres, au-dessus du Moyen-Pont, et firent
si bien qu'ils tuèrent plusieurs ennemis et s'emparè-
rent de leurs chevaux.
Quittant alors leur position de Devant-les-Ponts ,
les princes alliés se portèrent dans la direction de la
riche plaine arrosée par la Moselle en aval de Metz.
Leur première étape fut le monastère de Sainte-Croix
ou Saint-Eloy, de Tordre de Prémonlrés.
Le soin qu'ils y prirent avant tout fut de rendre les
devoirs funèbres à un gentilhomme de distinction, qui
avait été tué Tavant-veille en face de Longeville par un
des traits de l'arbalète à tour de Guillaume de Vry . Puis,
ce pieux devoir accompli, ils mirent tout à sac et à
pillage dans le monastère. Sans égard pour les prières
des pauvres religieux, ils allèrent jusqu'à les dépouiller
de leurs robes de bure, enlevèrent les portes et les fe-
nêtres du couvent, et se préparaient à compléter la
destruction par l'incendie, lorsque le roi de Bohème
se laissa attendrir et permit qu'on laissât debout ce
que la dévastation avait respecté. Chose suiprenanle
de la part d'un prince de l'Église, l'archevêque de
ta INinODDCTION.
Trêves se refusa à cette concession : il alla même jus-
qu'à mettre de ses propres mains le feu au couvent.
Mais le fléau s'arrêta ou fut éteint avant d'avoir causé
des ravages sérieux.
Le même jour, Woippy, domaine du chapitre de la
cathédrale, fut livré aux flammes, ainsi que les maisons
et les granges avoisinantes. Il aNait été convenu entre
les princes que l'on n'épargnerait (jue les construc-
tions auxquelles seraient apposées les armoiries de
tous les quatre, et que le droit de grAce n'était pas
même dévolu à trois d'entre eux, sans l'aveu du qua-
trième. Cette convention reçut son exécution avec une
impitoyable rigueur.
Mais là s'arrêta, pour cette fois, le pillage organisé
que les alliés décoraient du nom de guerre. Ils se di-
rent que jamais ils ne seraient capables de s'emparer
de la cité par la force, et que, l'intimidation n'ayant
pas réussi à en faire ouvrir les portes, leur séjour sous
ses murs pouvait se prolonger indéfiniment sans ré-
sultat sérieux. Ils prirent en conséquence le parti de
s'en retourner, chacun en son pays, avec les fruits
déjà considérables de leur incursion. Cette décision
s'exécuta sans relard. Dès la tombée de la nuit, ils
firent partir leurs fourriers avec un convoi de chars
où ils amassèrent tout ce qu'ils avaient recueilli. La
nuit se passa à veiller soigneusement, dans la crainte
d'une surprise; mais les Messins ne la tentèrent pas,
ignoiant les résolutions de leurs ennemis.
Le lendemain, i" octobre, dès le point du jour,
INTRODUCTION. hi
toute l'armée se présenta en face des ponts de la Mo-
selle pour essayer un dernier effort d'intimidation. On
fit sonner tout ce qu'on avait de trompettes et de clai-
rons, chacun se tenant sous sa bannière, en appareil
de combat. Là se borna la manifestation belliqueuse;
et comme les Messins, en bon ordre autant qu'en sû-
reté à l'abri de leurs murailles, n'en parurent aucu-
nement impressionnés, l'armée se retira quelque peu
en arrière : les escadrons se formèrent pour la route,
et ils se séparèrent dans deux directions opposées,
chacun tirant vers son pays.
Les princes firent alors proclamer dans toute la
contrée que quiconque devait quelque chose au gou-
vernement ou aux citains de Metz eût à en opérer le
payement entre les mains de leurs receveurs, et que,
moyennant ce versement, quittance définitive lui se-
rait remise. Cela fait, chacun rentra dans ses Etats.
Les seigneurs de Metz, remis de ce que cette alarme
avait eu de violent et d'imprévu, se préoccupèrent sans
retard des moyens d'arriver à quelque chose de plus
que la résistance, pour ainsi dire passive, qu'ils avaient
opposée à leurs ennemis. Ce qu'il y avait à essayer
avant tout, en attendant des opérations plus sérieuses,
c'était de faire payer aux envahisseurs le mal qu'ils
avaient causé, en le leur rendant chez eux.
Une expédition, composée de soldoyeurs et de gens
W IMnODLCTION.
de la cité, se forma immédiatement dans ce but. En
partie par les chemins riverains de la Moselle et à Ira-
vers les collines qui la bordent, en partie transportés
sur des bateaux armés en guerre, les Messins allèrent
porter le ravage à la fois chez le duc de Lorraine et chez
le comte de Bar, en attaquant Prény, Pagny, Vandières
et Norroy-sous-Froidmont. Tout le pays fut livré au
pillage, les moulins furent détruits et Us bestiaux saisis.
Un chevalier d'une bravoure et d'une adresse remar-
quables, Jean de Metz, était à la tête de cette expé-
dition, qui obtint un succès complet, et ramena des
approvisionnements en abondance.
Pendant ce temps les magistrats, considérant le
grave danger auquel la cité restait exposée, résolurent
de créer une commission spéciale, pour aviser à tout
ce qui regardait la défense commune et lui donnèrent
des pouvoirs exceptionnels. Chacun des cinq pre-
miers paraiges fournit un de ses membres, le Com-
mun en fournit deux, et la commission des Sept de la
guerre fut composée des seigneurs : Geoffroy Chaver-
son, pour Porte-Moselle; Jehan Ancel, pour Jurue ;
Gillat Ruece, pour Port-Saillis; Perrin le Maire, pour
Saint-Martin; Jacomin Boileau, pour Oultre-Seille, et
enfin Robin Lorette et Simonat Brie, pour le Commun.
Un des Treize, Mathieu Simon, et deux des prud'hom-
mes, Thiébaut le Gournaix et Jean Folie, son fils, leur
furent adjoints pour assurer, au nom des conseils sou-
verains de la cité, l'exécution de toutes les mesures
qu'ils jugeraient à propos de prendre.
liNTRODUCTlON. Ji5
Les points sur lesquels devait se porter leur allen-
lioii étaient multiples, et il v avait urgence à mettre
en œuvre tVimportants travaux cléfensifs. Les fortifica-
tions de Metz se ressentaient de la période pacifique qui
venait de s'écouler et de l'extension considérable que
la ville avait prise depuis un siècle. Il fallait remettre
les tours en état, établir des communications entre
elles et avec le dehors, les couvrir et les approvision-
ner d'armes de jet. Il fallait détruire toutes les mai-
sons et les jardins qui s'étendaient le long des mu-
railles et les empêchaient d'avoir sur les dehors le
commandement nécessaire, créer une solide clôture
non-seulement aux faubourgs voisins de la porte Ma-
zelle et de la porte des Allemands, mais à un quartier
même de la ville nouvellement construit et non encore
compris dans l'enceinte, et établir des ouvrages de
campagne pour les relier à cette dernière. Il fallait
creuser des fossés en avant d'une partie des remparts
pour les mettre à l'abri d'une tentative d'escalade. Il y
avait enfin à augmenter dans une large proportion le
nombre des engins d'artillerie dont les murailles étaient
garnies, et tous ces travaux s'imposaient avec un ca-
ractère on ne peut plus urgent. Aussi un crédit illimité
était-il ouvert aux Sept de la guerre. Ils n'avaient à se
préoccuper que d'une chose: c'était d'assurer par tous
les moyens en leur pouvoir le salut et l'inviolabilité de
la cité.
Tous ces travaux furent mis en œuvre avec une ac-
tivité extrême, et en peu de temps, giâce au patrio-
46 INXnOOUCTION.
lisme des habitants, qui ne marchandèrent pas les
sacrifices , tout fut, dans la cité, mis en assez bon état
de défense. Les jarch'ns et pavillons de plaisance qui
s'étendaient en face de l'abbaye Saint-Vincent, entre
la muraille et la rive de la Moselle, furent condamnés
à disparaître, et il fut résolu qu'à leur place seraient
creusés de larges et profonds fossés, remplis au moyen
d'une prise d'eau ouverte dans le bief supérieur des
moulins de la ville. Un tel travail devait donner une
force sérieuse à cette partie de l'enceinte, restée jus-
que-là fort imparfaite. On jugea, de plus, nécessaire
de fermer le plus grand nombre des portes et poternes,
qui donnaient un trop facile accès dans les fossés et
dans la campagne. De dix-neuf, elles furent réduites
à huit (nombre resté le même depuis cette époque
jusqu'à nos jours).
L'expédition de Jean de Metz avait donné une sé-
vère leçon aux Lorrains et aux Barrisiens. L'un des
principaux soldoyeurs, le Raugraf Conrad, se chargea
de remplir la même mission auprès des sujets du
comte de Luxembourg. Une nombreuse sortie exé-
cutée sous ses ordres, le dimanche d'avant la Tous-
saint (28 octobre), mit les Messins, auprès de Vigy,
en présence d'un corps de Luxembourgeois qui étaient
Venus faire la course sur le territoire de la cité. Assail-
lis avec vigueur, ces derniers se virent réduits à pren-
dre la fuite, mais non sans laisser sur le carreau bon
nombre de morts. Plusieurs autres se noyèrent en
voulant traverser l'étang de Blanchard. Les Messins
NTllODUCTION. 47
revinrent à Metz sans aucune perte, ramenant avec
eux vingt prisonniers.
Le lendemain de la Toussaint une nouvelle expédi-
tion fut dirigée vers le Val-Sainte-Marie, sous le châ-
teau de Prény. Ce lieu était célèbre par une magni-
fique abbaye de Prémontrés, fondée, à la demande de
saint Norbert, sous le nom de Sainte-Marie-aux-Bois,
par la piété du duc de Lorraine Simon. Ni la sainteté
du lieu ni celle du jour ne protégèrent les fermes et
les villages environnants ; tous les bestiaux et toutes
les denrées qu'ils renfermaient furent pillés et ame-
nés à Metz. Le comte Edouard de Bar était alors à
son château de Mousson, à deux lieues de là, avec des
hommes d'armes en bon nombre ; mais, quoique bien
averti de ce qui se passait, à si petite distance de lui,
il n'eut pas la hardiesse de monter à cheval pour dis-
puter aux Messins la possession de leur butin.
Quatre jours plus tard le comté de Luxembourg
reçut, à son tour, la coûteuse visite des gens d'armes
de la cité. Ils ravagèrent tous les villages dans les en»
virons de Luttange et de Melzerwisse et firent une
pointe en terre lorraine dans la direction de Wars-
berg. Puis ils revinrent avec de riches dépouilles ,
sans autre incident qu'une blessure reçue par Jean
de Heu, un des nobles seigneurs de la cité.
Le lendemain, nouvelle expédition vers Chambley,
enclave lorraine, voisine de la terre de Gorze ; tous
les manoirs qui en dépendaient furent saccagés et
vidés de leurs approvisonnements, et ceux-ci menés à
Ù8 INTIIODUCTION.
Gorze. Le jour suivant, un corps de cavalerie alla' les
reprendre en cette ville pour en assurer le transport à
Metz, ce qui se fit d'ailleurs sans que Tennetni cherchât
à y mettre obstacle.
Comme les princes alliés se tenaient alors en repos
dans leurs États, et qu'il ne semblait pas qu'ils fussent
disposés à rien entreprendre de sérieux avant l'hiver,
la cité donna provisoirement congé au plus grand
nombre de ses soldoyeurs. Les compagnies du sire
de la Pierre, du Raugraf et de Jean de Metz furent
seules conservées à l'état d'activité.
Il se passa à Metz, en ce moment, un événement
tragique sur lequel une lacune, volontaire ou acciden-
telle, de notre chronique, laisse malheureusement une
ombre épaisse. Nous ne saurions faire plus que de
reproduire le récit du fait, puisqu'il n'est entouré d'au-
cune des explications qu'on voudrait avoir à son sujet.
Il fallait, sans doute, un acte de trahison bien avéré,
quelque pacte monstrueux avec les ennemis de la cité,
pour faire livrer à la mort la plus honteuse , à la
noyade, par un reste de pitié, cachée dans l'obscurité
de la nuit et exécutée par des mains amies. Colin Gron-
gnat, un proche parent du dernier maître-échevin et
Sept de la guerre en exercice, et du vaillant chevalier
que les Messins regardaient comme leur plus solide dé-
tenseur. Quoi qu'il en soit des causes qui l'ont amené,
voici le fait, raconté avec la brièveté et les lacunes que
Ton regrette de trouver dans le texte contemporain.
Le lundi après la Toussiùnt, il fut décidé par le
INTRODUCTION. U9
maître-éclievln, les Treize et les prud'hommes, e'est-
à-dire par le grand conseil de la cité, que Colin Gron-
gnat serait noyé par ses amis, la nuit, en présence de
deux des Treize. Et si Tarrêt n'était pas exécuté cette
nuit même, la justice devait y pourvoir le lendemain.
Mais son intervention ne fut pas nécessaire. Le drame
lugubre s'accomplit selon ia décision du conseil :
les sires Etienne et Berthald Reffaut , Jean Maire et
Wicbard, son frère, les deux fils d'Hugues Grongnat,
amis du condamné, en furent les acteurs désolés;
les Treize Mathieu Simon et GoUard de Gournay en
furent les témoins juridiques. — Et c'était pour.... (i)
que Colin Grongnat avait été condamné à ce supplice.
VI.
Cependant le roi Jean, fort expert en choses de
guerre, n'avait pas eu besoin de beaucoup de temps,
après le commencement des hostilités, pour reconnaître
que l'expédition entreprise par lui ne donnerait pas
les résultats qu'il en avait espérés. Dès la fin de sep-
tembre, sentant le besoin de renforcer sa puissance, il
avait reçu, au nombre de ses aidants, le comte Jean
de Spanheim (2), moyennant une somme de mille li-
vres payables quatre semaines après Noël et deux cents
livres pour l'acquisition d'un cheval de guerre. Il ne
(1) Lacune au manuscrit.
(2) L'acte original, daté du 27 septembre 1324, est aux archives
de Carlsruhe. Cart. de Spire. B. f» 23.
4
50 INTRODUCTION.
tarda même pas à redouter, de la part des Messins,
une offensive sérieuse et crut nécessaire de prendre à
Thionvilledes précautions qui missent cette forteresse,
si puissante qu'elle fût, à l'abri d'une tentative d'atta-
que. En conséquence, il signait, le i5 octobre, avec
son oncle l'archevêque de Trêves une convention par-
ticulière pour la constitution, dans cette ville, d'une
garnison spéciale de deux cents hommes d'armes, dont
l'archevêque s'engageait à fournir le quart (i).
A la manière dont la guerre tournait , les autres
princes confédérés n'eurent pas non plus de peine à
reconnaître qu'ils n'avaient pas une puissance suffi-
sante pour la terminer selon leur gré. Ils pensèrent
à se fortifier par .de nouvelles alliances et à grouper
autour d'eux d'autres adversaires de la cité. Le pre-
mier auquel ils firent appel fut l'évêque Henry Dau-
phin, dont le concours semblait leur être assuré par
ses mauvais rapports avec les Messins. En effet, les
ouvertures qu'ils firent aux dépositaires de son pouvoir
temporel furent accueillies avec empressement, et il en
résulta un traité, en date du i5 novembre, signé à
Bérus, siège d'une chàtellenie lorraine, voisine de Bou-
lay, en présence d'un grand nombre de seigneurs du
pays, par messire Amblard de Beaumont, chevalier, au
nom du prélat. Par ce traité, Henri Dauphin s'engageait
à faire cause commune avec les confédérés, à prendre
sa part de toutes les charges de la guerre, à y figurer
(1) L'original de celle convention est aux archives de Coblentz>
{PubL lie la Soc. arc h. de Luxembourg, 1873.)
INTUOOUCT10^. 51
en personne à la tête de troupes en bon nombre et à
ne pas faire la paix sans ses alliés. Il lui était promis,
par contre, que la sixième partie des bénéfices de
toute sorte, réalisés à la suite de la guerre, lui serait
réservée, et que la paix ne se signerait pas sans qu'il eût
reçu satisfaction de tous les griefs qu'il avait à faire
valoir (i). Nous avons dit la sixième partie. Il y avait
donc encore un autre ennemi de la cité sur lequel on
comptait et qui était appelé, le cas échéant, à prendre
une part de ses dépouilles. Or ce nouvel allié, dans la
pensée des confédérés , n'était autre que le roi de
France, Charles le Bel : il est nommé dans le traité.
Une pièce bien intéressante, qui figure en original
aux Archives nationales (2), revêtue des quatre sceaux
des alliés, contient, en effet, sous la date de la fin
d'octobre, un projet d'alliance offensive et défensive
présenté par eux à l'acceptiition du roi de France, <• en
vue des nombreux despits et dommages que les Messins
avaient, de tout temps, causé à ses sujets, » lui pro-
mettant de lui en donner ample et complète satisfac-
tion, et de lui assurer de plus_, à lui aussi, le sixième
des fruits de la guerre.
Les princes confédérés pouvaient avoir quelque rai-
son de compter sur l'intervention du roi de France en
leur faveur. Le duc de Lorraine et le comte de Bar
(1) L'original est aux archives de Coblenlz. [Puil. de la Soc. arcli.
de Luxembourg, 1873.)
(2) Ce projet de traité est publié lu extenso dan» les Pièces à la
suite.
52 inthoduction.
n'avaient avec lui que des rapports pleins de déférence
et d'amitié; le roi savait qu'il pouvait compter sur leur
dévouement, et il ne se trompait pas; car, lorsque,
peu d'années plus tard, il fit la guerre contre les Fla-
mands, les bannières des trois princes confédérés flot-
taient à côté de celle de la France, et le champ de
bataille de Gassel voyait le duc Ferry rester parmi les
morts et le comte Edouard au nombre des blessés.
Quant au roi Jean, c'était plus encore qu'une al-
liance politique et que les devoirs de la féodalité qui
l'unissait au roi Charles IV. Un lion étroit de famille
s'était formé entre eux. Après avoir obtenu du pape,
en i32a, la rupture de son mariage avec l'infidèle
Blanche de Bourgogne, Charles avait demandé et ob-
tenu, par l'intermédiaire de Baudoin, archevêque de
Trêves, la main de la sœur de Jean de Bohême, Marie de
Luxembourg, âgée de dix-neuf ans et douée des plus
rares perfections. Tons les écrivains du temps sont
d'accord pour faire de cette princesse un éloge sans
réserve. Elle était « moult humble et dévote «•, dit
Froissart ; « une femme vertueuse et charmante dans
sa simplicité de colombe, » dit le chroniqueur (^jinla
regia (i) ; « une aimable jeune fille, » dit Guillaume
de Nangis (2); « une créature parfaite (3), » dit la
chronique d'Egmont.
(t) Fcmina sîmplex sîmplicltate coltimh'iiia ; elegaiitlssinia pnvlla
(Pierre deZittau, abbé à'Aula regia, près de Prague).
(2) Vil go gratiosa (Guil. de Nangis).
(3) Pcrfectissima creatura [Cliroii. Egmundi).
INTRODUCTION. 55
Elle avait été vouée par sa mère, dès son enfance,
à la vie religieuse, et, depuis l'âge de sept ans, elle
vivait auprès de sa tante, Marguerite de Luxembourg,
dans le monastère de Marienthal, revêtue de l'habit
des filles de Saint-Dominique; une charte de i3i5 l'y
montre encore dans l'exercice de la vie monastique (i).
Cependant son frère ne comptait pas laisser dans
l'ombre du cloître cette princesse accomplie, digne des
trônes les plus hauts. Il pensa, en iSai, à faire, d'une
union avec elle, le gage de sa réconciliation définitive
avec le duc Henri de Carinthie, son ancien compéti-
teur au trône de Bohême, qui venait de perdre sa se-
conde femme Adélaïde de Brunswick. Mais la princesse
se défendit de ce projet d'union en s'abrilant derrière
des scrupules religieux et en alléguant le vœu de sa
mère.
Elle fit moins de résistance devant la demande du
roi de France, et leurs noces furent célébrées en grande
pompe à Provins, le 24 août iSaa. Le jour de la
Pentecôte de l'année suivante, son couronnement so-
lennel eut lieu à Notre-Dame de Paris, et les princes
de Luxembourg, au premier rang des assistants, furent
comblés des plus justes honneurs. Le bonheur que
Marie de Luxembourg donna à son royal époux fut
malheureusement de courte durée. Elle mourut à
Issoudun, le i5 février i324, en donnant prématuré-
ment le jour à un fils, à la suite des fatigues d'un
(1) Voir Pitbl. de la Soc. arcli. de Lux., 18G1, art. Wurth- Pa-
quet, p. 313.
M INTRODUCTION.
voyage dans le Midi, et reçut la sépulture dans le mo-
nastère des Dominicaines de Montargis.
Mais les rapports qui unissaient les deux beaux-
frères n'en conservèrent pas moins un caractère de
parfaite intimité. Rien ne pouvait altérer les sentiments
que portait et ceux qu'inspirait à la cour de Paris le
prince qui devait, peu d'années plus tard, donner une
reine à la France, par le mariage de sa tille Bonne
avec le duc Jean de Normandie, héritier du trône, et
couronner héroïquement sa vie, en frappant un dernier
coup, àCrécy, contre les ennemis du royaume.
Cependant l'esprit de loyauté du roi de France ne
lui permit pas d'accueillir les propositions des princes
alliés; mais, le i5 novembre, son refus n'avait sans
doute pas encore été formulé et l'espoir de voir réussir
leur négociation était assez grand chez eux, pour qu'ils
ne craignissent pas de faire figurer dans une pièce offi-
cielle Charles IV au nombre de leurs « aidants » .
Les Messins avaient bien eu quelques nouvelles de
ces démarches, faites pour leur créer un redoutable
ennemi de plus, mais ils ne semblent pas s'en être
beaucoup inquiétés (i). Ils avaient foi dans l'équité
du roi de France et dans l'absence absolue de motifs
sur lesquels il pût appuyer des intentions hostiles à
leur égard.
Quant à l'évêque de Metz, ils n'avaient pas de rai-
son pour mettre dans sa bienveillance envers eux une
(1) Voir aux Pièces à la suite « la Réception maistre l^mbelin »,
et « l'a. b. c. de maistre Asselin ».
INTRODUCTION. 55
égale confiance. Ils connaissaient bien, en effet, tous les
sujets de mécontentement qu'ils n'avaient cessé de lui
donner. Citons : la création des prud'hommes, de-
vant l'autorité judiciaire desquels disparaissait celle
des Treize , revêtus de la consécration épiscopale ;
l'attribution à la caisse communale de la moitié des
amendes, précédemment payée à l'évêque ; le droit de
rachat à perpétuité des cens acquis par les ecclésias-
tiques ; la prise de possession d'églises et de fiefs qui
étaient de la garde et de la seigneurie temporelle de
l'évêché ; l'obligation faite aux prêtres d'administrer
les sacrements aux Lombards; celle imposée aux reli-
gieux et clercs de plaider devant la justice civile; le
bannissement de plusieurs ecclésiastiques, chanoines,
moines et notaires, et enfin la suppression du droit
attribué aux évêques, de temps immémorial, d'hériter
des clercs morts sans testament.
Telle était la série des difficultés qui, depuis main-
tes années , existant entre les évêques et la cité, don-
naient à leurs relations un caractère d'hostilité et de
méfiance réciproques. Toutefois les Messins ne dé-
sespérèrent pas de ramener le prélat à des sentiments
meilleurs. Ils lui écrivirent une lettre pleine de con-
fiance et de soumission, dans laquelle, il faut le dire,
leur désir de désarmer sa malveillance les entraînait
un peu loin ; car ils lui donnent, dans cette lettre, des
titres dont les prélats messins étaient depuis bien
longtemps déshabitués. Ils le qualifient de « nostre
gowerneur, nostre défenseur et sires du pays, nostre
56 INTRODUCTION.
sowerain et très chier seigneur » , expressions qui con-
trastent étrangement avec l'attitude fière et hostile
au point de vue politique, que, depuis deux siècles, la
population messine n'avait cessé de garder vis-à-vis de
son chef spirituel.
Cette lettre, qui portait pour inscription : « Li
lettre ouverte qui vait à l'esvesque de part sa ville, >•
étant partie, les citains attendirent le résultat qu'elle
obtiendrait, tout en renforçant de leur mieux tous
les moyens de résistance.
Cependant de nouveaux ennemis, entraînés par les
princes alliés, ne tardèrent pas à leur envoyer leur
« défiance ». Gobert VI, seigneur d'Apremont, fut le
premier; puis vint Henri de Fénestrange , bien \ite
oublieux du serment qu'il avait prêté en reconquérant
sa liberté. Enfin les Messins apprirent que le gouver-
neur de l'évêché, conformément au traité du 1 5 no-
vembre, avait mis entre les niains des alliés les châ-
teaux de Hombourg, Vie et Rambervillers, non sans
recevoir en échange, à titre de gages, des sommes
considérables.
Telle était la situation lorsque, le 3o novembre, les
hostilités se réveillèrent. Un parti ennemi vint, pen-
dant la nuit, jusqu'aux portes de la cité et, passant la
Moselle entre les deux ponts, pénétra jusqu'au corps
de garde où se tenaient, sans précaution, les nauto-
niers chargés du passage de la rivière. L'un d'eux fut
tué sur place, un autre emmené prisonnier.
Une insulte aussi hardie excita avec raison un se-
INTRODUCTION. 57
rieux émoi. Elle eut pour résultat d'imprimer une plus
vive ardeur à l'exécution du fossé dont l'ouverture
avait été décidée. Sans perdre un instant, la dernière des
maisonnettes de plaisance disparut, l'expropriation du
terrain se paya sur les fonds de la cité et de l'hôpital,
et toute la population, sans distinction de laïques ou
de clercs, fut appelée à prendre part à un travail dont
l'urgence était démontrée. En quelques jours un fossé
de quatre-vingts pieds de largeur sur cinquante de pro-
fondeur était creusé sur toute l'étendue du front de la
Moselle, depuis le ruis des Pucelles jusqu'à la porte de
Chambière. En même temps les métiers redoublaient
de zèle pour mettre en parfait état de défense les tours
dont le service leur était confié. Une ordonnance fut
aussi publiée, à l'exécution de laquelle l'autorité veilla
strictement : elle commandait que, jusqu'à la fin de la
guerre, chacun prît soin d'entretenir une lumière allu-
mée à sa fenêtre, de manière qu'il fît constamment
clair dans toute la cité.
Le 19 décembre, le capitaine d'Ivoy , chef- lieu
d'une prévôté du comté de Luxembourg, réunit tous
les hommes d'armes qui tenaient garnison dans la
contrée et vint, à leur tête, faire une course jusqu'aux
portes de Metz. Un riche butin fut le fruit de cette
attaque imprévue. Plusieurs chevaliers messins firent
une sortie pour disputer à l'ennemi la proie dont il
s'était rendu maître ; mais la fortune leur fut contraire;
ils furent obligés de se replier, laissant aux mains des
agresseurs seize prisonniers, et plus attristés encore
58 INTRODDCTION.
par la mort de leur compagnon sire Geoffroy Corbé,
du paraige de Saint-Martin. Quelques jours plus tard,
le 7 janvier, une nouvelle incursion des Luxembour-
geois n'eut d'autre résultat que l'incendie des échalas
des vignes, sur une assez grande étendue de terrain.
Nous assistons à une véritable partie de barres.
Aussitôt que les ennemis se sont retirés, les Messins
font à leur tour une sortie. Cette fois, l'expédition ,
faite par eau et par terre, avait une assez sérieuse im-
portance. L'objectif choisi était la prévôté de Pont-
à-Mousson et le bailliage de Nancy. Les cavaliers
messins , appuyés par une forte troupe de gens de
pied et par toute une flottille de nefs armées en
guerre, remontèrent la Moselle jusqu'à Dieulouard, où
ils s'emparèrent du pont de bateaux, qui fut ramené à
Metz. Au retour, et contre toute attente, ils franchi-
rent le pont de Mousson sans alerte. La garnison bar-
risienne ne se montra point. En y passant, ils pillèrent
les granges de la commanderie de Saint-Antoine, an-
cien et célèbre hôpital fondé pour le soulagement des
malades atteints du feu sacré axx feu Saint- Antoine^
ce terrible fléau des xi* et xii^ siècles.
Mais ils firent aussi une prouesse de meilleur aloi.
Dix soldoyeurs et quelques hommes de pied allèrent
provoquer, au pied de leurs murailles mêmes, les dé-
fenseurs de Mousson. Ceux-ci sortirent en armes pour
répondre à leur défi ; mais mal leur en prit : car les
Messins les reçurent si vigoureusement qu'ils durent
opérer une retraite en toute hâte, avec une perte de
INTRODUCTION. 59
cinq des leurs, dont les chevaux furent emmenés
comme prix de la victoire. Tous les environs de Pont-
à-Mousson, jusqu'à la frontière messine, furent mis à
sac sans pitié, et l'expédition rentra en ville chargée
d'un immense butin.
Pendant ce temps les garnisons lorraines des châ-
teaux voisins du territoire de la cité cherchaient des
représailles dans des attaques semblables dirigées
contre les villages de sa dépendance. Les gens d'armes
de Prény venaient attaquer Ars-sur-Moselle ; mais ils
étaient repoussés par la vaillance des habitants du lieu,
et se retiraient avec des pertes sensibles. Le capitaine
du château d'Amance éprouvait un résultat plus fâ-
cheux encore. Etant venu mettre au pillage le village de
Luppy, il s'y voyait attaquer par les paysans des en-
virons, pleins de résolution et de courage, et restait
mort sur la place avec beaucoup de ses soldats.
D'autre part, le nombre des ennemis de la cité allait
s'accroissant. Le seigneur d'Apremont obtenait de
son frère Henri, évêque de Verdun, qu'il s'associerait
à ses projets d'hostilité, et, malgré la rancune qui lui
restait encore de ses récents démêlés avec le comte de
Bar, le prélat chargeait, dans les derniers jours de jan-
vier, un frère prêcheur d'aller porter à Metz sa lettre
de défi ; quant aux motifs qu'il pouvait alléguer pour
justifier sa résolution, il serait malaisé de les dé-
couvrir.
Sur ces entrefaites, une verte leçon fut donnée à
un de ces seigneurs pillards qui , sous prétexte de la
INTRODUCTION.
guerre et des liens de féodalité qui les unissaient à
Tun des princes confédérés, faisaient à travers le pays
messin des courses qui n'étaient qu\in vrai brigandage.
Le 3 février, le seigneur de Friauville, nonnné Cliaui-
derons, et deux de ses voisins, venaient, à la tète de
leurs hommes, de faire une pointe dans le Val, lorsque
le vaillant soldoyeur André de la Pierre se mit à leur
poursuite avec sa compagnie et parvint à les rejoindre.
Ils furent tous faits prisonniers et enfermés à Metz
dans une étroite prison.
En même temps, s'exécutait une sortie d'une grande
importance à la tète de laquelle étaient deux Messins,
Arnould Beliegrée, dit Poujoize, du paraige de Juruc^
et un nonmié Hauricart, d'une condition plus modeste.
Ces deux vaillants citoyens, voyant les maux qui ré-
sultaient pour la cité de ce danger permanent suspendu
sur elle, prirent et firent approuver par les Sept de la
Guerre la résolution de porter le ravage au cœur
même du pays de l'ennemi et de s'emparer, s'il se
pouvait, de quelques-unes de ses forteresses. La pre-
mière nuit de carême (20 février), toutes les cloches
des paroisses sont mises en branle et la Mutte y
joint sa voix majestueuse ; chaque paroisse a fourni
son contingent de volontaires et leur a choisi des
chefs. Dès le point du jour l'armée messine est en
campagne. Au passage de l'Orne, un corps en est déta- .
ché pour bloquer le château de Richemont et essayer
de s'en rendre maître. Un autre corps est envoyé de
même en face du château de Florange. La masse prin-
INTRODUCTION. 61
cipale poursuit sa route jusqu'à deux lieues de Luxem-
bourg, dévastant le pays sur son passage; le feu des
incendies éclaire la nuit et jette la terreur jusque
parmi les défenseurs de Luxembourg. Entre Riche-
mont et Hettange plus de cinquante villages sont
livrés aux flammes ; on enlève, avec leurs troupeaux,
tout ce qu'ils possèdent.
* Pendant ce temps le château de Florange était
l'objet d'une vigoureuse attaque ; malheureusement
les approvisionnements de traits firent défaut. L'expé-
dition revint sans avoir subi de pertes, ramenant un
immense butin. Son but n'avait pas été entièrement
atieint, mais le comte de Luxembourg n'en aAait pas
moins éprouvé des pertes bien sensibles.
Peu de jours après ce fut le tour du comté de
Bar. Le 24 février, le château de Jean de Marly fut
pris et réduit en cendre, et tous les villages du Saulnois,
au-delà de la frontière, furent rançonnés sans merci.
Le 5 mars, les Barrisiens, commandés par Aubert
de Nancey, vinrent exercer des représailles. Ils pil-
lèrent Jouy et y enlevèrent un riche troupeau. Mais
les paysans des villages voisins se mirent à leur pour-
suite et les attaquèrent si vigoureusement que, malgré
l'infériorité de leur armement et leur peu d'habitude
de la guerre, ils les mirent en pleine déroute, et leur
reprirent tout le butin enlevé. Aubert de Nancey
et vingt-cinq de ses compagnons restèrent sur le
champ de bataille. Encouragés par ce succès, les
paysans messins n'hésitèrent pas à aller en plein
62 INTUODUCTION.
territoire ennemi ravager plusieurs villages, dont ils
' ramenèrent avec eux les richesses, qui ne furent pas
évaluées à moins de mille marcs d'argent.
Le lo mars, les soldoyeurs de la cité firent, sur un
autre point du comté de Bar, une expédition des plus
sérieuses. Elle avait la prévôté de Briey pour objectif.
Après avoir traversé TOrne sur un pont de bateaux et
laissé un corps de troupes pour fortifier et garder le
passage, ils firent, dans le comté et dans la seigneurie/
d'Apremont, une course aussi désastreuse pour ce pays
que l'avait été celle faite dans le comté de Luxembourg.
Ils bmlèrent plusieurs villages et revinrent chargés de
dépouilles.
Quelques jours plus tard, les gens du roi de Bohême
en tirèrent une bien triste vengeance. Le 18 mars, ils
vinrent jusqu'à Failly, où les pauvres gens du village
étaient occupés, dans leurs vignes, aux travaux de la
saison. Ils en massacrèrent quarante et ennneaèrenl
les autres prisonniers : acte lâche et cruel qui excita
une indignation d'autant plus vive que , pour les
Messins, la vie des gens de la campagne était sacrée,
et que, dans aucune de leurs expéditions, une goutte
de sang n'avait été versée par eux, sinon celui des
hommes de guerre.
Malgré tous les périls de la situation, le gouverne-
ment de Metz restait fidèle à son principe de main-
tenir une rigoureuse et étroite observation des lois de
la cité. Une ordonnance avait été publiée l'année pré-
cédente, qui déclarait que tous les cens acquis par les
INTRODUCTION. 63
membres du clergé, quelle qu'en fût l'origine, seraient
toujours soumis au droit de rachat. C'était une de ces
mesures que faisait constamment prendre à une au-
torité civile jalouse et prévoyante la crainte de voir
la puissance du clergé s'accroître trop rapidement.
Gomme il arrivait d'ordinaire, cette mesure rencontra
des résistances; de plus, le besoin où l'on se trouvait
de désarmer le mauvais vouloir de l'évèque fit penser
que l'ordonnance serait exécutée avec ménagements. ,
Mais c'était mal connaître l'inflexible volonté des sei-
gneurs de la cité : tous ceux qui refusèrent de se sou-
mettre furent condamnés à de grosses amendes. Le
chancelier et vicaire-général de l'évêché, messire Pierre
de Bauffremont, se retira à Vie et y dressa les éléments
d'un procès en cour de Rome contre les oppresseurs
de l'Eglise. Mais cette menace intimida si peu les
Messins que, peu de jours après, le contre de la cathé-
drale, Jean de Raigecourt, fut banni pournepas s'être
soumis à la loi.
Le aS mars de cette même année iSaS, fut élu
maître-échevin de Metz le sire Pierre Huneborjat,
petit-fils de Poince le Gournais, du paraige d'Outre-
Seille. Le même jour, pour fêter l'élection du premier
magistrat de la cité, les soldoyeurs messins dirigèrent
une forte expédition contre la prévôté de Boulay, dé-
pendance du duché de Lorraine. Elle ne fut ni moins
vigoureuse ni moins fructueuse que celles qui l'avaient
précédée et elle s'étendit aux terres de plusieurs sei-
gneurs, unis à la Lorraine par des liens de vasselage,
i
64 * INTRODUCTION.
les coinles de SaiTcbiûck, de Fénestrangc, de Cré-
hange, de Mengen. Jusqu'à Warsberg, toute la contrée
fut livrée au pillage et à l'incendie. Plus de cinquaiile
villages y furent ravagés, sans coniplcr les moulins
et les fermées.
Cependant la lettre écrite par les Messins à leur
« chier sires et esveske », Henri Dauphin, n'était pas
restée sans réponse. Plusieurs personnages amis de la
cité et, en particulier, Amédée de Genève, évêque de
Toul, étaient intervenus en sa faveur et préparaient
des bases à une réconciliation complète.
Les Messins, convaincus de la nécessité de faire des
sacrifices, ne se refusèrent pas à accepter les conces-
sions au prix desquelles le prélat s'engageait à quitter
les rangs de leurs ennemis pour les soutenir de sa puis-
sance. La première condition était la suppression des
prud'hommes; ils consentirent à abolir cette magistra-
ture et à donner satisfaction à diverses autres demandes
du prélat. Mais ce qui lui tenait plus au cœur, c'était
le versement d'une somme de quinze mille livres de
bons petits tournois, objet du dernier article du traité.
Cette condition fut acceptée comme les autres ; la
convention fut signée le 29 mars, et les quinze mille
livres, sorties des coffres de la cité, furent versées
entre les mains des représentants de l'évêque.
Or, les circonstances avaient fait de cette négocia-
tion une véritable comédie; Henri n'était plus évê-
que de Metz au moment où son chancelier apposait
le sceau épiscopal sur les lettres de paix. Engagé, nous
INTRODUCTION. 65
l'avons dit, dans une guerre avec la Savoie, il n'avait
vu dans les traités passés avec les princes confédérés
qu'un moyen de subvenir, par le prix des engagements
qu'il avait reçu d'eux, à ses dépenses militaires. Les
quinze mille livres payées par les Messins n'avaient pas
non plus d'autre destination; et, cependant, il n'avait
plus alors le moindre droit à les recevoir; car, au mo-
ment où Amblard de Beaumont les touchait en son
nom, il avait renoncé au titre d'évêque de Metz. Il
était allé, dès le mois de décembre précédent, deman-
der au pape Jean XXII de recevoir sa démission de
ses fonctions épiscopales, et le souverain pontife, dé-
férant à ses désirs, lui avait choisi pour successeur
Louis de Poitiers , de la maison de Montélimart,
évêque de Langres (i). Le traité avec le représentant
du prélat était à peine signé que la nouvelle parve
nait à Metz du changement qui venait de s'opérer
dans la direction du diocèse.
Le sacrifice que s'étaient imposé les Messins pour
rétablir la paix avec leur évêque était donc resté
stérile et la puissance militaire de Tévèché n'en restait
pas moins entre les mains de leurs ennemis. Il survint
même à ce sujet un incident où se révéla bien toute
(1) Pour en finir avec Henri Dauphin, disons qu'il remporta, le
9 avril 1325, une victoire décisive sur le comte de Savoie; que,
fidèle à ses goûts guerriers, il alla se distinguer à la bataille de Cassel,
au service du roi de France, et qu'il mourut en 1328.
Ajoutons enfin que son neveu, étant mort sans enfants, eut pour
successeur son frère, Humhert II ,qui fut le dernier Dauphin de Vien-
nois, et laissa ses États à la France.
5
66 INTRODUCTION.
la brutalilé dont les princes semblaient s'être fait
dans cette guerre un système arrêté. La petite ville
de Vie, chef-lieu du temporel de l'évêché de Metz,
et siège ordinaire de la cour èpiscopale, avait été, par
suite de l'engagère de Henri Dauphin, placée sous
l'autorité du comte de Bar. Or ses habitants, irrités
de la rapacité des officiers du comte, se laissèrent aller
à quelques manifestations tumultueuses. Edouard y
répondit par un acte d'étrange violence envers le do-
maine d'un allié; il lit renverser de fond en comble
l'enceinte de la ville et passer la charrue à travers ses
rues. Sin<;ulière façon d'entretenir en bon état le ;ïaî;e
qui avait été mis dans ses mains!
Sur ces entrefaites arriva aux magistrats de la cité
une lettre bien respectable par son origine, mais déso-
bligeante par son contenu. C'était le pape Jean XXII
qui écrivait aux Messins pour leur demander de mettre
en liberté GiWet d'Avoncourt, depuis quelques mois
retenu prisonnier par eux. La réponse qui fut faite à
cette demande est un modèle de raison et de droiture,
de fermeté inflexible au fond et de respectueuse défé-
rence dans la forme. Elle est datée, à quelques jours
près, par l'indication de ce fait que Louis de Poitiers,
appelé à l'évêché, « tarde bien à en venir prendre pos-
session ».
Au milieu de ces circonstances intéressantes, mais
peu décisives pour l'issue de la lutte, les incidents de
guerre suivaient leur cours, non sans une certaine mo-
notonie.
IMRODUCTIOiN. 67
Vers la fin du carême, le duc de Lorraine et le comte
de Bar, irrités des courses désastreuses dont leurs Etats
avaient été l'objet, résolurent de faire à leur tour une
expédition \igourense dans le Val-de-Metz. Celle fois
ils mirent en mouvement des troupes considérables.
Aux premiers jours de la semaine sainte, le i'^'" avril,
ils vinrent établir leur camp à Ars-sur-Moselle et li-
vrèrent les environs à une dévastation sans pitié. Leurs
soldais commencèrent par couper les ceps de vignes
sur pied et par brûler les échalas ; puis ils allèrent
donner l'assaut à Ancy, dont l'église fortifiée présenta
quelque résistance. Elle fui cependant prise et pillée,
et ses murs renversés. Puis ce fut au tour de Vaux de
recevoir leur impitoyable visite.
Ils entrent de force dans l'église et leur rage ne
respecte pas même les objets les plus sacrés. Un cru-
cifix est jeté à terre : il est décapité, ses jambes et ses
bras sont rompus. Une image de la sainte Vierge est
mise en pièces à coup d'épées et de haches!
Cependant, à travers ces fureurs, une certaine fa-
tigue commençait à se faire jour chez les princes.
Le mardi saint, un noble personnage se détache de
l'armée lorraine et s'en vient, à la tête du pont des
Morts, demander une conférence aux seigneurs de
Metz. C'est Pierre de Bar, seigneur de Pierrefort,
oncle du comte et vassal du duc de Lorraine, qui est
charge par eux d'entamer des ouvertures pacifiques.
Il demande aux Messins s'ils ne sont pas d'avis de
convenir d'une trêve et de surseoir à la guerre en
C8 INTRODUCTION.
attendant que les bases d'un meilleur accord puissent
être discutées.
La réponse des Messins est des plus catégoriques.
Ils refusent avec liaiiteur la trêve proposée. « Nous
« ne saurions, distnt-ils, avoir pire que ce que vous
« nous avez déjà fait, et nous sommes bien décidés à
« nous en venger et à vous livrer bataille. Dans peu
« de temps on saura si nous sommes maîtres ou va-
« lets. »
En entendant celte fière réponse, Pierre de Bar
retourne rendre compte au duc du résultat négatif
de son ambassade. Ferry, plein de dépit et de colère,
se laisse emporter à des paroles injurieuses : « On voit
« bien, lui dit-il, que vous avez reçu de l'argent de
« ceux de Metz; vous leur avez fait connaître tous nos
« secrets et l'on peut s'en apercevoir à leur attitude. »
Pierre de Bar répond avec calme et dignité que,
s il y a quelque chevalier qui ose faire peser sur lui un
semblable soupçon, il est prêt à défendre son hon-
neur : « Quant aux gens de Metz, ajoute-t-il, ils ne
n sont pas plus capables d'acheter des consciences
« à prix d'argent que de chercher à épouvanter leurs
« ennemis par de vaincs menaces. Mais il est certain
'< qu'ils sont décidés à livrer bataille et qu'ils nous
« viendront sous peu assaillir. »
A ces mots, le duc de Lorraine et le comte de Bar
s'empiessent de donner les ordres nécessaires pour
disposer les troupes en ordre de combat. Mais les
principaux seigneurs ne sont pas d'avis d'attendre le
INTRODUCTION. 69
choc qui les menace : la solidité et raideur qu'ils
ne connaissent que trop chez les gens d'armes de
la cité, le voisinage de ses murailles et de sa pa-
triotique population, leur paraissent constituer un dan-
ger auquel il est plus prudent de se soustraire par une
retraite immédiate. Cet avis prévaut, et, le jour même,
l'armée lorraine et harrisienne passe la Moselle à
Jouy pour regagner son pays.
Bientôt une sortie vigoureuse de la chevalerie mes-
sine transforme celte retraite en déroute. Beaucoup
de Lorrains sont tués et noyés dans cet engagement,
où le plus illustre des Messins, Jacques Grongnat, est
atteint d'une blessure légère par un coup d arbalète.
Le lendemain, tous les ennemis avaient évacué préci-
pitamment le territoire de la cité.
Le roi Jean, de son côté, avait, déjà depuis quelque
temps et au moins momentanément, renoncé à la lutte.
Il était, dès le 12 mars, parti pour son royaume de
Bohême.
A ce moment même parvint à Metz une très-impor-
tante nouvelle. Le nouvel évêque, Louis de Poitiers,
était arrivé à Marsal, et il s'y occupait péniblement de
remettre en ordre les affaires de l'évêché, si désastreu-
sement désorganisées par son prédécesseur. Il y avait,
pour les Messins, un intérêt de premier ordre à éta-
blir de bons rapports avec le prélat, et ils ne man-
quèrent pas à s'y employer de leur mieux. Ils lui
expédièrent leur principale notabilité, Jac-[ucs Gron-
gnat, déjà remis de sa blessure, et à la tê:e d'une troupe
70 INTRODDCTION.
nombreuse et choisie. Comme les embarras de l'évé-
que étaient grands au milieu des populations de son
troupeau, armées les unes contre les autres, en pré-
sence de ces princes qui détenaient ses châteaux et les
traitaient en conquérants; comme les périls des voya-
ges étaient sérieux, la venue de messire Jacques, avec
sa puissante escorte, produisit une impression favo-
rable. Celui-ci eut bien des discussions à soutenir,
bien des conditions à accepter, bien des engagements
à prendre, mais enfin il réussit dans sa mission et le
prélat promit de venir prochainement à Metz pour y
recevoir le serment des Treize.
En attendant, dès le 7 avril, il confirma le traité de
paix qui avait été préparé au nom de son prédéces-
seur. 11 devenait l'allié de la cité, envers et contre
tous, et la paix ne pouvait se conclure sans le consen-
tement simultané des deux parties. Cette réconcilia-
tion donna aux Messins une confiance et une résolution
toutes nouvelles. Les alliés purent s'en apercevoir à la
manière dont ils furent traités.
Le Raugraf, avec sa compagnie, commença par le
comté de Luxembourg. U y fit, le i5 avril, une course
à la suite de laquelle il ramena des chevaux, des
troupeaux et d'autre butin pour une valeur considé-
rable.
Les gens d'armes de la cité , pendant ce temps, fai-
saient une incursion en terre lorraine, vers Château-
Brehain, Thicourt et Thil-Châtel. Ils mettaient à sac
tous les villages voisins, sans que les garnisons de ces
INTRODUCTION. "31
cliâteaux essayassent de s'y opposer. Mais il y avait un
fait autrement étrange. Le duc de Lorraine en per-
sonne était dans le Saulnoîs , à la tête de son armée,
à quelques lieues de ceux de ses domaines que les
Messins venaient ravager, et il n'osait pas faire un mou-
vement pour les défendre , tant les gens d'armes de
Metz avaient su lui inspirer de crainte ! L'expédition
rentra sans encombre, suivie d'un immense convoi.
Le comte de Bar n'était pas épargné davantage ; la
bande de ceux qui portaient par excellence le nom de
coureurs de la cité, de gaudissours ou vaudexours^
s'était portée dans la direction d'Hattonchùtel et de
VigneuUes , vers les côtes de la Meuse. En un instant
elle y avait amassé un énorme butin, auquel vint se
joindre celui prélevé, le lendemain, autour de l'ab-
baye de Saint-Benoît en Woëvre, superbe monastère
de l'ordre de Cîteaux , sous la prévôté de Thiaucourt.
Il fallait entendre les hélas ! que poussaient les moines ;
mais les Messins ne se laissaient pas attendrir.
Cependant un gentilhomme du pays, écuyer de l'é-
vêque de Verdun, conçut le projet de disputer aux
ennemis la possession de ces riches dépouilles. Il réu-
nit plusieurs chevaliers, défenseurs des châteaux voi-
sins, et vint avec eux dresser, à la sortie d'une forêt,
une embuscade dans laquelle les Messins ne manquè-
rent pas de tomber. Mais l'assaillant fat mal récom-
pensé de sa hardiesse. Il fut tué , ses gens prirent la
fuite à travers les bois cl le convoi rentra intact à
Metz.
72 INTRODUCTION.
Vers la fin d'avril de nouvelles expéditions sont lan-
cées dans différentes directions. Jelian de Volnicrange,
accompagne de plusieurs vaillants hommes de Metz,
en dirige une conJre le duché de Lorraine, et il obtient
un succès complet. Il va au-delà de Saint-Avold, jus-
que dans la magnifique forêt de Warend-Wald, et
livre au pillage les domaines de l'abbaye de Wadgasse,
riche monastère de l'ordre de Prémontrés, qui avait
le comte de Sarrebruck pour protecteur et l'arche-
vêque de Trêves pour avoué. Un autre parti, envoyé du
côté d'Hcspèrange, dans le Luxembouig, rencontre
une troupe de cavalerie du roi de Bohême, sur laquelle
il remporte un brillant avantage. A son retour, il sou-
tient encore un combat heureux contre les garnisons
deLuttange et de Btrtrange. Le même jour, enfin, une
troisième' pointe est poussée avec un égal succès jus-
qu'aux portes de Pont-à-Mousson.
Si nous en croyons la chronique en vers, qui est
connue sous le nom de Jean le Châtelain, les Messins
essayèrent alors une attaque contre la ville de Sampi-
gny, une des plus importantes forteresses de l'évêque
de Verdun, auquel ils voulaient sans doute donner
une leçon particulièrement sévère pour son injusti-
fiable hostilité. Cette petite ville, dont l'histoire est
remplie par les faits de guerre dont elle a été le théâ-
tre, était capable de faire à un siège une sérieuse
résistance. Elle avait la forme d'un quadrilatère, flan-
qué de quatre grosses tours que reliaient une forte
muraille, précédée d'un fossé profond et rempli
INTRODUCTION. IS
d'eau. Un cliàteau, que dominait un puissant donjon,
ajoutait encore à sa foi'ce militaire. Les Messins Tat-
taquèrent résolument et en prolongèrent le siège pen-
dant onze semaines; mais ils ne furent pas heureux.
Deux de leurs meilleurs chevaliers y furent tués, et ils
durent finir par se retirer, à la suite d'une trahison ,
dit la Chronique , sans la définir d'une manière plus
précise (i).
Cependant la prudente cité, qui avait créé dans les
Sept de la Guerre un pouvoir presque dictatorial, ne
trouvait pas qu'il fût conforme aux règles de la sa-
gesse de le laisser se trop prolonger dans les mêmes
mains. Il fut donc décidé que de nouveaux membres
seraient appelés à s'acquitter de ces importants de-
voirs. Le choix se porta, dans les mêmes conditions que
la première fois, sur les seigneurs: Jeoffroy Grongnat,
(1) D. Calmet, à l'article Sampigny, de la Notice de Lorraine
(II, p. 394), établit à tort une confusion entre ce siège et un autre,
essayé par les Messins avec un égal insuccès en 1372. Il donne, d'a-
près la Clironlque du doyen de Saint-TInébault , aux deux seigneurs
messins lues, les noms de Remy de Melry et de Geoffroy Grongnat.
Or on sait fort bien que ce ne fut qu'au siège de 1372 que ces deux
chevaliers furent tués « d'une pierre d'engin ».
Ce second siège, sur lequel nous sommes exactement et contradic-
toirement renseignés, est à nos yeux beaucoup plus certain que le
premier, appuyé sur le témoignage d'une seule chronique, qui est
loin d'être toujours sèrieusemfnt exacte. Il serait donc possible que la
confusion de date s'appliquât au fait principal , mieux encore qu'au
détail accidentel. Aucun des historiens successifs de Metz n'a fait autre
chose que mentionner, à la date 1325, le siège de Sampigny sur la foi
de la Chronique riniée. Nous faisons comme ceux qui nous ont précé-
dés ; seulement ayee quelques réserves.
7» INTRODUCTION.
Werry Piedeschauli, Thiébault Vogel , Garciriat de
Moyelan, Perrin de Laitre, Perrin Chainge et François
Bellegrée. La durée de leurs pouvoirs fut limitée à
Noël.
VII.
Il y avait des deux côtés chez les belligérants une
visible fatigue. Les dernières incursions des Messins
restèrent sans revanche : l'année se passa comme dans
une demi-trcve tacite et sans donner lieu à aucun fait
de guerre bien sérieux. Les vassaux des trois princes
voisins du territoire de la cité avaient tant eu à souf-
frir, que la crainte des représailles arrêtait toute opé-
ration agressive.
Cependant l'évêque Louis de Poitiers ne pouvait
rester insensible à l'idée que les maux qui avaient si
cruellement éprouvé son diocèse pouvaient se renouve-
ler d'un jour à l'autre. Son cœur de pasteur en était at-
tendri, en même temps que son intérêt de prince en souf-
frait^ Il envoya des ambassadeurs à chacun des princes
alliés, ainsi qu'à la cité, pour leur remontrer combien
cet état de guerre avait déjà amené de pertes et de
sacrifices pour tout le monde, déjà fait répandre de
sang et brisé d'existences, et combien il était à crain-
dre que l'avenir fut encore aussi cruel que le passé. Il
les suppliait d'en venir à un accommodement et leur
offrait de recevoir à Marsal des députés chargés de
IISTRODUCTION. 75
représenter les belligérants dans des conférences paci-
fiques.
Les seigneurs de Metz se prêtèrent à ees onvertures
conciliantes : vers la fin du mois de décembre ils en-
voyèrent à Marsal des délégués qui reçurent commu-
nication des demandes présentées par les princes en-
nemis et au prix desquelles la paix pouvait se con-
clure. Ces demandes portaient en substance que les
fiefs acquis par des Messins sans une autorisation
formelle sortiraient de leurs mains, sauf à y être réin-
tégrés par le bon plaisir du suzerain ; que les Messins
seraient désormais obligés à restitution quand, par
suite de saisie régulière, un des sujets des princes au-
rait été lésé dans ses intérêts : que les amans seraient
supprimés; qu'aucun des hommes des seigneurs ne
pourrait être arrêté pour dettes, et qu'enfin la cité
renoncerait à toutes les sommes dont à un titre quel-
conque ils pouvaient être redevables envers elle.
Les envoyés messins trouvèrent les propositions
trop graves pour pouvoir donner une solution immé-
diate. Ils demandèrent qu'une autre conférence fût
convenue pour y faire connaître la réponse du conseil
de la cité. Une nouvelle journée amiable eut lieu en
conséquence à Pont-à-Mousson, et les Messins y pré-
sentèrent leurs contre-demandes rédigées avec un soin
et une puissance de raison remarquables.
Ce mémoire, où étaient mises à néant les prétentions
des confédérés, fut soumis à son tour aux discussions
approfondies de ces derniers. Il fut décidé qu'une
76 IM'nODUCTION.
troisième journée aurait lieu à Pont-à-Mousson, le pre-
mier lundi de carême. Les quatre princes vinrent en
personne se réunir aux délégués de la ville, investis
des pleins pouvoirs du conseil. Celte conlérence de-
vait donc être la dernière et produire, dans un sens
ou dans l'autre, un effet décisif.
Mais un vaillant chevalier messin crut utile de faire
une nouvelle prouesse avant d'entrer définitivement
dans la voie des négociations. C'était Jean de la Court,
que nous avons vu, au début de la guerre, renoncer
si dignement au titre de feudalaire du comte de Bar.
La veille du jour où la conférence devait avoir lieu,
il obtint des magistrats que les portes de la ville se-
raient closes, et que toutes les troupes dont la cité
pouvait disposer seraient mises sous les armes. Il se
trouva ainsi à la tète de sept cents cavaliers armés de
toutes pièces et d'un nombre égal de fantassins, tant
soldoyeurs que gens de la cité. Il les mit en mouve-
ment vers la tombée de la nuit, et un peu après
minuit ils étaient réunis sur la côte de Froimont, en
face de Pont-à-Mousson.
Arrivés là, Jean de la Court réunit les capitaines
autour de lui et leur dit : « Seigneurs, je vous de-
« mande un conseil. Vous savez, que les princes sont
« à Pont-à-Mousson et que nous devons demain traiter
« avec eux ; j'ai pensé que ce serait une bonne chose,
« si tel était votre avis, que nous eussions l'honneur
« de faire sur nos ennemis les dernières courses et
« alarmes. S'il vous semble que nous sommes assez
INTRODUCTION. 77
« forts pour cela, nous pourrions prendre notre clie-
« min du côté de cette ville et faire la procession tout
'< à l'entour d'elle. Et aussitôt que l'aube du jour
« paraîtra, nous commencerons à mettre le feu par-
ie tout, faisant du Pont le centre d'un vaste incendie,
« de manière que l'honneur de la dernière journée
« soit à nous. Puis, demain, après midi, quand nous
« serons revenus à notre point de départ, je m'en irai
« avec mes collègues à la journée amiable, et vous
« regagnerez Metz à la tète de vos compagnies. »
A cette harangue, les capitaines des hommes d'ar-
mes répondirent qu'ils se sentaient assez forts pour
tenter une grande entreprise, si toutefois 11 osait se
fier à ses gens de pied et compter sur eux pour sup-
porter un choc.
Mais Jean de la Court avait, avec intention, convo-
qué en même temps que les capitaines un certaiu
nombre de gens de pied de la commune pour prendre
part à la discussion. Ils furent très-blessés du doute
qui venait d'être émis sur leur valeur, et montrèrent
une énergique résolution de le démentir. • En avant!
« s'écrièrent-ils, en avant, seigneurs de la Commune !
« Les capitaines de nos gens d'armes n'ont pas con-
« fiance en nous ; nous venons d'entendre la manière
« dont ils nous estiment. Marchons les premiers, com-
« mençons nous-mêmes ce qu'ils veulent faire, de
« manière à leur montrer que nous voulons vivre et
« mourir avec nos seigneurs. C'est nous qui allume-
« rons les premiers feux! » A peine put-on les calmer
78 liNTRODUCTIOX.
et les maintenir en bon ordre, tant était vif chez eux
le dépit d'avoir été mal jngés.
La chevauchée de Jean de la Court se réalisa ainsi
qu'il l'avait projetée. Dès le point du jour, des fumées
s'élevant à l'horizon indiquent de nouveaux incendies;
deux heures après, dans toutes les directions le ciel est
chargé de fumée; l'alarme règne dans lout le pays. A
Pont-à-Mousson, enveloppé d'un cercle de flammes,
l'émotion est au comble.
Le comte Edouard est désespéré. Il prend par la
main le roi de Bohême et l'archevêque de Trêves, et
les emmène sur une des tours les plus élevées de l'en-
ceinte de la ville, r.à, étendant les bras vers les diffé-
rentes directions où l'incendie faisait rage, il leur dit
d'un ton navré : « Seigneurs, considérez la manière
« dont ceux de Melz me traitent en votre présence !
a II est bien visible qu'ils ne font pas plus do cas de
« vous que de moi. Pensez, quand vous serez loin
« d'ici, quels seront les traitements qu'ils me réser-
« vent, alors que devant vous ils en usent ainsi avec
« moi! Vous me serez alors d'un bien faible secours,
« car dans la circonstance présente vous ne me venez
« guère en aide. J'ai besoin de la paix; oui, il faut
n que celte guerre se termine, je vous le demande
« et vous en prie; je ne la puis plus supporter! »
Et, sur ces plaintes, les quatre princes se réunissent
en conseil.
Avant l'heure de none, Jean de la Court ayant ter-
miné son expédition contre les villages voisins du Pont,
INTRODUCTION. 79
prend congé de ses hommes d'armes et piétons en
leur disant : « Seigneurs, faites bien votre devoir en
a retournant vers Metz, car il est temps que j'aille,
« au Pont à la conférence, et il n'y a que moi et
« mes collègues qui soyons en possession d'un saiif-
« conduit. » Aussitôt, la troupe, dans le meilleur or-
dre, reprend le chemin de la cité, tandis que les
ambassadeurs vont remplir le rôle pacifique auquel
ils ont préludé par des procédés d'une nature toute
différente.
La journée amiable se tenait à l'entrée du carême.
Les Messins, toujours gens prévoyants, avaient fait ame-
ner à leur suite leurs provisions de bouche et particu-
lièrement des harengs frais. Pendant qu'ils étaient à
dîner, les seigneurs chargés des négociations vinrent
s'entretenir avec eux. Ils furent frappés de la beauté
des harengs qui se trouvaient sur la table. « Certes,
« dirent-ils, il faut que vous payiez bien votre hôte,
« pour avoir un tel mets, car nous n'en avons pu"
« avoir. — Nous ne les avons pas trouvés ici, répon-
« dirent les Messins; nous les avons apportés avec
« nous. — Comment ! s'exclamèrent les seigneurs,
« les chemins sont clos pour vous, et vous pouvez
« tout avoir en abondance ! Ils ne le sont pas pour
« nous, et nous manquons de tout ! — Vous croyez
« tenir les chemins clos pour nous, dirent les citains,
« et c'est nous qui, au contraire, vous les fermons à
« notre volonté. — Cela est visible, repartirent les vi-
K siteurs, mais nous le jurerions par Dieu à nos sei-
80 INTRODUCTION.
« gneurs qu'ils ne le croiraient pas. Veuillez donc
« nous donner une demi-douzaine de harengs pour
« que nous puissions les en convaincre, — Vous n'en
« aurez pas une demi-douzaine, mais bien un cent,
« que nous allons à l'heure même faire porter à vos
a princes, car nous en sommes largement approvi-
« sionncs. »
Les envoyés, de retour auprès des confédérés, leur
ayant raconté quelle vie large et facile menaient les
ennemis, ceux-ci se refusèrent d'abord à le croire,
mais il fallut bien qu'ils se rendissent à l'évidence.
Alors, se rappelant toutes les instructions qu'ils avaient
données pour que les routes fussent rigoureusement
fermées, tant dans le duché de Lorraine que dans les
comtés de Bar et de Luxembourg, ils en conclurent
avec dépit que leurs ordres avaient été bien mal exé-
cutés.
Le comte de Bar prit alors la parole : « Vous voyez,
« dit-il, ce que c'est que ces gens de Metz et la ma-
« nière dont ils se gouvernent, et nous avec eux !
« Nous les croyions poursuivre et affamer, et c'est
« notre propre substance que nous détruisons et dévo-
« rons. Nous manquons de tout ; grâce aux chemins
« qu'ils tiennent et à ceux qu'ils gagnent, l'abondance
« règne chez eux par leur argent et leur puissance.
« Il faut le reconnaître, messeigneurs, vous ne faites
« que faiblement exécuter vos ordres dans vos pays,
« et vous ne trouvez qu'une médiocre obéissance parmi
« vos capitaines, aidants et sujets, qui laissent ainsi
INTRODUCTION. 81
« passer les vivres à travers votre territoire et les me-
« ncr à Metz, où l'on a toutes choses avant vons-
c mêmes! Or, avisez à ce qu'ils peuvent faire encore
« de pis contre nous. Je vous al dit et vous répète
« que nous n'avons plus que faire de continuer cette
« guerre, et qu'il faut la finir! Pour moi, je veux
« la paix; j'ai subi assez de dommages. Quand vous
« serez en Bohême et sur le Rhin, il vous souviendra
a peu de moi , et vous êtes trop loin pour que les
<c Messins aillent vous chercher. Si vous étiez àjeur
« portée comme j'y suis, vous y mettiiez plus de
« cœur. Et comme je me trouve, quant à moi, leur plus
« proche voisin, et qu'il vous est facile de voir ce à
« quoi je suis exposé, j'ai besoin de la paix et il faut
«•qu'elle se fasse; car je ne puis plus endurer des
ce dommages pareils à ceux que je subis! »
A ces mots, les princes, reconnaissant que la guerre
avait causé de grandes ruines dans la Lorraine et le
Luxembourg, et plus encore dans le Barrois , et con-
sidérant que, si elle se prolongeait, elle pourrait avoir
de plus fâcheuses conséquences encore, se résolurent
à laisser conclure la paix au moyen des médiateurs,
en donnant à ces derniers pleins pouvoirs.
La conférence se réunit sans retard, et elle ne se
sépara pas sans avoir arrêté les principaux termes de
la pacification, qui fut acceptée avec une grande joie
départ et d'autre. Le 3 mars de l'année i326fi325
ancien style), entre Baudoin, archevêque de Trêves,
Jean, roi de Bohême, Ferry, duc de Lorraine,
6
£2 INTRODUCTION.
Éclouarcl, comte de Bar, et la cité de Metz, fui signé
un traité, par lequel on convint : que les prisonniers
seraient renvoyés sans rançon ; que chaque parti gar-
derait à sa charge les frais qu'il avait faits pour la
guerre; que les sujets des diverses puissances pourraient
faire valoir leurs biens sous quelque dépendance qu'ils
fussent placés; qu'ils ne pourraient rien réclamer de
tout ce qui aurait été pris et enlevé pendant les hosti-
lités ; et qu'ils se déclareraient respectivement quittes
de tout, excepté ce qui était légitimement dû avant
la guerre. Le traité portait en outre que les citoyens
de Metz ne pourraient acquérir de lièfs ni arrière-ficfs
sans l'agrément du seigneur de qui ces fiefs relevaient,
et qu'ils seraient tenus aux services qui y sont atta-
chés; que, du reste, on se conformerait en tout à la
coiituine (lEstaidt^ dans les rapports de fcudataire à
souverain.
Un traité spécial ajouta une clause à ces conditions,
à savoir que la cité payerait aux princes confédérés une
somme de i5,ooo livres de bons vieux tournois, en
deux termes, le premier à la Saint-llemy de i32()
et le second à la Purification de l'année suivante.
Quatre des principaux bourgeois se portèrent garants
de Texaclitude du payement. Le traité, signé et scellé
par les intéressés, fut ensuite revêtu des sceaux de
Louis de Poitiers, évêque de Metz, du chapitre de la
cathédrale, des abbés de Saint-Arnoult, Saint-Clément
et Saint-Symphorien, et des abbesses de Sainte-Glos-
sinde et de Sainte-Marie.
INTRODUCTION. 83
La guerre était donc finie, et la cilé rentrait en pai-
sible jouissance de ses libertés séculaires. Le premier
bienfait de la pacification fut de lui permettre de rece-
voir, non-seulement avec cordialité, mais avec enthou-
siasme, le successeur de Henri Dauphin, de triste mé-
moire. Ce fut un spectacle nouveau pour les Messins
que celui de ces témoignages de cordialité respec-
tueuse et reconnaissante , depuis bien longtemps ,
si rarement donnés. L'évêque arriva sous l'escorte
d'une bande de cavalerie, la veille du 25 mars, jour
fixé pour la nomination des magistrats de la cité, de
manière à être là pour recevoir leur serment. La meil-
leure intelligence ne cessa pas de régner entre les
Messins et lui pendant la durée de son court épiscopat,
et, le 3o mai, un traité d'alliance offensive et défensive
était signé par eux, dans les termes ks plus affectueux.
vm.
La signature du traité de paix avait été l'un des
derniers actes administratifs du maître-échevin Hugues
Hunebourjat. Le aS mars suivant, il faisait place à un
nouveau titulaire, Gilles le Bel, du paraige du Commun,
et, le même jour, suivant le calendrier messin, Tannée
iSaô faisait son entrée dans l'histoire. Il semblait que
cette année, protégée à sa naissance par l'établisse-
ment d'une paix générale, dût faire oublier, dans le
calme et la prospérité, les angoisses et les agitations de
84 INTRODUCTION.
celle qui l'avait précédée : mais, nous allons le voir, il
fut loin d'en être ainsi.
Il était naturellement nécessaire de se procurer beau-
coup d'argent pour solder les comptes de la guerre et
aussi ceux de la paix. Depuis deux ans Metz entretenait
à sa solde plusieurs centaines d'hommes d'armes dont
les services étaient chèrement payés. De plus, il fallait
acquitter l'indemnité convenue dans le traité , et les
coffres de la cité étaient vides. Pour les remplir, on usa
d'un premier expédient : on imposa aux ordres reli-
gieux une part dans les sacrifices auxquels il fallait se
soumettre. Ainsi la cité contraignit les Carmes à payer
comptant 5o livres de bons petits tournois , pour
le rachat de divers cens assis sur des biens légués
à leur monastère par le chanoine Nicolas de Saint-
Martin. Cette mesure ne fut pas la seule, et chacun
des monastères fut sans doute imposé à son tour; mais
ce qui est certain, c'est que cette ressource fut re-
connue insuffisante, et qu'il fallut en venir au moyen
élémentaire dont usent tous les gouvernements pour
battre monnaie, c'est-à-dire frapper de nouveaux im-
pôts sur les citoyens. Une t.iiile fut donc décrétée;
mais la répartition en fut faite d'une manière qui parut
injuste et froissa profondément le sentiment public.
Le chiffre des impositions persorinelles avait été fixé
par une commission composée des gens de paraiges,
c'est-à-dire de la seigneurie de la cité. Or, par une
conséquence toute naturelle de sa haute situation de
fortune territoriale, c'était surtout cette classe privilé-
IM'RODUCTION, 85
giée qui avait supporté le poids de la guerre. Possé-
dant beaucoup, ses membres avaient aussi beaucoup
perdu, et la plupart d'entre eux faisaient ressortir le
dommage résultant de leurs domaines brûlés, de leurs
cens et revenus restés impayés, de leurs fermages com-
promis, ce qui représentait et au delà la part qu'ils
devaient prendre dans lés communs sacrifices.
Lorsque le rôle de la contribution fut publié, il sou-
leva des réclamations universelles. Les gens de condi-
tion movenne protestèrent contre la charge qui leur
était faite; les autres trouvèrent, au contraire, que ceux
qui n'avaient rien perdu étaient encoie traités avec trop
d'indulgence. Le mécontentement fut ainsi général.
Mais il fallut aussi arriver à créer des taxes de
consommation, retombant directement sur le peuple,
et dont l'application était de nature à exciter l'irrita-
tion dans les classes inférieures. C'est ainsi que, le
6 juin i326, parut un a(our, concernant la mnltôte et
la bnlette, c'est-à-dire une ordçnnance relative à un
tarif de contributions indirectes, comme nous dirions
aujourd'hui, qui fit peser une lourde aggravation de
droits sur les objets de consommation journalière. Le
coupiUon du blé était doublé ; chaque muid de sel
était taxé à i deniers ; la quarte d'écorce de chêne, si
nécessaire aux nombreux tanneurs de Saulnerie, à une
angevine; le muid de vin du pays à i denier; le muid
de vin étranger à 12 deniers. . . et en outre, la mesure
désagréable de l'exercice et de la vérification du cou-
tenu des caves. Ainsi du reste : les draps, les fils,
83 INTRODUCTION.
les étoffes de toutes matières, étaient imposés de 2 de-
niers par livre, l'argenterie de deux deniers par marc ,
Torfévrerie d'or de 2 sols par marc. Toutes les tran-
sactions par écrit étaient soumises à une taxe de 2 de-
niers par livre.
A cette contribution étaient soumis tous les habitants,
prêtres, clercs, laïques, chevaliers, nobles, bourgeois,
gens de toute condition et de toute origine. Après une
secousse pareille à celle qui avait ébranlé la cité , il
fallait un effort vigoureux pour remettre à flot sa for-
tune. Aussi ses magistrats ne crurent-ils pas trop de-
mander au patriotisme de sa population.
Mais ce patriotisme, qui n'aurait pas marchandé
les sacrifices au temps du danger, était déjà atténué
par les récriminations réciproques que multipliait
chaque jour un esprit de résistance et de rébellion de
plus en plus développé dans la cité. Enfin une révolte
éclata et son explosion eut lieu à main armée. La
Commune, c'est-à-dire la classe marchande et ou-
vrière, se leva contre les magistrats et les chassa du
gouvernement et de la ville. La plupart des bourgeois
se hâtèrent de prendre la fuite derrière eux. Des
membres de l'oligarchie dirigeante il ne resta que
quelques hommes ambitieux et cupides qui comptaient
sur un facile accroissement de fortune en se mettant à
la tête d'un peuple inexpérimenté et incapable de di-
riger les affaires de l'Etat.
Mais ces hommes ne tardèrent pas à s'apercevoir
combiensous ce rapport leurs espérances étaient vaines.
INTRODUCTION. 87
La plupart d'entre eux furent, au contraire, écartés du
pouvoir, et la Commune se constitua presque entière-
ment dans les éléments populaires, enivrés de leur
nouvelle puissance. On en vit alors qui, se livrant à tous
les excès, se consolèrent de leur déconvenue politique
en mettant au pillage les hôtels de leurs amis de la
veille et s'enrichirent par des réquisitions arbitraires,
faites au nom de la sûreté publique. Un membre du
paraige d'Oultre-Seille, Jacomin Boileau , aman de
Saint-Maximin et l'un des premiers Sept élus pour la
guerre, fut au nombre de ceux qui mirent le plus d'ar-
deur à ces recherches, dont les auteurs furent flétris
du nom expressif et ignominieux àe porte-en-maison.
Cependant, au milieu des passions soulevées par cette
révolution, révolution bien coupable, car elle était
faite pour ainsi dire en présence de l'ennemi, à peine
désarmé et non encore payé, une complète anarchie
régnait dans la ville.
Il y restait pourtant plus d'une âme honnête et amie
de l'ordre, qu'un tel spectacle révoltait. De ce nombre
était un nommé Philippin Xollefert, de la famille des
Faixins, fils de Guerciriat Faixin, aman de Saint-Mé-
dard. C'était un brave capitaine, l'un des chevaidcheurs
de la dernière guerre. Un jour, ne pouvant plus se
contenir, il laissa échapper les plus sanglantes injures
contre la Comnmne et ceux qui avaient pris son parti.
Les fureurs que son indignation provoquait ne l'épar-
gnèrent point. Il fut jugé, condamné par la clameur
populaire, et décapité devant le portail de la cathédrale.
88 INTRODUCTION.
Sa tête fut « enmurée » à l'un des angles du palais,
près de la Gonr-rÉvêque, de manière à rester comme
un avertissement à l'adresse de ceux qui auraient envie
de manquer, comme lui, de respect à la Commune.
Un autre acte d'aveugle colère fut la démolition de
la maison de Jacques Grongnat, auprès de l'église Saint-
Ferroy. On chercha même à saisir le père de cet émi-
nent citoyen pour le faire mourir, mais il parvint à se
soustraire aux poursuites et à quitter heureusement la
cité. Il y eut encore bien d'autres faits semblables, et
même pires, dit la Chronique ; mais elle se dispense
de les énumérer, sans doute par un sentiment de
honte patriotique.
A la tête des bourgeois expulsés était sorti le
maître-échevin de Metz. Le gouvernement régulier
était donc entièrement constitué en dehors de la cité,
et la révolution, qui avait si brusquement pris sa
place, n'avait même pas cherché à se créer une ap-
parence de légalité. Gar l'antique constitution messine
avait été déchirée et mise à néant dès le début de la
révolte.
La Chronique du Doyen de Saint -Thiébaut fixe au
20 août i326 (le mercredi devant la feste Saint-Sym-
phorien) la fuite du maître-échevin et de la seigneurie
messine devant l'insurrection triomphante. Peut-être y
eut-il d'abord quelques négociations essayées qui per-
mirent d'espérer le retour du bon ordre sans qu'il fût
besoin de recourir à une répression violente : mais il
est certain que ces illusions devaient s'être dissipées dès
INTRODUCTION.
le 12 septembre, jour où l'on voit un grand nombre de
soldoyeurs donner leur quittance au receveur de la
Commune pour le prix des services militaires qu'ils
s'engagent à lui rendre. Le nombre total des engage-
ments, la plupart datés de ce même mois, s'élève à cent
cinquante environ. Parmi les chevaliers et écuyers
dont nous avons les noms, il n'en est pas qui appar-
tienne à la haute noblesse; la plupart sont Alsaciens;
mais il y a aussi un certain nombre de Lorrains, que
la paix signée par le duc Ferry avait rendus libres de
choisir leur parti .
La plupart des gentilshommes messins s'étaient, dès
leur sortie de la ville, retirés dans leurs maisons-fortes;
ilss'y étaient mis en état de défense et se préparaient à
prendre l'offensive. Mais ils sentaient le besoin de se
créer un supplément de ressources militaires, car il
était devenu évident que la force des armes seule amè-
nerait la solution du conflit. Le comte de Bar et le roi
de Bohême, rendus, par la signature du traité de paix,
à la cordiale pratique des rapports qui les unissaient
aux seigneurs messins possesseurs de fiefs dans leurs
domaines, mirent leurs forces à la disposition des
bannis, moyennant un engagement de 54,ooo livres
de petits tournois : engagement dont ils firent la base
d'un accord, par lequel ils se promirent de ne pas faire
la paix l'un sans l'autre, et de se partager la somme,
dans la proportion de 34,ooo livres pour le roi et
20,000 livres pour le comte (27 octobre i326).
Le château de Vry, la plus solide des forteresses ex-
90 INTRODUCTION,
térieures de la cité, était la résidence du mattre-éche-
vin et le centre où convergeaient les principales forces.
Alors commença une déplorable guerre dans laquelle
les Messins, armés les uns contre les autres, renouve-
lèrent sur un espace plus étroit et sur une moindre
échelle la campagne désastreuse de l'année précé-
dente. D'une part, sorties fréquentes, pillages, incen-
dies, engagements plus ou moins importants, avec des
chances diverses ; de l'autre, maintien de plus en plus
rigoureux d'un blocus étroit : voilà ce que le pays mes-
sin revit encore pendant plusieurs mois. Quelques in-
cidents d'une médiocre importance marquèrent seuls
cette guerre odieuse et stérile.
Un jour, dans une escarmouche, un des seigneurs
de paraige fut fait prisonnier par des soldoyeurs aux
gages de la Commune. Ils le gardèrent caché pendant
quatre jours, car si le peuple l'eût eu entre les mains il
était voué à une mort certaine. Sur ces entrefaites, le
fils d'un des principaux chefs du parti populaire tomba,
dans une sortie, au pouvoir des seigneurs messins.
Ceux-ci le placèrent sur la maîtresse tour du château
de Vry, avec une chaudière d'eau et trois mesures
d'avoine, et lui dirent : « que si ceux de Metz ne vou-
laient pas leur rendre le prisonnier qu'ils tenaient, il
n'avait qu'à choisir entre deux partis : se jeter du haut
de la tour, ou y vivre de ces provisions, les seules qui
lui seraient données. » Il parvint à faire connaître à
Metz sa situation, et l'échange des deux prisonniers
eut lieu sans retard.
INTRODUCTION. 91
Cependant un engagement des plus sérieux ne tarda
pas à succéder à cette guerre d'escarmouches. Toutes
les forces de la Commune dirigèrent une attaque contre
l'armée des seigneurs. La rencontre eut lieu près d'un
moulin-à-vent, au voisinage duquel elle dut son nom.
Un épisode mérite d'être ici signalé : les insurgés
avaient imposé au primicier de la cathédrale, Jean de
Moyelan, de tenir déployée à la bataille la grande ban-
nière ou oriflamme de la cité, qui ne devait être mon-
trée que dans les cas de grand péril, et que ce digni-
taire de l'Eglise avait toujours eu la mission de porter.
La perte fut considérable des deux côtés; mais le
terrain resta aux gens de la Commune, et ils purent
se glorifier d'une victoire chèrement acquise. Les sei-
gneurs emmenèrent leurs morts à l'abbaye de Villers-
Beltnach, où ils durent les déposer, puisque les sépul-
tures de famille des abbayes de Metz leur étaient
fermées; et le nombre des victimes était si grand,
qu'une fosse ouverte au cloître, à droite de l'entrée
de l'église, reçut trois membres de la seule famille
des Faulquenel, qu'on y déposa l'un sur l'autre.
Cependant telle était la confiance qu'avaient les
magistrats sortis de Metz dans l'issue de la lutte et
dans l'indiscutable légitimité de leurs droits, qu'ils ne
cessèrent , dans leur exil de Vry, de faire acte de
gouvernement , sans rien modifier aux formules en
usage. C'est ainsi que les archives de l'hôtel-de-ville
conservent des ordonnances relatives : à la nomination
du rocevevtr de la cité et à la fixation de ses gages; à
92 INTRODUCTION.
la manière d'assurer le payement de cens dus sur des
hérltaiïes: au mode d'élection et au fonctionnement
des comtes-jurés des paroisses. Or, ces ordonnances,
datées de la fin de iSaft et des premiers mois de 1327,
débutent par l'antique formule des proclamations
de ce genre, comprenant toutes les magistratures, les
paraiges et la communauté, conservée sans le moindre
changement, et se terminent par la phrase sacramen-
telle : « Que furent faites et mises en l'arche à grant
mostier, le... >• Pour ces dignes et impassibles magis-
trats, l'état violent créé par la guerre n'existait pas. Ce
n'était qu'un orage passager, qui pouvait bien empê-
cher les portes de l'arche du grand moulier de s'ou-
vrir au jour fixé, pour recevoir les ordonnances éma-
nant du pouvoir régulier, mais qui ne tarderait pas à
se dissiper devant le triomphe de la légalité.
Une seule des ordonnances du gouvernement exilé
est relative à l'état de crise par lequel il passait : c'est
une commission, datée du 11 décembre 1S2G, donnée
à un certain nombre de citoyens, de faire la recherche
et de saisir les biens de ceux qui se sont armés contre
la patrie, « de ceux qui li sont anemis contre rason ».
De même que les autres, cet acte est indiqué comme
déposé dans l'arche de la grande église le jour même
de sa promulgation.
L'hiver se termina comme il avait commencé. L'é-
poque de l'élection du maître-échevin arriva , mais il
ne fut pas possible d'y procéder, par suite de l'absence
des électeurs ecclésiastiques, retenus à Metz dans l'exer-
INTRODUCTION. 93
cice de leurs fonctions religieuses. L'armée du dehors
fit alors une tentative pour entier à Metz de vive
force. Les assaillants forcèrent et brûlèrent le fau-
bourg de Saint-Julien et s'avancèrent jusqu'à une porte
appelée Pargnemaille, mais ils ne parvinrent pas à s'en
emparer.
Depuis le carême jusqu'après la fête de Saint-Pierre
en juin , ils se tinrent sous les murs de la ville, resser-
rant étroitement son blocus et repoussant toutes les
sorties tentées par les habitants : un succès décisif
leur faisait défaut, il est vrai, mais la situation des
assiégés devenait de plus en plus difficile. Bientôt elle
ne fut plus tenable cl des pensées de soumission s'im-
posèrent aux plus déterminés.
Laissons parler la Chronique : a Quand la Commune,
dit-elle, vit et sentit quelle forte guerre lui faisaient
ceux du dehors, le conseil se réunit. Ils reconnurent
qu'ils ne pouvaient pas plus longuement endurer cette
situation et qu'il valait mieux se réconcilier et accor-
der avec ceux qui étaient sortis que de chercher à se
donner d'autres seigneurs et maîtres; qu'ils aimaient
encore mieux ceux-là, et que s'ils en prenaient d'au-
tres ils seraient sans doute les premiers à s'en repentir. »
Ils prièrent donc de communs amis de bien vouloir
s'employer à la pacification.
Les gens de paraiges, de leur côté, aspiraient au
moment où ils verraient cesser une situation à la fois
si douloureuse pour leur patriosisme et si funeste à
leurs intérêts. Sous l'influence de ce sentiment, ils
«.4 INTRODUCTION.
posèrent, pour le rélablissenient tlo la paix, des con-
tl liions d'une modération remarquable. Les insurgés
n'en refusèrent aucune, ils se soumirent à toutes les
clauses qui leur furent imposées, et, le 27 juin, l'ar-
mée des seigneurs, rentrant à Metz, rétablissait sans
contestation le gouvernement séculaire de la cité et
remettait toute chose en son ancienne place. Ce
jour-là, le titulaire de chacune des fonctions publiques
reprenait ses fonctions interrompues, et les Messins
pouvaient croire qu'ils avaient fait un long et pénible
rêve, dont un tardif réveil venait enfin de terminer
les angoisses.
Les seigneurs n'avaient pas, nous l'avons dit, im-
posé des conditions trop rigoureuses. 11 est aisé de
juger par le texte du traité de paix combien l'esprit
de vengeance et de rancune était loin de prédominer
dans leurs conseils. On ne saurait voir une amnistie
plus complète, un plus généreux oubli du passé, une
plus ferme résolution de rétablir dans un peuple un
accord sans mélange.
Voici quels étaient les principaux articles du traité
de réconciliation que nous a conservé le précieux re-
cueil de Paul Ferry :
« Toutes les nouveautés qui ont été faites la guerre
durant, et dont la ville n'a usé anciennement, relative-
ment à son état public , sont déclarées nulles et abo-
lies :
— La cité se gouvernera et justiciera par le maître-
échevin, les Treize et les comt( s, chacun en son office,
INTRODUCTION. 95
sans autre gouvernement que celui des bonnes gens
des paraiges.
— Les amans reviendront en leurs arches et repren-
dront leur emploi.
— Chaque paroisse aura sa bannière et ses enseignes^
comme autrefois.
— Les comtes reprendront leur office, et chaque
paroisse élira quatre candidats, parmi lesquels un sera
choisi.
— Les clefs des portes et poternes reviendront entre
les mains des seigneurs de paraiges, comme par le
passé.
— Les métiers se gouverneront par leurs maîtres,,
ainsi que cela avait lieu,
— Nul ne doit provoquer de réunions publiques, si
ce n'est par ordre du conseil.
— Nul ne doit former d'alliance dans la ville contre
les uns ou les autres, ni prendre un chef ou gouver-
neur, si ce n'est par l'accord de la justice et des pa-
raiges.
— Tous les actes judiciaires entamés par ceux du
dedans contre ceux du dehors sont annulés, et s'il y
en a qui soient relatifs à des faits de droit commun, il
doit y être donné suite devant la justice.
— Tout le temps de la guerre est compté comme
nul pour les dettes et échéances.
— Chacun rentrera dans son héritage, ses gagièrcs
et ses dettes.
— Tous dommages faits aux champs et à la ville, à
6 INTRODUCTION.
roccasion de la guerre, sont abolis de part et d'autre.
Si des biens appartenant à ceux du dehors ont été pris
par ceux du dedans, les anciens propriétaires ne les
peuvent pas réclamer eux-mêmes, mais la Ville doit
se charger d'établir le compte de ce qui a été consa-
cré aux dépenses publiques et opérer elle-même les
restitutions, s'il y a lieu.
— La fidèle observation de toutes ces conditions
est promise et jurée par tous les habitants sans dis-
tinction, sous la garantie de Jean de Luxembourg,
d'Edouard de Bar, de Pierre de Bar, des chapitres de
la Grande Eglise, de Saint-Sauveur, de Saint-Thiébault,
des paraiges et de la communauté de la cité. »
Rien ne nous permet d'élever un doute sur la ma-
nière dont furent observées de part et d'autre les con-
ditions de la réconciliation. La Seigneurie paraît avoir
en cette circonstance laissé de côté ses habitudes d'in-
flexible sévérité. C'est qu'il y avait en elle quelque
chose qui dominait même le sentiment de la justice :
le respect de la foi jurée. L'amnistie avait été pro-
mise. Elle fut entière et sans exception.
Un détail piquant a été conservé par la Chronique,
qui éclaire d'une lumière assez vive l'état de la société
messine après ce bouleversement profond. Cet épisode
terminera d'une façon moins sérieuse un tableau qui
a été forcément triste et monotone. Nous laissons la
parole au chroniqueur :
« Après que la paix eut été faite et que ceux du
dehors fussent tous revenus à Metz, il arriva , dit-il ,
INTRODUCTION. 97
qu'un seigneur de paraige et de noble lignée, mais qui
avait été un de ceux qu'on appelait les porte-en-mai-
son, invita à un banquet plusieurs de ses parents et
amis qui étaient sortis de la ville et qui venaient d'y
rentrer.
« Ce seigneur avait un magnifique dressoir qui pliait
sous le poids des pièces d'orfèvrerie. Quand les invités
furent réunis et qu'ils virent ce dressoir si bien paré
de vaisselle précieuse, ils en restèrent tout ébahis et
se dirent entre eux : « Qu'est-ceci ? Cet homme n'a-
« vait jamais eu une pareille vaisselle quand nous sor-
« tîmes d'ici. D'où lui vient-elle donc, si ce n'est de
n notre bien ? Si nous faisons bien, nous allons la lui
« reprendre ! » Mais ils se mirent d'accord pour dîner
au préalable. Quand le repas fut terminé, l'un d'entre
eux prit la parole : « Bel hôte, dit-il, quand nous par-
« limes de Metz, vous n'aviez pas telle vaisselle. D'où
« vous vient-elle donc, sinon de nous? Ah! traître et
« mauvais garnement, tu as aidé à nous chasser et tu
« veux garder notre bien , gagné de telle manière !
« Tu mériterais que nous te missions à mort. Tiens,
« nieras-tu que ceci soit à moi ? Je le vais reprendre
« et remporter, malgré tes dents ; montre si tu oseras
« seulement faire semblant de t'y opposer! »
« En disant ces paroles, l'orateur se saisissait d'une
pièce d'argenterie; tous les invités faisaient de même,
et en un instant le dressoir était dépouillé de toute sa
richesse. Le maître de la maison resta si honteux et
si consterné qu'il n'eu osa jamais rien dire et qu'il
7
98 INTUODUCTION.
s'estima très-heureux que les choses ne fussent pas
allées plus loin. »
Malgré les germes de désunion que la paix n'avait
pu étouffer entièrement , la réorganisation politique
de la cité se fit avec rapidité, et telle était sa vita-
lité, telles étaient les fécondes ressources de son com-
merce et de son industrie , que les magistrats avaient
pu, avant la fin de l'année, payer à leurs deux auxi-
liaires les 54»ooo livres de petits tournois pour lesquels
ils s'étaient engagés envers eux. Ennemis ou alliés, ces
deux princes devaient toujours être pour Metz de
fort coûteux voisins.
Le présent une fois régularisé, le gouvernement
de la cité ne perdit pas de temps pour assurer l'avenir.
Un traité d'amitié avec le comle de Bar fut signé le
17 août i327, et un titre de pensionnaire de la cité
souscrit deux jours après au profit de Pierre de Bar,
seigneur de Pierrefort. Ces alliances parurent consti-
tuer, avec celle de Louis de Poitiers, des garanties
suffisantes pour Tindépendance d'un Etat qui venait,
en résistant à un si terrible orage, de montrer quelle
puissance lui donnaient, en dépit de l'exiguïté de son
territoire, le dévouement et l'énergie de sa population
et son ardent amour pour la liberté.
Nous laissons ici Metz en pleine possession de sa
grandeur et de ses franchises. C'est le plus beau temps
de son histoire qui commence. Les luttes au prix des-
quelles elle s'est constituée ville libre sont terminées.
INTRODUCTION.
Ses patriotiques paraiges sont nombreux et pleins d'ar-
deur. Sa prospérité matérielle ne fait que crottre avec
son renom glorieux. Lorsque l'empereur Charles IV,
fils de Jean de Bohême, va venir, en i356, y publier
sa Bulle d'or, il la trouvera à son apogée. Prospérité
bien admirable ; car, de même que l'indépendance
de la cité, conquise à travers tous les périls et au prix
de tous les sacrifices, elle n'était due qu'aux efforts
convergents de dix générations de patriotes aussi intel-
ligents que vigoureux.
Ponti/icale de Renaud de Bac. Ms. du XIV<: siècle.
Bibliothèque de Metz.
DE LA
GUERRE DES IIII ROIS
QUI MIRENT LE SIÈGE
DEVANT
LA BONNE CITÉ DE METS
EN L'AN MIL CGC ET XXIIII.
GUERRE t)E METS
1 . Pour eschevir mirancolie
Qui m'ait eslcit souvent contraire,
Une matière ai entaillie
Dont je voira plussieui's vers faire.
Or m'en dont Dieu a tel fin traire
C'on n'y puisse trouver folie
Ne nulle rien quil puist desplaire.
2. Touttes flours sormonte la rose
Chescuns sceit bien c'est veriteit ;
Pour ceu vous ai dist ceste chose
Qu'ensi fait Mets toutes citeis,
Car en lie maint prosperiteit ,
Franchise, avoir et gens pitouse,
Cortoisie et humiliteit.
:^^^-^
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rin
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i
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4
GUERRE DE METZ.
ÉLOGE DE METZ.
1 . Pour dissiper la mélancolie
Qui m'a souvent été contraire ,
J'ai entamé un sujet
Que je veux traiter en vers.
Dieu m'accorde la grâce d'y réussir
De sorte qu'on n'y trouve nulle sottise
Ni rien qui puisse déplaire.
2. La rose surpasse toute fleur,
Chacun sait bien celte vérité;
Si je vous la rappelle ici
C'est qu'ainsi Metz surpasse toute cité ;
Car en elle résident prospérité ,
Franchise, richesse, charité,
Courtoisie et humilité.
lOû LA nUEnUE DE METZ.
3. Metz est la mère de franchise;
Qui ceu ne croit, il se dessoit.
Elle ne doit taille ne prise
Ne droiture, quel qu'elle soit ;
Or viengne avant qui les ressoit
Et si me monstroice en quel guise,
Je paiera que que ceu soit .
4- Cil de Mets ont bien maintenue
En sa franchise lorciteit,
C'oncques n'y ont chose l'andue
N'a duc n'a roy d'ancienneteit
Dès le temps qu'en furent gitteit
Une gent qu'estoit mescreiie ,
Li Wandre plain d'iniquiteit.
5. La grant richesse ne l'avoir
Qui est a Mets, ne les deniers
Vous n'y porriés parmy savoir,
Ne les bleis qui sont on greniers,
Ne les vins qui sont on seliers :
Il n'y ait tant de bon avoir
Dès Ranconvaulz jusques Peniers.
6. La gent de Mets est moult pitouse
Et si est moult grande amonniere,
Elle paist la gent suffraitouse
Et par devant et par darriere ;
Hospitaulz, messe et cimitiere
Lor aministre a la parclouse :
Par Dieu si est bonne manière.
ÉLOGE DE METZ, ^ 105
3 . Metz est la mère des franchises ;
Qui ne le croit pas se trompe.
Elle ne doit taille, ni contribution ,
Ni droit, de quelque nature qu'il soit.
Que quelqu'un vienne en réclamer,
Qu'il me montre comment on les doit!
Je le lui paierai, quel qu'il soit.
4 . Ceux de Metz ont bien maintenu
En sa franchise leur cité ; .
Ils n'ont jamais rendu de devoir
Ni à roi, ni à duc, de toute ancienneté
Depuis le temps qu'en fut rejetée
Une nation qui était mécréante,
Les Vandales, pleins d'iniquité.
5 . La grande richesse et la fortune
Qui est à Metz, les deniers qu'elle possède,
Personne ne pourrait s'en faire une idée,
Ni des blés qui sont aux greniers,
Ni des vins qui sont aux celliers.
Il n'y a pas un tel avoir
Depuis Rangucvaux jusqu'à Pagny.
6. Les gens de Metz sont bien charitables.
Ils sont bien portés à l'aumône.
Ils soulagent les pauvres qui souffrent
Par tous les moyens possibles.
L'hôpital, la messe et le cimetière
Leur sont fournis jusqu'à la fin :
Par Dieu ! C'est la bonne manière.
ino LA GUERRE DE METZ.
7. La gent de Mets est moult cortoiso;
Quant aulcuiis est a Mets venus
Ne cuidés pas que il lor poise,
Maix entr'aulx est moult cliier tenus ;
Cil est des grans ou des menus,
On ne dit pas que il s'en voise ;
S'il sceit rien, il est retenus.
8. Moult se continent humblement
Ung chescuns selon son affaire;
Messe oient dévotement,
Puis vait chescun a son affaire.
Foy que je doie saiuct Hyllaire
Je ne porroie entièrement
De lor biens le disme retraire.
9. Qui vorroit dire la manient
De la citeit que tant est uouble,
Comment il court double reviere,
Et tout entour sont li vignoble ?
Il n'ait jusques Constentinoble,
Ne par devant ne par darriere,
Citeit qui ait plux riche mouble.
10. Il ait a Mets des destriers liars,
Blans et noirs et d'aultres collours ;
Doulz est et sains et bon li ars,
Jay n'y aurés nulles olours ;
Oncques ne fuit paiis millours.
Qui veult bon vin s'on prengne a Ars
On a Crouney, jay n'aille aillours.
ÉLOGE DE METZ. 107
7. Les gens de Metz sont bien courtois :
Quand un étranger vient à Metz,
Ne croyez pas* que sa présence déplaise,
Mais il y est accueilli on ne peut mieux,
Qu'il soit grand ou qu'il soit petit ,
On ne lui dit pas de s'en aller ;
S'il apporte des nouvelles, on le retient.
8. Leur genre de vie est des plus modestes,
Et conforme à la position de chacun.
Ils entendent la messe dévotement.
Puis chacun va à ses affaires.
Sur la foi que je dois à saint Hilaire,
Je ne pourrais complètement
Dire la dixième partie de leurs mérites.
9. Qui pourrait dignement décrire
Cette cité qui est si noble ?
Dire comment y coule une double rivière,
Et comment à l'entour sont les vignobles ?
Non, il n'y a pas jusqu'à Constantinople,
Quelque part que ce soit.
Une cité plus riche et plus prospère.
10. Il y a à Metz des coursiers gris.
Blancs et noirs et d'autres couleurs ;
L'air y est doux, sain et bon.
On n'y respire aucune mauvaise odeur ;
Jamais il ne fut un pays meilleur.
Qui veut du bon vin le clierche à Ars
Ou à Corny, sans aller ailleurs.
108 LA GUERRE DE METZ.
1 1 . Mots est ainsi com la fontenne
Qui donne aidés yawe a foison.
Il ait m jours en la sepmenne
Marchiés a Mets sens ocquoison ;
Lai ne vent on wdle poison
Pour enlierber, maix draij) de prenne
On dreips qui sont d'aultre moison.
1 2 . On treuve bien en Vezeneuf
Povre, saffran et aultre espice,
Soie, sandel, draip d'or tous gneus;
A Porsaillis compe et calice ;
Vers Sainct Martin penne et p(>lice;
En Chanibiere les niontigneus
Et les grans lus, quoy que nulz die.
i3. Et cui ne plait ceste manière
Si aille droit en Fournerue,
Lai trouverait haubert, gorgiere,
Hyalmes lacés et lance agiie,
Espée bonne et esmolue,
Escus, selle, poitraulz, culiere ;
Toute est d'airmes plainnc la rue.
14. En Chambre ait ung gerdinet
Ung poc desoubz la Grande Esglisse ;
La treuve on bien a matinet.
Quant il est temps creelle et serise,
Pommes, poires de mainte guise,
Et en vayn le resinet :
Tel gerdin n'ait jusques a Pise.
ÉLOGE DE METZ. 109
1 1 . Metz est ainsi coinine la fontaine
Qui donne sans cesse eaux à foison.
Il se tient trois jours chaque semaine
Des marchés à Metz, sans mentir;
Là on ne vend nul poison
Pour faire du mal, mais draps d'écarlate
Ou draps qui sont d'autre façon.
12. On trouve hien en Vesigneuf.
Poivre, safran et autres épices.
Soie, taffetas et drap d'or tout neuf;
A Port-Saillis, coupes et calices.
Vers Saint-Martin, draps et pelisses,
En Chambière, les montigneus
Et les grands brochets, quoi qu'on dise.
i3. Ceux à qui ces objets ne plaisent pas
N'ont qu'à aller en Fournirue ;
Ils y trouveront hauberts, gorgières,
Haulmes lacés et lances aiguës,
Epées bonnes et émoulues,
Etriers, selles, poitrails, croupières:
La rue est toute pleine d'armes.
14. En Chambre, est un petit jardin,
Un peu au-dessous de la Grande Eglise.
Là se trouvent, dès le lever du jour,
Suivant la saison, prunes et cerises,
Pommes, poires de toute espèce,
Et en automne, le raisin ;
De tel jardin il n'existe pas jusqu'à Pise.
110 LA GUERRE DE METZ.
i5. Façon, oitour et csprevicr,
Et maint osel qui vit de proie
Treuve on souvent par Sainct Levier,
Droit a portalz la ou on proie
Celle Damme que tant ravoie ;
Vers Sainct Gergone ait ung vivier,
Il n'ait si bel jusques Savoie.
i6. Il n'ait chose tant soit salvaige
Qu'est a lionnne necessiteit
Sans aultre part faire voiaige
C'on ne trouvaist en la citeit ;
S'une chose ait auctoriteit,
Aulcuns client par lor usaige :
« C'est Mets! » font il en veriteit.
17. Qui veult avoir perdris, faisant,
Chappon, oisel qu'est de rivière,
Lièvre nouvel que li paisant
Prennent (jui scevent la manière,
A Porsaillis droitement quiere ;
La trouverait chose plaisant.
On en la plaice plux plenniere.
18. Poivre, saffran, avoir de pois
On vait huchant permey les rues,
Auz et ongnons, feives et pois,
Persil, pourettes et laitues,
Assallaignes belles et druees ;
On ne vent pas la chair au pois,
Maix les graiis pièces toutes cruees*
ÉLOGE DE METZ. 111
i5. Faucons, autours, éperviers,
Et bien d'autres oiseaux de proie
Se trouvent souvent près de Saint-Livier,
En face du portail, là où l'on prie
La Vierge qui ramène tout à bien.
Vers Saint-Gorgon est un vivier
Tel qu'il n'y en a pas jusqu'en Savoie.
i6. Il n'y a cliose si rare
Qui soit nécessaire aux besoins d'un homme,
Sans faire de voyage ailleurs,
Qui ne se trouve en la cité.
Pour donner du crédit à une cliose,
( 'Jiacun dit par expérience :
« C'est de Metz! » et c'est la pure vérité.
l'j . Qui veut avoir perdrix, faisans,
( Chapons, oiseaux de rivière,
Lièvres nouveaux que les paysans
Prennent, qui en savent la manière,
Qu'il s'en aille en chercher droit à Port-Saillis.
Là il trouvera ce qui lui plaît.
Ou bien sur la place encore mieux fournie.
18. Poivre, safran, matières vendues au poids,
On s'en va criant par les rues ;
Ails et oignons, fèves et pois,
Persils, poireaux et laitues.
Echalotes belles et drues.
On ne vend pas la viande au poids,
Mais les grandes pièces toutes crues;
112 LA GUERRE DE METZ.
19. S'aiilcuiis porte denrée cslraiiige
A Metz on l'ait tosl achetée ;
S'argent ne veult, on li eschainge
A drep on a aultre denrée,
A bleid, a vin, a chair sallée;
S'il veult florin, on vait a Chaiuge,
Ou gros tournois, s'il li agrée.
20. Li mcrclieant d'estraiuge terre
A Mets ne sont point anuiiel ;
On ne lor fait noise ne guerre,
De lor avoir sont bien paiet;
Il ne seront ja desniet ;
Lor paiement quant le vont querre
Lor deniers sont bien assaiet.
21 . On lor doit bien, maix rien ne doient
Auz deforeins; c'est lor usaiges:
Et savés vous comment il croient?
C'est par escrips on sus bons gaiges
D'argent, d'or fin on d'heritaiges.
On aultrement ne proteroient ;
Il me samble chescuns est saiges.
22. Encor ait une aultre manière
C'on prest a Mets bien de l'argent
A ung seigneur qui en waigiere
Ait mis ses biens, luy et sa gent ;
Et quant deffault de paiement,
Se l'oste vait a sa waigiere
Faire le peult sans errement.
ÉLOGE DE METZ. 113
19. Si quelqu'un apporte des denrées étrangères
A Metz, elles sont vite achetées;
S'il ne veut pas d'argent, on les lui échange
Contre du drap ou d'autres objets,
Du blé, du vin, de la chair salée.
Qu'il aille Place du Change, s'il veut des florins.
Ou bien des gros tournois, s'ils lui plaisent mieux.
20. Les marchands des pays étrangers
A Metz ne sont pas tourmentés,
On ne leur cherche querelle ni guerre,
Ils sont bien payés de ce qui leur est dû.
Leur créance n'est jamais déniée,
Quand ils en vont chercher le paiement :
Il leur est fait en monnaie de bon aloi.
21. On doit bien aux Messins, mais eux ne doi-
A ceux du dehors. C'est là leur usage, [vent rien
Or, savez-vous comment ils prêtent?
C'est par des écrits en règle ou sur de bons gages
Consistant en argent, or fin ou héritages :
Autrement, ils ne prêteraient pas;
Et il me semble qu'en cela ils sont sages.
22. Il y a encore une autre manière,
Pour les Messins, de prêter sûrement leur ai'gent
A un seigneur : c'est qu'il donne hypothèque
Sur ses biens, lui et sa famille.
Et, à défaut du paiement,
vSi le prêteur s'empare du gage.
Il peut le faire sans excéder son droit.
8
h
nu LA GUERRE DE METZ.
23. Par samblaiit sont trop dcboiinairc
Cil qui a Mets viicllent avoir
Argent, or fin on penne vaire,
Clievaulz et dreps on aultre avoir;
Maix quant on veult l'ergent ravoir
Adoncques, sont trop depulaire;
Se ne lour niant pas de savoir,
24. Se Mets penit sus ses dettours
On ne la doit pour ceu blâmer ;
S'elle punit ses nialfaitours
De se la doil cliescuris amer.
On debveroit oultre la mer
Querrc par boix et par détours
Ceaulx qu'on oyt larrons clamer.
23. Que vous diroie je briefment?
Tout le paiis fait Mets trembler :
Nulz ne li oze encombnnnent
Ne mal faire ne rien embler;
Nul lions ne porroit assembler
Tant de gens en son tenement
Qu'a ciaulx de Mets puist rien sembler.
26. Bien ont esteit apparilliet
De vangier lor lais et lor bonté ;
Oncques ne furent traveilliet
De guerrier n'a duc n'a conte
Et de venir a lor semonte.
Cil des villes errent ftioult liés,
Car les malvais Mets tous sormonle.
ÉLOGE DE METZ. 115
23. Ils se donnent l'air d'être les meilleures gens
Ceux qui veulent avoir à Metz [du inonde
Argent, or fin, riches fourrures,
Chevaux, draperies ou autres biens;
Mais lorsqu'en retour on veut avoir l'argent,
C'est alors qu'on les voit faire mauvaise mine.
Ceci n'est point un mensonge, en vérité !
24. Si Metz fait des saisies sur ses débiteurs,
On ne doit pas l'en blâmer;
Si elle punit ses malfaiteurs,
Chacun doit lui en savoir gré.
On devrait par-delà les mers
Chercher à travers bois et chemins détournés
Ceux qui ont été déclarés voleurs.
25. Que vous dirai-je en un mot?
Metz fait trembler tout le pays,
Mais nul n'ose lui causer préjudice
Ni tenter de lui faire du tort ;
Car aucun homme ne pourrait réunir
Assez de gens d'armes sous son commandement
Pour égaler la puissance de ceux de Metz*
26. Ils ont toujours été tout prêts
A venger les injures et les affronts.
Jamais ils n'ont été embarrassés
De faire la guerre à duc et à comte
Et de répondre à leurs provocations.
Ceux de son territoire ont toujours été joyeux^
Car Metz sait surmonter tous les méchants.
116 LA GUERUE DK METZ.
27. Et c'il avlent par avonlurc
Qu'a ciaulz de Mets aulcims morfaice,
On li mande selon droiture
Que le ineffait tantost deffaiec;
S'il ne le fait on le descliaissi;,
On li fait honte et grand laidure :
Drois est mal ait qui le pourcliaisse.
28. Cil de Mets ont une manière
Qui est moult belle et convenable,
Qu'il ne boutent feu ne fumiere
Ne en maison ne en estauble ;
Certe cilz sont sers au diaubh;
Qui ardent foin et tout litière
Qu'encor seroient profitable.
29. Ils abatent bien les ataiches
Des maisons et puis les mureilles
A lor martialz et a lor haices,
Lor chiet le tilz comment qu'il aille ;
Il ne laissent rien de menjaille,
Berbis ne pors ne beuf ne vaiche ,
N'aultre chose que denier vaille.
30. Sur lour dettours quant il penissenl
Encor ont il un aultre usaige,
Si com lor lettres le devisent,
Qu'il ne feront iiulz jours rendaige;
On lor doit rendre lor domaiges,
Lor paiement quant n'acomplissent :
Dont ne font il nés point d'outraige.
ÉLOGE DE METZ. 117
27. Et s'il arrive par aventure
Que quelqu'un fasse du tort à ceux de Metz,
On lui demande, selon le droit,
Qu'il répare sans délai le mal qu'il a fait.
S'il s'y refuse, on le pourchasse,
On lui fait honte et grand affront.
Un juste châtiment atteint qui s'y expose.
28. Ceux de Metz tiennent une conduite
Qui est très-belle et convenable;
Ils n'allument jamais d'incendie
Ni en maisons ni en étables.
Certes, ce sont des serviteurs du diable
Ceux qui brûlent foin et litière
Qui pourraient encore être mis à profit.
29. Les Messins abattent bien les étais
Des maisons, et puis les murailles
A coups de marteaux et de haches.
Alors le toit tombe d'un coté ou de l'autre.
Ils ne laissent aucune victuaille.
Ni brebis ni porc, ni bœuf ni vache.
Ni autre chose qui vaille un denier.
30. Quand ils poursuivent leurs débiteurs.
Ils ont encore un autre usage,
Ainsi que leurs statuts le marquent :
C'est de ne jamais faire de restitution.
On leur doit un dédommagement
Pour ne pas accomplir son paiement.
Ils ne commettent donc pas d'injustice.
118 LA GDERRE DE METZ.
3 1 . Quant meneir Mets doit le bancent
On fait la nuyt Meute sonner,
Lou main en vont millier et cent.
Se cil de fors ne veult donner
C. solz, sens riens a pardonner,
Meulz li varroit per sainct Vincent
Trestous ces biens abandonner.
32. Li deforiens fait demeurer
Pour C. solz Mets et le bernaige.
Qu'il ne porroit maix restorer
Ne la perde ne le dopmaige !
Pour droit faire met foy en gaige,
Puis ne cesse de labourer
Tant qu'ait deffait don tout l'outraige.
33. Et c'il ne vient on mes n'envoie,
On le vait veoir en tel manierre
C'on ne li lait geline n'oie,
Bestes, villes ne grainge entierre ;
S'il ait molin sus la rivière
On sus estant, on li pessoie
Sens jamaix rien remettre ariere.
*34- Tous li Communs et li Paraige
Sont bien tenant d'ancienneteit
Qu'il ne rendent point de dopmaige
Quant bancens ist de la citeit.
Dont est bien folz en veriteit
Et bien li muelt de grant oultraige
Qui fait a Mets adversiteit.
ÉLOGE DE METZ. 119
3 1 . Quand Metz doit mettre en branle le ban ,
On fait la nuit sonner la Mutte;
Le matin sortent des centaines d'hommes :
Si le débiteur étranger ne veut donner
Cent sols, sans en rien rabattre,
Mieux lui vaudrait, par saint Vincent !
Faire l'abandon de tous ses biens.
32. L'étranger fait mettre en mouvement,
Pour cent sols, Metz et son baronnage,
Et on ne pourrait pas lui faire payer
Ni la perte ni le dommage ?
Pour faire valoir son droit, Metz engage sa foi ;
Et puis elle ne cesse d'agir
Tant que le tort n'est pas entièrement réparé.
33. Et s'il ne vient ou n'envoie messager.
On va le visiter de telle manière
Qu'on ne lui laisse poule ni oie,
Bête, ferme ni grange entière.
S'il a moulin sur la rivière
Ou sur étangs, on le lui met en pièces,
Sans jamais rien épargner.
34. Tout le Commun et les Paraiges
Sont bien d'accord, de tout temps.
Pour ne rien rendre du dommage.
Quand la Cité a fait sa sortie;
Aussi est-ce être fou, en vérité.
Et s'exposer à recevoir de grands outrages.
Que de commettre une injustice envers Metz !
120 LA GDERRE DE METZ.
35. Et quant avient qu'aiilruns foreins
Ung de Mets prent et si ranimoiime
Devers Aiisais on devers Reins
Et se li fait souffrir graut poinne,
Pour niant c'est il mis en assoinne :
Qu'estre ne puet nulz de Mets reins
D'argent ne d'or, de vin, d'awainne.
36. Se cilz de Mets certains estoient
Que se reubeit nulz de lor ville.
Ses hosteilz li abaitcroient
Et metteroient en tel pille
N'y remendroit une cheville;
Jay garentir ne Ve.u porroient
Ne Paraige ne filz ne fille.
37. Eji tel manière et en tel guise
Ont cilz de Mets tousjours estait :
C'oncques osteir de leur franchise
Ne pot avoir nulz poesteit.
Mainz deniers ont certe presteit
C'oncques n'en fut usure prise
Ne en y ver ne en esteit.
38. Mets ont amée conte et roy,
Duc et prince et aultre baron,
C'oncques ne li firent desroy
La montance d'ung esperon ;
Mais desormaix vous conterons
D'une assemblée et d'ung conroy
C'ont faite entr'aulx nu laron.
ÉF.OGR DE METZ. 121
35. Et quand il arrive qu'un étranger
Prend un Messin et l'emmène
Vers l'Alsace ou vers Reims,
Et qu'il lui fait souffrir grande peine,
Sans profit il s'est mis dans cette affaire ;
Car nul de Metz ne peut être racheté
Ni pour argent, ni pour or, vin ou avoine.
36. Si ceux de Metz étaient informés
Que quelqu'un de leur terre fût un voleui-,
Ils lifi abattraient ses maisons
Et les mettraient à tel pillage
Qu'il n'y resterait une cheville ;
Et nul ne pourrait l'en garantir.
Ni Paraige, ni fils, ni fille.
3j . Telle est la manière et la méthode
Que ceux de Metz ont toujours suivie.
Les priver de leurs franchises jamais
Ne fut au pouvoir de personne.
Ils ont certes prêté bien de l'argent ,
Mais jamais ils n'ont pratiqué l'usure,
Ni en hiver ni en été.
38. Ont aimé Metz comtes et rois,
Ducs et princes et autres barons, *'
Qui jamais ne lui firent de tort
Pour la valeur d'un éperon.
Mais désormais nous allons vous conter.
Une assemblée et une entrepri.se
Qu'ont faites entre eux quatre larrons.
122 LA GUERRE DE METZ.
II.
39. L'an mil m' et xxiiii
Puis que consuis fut Jliesucris,
A ceaulx de Mets volrent coinbaitre,
Si com tesmongne cil escrips,
iiii seigneurs que par lor cris
Maintes maisons firent abaitre,
Car lor maistre estoit Entecris.
40. Li seigneurs sont de ceste guerre
Trieve, Preney, Baire et Behaigne.
Cil qui le ciel fit et la terre
De son propos chescuin refraigne !
Il les faucist et lor compaigne
Per le paiis pain aller querre,
Se Mets ne fut et sa cliampaigne.
4 1 . Il ont la guerre commencie
Pour ceu qu'il doient grant avoir
Et qu'il veullent la signorie
Entre eulx iiii de Mets avoir ;
Einsy robeir veullent l'avoir
On il n'ont part, per lor envie :
Ce ne lor meult pas de sçavoir.
LA LIGUE DES QUATRE ROIS. I2S
LA LIGUE DES QUATRE ROIS.
39. L'an mil trois cent vingt-quatre
Depuis que Jésus-Christ fut conçu,
On vit s'armer contre Metz
(Ainsi que le témoigne cet écrit),
Quatre seigneurs dont le cri de guerre
Causa la ruine de maintes maisons.
Car leur maître était l'Antéchrist.
40. Les chefs de cette guerre sont
Trêves, Prény, Bar et Bohême.
Que celui qui fit le ciel et la terre
Réprime les mauvais desseins de chacun !
Il leur eût fallu, eux et leur compagnie.
Par le pays aller quérir leur pain.
Si Metz n'eût été là avec sa campagne.
4 1 . Ils ont commencé la guerre
Parce qu'ils doivent de grandes sommes
Et qu'ils veulent que la seigneurie
De Metz soit partagée entre eux quatre.
Ainsi veulent-ils voler l'avoir
Auquel ils n'ont aucun droit, par envie.
Ils le savent bien, mais peu leur importe.
I» LA GUERRE DE METZ.
42. Chescuin cstolt de ceu certain
Que s'il faisoit son assemblée
Sajis les aultres, jay les citains
Ne greveroit une denrée ;
Or ont tel chose pourparlée
C'ung ost feront dont chavetains
Serait li roy cui guerre agrée.
43. Qu'il asserront la bonne ville
Entre eulx iiii font acordance.
Droit a signour de Thionville
Li iiii ont fait une alliance ;
Que se nulz d'ialz fait repantence
Qu'il paieroit livres x mille;
S'en font lettres pour remenbrence.
44- Hélais! pourquoy font alliances
Sus ceulx de Mets ? Rien ne lor doient ,
Et s'ont heii mainte finance
De noz citains qui lor prestoient
En tous besoins les secorroient
De bleid, de vin, d'argent a crance
Et de quanque mestier a voient.
45. D'orguel, d'envie les ait pris
Li anemis et tous lieis;
Chescuns en doit estre repris
Et en tous lieus contraliez.
Jhesus, qui c'est humiliez
Pour nous saulver, nous dont le pi'is
Et refraigne les aliez.
LA LIGUE DES QUATUE ROIS. 125
42. Chacun était bien assuré
Que si seul il faisait son assemblée
Sans les autres, les citains
N'en seraient pas grevés de la valeur d'un denier.
Or, ils se sont concertés ensemble
Pour lever une armée dont le capitaine
Sera le roi, à qui cette guerre; sourit.
43. Pour assaillir la bonne ville
Entre eux quatre ils font un accord.
Entre les mains du seigneur de Tiiionville,
Les quatre contractent alliance;
Si l'un d'eux en a repentance,
Il paiera dix mille livres.
Ils font un traité pour s'v engager.
44- Hélas! pourquoi font-ils alliance
Contre ceux de Metz ? Ceux-ci ne leur doivent rien,
Ce sont eux qui ont reçu de grandes sommes
De nos citains, qui les leur ont prêtées,
Les secourant dans toutes leurs nécessités.
Leur fournissant le blé, le vin, l'argent à créance.
En un mot, tout ce dont ils avaient besoin.
45. Mais d'orgueil et d'envie les a tentés
Le diable et les a tous liés;
Chacun d'eux en doit être repris
Et blâmé en tout lieu.
Que Jésus-Christ, qui s'est liuinilié
Pour nous sauver, nous donne la victoire.
Et mette un frein aux pi'ojets des alliés !
126 LA GUERRE DE METZ.
46. De cest fait fut li plais tenus
Le jour devant qu'il fut la feste
Saint Burthenieu, droit a Rcmus ;
La firent il chanter ung preste,
Si comme on dit et bien polt estre,
Puis jurèrent tuit sus Corpus
Qu'a Mets feront deul et tempeste.
47. De lai parteirent privement,
Se vait chescuin a son affaire.
Ung jour mettent certainnement
Qu'a ceulx de Mets verront malfaire ;
Lors font partout prevost et maire
Cuire don pain apertement,
Qu'il ne l'ozent aultrement faire.
III.
48. A ceulx de Mets vint la novelle
Qu'il avoient iiii anemis ;
Sachiés c'onqucs ne lor fut belle,
Qu'il les tenoient pour amys;
Maintenant ont lor mes tramis,
Pour enquerre ceste qua relie
Et il se sont au chemis mis*
PRÉPARATIFS. 127
46. L'assemblée où cela fut conclu eut lieu
Le jour avant la fête
De saint Barthélémy, à Remicli.
Là ils firent chanter la messe par un prêtre,
Comme on l'a dit, et cela put bien être.
Puis ils jurèrent tous sur le corps du Christ
De faire à Metz deuil et tempête.
47. De là ils partirent séparément;
Chacun s'en va se préparer,
Après avoir fixé formellement le jour
Où ils feront la guerre à ceux de Metz.
Alors leurs prévôts et maires font partout
Cuire du pain ouvertement,
Car ils n'oseraient s'y refuser.
PREPARATIFS.
48. A ceux de Metz vint la nouvelle
Qu'ils avaient quatre ennemis.
Sachez qu'elle ne leur fut pas agréable,
Car ils les tenaient pour amis.
Aussitôt ils ont envoyé des messagers,
Pour s'enquérir des causes de cette querelle î
Et ils se sont mis en chemin.
128 LA GUEnr.E DE METZ.
49. Tant ont allelt li mossaigicr
Qu'il ont trouveit ceiilx qu'i quorroienl;
Lor niessaige font sens targier,
La responce sçavolr vouloicnt;
Il demandent s'a Mets vendroient,
Et il respondent sans dongier
Que s'il y vont bien le sauroient.
50. La responce fut moult obscure
Qu'a messaigiers ont racontée;
Lors ait chescuin mise sa cure
De raparier a sa contrée.
Telle raponce ont raportée
Sans escrips et par escripture
Qu'encor n'estoit Mets deffiée.
5 1 . Cilz de Mets tinrent vraiement
Lor parolles a gaberie,
Qu'il ne cuidoient nullement
C'on lor deiist faire envaiie ;
Maix li signour, plain de bodie,
Avoient jai cuvertement
Préparé lor chevallerie.
52. Ceulx de Mets firent jornier
Par m foys la gent adversaire
Pour ceu ques puissent detrier
Et qu'il ne steussent leur affaire.
Il furent près de tous drois faire
En toutes cours sans deslaier;
Maix jamaix ce ne lour pout plaire.
PRÉPARATIFS. 129
49. Tant sont allés les messagers
Qu'ils ont trouvé ceux qu'ils cherchaient.
Ils s'acquittent de leur message sans tarder
Et voudraient avoir une réponse positive ;
Ils leur demandent s'ils viendront à Metz.
Mais eux répondent sans retard : ,
Que s'ils y vont, on le verra bien.
50. La réponse était bien obscure
Qu'ils ont faite aux messagers.
Alors chacun s'empresse
De se retirer dans son pays.
Cette réponse est rapportée
Que ni verbalement ni par écrit
Metz n'était encore défiée.
5i. Ceux de Metz tinrent vraiment
De telles paroles pour plaisanteries.
Ils ne croyaient aucunement
Qu'on dût venir les envahir;
Mais les seigneurs, pleins de malice,
Avaient déjà à couvert
Convoqué leur chevalerie.
52. Ceux de Metz firent assigner
Par trois fois leurs adversaires.
Afin de pouvoir se disculper ;
D'ailleurs ils ignoraient les causes de la guerre.
Ils étaient prêts à donner juste satisfaction
Par-devant toute cour sans délai :
Mais jamais ces propositions ne furent accueillies.
ISê LA GUERRE DE METZ.
53. Li roy leur dit luio joi'iu'c :
« Vous avés fait un estaiidart
« Dont j'ay ouy la renommée,
« Qui Jie doubte lance ne dart ;
« Je vous dit bien de moie part,
>■ .« Se l'amenés a l'asamblée,
« J'auray des buefz la meilleur part. »
54. Lors respondil ung des boui'jois
Qui de rien ne fut esmalés :
« Or entendes, biaulx sire roy,
« Cil de Mets ont les buefz paies,
« Et li boucbier ont assaiés
« Lors grans coutelz ; si en aurois :
« C'est bien rason vous eu aies. »
55. Lors reparent cil de la ville
De Mets qui ont aparceii
Par lor baret et par lor guille
Qu'estre porroient d(>ceu;
De bons sergens sont proveu
Qui ne les prinsent une estrille,
Car d'armes sont bien congneû.
5G. Adonc des terres enhaner
Lng cbescuin homs forment se poinne,
Et des bleiz baitre et de vaner
Li plussieurs sont en moult grant poinne.
Cliescuns ses biens a Mets amoinnt;
Qu'il ne lait rien qu'en puist mener
Fors que foin et l'estrain d'awoinnc;
PUÉ PAU ATI F s. iâi
53. Le roi Unir dil à une journée :
« Vous avez fait faire un élenclard
« Dont la renommée est venue jusqu'à moi,
« Et qui ne redoute ni lance ni dard.
« Or, je vous le dis bien, sur ma parole,
(( Si vous l'amenez à la bataille, [nent. »
« J'aurai la meilleure part des bœufs qui le traî-
54. Alors un bourgeois répondit,
Sans se laisser émouvoir en rien :
« Or, entendons-nous, beau sire roi ;
« Ceux de Metz ont payé les bœufs,
u Et les bouchers qui les mènent ont aiguisé
« Leurs grands couteaux; vous en aurez,
« Il est bien juste que vous en goûtiez. »
55. Alors se retirent ceux de la ville
De Metz, qui se sont bien vite aperçus
A leurs paroles décevantes et railleuses.
Qu'ils pourraient bien être déçus.
Ils se pourvoient de bons hommes d'armes
Qui ne prisent l'ennemi la valeur d'une étrille ;
Car ils sont bien connus pour leur vaillance.
56. Alors, pour faire semer les terres.
Chacun se donne autant de mal qu'il peutj
Et pour battre et vanner les blés
Personne ne ménage ses peines :
(Chacun amène à Metz ses biens.
On ne laisse dehors rien d(; ce qui peut s'emmenei'j
Si ce n'est le foin et la paille d'avoine;
1S2 LA GUEllRE DE METZ.
IV.
57. Entrant lor gent privécmonl
Li ancniliis ont ensambléc ;
Après ont fait inig parltunent
Comment seroit Mets deffiée,
Et li rois dit sans demourée :
« Je ferai mon deffiemenl
« C'on me doint Mets et la contrét*.
58. « De part vous soient deffieit
« Qu'il sont félon et deputaire;
« Vous estes a moy eslieit,
« Vous ne poiés sans moy paix faire;
« Je lor serai de tant eontraire
« Que jamaix jour ne seront liez
« Il m'ont trouveit trop débonnaire. »
59. Chescuin ait fait sa lettre eseripre,
Si mandèrent lor deffience
Par grant courons et par grant ire.
Dient : « Mets ert en grant balance ! »
Car par l'escul et par la lance
Ceulx de Mets mettront a martire;
Plus ne lor plait lor acointance.
LE DÉFI. 133
LK DÉFI.
57 . Tandis qu'isolément les hommes d'armes
Des ennemis se sont assemblés,
Les princes se réunissent pour décider
Comment Metz sera défiée,
Et le roi dit sans hésiter :
« J'exig^erai dans mon défi
« Qu'on me donne Metz et son territoire.
58 . « Que par vous les Messins soient défiés
« Comme parjures et rebelles :
« Vous êtes alliés avec moi,
« Vous ne pouvez sans moi faire la paix.
« Je leur serai tellement ennemi
« Que jamais plus ils n'auront de joie.
« Ils m'ont trouvé jusqu'ici trop débonnaire. »
59. Chacun d'eux a fait écrire sa. lettre,
Ils formulèrent leur défi
Dans des termes pleins de courroux et de colère.
Ils disent : « Metz va être en grand péril,
« Car par l'écu et par la lance
« Nous y mettrons tout à ravage :
« Avec elle tout bon rapport est rompu. »
I3ft LA GUERRE DE METZ.
60. Li roy mandait en la manirro
Que vous in'avés oy couloir;
De Justemont lai ou il iere
Fist des lettres a Mets porter ;
Tantost ait fait les feus bouter
Qu'encor ii'estoit ses mes ariere :
Doit on honneur tel roy porter ?
61. Nenil certes; il n'est pas roy;
Car il deiist xl jours
Estre tous coys, et ses conrois
Deiist avoir ausv séjour.
Cil qui conquerre veult lionnour
Ne doit pas faire lel desroi
Qu'il en seroit blameis tous jours.
62. Le jour devant la Sainct Lambert
Qu'avesques fut jadis de Liège,
Li roy qui oit vestu l'aubert
Par devant Mets ait mis le siège.
Il ne prise Dieu ne la Vierge,
Il monstre bien comment il sert
Ceulx qui perdirent le liault siège.
63. Li cuens Hanri de Lucembourch
Resemble mal qui fut ces peires,
Car ceulx de Mets et ciaulx des bours
Aimoit ainsv com fut leur freires :
Au temps Regnault fut .soldoiieres,
Qu'il poit souffrir poinne et labour;
Don going qu'il fit fut empereres.
LE DÉFI. 135
60. Le roi formula son défi de la manière
Que vous me l'avez entendu conter ;
De Justemont, où il était,
Il envoya ses lettres à Metz,
Et aussi vite il fit allumer les feux,
Avant même que son messager fût revenu.
Doit-on honorer un tel roi ?
6 1 . Non certes , ce n'est pas un roi ,
Car il eût dû, pendant quarante jours.
Se tenir tranquille, et ses troupes
Eussent dû rester en repos.
Celui qui veut conquérir de l'honneur
Ne doit pas commettre de telles félonies,
Dont il mérite d'tUre hlâmé à jamais.
G2. Le jour avant la fête de saint Lambert,
Qui fut jadis évêque de Liège,
Le roi ayant revêtu son armure.
Devant Metz a mis le siège.
Il ne prise Dieu ni la Vierge ;
Il montre bien comment il sert
Ceux qui perdirent leur place au ciel.
63. Au comte Henry de Luxembourg
Il ressemble mal, qui était son père.
Car ceux de Metz et du pays
Etaient aimés de lui comme des frères.
Au temps de Renauld, il fut à la solde de la cité;
Il ne s'épargna ni peine ni fatigue.
Et du gain qu'il fit devint empereur.
186 LA GUERRE DE METZ.
64- Li l'oy on lui ot Andowart
Qui envers Mets oit moult niespris :
Avoir deiist moult graut rouart
Ains c'un tel fait eiist empris :
En avoit honnour et pris
Des citains devant Dieulowart ;
De ceu s'ait il mal garde pris.
65. Droit se logèrent a Mancourl ;
Quant il olrent l'iawe passée
La rivière près de la court,
Qui moult lor plait et lor agrée,
Le feu boutent par la contrée
Qu'il n'y lassent grainge ne court
Qu'en feu ne soit tout embrassée.
66. De Mancourt s'en vinrent avant,
Si se logent a Malleroy;
Et s'il ont fait ung mal devant
Encor font il plus grant desroi :
Par les. vignes vont li charoi.
On s'en vat bien apercevant
Que se firent les gens le roy.
LE DÉFI. 157
64- Le roi a avec lui Edouard,
Qui envers Metz se conduit bien mal :
^ Il eût dû y regarder à deux fois
Avant d'entreprendre un tel acte;
Car il avait reçu honneur et prix
Des citains devant Dieulouard :
Il en a bien mal gardé le souvenir.
65. Les princes se logèrent à Mancourt;
Quand ils eurent traversé *
La rivière auprès du château,
Qui leur plaît et leur agrée beaucoup,
Ils mettent le feu dans la contrée
Et n'y laissent grange ni ferme
Qui ne soit entièrement livrée aux flammes.
66. De Mancourt ils s'avancèrent
Et se logèrent à Malroy,
Et s'ils ont fait du mal auparavant
Ils en font encore bien davantage ;
Leurs charrois passent au travers des vignes,
On s'aperçoit bien encore aujoui-d'hui
Quelle fut l'œuvre des gens du roi.
IS« LA GUEnRE PE METZ.
V.
67. Li roy ait fait a mont vonir
Une neif qu'estoil hailillio; -
Tant comme elle pot soustenir
De raisins l'a sa gent amplis;
liOrs fait li roy celle navie
A Thionville revenir :
Se fut ung fait de roberie.
G8. Hauleconcourt et Arcancey
Don feu furent trop mal gardées,
El Malleroy et Allexey
De chief en chief sont embrasées ;
• Par le pays vont les fumées ;
Roupcgney, Xeules et Charley
Et Mons ausi en sont burlées.
69. De puis que Dieu nasquit de meire
Ne fut nulz feu si grant veheu ,
Clomme il fut lait, c'est chose cleire :
Il ardent tout, huge et bus.
Li paiis fuit mal porveiis ;
Bien est raison cil le compère
Par cui tel plait est esmeiis.
LE SIÈGE. - BATAILLES, PILLAGES. 139
LE SIÈGE. — BATAILLES, PILLAGES.
67 . Le roi a fait remonter la rivière
A une nef qui était armée en guerre.
Autant qu'elle a pu en contenir,
Ses gens l'ont remplie de raisins;
Alors le roi commanda ([ue ce bateau
Fût ramené à Tliion ville.
Ce fut un véritable exploit de pillard .
68. Hautconcourt et Argancy
Furent très-mal gardés du feu,
Et Malroy et Olgy
Furent embrasées de fond en comble :
Le pays se couvre de fumée,
Ruppigny, Chieulles et Charly
Et Montigny aussi sont brûlés.
69. Depuis que Dieu naquit de mère
*" On n'a jamais vu si grand feu
Ni si affreux ; c'est chose sûre.
Ils brûlent tout, meubles et portes,
Le pays fut bien mal traité.
Il est bien juste qu'il paye le dommage
Celui par qui un tel fléau fut déchaîné.
IW . LA GUERRE DE METZ.
70. Do buefz, de vaiclies, do rhovaulz
Firent il la graiit roberie,
Per les mon ta ignés, per les vaulz
Prennent touttes les borgiries,
Aussy font il les porchorios :
Ne porroit rendre CUerevaulz
Les dopmaiges ne les penies.
7 1 . Sçavés qu'avint a cest mardi
Droit a l'oure c'on sonne nonne ?
Li boutefeu com folz herdi
Lor lornio passent et loui* bonne :
Messire Jaicquos esperonne
Qui les gaitoit dès le meidi,
V. en retint, ses enprisonne.
72. En l'ost en sont moult corrociés
Li roy, li cuens de l'aventure,
A ceulx do Mets ont envoiet
Qu'il venissont on la pastui'e :
Li roy moult bien les asseiire
Qu'il n'y seront jai dotriet ;
Et il y vont grant aleiire.
73. La vint li cuens de Sallebrucbo
Qui veult ravoir tous les prisons.
Cil de Mets respondent en duché
Qu'il n'est pas temps, lieu ne saison.
Lors dist li cuens : a Or nous taisons ;
« Râler me veul, car on me huche ;
« Arse en sera mainte maison. »
LE SIEGE. — BATAILLES, PILLAGES. m
70. De bœufs, de vaches, de chevaux
Ils firent là de grands pillages ,
Par les montagnes, par les vallées
Ils prennent toutes les bergeries;
Ainsi font-ils des porcheries :
Glairvaux même ne saurait indemniser
De si grands dommages et pilleries.
7 1 . Sachez ce qu'il advint ce mardi ,
Juste à l'heure où l'on sonne none :
Les boute-feu, follement hardis.
Dépassant leur limite et leur borne,
Messire Jacques joue des éperons
(Qui les guettait depuis midi).
Il en prend cinq et les mène en prison.
72. Dans l'armée sont fort courroucés
Le roi et le comte de cette aventure,
Ils envoient des messagers à ceux de Metz
Pour se rendre sur les glacis.
Le roi leur garantit fort bien
Qu'ils seront bientôt de retour,
Et ils y vont à grande allure.
73. Là vint le comte de Sarrebruck,
Qui veut ravoir tous les prisonniers;
Ceux de Metz répondent en allemand
Qu'il n'en est pas lieu, temps ni saison ;
Alors dit le comte : « C'est assez, taisons-nous.
« Je veux m'en aller, car on m'appelle :
« En seront brûlées maintes maisons. »
IW LA OUEhUE DE METZ.
74- I^-y cueus OU l'osl l'sl irpairicz
Qui des prisous uulz ue rauiaiuuo.
Li roy k; vit, s'en fut irié.
Et par saniblent graiit duel demainno,
Il voit mouh blcMi (ju'il li croit poinne
Quant de sa gent est empiriez :
Mal c'est gardez de ceste assoinue.
^5. Les gens de Bair et de Behaigne
Trois jours tous plains la séjournèrent,
Car l'archevesque et sa compaigncî
Qu'en l'ost venoient attenderent ;
Quant sont venus lors chevalcherent
Plus près de Mets par la montaigne,
Droit a Grimont lai se logèrent.
76. Lors fut l'assault grant a Vallieres
Et a Vantoul et a Maiey,
Il lor lancent et dars et pieres ;
Pour si grant gent sont esmaieit,
Il lor viennent comme effraieit;
Fuir les font par les charrieres,
La en ont pris et maint plaieit
'7'7. La fait chescuin du pix qu'il puet,
L'ung vait avant, l'aultre arrière;
Jay demander ne vous estuet
S'on paiis oit point de fumiere :
Il n'y lassent maison entière ;
Chescuin sceit bien que li roy veull
Que de maison faice on maixiere.
LE SIÈGE. - BATAILLES, PILLAGES. IftS
74- Le comte est de retour à l'année;
Il ne ramène aucun des prisonniers;
Le roi le voit et s'en irrite
Et en manifeste un grand chagrin ;
Il voit combien ce fut un malheur pour lui,
Que ses gens tombassent en un tel péril.
Il s'est mal gardé de ce mauvais pas.
75. Les gens de Bar et de Bohême
Trois jours pleins là se sont arrêtés,
Car l'archevêque et sa compagnie,
Qui viennent à l'armée, sont attendus.
Lorsqu'ils furent arrivés ils chevauchèrent
Plus près de Metz par la montagne ,
Et vinrent se loger droit à Grimont.
76. Alors l'assaut fut grand à Vallières,
Et à Vantoux et à Méy.
Ils y lancèrent dards et pierres.
De cela bien des gens s'effraient.
Ils fuient devant eux comme éperdus;
Ils les font fuir par les charrières;
Là plusieurs sont pris et plusieurs blessés.
77. Là chacun fait le plus de mal qu'il peut;
L'un va devant^ l'autre derrière;
Déjà il ne faut pas demander
Si au pays il n'y a pas d'incendies.
Ils ne laissent maison entière ,
Chacun sait bien que le roi veut
Que de toute maison on fasse une masure^
IM LA GUERRE DE METZ.
78. D'ardoir le bourch Saiiict Jiillieii
Li roy, li cuens moull so peiioieiil;
Entre eaulz n'avoit point de luoien;
A l'assaillir tuit s'acordoient,
Maix il doutent s'il assailloient
D'estre liez d'un mal lien
Des soldiours qui la estoient.
79. La estoit li sire de Biche
Qui moult avoit belle maignie;
Il jure Dieu et bien s'afîche
Qu'il ne ferait secours n'aiie
Se tantost n'est la porte ovrie.
Loweit l'en ont et poure et riche
Qu'il n'ait cure de cohardie.
80. Il ait parleit a haulte chiere :
« Allés moy tost la porte ouvrir !
« Ne vous traheis humais ariere.
« Prenés escus pour vous couvrir
« Quant ce vanrait a col feirir,
« Tenés vous tuit a ma baniere :
« Hui en ferons grant part morir. »
81. Quant li roys sot ceste paroUe,
C'on lait l'assault s'a fait hucliier;
Il dist : « Je doubte l'espingolc,
« Le bour ne veul plus aprochier,
« Per ses vignes veul chevalchier,
cf Crape pranrai on dure on mole
« Pour mon ventre mieulx alaichier. »
LE SIÈGE. — BATAILLES, PILLAGES. 145
78. De Ijrûler le faubourg de Saint-Julien
Le roi et le comte étaient bien en peine;
Entre eux ils n'en avaient pas le moyen;
Ils étaient bien d'accord pour l'assaillir,
Mais ils redoutaient, s'ils assaillaient.
D'être liés d'un mauvais lien
Par les soldoyeurs qui étaient là .
79. Là se trouvait le sire de Bitclie,
Qui avait bien belle compagnie.
Il jure Dieu et bien proclame
Qu'il ne donnera secours ni aide
Si la porte n'est pas vite ouverte.
Tous l'ont loué, pauvres et riches,
De n'avoir souci de couardise.
80. Il a parlé, le visage haut et fier:
« Allez bien vite m'ouvrir la porte;
« Ne vous tenez pas en arrière ,
« Prenez écus pour vous couvrir,
« Quand le moment viendra de férir un coup,
« Tenez- vons tous près de ma bannière.
« Nous en ferons mourir bon nombre. »
81. Quand le roi sut cette parole.
Il a fait crier l'ordre de cesser l'assaut,
Et dit : « Je redoute l'espingole,
« Je ne veux plus approcher du faubourg ,
« Je veux chevaucher par ces vignes,
« J'y prendrai des grappes, dures ou molles,
« Pour mieux rafraîchir mes entrailles. »
10
146 ÈA GUERHE DE METZ.
82. Se poise moy quant n'assaillircnl
Qu'ostcit fussent bien reculiez ;
Nostre sergent les attendirent
ïuit de combaitre apareillicz :
Certe il furent trestuit liez
Qu'auront assault quant entendirent,
Combien qu'il fussent traveilliez.
83. Nostre ennemys qui se logèrent
Droit a Grimont le vanredi
L'assault ensi du tout lassèrent,
Coin je vous ai conteit et dit ;
Et quant se vint le sabmedi
Tuit li ducbalz les assamblerent
Devant nonm; droit a meidi.
84- Ivi tkic vint la a grant bobanc(;
Tout ausimant comme il fut roy ;
Cbescuin avoit escus et lance
Et bon destrier fort et norrois;
Dix banieres oit li conrois
Qui ait conduite la pitance
Et la vitaille des charrois.
85. Il avoient le feu boutei
Par les villes a lour venir.
Par le Salnois furent douteis,
Il n'y laissent beste a penir.
Plussieurs en vis lance tenir;
Et escu joinct près du costel ;
De ceu me doit bien souvenir.
LE SIÈGE. — BATAILLES, PILLAGES. lUI
82. .le suis fâché qu'ils n'aient pas assailli ;
Ils auraient été bien reçus ;
Tous nos gens les attendaient
Bien préparés à combattre;
Certes ils étaient tous réjouis
En apprenant qu'ils auraient un assaut,
Quoiqu'ils fussent déjà bien fatigués.
83. Nos ennemis qui se logèrent
Droit à Grimont le vendredi ,
Laissèrent ainsi complètement l'assaut,
Ainsi que je vous l'ai dit et conté ,
Et lorsque vint le samedi,
Tous les gens du duc les rejoignirent
Avant none, juste à midi.
84- Le duc vint en grande pompe, r
Tout aussi bien que s'il fût roi.
Chacun avait écu et lance
Et bon destrier fort et vigoureux :
Dix bannières accompagnent le convoi,
Qui a amené les provisions
Et les victuailles de l'armée.
85. Ils avaient mis le feu
Aux villages sur leur chemin ;
Dans le Saulnois ils se firent redouter^
Ils n'y laissèrent pas une béte à saisir;
J'en vis plusieurs la lance au poing,
Et l'écu serré sur le côté.
De cela me doit-il bien souvenir 1
I!i8 L\ GUERHE DE METZ.
86. Bail- et li cueiis de Lucemboiircli
Et cil qu'estoit paistre de Trieve
Don duc veoir sont an labour;
En son estant chescuin se lieve,
De grey le font, rien ne lor grieve;
Grant noise font cor et tabour,
C'est merveille qu'aucuns ne crieve.
87 . De lour destrier lai dessendirent ;
Se s'en logeirent maintenant,
Lor pavillons, lour treis tendirent
Que moult sont bel et avenant.
Il n'en vont pas loing plait tenant,
Après mengier se despertirent
Jusquez au diemange venant.
88. Le diemange se ressamblirent
Pour acorder quel la feront;
A lour conseille il demandirent
Se plux enqui sej orneront.
Que lou matin s'en partiront ;
A cest acord tuit s'acordirent
Et a Flerey droit en yront.
89. Les faits qu'il font et qu'il aviut
Ne sa pourquoy plus vous scelaisse,
A Muzelle li roy s'en vint ,
Cui qu'il fut bel ne cui desplaice ;
Cilz d'Anvancourt qui mal porcliaisse
Arier en l'ost plus ne revint.
Car il fut pris en une cliasse.
LE SIÈGE. — BATAILLES, PILLAGES. \H9
86. Les comtes de Bar et de Luxembourg^
Et celui qui était pasteur de Trêves
Sont en peine de voir le duc;
Sur ses pieds chacun se dresse ;
Ils le font de bon gré et de grand cœur.
Cors et tambours mènent grand fracas;
C'est merveille qu'aucun n'en crève.
87. De leurs destriers là ils descendirent
Et prirent aussitôt leurs quartiers;
Ils dressèrent leurs tentes et leurs pavillons,
Qui étaient beaux et magnifiques.
Ils ne tinrent pas une longue assemblée;
Après dîner ils se séparèrent.
Jusqu'au dimanche suivant.
88. Ce dimanche ils se rassemblèrent
Pour se mettre d'accord sur leurs projets.
Dans le conseil ils se demandèrent
S'ils séjourneraient là plus longtemps,
Ou si dès le matin ils repartiraient.
A cet avis tous s'accordèrent,
De se diriger droit sur Fleury.
89. Ce qu'ils y firent, ce qui arriva,
Je ne sais pourquoi je vous le cacherais;
Le roi s'en vint près de Mazelle :
Mais que cela vous plaise ou déplaise,
Le seigneur d'Avoncourt, qui cherche le mal,
Ne revint plus à l'armée,
Car il fut pris dans une escarmouche.
150 LA GUEKEE DE ME'iZ.
90. Lai fut ocis Miles d'Assey
Et Henri pris de Ceriere ;
Cil ne furent oncques laissiez
De mal faire en mainte manière
Ou par devant ou par darriere;
Certes mains jours sont ja paisseis
Qu'estre deiissent en 11 bières.
()i. Des navrés, des mors et des pris
D'aultres y oit a grant foyson ;
Li Rongraves en oll le pris
Qu'il list cest fait scn trayson.
En l'ost en sont en grant frisson,
Endowars ait grant duel empris,
Moult plaint Gillet qu'est en prison.
92. Le matin se sont dclogiet,
Plus en Griment n'ont d<unourei,
Il chevalchent trestuit rangieit,
Lou droit chamin vont a Florev.
Jamaix ne seront honorey.
Se lor samble, s'auront vengieit
Ceulx qui sont mort et demorey.
93. Tant ont allci sen point dessendre
Qu'a Florey sont venus sus Saille ;
Lor pavillons la ont fait tendre .
Tant en y oit se fuit merveille!
Et chescuin queus moult se travaille
Des mets haster qu'il n'ait qu'a tendrie :
L'ung tient cuillier, l'aultre croaille.
LE SIÈGE. — BATAILLES, PILLAGES. \bi
90. Là fut occis Milon d'Acey
Et pris Henry de Serières.
Ils ne furent jamais lassés
De mal faire, de toutes manières
Et par tous les moyens possibles.
Certes bien des jours sont déjà passés
Qu'ils auraient dû être chacun en sa bière.
91. De blessés, de morts et de pris,
Il y en eut une foule d'autres;
Le Raugraf en eut le prix, ^
Car il s'est conduit avec loyauté.
En l'armée ils sont dans l'épouvante;
Edouard, saisi d'une grande tristesse,
Plaint beaucoup d'Avoncourt qui est en prison.
92. Le lendemain ils ont délogé.
Ils ne sont plus demeurés à Grimont.
Ils chevauchent tous en bon ordre
Et marchent droit vers Fh^ury.
Jamais plus ils n'auront d'honneur,
Leur semble-t-il, tant qu'ils n'auront vengé
Ceux qui sont morts et prisonniers.
93. Ils ont tant marché sans s'arrêter
Qu'ils sont venus à Fleury sur la Seille;
Là, ils ont fait tendre leurs pavillons;
Il y en avait tant que c'était merveille.
Chaque cuisinier s'occupe activement
A préparer les mets qu'il n'a qu'à leur passer,
Car l'un tient la cuiller et l'autre la fourchette.
15J LA GUERRE DE METZ.
94. Li feu fut grant par les cusines,
L'ung ait soffleit, l'aultre vanteit ;
Haste de porc et de gelliies
Y veissiez a grant planteit ;
Il ont chair a lor volleiiteit,
Si en ont fait grant discipline :
Dieu lour an voit maie santeit !
95. Li feu si grant fuit a Maigney
Que tout en fut li ars obscurs;
On paiî^ n'ont rien espargney;
Il font cheoir grainges et murs,
La ne fut nul de Mets seiirs.
S'il y evist petit gaingniet
Q'il eschapait, se fut eiirs.
96. Li roy mandait après mengier
A ung conseil tous les barrons,
Et il y vinrent scn dongier.
Lors dist li roy : « Quel la ferons?
« Dites comment nous passerons
« La rivière sen point plongier,
« Quant nous de ci deslogerons ? »
97. Il s'acordent enthierement
Que il feront ung bon pont faire
Per ou pouront delivrement
L'yawe passeir nostre adversaii'e ;
Faire le font prevost et maire;
Et il fut fait apertemant;
La passèrent sen nul contraire.
LE SIÈGE. — BATAILLES, PILLAGES. 15S
94. Le feu fut grand par les cuisines;
L'un souffle, l'autre ventile;
Rôtis de porcs et de volailles
Vous auriez vu en grande abondance;
Ils avaient viande à volonté
Et ils en ont fait un grand abatis.
Que Dieu leur envoie mauvaise santé !
95. Le feu fut si grand à Magny
Que l'air fut tout obscurci par la fumée.
Dans le pays, ils n'ont rien épargné ,
Ils font tomber granges et- murs ;
Pour nul sujet de Metz il n'y a de sûi'eté ;
S'il y eut la moindre petite masure
Qui échappât, ce fut grande chance.
96. Le roi manda, après dîner,
A un conseil tous ses barons,
Et ils y vinrent sans tarder.
Lors dit le roi : « Qu'allons-nous faire?
« Dites comment nous passerons
« La rivière, sans y faire un plongeon,
« Quand nous délogerons d'ici ?»
97. Ils s'accordèrent parfaitement
A faire construire un bon pont.
Par où pourront en toutes sûreté
Passer l'eau nos ennemis.
Prévôts et maires le font exécuter.
Et il fut fait ouvertement;
Ils y passèrent sans aucun obstacle.
15ft LA GUERRE DE METZ.
VI.
98. Entrant ont fait les bours veudier
De Sainct Arnoult, tic St. Clément,
Cilz de Mets que par lour cuidier
Pencent avoir l'assault briefnient ;
Lai oit grant ensonniement ;
L'ung n'oit cure de l'aultre aidier ;
Lai corrent cheir apesseinent.
99. Devant la porte Serpenoise
Font abaitre murs et maisons
Qu'il pensoient en avoir noise;
Maix n'estoit pas encor saisons.
Ung petit fait si nous taisons,
Je me doubte qu'il ne vous poise,
Sel vous dirai qu'il est raisons.
100. Ci nous raconte nostre livre
Qui est escript par double range
Qu'adonc gaignait lx livres
Jehan c'on dit de Wermerange;
Il oit le prou et les lowanges.
Sans colz ferir en fut délivre ;
L'abbes paiet tous ces coustanges.
L'ENNEMI S'APPROCHE. -EXPLOITS DES NEFS. 155
L ENNEMI S APPROCHE. — EXPLOITS DES NEFS MESSINES.
98. Cependant on fait vider les bourgs
De Saint-Arnould et de Saint-Clément;
Car ceux de Metz, dans leur croyance,
S'attendent à un assaut immédiat.
Mais il s'y rencontre de grands embarras ;
L'un ne se soucie pas d'aider l'autre ;
On voit courir les chars en grand nombre.
99. Devant la porte Serpenoise
Ils font abattre murs et maisons
Qu'ils pensaient devoir leur être nuisibles ;
Mais ce n'était pas encore la saison.
Ici je passe quelques petits faits,
Je crains que cela vous fatigue.
Je vous en dis là la raison.
100. Ici nous raconte notre livre,
Qui est écrit sur deux colonnes,
Qu'alors gagna soixante livres
Jehan qu'on appelle de Volmerange.
Il eut le profit et la louange,
Sans coup férir il fut délivré;
L'abbé paya toute sa rançon.
150 LA GUERRE DE METZ.
loi. Et quant m jours ont séjournez
Nostro enneinin, pour U\ passaige
De lour armes, sont atourneis ;
Si se sont mis en lor voiaiges,
Par le pont passent le rivaige,
Droit ver Molin se sont torneit ;
Lai firent il moult grant dompmaige.
I02. Quant sont venus devant Molin,
Si s'en logent tout de novel.
Je croy leur dieu est Apolin
Qui les conduit a teil revel :
Il n'y laissent vaiche ne veil ,
Robes, toille, chauve ne lin,
Ne cheval blanc, noir ne f'avel.
io3. Cil don Vault sont moult entepris
Qu'il pensoient leur biens rescoure :
Par desoubz sont de l'ost soupris,
Et des contalz sont par dezoure.
11 est bien folz qui lai demoure,
Qu'il vert navrez on mort on pris,
Desconfis yert en petit d'oure.
104. Cil de l'ost ont tant enchauciet
Que cilz don Vault ont maintes plaies;
Fuiant s'en vont tuit corrouciet ,
Des mors laissent selong les haies.
Voullés oyr raisons bien vrayes ?
Cil qu'en viennent sont deschauciet,
Il n'ont maicques chemise on braies.
L'ENNEMI S'APPUOCHE. - EXPLOITS DES NEFS. IST
loi Et quand trois jours ont séjourni''.
Nos ennemis, pour le passage
De leurs gens, ils ont donné leurs oi'dres,
Et se sont mis en chemin ;
Ils traversent la Moselle par le pont
Et se dirigent droit sur Moulins.
Là ils firent bien grand dommage.
102. Quand ils furent venus devant Moulins,
Ils établirent de nouveaux quartiers.
Je crois qu'Apollin est leur dieu,
Pour leur inspirer de telles violences!
Ils ne laissent vache ni veau.
Robes, toiles, chanvre ni lin,
Ni cheval blanc, noir ou bai.
io3. Ceux du Val sont bien entrepris,
Eux qui pensaient sauver leur bien :
Ils sont en aval surpris par l'armée
Et par les gens du comté en amont;
Il est bien fou qui là demeure :
Il sera blessé, mort ou pris,
II sera déconfit en peu d'heures.
104. Ceux de l'armée les ont tant poursuivis
Que les gens du Val ont maintes plaies :
Ils s'enfuient, s'en vont tous éperdus.
Laissant des morts le long des haies.
Voulez-vous savoir les détails bien vrais ?
Ceux qui en échappent sont déchaussés.
Ils n'ont plus que leur chemise ou leurs braies.
158 LA GUERRE DE METZ.
io5. Dès que l'ost vint près de Charlev
Fist adès bruit et main et nuyt.
De sou n'avoie encor parlei,
Se je l'ai dit ne vous anuyi.
Et savés vous qui les conduit ?
Se fait Jehan qu'est de Marley,
Qu'en mal faire moult se desduit.
io6. Cilz Jehan fist moult de meschief,
Si comme on dit, parmy le Vaulz :
Le feu boute de chief en chief,
II vait courant tout contrevaulz;
Il chevalchoit uug tel chevaul
Qui blans avoit et doz et chief,
Moult poit souffrir poinne et Iravaul,
107. Moult se poinne des villes airdre
D'ambedeux pars de la rivière;
Dès Airey en jusques Sainct Laitli'e
N<; veyssiés fors que fumiere.
Cil de l'ost ont une manière :
Quant il treuvent hanep de maidre
Il n'ont cure don mettre; ariere.
108. Le londemain ont clievalchiez
Vers le gibet en Genetrois,
Les XIII ont en hault bûchiez
Plux d'une foys, de 11 de m.
De ceulx de Mets font lor gabois;
Le gibet ont jus trabuchiez,
Li lairon gisent per l'erbois.
L'ENNEMI S'APPROCHE. — EXPLOITS DES NEFS. 159
io5. Dèà que l'armée vint près de Charly,
Elle y fit grand fracas jour et nuit ;
De cela je n'avais encore parlé,
Si je l'ai fait, que cela ne vous ennuie pas.
Et savez-vous qui conduit l'armée ?
C'est Jehan, qui est de Marly :
Il n'a de joie qu'à faire le mal.
io6. Ce Jehan fit bien des maux,
Dit-on, à travers le Val :
Il y porte le feu d'un bout à l'autre ;
Il va courant de toutes parts.
Il était monté sur un cheval
Qui avait le dos et la tète blancs.
Il sait supporter fatigue et grand travail.
107. Il se peine fort pour brûler les villages
Sur les deux rives de la Moselle :
Depuis Arry jusqu'à Saint-Ladre ,
Vous n'auriez rien vu que fumées.
Ceux de l'armée ont une habitude ;
Quand ils trouvent un hanap de madré,
Ils ont soin de ne pas le laisseï*.
108. Le lendemain, ils ont chevauché
Vers le gibet en Genestroit :
Ils ont en haut appelé les Treize,
Par plus d'une, deux et trois fois.
De ceux de Metz ils font des moqueries,
Ils ont jeté le gibet par terre ;
Les corps des larrons gisent sur l'herbe;
160 LA GUERIVE DE METZ.
109. Dieu leur anvoise malestrainne!
Jai nous tesmoingne l'Escriplure
C'un chescuin jour de la sepinaiiiiie
Puet on et doit lairons destrure.
Abatu l'ont pour la ferrure,
Il n'y laissent crochet ne eliainne ;
• Certe se fut trop grant laidure.
iio. Messire Hanry de Fenestrange
Fut adonc pris et retenus;
Maix ne fist pas trop granz coustanges
En la citeit quant fut venus,
Car en tel point c'est maintenus
Par paroles et par losanges
C'oncques en fer ne fuit tenus.
111. Rotigiez fut de x" livres
Jusques un jour et sus sa crance;
Et il ne fut ne folz ne yvres
Pour pourchasser sa délivrance :
Aus soldiours fit demonstrance
Comment porroit estre délivre
S'entre aulx faisoient aliance.
112. Li soldiour firent partie
Pour monsignour Hanri a Mets;
Entre aulx ont fait une ahaitie
Que, c'il n'Atoit quitte clamés,
Plux ne seroient nulz d'ialz armés.
Il fut quitte par tel maistrie ,
La vit on bien qu'il fut ameis.'
L'ENNEMI S'APPROCHE. - EXPLOITS DES NEFS. 161
109. Dieu leur envoie maie étrenne!
L'Ecriture ne nous témoighe-t-elle pas
Que chaque jour de la semaine
L'on peut et doit détruire les larrons ?
Ils ont abattu le gibet pour en prendre la ferrure,
Ils n'y laissent crochet ni chaîne ;
Certes, ce fut une trop grande indignité!
1 10., Messire Henry de Fenestrange
Fut alors pris et retenu,
Mais il ne lui en coûta pas trop
D'être amené dans la cité :
Car il obtint de tels avantages,
Grâce à ses paroles et à ses intrigues,
Qu'il ne fut pas tenu dans les fers.
111. Il fut rançonné à dix mille livres
Jusqu'à un jour donné et sur sa parole;
Et il ne fut ni fou ni ivre,
Pour recouvrer sa liberté:
Il démontra aux soldoyeurs
Comment il pourrait être délivré
Si avec lui ils formaient une entente.
112. Les soldoyeurs se mirent du parti
De messire Henry à Metz ;
Entre eux ils firent un engagement
Portant que, s'il n'était proclamé libre,
Aucun d'eux ne prendrait plus les armes.
Il fut quitte, grâce à cette industrie.
Là vit-on bien qu'il avait des amis.
11
1S2 LA (iUEUUt; DE METZ.
II 3. Aius qu'il partist parfoy jurreit
Et par les sains de saincte Eglisse
Qu'i jamaix jour Mets ne nuireit
Pour la raison de celle prise :
Tant ait pues fait que poc le prise,
Ses serment bien petit dureit;
Après orez en quelle guise.
ii4- Laissier vous veul celle paroUe,
Dirai vous des neiz batillies.
11 ont esté a bonne escoUe
Cilz qui les ont aparilliez;
De sageittez les ont garnies,
D'aubelestre, d'une espingole,
D'escus, d'espées bien forbies.
11 5. Quant les neis sont bien atorneies,
Si entrent eus gens de bernaige ;
Tout droit vers l'ost les ont meneie
Cil qui bien scevent le rivaige;
La feront il moult grant damaige,
Quant près de l'ost seront ancreies :
N'apagneront signour ne paige.
1 16. L'ung prent ferrey et l'aultre trait
Auz rains pour tost a mont nagier,
Les neis ne vont mie a trait.
Près de l'osl vont sons atargier
Pour ceulx de l'ost adamaigier;
Nostre espingole ait fait ung trait,
Se les ait fait tost delogier.
L ENNEMI S'APPHOCHE. — EXPLOITS DES NEFS. 163
n3. Avant de partir, il jura sur sa foi
Et sur les saints de la sainte Église
Que jamais il ne nuirait à la cité
A l'occasion de cette prise.
11 a tant fait depuis qu'il mérite peu d'estime;
Son serment dura bien peu.
Bientôt vous entendrez de quelle manière.
114. Je veux vous faire quitter ce sujet;
Je vous parlerai des nefs armées en guerre.
Ils ont été à bonne école
Ceux qui les ont appareillées :
De flèches ils les ont garnies,
D'arbalètes, d'une espingole,
D'écus, d'épées bien fourbies.
1 15. Quand les nefs sont bien équipées,
Alors y entrent les gens de vaillance;
Tout droit vers l'armée les ont menées
Ceux qui connaissent bien le rivage.
Là elles feront de bien grands dommages,
Quand en face de l'armée elles seront ancrées.
Elles n'épargneront ni seigneur ni page.
1 16. J-j'un prend un ferret, et l'autre tire
Sur les rames pour vite remonter le courant;
Les nefs ne sont pas tirées par des cordes.
Près de l'armée elles vont sans arrêter
Pour faire du dommage aux ennemis-
Notre espingole a tiré un coup
Qui les a fait bien vite délogeri
IM LA GUEUUE DE METZ.
117. Trestout li osl inoiill se doslouc
Des nels qui sont sus le gravier,
Cliescuiii les fuit si com l'aloue
Fuit le faicon on l'esprevier.
Foy que je doie sainct Levier,
Les neis gardeirent Waidrinoue;
Avoir n'y doient reprowier.
ii8. Pour l'apingole et l'aubeleslre
Que eil des neis faisoient traire,
Près de l'iawe n'oisoient estre
Nostre ennemin, nostre adversaire.
On ne peult rien a neis meffaire,
Qu'il n'v avoit nulle fenestre;
Benois soit il qui les fist faire !
11 9. Ce fut Wilanie de Wirey
Cui Dieu pardoingne ses melfais!
De sa mort sont plussieurs ireis,
Qu'esteit avoit a mains bons fais
En la conteit de Bair fut trait,
A Hamecourt de ver Briey.
Ces esperil sont on ciel trais.
120. Il n'est huralz ne menestrès
Qui bien sceùst conter et dire,
Ne lais ne clerc tant soit lettreis
Qui racontaist \v graut martire
Que cilz de l'ost par le Vaulz firent.
Les neis gaingnont 11 de lor treis
Quant de Molin se desperlireuf.
L'ENNEMI S'APPROCHE. — EXPLOITS DES NEFS. 165
II '7. Chacun dans l'armée se plaint
De ces nefs qui sont sur la grève.
Chacun les fuit, ainsi que l'alouette
Fuit le faucon ou l'tîpervier.
Sur la foi que je dois à saint Livier !
Les nefs gardèrent Wadrineau ;
On n'a rien à leur reprocher.
118. A cause de l'espingole et de l'arbalète,
Que ceux des nefs faisaient tirer,
Près de l'eau n'osaient se tenir
Nos ennemis et adversaires :
Ils ne pouvaient rien contre les nefs ;
Car elles n'avaient nulle ouverture.
Béni soit celui qui les fît faire!
119. Ce fut Guillaume de Vry :
Que Dieu lui pardonne ses péchés !
De sa mort plusieurs sont peines.
Après avoir été à maints beaux faits d'armes,
Dans le comté de Bar, il fut percé d'un trait,
A Homécourt, près de Briey :
Son âme a été appelée au ciel.
120. Il n'y a héraut ni ménestrel
Qui saurait bien conter et dire.
Ni laïc ni clerc, tant lettré soit-il,
Qui racontât le grand martyre
Que ceux de l'armée causèrent dans le Val ;
Les nefs en percèrent deux de leurs traits
Quand ils partirent de Moulins.
166 LE GUERRE DE METZ.
121. Li ost ne fist plux de séjour ;
Trois jours s'estoit on Valz tenus.
Droit le diemange au point du jour
Devant les Pons si est venus,
Tous raingiés c'est lai maintenus;
N'oit tant en Ynde la majour
De jovanciaulx ne de chenus.
122. Li roy, li duc et li barrons
Des chevailliers lai adoubeirent ;
Quant chauciés sont li espérons
Les espées après cindeirent ,
Les collées après donnèrent,
Puis chevalchent tout environ ;
Maix poc d'onnour y conquasterent.
123. Entrant ont fait nostre citain
Pour eulx armer Meule sonner,
Puis demandent a chavetain
Comment se porront démener.
Cilz ques devoit tous ordonner
Lor respondist : « Soies certain ,
« Jai piétaille n'y quier mener.
124. « Je me doubte de la piétaille
« Que Mets ne messe en grant balance
« Elle ne sceit rien de bataille,
« Ne de porter escu ne lance.
(( Or en dites vostre samblance ;
« Soies certain comment qu'il aille
« Je veul tenir vostre acordance. »
L'ENNEMI S'APPROCHE. — EXPLOITS DES NEFS. 167
121. L'armée ne prolongea pas son séjour;
Trois jours elle s'était tenue au Val.
Le dimanche, dès le point du jour,
Elle est venue devant les Ponts;
Toute rangée en bataille, elle s'est là tenue;
Jamais il n'y eut dans Inde la Grande
Tant d'hommes, jouvenceaux ou chenus.
122. Le roi, le duc et les barons
Adoubèrent là des chevaliers.
Quand ils eurent chaussé leurs éperons,
Ils leur ceignirent ensuite l'épée.
Et ils leur donnèrent l'accolade.
Puis ils chevauchèrent dans tous les environs,
Mais ils y conquirent peu d'honneur.
123. Cependant nos citains ont fait.
Pour prendre les armes, sonner la Mutte;
Puis ils demandent aux capitaines
Comment ils comptent s'en tirer.
Celui qui doit les mettre en bataille
Leur répond : « Soyez-en certains,
« Je me soucie peu de faire sortir les gens de pied.
124- « Je me défie des gens de pied;
« Je crains qu'ils ne mettent Metz en péril :
« Ils ne savent rien de la guerre,
« Ni même porter écu ni lance;
« Or, dites-moi ce qui vous en semble;
« Soyez assurés qu'en toute circonstance
« Je veux marcher d'accord avec vous. »
168 LA GDEKRE DE METZ.
125. Au conseil vont et ung et aultre;
L'ung dit avant, et l'aultre ariere.
Par la fov que dole sainct Autre
Il s'acordent en tel manière
Que des portes n'ytrait baniere
Ne nulz qui ait lance sus f'aultre,
Qu'avoir pensoient mainte bière.
126. Cui qu'il fut bel ne cui fuit lait
De la ville point n'isseront.
On temj)s après, se Dieu leur lait,
Des ennemis se vengeront,
Et s'il ars ont il arderont,
Et c'il ont fait honte ne lait
D'autreteit jeu lor jueront.
127. Nostrc ennemi l'iawe passèrent
Tout endroit la porte Patart,
Droit a Molin le duc aleirent ;
Don feu bouter, lor estoit tari.
Le feu bouteirent et li tis art ;
Il entront ans, si an gitterent
Berbis et porcs pour Endowart.
' 128. Par les baires endemestier
Furent assez bien x ribault ;
Avec eaulx fut ung don mestier
Les corvixiers qu'ont le cuerbault.
IjCs ennemins forment assault,
Il leur navr.eit maint grant destrier,
Et il sont mors, se Dieu me sault.
L'ENNEMI S'APPROCHE. — EXPLOITS DES NEFS. 169
125. Ils vont au conseil, les uns et les autres;
L'un parle d'une façon ; et l'autre d'une autre.
Par la foi que je dois à saint Auteur l
Ils se mettent d'accord de telle façon
Que des portes ne sortira bannière,
Ni nul qui ait lance à la selle.
Car ils craignent de subir de grandes pertes.
126. A qui cela plaise ou non,
De la ville on ne sortira point.
Plus tard, si Dieu le permet
On se vengera des eimemis,
Et s'ils ont brûlé on brûlera chez eux ;
S'ils ont fait actes honteux et félons.
On leur jouera chez eux le même jeu.
127. Nos ennemis traversèrent l'eau
Tout en face de la porte Patard :
Ils allèrent droit au Moulin-le-Duc.
Il leur tardait de mettre le feu ;
Ils allumèrent l'incendie, le toit brûle :
Ils y entrèrent et en firent sortir
Brebis et porcs pour Edouard.
128. Par les barres, pendant ce temps-là.
Allèrent bien passer dix ribauds;
Avec eux en était un du métier
Des cordonniers, au brave cœur.
Il assaille hardiment les ennemis ;
Il leur blesse maints grands dcîstriers,
Dont ils périrent ; vrai comme Dieu me sauve !
170 LA GUERRE DE METZ.
129. Les eonemis s'en sont fuïs
Pour les quarreaulx et espiiigoles
Dont on fereil par grant aïr
Un grant signour parmy la goule;
Plux ne dirait vainne parole.
Quant il fut mort, l'amme s'enfuit
D'enfer tout droit en la jaolle.
i3o. Devant les Pons or ont esteit
Li duc, li contes et li roy;
Ce qu'il ont pris et conquesteit
Avez ouy et les desrois.
Lors enmeuerent lour charrois
A Saincte Crux, la sont resteit ,
Lour se logeit chescuin conrroy.
i3i. Cilz de l'ost sont moult tost logiet,
Car bien s'en scevent entremettre.
Quant logiet sont n'ont point targiet,
L'omme trait font en terre mettre :
A Saincte Crux sans rien promettre
Leur bière prinrent sans congiet
Pour un aultre seigneur ains mettre.
i32. De l'abeleste a tour fut trais
Cilz sire droit a Longeville ;
Li quairiaulz fut de son corps trais
Qu'estoit plux long d'une cheville.
Dolent en sont plus de ij mille.
Car de grans gens estoit atrais.
Mort l'enmenront jusqu'à sa ville.
I?ENNEMI S'APPROCHE. - EXPLOITS DES NEFS. 171
129. Les ennemis s'en sont enfuis
Par crainte des carreaux et espingoles,
Dont fut frappé avec violence
Un grand seigneur en plein visage.
Il ne dira plus de vaines paroles;
Quand il fut mort, l'âme s'enfuit
Tout droit en la geôle d'enfer.
i3o. Devant les Ponts s'en sont allés
Les gens du duc, du comte et du roi.
Ce qu'ils ont pris et conquis,
Vous l'avez entendu et le mal qu'ils ont fait;
Alors ils emmenèrent leur convoi
A Sainte-Croix : ils s'y sont arrêtés.
Là s'est logée chaque compagnie.
i3i. Ceux de l'armée sont bientôt logés,
Car ils savent bien s'y prendre.
Quand ils sont logés, ils n'ont point tardé
A faire mettre en terre l'homme percé d'un trait.
A Sainte-Croix sans formalité.
Ils prirent une bière sans permission
Pour lui donner un autre maître.
i32. De l'arbalète à tour fut frappé
Ce seigneur près de Longeville ;
Le carreau fut tiré de son corps :
Il était plus long qu'une cheville.
En furent chagrins plus de deux mille,
Car il était extrait de grande parenté.
Ils emmèneront son corps à sa seigneurie.
172 LA GUERRE DB METZ.
i33. Cilz de Tost n'ont plus aresteil ;
Saincte Criix ont toute robée,
Devestu ont li moinne esteit,
Et li convant sans deinourée;
De leur n'i ont laissiet denrée,
Maix li moynne ont tant conquesteit
Que leur maison ne fut brûlée.
i34- Tout lour propris de feu gardèrent
Par les armes as iiii cliiés;
Voulentier li trois lour donnèrent,
Maix trop envis l'erceveschiés.
Assés y firent grant meschiés,
Sans feu bouter rien n'y lasseirent ;
Ce fut damaige et pecliiés.
i35. Adonc ardoit forment Wappey
Et li mennoir Jehan Ancel.
Bien ont veii les grands despis
Anffans, willairt et jovancel
Que li roy fist au lioncel.
La n'estoit pris d'ardoir respis
S'on n'y veoit son pennoncel.
i36. J'ay oy dire sans mentir
Qu'il avoient une manière
Que l'ung sans l'aultre garentir
Ne poit miaison ne grainge entière ;
Se chcscun n'i met sa baniere,
Et s'a ceu ne veult consentir,
On y voit tost feu et fumiere.
L'ENNEMI S'APPROCHE. — EXPLOITS DES NEFS. 176
i33. Ceux de l'armée ne se sont plus arrêtés,
Ils ont pillé Sainte-Croix de fond en comble ,
Les moines ont été dépouillés
Et aussi le couvent, sans retard.
Ils n'y laissèrent nulle chose de valeur ;
Mais les moines ont pourtant obtenu
Que leur maison ne fût pas brûlée.
134. Ils gardèrent leur enceinte du feu,
Grâce aux armes des chefs;
Volontiers trois d'entre eux accordèrent cette grâce,
Mais l'archevêque le fît bien malgré lui.
Ils y causèrent d'assez grands désastres,
Sans mettre le feu, ils n'y laissèrent rien.
Ce fut bien dommage et péché.
i35. Alors Woippy fut fortement brûlé.
Ainsi que le manoir de Jean Ansel.
Tous ont bien vu les grands méfaits,
Enfants, vieillards et jeunes gens.
Que commit le roi au Lionceau ;
Il n'y avait nulle part de répit à l'incendie.
Si l'on n'y voyait son panonceau.
i36. J'ai entendu dire sans mentir
Qu'ils avaient fait mi accord.
Que l'un sans l'autre ne pût préserver
Du feu maison ni grange entière.
Si chacun n'y a mis sa bannière.
Et ne veut consentir à faire grâce,
On voit bientôt feu et fumée.
m LA GUEIIUE DE METZ.
VII.
187. Or vous ai je contcit et dit
Pourquoy ont faito l'cnsoinhK'c,
Et comment ont sen contredit
Mets et les bours environnée ;
De repairier en lour contrée
S'accordèrent tiiit au lundi
Qu'il n'avoient plus de livrée.
i38. Quant vint li houn* de complies
Tuit se prenent a deslogier;
Chers et charettes ont emplies
De lour harnois sans atargier,
N'y laissent rien c'on puist chergier.
Vont s'en li cher vers lor parties,
Qu'en l'ost n'avoient que mengier,
139. Adonc n'i ot nulz chevailliers,
Conte ne duc, prince ne roy.
Que la nuyt ossaist sommiilier
Pues que partis sont li charois;
Lou main s'en vont tuit lor conroy
De lor armes apparilleir,
Que ne lor faice Mets desroi.
L'ENNEMI S'ÉLOIGNE DE METZ. 173
L ENNEMI S ÉLOIGNE DE METZ.
137. Or je vous ai dit et conté
Pourquoi ils ont fait l'assemblée,
Et comment, après avoir sans obstacle
Environné Metz et ses faubourgs.
De retourner en leur pays
Ils résolurent tous le lundi,
Car ils n'espéraient plus que la ville se rendît.
i38. Et quand vint l'heure de complies
Tous se prennent à déloger.
Ils ont rempli chars et charrettes
De leurs bagages sans tarder.
Ne laissant rien de ce qui se pouvait charger.
Les chars s'en vont chacun de son coté ;
L'armée ne garde que ses vivres.
139. Alors il n'y eut nul chevalier,
Comte, duc, prince, ni roi,
Qui la nuit osât sommeiller,
Depuis que le convoi des chars est parti.
Le matin toute la troupe s'en va
Se mettre en appareil de guerre
De crainte que Metz ne la mette; en désarroi,
116 LA GUEUUE DE METZ.
1 4o . Rengiez se sont les la rivière ;
Quant (U's armes sont a tournois
Chescun se tient a sa baniere;
Maint cors y ont le jour corneis.
Droit vers tierce s'en sont tourneis ,
Li cuens devant, li rov darriere;
Devant Mets n'ont plus scjournei.
i4i. Le jour de feste sainct Remy
Qui est tout droit on cliiez d'oclembre
. Se partirent nostre ennemis
De devant Mets, bien m'en remenbre :
Venus feurent en my septembre.
Ainsoy qu'il ait ans et demy
De lor terre pardront maint menbre.
142. Des ennemis avés oy
Que nous ont fait moult grant damaige;
De lor propos ont mal joy,
Combien qu'beiissent grant bernaige !
Mets cuidoient mettre en servaige ;
S'en faire assault s'en sont fouy,
Mal ont monstreit lor vacelaige.
143. Pour nulle rien qu'il aient fait
Il ne doient lionnour avoir,
Le pays ont par lor meffait
Ars et brui et prins l'avoir.
Par lor lettres pues font sçavoir
Que cil seront reint on deffait
Qu'a Mets rendront beste n'avoir.
L'ENNEMI S'ELOIGNE DE METZ. 177
i4o. Ils se sont rangés vers la rivière;
Quand ils ont fini de s'armer,
Chacun se tient à sa bannière;
Tout le jour ils font sonner leurs cors.
Puis à l'heure de tierce ils sont partis,
Le comte devant, le roi derrière;
Devant Metz ils n'ont plus séjourné.
i4i. Le jour de la fête de saint Remy,
Qui est juste en tête d'octobre.
Ainsi partirent nos ennemis
De devant Metz, bien m'en souvient :
Ils étaient venus à la mi-septembre.
Avant qu'il soit un an et demi.
Ils perdront plus d'un membre de leur seigneurie.
142. Vous avez entendu le fait des ennemis
Qui nous ont causé de bien grands dommages ;
Ils ont mal exécuté leurs propos,
Quoi qu'ils eussent un grand baronnage!
Ils croyaient mettre Metz en servage ;
Sans donner l'assaut ils s'en sont enfuis.
Ils ont mal montré leur vaillance.
143. Pour aucun de leurs actes
Ils ne méritent d'honneur ;
Le pays a été, par leurs méfaits,
Brûlé et mis en cendres, et dépouillé
Puis, par leurs lettres ils font savoir
Que ceux-là seront rançonnés ou maltraités
Qui rendront à Metz bête ou quoi que ce soit.
12
178 LA GUERRE DE METZ.
i44» Huchier ont fait apertemenl
Que ce nulz doit argent a Mets
Qu'aus signours faicc paiement, v
Bien en serait quitte clameis.
Maix quelz croiret je vous promet,
Combien qu'il tart, entièrement
Qu'encor paier les ferait Mets.
145. Entrant ont fait ung tel atour
Dont je n'ay pas la lettre escripte :
Que moitirier et li debtour
De lor terre seront tuit quitte.
Par celui Dieu c'on ciel habite
Ainsoy feirient le retour
Qu'a Mels paiessent une mitte.
146. Se quitte sont en tel manière
Il averont bien aploitiet ;
Se lour terre demoure entière
On lour ferait grant amitiet.
Mais ceulx qui ont trop convoitieit.
Il avient bien a parderriere
Qu'il pardent tout ou la moitiet.
L'ENNEMI S'ÉLOIGNE DE METZ. 17»
i44- lïs ont fait proclamer publiquement
Que si quelqu'un doit de l'argent à Metz
Il en fasse le paiement aux princes alliés
Et qu'il en sera déclaré quitte ;
Mais qu'il s'avise d'y croire, et je vous promets,
Que, lors même qu'il y aurait un long retard,
Metz finira encore par le faire payer.
145. Alors ils ont publié une autre ordonnance
Dont je n'ai pas le texte écrit,
Portant que les fermiers et débiteurs
Des terres de Metz étaient tous quittes.
Par le Dieu qui liabite le ciel ,
C'est à eux qu'auront affaire
Ceux qui paieront à Metz un denier.
146. S'ils s'acquittent d'une telle manière,
Ils auront bien réussi ;
Si leur terre demeure entière.
C'est que Metz aura trop de bonté;
Mais à ceux qui ont trop de convoitise,
Il pourra bien arriver à la fin
De perdre le tout ou la moitié.
180 LA GUERRE DE METZ.
vni.
147. Laissier vous veul des ennemis,
Bien vous ai dit tout lour affaire ;
Conter vous veul de Mets amys
Que j'aimme mieulx, par sainct Hyllaire !
Qui ont estcit trop débonnaire
A ceulx qu'a guère les ont mis,
Rendu leur ont mal pour bien faire.
148. Se cilz de Mets ont lâchement
Des ennemis prise vangence
Puis qu'il firent département,
Ne les tenés point a vitance;
Je vous dit bien selon ma crance :
Ains que la guerre ait finement,
Lor ferait Mets duel et pesance.
i49- Don feu bouteir cure n'avoient
Pour la raison de lor waigicre
Et pour les biens que il avoient
Par leur terre en mainte manière ;
Au dairien n'y valent prières ,
Accordeit sont qu'il arderoient
Et tout premier devers Vendieres.
REPRÉSAILLES DES MESSINS. ' 181
LES MESSINS PRENNENT l' OFFENSIVE. REPRÉSAILLES TERRIBLES.
i47- Je veux vous faire laisser les ennemis,
Je vous ai bien dit toute leur affaire.
Je veux vous parler des amis de Metz,
Que j'aime mieux, par saint Hilaire !
Ils ont été trop débonnaires
A ceux qui les ont mis en guerre,
Leur rendant le mal pour le bien.
148. Si ceux de Metz, faiblement
Des ennemis ont tiré vengeance.
Depuis qu'ils sont entrés en campagne,
Ne les tçnez pas pour cela en mépris :
Je vous dis bien, selon ma croyance.
Avant que la guerre ait pris fin,
Metz leur causera deuil et dommage.
i49- Ils ne se souciaient pas de mettre le feu,
Pour la raison de leurs engagères
Et à cause des biens qu'ils avaient,
Dans leurs terres, en diverses natures ;
A la fin, les prières ne sont plus écoutées.
Ils ont arrêté qu'ils brûleraient,
Et tout d'abord ce sera à Vandières.
182 LA GUERRE DE METZ.
i5o. Li waudexour acommanserent
Que tuit estoient d'un corraige ;
Li ung a pied a mont alerent
Et li aultre par le rivaige.
Vers Preney firent grant damaige,
Marrien, molin en amenèrent
Et aultre bien de grant proaige.
i5i. Puis montait mcssirc Jehan,
Ung chevalier c'on dit de Mets;
Moult pot soffrir poinne et anhans;
Legierement esloit armés.
A Preney fist ung entremes
De feu ardant, quant il fut ans;
Pour ceu devant trestous le mes.
i52. Après furent a grans banieres
Li chevaliers devers Preney,
Lai firent il feu et fumieres
Ains c'on eiist a Mets diney;
On pays n'ont rien espargney,
Bien le scevent cilz de Vandieres,
De Noeroy et de Pargney.
i53. Voulés oïr la veriteit ?
D'ambedeux pars de la rivière,
Entre le pont et la citeit,
N'i est remise ville entière
Ou il n'eiist feu ou femiere.
S'il ont rase sur nous gettei,
Achecque aront au parderriere.
REPRÉSAILLES DES MESSINS. 183
i5o. Les éclaireurs commencèrent;
Tous étaient animés d'mi même courage.
Les uns franchirent à pied les côtes,
Les autres suivirent le rivage.
Près de Prény ils firent maint dommage,
Ils abattirent charpentes et moulins
Et autres biens de grand prix.
i5i. Puis monta messire Jehan,
Un chevalier qu'on nomme de Metz,
Capable de supporter peines et fatigues;
Il était armé légèrement.
A Prény il fit une réjouissance
De feu ardent, quand il y fut entré;
Pour cela je le mets devant tous les autres.
i52. Après cela, allèrent en grand nombre
Les chevaliers aux environs de Prény;
Là ils firent feu et fumée
Avant qu'on eût à Metz dîné.
Dans le pays ils n'ont rien épargné,
-Ils le savent bien, ceux de Yandières,
Et de Norroy, et de Pagny.
1 53 . Voulez-vous entendre la vérité ?
Sur les deux rives de la rivière,
Entre le Pont et la cité,
On ne laisse pas une ferme entière,
Oii il n'y ait feu et fumée.
S'ils ont fait incursion chez nous.
Ils remporteront l'échec final.
184 LA GUERRE DE METZ.
i54- Cilz seigneurs qui sont des Messains
Droit vers Vegey après allèrent
Le diemange devant Tous Sains;
' Les ennemis lai encontrerent,
Par le pays tant les chassèrent
Cilz qu'avoient les corps tous sains,
XX bons prisons en amenèrent.
i55. Des mors y ot et des plaies,
Soies certain, a celle chace;
Le plux hardis fut esmaiez.
Chescuin de nous l'escu embrace,
Verdier lor font tantost la plaice ;
En l'estant en oit des noiez.
Ne cuidés pas qu'il me desplaice.
i56. Li Rongrave de la journée
Par raison doit avoir le pris.
Car par sa lance et par espée
Les ait ainsi con trestous pris.
Tel duel avoit au cuer empris
Que sa force ly fut doublée :
En mal ne doit estre repris.
107. Celui jour ont bien esploitiet
Cil de Mets qui ont retenu
Maintz bon prison, et tuit haitiet
En leur hosteilt sont revenu.
De ceu leur est bien advenu
Qu'il n'ont mies en vain gaitiet;
Liez en furent grans et menus.
REPRESAILLES DES MESSINS. 185
i54- Les seigneurs, qui tiennent pour Metz,
Allèrent ensuite droit sur Vigy,
Le dimanche avant la Toussaint;
Là ils rencontrèrent les ennemis.
Ils les chassèrent par le pays,
Sans recevoir aucune blessure,
Et ramenèrent vingt bons prisonniers.
i55. Il y eut là des morts et des blessés.
Soyez-en sûrs, à cette poursuite :
Le plus hardi en fut troublé.
Chacun des nôtres embrasse son écu.
Ils leur font bientôt vider la place;
En l'étang il y en eut des noyés.
Ne croyez pas que cela me déplaise.
i56. Le Raugraf de la journée
A bon titre doit avoir le prix ,
Car, par sa lance et par son épée.
Il les a, pour ainsi dire, tous pris.
Il avait une telle colère au cœur
Que sa force en était doublée :
Il ne faut pas lui en faire de reproche.
157. Ce jour-là ont bien travaillé
Les gens de Metz, qui ont retenu
Maints bons prisonniers, et tous sains et saufs
En leurs logis sont revenus.
L'affaire a bien tourné pour eux,
Ce n'est pas en vain qu'ils les ont guettés;
En furent joyeux grands et petits.
186 LA GUERRE DE METZ.
i58. Dolent fut li roy de Bahaigne,
Il li samble trop ait pardu ;
Tuit li barons de sa compaigne
En sont dolent et esperdii.
Lor homme sont la dcssendu
Ou 11 n'ont pas trouveit coquaigne
Qu'il ne seront de mois rendus.
iSg. Pour les prisons a déporter
Cilz de Mets font une jaolle;
Les II covient v fers pourter;
Il sont trestuit a une estoUe:
Li ung Taultre point ne rigole,
Maix ceu les fait raconforter
Qu'il chanteront com jay on dolle.
i6o. Quant vint li jour de Toutes Ames
Cilz de Mets font lor baronie
Apertement prenre leur armes,
Puis vont on val Saincte Marie ;
Beuf n'y laissent ne bargerie ;
Cilz don pays bâtent leur palmes
Pour leur terre qu'est exiliee.
i6i. Ly pays fut brûlez et ars,
Bcste n'y laissent ne vitaille.
A Monsons estoit Endowars
Qui ne lor fîst oncques baitaille ;
Il redoubtoit trop la pitaille
Pour ceu qu'avoit mains mortelz dars
Et mainte espée que bien taille.
REPRÉSAILLES DES MESSINS. 187
i58. Dolent en fut le roi de Bohême;
Il lui semble qu'il a tout perdu;
Tous les barons de sa compagnie
En sont tristes et désolés;
Leurs gens sont là descendus
Où ils n'ont pas trouvé cocagne ;
Ce n'est pas de sitôt qu'ils seront rendus.
159. Pour garder leurs prisonniers
Ceux de Metz font une geôle;
Chaque couple est enchaîné par cinq fers;
Ils sont tous attachés à un poteau ;
Ni l'un ni l'autre ne sont en joie ;
Mais ce qui pourra les distraire,
Ce sera de chanter comme geais en cage.
160. Quand vint le jour des Morts,
Les gens de Metz font à leur baronnie
Ouvertement prendre les armes ,
Puis ils vont au val Sainte-Marie;
Ils n'y laissent bœuf ni bergerie ;
Ceux du pays se tordent les mains,
Voyant leur terre ainsi ravagée.
161. Le pays fut briilé et incendié,
Ils n'y laissent bête ni vivres.
A Mousson était Edouard,
Qui n'osa leur livrer bataille ;
Il redoutait trop nos gens de pied.
Car ils avaient maints dards mortels
Et mainte épée bien tranchante.
188 LA GUERRE DE METZ.
162. CIlz des Manis et cil d'Aiitoiis
Sont bien certains cl'estre bruleis;
En leur mains prenent leur bâtons ,
Fuiant en sont au Pont alleis.
Li cuens les voit, lors ait parleit :
« S'a cealx de Mets nous combatons,
« Tuit sommes mort et afolleis.
i63. « Pour ung bommc que nous avons
« Il en ont vi ou v ou un , '
« Par nous messaiges le savons.
« Je ne veul pas a eulx combaitre;
« Se mes maisons me font abaitre,
« Vous savés deservis l'avons,
« De tel verge les ai fait baitre. »
iG4- Nostre citain sont repairiez
Qu'ont visité ung poc le conte ;
Li contalz sont forment iriés
Pour lour domaige et pour lor bonté :
C'est pour niant, a rien ne monte,
Qu'encor seront mieulx esclairiés
Ains que fîner faice mon compte.
i65. VIII jours et plux ont séjournez
Nostre citain que point n'ardèrent ;
Puis sont d'armes bien atourneis,
Droit a Lustange cbevalcberent ;
Par les pays le feu boutèrent.
Ainsoy qu'il fussent retorney
Le roy forment endomageirent.
REPRÉSAILLES DES MESSINS. 189
162. Ceux des Ménils et ceux d'Attoii
Sont bien certains d'être brûlés ;
En leurs mains ils prennent leurs bâtons,
Fuyant, ils s'en sont allés au Pont.
Le comte les voit, il leur parle :
« Si nous combattons ceux de Metz,
« Nous sommes tous morts et perdus.
i63. « Pour un homme que nous avons
« Ils en ont six, ou cinq ou quatre,
« Par nos messagers nous le savons :
« Aussi je ne veux pas les combattre ;
« S'ils me font abattre mes maisons,
« Vous savez que nous l'avons mérité ,
« Car de la même verge je les ai fait battre. »
164. Nos citains sont rentrés chez eux,
Après avoir fait cette petite visite au comte.
Les comtaux sont fortement courroucés
D'avoir ainsi subi dommage et honte :
C'est peu de chose, cela ne compte pour rien;
Ils seront encore mieux éclairés
Avant que je n'arrête mon récit.
i65. Huit jours et plus sont demeurés
Nos citains, sans rien brûler ;
Puis ils se sont bien munis d'armes
Et ont chevauché droit vers Luttange.
Par le pays ils mirent le feu.
Et, avant de s'en retourner,
Causèrent au roi de grands dommages.
190 LA GUERRE DE METZ.
i66. On pays beste ne laissèrent,
Pot ne pelle n'aultre hernois ;
Trcstout a Mets en amenèrent,
Ce que remalnt ne vault n nois.
Jehan de Hcix, qui bien cognois,
Li ennemis ung poc blacerent
Maix garis fut tout demenois.
167. Après allèrent a Chambley
Pour tout ardoir comment qu'il aille;
Il ardèrent et foins et bleis,
Fèves et pois, estrain et paille.
Qui voucist croire la piétaille,
Quant li ost fut lai assemblé ,
N'y remansist que denier vaille.
168. Assés y firent grant meschief.
De ceu ne vous estuet douter,
Car il firent de chief en chief
Par les villes le feu bouter ,
Pour le conte de Bair doubler.
Ne porroie venir a chief
Les mais qu'ont fait de raconter.
169. A Mets en sont mains retornei
Quant le paiis ont exilliez,
Et mains a Goize sejournei
Pour ce qu'estoient travilliez ;
Hostel lor ont apparilliez
Cil de Goize et habandonnei ;
De ceu furent cilz de Mets liez.
REPRESAILLES DES MESSINS. 191
i66. Au pays ils ne laissèrent ni bête,
Ni pot, ni pelle, ni autre ustensile;
Ils amenèrent le tout à Metz ;
Ce qui restait ne valait pas deux noix.
Jehan de Heu, que je connais bien,
Fut légèrement blessé par l'ennemi,
Mais il en fut guéri sans retard.
167. Après, ils allèrent à Chambley
Pour tout briller de coté et d'autre.
Ils brûlèrent foin, blés,
Fèves, pois, litière et paille ;
Si l'on eût voulu croire les gens de pied,
Lorsque l'armée fut là réunie.
Il n'y fût demeuré la valeur d'un denier.
168. Ils y firent d'assez grands dommages,
Vous ne devez pas en douter,
Car ils firent, d'un bout à l'autre,
Par les villages mettre le feu,
Pour inspirer de la crainte au comte de Bar.
Je ne pourrais venir à bout
De raconter tout le mal qui fut fait.
169. A Metz beaucoup sont retournés,
Lorsqu'ils eurent pillé le pays :
Et beaucoup ont séjourné à Gorze,
Parce qu'ils étaient fatigués.
Des logis leur sont préparés
Par ceux de Gorze et mis à leur service.
Ce dont les Messins furent joyeux.
192 LA GUERRE DE METZ.
lyo. Le matin querre les allèrent
Li chevalcheur a grant bobance ,
Et cil de piedz s'apparillcrent
De leur armes sens demourance ;
Venus en sont sens detriance,
Grant piesse a Mets puis séjournèrent
Qu'il n'ont portés escus ne lance.
171. Quant ensi se furent vangiez
Par penies et par fumiere,
Li soldiour ourent congiez
En lor pays d'aller arrière,
Fors que le seigneur de La Pierre
Que cil de Metz ourent on grez;
Retenu l'ont et sa baniere.
172. Et li sire Jehan de Mets
Remaint aussi et sa maignie,
Car il estoit moult bien armés
Quant on debvoit faire envahies.
Sachiés qu'il fist maintes penies
Dont il ne doit estre blameis
Pour parolle que nulz en die.
173. Encor furent m retenus
Que je ne veul mie nommer;
Si très bien se sont maintenus
Que Mets les doit toujours amer.
Auz ennemis sont trop ameir,
Maint homme ont fait et poure et nud
Et maint hostel ardre et fumeir.
REPRÉSAILLES DES MESSINS. 193
170. Le matin allèrent les chercher
Les chevaucheurs en grande réjouissance;
Alors ceux de pied se munirent
De leurs armes sans tarder,
Et ils sont rentrés sans délai;
Puis ils séjournèrent à Metz quelque temps
Sans reprendre l'écu ni la lance.
171. Quand ainsi ils se furent vengés
Par des saisies et des incendies,
Les soldoyeurs eurent congé
Pour se retirer en leur pays,
A l'exception du seigneur de La Pierre,
Que ceux de Metz prirent en gré.
Ils le retinrent avec sa compagnie.
172. Et le sire Jehan de Metz
Resta aussi avec sa suite;
Car il était très-bien armé,
Quand on devait faire une course.
Sachez qu'il a fait mainte saisie.
Ce dont il ne doit être blâmé,
En dépit de ce que l'on peut dire.
173. On en retint encore trois autres
Que je ne veux pas nommer.
Ils se sont si bien conduits.
Que Metz doit toujours les aimer.
Ils ont été très-amers aux ennemis ;
Ils ont rendu maint homme pauvre et nu
Et mis mainte maison en flamme et fumée.
i3
1911
LA GUERBE DE METZ.
IX.
174. Laissiez vous veul de Mets amis,
Que de guerre sont forment liet.
Si vous dinai des ennemis
Qu'adès nous sont multiplieis ;
A ealx se sont m eslieis ,
Et en la guerre se sont mis,
Et ceulx de Mets ont deffieit.
175. Li ung est Gobert d'Apremont
Qui trop envis Mets deffiait;
L'aultre Henri de Fauquemont
Qu'en lieu des biens mal rendu ait :
Quant rendu fut, sur sains jurait,
Bien le sceit on, a val^ a mont,
Que ja maix jour Mets ne nuirait.
176. Messire Emblais, que l'eveschié
Tient en sa main, refut le tier;
Il me samble qu'il ait pechié,
Qu'il n'estoit pas temp ne mestier :
Mets li lait bien ses droits entiers;
S' elle n'avoit nés point fleschié,
Radrecier se veult vouUentiers.
NOUVEAUX DÉFIS, NOUVELLES HATAILLES. 105
NOUVEAUX DÉFIS, NOUVELLES BATAILLES.
I ^4 • J^ veux maintenant laisser les amis de Mets,
Qui sont très-joyeux du succès de la guerre.
Je vous parlerai des ennemis
Dont le nombre vient encore de s'augmenter :
Trois seigneurs ont fait alliance avec eux,
Ils sont entrés dans la guerre
Et ont défié ceux de Metz.
175. L'un des trois est Gobert d'Apremont,
Qui, à regret, défia Metz ;
Le second, Henry de Faulquemont,
Qui pour le bien a rendu le mal :
Quand il fut délivré il jura sur les saints,
(On le sait bien de tous cotés,)
Que jamais il ne nuirait aux Messins !
176. Messirc Amblard, qui l'évéché
Tient en sa main, fut le troisième.
Il me semble qu'il a péché,
Il n'en était ni temps ni besoin ;
Metz lui laisse bien ses droits entiers,
Et lors même qu'elle eût eu le moindre tort
Elle est toujours prête à le réparer.
196 LA GUERRE DE METZ.
177. Nostre citain, bien le sachiez,
Ne croient pas sa deffîance,
Car l'avesque est lor vray droit cliiez;
Tuit ont en liiy bonne espérance
Qu'encor aront son acointance.
Or li viengne duel et meschiez
Par qui serait la decordance!
178. Dire vous vuel après d'ung fait
Qu'avint la veille sainct Andreu :
En tel point l'ont ennemis fait
Qu'il enportirent le vereu
Et l'abeleste a tour perdu;
Aultrement ont encor meffait
Qu'au pont des Mors boutent le feu.
179. Le pontenier en menont pris
Et ung aultre homme nous navreirent ;
Bien en doient estre repris
Cil qui adonc au pont guarderent.
Li ennemis les espieirent,
Si les virent de vin soupris,
II fauls deniers ne les prisèrent.
180. Pour la raison de cel despit
S'acorderent et foy et saige
Qu'il abatront, sen nulz respit,
Quant qu'il avoit la de menaige.
Entre les murs et le rivaige ;
Poussez aurait de grand prouffît,
Que jamais lai n'aurait estaige.
NOUVEAUX DÉFIS, NOUVELLES BATAILLES. 197
177. Nos citains, sachez-le bien,
Ne peuvent pas croire à son défi,
Car l'évêque est bien leur chef véritable et direct.
Tous mettent en lui bonne espérance
Et comptent encore sur son appui.
Or, tombe deuil et malheur
Sur qui sera l'auteur du désaccord!
178. Je veux maintenant vous dire un fait
Qui eut lieu la veille de saint André.
Les ennemis sont venus à tel point
Qu'ils emportèrent le verrou de la porte,
Et l'arbalète à tour est perdue.
Ils ont encore commis un autre méfait,
Ils ont mis le feu au pont des Morts.
179. Ils emmenèrent le pontonnier
Et nous blessèrent un autre homme.
Ils doivent en avoir bien des reproches,
Ceux qui étaient alors à la garde du pont !
Les ennemis les épièrent;
Ils les virent pris de vin,
Et ne les prisèrent deux faux deniers.
180. A la suite d'un tel affront
Sages et fous s'accordèrent
Pour faire abattre, sans le moindre retard,
Tout ce qu'il y avait de constructions
Entre les murailles et le rivage ;
On y creusera des fossés au profit de la défense
Avec interdiction d'y bâtir plus jamais.
I<J8 I.A GUEURE DE METZ.
1 8 1 . ]^ulz ne doit eslre courreciez
S'il pcrt gerdin ou menandie,
Mieulx vault li hoiir soit enfourciez
C'on n'y puisse faire envahie.
Quant la chose fut estaublie,
Les hostelz ont tout despiciez
Pour les foucels, que que nul die.
182. Les foussés font cilz des parodies;
Tuit il metent, et lai et prestre ;
Li fondement sont plain de roche,
Pour la garder chescun s'areste.
Quant fait seront, s'iert moult grant feste,
C'on il panrait truites et loches
Et des sachos qu'ont grosse teste.
i83. Des foussés qui sont en Ghambiere
Vous doit après bien souvenir ;
Il sont si hault d'ambedeux teires
C'on ne porroit a murs venir.
Quant se venrait au parfenir,
Conduit aureit parmey les freires
Pour Muzelle dedent venir.
1 84 . Des foussés font tous les bours cloire
Li gouverneur de la citeit ;
Encontre lui chescun laboure
Qu'il voit la granl necessiteit.
Se li foussés fussent giteis
En droy Stoixey au pardezoure ,
Plux y elist d'utiliteit.
NOUVEAUX DÉFIS, NOUVELLES BATAILLES, 199
i8i. Nul ne doit se courroucer,
S'il y perd jardin ou habitation ;
Il vaut mieux que le faubourg soit défendu,
De façon qu'on ne le puisse envahir.
Quand la chose fut décidée,
Tous les bâtiments ont été renversés
Pour les fossés, quoi qu'on ait pu dire.
182. Les gens des paroisses creusent les fossés;
Tous s'y emploient, laïcs et prêtres.
Ils l'approfondissent jusque sur la roche;
Pour les regarder chacun s'arrête :
Quand ils seront finis, ce sera une grande fête;
On y prendra truites et loches.
Et des chabots à grosse tête.
i83. Des fossés qui sont en Chambière,
Il doit bien vous souvenir;
Ils sont si profonds entre les deux bords
Qu'on ne pourrait atteindre aux murs.
Quand on viendra à les terminer,
Il y aura un conduit passant chez les Frères
Pour y amener les eaux de la Moselle.
i84- Tous les faubourgs sont clos de fossés,
Par ordre des seigneurs de la cité.
En droit de soi chacun travaille.
Car il en voit la grande nécessité.
Si des fossés eussent été ouverts
En face de Stoxey et au-dessus.
Ils auraient eu plus d'utilité encore.
200 LA GUERRE DE METZ.
i85. Il leur samble qu'il est mestier,
Se font après les tours couvrir;
Il les despairtent aus mcstiers.
Bien les feront sens apourir
C'en les puisse cloire et ouvrir;
Hz commendont auz cherpenthiers
Et ealx massons pour calx garrir.
i86. Quant seront fait li ties entiers,
On banccns font mètre l'enseigne
Telle qu'on ait en lour mestier,
Qui n'y ait nulz qui aultre prengne.
Pour ceu qu'après mieulx en sovengne.
La ont gaingniez li clierpentier
Et li masson, qui que s'en plaingne.
187. D'abelestes et d'espingoles
A grant plantey font encor faire,
Qu'il ont oy telle parollc
Que revenront nostre adversaire.
S'il reviennent, ses feront traire;
Cilz qu'iert cstans serait des colles
Garis, sans aultre laituaire.
188. Huchiez fut au commencement
De la guerre qu'eiist lanterne.
Chescun ardent entièrement
On temps d'esteit et quant yverne;
Par celuy Dieu qui tout gouverne
La oit si grant eslumement
C'on en parolle en la taverne.
NOUVEAUX DÉFIS, NOUVELLES BATAILLES. 201
i85. Ainsi qu'il leur semble nécessaire,
Ils font ensuite couvrir les tours :
Ils les répartissent entre les métiers.
Ceux-ci feront bien, sans s'appauvrir,
Qu'on les puisse fermer et ouvrir.
Ils commandent aux cbarpenticrs
Et aux maçons de les mettre en état.
i86. Quand les toits seront terminés,
Au son de la cloche ils y mettront leur enseigne.
Telle que chacun l'a en son métier,
Pour qu'il n'y ait nul qui s'y trompe.
Et pour qu'ensuite on en garde la mémoire.
Là ont gagné les charpentiers
Et les maçons, quoi qu'on puisse dire.
187. Arbalètes et espingoles,
En grand nombre ils font encore faire ;
Car ils ont entendu telles paroles
Que notre adversaire doit revenir.
S'il revient, ils en tireront contre lui :
Qui en sera atteint sera de la colique
Guéri, sans autre électuaire.
188. Il fut proclamé, au commencement
De la guerre, qu'il y eût une lanterne
A chaque maison, brûlant constamment,
En temps d'été comme d'hiver.
Par le Dieu qui nous gouverne !
Ce fut là une telle illumination
Qu'on en parle encore dans les tavernes.
202 LA GUERRE DE METZ.
189. De ces choses vous veiil laier
Et des foussés et des ouvraiges.
Chescun se doit pliix esmaier
Pour la raison des heritaiges
Que sont mal fait, c'est grant damalge;
Fendu soient jusquez ans braies
Cil par cui vint si grant damaiges !
190. Seix jours devant Nativiteit
Le roy du ciel qui tousjours dure,
Avint a ceaulx de la citeit.
Si com je croy, une adventure
Que moult leur fut salvaige et dure
Et moult lour fist d'adversiteit
Et de mechief et de laidure.
191. Tout droit le jour que nous disons
Cil de Bierpe fist asemblée,
Toutes mandait les warnisons
Qui estoient en la contrée ;
Devers Mets vint sens demourée,
Adonc print il xvi prisons,
Dont la citeit fut moult troublée.
192. Lai fut ocis Joffroy Corbelz ,
Ung borjois qui ert d'outre Saille.
Li roy don ciel, qui tant est bel.
Qu'a bien faire chescun conseille,
De tous ses mais ensy l'asoille
Que part n'i ait li noir corbelz
Que les mal vais tient et tra veille.
NOUVEAUX DÉFIS, NOUVELLES BATAILLES. 20,'i
189. Je veux laisser là tous ces détails
Et des fossés et des ouvrages.
Chacun se doit plus émouvoir
Pour la raison des héritages
Qui sont mis à mal, ce qui est dommage.
Qu'ils soient fendiis jusqu'à la ceinture,
Ceux à qui l'on doit de tels désastres!
190. Six jours avant la Nativité
Du roi du ciel, qui règne éternellement,
Arriva à ceux de la cité.
Comme je le crois, une aventure
Qui leur fut bien cruelle et dure.
Et leur causa grande adversité,
Grand dommage et grand affront.
191. Le jour même que nous disons,
Le seigneur de Bierp fît Liiie assemblée,
Il manda toutes les garnisons
Qui étaient répandues dans la contrée.
Vers Metz il vint_, sans tarder,
Et y fit seize prisonniers :
Ce dont la cité fut bien troublée.
192. Là fut tué Geoffroy Corbé,
Un bourgeois qui demeurait outrc-Seilie.
Le roi du ciel, qui est si bon
Et qui inspire à chacun de bien faire.
Daigne l'absoudre de tous ses péchés.
Pour que n'ait prise sur lui le noir corbeau,
Qui tient et tourmente les méchants !
2M LA GUERRE DE METZ.
193. Pour empêtrer qu'ensi soit il
Dites chescuin (ive Marie!
Pour ceu qu'a voit le sens subtil
La ville en fut moult csmarie;
Toute nostre chevallerie
Fut mise adonc en tel péril
Pour une seulle bargerie.
194. Li ennemis de ceste prise
Furent moult liez, soies certain.
Li roY forment essaulce et prise
Signour Tliiry lou chavetain ;
Il fit tel fait dont li citain
Amassent mieulx qu'il fut a Pise
Ou en royalme plux lointain.
195. Ung seul prison encor n'avoient
Ne soldiour de la citeit,
Des ennemis gardei s'estoient,
Se sceit bien on en veriteit.
Maix se Deus donne adversiteit,
Je dis a ceulx qui en li croient,
C'est pour monstrer humiliteit.
196. Chose qui faice a recorder
Ne fuit faite parmei Noël ;
Tuit ont laissiei le bahorder
Pour acheter aucun joel ;
Quant la fumiere ist du tuel
Très bien se scevent acorder
Comment auront sainct Tortuel.
NOUVEAUX DÉFIS, NOUVELLES BATAILLES. 205
193. Pour obtenir qu'ainsi soit fait,
Dites chacun « A'^'e Maria ».
Comme il avait l'esprit subtil,
La ville en fut très-affligée.
Toute notre chevalerie
Fut mise ainsi en tel péril
Pour une seule bergerie.
194. Les ennemis de cette prise
Fureirt bien joyeux, soyez-en certains.
Le roi exalte et vante hautement
Seigneur Thierry, le capitaine ;
Il fît là une chose pour laquelle nos citains
Eussent mieux aimé le voir à Pise
Ou dans un royaume encore plus lointain.
1 95 . Ils n'avaient pas encore perdu un prisonnier
Ni un soldoyeur de la cité,
Tant ils s'étaient bien gardés ;
On le sait bien en vérité.
Mais si Dieu envoie adversité,
Je le dis à ceux qui croient en lui ,
C'est pour inspirer de l'humilité.
19G. Rien qui soit digne d'être rapporté
Ne fut fait la semaine de Noël;
Tous ont laissé les exploits de guerre.
Pour se livrer aux réjouissances;
Quand la fumée sort de la cheminée
Ils savent très-bien se mettre d'accord
Pour célébrer saint Tourteau.
206 LA GUERRE DE METZ,
X.
197. Ensy avlnt jusqu'al niardy
Après la feste des Trois Roys :
Des ennemis qu'erent hardy
Par nous vignes vint ung conrois,
Grant despit font et grant desrois.
Bien en doient estre laidis !
Maix lai ne fut nulz des Barois.
198. Les gens le roy au lioncel,
Soies certain que cest fait firent,
Des paiselz ont ars maint moncel ;
Le feu tout cler cil de Mets virent.
Et savés vous ou il meffirent ?
C'est entre Moms et le Poncel;
Li vignerons s'en esbahirent.
199. Oncques ne fut de bonne ligne,
Certes atrais ne de haultcsse,
Li roy qui fait destruire vigne !
Ce n'est pas fait de gentilesse ,
Car don vin naist toute liesse.
Je vorroie qu'il heut la tigne
Quant les vigueurs ensi apresse.
LES CAMPAGNES BRÛLÉES. 207
LES CAMPAGNES BRULEES.
197. Ainsi advint-il jusqu'au mardi
Après la fête des Trois-Rois.
Des ennemis, qui étaient hardis,
Par nos vignes vint un parti;
Ils y ont causé grande perte et grand dommage ;
On doit bien leur en faire honte!
Mais parmi eux il n'y avait nul Barrisien.
198. Les gens du roi au lionceau.
Soyez-en certains, en furent les auteurs.
Ils ont brûlé maints monceaux d'échalas ;
Le feu clair en fut vu de Metz,
Et savez-vous où ils commirent ce méfait ?
C'est entre Mont et le Ponceau;
Les vignerons en restèrent ébahis.
199. Jamais ne fut de bonne lignée,
Certes', ni sorti de haute noblesse,
Le roi qui fait détruire la vigne !
Ce n'est pas le fait d'un gentilhomme,
Car du vin nait toute liesse.
Je voudrais qu'il eût la teigne
Celui qui opprime ainsi les vignerons !
208 LA GUERRE DE METZ.
200. Cil qui n'aimment vin et vignoble
Ne sont pas ncis de bonne geste ,
Car jamaix lai ne clerc ne noble
S'il n'ont du vin ne feront feste.
Sans vin chanter ne puent preste
Messp, qui est chose très noble :
Dont moffait moult qui vin tenpeste !
20 1. Plain sont trestuit li escuier
De Bahaigne de mal eiir,
Car vignerons et cherruier
Adès doient estre seiir :
Par eulx sont tuit li biens meiir;
Maix or les font baitre et huier,
Pardre en doient du ciel l'eiir.
202. Comment l'ont fait li wadessoui-
De raconter me prent envie.
Il ne doubtcnt esquermissours
N'abelestrier en lour navie ;
N'ait si hardis jusqu'à Pavie,
Chescun vault bien ung demissour.
Dieu les tiengne longtemps en vie !
203. Allés veoir sont Andowart
Souvent par terre et par rivaige;
N'i ait celui qui ail rewart
De II, tant sont de fier couraige.
Conquesteit ont par lour bernaige
Le ponton qu'iert a Deu le wart;
De l'amener furent moult saige.
LES CAMPAGNES BRÛLÉES. 209
200. Ceux qui n'aiment ni vin ni vignoble
Ne sont pas issus de bonne race ;
Car jamais clerc, laïc, ni noble,
S'ils n'ont du vin, ne feront fête.
Sans vin le prêtre ne peut chanter
La messe, qui est chose si sainte :
Aussi est-c^ un crime que détruire la vigne.
20 1. Ils sont remplis, tous ces écuyers
De Bohême, de mauvais vouloir,
Car vignerons et laboureurs
Doivent toujours être sauvegardés ;
Par eux les biens de terre viennent à maturité,
Et voilà qu'ils les font battre et outrager :
Ils en doivent perdre Iciu's chances de paradis.
202. Comment ont fait les éclaireurs.
De le raconter il me prend envie.
Ils ne redoutent ni les assaillants
Ni les arbalétriers, dans leurs nefs.
Il n'en est pas de si hardi jusqu'à Pavie;
Chacun d'eux a une grande valeur.
Dieu les tienne longtemps en vie !
203. Ils sont allés visiter Edouard
Souvent, par terre et par eau;
Il n'y en a pas un qui craigne
Deux ennemis, tant ils ont un fier courage !
Ils ont conquis par leur vaillance
Le pont de bateaux qui était à Dieulouard.
Ils l'ont ramené et ont eu bien raison.
14
Ht LA GUERRE DE METZ.
2o4- Parmi le Pont quant il passèrent.
Les ennemis bien ont veii ;
Si saigement les palz soicrent
Que cil don Pont ne l'ont sceii;
Par paroUes ont deceu
Ceulx que adonc au Pont gardèrent
Qu'il n'ont paiet point de treii.
205. Par leur savoir et par leur painne
En sont venus sens detriance.
Pour eulx garder de mal essoinne
Avoit chescuin ou dart ou lance.
De nuire a Pont chescuin s'avance ;
En la graingc de S' Antlioinne
Ont pris mains beuf et leur substance.
206. Il ont gaingnct maint grant fardel,
Si l'ont vandu pour eulx despendre.
Ung don lignaige Pallardelz
Ont mort, c'onque ne se volt rendre ;
Allés estoit au livres tendre,
D'une espée oit ung tel lardel
Qu'il est quitte de lièvre prendre.
207. Droit chevalchant x soldiour
Devant le Pont après allèrent,
Et cil don Pont ourent paour;
Pour eaulx chassier tantost s'armèrent,
Maix li nostre les recullerent
Si bien qu'il furent au piour;
V de contaulz mors y lassèrent.
LES CAMPAGNES BRÛLÉES. 211
204. Quand ils passèrent près du Pont,
Ils virent bien les ennemis ;
Mais ils scièrent si adroitement les barres
Que ceux du Pont ne l'ont pas su.
Par de vaines paroles ils ont trompé
Ceux qui alors gardaient le Pont,
Si bien qu'ils n'ont rien donné pour le péage.
205. Grâces à leur habileté et à leurs peines,
Ils en sont revenus sans retard;
Pour se garder de mauvaise affaire, ^
Chacun avait ou dard ou lance.
Pour nuire aux gens du Pont ils sont pleins d'ardeur ;
En la grange de Saint-Antoine
Ils ont pris maints bœufs avec leur fourrage.
206. Ils ont fait maintes bonnes prises
Qu'ils ont vendues à leur profit.
Un du lignage des Paillardel
Fut tué par eux, qui ne se voulut rendre;
Il était allé tendre aux lièvres,
D'une épée il reçut tel lardon
Qu'il a fini de prendre des lièvres.
207. Chevauchant droit, dix soldoyeurs
Devant le Pont ensuite allèrent.
Et ceux du Pont en eurent telle peur
Qu'aussitôt ils s'armèrent pour les repousser;
Mais les nôtres les reçurent
Si bien qu'ils les mirent au pire état ;
Cinq des comtaux restèrent morts.
212 LA GUERRE DE METZ.
208. Gilz de Mets ot tous lour chevalz
Qui les conquist par son bernaige.
Oncque Tristans ne Percevalz
N'oirent de lui plux fier couraige.
Auz ennemis fit mains damaige,
Car par ses mons et par ces valz
Beste n'i lait en pastoraige.
209. Or vous diray des hommes d'Ars
Qui sont armei moult noblement,
Espées ont, pourpoins et dars,
Dont s'aident vigoreusement.
Souvent lor font assamblement
Cilz de Preney on Andowars,
Maix n'i ont pas gaingnet granment.
210. De maltalent est plain et chaul
Ung chescun d'Ars qu'est sus Muzelle,
Et des contalz et des duchaulz
En font porter en clincleselle ;
Contre lor colz chescun chancelle,
Maint en ont mort, et des deschaulz
En sont rallei et sans coutelle.
211. Cilz de Lupey devers Pontois
Des ennemis ont pris vengence.
Li dus Ferey fut mal courtois
Quelz assaillit a grant bobance.
Maix chescun prist ou dars ou lance,
Si s'afichait sus ses artois;
Le chavetain cnt mort d'Amance.
LES CAMPAGNES BBULÉES. 215
208. Ceux de Metz ont pris leurs chevaux,
Qu'ils ont conquis par leur vaillance.
Jamais Tristan ni Perceval
Plus qu'eux n'eurent un fier courage;
A l'ennemi ils firent maint dommage,
Car ni en montagnes ni en vallées,
Ils ne laissent bête en pâturage.
209. Or je vous parlerai des gens d'Ars,
Qui sont armés très-noblement;
Ils ont épée, cottes d'armes et dards,
Dont ils s'aident vigoureusement.
Souvent font contre eux attaque
Ceux de Lorraine ou de Bar,
Mais ils n'y ont pas grand profit.
210. D'animosité est plein et chaud
Chacun des gens d'Ars-sur-Moselle ;
Et des comtaux et des ducliaux
Ils renversent à bas de leurs selles ;
Sous leurs coups chacun chancelle ,
Maints sont tués, et plusieurs, sans chausses
Ni cottes, prennent la fuite devant eux.
211. Ceux de Luppy, près de Pontoy,
Des ennemis ont pris vengeance.
Le duc Ferry fut mal courtois
Quand il les assaillit à grand fracas;
Mais chacun prit ou dard ou lance,
Et se tint ferme sur ses pieds ;
Ils ont tué le capitaine d'Amance.
214 LA GUERUE DE METZ.
212. Dolent en fut forment li dus,
Car il estoit de beauteit plains ;
Chescun des siens est espcrdus;
Si fut forment plorez et plains. .
Li dus meysme c'est compiains
Et dist qu'il yert moult chier vandus,
Se les villains tenoit au plains.
21 3. Après cest fait vous conterons
Ce qu'avint le jour de s' Biaise :
Vers Goize fut prins Chauderons
Et II aultres, par sainct Nichaise !
Tuis cilz don Vaulz en furent aise,
Entre eaulx dient : « Vengiez serons
« De cialx que nous ont fait malaise. »
2i4- Ses III ait pris cil de La Pierre
Que cilz de Mets doient ameir.
Tuis ses homes sont, par s* Pierre,
Auz ennemis forment ameir;
On ne les puet de rien blâmer :
Vont s'en devant, viennent darriere.
S'en vait penir ou enflameir.
21 5. A celui temp Richairt Poujoie
Et Hanriaus chavetain irrent.
Des ennemis forment leur poise,
Que sen raison Mets assigierrent ;
D'aler sus eaulx si s'acorderent
Qu'il n'y laront vin ne servoise;
Jusques ung jour bien le celeirent.
LES CAMPAGNES BRÛLÉES. 215
212. Le duc eu fut fort dolent,
Car il était plein de mérite.
Cliacun des siens en est tout éperdu,
Il fut grandement pleuré et regretté.
Le duc lui-même en a gémi
Et dit qu'il fera payer cher cette mort
Si jamais il tient ces villains en sa main.
21 3. Après ce fait nous vous conterons
Ce qui arriva le jour de saint Biaise :
Vers Gorze fut pris Cliauderon
Et deux autres, par saint Nicaise !
Tous ceux du Val en furent aises :
Entre eux ils se disent : « Nous serons vengés
« De ceux qui nous ont fait tant de mal. »
2 1 4 • Tous trois furent pris par le sire de La Pierre
Que ceux de Metz doivent aimer.
Tous ses hommes sont, par saint Pierre,
Aux ennemis fort amers ; .
On ne peut les blâmer de rien :
Ils marchent les premiers et reviennent les derniers,
Quand on va saisir ou mettre le feu.
21 5. En ce temps-là Richard Poujoise
Et Henriat étaient capitaines des Messins;
Ils sont fortement irrités contre ces ennemis
Qui sans raison sont venus assiéger Metz.
Aussi convinrent-ils de courir chez eux
Et de n'y laisser ni vin ni cervoise;
Jusqu'au jour fixé ils cachèrent leur projet. '^
216 LA GUERRE DE METZ.
21 6. La pramiere nuit de karesme
C'on menjut bien et pois et loches,
Si com je pence et bien aaisme,
Il font sonneir par les parroches
Après Meute les grosses closses;
Au roy ft^ront saulce très pesme,
Jai n'en doient avoir reproche !
217. Et quant lor gent ont assemblée,
Se s'en vont droit vers Thionville;
Le feu boutent par la contrée,
N'espargnirent grainge ne ville.
Soies certain que mainte utillc
Y oit arce selle journée ;
Ceu que remaint ne vault estrille.
218. Couvert furent et vaulz et mont
Ains que lour gent fut despartie ;
Demourer font a Richiefmont
De la piétaille une partie ;
Celle ne fuit pas amathie,
Car qui volcist brisier le pont
Jai ne veist la s* Mathie.
219. Li chevalchour, l'aultre pitaille
Se sont logiez lés Florehanges;
Il pensoient avoir baitaille,
Si se sont mis en belles renges.
Robert, Jehan de Wermeranges
S'en vont ardant comment qu'il aille
Dès Richiefmont jusquez Haianges.
LES CAMPAGKES BCULEES. 217
2i6. La première nuit de carême,
Où l'on mange et pois et loches,
Comme je le pense et le trouve bon.
Ils font sonner par les paroisses,
Après la Mute, les grosses cloches.
Au roi ils feront une sauce très-mauvaise;
Ils n'en doivent pas avoir de reproches,
217. Et quand ils ont assemblé leurs gens
Ils s'en vont droit vers Thion ville;
Ils mettent le feu par la contrée,
Sans épargner grange ni ferme.
Soyez certains que plus d'un train
Y fut brûlé cette journée ;
Ce qui reste ne vaut pas une étrille.
218. La fumée couvrit et monts et vaux
Avant que leur troupe fût repartie.
Ils ont fait demeurer devant Richemont
Une partie de leurs gens de pied.
Elle ne fut pas inactive.
Car qui eût voulu forcer le pont
N'eût pas vu la saint Mathias.
219. Les chevaucheurs et le reste des piétons
Se sont établis près de Florange ;
Ils pensaient avoir à livrer bataille,
Et ils se sont mis en bel ordre.
Robert, Jean de Volmerange
S'en vont brûlant de tous côtés,
Depuis Richemont jusqu'à Hayange.
218 LA GDERRE DE METZ.
220. A deulx lues de Lucembourch
Fut adoncques le feu boutcis ;
Soies certains que cilz don bour
Les boutefeus ont redouteis.
Et li ost fuit tout arouteis;
Tout lor affaire et lor labour
Vous conterai, se m'escoutez.
221. Sans les moUins et bargeries
Bonnes villes ont ars xl;
Les gens li roy sont esmaïez.
Des ars y ot plux de l ;
Robert les voit, s'en rit et chante.
Pour mieulx conduire les penies.
Tient de son dars chescun la liante.
222. Li waudessour a Florehenge
Vigreusement ont assaillit.
Fait eussent mal et coustanges
Se ne fuissent quarel faillis ;
Il ont estes jusqu'au pallis.
Bien en doient avoir louange,
Conque n'en fut nulz mal baillis.
223. Vaiches et buefz, berbis et pors,
Chivre, chevalz on aultrc beste
Ont ramenés a grant depors;
Bien l'ont vcLi et clerc et preste.
Li ost s'en vint, plux n'y areste ;
Oncques ne fuit si grans apors
N'a dicace, n'a sainct, n'a feste.
LES CAMPAGNES BRÛLÉES. 219
220. A deux lieues de Luxembourg-
Fut alors le feu allumé.
Soyez certains que ceux de la ville
Ont redouté les boute-feu.
Là notre armée fut toute réunie,
Ce qu'elle a fait, ses exploits,
Je vais vous en parler si vous m'écoutez.
221. Sans compter les moulins et bergeries
Ils ont brûlé quarante bonnes fermes.
Les gens du roi sont désolés;
De brûlées il y en a plus de cinquante !
Robert les voit; il s'en rit, il chante.
Pour mieux exécuter les saisies.
Chacun tient la hampe de sa lance.
222. Les éclaireurs à Florange
Ont donné un vigoureux assaut;
Ils eussent causé grand mal et grandes pertes
S'ils n'avaient pas manqué de carreaux.
Ils ont été jusqu'à la palissade ;
Ils doivent en avoir bien des louanges ,
D'autant plus qu'aucun d'eux n'a été maltraité
223. Vaches et bœufs, brebis et porcs,
Chèvres, chevaux et autres bêtes
Ils ont ramené en grande liesse ;
L'ont bien vu et clercs et prêtres.
L'armée s'en revient sans plus s'arrêter ;
Jamais on ne vit telle abondance
A fête patronale ou à toute autre fête.
220 LA GUERHE DE METZ.
224. Ses soleis ront 11c ses tacons
N'ait pas en vain nostre piétaille,
Raportés ait mains grans bacons
Et mainte auitre millour maingeille;
Il n'ont laissiei que denier vaille
Fors que pieres, cendre et wacons :
On paiis n'ait auitre vitaille. '
225. Je ne sçay homme qui puist dire,
S'il n'avoit fait trestous les fais,
Les damaiges ne les martire
Ne le meschief que la fut fait ;
Les ostelz ont si bien deffait
Que li roy n'ait talent de rire ,
Car tout a vint par ses mcffais.
226. Pour ccu c'on dit parmey champaigne
Que cil qui fîert veult c'on le fierce,
Et pour meter cialx de Bahaigne
Sont li paon devenus fierce.
Ainsoy qu'il fut midy ne tierce,
Tel feu lor fist nostre compaigne
Qu'il convendra cliescun pain quierce.
227. Poon fierce sont devenus;
Ains que la guerre preugne fin
Seront poon pour rot tenus,
Pour chevallier et pour aufin.
En la guerre tout lor or fin
Mettront ainsois, gros et menus,
Qu'il n'en viengncnt a bonne fin.
LES CAMPAGNES BRÛLÉES. 221
224. Souliers et semelles n'ont pas été usés
En vain par nos gens de pied;
Ils ont rapporté de grandes pièces de lard
Et mainte autre victuaille encore meilleure;
Ils n'ont laissé la valeur d'un denier,
Rien que pierres, cendres et décombres;
Dans le pays il n'y a plus d'autres vivres.
225. Je ne sais pas d'homme qui pût dire,
A moins d'avoir lui-même pris part à ces prouesses,
Les dommages ni les ruines.
Ni les ravages qui furent faits.
Ils ont si bien détruit les maisons
Que le roi n'a pas sujet de rire.
Car tout cela est arrivé par ses méfaits !
226. Comme l'on dit à la campagne
Que celui qui frappe veut être frappé.
Pour mater ceux de Bohême
Les pions sont devenus fîerces.
Avant 'qu'il fût midi ni tierce ,
Nos troupes leur firent un tel feu
Que chacun sera réduit à chercher son pain .
227. Les pions sont devenus fîerces;
Avant que la guerre ne prenne fin.
Les pions seront tenus pour rocs.
Pour chevaliers et pour auphins.
En la guerre tout leur or fin
Ils mettront, grands et petits,
Avant de venir à bonne fin.
222 LA GUERRE DE METZ.
XI.
228. La maison Jehan de Marley
Abatiic ont le jour des Brûles.
Pour ceu vous ait de ly parley,
Qu'il fîst a Mets maintes laidure,
Mains oultraiges, maintez injures ;
Maint hosteit ait ars et bruleis :
En mal faire ait toute sa cure.
229. Droit le quint jours après de mars
L'ont moult bien faict cil de Joey;
Grant aide lor ait fait Mars,
Quant c'est fait s'ensi m'esjoiei;
D'ialx vengier sont esveirtuei,
Lai perdist Bairs plux de mil mars,
Car SCS hommes furent tuei.
230. Tuit li nostre se sont penei
Comment contalz aient grevance;
De lour haiches ont troncenei
Et maint grant dart et mainte lance ;
De bien faire chescun s'avance,
Défendent soi com fourcenei :
Lai ont contalz malle acointance.
LES ENNEMIS DÉFAITS. 22»
DÉFAITES DES ALLIES.
228. La maison de Jean de Marly
Ils ont abattue le jour des Brandons,
Parce qu'il a, comme je vous l'ai dit,
Fait u Metz maintes vilenies,
Maints outrages et maintes injures.
Il a brûlé et détruit bien des maisons;
Il n'a souci que de faire le mal.
229. Le cinquième jour du mois de mars
Se sont bien montrés les gens de Jouy.
Le dieu Mars leur est venu en aide.
De ce qui fut fait je me réjouis ;
Pour leur défense ils se sont évertués;
Là, Bar perdit plus de mille marcs,
Car nombre de ses hommes furent tués.
280. Tous les nôtres se sont mis en peine
Pour faire du mal aux gens du comte;
De leurs haches ils ont tranché
Et maint grand dard et mainte lance;
A bien faire chacun est plein d'ardeur,
Ils se défendent comme des forcenés :
Là, les comtaux ont mal rencontré.
22ft LA GUERRE DE METZ.
23 1. Cilz de Joiey par cialz d'Ancey
Furent garnis a leur venir;
Et li nostre n'ont pas dancieit,
L'assault aimment mieulx a tenir ;
Moult l'ont bien fait jusqu'au finir,
Lour bidalz ont a nous lanciet ,
Plux ne puent l'assault tenir.
232. Des mors y ot et des navrés,
Sciés certain, selle journée.
Par my les noms d'aucuns saureis,
Car bien en sçay la renommée.
Nostre gent fut ung poc navrée,
Maix n'y oit nulz a mort navreis,
Garis seront sans demeurée.
233. Pour ce qu'il ont tenu estaul
Auz ennemis. Mets les fait mettre,
En une chambre en l'ospitaul.
En lour santeit pour ealx remettre :
Lai s'en sceit on bien entremettre.
Or vous dirai ceu que contalz
Ont lai perdut, selon la lettre.
234. Messire Aubert qu'est de Narcey
Lai fut ocis et tout frois mors;
Li cuens en fait chanter Parce
Et les aultres lisons des Mors.
Quant les siens voit navrés et mors.
Qui li donnaist le pourtacey
Mengiet n'eiist ung tout seulx mors.
LES ENNEMIS DÉFAITS. 225
23 1. Ceux de Jouy par ceux d'Ancy
Furent renforcés à leur venue ;
Et les nôtres ne se sont pas amusés,
Ils aiment mieux soutenir l'assaut;
Ils l'ont bien soutenu jusqu'à la fin,
Les ennemis ont lancé sur nous leurs archers;
Ils ne peuvent plus tenir l'assaut.
282. Il y eut des morts et des blessés,
Soyez-en sûrs, cette journée.
Par moi vous saurez le nom de plusieurs ,
Car j'en sais bien la renommée;
Les nôtres furent un peu blessés.
Mais il n'y en eut aucun frappé à mort;
Ils seront guéris sans retard.
233. Pour ce qu'ils ont tenu en échec
Les ennemis, Metz les fit mettre
En une chambre à l'Hôpital ;
Pour les remettre en bonne santé;
Là on sait bien prodiguer les soins.
Or je vous dirai ce que les comtaux
Ont perdu là, selon la lettre.
234- Messire Aubert de Narcey
Là fut tué et jeté roide mort.
Le comte lui fait chanter le Parce
Et les autres leçons de l'office des trépassés.
Quand il voit les siens blessés et morts.
En vain lui eût-on servi le meilleur repas
Il n'aurait su manger une seule bouchée.
226 LA GUERRE DE METZ.
235. Soyés certain, messire Aubers
A moult grant deiil fut mis en tej're,
Oncques hcames ue ses haubers
Ne ly vallont une vielz seire;
Poe ait gaingniet en ceste guerre,
Combien qu'il fut ung vaillans bers
Et renommez en aultre terre.
236. Ung escuier de la contrée
D'Ardenne ot mort lai vraiement :
Il ot d'ung dart la liante outrée
Parmy le chief villainnement.
Navrés y ot certainnement
Bien xxv celle journée;
Maix je me veul passer briesment.
23^. Après cest fait que vous ait dit,
Quart jour devant la saint Grégoire,
Je croy se fut le vanredi.
Bien l'ai encor en ma mémoire,
Cil de Mets ont prise lor oire ;
Vers Briey vont sen contredi.
Vous savés bien cest chose veoire.
238. Le matinet quand il ajorne
Que les gens vont en lour ouvraige,
Cilz de Mets sont venus sus Orne;
De neis, de planches font passaiges,
Par lai passeit on le rivaige.
De la pitaille la sejorne
Une partie au fier couraige.
LES ENNEMIS DÉFAITS. 227
235. Soyez certains que messire Aubcrt,
A grand deuil fut mis en terre.
Ce jour-là son heaume ni son haubert
Ne lui valurent non plus qu'une vieille ferraille.
Il a peu gagné à cette guerre,
Quoiqu'il fût un vaillant baron
Et renommé en autre terre.
236. Un écuyer du pays
D'Ardennes est mort aussi là vraiment :
Il eut d'une lance la hampe poussée
A travers la tête, cruellement.
Des blessés, il y en eut certainement
Bien vingt-cinq en cette journée;
Mais je veux en finir brièvement.
23^. Après ce fait que je viens de vous dire.
Le quatrième jour avant la saint Grégoire,
Je crois que ce fut le vendredi.
Je l'ai bien encore en la mémoire,
Ceux de Metz se sont mis en route ;
Vers Briey ils vont sans obstacle,
Vous savez bien que c'est chose vraie.
. 238. Dès le matin, au lever du jour,
Quand les gens vont à leur ouvrage.
Ceux de Metz sont arrivés sur l'Orne ;
Ils font un pont de bateaux et de planches,
Grâce auquel ils passent la rivière.
Là s'arrête des gens de pied
Une partie, au fier courage.
228 LA GUERRE DE METZ.
23r). Puis ont les gent de la citeit
Devers Briey fait mains damaige ;
Vollentier on lai visitci,
Car li contes fîst grant oultraige
Quant eu avoit maint avantaige
De cialx de Mets, en veriteit,
Et mains deniers sen laissicr gaige.
240. Tout le paiis bruit et art,
N'i est remise ville entire.
Cil de Briey n'ourent rewart
Qu'ilz se tinrent en lour tanière;
Le feu voient et la fumiere
Par la terre qu'est Andowairs,
Et par devant et par darriere.
241. Cilz d'Apremont, que deffiait
Tous ceulx de Mets par la requeste
Auz ennemins, pardu y ait
Et mainte ville et mainte beste.
Si grant meschief ne tel tempeste
N'oy conter trop grant pièce ait :
On en puet bien chanter de geste.
242. Puis que Paris ravit Halenne
Dont Troie ardeit Menelaûs,
Ne dès le temps que tient le rengne
Après Herode Archilaùs,
Ne puis que Job habitait Hus,
Ne fut tel feu comme en Lorenne
On vertus fait Nicholaûs.
LES ENNEMIS DÉFAITS. 229
239. Puis les gens de la cité ont
Vers Briey fait maints dommages :
C'est volontiers qu'ils ont envahi ce pays,
Car le comte leur a fait grands outrages :
Quoiqu'il eût tiré maints avantages
De ceux de Metz, en vérité.
Et maints deniers sans donner de £ra£îes.
240. Tout le pays est incendié et brûlé,
Il n'y reste pas un village intact.
Ceux de Briey ne pensèrent qu'à une chose,
Se renfermer en leur tanière ;
Ils voient partout feu et fumée
Par la terre qui est à Edouard,
Et par devant et par derrière.
24 1 • Le seigneur d' Apremont qui défia
Tous ceux de Metz, à la requête
Des ennemis, y a perdu
Et maint domaine et mainte bête.
Tel dommage ni telle tempête
Je n'entendis conter, depuis longtemps :
On en peut bien faire une chanson de geste.
242. Depuis que Paris ravit Hélène,
Ce qui fit brûler Troie par Ménélas,
NI depuis le temps que régna
Après Hérode Archélaûs,
Ni depuis le temps que Job habita Hus,
Ne fut tel feu qu'en Lorraine,
Où saint Nicolas opère ses miracles.
230 LA GUERRE DE METZ.
243. Répariez sont en leur maisons
Quant la terre fut dcgastée;
Il estolt bien temp et saisons,
Car il firent très granl journée :
Plussieurs bestes ont ranionnéc
Cilz d'Anglemur et de Taisons,
Et cilz qui prennent les sodées.
XII.
244- Or vous dirai le grant meschiefz
Que le mardi après avint :
Une assamblée de rechiez
Devers Failly d'ennemis vint ;
Lai des vignours morir coyint,
Tranchiés olrent on bras 00 chiefz.
Oncques si grant murtre n'avint.
245. Lai ot grant deul et grant domaige,
De sanc y ot trop respanduit;
Li ennemis tuis plain de raige
Furent a pied tous dessendus,
En III lieus ont assault rendus,
Et cilz qu'ierent en lour owraige
Tant com porrent sont deffendus.
CRUAUTÉS ET SACRILÈGES. 281
243. Ils se sont retirés chez eux
Après avoir dévasté le pays ;
Il en était bien temps et saison,
Car ils firent là une grande journée :
Ils ont ramené des bêtes en grand nombre,
Ceux d'Anglemur et de Taison,
Et ceux qui sont à la solde de Metz.
CRUAUTÉS ET SACRILÈGES.
244- Or je vous dirai le grand malheur
Qui le mardi d'ensuite advint :
Derechef, une troupe
D'ennemis vint vers Failly.
Là, des vignerons furent mis à mort,
Ils eurent la tête ou les bras tranchés,
Jamais on ne vit meurtre si cruel. *
245. Là fut grand deuil et grand dommage^
Là fut beaucoup de sang répandu.
Les ennemis, tout pleins de rage.
Sont tous descendus de cheval ;
En trois lieux ils ont donné l'assaut,
Et les vignerons, qui étaient à leur ouvrage ,
Autant qu'ils ont pu, se sont défendus.
3S2 LA GUERRE DE METZ.
246. Que mors que pris on qu'afoUcis
Des iiostre y ot plus de xl,
Chescuu en doit estre adoleis.
Qu'il foient en vigne on en plante,
Raportei n'ont entière hante;
Chescun fut lai si triboleis
Qu'au plus haitiés convint grant tante.
247. Et quant se vint au départir,
Navrés y ot maintz de Baliaigne.
Li nostre sont verai martirs.
Dieu les ressoice en sa compaigne,
Et Bahegnons trestous meshaignc !
Qu'il ne scevent riens que murtrir
Ou derobeit, qui que s'en plaigne.
248. Des Bahegnons les fais je tien
A droit murte, non pas a guerre,
Car cil de Mets sont boin crestien,
Il n'ait millour en nulle terre.
Il ne scevent nullui forquerre.
Il ne prenent s'on ne dit : tien.
Il n'aimment pas murtrour ne lerre.
249. Sus sarazins ou sus paiens
Pourquoy ne vont nostre adversaire,
Quil ne prisent m pois baiems
D'omme tuer quil nait que daire.
Ne tenons pas leur exemplaire.
Combien que nous la cause aiens
Homicide sus eaulx de faire.
CRUAUTÉS ET SACP.ILÉGES. 253
246. Tant morts que pris ou que blessés,
Il y eut des nôtres plus de quarante,
Chacun en doit être affligé.
Quoiqu'ils bêchassent leur vigne ou leur plante,
Les ennemis ne rapportèrent pas une hampe intacte ;
A l'action chacun s'échauffa tellement
Que les mieux portants durent se mettre au lit.
247. Et quand ils vinrent à s'en aller
Ceux de Bohême comptèrent maint blessé;
Les nôtres sont de véritables martyrs,
Dieu les reçoive en sa compagnie,
Et maudisse tous ceux de Bohême 1
Car ils ne savent rien que meurtrir
Et piller, qui que s'en plaigne.
248. Les faits de ceux de Bohême, je les tiens
Pour vrais meurtres et non pour faits de guerre,
Car ceux de Metz sont bons chrétiens,
Il n'en est de meilleurs en nulle terre.
Ils ne savent faire de tort à personne.
Ils ne prennent que si on dit : tiens !
Ils n'aiment ni meurtriers ni larrons.
«k 249- Sur les Sarrasins ou les païens
Pourquoi ne vont nos ennemis,
Eux qui ne prisent trois pois chiches
Le meurtre d'hommes désarmés ?
Ne suivons pas de tels exemples.
Bien que nous ayons le juste droit
De commettre sur eux des homicides !
23!i LA GUERRE DE METZ.
25o. Quant sus le conte ou sus le roy
Cil de Mets vont arde on penir,
Sans murtrc faire, lour conroi
Se scevent bien tuit maintenir
Et a l'aler et a venir;
Il n'ont cure de tel desroi,
Nulz des villains ne font fenir.
23 1. Dite vous donc c'est vacellaiffe
D'homme tuer de ces villois ?
Gerte non est, ains est outraige
Et contre Dieu et contre lois.
Romain dient et li Gallois :
Qui ne lait faire le gaingnaige
De tout doit bien estre malois.
252. Je ne vous veul plux faire conte
Des Bahegnons, sont trop hautain.
Après cest fait, font une trompe
Sonneir de Mets li chevetain ;
Li soldiour et li citain,
Pour l'oïe de celle trompe ,
S'armèrent tuit, soiez certain.
253. Ce fut la nuyt c'on fait la feste
Que Dieu prlnt char en la pucelle
Que fut tant saige et tant honneste
Qu'a l'aingle dit : Je sus ancelle
A cest Signeur que tous appelle.
Quanques Eva fîst de moleste,
A celui jour Jve rapelle.
CRUAUTÉS ET SACRILÈGES. 285
25o. Quand sur les terres du comte ou du roi
Ceux de Metz vont brûler et saisir,
Sans faire de meurtre, leurs gens
Se savent bien tous maintenir.
Et à l'aller et au retour ;
Ils n'ont souci de tels méfaits.
Ils ne font périr aucun villageois.
201. Dites-vous donc que c'est vaillantise
Que de tuer des laboureurs?
Non certes pas, mais c'est outrage
Et contre Dieu et contre les lois ;
Les Romains disent, comme les Français,
Que celui qui met obstacle à la culture de la terre
De tous doit bien être maudit.
252- Je ne veux plus vous parler
De ceux de Bohême, ils sont trop inhumains.
Après cet exploit, ont fait de la trompe
Sonner les capitaines de Metz ;
Les soldoyeurs et les citains.
Au son de cette trompe.
S'armèrent tous, soyez-en certains.
253. Ce fut la nuit qu'on fait la fête
Ou Dieu prit chair en cette viergc_,
Qui fut si sage et si sainte,
Qu'elle répondit à l'ange : « Je suis servante
Du Seigneur qui appelle à lui tous les hommes. »
Tout ce que Eve fit de mal.
En ce jour-là Marie le répare.
2S6 ■ LA GUERRE DE METZ.
254- Quant sont armel, lors chevalclierent
En la duchié vers Roupedanges ;
Plussieurs seigneurs adamagerent :
C'est Sallebruche et Fenestranges,
Cel de Maingnes, cel de Crehanges ;
Maix li duchalz plux y pardeirent,
Oncques n'ourent si grant coustanges.
255. Vers Wernepet toute la terre
Fut lors en feu et en fumiere ;
Il li faulroit longement querre
Qui vorroit veoir maison entière.
Encor n'ont ars en tel manière
Dèz le premier jour de la guerre.
Wairise en fut arse darriere.
256. Quarante villes sens les grainges
Et les moUins y ont brûlées.
Li duchault ont trouveit estrainges
Citains et cialx qui ont soldées !
Plussieurs proies ont ramonnées
Et maint homme laissiet en lainge,
Maix n'y ot nulz ferruz d'espées.
257. Cilz du paiis fuirent com lièvres,
Nuis estoient, c'est avantaige.
De la paour perdent les fièvres
Li deshaitiet et lor malaiges.
Tuit s'en fuirent vers les bocaiges;
Il ont perdus aisnes et chievres,
Et tous leurs ])iens par leurs oultraiges.
CRUAUTÉS ET SACIIILÉGES. 237
234- Quand ils furent armés, ils chevauchèrent
Dans le duché, vers Roupeldange ;
Ils ravagèrent plusieurs seigneuries :
Celles de Sarrebruck et de Fénestrange,
Celle de Mengen, celle de Créhange ;
Mais les duchaux y perdirent plus encore,
Jamais ils ne subirent de si graves dommages.
255. Vers Warsberg tout le pays
Fut alors mis en feu et fumée.
Il lui faudrait chercher longuement
A qui voudrait voir une maison intacte.
Ils n'ont pas encore brûlé de telle manière
Depuis le premier jour de la guerre .
Varize fut brûlée la dernière.
256. Quarante métairies sans compter les granges
Et les moulins furent brûlés.
Les duchaux ont trouvé terribles
Les citains et ceux qui sont à leur solde ;
Ceux-ci ont ramené de nombreuses proies
Et laissé maint homme en chemise.
Mais il n'y en eut pas de frappés par l'épée.
257. Ceux du pays fuient comme des lièvres.
Ils sont tous nus, ce n'en est que plus commode ;
La grande peur guérit de la fièvre
Et de toute souffrance ceux qui sont malades,
Tous s'enfuient vers les bois ;
Ils ont perdu ânes et chèvres ,
Et tous leurs biens, en punition de leurs outrages.
238 LA GUERRE DE METZ.
258. Li cuens, li duc sont correciés
Pour lour terre qu'est degastée ;
Entre eaulx dirent : « Trop sont bleciez,
« Envoions tost par la contrée,
« Faisons In-iefinent nostre assamblée;
« S'estre deviens tuis despeciés,
« Encor iert Mets environnée. »
259. Entrant ses gens chescuin assemble,
Qu'il n'y at pas longement mis,
A l'avesque de Verdun semble
Qu'encor ait Mets poc d'ennemnis :
Par ung prescliour qu'il ait tramis
Tous cialx de Mets deffie ensamble;
Estre ne veult plux lor amis.
260. Quant ont aeu lour mandement
Li cuens de Bair, Ferry li dus,
Parmy le Valz vinrent brifment.
De ceu sus je trop asperdus.
Quant la sepmenne on Deu vandus
Fuit au Juifz pour nous vilement,
Ont devant Airs lour trais tendus.
261. Il ont les vignes atrapeies
ïrestout a fait et tout par orde;
De paicelz ont les grant moiées
Toutes arses, sen rien estorde.
Conscience les doit remordre
Quant les vignes ont degastées;
Mieulx lor valxist lour laingue mordre.
CRUAUTÉS ET SACRILÈGES. 239
258. Le comte et le duc sont courroucés
De voir leur terre ainsi ravagée ;
Ils se disent entre eux : « Nous sommes trop mal-
« Envoyons nos ordres par la contrée, [traités;
« Pour réunir nos gens sans délai ;
« Puisque nous sommes ainsi mis en pièces,
« Il faut que Metz soit encore assiégée. »
259. Pendant que chacun assemble ses gens.
Ce qu'il n'a pas mis de retard à faire,
A l'évêque de Verdun il semble
Que Metz a encore trop peu d'ennemis:
Par un frère prêcheur, son messager,
Il défie tous ceux de Metz ensemble ;
Il ne veut plus être leur ami.
260. Quand ils ont fait leur mandement,
Le comte de Bar et le duc Ferry
Vinrent rapidement dans le Val.
D'une chose je suis tout éperdu,
C'est qu'en la semaine où Dieu fut vendu
Aux Juifs pour nous, à vil prix,
Ils ont devant Ars dressé leurs tentes !
261. Ils ont coupé les vignes.
Complètement, par ordre exprès;
Les grands amas d'échalas ,
Ils les ont tous brûlés, sans en rien laisser.
Leur conscience doit avoir des remords
D'avoir ainsi saccagé les vignes ;
Mieux leur eût valu se mordre la langue.
2ft0 LA GUERRE DE METZ.
262. Il en auront confusion
Et grant honte, bien le sachiez.
On temps qu'on list la passion
De Jhesucrist, qui ataichiez
Fut en la croix pour nos péchiez,
Quant n'ont eii compassion,
C'est hérésie et grant meschiez.
263. Quant par Judas fut Jhesucrist
Vendus, lai ot utilité,
Si com tesmoingne li escript,
Tuit en fumes d'enfer getteit ;
Maix on peut dire en veriteit
Qu'autretel sont comme Anthecris
Qu'en lour fait n'ait qu'iniquiteit.
264. Or me dites ait il prouaige
En destruire vignes et bois ?
Nennil certe, maix grant damaige;
Ne le tenés pas a gabois.
Il ont destruit tous les villois,
Aulteit brisiez et maintz ymaiges :
C'est contre Dieu et contre loys.
265. Or vous dirai que j'ai pancei
De cialz de l'ost quant j'oy l'estre;
En mon cuer dit : cil de Nancey
Ne devroit plux chevallier estre.
Quant la maison au roy celestre
Abatue ait qu'iert a Ancey ;
Garder la deust par sainct Silvestre.
CRUAUTÉS ET SACRILÈGES. 2'4l
262. Ils en auront confusion
Et grande honte, sachez-le bien !
Au temps qu'on lit la Passion
De Jésus-CIirist, qui fut attaché
A la croix pour nos péchés,
Ne pas en avoir compassion,
C'est hérésie et grand sacrilège !
263. Alors que par Judas fut Jésus-Christ
Vendu, ce forfait eut du moins pour résultat.
Ainsi que le témoigne l'Ecriture,
De nous faire tous échapper à l'enfer;
Mais on peut dire en vérité :
De telles gens sont comme l'Antéchrist,
Et qu'en leur fait il n'y a qu'iniquité.
264. Or dites-moi, est-ce prouesse
Que détruire vignes et bois ?
Non pas, certes ! mais grand dommage ;
Ne le prenez pas en plaisanterie ,
Ils ont détruit tous les villages.
Brisé les autels et maintes statues.
C'est pécher contre Dieu et les lois!
265. Maintenant je vous dirai ce' que je pense
De ceux de l'armée quand j'appris leurs actes;
En mon cœur j'ai dit : Le duc de Lorraine
Ne devrait plus être chevalier,
Quand la maison du roi céleste
Il a abattue, qui était à Ancy;
Il eût dû la respecter, par saint Sylvestre !
i6
2i2 LA GUERUE DE METZ.
266. Li chevalier doient deffendre
Prestre et clerc et saincte aglise ;
On doit blâmer et bien reprendre
Cialz qui non font en ces te guise.
Li dus n'ait foy ne gentelisse,
Quant de Celui qui en croix pendre
Volt pour nous, ait la teste prise.
267. Encor veult Dieu crucifier
Et délivrer auz faulx Juifz;
Nulz ne s'en doit en lui fier,
Trop ait de Jeus en sou paiis !
Cilz qu'aimment Dieu, honour et pris,
Le debvroient tuit deffier
Par quoy fut mors, navrés ou pris,
2G8. Or parlerai sus Endowairs
Qu'a tort lieit Mets; c'est l'ung des un.
Par lui n'ont pas estez cowars
Don cloclîier d'Ars sus homme abatre,
Violeit ont l'église et l'aitre,
Tuît ont haeu malvais rowart :
Mieulx lour valcist leur corpe batre.
269. J'ai bien raison se tout l'ost hlasme,
Car partout vait la renommée
C'une ymaige de Nostrc Damme
Qu'estoit on Vault ont descoupée,
Maint colz y oit feruit d'espée,
De haiclie grant ou de jhusarme :
Hérésie est toute esprouvée.
CRUAUTÉS LT SACRILEGES. 2hi
266. Les chevaliers doivent défendre
Prêtres et clercs et sainte Eglise ;
On doit blâmer et fortement reprendre
Ceux qui agissent d'une autre manière;
Un duc n'a plus foi ni noblesse
Quand de Celui qui voulut être suspendu à la croix,
Pour nous, il a pris la tète !
2G7. Il veut encore crucifier Dieu
Et le livrer aux perfides Juifs ;
Nul ne doit mettre sa confiance en lui ,
Il y a trop de Juifs en son pays !
Ceux qui aiment Dieu, l'honneur et la gloire,
Devraient tous le défier.
Jusqu'à ce qu'il soit mort, blessé ou pris.
268. Or, je vais parler d'Edouard,
Qui à tort hait Metz ; c'est l'un des quatre.
Par son ordre n'ont pas été couards
Ses hommes, pour abattre le clocher d'Ars,
Ils ont violé l'église et le cimetière;
Tous ont eu cette mauvaise inspiration;
Il leur eût mieux valu battre leur coulpe !
269. J'ai bien raison d'accuser toute l'armée,
Car partout va la renommée
Qu'une image de Notre-Dame,
Qui était à Vaux , a été brisée par eux ;
Ils ont frappé sur elle maint coup d'épée,
De grande hache ou de guisarme.
Ijcur hérésie est par là toute prouvée !
2W LA GUERRE DE METZ.
270. Eiicor vault pix c'uin crucify,
Ont jusqu'aiis brais en terre mis.
Laissiet out Deu, je vous affy,
Tous les ait pris li ennemis.
Amencis ont les faulx Juis
Qui (le la loy Deu (lient : fy !
Si «nt (lestruit tout le paiis.
27 I . Dopaciet ont la remenbrancc
De Jhesucrist et de sa merre :
Je vous (lit bien, selon ma crance,
Deu en penrait vengence ameire.
Onc(|ues maix u'ot tel vituptere,
Si grant mescliiez ne tel viltance
Devers France n'en tout l'Empire.
272. Quant Sarazins ont guerre entre eaulz
Honneur portent a leur ydolles ;
Maix li (lus est plus desloiaulz ;
De Deu laissiei ait les escolles,
Car les Juifz par ces paroUes
Ail ameneis avec loiaus ;
Dolent en yert li apostolles.
273. Or vous larai ci d(\s Barois
Et des ducliaulz et de leur geste,
Des mais c'ont fait et dt^s desrois ,
Car je me plain plux don grant preste
Des Verdenoys, (pii ait la teste
Veil coper au roy des roys
C'oncjués au cuer n'en ot moleste.
CRUAUTES ET SACRILEGES. 245
270. Ils ont fait pis encore : un crucifix
A été par eux mis en terre juscj[u'aux bras;
Ils ont renié Dieu, je vous l'affirme,
Le diable a fait d'eux tous sa proie.
Ils ont amené les perfides Juifs
Qui de la loi de Dieu disent : fi !
Et ils ont détruit tout le pays.
27 1 . Ils ont mis en pièces l'image
De Jésus-Christ et de sa Mère.
Je vous le dis, selon ma croyance,
Dieu en prendra une amèrc vengeance;
Jamais il ne fut un semblable outrage.
Un acte si honteux, une telle méchanceté
Ni en France ni dans tout l'Empire.
272. Quand les Sarrasins ont guerre entre eux
Ils rendent honneur à leurs idoles,
Mais le duc est plus déloyal;
Il a laissé là les enseignements de Dieu,
Car les Juifs, grâces à ses paroles.
Ont été amenés avec les chrétiens ;
L'Apostole en sera affligé.
273. Or je cesse de parler des Barrisiens
Et des duchaux (>t de leurs actes ,
Des maux et des ravages qu'ils ont fiiits ,
Car je me plains davantage encore du pontife
De Verdun, qui a vu
Couper la tète au roi des rois.
Sans en avoir le cœur chagrin.
2ft6 LA GUEURE DE METZ.
274. S'iieiit ovreit com loial paistre,
Tantost hciit prise vengencc
De claiilx qui ont brisiez les a très
Et les moustiers, et tel viltance
Ont fait de Dieu a la semblance ;
Maix n'est pas filz, maix clrois fillaistre,
Bien en oyés la clemonstrance.
273. A poc se tient que ne m'asomme
Quant me sovient de tel ministre !
Se j'estoie pape de Romme
Je le tenroie en mon chapitre,
Jamais n'avu'oit d'avesque titre.
Plux ait mespris que li aultrc homme,
Perde en doit bien et crosse et mitre.
XlII.
27G. L'an mil iii'^v après xx,
Le grant mardi, a pied don pont
Piere de Bair pour trives vint.
Maix la Justice li respont :
« Citain trives n'otrieront,
Car oncque maix tel fait n'avint ;
Combien qu'il tairt, s'en vengeront. »
TRÊVE REFUSÉE. — DÉROUTE. a
274- S'il eût agi comme un bon pasteur,
Il eût aussitôt pris vengeance
De ceux qui ont violé les saints parvis,
TjCS églises, et par qui telle offense
A été faite à l'image de Dieu ;
Mais il n'est pas fils, mais fiUâtre de l'Eglise,
Vous en avez bien la preuve,
275. A peu ne tient que je ne me révolte,
Quand il me souvient d'un tel prélat.
Si j'étais pape de Rome,
Je le tiendrais dans ma prison capitulaire.
Jamais il n'aurait titre d'évèque.
Il s'est conduit plus indignement qu'aucun autre,
Il doit bien en perdre et crosse et mitre.
TRÊVE REFUSÉE AUX ALLIÉS. — LEUR DÉROUTE.
276. L'an mil trois cents et vingt-cinq.
Le mardi saint, au pied du pont,
Pierre de Bar vint parler de trêve;
Mais les seigneurs de la Justice lui répondent :
« Les citains n'accordent pas de trêve.
Car jamais on ne vit rien de pareil ;
Tôt ou tard ils se vengeront. »
2(i8 LA GUERRE DE METZ.
277. Pierc eu l'ost est repairiez
Conques ue pot trives avoir ;
Coutre lui c'est li dus iriez,
Se li ait dit : qu'i prcut avoir
De cialz de Mets et fait savoir
Comment chescun est empiriez,
On s'eiï peut bien apercevoir.
278. Messire Pierre respondist :
« Certe a tort m'avés repris,
« Il n'est pas voir, que que on dit,
« Oncque deniers de Mets ne pris.
« Se vous ozeis conquerre pris,
« L'yawe passés, citain m'ont dit;
« De la bataille ont conseil pris. »
279. Adonc en l'ost très grant bataille ,
Deiist avoir et grant mellée ;
Li chevalchour et la piétaille
Se rengirent sen demourée.
Maint grant coutel et mainte espée
Dont l'alemcUe très bien taille
Ont trais entre eulx selle vesprée.
280. Briement entre eulx se racorderent,
Ferut n'y ot col ne collée ;
L'yawe passer oncque n'ozeirent
Qu'il doutoient avoir mellée.
De repairier en lour contrée t
Au merquedi tuit s'acordeirent,
Plux ne lour plait la demourée.
TRÊVE REFUSÉE. — DÉROUTE, 2ft9
277. En l'armée Pierre s'est retiré,
Sans avoir pu obtenir de trêve;
Contre lui le duc s'est mis en colère
Et lui a dit : qu'il avait reçu argent
De ceux de Metz et leur avait fait connaître
La position fâcheuse de chacun des alliés;
Qu'on peut bien s'en apercevoir.
278. Messire Pierre répondit:
« Certes, c'est à tort que vous m'avez repris :
« Il n'est pas vrai, quoi que l'on dise,
« Que jamais j'aie reçu un denier de Metz;
« Si vous osez disputer la victoire,
« Passez l'eau, m'ont dit les citains ;
« Ils sont résolus à livrer bataille. »
279. Alors en l'armée grand tumulte
Dut se faire, et grande mêlée ;
Les chevaucheurs et les gens de pied
Se mettent en ordre de bataille sans retard.
Maint grand coutelas et mainte épée
Dont la lame est bien affilée
Ont été tirés entre eux cette vêprée.
280. Bientôt un accord se fît entre eux,
Ils ne donnèrent pas un coup d'épée ;
Ils n'osèrent jamais passer l'eau.
Car ils redoutaient d'avoir une mêlée.
De se retirer en leur pays.
Le mercredi, ils prirent la résolution,
Point ne leur plaît de demeurer davantage.
2J0 LA GUEURE DE METZ.
281. Droit au inartîi dont j'ai conteit
Aucuns passcircnt la rivicrc ;
Plussicurs y ot de la conteit,
J'ai bien oyt d'ialz la manière,
Parmey Joey feu et fumicre
De cliiefz en cliiefz si ont bouteit :
Bien ont du tout Deu mis arrière.
282. Trais fut messi Jaicque Grounés
Des ennemis celle journée ;
De tous malz est et pur et nés,
De li est grant la renommée
Pour ceu qu'il ait maint colz d'espée
Sus les paiens pour Dieu donneit
Oultre la meir, vers Galilée.
283. Dolente en fut moult la Commune
De la citeit de cest outraige.
Cil qui le ciel fîst et la lune
Et qui le fist a son ymaige
Li doint santeit de son malaige,
Et li envoise tel fortune
Qu'il soit vengiez par son bernaige !
284. Des ennemis y ot noiez
Quant vers Joiey l'iawe passèrent;
Je ne quier jai pour eulx prier
Car sens raisons les feus boutèrent.
Ciiz de noz neis adamagerent
Les ennemis, sertain soies.
Le merquedi si s'en râlèrent.
THÊVE REFUSÉE. — DÉROUTE. 25»
281. Dès le mardi dont j'ai parlé,
Un grand nombre passèrent la rivière;
Il y en eut plusieurs du comté,
J'ai bien appris leur manière d'agir,
Qui dans Jouy, feux et incendies,
D'un bout à l'autre, ont allumé.
Ils ont tout à fait mis Dieu de côté !
282. Messire Jacques Grognât fut frappé
D'un trait par les ennemis, cette journée.
De tout vice il est pur et net.
Grande est sa renommée.
Parce qu'il a maint coup d'épée
Sur les païens frappé pour Dieu,
Par-delà la mer, vers la Galilée.
283. L'affliction fut grande dans le peuple
De la cité, à cause de cet accident.
Puisse celui qui fit le ciel et la lune
Et qui créa l'homme à son image.
Lui donner guérison de sa blessure
Et lui envoyer une belle occasion
De se venger par son grand courage !
284. Il y eut des ennemis noyés
Quand à Jouy ils passèrent l'eau.
Je ne me soucie pas de prier pour eux,
Car ils mirent le feu sans raison.
Ceux de nos nefs firent du mal
Aux ennemis, soyez-en sûrs.
Ils s'en allèrent le mercredi.
1B2 LA GUERRE DE METZ.
XIV.
285. Or vous dirai ce qu'il avint
Devant le fait dont j'ai touchié :
Nostre evesque on paiis vint,
Se l'ait trovcit moult cmpecliic.
Messire Jacque chcvaucliié
Oit tant vers luy que il coviut
L'evesque aidicr son esvechié.
286. Tant ot parley messire Jaicque
Que heit orgueul et tout enviée,
Qu'ansois qu'il fut le jour de Pascque
On Dieu leveit de mort a vie,
La Justice tani s'umilie
De la citeit que li evesque
A nous citains se joint et lie.
287. Comment qu'il soit des convenances
L'esvesque ait sa voUunteit ;
Lettres ont fait des aliances
Pour plux grant foy et loialteit;
Hommes auront a grant planleit
Garnis d'armes, d'escuz, de lances.
Or lour doint Dieu bonne santeit !
PAIX AVEC L'ÉVÈQUE.— SUCCÈS. 25S
PAIX AVEC I- ÉVÉQUE. — SCCCÊS.
285. Or je vous dirai ce qui advint
Avant le fait dont j'ai parlé,
Car notre évêque vint au pays.
Il l'a trouvé bien en désarroi.
Messire Jacques a chevauché
Vers lui et tant fait qu'il a décidé
L'évêque à venir en aide à son évèclié.
286. Tant a parlé messire Jacques
Qui hait tout genre d'orgueil et d'envie,
Qu'avant le jour de Pâques ,
Où Dieu se releva de mort à vie.
Les marques de soumission du conseil
De la cité font que l'évêque
A nos ci tains se réunit et se lie.
287. Toutes les conventions établies
Donnent satisfaction à l'évêque,
Les lettres d'alliance sont écrites
Pour plus grande foi et loyauté ;
Ils auront des hommes en grand nombre,
Bien fournis d'armes, d'écus, de lances.
Dieu leur donne bonne santé !
254 LA GUERRE DE METZ.
288. Cilz affaire fut confirmeis,
Apres Pakcs la quaitre feire,
Entre l'evesque et cculx de Mets :
De la guerre seront tuit frères,
Li ung sens l'aultre paix entière
Ne puet faire. Je vous promus
Lorenne en yert a grant misère.
289. Après cest fait fist assavoir
Li Rongravos qu'il avoit pris
Sus Bahegnons très grant avoir,
Or et argent, chevaulz de pris.
Benois soit cil qui l'ait apris
A guerroier, qu'il doit avoir
A toutes cours honnour et pris.
290. Or faite paix, tous les mehains
Vous conteray a brief mot cours :
Après fut ars Chastel Brehains
Et III villes et ïheheicours ;
Faire n'i polt li dus secours.
Li nostre ont pris buef et polains,
Quant olrent ars grainges et cours.
291. Li duchaulz qu'irrent on Sanois
Furent adonc moult esbahis;
Il ont perdus bleif et bernois,
Entre eaulx dient qu'il sont trahis.
Li waudessour ront envahis
Bucfs et vaiches dont S. Benois
Ait dit souvent : aihi ! aihi !
PAIX AVEC L'ÉVÊQUE. — SUCCÈS. 255
288. Cet accord fut confirmé
Après Pâques, la quatrième férié,
Entre l'évêque et ceux de Metz :
Dans la guerre, ils seront tous frères.
L'un ne peut sans l'autre
Conclure la paix. Je vous promets
Que Lorraine en sera en grande misère.
289. Après cela fît assavoir
Le Raugraf qu'il avait fait
Sur ceux de Bohème très-riche prise,
En or et argent, et en chevaux de prix.
Béni soit celui qui lui apprit
A guerroyer ; il doit recevoir
En toute cour honneur et distinction.
290. Or faites paix, tous les accidents de guerre
Je vous conterai en peu de mots :
Après furent bridés Château-Bréhain,
Trois autres villages et Thicourt ;
Le duc ne put y apporter secours.
Les nôtres ont pris bœufs et poulains
Après avoir incendié granges et fermes.
29 1 . Les duchaux qui étaient au Saulnois
Furent alors fort ébahis :
Ils ont perdu blés et train de culture.
Ils disent entre eux qu'ils sont trahis.
Les éclaireurs, dans une autre course.
Ont pris bœufs et vaches, dont Saint-Benoît
A gémi longtemps : ahi ! alii !
250 LA GUERRE DE METZ.
292. Uiig cscuier de la contrée
L'arcevesque fut mors après,
Il ot don bui la teste ostée ;
Des vaudissoiir se mis! trop près,
Jamaix n'ireit avalz les prels.
Il fut ocis droit a l'entrée
D'uin boix ou il n'ayt nulz cyprès.
293. Et (juant se vint au definer
Don moix d'avril, certainnement
Aucuns de Mets pour clianiiner
Se retourneircnt privenient.
On Waran vont ignellcnient,
La sont resteit pour séjourner ;
Faire v verront emcombrement .
294. Les euves du valz de Gosange
Et l'astalon ont rameneit.
Lai fut Jehan de Wermerange,
Et Lowiat de Louveney,
Et Gererdin de Cervigney;
Tuit il doient avoir loange,
Car bien se sont aideis penei.
295. Celui jour fut de la pitaille
Une parties vers Espanges,
Lai ont rendus fiere bataille
A la maignie de Brctangues
Et a cialz qu'ierent de Lustanges ;
IIII en ont mort, comment qu'il aille.
Et m pris sans avoir couslanges.
PAIX AVEC L'ÉVÊQUE.— SUCCÈS, 257
292. Un c'cuyer de la contrée
De l'archevêque fut tué ensuite .
Il eut la tête séparée du buste;
Il s'approcha trop des éclaireurs.
Jamais plus il n'ira à travers les prés.
Il fut tué juste à l'entrée
D'un bois où il n'y a nul cyprès.
293. Et quand on approcha de la fin
Du mois d'avril, certainement,
Plusieurs Messins, prenant leur chemin,
Sont sortis en leur particulier ;
Vers le bois de Warent ils vont en toute hâte;
Là ils sont restés pour séjourner :
Ils y feront du mal au pays.
294. Les juments de Wadgasse
Et l'étalon ils ont ramené.
Là furent Jean de Volmerange,
Et Louyat de Louvigny,
Et Gérardin de Servigny.
Ils doivent tous être loués,
Car ils se sont bien donné de la peine.
295. Ce même jour fut des gens de pied
Une partie vers Epange;
Ils ont soutenu une fière bataille
Avec les gens de Bertrange
Et avec ceux de Luttanfre :
Ils en ont tué quatre, de diverses manières,
Et pris trois, sans avoir rien perdu.
il
258 LA GUERRE DE METZ.
29G. De nous citains une partie
Ait chevalchict selle journée,
A cialz don Pont font envahie;
Ung en ont mort de col d'espée.
Quant nostre gent fist retornée,
Le courcicz ot en sa baillie
Qui l'ait gaingniet en la mellée.
B;bl. da M«l7, xivc s.
PAIX AVEC L'ÉVÊQUE.— SUCCÈS.
296. De nos citains un autre parti
A chevauché cette même journée,
Chez ceux du Pont ils font une envahie;
Ils en ont tué un d'un coup d'épée.
Quand nos gens s'en sont retournés,
Le coursier resta au pouvoir
De qui le gagna en la mêlée.
259
Bibl. de Metz, xiT" s.
NOTES
REMARQUES.
Chœur de Saint-Vincent, de Metz, xiv» s.
Bibl. de Meli, xiv«
NOTES ET REMARQUES.
i faut remarquer que le manuscrit de la Biblio-
thèque nationale, d'après lequel nous avons fait
cette publication, porteendale .m.iiiic.xliiii.
au lieu de .ai. iiic.xxiiir. Cette date erronée
montre,d'unepart,que le manuscrit est au moins
de la seconde moitié du xv*' siècle, et, d'autre
part, que lecopiste ignorantqui l'aécritjencore
plein du souvenir d'un siège récent, a fait
confusion entre deux: guerres , et substitué
dans sa pensée René d'Anjou à Ferry IV, et le
roi de France Charles VII au roi de Bohême,
Jean de Luxembourg. Cette autre guerre, qui
est des plus intéressantes, a été l'objet d'une
excellente publication due à MM. de Saulcy et
guenin, d'après les textes des chroniqueurs con-
porains. Elle a pour titre : le Siège de Metz en
4. (In-8, Metz, Lamort, i835, avec cartes, plans
gures.)
La copie de la Bibliothèque nationale qui nous
servi porte le n° 5782 du fonds français. C'est
1 petit in-4'', papier, dont le filigrane consiste
dans une main ouverte, surmontée d'un quatre-
264 NOTES ET REMARQUES.
feuilles; 68 pages de texte et deux pages blanches, 3x vers en
moyenne à la page; reliure moderne. Il porte à la première
page les indications suivantes :
Codex C.olb(ertinits),
1757-
Regius,
io335«.
Au-dessous du texte, à cette même page, le signe de Balles-
dens, gratté et en grande partie enlevé.
Ce manuscrit provient donc de la collection de J.-B. Col-
bert, et, avant de faire partie de ce cabinet célèbre, il a ap-
partenu à l'académicien J. Ballesdens , mort le a6 octobre
1675, en faisant Colbert légataire de ses manuscrits, à charge
par lui d'en payer la valeur à l'Hôtel-Dieu de Paris.
Cette collection, pour laquelle fut versée une somme de
1,600 livres, comprenait 87 volumes manuscrits en parchemin,
107 sur papier, et 30 paquets renfermant 3oo volumes. Ce legs
portait, à cette époque, à i,i38 manuscrits anciens le chiffre
des richesses de la collection de Colbert, sur lesquels i36
seulement en langues modernes. — (Voir le Cabinet des niantis-
crits de la Bibliothèque impériale^ I, 452-3, par M. L. Delisle,
dans la collection de V Histoire générale de Paris.)
Nous ignorons absolument comment le manuscrit de la guerre
de 1824, d'origine vraisemblablement messine, était venu
figurer dans la collection de Ballesdens. Nous ne remontons
pas plus haut dans son histoire.
Une autre copie de notre poème, également du xv^ siècle,
copie dont il sera parlé plus bas, existe à la Bibliothèque de
Metz (mss., no 81). Elle nous a fourni des éléments de contrôle
et de correction, et nous lui avons emprunté quelques bonnes
variantes, qui sont indiquées dans les ISotes philologiques.
NOTES ET REMARQUES. 265
S(r. 3.
Metz était une ville libre impériale, s'administranl sans au-
cun contrôle, et ne se rattachant à l'Empire que par un lien
pour ainsi dire nominal. Une dissertation scientifique sur ce
point, qui est du reste parfaitement éclairci, peut se remplacer
avantageusement par la reproduction pure el simple d'un texte
du XIV® siècle, tète de chapitre de la Chronique des empereurs
et rois de Bohême dont nous parlerons plus loin. Ce chapitre
contient le récit d'une conspiration qui fut l'évélée aux magis-
trats par l'empereur Chai'les IV lui-même.
Chap. XI.. « Item, il avint que le dit empereur Charles fuit
« en Mets par m. ih<^ et lvi qu'il y ot certains bouchierset aul-
•< très qui firent tant qu'ilz parlont audit empereur secrei-
« tement et ly remonstront cornent sil volloit estre seigneur de
« Mets et guaignier la ville. »
Le texte de la chronique est bien d'accord avec le titre pour
démontrer que, si l'empereur voulait être seigneur de Metz^ il
fallait qu'il gagnât la ville, c'est-à-dire qu'il s'en emparât par la
force. Ni Maximilien, ni Charles-Quint au xvi* siècle, n'avaient
fait un pas de plus dans la voie de la souveraineté effective.
(Voir le récit de leurs voyages à Metz. — Chron. mess.)
La siluation est aussi bien exactement décrite dans le discours
qu'en i433, tenait à Nicole Louve, ambassadeur de la Cité,
le grand chancelier de TEmpire. On y voit que l'obligation de
prendre part aux charges de l'Empire, d'un côté, et celle de dé-
fendre la Cité par les forces de l'Empire, de l'autre, n'existaient
ni en fait ni en droit. « Pansez-vous que nous ne saichions
« bein queil franchises vous avés ?... Pourtant que les empe-
« reurs vous sont loing et quilz ne vous pueent mie tousjour
« secourir en vos nécessitez, il fut appoinctiés et accordez que
« vous ne donriez droicture ne revenues par an à nulz empe-
« reur, parmey que vous debvés deffendre l'empire et vous-
« mesmes en vous entretenant à vos frayes, pertes et coustan-
« ges, sçans que lesdits empereurs soient de riens tenus de vous
• aidier... Car toutes aultres bonne ville et cité du sainct em-
266 NOTES ET REMARQUES.
« pire, fors que vous, lui doient chescun androiclures et reve-
« nues ou certains services. •• (Chron. Praill. s. l'an i433.)
On doit enfin rapprocher de ces deux citations la velléité
manifestée par Charles-Quint, lors de son second voyage à Metz,
en i544, de soumettre cette ville et de lui donner un gouver-
neur : tentation à laquelle il ne renonça que sur les vives ins-
tances du cardinal de Granvelle.
Str. 4, V. 7.
Les Vandales , // TFandre , étaient restés dans l'esprit public,
au moyen âge, le prototype des barbares envahisseurs qui trans-
formèrent si violemment l'Euiope, du IIP au V« siècle. C'est
surtout aux chansons de geste, où ils sont souvent nommés,
qu'ils étaient redevables de cette exceptionnelle notoriété.
Metz, en dépit de l'affirmation de notre chroniqueur, n'a pas
reçu leur désastreuse visite. Les Alamans de Chrocus, sous
l'empereur Galère, vers afia, et les Huns d'Attila, en 45 1, sont
les seuls peuples barbares qui aient forcé les murailles de là
cité, brûlé ses monuments et passé ses habitants au fil de l'épée.
Ni les Vandales au IV* siècle, ni les Normands au IX", ni les
Hongrois auX% ne firent plus que de la menacer. Leur invasion
dut s'arrêter devant une résistance victorieuse.
La mention des Wandres est intéressante à relever, en ce
qu'elle montre comme étant encore vivace la tradition locale
qui fait périr Hervis, duc de Metz, dans une bataille livrée à
ces barbares sous les murs mêmes de sa capitale. Cet épisode
forme le début de la chanson de Garin le Lohernin. Repris
plus tard et amplifié, il a donné naissance à la branche dite
à^Henùs de Metz.
Str. 6.
L'hôpital Saint- Nicolas au Neuf-Bourg, primitivement placé
hors de l'enceinte de la ville, dans le voisinage du Champ-à-
Seille, était un exemple bien rare, au moyen âge, d'une fondation
inspirée uniquement par la charité laïque, et sans l'intervention
NOTES ET REMARQUES. 267
directe de l'Église. Ce fut la cité de Metz qui le fonda aux
frais communs de ses habitants^ comme un asile ouvert à tous
les genres de misères et aux besoins de tous. La tradition lui
attribue une origine très-ancienne , qu'elle recule jusqu'au
règne de Charlemagne. Ce qu'affirment les cbartes encore con-
servées, c'est qu'en 1208, il jouissait d'une grande prospérité.
La ville, qui l'administrait elle-même, ne cessa pas de lui
accorder de grands avantages, et, par contre, trouva plus d'une
fois une aide efficace dans la puissance financière qu'elle avait
contribué à créer.
Depuis sa fondation jusqu'à nos jours, l'hôpital Saint-Nico-
las, dirigé par un goui'ernetir et des maures que désignait le
conseil de la cité , se pi-ésente avec tous les caractères de l'ad-
ministration laïque, respectueuse et sympathique pour le clergé,
mais entièrement indépendante de lui, telle que l'a établie à
notre époque la législation qui régit les établissements hospi-
taliers.
Str. 8, V. 5.
L'illustre évêque de Poitiers, saint Hilaire, était entouré à
Metz d'une vénération particulière. Il y avait deux paroisses
qui lui étaient consacrées: l'une, dite as Xauleurs, était dans le
quartier des Hauts-Prêcheurs, au-dessus d'Anglemur, c'est-à-
dire sur l'emplacement du jardin de Boufflers actuel; l'autre
s'appelait Saint-Hilaire le Grand, ou du pont Rengmont, du nom
de la porte de ce nom (la porte Sainte-Barbe actuelle). Elle s'é-
levait dans le grand Mes, c'est-à-dire dans le terrain qu'occupe
aujourd'hui l'arsenal d'artillerie, ou Retranchement de Guise, lieu
qui, jusqu'en i552, était un quartier de la ville particulière-
ment habité par des mésoyers et des vignerons. Cette dernière
église fut renversée, lors de la construction du retranchement,
pendant le siège de i552 ; la première le fut en i565, par suite
de la construction de la citadelle.
208 NOTES ET REMARQUES.
S/r. 8, V. 8.
Pour donner une idée de la sollicitude que montrait le gou-
vernement de la cité pour les intérêts moraux de la population,
et le soin avec lequel il cherchait à empêcher le luxe et le jeu
d'y introduire des éléments de ruine, nous prendrons au hasard
deux des nombreux atours promulgués dans ce but :
— j4 lotir, (lu % février ia45.
Défense est faite de tenir des jeux de « boule, ne escolle ne
paillole^ por ceu ke elles sont escommeniées et kon i reniet
Deuet NostreDamme et toz sains, et li anfant des prodoniesde
la vile i deviennent glouton et larron. » Sous peine de quarante
sols d'amende.
— Atuur, du mois de mai i3o6.
Défense de donner à la femme qu'on épouse pour plus de
douie deniers par vingt sols de Metz qu'on apporte en mariage
« de coronnes, affiches, corroies, annelz et tous autresjowelz qui
affierent a dame adonneir. ■ Sous peine de dix ans de bannis-
sement. (Archives de l'Hôtel-de-Ville) (i).
Str. 9, 2>. 3.
Metz est située au confluent de la Moselle et de la Seille.
C'est à cette circonstance topographi(]ue qu'elle a dû son nom
celtique de Ditt-dur (deux eaux), dont les Romains ont fait
Diiodnriim. L'oppidum gaulois occupait le sommet de la colline
de Sainte-Croix, sur lequel s'est élevé plus tard le palais des
gouverneurs romains, devenu le palatium regium des rois d'Aus-
trasie. Cette situation devait une valeur militaire considérable
aux pentes abruptes de la colline au-dessus de la Moselle
(Chèvremont),etaux terrains marécageux des bords de la Seille,
terrains sur lesquels était construite une levée {aggestum), qui
dénomma le quartier A'Jyest au moyen âge.
(1) La plupart de nos citations sont extraites des Preuves de VHistoire
bénédictine de Metz. Celles qui ne portent pas de mention spéciale ont été
directement copiées sur les originaux par M. Bonnardot, qui publiera pro-
chainement un Corpus des Chartes françaises de Metz.
-NOTES ET REMARQUES. 269
Sfr. lo, î>. (1.
Les Messins ont de tout temps attaché un prix particulier à
la valeur des produits de leurs vignobles. L'étendue des ter-
rains plantés en vigne dans le département de la Moselle dé-
passe aujourd'hui 5,ooo hectares, sur lesquels 3,5oo environ
appartiennent à l'arrondissement de Metz. On peut calculer que
la superficie des vignobles du territoire de la cité devait être
au-delà de 2,000 hectares, occupant, pour la plus grande partie,
les flancs des coteaux de la vallée de la Moselle. Leur produit
donnait lieu à un commerce très-imporlant. 3Iais le gouver-
nement messin ne permettait pas que les propriétaires sacri-
fiassent la qualité à la quantité, ni que, dans le but d'obtenir
des récoltes plus abondantes, ils substituassent au type choisi
et délicat du Frnntental, blanc et noir, des plants de « golz et
aullres ayles vignes. » Et lorsque, en dépit de toute surveil-
lance, cette substitution s'était produite quelque part, ils n'hé-
sitaient pas à ordonner, par un atour rigoureux, l'arrachement
absolu des espèces incriminées.
D'autres atours, inspirés par la même sollicitude, fixaient
également dans les plus grands détails les modes de culture de
la vigne, l'époque de la vendange et de la vente des vins, le sa-
laire et les obligations des vignerons. D'autres enfin assuraient
une protection aux vignobles du pays, en frappant les vins
étrangers d'un droit d'entrée considérable.
Quant au choix spécial des deux localités que prend l'auteur
du poème pour en faire le prototype de la perfection des pro-
duits de la viticulture messine, il se pourrait qu'il y eût dans
son fait quelque raison d'amitié ou d'intérêt personnel: car
c'étaient les vins des côtes de Scy, de Magny et de Dâle qui
jouissaient en réalité dans le pays de la réputation de premiers
crus.
Str. 12.
Veseneuf^ Fesigneitf {viens novus), correspondait au bas de
Fournirue, et aux rues de la Petite-Boucherie et du Change.
270 NOTES ET REMARQUES.
C'était un quartier qui s'était formé en dehors de l'ancienne en-
ceinte et sous la protection des vieilles murailles {des Murs), à
gauche du bras intérieur de la Seille.
Poisaillis, Port-Sailly {Poilus Saliœ) était un quartier situé
en arrière de la place Saint-Louis, à droite du bas de Fourni-
rue. 11 devait son nom à l'hôtel paraigial de Port-Sailiis , de-
venu dès le Xlll' siècle l'hôtel de Raigecourt, vaste construc-
tion comprise entre la rue actuelle de la Chèvre, la place Chappé,
la ruelle des Bons-Enfants et la cour de Ranzières {ad Panche-
rias, au XII* siècle).
Suint- Martin est une paroisse autrefois placée en dehors de
l'enceinte de la ville, et appelée pour cette raison Saint-Martin
en curtis : un des paraiges de la cité portait ce nom. Elle se
trouve à l'extrémité de la rue des Parmentiers, bien en rapport
avec la spécialité de commerce indiquée dans le poëme.
Chambière, quartier voisin de la Moselle^ en face du Rhimport,
était particulièrement habité par des pêcheurs et des bateliers.
Str. i4, V. I.
La place tie Chambre {place en Chambres, in Thalamis, dans
les anciens titres) tire son nom d'un antique hôpital fondé
vers la fin du XII® siècle par les chevaliers de Saint- Jean de Jé-
rusalem, qui en firent le siège d'une commanderie de leur ordre.
L'hôpital du Petit-Saint-Jean s'étendait jusqu'au bord de la Mo-
selle, et comprenait un ancien château de construction romaine,
dont la vue a été conservée par une gravure de Chàtillon. Ces bâ-
timents ayant été attribués en i565 à l'abbaye de Sainte-Marie,
délogée par suite de la construction de la citadelle, les chevaliers
de Malte furent transférés dans un hôtel situé sur les Murs.
Les grands degrés de la cathédrale descendent encore sur la
place de Chambre. C'est là que, jusqu'en i3o5, se tenaient les
assises de la justice épiscopale. C'est là aussi que s'exécutèrent
souvent les Mystères, et autres représentations dramatiques du
XVc siècle.
NOTES ET REMARQUES. 271
Str. i5,v. 3.
Saint Livierest un illustre personnage, certainement originaire
de Metz, et que l'Église a placé sur ses autels avec le titre de
martyr. La légende s'en est malheureusement plus occupée que
l'histoire. Une pieuse tradition , sur le fond de laquelle ne
s'élève aucun doute, rapporte qu'il fut décapité par les Huns ,
auprès de Marsal, en un lieu appelé Salivai, où fut élevée une
chapelle en son honneur, et où ses restes furent déposés. A la
fin du X^ siècle, Théodoric, évêque de Metz, les fit relever avec
pompe et les rapporta en l'église Saint -Polyeucte, qui pi'it le
nom de Saint-Livier. Cette égUse, paroissiale jusqu'à la Révolu-
tion, existe encore en partie, noyée dans des constructions ci-
viles, entre la place Croix-oulre-Moselle et la rue Saint-Mé-
dard.
L'on ne sait guère rien de plus, d'une manière positive, sur ce
saint personnage. Cependant la tradition indique encore où était
son habitation à Metz : elle la fixe, rue des Trinitaires, i bis,
dans une antique maison ornée d'une tour carrée duXII^ siècle,
et d'une haute façade crénelée. De plus, l'illustre famille mes-
sine des Gournay s'est fait constamment un titre de gloire de
compter ce saint au nombre de ses ascendants.
Mais la légende de saint Livier fut, à la fin du moyen âge, dé-
veloppée dans une sorte de roman de chevalerie rempli d'épisodes
saisissants et d'aventures extraordinaires. Ce roman, devenu
rapidement populaire, inspira assez de confiance à messire Al-
phonse de Rembervillers, curé de Saint-Livier, en 1624» pour
qu'il en fit la base d'une histoire très-sérieusement écrite, mais
dans lailjuelle rien nepeut, un seul instant, soutenir la discussion
d'une critique raisonnée.
Pour nous, qui avons fait avec respect de l'histoire de saint
Livier une étude assez approfondie, nous osons dire qu'il y a
une présomption voisine de la certitude à admettre ce qui suit:
c'est que la légende a confondu les Huns d'Attila avec leurs des-
cendants les Hungres, qui firent en 954 une invasion désas-
treuse dans la Lorraine, menacèrent Metz, et qui, repoussés par
272 NOTES ET REMARQUES.
Brunon, duc de la province, opérèrent leur retraite vers l'Alle-
magne, en prenant leur itinéraire par ta vallée de la Seille.
Livier, l'un des chefs de la milice messine, fait prisonnier
dans un engagement, fut emmené par lesHungres dans leur re-
traite et décapité près de Marsal. Ceci nous paraît hors de
doute, et la légende de l'Eglise, sauf l'erreur de date, n'est
ébranlée dans aucune de ses parties. Quant à ce que nous ap-
pellerons le roman de saint Livier, c'est une œuvre de pure
imagination, dans laquelle l'auteur, à l'exemple des trouvères
qu'il entendait chanter, a brodé agréablement sur un canevas
historique, à peine reconnaissable, les fantaisies les plus variées :
voyage en terre sainte, amours avec une princesse sarrasine,
combats sur terre et sur mer, royauté dans une île d'Asie;
rien n'y manque de ce qui pouvait plaire à un public rendu
difficile par l'audition journalière des plus merveilleuses aven-
tures.
Str. i5, r», 6.
Saint-Gorgon était une ancienne paroisse de Metz, située en-
tre la place d'Armes et la rue de la Princerie, et détruite en
1769 pour l'exécution des grands travaux de voirie dûs à l'ini-
tiative du maréchal de Belle-Isie, Le terrain où elle s'élevait est
occupé par la partie droite dés bâtiments de l'Hôtel de ville.
Il ne serait pas aisé de dire exactement où se trouvait le vivier
dont il est question, et dont la rue qui longe le chevet de la
cathédrale a conservé le nom. Mais l'existence des bâtiments du
cloître et des chapelles qui couvraient la place actuelle de l'Hô-
tel de ville ne permet pas de lui attribuer un emplacement en
avant de Saint-Gorgon. Il faut donc le chercher entre cette
église et la rue du Four du Cloître, dans l'emplacement de quel-
que partie de l'hôtel municipal, et sans doute vers sa gauche,
non loin de l'endroit où vient aboutir la rue du Vivier.
Str. 17, V. 5.
La place de Port-Saillis est la petite place qui s'étend en avant
de l'entrée principale de l'ancien hôtel de ce nom. Elle est en-
NOTES ET REMARQUES. 273
core intitulée place Chappé. Ce mot provietil de celui de Xap-
pey, dénominalion qu'avaitadoptée, aux XIV^ et XV^ siècles, une
des branches de la maison de Raigecourt.
Poincignon de Raigecourt , chevalier, seigneur de Jony,
Corny,etc., maître échevin en 1280, eut pour fils Pierre elThié-
bault, ditsXappey, dont la descendance conserva ce surnom jus-
qu'à Philippe III de Raigecourt, seigneur de Ladonchamps, Corny,
Marly, etc., maître échevin en i5ia, qui cessa de le porter.
Str. 19, V. 6.
Les étaux ou bancs des changeurs étaient établis sous les arca-
des delà place au Change, [as Chaînées), qui prit le nom de place
Saint-Louis, à la suite de l'érection d'une statue de ce roi en 1707.
Le change des monnaies avait une importance considérable
dans une ville située sur les frontières d'un grand nombre d'É-
tats. Aussi les changeurs étaient-ils nombreux, mais ils étaient
soumis à une sévère surveillance. L'évèque Bertram , par un rè-
glement en date du 21 décembre 1190, confirma les droits de
ceux qui étaient admis à la taùle des changes, moyennant une
redevance de 12 livres de messins, indépendamment de 20 sous
messins payés à l'évèque, et 5 à son camérier.
Leur nombre ne fit que s'accroître. Il était de soixante à la fin
du XIV« siècle.
Il faut r/^marquer que les offices de changeur étaient à cette
époque exclusivement soumis à la juridiction épiscopale. En
effet la cité n'avait pas alors de monnaie municipale. C'était un
des droits de l'évèque restés intacts.
Bouchard d'Avesnes, il est vrai, avait en 1291, cédé pour cinq
ans à la ville, moyennant cinq cents livres de messins, le droit
de faire usage de son coin pour battre monnaie ; mais près d'un
siècle devait encore se passer avant que le type municipal mes-
sin fit son apparition sur les tables de change. Ce fut l'évèque
Thierry de Boppart qui, contraint par les événements, céda à
la cité, le 28 septembre j383, son Jroit de mohnayage.
Les premières pièces municipales frappées à cette époque
portaient l'image de saint Etienne, patron de la cité; une croix
18
r.U NOTES ET REMARQUES.
formait le type du revers des pièces d'argent, l'écii de la cité
celui des pièces d'or : la légende ; moneta mctensis.
(Voir les ouvrages de ]MM. de Saulcy et Ch. Robert.)
Str. y-i.
L'administration de la cité, tout en admettant comme fort
utiles les établissements de prêts sur gages, avait à cœur de
combattre le fléau de l'usure, et elle avait pris dans ce but tout
un ensemble de mesures législatives et judiciaires. Un atour, du
24 janvier 1289 (anc. style), avait défendu l'admission à Melz
de Lombards, Provençaux et « tous aultres prestant à montes »
sans l'autorisation du conseil. Un certain nombre de banquiers,
présentant toutes garanties, et soumis à l'acceptation d'un tarif
modéré, étaient seuls admis à tenir des maisons de prêts sur
gages. Eli 1289 ils étaient trois, cinq en 1299. C'était dans les
quartiers de Porte-Muselle et de Port-Saillis que la plupart
d'entre eux étaient installés.
Plus tard la ville mit en régie une estauUie de Lombards
fonctionnant à son profit, et sous la rigoureuse surveillance de
commissaires nommés à cet effet. Elle plaça cet utile établisse-
ment (iiès des Cordeliers, sur le mur. Ainsi les principes de no-
tre Monl-de-piélé actuel étaient exactement mis en pratique à
Metz, dès le XV* siècle, au grand profit de la population, et au
grand honneur de l'administration communale.
Sir. 28, V. 4.
Jtaiir de la vigile de /este saint Vincent, i3o2 (ai jan-
vier i3o3, n. st.).
Défense à tous les citains de Melz, clercs ou laïcs, de faire ou
laisser mettre le feu en une maison ou grange, pour cause de
dettes et gagières, sous peine de cent livres d'amende et de
dommageset intérêts, fixés par justice. Ils s'exposent de plus à
être mis «fuers de la wairde de la citeit », et quiconque les
aide, à payer vingt livres d'amende. (Archives de l'Hôtel-de-Ville.
— Hist. de Metz, Pr. III, p. aSy.)
NOTES ET REMARQUES. 275
Voici une autre défense que l'on peut classer au nombre des
mesures inspirées par un égal sentiment de générosité et de
justice :
— A tour du j Jéi'iier i3o4(i3o5, n. st.).
Défense à Ions les cilains de Metz de saisir ou arrêter aucune
femme, quelle qu'elle soil, de s'emparer de ses chevaux , chars,
meubles ou héritages, à moins que ce ne soit par représailles
de tort analogue fait par elle-même à des Messins. (Mêmes sour-
ces, — p. 272.)
Str. 3i, V. 1. «k
LaMutle est la cloche municipale de la ville de Metz. Elle
est suspendue dans la tour de gauche de la cathédrale, propriété
delà ville. Sa sonorité est admirable, et il n'y a pas un Messin
à qui le souvenir de sa voix puissante ne fasse battre le cœur.
Elle pèse treize mille kilogrammes, et fut posée pour la pre-
mière foiseniSSr. Refondue à trois reprises au quinzième siècle,
elle le fut pour la dernière fois en 1606. Elle porte l'inscription
suivante :
Dame Mute suis baptisée
De par la Cité cy posée,
Pour servir à cette cité
Aux jours de grand solennité;
El aussy pour créer justice,
Prendre ban et bonne police,
Les contredire quand bon semble,
Et pour convoquer gens ensemble.
Son nom lui vient sans doute de ce qu'elle servait à mom>oir
les gens, à les appeler pour l'assemblée politique ou militaire.
On la^intait aux jours d'élections. On la sonnait en grande volée
les jours de solennités religieuses, de fêles nationales, de vic-
toire et de paix,... Quels souvenirs rappelle-t-elle aux Messins!
Son histoire a été écrite par M. Victor Jacob, bibliothécaire
de la ville, en un beau vol. in-8 (Metz, Rousseau, i865).
270 NOTES ET REMARQUES.
S/r. 35, V. 7.
— ^4lour (lu 10 aoûl 1-2^/^.
Défense est faite à tout citoyen de Met/, fait piisonniei-,
de se racheter en payant nne rançon, soit par lui-même, soit
par d'autres « de nulle vaillance ki soit ». S'il le fait, il est
banni pour soixante ans et un jour à dix lieues de la cité. Il
ne doit plus compter sur la justice de Metz pour soutenir au-
cun de ses droits.
Mais en revanche la cité se charj^e de sa querelle : « Et se
nuls de nos menans ^toit prins, pourcs ne riches, li ville lou
doit aidier a délivrer... Et cist atours doit duricr a toz jours. »
(Archives de l'Hôtel-de-Ville.)
S/r. 40, 'V. 1.
Le duc de Lorraine est ici désigné par le nom de son château
de Prény, une des plus puissantes forteresses du duché.
Ce château, dont les ruines intéressantes existent encore, au-
dessus du village de Pagny-sur-Moselle, devait une importance
militaire exceptionnelle à sa situation sur les confins du pays
messin, desévcchés de Toul et de Verdun, et du comté de Bar.
Il était le siège d'une prévôté qui comprenait quatorze villages
lorrains.
Cette redoutable forteresse, dont la tour principale, encore de-
bout, porte le nom expressif de Mande-Guerre, a été détruite
en ifi34, par le maréchal du Hallier, lors de la guerre malheu-
reuse que le duc Charles IV fit à la France.
Le titre de comte de Prény paraît avoir été porté par Thié-
bault, second fils du duc Mathieu, mort en laSo.
Prény était le cri de guerre des ducs de Lorraine^ comme
en font foi, parmi divers témoignages, ces trois vers recueillis
dans une ancienne chronique, par D. Ca\mel (f/ist. de Loir. ,11,
cccxv) :
Ils crient, Prini, Prini,
L'enseigne au riche duc Ferris
Marchis entre les trois roiaulmes.
NOTHS ET IIEMAROUES.
Sfr. 43, ?'. 3.
Le stignciir de Thionville n'élail aiilre que le roi Jean, en sa
qualité de comte de Luxembourg. Celte ville, en lalin Theodo-
iiis villa, en allemand Diedeiihofen, clief-lieu d'arrondissement
de la Moselle, a un j)assé des plus intéressants.
Elle possédait une villa regia, où Charlemagne tint souvent
sa cour. Il y fit, en 806, le partage de ses royaumes entre ses
fils. Louis le Débonnaire y tint également une diète en 826.
Dans le même siècle, l'Église y réunit plusieurs conciles.
Après la dissolution de l'emjjire carolingien, la seigneurie de
Thionville fut tenue par des dynastes particulier^qui en prirent
le nom, et la conservèrent plus de deux siècles. En ia3<i, elle
appartenait à Ermesinde de Luxembourg, qui en formait la
dot de Catherine de Limbourg, sa fill<;, épouse du duc Ma-
thieu de Lorraine. Mais le comie Henry de Luxembourg la
racheta à cette même date, (;t elle ne cessa plus désormais de
faire partie du comté. Elle devint avec lui domaine des ducs de
Bourgogne, des archiducs d'Autriche et des rois d'Espagne,
jusqu'au jour où le traité des Pyrénées la céda définitivement à
la France, avec le riche territoire qui dépendait d'elle, et qu'on
appela le Luxembourg français.
Thionville a supporté à plusieurs reprises, dans les différen-
tes phases de son histoire, en i4''j3, i453, i558, ifiSg, i643,
1790..., des sièges et des bombardements qui lui ont acquis un
juste renom de valeur militaire.
L'histoire de Thionville a été écrite par M. Teissier, et depuis
par M. Abel. Malheureusement ce dernier ouvrage, plein d'éru-
dition, n'a pas encore été livré au public.
Str. 55 7'. 5.
Les forces militaires de Metz consistaient dans la milice et
la chevalerie nationales (voir aussi la note de \a. strophe laB),
et dans des corps de soldoyeurs, gens de guerre appartenant
pour la plupart aux pays du Rhin, de la Sarre et de la Basse-
278 NOTES ET REMARQUES.
Moselle. Ceux-ci se mettaient aux gages de la cité pour un temps
déterminé, et leur nombre s'augmentait at.tant que le danger
présent ou prévu le rendait nécessaire. D'après les quittances de
ce chef, conservées à rHôtel-de-Vil!e, on voit que sa garnison
normale s'accrut dès le mois de septembre i324 dans une forte
proportion. Sur la liste figurent les noms de personnages émi-
nents par leur naissance, et connus pour leur habitude des
armes: les comtes de Deux-Ponts-Bitche et de Saarwerden, le
Raugraf Conrad, etc. (Voir la note de \a strophe 112.)
S'il faut en croire la chronique contemporaine, le nombre des
auxiliaires de ce genre, engagés pour la durée de la guerre, at-
teignait le chiffre de 700 chevaliers, et les combattants à pied
étaient à peu près en nombre égal. La solde qui leur était attri-
buée variait selon différentes circonstances; on en peut juger
par les exemples suivants :
Conrad Raugraf, avec quatre chevalier" et trente-quatre
écuyers, reçoit 1,162 livres de messins et 5o livres pour un
cheval. — Evrard et Simon de Deux-Ponts-Bitche, avec'huit che-
valiers et vingt-deux écu vers, reçoivent 900 livres de petits tour-
nois. — Jacques Crippexillc d'Aube, avec neuf compagnons,
3oo livres de petits tournois, etc.... (Archives derHôtel-de-Ville.
— Hist. (le Melz^ Pr. IV, p. 19).
Voira la note de la strophe i-ji l'engagement original d'André
de la Pierre, qui peut servir de type aux actes de ce genre.
Str. 60, V. 3.
L'abbaye de .Tustemonl, de l'ordre de Prémontré, devait son
existence à la piété d'Euphémie de Watronville, sœur d'Ur-
sion, évêque de Verdun, qui obtint, en 1124, de saint Norbert,
des religieux de l'ordre qu'il venait de fonder.
Le corps de l'abbaye dépendait du comté de Bar.
Il subsiste encore quelques bâtiments, restes de l'abbaye,
transformés en ferme, sur la côte qui s'élève au-dessus du vil-
lage de Beuvange et du cours de l'Orne. Cette ferme fait partie de
la commune de Vitry.
NOTES ET REMARQUES. 279
Str. 63.
« Ce roi de Bohême et cet archevêque de Trêves ne l'essem-
blaient pas à leur père, l'empereur Henry de Luxembourg, qui
était ami de la cité, et la secourut, quand elle en eut besoin,
contre son évêque Renaud de Bar, où, pour ses gages et sa
solde, il emporta cinquante mille livres de petits tournois, les-
quels lui servirent beaucoup pour se faire couronner roi des
Romains et empereur. Ainsi il combattait pour soutenir les
franchises et libertés de la cité, et ses enfants la voulaient ren-
dre sujette et asservie! mais leur puissance n'allait pas jusque-
là, » {Chron. Praillon. s. l'an ïZ?.[^. — Traduction littérale,)
La guerre à laquelle la chronique fait allusion s'était élevée
entre les Messins et leur évêque, Renaud de Bar, administra-
teur du comté de Bar, pour son neveu Edouard, au sujet de
l'héritage d'un riche clerc dont le prélat voulait s'emparer. L'in-
tervention de seigneurs amis de la cité, et du comte Henry de
Luxembourg en particulier, amena un arrangement au moment
où une bataille sérieuse était sur le point de s'engager, près de la
ferme de Prayel.
Un souvenir piquant se rattache à cette guerre, heureuse-
ment avortée. L'évêque,qui avait juré d'entrer à Metz « à granl
puissance » trouva un moyen ingénieux de ne pas être au-
dessous de sa parole r il fit sa rentrée dans sa ville épiscopale le
dimanche des Rameaux, à la tête d'une procession immense,
réunie à l'abbaye Saiut-Arnould.
Cet éminent prélat mourut, empoisonné dit-on, en i3i3.
La guerre à laquelle le comte de Luxembourg prêta son aide
aux Messins n'est pas datée par les chroniques. Mais son épo-
que est fixée par la pièce intéressante qui suit. (Cabinet Em-
mery. — Hist. de Metz, Pr. III, 286.) — Elle fixe à iSo; l'acte
d'alliance de ce seigneur avec les citains et par suite, à une épo-
que de très- peu postérieure, la rencontre de Prayel, et la récon-
ciliation qui suivit.
Voici le début de celte pièce :
« Nous Hanris, cuens de Lucembourch, de la Roche et mar-
280 NOTES ET REMARQUES.
cliis d'Erlon , el je Walleians ces freires, faisons savoir et co-
gnissant à tous içaulx qui ces présentes lettres vairont et oront
que dou bestans et de la werre ke cil de la citeitde Mes ont
contre eiostre sij^nonr Renaît de Bair éveske de Mes contre ces
freires féal/, Jours ajnwcs et loiirs aidans qu'ils ont et averont,
nous avons promis et pronioltons à aidier ciaiz de la citeit de
Mes dessusditte en bonne foi et loialment tout adis à lour re-
questeàgrant force et ù petite, tout comme ceste werre durroit
et avons ancor (prorais) nous Hanris cuens dessusdis ke nous
loule nostre \ie ne ferons ajuwe ne eliance à l'éveske Renaît
davant dit tant com il viveroit ne a duc de Lorenne ne à ses
hoirs ne as freires lesveske dessus dit ne as hoirs de Bair contre
ceaulz de la citeit de Mes ne aveuckes les dessusdits ne serons
en leur gréance par nous ne par aullrui de part nous... L'an
m. ccc et vu , lou jeudi prochens après la feste saint Jehan
Baptiste. »
Str. 64.
• Le comte Edouard de Bar_ n'avait pas de raison de guerroyer
contre la cité de Metz et les bourgeois, car, peu de temps aupa-
ravant, les Messins l'avaient aidé et assisté en ses nécessités
contre l'évêque de Verdun, qui avait co-nmencé à lui faire une
guerre, pour laquelle il lui avait fallu leur demander secours
en or, argent et troupes. » [Chrnn. Piailloii. — Traduction lit-
térale.)
Bien que le comte Edouard de Bar et Henry d'Apremonl,
évêque de Verdun, aient été souvent unis par des alliances, il
s'était élevé entre eux une querelle sanglante, dont la prise de
Dieulouard fut un des épisodes principaux, et à laquelle l'arbi-
trage du roi de France, Philippe le Long, mit un terme le jour
de la Saint-Matthieu i3i8. C'est à cette guerre que la chronique
fait allusion.
Dieulouard, château sur la Moselle, en face de l'emplacement
de Scarpone (canton de Pont-à-Mousson), appartenait à l'évêque
de Verdun, quoique faisant partie du diocèse de Toul. Son nom
était une invocation pieuse: Deu lou ward (Dieu le garde}! 11 fut
AOTES ET REMARQUES. 281
détruit deux fois par les Messins en iiio et 129.2. Le comte de
IJar le prit en i3i8. Engagé au duc de Lorraine pendant le cours
du XlVe siècle, il fut racheté en i43i par Henry deHaraucourt,
évêque de Verdun. En iSfii, il fui attribué au duc de Guise,
avec sa j)révôté, composée de huit villages, sous le titre de mar-
quisat de l'évcché de Verdun.
Sir. 68, V. 7.
Il s'agit de Montigny, localité disparue, voisine d'Ay, qui est
encore indiquée dans la liste des villages messins, en i4o4, et
dont l'emplacement exact est inconnu.
« Montigney, de leiz Aiey, tient a dame Ysaibel Braidy
et a dame Lore Guedange, en laqucille il ait en tout.... iij feulx.»
(Dénombrement de 140,4. — Biùi. de Metz, mss., n° 190.)
Str. 71, V. 5.
Ce « messire Jacques» était Jacques Grongnat, du paraige de
Porte-Moselle, qui avait gagné glorieusement le titre de « cheva-
lier de Jérusalem et de Galilée », en prenant part « à la guerre
desTurcks », c'est-à-dire à une de ces expéditions guerrières dont
les pays d'Orient furent souvent l'objet au XIV^ siècle. II était fils
de Jean Grongnat, aman de Saint-Ferroy en iSao, et avait épousé
Anelz ou Agnès de Vry, d'une des familles les plus distinguées de
la cité. Il élait mort en i354, époque où nous voyons son fils,
Jean II, en possession de son héritage. Geoffroy, son frère,
était, en 13^4, maitre-échevin et Sept de la guerre. L'illustration
de la famille Grongnat était récente, mais sa fortune considéra-
ble, car nous trouvons, dans Vétat des Dillriges du pays messin^
en 1404, Nicole Grongnat possesseur de dix-sept seigneuries.
Il y avait dans celle famille quelque chose d'aventureux et de
hardi, de violent peut-être, qui prédisposait ses membres aux évé-
nements tragiques. Près de la moitfé de ceux dont l'histoire mes-
sine a conservé les noms périssent de mort violente. En i324,
(lolin Grongnat estnoyé par autorité dejustice. En 1372, Geof-
froy est tué au siège de Sampigny. En i394, Laurent esl tué à la
bataille de Nicopolis." En r4o5, lors de la Jacquerie, Nicole est
282 NOTES ET REMARQUES.
décapité parle peuple,.. Avec le XV* siècle, celte famille avait
cessé d'exister, mais elle s'était terminée avec éclat en la per-
sonne de Nicole II, «< le bon jouteur», le vainqueur du duc de
Bar, et un des plus brillants chevaliers de son temps.
Str, 72, V. 4-1
11 y avait tout à l'entour de la ville des espaces découverts et
tenus en nature de prés, qui appartenaient à la cité, et servaient
en cas de siège à faire paître les animaux conservés à l'abri des
murailles. Cette posture correspond exactement à notre nom
moderne de glacis.
Sir. 73, 7>. I.
Le comte de Sarrebrùck, dont il est ici question, doit être
Simon V, de la maison de Montfaucon-Montbelliard, époux de
Marguerite de Savoie, fds de Jean F% comte de Sarrebriuk et de
Marguerite de Grancey.
Sarrebrùck, sur la Sarre, chef-lieu d'un comté, avait été
donné à levéque de Metz, Adalberon II, par l'empereur
Othon III, en 998, don qui fut confirmé en io65 par l'empe-
reur Henry IV. Les évèques de Metz le donnèrent en fief à une
maison d'ancienne chevalerie qui en prit le nom, et dans laquelle
le comté fut transmis héréditairement jusqu'à Simon III,
époux de Jeanne d'Apremont, qui mourut sans postérité, vers
la fin du XIII" siècle. Mahaut de Sarrebrùck, sa sœur, mariée
à Aimé de Monibelliard, fut mère de Simon IV, époux d'ÉIisa-
belh de Broyé, dame de Commercy . qui fut la tige d'une se-
conde maison de Sarrebrùck, à laquelle l'évêque de Metz, Lau-
rent, confirma, en 1277, la possession du fief. Il eut pour
successeurs Jean L'^', Simon V, puis Jean II, époux de Gil-
lette de Bar, fille de Pierre de Bar, seigneur de Pierrcfort. Ce
dernier n'eut qu'une fille, Jeanne de Sarrebrùck, mariée à Jean,
comte de Nassau, qui apporta dans cette maison le comté de
Sarrebrùck et la seigneurie de Commercy.
C'est de ce seigneur que tire son origine la maison de Nassau
NOTES ET REMARQUES. 283
Sarrehrûck, qui se prolongea glorieusement jusqu'à nos jours.
Les armes de Sarrebrùck étaient de gueules, semées de croix
recroisettées au pied fiché d'argent, au lion de ménie^ armé et lam-
passé d''or.
Str. 79, V. I.
La chronique ne dit pas plus que le poëme quel était celui des
deux comtes de Bitche, attachés au service de la cité, auquel doit
remonter l'honneur de cette brillante défense. Eberhart et Si-
mon, sires de Bitche, comtes de Deux-Ponts, ont laissé, sous la
date du i8 juin i325,la quittance des 900 livres tournois qui
leur étaient dues, tant pour leurs services personnels que pour
ceux des gens de leur suite. Ils étaient tous deux fils de Eber-
hart P"", premier comte de Deux-Ponts-Bitche, et d'Agnès de
Montfaucon, de la maison de Montbelliard.
De nos deux soldoyeurs, Simon, époux d'Agnès de Lich-
tenstein, était l'ainé ; ce fut lui qui succéda ?i son père dans le
comté de Bitche.
Les comtes de Deux-Ponts-Bilrhe portaient pour armes d'o/-
au lion \le gueules.
Ce comté de Bitche, qui comprenait la presque-totalité des
cantons boisés et montagneux de Bitche, Rohrbach et Wolmuns-
ter, était l'un des plus anciens domaines de la maison d'Alsace,
devenue, sous Gérard d'Alsace, la maison ducale de Lorraine.
Du XP siècle à la fin du XlIP, il fut généralement possédé
par les frères cadets des ducs régnants, puis rentra dans le
domaine ducal. En 1297, " ^^^^ l'objet d'un échange, contre
Sarreguemincs et quelques autres lieux, avec le comte Eberhart
de Deux-Ponts. Depuis cette époque, Il resta le domaine des
descendants de ce seigneur jusqu'à l'extinction de sa maison,
en i56o. Il appartint alors au comte Philippe de Hanau, sur
lequel il fut confiscjué en 1671, par le grand-duc Charles III,
pour cause de félonie, et réuni au duché de Lorraine,
Un ancien château, rebâti au XIV* siècle par le comte Eber-
hart, fut augmenté à diverses reprises par ses successeurs_, forti-
fié par Vauban en 1680, démoli en 1698, et reconstruit dans de
^* NOTES ET lîEMAROL'ES.
plus vastes proportions en rySo. Son hisloirea pluscl'uiie page
glorieuse.
se,: 8i, 7>. 3.
An sujet de Vcspingole du poème, M. Dupré de Genesle a
ajouté en marge de sa copie la note suivante :
« Il y a apparence que cette machine de guerre est la même
que Fauchel (p. i,o, liv. Il de la milice et des armes) appelle es-
pingarde et espingalle. Or, selon lui, c'était un instrument vo-
lant à la facondes frondes. Et Turques, en son Hisloire (P Espa-
gne, dit que l'an i485, du commencement que les Espagnols
virent des aiquebusiers, ils les appelèrent espingardiers* »
Ce mot a donné l'idée à des observations bien autrement im-
portantes de la part de l'auteur des Origines de l'artillerie fran-
çaise, notre érudit ami M. Lorédan Larcliey.
Il croit, et une opinion émanant d'un savant tel que lui ne
peut pas avoir une médiocre valeur, que c'est au siège de iMetz
de iZi/i que les armes à feu firent une de leurs premières appari-
tions, devançant de vingt ans l'époque que leur attribue l'opinion
commune. (Voir la dissertation de M. Larchey intitulée les Maî-
tres bombardiers de la cité de Mflz, dans les Mémoires de la So-
ciété darchéolofrie et cF histoire de la Moselle. Metz, Rousseau,
1861.) '
Sfr. yx, 7'. 3.
La chronique a confondu, à cause de l'analogie de la pronon-
ciation du nom, deux familles fort différentes, lesr.augraf et les
Rhingraf. Les Rangrafen ou Raugraves portaient en latin le litre
de cornes hirsutus. Celui qui servait la ville de Metz était Con-
rad VRaugraf, de la branche de Stoizenberg, troisième liis de
Conrad IV Raugraf, et d'Ida de... 11 avait épousé Adélaïde,
comtesse de Sayn.
Les armes des Raugraf étaient /«/-/jar//e^ rro/- e/ de giieides.
Conrad Vy ajoutait la brisure d'un lambel, comme ses sceaux
l'indiquent, en sa qualité de cadet.
NOTES ET REMARQUES. 285
Un descendant de la maison des Raiigraf, le comte Théodore
de Raugraf, commandait au dernier siècle un régiment de cava-
lerie liégeoise de son nom au service de France, et mourut lieu-
tenant général, laissant une réputation glorieuse.
Str. 98, r, a.
Les deux célèbres et magnificiues abbayes de Saint-Arnould et
de Saint-Clément, alors placées hors de l'enceinlede Metz, étaient
entourées de faubourgs considérables. Ces faubourgs furent en
partie détruits pendant le siège de i444» pour empêcher les en-
nemis de s'y loger, et disparurent, avec les abbayes elles-mêmes,
lors du siège de i552.
La première de ces abbayes avait été fondée dès le quatrième
siècle psr saint Patient. Consacrée d'abord sous le vocable des
Saints-Apôtres, elle prit le titre de Saint-Arnoult, lorsque saint
Goéric y fit, en 642, la translation du corps de cet illustre évêque.
L'église des Saints-Apôtres était une des plus belles basiliques des
Gaules. Détruite par Attila en 45 r, elle fut plus tard rétablie par
l'évêqueDrogon, fils de Char'.emagne, dans un état plus magnifi-
que encore. Ses caveaux contenaient les restes de plusieurs prin-
ces de la maison carlovingienne. Les clercs qui la desservaient,
et dont l'opulence avait relâché les mœurs, furent remplacés en
g4i par des religieux de l'ordre de Saint-Benoît, qui, par leur
piété et leurscience, ajoutèrent un nouvel éclat à l'illustration du
nom de saint Arnould. Il fallut, en i55a, sacrifiercet admirable
monastère aux nécessités de la défense, et ses religieux furent
transférés dans l'intérieur de la ville, au couvent des frères Prê-
cheurs, devenu plus lard l'école d'application de l'artillerie et du
génie. Son emplacement primitif étaitcelui de la lunette d'Arcon,
auprès de la gare du chemin de fer.
L'abbaye de Saint-Clément avait été fondée au VII^ siècle,
sous le nom de Saint-Félix, par des religieux de l'ordre de Saint-
Benoît. Elle prit le nom du premier apôtre de l'église de Metz,
lors delà translation de ses reliques, qui y fut faite par l'évêque
Hériman, en 1090. Le monastère de Saint-Clément, détruit en
i552, fut transféré dans Metz, au couvent des Pucelles de la
286 NOTES ET REMARQUES.
A'ii^notte, et trois ans plus tard, rue ilu Pontiffroy, où nous
avons vu les PP. Jésuites établir ItHir florissant collège. Son
premier emplacement était au Sablon, entre le chemin de fer et
la redoute du Pâté (élevée à la place de l'amphithéàlre romain).
Sir. 99, V. I.
La porte Serpenoîse actuelle a reçu ce nom, lors de sa réou-
verture, en souvenir de l'ancienne porte Soarponoise (par cor-
ruption porte Chapcnoise, Champenoise, au moyen Age), qui
donnait entrée dans la ville à l'ancienne route romaine de Metz
à ileims, par Toul et Scarpoiie. On sait que celte dernière loca-
lité, première station après Divofliirum, et chef-lieu du prigus
Scarponensis, fut détruite de fond en comble par l'invasion des
Huns de 4^fj ^' (|u'elle ne se releva pas de ses ruines. Elle était
située dans une île de la Moselle, en face de Dieulouard. M. de
Saulcy a fait des recherches très-intéressantes sur ce qui reste
des ruines de Scarpone, et les a publiées dans les Mémoires de
l'Académie de Metz (i83i-i83 •;-.).
L'ancienne porte Serpenoise, qui avait été fermée lors de la
construction de la citadelle, en i56i, occupait un emplacement
sensiblement différent (à gauche en entrant) de celle qui a été
ouverte, par suite delà création du chemin de fer,
Str. loi, V. 6,
Le pont de Moulins, sur la Moselle, était un des quatre ponts
dont le gouvernement de Melz avait attribué la construction,
l'entretien et le péage à l'administration de l'hôpital Saint-Nico-
las, (Voir la note de la strophe 177.)
L'évêque Jean d'Aprcmont avait élevé des prétentions, en
1337, sur la propriété de ce pont, mais il en avait été débouté
et le droit municipal était resté sans conteste, La ville, ayant
par conséquent à sa charge l'obligation de le reconstruire, re-
passa ce soin à l'hôpital, en lui laissant à celte condition le bé-
néfice de l'impôt du meilleur habit de toute personne décé-
dée, établi en 1223 par l'évêque Conrad de Scharpheneck, L'acte
NOTES ET REMARQUES. 287
(le cession, cUi 17 juin 1282, dit que « tout lou passaige dou
pont a Moulins et des pons des Mors et dou pont Thiefroit et
toutes les rantes de ces pons et loutkant k'i apant, et les wairne-
mans c'om prant des mors >• appartiennent désormais à l'hôpital.
Après six ans, ce pont, qui était alors en bois (de fust), doit être
reconstruit en pierres, à raison d'une arche par an. Cet acte
comprend le tai'if du droit de passage :
« Li chovalz a cher doit vin denier lou jor arreis lou cours de
vandanges, li chers a trois chevalz et a dous doit dous deniers
lou jor, li jou5 de bues doit j denier lou jor arreis lou cours
de vandanges ou li chers a bues doit ij deniers lou jor; li som-
miers chergiés doit un denier, li pors^ li berbis, li chièvre,
li aisnes doit chescuns une angevine; et ce li aisnes amoinnet
waistelz, il doit une maille. » (Arch. de l'hôpital Saint-Nicolas.)
Les habitants de Moulins, Chàtel, Lessy, Chazelles, Sainte-Ruf-
fîne, Jussy et Scy, étaient quittes du péage^ moyennant un abon-
nement consistant en un pain par tête, payable à Noël.
La INIoselie coulait encore sous le pont de Moulins, lorsque
Henri IV vint à Metz en i6o3; le récit de son voyage en fait foi.
Mais, quelques années plus lard, la capricieuse rivière se choisit
un autre lit, à quelque dislance et à droite du premier, et le
pont de Moulins traverse une magnifique prairie, que rafraîchit
à peine le petit ruisseau dit de la vieille Moselle, au pied de la
côte de Sainte-Ruffine.
Str. 10 3^ V. I.
LeVal-de-Metz s'entendait de la partie de la vallée de la Mo-
selle, située principalement en amont et sur la rive gauche de
la Moselle. 11 élait limité par le comté de Bar et la terre de
Gorze.
Plus lard on comprit sous ce nom une division territoriale du
piys messin beaucoup plus étendue. Elle correspondait à peu
près à l'archiprêtré du Val-de-Melz, dont Vaux et Jussy furent
successivement le chef-lieu. Elle comprenait alors dix-huit pa-
roisses, formant avec leurs annexes, censés et hameaux, un total
de cinquante localités, tant en aval qu'en amont de la cité. Il
28<J NOTES ET REMARQUES.
ne faut donc pas ton fondre le Val-ilc-Melz de i324, avec le
Val-de-Metz, division administrative du XVI« siècle, et encore
moins avec la vallée de la Moselle. Celui dont nous parlons re-
présente dans sa longueur, calculée selon le cours de la rivière,
de quinze à vingt kilomètres environ.
La plupart de? villages du Val-de-Melz étaient plus ou moins
fortifiés. Le village de Vaux (canton de Gorze), à gauche de la
Moselle, était en particulier doté de tout un système défensif,
dont son église, à la grosse tour armée de mâchicoulis, formait
le solide réduit , et dont les restes intéressants subsistent en-
core. On comprend la sécurité trompeuse que devaient goûter
ses habitants. Mais une fortification semblable, plus (|ue suffi-
sante pour repousser un coup de main, était impuissante con-
tre toute une armée,
Str. io8, V. a.
Le gibet de Metz était établi entre le Champ-à-Panne et l'ab-
baye de Saint-Clément (commune actuelle du Sablon), eu un
lieu qui portait le nom du Genestroit, à cause des genêts que
produisait principalement ce sol sablonneux. C'est là que se
dressait la fourche patibulaire à quatre piliers, signe du droit
de haute justice de la cité. C'est là qu'étaient exécutés les vo-
leurs et les brigands de grands chemins. Les supplices réservés
à d'autres crimes, tels que : la noyade pour les actes de rébel-
lion, la décapitation parl'épée pour les meurtriers et par la qué-
negate pour les faux monnoyeurs, l'écartellement pour les cou-
pables de haute trahison, le bûcher pour les sorciers et les
profanateurs, etc., avaient respectivement pour théâtre le bord
de la Moselle, entre les deux ponts, les places les plus fréquen-
tées delà cité, et notamment la place située en Nexirue, devant
la maison du Voué; sans compter le supplice de la Xippe, ou
estrapade, donnée dans un égoût infect, qui, sur la place du
Champ-à-Seille , \e forum messin, punissait tous les délits moins
graves.
Lorsque l'on faisait comparaître un accusé en justice, ou
qu'on amenait un condamné au lieu du supplice, il était hitchie
l
NOTES ET REMARQUES. 289
OU clamé sur une sorte d'eslrade qu'on appelait la pierre aux
huchements ou la pierre du palais.
Elle existait encore avant la transformation de la place de
l'Hôtel-de-Ville, due au duc de Eelle-Isie, en avant de l'église de
Saint-Gorgon, presque dans l'alignement de la rue Fournirue.
C'est en imitation dérisoire decetle formalité, rigoureusement
observée par la justice messine , que les soldats lorrains huchaient
les Treize, comme si ces derniers eussent été sur le point d'être
livrés à leur jugement et menés au gibet.
Str. 1 lo^ V. I.
Henry de Fénestrange était fils de Jean de Fénestrange et de
Béatrix d'Ogeviller. La baronnie libre dont il portait le nom
était un fief du ducbé de Lorraine, après avoir été jadis une des
archimarécbaussées de l'Empire. Elle avait pour bornes le Saar-
gau, les seigneuries de Lixheim et de Nassau et la châtellenie
d'Albestroff, de l'évêché de Metz, Maison de nom et d'armes,
elle portait pour armoiries : (Vazurà iiiiefasce (Cargent.
Fénestrange, petite ville sur la Sarre (chef-lieu de canton de
l'arrondissement de Château-Salins), était autrefois fortifiée, et
possédait un beau château, siège de la puissance de ses sei-
gneurs. Un ancien château en ruines, nommé Altbau, avait été
longtemps leur résidence. La baronnie de Fénestrange était siège
d'un bailliage, sous le jjrésidial de Dieuze, dont dépendaient
vingt villages. Elle comprenait quatre seigneuries distinctes,
Fénestrange, Schwanenhals, Brakenkopf et Geroldseck.
t
Str. 112.
Il n'y a pas lieu de s'étonner de l'intervention des soldoyeurs
messins en faveur de Henry de Fénestrange. Ce dernier tou-
chait par ses domaines aux pays d'Empire de la région rhé-
nane, au Saargau , et à l'Alsace en particulier. Il avait néces-
sairement des relations de voisinage, d'amitié, de parenté, et
une confraternité d'armes avec plusieurs des gentilshommes de
ce pays, qui étaient à la solde de la cité de Metz.
19
290 NOTES ET UEM.VUQUES.
Nous avons cité (.y/r. 55) les nomsdesplus éminents soldoyeurs
qu'ont conservés les archives messines. Nommons encore, à l'ap-
pui de notre opinion, Ferry comte de Saarwerden, E;^Ie comte
de Geroldseck, Jacques de Durkheim, Renaud de Chàteau-
Voué... Chacun de ces seigneurs avait à sa suite un certain nom-
bre de chevaliers et d'écuyers.
Parmi ceux qui, dans uncposilion plusmodcslc,sont pour leur
seule personne aux gages de la cité (moyennant une indemnité
de vingt à trente livres et une solde de quinze îi vingt sols par
semaine), figurent un grand nombre de noms qui appartiennent
à l'Alsace, pays immédiatement voisin de la seigneurie de Fé-
nestrange. Mais il y a quelque chose de plus positif encore :
c'est (|ue la maison de Saarwerden était alliée à celle de Fénes-
trange, et que la seigneurie de Geroldseck était une des branches
de cette baronnie.
Srr. 117, V. 6.
La digue deWadrineau (commune du Ban-Saint-Martin) à
la pointe de l'île du Saulcy, a pour but de relever le niveau
des eaux du bras droit do la Moselle, de manière à créer la
force motrice des moulins et usines de Metz. Son entretien
était il la charge des propriétaires des moulins; mais, comme ils
remplissaient fort mal leurs obligations, et qu'il y avait par
leur faute un sérieux intérêt public en souffrance, la Ville les
expropria par atour du a ( juin i4a5, fit des usines sa chose
propre, et mit l'entretien d<; la digue à la charge du budget
communal. Jusqu'alors elle était en bois. En i43o, la destruc-
tion de la magnifique abbaye de Saint-Martin fournit des ma-
tériaux pour la reconstruire en pierres, et de cet acte d'impla-
cable ressentiment de la cité sortit la construction du bel et
solide ouvrage, de Sao mètres de longueur sur 6 mètres de hau-
teur, qui défiera longtemps encore les efforts des années et des
flots. En i3a4, il était peu difficile d'ouvrir une brèche dans
un simple ouvrage de bois. C'est pour cette raison que la pré-
sence de la nef rendait si grand service.
SOLDOYEURS MESSINS
d'après les vitraux de la chapelle de gauche de l'église Sainte-Segolène
(le Metz, représentant l'adoration des Mages.
(XIV SIÈCLK.)
NOTES ET REMARQUES, 231
Str. 123, V. 3.
L'état militaire de la cité était sous la direction supérieure
d'un comitéde sept uiemlires, qu'on appelait les Sept de /a guerre.
Leur pouvoir, d'abord créé en i324 pour le besoin des circons-
tances, fut ensuite revêtu d'un caractère permanent. Il était
presque dictatoiial. C'est entre leurs mains que les soldoyeurs
prêtaient serment, c'était d'eux que tous ceux qui prenaient
part à la défense recevaient les ordres de service. Tous les ci-
toyens se devaient à la patrie. Les seigneurs de paraiges com-
battaient à cheval, et entretenaient à leurs frais un certain nom-
bre de varlels d'armes : les gens des paroisses et les manants des
villages élaientorganisés en compagnies, et constituaient l'infan-
terie. Ces derniers n'avaient évidemment pas une grande habi-
tude des firmes, et il pouvait paraître imprudent de les hasarder
en pleine campagne. Mais ils présentaient de précieuses ressour-
ces pour la défense intérieure des murailles, et l'on vit plus d'une
fois jusqu'à quel point on pouvait compter sur leur courage.
La Chronique de Praillon a conservé la liste des seigneurs de
paraiges qui avaient reçu le commandement de ces compagnies
bourgeoises et populaires, dans la guerre de i324. On peut en
conclure que les défenseurs de la cité, fournis par sa popula-
tion, étaient répartis en douze compagnies. Voici les noms de
ceux qui étaient à leur tête :
« Ceux qui furent des paraiges de la cité portant enseignes,
et lieutenants de capitaines à cheval, estoient nommez :
Les Vorle-Bannières.
François Lambert, Lowial de Louvigny,
Roillon Pappemiate, Jehan de Mielan,
Symonat de Chambre, Auberlin Bataille,
Perrin Grandcol, Thiébaut Heminguen,
Maheule Mercier le jeune, Lowis Crowellet,
Jehan Renguillon, Henriquez Chevallat.
Les Chevauc/iears.
Collignon Papperel, Jehan Veilan,
292 ^OTES ET REMARQUES.
Joffroy Aixiés, Jacomin Gellée,
Philippin Haiques, Heniiquez Chevallat, le jeune,
ThiébaiiU P\iulquenel, Thiry Naiinery,
Jelian Hesson le vieux, Jehan Witier de Marieulles,
Thiébaull Behimy, Guercirial Boulay,
Renaît! le Gionaix, Philippin Faixin dit Xullefcrt, -
r.ollignon Bataille, Stevenin Faulquenel,
Thiébault Lorant, Penin Xaving,
Jehan Aixiés, Simonin Roucel,
Jehan Bellen, Xandrin Chaingne,
An ce I. s, l'aman. Jeoffroy Jallée. »
Str. 13 5, V. 3,
On connaît bien peu de choses certaines sur le compte de saint
Auteur, treizième évèque de Metz. On sait seulement cpi'il oc-
cupait le siège épiscopal en ^Si, lors de l'invasion des Huns
d'Atlila. La légende rapporte qu'il était cordonnier de profes-
sion, et résidait derrière l'église de Saint-Simplice (près de la
place Friedland actuelle), qu'il fut désigné pour être évoque par
le vœu public, en raison de la sainteté de sa vie, et qu'une source
miraculeuse fut le signe que Dieu lui donna pour vaincre les
scrupules de son humilité. Ce qui est certain, c'est que la nié-
moire de ce saint prélat était entourée d'une vénération gé-
nérale, et que ses reliques étaient grandement honorées dans
l'abbaye de Marmoutier en Alsace, où elles avaient été transfé-
rées.
Sfr. i3o, V. 6.
L'abbaye de Saint-Eloi ou Sainte-Croix, de l'ordre de Pré-
montré, fut fondée au dixième siècle par des religieux qui vi-
vaient dans le lieu plus lard appelé la Grange-aux-Dames, sous
une règle qu'ils attribuaient à saint Éloi. Ils demandèrent, vers
liai, à être admis dans l'ordre de Prémontré, et la commu-
nauté fut établie à Buris ou Thury, lieu voisin, à cause de l'in-
commodité des débordements de la Moselle; mais, peu de temps
après, elle se vit transférer à Justement, autre couvent du même
NOTES ET REMARQUES. 295
orclie: elle ne larda pas cependant à s'installer définitivement
près de Thury, où fut construit un monastère qui prit le titre
de Sainte-Croix.
Transférée à Metz à la suite de la destruction de ses bâtiments,
lors du siège de cette ville en i552, elle fut supprimée en
iSgS, et ses biens furent attribués à ia dotation du collège.
Str. i35, V. 5.
La bannière que le roi Jean faisait porter à la bataille n'é-
tait pas conforme, quant aux couleurs, aux armoiries tradition-
nelles du Luxembourg. Elle était de couleur rouge, chargée
d'un lion d'argent. « Fexilht ruhri coloris album leonem porlan-
tia. » (Chron, aulse regiae, p. 227.) Ce sont les armoiries du
royaume de Bohême. Celles du duché de Luxembourg ont
pour pièce principale un lion de gueules. Le roi Jean était donc
à un double titre « le roi au Lyoncel ».
Sir. i53, 1'. 3.
Par le Pont, il faut entendre le marquisat de Pont-à-Mousson,
prévôté barrisienne, dont la juridiction s'étendait assez près de
Metz, sur la rive droite de la Moselle. C'est ainsi qu'elle com-
prenait Arry et Corny. Nous lui donnons le titre de marquisat,
sous lequel il est caractérisé; mais, au moment de la guerre de
1824, il ne le portait pas encore, car il ne lui fut attribué que par
l'empereur Charles IV, à Metz, en i356, à la prière d'Yolande
de Flandres, comtesse de Bar, et de son fils Robert. Deux ans
auparavant, également ;i Metz, il avait érigé en duchés les comtés
de Bar et de Luxembourg. Le marquisat de Pont-à-Mousson
fut déclaré terre d'Empire en iSjS.
La forteresse de Mousson ou Monçon (iVort.y/oi'/j), apanage des
fils aînés des comtes de Bar, a été le berceau de la ville, qui, sur-
tout à partir du X1II« siècle, se créa à ses pieds, sur la rive droite
de la Moselle. Cette rivière y était traversée par un pont très-
ancien, placé sous la garde du château [Pons siib monte).
20a NOTES ET REMARQUES.
Le cliàteau de Mousson a clé clélruit en )()7o, parle maréchal
(le Cré([uy. 11 présente encore des ruines fort intéressantes.
Sfr. i6o, 7'. 4.
Le Val-Sainle-Marie tirait son nom de l'abbaye deSainte-Ma-
rie-aux-Bois, de l'ordre de Prémontré, qui était située à peu de
distance de Prény, dans un vallon entouré de montagnes boi-
sées et de sources abondantes. On en attribue la fondation à
saint Norbert lui-même^ en iiafi, au moyen des libéralités du
duc de Lorraine Simon.
L'abbaye fut transférée à Pont-à-Mousson en i6ofi. Ce qui
reste de la construction primitive des bâtiments claustraux, ac-
tuelleiiK ni transformés en ferme, présente le plus grand intérêt.
Sir. i65, -v. 4.
Lultangc, sur le ruisseau de Bii)iehe, en allemand Leuclitin-
gen (canton de Metzerwisse), était un fief mouvant du comté de
Luxembourg. 11 avait donné son nom à une maison d'ancienne
chevalerie, (|ui portait pour armes d'argent à l'aigle epfofée d'a-
z(ir, sans hcc ni membres. Ce fief, seigneurie et haute justice, du-
quel depindaienl neuf villages, avait pour siège un très-beau et
solide ciiàleau, muni de tours et de fossés, dont une partie con-
sidérable existe encore.
A Luttange était une nuache destaut, entre la cité de Met/
el le du( hé de Lorraine, pour ses sujets allemands.
4SV/-. 167, V. I.
Chanibley (canton de Gorze) était un village lorrain, enclavé
dans la terre de Gorze, siège d'une baronnie et d'une haute jus-
tice, sous la chàtellenie de Prény.
Il avait donné son nom à une noble maison, de nom el d'ar-
mes, qui portait c/e sable à la croix d'argent, accompagnée de qua-
tre fleurs de lis d'or, et à laquelle succéda, dans la possession du
domaine, l'illustre famille lorraine de Haraucourt.
^OTES ET REMARQUES.
295
Il y avait àCliainblcy un vaste château, bien fortifié, qui fut
pris et rasé en i636, pendant la guerre de Trente ans, et dans le
siège duquel se distingua un jeune officier qui devait être le
maréchal Fabert. (Von- \e Journal de Jean Bandiez.)
Str. 169, V. 3,
Gorze est un bourg considérable (chef-lieu de canton de l'ar-
rondissement de Metz), qu'a rendu célèbre l'antique et puis-
sante abbaye à laquelle il a dû la naissance. Celte abbaye, fon-
dée en 749 par Chrodegand, évêque de Metz, fut placée en 982 ,
parle bienheureux Jean de Gorze, sous la règle de Saint-Be-
noît, et parvint à un degré extraordinaire de prospérité. Mais
le XVl^ siècle lui fut fatal : les luthériens la pillèrent et la brû-
lèrent de fond en comble, et le cardinal de Lorraine obtint, en
1672, sa sécularisation. Il ne reste rien des lieux réguliers : le
palais abbatial^ magnifique construction du XVII" siècle, sert de
dépôt de mendicité départemental.
La terre de Gorze, qui dépendait de l'abbaye, comprenait
vingt-sept hautes justices et douze paroisses, et formait une sei-
gneurie indépendante, sous le gouvernement de ses abbés. Elle
fut réunie à la France par le traité de Vincennes, en 1661.
C'est dans le voisinage de Gorze que se trouvent les sources
admirables que les Romains avaient détournées au profit de la
ville de Metz, par le moyen de l'aqueduc ou des arches de Jouy.
(Voir la note relative à la strophe a3i.)
Str. J71, V. 4.
André de la Pierre était fils de Guillaume dit Bossel, seigneur
de la Pierre, et appartenait à la maison des comtes de la
Petite-Pierre.
Il portait pour armes : coupé au premier de gueules au léo-
pard d'argent, la queue fourchue, au deuxième d^or plein.
Les ai'chives de Metz conservent son acte d'engagement ou
de convenance que nous reproduisons, comme présentant le
type à peu près invariable des actes de celte nature:
290 NOTES ET REMARQUES.
« Je AiuIiTiis, siros de la Pieie, fas savoir et cognissant à
tous (|ue par mi quinzimede thlers et liante et euit escuieis
dont je doie servir et aidier les cilains de la citeit de Mes
contre Ion roy de Baliaingnt, contre larcevesque de Tiieves,
contre lou duc de Lorrainne, contre Ion comte de Bair et con-
tre lour aidans toute ladite guerre durant et jusqnes à fin de
guerre, pour lou queil cer\iseet par laqueilie ayde lidit citains
moi doient donreir quinze cens livres et quatre vins et deix li-
ves de messains por mi et por toutes mes gens dessus dites, et
encore sinqunnte livres de messains por un cheval. A savoir
est que de ladile sonie d'argent j'ai bien eut et resuit des dis
citains la incite; et ai encor l)ien resuil les dites cinquante li-
vres; et l'autre ineife desililes (|uinze cens livres et quatre
vins deix livres li dit cilains moi doient deiivreir à la fin de
lour dite guerre; et j'ai promis et promesp ma foy corne loialz
chlerque je et cinquante et trois les servirons et aiderons et con-
seillerons à nos bons povoirs loialiiient toute ladile guerre du-
rant. Kn lesmoignage de veriteit sont ces présentes letres saiel-
léesde mon saiel (|ue furent faites lande graice noslre signor mil
trois cent et vint et quatre ans, lou samedy après festc Sainlc-
(tux, en septenbre. »
Str. i-j, ?'. I.
l.a seigneurie d'Apremoiit, dont le siège éiail un puissant
château situé sur une monlagne isolée , entre ïoul et Com-
inercy (diocèse de Verdun), était une des plus considérables du
pays. Au temps de sa plus grande splendeur, elle ne comprenait
pas moins de deux cent quatre-vingts villages. Ancien fief de
Févêché de Metz, elle fut, en i334, érigée par l'empereur Char-
les IV en baronnie souveraine, sujette directement à l'empire.
Mais celte élévation lui fut fatale. Dès la fin du XW siècle ,
une rapide décadence faisait passer la seigneurie, démembrée,
dans les mains des comtes de Linange.
En i56(), elle entra sous la souveraineté de la I-oiraine, et
donna lieu dans la suite à d'inextricables difficultés.
Gobert VI, fils de Gobert V et d'Isabelle de Kievrain, avait
NOTES ET REMARQUES. 297
succédé à son père en i3o2, sous la tutelle de sa mère. Il avait
épousé Marie, fille de Tliiébaut, comte de Bar, qui lui donna
deux fils. Il survécut à peine à celte guerre, car un acte de 1826
règle le doiiaire de sa veuve.
Les armoiries de la maison d'Apremont sont : de gueules à ht
croix dargcut.
Str. 175, V. 3.
Henry de Faulquemont est le même que cet Henry de Fénes-
Irange que nous avons vu rançonné à sept mille livres sur pa-
role, grâce à l'intervention des soldoyeurs ses amis.
La seigneurie de Faulquemont était dans les domaines de
la maison de Fénestrange dès le XlIIe siècle. Elle était primiti-
vement fief de l'évêché de Metz, et fut engagée par Jean de
Fénestrange au duc de Lorraine, à la fin du XIV" siècle. Elle
resta depuis lors fief du duché.
La postérité masculine des Fénestrange s'étant éteinte vers
1480, la seigneurie de Faulquemont fut usurpée par les comtes
de Linange; mais, après un siècle de contestations, les seigneurs
de Haraucourt y rentrèrent, à titre d'héritiers de Marguerite
de Fénestrange. Elle fut érigée en marquisat par le duc Charles
IV, en faveur d'Elysée de Haraucourt, en 1629. Plus tard,
Faulquemont fut centre d'une prévoie bailliagère sous le parle-
ment de Nancy, fondue en ijSi dans le bailliage de Boulay.
Elle est aujourd'hui chef-lieu d'un canton de l'arrondissement
de Metz.
Cette petite ville^ située près de la Nied allemande, était entou-
rée de murailles et possédait un vaste château. Ces défenses fu-
rent détruites au XVII* siècle, pendant la guerre de Trente ans.
Str. 17(1, V. I.
Le personnage que le poëme nomme messire Ainbluis, et qui
signe le traité de paix au nom de Henry Dauphin, sous le nom
de a Monseigneur Amblard, noir, chivclliers », est Amblard de
Beaumonl (et non Artaud, comme l'appellent par erreur les
298 ^OTES ET REMARQUES.
historiens tle Melz). Il était, avec Guy de Groléc et Andié de
Grenoble, un des trois personnages laïcs que la confiance d'Henry
Dauphin avait amenés du Dauphiné, pour leur confier l'admi-
nistration du temporel de son évèché.
Amblard de Beaumont était réservé à un rôle considérable
dans les négociations (|ui précédèrent la donation du Dauphiné
à la France par le Dauphin Humbert II. Il fut l'àme de ces né-
gociations et y déploya un tel dévouement à l'idée française,
que le roi de France l'en rtcompensa, en i343, par une pension
viagère de fioo livres, et par le titre de son conseiller.
Str. 177.
Les Messins, il faut l'avouer, montraient une étrange naïveté,
en s'élonnant si fort de voir leur évêque uni à leurs ennemis.
Ils pouvaient cependant se dire que, depuis quelques années,
ils n'avaient rien négligé de ce qui était de nature à indisposer
contre eux les prélats placés à la tête du diocèse. En toute oc-
casion et partout où ils avaient cru voir un abus à corriger, ils
n'avaient pas craint, malgré toutes les protestations, d'introduire
l'action du pouvoir civil dans les choses religieuses.
Rien que l'énumération de quelques atours, depuis le com-
mencement du quatorzième siècle, en dehors des autres griefs
énuinérés dans Vlntrocltiction^ montrera quel était leur esprit
au sujet des rapports de l'F-glise et de l'fîtat.
I. Atoiiv du 9 «177/ i3o4.
Les religieux et religieuses sont déclarés inhabiles à recueillir
tout héritage après leur profession faite.
II. Atonr (le janvier i3o5 (i3oO, n.s.).
Défense à la justice épiscopale de se tenir sur les escaliers et
la place de Chambre.
III. jétoitr (lu 9 mars 1 807 (i3o8, //. s.).
Fixation du nombre des religieux dans les maisons d'ordres
mendiants, et défense de le dépasser jamais,
IV. Création de vingt-six prud'hommes pour surveiller l'ad-
ministration de la justice en dehors de toute confirmation épis-
copale. (î3i2, — i3i3.)
NOTES ET REMARQUES. 29»
V. J lotir (le janvier i3i3 (i3i4, ". s.).
Répartition des amendes entre les Treize et la Ville, sans que
l'évêqiie y ait part,
VI. Alourdit lo juillet i3i4.
Défense f&ile à tout laïque de charger son héritage de cens,
de rentes et de pensions, au profit de « nulz clercs ne de nulles
gens de religion ne de nulle clergiel ».
Vil. Alour (lu lo juillet iBaa.
Règlement pour la réforme des moines des abbayes de Béné-
dictins, avec intervention de la police municipale, et applica-
tion d'amendes sévères.
VIII. Jlour (lu 3o mai iSaS.
Défense faite de faire figui-er dans un testament le nom d'au-
cune personne engagée dans un ordre religieux, et de la choisir
pour exécuteur testamentaire.
Str. 178, V. 7.
Un impôt, consistant dans le meilleur habillement complet de
quiconque mourait à Melz^ avait été établi par l'évèque Conrad
de Scharpheneck, en lasa, au profit de la commune, pour l'ai-
der à la construction du pont des Pucelles, ou Moyen-Pont-
desMorls, en face l'hôpital de Chambre. En 1282, il fut attri-
bué à l'hôpital Saint-Nicolas, à la condition qu'il prendrait à sa
charge la construction et l'entretien de quatre ponts en pierres
sur la Moselle, à raison de l'achèvement d'une arche par an.
Mais, malgré des injonctions sévères et réitérées, comme le pro-
duit de l'impôt était insuffisant, la fin de la construction se fit
longtemps attendre. Un atour de i3i2 nous apprend que le
pont des Morts élait encore presque entièrement en bois. On
comprend donc cet incendie allumé par les ennemis à l'extré-
mité de ce pont. On voit encore dans la Moselle, aux basses
eaux, quelques restes des pilotis sur lesquels était supporté le
pont de bois de \'i'il\, dont la direction différait de celle du.
pont de pierre qui l'a remplacé.
30O NOTES ET REMARQUES.
Str. 182, V. I.
Les paroisses de Metz, en i3j4, étaient au nombre de vingt,
nombre qui ne fut d'ailleurs jamais dépassé. Presque toutes da-
taient d'une époque très-reculée. En voici la liste :
Saint-Marcel, Saint-Georges, Saint -Livier, Saint-Médard,
Saint - Ferroy , Sainte- Segoiène, Sainte-Croix, Saint- Victor ,
Saint-Jacques, Saint-Gorgon. Saint-Hiiaire-le-Grand, Saint-Hi-
laire-le-Petit, Saint-Vit, Saint-J«an, Saint-Martin, Sainte-Gen-
goulf, Sainl-Simplice, Saint-Etienne, Saint-Maximin , Saint-
Eucaire. Le nombre des édifices consacrés au culte, collégiales,
chapelles, couvents, etc., était au-delà du chiffre de soixante.
La construction du Retranchement de Guise, celle de la Cita-
delle, eurent jiour conséquence la suppression de cinq de ces
paroisses; la transformation de la place de l'Hôtel de ville en fit
disparaître une autre : à la révolution; Mclz comptait donc qua-
torze paroisses ; sur ce nombre, le concordat maintint seulement
ce titre à quatre: Sainte-Segolène, Saint-Eucaire , Saint-Maxi-
min, Saint-Marlin. Il le conféra aux églises Saint-Simon (Cha-
noines réguliers), Notre-Dame (Jésuites), Saint-Vincent (Béné-
dictins), en tout sept. La plupart des anciennes églises parois-
siales, vendues à la suite de la Révolution, ont maintenant dis-
paru.
La paroisse était la division administrative adoptée sous plu-
sieurs rappqrls. Chaque paroisse nomniait chaque année un
comte, magistrat choisi dans la classe populaire, et spécialement
chargé de défendre ses intérêts auprès du grand conseil de la
cité.
Str. i83, v. 6.
La prise d'eau qui alimentait les fossés des fronts Saint-Vin-
cent et Chambière, au moyen des eaux du bief supérieur des
moulins de Metz, était placée en face des jardins actuels de la
Préfecture, et le canal qui amenait ces eaux était creusé sur le
terrain de l'abbaye Saint-Vincent : c'est là ce que signifie l'ex-
pression painij les freires.
NOTES ET r.EMARQUES. 301
Str. i84, V.b.
Voyez les derniers alinéas de la note suivaule, relative à l'en-
ceinte de Metz.
Sfr. i85, V. 3.
L'enceinte de Metz, nu moment de la guerre de i3'j/|, était
formée d'un grand nombre de tours, d'une importance plus ou
moins grande, reliées par des murs épais non terrassés, précédés
d'une fausse braie snr les points les plus exposés. Ces tours
étaient crénelées et surmontées d une plate-forme qui communi-
quait avec un chemin de ronde. Les étages inférieurs étaient
ouverts de meurtrières, et pouvaient contribuer à la défense.
De CCS tours, trente-quatre portaient le nom et étaient confiées
à la défense d'un des corps de métiers de la ville. Toute la par-
tie de l'enceinte qui s'étend le long de la Seille et de la Mo-
selle, entre la porte Mazelle et le pont Saint-Georges, est encore
debout, et permet de prendre une connaissance très-exacte des
procédés de fortification auxquels la vieille cité impériale a dû
si longtemps la sauvegarde de son indépendance. La série de
tours qui forme la clôture de l'arsenal d'artillerie a même été
l'objet d'un soin respectueux et d'une restauration intelligente.
On y retrouve encore intactes, entre la porte des Allemands
elles barres de la Basse-Seille, la tour des potiers d'étain, celle
des barbiers et chandeliers de cire ; entre les barres de la Basse-
Seille et la porte au pont-Rengmont (porte Sainte-Barbe), celle
des tanneurs; entre cette porte et les barres du Rhinport
(pont Saint-Georges), celles des boursiers, des tailleurs, des
chaudronniers, des maréchaux, des couteliers, des bourreliers
(wercolliers) , des cordiers et meuniers (chevriers et mos-
niers) et des tisserands. Entre les barres de Rhinport et la
portedu Pontiffroy étaient celles des pêcheurs, des vanniers (cs-
cre[)cnniers), des couvreurs (recowai tours), des charrons, des
cordonniers (corvoisiers), des revendeurs; entre les deux ponts,
celle des tonneliers. En face du grand Saulcis, la tour des pein-
S02 NOTES ET REMARQUES.
très. Entre la Moselle et la porte Scarponaise, celles des vigne-
rons, des bouchers, des charpentiers, des boulangers, des chan-
deliers de suif, des drapiers et des lainiers. Entre la porte Saint-
Thiébaull et laporte Mazelle, celles des merciers, des cloutiers
(clowetours) et des fripiers (viéciers.) Enfin, entre la porte Ma-
zelle et celle des Allemands, la lourdes haranguiers. Les autres
tours étaient réservées soit aux soldoyeurs, soit aux bourgeois
et manants, non compris dans les corps de métiers.
Nous n'avons cité dans la précédente nomenclature que les
portes actuellement ouvertes à Metz; mais, à l'époque qui nous
occupe, le nombre en était bien plus grand. Il s'élevait à dix-
huit, dont voici les noms et l'ordre, par rapport à celles qui
ont été conservées :
La porte Serpehoise,
— Saint-Thiébvult,
— Chauleruelle,
— Des Repenties,
La poterne Saint-Nicolas, sur le champ Nemmery.
La porte Mazelle,
— Des Allemands,
— Du pont dame Collette,
— Au haut Champé,
— En Chaudelrue,
-— Au Pont Rejvgmomt,
— A la Saulx-en-Rliinport,
— En Chambière,
— De costé l'hostel S"" Nicolle-Lambert , oultre Mu-
zelle,
Du POKTIFFEOY,
— Du PONT DES Morts,
— En Angleniur,
— Patair, qui estait on meis Cliaile.
Le premier soin des Sept de la guerre, préposés à la défense
delà ville, fut de faire murer neuf de ces portes qui rendaient
la surveillance très-difficile, par suite de leur nombre et de
l'habitude qu'on avait d'y passer, tant de jour que de nuit.
NOTES ET REMARQCES. 303
Il faut ajouter que l'enceinte de Metz, telle que nous venons
de la définir, n'était pas complète en i324-
La villeétait, au XIIl« siècle, sortie de sa vieille ceinture de
murailles, et avait pris un développement considérable dans
tous les sens. lia partie dite d'Outre-Moselle, jusqu'au hras
gauche de la rivière, n'était jusque-là défendue que d'une ma-
nière fort imparfaite. Nous assistons dans le récit de la guerre
à raclîèvement de l'enceinte et à l'ouverture des fossés de ce
côté. Du côté d'Outre-Seille, il restait encore beaucoup à faire.
Les fortifications de la nouvelle enceinte étaient finies d'une
parwjusqu'aux barres de la Haute-Seille, de l'autre jusqu'aux
barres de la Basse-Seille ; mais elles ne l'étaient pas entre ces
deux points : au-delà de la porte Mazelle, les faubourgs de Ma-
zelle, de Saint-Julien, de Sloxey, des Allemands, attendaient
encore leurs défenses définitives. Aussi l'ordonnance du 6 oc-
tobre i324» relative aux Sept de la guerre, commande-t-elle que
ces points faibles soient munis sans retard, par les soins des
habitants des quartiers, de « bons fossés, bons murs ou bons
paslis ". On doit croire que le temps manqua pour élever les
murailles et creuser les fossés, et qu'on dut se contenter de
bonnes fortifications de campagne. On voit du reste, par l'atta-
que infructueuse du faubourg Saint-Julien, qu'elles offraient
une résistance suffisante.
Ce ne fut que vers i38i que ce côté de l'enceinte reçut son
ancien achèvement. Les tours des potiers d'étain et des haran-
guiers ne figurent donc pas au nombre de celles qui furent
armées par les métiers en i324.
Sir. 196, V. 7.
Dans le pays messin, et particulièrement dans les villages, il
n'existe pas de bonne fête, soit publique, soit privée, sans qu'il
y soit fait une grande consommation de gâteaux, appelés taries
ou tourtes. C'est ainsi que s'explique le saint Toituel du
poëme.
301 NOTES ET REMARQUES.
Sfr. 198, ?'. 3.
On appelle nwiiée, dans le langage dos vignerons messins,
l'amas de paisseaux ou éclialas, qui est fait chaque automne
après la récolle, jusqu'après la clôlure des travaux d'hiver.
On donne également ce nom ù la superficie du terrain dont
les échalas sont ainsi réunis en un tas. Ce terrain repiésente
la liuilièuie parlier/'««yo«/', c'est-à-dire la vingt-(juatrième j)artie
d'un hectare. C'est encore aujourd'hui sur la base de celte
mesure toute locale que se font les marchés et arrangements
relatifs aux vignobles du pays messin.
•S7/'. 2o5, V. (5.
La commanderie de Saint-Antoine du Pont-à-Mousson exis-
tait dès le Xlle siècle. Elle avait pour but de venir en aide
aux malades atteints An feu .incié ou feu Sriint-yJnfoine, ce ter-
rible fléau des XI" et Xll* siècles. Celte maison portait le litre
de commanderie générale de Lorraine, et aussi celui de bail-
liage de Liège. Le inonaslère, qui était magnifique, fut attribué
aux Jésuites en 1572, et les Pères de Saint-Antoine se retirèrent
sur la rive gauche de la Moselle, laissant leur antique demeure
au Collège qui se rendit si célèbre sous le nom de l'Université
de Pont-à-Mousson.
Str. 218, 7. 3.
Richemont (en allemand Reichersberg), près du confluent de
l'Orne et de la Moselle, canton de Thionville, était un fief du
comté de Luxembourg, placé sur la frontière même du comté
et du pays Messin.
Il possédait un ancien château fort, connu sous le nom d'Or-
nelle, qui fut rebâti en i4ii par le comte de Wernembourg,
avec des défenses plus imposantes que par le passé. Ce château
fut détruit, en i484» par les Messins et les Lorrains alliés ensem-
ble, pour réprimer les pilleries auxquelles se livrait son seigneur.
Le siège de Richemont forme une des pages les plus intéres-
santes de l'histoire militaire delà cité de Metz.
NOTES ET REMARQUES. 305
Sir, 219, V. i.
Florange (en allemand Floerchingen), canton de Thionville,
était une ancienne résidence royale devenue tîef du comté de
Luxembourg, (|ui fut donnée en ii35 par l'empereur Lo-
ihaira II à son neveu Robert de Lorraine, fils du duc
Simon I*'. Ce prince en prit le nom, et ses descendants conser-
vèrent la seigneuriejusqu'au commencement du XV* siècle, où le
comte Robert III étant mort sans postérité, sa sœur. Lise de
Florange, l'apporta dans les domaines de Collard P"' de Marley,
son époux. Sa petite-fille, Jeanne de Marley, la fit entrer dans
ceux de l'illustre maison de Lamarck.
Le château de Florange fut détruit en iSaS par Charles-
Quint, et la seigneurie confisquée sur Robert II de Lamarck.
Ce château était très-considérable. Son importance militaire
s'était souvent affirmée sous la race belliqueuse des seigneurs
auxquels il avait appartenu.
La maison de Florange portait pour armoiries, depuis i3o3,
de gueules à la bordure dentelée d'argent au lion d'or.
Str. 23 1.
Jouy-aux-Arches (canton de Gorze), sur la rive gauche de la
Moselle, doit son nom à l'aqueduc romain, œuvre du IV« siècle,
dont un fragment important subsiste sur son territoire, et
qui amenait à Metz les eaux pures et abondantes des sources de
Gorze.
Ce même travail a été renouvelé dans ces dernières années,
mais par des principes tout différents. Les Romains avaient
creusé leur aqueduc souterrain à flanc de coteau, dans des ter-
rains peu stables, et leur œuvre fut rapidement détruite. Le
travail moderne, au contraire, a frayé un chemin aux eaux de
Gorze à travers une galerie directe creusée sous un massif
montagneux, à l'abri de toute chance de glissement.
Str. a34.
Je crois qu'il faudrait lire « Aubert de Nancey ». Je ne sache
pas qu'il existe de Narcey dans aucun catalogue de l'ancienne
20
506 NOTES ET REMARQUES.
ohevalerie de Lorraine; il se pourrait donc qu'il y eûl lieu de
reconnaître sous cette qualificalion un membre de l'illustre fa-
mille de Lenoncourt, à laquelle elle avait appartenu dès le
XI' siècle, et qui l'avait conservée bien longtemps, après avoir
échangé avec les ducs de Lorraine la seigneurie de Nancy contre
celle de Lenoncourt. Ce n'est, en effet, que vers le milieu du
XIV* siècle^que ce nom cesse d'être en usage dans cette noble
maison.
La maison deNancey ou de Lenoncourt, de nom et d'armes,
célèbre en Lorraine depuis 1048, honorée du titre d'un des
quatre grands cheiatix du duché et des plus grandes dignités de
l'Etat, portait pour armes : d'argent, à la croix engrelée de
gueules.
Str.
ajg.
Briey, chef-lieu d'arrondissement delà Moselle, au-dessus du
Rù-de-Mance^ est une très-ancienne ville, placée sur une hau-
teur, dont les Romains avaient reconnu l'importance stratégi-
que. Siège d'un comté dans le duché de Mosellane au VIII"-" siè-
cle, on croit le reconnaître sous le titre d'un des deux comtés
de Wocvre indiqués dans le partage du royaume de Lothaire,
eu 870.
La maison de Briey, qui le possédait aux XI» et XII» siècles,
et qui était une branche de la maison de Bar, échangea, vers
1225, cette seigneurie contre celle de Landres avec le comte de
Bar, qui fit de Briey une de ses meilleures forteresses et le siège
d'une prévôté très-étendne.
La ville était défendue par une forte enceinte, dont une par-
tie existe encore, et par deux châteaux puissants. Elle fut assié-
gée plusieurs fois, et résista toujours aux attaques de l'ennemi,
ju«qu'en i475, où Charles le Téméraire s'en empara.
Str. 24a.
Saint Nicolas, archevêque de Myre, « le grand thaumaturge
de la Lorraine,» comme on l'a appelé, a été pendant bien des
. siècles invoqué comme le principal patron de cette province. Il
NOTES ET REMARQUES. 307
y est l'objet d'un culte spécial, depuis la fin du XP siècle, où
une portion notable de ses reliques fut apportée de Bari-en-
Pouille, et déposée à l'église d'un bourg nommé Port, sur la
Meurlhe^ chef-lieu d'un canton que l'on appelait le Pagiis Por-
te nsis.
Ce bourg, où affluèrent les pèlerins, attirés par l'éclat de nom-
breux miracles, et où furent établies deux foires célèbres, ne
tarda pas à devenir une ville qui eut ses jours de splendeur.
Elle en conserve, comme souvenir, une admirable église, bâtie à
la fin du XV^ siècle, et qui est encore une des merveilles archi-
tecturales du pays.
Str. 249.
L'auteur du poëme ne savait pas qu'il se rencontrait, dans ce
reproche, avec une des pensées favorites d'un prince, par-dessus
tout avide de gloire et de mouvement. Jean de Bohême brûlait,
en effet, de porter la guerre en Terre Sainte contre les Sarrasins,
« Ardebat de.siderio proferendœ inter bavbaros religionis chiis-
tianœ. » (Raynaldus, Annal, eccies., t. XV, 807^ n" 3o.)
Le i*'"" avril iSaô, aussitôt après la signature du traité de paix,
il écrivait au pape Jean XXIt pour lui faire connaître son in-
tention d'entreprendre une expédition en Palestine, et recevait
du pape u rie réponse pleine de félicitations et de bénédictions.
Mais les événements qui suivirent ne lui permirent pas de don-
ner suite à celte idée grandiose, mais sans doute bien téméraire.
Sir. 'jtS/,.
Gréhange(en allemand Kriechingen), canton de Faulquemont,
maison d'ancienne chevalerie, de nom et d'armes, était de toute
ancienneté une seigneurie considérable^ fief du duché de
Lorraine.
En 1617, l'empereur Mathias l'érigea en comté, terre immé-
diate d'empire, dans le cercle du Haut-Rhin, avec le consente-
ment du duc de Lorraine. Après l'extinction de ses anciens
dynastes, le comté de Créhange passa par héritage aux princes
de Wied-Runkel, auxquels il fut enlevé, par décret de la Cou-
308 .NOTES ET REMARQUES.
ventioii, du t4 février 1798, qui l'annexa à la France. Il com-
prenait, au XVII® siècle, dix-sept châteaux et quarante seigneu-
ries. Les armoiries de Créhange étaient : d'ari^eut, à la fasce de
ifiteiiles, écfir/e/e de gueules à la croix ancrée d'or.
Le siège de la seigneurie de Créhange était un chàteau-fort
très-ancien, carré et à quatre tours, avec de profonds fossés,
dont les ruines existent encore.
Mengen-sur-Bliese (Baviè)-e-Rhénane) était le siège d'une
seigneurie, fief du comté de Luxembourg, qui fut apportée
dans la baronnie de Raville et dans le comté de Créhange, et dont
les domaines féodaux s'étendaient dans le pays Messin ; c'est
ainsi que Courcelles, Chaussy, Frécourt et Landonvillers rele-
vaient encore au XVII^ siècle de la seigneurie de Mengen.
Str. a 55.
Warsberg, canton de Boulay , est un château du duché de
Lorraine dont l'histoire est pleine d'incidents belliqueux, il
y avait deux châteaux du même nom et tout à fait voisins :
celui qui existe encore était dénommé la Neuve Warnesperch,
ou le Nuef chaistel devant la vieille Warneperg en iî6a. La sei-,
gneurie en fut rachetée en laga par le duc Ferry III, qui la
donna en i3o3 à Mathieu de Lorraine, son petit-fils, lequel
y établit pour châtelain Jean de Mengen. Les descendants de ce
dernier se transmirent héréditairement le fief et le nom, qu'ils
portèrent noblement avec le titre de baron jusqu'à nos jours.
Str. aSg, v. 3.
Henry d'Apremont, de l'illustre famille qui avait déjà donné
des évêques aux diocèses de Metz et de Verdun, fut nommé
évêque de cette dernière ville en i3i3, par le pape Clément V,
à la suite de la résignation de ce siège par Nicolas de Neu-
ville, son soixante-sixième évéque.
Pendant la durée d'un épiscopat de trente-sept ans, qui fut
rempli d'orages, il eut souvent des querelles avec les bourgeois de
NOTES ET REMARQUES. 809
Verdun (i), se vit pour auxiliaire puis pour adversaire le comte
de Bar, et dut le rétablissement de la paix à l'intervention
bienveillante des rois de France. Il mourut en iSSp, après un
épiscopat qui ne fut ni sans grandeur, ni sans bienfaits, et eut
pour successeur Otiion de Poitiers, neveu de l'évêque de Metz,
Louis de Poitiers. Henry était oncle de Gobert VI d'Apremont,
son allié dans la guerre de 1324.
Sfr. ny6, ?'. 3.
Pierre de Bar était le troisième fils de Thiébaut II, comte de
Bar, et de Jeanne de Tocy. Son frère, Renauld de Bar, évéque
de Metz et régent du comté, avait fait construire le château de
Pierrefort, qu'il lui donna en i3i3. Il en fit ses reprises du
duc Ferry de Lorraine, en i3a2, par suite du traité intervenu
entre ce prince et Edouard de Bar.
L'histoire de ce château est des plus intéressantes, surtout
sous la seigneurie de Pierre II de Pierrefort, petit-fils du pre-
mier possesseur, personnage remuant et belliqueux, qui fit à la
cité de Melz une guerre sans merci, et mourut en i38o, ne lais-
sant pas d'héritier de son nom. Pierrefort rentra alors dans le
domaine des ducs de Bar.
Le château fut détruit en i636, par le maréchal du Hallier.
Les restes en sont encore très-dignes d'être étudiés.
La maison de Bar-Pierrefort portait pour armes : d'or à un
lion issant de i^ieides.
Str. 282, V. I.
C'est de sire Jacques Grongnat qu'il est ici question, et
M. Dupré de Geneste s'est trompé, quand il a écrit en note de
sa copie : de Gournoy. J'avoue qu'il y a une analogie sensible
(1) De ces démêlés trop fréquents, plusieurs témoignages nous sont par-
venus. Dans le nombre, deux des pièces les plus intéressantes ont été pu-
bliées par M. Bonnardot à la suite de son Rapport au ministre de l'Instruction
publique sur les Chartes françaises de Lorraine et de Metz {Archives des
Missions, 3« série, t. I, 1873: et tiré à part, Durand).
310 NOTES ET nEMARQUES.
entre la forme du nom donné par le poème, Gronés, et la déno-
niinatinn ordinaire de l'illustre famille de Gournay à la même
époque^ Gornais, Gronais; mais la suite de la strophe ne per-
met pas de s'y tromper. Du reste, il ne faut pas croire qu'il y
a seulement dans i a terminaison du nom une concession faite
aux exigences de la rime ; plusieurs pièces authentiques du
XIV* et du commencement du XV^ siècle, relatives à la famille
Grongnat attribuent à son nom l'orthographe : Grogniet,
Grougnet.
Str. 285, v. 3.
On sent tout ce qu'il y a de profonde satisfaction et de sécu-
rité rassurée dans ce terme notre évéque, appliqué au successeur
de l'inconstant prélat, que la cité avait vu si peu fidèle à ses
devoirs de pasteur. Lors de l'abdication de Henry Dauphin, le
pape, laissant cette fois encore de côté les droits électifs du
chapitre, donna l'évêché de Metz à Louis de Poitiers, évêque de
Langres, qui était fils d'Aimard III, comte de Valentinois, et
d'Hippolyle de Bourgogne. Nous avons dit qu'il se rapprocha
de ses diocésains, fit avec eux une paix sincère, et contribua à
la pacification générale.
Malgré ses efforts, aussi intelligents qu'énergiques, pour
remettre en ordre les affaires de l'évêché (chargé, à son avène-
ment, de plus de 200,000 florins de dettes), l'impuissance où il
se trouva de réparer tant de ruines, au milieu de troubles per-
sistants, le décida à résigner son évêché en iSay. Il se retira à
Montélimart, où il mourut la même année. Il eut pour succes-
seur sur le siège épiscopal son neveu Adhémar de Montii, un
des plus éminents prélats de son temps.
Sir. ugi, V. 6.
L'abbaye de Saint-Benoit, en "Woëvre, de l'ordre de Cîteaux,
était située à droite de l'Yron, sur la route de Thiaucourt à
Verdun. Elle fut fondée en 1129 par le comte Erard de Rinel,
dans la forêt de Richéménil, et confirmée par l'évêque de Metz,
Etienne de Bar, en it38. Elle était d'abord placée sous la règle
NOTES ET REMARQUES. 311
de saint Benoit, et prit celle de saint Bernard en ii53. Cette
abbaye, une des plus riches du comté de Bar, avait reçu de
grandes libéralités des seigneurs d'Apremont.
Sir. 293, V. 5.
Il s'agit de la belle forêt de Jf^arendwald , qui couvrait
tout le pays entre Saint-Avold et Sarrelouis. Les bois de la
Houve, de Longeville, de Saint-Avold, du Zang et de Forbach,
en faisaient partie, et sont restés à la France en 18 15. La plus
grande partie du Warendwald est alors passée à la Prusse.
Elle est désignée dans les chartes sous les noms de : sylva
JFernest(iiyi)^ Famés t {i7.35), P^arent {iiôy), TFarando {iijo'),
Warant (i33i)..., le bois de Warrance , dans la chronique de
Praillon.
Elle dépendait pour partie de Tabbaye de Wadgasse, et pour
partie du comté de Sarrebrùck.
Str. 294, V. I.
Sous ce nom de Val de Gosanges, si défiguré qu'il soit, il n'y
a pas de doute qu'il faut reconnaître l'abbaye de Wadgasse ,
de l'ordre de Prémontré, fondée en ii35 par Giselle de Lor-
raine, veuve de Frédéric, comte de Sarrebrùck, et par Simon ,
son fils, près du confluent de la Sarre et de la Bisten.
Cette célèbre abbaye, riche et puissante , dépendait pour le
temporel du cercle du Haut-Rhin, et son avouerie appartenait
à l'archevêque de Trêves.
P^lle fut cédée à la Lorraine en 1766. Mais la justice, ainsi
que la gruerie de la belle forêt de Warendwald, ne cessèrent
pas de lui appartenir. Elles étaient confiées à un bailli, dont
les appels étaient portés au parlement de Nancy.
20*
NOTES ET REMARQUES.
NOTE SUR LES MONNAIES.
Il n'y avait pas identité entre le système monétaire de Met/
et celui des États voisins : cependant ces systèmes se rattachaient
généralement les ans aux autres par des types communs qui
formaient également la base principale du système français, et
dont le <'/(>««>/- d'argent était le plus ordinairement en usage.
Il n'est pas aisé d'établir d'une manière précise et méthodique
la série des monnaies usitées , parce que, il faut bien le dire , la
contrefaçon, plus ou moins déguisée, était fort à la mode au
XIV® siècle. Cette contrefaçon choisissait principalement pour
modèles les pièces de la France ainsi que celles de l'Angleterre,
dont le type, sous le nom iVcsterlin, était adopté avec la plus
grande faveur dans toute la région du nord-ouest de l'Europe.
Sauf à Metz qui ne connut jamais ce genre d'industrie, l'imita-
lion des monnaies étrangères, avec affaiblissement du titre, était
généralement pratiquée.
C'est à ce point que dans les villes épiscopales de langue
française, ses voisines, la monnaie locale n'existait pour ainsi
dire plus qu'à l'état de monnaie de compte, servant de commune
mesure aux monnaies réelles venues du dehors ou à celles frap-
pées dans le pa^s, au type plus ou moins défiguré des voisins.
Ainsi, à Verdun, les pièces de Henri d'Apremont sont presque
exclusivement des imitations des mailles blanches ou des dotiblcs
pnrisis des rois de France : à Toul, celles de Jean d'Arzillières et
d'Amédée de Genève reproduisent les mêmes types, et de plus
ceux de Bar et de Lorraine.
De là, des tarifs s'abrogeant les uns les autres et se renouve-
lant fréquemment, au grand profit des changeurs, lombards et
autres, héritiers de la puissante corporation des monétaires qui
avait joué un rôle si important sous les Mérovingiens (i).
La monnaie de Metz qui appartenait encore aux évêques ,.
mais dont la ville avait obtenu, en lagi, une cession momen-
(1) Voir, pour se fuire une idée de la complication des tarifs de change,
Yalourtur la monnaie du 26 fé vrier 1539 (Hist. de Metz, IV, p. 88 des Prtnves).
NOTES ET REMARQUES. 315
tanée, avait le denier pour point de départ : mais elle ne pré-
sentait pas encore cette belle série des multiples de cette valeur,
qu'elle devait former un peu plus tard, à la suite de la cession
définitive du droit de monnoyage faite par l'évêque Thierry de
Boppart. Comme monnaies courantes on faisait usage du double
denier, du denier, de la maille ou demi denier et de Vangevine o\x
quart de denier : comme monnaie de compte, de la livre qui
valait vingt sous, et du sol qui valait douze deniers. Le florin
d'or (dont la ville ne devait frapper pour son compte qu'un
peu plus tard) était pris pour une valeur de douze sous.
La monnaie de Lorraine se composait, sous Ferry IV, du
double denier et du denier au type local, que l'on appelait des
espadins à cause de l'épée qui y figurait, de gros et deniers,
imitation quelquefois servile des gros tournois et des deniers pa~
risis de la monnaie royale de France et ài'estcrlins ( au buste
royal et à la croix simple au f^), de la valeur de quatre deniers.
Dans le comté de Bar, cette dernière pièce était aussi fort en
usage ; mais on y trouvait aussi des gros et de ses subdivisions
au type français, ainsi que des mailles tierces à l'imitation de
celles de France, mais altérées à ce point qu'en iSai , la valeur
de cette pièce tombait en quelques jours de trois à deux deniers.
En Lorraine et à Bar, la monnaie divisionnaire en usage, au-
dessous du denier, était Vobole, qui en valait la moitié.
Dans le Luxembourg et l'archevêché de Trêves, comme dans
le comté de Namur, la Flandre, le Brabant, levéché de
Liège, etc., la. monnaie usuelle était principalement au type de
Vesterlin, avec ses subdivisions le demi et le quart.
Voici le tableau de ces diverses monnaies avec leur valeur en
deniers, dont l'unité pouvait être considérée comme leur servant
de commune mesure :
Le gros =: 12 deniers.
Le demi-gros = 6 deniers.
La bugne, l'esterlin = 4 deniers.
Le blanc, la maille tierce, le quart de gros = 3 deniers.
Le double, le demi-esterlin = a deniers.
Le denier.
L'obole, la maille = demi-denier.
L'angevine ;== quart de denier.
31!» NOTES ET REMARQUES.
11 pourra paraître intéressant de se faire une idée de la somme
actuelle représentée par ces monnaies. Or l'ordonnance d'octo-
bre iSïa fixe à la livre, au sol et au denier tournois, en poids
d'argent, une valeur intrinsèque de i3 fr. l^o, o (r. 67 eto fr. o5fi.
Celle du gros tournois et de l'esterlin était de o fr. 88 et o fr. a8 (1).
La livre messine, il est vrai, valait à cette époque beaucoup plus,
ainsi que le prouve l'atour de i334 sur la taille des monnaies;
mais cela reste, par le fait, en dehors de notre sujet, les conditions
financières stipulées dans les traités spécifiant généralement l'em-
ploi des monnaies françaises.
Il résulte des savantes recherches de M. Leber sur i(ij>préciu-
tion (le la fortune prwécau moyen âge que le rapport du pouvoir
de l'argent, au conîmcncement du xiv^ siècle, à son pouvoir actuel
peut être fixé à 8 pour i. Ce coelficient appliqué aux chiffres qui
précèdent donnerait environ pour la valeur actuelle de la livre
tournois 107 fr. ; du sol, 5 fr. 3o; du denier, o fr. 45; du
gros 7 fr. ; de l'esterlin 1 fr. 20, et ainsi des autres.
Ceci posé, rien n'est plus facile que d'apprécier d'une manière
approximative la valeur actuelle qu'auraient les sommes indiquées
clans notre récit. Prenons pour exemple les i5,ooo livres de
Henry Dauphin , ainsi que les 54, 000 du roi Jean et du comte de
Bar , payées par les Messins. Ces deux sommes représentent
l'une i,fio5,ooo fr., l'autre 5,780,000 fr.
Les appointements de Conrad Rougraf pour sa compagnie de
4o hommes, représenteraient de même i3o,5oo fr. , soit
3,260 fr. par tête d'homme d'armes. Ceux qui, dans une position
plus modeste et ne disposant que d'eux-mêmes, ne prenaient
pas l'affaire à forfait et s'engageaient moyennant 20 I. une fois
payées et 20 s. par semaine, recevraient aujourd'hui pour prix
de leurs services a,i5o fr. de première mise et iio fr. par se-
maine, ce qui dépasse singulièrement les appointements de nos
sous-lieutenants.
(1) Cf. le mémoire de M. N. de Wailly sur les variations de la livre tour-
vois, dans les Mémoires de l'Institut, t. XXI, année 1857.
POESIES DIVERSES
SB RATTACHANT A LA GUERRE DE l324-
Maître LAMBELIN.
Maître ASSELIN, du Pont.
ROBIN DE LA VALLÉE.
HENRY DE HEIZ.
MICHELET PETITPAIN.
MARGUERON, du Pont-Rengmont.
JEHAN LE Châtelain,
Cliœnr de Saint-Vincent de Metz, xivc siècle.
SE
POÉSIES DIVERSES
RATTACHANT A LA GUERRE DE l324.
ARMi les manuscrits de la bi-
bliothèque de Metz se trouve,
sous le n" 8r, un beau vo-
lume, copié au XV® siècle sur
un manuscrit plus ancien,
qui contient toute une série
de pièces rattachées par un
lien plus ou moins direct à
[824. Il ne nous paraîtrait pas
juste de laisser dans un plus long oubli
ces compositions, contemporaines des faits
qu'elles relatent, et remarquables par le sen-
timent patriotique auquel elles ont du nais-
sance. Ceux qui y ont attaché leur nom, sauvé
par un hasard heureux des ombres de l'oubli, n'étaient
ceriainement pas des écrivains ni des lettrés de pro-
818 POÉSIES DIVERSES
fession. Cela se reconnaît aux nombreuses défectuo-
sités de la forme et au niveau peu élevé que ne
dépasse pas la coiiiposiiion. Du reste, il eût été sur-
prenant de rencontrer à Metz une pléiade de poètes,
dignes de ce nom tant par la pratique assidue que
par la parfaite connaissance de Fart d'écrire en vers.
Les mœurs sérieuses de cette ville active et labo-
rieuse ne se prêtaient guère aux élégants loisirs, non
plus qu'au raffinement délicat des choses de l'esprit.
Mais si le langage recherché de la poésie n'y était
pas l'objet d'études nombreuses et approfondies, il n'y
était pas davantage l'objet d'un ignorant dédain. La
récitation fréquente des anciennes chansons de geste,
si populaires au moyen âge dans nos contrées, plus
qu'ailleurs peut-être (Metz est le berceau de la Geste
des Loherains), n'avait pas laissé la population mes-
sine étrangère à la connaissance du rhytlime et des
règles de la versification. Il y avait peu de Messins
dont l'esprit n'eut été charmé de l'audition de ces
harmonieux et émouvants récits, et dont la mémoire
ne gardât précieusement quelque spécimen de cette
poésie, naïve et forte à la fois, que les trouvères savaient
entretenir dans un état de jeunesse incessamment re-
naissante.
Or, les graves événements que les citoyens de Metz
voyaient se dérouler devant eux étaient de nature à
produire dans leurs âmes une surexcitation pro-
fonde. Exaltés par la pensée du péril auquel était
exposé le plus précieux de leurs biens j l'indépen-
SUR LA GUERRE DE METZ. 819
dance, irrités par le spectacle qui leur était donné de
l'injustice, de la violence et de l'ingratitude, ils cher-
chèrent le moyen de fixer à jamais dans les esprits,
en la flétrissant, le souvenir de cette guerre odieuse,
si inique dans son origine, si brutale dans son exécu-
tion. Et quel moyen plus efficace d'y parvenir que de
recourir à cette langue des vers, susceptible de se
graver si facilement et si profondément dans la mé-
moire, à cette langue par la magie de laquelle ils
voyaient se prolonger dans la connaissance de tous, et
jouir d'une popularité toujours rajeunie, ces faits mer-
veilleux de la geste de Charlemagne et de celle des
Loherains, pourtant si reculés dans l'histoire du passé?
Ceux donc qui se crurent capables de s'y essayer
avec succès plièrent leur pensée aux exigences de la
mesure et de la rime, imposèrent à leurs récits une di-
vision méthodique, et c'est ainsi qu'une explosion de
patriotisme indigné amena une explosion de poésie po-
pulaire : chapitre intéressant de l'histoire de la langue
française au pays messin, auquel on chercherait vai-
nement à donner un pendant aux époques qui ont pré-
cédé celle-là, comme à celles qui l'ont suivie, jusqu'à
la fin du moyen âge.
Nous allons étudier successivement chacune des
pièces qui composent la série, et décrire avant tout
le précieux manuscrit auquel nous devons de les pu-
blier aujourd'hui. Il a pour titre : la Chronique deè
empereurs et rois de Bohême. C'est un grand in-4*',
de 28 centimètres sur 21, 420 pages^ relié en basane;
320 POÉSIES DIVERSES
a Le papier porte pour ninrque une balance de
8 centimètres de longueur, marque de fabrique qui
n'est pas indiquée dans Touvrage de Jansen. Les ver-
geures du pnpier sont tordues.
« Le volume est entièrement de la même écriture,
à part la table des matières, qui est fort détaillée, et
quelques passages qui sont, ainsi que cette table, d'une
fort mauvaise écriture, mêlée de ratures et de correc-
tions, donnant lieu de croire que c'est celle de l'au-
teur de la collection. Un examen attentif des deux
écritures, joint à la circonstance que le récit s'étend
jusqu'en i434, permet de croire que ce manuscrit a
dû être fait, à très-peu près, entre les années i434 et
i44o. » [Provient du cabinet de M. le comte Em-
mery (i).]
Bien que ce manuscrit soit le seul ancien qui, à notre
connaissance, renferme les pièces dont nous nous occu-
pons, nous avons cependant eu le bonheur de ne pas
être dépourvu de tout moyen de contrôle et de vériti-
catiou sur la fidélité de la copie. Un autre exemplaire,
en effet, existait à Metz avant la Révolution : entre
quelles mains ou dans quel dépôt? c'est ce que nous
ne saurions dire. Le manuscrit a disparu depuis celte
époque, mais une copie du xviu® siècle a été conservée
et figure sous le n" 82 dans la même collection muni-
cipale. Sans doute, cette copie est loin d'être correcte,
elle présente d'assez nombreuses lacunes de mots et
(1) Catalogue des manuscrits de In Bibliothèque de Metz (11° 81),
par M. J. Clercx, conservateur. Metz, Blauc, t856.
SUR LA GUERRE DE METZ. 821
d'hémistiches; néanmoins elle offre un intérêt particu-
lier, qui est de ne pas avoir été copiée sur l'exemplaire
qui vient d'être décrit. Certaines différences en font
foi; et ces différences, qui doivent être attribuées
moins à des distractions qu'à des corrections inten-
tionnelles de la part du copiste du xv* siècle, sont le
produit du souci légitime de rendre le texte original
plus accessible aux lecteurs contemporains (i). En
somme, la copie du xv^ siècle ne différait pas essentiel-
lement du poëme du xiv®. Mais, pour arriver à cette
conviction, il faut opérer au préalable une reconstitu-
tion attentive du texte, trop fréquemment défiguré
par le copiste du xviii® siècle. Bien qu'il ait pris soin
d'expliquer et de commenter en marge les mots dif-
ficiles ou douteux, il garde à sa charge de nombreuses
erreurs de translation, qui seraient cause de bien des
contre-sens, si l'on ne disposait que du texte qu'il a
laissé.
C'était cependant un habile antiquaire et un érudit
que M. Dupré de Geneste, écrivain et signataire de
notre copie. 11 joignait à son titre de receveur des
domaines du roi celui de membre fondateur et de se-
crétaire perpétuel de la Société royale des sciences et
arts, fondée à Metz en 1760 par le duc de Belle-
Isle. Ses études l'avaient initié à tous les détails de
l'histoire et des antiquités du pays messin et de la
Lorraine, et les collections de la ville, de même que
(I) Voir ci-dessous aux Notes pour l'établissement du texte.
21
322 POÉSIES DIVERSES
les archives de rAcadémie conservent encore de nom-
breux témoignages de sa profonde érudition et de son
infatigable amour du travail (i).
Dupré de Geneste avait donc eu la pensée de réu-
nir aux copies de pièces historiques , coUigées par
lui avec un rare discernement, celle du poëme de la
guerre de 1624 ainsi que des pièces annexes. C'est au
résultat de ce patient labeur, heureusement conservé,
que nous avons dû de pouvoir combler les quelques
légères lacunes que présente notre texte (2).
On peut admirer d'autant plus la persévérante pa-
tience qu'a montrée M. de Geneste en déchiffrant et
(1) Henry-Marie Dupré de Geneste, ué à Vilosnes vers 1717, mourul
à Metz en 1801. La Heviic d'Justrasie (18il, p. 325 et 1842, p. 33) a
consacré une intéressante notice aux travaux de cet éminent érudit.
Voici la liste des principaux ouvrages de M. Dupré de Geneste qu'
existent en manuscrit à la Bihl. de Metz :
lo Partie d'un volume contenant la copie de chartes d'un grand in-
térêt et un important discours sur l'histoire de Metz (1745): sous le
n<>136.
2° Un grand nombre de notices sur divers points d'histoire messine :
insérées dans le recueil n" 155.
3" Histoire numismatique de la Ville et des Évêques de Metz, ouvrage
resté inédit, du plus haut intérêt, avec dessins, etc. : sous le n» 195.
4" Recueil de notices sur les monnaies de Metz, de Lorraine; sur
des sceaux, jetons, etc., sous les n°' l'JG à 201.
5" Recueil de sceaux et armoiries des paraiges et des maîtres éche-
vins, avec dissertations: sous le n" 21 1.
6o Mémoires sur la Lorraine et le Barrois, choix de dissertations sur
différents points d'histoire: sous le n» 240.
{Catalogue des manuscrits de 3Ietz, par M. Clercx.)
(2) Le manuscrit qui a servi à M. de Geneste rappelle un souvenir
intéressant pour un Messin ; il avait appartenu à une noble dame, por-
tant un des noms les plus illustres dont notre cité se glorifie. C'est
SUR LA GCERUE DE METZ. 5»
en copiant plus de trois mille vers sur un manuscrit
imparfait, qu'il ne se sentait entraîné vers ce travail
que par un enthousiasme des plus modérés, au moins
sous le rapport de Tappréciation littéraire.
Nous en avons la preuve dans la note suivante par
laquelle il termine la copie du poëme de la guerre, et
dont la sévérité paraîtra, je l'espère, quelque peu ex-
cessive.
« Si jamais quelqu'un a la force de lire jusqu'au
bout cette pitoyable amphigourie, il ne manquera pas
de dire que j'ay eu bien de la patience ou du temps de
reste pour écrire cette copie. Je n'ay cependant ny
l'un ny l'autre. Mais j'tiy été bien aise d'ajouter à ce
que j'ai déjà recueilly sur Metz, et le détail d'une
ce qui résulte de ceUe note écrite par M. de Geneste, en tête de sa
copie :
« Sur le R» du feuillet blanc, en tête de ce manuscrit, est écrit :
Ce livre est a Dame Anne de Gournais
fille signeur Renaul de Gournais *,
et l'escripture de ce renseignement est uu peu plus belle et plus lisible que
celle de ce inanuscript qui, quoy qu'assés bien espacée et rangée, est gé-
nérallement assés difficile à lire et dans plusieurs endroits Indéchiffrable.
Mais je crois que ce qui en est cause c'est que le copiste qui mé paroît être
du XV" siècle n'a pas toujours sceu lire son original. Il a même passé en-
tièrement et a laissé en blanc la place de la 129o strophe et quelques autres
mots par-ci par-là. »
* Anne de Gournay était la seconde fille de Regnault dé Gournay, écUyer,
sieur de Villers-Laquénexy, maître échevin en 1499, et d'Alix Reniiot, dame
de Secourt, sa seconde femme, qu'il avait épousée le 19 juillet 1198. I,a
date de ce signet est antérieure à la mort tragique du seigneur de Gournay
écrasé sous les décombres de sa maison, le 20 février 1530 ; elle l'est éga-
lement au mariage de dame Anne qui avait épousé peu auparavant Warin
de Roucels, seigneur de Vernéville et d'Aubigny : on peut donc la fixer
très-approximativement au premier quart du xvio siècle.
324 POÉSIES DIVERSES
guerre dont nos chroniques ne disent qu'un mot, et
cet échantillon de notre littérature du quatorzième
siècle. »
L'éditeur actuel de cet ouvrage ne saurait assez se
féliciter du concours que lui réservait le savant secré-
taire perpétuel de la Société des sciences et arts de
Metz quand il lui préparait, « malgré son manque de
temps et de patience, » les précieux éléments du con-
trôle dont il est redevable à sa copie. Du reste, il n'est
pas le seul qui doive un hommage à cette mémoire.
Tous ceux qui ont étudié les antiquités messines, et la
numismatique lorraine en particulier, ont dû appré-
cier tout le parti qu'on peut tirer des matériaux amas-
sés par ses infatigables et sagaces labeurs. On peut dire
de lui en toute justice qu'il lui a manqué seulement un
théâtre moins obscur et un caractère moins modeste
pour se faire un nom éclatant parmi les érudits de
son temps.
Nous revenons maintenant à l'unique manuscrit an-
cien qui nous fournit le texte de notre publication, à
la Chronique des empereurs et rois de Bohême^ dont la
copie de M. de Geneste nous a un moment éloignés.
Les seize premiers chapitres de la série n'ont pas un
rapport direct avec notre sujet, qui n'apparaît qu'avec
le n" XVII, sous la forme de renseignements très-exacts
et très-précis sur les demandes des quatre princes
ligues et sur les réponses des Messins.
Cette pièce a pour titre :
Comment Varcevesque Baudowin de Trieve et le dit
SUR LA GUERRE DE METZ. 325
roy Jehan de Baha'igne et de Poulaine et quiens de
Lucembourgh^ et le duc Fer ris de Lorraine, et Eduart
quiens de Bair, firent guerre a ciaulx de Mes : dont la
paix en fuit f aide per mil III^ et XXV ans ^ de la-
queille guerre on fist une chausson.
Elle a été textuellement reproduite dans les Preuves
de VHistpire dé Metz, par les religieux bénédictins
(t. IV, p. iS-iy), et avait précédemment servi à l'au-
teur de la chronique dite de Praillon pour la rédac-
tion du chapitre relatif à ces événements.
La chansson elle-même; à laquelle il vient d'être fait
allusion, et qui est le principal objet de la publication
présente, porte dans la série le n" xx. Elle est inti-
tulée :
Une coronique et un biaul dit de la guerre que le
roy Jehan de Bahaigne fist aveuc Varcheuesque de
Trieve, le duc de Lorrainne et le quien de Bair^ contre
ciaulx de Mets per mil IW et XXIIII.
Sous le n° xxi (i) est une pièce de vers latins, au
nombre de 172, qui ne donne pas une idée brillante
de la manière dont on. savait, à Metz, gravir les pentes
(1) A partir de cette pièce, toutes celles que nous publions se suivent
sans interruption dans le recueil, où elles sont numérotées jusqu'à
XXXII, inclusiv. — Leur texte n'a pas été l'objet d'une révision aussi
critique que celui de la « chanson » proprement dite. On n'avait à sa
disposition ni le manuscrit du XV siècle, ni même celui du xyill",
mais seulement une copie de ce dernier, laquelle a dû être rectifiée en
maints endroits pour la mesure. L'orthographe a été respectée; il eût
d'ailleurs été difficile et oiseux de faire le départ entre des fautes qui
peuvent provenir ou du copiste du XIX" siècle, ou de celui du xvili",
ou de celui du xv*.
326 POÉSIES DIVERSES.
(lu Parnasse virgilien. La copie est, du reste, d'au-
tant plus malaisée à déchiffrer que l'ignorance de l'é-
crivain, qui certainement ne comprenait pas le latin, y
a multiplié les fautes et l'a rendue presque inintelli-
gible.
Avec le morceau suivant (n° xxii), on rentre dans
la poésie en langue vulgaire. Il a pour titre « le
Sermon du Pappegay ». C'est un apologue, en i4o
vers sans division, à rimes redoublées, dont le but est
d'engager les Messins à améliorer leur gouvernement
et à éviter les querelles intestines, si favorables aux
projets de leurs ennemis. En voici le début :
A
C'EST LE SERMONT LE PAPPEGAY
DES THESEZ, DE LA GUERRE,
DE METS ET DU COMMUN.
L'autrier estoie lés ung airbre
Ou il n'avoit piere de maibre ;
Si regardais tous les rainxiaulx,
Trestous les vis chargiéfs d'oixiaus;
j Et la tenoient ung parlement
Et se chantoient divercement ;
D'oisiaux y ot très grant couppie.
La chantoit fort et hault la pie.
Mais onques riens ne pou entendre,
lo Lors esguardais, sy vis descendre
LE SERMON DU PAPEGAY. 327
Droit suis cel airbre un papegay ;
Onque pour ce ne deslougay
Que voullentier seûsse l'estre
De ces oisiaulz, s'il pouist estre.
1 5 Le pappegay les fist tous taire
Pour un sarmont qu'il voulloit faire ;
Venus estoit leur des escoUes,
Si les preschait par paraboles.
Le pappegay bien entendy;
20 Je crois ce fuit le sabmedy
Devant feste Symon et Jude
Que repairreis fuit de l'estude,
L'an mil m" cincq ans et vingt,
Que cil affaire a Mets avint
aT) Devant feste Jude et Symon.
Le pappegay fist son sermon ;
Le sien sermon tiens a très chier,
Car onque muelz ne vis preschier ;
Sa perrolle ais en mon cuer mise.
3o Le pappegay dist en tel guise :
« Or escoultéz, car chascun touche.
« Je dis premier que nostre bouche
a Perrolle droit de l'abundance
« Que vient du cuer, c'est sens doubtance j
35 « Or ne blasmés dont ma perrolle,
« Se je d'ordure ung pou perrolle.
« Quant les choses vont ordement
« Parler doit on villainement.
« Ma matieire est et vil et orde,
S28 POÉSIES DIVERSES.
4o « Pour ce vilment la vous recorde.
« C'est folie quant on ne lait
«■ Les faits que sont et ords et lait.
« Souvent avient ceste besoingne
« Que onnour chiet en grant vergougne.
45 « Savés pour quoy la guerre dure?
« Il me semble c'est par l'ordure
« Des signognes qui ont esté.
« Vous sçavéz bien, on temps d'asté,
« Cornent se contient dame Berte
5o « La signongne, qu'est tant aperte
« De gardeir son nit par nature ;
« Car ces mairis vat en pasture,
M Tant vait avant et tant porchasse
a Que de viande une grant masse
55 « Au repairier on nit rapporte.
« Dame Berte qu'œuvre la porte
« La viande prent et despart,
-« Pour soy retient la meilleur part.
« Lors se prannient a terteller,
60 « Com fait martel a marteller;
« Adont Berte veult par sa force
ot Et le main grain et puis l'acorce :
« De hault parler, de convoitise
« C'est bien souvent Berte sourprise.
65 « Or ont son nit environneis
« II. oitours et .11. couronneis ;
« Entour ont fait grant vilainnie
« Qu'ilz avoient grant compaignie.
LE SERMON DU PAPEGAY. 829
« Dame Berte bien les veoit
70 « Mais en son nlt adès seoit. »
Les prévisions contenues dans le trente-sixième vers
ne tardent pas à être si complètement réalisées qu'il
n'est pas possible de pousser la citation plus loin.
Dame Berthe, au lieu de maintenir dans son nid le
bon ordre et la propreté, laisse les immondices s'accu-
muler autour d'elle. Aussi, lorsque les ennemis vien-
nent l'attaquer, l'état pitoyable du nid nuit singu-
lièrement à sa défense. Les Cigogneaux demandent
en vain à leur mère raison de son imprévoyance et
de son incurie. Un bon Gerfaut, resté fidèle à son an-
cienne amitié pour la Gigogne, va saisir un Epervier
qu'il lui amène prisonnier ; enfin apparaît un Phénix
qui fait le grand miracle de rétablir la paix. Et ainsi
finit Tapologue.
Nous avons dit qu'il n'est pas possible de publier
intégralement le texte de celte pièce, dont rintérêt
est, du reste, assez médiocre. La description du dé-
sordre et de l'abjection qui régnent dans le nid de
dame Berthe est faite dans des termes si vulgaires et
avec des expressions si choquantes, les choses y sont
si crûment appelées par leur nom, que le lecteur le
plus indulgent n'en pourrait supporter jusqu'au bout
le style grossier et bas.
Mais, outre ce grave défaut, la parabole du Pape-
gay en a un autre dont son auteur a bien conscience.
330 POÉSIES DIVERSES.
c'est de manquer absolument de clarté. Aussi a-t-il
entrepris de la rendre intelligible au moyen de la
pièce suivante, qui n'a que trente-deux vers, et qu'il
est aussi court de reproduire que d'analyser. La voici :
B
C'EST L'EXPOSITION
DU SARMONT LE PAPPEGAY.
Or vous dirais l'entendement
Car j'ay parlei obscurément :
Mets est le nis, entendes bien,
Qu'ait heii honnour et tout bien.
T) Les ordurez, ce sont li fais
Que contre Deu ont estez fais
Par damme Berte la justice
Que en son nit ait fait laitrice.
Cil de Biche fuit ces mairis
lo Par cui le nit fuit esmairis.
Les viandes sont les pennies
Qu'ehus ait Berte et leur magniez.
Les .II. oitours, li coronnéz
Qui ont le nif environnez,
1 5 Je dis briefment ce sont li quaitre
Qui mains hostelz ont fait abaitre.
Les singognes c'est la Commune
LE SRRMON DU PAPEGAY. S51
De la citeit qui est toute une.
Le grifaul est cil de La Pieire,
•20 Que Mets amer doit per s' Piere.
Eti'esprivier ce fuit Hanris
A Fauquemont que fuit noris.
Et li fenix que fist la paix
C'est Jhesucris qui nous dont paix.
25 Encore un mot dire meplait
Pour eschevier riot et plait :
Se li Paraige et la Gomune
Avoient touis vouUenté une,
La paix seroit ligiere a faire,
3o Si com je croy per s* Hilaire ;
Or nous doint Dieu par sa pitiel
Que tous aiens bonne amistiet !
G
La pièce suivante, ou « Confirmation de la parabole
du Papegai par le Geai (ï Angleterre », compte qua-
rante-sept vers; elle ne brille pas plus par la clarté de
la composition que par l'élégance de la langue.
La seconde moitié est caractérisée par un de ces tours
de force qui étaient bien dans le goût de l'époque.
Quatorze vers consécutifs se terminent par les mots
folie ^ foulée^ et autres sonnant à peu près de même. Il
va sans dire que ni la portée du sens, ni l'intelligence
352 POÉSIES DIVERSES
du texte n'ont rien à y gagner. On en peut dire autant
d'une recherche analogue dont le mot /?/i et ses déri-
vés font tous les frais, une dizaine de vers durant, et
qui naturellement sert de terminaison à cette pièct,
à laquelle on ne saurait du moins refuser le prix de la
prétention.
C'EST LA GONFIRMAGION
LB. J.U d'iNGLETERRR
AN CELUI SARMONT DU PAPPEGAY.
Quant le sarmont du pappegay
Fut parfenis, si com dit ay,
Ung vrancerey qui ert venu
Droit de Londre, ou ert tenus
5 A grant honneur chief .i. Angloy,
Alla parleir en son jangloy,
Car on sceit ja en Engleterre
Les nouvelles de ceste guerre.
Pour maintenir ceste matière,
lo II comensait en teil manière :
9 Quant ung œuvrier follement euvre
« Durer ne puet longuement l'euvre,
« Quant mauvais sont li fondement :
« Si mal ovréz ont li grans maistrez,
1 5 « Qu'a malle heure les vit Mets naistrcz ;
« Hz ont pourteit tant de bansent,
LE SERMON DU PAPEGAY. 333
<• Qu'ouvreit ont mal de leur biaul sent.
« Quant eiré ont les maisires ovriers,
« Se par les folz n'ont recouvrier,
20 « L'œuvre chalrait de pièce en pièce,
« Et la guerre durrait grant pièce.
« Souvent avés oys retraire
« C'on doit garir par le contraire.
« 11 me semble c'est œuvre foie
aS « Quant li riche le poure foie;
« Hz en ont ja tant dezfouliéz
« Que ces villois ne sont plus liez.
« Je me doubte que li folours
« Ne perdent tout per leur folours.
3o « De trop soffrir est grant folaige ;
» Guerre ne veult que cuer voulaige,
« Pour ley vangier et deffoler
« Ceulx qui les ont fait deffoler.
« Par les saiges est Mets foulée
35 « Et par les folz est rafilée.
« L'autrier me dist .i. jonne fol
« Qu'ai nsois ferait febvre sans fol
<« Haiche tranchant et afinée
« Que la guerre soit afenée,
4o « Se par les folz n'est mise a fin.
« Or y pences ; veicy la fin :
« Cil qui n'ait point de finement,
« Et qui fuit nés si finement
« De la Virge qui tant est fine
45 « Qu'a sa purié chascun s'afine,
354 POÉSIES DIVERSES.
« Veuille nos cuers si afiner
« Que nous puissiens par bien tiner !
D
La quatrième pièce, intitulée « Prophétie de maître
Lainbelin de Cornouailles », constitue une œuvre infi-
niment plus intéressante, sous tous les rapports, que
celles qui l'ont précédée. Mais ne prenons pas trop au
sérieux le nom que s'est attribué son auteur. Mettant
au jour une prophétie, il atout naturellement cherché,
pour lui donner plus de poids, à se créer une parente
factice avec les enchanteurs classiques que son siècle
connaissait si bien. La pensée de Merlin lui est venue
tout de suite à l'esprit, et il s'est empressé de se ratta-
cher à lui en s'en faisant un compatriote d'occasion.
On voit que c'était un homme ingénieux que maître
Lambelin. C'était aussi un lettré. S'il connaissait les
romans de chevalerie et leurs enchanteurs, il n'était
pas moins familier avec les chansons de geste clas-
siques : ses premiers vers le font voir; enfin, la cita-
tion fréquente de noms empruntés à l'Antiquité montre
que la littérature ancienne ne lui était pas non plus
étrangère. Son œuvre, divisée en dix-neuf couplets
de quatre vers à rimes suivies, n'est pas sans valeur.
Le style en est coulant et moins obscur qu'on l'aurait
pu craindre, une prophétie se réservant toujours le
LA PROPHÉTIE DE LAMBELIN. 335
droit dé manquer de clarté. Mais, à part quelques
points où l'auteur a usé de ce droit, on sent qu'il est
maître de sa pensée ^t en possession des ressources
nécessaires pour la bien rendre.
On a pu remarquer que les trois premières pièces
sont l'œuvre de Messins, fort dévoués à leur patrie ,
mais non pas satisfaits de ceux qui la gouvernent : un
esprit amer d'opposition et de critique y règne d'un
bout à l'autre. La quatrième est inspirée par un
souffle plus haut; son auteur reconnaît sans doute les
imperfections du gouvernement de la cité, mais il ne
méconnaît pas davantage celles de l'esprit public. Ce
qui domine en lui^ c'est l'amour du pays, la soumission
à la loi, la passion de l'équité, sentiments d'un ordre
moral à la fois juste et élevé, qui mérite d'inspirer
respect et sympathie.
C'EST LA PROPHECIE
MAISTRE LAMBELIN DE CORNUALLE.
Dieu gart la compaignie de péchiez et de crime !
Faites pais; je veulz dire une nouvelle rime;
Elle fut l'autrier faite entre vespres et prime,
4 L'ay en mon cuer limei d'une nouvelle lime.
J'ay si grant duel au cuer qu'a poc que je ne serre
Comme soffre cil Dieu que fist et cil et terre,
536 . POÉSIES DIVERSES.
Qu'un bargier Bauduyns, ungC.,ung D.,ung R.,(i),
8 Ont mis Mets la cileit en prison et en serre.
Hz ont airs le pays sens cause et sens raison ;
Il n'y ait ville entière ne bourde ne mason.
Li euvriers sont oisours, si perdent la saison ;
12 II pertbien oultre Saille, on Bourch et en Staixon.
Or aveigne qu'aveigne, ne lairrais que ne dice :
Renart et sui parens ont estez folz et nicez,
Ils ont esteis si plains d'orguoil et d'avarisce
i6 Que son chantait gaigniet ma damme la Gravisce.
Tardis li Limesson sceitplux que Seirs raméz,
Qui ait estei loing tempz et prisiez et améz,
Mais or est par son fait si vilmenl diffauméz
20 Que Tardis est ces sires par son savoir clamez.
Or est li poures foibles et li Comuns est fors ;
Li Comuns fait a Mets ses lois et ses affors,'
Dieu dont la fin soit bonne, c'est tout mes resconfors;
24 Se paix avions dedens nous paix aurienz defors (2).
La guerre qu'est dedens fait a Mets grant dapmaige ;
Ne sont pas d'un accort li Commun^ li Paraige ;
(1) Comte, Duc, Roi.
(2) Telle est, presque dans les mêmes termes, l'iuscription placée au-
dessus de la porte Sainte-Barbe (l'ancienne porte au Pont-Rengmont de
Metz).
LA PROPHÉTIE DE LAMBELIX. 337
» Je veulz », « Tu ne veulz mie » , fait faire cest outraige;
28 Or face Dieu briefmentque Ions soient d'un couraige!
Si Je cher vat devant et les buefz vont dariere,
Nulz ne doit merveillier d'une teille manière,
Il ne faut c'un très pou penser a ma matière :
32 Leaulté passe tout, si doit estre première.
Se Tersites est roy et Atrides vaincus,
Nulz n'en doit niervillier, maix dire : « C'est deciis. »
Pour quoy ne fist pourter et lances et escus
36 Quant l'ost fuit a Mancourt ? bien pert que fut cecus ( i ).
Li marouniers que sont entre Saille et Muselle
Ont si mal gouvernée leur naige et leur nazelle !
S'encore heussent tenue la cowe de la poeille
4o En cendre fut cheûe la menuise très belle.
Des citains vous lairais sens plux dire et gloser,
Je n'ai pais grant tallent de mé dis exposer ;
Je dont les mesdisans qui les boins font chouser,
44 Et pourtant je ne veulz ung petit reposer.
Or dirai des seigneurs qui Mets cuident conquerre :
Hz ont très fol pencer, car ja n'en seront herre ;
Hz ont assez pis fait que murtreur ou que leire,
48 Quant ont mis sans raison si boin pavs en guerre.
(1) Voyez, daus la chanson, les couplets C5 et G6.
22
338 POÉSIES DIVERSES.
Quand li mous de Monjeu en Guignevaul vendront,
El les yauwes de Trievez droit a Mets revendront,
Et trestuis les paiens en ma main se rendront :
52 Adont B. E. F. J. (i) les murs de Mets prendront.
Quant dé vins de Blenou sera meue nouvelle
Que vauront vins d'Arbois, d'Auxais ou de Rochelle:
Adont seront seigneurs Trieve, Nancey, Bair, L. (2),
56 De la citeit que ciet entre Saille et Muselle.
Quant il n'avrai ribaus es foierez de Champaigne,
Et j'avrai la coronne de Navaire et d'Espaigne,
Et serai roy en paix de France et d'Allemaigne :
60 Adont serait Mets prinse per le roy de Bahaigne.
Quant muelz vaurait i lierre c'un leaul pellerin,
Et arrier sens r' iront et le Rosne et le Rin,
Et li awe de Saille iert plux cleire que vin :
64 Adont iert de Mets sire de Trieve Bauduyn.
Quant je vairai plux cler c'onque ne fist Argus,
Et serai aussi grant coni fuit Poliphemus,
Et s'arai plux de force que Hector ne Meindus :
68 Adont eirt de Mets sire ou li cuns ou li dus.
Quant li poissons lairont la mer ou lez rivaigez,
Et li coulions lairont lez tours ou lez boucaigez,
(1) Baudouin, Edouard, Ferry el Jeau.
(2) Abréviation initiale de Liicembourch.
L'A, B, 0, D'ASSELIN. 339
Lez desers li lyons, et usurier boins gaigez :
7^ Adont un seigneurs mettront Mets en servaige.
11 ait encor graot tempz que ce doit advenir;
La guerre nest pas bonne, il la fauroit fenir.
Cil qui por nous sauver volt on monde venir
7^ En sa franchise vueille la citeit maintenir !
E
Si la pièce précédente est Tœuvre d'un bon citoyen
de Metz, profondément dévoué à sa patrie, celle qui
vient à sa suite dans le recueil est inspirée par un sen-
timent absolument contraire. Ici nous sortons du
camp des défenseurs de Metz pour pénétrer dans ce-
lui de ses ennemis acharnés. Les deux poètes sont
séparés moralement par un abîme ; bien faible cepen-
dant est la distance matérielle qui existe entre eux ;
mais il faut dire que dans ce court espace se trouve la
frontière des deux États, ligne magique, des deux côtés
de laquelle affections, intérêts, passions, tout est à
l'état d'opposition violente, surtout par les temps de
crise comme celui auquel nous nous reportons.
C'est un notaire de Pont-à-Mousson, un sujet du
comte de Bar, maître Asselin, qui entreprend de dé-
montrer aux Messins, par a, b, c, combien sont fri-
340 POÉSIKS DIVERSES.
voles leurs prétentions et mauvaise leur cause. Dans
celte composition, maître Asselin donne carrière à sa
verve haineuse, et développe surabondamment le so-
briquet injurieux qui ligure dans le dit de r Apostoile :
« li usurier de Mez. « La pièce compte cent quatre-
vingts vers, coupés par strophes de six vers, dont
chacune commence par une lettre de l'alphabet.
C'est à cette disposition qu'elle doit son titre. Cha-
que strophe a deux rimes, l'une pour les deux pre-
miers et les quatrième et cinquième vers, la seconde
pour les troisième et sixième. L'^, B, C, est encadré
par un prologue de trois et un envoi de quatre cou-
plets, en tout trente.
C'EST LI ^, B, C,
MAISTRE ASSELIN DU POMT
CONTRE CEULX DE METS.
Chascun me dit a quoy je pance :
Je pance a Mets s'on ne me pance.
ïuis ceulx de Mets sont fols nays ;
11a n'ont en eulx sens ne science.
Pour queil raison, pour queil science
6 Seront ilz seigneurs du pays ?
Bien sont plains de grant demosuie
Quant ilz cuident par leur usure
L'A, n, Cy D'ASSELIN. 341
Leur voisins mater et confondre ;
Ils font leur lois et leur mesure,
Hz sont plux prenans que présure,
12 Hz s'acorclient après le tondre.
Et pourtant me veulz entremettre
De faire sur cliescune lettre
De 1'/^, B, C, un ver de rime.
Veullent ilz ydes en Tair mettre ?
On vairait Mets encor remettre
i8 Et enbusinier en l'abime.
Asselin du Pont, ung notaire,
Dist qu'ancor mescliiéz et contraire
Vanraita ceulx de Mets, sens double.
Ja ont veiis des esxemplairez
Geste année plux de .m. paires,
24 Mais orguoil ne leur lait voir goule.
Bien avrient or meslier d'aprendre
Et bien les en doit on resprendre,
Quant pour ung pou d'escripl en airche,
Que ilz y plantent pour rapenre,
Voulloient en lour ville prendre
3o Les gentilzbomme de la mairche.
Lhaitifz, ou avez vous fiance?
Vous estes tous en deffiance
Sa2 POÉSIES DIVERSES.
De Dieu, du monde et de la terre;
Dieu vous ait mis en obliance,
Vous rasambléz de mescreance
36 Le desvoiéz qu'a Dieu prist guerre.
Dieu n'en peut mais, se il vous donte
Ne s'il VOUS bat ne vous fait honte :
Trop grevés Dieu et sainte Esglise.
Vostre orguoil tous autrez sourmonte ;
Mais per roy, per due et par conte
42 En serait la vengence prinse.
En toy et pour toy et per ty
De cest monde se desperty
Maistre Ferris que fuit tués,
Qui diviniteit a perty;
Mais de sa graice l'ait perty
48 Cil qui nous ait renvertués.
rais le bien, si lais la folie,
Vien a merci et t'umilie ;
Tu ne te puis contretenir,
Trop est la chose avant taillie;
Ains que la guerre soit fallie
54 Ne te pourrais tu soustenir.
Graut honte et grans duelz puez avoir
Tui citains faisoient savoir
Qu'ilz ne se lairient approchier
L'A, B, C, D'ASSELIN, .ViS
De III lues par leur savoir ;
Mais ilz ont bien failli avoir,
60 Auz murs leur ont allez touchier.
Hé ! foule gens et esbahies
De Dieu et du monde bayes,
Que tous jours avez pris sens rendre,
Moult avés clergie envahie
Et destruite mainte abbaye :
66 Or vous convient ou rendre ou pendre.
Je, qui vous ais long tempz traittié,
Vous pri que vous aiéz pitié
De vous meysmes et mercy.
Prisiez ceulx qu'avez despilié,
Ou plus ne serez despitié
72 Se li ost remaint plux par cy.
Jvarles qui or est roy de France (1)
Ne vouroit plux mettre en souffrance
Ce qu'ont souffert ses devantiers :
Il veult estre de l'aliance,
Il le mandeit ja per fiance
78 Aus un princes avantier.
Li orguoil, li jactacion,
Qui est en ta partecion,
(1) Charles IV, le Bel.
Sftft PORSIES DIVERSES.
Te ferait encor paulmez baitlre
Et la gent tie religion
Que vont en autre région,
84 Sa I, sa II, sa m, sa un.
Mets, moult te vient de maie afaire
Quant tu veulz novelles lois faire
Contre Dieu et novelz status,
El ce que Dieu fist vuelz défaire ;
Tu veulz or les droits contrefaire,
90 Dont Dieu en est contreistatus.
Ne tarderait pas longuement
Que tu verrais le jugement
De ton orguoil, de ton envie.
Il t'estuet rendre ligement,
Ou ja n'aVrais alligement
96 Par nul homme qui soit en vie.
Orguoil et pechié te desporle
Et te maintient et te comporte,
Pour toy faire plux de dapmaige;
Vien a mercy, œuvre ta porte,
Prens les cleys et si les aporle
loa Aus princes, et leur fais homaige.
Far cest partus t'estuet saillir,
Tu ne puis souffrir Tasaillir
C'on te ferait de touttez pars ;
L Â, B, C, D'ASSELIN. 3!i5
Honnir t'esUiet et mal baillier,
Ne lu n'y puis mie faillir
io8 Se de ton erreur ne te pars.
Queille houre qu'apvril ou mars veigne,
On irait la, quoy qu'en aveigne,
S'ensi est qu'aucun ne t'acorse.
Or te deffent, oir te conteigne,
Mais je te pri qu'il te souveigne
1 14 Corne a grant tort tu brisais Gorze.
Rome, Jherusalem, Paris,
Et Troyes dont fut néz Paris,
Abatit orguoil en pou d'oure,
y
Encor Mets tu miez parhays.
Or dis : « plorer veul » ; trop ais ris.
I20 Telt rit au main qui au soir ploure.
Seigneurs citains, car me creeiz,
Le consoil que vous retraiés
Perdus l'avez, soit pis soit perne. •
One depuis que Dieu fuit créez,
Ne fuit .1. lieu si descreéz
126 Com serait Mets_, non fuit Lucerne.
1 rop avés grant fiance licii
En vostre avoir qui deceû
Vous ait et encor decepvrait;
Trop avés d'autrui receû,
346 POÉSIES DIVERSES.
Tart vous avez aparceii :
i3?. Bien verrez comment ce veirait.
Vraiement je l'ouze bien dire,
Ne nulz ne s'en peut escondire,
Que Mets ne fuist et ne soit l'une
Des millours citais de l'Empire.
Hélais doilent ! mais trop l'empire
i38 Avarisce, orguoil et fortune.
Xappeis xappéz c'est eschappéz ;
Il fist que saige dan Xappeis,
Quant a Mets fuiant, seurement
Hz peûst bien estre frappez,
Ou mors, ou prins, ou entrappéz:
i44 La en em prist prèz de ii",
Yzaïem nous fait savoir,
Par orguoil envie a avoir
L'ung. contre l'autre s'entrepreul ;
Mais je tiens le proverbe a voir
Qu'il convient le piour avoir
i5o La vache, quant au buef se prent,
Zacharias dist en son livre :
Loing temps ne puet durer ne vivre
Gent qu'est de toute autre assaillie.
Mais quier mercy, rent toy et livre,
L'^, B, C, D'ASSELIN. Ml
Ou j'ay paour c'on ne te livre
iSô^Du pestaiil et non de la lie.
Et par mon ame toute voie,
Se veoie raison ne voie
Dont Mets gaignier puist en la guerre,
Jeldiroie; mais j'y aroie
Panceis c ans, je n'y voiroie
162 Qu'onnour ne prou y puist acquerre.
Combien que je soye homs le Conte ,
S'oze je bien dire en mon conte
Que c'est grant duel se Mets se pert ;
Mais quier merci, n'aies ja honte :
De trop hault chiet que trop hault monte,
168 Trop pert qui ces voisins depert.
Triste et marie doit bien estre.
N'est nul a destre n'a senestre
Que mal a Mets ne prophétie,
Ne mette huyx contre fenestre ;
Il te convient changier ton estre
174 Et lanterne contre vescie.
Or prions au definement
Le fil Dieu, qu'a la fin ne ment.
Que la chose messet en telt fin
W8 POÉSIES DIVERSES.
Que elle ait ung boin finement,
Et se gart jusqu'au! finement
180 Lyon, Bair, l'Aigle et le Helpliin (i),
Nos Messine viennent d'être bien maltraités; mais
patience! le ton ne va pas larder à changer à leur
profit. Le remède suit de près le poison ; on le trouve
à la sixième pièce du recueil, sous le titre de « la Ré-
ception de maître Lainbelin , recteur de Paris et d' Or-
léans. » C'est l'auteur même de la prophétie qui repa-
raît dans la lice poétique ; mais , plus fantaisiste
que jamais, il s'est revêtu d'un nouveau titre, et
non pas des moins pompeux, comme on voit. Il vient
répondre à Va, B, C, de maître Asselin, et suit
exactement la pièce à laquelle il réplique. Il lui em-
prunte sa division par strophes de six vers et le mode
de réparlilion de ses rimes, de même que sa suite al-
phabétique. C'est toujours un bon citoyen de Metz
qui parle, et il ne le fait pas sans un certain succès
littéraire, bien que Ton sente peut-être en quelques
points la gêne produite par les entraves d'une subdivi-
(l) Pièces principales des écus respectifs : du roi de Bohême et comte
de Luxeiul)oiirg, du comte de Bar, du duc de Lorraine, et de l'évéque de
Metz, Henri Dauphin.
LA RÉPONSE DE LAMBELIN. 349
sion compliquée. Au fond, d(! même que dans la pièce
de maître Asselin, il règne une surabondance et une
monotonie fatigantes. Tous deux ont dû évidemment
tendre jusqu'à Texcès l'élasticité des périodes, pour les
amener à se prolonger jusqu'à la trentième stro-
phe (i), en présence d'un si petit nombre d'idées,
revenant toujours les mêmes, de part et d'antre.
C'EST LA RESGEPCION
MAISTRE LAMBELIN
RECTKUH DE PAUIS ET d'okLIENS.
Que Dieu me gart de mal et d'ire !
J'ay trop grant dieul quant joye dire
Nulz mal de Mets, et se me poise.
Pourtant vous veulx je contredire
Le liault parleir «t escondire ;
6 Je n'ay cure de vostre noise.
Du duc Ferris, du roy Jehan
Qu'on fait a Mets pluxours ahans,
De Bauduyns ne de leur geste,
De ces .m. cy nil relraham;
Et si n'avint dès Ahraham
12 En Loheraiune si grant tempesle !
(1) Notons môme, à l'avantago de maître l.amhelin, que son inologiie
comporte uu couplet de plus que celui de maître Asselin, si toutefois
c'est bieu là un avantage.
WO POÉSIES DIVEUSES.
Il ait au Pont ung clerc appert
Par ces perrolles bien appert ;
x\sseiins est per nom clamez.
Je dit de lui tout en appert
Qu'il treuve bien, maix niant pert,
i8 Quant ceulx de Mets ait tant blasméz.
Pour les coutaulx et lui reraordre,
Conter vous vuelz trestout per ordre
Ung A^ B, C, c'un clerc ait fait.
De malle mort les puisse mordre,
Ne ja de Tan ne puissent estordre
24 Gilz qu'ont a Mets tant de mal fait.
A Asselin, ung clerc du Pont,
Lambelin dit et si respont :
Que sens raison ait Mets blasmée;
Ce que geline crie on pont
Ne vault sez dis ; se ne respont,
3o Perdue en est sa renomée.
Bien doit estre de tous blasméz
Et laidangiéz et diffamez
Qui consoille folie a faire;
Comment serait donques améz
Cil qui l'aultrier mandait a Mets
'56 Que sa franchise estuet défaire ?
LA RÉPONSE DE LAMBELIN. 351
(jontaulz chaitifz, conter convient :
Or me dites cil droit dont vient,
De vos debtes serez tuis quitte* ?
De mauvistiet cil fait vous vient,
De nulle hounour ne vous souvient :
42 Se fait pechiés qu'an vous habite.
Uieu vous envoie maie estraine !
C'est merveille c'on ne vous trayne.
Tuis les Gontaulz sont conchiours.
Il n'ait dès Mets en jusques Sainne
Contaul qui ait pencée sainne ;
48 Du monde estez tuis les piours.
rLn vérité je me merveille
Gomment ouzent lever l'oureille
Nulz des Gontaulz devant proudomme.
En mal faire chescun deulx vaille,
Hz ne gardent feste ne vaille :
54 Pour ce Barrois barretours nomme.
r oix ne raison vous ne gardez,
D'aultruy avoir trop vous lardez :
Maul encor Mets vous materait
Combien qu'il tart ; or vous gardez.
Les pourez gens pour quoy ardéz ?
60 Lowis a point vous mènerait (i).
(1) Ce deruier vers indique que la Réception maître Làmbeiiu est
postérieure à la réconciliation des Messins avec l'évèque Louis dfc
Poitiers (7 avril 1325).
352 POÉSIES DIVERSES.
(jiianl mauvisllé, grant trayson
Fait avés et grant mesprison,
Onque certe si grant ne vy ;
Vous en serez tuis en prison.
Vous ne savez nulle oicquison
66 Pour quoy avez destruis le vin (i).
Hé! desleauiz et despulaire/,
Pour quoy créez ung fol nottaire,
C'est Asselin de la Conleit i*
Bien se deùst dès or mais taire.
A.it il gaingniet soie ou lartaire
72 Quant ces bourdes vous ait conteit ?
Je suis certain vosirez péchiez
Vous feront honte et grant mechiéz.
Chescun le sceit des cardinalz
Comment serez vous despeschiéz,
Qu'avez robée l'avesçhié
78 Que tant amoit vostre Regnaulz (2)?
ivarle^ qui est de France roys,
Vous aussaurait, lors que ferois?
Et celle qui fuit ja royne.
Hz atnainront chers et charrois
(1) Rapprochez de ce grief les couplets 197-201, 24i el ss., 2G4, etc.
dans le poëme.
(2) Renaud de Ear, évéque de Metz de 1302 à 1316.
LA UÉPOiNSE DE LAMBELliN. 353
Par la Conteit, par le Barrois.
84 Ne cuidiéz pas que je devine.
Lowy venront irestuis aidier,
Il ne luy fault que son haidier,
Ses lignaiges vont jusques Ypre.
Tuis y venront nés le liardier ;
Meschans Contaulz, sens plus targier,
90 Allés vous ens fuyant en Chipre.
Malz Contaulz, c'est ingratitude
Quant cuidiéz mettre en servitude
Tous ceulx de Mets ou faire rendre.
Ainsois sereit toute destruite
Vostre conteit et maie estruite :
96 Querréz la paix, n'avez qu'atendre.
N'est ce merveille d'Andouart,
Qui ne pence qu'a Deulewart.**
Très grant honnour li fist Mets lai :
Bien pert qu'il ait mauwais rouwart,
Quant ceulx de Mets desrobe ou airt
loii Et n'espairgne ne clerc ne lait.
Ur voit on bien qu'il ne voit goûte :
Sainte Esglise n'aimme ne doubte.
Quant il malfait en telt manière,
Perdre en doibt bien la conteit toute.
23
ibH l'OESIES DIVERSES.
La gorge aient tresluis si roule
io8 Qui ont estez en sa baniere.
Partout ou court souloil et lune,
Sceit on de voir que Mets est Tune
Des citeis que soit la plus franche.
Pour ce Contaulx ont grant rancune;
Ils voulroient tuis que fortune
1 14 Abatist Mels de ceste brainche.
Queils deaul)les font or tant vivre
Ses Contaulx? ilz sont trestuit yvre.
C'est de mal son, je le voy bien ;
Onque ne pou trouveir en livre
Leaul Contaul ne bonne vv^yvre :
I20 Cilz deux ne servent de nul bien.
Relraiés vous, félons Conlaulx,
Ou vous avréz ung mal frontaul
Ou de l'evesque ou des citains :
Il vous faulrait com cariiaul
Queire du pain et hospitaul ;
1 26 De ce soit bien chescun certain.
Seurement puis je lesmoignier
C'on doibt Contaulz tous vergoignier,
Pour la raison de leur oultrage.
Chescun les doit bien esloignier^
I,A REPONSE DE LAMUELIN. 855
Qu'embracier vourent et empoignier
iSa Ou ik n'ont roie d'eritaige.
I ous les Contaulz voy fourvoier.
II n'en convient pas envoier
A Toulatte (i) pour mesaprendre.
Dieu leur envoise ung telt luwier
Des fais qu'ont fait ou hui ou hier
i38 Que bec a bec les puist on prendre.
Vous estes plains de desrason.
Pour quoy avés tantes masons
Sus ceulx de Mets brusiées et airsc ?
Vous pences pou a la saison
Qu'il convendrait rendre raison,
i44 ^ins que la foiere se desparce.
Xeans et plus perdus avez
Que vous gaigniés certes n'avez
En la guerre, selong mon ame ;
C'est a droit: deservy l'avés.
Targéz vous bien, vous ne sçavés
i5o Se vous prendrez dedans quaramCi
lason qui fuit a Troie prenre
Ne fist onque tant a repenre
Corn font Gontaulz) par saint Remy !
(1) Tolède.
;aO POÉSIES DIVERSES.
Hz n'espairgnent ne brus ne genrez,
Ne pucelles vielles ne tenrez,
i56 Ne les anffans d'an et demy.
Zaclieïis dist et nous enseigne :
D'aullrui choscz que nulz ne preigne,
Et se la prent il luy fault rendre.
Conlaulz, ainsois que pix aveigne,
D'un proverbe bien vous souveigne,
162 Que dit qu'il fault ou rendre ou pendre.
Et ce ja Dieu me dont bonteit,
Conque ne furent sourmonteit
Cilz de Mets, ne ja ne seront,
Par ceulx que sont de la Conteit.
Maintenant sont trop liaulz nionteit,
168 On vairont bien queil la feront.
Combien qu'il tart, je vous prometz
Suis eulx irait Lowis ou Mets,
Et si mainront grant baronies.
Contalz, gardez ou vous somelz •.
Car par Lowis ung entrenielz
174 Aurez avant la despartie.
Bien assiégiez de toutes pars,
Serez quant l'oist serait espars ;
r,A RÉPONSE DE F.AMBEMN. 357
Si vois lo fil après le peire
Droit en Chipre apenre ces pairs (i).
Tel doit estre li siens despars .
i8o Bien est raison que le compeire.
Je prie a Dieu le fil Marie
Que la Gonteit soit esmarie,
Se paix ne quiert prochiennement ;
Et gart Lowis et sa lignie,
• Tout ceulx de Mets et leur maisnie
i8(S El lonr dont bon definement.
Amen.
G
Nous arrivons, avec les pièces suivantes, à une nou-
velle forme de nos compositions rimées. Des noms
vont paraître qui devront à un sentiment doublement
pieux de jeter une légère et fugitive lueur dans l'his-
toire littéraire de la Lorraine. De bons citoyens, aussi
attachés à leur patrie qu'à leur foi, ne voyant pas dans
le péril présent d'autre appui que celui du Ciel, ont
(1) Henri 111, comte de Bar, père d'Edouard I", s'était déclaré
contre Philippe le Bel. Vaincu et fait prisonnier, il se vit réduit à si"
gner le traité de Bruges, par lequel il dut faire hommage au roi de
France d'une partie de ses États et s'engager à aller guerroyer outre-
mer, à Chypre, où il mourut en 130?.
358 POÉSIES DIVERSES.
rattaché au texte même des prières de l'Église le cri
d'angoisse et d'espérance de leur patriotisme alarmé.
Des compositions, simples et modestes comme leurs
auteurs, ont ainsi vu le jour; des noms sans éclat
y étaient attachés. Un soin respectueux les a conser-
vées par des copies successives. Une sollicitude inspirée
par uu sentiment semblable au leur les fait aujourd'hui
sortir de la poussière des cartons pour paraître au
grand jour de la publicité. La vieille cité du xiv' siècle
pourra ainsi nommer des poètes parmi ses enfants, et
le nombre des monuments de la langue parlée à cette
époque sera grossi d'une série d'œuvres dont il ne faut
pas chercher à exagérer le mérite, mais dont la date
et l'origine se présentent dans des conditions intéres-
santes d'authenticité.
La première de ces pièces, la septième dans l'ordre
général, a pour titre : « la Patenôlre de la guerre, » et
pour auteur Robin de La Vallée. Elle se compose de
trente strophes de six vers octosyllabiques, à deux
rimes, réparties comme dans les deux ^, B, C. Chaque
strophe commence par un mot du texte latin de l'orai-
son dominicale plus ou moins adroitement rattaché à
l'ensemble de l'idée. C'est une combinaison, comme
nous l'avons dit, de piété et de patriotisme. Seulement
il faut avouer qu'elle est aussi monotone qu'édifiante.
De loin en loin^ on trouve à relever quelques mouve-
ments heureux, de rares allusions à des faits intéres-
sants pour l'histoire. Mais cette pièce a un défaut
LA PATE.NOTRE. S59
capital, c'est d'être vague et délayée outre mesure. Le
nombre des mots du Pater a évidemment dépassé les
proportions de l'inspiration qui avait cherché à s'en
faire un cadre. Les récriminations surabondent, comme
aussi l'appel aux vengeances divines. Cette surabon-
dance même sert, du reste, à fixer formellement la
date de la composition. L'ardeur avec laquelle son
auteur insiste pour demander à Dieu la fin des maux
de la Cité montre bien que c'était au plus fort de la
crise que s'élevait vers le ciel ce cri d'angoisse et cet
appel au secours. La date paraît être plus précisée
encore par le témoignage de l'indignation, évidemment
toute récente , qu'a excitée le ravage sacrilège des
églises du val de Metz. Elle peut donc être fixée vers
le mois d'avril iSaS, avec de très-grandes probabilités
d'exactitude.
C'EST UNE PATENOSTRE
DE LA GUERE DE METZ
QUE ROBIN DE LA VALÉE FIST,
Cil qu'estaublit Pierre l'apostre
Me dont sa graice et puis la vostre,
Lors serais bien de graice plains.
Or escoultéz le patenostre :
Elle est de ceulx qu'ont estez nostrez
6 Ennemis grans, dont je me plains.
S«0 POÉSIES DIVERSES.
Pater et Fil de Dieu le Peire,
Ne souffres plus que Mets compeire
Les fais qu'elle n'ait desservis.
Ennuit li font et vitupeire
Cilz devers Bair, cilz de l'Empeire ;
12 Ce n'avint pas au temps Hanris (i).
Nosferet tiens devons tuis estre,
Ou nous yriens a la senestre
Ou nous seriens très mal partis.
Dieu, or fait Mets tenir teit estre
Qu'auler puissent citains a desiro
i8 Quant de cest mont seront partis.
Qui es in celiSy c'est a droit
Dieu garde Mets, car elle ait droit,
Et la maintient en sa franchise.
Par tout sceit on bien orendroit
Que grant meschief a Mets vendroit
24 S'elle estoit en servaige mise.
Sancti/lcetur ceste chose
Les anemis chastoie et chose
Et les retrait de leur follie.
Il meffont trop, bien dire l'ose;
Dieu or envoie une telt glouse
3o Dont la citeit soit toute lie !
(1) Allusion aux bons rapports de la cité avec l'empereur Henri Vil
de Luxembourg, père du roi Jean.
L\ PATENOTRE. 361
Nomen tuiim est admirable
Et gracieus et admiauble,
On le doit bien partout doubteir;
Dieu, par ton nom qui est doubtauble,
Ses anemis, ces mal/, diauble,
36 En fins de Mets veulles bouteir!
j4di>enint, ainsi adveingne !
Dieu, des citains pitiet te preigne :
De ton ayde ont grant mestier.
Des pourez gens bien te souveigne;
Hz ont pou bleif, cherbons et leigne,
/\i Et s'œuvrent pou de leur mestier.
Regnnrn tuuni ne doit avoir
Li hom qui vit d'autrni avoir:
Teilz gens ne sont de nulz bien dignes.
Dieu, tu sceis bien que dit ai voir,
Je te requier qu'aparcevoir
48 Face citains aucuns boins signes.
Fitit^ soit fait ! quant Dieu plairait,
Li grant orgoil moult tost chairait
Qu'a maintenant nostre anemis.
Je croy ploier les covenrait,
Et se pance que ce venrait
^/\ Ainsois qu'il ait an et demy.
yolonlas^ Dieu, ta voUcnlcit
Est chescun soit entallenteit
•'Îfi2 POÉSIES DIVERSES.
De faire bien a toutes hoiirez.
Dieu, trop souffrez grans cruaultéz
Quant brisiez ont fons et aulteirs
60 Et les moustiers on tu demourez.
Tua doit estre sainte Esgb'se,
Franche et quitte sens nulle prise;
La fait on le saint sacrement.
Dieu, garde a Airs en queille guise
Ennemis ont ta maison mise :
66 II n'i ait for le fundement (i).
Sicut in cela ais puissance ;
Je te requier que la vengence
Penre en veuUe briefment sur terre.
G. D. sont plains d'oultrecuidance
Et B. et J. (2) qui ont fait dance
72 Tout autour Mets et mise en serre;
El in terra sommer ne laient,
Et sus vignours huient et braient,
Et ne sceivent pour queil raison.
Dieu, conforte ceulx qui s'esmaient !
Je te requier teil confors aient
j8 Que pas ne perdent la saison.
(1) Allusion aux sacrilèges commis dans le Val de Metz (couplets
265 el ss.).
(2) Comte de Bar, duc de LoiTaine, Baudoin archevêque de Trêves,
Jean de Luxemiwiirg.
LA PATENOTRE. 363
Panein nostrum tollir nous vuellent ;
Très maulvais los certe acuellent,
Lairons ont nom communenment,
Adèz font pis que ilz ne suellent;
Les pourez gens forment se duellent ;
84 Dieu y mette consoil briefment.
Cottidianuiriy chescun jour
Nous desrobent a nos séjour,
De mal faire n'ont point de honte,
Ils ne sont pas boin haberjour
De pèlerins, mais abrejour.
90 Or y pencéz a quoy ce monte.
Da fiobi's! ils sceivent bien dire
Dont vient cil mot; trop estplain d'ire.
Il part bien qu'ilz soient enyvrez.
Leur doit on rienz? nennil voir, sire
Dieu, s'il avient ce que "désire,
96 Nous en seriens bien tost délivrez.
Hodie^ Dieu, me veulle ouyr !
Dont ferais je citains jouyr
De leur propos, et par droiture
Les aneniis faurait fouyr ;
Cilz qui voiront vignes fouyr
loa Ne seront plus en avanture (i).
(1) Allusion au massacre des vignerons de Failly (couplets 244 et ss.).
304 POÉSIES DIVEnSES.
Et (fi mit te toute la terre,
En Chipie vat ton peire querre,
Conte de Bair, car ce est drois ;
Tu ez entrez en une guerre
Ou tu ne puis nus biens acqueirre,
io8 Car au dessur ja n'en vendrois.
Nobis debvéz paix demander
Tous quatre ensemble, et amender
Ce qu'avez fait. Comme traystres
On vous delivroit les yeux bander,
Sur vous croisier et gens mander,
I i4 Tant que fussiez et malz et tristes.
Débita iiostra retenis
Et cbascun jour sur nous pennis ;
Dont vient cil droit.'' Je me merveille
Pour quoy au jour tu ne venis
Et la guerre tost ne fenis ?
ino Faire l'estuet ou s'iert merveille
Sicnt et nos pour quoy ne faictes ?
J'ayes donnés pour les deffaites,
Mais de nous se sont bien gardéez ;
Pour quoy pourtéz espéez traites
Sus ceulx qui n'ont armez ne gaites
I 26 Pour eulx garder de vos menées ?
Diniittimus et vous robéz,
Vous resambléz lous et boberz
LA PATENOTHE. 365
Qui ne vivent for que de proie.
De ceulx de Mets trop vous gabé/,
Vous n'espairgnic/ nonnez n'abeis 5
i32 II est bien folz qui pour vous proie,
Dehitoribus avez faict
Jurer les Sains, c'est trop mal faict :
Et savez prinsez nostrez debtez.
Respondés moi tous a cest fait.
Dont vient cy droit et qui l'a fait ?
i38 L'avés vous apris a Toilette?
Nostres cilains a tort grevés.
Est ce pour ce que vous debvéz
Que vous faites la guerre longe ?
S'estiéz proudomez, bien savez
Paier estuet se vous lavés
144 Ou tout laissier : n'est pas mensonge.
Et ne debvéz soffrir meschiéz;
Oïl certe, car grant péchiez
Avez fait et grant mesprison ;
Robes avez par resveschié,
Vous en estes tous entachiez ; ^
i5o En vos fais n'ait que traison.
«
Nos inducds en droite voie,
Vrais roi du ciel qu'es vie et voie,
Et ne laissiez Mets desvoyer.
306 POESIES DIVERSES.
Aux anemis grant mal envoie;
Se chescuii d'eulx ne se ravoie,
i56* Par droit bien leur dois envoyer.
In templacionem n'a cure
Que Mets enhausse ja sa cure ;
Seurmonteir doit temptacion.
Et s'il avient per avant ure
Qu'elle y chaice, si l'en esture,
162 Jliesus, par ta redempcion !
Sed libéra nos et délivre
Des anemis, ou tu lez livre
A ceulx de Mets, se il te plail.
Contrefait ont la foid on livre :
On pourroit bien faire ung grant livre
168 De leur riot et de leur plait.
A vialo voisin mal malin
Ait on souvent et maint tatin ;
Ce trueve on bien en l'Escripture
Et en romant et en laitin.
Dieux ! ils sont pire que Kayn 5
1^4 Fais tost la paix, ce est droiture.
Aineii^ dites, compaignons fin^
Faire doiéz : vecy la fin.
Cil qui n'ait point de finement
De la guerre face telt fin
LE GRAiNU CREDO. 367
Que finer puist a la parfin
i8o Mets a honneur au finement.
Amen.
H
Les deux pièces suivantes continuent, exactement
dans les mêmes conditions de facture et de concep-
tion que la Patenotre, la série des poésies chrétienne-
ment patriotiques. Elles sont intitulées, la première :
« /e Credo de Henri de Heiz, » la seconde : « le Petit
Credo de Michelet Petitpain. »
On est encore loin des espérances de la paix : le
blocus de Metz est rigoureusement maintenu, et le
comte de Bar vient de se signaler par l'odieuse des-
truction des murailles de Vie. Celte circonstance
permet de fixer la date de la composition vers le
mois de mars i325. Son auteur se préoccupe beau-
coup des dommages causés par la guerre à Tévê-
ché, c'est-à-dire aux domaines temporels de l'évêque
de Metz. Telle n'était pas ordinairement la maîtresse
préoccupation des Messins : mais alors l'évêque c'est
Louis de Poitiers, qui vient de se détacher de la ligue
pour prendre le parti de la Cité, et qui en ce mo-
ment est son idole. Quant à son prédécesseur, Henri
Dauphin, il est traité avec sévérité; mais ce n'est que
stricte justice.
368 POÉSIES DIVEHSES.
Le texte du Credo comprend un bien grand nombre
de mots. 11 en résulte que les pièces de vers sont i'ort
longues. Ce n'est pas tout à fait la faute des auteurs,
mais ils s'en sont bien ressentis. La clarté et la préci-
sion ne sont pas leurs qualités dominantes.
C'EST LE CREDO
HENREIS DE HEIS.
Pater noster sens le Credo
Ne vaulroit riens, sicut credo;
La sont li poius luis de la foy.
Devenus est cliescun/yre^o.
Or vous dirais quod concéda .
6 Sy vous teneis sens faire affroy.
Credo ^ se tuis me vouloient croire,
Je feroie tous ceulx recroire
Qu'encontre Mets sont engrenny.
La guerre vient par leur acroire,
Car per prester, c'est sens mescroire,
12 Mets ait guaingniéz mains anemis.
In Deum vat toute Lorrenne ;
Fors ceulx de Mets ou tous biens rengne,
Contre Dieu vont tiestuis li autres.
Hz destruient eulx et lour rengne,
Lh: GRAND CREUO. 36'J
Bien pci t qu'en eulx Anemis iciigne ;
18 Pourter leur fait lances sus fautrez.
Pat rem ne priiisent ne sa Meire ;
Geste guerre est dure et ameire,
Onques certes teille ne vy.
Adès engreigne, adès empeire,
Hz n'ont laissiez ne fil ne peire,
24 Ce sceit on bien, ne femme a Vy.
Omnipotentem ne redoutent,
Car sens raison partout feu boutent ;
Hz sont ainsy com foursenéz,
Il me samble que ilz rasotent :
En mal faire trestuis s'aroustent ;
3o Lour cuers sont la tuis ordonnez.
Creatorem cœli et d'iaulx
Aiment 1res pou quant les bidaulz,
Pour nuire a Mets ont fait venir ;
Ilz sont tous plains de ribaudiaulx,
Cilz desrobent, cilz font ferdiaulx :
36 Teilz gens ne veuUent que pennir.
Et terre les laboureux hapent,
Hz les buient, et si lez frapent,
Et les mettent en lour prison :
Cilz sont tuis liez qui leur eschapent ,
Et les vignes pour quoy estrapent .''
/\'i. Nulz ne sceit dire rocchoison.
24
370 POÉSIES DIVKRSËS.
Et in J/iesfif/iy je croy, guerroie
Cilz de Montc'.eir, cilz de Parroye ;
Commenciez ont cilz .11. la guerre.
Chescun des leurs trop se desvoie ;
Trop voulentier le jour vairoie
48 Qu'ilz ji'heiissent roie de terre.
Cristum je pi ens a tesmoignaige.
Se citains fuissent d'ung coraige
La guerre fin plux tost prendroit.
Cil qui fisl tout a son ymaige
Lour doint tel cuer et telt usaige
54 Que tuis soient ilz bien orendroit.
Filium ejtis ne le Peire
Qui moy desrobe, que ni'empeire
Ameir certe je ne pouroie.
Je pris le fil a Tempereire
Que fuit jaidis (1) cest fait conipeire,
60 Car a grant tort citains guerroie,
Unicum voy qui me desplait
Quant cilz qui ont bâti cest plait
Donnent robes a nos citains (2) ;
Hz les prinrent qu'ainsy leur plait^
Et les portent sens avoir plait :
66 C'est outraige, j'en suis certain.
(1) Le roi Jean, (ils de l'empereur Henri VII.
(2) Allusion aux liens de féodalité qUi unissaient plusieurs seigueurS
messins aux princes alliés.
LE GRAND CREDO. 371
Domimun nostrum nostre cvesque '
Ne prisent riens ne ciaulx aveque
De son osteil nostre aneniis.
Mervilliêz suis de l'arcevesque
Qu'en Mets sa gent amenait presque
72 Toute devant la saint Remys.
Qui conceptiis est droit en mars,
Gerte d'or fin pour .G", mars
La perde n'iert ja restourée.
Trop ait a eulx obey Mars,
Chescun vault pis ne fist Guimars,
78 Qui ait enibléz mainte danrée.
De Spiritu Sancto n'ont cure,
Autre part ont mise leur cure :
G'est en rober et en mal faire.
Mal et nieschiéz chescim parcure,
Hz vont per nuit noire et obscure ;
84 Hz ne pancent a autre affaire.
Natiis qui fuis droit en descembrc
En Bethlehem, bien m'en remembrti,
Donne aux citains force et aye ;
Les anemis trestous démembre,
Ne lour laissiez ne plés ne membre i
90 G'est une gent qu'est trop baye.
Ex Maiia^ c'est de Marie.
Ne puis tenir que je ne rie :
3l2 POÉSIES DIVERSES.
Oiujues ne fui leil Marion ;
Se Mets a lie bien se marie
Plux ne seroit certain marie,
96 Dont veulz qu'a lie nous marions.
yirgine^ voir caste et pucelle,
Fille de Deu, mcire et ancelle,
Fontenne tle miséricorde,
Virge plaisant, virge très belle,
Entre la gent qu'est tant rebelle,
102 Veulles mettre paix et accorde.
Passas la mors pour douer vie,
Jhesus qui es et voie et vie,
Met ceulx de Mets en droite voie ;
Les anemis remplis d'envie,
Ne laissiez pas long temps en vie,
108 Se chescun d'iaulx ne se resvoie.
Sub Poucio, desoubs le pont
Soient jetiez luis ceulx du Pont !
Aultre glose ne veulz ci faire.
A ceulx de Mets chescun respont*
Par grant orgueil et leur despoiit
114 Qu'ilz n'ont cuire de la paix faire.
Pilota^ Deu au lempzP\laiU'
Qui reseus mort, briefment translate,
Ensuis de Mets les anemis;
LE GRAND CREDO. 378
Tous leur osteiz brise et desflale,
Ne lour laissiez planche ne latte
I20 Que ne soit tout en cendre mis.
Cruxifixus pour nos pechiés
Jliesus qui fuis et detranchiés,
Pour nous d'enfer trestous gitter,
Si com tu sceiz les grans meschiéz
Que souffre a tort nostre eveschiéz,
126 Si la vueillez tu visiter !
Mortuus soit de malle mort
Cui conscience ne remort
De mal faire! bien le doit estre.
Dieux, qui pour nous receut la mort,
Reçoive ceulx qu'ont estez mors
i32 On ciel lasus et en son estre.
" Et sepultus soit en enfer
Cliescun des lours, ou Lucifer
Par orguoil convint avaller.
Hz nont laissiez charbon ne fer .
Venir a Mets pour reschauffer
i38 Ceulx qui estoient enjaléz.
Descendit qui mort sourmonlait,
Après Paiskes et remontait
XL jourSj par droit compteir.
Boin fait monter ou i montait :
37* POÉSIES niVERSES.
Mets d'anemis .i. grant mont ait,
i44 La ne puissent ilz ja monteir.
Jd infenia puissent descendre,
Qu'ilz ne laissent mairiens, essendre,
Ou autrez biens a Mets venir.
Mets afamer cuident ou prendre ;
Bien les doit on de ce reprendre :
1 5o Mets se puet bi^n contre eulx tenir.
Tercia die devant feste
Sainte Agathe ont fait grant tempeste
A ceulx de Vy, et en pou d'oure
Laissiés n'y ont ne cler ne preste,
Femme n'enffant, borgoy n agreste ;
i56 C'est tout perdu, nulz n'y dcmoure.
Resurrexit qui au tier jour,
Doigne a F^owy, sens grant séjour,
Pour vengier Vy force et ayde !
Aidiés li tuis, marchant, chaingour ;
Estre trestuis debvés vanjour
162 De l'oultraige de l'omecide.
A mortuis a grant pitieit,
Petis enffans n'ont respitiéz,
Femme gisant, ne pucellettes.
Or est bien Vy a grant viteit ;
Duchaulx, Contaulx l'ont avitiéz,
168 Chargiesy ont maintez cherettes.
LE GRAND CKEDO. 375
Ascendit trop souvent sus famés
Li duc Ferry : si s'en deffaulme,
Duchesses fait a grant planteit.
Et Endowart sa gent afamme,
Il en doit bien perde sa famé ;
l'I^ Il prent le fruit qu'il n'ait planteit.
Ad celos^ Dieu ! cornent iroient
Gilz qui a tes citains guerroient ?
Ce ne seroit mie raison.
Grant duel seroit s'ilz conquerroient
La citeit de Mets : n'i larroient
i8o Chose qui fust, mur ne maison,
Sedet, ou Dieu ja ne sairont
Cilz que jamaix Mets assauront :
Ils auroient trop digne siège.
Saigez seront qui me croiront,
De leur eraprinse retrairont,
1 86 Car trop est folz qui Mets asiege.
Ad dexteram coper la teste
Puisce on celui qui Jehan Teste
Mist en prison, car il est moines.
Lor mauvistié est manifeste.
Hé ! Dyauble, or ais tu feste
iqa Quant a faire tez fais lez moinez.
Dei Patris de la bonteit
Cilz qfti sont neis de la Conteit
S75 POÉSIES DIVERSES.
Ne sceivent riens, très bien apert.
En pou de tempz sont haul monteit,
Mais ils seront tost demonteis :
198 Tour prent, affin que son roc pert.
Omnîpotentis très poc tient
De la graice cil qui maintient
La follie qu'il ait emprinse.
Cil qui aultrui avoir retient,
Cil qui robe, cil qui soubtient,
ao4 Est bien compaing de telle prinse.
Inde dirai une novelle ;
Le temps est bel qui renovelle,
Nous avons ja passez febvrier.
Se celle gent plux se rcvelle,
Une chanson que la muelz vaille
210 Faudrait chanter par saint Livier.
Venturus est le jour de l'ire
Que Dieu vourait lez siens eslire
En son hostel pour habergier.
En tez livrez fault, citains, lire
De Jhesucris qui fort hait l'ire,
216 Puis les meneir en son vergier.
Juclf'care Tpuis del Delphin,
Que faire doit autreteil fin
Com fist Judas, le fel traïtte.
Il empourlait de Mets l'or fin,
LE PETIT CREDO. 377
Si l'empourlait sens avoir fin ;
3 0,2 II est pire que nulz erile.
Vivàs eitains Cil veulle amer
Qui terre fist, ciel, air et meir,
Et en sa garde tous les preigne;
Contre anemis qui sont ameir,
Lez veulle si forment armer
228 Que les princes fouyr conveigne !
. Et mortuns veulle resoivre
Et ses biens lour faire apperçoivre,
Cil qu'est ung Dieu en triniteit !
Les vifz n'ont pas voullus deçoivre:
Dieu, des mauvaix or les deçoivre
a34 Per ta sainte diviniteit !
Amen.
I
C'EST LE CREDO
MICHELET PETITPAIN
QUI MAINT DEVANT LES REP.VNTIF.S.
Le grant Credo sens le petit,
S t'eut credo ^ va u Irait petit.
Donc me faut il .i. nouvel dire,
578 POÉSIES DIVERSES.
Mette y dois bien mon aupelit.
Quant je voy bien que droit petit
6 Des malvaix grant bien ne pues dire.
Credo que Mets n'iert jamais prinse;
Se je l'aime ou se je la prise,
Bien est raison : je y demoure.
Anemis font très forte emprise,
Ja lour terre est et serait prise,
la Si que je crois, sens grant demoure.
In Spiritum on Sainct Espreit
Nulz hom ne doit qu'avoir desier
On grant secreit de Dieu le Peire.
Hé Deus ! j'aime ia paix très cliier,
La guerre veullez estenchier
i8 Aipsois que nulzplux le compeire.
Sanctam Ecclesiam garder
Veulle Jhesus et regarder,
Bien ait mestier de son aye ;
Et les tors fais face amander !
Souvent ait prins sans demander
'2./\ La gent qu'est si forment baye.
Catholicam foid ait mantie
Ung chivalier de leur partie.
Je crois qu'il fuit nèz on Saunois,
LE PETIT CREDO. 379
De Cerleres tient partie;
Aussy fuit la chose partie,
3o Or est clamez Hanrey renois (i).
Sanctoriun en la compaignie
Ne doit estre qui foid renie,
Ne des hommes, puisqu'est faulsaire.
Il vault pis c'un serf de maignie,
Abaissiez ait trop sa lignie ;
36 Chascun luy doit estre adversaire.
Communionem de l'auteil
Ne doit penre que fait fait teil,
Car Dieu le heit et n'en fait signe.
Cilz qui vivent d'autruy chaitel,
Et qui robent ville et chastel
42 De telt maingier ne sont pas digne.
Remissionem doit avoir
Cil qui dérobe aultrui avoir,
Quant il le prent et si le rent.
Vous savez bien ce dit aix voir,
Encore vous fais je savoir
48 Que par penre maint homme on peut.
Peccatorum de part enliéz
Qui sont de tout apparelliéz,
(1) Il est aisé de reconnaître Henri de Fenestrange en cet Henri le
Renégat (cf. couplets 110 et ss.). — Henri de Serrières est mentionné
au couplet 90.
MO POÉSIES DIVERSES.
Veulliés or vous tost ainander
Et plux ne vous en travilliéz;
La paix briefment querre veuilliéz:
54 On meffait ne fault qu'amander.
Carnis tous ceulx qui don péchiez
Ord et villain sont entachiez
Heit Dieu forment, soit hom soit femme;
On aultrui chastel ait bêchiez
Dont convenrait soffrir meschiéz,
6*0 Combien que tait, son corps ou s'ame.
Resiirectinnem Dei
Crurent li filz Zobedei;
Mais cilz qu'ont fait leur aliance
Sus ceulx de Mets, que Judei
Sont tuis piours, et d'eulx je di
(^6 Que onque en Dieu n'orent créance.
VUnni œternam, qui cest dit
Ont escouheil et qui l'ait dit
Aprèz la mort puissent avoir!
Et maldit soit qui contredit
Que paix ne soit, car trop mesdit,
72 Et perdre en puisse son avoir î
Amen dites au definer :
Jhesus, qui est sens definer,
Cesle guerre briefment define,
L'AVE MARIA. 38i
Et en telt point face finer
Qu'il coveigne debles finer
jS Et s'aie Mets paix bonne et fine!
Amen.
J
}jÀue Maria, avant-dernière pièce du recueil, porte
ie nom de Margiieron du Pont-Kengmont. Elle est
composée sur le même plan que les pièces précé-
dentes. On y rencontre une allusion à l'offensant ^,
B, C, de maître Asselin ; mais le feu des passions
commence à s'amortir, les cris de haine et de ven-
geance ne trouvent plus ie même écho, la poésie res-
pire un sentiment moins amer; elle puise une sérénité
toute nouvelle dans une espérance à laquelle les cœurs
se sont ouverts. La paix semble, en effet, déjà montrer
ses rayons au-dessus du sombre nuage des incendies
qu'a allumés la guerre. Ce n'est plus que pour la con-
firmation, que pour le maintien définitif de cette paix
que la Reine du ciel voit invoquer son secours.'
La pièce de vers doit à sa moindre longueur d'être,
par cela même, moins confuse et moins délayée. Elle
est, sous ce rapport, très-supérieure à celles qui la
précèdent. D'après ce que nous venons de dire, la date
de sa composition doit correspondre aux premières
lueurs de la paix, c'est-à-dire environ au mois de
382 POÉSIES DIVERSES.
janvier i326. Elle est donc postérieure de plusieurs
mois à celle des deux Credo, et c'est à tort que le ma-
manuscrit n" 82, induit en erreur par la rubrique, la
place immédiatement après la Patenoslre.
C'EST Ll AVE MARIA
MABGUERON DU PONT RENGMONT.
Ains iroie trans maria *
Que laissasse Ave Maria
Quant Tay trouvé en YJ^ B, C.
Dieu qui pour voir in Maria
Son fil par l'angle maria
6' A la vierge Theotecé (i).
jéue! seigneurs, ouvreis la porlc ;
Bien soit venuz qui paix aporte,
Plus bel juel ne puet pourter.
% Teil vat a Romnie qui n'aporte
Ung si biaul dont com je raporte :
12 C'est paix, pour nous muelz depourler.
Maria, qu'est de Dieu là meil'e
Ait destruite la guerre ameire.
(1) Ce mot est la transcription littérale du grec Beôtéxr,, altéré dt
6eoT6xYi(ou plutôt ôeOTÔxoî), mère de Dieu. — La rime exige l'accen-
tuation de la voyelle finale.
L'AVE MARIA. 383
C'est la iiieire qu'est nette et monde,
Nulz aullre a lie ne se compeire :
Elle pourtait le Fil au Peire
18 Qui rachetait trestout le monde.
Gratia plena doulce dame,
Nos cuers, nos corps met en tel lamme
Pour quoy se puist la paix tenir.
Mundez. nos cuers, mundez nos âmes
De tous péchiez et de tous blasmez,
24 Par quo}' puissions a toy venir.
bominus ait garde en la teire,
S'a destruicte toute la guerre
Que par Loherenne ert espandue.
Chascun amer doit ung teit hère
Et lui servir et lui requeire :
3o La teirre fuist sens ly perdue. •
Tecum ver Dieu fait boin aler.
Bien est meschant cui esvaller
Convient es mains dez anemis \
Ou Dieu nous veulles appeler
Et en teilz lieus faire osteller
36 Ou t'ais logiez luis tes amis.
Benedicta tu dois bien estre,
Meire et fille du roy selestre :
Tu ais la guerre a fin menée.
3M POÉSIES DIVERSES.
Maint homme alast a la senestre
Qu'encor irait par dever destre,
42 Puis que la guerre est definée.
In mulieribus que furent.
Ne en celles que encor durent,
N'eut tant de dons comme oit Marie ;
Touttes aultres femes c'espurent,
En sa pure (i) ;
48 Bien en debvons amer Marie.
Et benedictus Jhesucris
Soit, qu'ait tineis et plours et cris
Que pourez gens souvent faisoieiit.
En veriteit je vous décris,
Chascun vaulloit pis qu'Antecris :
54 « Tout seroit leur, » entr'eulx disoient.
Fructus ventris, virge et pucelle ;
C'est Jhesucris et t'es s'ancelle ;
Par vos .11. est la paix venue.
Virge qui ait mainte chappelle.
Je te requier et se t'appelle
60 Que la paix soit ferme tenue.
Tui serjens estre debvons
Et toy prier quant nous levons^
(1) Ce vers est inachevé dans le ms. 81, et mauque lotalemeul un
nis. 82.
LE BEiNEDlClTE. 38b
Aiiis que li jors tle la mort veigne.
Ceitainnement Iresluis savons
Que nous par toy la paix avons;
66 Or, Dame, fais qu'elle se teigne (i).
Jmen! Virge plaisante et fine,
Resois mon dit et si Tafine,
Et si me fais par bien finer.
Foix que doie sainte Rafine,
Se tu mon ame nen fais fine,
72 Ne sa coment doie finer.
Amen.
K
Enfin, la onzième et dernière pièce du recueil,
sous le titre de Benedicite de Louis de Poitiers, est un
véritable dithyrambe en Thonneur du prélat. Elle
compte douze strophes de six vers, et se termine par
un envoi de huit vers sur deux rimes alternées. Ce
couplet final mis à part, la facture du Benedicite ne
diffère en rien de celle des pièces précédentes. Les
services que Louis de Poitiers a rendus à la cité y sont
(1) Entre ce couplet et le suivant devrait se placer un couplet com-
mençant par Jésus; mais l'auteur aura sans doute cru pouvoir s'en dis-
penser, après la mention explicite des vers 65 et 5G : « Fruclus venfris...
C'est Jhesucris. »
2o
386 i'OtSJtS DIVEHSBS.
l'xallés avec uue sorte de passion; son éloge est Tu-
nique sujet qui soit développé dans cette petite pièce,
d'un style relativement assez, limpide et d'une versifi-
cation assez, régulière.
C'EST UNG BENEDiClïE
DE LOWlS DE PITIÉ
KVBSQUK UK MET/..
Seigneur, pour Dieu, p'Aix facile!
S'ourez le Benedicite ;
Il est de Lowis nostre evesque.
Conter de lui puis licite
Qu'em paix a mise la cité
6 Et trestoute Loherraine avecque.
Benedicite, Dieu bénie
Nostre evesque et sa compaignie ;
On le doit bien par tous bénir.
Il est atrait de grant lignie,
Noble et gentil et sa maisnie; .
i'2 Dont l'en doit on plux chier icnii'.
Dominas l'ait de grant biauteit,
De sens, d'onnour, de leauteit
Garnis : bien est si fait apert.
Dieu de Langre l'ait translauteit,
l.E BENEDIClTi:. SS?
Et c'estoit de la reauteit
i8 De France l'ung des XII per.
Nos et ea que nous avons
Ait mis en paix, bien le savons ;
Par son poichat la paix est faite.
Ung teil Lowy amer debvons,
Bien est raison que l'alevons :
24 II est atrait de gent perfaite.
Siiinus en paix par son ouvrage;
Il n'a pais beu d'ung teil brouvaige
Com fist Henris de Montabant,
C'est le Daulphin qu'est plein d'oultraige,
Quant Mets debvolt faire souffrage;
3o Mais riens n'en fist, par saint Urbain.
Sumpturi sont citains de Mets
Leur viandez, leur entremetz
Tréz plux en paix que ne soulloient.
A anemis, je vous prometz,
S'ait faitLowis, qu'est renoméz ;
.]6' Lorrains de lui niestier avoient*
Benedicat tout son paraige
Cil qui le fist a son ymaige ;
C'est Dieu qu'est ung et en nom tierS»
Ces peire est hom de grant eaige
Et encor ait en son prouaigc
42 Toute la terre de Pitiers;
3»» POÉSIES Dl\ EUSES.
bexteva Christi est founnéz
Cil qu'ait la paix mise enlour Mez.
S'ai fait Lowis belle parsolne ;
Lowis leaul estre clamé/
Doit et estre de tous améz,
48 Car le sien nom en bien resonne.
In nomine Patris créez
£t vous serez bieneiiréz,
Car ainsy est certainement.
11 fait merveille, bien veéz,
11 revoie les desvoiéz,
54 La guerre ait mise a finement.
Et Fila tient la manière
Qui volt soffrir poinue et hacliiere
Pour rachiteir Tumain lignaige ;
Car pour plaisir la gent crueire
Et pour faire la paix entière,
60 Sa propre terre ait mis en gaige.
Et Spiritus Sancti la graice
Apert Low^y enmy la fasce,
11 rit adès quant il perrolle.
Or veulle Dieu que nulz ne face
Chose qu'a luy jamaix desplase
66 Ne a tous ceulx de son escholle.
Amen dite, je vous en proie,
Par un couvent, que jamaix pioie
I,E nENEDlClTK. 380
Ne piiist devant Mets estre prinse.
Je prie a tous les sains c'on proie
Que cilz que Mets desrobe on proie
72 Puisse cheoir en mortelt prinse.
Or prions Dieu devoltement
Que veulle de tous malz gardeir
Ceulx et celiez qui bonnement
76 Veullent Mets la citeit ameir,
Et leur dont vivre teillement
Qu'en Paradis puissent alleir.
Amen, de part Dieu tout poissant
80 Et de tous sains c'on doit clameir !
Avec cette pièce se termine le recueil des poésies
qui nous restent, relatives à la guerre de i324. Il est à
remarquer qu'elles sont toutes antérieures aux troubles
funestes qui suivirent la paix, et au renouvellement des
hostilités. Il paraît hors de doute que cette seconde et
triste période de la guerre ne dut pas inspirer les trou-
vères messins. La guerre étrangère surexcite des pas-
sions généreuses et fortes; elle élève l'àme, par l'en-
thousiasme, à la hauteur des dangers que court la pairie.
Mais quand c'est une lutte fratricide qui s'engage,
lorsque des citoyens d'un même pays, armés les uns
contre les autres, donnent à leurs ennemis le specta-
cle, doux pour eiyc, d'un peuple qui recule le jour de
la revanche en épuisant contre lui-même ce que la
390 POÉSIES DIVERSES.
guerre étrangère lui a laissé de forces : le poëte, qui a
chanté les efforts glorieux de sa patrie, qui a consolé
ses tristesses et ravivé ses espoirs, le poêle brise sa
plume et se voile le visage. Il y a dans l'histoire des
pages qu'on voudrait pouvoir effacer au prix de son
sang. Nul ne s'arrête devant elles que pour les mau-
dire! Telle a été la page de l'histoire de Metz où est
^ écrite la seconde partie de la guerre de 1 3 ->.,') , celle qui
commence et se continue par la guerre civile. Elle
n'était pas faite pour être racontée dans des chants
patriotiques ; nul Messin ne pouvait avoir le désir d'en
conserver la mémoire pour la postérité !
Nous croyons devoir donner ici le fragment de la
Chronique rimée^ mise sous le nom de Jean le Châtelain,
■qui est relatif à la guerre de ii324, bien que nous ayons
élevé quelques doutes sur l'exactitude d'un fait qu'elle
rapporte (p. 78, note). Cette chronique a joui à Metz,
pendant plusieurs siècles, d'une vogue considérable. Il
en existe de nombreux exemplaires manuscrits, avec
des variantes plus ou moins notables et des continua-
tions de diverses mains. Sa composition date certaine-
ment du XV* siècle; mais, n'ayant été éditée qu'au
xvii", elle se présente à nous avec un rajeunissement
systématique d'orthographe et même de langage (i).
L'édition de 1698 (Metz, veuve Bouchard, petit in- 12
(1) La Clironique rimée, avec sa continuatiou jusqu'en 1552, a été
publiée aussi par D, Calmet {Hist. de Lorr., t. Il, Pr., col. cxxii),'
LA r.HnoNiQUE rimRe. soi
(le gy pages) était devenue introuvable ; une réimpres-
sion fidèle en a été faite par M. Chabert (Metz, Rous-
seau, i855). Mais cette considération ne doit pas nous
empêcher de publier le fragment en question, car le
texte imprimé ne contient que sept quatrains sur notre
guerre, tandis que les manuscrits en contiennent géné-
ralement dix-sept. C'est à ce titre qu'il y a intérêt à
lui donner place dans notre recueil, d'après la plus
correcte des copies manuscrites qui font partie de
notre cabinet. Nous indiquons par un astérisque les
quatrains qui figurent dans le texte imprimé.
La guerre du roy de Bohème, duc de Luxembourg.,
des ducs de Lorraine, de Bar, et t évèque de Trêves,
contre Metz, i324.
* La guerre du Roy de Bohême,
Ducs de Luxembourg et Lorraine,
Du duc de Bar et l'électeur
De Trêves à Metz fut un mal-heur.
* En mil trois cens vingt quatre ans.
Un roi de Bohême nommé Jean
Déclara la guerre aux Messins
Avec ceux de Trêves leurs voisins.
* Le duc de Lorraine d'autre part,
Accompagné d'un duc de Bar,
Vinrent contre Metz combattre,
Et s'y trouvèrent ensemble eux quatre.
392 POÉSIES DIVERSES.
* Pour vous en dire le brief et court,
A Luxembourg tenoient leur cour ;
Mais diligemment, par exprès,
Vinrent tous au siège de Metz.
* Et firent de très-grands dommages,
Brûlant plusieurs bourgs et villages
Sans pitié et sans conscience,
Avant qu'on en eût méfiance.
Le messager vint devant la porte :
« Tenues, voilà lettres que je vous porte. »
Fust droit, fust tort, fust tort ou blasmes,
Tous mettoient en feu et en lia m mes.
Les pauvres gens par le pavs
Se trouvèrent moult esbays,
Ijaissant toutes bestes et biens,
Hors leurs enfans, sans prendre rien.
La guerre fut moult périlleuse,
Et de cher temps moult merveilleuse ;
Car les grains furent ars es granges,
Et perdues toutes les vendanges.
Mais tant furent Messeins vaillant
De traits, d'estocs et de taillant,
Faisant tel guerre et tel hutin,
Qu'ils conquetèrent grand butin.
Malgré la guerre et sa malice,
On usât de telle police,
A CHRONIQUE RIMÉE. SO.-i
Si bien et tel ordonnement,
Qu'on eut très bon gouvernement.
Or la plus grand pitié qui fut,
C'est qu'on mettoit partout le feu
Tout fut fondu et ruyné,
Et n'avoit on rien enbanneis. •
Moult eut la Cité à souffrir.
A leur esvesque alors offrirent
Quinze mille livres d'argent
Pour avoir aide de ses gens.
L'esvesque etoit Henry Daulphin,
Du Dauifiné, malin et fin.
Il leur promit de leur servy,
Mais l'argent fut mal deservy.
Il engagea toutes ses bonnes villes
Et ses chasteaux bien pour c, mille,
Sans les quinze mille de gage,
Tout par son cauteleu langage.
Et quand l'argent il eut receu
Les seigneurs en furent deceus;
Quand il l'eut en main assuré,
Il retourna en Dauifiné.
La leur survint guerre sur guerre,
Et par force leur convint querre
Cette somme avos Tesveschié,
Dont ils eurent grand meschief.
•'^'' POIÎSIES DIVERSES.
La guerre fut des ennemis
Devant Metz un an et demy ;
El au printemps, au mois de mars.
De tous maulx fut fiiite la paix.
Le siège de Sampigny par ceux de Metz, lio^.
Ainsi toujours que guerre se mène
A Sampigny furent onze sepmaines
A combattre la garnison,
Sans gaigner chasteau ny maison,
A Metz, les convient retraire
Car trahyson leur fut contraire ;
Et eurent deux seigneurs de mors,
Dont ce leur fut grand desconforl.
Bibl.de Metz, xive siècle.
PIÈCES DIPLOMATIQUES.
ARCHIVES NATIONALES.
ARCHIVES DE METZ.
ARCHIVES DE COBLENTZ.
ARCHIVES DE LUXEMBOURG.
Kçlise Saint-Yinccnl, x.v siècle
PIECES DIPLOMATIQUES.
ous aurions aimé à rendre com-
plète celte monographie de la
uerrede 1824, en publiant à sa suite,
litre de Preuves, toutes les pièces
thentiques qui s'y rapportent. Ces
ocuments, dont les Archives natio-
es, celles de Metz, et de Goblentz
it conservé les précieux originaux,
auraient ajouté grandement à la va-
leur de cet ouvrage, aussi bien au
point de vue de l'histoire qu'à celui
de la philologie.
Mais une telle publication, outre qu'elle eût déme-
surément grossi ce volume, n'échappait pas au tort de
ne pas être inédite, et, en pareille matière, cela est
tout. 11 nous a paru qu'il suffirait de donner l'indica-
tion des ouvrages où se trouvent reproduits ces docu-
ments, et de nous borner ici à éditer deux des pièces
parmi les plus importantes, dont l'une (celle qui porte
3!>8 PIÈCES UlPLOAlAllQUES.
le n" V dans le Répertoire suivant) n'a pas encore été
signalée. Leur rédaction donnera une idée assez exacte
du style en usage dans la diplomatie politique de notre
pays au xiv'^ siècle.
I. — Traité d'alliance entre les quatre princes contre
la cité de Metz (aS août l'iiâ). (Arch. de Co-
blentz.)
— Hontheim, Gesta Trevir., t. II, p. io3.
— Valbonnais, Hist. du Dauphiné, Pr., p. 200.
— Institut archéol. de Luxembourg. Public. 1873,
p. '.>.o\.
II. — Traités particuliers entre la cité de Metz et plu-
sieurs seigneurs à ses gages (septembre 1824 -juil-
let i32 5). (Arch. de l'hôtel de ville de Metz.)
— Hist. de Metz par les Bénéd., t. IV, Pr., p. 20.
— (Voy. dans ce volume, p. 2()6, l'engagement du
sire de La Pierre.)
m. — Description de la tenue des journées amiables
et des marches d'Esiault. (Chronique dite de
Praillon, s. l'an i3:>.4.)
— Hist. de Metz par les Bénéd., t. IV, Pr., p. 21.
— Huguenin, Chroniques messines, p. 6/^.
IV. — Traité supplémentaire entre le roi Jean et l'ar-
chevêque de Trêves (i5 octobre i324). (Arch.
de Goblentz, sous forme de vidimus du 20 sep-
tembre i343;)
HEI'EIVTOIRE. 399
— Iiislitutaich.deLuxembourg,Publ. iSy'5, p. 200.
Y. — Traité d'alliance soumis par les quatre princes
à l'acceptation du roi de France (tin d'octobre
i324). (Archives nationales, Paris.)
VI. — Traité par lequel l'évèque Henri Dauphin est
compris dans l'alliance (i5 novembre i3a4).
(Arch. de Goblentz.)
— Yalbonnais, Hist. du Dauphiné, Pr,, p. 201.
— Institut arch. de Luxembourg. Publ. 1873, p. xoS.
Vil. — Lettre des Messins à leur évêque Henri Dau-
phin (18 décembre \'i'.i\).
— Meurisse, Hist. des évêques de Metz, p. 49^-
VIII. — Traité de paix entre Henri Dauphin et la cité
de Metz (29 mars i325). (Arch. de l'hôtel de
ville de Metz.)
— Hist. de Metz parles Bénéd., t. IV, Pr., p. 8.
IX. — Accord additionnel entre Henri Dauphin et la
cité de Metz (3i mars i325). (Paul Ferry, Ob-
servatiom séculaires^ t. Il (f 58 v°, n*» 367), à la
Bibl. de Metz, mss, n" io6.)
— Hist. de Metz par les Bénéd., t. IV, Pr., p. io«
— Huguenin, Chroniques messines, p. 5i.
X. — Réponse des Messins au pape Jean XXII (mars
i325). (Paul Ferry, Observations séculaires, t. II,
(f 59 v% n° 367) à la Bibl. de Metz, mss. n" 106.)
— Hist. de Metz par les Bénéd., t. IV, Pr., p. 17.
— Huguenin, Chroniques messines^ p. 53,
XI. — Demandes des quatre princes et réponses des
Messins à la conférence de Marsal (janvier i326).
.'lOO PIÈCES UJI'LOMATIQUES.
{Chi'onique de la Guerre, jadis dans le cabinel
Enimeiy.)
— Hist. de Metz par les Bénéd., t. IV, Pr., p. i3.
— Huguenin, Chroniques messines, p. 56.
XII. — Traité de paix entre les quatre princes et la
cité de Melz (3 mai-s i326). (Archives de MelA
et de Coblentz.)
— BerthoUet, Hist. de Luxembourg, t. YI, Pr.,p. x.
— D. Galniet, Histoire de Lorraine, t. II, Pr.,
col. DLXXIX.
— Hist. de Melz par les Bénéd., t. IV, Pr., p. 19.
— Huguenin, Chroniques messines^ p. 62.
XIII. — Acte additionnel au précédent traité (3 mars
i3a6). (Archives de Metz et de Coblentz.)
— Hist. de Metz par les Bénéd., t. IV, Pr., p. 28.
— Inslitutarch. de Luxembourg. Publ. 1873, p. 2o5.
— Huguenin, Chroniques messines, p. 63.
XIV. — L'évêque et le chapitre de la cathédrale de
Metz déclarent tenir quittes les quatre princes des
dommages causés dans leurs biens par la guerre
(ij mars i326). (Archives de Coblentz.)
— Institut arch.de Luxembourg. Publ. 1873, p. 206.
XV. — Traité d'alliance entre Louis de Poitiers et la
cité de Metz (3o mai i326). (Arch. de l'hôtel de
ville de Metz.)
— Hist. de Metz par les Bénéd., t. IV, Pr., p. 27.
XVI. — Atour concernant la builette et la maltole
(6 juin 1326). (Arch. de l'hôtel de ville de Metz.)
— Hist, de Metz par les Bénéd, t. IV, Pr., p. 3o.
REPERTOIRE. ftOl
XVII. — Liste des soldoyeurs au service de la Cité
(septembre i'di6).
— Hist. de Metz par les Bénéd., t. IV, Pr., p. 43.
XVIII. — Alliance entre Jean de Bohême et Edouard
de Bar contre les Messins révoltés (2^ octobre
iSaô). (Trésor des chartes de Lorraine, à Nancy,
cart. Luxembourg-Chiny, f. 5i.)
— Hist. de Metz par les Bénéd,, t. IV, Pr., p. 34-
XIX. — Convention entre Jean de Bohême et Ed.
de Bar pour le partage de l'indemnité (octobre
i326). (Bibl. Nationale, Collection de Lorraine,
vol. 211, liasse Luxembourg, I, n" yi.)
— Berthollet, Hist. de Luxembourg^ t. VI, Pr.,
p. XIX.
XX. — Publication de la paix et ordonnance pour le
bon ordre (27 juin iSay). (Bibl. Nationale, Paris,
Coll. de Lorraine, 211, liasse Luxembourg, I,
n" 72. — Copie dans Paul Ferry, Observations
séculaires (t. II, f i48 v", atour n" cm), à la
Bibl. de Metz, mss. n° 107).
— Hist. de Metz par les Bénéd., t. IV, Pr., p. 4i«
— Huguenin, Chroniques messines^ P* ^7*
XXL — Ratification de la paix par Jean de Bohême,
Edouard de Bar et les Paraiges (27 juin 1327).
(Paul Ferry, Observations séculaires (t. II, f 66,
n° 368), à la Bibl. de Metz, mss. n" 107).
— Hist. de Metz par les Bénéd., t. IV, Pr., p. 43.
— Huguenin, Chroniques messines, p. 69.
XXIL — Traité d'alliance entre Edouard de Bar et la
26
402 PIÈCES DIPLOMATIQUES.
cité de Metz (17 août iSay). (Arch. de l'hôtel de
ville de Metz.)
— Hist. de Metz par lesBénéd., t. IV, Pr., p. 46.
XXIII. — Titre de Pierre de Bar, seigneur de Pierre-
fort, comme pensionnaire de la cité de Metz
(19 août 1327). (Paul Ferry, Observations sécu-
laires (t. II, f* iSp, atour n° cxxxvii), à la Bibl.
de Metz, mss. n" 107).
— Hist. de Metz par les Bénéd., t. IV, Pr., p. 5o.
XXIV. — Quittance définitive de Jean de Bohême et
d'Edouard de Bar (... 1327). (Cabinet de M. Em-
mery.)
— Hist. de Metz par les Bénéd., t. IV, Pr., p. 5i.
f.
Offre faite au roi de France de participer
à la guerre (^octobre i324).
Nous, Baudouin, par la grâce de Dieu arcevesque de
Trêves, Jehan par celle meismes grâce roy de Bahen-
gne et de Polloine et conte de Lucembourc, Ferry duc
de Lorraine, et Edduart conte de Bar, faisons savoir a
touz que : comme il soit ainsi que, pour pluseurs griès
dommages et despiz que les citeyens habitanz en la ville
de Mez par pluseurs foiz nous ont faiz ou temps passé,
nous ayons empris guerre et meue contre les diz citeyens
PREUVES. 405
et ayens entendu pour certain que les diz citeyens de
Mez ayent fait pluseurs griès despiz et villainies aus
roys de France trespassez de cest siècle, cui Dieux
face merci, et meesmement a uostre très cher seigneur
Charles, par la grâce de Dieu roy de France et de Na-
varre qui ores est; nous, regardanz la faveur, révérence
et amour que nous avons a lui, avons promis et pro-
mettons par nos bonnes loyautez touz quatre a nostre
très cher seigneur le roy de France dessus nommé que
nous ne nous povons appaisier aus citeyens de Mez
dessus diz se on ne rent tout ce que les diz citeyens
ont eu des genz et des subgez du royaume de France;
de la quelle prise le roy de France nostre sire dessus
dit nous fera et doit faire certains dedenz Noël pro-
chainement venant, souz son seel. Et li avons encore
promis et promettons que, de tout ce que nous pourriens
traire des citeyens de Mez dessus diz de proffit, par
quelconque voye d'accort que ce soit, que il prengne
et aye autretant de proffit comme l'un de nous quatre;
par telle manière et par telle condicion et convenance
que le dit nostre cher sires le roy de France ne se puet
ne ne doit appaisier aus citeyens de Mez dessus diz sanz
nous. Et se il estoit ainsi que nous feissiens pais a
fceus de la dite ville de Mez, et vousist on fermement et
certainement rendre aus dessus diz du royaume toul
Ce que cens de Mez aroyent pris et eu du leur si comme
dessus est devisé, et nostre très cher sires le roy de
France dessus dit ne vousist prendre autretant du
proffit dessus dit comme l'un de nous de ce que nouîs
uaU PIÈCES DIPLOMATIQUES.
ariens des cileyens dessus dix, il ne nous pourroit re-
querre ne contraindre de guerroyer a la dite ville de
Mez ne aus habitanz, mais nous pourriens appaisier
sanz lui; et en autre manière nous ne nous pourriens
sanz lui appaisier. En tesmoing des quelles choses nous
avons scellées lettres de nos seauls, données ou mois
d'octobre l'an de grâce mil ccc vint et quatre.
(jiu dos est écrit : ) Certaing convenant par l'arce-
vesque de Trêves, et le roy de Boeme, le conte de Bar,
le duc de Lorrainne, faitte au roi Charles pour cause
de la guerre de Mets, donné l'an cccxx iiii.
[j^rchiwes nationales^ J 58o, /*" 5. — Avec quatre
sceaux pendants à double queue de parchemin; le sceau
de l'archevêque de Trêves est décrit dans la Collection
de sceaux par M, Doùet d'Arcq, t. I1I_, p. /{^Gj
n" in3i.)
II.
Traité de paix entre les seigneurs confédérés
et la ville de Metz (mars i326).
Nous Balduyns p[er] la graice de Deu archivesqiies
de Trivres, nous Jehans per celle meyme graice rois de
Bahengne, de PouUenne et cuens de Lucembourch,
Ferris dus de Loherenne et marchis, et Edduars cuens
de Bair; Et nous li Maistres Eschevins, li Treze Jureis
et toute liCommunitet delà citeit de Mes, fazons savoir
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ont le texte se trouve page ioi.
PREUVES. 405
a tous que : dou descort et de la guerre que nous,
Balduyns archivesques de Trievres, Jehan rois de Ba-
hengne, Ferris dus de Loherenne, et Edduairs cuens
de Bar, avons eut, nostre homes et noz aidans, contre
la citeit, les citains de Mes et contre lour justissaubles
et lour aidans, boins escors et bonne paix et loiaulzen
est faite entre nous d'une pairt et d'autre por tout
jorz maix, en teil meniere : que tuit li prixons qui ont
esteit pris por l'oquisson de la guerre que nous tenons
d'une pairt et d'autre, lour fois et lour ostaiges sont
et doient estre tuit quites et tuit délivres en bonne foit
et sanz mal anging d'une pairt et d'autre, sauf lor des-
pens paiant souffizanment. Item, li sciteins de Mes, li
clergie, et lor subgis yront et poront alleir a lor terres,
a lour viles, et a lour heritaiges, et a lor waigeires, et
a lour biens p[er]tout ou qu'il les aient; et en esploite-
ront et lèveront lor debtes ensi com il faissoient et
poient faire davant la guerre, sauf ce que se nous, li
davant dis signours, noz homes et noz aidans, avons
pris dou lour et de lour aidans ou temps de la guerre
en lour heritaiges, lour rentes et lour waigeires, ou
aillours ou que ce soit, en bestes, en bleif, en reve-
nues, en chateis, et en rentes d'argent ou en autres
choses; et an samblant meniere tout ceu que nous, li
Maistres Eschevins davant dis, li Treze, li Communi-
teit dessus dit, noz justissaubles et noz aidans, avons
pris et leveil des chaiteis et des biens les davant dis si-
gnours, lour homes et lour aidans, en queil chose ceu
ait esteit, et tuit li damaiges qui ont esteit fais ou
«M» PIÈCES DIPLOMATIQUES.
temps de la guerre, et toutes les seurteis que ons avoit
donneit de ce que leveis est dedens la guerre, sont
tuitquites d'une pain et d'autre, ne n'enpoions jamaix,
nous les p[er]ties davant dite, riens demandeir sauf
ce que ce li davant dis citeins, li clergiet, lour justis-
saubles et lour aidans pueent et poront demandeir et
leveir lour debtes de bleif et d'argent que on lor doit,
tout en la forme et en la meniere qu'il les puissent
avoir leveit et demandeir davant la dite gueiTe, fors
que les choses dezour dites; et en samblant meniere
nous, li davant dis signours, noz hommes et noz aidans,
porons leveir et demandeir toutes les debtes d'argent
et de bleif que li citains, li clergiet, lor justissaubles
et lor aidans nous doient, fors que les choses dezour
dites. Item, toutes les retenues des heritaiges et toutes
les escruwes que nous, les davant dites p[er]ties, nostre
home, nostre justissaubles et noz aidans, avons fait
d'une pairt et d'autre li uns sor l'autre, sus clergiet,
sus noz homes, sus noz justissaubles et sus noz aidans
et sus noz terres, en quel meniere que ce soit, ou temps
de la guerre, sont et doient estre de nulle vallour ; et
revanront li davant dis heritaiges, les droitures, les
rentes, en queil que meniere qu'elles soient ansis, [a
nous] les davant dites p[er]ties, et a clergiet, et a noz
homes et a noz justissaubles et a noz aidans, p[er] coy
li davant dis heritaiges, les droitures et les rentes soient
mizes et restaublies en lour premier estât, sauf les
chaiteis leveis ou temps de la guerre en la meniere
dessus dite. Item, nous les p[er]ties davant dites avons
PREUVES. wn
escordeit que li citains de Mes ne pueent ne ne doient
aquasteir fielz ne arrier fielz sanz la volenteit dou si-
gner a oui li fielz ou li arrier fielz muelt ; et c'il acha-
tent heritaige, cours ou maixon que muevet des
wairdes des signours ou de gens de poiesteit dezous
lessignors, il an feront au signor teil servisse et en
paieront teil droiture com li heritaiges dovoit davant
l'aquast. Item, se li citains de Mes avoient plait de
fielz ou il seroit antreis, sicom dou treffons, il an paie-
roit et feroit droit en bonne foi, senz mal enging, en
l'osteit dou signor de cui li fielz muelt, et an feroit
teil servisse com li fielz doit et requiert ; et se li davant
dis citeins ont aquesteit nulz fielz jusques a jor d'uy,
les queilz il n'aient mies repris des signours dont li fielz
muelt, il les an doient repanre, et li signours les an
doient recevoir. Item, escourdeis est antre nous que li
citeins de Mes ne pueent deffandre ne wairentir nulz
homes de noz signours davant dis, qui sont levans et
couchans dezous nous ou dezous aucuns de nous, contre
noz davant dis signours ne contre noz homes. Item, il
est acordeis entre nous que se aucuns des homes de
nos davant dis signours ou de noz subgis meffessoient
sus cialz de Mes, cilz de Mez en doient requerre lou
signour et s'en pueent panre a eaulz et az meffaissans
et a toz lor aidans et a lor biens, tant que raison soit
faite a cialz de Mes. Item, de tous autres descors qui
porroient estre de si an avant entre nous les p[er]ties
dessus dites, noz homes, noz justissaubles et noz ai-
dans, ons en doit ouvreir et faire d'une pairt et d'autre
408 PIÈCES DIPLOMATIQUES.
p[er] estault celonc coustumed'estault. Item, escordeis
est que chascunsdes signours promet por luy et por les
siens tant soullement a tenir les choses dessus dites com
a lui et az siens touchet. Item, les p[er]ties dessusdites
nous sommes escordeis et avons promis et prometons
en bonne foy que nous osterons et dechasserons toz les
robours et toz. cialz qui feront ampechemant en condus
et en chamins qui sont en noz terres, p[er]coy pelle-
rins et marchans et toutes autres bonnes gens y puis-
sent alleir et venir seurement et conduire lor biens,
droit faissant. Et ceste paix et cestescort avons nous,
li devant dis Signours, por nous et por noz homes et
por noz aidans, et nous, li davant dis Maistres Es-
chevins, et li Trezes Jureis de Mes, por nous et por
toute la Communiteit de Mes, por noz justissaubles et
por noz aidans, avons promis et juriet sus saintes
Evangiles et sus toute la créance et la foy que nous
tenons de Deu , et promelons en bonne foy sen mal
anging, sus l'obligeation de toz noz biens, que nous
tenrons et guerderons cest escort et ceste paix et
toutes les choses dessus dites, fermement et loialment,
senz venir an Tancontre ne faire venir p[er] nous ou
p[er] autruy en queil meniere que ce soit, a nulz jors
maix. En tesmoignaige de la queil chose, et pour ce que
toutes les choses dessusdites soient fermes et estaubles
a toz jors maix, nous, Balduyns archivesques de
Trievres, Jehans rois de Bahengne, Ferris dus de Lo-
lierenne et marchis, et Edduars cuens de Bar, devant
nommeis, avons mis noz grans seelz an ces présentes
PREUVES, Û09
lettres, qui furent faites Tan de graice Nostre Signor
mil trois cens vint et seine.
{^Archwes de la ville de Metz.)
Grand sceau et contre-sceau de Jean l'Aveugle,
roi de Bohême, comte de Luxembourg, 1296-1346.
(Arch. comm. de Luxembourg.)
ÉTUDE CRITIQUE DU TEXTE
Eglise Saint- Vincent, tciv« siècle.
Bibl. de Metz, xii<! siècle.
ETUDE CRITIQUE DU TEXTE
ANS l'intention de faciliter au lecteur
l'étude de cette partie spéciale du vo-
lume, on croit devoir rappeler briè-
vement les traits principaux de la des-
cription des manuscrits, exposée ci-
dessus pp. 263-264, 319 et ss.
Le manuscrit original, écrit en 1325
par un témoin oculaire, peut-être
même par un acteur de la lutte , est
perdu. Il en existe deux copies, peu
différentes l'une de l'autre. Toutes
deux sont du quinzième siècle; celle de Metz (ms. n°81) est un
peu plus ancienne que celle de Paris (Bibl. nat., FR. S782),
dont l'exécution est postérieure à la date de 1444, inscrite en
rubrique au lieu de 1324, date véritable. Ces deux manuscrits
seront désignés respectivement par les lettres M et P. C'est ce
dernier texte qui est la base de la présente édition; il est plus
complet que M, lequel occupe dans le recueil n° 81 les f"* 77-
134 avec 2031 vers, tandis que P compte 2072 vers, divisés en
296 septains, et remplit les 67 folios du manuscrit , avec une
moyenne de 31 vers à la page. L'écriture accuse, par son ca-
ractère, la seconde moitié du xv<' siècle ; quoique assez soignée,
elle n'est pas toujours d'une lecture facile. Le poëme paraît
inachevé ; du moins il se termine d'une façon brusque et abrupte
qui semble réclamer une suite, moralité ou épilogue. Peut-être
Ulli ETUDE DU TEXTE.
cette terminaison écourtée se justifie -t- elle par les considéra-
tions d'ordre moral exposées à la p. 390.
Une autre version de l'original, exécutée aussi au xv° siècle,
existait encore au xvin«, en 1770, où Dupré de Geneste en
prit copie. Ce ms. a disparu depuis, et n'est plus représenté
aujourd'hui que par ladite copie qui figure à la bibl. de Metz,
sous le n"> 82 des mss. (1). Cette copie est désignée par D. La
leçon est parfois très-divergente de M et P, et la langue est sys-
tématiquement rajeunie : entre autres particularités, le groupe
eu ne compte que pour une syllabe, alors que M et P le comp-
tent pour deux et prononcent, avec la diérèse, eu; d'où la
conséquence que D remanie tous les vers qui dans l'original
admettaient eu en valeur de dissyllabe. En outre, D présente
quelques lacunes intérieures, et il s'arrête au couplet 288, avec
une lacune finale de 8 couplets^ 56 vers.
Ce détail suffît pour donner un aperçu du genre de difficul-
tés auxquelles on s'est heurté en ce travail de reconstitution
du texte. Dans quelle mesure les manuscrits sont défectueux,
et la version originale modifiée et altérée ; comment celle-ci a
été restituée au moins dans son esprit, sinon dans toute sa pu-
reté native ; enfin quelle est sa valeur grammaticale et lexicolo-
gique ; c'est ee qui fait l'objet des pages suivantes, divisées en
trois chapitres : la leçon, la grammaire, le vocabulaire.
I. — LA LEÇON.
J'ai déjà dit que la valeur littéraire de cette production est
inférieure à ce qu'on devrait s'attendre à rencontrer dans une
œuvre inspirée par les plus purs sentiments patriotiques.
Comme il arrive toujours, l'ineptie du copiste a renchéri sur
l'insuffisance de l'auteur. Pour le ms. P, un seul trait suffira à
faire apprécier sa valeur critique (2); lia pour titre rubrique : De
(1) Selon toute probabilité, l'original de D est le ms. visé sous le no xi du
Jtépertoire.
(2) De ce ms. une copie très-soignée avait été faite en janvier 1835 par
Huguenin, de Metz, l'éditeur des Chroniques messines; depuis, elle est venue
à M. de Bouteiller.
LES MANUSCUITS. ftl5
la guerre des trois rois qui mirent le siège devant la bonne cité de
Mets en l'an mil CCCC et XLIIII ans. Et cependant l'énumération
des noms des quatre seigneurs ligués contre Metz reviendra
maintes fois sous sa plume, et la date vraie sera elle-même con-
signée à deux réprises dans le cours de la copie (septains 30 et
277). Le souvenir de l'entreprise, encore récente, de Charles VII
et de René d'Anjou contre Metz en 1444 a effacé, dans l'esprit
du copiste, la date de la ligue formée par Jean de Luxem-
bourg, roi de Bohême , Edouard , comte de Bar, Ferry, duc de
Lorraine , et Baudouin , archevêque de Trêves , cent vingt ans
plus tôt, en 1324.
Cette confusion d'époques prouve d'abord que le manuscrit
original ne portait point de titre (1); en second lieu elle déter-
mine la date supérieure de la transcription de P, laquelle a été
nécessairement accomplie après 1444, vers 14o0 et probable-
ment plus tard encore.
La question de date est ici d'une certaine importance ; il est
clair que l'orthographe de P, systématiquement et bizarrement
défectueuse, n'a qu'une valeur philologique fort restreinte, in-
dividuelle. La négligence du copiste, qui s'accentue dès le titre
même et d'une façon si éclatante, doit mettre en garde contre
la prétention , assez naturelle en pareil cas, de voir dans les
discordances de toutes sortes, en fait de grammaire et d'ortho-
graphe, les purs représentants de la prononciation populaire,
du langage familier. Autant les écarts contre l'étymologie scien-
tifique ou traditionnelle sont intéressants et abondent en ren-
(1) Le ms. M est intitulé : Une coranique et ung bîaul dit de la guerre
que le roy Jehan de Bahaigne fist aveitc l'archevesque de Trieve, le duc de
Lorrainne et le quien de Bair, contre ciaulx de Metz per mil III' et XXIIII.
— Quant au manuscrit Z*, la forme dans laquelle est conçue sa rubrique
accuse plutôt le style du xvirie siècle que celui du xv". C'est donc Dupré
de Geneste qui aura écrit en tête de sa transcription le titre suivant :
Récit des horreures de la guerre que Jean roy de Bohême et comte de Luxem-
bourg, Baudouin archevêque de Trêves, et Ferri duc de Lorraine firent a la ville
de Mets en 1321. Sur quoi l'on remarquera que, comme dans P mention
n'est faite que de trois des seigneurs confédérés , au lieu de quatre.
Une copie de D avait été faite, il y a quelques années, pour M. lé
comte de Puymaigre, qui a bien voulu l'abandonner au profit de cette
édition;
ftl6 ÉTUDE DU TEXTE.
seignements précieux, alors qu'on les rencontre dans les docu-
ments originaux, émanés de la propre main de l'auteur (1);
autant ils sont malvenus et décevants lorsqu'ils ne représentent
que les produits de l'ignorance et de l'ineptie d'un copiste né-
gligent.
C'est malheureusement le cas de P, avec cette circonstance
aggravante que la copie est postérieure à l'original d'un siècle
et demi environ. Le système grammatical et orthographique
de notre manuscrit ne saurait donc prétendre à figurer ni la
langue dans laquelle fut écrite la chronique de 1325, ni la lan-
gue de la seconde moitié du quinzième siècle, époque de la co-
pie de P. Dans ces conditions, l'œuvre du critique est ardue et
délicate. Il aurait pu (et il y avait songé) restituer les formes
du premier tiers du quatorzième siècle, à l'aide des nombreux
documents originaux de cette époque dont il a la copie, et en
s'autorisant des travaux analogues entrepris sur la Vie de saint
Alexis, la Chanson de Roland et l'Histoire de saint Louis.
Les restitutions de ce genre comporteront toujours en soi
une valeur plus grande au point de vue doctrinal et spéculatif
qu'au point de vue pratique et historique. On ne peut asseoir
aucune autorité sur des formes substituées par le critique à
celles de son manuscrit (2). Et d'ailleurs pour tenter un pareil
travail, il est de toute nécessité que le texte, qui sera sou-
mis à cette épreuve, en vaille la peine, soit à raison de son
antiquité, soit à raison de son importance historique et litté-
raire. L'un et l'autre élément font défaut à notre chronique des
« Quatre Rois » dans son état actuel. En outre, du fait du co-
piste, les altérations sont si nombreuses que presque chaque
mot eût eu besoin de réparation.
Il m'a donc paru qu'il suffirait d'enlever les fautes les plus
grossières, tout en conservant celles dont la présence est moins
(1) Pour Metz et la Lorraine, voyez à l'appui les quelques textes patoia
que j'ai publiés dans Romania, I, 328-51, et II, 245-59, et dans Archives des
Missions, 3» série, I, 247-91.
(2) C'est ainsi qu'on s'étonne de voir l'auteur d'une dissertation sur un
point de phonétique historique donner en paradigmes des formes de la
Chanson de Roland restituées hypothétiquement par M. Léon Gautier {Ro-
mania, III, 321 et ss.)-
VARIANTES. 617
choquante et peut parfois servir d'indice pour la prononcia-
tion. J'ai partout rétabli les rimes aussi exactes que possible ;
les vers ont été remis sur leurs pieds, la mesure réintégrée par-
tout où elle était faussée, soit en plus soit en moins. Dans tous
les cas, je me suis aidé des deux autres manuscrits M et D, et
par préférence du premier, plus voisin que le second du texte de
P. Ce sont toutes ces corrections de diverse nature que l'on
trouvera exposées dans les pages suivantes. J'aurais été le
premier à désirer que l'état des différentes versions fût tel qu'il
m'eût évité de prendre une part personnelle aussi large à ces rec-
tifications, et je répète que j'ai laissé la parole au texte le plus
souvent possible, c'est-à-dire toutes les fois qu'il ne choquait
ni la rime ni la raison.
Le travail suivant porte, presque exclusivement, sur les di-
vergences de fond ou variantes de leçons. Y faire entrer les
variantes orthographiques ou même seulement l'indication des
mots restitués quant à leur forme grammaticale, eût exigé le
sacrifice d'une autre partie du volume sans profit pour le lec-
teur, mais non sans ennui. Il suffira d'être averti que les ma-
nuscrits possèdent une collection d'hérésies orthographiques
dont la variété n'a d'égale que la grossièreté. Ainsi, pour n'en
citer que peu d'exemples : sont ont est écrit son on ; estes vient
en place de esteit ; poitrauth est mis pour poitrauh qui, lui-
même, eût gagné à se présenter sans l, poitrauz; enthierment
Tpour entièrement ; quelz figure en régime singuUer, destriers
en participe passé, hosteilt en régime pluriel, etc., etc.
J'en passe, et non des meilleures, dont quelques-unes ti'ouve-
ront leur explication raisonnée au chapitre de la grammaire.
Ici nous n'avons affaire qu'à la leçon et à la mesure. Lorsqu'un
manuscrit n'est pas indiqué dans l'appareil des variantes, c'est
que sa leçon est identique ou sans divergence fondamentale
avec celle que j'ai adoptée.
i e Que ne p. D.
2 a seiirvicte D ; — b ceste vérité P, le vers est trop long ;
— c P. c. aix comancié cest ch. M ; — d Que Metz sur-
monte t. c. B; — e ait mainte p. M ; — f amour D.
3 a Metz = MD, Elle P ; — e auctm D.
27
Û18 ETUDE DU TEXTE.
4 c ti'y ot D; — g la Wandice M.
o c pour moy M , pas nul D; — t II n'ait M 11 n'a D, piis
tant MD ; — g Roncevaul Peiners M , Depuis Verdun
jusqu'à Anijiers D.
6 d darrier P, ce ms. supprime d'habitude l'e final de la rime
é...e; — i L. a. que songneuse D; — g Pour Dieu qui
D. — -l'ai rétabli la rime oiise dans a c au lieu de eusc,
P avait en effet : piteuse suffraiteuse parclouse; D rime
en euse.
7 b Quant est dedens M. v. M; — e Aucun quant il y est
venus M.
5 h Vach.D; — i enthiermejit P, double faute contre l'ortho-
graphe et la mesure; — g desime M.
y a valroit M ; — c couble (pour couUe) M ; — d vin noble M ;
— e li n'y ait P 11 n'ait pas M ; c'est ici D qui a la
bonne leçon ; — f darrier P ; — g noble PD..
10 a II y ait M II « D; destrier et aisne M, manque D; —
e pas M, payer D ; — f Qui veult, vers inachevé M ; —
b d e g riment en eur D.
\ 1 a comme P corne M aussy corne D; — b auwe et f. M.
12 b aiiltrez espicez M; — c draip de t. yn. P draps doa
(jneufz M ; j'ai suivi D en laissant à « neufs » son or-
thographe « gneus » de PM , indice de prononciation
populaire ; — e A S. M. pennes et pelicez M ; — t Et
Chambre M ; — g liens M lacs D.
13 c /i. et gourgiere M ; — d placés PD plajité M; — f Es-
triers D, culio-s P.
M a En Ch. en u. j. P, nng manque M; — c tienne D; —
d crehelle M cochelle D, avec deux syllabes seulement
(voy. à la Grammaire). Le vers n'a que sa mesure; —
g n'y a jusqu'à P. D.
i'6 a oitour manque M; — b mainte P faute fréquente, 77iains
oisels qui vivent M ; — e qui tous M que tout D ; —
tenu. V. P\ — g II n'y ait P.
\ 0 ab ait ait P est ait M est est D; — a II n'est homme D ;
— d Contantost M.
17 c heure... plaisant V; — g Ou manque D, place plauviere Mi
18 b per l. r. M ; — e Porcelaines D ; — g piecesses P.
VARIANTES. bl9
19 b tantost M; — g si lui M.
20 a merchant P marcham'pt M marchandt D ; — e denyés D,
destriers P detrics M; — £ quant il l. v. q. P q. Hz
V. q. M., De /. p. qu'ils v. g. D; — g L. d. son bon et
cuers P Lour sont boin et entier donner M En or ou ar-
gent bien esyez D ; M serait satisfaisant , ainsi modifié :
Lour font donner boins et entiers.
2'Z c waigier P ; — d Ait mis manque P; En met D ; — e Et
en d. D.
23 e argent avoir M ; — f Reporter à la fin du vers précédent la
virgule placée par erreur après Adoncques; ^g Et n. L
D, Se n. l. mieulx P.
24 a c pannit penit M pugnit pugnit D ; — g C qui oyt P, Cilz
c'on ont oyt M. — D fait rimer a c eu eur et f en our.
2o a diroy je briesvement D diroie je vraiement M ; — b Tout
les p. P ; — c encor briefment M, Mais on ne l. o. e. D ;
— d Aulcun /*. D ; — e Car homme D ; — f Tant d'ar-
gent P; — g sans r. s. D.
26 b leur griez M l. faict D ; — o f. riens t. M.; — d ne [duc]
manque M; — e « kt s. M; — f furent M; — g tous
manque M.
27 c demande P ; — g mal a qui Von p. D.
28 manque dans D ; — 1 corr. Q, a. tout f. et l. d'après M.
29 d telt M, tout D.
30 a pugnissent D ; — C comme P coment M ; — à un jour D.
31 a Vaulcent D; — û envoient D; — d ceulx... veidlent D.
32 a demourer PM corr. demoiner D ; — c Metz r.B; — e Mets
son M Metz son D ; — g don manque M.
33 a vient a Metz MD, ou M, n'envoyé MD ; — c laisse D ;
— f parsoie M peschoye D ; — g arier PM.
34 d bance P li bances M vaucens avec indication d'une lacune
après ce mot D ; — i le mieulx P.
85 a qu'ung des fourains M qu'ung def forains D ; — d s'il luy
fault D; — e supp. il-, — f nul deniers r. D.
36 b reuubeit P rouber MD , nulle M ; — c Tous s. h. PMD,
le vers étant trop long j'ai supprimé tous et gardé
te dans abaiteroient, comme indice de prononciation*
37 f d'usure D.
420 ÉTUDE DU TEXTE.
38 a Mais ont ainsi et c. e. r. D ; — c leur furent D ; —
d montrance D ; — g barons MD qu'il faut peut-être
substituer à laron P.
39 c voiroont P ; — d comme corne PMD; — e cui leur c. M ;
— g fuit fut MU.
40 a dont de cest g. D ; — b T. Lorrainnc M ; — t P. les,
p. P Pei' aval le p. M; — g compagne M charpaigne D.
41 g vient M.
42 a Ceschun P ; — d greneroient commenté en marge par
« mettroient en greniers » D ; — e préparée M ; —
f oste D hoste M.
43 d corr. Li HU M en Li IH P, trois D. Voy. la note à ce
couplet, p. 277 ; — e se manque P, ait r. M.
44 d Et n. c. P De la n. c. M.
4o a D'orguelle P ; — f doit D. — Ce couplet est interverti
dans P, où il se présente dans l'ordre des lettres a b e
f c d g.
4G a ceste M ; — c S. Burthelemus d. arrei mis M ; — f jurent
tuis P ; — et Et puis après chacun s'apreste De jurer
tous sur le Corpus D.
47 a partent D, premièrement M ; — c £< promettent c. D ; —
d Quant M ; — e L. f. p. comander au m. M ; — f Vaille
querre d. p. a. M.
48 d on leur a t. D ; — t P. enqueirir c. novelle M.
49 b ce qu'ilz M ; — e Qu'ilz M ; ce vers manque D.
00 b Qua7it mesugiez Vont r. M ; — c mis PM ; — g ne soit M.
01 b gibberie M ; — e bandye D ; -- g Mandés P Mander M
Préparer D.
i)2 d prestes D , d'accort droit f. M; — g M. ce ne ce l. p. p.
P M. ce ne l. p. pi. M. — Dans D, b d riment en aires,
e g en aire.
'.V.i aa u. j. M ; — e de moy p. M de ma p. D.
'6i c entendons M ; — e def fraies M ; — f en manque P ; —
g Bien MD, est M en D.
OO a repairerent M ; — b tost apperceux D ; — c orguille P ;
— d decepus M, Qui pourvoient bien estre^deceux D ; —
e sont bien pou7'veuxD; — g sont Hz b. congnusD. — On
voit par b d e g de D qu'à, l'époque où l'original de cette
VARIANTES. Wl
copie fut transcrite, les participes en eu se prononçaient,
comme aujourd'hui, u avec synérèse des deux éléments
de la diphthongue primitive, ce qui n'est le cas ni de P
ni de M.
î)fi a Adoncque M ; — h de manque M ; — g F. q. l'estram f.
et a. P, estraing fraing D, F. q. le foin et l'e. d'à. M.
07 a Entre M, Tandis que privement D ; — c paroilîement P ;
— e dit manque P ; — g Qui m. d. M . de L c. D ; vers
manquant M.
08 a seront D ; — b et manque M ; — e ferait P; tant de
PM, si très D ; — f manque M ; jour manque D.
59 a Ceschuin P ; — d irent P est D; — f mettroit P metteront
M ; — f g Nous les mettrons tous a m., Plus ne nous p. l.
a. D, par où l'on voit que ce manuscrit a maintenu le
style direct qui a été aussi conservé ;dans la traduction.
00 a mande M.
01 b deust bien D; — c roy D; — d Deust aussy avoir en
s. D; — e quonquerre P.
02 c ait M ; — g leur M.
03 a conte D ; — c aussy du bourg D ; — comme corne PM ; —
e soldoiours P, je rétablis la rime ères, b d e g marchant
toujours de conserve. La faute de P est isolée : sodoiere
M soldoyers D ; — f povoit M pour D ; — g fut man-
que P.
64 c deust m. très g. r. D ; — d eust entrepris D; — e En corr.
Eii; les mss. portent : OuP On M, Car il avdt D; —
g s'est D.
65 d et moult a. M ; — e manque M.
06 b logèrent D; — d il firent M; — e On est très bien a. D.
67 b baitille P ; — d l'ont ses gens D.
68 a Hautconcourt MD ; —b fut P, très MD ; — f g manquent
M , Rompues tieulles et chassey Et moût de maisons sont
brûlées D ; — a c riment en isM, b d e g riment en ée P.
69 b N. f. onques veu si grant feu D ; — c lait P est sans
doute une faute pour lai = la dans MD ; — e tant mal
p. D; —tquel. c. D; — g si est e. D.
70 b grande P; — c et p. l. v. PB; — d manque M; priti-
drentB; — g po... M, Les grans domages et pilleries D.
It2î ÉTUDE DU TEXTE.
1\ a a ces m. P, ad (a) ce MD ; — c comme P corne M, comme
estourdy D; — d passant D; — f mardi P ; — g qu'il
e. D.
72 b I. r. et l. cuein M , I. r. lequel D ; — c o< D ; — d a L
p. P ; — e si/, a. D ; — f desryez D ; — g si en v. D.
73 a le comte D ; — b volt D ; — g Ars en seront m. m. P,
Arse en sont maintes maisons D ; — c d e f g manquent
M, e manque D.
74 a b manquent M ; — a oste P ; — c irés irez PD ; — d en
maine D ; — e combien qu'il y fault peine D ; — f ses
gens D.
75 c compaignie D ; — d entendirent M ; — e chevalihirent P ;
— gen G. MD.
76 a Valliers P ; — c lors l. et d. piercs P, l. dairs et quairès
M, lancèrent D ; — d si PM est mis pour se = ce ceu ;
— t charrier s P ; — g maitY*.
77 c convient M ; — e ne D ; — g maixier P.
78 a de S. J. D ; — b conte D ; — e en doublant D.
79 e se tost M ; — 1 Louwez M, Loer le doibl D.
80 b tantost P ; — c arirr P ; — e je P, ans cops M au cop D ;
— i en m. b. D.
Si b /'aif fait h. U; — c £« D ; — f Crap P ; — d e f g au
style indirect dans M.
82 a Suppose M ; — b rccuillis M recœuiUiez D ; — c Nos s.
M, Touttes nos gens D ; — d Prés d. c. D ; — e tous
lyés D.
83 a Nostrez M Nos D ; — b en G. MD ; — c lassirent D ; —
d Comme P Come M Comme conté vous ay et dy D; —
f Tous ceuïx du champ D ; les a. corr. la s'a. MD.
84 a a manque P, a g. voullenteit M ; — b ainsi come s'il D ;
— d nonneis P norris M norroys D ; — e baniers P, Poîtr
6. D ; — g bataille M.
8.Ï a «voit P ; — b ville P ; — d laissèrent, tenir D ; — e man-
que M, supprimer le point et virgule; — f A l'escul
M ; — g De cui M.
86 a conte D ; — d estât D ; — e lo P; — t corne D ; — g n'y
MD.
87 b s'enlongierent M ; — d Qu'estoient moult b. D.
VARIANTES. ft25
88 b qu'ilz M comme ils porront D ; — c mandèrent M ; —
d illec D enqui la M; — e Et q. l. m. parferont D; —
gFlorey MD ; — a c f riment erent MD.
89 a ce q. a. D; — h ce v. s. B; — c rien P, seurvint D; —
d quil d. M , Qui que marche ne que desplasse D ; —
— e C. de Noncourt M ; — g a u. MD.
90 a Bar fut ocey proche d'asez D ; — b Hanrei prés M ; —
e darrier P; — g Que ja deussent être en une
bière D.
91 c La rougeaue D ; — e façon D.
92 c manque M; — d droit manque P, Leur ch. v. d. a F. D;
— g font m. et dénotez M, deroiez D.
93 a desstendre M destendre D ; — g craoille M la craille D.
94 a La font grant p. l. c. M, cuisenies M cuisiniers D ; —
d r eussiez veu D, et g. p. M ; — e II Ion P, Et avaient
char a volentez D ; — g envoie P envoise M.
95 a fuit manque P; — b l'air si o. D; — e Et n'eust esté D ;
— f j; PD Hz M, bien p. g. D; — g S'il M Q'ille D,
eschapast MD, s'il fust en heur D.
96 b conseille P ; — c Et y v. s. nul d, D; — f rivier P; —
g Q. d'ici nous d. D.
97 c asseurement D ; — f manque M.
98 a Tandis D ; — b ef d. S. G. PM ; — g cheu P, esperste-
ment D.
99 a Champenoise D ; — c en manque PMD, Q. p. aidtre bien
grant noise D; — g se MD.
100 b a simple r. D; — e manque M, le bruyt D ; — f feris
P ; — g La ville p. toutes M.
101 a oit P.
102 b se MD, logèrent D ; — c d J. c. que L d. A. Si Z. c. D ;
— d ruel M.
103 c Per desa M ; — et est D. — Dans PM b d riment en
oure, e g en eure; D rime en eure (ure) : rescœure,
desure, demeure, heure.
104 a t. chassiez D ; — b maint plaietP; — d le lont D ; —
e sçavoir D ; bie?i manque M, mais la mesure est ré-
tablie en lisant veraies ; — g chemisez et b. M.
105 b bruys et maint ennuyt D; — c De son fait si n'avait p.
W4 ÉTUDE DU TEXTE.
D ; — d enuie M ; — e l'ost MD ; — g faire malz M,
Q. ces mal faire s. d. D.
lOG f dors M.
107 h de manque M ; — c en manque PD, jusqu'à D; —
d N'eussiez la veu D; — f treiive PD;— a f riment :
air de maide P.
i08 d virgule après JI ; — a c f rimeni en ief M.
109 a malestrainne PD corr. en maie est. M ; — c Qu'en M ; —
f laissèrent D ; — g très g. M.
110 c très M ; — i A l. c. a point c'est maintenus M.
111a Ratagiés M Hostigiés D ; — b Jusqu'à u. j. sur s. créance
D; — d De MD ; — g s'entr'eidz luy faisoict a. D ; — de
sont intervertis dans P.
112 h messire P; — e corr. seraient en serait M, soit D;
— f pour D ; — g bien manque M.
H 3 a séparez par de foy ; — c jour manque M ; — d P. l'oc-
chaison D ; — e Ainsi fuit de lui la foid prinse M ; —
f bien manque P; la leçon adoptée est celle de D
moins bonne que celle de M : sairement, mais cette
dernière copie n'était point encore en ma possession ;
— g Très P.
114 h D. je D, Dire vous veulz M ; — c « bonnez escollez M ;
e garnieis P ; — f D'aubolestres et d'espingollez M ; —
g forbiei P.
115 h Si y. M; — c meneis P, ajoutez s à meneie; — d sceu-
rent l'arrivaige M ; — f entreez M.
116 A et manque P ; — b rams P ; — c par trop attraict D ;
— d Frest P.
117 a leur o. D; — c comme P corne M; — e doybs a s.
I. D ; — f laissé en blanc M ; — g Car il n'eussent sceu
obvier D.
H 8 c l'eau D ; — d Vostj-e P, Notre anemis nos a. M, Nos e.
notre a. D ; — e povoit a n. m. D; — g il corr. cil
MD.
119 b perdoinst M ; — d beaulx D, point et virgule à la fin de
ce vers ; — e Ou c. de B. f. trahey D ; — f devant M ;
— g Cel M, sont PD corr. soit M.
120 d raconta D ; — f manque M.
VARIANTES. 425
121 b Vin jours M; — d s'en e. v. MD; — f Et oit P, Tant
n'oit D ; moiour P.
122 a Les roys D ; — b abondèrent D ; — c Leurs e. D ; —
e Et l. c. B ; — f chevalcherent M.
123 a Tandis D, nos c. M les bons c. D; — b Par e. a.
maintes soldoiers M ; — d aux chevetains D ; — e qui
d. tout 0. M, Ceidx qu'ilz dévoient D ; — f Leurs res-
pondirent D ; — g quieres D.
124 b met D.
123 a conseille P, a l'ung a l'aultre D; — h et manque P ; —
c doy a s. A. D ; peut-être faut-il corr. doie en doi je,
cf. 137 a.
126 c les l. D ; — i 7îe h. ne l. M; — g Hz l. j. D.
127 a Nos anemis {ennemis) MD ; — b Patrat M ; — c les ducs
D ; — d suppr. la virgule ; trait M ; — e les tis art P li
telt airt M, le toict art D ; corr. bouteirent en boutent
MD ; — f entrent M entrèrent D.
128 a endemestier P corr. endementier MD; — b Firent D ;
corr. assez en passés M {passer D) ; XI r. D ; — d ^awif
M ; — f g manquent P ; — f vanrent D.
129 manque MD; la page tout entière est restée en blanc, tou-
tefois sans autre lacune, M ; — c on en f. P.
1 30 b Les {ter) D ; — c manque P ; — f Vers MD ; — g Puis
s'est logié M Pour y logier D.
131 a moult manque D ; — d Corne Comme MD, en notre m. D ;
— e parmettre M ; — i Lab. M.
132 g /e menèrent D.
133 e feu P feir M fouyr D; — f moinnes {moynes) MD.
134 b as un = M, manque P; d'aulcuns des chiefs D; —
c l'otroi P ; les roys D ; — e Ad ce jour y f. M.
133 b mennoire J. Anel P, de Jean A. D ; — c o. v. tous l. g.
d.D ; — a c f riment en ei M, en i D.
136 a mentire P; — d pooit M pouvoit D, entier P ; — i a
c. PD, Et se ad ce ne se v. M; — g f. ou f. MD.
1.37 a aie P, qui pourrait être lu a je ; — b fait MD.
138 a. Et q. v. l'eure D; — b prenerent P prindrent M; —
c d ne font qu'un dans M : Chers charons sens atargier;
— f patrie D ; — g Que l'o D.
426 ÉTDDB DU TEXTE.
139 b P. n. rf., c. n. r. M ; — c osa D ; — d parti est le char-
roy D ; — e semont M, Le matin s'en va tout le c. D;
— f harnoix D ; — g Qu'on ne les mette en desairoy D.
140 d font D ; — e soit M ; — t Le conte D.
Hi c Si se partit notre ennemy D; — e Venu estoit D; —
f Avant que soit D.
\ 42 b mains dopmagez, grans manque M ; — d qu'il P qu'ilz
MD ; — e en grant s. M.
143 e terre PM ; — 1 remt P, destruicts de fait D ; — g ne
avoir P.
144 d serez D; — etelD.
H7 c mes MD ; ce n'est pas le nom de ville Mes qui, à cette
date et dans MD, est toujours écrit Metz Mets.
148 a tassement D ; — d Ils ont fait assez grant vaillance D ;
— g grevance D.
149 d En ten'es et aultres manières D ; — f arderont D.
loO t M. de m. M ; en manque D ; — g priage D.
131 e vint entremes M ; — f quand fut dedans D.
132 a baniers P ; — b chevalcheurs M ; — a b la rime est in-
tervertie M; — d A. qu'il fut j a après disney D.
153 a Vous 0. P ; — e n'cùst lis. n'efist; — f g S'ilz ont rasei
sus notre cité, Achater i'averont au par dariere M ; —
g par denier P.
134 a corr. Cilz qui seigneurs s. d. M. PMD; — b s'en allè-
rent M.
1 33 a il ly P ; — d lisez Veudier , Rendre D ; tost M ; —
f ont D ; — g que soit fallace D.
156 c et son espée D; — d aussi trestous M, come t. D; —
f il ly P, en ert d. M.
157 d retenu P ; — e manque M.
138 f compaigne M ; — g seront manque P.
139 b fayole D ; — g comme P, come MD.
160 g espillie expillie MD.
161 f avoient m. martel, dars manque M.
162 a Cilz des.... le reste du vers en blanc M ; — e Le conte D.
1 63 d Je doit plutôt être lu Se, cf. Sï M Se D ; — e ne M ; —
f dessin D, mauvaise lecture de l'abréviation de des-
servi.
VARIANTES. 427
i64 a Nos c. M, vers trop court, rectifié ainsi par D. Or sont
nos c. r.; — c ires P ; — e C'est bien p.n.D.
165 a = leçon de D, III j. P Trois M ; — b Nos bons c. D ;
— c bien d'armes D.
166 b Vois ne pailles M n'est (Ju'une variante de prononciation ;
— g d'un Champignois D.
167 b manque M ; — g N'y demourast chose que vaille D.
168 b fault M, convient D.
169 b espilliez D ; — d manque P; — g Dont f. D.
171 b tar personnieil D ; — f Que ceulx de Mets vient ven-
gier D.
172 c bien manque PM ; — e qu'il a fait en sa vie D.
173 f nud, leçon de D préférable à mut P; manque M: M. h.
a. f. poure.
174 a mes MD, cf. 147; — b supprimer Que P, et compter
liet pour deux syllabes [ligati non lœti) ; — d Qu'adés
ce sont, vers inachevé M ; — e trop D.
175 g ^ leçon de M ; jour manque P.
1 76 d Qu'il estoitpas tant n.m.M; — eaitM; — f vers difficile,
trop long dans PM : Et s'elle..., obscur dans D: S'elle
en avoit sans point fleschié; — g Rendre le voul-
droit V. D.
177 a Nos c. M, Tous nos c. D ; cf. 164 a ; — c = leçon de D,
Vray manque P, C. l'e. qui est leiir droit chiez M.
178 b vigille M; — c d incomplets de la rime M.
179 a emmènent D ; -- h Et II a. P ; — e espirirent P; —
g Sauf leur bon droit ils les chargèrent D.
180 a ces P ; — d Ceu qu. M, Qua7it qu'ih avaient D ; suppri-
mer le point à la fin du vers.
181 a estre manque P ; — c vault manque P ; — f despenez D ;
— g quoy qu'on en dye D.
1 82 b Et d'y ouvrer chacun s'apreste D ; — àoris'ia.B; — e sont
s'il n'est g. f. D; — f On D, gravisce et l. M ; — g chas-
soz M, chassies D.
183 a les PD ; — f aurez D.
184 c Entre M; — g auront D.
185 c = leçon de MD, desparterent P ; — d espennir M, amen-
rir D.
ft28 ÉTUDE DU TEXTE.
iSa h Au beautempz M, Les ventans D; — d entrepraigne en-
treprcgnc MD; — e Affin qu'. D.
187 e = leçon de M, revinnerent P, Et s'il revient lesf. taire
D ; — g quairéz trairez M.
188 b supprimer le point à la fin du vers ; — c d intervertis
de l'un en l'autre dans M : On tempz d'asté entièrement
Chascun ardent quant en yverne.
189 f corr. jusqu'al braier M; Que f.B; — g Par qui sont
faits si graves oitltrages D; outraiges est aussi dans M.
190 a /a JV. M; — d comme MPD.
191 b Trierte D ; — t il manque M.
192 b qu'estoit D.
193 e T. corne ch. D.
195 a encore D; — e = leçon de M, Deus manque PD.
196 a soit D ; — f sceurent M.
197 a jusque a P ; — c estoient D ; — f alaidy D.
199 b Certain M; — f Je vouldroy qu'il eut eu l. f. D; —
g := leçon de M, vignei'ons P vignes D.
200 a n'aimme P.
201 b maulvais cuer D ; — d asseurs ; — e venir P, en sont t.
L b. meurs D ; — f tost charryer D ; — g l'oneur M ;
Dont perdre en doivent bien du ciel l'eur D.
202 c les quermisours M, escarmoucheurs D ; — f 71 demis
fours M, ung home sew^s D.
203 f qu'entre D.
204 b si 0. veu D ; — c pales M ; — d pas sceu D ; — e Par
parlez ont esté deceus D ; — g Que Hz . . treu D. — Au
contraire de D, M accentue la diérèse en intercalant
l'aspirée h : vehus, sehus, decehus, trehus.
205 e nuiere M.
206 b Cilz 0. M, S'ils o. D; — c Palandelz Palandel MD;
— d veult D.
207 a c f riment en eur D ; — c si o. peur D.
208 Ce couplet est assez difficile à mettre sur ses pieds :
D gouverne tous les verbes et pronoms au singulier
avec Cil de Mets pour sujet, tandis que dans M le
même sujet commande le pluriel, et que dans P il com-
mande tantôt le singulier, tantôt le pluriel. Le premier
VARIANTES. 429
de ces nombres satisfait seul à la mesure. — a o<=: D,
on (p. ont) P, 0 M ; les chaveaulx D ; — b Qii'ilz con-
quirent p. lor b. M; — d d'eulx M ; — e firent M ; —
g ne laisse D, laissent M.
209 d = leçon de D ; Si s'en PM , aidèrent M.
210 b Trestout chacun d'Ails sur Mozelle D ; — g font raller
MD ; cette leçon n'est pas inférieure à celle de P.
2H d bundance M ; — f Si la f. M.
212 e même s'en D ; — f est D.
213 i Et e. M, disant D.
214 a ceulx pluriel fautif D; — f V. seur d. M, Voist en d.,
vienne en d. D. — P a interverti l'ordre des vers : a b
e f g c d.
215 b pour chiefs estèrent D.
216 b pois a lochez M ; — c comme MPD , p. bien a esme D ;
— f Aux rois D ; — g Ih M, doie P.
217 d II n'e. P; Ja M, Il D; n'espargnent MD; — e m. ville
M ; — f bruslée D.
218 a Omers D, Aouvert fuit M ; — c en R. M ; — g lis.
veist; N'eust ja veu D.
219 Si et l'a p. M ; — b alogiez vers F. M ; — d = leçon de
M ; s'en D , se manque P ; — e R, et J. d. W. M, R., J.
et W. D.
220 b adont M ; — e leur o. D, oste M.
221 c esbahiez esbayes MD ; — g de h. M.
222 a gaudisseurs D ; — b vigoreussement P vigoireusement M ;
— c eust P, La heussent M, Ils eussent fait D ; — d le
second hémistiche manque D ; — e jusques Pailly D ;
— g Qu'a homme oncques cop ne bailly D.
223 d E< 6. D ; — e Que l'o. s'en va D ,• — g ne {ter) M, En
dédicace ou aultre f. D.
224 a et M ; — c B. ont M, les g. MD ; — e denier ne maille
D ; — g cendre, pierez M.
225 b fait manque M ; — c ies m. PD ; — d lez meschiez MD,
q. la furent M; D rétablit la mesure en suppri-
mant la.
226 c mettre M ; — g faudra ch. son p. q. D, querre M.
227 f = leçon de MD, grant P.
aSt» ÉTUDE DU TEXTE.
228 b Bures MD ; — e et m. i. PMD, mains i. M ; — g touttes
ses cures D.
229 a quinte P ; — b = leçon de MD, Preney P ; supprimer
le c de faict; — d ce cy m'esjoit M, Q. ce fait cy je
m'esjoy D; csjoiei P est mis pour l'œil; les autres
mss. partagent les rimes en ei, é, i, ainsi : Joiey es-
joyt esvei'tuys tueys M, Joy esjoy esvertuéz tués D.
230 b ait P ; — c troncei P ; — f comme P corne MD ; —
g malle manque M.
231 c du tout aussy D ; — f aus nostres M, au... vers incom-
plet D ; — D rime tout le couplet en i.
232 c anciens P.
233 b supprimer la virgule après mettre ; — d /es D.
234 f pourtacey, terme probablement corrompu {= porte as-
sez ?) que les autres mss. n'aident pas à corriger : pont
aircey M, pontarcey D; — g n'eust sceuD.
235 d vallent D ; — ea c. y. D.
236 b D'Ardenne manque M, et m. et v. D; — f XXVI M.
237 b un j. P ; — c que f.D; — e prins M , pris
droit l. erre D ; — g cest corrigez c'est ; ceste chose
voir M.
238 b = leçon de D, hommes P, manque M ; — e passent oultre
M ; — f bataille M; — g de f. c. D.
239 d damaige P ; — e Quant eu doit sans doute se corriger
en Qu'eu, la diérèse étant de règle dans P ; les autres
mss. ne servent de rien ici : Quant avoit maintez avan-
taigez M , Et en avoit m. a. D. — Ce couplet fait rimer
au pluriel b d e g dans M.
240 a femit e. a. M , Le pays est bruys e. a. D; — h Et si n'y
a plus V. e. D. Il faut rétablir la rime : entière; —
d tinxent M, Fors d'eidx tenir D ; — e voit P, La voient
Hz h /".M ; g darrier P, daier M.
241 c Des e. D ; — f Woys c. très MD.
242 b ardit MD ; — c corr. tient P en tint MD ; — d Hectoi*
M ; — g baitu batu MD.
243 c = leçon de D, raisons rasons PM.
244 e = leçon de MD^ vignerons P ; — i et b. et ch. D, oo corr;
on ; — g =: leçon de MD, martire P.
VARIANTES. Wl
243 f quil irrent P, qui estaient M, si qui ererent D ; —
g comme P corne M, que D.
2iG b Des mors M, y o. P ; — c dollant M, emboulez D ; —
d fooient P, Car Hz faisoient D,ouv. ou p. MD ; — e en-
tier P ; — f := leçon de D, trobleis P foulés M ; — g =
leçon de D, Que le plus sains PM.
*2i7 c vrai vrais PM, comme unm.D; — d reçoive M reçoit D;
— f vers altéré partout; la leçon suivie est celle de P, où
le mot riens a été introduit pour parfaire la mesure ;
guies (?) m. M, Et les face aussi m. D.
248 a Les JB. P ; — b en g. M ; — e nullement M, On ne scet
que sur eulx four guerre D ; — g murtriés D.
249 b va D, nos adversaires M ; — c prise P; baiems manque
M; — d omes t. qui n'ont M; — g H. seroit (?) a f. D.
250 a ne M, s. les comtes o. s. les roys D ; — c mettre M ; —
f Hz ont D; — g villois = MD, villains P.
251 f leçon de MD, Qui lai P ; — g estre bien M.
252 D a modifié la rime et, par suite, la leçon entière de a
cf. — a J. n. vous ai plux fais c. M, J. n. me veul
plus emtraper D ; — b Des anemis trop sont batus M ;
— c A. ceste faite M, A. leur trouppe ont fait tromper
D ; — à Et dont D ; — e soldoyers D ; — f Bien se sont
valu occuper D ; — g A eulx. armer D.
2o3 d Quant M, dist manque D; — e ces signeurs P.
254 e Ma..,. M; — f perdirent MD qui ainsi brisent la rime;
— g si chiers M si grief z D.
2o.ï a Waryiep D ; — ^tel manque M.
236 a Cinquante M ; ^ b o^ MD, brusleis P ; — de. qui sont
soldiez M, c. de leur soldées D; ~ e amenées M; —
g Satis ceulx qui sont f. D.
237 a fuie7ît fuyent MD, comme P corne MD ; — b Mus M
Vintz D sont de mauvaises lectures de Nuis; — c Etde
grant paour B, remarquez paour monosyllabique; —
d malladez M ; — e fuient U; — tEt s'ont perdu brebis
et ch. D; — g tuis M.
238 Le conte D ; — c sont PD devrait à la rigueur être écrit sons,
prononciation populaire de sommes, par assimilation de
la 1" pers. pi. à la 3". La mesure ne permet pas d'ac-
ft32 ÉTUDE DU TEXTE.
cepter la forme complète somez donnée par M. — g Tost
sera D.
259 a Tandis D ; — h at corr. ait; — e Pour D.
260 a Q. ils ont eu D ; — b Le conte D ; — c vinxent M ; —
fvillai7înementMvilment D ; — g Airs manque P, leitv
trait D.
261 a estrepiés D ; — c moiel M, brassées D ; — e deust M.
262 a averont M ; — t Q. ils n'en n'ont c. D.
263 c comme P come M, Si come t. l'escript D ; — e manque M.
264 a esf M ; — b A d. D.
265 a A u. M, Si v. DJ; j'ai manque M ; — b jou destre M ; —
c cilz M ceulx D ; — d debveront M debveroient D ; —
f A. ont MD ; — g deussent MD.
266 d le f. en aultre g. D; — e f g diffèrent dans D : Un duc
n'a chose qui mielx lui duise Que servir Cil qui en croix
pendre Volt et payer tel amandise.
268 t Tous ont eu ces m. r. D ; — g corps abatre D.
269 f guisarme D, ce mot manque M.
270 a qu'au c. D ; — c afie M, rime fausse ; — d ont p. lez
e. MD ; — ^e M, cf. c.
271 e n'ut D ; — f vilté, mechance D ; — g Empire corr. Em-
peire (cf. G 11) avec M qui, pour France, donne un
mot inintelligible : service (?) ; — D diffère : En tout
le monde par sainct Père.
272 b Hz p. D ; — f anemis D, mauvaise lecture de amenés; —
g est MD ; — D change la rime de a c : entr'eulx despi-
teulx (pour desloiaulz) mais conserve f leaulx.
273 h la g D', — d plux manque M ; — f Veult comparer MD ;
— g n'en manque M.
274 a S'il h. MD, S'il ourent comme l. p. P ; — h la v. P, T.
pris il eust la v. D; — d offence D; — e a 2). P, l'as-
samblance PM ; — f dict f. D.
175 c Et se festois D ; — e tenrois MD ; — f 7iul a. L. D.
276 g tarde D.
277 a En l'o. c'e. P. rapatriez D ; — d qu'est en avoir D ; —
e faire D.
278 c coy q. M, vray quanques D ; — d avoir M; — g con-
celle M.
GRAMMAIRE. ASS
280 a ne s'acordei^ent M , Briefvement e. e. s'accordent D avec
une mauvaise rime ; — d coulée M, Car Hz d. autre m.
D ; — f délibérèrent D.
281 b Chascun M ; — g B. o. Dieu dont tous m. a. D.
282 a messire PMD, la forme abrégée messi, imposée par la
mesure, n'a pas 'été créée pour la circonstance : les
chartes en offrent quelques exemples ; — d celui M,
283 a y D, moidt manque M ; — e a D, ce vers manque M;
— g par grant courage D.
284 b Quenvers P ; — c 1/ M ; — e C. d. Noiceroy M.
28o b iveschié D ; — c Car n. D ; — c d manquent M ; — g et
s. e. M.
286 b Qui ot o. D ; — c Quant sot que f. M; — d en vie M ;
— g s' es joint M.
287 a Le copiste moderne de M et D (c'est le même) écrit
connevances ; — c fait manque, par eliances M ; —
f estriers F, et d. l. M.
288 b Accentuez Après, quaitre P corr. quairte MD ; — e L'un
M; — tpot M ; — e t Et s'ilz ne peuvent la paix faire
L'ung sans l'autre, j. v. p.; — g est MD en D. — Avec
le couplet 288 s'arrête le ms. D.
289 f gouverner M.
290 d Thehaucours M, qui serait « Thiaucourt ».
291 a qu'estoient en Saulnois M.
292 c de lui M.
293 d s'atournerent premièrement M ; — g jF. n'yront M.
294 a euves manque M ; — f doit P.
295 b Espérance M ; — e qui estaient M.
296 e fuit retournée M ; — g Qu'elle M.
II. — GRAMMAIRE.
Le champ de cette étude est naturellement délimité par le
caractère du texte qui en fait l'objet. Rejetant avec une même
rigueur les formes qui ont été soit rajeunies par le copiste du
XV'' siècle, soit restituées par l'éditeur du xix", la matière se
28
«34 ÉTUDE DU TEXTE.
trouve réduite aux débris du texte original qui ont heureuse-
ment échappé à l'écueil d'une transcription négligente. De nos
trois copies, D, systématiquement francisé, sera absolument éli-
miné ; M viendra çà et là en aide à P, pour le corroborer ou
le . compléter, car, si dans M la leçon est généralement infé-
rieure à celle de P, en revanche la langue est parfois meilleure,
je veux dire plus émaillée de traits dialectaux, plus imprégnée
de saveur populaire, en un mot plus patoise.
Ces caractères distlnctifs du parler local sont ceux qui sollici-
tent davantage notre attention, d'autant plus qu'il ne peut être
ici question de faire, avec des instruments aussi imparfaits,
l'analyse détaillée de la langue. Nous passerons donc rapidement
sur les phénomènes généraux de flexion et de dérivation dont
l'explication raisonnée trouvera sa place dans notre étude d'en-
semble sur le dialecte lorrain et, particulièrement, sur l'usage
et les caractères de la langue française à Metz au moyen âge.
1 — Dérivation.
§ I — Voyelles.
A — bref ou long , tonique ou atone , peut se diphthon-
gueravec i-=ai, même dans les particules enclitiques, et arti-
cles et pronoms féminins : lai, sai, jai, passim. En position, ai
est l'orthographe habituelle : scelaisse, desplaice porchaisse 89
bde; Andoioairs EndotOairs 240 f, 268 a. C'est aussi l'ortho-
graphe des parf. de la l""* conj. et du futur. Les rimes mon-
trent que ce groupe de lettres ai pouvait s'accentuer soit à l'an-
tique ai et se réduire en a (cf. au § des Diphthonyues), soit à la
moderne é ei; voici quelques ex. de cette dernière notation,
fréquente surtout devant les liquides : drep dreps 19 d, 23 d;
ergent 23 e, hariep 107 f, cher 138 f cheir M ibid. et les infin.
de la l" conjugaison. Cette notation ei représente en pro-
pre a + t, d : hleis 5 d, peirès freires 63 b d etc.; elle est
aussi celle du parf. et du part, de la i'^^ conjug. Il est à remar-
quer que P a une tendance à atténuer ce caractère dialectal, et
à écrire, comme le français, er et.
La désin. du part. pas. fera, delà 1'^*' conj. est normalement
GRAMMAIRE. -VOYELLES. ft35
eie, réduite parfois en ée. Dans les verbes dont le thème est ter-
miné par II mouillées ou par une gutturale, la désinence com-
plète ieie iee se contracte en ie, comme si elle appartenait à la
é'^ conj. : commencie 41 a, baitillie 67 b batillies 114 b, aparil-
liez 67 d, etc. Les mêmes verbes font leur parf. en désinence i :
rengirent 279 d et autres dont on trouvera l'énumération au §
de la Conjugaison.
Ces deux modes de traitement de la voyelle a seront rendus
sensibles par la série des rimes du couplet 16 entre autres, les-
quelles sont ainsi disposées : salvuige necessiteit voiaige citeit
audoriteit usciige veriteit. Le même couplet présente en outre :
ait, trouvaist.
[Un autre traitement, et plus spécial, de a est sa diphthongai-
son avec ii, surtout devant les liquides et les labiales: estaublc
diauble 28 d e, mauxon 77 g M, pauwillons 87 c M, vaulz
contrevaul chevaul travaul en rime, 106; vaucelaige 142 g M,
baucons vaucons 224 c f M, aupetit I 4, vaiilloit J, 53, trans-
laiiteit K 16j Dans cette position a fait entendre un son sourd
approchant de celui de ô au, alors môme qu'il est noté par a
simple. Plusieurs couplets riment indistinctement à la fois en
able et auble ; ainsi : convenable estauble diauble prop^table 28,
admirable admiaublc doubtauble diauble G 31 etc. C'est qu'en
effet la différence n'est que pour l'œil, la prononciation étant
nécessairement une, à savoir auble.
L'homophonie de à et de ô est telle que la seconde voyelle
peut remplacer la première : avos l'esveschié dans la « chro-
nique rimée » est pour avaidz (à travers).
Pour aubelestre 114 f, 118 a, l'épaississement du son est dû,
outre l'influence delà labiale, à la chute de r, (peut-être devenu
l et éteint en u) ; les chartes de Metz offrent des exemples de
albelestier = arbalétrier (cf. Romania, I 333). Par contre, «6e-
lestre 132 a, et abelestrier 202 d, sont un nouveau témoignage
de l'identité des caractères â au, et pareillement favel 102 g^
façon 15 a, waudexour elivadessowVàO a, 202 a, 222 a, 291 e.
Bien plus, cet a de réduction :=au=^al a pu être traité comme
s'il était d'origine, et prendre en conséquence la diphthongue
par i; de façon dérive faicon 117 e. Les ex. de cette bifurca-
tion ne sont pas fort nombreux ; les chartes de Metz en présen-
aSô ÉTUDE UU TEXTE.
tenl quelques-uns ; j'ai signalé ailleurs le doublet Aîtheney Au-
tigney, auj. Attigny {Romania, I 332).
E — La permutation la plus habituelle est a : Lotvyat 294 d
(le suff. at diminutif répond au fr. et, au bourg, ot, au romand
od), quarelle 48 a, raponce 50 e {responce 49 e), assaiés 54e,
avesqiies 62 b, chavetain 42 f, 123 e, i92 d, 211 g, 215 b, gra-
visce, 182 f M, D 16, bargerie 193 g, pairoches 216 d, Hiilmne
242 a, etc.; — lequel a participe du son o au, ainsi qu'en témoi-
gnent les ex. suivants : proteroicnt 21 f, rowart 268 f, Hanriaus
215 b; «pion» anc. «peon », terme du jeu d'échecs, est écrit une
fois paon 226 d et deux fois poon 227 a c. Dans les textes propre-
ment populaires, a et e s'emploient indifféremment l'un pour l'au-
tre, si bien que, p. ex., la prép. a et la conj. et sont notées tan-
tôt sous une orthographe unique (a ai=za et et), et tantôt sous
l'orthographe inverse de celle qui leur appartient respectivement
{et = a, a-= et) ; ainsi dans cette phrase typique : « Jennas a
Burterans ont cranteit et paieir ai Bellate a Contausse lour se-
rours de kant k'ales avoient d'eritaige. » Notre texte ne nous
fournit point de cas aussi caractérisés, toutefois il semble dif-
ficile de ne pas regarder le et initial de 1 3 comme une notation
de la prép. a dans le langage familier : « Et cui ne plait ceste
manière, — Si aille droit en Fournerue » ; et conj. n'aurait point
de sens ici; de plus D (qui est francisé) porte: A qui....;
ajoutez-y ia 1 1 8 g M = les.
La seconde modification de e est i, aussi bien en syllabe to-
nique qu'en atone : tilz 29 d, tis 127 e {telt M), mais qui peut
être aussi réduit de ties 186 a [tels M) ; bergiries 70 d, remise
153 d, 240 b, irrent 21 3 b [enent 26 f), gentelisse 266 e en rime,
trives 276 c e, 277 b, etc., ce dernier cas pouvant d'ailleurs être
rapporté à la réduction de ie en i. Voy. au § des Diphthon-
Qiies.
E long accentué, anc. fr. ei, est à Metz oi : poinne 56 b d et t^
passim, aiirois 54 f, ferais F 80.
Suivi de / ou r, e se diphthongue en ei : teil queil très-fr., veil ^
102 e, teire 183 c, J 25, seire 235 d, seirs D 17, veirait E 132, etc.
Enfin je note quelques cas de redoublement de e fém. atone :
druees cruees 18 e g, exiliees 160 g, enviée 286 b; et d'épen-
GRAMMAIRE. — VOYEI-LES. Û37
thèse après lesdiphth. oi ui : poieres ii e M, nuiere 205 e M,
fmere-z D 57, F 144.
I — Comme phonétique il n'y a à relever que l'affinité avec m ;
Remiis 46 c est Remich, petite ville de la frontière luxembour-
geoise ; de même tiche, prononciation locale de « deutsch » ,
conservé dans « Audun-le-Tiche » par opposition à « Audun-
le-Roman », revêt dans 73 c une physionomie populaire encore
plus accentée : duché.
Ferey 211 c pour Ferrj/ est une confusion amenée par l'usage
du doublet orthographique ey y, représentant le suff. ethnique
iacum : Woippey-y, Joiey-y; encore aujourd'hui Briey, bien
qu'ayant maintenu l'orthographe ancienne, ne se prononce ja-
mais que Briy. Dans tous les mots de cette classe, la présence
de Yi {y) final est due à l'action de la gutturale c de iacum (cf.
plus bas) ; l'analogie Ferey-Ferry est donc fautive. — Le suff.
iculum donne oil (fr. eil) : artois 211 f, souloil F 109.
0 — La principale caractéristique de cette voyelle, qu'elle
provienne de o lat. ou de au réduit en o, est sa diphthongaison
avec i principalement devant)' s, cette modification du son en-
traînant parfois la chute de la consonne : oitour 15 a, voiroent
39 c P (1) pour voirent vorrent, loir 50 c M, oit 74 e P, poirte
79 e M, aproichier 81 d M, poire 94 c M, oisoient 118 c, poirier
124 d M, pois 166 b M, Goize 169 c f, 213 c, foirs 171 e M,
behoider 196 c M, oirent 208 d, 213 b, Oirne 238 c M; — de
plus, devant s cette même voyelle s'assourdit fréquemment en
ou : nous (adj.) 197 d, 286 g, 296 a ; — ou est aussi la dérivation
réguUère de l'o des suff. -orem -osiis : honneur, paour, mur-
trour, pitouse, etc.; la substitution de eur à our,lk où elle se
rencontre, est due à l'influence française par le fait du copiste.
U — L'affinité déjà constatée entre i et u est affirmée à nou-
veau par la notation ui en place de u pur : respanduit en rime
(1) Je désigne par P les formes de ce manuscrit intéressantes pour
l'étude de la langue, mais qui, pour divers motifs, ont été rejetées du texte
imprimé.
^/
«i38 ÉTDDE DD TEXTE.
avec àe8&endu& défendus rendus 245, nuis 257 b, feruit 269
{femtz 2o6 g, fenit 280 b), biii 292 c, si«s adv. A H, F 170.
Par contre suis, i""" p. du verbe « être », est réduit en sus 2o2 d ,
200 d; pour consuis 39 b, cette forme a, de plus, ce côté inté-
ressant qu'elle montre comme étant accomplie la synérèse du
sufF. eu en u, laquelle a dû nécessairement se produire antérieu-
rement à l'affaiblissement de u en wi (1).
§ II — Diphthongues.
La langue d'oïl, si riche en diphthongues, n'a pas transmis
cette part de son héritage au français ; ce que nous appelons
improprement de ce nom n'est pas autre chose que des voyelles
composées faisant entendre un seul son sous deux caractères :
ainsi ai ne sonne pas a + i mais 6 ; ou n'est pas un composé
de 0 + Uy. c'est un o long et sourd. Il n'en était pas ainsi dans
l'ancienne langue, où la valeur respective des éléments consti-
tutifs de la diphthongue était rendue sensible par la pronon-
ciation. L'accent relevait le ton et la durée de la voyelle princi-
pale, en glissant plus rapidement sur la voyelle secondaire.
En cette valeur, les diphthongues sont dites «intensives»
ou « fortes » : di ; on les nomme « extensives » ou « faibles »
lorsque les deux sons se réduisent à un seul : ai. Dès lors la
diphthongue n'existe plus que pour l'œil. L'étude du passage
des diphthongues de l'état fort à l'état faible est assurément
l'une des parties les plus difficiles de l'histoire delà langue fran-
çaise. Nous devons nous borner ici à relever l'état de chaque
groupe de voyelles, tel que le présentait le texte original, en
nous appuyant principalement sur la rime.
a) Diphth. fartes ; — di; sa valeur intensive est attestée par
la notation réduite a , la première voyelle ayant absorbé la
seconde. Les exemples sont assez nombreux : voira i d,
paiera 3 g, ars 10 c, 95 b, maxon-s 29 b M, 77 e M, 133 g M,
(1) Quoique la diérèse soit généralement en vigueur dans PM, il y a ce-
pendant çà et là quelques rares exemples du phénomène opposé ; dans l'es-
pèce, ooiisiiis de P est assuré, pour la mesure, par conceiipz. dissyllabique
dans M ; la synérèse n'est donc pas le fait du copiste.
GRAMMAIRE. -DIPHTHONGUES. A39
reparent S5 a, lassent 65 f, 77 e, rasins 67 d M, lassirent las-
sèrent 83 c, 134 f,.207 d, sa 89 b, J 72, a 145 b M, 216 b M,
281 d M, laront2l5 t. Andowairs Endowairs rime avec artre-
wart 240, cowars rowart 268; aitre avec batre abatre 268;
fMïres réduit en atres avec paistres fillaistres 276.
— ôi se prononçait pareillement avec l'accent sur la pre-
mière voyelle, ainsi que le prouve la chute de i dans povre 12
b à côté de poivre 18 a, osel 15 b {oixiaus A 4, 7), bodie
51 e.
— m ; on vient de lire des ex. de l'atténuation de u en ui ;
par contre en voici de la réduction de ui en u : hus 69 d, hu-
mais 80 c, eusines 94 a, destrure 109 d, crwo? 1301, 131 e,
133 b, cudoient 142 e, sus 252 d, 260 d.
b) Diphth. faibles : — ai ei. La prononciation moderne est
déjà en vigueur, au moins dans les mots où la diphth. est suivie
de II mouillées. C'est ce qui ressort, entre autres, de l'examen
des rimes de 29 : mureille — aille mcnjaille vaille; de 93 :
merveille — Saille travaille croaille; de 192 : Saille — conseille
traveille ; de 284 : maingeille — piétaille vaille vitaille. Tous
ces mots se prononcent par eille et non par aille, car si, à la
rigueur, on est tenté de corriger mureille 29 en muraille, ni
merveille ni conseille ne se laissent ramener à meroaille con-
saille. Bien plus, l'afFaiblissement de di en ei, par l'intermé-
diaire de ai est démontré à fortiori par la réduction de ei en i,
travilliez apparilliez 169 de, apparillerent 170 c,..
Cette réduction en i est l'un des traits les plus caractéristi-
ques des dialectes nord-orientaux ; il est surtout poussé à l'ex-
trême par le wallon. A Metz, les documents d'ordre populaire
en présentent de nombreux exemples ; et l'on peut dire que ,
de même que le son o est le terme final de l'évolution des
voyelles ascendantes, de même le son i absorbe les diverses
tonalités des mêmes voyelles dans la gamme descendante (1).
(1) L'étude du patois moderne permet de mesurer les progrès accomplis
dans l'un et l'autre sens : infantem est devenu successivement enfant an-
fant affant ofant ; dominicella ■= damesele domexale damejale, et se dit
aujourd'hui dieumeholf; — d'autre part, u s'est confondu avec i en passant
ftiiO ÉTUDE DU TEXTE.
— ié. C'est ce groupe qui offre la plus grande prise à cet en-
vahissement. Bien que i ne soit ici qu'adventice et d'origine se-
condaire ou romane, il élimine e qui représente l'élément pre-
mier et originel. En voici quelques ex. : continent 8 a, tih
tis 29 d, 127 e [ties 186 a), pitaille 161 e, 219 a, 238 f, 295 a
{piétaille 218 d), Thiry 192 d, livres 206 e {lièvre 206 g, liè-
vres 257 a), chivre 223 b {chievres 257 f), hrifment 260 c,
trives 276 c, etc. La désin. iens ienty 1*' et 3« p. pi., se pro-
nonce comme si elle était écrite avec i sans e ; feirient 145 f,
pr. feirint (1), et de même avient E 25, scevient G 75.
— ei est également réductible en i : tigne 1 99 f ; quant à
soleis 224 a pour souliers , on peut regarder l'inversion des
voyelles du groupe comme un premier pas vers le iotacisme.
— Pour ey {iacum) j'ai déjà dit que sa réduction en y est nor-
male : Wappey rime avec despis respis 1 35 ; M écrit Arcancis
Allexis 68 a c, Mays 76 b, et ainsi de plusieurs autres dont P
figure la finale par cy.
— eu provenant de e + u latin ou roman maintient dans le
plus grand nombre des cas la valeur respective de ses deux
éléments ; l'étude de ce groupe rentre plutôt dans le chapitre
de la versification. En dehors de cela, le seul cas où cette
diphth. se présente est dans le pronom neutre ceu (anc. ceo)
qui, prononcé ce, est parfois écrit se (de même sil silz pour
cil cilz). Le Poëme n'offre qu'un ex. du doublet sou su, bien
caractéristique et si fréquent dans les chartes contemporaines :
par ui. Cette transformation était accomplie au xvie siècle, puisque le
poëme de la Grosse Enwaraye, imprimé en 1615, en fournit des exemples à
foison : Jesy, trety (;= trestuit trestut), le py belle piciUe, Je si pi bé ei py
jaly, Dilé lo ri si lé gran bauë, etc., etc. (La Grosse Enwaraye messine ou
Devis amoereux d'un gros vertugay de village a sa mieus aymee Vazenatte,
escript en vray langage du haut pays messin. — Réimprimé (par M. G. Bru-
net) chez Techener, s. d.)
(1) Cette orthographe est celle de Chan Heurlin, des Bucoliques et de
toutes les productions en patois moderne. Même sans sortir de l'époque de
notre texte, la valeur que nous assignons à cette désinence est confirmée
par la notation ein, renversée de t'en, dont je note entre autres l'exemple
suivant : Se il avenoit que il [li roys d'Alemaigne) et nostre sires H roys de
France eusseint a faire l'un encontre l'autre de fait de guerre, nous ne li se-
rions aidable ne 7iuisent. (Arch. nationales, J 580, n<» 2 : Hommage de Bou-
chard, évêque de Metz, au roi de France (24 août 1296).)
GRAMMAIRE. — VOYELLES NASALES. UUl
SOU i05 c et dans le même couplet se f ; ceu réduit en su s'atté-
nue en si 76 d.
En résumé l'état archaïcfue ou valeur originelle des diphth. se
maintient encore vigoureusement dans notre chanson, grâce
sans doute au caractère familier de son style. On sait que le
langage populaire est au plus haut point conservateur des tra-
ditions antiques.
§ III — Voyelles nasales.
Un fait commun à toutes les voyelles de cet ordre est
l'intercalation de i entre la voyelle pure et la nasale. Cette
épenthèse s'est produite dans tout le domaine dialectal du
Nord-Est (Bourgogne-Lorraine) ; il n'y a donc pas lieu de s'y
arrêter autrement que pour relever les ex. fournis par notre
texte :
— an:=ain : estrainge eschainge chainge 19, ramg'zës 121 e,
grainge 1 36 e et passim, aingle 2o3 d, lainge 256 f , chaingour
H 160, etc.
— on = oin : loing adj. 87 e, seloing 104 d M, boin boins
pass.
— im :^ uin : chescuin 40 d, 47 b, 50 c, 56 b, 59 a, 77 a f,
etc., etc., uin 270 a, 292 g.
Passant maintenant à des faits plus spéciaux, je ferai remar-
quer que la nasale se double en syllabe finale et que l'emploi
de cette notation, loin d'alléger, comme en français, la voyelle
qui en est affectée , lui donne au contraire un son lourd et
traînant, une manière de point d'orgue, peu agréable sans
doute, mais bien caractéristique. Ainsi damme 15 e doit se
prononcer dan-me, aimment 200 a, 231 d = ain-ment ; fon-
tenne ne fait pas entendre un son identique à celui du fr.
penne benne ; il faut dédoubler les nasales et rejeter le premier
n sur la voyelle précédente , appuyer et prolonger le son en
cette manière : fontin-ne. En cette position, en sonne comme
ain; aussi bien l'une et l'autre variantes sont-elles mêlées en
rime indifféremment, sans souci de leur origine scientifique-
ment distincte : fontenne sepmenne grenne 1 1 , cstrainne sep-
mainne chainne 109, enseigne prengne sovengne plaingne 186,
442 ÉTDDE DU TEXTE.
Halenne rengne Lorenne 242 (alias Loherainne, trisyllabique).
— Même chose pour oin-ne : moinne moynne <33 cf; 'poinne
passira. On verra bientôt que les sons an et on s'identifient l'un
avec l'autre , c'est ce qui explique le mélange en rime de la
double désinence ain-ne et oin-ne dans les couplets suivants, 35 :
ammoinne poinne assoinne awainne; 56 : poinne (verbe) poinne
(nom) amoinne awoinne; 74 : ramainne demainne poinne
assoinne ; 205 : painne essoinne Anthoinne ; rapprochez going
63 g {gaing M) et gaingniet 95 f , gaingnont 120 f.
Il reste à examiner les différentes dégradations dont les
voyelles nasales pures peuvent être affectées.
— an et en sont homophones, et s'emploient l'un en place
de l'autre , alors même que en représente le lat. in : Entecris
39 g, Antheeris 263 f; ans an {intus inde) 127 f, 151 f et ail-
leurs {ens 115 b); bancens 34 d, 186 b, lancent {banni signum)
en rime avec cent Vincent du couplet 31 ; samblant sam-
blent 23 a, 74 d, ardent ardant 151 1, 188 c, 219 f, vengence-
viltance semblance demonstrance 274; estans 187 1 qui est mal
orthographié pour atains « atteint », montre que la diphth. ai
s'est maintenue à l'état intensif: estd{i)ns; de même aitis [an-
tea) est noté ans qui, pour la forme, se confond avec ans {in-
tus)', Urbain rime avec Montabant K 27, 30.
— on. Dans le langage populaire de Metz, on provient de
sources multiples ; ce caractère représente en effet soit o + n
d'origine, soit o + n d'analogie ou d'assimilation, soit en an dont
la voyelle est devenue o. Dans la première catégorie figurent les
mots communs à toutes les branches de la langue d'oïl, tels que
les pron. et adj. on, mon, son et autres qu'il n'y a pas lieu de rele-
ver ici. — La seconde classe est plus spéciale, elle comprend les
mots qui en français s'écriraient par ou, comme l'art, et pron.
Ion don 32 g, 47 f, 68 b, on (= ou notation dialectale de eu =
el = en le) très-fréquent, non 266 d forme parallélique à nou
= nel z=. ne le, l'adv. on {=. ou, lat. ubi, aut, apud) passim (1 ). —
(1) Toutes ces formes sont des plus communes dans les chartes dès la
fin du xiiie siècle. Par une sorte de compensation ordinaire en pareil cas,
on d'origine devient ou; c'est ainsi qu'on rencontre très-souvent les posses-
sifs moî< tau sou, l'adv. ensou {=eniiom, in mimmum)... même devant une
voyelle. Cf. au Glossaire sous en on.
GRAMMAIRE. -SEMI-CONSONNES. 445
L'absorption de en an par on est la résultante de la tendance
déjà signalée qui, dans le dialecte messin, fait évoluer les voyel-
les suivant la gamme i e a o ; d'où la conséquence que cette
permutation était accomplie à une époque antérieure à celle où
n a perdu sa valeur propre pour prendre le son nasal en s'atta-
chant à la voyelle précédente. Voici quelques ex. de cette mo-
dification : on greniers, on seliers 5 d e, on = en 10 f; par
contre on {homo) est noté en 214 g, E 144.
— in. Le son de cette voyelle nasale est d'une nature telle
qu'on ne peut s'en faire une idée qu'en l'entendant prononcer.
Il est si difficile à fixer par l'écriture que les scribes messins
ont eu recours à diverses combinaisons pour le transcrire. C'est
ainsi que la syllabe finale de eschevin se trouve écrite de cinq
ou six façons différentes : in - ig - ing - igné - ingne. Cette ré-
sonnance nasale mouillée affecte non-seulement les mots termi-
nés par in, mais encore ceux qui ont pour finale i pur : ane-
mins ennemin ennemins 57 b, 101 b 128 e, 241 c, etc., en
regard de nombreux cas de ennemis amys ; de même prinsent
prins prinse des v. « prendre, priser » se rencontrent avec les
mêmes formes en i pur. La nature de cette résonnance est tel-
lement fluide, qu'il n'est pas étonnant de ne pas la voir notée
par l'écriture : c'est ainsi que je relève chemis 48 g (1).
§ IV. — Semi-consonnes.
Intermédiaires et lien de jonction entre le consonantisme et
le vocalisme, les semi-consonnes offrent quelques caractères
spéciaux. Les cas relevés dans notre texte affectent principale-
ment l en position et \o.
-al devient au, avec faculté de réduction en a ; façon 1 3 a et
même faicon 117 e (cf. sous A), varroit 31 f, favel 102 g, hea-
"235 c, Sanois 291 a.
(1) Le Poëme n'offre que cet unique exemple, mais le peu de consis-
tance de cette ondulation nasale est confirmée par des formes comme Mar-
tis, Jennis, Aurowis, Erluys, etc., qui se rencontrent dans des chartes du
commencement du xiiie siècle ; chemis n'est donc pas une faute du co-
piste, en outre cf. cumis au Glossaire sous povre. — Sur in en cette valeur,
cf. pour plus de détails Romartia, II, 258.
tHili ÉTUDE DU TEXTE.
-el s'éteint en ci è : quarel quairrés quaireh 76 c, 222 d («t M),
veil 102 a, etc. La présence de / dans ces mots et autres ana-
logues [coutelz, novel) est purement ligurative de l'étymologie,
mais non de la prononciation. Les chartes écrivent vies, aigneis,
coutei, et le Poëme fournit lui-même deux gonros d'arguments
à l'appui de notre proposition. Le premier est la substitution
de t à l dans les mots à désinence el : hosteilt 157 d, hosteit
passim, autreteii 126 g, et l'orthographe si fréquente tcU pour
tel teil. — Le second est la notation de é ei{t) par el. Il est
clair, en effet que « côté » ne modifie pas sa prononciation
suivant la double notation costeit et costel 85 f; et de même
« fossés » aura beau s'écrire foucels 181 g, il ne s'en pro-
noncera pas moins faussés 182 a, 183 a, 184 a e. On pour-
rait donner maints autres exemples tirés des documents
contemporains, qui tous concourent à prouver que la liquide
persiste le plus souvent dans l'écriture, mais n'est de nulle va-
leur dans la prononciation : el cil = é ei. — La transformation
de el en ei est exclusive de la permutation en eau, du moins
dans la bonne époque du dialecte messin. La désinence iul iau
de martialz 29 c, biaulx 54 c, quairiauh \ 32 c, doit être at-
- tribuée à une influence étrangère, champenoise-bourguignonne,
la pure forme messine et lorraine étant pour ces mêmes mots
martelz-teis, quairielz-^eis (ci-dessus quaitrés).
-il. La notation eau {ea ia iau) est réservée, dans la langue
de Metz, au groupe il en position. Le pronom illos et son com-
posé eccillos donnent les dérivés ealx ùalz eauh ialx uulz-cealx
ceaulz cialz ciaulz, passim (1). Maints textes plus patois encore
que notre Poëme ne s'arrêtent pas à ce point, ils continuent
l'évolution commencée et arrivent à ceos ceous sous. — Le
neutre eccillud a produit ceu (se) et sou, cette dernière forme
à l'état d'unique exemplaire dans 105 c.
Pour la gutturale c, son atténuation en i est un fait com-
mun aux diverses branches de la langue d'oïl ; elle ne donne
lieu ici à aucune remarque spéciale.
(1) Remarquer en passant dans 185 g, Et ealx massons pour eai's. g ar-
rir, une bévue du copiste qui confond sous une même orthographe l'article
Il aux » {au: dans le vers précédent) et le pronom « eux ».
GRAMMAIRE. —CONSONNES. ftW
Même observation pour i (e) post-tonique et suivi d'une
voyelle {-ium, -iat), dont la consonnification en yot n'offre de
particularités qu'au subjonctif de certains verbes (voy. les
exemples ci-dessous, p. 433).
Il n'en est pas de même du iv, très-fréquent dans les textes
messins. Son emploi est différent selon qu'il se trouve placé en
tête ou dans le corps du mot ; c'est de ce dernier cas seul que
nous avons à nous occuper ici. Médian intervocal, w est une
pure épenthèse n'ayant d'autre effet que d'allonger le son de
la voyelle précédente ; c'est un redoublement du son qui vient
d'être émis, et sa valeur est à peu près celle du fr. on. Voici
quelques exemples de w intercalé : Andowart 64 a, 203 a,
209 f, pauivillons pawillons 87 c M, 93 c M, loweit 79 f, lowange
100 e, aloive il7 c M, Endowairs 268 a, cowars 268 c (cf. co-
hardie 79 g), awe auwe iawe yauwe, passim.
§ V. — Consonnes.
a) Consonnes simples.
Gutturales. — G initial se durcit en c dans crape 81 f (1) ;
croaille 93 g, craoille M/= v. fr. graille, n. fr. grille)', — g c final
s'aspire en ch : bourch Lucembourch 63 a, 78 a, 86 a, Sallebru-
che 73 a. — Le lu germanique (fr. gii) persiste çà et là en
initiale : ivayn 14 f M {vayn P), waigiere 22 c f, 149 b, wart
en composition dans Dieidoiuart Deidewart 64 f, 203 f , rewart
rowart rouwart 64 c M, 240 c, 268 f, ivarnisons 191 c, wa-
cons 224 f, et dans quelques noms de lieu : Waran, Wer-
merange, Wernepet, Wairize, Waidrinoue, Wirey, Wappey.
Cette notation, qui est de règle à Metz pour la bonne époque,
commence à céder la place au gu français : guise 14 e, going
63 g, gaites G 126, et les formes verbales gaingniet gaignait
gaingnont garentir garis garnies etc. (voy. au ÛLOSSAmE, sous g).
La valeur étymologique de lo échappe à notre auteur ; et de
(1) Le Psautier lorrain, texte du xiv» siècle, dont nous préparons l'é-
dition, présente ce même mot et plusieurs autres cas analogues.
446 ÉTDDE DU TEXTE.
même que le g latin et roman se substitue au iv dans les mots
d'origine germanique, de même, par une assimilation inverse, lo
s'introduit en place d'une gutturale et même d'une labiale la-
tine, comme dans Wandre 3 g, awainne awoinne 35 g, 56 g,
yawe 97 d, 118 b, 278 f, weudier 98 a M, reproioier 117 f,
wUlairt 135 d, xvaudexour wadessoiir waudessour 150 a, 202 a,
222 a, 291 e, oivraige 245 f. Dans la plupart de ces mots, iv se
prononce «, à l'exception de yawe, qui se trouve fréquemment
écrit iaue, et dans lequel w fait fonction de semi-voyelle (sans
doute sous l'influence du vieux haut allem. aïoa) (1). Telle est
aussi la valeur du iv germanique, ainsi que l'atteste formelle-
ment la notation rouart 64 c, en rime avec Andowart Dieii-
lowart.
Sifflantes et aspirées. — S est toujours dur, même entre
deux voyelles ; il est le plus souvent noté par ss x ; csglisse
cglisse 14 b, 113 b, embrassée 65 g, maison maixierc 77 g,
maxon-s mauxon 29 b M, 77 e g M, 133 g M, pliissieurs
119 c, corvixiers 128 d, waiidexour wadessoiir 150 a, 202 a,
222 a, 291 e, valxist valcist 261 g, 268 g, Taisons Staixons
243 1, D 12; — s médian tombe dans Poujoie 215 a = Poiijoisc
{Podiensis)f nom de l'une des familles les plus considérables de
Metz. L'expression « tombe » n'est rigoureusement exacte que
pour l'écriture; dans la prononciation, la sifflante est remplacée
par une aspiration que les textes populaires notent, suivant les
temps, para; hj rh ; j'ai déjà cité l'exemple de demoiselle devenu
successivement domexalle, dame j aile, dieumehole; maison, que
le patois dit mohon mojon, s'écrit ordinairement au xni"= siècle
maixon mauxon; rah'hin =z raisin, serhon = saison (2). Notre
texte ne semble point connaître x en valeur d'aspirée = ch, j;
les seuls exemples assurés sont des noms propres d'hommes
ou de lieu comme : Allexey 68 c, Xeides 68 f (pron. « Olgyj
(1) Une variante orthographique est owe oue, qui entre en composition
dans Waidrinoue ci-dessus ; -owe oue aue est la désinence habituelle des
subst. et part. fém. en -ue : cherrowe, plowe, raue, pecdaiie {= charrue, pluie,
rue, perdue).
(2) Le wallon emploie aussi l'aspirée h en remplacement de s, dans lés
mots où la éifflante est en position, ainsi : hehte, tehte, gahter.
GRAMMAIRE. — CONSONNES. • WJ
ChieuUes >>) , Xappeis et p.-e. xappéz E 139, sur lesquels cf. au
Glossaire; quant kxeans F 14S, la seule raison de cette ortho-
graphe insolite de « céans » est que la composition abécédaire
de cette poésie exigeait en cette place un mot commençant
par X. Un autre témoignage du peu de goût de notre texte
pour cette sorte d'aspiration, pourtant caractéristique au plus
haut degré du parler de Metz, est fourni par 21 b, qui, dans
l'une de ses rimes, remplace ch par ss : loches parroches clas-
ses reproche.
Il faut cependant noter, à titre d'exception, le mot creelle
14 d {crehelle M cochelle D), qui ne compte que pour deux syl-
labes. La forme complète semble être celle de D (si cochelle
est, comme je le pense, le diminutif de couetche, nom d'une
espèce de prunes dans le patois messin); sous l'effet de l'aspi-
ration, les deux premières syllabes de cochelle se contractent
violemment en crhoelle crh'eelle chr'elle, que PM se sont éver-
tués à rendre de leur mieux (1). Au reste, cette aspiration est,
comme la mouillure nasale, l'un des deux ou trois caractères
typiques du patois messin ; l'écriture est impuissante à noter
l'un et l'autre avec une suffisante exactitude ; on ne peut s'en
faire une idée juste que par l'ouïe. En présence de ces parti-
cularités de phonétique locales, on s'explique les tâtonnements
des scribes dans leurs essais multiples de notation, et l'on s'ac-
cordera à reconnaître avec nous l'équivalence des caractères s,
ss, e, ch, X, h, j, rh, employés, selon les temps et le caractère
plus ou moins public des documents, à marquer l'aspiration,
de plus en plus prononcée suivant l'ordre dans lequel ces
mêmes caractères sont rangés.
Z remplace très-fréquemment s à la fin des mots même à
terminaison féminine ; c'est surtout dans les « Poésies di-
verses » annexées au « Poëme » que cet usage, général dans
les textes lorrains, dégénère en abus.
(1) De cet exemple ne pourrait-oii conclure à d'autres qui auraient existé
dans l'original ? Le commencement du xiv" siècle est l'époque où les textes
sont les plus riches en ce genre. On en viendrait alors à admettre que la
sourdine imposée aux cas possibles d'aspiration est le fait du copiste du
xv« siècle ; ce serait une nouvelle marque de l'influence française.
tA8 ËTUDE DU TEXTE.
Labiales. — Rien à signaler que la notation de p b v par w,
dont j'ai relevé les cas (cf. plus haut, sous lo consonne).
Liquides. — Permutation de / en r ; corpe 268 g ; — r tombe
fréquemment, non sans affecter la voyelle précédente ; dans ce
cas, a 0 deviennent ai au, oi ou. Aux exemples donnés sous
chacune de ces voyelles, j'ajouterai seulement ceux de maibrc
A 2, Emblais i7f) &^=Amblard.
Nasales. — On a vu plus haut (p. 4ii-3) de quelle façon la
nasale dentale affecte les voyelles. Considérée purement comme
consonne, il y a lieu de relever sa tendance à prendre le son
mouillé, même en position initiale : TadJ. « neufs » est écrit
gnetis 12 c en rime avec Vezeneuf, plus ordinairement ortho-
graphié dans les chartes Vezignuef Vexignuel, et qui est donné
par M sous une notation identique. — La nasale labiale m
s'emploie parfois pour n; Moms i98 f, baiems 249 c, emE 14i.
Dentales. — Substitution de la douce à la forte : perde (subst.
participial) 32 d, H 75, duché 73 cz=«tiche » {teutsch).
b) Consonnes groupées et adventices.
Sous cette rubrique seront rapidement passées en revue les
différentes modifications opérées dans le corps des mots par
la chute des consonnes étymologiques ou au contraire par
l'intrusion de consonnes adventices.
Apocope. — D'une manière générale, les finales sonores s'é-
teignent en sourdes, et les sourdes tombent, d'autant plus faci-
lement que le discours est plus familier et le style plus rap-
proché du langage populaire. De ce fait, nos textes présentent
de nombreux exemples, ainsi: rot 227 c {roc H 198), la dé-
sinence eit devenant et ey dans honorey demorey 91 e g, es-
pargney 93 c, ferrey 116 a, et beaucoup d'autres (cf. entre
autres ei{t) devenant e/, ci-dessus); — il devant une consonne
se réduit parfois à i 49 b, 113 c, 277 c.
Mais de toutes les lettres, la plus fluide est r, qui tombe
aoit avant, soit après toute autre consonne : entepris 103 a,
soupris 103 c, apagneront llo g, murte 248 b (alias murtre
murtrour), arde (inf.) 250 b, perde (inf., patois « pecde »)
275 g ; pour les rimes : maide-laidre 107 P; preste-beste areste
GRAMMAIHE. — CONSONNES. 649
feste 223, -geste teste moleste 273 ; orde estorde-remordre wpr-
dre, 261, etc. — « Messire » est apocope en messi 282 a; l'a-
pocope est exigée par la mesure ; le manuscrit ne l'eût pas
donnée qu'on aurait été autorisé à la pratiquer, à l'imitation
des cas similaires rencontrés dans les chartes dès la pre-
mière moitié du xiu" siècle. — L'adverbe « sans » est écrit
sen en plusieurs endroits, notamment dans 237 f, 239 g, 261 d,
279 d. Cette orthographe est la seule rationnelle, ïs final étant
paragogique.
Épenthése et paragoge. — Les seules consonnes épenthé-
tiques dont nous ayons à nous occuper sont/i, / et f. La pre-
mière s'introduit dans ensemblée o7 b, Endowart et ses diverses
variantes orthographiques 64 a, 91 g, 127 g, 240 f, enqui 88 d,
et quelques autres. La seconde est d'un emploi plus fréquent et
plus complexe, mais toujours dû à une assimilation erronée ou
à une fausse analogie. De ce que Vu de «autre, outre» repré-
sente / dans le latin alter ultra , et peut logiquement lui céder
la place dans les doublets « altre oltre », la demi-science des
scribes s'est ingéniée à substituer l à u dans tous les cas, même
et surtout dans ceux où les diphthongues au ou ne représentent
que l'épaississement du son des voyelles pures a o, sans l. Les
chartes abondent en restitutions étymologiques de cette force :
testalmant à cause de testaumant = testamant, bolz à cause de
bouz = boz = boiz = bois, etc. Notre poëme est moins riche ;
il se borne à offrir, comme exemples de la prétendue réversion
de u en l, ceux de polt 46 e = pont {potuit) ; oit {habiiit) 62 c,
155 f, 188 f, 217f,^32f, etc., doublet de owf 64 b, 77 d, 101 a,
l'un et l'autre côtoyant la forme primordiale ot 155 a, 221 d,
232 a ; de même à la 3° pers. pi. olrent 65 b, 244 f , 290 g.
— Pour la diphthongue ei, le phénomène est identique dans la
cause et l'effet, différent seulement par le moyen. On a vu que
el s'aplatit normalement en ei, eh bien! ei pourra redevenir
el toujours et partout, quand même il représente le lat. -atem
-atum, et non -ellum. Si cultellum a donné coutel éteint en cou-
tei, par analogie costeit costei de costaticm s'adjoindra l : costel
35 f , qui rime avec boutei douteis. On aura de même d'une part
faussés 182 a, 183 a, 184 a e, et d'autre part foucels 181 g. C'est
ainsi que s'explique encore tilz 29 d [tectum) par les intermé-
29
UltO ÉTUDE DU TEXTE.
diaires telt tel 29 d M, 127 d M, où e/ est une équivalence
locale de ei dans la forme normale teit. Dans col, colz 80 e,
100 1, 210 e, 269 e, 282 e, 296 d, bien que la liquide soit d'o-
rigine {colpus p. colaphus), il est plus sûr d'admettre, pour
notre époque et notre auteur, que l est aussi une réversion de
Vu de « couz, coups ». Notons encore escul o9 f M, esperil H9 g,
dans lesquels la liquide se substitue à la dentale apocopée, et
les cas où / est 'purement paragogique, tels que il pour i y
182 b f, quil ^ qui 1 g, 249 c d (on vient de voir l'accident
inverse : i, qui, au lieu de il, quil).
f est épenthétique dans chargiefs A d et quelques autres.par-
ticipes à terminaison analogue {merchief M d M, chevalchief
huchief trabuchief 108 M). L'introduction de la labiale en cette
désinence est due sans doute à une assimilation erronée avec
des mots tels que « chief meschief». Dans les bas temps, chief
représente aussi souvent casam que caput.
Restent maintenant à examiner les cas où, par rapport au
français, le dialecte de Metz est rebelle à l'épenthèse. Ces cas
sont au nombre de trois dans notre texte : les groupes Ir nr se
refusent à l'épenthèse du d, le groupe sr à celle du t. Voici
quelques exemples pour les deux premières catégories : vurroit
31 f , voiront 47 d, penre et ses composés, passim, genrez tenrez
F 154-0, etc. En pareil cas, l'assimilation de l kr est ordinaire ;
les mots qui la comportent accusent par cela même une date an-
térieure à celle de l'aplatissement de l en u. — Quant au groupe
sr, la non-épenthèse du < a pour effet de produire des parfaits
de la conjugaison forte à désinence sifflante ou aspirée, bien
caractéristique. Le latin miserunt, par exemple, donne « mis'-
rent»=fr. anc. mis-t-rent; ceux des dialectes qui n'ont pas
admis le t épenthétique ont rejeté soit s, d'où le fr. nouv. « mi-
rent », soit r, d'où le lorrain (et picard) (t misent», plus forte-
ment accentué à Metz, conformément au génie local, en « mis-
sent minxent ». De là la désinence xent passe indistinctement à
tous les parf. forts : « tinxent vinxent », dont on trouvera les
exemples à l'article de la Conjugaison.
Prosthése. — La permutation ordinaire d'e en a permet de
constater que la sifflante initiale des groupes se, sp, st, ne se
faisait plus entendre depuis longtemps dans la prononciation.
GRAMMAIRE. - FLEXION CASUELLE. asi
C'est ce qui résulte des notations suivantes de es roman en a
dialectal messin : apesseïne7it 98 g, apagneront 1 i 5 g , apin-
gole 118 a, aploitiet 146 b, achecqiie io3 g, etc. Là où s est
resté en compagnie de e, c'est comme notation traditionnelle ou
prétention scientifique. Ces formes ne peuvent donc, à notre
point de vue, prévaloir contre les mêmes formes réduites en a;
en effet, espingole 114 f, 116 f, 187 a, est commun aux divers
rameaux de la langue d'oïl ; c'est l'orthographe classique, tan-
dis que apingole est la figuration du même mot, tel qu'il sort
de la bouche du paysan messin et, par ainsi, marqué au coin
du génie local et populaire.
2. FLEXION.
a) Déclinaison.
Dans l'état où le Poëine nous est parvenu, personne ne s'at-
tendra à y voir les règles de la déclinaison scrupuleusement ob-
servées. Par la date seule de sa composition, il appartient
d'ailleurs à une époque où la flexion casuelle commençait à dé-
périr ; c'est en effet dans la première moitié du xiv" siècle que
s'accomplit l'évolution grammaticale qui, en supprimant la dé-
clinaison à deux cas, clôt l'ère de l'ancien français et ouvre
celle du français moderne. Bien que la situation topographique
du dialecte messin l'ait rendu moins accessible que les dia-
lectes du centre à ces influences nouvelles, bien que les textes
contemporains aient conservé des vestiges plus nombreux et
mieux marqués de l'état primitif de la langue, nous ne nous
sommes cependant pas cru autorisé à supprimer les fautes
contre la déclinaison et à rétablir les formes correctes. C'eût
été encourir le reproche fondé d'avoir voulu faire autrement et
mieux que l'auteur lui-même, et de dénaturer le caractère ori^
ginal de l'œuvre sous prétexte de le restituer dans son inté-
grité native : dès lors le présent travail eût manqué de fon-
dements certains.
Sans doute, parmi les fautes qui déparent le texte, il en est
^n bon nombre qui peuvent, en toute sûreté, être attribuées
W2 ÉTUDE DU TEXTE.
au copiste du xv" siècle. Celles qui doivent retourner à l'auteur
ne sont guère reconnaissables qu'à la rime. Tel est le vers :
Ils n'aimment pas murtrour ne lerre (248 g),
où la rime guerre forquerre est à la fois cause et excuse de
l'infraction. Il en est de même pour empereire H S8. L'étude
attentive de la langue démontre, du reste, que le texte origi-
nal fut écrit avec une correction suffisante pour le temps.
Il n'y a pas lieu de s'arrêter plus longuement sur ce cha-
pitre ; je ferai seulement remarquer lie, pron. 3* pers. sing.
fém., dans lequel \'e a été introduit pour le distinguer du
masc. li. Le dialecte classique ne connaît que H pour les deux
genres, mais l'idiome populaire distingue : réservant li pour le
masculin, il emploie pour le féminin lei (latin rustique illx) ;
lie n'est qu'un doublet de lei, créé de toutes pièces sur le mas-
culin. J'ai respecté cette orthographe, d'autant mieux que la
mesure compte toujours lie pour une seule syllabe.
b) Conjugaison.
C'est surtout dans la conjugaison que le génie populaire a
donné libre cours à. son action. Laissant de côté les formes
dont les diverses modifications sont d'ordre purement phoné-
tique (1), j'énumérerai rapidement les principaux traits de la
llexion verbale dans notre texte.
Participe passé. — ie désinence féminine s'adjoint un i dans
ijarnieis forbiei en rime avec batillies 114 P. De cette fausse
assimilation de la quatrième conjugaison à la première, pour-
rait-on conclure que notre auteur (ou le copiste) avait le senti-
(1) Chacune de ces formes a trouvé son explication raisonnée dans la
première partie de cette étude grammaticale. Je rappelle seulement ici les
déformations les plus caractéristiques pour le verbe « estre » : ind. iro p.
s»ing. sus 253 d, 260 d; imp. 3« pers. pi. irrent 215 b, 291 a; fut. 3» pers.
sing. irent .59 d P. Le même manuscrit donne estcit .58 C en 2* pers. pi.
Serait-ce déjà le patois actuel ateiis (d'où la l'o pers. atans), formée par
analogie (chanteus) avec déplacement de l'accent? Les textes contempo-
rains ne m'ayant pas fourni d'exemples similaires, j'ai eu scrupule de
maintenir esteit en cette valeur.
GRAMMAIRE. — FLEXION VERBALE. WS
ment de la réduction inverse [ieie en ic ; commencieie-ciee-
cië)'! En tout cas, c'est pousser la science, même par analogie,
beaucoup trop loin que d'affubler le masculin de cette même
désinence comme il arrive pour norrieis 84 d P , d'ailleurs la
,rime réclame norrois; ovrie 79 a, également en rime, est un
exemple intéressant de formation analogique , régulière cette
fois.
Indicatif présent. — Dans la première conjugaison, la
l"' pers. a reçu l'e par assimilation à la 3^ : pence aaisme
215 c, cuide, etc. Par contre, ce même e est tombé dans men-
jiit {manducat) 216 b (1). La 2° pers. pi. est régulièrement eis
pour la l'e conj. [-dtis), d'où cette désinence a passé aux au-
tres conjugaisons, dont la terminaison normale dans notre dia-
lecte est ois {-itis-étis) : aw'ois 54 f, ferais F 80.
Futur. — La réduction de ai, désin. de la r° pers. sing. en
a, est effectuée dans voira \ d, paiera 3 g (et de même à l'in-
dicatif des verbes « avoir savoir» a G 46, 157^ sa 89 b, J 72);
— la 3' pers. se termine indifféremment par -ait eit et. D'autre
part, la désinence ai 1'"^ pers. s'adjoint fréquemment Vs final
de la 2" pers. : ditmis B 1 , serais G 3, etc., et de même à l'indi-
catif de « avoir » ois aix 146 2 c M, 147 b M, 228 c M, 237
ad M, et au parfait l""** conj. esgardais A 3, 12.
Conditionnel. — ient désin. de la 3® pers. pi. par assimila-
tion k-iens, i^^ pers. pi.; ex. : feirient 145 f, avrient E 25,
scevient G 75. Cette forme est commune à tous les temps
dits secondaires (imparf., condit., subj.)'.
Subjonctif présent. — Outre la dérivation normale, com-
mune aux autres dialectes, la langue de Metz affecte la dé-
sinence du subjonctif de deux manières différentes, en ad-
joignant au thème les terminaisons -ce et -oisse. La première
appartient en propre aux verbes de la 4« (et 2") conj. lat., à
désin. iam {eam), dont Vi est devenu yot, rendu en roman
par {g)c s ; ainsi feriat a passé par feryat pour produire fierge,
et à Metz /îerce 225 b, en vertu d'une loi particulière à notre
(1) Manjut maingiit se trouve aussi dans le « Psautier lorrain », texte de
la seconde moitié du xivo siècle. — Le lecteur sait que la forme actuelle
" manger» est contractée de «manjuer ».
4» ETUDE DU TEXTE.
dialecte; de même ressoice 247 d. De la 4« conjug., la désinence
ce s'est introduite par analogie dans les autres conjugaisons ,
3* conjug. {-dm) : messe 124 b, quierce 22o g, voise 7 f , et !'•
{-ém) lanvoise 109 a, 2831(1). — L'autre désinence, d'un carac-
tère plus spécial, très-fréquente dans les textes du xiv* siècle,
et notamment dans le « Psautier lorrain », a fini par évincer la
première. Comme elle, elle se rencontre de préférence dans les
verbes, où elle n'est cependant entrée qu'en vertu de l'analo-
gie; -oice oisse, dérivé de -escam, subj. des verbes dits in-
choatifs en -escere , se plaît surtout à la l""* conjugaison.
L'exemple unique fourni ipar le « Poëme » : monstroice 3 f,
ne serait pas concluant à lui seul, si les « Chartes » et le
« Psautier » n'apportaient de nombreux témoignages de cette
préférence, qui s'explique par le désir d'unifier les désinences
des diverses conjugaisons pour le même temps (2). Ainsi donc
le subjonctif de la 1" conjug. a revêtu trois formes différentes :
lat. donet a produit d'abord dont doinst, modifié par analogie
aux autres conjugaisons en donge{t) donoisse{t), cette dernière
forme éteuit d'ailleurs celle qui reproduit le thème avec le plus
de fidélité; de là sa faveur et sa persistance dans le patois
moderne sous la notation -eusse, qui figure indistinctement le
prés, et l'imparf. du subj.
Parfait. — J'ai réservé ce temps pour la fin, en raison du
nombre et de l'intérêt de ses flexions désinentielles. Là encore
il faut distinguer la 1 '"'' conjug. des trois autres (réduites en
fait à une seule, la 4" en -ir) et faire le départ entre les formes
dues à la loi de dérivation et les produits de la force analo-
gique.
1" conjugaison. — La désinence normale pour la 3" pers.
sing. et pi. est -ait -airent, dont la valeur successive pour la
prononciation est figurée par les diverses notations : dit at
(1) Pour ce dernier cas, la forme régulière est envoit 94 g, substituée k
envoise M et envoie P, qui présente déjà l'orthographe moderne analogique,
mais que la mesure oblige à rejeter.
(2) Cette terminaison est d'autant plus intéressante à signaler qu'elle
semble avoir appartenu en propre à la région extrême nord-orientale ; en
dehors du dialecte de Metz, le wallon est seul à la posséder sous la forme
-fce.
GRAMMAIRE. — FLEXION VERBALE. ft55
— dirent arent (diphth. forte) , ait eit et — airent eirent
erent (diphth. faible). La première catégorie n'est représentée
que par un seul exemple : mandarent o9 b M ; le ms. P ne con-
naît plus que les désinences à diphth. faible : mandèrent S9 b,
passèrent aleirent bouteirent gitterent 127, navreit 128 f, lo-
geit ^30 g, de f fiait jurait 17S b e, etc., etc. — Une autre
désinence qui commence à se substituer à la désinence normale
est celle de la4<'conjug. -it -irent, qui n'a cessé dès lors d'é-
tendre son empire, si bien que le patois n'en connaît plus
d'autre. Notre texte ne laisse pas d'en présenter un certain
nombre : chevalihirent {sic) 73 e P, lassirent 83 c P (et D), res-
samblirent demandirent acordirent 88 a c f, enportirent 178 d,
espargnirent 217 d, rengirent 279 d. A l'exception des trois
dernières, toutes ces formes sont en rime (1).
Dans les autres conjugaisons, il est à signaler un double état
désinentiel pour le parfait fort S"' pers. pi. : à côté de la forme
commune firent vinrent tinrent coexiste une forme locale
avec sifflante, elle-même susceptible d'aspiration. La genèse de
cette forme a été exposée p. 430 ; il ne reste qu'à en relever
les exemples, en faisant remarquer que -i{n)sent est, logique-
ment, antérieur à -i{n)xent : tinssent 31 a M, fissent 32 a M,
tinxent 240 d M, vinxent 260 c M. On remarquera que P
a conservé ou rétabli la forme commune : tinrent vin-
rent.
Mais où ce dernier manuscrit reprend l'avantage sur le pre-
mier, au point de vue du parler populaire, c'est dans les deux
dernières désinences qui restent à étudier, à savoir : -ont 3® p.
pi, du présent avec sens du parfait, et -eit -eirent désin. des
verbes de la 4" conjug. L'une et l'autre de ces formes ayant
été, dans une précédente étude, l'objet d'une analyse dé-
taillée (2), je me contenterai de résumer ici les résultats ac-
quis.
(1) Je n'ai pas cru devoir maintenir dans le texte chevalchirent et lassi-
rent, qui, dans leur couplet respectif, sont isolés à l'égard des autres par-
faits rimant en -erent.
(2) Sur -ont, cf. Bomania, I, 337, et II, 251-5; sur -eit, cf. ibid., I. 339-9. et
II, 251 n. 2.
ftSO ÉTUDE DU TEXTE.
-ont, désin. de la 3* pers. pi. du prés, de l'ind., est un fait
commun à tous les patois, soit qu'ils l'aient maintenue en cette
orthographe, soit plus souvent qu'ils l'aient modifiée en-dnt. La
3* pers. pi. a perdu sa désinence atone pour adopter celle de la
l'^pers. pi.; -onf est développé par assimilation de -6ns. Voilà
pour la forme ; quant au sens, il est manifestement du parfait,
ainsi qu'en témoigne la série des formes verbales employées
concurremment dans la suite du discours : giiimjnont —
firent desperdirent <20 f, passèrent aleirent bouteirent gitte-
rent — entrant 127 f, navreirent guarderent espieirent pri-
sèrent — menant 179 a, vallont 235 d. Des deux autres ma-
nuscrits, M a maintenu menant et vallont, il a ramené entrant
au prés, entrent, gaingnant manque ; quant à D, il a conservé
guignant, ramené au présent mènent et valtent, et substitué à
entrant sa forme régulière de psiTÎaÂi entrèrent; en outre, il
possède seul ardont 167 b. De ces exemples, il faut retenir
ceci : que le déplacement de l'accent a entraîné un change-
ment de sens. La forme ainsi affectée est sortie de sa catégorie
temporelle pour entrer dans une autre, ou plutôt elle appar-
tient à deux catégories de temps : par la forme, elle est du pré-
sent; par le sens, elle est du parfait. Cette singulière anomahe
ne s'est développée, du moins à ma connaissance, que dans le
patois de la Lorraine et principalement du pays messin.
Si la désinence -ont est relativement moderne, il n'en est pas
de même de -eit appliqué en désinence au parf. de la 4" conjug.
En dépit de l'apparence, il ne faut pas y voir une assimilation à
la 1" conjug., qui avait assez de mal, cojnme on vient de le voir,
à se défendre de l'assimilation inverse. D'ailleurs cette forme
n'est pas personnelle aux dialectes de l'Est, et dès lors il n'y a
plus d'assimilation orthographique pour les autres dialectes qui
ont leur parfait de la l'" conjug. en-at -a, au lieu de -ait -eit.
Les plus anciens textes en présentent des exemples toujours
assez rares ; je citerai seulement ceux de la Chanson de Ro-
land (éd. Léon Gautier) : abatiet v. 98 et 1317, respundiet
V. 24H, perdiet v. 2793. Ces parfaits et leurs analogues appar-
tiennent en latin à des verbes en -dere {-tere), qui ont été trai-
tés, dans le latin rustique et dès une haute antiquité, comme
des composés de dare, et par suite rangés dans la I '• conju-
GRAMMAIRE. - FLEXION VERBALE. Û57
gaison (1). Grâce à l'orthographe locale, cette assimilation est
plus formale encore dans le dialecte lorrain que dans tout
autre (cf. le fr. chanta- abatiet, et le lorr. chantait-abatait,
ce dernier ex. tiré d'un document en patois de 1338). Comme
toutes les manifestations du génie populaire, celle-ci n'a pas
failli à reculer les bornes de son domaine originel ; des verbes
en -didi assimilé à -dedi, elle a passé d'abord aux verbes ter-
minés au parfait par une dentale, soit latine soit romane, puis
à tout verbe quelconque. Chacun de ces trois étiages est re-
présenté respectivement dans notre texte par les exemples
suivants : attenderent 73 d (et D) , pardeirent 2o4 f , partei-
rent desparterent il a (et M), 183 cP ; — ceindeirent 122 d (et
MD), ardèrent 163 b, 167 c (etMD); ardeit 133 a conviendrait
mieux pour le sens que ardoit donné par les manuscrits ; — fe-
reit 129 c, prenerent 138 b P, revinnerent 187 e P. Là où les
autres manuscrits n'ont pas maintenu la désinence de l'original,
ils l'ont modifiée en diverses façons : entendirent M, perdirent
MD, ardirent MD, tous trois malgré la rime -erent de leur cou-
plet Tes])eci\î ; partent D, despairtent MD, prinrent M pj-en-
nent D ; fereit manque dans les deux manuscrits secondaires (2).
Restreinte dans son emploi, cette désinence disparut promp-
tement de la langue classique pour ne vivre plus que dans le
parler populaire. Le style familier de notre poëme se l'est na-
turellement appropriée. C'est ainsi que, grâce à son peu de
valeur littéraire, à sa physionomie de document personnel, de
chronique privée, grâce aussi à la négligence de sa diction et
aux autres traits caractéristiques de la littérature populaire,
c'est ainsi qu'il enchâsse dans un même ensemble et les ar-
chaïsmes, rejetés par le mouvement continu de la langue polie,
et les néologismes, produits plus ou moins organiques destinés
à devenir les types les plus accentués de la langue future. On
ne saurait trop faire remarquer avec quelle ténacité les patois
(1) Voy, les exemples réunis par M. Schuchardt dans son Vokalismuii
des Vulyxrlateins, I, 35, et par M. d'Arbois de Jubainville dans Romania,
II, 477.
(2) Un autre cas, mais tout local celui-là, d'assimilation à la l'e conju-
gaison est celui du verbe « recueillir » , dont les formes reculiez rectillerent
semblent, à première vue, appartenir à « reculer » voy. au Glossaire s. v.
M8 fiTUDE DU TEXtE.
maintiennent, en certains cas, les traditions primordiales des
âges antérieurs. C'est le génie national qui les inspire aussi
bien pour la conservation du passé que pour la préparation de
l'avenir.
Ces considérations seront notre excuse pour l'étendue de ce
travail. Les textes de littérature populaire sont si rares au
moyen âge, les patois eux-mêmes sont si près de leur fin, que
ce n'est pas un hors-d'œuvre d'analyser avec détail les élé-
ments constitutifs d'un idiome menacé de disparaître sous nos
yeux.
Syntaxe. — Deux faits seulement à noter : I"* La substitution
de « être » à « avoir » dans la formation des temps composés
de la voix passive (ce qui revient à dire que le verbe « être »
se sert d'auxiliaire à lui-même) : fussent esteit reculiez, 82 b ;
— 2* Un sujet collectif sing. peut gouverner le verbe au plur. :
Pour si (jrmit gent sont esmaieit 76 d, on voiront F 168. En
cette valeur sylleptique, le pronom indéfini on est d'un emploi
Irès-fréquonl dans les Chartes de Metz.
Versification. — Je terminerai ce qui a trait à la constitu-
tion du texte par quelques observations sur la versification.
Le commentaire placé en tête de chacune des « Poésies di-
verses » indique le genre de mesure et de rhythme suivi par
l'auteur. Le lecteur aura remarqué que les onze pièces ont été
coulées dans trois moules seulement : 1° rimes redoublées pour
A B C, 2» quatrains monorimes pour D, 3» sixains à deux
rimes, divisés en deux parties égales qui se correspondent
exactement suivant la coupe aab-aab ; tel est l'agencement des
sept dernières pièces E-K.
La facture de toutes ces compositions a cela de commun,
qu'aucune ne tient compte de la loi d'alternance des rimes mas-
culines et féminines ; aucune ne se plie à cette prescription
VERSIFICATION. UO
devenue rigoureuse depuis le xvi^ siècle. A vrai dire, nous
sommes à une époque de transition, et nos couplets retiennent
encore quelque chose de la formule de la laisse épique. La
moindre variation de la syllabe finale suffit pour asseoir la suc-
cession alternée ou entrecoupée de rimes (je continue à me
servir de ce terme, faute d'un autre plus exact). Cette variante
vocale est nécessaire, mais aussi elle suffit, sans que l'auteur
s'inquiète davantage si une bonne partie de ses couplets se mo-
dulera sur une tonalité ou entièrement masculine ou entière-
ment féminine. Le « Poëme » dont la métrique est cependant
plus savante (puisque chaque septain est réparti en deux pieds
de deux vers chacun sur une rime différente, et en une queue
de trois vers aussi sur les mêmes rimes, ce qui peut se disposer
ainsi : ab, ah, — b, ab), le « Poëme » n'est pas exempt du re-
proche d'une facilité voisine de la négligence. En effet, les 296
couplets dont il se compose se divisent en 167 septains à
rime alternée du masc. au fém., ou vice-versâ, — en 68 cou-
plets à rimes exclusivement masc, — et en 61 à rime exclusi-
vement fém.
Sauf quelques rares exceptions, le groupe eu, provenant de
e + u latin ou roman, compte toujours pour deux syllabes :
eu. La diérèse est de règle pour les mss. P et M, elle est au
contraire systématiquement rejetée par le ms. D (voir aux Va-
riantes passim), ce qui met cette dernière leçon dans une situa-
tion d'infériorité bien constatée en regard des deux pre-
mières.
En terminant cet exposé, il n'est peut-être pas hors de pro-
pos de faire remarquer au lecteur que l'identité de facture et de
procédé dans les « Poésies diverses » est une forte preuve de
l'origine commune de toutes ces pièces marquées au même coin.
Dans notre hypothèse, les onze compositions poétiques seraient
l'œuvre de quatre auteurs au plus, mais plus sûrement de trois
et peut-être de moins encore. Les trois premières pièces A B
G sont évidemment le fruit d'une même inspiration; — puis
vient D, la Prophétie de Lambehn; — en troisième lieu E,
œuvre de Asselin du Pont, — enfin la Réplique à Asselin par
Lambelin sous la rubrique F, suivie des cinq dernières pièces,
toutes sur le même moule et du même souffle que F, laquelle
WO ÉTUDE DU TEXTE.
est elle-même faite à l'imitation de E. Donc quatre groupes,
qui se réduisent à trois, si l'on admet que D et F (et avec F la
série G-K), toutes deux signées Lambelin, soient en effet
l'œuvre de ce poëte, qui, après avoir répondu il Asselin sous
son propre nom, aura jugé à propos d'appliquer à ses derniè-
res productions le patriotique artifice de pseudonymes, desti-
nés, dans sa pensée, à en imposer à la gent ennemie, et h mon-
trer à tous les yeux la cité de Metz aussi vaillante dans la lice
poétique que sur le champ de bataille.
Reste la « Chausson », source et inspiration des onze pièces,
dont le dernier groupe reflète, non-seulement l'esprit du poëme,
mais va jusqu'à en reproduire mainte et mainte expression. Il
est peu rationnel d'admettre deux auteurs pour deux sujets
dont l'un complète l'autre. Notre conclusion est que la pater-
nité de la chanson historique doit être attribuée à maître Lam-
belin, nom vrai ou supposé de l'auteur de la « Prophecie » qui
se ressent, plus que les autres compositions, d'un souffle vé-
ritablement poétique.
III. — GLOSSAIRE -INDEX.
Dans les pages suivantes sont relevées toutes les expressions
ou formes qui présentent quelques divergences avec les termes
correspondants de la langue commune de France. J'y ai com-
pris les cas d'orthographe vicieuse qui n'avaient pu servir de
paradigmes grammaticaux, de telle sorte que le lecteur aura
sous les yeux le catalogue complet non-seulement des particu •
larités dialectales du texte, mais aussi des singularités ortho-
graphiques du copiste, parmi celles qui ne choquent ni la rime
ni la mesure, et qui dès lors ont pu être maintenues dans le
texte à titre de notation individuelle. — L'analyse des faits
d'ordre phonétique est renvoyée, à chaque mot, sous l'article
propre de la lettre ou syllabe affectée et, par là, à la page cor-
respondante de la discussion grammaticale. Un petit nombre
de mots ont exigé un détail plus étendu, en raison de l'intérêt
qu'ils comportent pour l'histoire littéraire ou sociale de Metz et
du pays messin au moyen âge.
GLOSSAIRE.
k6i
•a, réduction locale de la diphihongue
ai, témoigne que cette diphthongue
ir.aintenait encore sa valeur iiiien-
sive dans la prononciation , en fai-
sant porter l'accent sur la pre-
mière voyelle, ci[i) •.voira., paiera,
sa, — En riine , a se rencontre
souvent avec ai : graice — jasce
face desplaic, et autres analogues.
■a fait entendre un son sourd, voisin
de ô, et qui est noté indifférem-
ment par ait ou par a dans les
mêmes mots : aiissaurait et as-
sauU assaillie, famé et deffaiilme,
deaubles, aulx, aupclit, Uanriaus,
vaulloit, transtaïUeit ; et en rime :
eslauble diauble-profitabie, admi-
rable-admiauble doubtauble diau-
bles, etc. En place de au, le pa-
tois emploie de préférence o; je
relève un cas de cette notation :
avos =: avaulz = aualz ; voy. aussi
sous AWE.
A, G ae, 157, Ire pers. sing. ind, de
0 avoir », — par réduction de la
diphthongue ai en a, voy. Sa.
Aaisme, 210 c, notation variée de
aesme, 1'^ p. sing. ind. de aesmer
\adaestimare), « penser, conjectu-
rer ». Le simple esmer a été repris
par la langue moderne, sous la
forme complète estimer; son subst.
verb.esme est noté dans notre texte
ame \y. c. m.).
ABti.ESTE-s, 132 a, 178 e, 187 a, ar-
balèie-s, — forme réduite de au-
beleste aubelestre (v. c. m.).
Abelestrier, 202 d, arbalétrier, —
dérivé de abeleste aubelestre (v.
c. m.).
ABREJOOR, G 89, dérivé de « abré-
ger » ; — ce mot joue avec haber-
jour du vers précédent : Ils (les al-
liés) ne sont pas bien haberjour —
De pèlerins, mais abrejour.
AcHECQUE, 153 g, notation dialectale
de eschec • échec », dont la con-
sonne finale est renforcée comme
dans avccque p. avec. — Le mot
achecque est ici pris au sens fi-
guré; on trouvera plus loin men-
tion de divers termes du jeu des
échecs (voy. Aui'irv, Fierce, Poon,
Rot).
ACORCE, a 62, notation locale de es-
corce, « écorce » prononcé comme
aujouid'hui.
ACOHCHENT (s'), E 12, 3« p. pi. ind.
de técorcher»; — sur la syllabe
initiale a, voy. Acorce.
ACORDIRENT (s'1 , 88 f, 3e p. pi. parf. de
accorder (s'), avec la désinence assi-
milée de la ft« co ijug., sur laquelle
voy. -irent.
AcoRSE, E 111, 3e p. s. subj. de « ac-
corder t ; — pour la désinence, voy.
sous -se.
Admiauble, g 32, « amiable », avec
le sens de « aimable «; — l'a suivi
d'une labiale se diphihongue nor-
malement en au.
Aeu, 260 a, part. pass. m. s. r. de
c< avoir »; — Vc est épeiithétique
et indique qu'il faut prononcer en
deux syllabes, au et non au (voy.
Ehus Haeo).
Affaire, 1^7 b, 220 f, 288 a, est
masculin ; le genre féminin est de
date postérieure et a été imposé par
la désinence ; j'en relève un cas :
maie afaire E 85.
Affors, D 22, notation dialectale de
« efforts ».
Affroy, h 6, forme dialectale de
« effroi ».
Agi.ise, 266 b, variation formale de
« église »; — le changement de e
en a est tiès-ordinaire dans la lan-
gue de Metz.
AgOe, 13 d, aigiie; — la diphth. ai
s'est résolue en a.
-ai, d'origine soit romane soit locale,
se réduit habituellement en a (voy.
sous -a).
AiDEis, 2'JU g, notation plus foncière-
ment dialectale de aidés (v. c. m.).
Aidés, Il b, forme diphthonguée de
adès, passim, dérive du latin ad-
ipsum (s.-e. tempus), « sur-le-
champ. »
AiMME AIMMENT, 147 d, 200 a, 231 d,
2U8 g, 267 e, F lOa, forme nasali-
sée de « aime aiment», 1" p. s. et
3e p. pi. ind. de ameir, «aimer».
-ai'n se réduit en an comme ai en a;
Urbain rime avec Montabant K27,
30.
AiNGLE, 253 rf, pron. populaire de an-
gle (v. c. m.); — parla permuta-
tion de / en r, angle aingle est de-
venu angre aingre, très-fréquent
dans d'autres textes messins.
1. At\s, 148 f, 152 d, 164 g, 218 b,
adv. 0 avant», du latin ante (vcy.
AiNSOY).
2. AiNS, 131 g, !e même que ans (v.
c. m), avec l'épenthèse de i, fré-
quente dans le groupe an : graingc
cstrainge cliaiiige, etc.
AlNSOY, 141 f, 145 f, 165 f, 226 C, or-
thographe individuelle pour ain-
sois ainçois (anfc ipsum [tempus],
« plutôt, au contraire »; — ainsois
est rare, 227 f.
tua
GLOSSAIRE.
APPARILLIEI
AIRCHE, E 27, arche, propr. coffre ;
dans l'espèce, axrclie désigne le
lieu où les amans (notaires] de Melz
déposaient leurs inçtruinenis au-
thentiques. Les chartes de Metz, sont
presque toujours terminées par la
formule : An l'aii che Saint Seplixe,
an l'airche Saint Firtour, Saint
Mamin, a Grant Mosticr, cl autres
indications analogues.
■aïs, désin. de la Ire pers. sing. parf.
(fi' conj.) et futur, était assez fré-
quente au xiV siècle. Le Psautier
lorrain en a de nombreux exem-
ples ; dans nos textes, je relève rc-
guardais esguardais dirais lair-
rais serais ferais (voy. Aïs, -s). Il
faut se garder de prendre cette dé-
sinence, formée par analogie de la
2e p., pour celle de notre imparf. ou
condit. moderne.
Aïs, A 29, E 67, 1" p. s, indic. de
« avoir », avec Vs analogique de la
2* p.; var. orthogr. aix (v. cm.].
Aix, I Û6, forme variée de ais (v. c.
m.); X =s.
■a[l) -au(0, en désin., correspondant
au fr. •eau, du lat. ellum, n'est pas
messin. Cette forme appartient en
propre au sud de la Lorraine et à
la Bourgogne, surtout quand l'a est
précédé d'un i : bianlx marlialz
quairriaux. — La dérivation locale
est -el éteint en ci è : quairrès.
AuiCHiEK, 81 g, relâcher (le ventre).
Alemklle (/'), 279 f. Les caractères
généraux du style et de la langue
de notre auteur militent en faveur
de la forme prosthétique Calemelle
contre la lemelle, dim. de tlame ■.
Le français moderne a repris la-
mella sous la forme savante la-
melle ; alemelle ne s'est maintenu
que dans le parler badin.
Alevons, K 23, ire pers. pi. ind. de
« élever • (au sens figuré de • exal-
ter o), noté dialectalement aleveir,
Amaiet, 20 b, part. pass. de esmaier,
v. n., être tourmenté, troublé. —
La notation dialectale supprime Vs
et change \'c prosthétique en a; la
notation commune se rencontre
aussi 76 d.
Amassent 19ti f, est réduit de amais-
sent 3*= p. pi. subj. imp. de ameir,
H aimer ■> .
Amathie, 210 e, orthogr. vicieuse de
amalie, part, pas, fém. sing. suj. de
amatir, dont le simple matir est
dér. de mat, resté dans la locution
« échec et mat • ; — au figuré, mat
signifiait « abattu, sans courage,
inerte » (voy. Meter).
Ame, F lti7, notation dialectale de
csme, subst. verb. de esmcr (conip.
acsmcr, \o\. Aaisme] : selon mon
amc, suivant mon calcul.
•an représente à la fois an et en in
(voy. à la Crammaire, p. Uli2) : an
(inde), ans {inlus) , ardant (ad-
jectif), etc.
A>, 86 e, 127 f, notation dialectale de
en, prép. et pron.
Andouart, F 97, forme nasalisée de
t Edouard »; — voy. le mot suiv.
Am)0\vaius-t, Ani>owar8-t, 6Jj a,
203 a , 209 f, forme nasalisée de
• Edouard • . Andowairs en rég. est
fautif, 2Û0 f.
Anemins, 57 b et ailleurs, forme na-
salisée de anemis (voy. -in).
Anemis, g 35, 100, 164, etc., forme
dialectale de « ennein!-t > : — pris
absolument « l'ennemi du genre hu-
main, le diable, » par ex. dans
as b, h 17.
Anffans, 135 d, orthographe variée
de anfans, «enfants a.
Angle, J 5, ange {angelum]; — une
forme plus locale est aingle (v.
c. m.).
Anglemur, 243 f, quartier du Melz,
dans le voisinage duquel fut élevée
la citadelle en 1556; c'est le sol sur
lequel repose aujourd'hui le jardin
Boufflers.
Anuans, 151 c (rég. plur.), forme na-
salisée de ahans F 8 ; — i< ahan ■
est propr. « soupir, respiration pres-
sée • , d'oîi le sens fig. de «labeur,
peine «. Dér. lahaner^ également
nasalisé en enhaner (v. c. m.).
Ans, 127 e, 151 /', lat. intiis (voy. Ens).
Ansois, 286 c, forme variée de ain-
sois ainsoy (v. c. m.); — pour b
réduction de ain à an, cf. Estans.
Antons, 162 a, forme nasalisée du
nom du village dit aujourd'hui Al-
ton.
Anvoise, 10'.) a, 3e p. s. subj. de u en-
voler» , avec la désin. -se assimilée
des verbes de la fte conj. (voy. -ce,
-se).
Anvoit, 9U (/, 3e p. s. subj. de >< eu-
voier » ; — anvoit est la.dérivation
normale, anvoise (v. c. m.) est la
dérivation avec le yot assimilée des
verbes de la U* conjug,, et envoie^
F 43, G 29, la forme adoptée par la
langu» moderne.
Apagneront, 115 g, 3" p. pi. fut. de
espargner, «épargner», avec syn-
cope des consonnes s r (voy. es
devenu a).
Aparilliez, 114 d, part. pass. fém.
plur. rég. de aparillier, <i appareil-
APESSEMENT
GLOSSAIRE.
AU
463
1er, préparer » ; — sur la désinence
de ce participe, voy. -ie,
Apessement, 98 g, nutation locale de
espessement, « en grand nombre,
en quantité considérable ».
Apingole, 118 a, espingole (v. c. m.).
Aploitiet, lUQ b, notation locale de
esploiliel 15*7 a, part. pas. neut.
rég. de esploilier, au sens neut. de
0 faire des actions d'éclat, des ex-
ploits » .
Apourir, 185 d, comp. de poure (v.
c. m.), avec le sens neutre ou ré-
fléchi, « s'appauvrir ».
Apperçoivre, h 230, forme variée de
« apercevoir », voy. Resoivre.
Ardam, 151 /", ardent; — la phoné-
tique de notre texte ne distingue
pas en de an (voy. Ardent).
Ardeit, 242 6, 3* p. s. parf. de air-
dre, ardoir, « incendier, mettre en
flammes »; — la désin. -eit est assi-
milée des verbes en -dididedi (voy.
sous -eit -eirent).
Ardent, 28 f, 69 d, 188 c, part. prés,
de ardre airdre 107 a, « brûler,
incendier ». — L'identité phonique
des voyelles nasales an en permet
d'orthographier avec la désin. ent
les part, prés., même ceux de la
l'e conj., voy. Samblent ; par con-
tre, l'adj. ardent est écrit ar-
dant (v. c. m.).
Ardèrent, 165 b, 167 c, 3* p. pi.
parf, de ardre airdre, « brûler »;
— avec la désinence analogique
-erent (voy. Ardeit).
Aroostent (s') h 29. 3« p. pL ind.de
(s')arouler, voy. Arouteis; — l'é-
penthèse de s est indue.
Arouteis, 220 e, part. pas. masc.
sing. suj. de arouler, « assem-
bler, réunir s, dér. de route, bande
d'hommes armés, compagnie.
Ars, 10 c, 95 b (suj. sing.), air; —
exemple de la résolution de ai
en a.
Artois, 211 /(rég. plur.), orteils; —
dér. tris régulièrement de articu-
los par artoils, comme soloil de
soticulum, paroil de pariCulum, etc.
Artois est pris par synecdoque pour
« pieds 11 , et de même le bourg, artô
ertô.
Asomhe, 275 a. Ire p. s. ind. de « as-
sommer », dér. de somme, « far-
deau », donc • être accablé sous le
poids», etauflg. «protester, s'in-
digner».
Asperdus, 260 d, forme locale de es-
perdus, part. pas. s. s. m. de anc.
fr. esperdrc,dont il n'estresté quece
part, même, « éperdu > .
Assaiés-t, 54 e, 20 g, masc. plur. rég.
et suj,, part. pas. de « essayer »; —
avec la permutation ordinaire de e
en a.
AssALLAiGNES, 18 e, échalottes; — as-
clialoignes de M reproduit exacte-
ment l'étymologie ascalonia, du
nom de Ascala, ville de Judée.
Assoinne, 35 e, 74 g, notation locale
de essoine 205 c, « nécessité, empê-
chement, embarras ». Dér. enson-
niement (v. c. m.).
ASTALON, 294 b, notation locale de es-
talon, 0 étalon ».
AsTÉ, M 48, forme dialectale corres-
pondante à esté a été ».
At, 259 b, 3e p. s. ind. de « avoir » ; —
la notation at, réduite de ait, assez
fréquente dans les hauts temps, se
montre fort rarement dans les tex-
tes contemporains du nôtre. Ce
n'est pas une importation du fran-
çais, ce dialecte ayant depuis long-
temps laissé tomber le t en cette
position. — Deux vers plus bas se
trouve ait (voy. Vat).
Ataiches, 29 a, notation dialectale de
estaches, • pieux, palissades » .
Atorneies, 115 a, part. pas. fém.
plur. suj. de atorneir, » atour-
ner » (voy. Atoorneis).
Atocr, 145 a, subst. verb. de « atour-
ner» (voy. Atourneis).
Atoorneis, 101 c, 140 b, 165 c, part,
pas. masc. plur. suj. [Vs est fautif,
cf. torneit 101 f) de atourner,
« tourner vers, diriger, préparer,
formuler, ordonner ». — De atour-
ner vient le subst. verbal atour,
nom donné aux arrêts ou ordon-
nances du gouvernement municipal
de la cité messine.
Atrais-t, 132 f, 199 b, K 24, part,
pas. masc. suj. sing. et pi. de es-
traire, «extraire», noté dialectalc-
ment atraire.
Atrapeies, 261 a, part. pas. fém. pL
rég. de estraper (voy. Estrapent),
« couper, arracher, détruire » ; — fl
est la notation locale de es initial en
position.
AtreSj 274 Ci est réduit de aitrcs
(voy. -a); atres rime avec paislre
fillaistre, de môme que ai/re 268 c
rime avec abalre batre, ce qui
montre que la prononciation était
identique sous les notations diverses
de notre manuscrit.
ATTENUERENT, 75 d, 3* p. pi. parf. de
« attendre », avec la désinence spé-
ciale -erent des verbes en -didt assi-»
miles à -dedi (voy. Abdeirent).
Au, 260 f et ailleurs, est une faute
M4
Al'BELESTRE
GLOSSAIRE.
B&ITILLIE
pour aus auz, art. comp. rég. plur.
des deux genres.
AUBELESTRE, 114 f, arbalète. — I.a
diphthongue de In prcmitire syllabe
s'explique soii par la chute de r,
iilors ab ^aub (voyei à lu Gram-
NAIRE, p. U3b). soit par la permuta-
lion de r en /; alb.., d'où aub... Il
y a des exemples de clbelcslrc al-
baleslier.
AUFiN, 227 d, aufin auphin, anc. nom
dut fou » au jfu des échecs ; — dér.
de l'arabe al-phil, « éléphant », d'ofi
nous avons fait fil, puis fol (cf. Du
Cuuge s. V.).
ACLER, G 17, prononc. dialectale de
aler J 31, • aller t (voy. sous - a) .
AULTEIRS, G 59, autels; — la con-
sonne r est purement étymologi-
que; elle ne se prononce pas, non
plus que le / qui l'a remplacée le
plus souvent, (voy. Ai'LTEiT).
AlLTEJT, 204 f, forme fautive de rég.
plur. « autels »; — la liquide finale
ne sonnant plus dans la prononcia-
tion, elle a été remplacée par un (
(voy. AUTRETEiT et sous -t],
AULX (Toy. II).
ADPETIT, I U, appétit, au figuré « dé-
sir, grande envie ■; — nouvel
exemple de l'assourdissement de a
en au devant une labiale.
At'ROis, 54 f, 2e pers. plur. fut. de
• avoir •. — Pour la désinence, voy.
sous -ois.
Ausais, Aiixais, 55 c, D 54, Alsace.
— Ces formes, exclusivement em-
ployées au moyen âge, obligent de
donner à ce mot un primitif latin à
désinence neutre : Alsalium, et non
Aliatia.
AussiCRAiT, F 80, 3* pers. s, fut. de
« assaillir > ; — la dipht. initiale
est un dialectisme. Voy. des cas
analogues sous a=^au.
Autre (saint), 125 c, saint Auteur,
évoque de Metz (voy. la note à ce
ver?, p. 292 . Autre [atljutor) est
la forme suj. de Auteur [adjuto-
rem); cette forme contractée est
spéciale à l'onomastique hagiogra-
phique-
AtTRETEiT, 126 g, var, littérale de
autreteil-teil 263/, Il 218; — t final
se rencontre souvent en place d'une
consonne tombée dans la pronon-
ciation.
Auxais, D 54, notation locale de Au-
sais (v. c. m.).
AVALZ, 292 e, adv., = à val, à tra-
vers; — la caiégorie adveibialc est
signifiée par le z («) paragogique ;
le mot val est toujours rendu dans
nos textes par vaut (voy. a = au),
et l'adv. avait se rencontre dans la
Chronique rimée avec la notation
avos (p. 395 K
AVESQCE, 177 f, 259 c, 275 c, nota-
tion dialectale de evesque, souvent
écrit à tort esvcsquc.
AviTiEZ, H 167, pour avilliée, part,
pas. f. s. r. (en rime) de avillier,
dér. de vil.
AVRIENT, E 25, 3' pers. pi. coud, de
• avoir »; — pour la désinence, voy.
-icnt.
AWE, D 63, notation dialectale de evc
cwe, formes anciennes de «eau»;
— iawe yawe yauwe (v. c. m.) est
la prononciation épaissie de atve,
dont la valeur phonique dans le
p;trler populaire est owe oue, voy.
sous VVaiurinoue.
B
Bahegnons, 247 e, 248 a, 252 b,
289 c, dér. de Bahaigne, BaJiengne.
passim, forme ancienne de • Ro-
liéme»; — les Baliegnons sont les
gens d'armes du comte de Luxem-
liourg, roi de Bohême.
BiHORDER [le), 196 c, infin.-subst.,
propr. « la Joute, les exploits d'ar-
mes»; — bouhourder, successive-
ment atténuo en bultourder be-
hourder (auquel correspond notre
bahorder), s'est finalement syncopé
en bouraer, • conter des bour-
des » icf. F 72); mais bourdes n'a
pas laissé que d'avoir les acceptions
plus relevées de « exercice, diver-
tissement, réjouissance ». — Le ma-
nuscrit M donne la notation plus
populaire balioidcr; une modifica-
tion plus intense est beliauter,
donné par une charte de la fin du
xiiie siècle, avec le sens de «se di-
vertir, folâtrer ».
Baiems, 249 c, dimin. de «bai >, pois
baiems, sorte de pois bruns ; — m
tient la place de n.
Baires, 128 a, barres, barreaux ou
grilles encastrées dans les ponts, du
façon à intercepter la navigation
sur la Moselle. Deux des ponts de
Metz conservent encore leurs bar-
res : le Moyen Pont, dit aussi pont
des hautes grilles et le poni Cham-
bière ou pont des basses grilles.
Baitillie, 67 b, part. pas. fém. sing.
suj. de batailler, employé au sens
neutre « équipé, armé en guerre »;
— sur la désin. -ie, réduite de -iée,
voy. à la Grammaire, p. 435.
BANCENS
GLOSSAIRE.
465
Bancens-t, 31 a, 34 d, 186 b, propr.
la cloche banale [banni signum), la
cloche (lu bet'fioi commiiiuil, puis
la u.ilice convoquée au son de cette
cloche, enfin aciion de guerre, émo-
tion, troubles. - Pour la formation
du mot, cf. bancloche, pic. ban-
cloke. La dernière syllabe devrait
êire écrite sin sing (cf. tocsin);
sur rideiitilication dialectale dis
voyelles en an, voy. à la Gram-
MAIRK, p. fi'42. — La cloche qui
donnait le signal de l'appel aux ar-
mes était la Muite, ou l)ourdon de
la cathédrale (voy. Meute).
Bassent, C 16, orthographe plus voi-
sine de l'étymologie {banni signum)
que bancent (v. c. m.).
Baket, 55 c, propr. baral, tromperie,
mauvaise foi.
Barbetocrs, F 5U, dér. de baret (v.
cm.); — jeu de mots sur le nom
de Barrois.
Batillies, 114 6, part. pas. fém.
plur. rég. de batillier (voy. Bai-
TILLIES).
Bernaige, 32 b, 115 b, 142 d, 203 c,
208 6, 283 g, etc., forme syncopée
de baronnage. j^e sens primitif est
celui de « troupe de chevaliers, de
barons » , d'où découle celui de
« vertu chevaleresque, vaillance » .
Bidalz -aulz, 231 f, H 31 , bidaux,
soldats armés de deux dards.
BlERE-s, 90 g, 125 g, 131 f, bière,
cercueil. — Par une métaphore
naturelle, bière a été pris au figuré
avec l'acception de « mort, pertes,
défaite .>: ... avoir pensaient mainte
bière,
Blacerejit, 166 f, 3* p. pi. parf. de
« blesser », anc. « blecier », —
avec la permutation aormale de e
en a.
Bobance, 84 a, 211 d, est encore la
prononciation populaire dans la ré-
gion de l'Est pour o bombance »,
BODIE, 51 e, tromperie, action dé
loyale; — dans bodie, Vo est un té-
moin de la valeur intensive conser-
vée par la dipihthonguc oi dans
le fr. boisdie.
Bom-S, D 43, 48, G 48, 88, H 142,
bon (masc. et neuf.), bons; — sur
l'épenthèse de i, voy. LoiNG.
BOURCH, D 12, faubourg; — pris abso-
lument, bourclt désigne le quartier
de Meiz, appelé aussi le Neubourg
Hoy. la note au couplet 6, p. 266).
Brifment, 260 c, brièvement, anc.
briefment (cf. briement 280 a,
briesment 236 </); — la résolution
de ie en t est assez fréquente.
BRULES [le jour des), 228 b, subst.
verbal de «brûler». — Je soup-
çonne que ce mot a été créé pour
la rime en remplacement de bures,
qui ne convenait pas ici. On sait
que le a jour des Bures » est le
premier dimanche de carême, dit
plus communément dimanche des
brandons.
Bui, 292 c, buste, partie supérieure
du corps ; ^ en ce sens, « buste »
(= lat. biisla, boîte), qui est
de date rehitivement moderne, a
évincé bue bn, lequel a une origine
germanique. La diphthongue ui du
bui représente l'atténuation aussi
bien du c de bue que de I'm de bu
(voy. à la Grammaire, p. 437).
BURLÉES, 88 {/, métathèse de brûlées,
part. pas. fém. plur. suj. de « brû-
ler ». On voit par burlées que Vs éty-
mologique de brusler était tombé
dans la prononciation.
Burtfiemeu, 46 e, forme locale de
« Barthélémy».
c s'emploie abusivement pour s devant
les voyelles e i.
G', passim, pour s', élidé de se si,
pron. et adv.
Caritaul, F 124, adj. substantivé,
formé sur un type caritalis, propr.
« qui est à la charité d'autrui,
mendiant ».
Ce, 80 e, 144 b, var. orthographique
de la conj. se.
-ce, désin. du subj., voy. -se.
Cealx, voy. Cil.
Gel, var. decii (v. c. m.).
Ces 31 g, 63 b, 119 g, A 52, D 20,
F 178, etc., notation variée de ses
(suj. sing. et rég. pi.)
Chaice, g 161, 3e pers. sing. subj. de
« chcoir choir ». — Pour la dési-
nence, voy. -se.
Cliainge [a), 19 /, au Change, nom
d'une place de Metz oîi se tenait le
commerce d'argent, qui fut tou-
jours considérable dans cette ville.
C'est aujourd'hui la place Saint-
Louis (voy. les notes des p. 273 et
274).
Cliambiere, nom d'une île de la Mo-
sille et d'un quartier de Melz, oii
se tenait alors le commerce de la
poissonnerie ivoy. la note à ce vers,
p. 270).
Chambre. 14 a, nom d'une vaste
place de Metz s'étendant au-dessous
de la cathédrale, sur le versant de
30
466
CHAMIN
GLOSSAIRE.
CUNCLESELLC
la Moselle. La commanderic de
l'ordre de Saint-Jean di- Jérusalem
était située sur cette place, d'où
elle avait reçu le nom de r« Ospital
Saint Jehan en Chambres » (in Ca-
meris ou in Thalamis); voy. la note
à ce vers, p. 270.
Chamin, 92 rt, chemin; — avec la
permutation ordinaire de e en a. Sur
le son de la voyelle nasale in, cf.
Cbehis. — Dér. chaminer 293 c.
Champaigne, 40 9, 225 a, est la
forme proprement française de cam-
pagne, qui n'est demeurée (|uc
dans le nom de lieu Champagne.
1. Chastei., I 40, 58, ortliogrnphi'
fautive de chalcl, notation dialec-
tale de cheptel {capilalc); — \'s de
chaslel est due à une confusion avec
chaslel 2 (v. c. m.); r.>rthographe
ordinaire de ce mot est dans les
chartes : chaiteit chaleit.
2. CUASTEL, I 41, château (castcl'
lum).
CHAVETAirc-s, 42 f, 125 c, 194 c,
211 g, forme dialectale de chef-
tainquc la langue moderne a aban-
donné pour • capitaine >.
Cheir, ou g, notation variée de cher
(suj. pi.), D 29, «chars» {carri).
Chemis, 48 g, chemin; — à noter
pour In chute de la nasale (voy. à
la GnAMMAiRE, p. 443}. Un ca« ana-
logue est cumis pour cumins, voy.
sous POVRE.
ClIER-s, 138 c, F 82 (plur. suj etrég.l,
chars [carras]; — Vc de cher se
(liphthongue parfois en ei : cheir
(v. c. m.). — Diniin. cherettes
II 168.
CHERRUIER, 201 c (suj.plur.), labou-
reurs ; — dér. de cherruc, • char-
me».
CUB.SCDIN, 47 b, 56 6, 59 a, etc., forme
variée de chescun, « chacun i.
(Voy. UiN).
Chevailliers, 139 a, chevaliers ; —
cette orthographe est fréquente
dans les bas temps, elle atteste en
l'exngérant la mouillure de l:i li-
quide. C est encore la prononciation
des patois de l'Est. La notation com-
mune chevaliers chevallier chica-
ner se rencontre aussi dans notre
texte, lb2b, 221(1, 265 d, etc.
Chevetain, 252 d, s. pi., capitaines,
YOy. tHAVETAIN.
Chief, c 5, notation erronée de
« cheï » (voy. Chiez).
UIEZ, 141 0 (rég. sing.),
CuiEZ, 141 b (rég. sing.), chef, bout,
extrémité, commencement. — Le z
final, dâ à une confusion entre les
dérivés de caput et de casa (ou
mieux casum), est d'un emploi or-
dinaire dans les documents con-
temporains; par contre, chez se dit
chief (v. c. m.).
Cuivre, 223 b, est réduit de chievre,
qui se rencontre ailleurs, a chè-
vre » (voy. Livres).
Chose, G 26, 3e p. s. ind. de choser
chouser (v. c. m.); — est en rap-
port de synonymie avec chnstoie.
Chouser, D 43, verbe dér. de » chose » ,
au sens de ■ tourmenter, molester »,
propr., mettre en cause ». — Si le
verbe s'est perdu, le langage popu-
laire a conservé dans c(! sens chose
piis adjectivement : «Je ne sais ce
qu'il a, il est tout chose. »
1. Cil, adj. dém. Je réunis dans le ta-
bleau suivant les différentes flexions
casueiles de ce mot, en séparant par
un trait toutes les formes contrai-
res aux lois de lu déclinaison :
m. s. s. cil si — cilz cet 89 c
106 a, 123 e, etc ;
f. celle;
n. cett;
m. — r. celui;
f celle selle ;
n. — — ccu se 195 (/, sou 105 c, si
16 d;
m. pi. s. cil — cilz 28 e, 36 a,
167e..., ceulx 52 a;
f. celles ;
m. — p. cialx -z, ceaulz -x ,
ciaulz -X, ceulx ;
f. celles.
2. Cil, D 6, prononc. réduite de «ciel»
— voy. sous -ie.
CiMOURENT, 122 d, 3«p. pi. parf. de
" ceindre ». — Cette forme présente
ce double intérêt qu'elle montre
1" un exemple de remaniement
systématique de la conjugaison, par
le génie populaire, d'après U'i temps
quelconque pris pour type, ici l'in-
lin. ceind{re) ; 2» l'adjonction à ce
lliéme ceind, étendu à tous les temps,
de la désin. <lu parf. -eirent, propre
aux verbes lat. en -didi — dcUi. —
(Voy. à la Grammaire, p. 450-7.)
CiTAI.N-S, 42 c, 44 d, 123 a, 164 rt,
165 b, 177 a, etc., les habitants
de la Cité de Metz, les citoyens mes-
sins. — Cette dernière appellation
se rencontre déjà dans les textes
contemponiins, notamment dans le
document publié ci-dessus, p. 402 :
a les cileyens de Metz. »
Clincleselle {en), 210 d, à bas de la
selle ; — composé de cliner et de
selle; pour l'allitération de la se-
conde syllabe, rappr. le lorr. clin-
clanl pour clinquant.
Gloire
GLOSSAIRE.
UQl
Gloire, 184 a, 185 e, forme variée
de « clore »; — o passe volontiers
à la diplitli. 01.
Closses, 216 e, cloches ; — la sif-
flante double comporte le son as-
piré ou chuintiint : classes est en
rime avec loches parroches. Ce
dernier mot ofl're un nouvel exem-
ple de la fluctuation entre ss et
ch. (Voyez à la Grammaire, page
447.)
GOHARDiE, 79 g, couardise. — L'aspi-
rée Il accentue la diérèse entre la
première et la seconde syllabe ;
ailleurs le môme eflet est obtenu
par l'épenthèse de w : cowars (v.
cm.).
COL-z, 88 e, 100 /, 210 e, 269 e, 280 b,
282 e, etc., coup-s. — Cette ortho-
graphe est, pour ainsi dire, réduite
de colp cop coup.
Colles, 187 f, coliques; — v. fr.
cole, propr. «bile ».
COMMLN-S, 34 a et passim, D 26, le
commun, l'ensemble de la popula-
tion messine, opposé à l'aristocratie
désignée sous le nom de Paraiges
(voy. ce mol). Au lieu de H Com-
muns , on disait aussi « li Com-
mune., H Commnniteit, li Universi-
teit, Li Citain»,, — Voy., sous Povre
une singulière altération de commis
en cumis.
COMMUNE, 283 a, B 17, 27; voyez
Commun.
CoMMUNENMENT,G 81, forme nasalisée
de 0 communément », adv.
COMPE, 12 d, coupe. — Exemple inté-
ressant de la nasalisation de la
voyelle o; la présence de m ren-
verse l'objection que conpe par n
serait une pure faute de copiste
pour coupe,
CoMUNE, B 27, voy. Commun.
COMUNS (il), D 21, 22, var. orthogr.
de Communs (v. c. m.).
Conseille, 88 c, conseil. — La dési-
nence féminine est amenée par la
mouillure de la liquide; la mesure
n'a pas toujours permis de conser-
ver celte orthographe.
CONSUis, 39 6, part. pas. m. s. s. de
« concevoir ». — Ce mot piésenie
l'un des rares exemples de la syné-
rèse de la diphth. eu en w, noté di:i-
lectalement i/i, (voy. à la Gram-
maire, p. 438, note.)
CONTALZ -TAULZ -TAUZ, 163 Cl, 164 C,
207 g, etc., F passim, comlaux,
habitants du comté de Bar, troupes
à la solde du comte, comme les du-
chalz ducliauz (v. c. m.) sont les
gens du duc de Lorraine.
Coquaigne, 158 f, cocagne ; — dér.
du lat. coca {coqiiere), sorte de gâ-
teau ; l'expression » pavs de coca-
giie I) désigne donc un lieu ofi l'on
fait bonne chère, un lieu de déli-
ces. Dans l'espèce, coquaigne est
pris au sens de o satisfaction, joie,
plaisir »; ces diverses acceptions
figurées découlent toutes de la si-
gnilication primitive. Le même type
coca a donné naissance à l'allem.
kuclien, gâteau, d'où le pat. kiclie,
sorte de flan ou millet à la se-
moule, fort en honneur dans quel-
ques villages de la Lorraine alle-
mande (Sarreguemines).
CORRELZ, 192 f, suj. sing. de corbcl,
• corbeau»; — par métaphore, li
noir corbelz = le diable ; Corbelz
est aussi le nom patronymique
d'une des plus illustres familles de
la cité messine; « JofTroy Corbelz »
est mentionné 192 a.
CORvixiERS, 128 e, avec l'a; dialectal
en place de s, est le même que
cqrvisier courvoisier, a cordon-
nier », et qui n'existe plus que
comme nom propre.
COSTEL, 85 f, côté; — sur / paragogi-
que, voy. à la Grammaire, p. 449.
COUPPIE, A 7, copie, — au sens latin
de « abondance »,
Courciez, 296 f, orthogr. vicieuse
du rég. sing. de « coursier ».
COUTELLE, 210 g, prou, assourdie de
cotelle, dim. de « cotte ».
CowARS, 268 c (rég, plur.), couards ;
— le ir prolonge le son de la
voyelle précédente et empêche la
synérèse; cf. le dérivé de rowa/t
écrit avec l'aspirée en place de w :
coliardie 79 g.
COWE, D 39, queue ; — rorlhographe
cowe est le représentant liitéral du
V. fr. couc, maintenu dans 1 ■ patois
bourg.
Crape, 81 /", prononciation locale de
« grappe »; voy. Cboaille.
Creelle, 14 d, sorte de prune de l'es-
pèce diiccouetclie (quetscli), àansXa
campagne de Metz. — Sur ce mot,
voy. aux VARIANTES et p. 447.
Croaille, S3 g, est une notation va-
riée (peut-être exigée par la rime)
de craoille M, qui reproduit exac-
tement le lat. cralicula = v. fr.
graille graille, auj. grille. — Lé
ms. D, qui est francisé, porte la
craille.
Crueire, K 58, adj. fém. dér. d'un
type criidarius, comme cruel pro-
cède de crudelis ; — Ve de la dési-
nence empêche de voir dans crueire
483
GLOSSAIRE.
UESEKVIS
une forme xuriée de crueil, parla
permutation de liquide à liquide.
Crux, 130 f, 131 e, 133 b, croix ; —
Vu n'est pas le pur représentant de
Vu de crucem, m;.is l:i réduction de
la diplith. ut : cruix, puis crux,
qui est la prononciation actuelle ;
dim. cruhote, croisette.
CuiRi:, H lia, prononc. atténuée de
cure (v. c. m.).
Ct'NS, U 08, sujet de « :omte »; — une
d^ri>ation plus régulière de cornes
est cuens, passim.
Cure, G 150-7, H 79, 80 cl passim, re-
présente i la fois le lat. cura et le
subst. verbal de • curer ■; voy.PAn-
CURE.
Daire, 249 d, forme fautive de
« dards » (cf. Du Cunge, s. v. dnr);
Ve fém. serait une exigence de la
rime.
Dairie:<i [au), lfi9 e, notation particu-
lière de (terrain contr. de deerrain,
qui représente un type bas-latin de-
retranus. — l'our le sens, la locu-
tion au dairien est identique ^
celle de a parderriere l v. c.
m.).
Damme, 15 e, 269 c, etc., forme nasa-
lisée de idame»; — pris absolu-
ment: • Notre-Dame, la sainte
Vierge ».
1. Darriere,255 0,adj. fém. s., repré-
sente un type dentrarius, tandis
que dernier, anc. derrenier der-
rainier, dér. de derrain tvoy. Dai-
BiEN), représente deretronarius ;
— derrier s'est maintenu dans les
patois de préférence à dernier,
grâce à sa similitude avec derrière,
udv.
2. Darbiere, 6 d, 9 /■, etc., adv. dans
la locution et par devant et par
ilerrière. Cette expression triviale
revient çà et là dans le poëme, en
nianière de cheville, avec le sens
tiès-g néral de «par tous les moyens,
de tous les côiés possibles ».
Dé, D 52, des ; — pour l'apocope de
s, »oy. sous MÉ.
DEAtBLES, FUS (s. pi.), diables; —
pour la diphtiiongue de la voyelle
tonique, voy. sous -a.
Debtour, IW c, orthographe étymo-
logique de detlour-s (v. c. m.),
« débiteurs ».
1. Deçoivbe. h 232, forme variée de
■ décevoir », voy. Resoivre.
2. Deçoivbe, H ï33, 2» p. s. inipér.
de desevrer, comp. de « sevrer •,
doublet de • séparer ■; — le subst.
verbal dcsoyvre a le sens de « sé-
paration, borne, limite >.
Defpaulme, h 170, 3' p. s. de « dif-
famer »; — la permutation normale
de a en au est ici compliquée de l'é-
penthèse de /, doublement er-
ronée.
DEFFiENCE,59ft, défi de guerre.— Bien
que ce mot dérive d'un verbe de la
1" conj., en fr. défier (actif), et en
laiin (liflidare (et non diffldere,
qui a donné {se) défier), notre texie
l'écrit defflence aussi bien que </e/-
fianre 177 b {en sonne an) ; dans
l'espèce, d'ailleurs, Uefficnce se
trouve en rime avec balance lance
acointance.
Dehaitiet, 257 d, m. pi. s., malades,
n^al portants; — dcliailiet est op-
posé à haitiés (v. c. m.); dans l'un
de nos mss., ce mot est remplacé par
malladcz, comme haitiet l'est par
sains, l'un et l'autre commençant
dès loi s à tomber en désuétude.
Demandibekt, 88 c, 3e p. pi. parf. de
>< <lemander '■; — avec la désinence
assimilée de la 4* conjug. (voy. sous
Dememois, 166 g, forme dialectale de
Uemanès, « à l'instant, tout aussi-
tôt. »
Demissocr, 202 f. Ce mot se présente
une seule fois et en rime; il semble
violemment altéré de missoudur,
milsodor, épithète ordinaire des
coursiers de prix.
Demois, 158 g. Je n'entends pas clai-
rement ce mol; d'après le contexte,
il signifie « de longtemps, de si-
tôt » . Est-ce une forme contracte
de démenais (v. c. m.), ou faut-il le
conserver, comme les manuscrits,
en deux mots : de mois-=de {longs)
mois?
Depaciet, 271 a, notation locale de
despeciet (cf. despeciés 258 /], part,
pass. de despecier, ■ mettre en
pièces, dépecer»; — comp. de des
et peder, aussi peçoyer, voy. Pes-
SOIE.
Derobeit, 247 g, est mal orthogra-
phié pour l'inf. derobeir, — La
subsiitution de < à r final n'a pas
ici sa valeur habituelle (voy. sous
-/), puîsqu'au xive siècle, et long-
temps après, les verbes de la
Ire conjug. faisaitnt sonner r fi-
nal ; ci. seulement les rimes mascu-
lines du couplet 21'.i.
Deservis, 163 f, orthographe vicieuse
pour deservi, desservi, part. pas.
DESFLATE
GLOSSAIRE.
DONGIER
neul. réiï. de « desservir », qui
avait dans l'anc. langue, outre ses
acceptions actuelles, celle de a mé-
riter », maintenue dans l'angl. to
de!<erve.
Desflate, h 118. Si la désin. fém.
n'est pas imposée par la rime, des-
flalc sera la 2' p. s. impér. de des-
ftater, forme variée de desflalir,
comp. de flatir, propr. • aplatir »,
aa lig. « abattre ». — On sait que
l'anc. langue comptait beaucoup de
verbes oscillants entre la l'e et la
û* conjug.
Desier, 1 14, désir, du lat, deside-
rium.
Desloce {se), 117 a, 3« p. s. ind. de
deslouer, comp. de louer et de la
partie, péjorative ries, donc « se
plaindre, trouver mauvais » .
Desparce {se),FlU!i, 3e p. s. subj. de
se desparlir, t s'en aller ; terminer,
cesser»; — pour la désinence, voy.
sous -se, ce.
Despiciez, 181 f, le même que despe-
ciés (voy. Depacier); — avec la
fluctUcition de l'e atone en i.
Desplase, K 65, proHonc. locale de
déplaise, 3"= pers. s. subj. de « dé-
plaire ».
Desraso\, F 139, réduction normale
de « déraison ».
Destruhe, 109 ri, prononciation po-
pulaire de destruire; — par réduc-
tion de Mi en m.
Dettours, 2ii a, 30 a, débiteurs ; —
le premier / est dû à l'assimilai ion
du b de deblours 145 c.
Deulewart, 203 f, F 97, variante or-
thographique de Dieulowart (v. c.
m.).
Dezocre, 103 d, dessus, adv.; — latin
de-snpra.
DiADBLE Dyai'ble, G 35, H 191, var.
orthographique de deauble (v. c.
m.); — dans diauble, rég. plur., la
rime a exigé la suppression de Vs
casuel.
DiCACE, 223 g, aphérèse de <i dédi-
cace » ; — sous cette forme, dicasse
ducasse s'est maintenu dans les pa-
tois messin et wallon pour la « fête
patronale » d'une église, dont dédi-
cace marque la « consécration ».
UiECL, F 2, forme variée de duel
deul (fréq.), « deuil, chagrin ».
Dieulowart, 64 f, nom de lieu, Dieu-
louart, lilt. Dieu le garde! — L'or-
thographe actuelle montre que i»
sonne ou.
Dirais, B 1, II 5, 1" p. s. fut. de
« dire » ; — sur la désinence, voy.
-ais.
Discipline, 94 /, sacrifice, holocauste,
massacre. — Cette signification est
dérivée de celle de • douleur, cliâli-
i ment » . Dans la Chanson de Roland :
j Ue Sarrazins verrai tel discipline;
I Contre un des nos en truverat
mort quinze. (Ed. L. Gautier, v.
1929.)
DiSME {le), 8 g, la dixième partie; —
remarquer l'emploi de ce mot au
masculin ou plutôt au neutre d'in-
tention.
Dit, 148 e, 265 c, 271 c, F 16, orthogr.
vicieuse de di I 65, dis, Ire pers. s.
ind. et parf. de o dire •.
DoiEZ, G 176, 2e p. pi. ind. de « de-
voir » ; — formation analogique à
doiems doiens, ire pers. pi. {debe-
mus), très-fréquent à Metz dans les
chartes contemporaines.
DoiGNE, Il 158, 2e pers. s. impér. de
«donner »; — c'est une pronon-
ciation mouillée de donc donne
{dona).
DoiNGNE, en comp. dans pardoingne
119 b, 3e p. s. subj. de « donner » ;
— doingne est phonétiquement pos-
térieur à dont doint (v. c. m.).
DoiNT, 57 ff, 283 e, 287 g, B 31, 3= p.
s. subj. de « donner»; — c'est une
notation variée de dont (v. c. m.)
où l'i est appelé par la nasale.
DOLLE, 15'J g, cage. — Ce mot, qui
existe encore dans le patois lorrain,
doullc doule, représente le bas-lat.
dovula dont le primitif dogrt a pro-
duit doue, douve, dim. douelle <> ais
de tonneau ". C'est sans doute à une
forme altérée de doulle, douve, qu'on
doit rapporter le mot danfve,a\i sens
de « cage », et en rime avec gabiolle
dans une chanson du xv» siècle (cf.
Romania, I, 117).
1. Don, 32 g, 103 a, 104 b, 127 d,
128 c, 160 f, 192 c, etc., art. com-
posé masc. sing. rég.; lorme popu-
laire de dou, plus :inc. do (cf. Non
On). — Le vers 268 d offre un cas
de construction particulière de don
attaché tout à la fois à un infinitif
et à un sUbstantif : Par lui n'ont
pas estez cowars Don clocliier
d'Ars sus homme abatre. Il faut
décomposer en : « de abatre lo clo-
chier ». Voy. aussi 127 d, Don
feu bouter.
2. DON, 107 g, pronom comp., = de
le; — tantôt masc, tantôt neutre,
suivant qu'il rappelle un substantif
ou une proposition tout entière.
Don est contracté de de lo, de lou
nasalisé en de Ion (cf. -on).
DONGIER, £i9 f, 96 r, esr, pour la
ft70
GLOSSAIRE.
EN
forme, notre danger ; pour le sens,
l'hisioire de ce mot est si complexe
que nous ne pouvons la résumer
ici. Dans l'esp^'cc, dongier :i la si-
gnification de ■ refus, contesta-
tion > ; respondre sans dongier a
donc pu être traduit : répondre
sans difficulté, sans faire attendre,
immédiatement; venir sen don-
gier, venir sans tarder.
1. Dont, K 11, don (donum); — avec
le t erronément caractéristique du
rég.
2. Dont, 1 e, 3» p. s. subj. de ■ don-
ner • •
DoDBTAGBLE, G S4, simple de « re-
doutable • . — Le groupe able s'as-
sourdit en auble.
DooBTER, 168 c, simple de • redou-
ter », se trouve em|)loyé ici au sens
de • faire peur, inspirer de la crainte
à quelqu'un •.
Drois, 27 g, raison, droit. — Remar-
quez l'emploi de l'a inasc. en dési-
nence de sujet dans ce mot neutre
d'intention et d'emploi.
DUCHAU -CHACLZ, 83 f, 210 f, 2511 f,
273 b, etc.; ducliauU 250 f, les gens
du duc de Lorraine, et plus géné-
ralement les habitants du duché.
DUCHE, 73 c, prononciation locale de
deutsch " allemand », conservé sous
une forme voisine dans la qualifi-
cation ethnique de « Audun-le-Ti-
ctie », opposée à celle de • Audun-
\e-Roman ■, l'une et l'autre de ces
dénominations se tirant do la lan-
gue parlée dans chacun de ces vil-
lages. — On sait que le patois a,
dans un grand nombre de cas, ab-
sorbé le son de « en celui de t.
E
-€ lat. et fr. est noté ordinairement a :
apingole, avesque, raparier, etc.
•e final en syllabe féminine est par-
fois redoublé : cruees, exiliee, en-
viée.
1. Ealx, 185 g, pron, 3o p. masc. pi.
rég. (voy. 11).
2. Ealx, 185 g, forme fautive de l'art,
masc. plur. alz, auz 185 f, amenée
sous la plume du copiste par le voi-
sinage de ealx, pron.
Eaulx, passim, notation assourdie de
ealx (v. c m.).
Eglisse, 113 bt église (voy. Es-
glisse).
Ehds, B 12, p. elmes, part. pas. fém.
pi. r. de «avoir»;— l'épenthèsede
A accuse nettement la diérèse. Voy.
A EU Haec.
Etre, C 18, orthogr. locale de erre
(rf. teire seire p. terre, serre ; —
— erre est le subst, verb. de • er-
rer • au sens de • se tromper ».
-eirenl -erent, dés. de la 3« pers. pi.
du parf. dans les verbes apparte-
nant à une autre conjugaison que
la première : altendcrer.t ardei-
rent parteirent. — Sur cette dési-
nence, voyez à la Crahuaire,
p. 456-7.
EiRT, D 68, est interverti de iert,
3* p. s. fut. de ■ être ».
•eit, désin. de la 3^ p. s. du parf. dans
les verbes autres que ceux de la
l" conj. : ardeit fereit (voy. à la
CiRAMUAIRE, p. ttbd-l).
-el en syllabe finale, provenant du lat.
■eltutn, ne se diphthongue pas en
-eau comme en français; mais el
devient eit, ou è ci, par l'assourdis-
sement de la liquide. Ex. : noirl,
favel, osel, veit, mencstrès, qiiai-
rès, etc. (Voy. à la Grauhaire,
p. UUlt).
Em, e lfi2i, K 5, orthogr. de « en »
devant un mot commençant par une
labiale.
Emblais (siij.), 176 a, Amblard,
nom pr. — La désin. -ars art laisse
tomber fréquemment la liquide en
diphthonguant la voyelle : Amblam
Emblais.
Embrassée, 6b g, notation locale pour
embrasée [s dur figuré par ss),
part. pas. fém. sing. suj. de « em-
braser )>.
Embusinier, e 18, verbe dér. de « be-
soin », dont les variantes orihoKra-
phiques sont très-nombreuses dans
les textes de Metz : be, bi-, beu-,
bu-, ba-soin; embusinier équivaut
à » rendre besoigneux, mettre dans
le besoin, en mauvais état, en pé-
ril ...
1. Ehpeire, G 11, empire ; pris abso-
lument, « le saint empire romain ...
— La diphthongue insolite de la
voyelle tonique est une exigence
de la rime ; voy. aux Variantes,
271 g.
2. Empeire, h 22, 56, 5« p. s. ind.de
ce empirer »; — la diphthongue delà
voyelle tonique est due à la môme
cause que pour empeire 1.
Ehpereire, h 58, forme suj. employée
en rime au lieu du rég. (cf. Lerre).
-en est noté fort souvent an, sans
distinction d'origine; par contre, an
peut être figuré par en : ardent,
Entecris, samblent (voy. -an).
EN
GLOSSAIRE.
un
1. En (lat. in, inde) est fréquemment
noté on (v. c. m.)'
2. En, 214 g, E Iftô, permutation de
on (/jomo); voy. sous On 1.
Enchauciet, lOU a, part. pass. neut.
rég. de cncliausser, litt. « être sur
les chausses de quelqu'un, le poui'-
suivre l'épée dans les reins ».
Endowairs-t, 91 e, 127 g, 161 c,
268 a, forme nasalisée de Edouard ;
voy. Andowars.
Enflameir, 214 g, est pris absolu-
ment au sens de « mettre en flam-
mes, incendier ".
Engreigne, h 22. Le sens interdit de
rapporter engreigne à engrener
(voy. Engrenny); c'est sans doute
une faute pour engreige, 3e p. s.
ind. de cngreger, formé sur le lat.
gravis, comme alléger sur levis;
donc « rendre plus grave , accroî-
tre, empirer ».
Engrenny, H 9, part. pas. m. s. pi.
de engrennir, variante formate de
« engrener », propr. « mettre le
grain dans la trémie du moulin »,
d'où l'acception plus générale de
« commencer un travail, se mettre
en mouvement ». En Bourgogne,
angueurnai est un terme d'écoliers
pour commencer le jeu : y â moé
l'preii, y angueurne. — La double
nasale de (en)grenny rend plus
palpable la dérivation de greiine
(v, c. m.), fr. graine.
Enhaner, 56 a, forme nasalisée do
alianer, qui s'applique d'une façon
générale au travail agricole. Dans
l'espèce, la date des faits et le con-
texte du couplet s'accordent pour
donner à enlianer le sens particu-
lier de « semer, ensemencer ». Voy.
aussi enhanneis, p. 393.
Enjalez, h 138, notation locale de
engelé, part. pass. masc. pi. s. de
engeler, comp, de « geler».
Enmenont, 179 a, 3^ p. pi. ind., avec
sens du parfait, de « emmener»; —
pour la désinence, voy. -ont. Ce
môme couplet contient quatre au-
tres verbes au parfait avec la dési-
nence normale -cirent, ce qui met
hors de doutu la concordance de -ont
et -cirent pour la valeur tempo-
relle.
-enne -ainne. Cette désinence à dou-
ble nasale se prononce, non pas
comme en fr. aine, mais in-ne. Voy.
à la Grammaire, p. Wl.
ENNEMiN-s, 101 b, 118 rf, 128 e, 241 c,
forme nasalisée de ennemi-s (voy.
-in).
Enportirent, 178 rf, 3e p. pi. parf. de
« emporter », avec la désinence as-
similée de la W conj. (voy. -irent).
Enqci, 88 d, ici ; — forme nasalisée de
eqvi iqui (ce dernier conservé dans
le patois bourg.) dér. de eccum hic,
ici représentant ecce hic.
Ens, F 90, en {inde), — avec l's adver-
bial, par lequel ce mot se confond
avec ens {intiis) 115 b.
Ensamblée, Ensemblêe, 57 b, 137 b,
forme nasalisée de dsemblée 191 b,
« assemblée ».
Ensonniement, 98 e, dér. de ensoinne
ensonne, forme nasalisée de es-
soinne, «embarras, difficulté «.Dans
notre texte, l'e initial de essoinne
est devenu a : assoinne (v. c. m.).
Entecris, 39 g, var. littérale de
Anthecris 253/", (s. s.), l'Antéchrist ;
— en pour an.
Entike, 240 <>, forme réduite de « en-
tière » (voy. sous -ie). — Quoique
cette réduction soit parfaitement
valable dans le dialecte messin
(moins cependant qu'en wallon),
j'ai eu après coup scrupule de la
maintenir en rime, isolée qu'elle
est contre tanière fumiere dar-
riere (voy. aux Variantes).
Entrant, 57 a, 98 a, 123 a, 145 a,
259 a, adv. participial de môme
formation que durant pendant
{main)tenant. Le sens de entrant
est bien déterminé par le syno-
nyme Handis que lui donnent nos
deux autres manuscrits.
Entrappez, e 143, pourrait être con-
sidéré comme la variante nasalisée
de estrapés part. pass. m. s. s. (voy.
sous Atrapeies), mais le sens pré-
fère une dérivation de « trappe » ;
donc synonyme de « attrapé, pris au
piège ».
ENTREMÈS, ENTREMETZ, 151 C, F 173,
K 32, entremets ; — du sens propre
« mets servi entre deux princi-
paux services " découle l'acception
figurée de « petite besogne entre-
prise entre deux affaires plus con-
sidérables », d'où le sens de « diver-
sion, divertissement, réjouissance».
Entront, 127 e, 3« p. pi. parf. de
« entier ». — Sur l'origine et la
valeur temporelle de la désinence,
voy. sous -ont. Je ferai seulement
remarquer ici que la désinence ana-
logique et populaire -ont est en
concurrence dans le même vers
avec la désinence régulière et clas-
sique -eirent : H entront ans, si an
gitterent, Berbis et porcs De
cette concurrence de formes dans
une môme teneur de phrase ré-
tk72
ENVAHIE
GLOSSAIRE.
ESPINGOLC
suite invinciblement la concordance
de sens, en d^pit de la diversité de
flexion.
Envahie-9, 172 d, 181 d, 296 r, in-
cursion à main .irméc (voy. En-
VAIIE).
Envahis, 29! f, part. pas. m. pi. r. de
« en\aliir », au sens de » enlever
par la force ».
Envaiie, bl d, subsl. participial fém.
de « envahir ■ ; — envahie, terme
concret, a été remplacé par le
terme ubstrnit " invasion ".
ENVIEE, 286 t>, envie, — avec Ve fi-m.
final redoublé (voy. Exiliee et sous
•€, -te).
Envoise, 283 f, F ISfi, 3» p. ». subj.
de 1 envoier » (voy. Anvoise).
Erbois, l<t8 g, p. erboie, « htrboie,
lieu herbu « {lierbelum, dont le
plur. herbeta est pusse au féin.
sing.) — Dans erbois, Vs est amené
par la rime.
ERr.EVES<:iiiÉs, 13'i d, forme locale de
'• archcvi^ché »; — est pris par sy-
necdoque pour l'" archevêque » (de
TrèvesV
EniTE, li 222, est la di^rivation nor-
male de hœreticus; «hérétique »
est de formation savante.
Errent, 26 f. S» p. pi. imparf. du
verbe •• être >•.
Ebt, 59 d, 3e p. s. fut. de >• être ■ ; la
forme Ij plus ordinaire est icrt
yen,
-es initial, suivi d'une consonne,
laisse tomber », et Ve prosthétlque
de\ienl a : apagiierpnl, apingole,
fltrapeies, etc.; — pur contre, a d'o-
ligiiie est indûment restitué en es :
eslieil, eslumeruent, estans{ v. c.
m.).
EscHEViER, B 26, variante formale de
.< esquiver « (voy. EscHEViR).
EscHEViR, 1 a, coinp. de clievir, «ve-
nir à clief, terminer, achever. >> —
Les deux manuscrits secondaires
portent esclieveirescliever,en outre
eschevier B 26, qui sont les formes
anciennes de '< esquiver ». Et il
pourrait bien se faire que eschevir
appartint au même railicjl , plus
convenable pour le sens; la dési-
nence de l'infinitif serait alors le ré-
sultat d'une confusion a\ec chevir.
EscRiPRE, 59 a, orthographe burles-
quement étymologique de escrirc,
« écrire». iNotrc ms.Pad'habiiudele
bon goût de laisser ces sottises pé-
dantesqu^s au ms. M; ici il a été
entraide par l'exemple de escript,
qui se rencontre quelquefois, et oii
du moins le p est étymologique.
EscDL, 59 e, éca; — avec le ( parago-
gique, fréquent à Metz pour cette
époqre.
Esglissc {la Grande), \k b, dénomi-
nation usuelle de la raibédrale du
Meli, dt-diée à saint Etienne. Le po-
pulaire 1.1 désignait plus volontiers
par l'appellation de >< Grant Mou-
tier >; à la campagne on dit encore
aujourd'hui le « Motin ».
EsjoiEi (m'), 229 d, 1" p. s. parf. de
s'csjoir, >. se réjouir »; — ci sonne i
(voy. sous -ey). Les deux autres
manuscrits donnent csjoyt esjoy
(voy. aux Variâmes).
ESLIEIT, 58 r, part. pas. m. pi. s. do
• allier »; — eslieis 17û c, en même
valeur, |.èche contre les règles de la
décl'naison. — L'orthographe fautl-
vede la première syllabe est due
à une confusion avec estire.
EsM'HEMENT, 188 f, illumination, litl.
« allumenient ", dér. de » allu-
mer »; — pour la syllabe initiale,
voy. sous -es.
ESMAIER, 189 c, se troubler, s'émou-
voir, être inquiet. — Outre cette
orthographe, csmaier se présente
aussi avec la notation dialectale
amaier. — Part. pas. m. s. s. ct-
maiés -ez 5ii b.lbb c, 'm. p. s. a-
maiet 20 6, esmaieic 16 d, t. pi. s.
estnaiez 221 c, (v. c. m.) ; ind. 3e p.
pi. csmaienl (i 76.
EsMAiEZ, 221 c, part. pas. fém. plur.
suj. de csmaier (v. c. m.); — sur la
(lésin. ie contr. de -iée, voy. à la
Grammaire, p. <t35.
EsMAïKis, H 10, part. pas. m. s. s. de
esmarir, avec le sens de <> souil-
ler ». — Ix; passage dont notre vers
est le commentaire s'exprime en
ces termes : Lors val le nit tout
concilier (v. lU de l'original).
ESMARIE, 193 d, F 182, part. pas. f.
s. s. de esmarrir. comp. de mar-
rjr, « mécontenter, affliger, fâcher,
mettre en mauvais état, souiller »
(voy. ESMAIRIS).
ESPARCNIRENT, 217 d, 3e p. pi. parf.
de « espargner », avec la désinence
assimilée de la U^ conj. (voy. sous
-irent). D'après les lois de notre dia-
lecte, espargner se contracte en
apagner, voy. Apagnekont.
ESPERIL, 119 9, notation particulière
du suj. pi. de esperit, » esprit »; —
vov, -/ en paragogc.
ESPINGOLE-S, 81 c, 1 !!»/■, in/", 129/;,
187 a, arme de jet en forme de fu-
sil. — Le même mot présente aussi
la notation dialectale apingole (v,
c. m.).
E8QUKRMISS0URS GLOSSAIRE.
VIS
ESQCERMISSOURS, 202 c, rég. plur.,
littér. « escarmoucheurs »; — dér.
du \erbe v. fr. esqiiermir, « faire
des armes ».
EssADLCE, 194 c, 3« p. S. ind. de es-
saucier; — pour la forme, c'est le
même que «exhausser», mais pour
le sens, il répond à « exalter ». Ces
trois verbes, dont chacun a revêtu
une acception différente, se rappor-
tent tous les trois à un verbe exal-
tare exattiare, dér. de altus.
EssENDRE, Il IU6, bardeau, volige; —
dér. du lat. assindula, dont le prim.
assis axis a donné « ais ».
Ebtaige, 180 g, est pour la forme
« étage », au sens étymologique de
« chose posée à demeure » [slati-
cum), dans l'espùce, «construction,
bâtisse >. La langue moderne ne
(ait plus de étage que l'une des divi-
sions d'un bâtiment considéré dans
sa hauteur.
ESTANS, IST f, notation particulière
de alains ateins, part. pas. masc.
sing. suj. de « atteindre ». — Ce
mot est intéressant à relever en ce
qu'il offre le double caractèie de la
prononciation populaire et d'une
dérivation prétendument scientili-
que. La science incomplète de l'au-
teur ou du copiste l'a induit en er-
reur, qui il'apingole pour espingole
a été conclure d'a/ai/is à cstains ;
quant à la réduction de ai ain en a
ail, elle est de l'essence môme du
parler populaire (voy. sous -es, et à
la Grammaire, p. UU2).
Estal'BLE, passim, prononc. locale de
estable, « stable, de longue durée »;
— l'a en position devant une labiale
s'assourdit en au.
EsTAUBLiT, G 1, 3e p. S. ind. de estait-
blir, « établir »; vov. Estauble.
ESTAUL, 233 a, vfr. 'estât, « état »,
dont le sens originaire est « posi-
tion fixe, place ù dnmeure »; la lo-
cution tenir estant est donc en va-
leur de « faire face, tenir tête ». De
la môme acception première découle
aussi naturellement celle de « li-
mite, frontière, marche ». Et comme
à chaque cslault ou marclie (l'es-
tauH siégeait une commission mixte
chargée de connaiire des différends
mus entre les Messins et leurs voi-
sins, estaittt a pris le sens de « ar-
rêt, jugement » rendu par ce tribu-
nal international : Item, de tous
autres descors qui porroient estre
de si en avant entre nous les
p[er]ties dessus dites..., ons en
doit ouvreir et (aire d'une pairl et
(f autre p[er] estault celonc cous-
tume d'estault. (Pièces diplomati-
ques, II, p. Û07-8, ci-dessus). — Le
lecteur ne sera peut-être pas fâché
de connaître les mai-clies d'estault
ou frontières de la république mes-
sine au xive siècle, telles qu'elles
se trouvent indiquées dans un ma-
nuscrit contemporain :
les marches contre les signeurs.
Marelles contre le duc de Bar : a
IVaisaigc l'une, et l'autre a la
Grant jlaie a Tf'allerinprey deisai
Sainct Privey.
Marche contre la ducliié de Lucem-
boiircli : a Becliiefinont en mey le
pont.
Marche contre Varchevelque de
Trievres : a Katihennem.
Marche contre ta duciiié de Lolier-
raigne : as airbes deisai Lustenge
pour les Allemans, et a JVaisaige
pour les Romans.
Marche contre l'eveschiet de Mets :
a Chaucey par les Allemans deisai
le pont, et pour les Romans a Soi-
gnes.
Marche a l'eveschiet de Verdun : a
la Grainge a Noveroy.
(Bibl. de Metz, mss. n» 1, "Ctr-
tulaire de Metz», dernier fo;
— ibid.t mss. n» 177, « Li-
vre des Irésoiiers ».)
Les marches d'estault sont ainsi déli-
mitées dans les Chroniques messi-
nes, pp. ftO-!«l, sous la date de 1324 .
ESTOLLE, 159 rf, poteau, pieu ; propr.
u morceau de bois fendu ». — En-
toile est réduit de estoilte^^ ételle ».
Estrainge, 19 a et pass., forme lo-
cale de estrange, « étranger ».
EsTRAPENT, H Ul, 3« p. pi. ind. de
estraper, « couper » (Voy. Atha-
PEIES).
Estre [l'), 265 b, infin. substantivé;
— rem. le sens du passé dans la
phrase : Quant j'oy l'estre, « ce
qui fut, ce qui était arrivé».
ESTUET, 77 c, 168 b, E 9^1, 103, 106,
3e p. s. ind. de estovoir, « convenir,
falloir, être nécessaire » . — Ce verbe
avait déjà vieilli au xve siècle, puis-
que le ms. D lui substitue presque
dans tous les cas le verbe « conve-
nir » au sens de « falloir ».
ESTURE, G 161, forme altérée, à cause
de la rime, de estoure cstorc,
2" p. s. imp. de estorer, simple
de restaurer restorer (cf. restaurée
H 75), u restaurer, remettre en
état ».
Et, 13 a, doit être interprété à. Cest
une notation assez fréquente dans
un
EULX
GLOSSAIRE.
les textes populaires que celle de
la prép. à, sonnant ai, et flgurée
comme la conj. et, soit en toutes
lettres, soit par abréviation. — Par
contre, et est quelquefois repré-
senté par a, notauinieiit dans 210 6
de M ; On menjut bien et pots a
loches.
EULX, voy. Il; — est employé là oJi
le fr. moderne exigerait le pronom
réfléchi se soi.
EuvES, 294 a, = lat. equas. Juments
(cf. iavDe, de aqtia).
EVESCHiÉ-z, 285 g, H 125-6, évêché.—
Ce mot est du penre féminin, ainsi
que duché, comté ; — voy. S0!«. |
ExiLiKE, 160 g. part. pas. fém. suj. j
de essiUer, <> ravager, détruire »,
propr. « exiler ». — Pour la Toyelle
linale, voy. -ie. '
ExiLLiEZ, 169 b, orthogr. vicieuse j
pour exillié et mieux exilliet, part,
pas. masc. sing. rég. de essiUier
(voy. EXlLLIE). I
EiiBS, 95 g, 291 b g, v. fr, heur,
conservé seulement dans les conip. j
bonheur, malheur. — I,p g du pri-
mitif latin aii(juriums'ii>l maintenu i
dans 1rs autres langues romanes et
dans quelques patois fr., notamment
dans le lorrain : à Metz, heureux
se dit agrou ognm = augurosum.
1. -ey {ieuum), suffixe des noms de
lieu, très-fréquent dans la région
de Metz ; ey sunne y, au moins chez
le populaire; le couplet 135 fait ri-
mer ffappey avec despis respis;
d'autres exempli-s analogues sont
fournis par les manuscrits secon-
daires.
2. -ey ei, par analogie au précédent,
se substitue à i »/ final : Fcrey pour
Ferry, esjoiei (v. c. m.) pour csjoî.
-f, épenthétique dans la svllabe chié
gié : Richiefmont 218 V, 219 g,
chargiefs A U, merchief 11 d M,
chevalchief huchief trabuchief
108 M. C'est une assimilation au
mot chief et ses comp. meschief
rechief, d'un emploi si fréquent;
voy. Chiez. — Un cas différent est
celui de nif (\. c. m.).
Faicon, 117 d, forme variée de fœon
(v. c. m.); — faicon z^ façon = fai-
con.
1. Famé, II 173, renommée {fama).
2. Fame-s, h 169, notation dialectale
de femme{s) H 24, 155, 165 et pas-
sim; — l'a de famés sonne au.
famés rimant avec diffaulme; famé
est devenu dans le patois fome
foume (voy. Sommkr).
Fasce, K 6i, orthogr. erionée de face,
» visage >; — s vient parfois dou-
bler e en finale féminine : avarisce,
gravisce.
FAti.TRE, 125 f, (autre, forme anr, de
« feutre ». — Fautre doit être cor-
rigé en faucre, crochet qui servait
à maintenir la lance dans une posi-
tion horizontale et prête à charger.
La confusion entre faucre et fautre
est très- fréquente dans les manus-
crits.
Fadtbez, (r. pi.) II 18, voy. Fal'i,tre.
Favel, 102 g, réduction de fauvet,
" fuuveau .•, dim. de ■ fauve ".
Feirient, 145 f, 3o p. pi. coud, de
fere, « faire »; — voy. sous -ient.
Fehiere, 28 c, 155 c, fumrc, et par
extension flamme, incendie, dans
l'expression « feu et femiere -s —
i'e de femiere est une fluctuation
de l'u original dans fumiere (v. c.
m.).
Fenir. 250 g, finir, avec l'accep-
tion particulière de " mettre fin à la
vie, à l'existence, tuer, faire pé-
rir • (voy. Viy) ; — fcnis, G 119,
2e p. s. parf.
Ferais, C, 98, 1" p. s. fut. de fere,
i< faire ». — Sur la désinence, voy.
-ais.
Fereit, 129 c, 30 p. s. parf. de « fé-
rir », avec la désinence -eit intro-
duite par analogie de ardeit et au-
tres formes analogues (voy. sous -ci7
-cirent).
Ferois, F 80,2' p. pi. fut. de fcrc,
« faire ». -^ Pour la désinence,
voy. sous -ois. *
Feruit, 269 e, part. pas. neuf. rég.
de " férir »; — feruit est une alté-
nuaiion populaire de la désin. -u
(voy. Respandhis) ; ferut se ren-
contre d'ailleurs dans noire texte,
notamment dans 280 c, et le rég.
plur. ferruz dans 256 g.
Feurent, 141 e, forme variée At fu-
rent, 30 p. pi. du verbe « être ».
1. FiERCE, 220 b, 3« p. s. subj. de
<c férir ». — Sur la désinence, voy.
2. FiERcÉ, 226 d, 227 a, la reine,
terme du jeu des échecs; — fiercc.
est propr. l'arabe wezir, premier
ministre », donc <■ pièce principale
du jeu après le roi ». Par la suite
des temps, le sens originaire de
fierce (— vizir) s'est oblitéré, et
(lerce a été regardé comme une al-
tération de vierge; de là hi déno-
FIN
GLOSSAIRE.
GAINGNIET
Û75
mmation de « dame » ou « reine »
dans le jeu des échecs et des
dames.
Fin. Dans sa double acception de
subst. et d'adj,, ce mot joue, à plu-
sieurs reprises, un rôle analogue à
celui de fol (v. c. m.). Ses dérivés
et composés sont le pivot sur le-
C|uel tournent les rimes d'un cer-
tain nombre de vers consécutifs :
subst. fin finement definement,aâ].
fine, verb. ftnev afener afiner de-
finer, adv. finement. — Cette ma-
nière de tautologie se rencontre
Fbeires, 183 f. Les « frères « dont il
est ici fait mention sont les moines
de l'abbaye Saint-Vincent, pris par
synecdoque pour l'abbaye elle-
même, le terrain renfermé entre
les murs du couvent (voy. la note à
ce vers, p. 300).
Frontaul, F 122, frontal, instrument
de torture qui s'appliquait sur le
front; au fig. persécution, pour-
suite, pourclias.
FuMiERE-s, 77 d, 107 e, 136 g et pas-
sim, de l'adj. fumaria, u fumée »;
— se disait aussi femiere (v. c.
plus d'une fois, notamment dans
C 38-M, E 175 et suiv., G 175-180, 1 Fvt, tiQ g, pour fnst fuist, 3e p. .
I 73-78, J 67-72. — Au plur., /îns
G 36 a le sens du lat. fines, « fron-
tières ».
Fleschié, 176 f, part. pas. neut. rég.
d'un verbe flescliier, que je rapporte
à flasclie, « flache », plat, uni, ni-
velé, par conséquent abaissé. Cette
attribution est confirmée par le
vers suivant, qui a radrecier, u re-
dresser, relever » par opposition à
flescliier.
FoiENT, 246 d, est contracté de
fooient, 3» p. pi. imp. de fouir,
" bêcher ».
FoiERE-z, D 57, F lii4, orthogr. vi-
cieuse de ic foire-s ».
Fol, c 37, soufflet, lat. follem. —
C'est à ce thème fol que l'on s'ac-
corde à rapporter le fr. fol fou, et
tous ses dér. et comp. qui figurent
en rime dans C 2U et suiv. et dont
voici l'énumération : subst. fol fo-
loiirs folaige, adj. foie, verb. foie
dez fouliez deffoler. Le même jeu
d'esprit est renouvelé avec les thè-
mes fin et voie (v. c. m.).
FoucELS, 181 g, orthographe locale de
faussés 182 a, 184 e, « fossés ». —
Pour l'épenthèse de l, voy. sous
■et.
Fonrncrue, 13 b, l'une des princi-
pales rues de Metz ; c'était le centre
de la fabrique et du commerce
des armes : Toute est d'airmes
ptainne la rue. Voy. l'énumération
des produits de cette industrie, au
couplet 13. — Le nom de cette rue,
dite aujourd'hui Fournirue, patois
Forniraue, est souvent écrit For-
nelrue dans les chartes. Il est bien
probable qu'elle a dû ce nom' aux
forges et fourneaux nécessaires à
l'industrie de ses habitants.,
FOY, 180 b (suj. plur.), « fous », v. fr.
fol, dans lequel Vo s'est diphth. en
ai après l'extinction de la consonne
(voy. -0 devenu -oi).
subj. imp. de « être ».
G
, gu, s'est substitué presque tou-
jours au i» germanique initial.
Celte notation est sans doute le fait
du copiste, et dénonce une influence
française dont ce n'est pas la seule
trace dans notre texte. Cette in-
fluence s'exerce ici sur une très-
large échelle, en dénaturant l'un
des traits les plus caractéristiques
de la langue de Metz, qui note par w
non-seulement le w german., mais
aussi le i; et le c (g) latin. Je réunis
les exemples des mots dans lesquels
g représents un iv initial : [ivaïng
(cf. vayn] -going gaingnaige gaiti-
gniet guignait gaingnont gaiii-
gniel-z; — [wuite) -galles gaitier-
oit; — [ivarder] -gardeir et ses di-
verses flexions verbales, parmi les-
quelles gart subj. à côté (le wart 2
(v. c. m.); — [ivarantir] -garentir ;
— (wairir) -garrir garis; — (war-
nir) -garnis-ies en regard de war-
nisons. — Quelques-uns de ces mots
ont leur article spécial.
g a fort rarement la valeur de g' ou
jf; borgoy II 155, cliaingour 11 100,
— par cjntre : obligeation, p. 408
(Pièces diplomat.)
Gaingnaige, 251 /, dér. de gaingnier,
au sens primordial de « cultiver la
terre », donc « travail agricole ».
Gaingniet, 95 f, dim. de gaing, dont
le sens primitif est celui de >< cul-
ture agricole, récolle », d'ofi, par
extension , « pi ofit en général ,
gain ». L'orthographe de gaingniet
devrait être waingniet (voy. Going
et Vayn\ Le sens est celui de « pe-
tit domaine rural », plutôt que
celui de «petit profit », d'après le
contexte.
««
GLOSSAIRE.
GiiNCMEZ, 186 f, orlliogr. vicieuse
pour gaingniet, part.neut. tég. de
•< gagner ".
Gaingnont, 120 f, 5* p. pi. parf. de
gaingnier, .< gagner ».— Sur la dé-
sinence [de cette forme verbale,
Toy. -onl.
Gaites, g 126 (r. pi.), subst. verbal
de gaitier, « guetter .■. — La pure
langue de Metz exigerait le w ini-
tial : ivaites.
Garder, 182 d, revient fréquemment
sous ses diverses flexions verbales
(voy. sous g) ; je relève seulement
cet emploi avec le sens de son
comp. « regarder ».
GiRRiR, 185 g, forme variée de garir,
anc, fr., pour <• guérir ", — Ainsi
que la plupart des mots commen-
rant par le rv gerinaniqiio, garrir a
pris dans notre texte l'orthograplir
et la prononciation française, au
lieu deit'.iiWr, qui est la dérivation
proprement messine. Dans le pas-
sage cité, garrir maintit-nt le sens
primonlial de <> garaniir, préser-
ver, tenir en bon état >.
Gentelisse, 266 e, forme variée de
gcntilesse, qui ex|)rime l'cnseinhli
des qualités qui sont l'apanage du
gentilhomme.— I,a lluciuation en-
tre cet i, assez fréquente, est im-
posée ici par la rime.
Gneds, 12 r, neuf. — Cette orthogra-
phe, confirmée par la rime, est inté-
ressante à releter comme indice de
la prononciation populaire; les cas
de nasale mouillée en initiale sont
peu fréquc ils; voy. Vezexeif.
GoiNG, 63 f, {îain. — Le g initial dé-
noreuiie influence française, la no-
tation locale étant ivaiiig ; — dirn.
gaingniet (v. c m.).
Guize. 169 c f, 213 r, prononc. popul.
de Gorze E lia (voy. I'Index topo-
GHAPH QUE et la Carte).
Granment, 209 g, a-lv., grandement,
beaucoup. — Je présume que gran-
ment s'est perpétué sous la forme
euphonique branment, laquelle est
d'un emploi très-fréquent dans les
patois de l'E-st, avec le même sens
que granmeiit, et le plus souvent
dans une intention hypocoristi-
que.
Gkavisce, D 16, répond au v. fr. cre-
vice, primitif de « escrevisse écre-
visse », — Le préfixe es, de date
relativement récente, n'a pas été
adjoint à crabe, crevette, dont la
parenté originaire avec crerire ne
fait aucun doute.
Grenne, U f (pron. grîn-no}, draip
de grenne, drap d'éearlate. Cette
couleur avait été ainsi désignée de
la forme de la cochenille qui res-
semble à de la graine.
Grifaul, B 19, forme métatliésée de
« gerfaut ».
H
•h aspiré, voy. sous -s x.
llARKKJOiR, G 88, adj. verbal de lia-
bergier II 213, notation locale de
«' héberger ».
liACHiEnE, K 5(i, avec le sens de « mi-
sère, tribulation ». — Ce mot est-il
dér. de liucltcr, pris au fig. |)our
" tourmenter, fatiguer, exténuer»?
Voici le texte : saffrir poinnc et ha-
cliicrc. De hachiere rappr. fiacliée
liacitic = peine, supplice (du Gange,
s. V. Ilarmtscaria).
IlAEU, 268 e, voy. Aeu, Ehds.
llAtCES, 29 r, notation locale de » ha-
ches »; cf. Iiaiclics 230 f, haiclie
269 f.
IIAIDIER, F 86 I. parenté , lignage,
clientèle féodale «. — llaidier, dér.
de l'ail, herde - troupeau ", par le
pat. Iiaitc (voy. IIARDIER).
IIAITIÉS-T, 157 c, 2'iC g, part. masr.
Dlur. rég. de liailicr, dér. de hail ,
•< gré , plaisir » ; liailié a le sens
de ■■ dispos , bien portant » ; —
nos autres manuscrits le rempla-
cent par sain (voy. aux Varian-
tes). — L'opposé du hailiet est
deliaitiel (v. c. m.).
Ilalennc, 242 a, forme locale de
« Hélène »; — le premier e fait en-
tendre un son nasal : Halenne rime
avec rengne. Voj. à la Gram-
maire, p. aai.
Hanriaus, 21b b, Uanrias, suj. de
Ilanriat, fr. llenriet. — Bein. la
série de permutations : c — a
= au. — Les chroniques locales, sui-
vies par riNTRODLCTiON à c- vo-
lume, doimeni à ce capitaine mes-
sin le nom de Ilanricart, autre
diminutif de Henri; au moyen
âge, l'on appliquait indilTércmment
diverses désinences diminutives au
thème du nom d'un seul et même
individu.
IlAPEKT, II 37, 3e p. pi. ind. de <• hap-
per »; — haper a pour variante lit-
térale xaper (voy. Xappéz).
llARDiER F 88, berger, pâtre; — pa-
tois haitier, dér. de haite, anc.
Iicrde harde, « troupeau », qui est le
même que l'alleni. Hehde.
Heame<, 235 c (suj. slui;.), heaume,
HERE
GLOSSAIRE.
-IRENT
m
— avec la réduction de al au en a.
Hehe, J 28, seigneur (;= ail. Iierr ou
lat. hcriis). — Quoi qu'il en soit du
primitif, notre exemple et celui de
herre (v. c. m.) monirentque l'in-
troduction de ce mol en français
n'est pas de date aussi récente
qu'on l'a prétendu.
1Jer>0is, 166 b, 291 c, liarnois, har-
nais. — Le sens de ce mot était
plus étendu dans l'ancienne langue;
il s'appliquait d'une façon générale
à l'ensemble des objets composant
le train de culture, et même le mo-
bilier et les ustensiles domestiques :
Pot ne pelle n'nultre liernoix.
Celte acception compréliensive est
ordinaire dans les textes de Metz.
Herre, D 46 (suj. plur.), orthogr,
variée de liere (v. c. m.).
Hoberz, g 128 (r. pi.), simple de
« hobereau », sorte de faucon.
HOSTEILT, 157 rf, orthogr. vicieuse de
hosteil, « hôtel, maison en général ».
— Le ( paragogique, assez fréquent
dans les bas temps, démontre que
la consonne précédente n'a pas de
valeur de prononciation : hosCeilt
sonne hôlei.
HOURE, 138 a, E 109, notation locale
de « heure »; — s'écrit aussi sans fi
initial : oure (v. c. m.).
llu, en comp. dans humais 80 c, est
réduit de hui 80 g, F 137 {hodie), « à
ce jour >>.
IlCGUiER, 81 b, 144 a, appeler en
criant, annoncer à hauie voix, dans
l'espèce, « crier le prix des denrées
mises en vente ». — Uucliant, 18 b,
part, prés.; Iiucliiez, 188 a, part,
pas. neut. suj.; huche, 73 /, 3o p.
s. ind.
HuGE, 69 rf, huche à pain, et par ex-
tension « meuble quelconque ».
IIUIER, 201 f, notation locale de
« huer », qui est au fond le même
que « hucher huchier » (v. c. m.);
— huient, G 74, H 38, 3e p. pi.
ind.
Humais, 80 c, réduit de huimais, adv.
de temps {hodie magis), « en ce
jour, à cette heure », avec un senti-
ment énergique.
llURALZ, 120 a, suj. sing. de « hé-
raut », — avec (luctuaiion de e
atone en h.
Hl'S, 69 d, huis, — par réduction de la
diphihongue ui en son premier élé-
ment. — La forme complète huyx
se rencontre E 172.
I
1, 49 b, 113 c, 277 d, H 142, apocope
de il devant une consonne.
lALZ lALX, 229 e, 281 d, voy. II.
-iaul, desin. diminulive =: lut. -el-
lum, n'est pas de la pure langue de
Metz; voy. -el. De -ial iaul les cas
sont, à tout prendre, peu nom-
breux : marlialz, biaulx, quai-
riautx, oisiaus et un ou deux au-
tres (voy. à la Grammaire, p. 444).
lAWE. 65 b, 118 c, 127 a, 284 b, eau;
voy. Yawe.
-ie, désii). des participes fém. des ver-
bes de la Ire conj. dont le thème
est terminé par une liquide ou na-
sale mouillé, ou par une gutturale :
baitillie, chargies, commencie, ap-
parillie, laitlie, lignie, etc.
-ie diphih. est souvent réduite en t ;
livres, chivres, virge,
-ient, désinence de la 3« p. pi. dans
l'iraparf., le cond. et le subj., est
une assimilation à la V^ p. pL -iens :
feirient, avrient, scevient. — Poui
la prononciation de cette désinence,
voy. à la Grammaire, la note de la
p. 440.
1ERE, 60 c [erat), 3o p. s. imp. du
verbe « être ».
IGNELLEMENT, 293 C, prononciation
mouillée de isnellemenl, « en hâte,
promptement ».
1. Il, 1826 a 294 f, est l'adv. iy [ibi),
avec / paragogique ; voy. -/.
2. Il, pron. 3" pers. Voici le tableau de
ses diOërentes formes casuelles :
m. s. s. il i;
f. elle;
n. il i;
m.— r. le (dir.), li ly (ind.);
f. ley lie;
n. le 'l.
m. p. s. i7, -f/s i7z, très-fréquent;
f, elles;
m, — r. les (dir.), eals-x-z, ials-x-z,
eaulx-z, iaulz-x, aulx,
eulx (ind.).
-in. Ce son nasal est d'un uss.ge fré-
quent et d'une valeur toute parti-
culière dans la langue de Metz,
ïaniôt c'est l'i qui vient s'interca-
ler dans le type primordial : uin
chescuin boin estrainge..., et tantôt
c'est Vil : anemins prinsent; par-
fois la nasale s'éteint : cheinis (v. c.
m.\ Voy. à la Grammaire, p. 443.
•irent, désin. du parf. 3o p. pi. de la
4- conj., passée aux verbes de la
ire conj. : ressamblireiit rengirent
acordirent [\oy. èi la Grammaire),
p. 455.
478
GLOSSAIRE.
LAlSSiBR
iRRE.M, 215 b, 291 a, pour ircnt. ré-
duit de ia'ent, 3« pers. plur. iinp.
de I' ôtrc '. — Dans notre texte,
la diplithonguc est commune à
l'imp. (ierc 60 r, iert 203 f, etc.) et
au fut. [ycrt 103 fg, etc.); cepen-
dant l'i de irrcnl |K)urrait ôtrc aussi
bien uncattéuuaiioDde \'e initial de
errent 26 f.
J en valeur de yot noté par y, voy.
Yasoîi.
Jaolle, 129 g, 159 t, geôle, (v. fr.
gaiole jaiole, lat. fareoto), — avec
la réduction habituelle de ai en a.
Jay, 159 (^, C (en rubrique) geai-s; —
le nom de cet oiseau écrit souvent
gai (cf. pavpegay, papcgay :iux
pièces ARC, passim) est le mémo
mot que l'adj. gai. Dans ce dernier
texte, jlay a pour synonyme wance-
rey (v. c. m.).
Jhesucris-t, 39 b, 2*71 b, est toujours
écrit ainsi, en un seul mot.
JOVANCIALUX, 121 (7, Jouvenceaux; —
la dés. iaulx est d'origine exotique,
voy. sou» -el.
JCEBONT, 126 g, 30 p. pi. fut. de
" jouer " ; — la résolution do l.i
dipliih. en u s'est sans doute opérée
sous l'influence de Jeu prononc. ju,
d'oi'i le thème ju s'est étendu au
verbe " jouer ".
K
Karesme, 216 a, carCmc ; — la notation
dialectale est karame, quarame (v.
c. m.).
-l (l'introduit fréquemment à l'inté-
rieur et à hi fln des mots, diins di-
vers cas qui soin analysés à la Gram-
maire p. ÛÛ9, foucels, esciil, coslel,
(Hz, putt, espcril, il, persolnc, etc. ;
par contre / d'origine tombe dans i,
si = ci = cil.
LA, 182 d, là, adv. de lieu ; r- le sens
s'accommoderait mieux du pron./e«
noté /a, grâce à la permutation nor-
male de c ou a, laquelle permutation
entraîne généralement la chute de s
{voy. -es). Les art. et pron. les mes
tes ses sont assez fréquemment figu-
rés la ma ta sa dans les documents
contemporains; toutefois le manque
de formes analogues dans le poëme
me fait hésiter à voir dans la la
prononciation populaire de les; le
seul ex. assuré de cette notation est
la, 118 (7 M = les P.
Lahour, 6 1 f, 86 c, 220 f, labeur, peine,
fatigue. — La diversité do forme et
de sens que le fr. a établie entre les
doublets labeur et labour n'a pas
existé dans la langue de Mot/,, labo-
rcin n'y ayant pu donner que la-
bour à l'exclusion de labeur (voy.
labourer.)
Labourer, a2 f, travailler, agir, au
sens général du latin laborare, le-
quel s'est maintenu dans le suhst.
labeur doublet de labour; — la-
boure, iS'4 c, 3» p. s. ind.
Laboureux, Il 37, laboureurs; — le
r final était tombé dans le parler
populaire.
Laidis, 197 f, ortliog. vicieuse pour
laidi part. pas. mas. plur. suj . de
laidir « outrager, insulter » (voy.
LAIT, 3.
Laier. Ce verbe, avec lo même sens
que laisser, provient d'une origine
dilléronie : laier (conservé dans re-
layer) répond au golh. latati, laisser
(et lâcher) au lat. laxare latcare.
Cependant Uicz, rapiirochant de lai-
er le loinbar.l laya, incline au latin
legarc \ laisser par testament) comme
prototype de laier. Cette vue est
confirmée par le subst. laieie fréq.
dans les Chartes de Metz au sens de
« legs, héritage -, et de môme l'ex-
pression « Inieir a leit do lai mort •>
se rendra par • lonuer in cxlremis.o
— Comme laisser, laier résout Ij
plus souvent ai en a. Formes tom-
porclles : lait 3e p. s. ind.; laieiU
30 p. pi. ind.; tairais lairrais tarai
iro p. s. fut.; tairont laronl 3o p.
pi. fut.; larroient lairient 3* p. pi.
cond.; lais 2o p. s. impér.
Lainge, 250 f, « lange " et non <> finge »,
vêtement de laine.
Laiiiais, D ai, le p. 8. fut. de taxer
(v. c. m.); — sur Ys désinentici,
voy. -ais.
Lairiem, E 57, 3« p. pi. cond. do
laier (v. c. m,); — pour la désin,
voy. sous -ient.
Lairrais, D 13, le p. s.;orthog. vi-
cieuse de tairais (v. c. m.).
1. Lais, E ii9, imp. 2* p. s. de laier,
(v. c. m.).
2. Lais, 26 b, lég. plur. de lait U.
Laissier, lia a, abandonner, laisser,
— Les diverses flexions personnelles
de ce verbe ne présentent rien de
particulier, sauf lassirent 3<-' p. pi.
GLOSSAIRE.
&79
parf. 83 c P ; comme phonétique il
faut noter la réduction de ai en a :
lassent lasscirenl, etc.— Par contre,
le verbe lasser diphthongue l'a et
se note laissier (voy. laissiez).
Laissiez, 90c, part. pas. de lassieri' las-
ser », diphtii. en laissier, en vertu
du principe contraire à celui qui de
laissier « laisser » fait lassier. Cette
sorte de balancement ou de compen-
sation est des plus habituelles dans
le parler populaire.
1. Lait, 33 c, 126 c, 176 e, et pass.,
A ftl, E 24, 3" p. s. ind. de laier (v.
c. m.K
2. Lait, 81 b, 3<= p. s. subj . de laissier,
(v. c. m.). La forme complète serait
laist {lasciet).
3. Lait, 69 c, 126 a, A 42, (adj.), désa-
gréable, laid, — d'où l'anc. fr. lai-
dir (cf. LAiDis); voy. aux Va-
riantes.
U. Lait, 126 f, subst. verb. de laidir,
injure, affront, outrage; — au plur.
lais 2C b.
5. Lait, F 102, lai, laïc; — le t est
paragogique, voy. sous -t.
Laitrice, b s, le sens " ordure, im-
niondice », assuré par le contexte,
détermine dans laitrice un dér. de
lait 3.
Laituaire, 187 g, forme locale de
lettuaire, aphérèse de « électuaire ».
Lambert {saint), 62 a, évêque et pa-
tron de Liège, sa fête le 17 sep-
tembre.
Lamme, J 20, forme variée de lame,
fréq. dans l'ancienne langue au
sens de « tombeau » (lamina).
Larai, 273 a, forme réduite de luirai,
lairais (v. c. m.).
Lardel, 20G f, lardon ; — est pris mé-
taphoriquement pour « coup d'é-
pée ».
Laront, 215 f, forme réduite de loi-
ront D 69, 70, pour laieront 3« p.
pi. fut. de laier (v. c. m.).
Larroient, II 179, 3° p. pi. cond. de
laier (v. c. m.); — pour laieroient ;
une autre forme est lairient, formée
d'après l'analogie de la 1« p. pi,
Lasseirent, 134 f, forme variée de
lassèrent 3' p. pi. parf. de laissier
(v. c. m.).
Lassent, C5 f, 77 d, est réduit do lais-
sent 9' p. pi. ind. de laissier (v.
c. m.).
LASSERENT, 83 C, 207 ç, 3» p. pi. parf.
de laissier (v. c. m.), — par réduc-
tion de la diphth. ai en a; pour le
premier de ces ex., le ms. P donne
lassirenl qui ne peut être maintenu
en rime.
I Leigne, g 41, bois de chaullage; —
dans les Charles de Metz , laingnc
lengne langue, de ligna ueut. plur.
= fém. sing.
Leire, d ft7, forme variée de lerre
(v. c. m.), cf. teires seire.
Lerre, 2tiS g, est employé au lieu de
son rég. larron par une exigence
de la rime ; même cas que pour em-
pereire {v. c. m.).
Levier [saint), saint Livier, évéque
de Metz, (voy, la note de la p. 271).
Une église de Metz était consacrée
sous son vocable, (voy. sainct Le-
vier).
Leï, c 33, pron. p, 3e p. fém. sing.
rég., répond à un type lat. pop. illœ ;
— Ici ley est propr. le fém. de li,
plus tard lei fut remplacé par lie
(V. c. m.) qui est de formation ana-
logique, et populaire.
LiARS, 10 a, (r. pi.) no:n de couleur,
gris pommelé.
1. Lie, 2 e, II 94, 96, J 16, pron. 3" p.
sing. fém. rég. ; c'est une variante
de lei ley (v. c. m.), forme féminine
de li qui sert habituellement pour
les deux genres.
2. Lie, g 30, [lœta) fém. de liez pas-
sim, « joyeux, allègre ».
Lierre, U 61, forme variée de lerre
(v. c. m.).
Limessons, d 17, (suj. sing.) limaçon ;
— est allégoriquement désigné par
le sobriquet de « tardif » voy. tar-
DIS.
Livier (saint), H 210, voy. Levier
(saint).
Livres, 206 e, Hèvres; — réduction de
la diphth. ie en i; la forme com-
mune existe aussi : lièvre 206 g,
lièvres 257 a.
Loiacs, 272 f, adj. substantivé, désigne
les « fidèles ou les chrétiens » par
opposition aux Juifs qualifiés de
u perfides » : les faute Juilz 267 b,
270 e.
LoiNG, D 18, E 152, long; — sur l'é-
penthôse de t dans les sons nasaux,
voy. à la Grammaire, p. UUl.
1. LOR, 29 d, adv. lors, alors {illam
lioram). — La paragoge de s est
facultative comme on le voit dans
ce mot et dans quelques autres :
sen, etc.
2. Lou, adj. et pron. de la 3* p. (illo-
rum) des deux genres et des deux
nombres. L'adjonction de s au plur.:
lors, doit être regardée comme une
faute du copiste.
Lors, 5U f, 162 e, est fautif pour
lor 2 (v. c. m.).
Lowanges, 100 c, louanges; — sur le
48«
GLOSSAIRE.
MENNOIR
w de lowangef voj . loweit; la forme
simple loange se rencontre conriir-
reiiiiiieiit, p. ex.daiis 20txf; un aune
déri^édu uiénie priniilifesi losanges
110 f, paroles flatieubcs et menson-
gères, intrigues.
Loweit, 79 e, part. pas. m. s. r. de
toweir, notation dialectale do toeir
•' louer"; — le w figure l'allonge-
mentdu son de la vo) elle pri-c^denle,
il est purement épeailiétique (\oy.
llwier).
LUES, 220 a, K 58, lieues ; — lues est
réduit de Itiives, forme habituelle à
Meiz.
Lus, 12 g (r. pi.), brochets (lat. lus-
cius).
LiwiEK, F 136, notation dialectale de
» loyer •< au sens de '< rémunération,
récompense »; — luwier est à loyer
ce que loweil (v. c. m.) est k
loue.
LY, orthographe variée de li art. et
pron., du fait du copiste du xv*
siècle.
M
•m se substitue quelquefois i n même
ailleurs que devant une labiule, voy.
BAIEMS, E>l.
MAGMez, li 12, forme réduite de mai-
gnic (v. c. m.).
Maig.me, 79 b, 173 b, 295 d, représente
la prononciation mouillée de mais-
nie V 185 (lat. maiisionata), donc
propr. ^ maisonnée, et par exten-
sion = troupe, bande, compagnie ;
— sur la désin. voy. -ie.
1. Main, 31 c, 105 b, 138 c, E 120,
matin, de mane ; main n'est resté
que dans le comp. demain.
2. .Main dans main grain, A 62. Quel
est ce mot î II se rencontre une seule
fois dans : Adont Berle vcull par
sa force Et le main grain et puis
Vacorce, c.-à-d. et le dedans et le
dehors, en un mot, tout. Main au-
rait-il la même origine que Tjngl.
main? — L'autre ms. a magrin.
MAiniEfS, H lae, (rég. pi.) merrain ;
voy. Marrie>.
Maixière, 77 g, au sens de >< débris,
ruines d'une habitation »; est op-
posé à maison : après le passage
des ennemis toute maison ne sera
plus que décombres. — Haizièrcs
(mofcriœ, mur de clôture) subsiste
seulement dans la langue géogra'
phique.
M.AL01S, 251 17, (suj. sing.) maudit-,
— vialedictum a donné maleoit ma-
loit comnii- bencdictum bcncoit be-
noît, cl. bmois lt« (7, 289 c, 291 f.
Munis, 102 a, prononciation locale de
Mcsnils, nom de lieu {mansionile) .
-mant, notation locale de -ment dé&in.
adverbiale : ausimant 84 b, et plu-
sieurs autres.
Maronmers, D37, mariniers; — c'est
le v. fr. mareniers dont l'c atone a
fluctué en o,
Marrikin, 150 f, ré<luit de inairien
<< merrain » lat. materiamen, bois
de charpente ; — est opposé à leigne
(v. c. m.) bois de chauffage.
Martialz. 29 r, (r. pi.) marteaux: —
sur la désin. voy. -c/, -ial.
Mahtire, 225 c, est appliqué aux ob-
jets inanimés, avec le sens de <> des-
truction, ravage, ruine".
Maso>s, K l!iO, maisons; — avec la
résolution ordinaire de ai en a;
ainsi isolé l'a passe bien vite au son
au 0 : mauxon 77 g M. Le pa-
tois ne connaît plus que motion
mojon, dont le dim. molinote est à
la lettre le fr. maisonnette.
Materait, F 57, 3' p. s. fut. de mêler
(V. c. m.).
Matz, g llti, (suj. plur.) mats, humi-
liés, abattus : et matz et tristes;
voy. Meter.
Maul, F 57, forme dialectale de >< mal »;
— >oy. .sous a =^ av..
MAUWAts, F lOO, noution abusive de
X mauvais », cf. owraige.
MÉ, D 42, mes ; — l'apocope de s dans
mes et ses analogues est un fait
assez fréquent dans les textes con-
temi>orains, elle est due sans aucun
doute à la faculté de permuter mes
ses les en ma sa la (v. c. m.) dotit
les ex. sont assez nombreux.
Mei Mey, notation dialectale de mi
[médium], dans les composés meidi
permey.
Menaige, 180 d, maison, habitation ;
— c'est la forme dialectale de ma-
nagc [manaticum] confondu auj.
sous une orthographe unique avec
ménage [mansionaticum),
Menandie, 181 a, v. fr. manandie,
demeure, habitation, manoir (voy.
Meivaige).
MenestrèS, 120 a, suj. sing. de « mé-
nestrel !■; -l en position d.ins le
groupe el tombe, et c devient è, ei.
Menjut, 210 b, ;** p. s. ind. de vien-
juer, forme anc. de mengier (main-
gier, I Û2) « manger ».
Mennoir, 135 b, forme nasalisée de
menoir, « manoir », inûn. passé en
subst.
GLOSSAIRE.
481
Memjise, D ao, sulis. verb. de « inc-
nuiser », menu poisson, fretin.
Mes, 151 g, lo p. s. ind. de « mettre «;
— l's final est analogique : me{t)s au
lieu de met; mes est en rime.
Messe-t, 12ÎI b, E Ml, 3e p. s. subj.
de 11 mettre », avec la désin. en yot,
(voy. sous -ce, se) ; se rencontre
aussi avec la forme commune :
meite G SU.
Messi, 282 a, apocope de « messire »,
justifiée à la p. fiii9de la Grammaire.
Meter, 226 c, pour mater E 9, dér. de
mat dans la locution « échec et
mat » (voy. amathie).
Mels, passim , Metz . — C'est l'or tliogra-
phe ordinaire au xive siècle; plus an-
ciennement l'on écrivait J/es 3[ei;
l'orthographe actuelle Metz n'ap-
paraît guère qu'au xv* siècle, et
encore bien rarement.
Meute, 31 6,123 b, 216 e [mota), la
Mutte, grosse cloche de la cathé-
drale, qui donnait le signal de la
prise d'armes (voy. s. Bancent, et
la note à ce vers p. 275). — La
prononc. actuelle (eu réduit en m)
est déjà représentée dans M : mute.
Mev, voy. met.
Mie, 116 c, 173 b, employé dans la
locution adverbiale »jc ... mie, est
resté le signe exclusif du renforce-
ment de la négation ne dans le pa-
tois de Metz, sous la forme me
mes, met. La prononciation a si for-
tement rattaché cette enclitique au
verbe qu'aucun éditeur de textes
patois n'a songé à l'en séparer : je
n^pourreumes je ne pourrais pas,
fn'anvrdme je ne m'en irai point.
JiiES, 157 (, est le même que mie (v.
c. m.) avec l's adverbial parago-
gique.
MoiÉES, 261 f, amas, tas; dans l'es-
pèce Cl tas de paisseaux »; — la
même idée est rendue par moncel
198 c; quant à moiée, c'est une
forme participiale développée sur
moic = i< meule », du lat. meta
dont 11 meule » représente le dim.
metula. Ce terme de mole moiée est
encore en usage à Metz et dans le
pays wallon ; voy. la note en tête
de la p. 304.
MoiTiRiER, 145 c, métayer, fermier à
moitié fruits; — moitirier procède
de moiterasse, « culture, exploita-
tion par moitié », comme la terce-
rasse tst le fermage à « tiers mui ».
3Ionsons, 101 c [Montio/iem), forme
antérieure de Moitson Mousons,
nom de la montagne qui domine la
ville dite auj. » Pont-à-Mousson ».
MONSTROICE, 3 f, 3» p. s. sub. de « mon-
trer », avec la désin. -oicc, (v. c. m.)
particulière au dialecte de Metz.
MOM(a), 67 a, 116 b, 150 c, en re-
montant le cours de la rivière. —
La locution « a val a mont » 175 f a
le sens de « 'de tout côté, partout »,
liit. 11 dans là vallée et dans la mon-
tagne ». C'est un équivalent heu-
reux de cette autre locution : et
par devant et par derrière, em-
ployée trop fréquemment avec la
même signification.
MoNTiGNEUS, 12 f, sorte de poisson
que je ne suis pas parvenu à iden-
tifier. Si l'on tient compte du chan-
gement si fréquent de ou en 07i, l'on
sera peut-être disposé à voir dans
montigneus un diminutif du môme
thème qui a produit d'autre part
moutelle (pat. bourg, moteûle).
Mors [pont des), 178 g, le pont des
Morts à Metz ; — il en est friquem-
ment question dans les atours (voy.
la note aux couplets 101 p. 286, et
178 p. 299).
MUELT, 34 f. Se p. S. ind. de movoir,
11 émouvoir »; — cette forme est rele-
vée ici à cause de l'épenthèse de (.
Muselle, D 37, 56, forme ordinaire à
Metz de « Moselle », grâce à la fluc-
tuation de l'o atone en e, u.
MY, 232 c, notation variée de mi
(voy. lt), rég. ind. du pron. de la
1« pers.
N
•n; sur la rôle complexe de cette na-
sale dans la langue de Metz, voy. à
la Grammaire, p. 441-3 et 448-9.
Naige, d 38, subst. verb. de nagier
i< action de naviguer »; — ou plutôt
dér. du bas lat. naca, « barque », qui
a laissé des formes analogues dans
k's patois wallon et rouchi; en ce
cas naige serait la représentation lo-
cale du primitif de nacelle. Le texte
confirme cette attribution : Il ont
mal gouvernée leur naige et leur
nazelle,
Nazelle, d 38, nacelle, voy. naige ;
— le z n'a d'autre valeur que s ç
(voy. sous -s).
Nennil, 264 c, G 94, variante ortho-
graphique et prononc. populaire de
nenil 61 a.
1. NÉS, 30 g, 176 /•, F 88; = «e ipsvm
[tempus), comme aidés (v. cm.) =
ad ipsum tempus.
2. NES, 282 c, (suj. sing.) net.
NiF, B 14, orthog. particulière de
31
482
.>OEROY
GLOSSAIUE.
018T
Hit B8, etc., nis au suj., U 3, « nid »;
— la subslitiitioi) de f en finale à
la consonne radicale n'est pas un
accident rare d:ins les texte» mes-
sins du xiv« siic'c : le Psautier
Lorrain, entre autres, en |)Ossède
un certain nombre d'ex. : nif, pe-
chief, aleivnf (ôlcxons). (Voy. aussi
sous -f '.
yoeroy, 152 g, Norroy ; — Noeroy est
resserré de Soweroit, lat. Niicare-
tum, \uçaretum (lieu planté de
noyers), dans une charte de. Pépin
d'Iléristal. — L'auteur des Etymo-
togiea du nom des villes et des vil-
lages du département de la Mo-
selle (Metz, in-80, I.orette, 1860),
rapporte gravement Xugaretum à
nuga, et fait de Norroy le l>oudoir
de Plectrude, femme de Pt|)in. A-t-
il pas eu raison de donner à son
livre (qu'il a enrichi depuis de deux
suppléments) celte épigraphe bien
Justifiée: >< Cherchez et tous trou-
yerez ! »
^0r), 266 d, forme nasalisée de tiou,
contracté de ne lou (voy. don) ; —
pour la modification de ou en on
Toy. sous ON.
Nonne, 71 b, 83 g, la neuvif-mc heure,
C.-à-d. trois heures après midi selon
la manière de compter ecclésiastique :
Devant nonne droit a meidi. —
l.e mot none s'est conservé dans le
patois de Metz arec le sens de « mi-
di > et de < repas de midi ». Dans
cette accession nonne représente la
neuvièmi; heure après minuit, c.-
à-d. neuf heures du matin, heure h
laquelle on prenait le repas de nône;
puis, peu à p 'U, le moment de pren-
dre ce repas fut reculé de neu f heures
à midi, et c'est le sens actuel de nône,
nôner.
NoRROis, 8'» d (r. pi.), fort, vigou-
reux, \if, impétueux. — Ce mot est
emprunté au ms. D, la rime obli-
geant de rejeter norrids de P et
Horris de M. — En ce sens norois
est l'acception morale de norois
« lionunc du Nord •.
Nous, 163 i\ 197 d, 286 g, 29G a, forme
assourdie de " nos ■ , alj. poss.
Ncis, 257 b, prononciation atténuée de
nus; la grammaire exigerait nud
(nudi); — voy. -u et -m.
0
-o est, dans certains mots, réduit de
la diphth. ai qui a maintenu sa va-
leur intensive ô[i) (voy. à la Cram-
MAIHK p. Û39); — u s'assourdit en
ou : nous.
-0 suivi d'une consonne se diphth.
fréquemment en oi, l;i consotmc
étant tantôt maintenue et tant(kt re-
jetée : poirle oisoicnt, pois M =
pos (pots), foy ■= fol (fols fous),
oist, oir, etc., (voy. à la Cham-
HAIRE p. ti37.)
-0 -ou s'emploient en désinence dans
les mots terminés en fr. par en :
lor low, lionour, deilours, pi-
touse. I.'étude comparée des textes
montre que o a précédé ou, cette
dernière notation n'étant que l'al-
longement ou l'assourdissement de
la première. Le son o ou en cette
valeur est caractéristique de notre
dialecte ; là donc où l'on rencontre
eu, il faut y voir une innuenre du fr.
et sans nul doute un fait du copiste.
OCTEMBRE, 141 b, octobre; — la finale
est identifiée à celle des mois voi-
sins » septembre novembre dé-
cembre. >>
-oi diphth. fréquente de o suivi d'une
consoiuie; voy. les ex. sous -o.
-oice -oisse désin. s|)éciale du subjonc-
tif, fréquente dans les textes du
xivo siècle : monstroice 3 f; mais
rcssoire 247 d, en dépit de sa forme,
ne rentre pas dans la même caté-
gorie : -oi fait partie du thème rc-
soivre (v. c. m.), et la désin. est
restreinte auyot-fc; l'adjonction
de la désin. •oisse donnerait rece-
loisse qui est d'ailleurs fréquent
dans d'autres textes, notamment
dans le < Psautier Lorrain ».
OiCQUlsON, F 65, forme variée de oclioi-
son occhoison II Ul, « occasion,
cause, prétexte ».
OiR, E 112, forme diphth. de « or "
adv., — voy. sous -o.
OiHE, 237 c, forme correspondante au
fr. erre (iter) « allure, action de se
mettre cn/outc n;prendre son oira,
se mettre en chemin.
OiRENT, 208 d, 30 p. pi. parf. de « a-
voir >; — sur les diverses dériva-
tions de liabuil habuerunt en ol
oit oui oU, orcnt oirent ourcnt
olrent, voy. à la Gram.maire, p UU'J.
-ois désin. de la 2o p. pi., correspond
au V. fr. cts des trois dernières
conj. (= lat. etis ilis); ois est resté
plus longtemps à Metz que -ei's dans
les autres dialectes : aurais ferais.
OisoiENT, 118 c, 30 p. pi. imp. de
X oser » , — avec la diphth. Jocale
d'' 0 en oi.
OiST, F 176, forme diphth. de ost très-
fréq.; — vov. sous -o -oi.
GLOSSAl
^83
OiTOCRS, A 66, B 13, autours, éper-
viers; — la diphtli. oi représente
originairement o + s :(7S/0Mrs, (voy.
sous -oi)..
Olocrs, 10 d, odeurs; — le contexte
exige de traduire par « mauvaises
odeurs )>.
Olrent, 65 b, 2ûa f, 290 (j, 3« p. pi.
parf. de « avoir », avec l épenthé-
tique (voy. olt).
Olt, 62 c, 11 d, SU c, 916 c, 93 d,
98 e f, 100 f, etc. 30 p. s. parf. de
« avoir »; — la liquide est épenthé-
tique dans olt pour ot [liabuit] , com-
me dans polt (v. c. m.).
1. On. Sous une orthographe unique,
ce mot présente sept sens dilTérents
qui remontent ù autant de primitifs,
latins ou romans :
a) = om on (liomo) passim.
b) = en an {in) 5 de, 159 Çy 172 g, et
dans londemain 108 a, fr.
lendemain.
c) = en an {inde) 10 f.
d) = ou (fr. eu = el=i en le, lat. in
iUo) 77 d, 95 b, 119 g, 121 b,
126 c, 141 b, etc.
c) = ou {vbi) ûl f, 242 gr, 260 e,
286 d, F 109.
f) — ou {aut) 10 g, 11 (/, 17flr, 19 dg,
103 f, 143 f, etc.
g) = ou (v. fr. 0 od, lat. apud) 64 a.
Par contre on d'origine {home) de-
vient en 214 g, E 144. — Pour la
nasalisation de ou et la permutation
de an, voy. à la Grammaire, p. 442.
2. On, 238 c, 229 f, orthogr. fautive
pour ont 3' p. pi. ind. de « avoir ».
•ont déâin. de la 3o p. pi, assimilée à
la le, présente cette particularité
que, formée du présent, elle com-
porte le sens du parfait (voy. à la
Grammaire p. 456) . Les ex. de notre
texte sont gaignont monont vallont
entrant.
•or -our désin., correspond au fr.
eur ; de ces deux notations la pre-
mière est phonétiquement anté-
rieure à la seconde (voy. -o -ou).
OR, I 56, orthogr. phonique de ord
{oi-ds, orde A :!9, 42), « sale i>, au
fig. " homme débauché ».
Orez, 113 g, 20 p. pi. fut. de oîr,
ouïr, V entendre »; — orez est réduit
de oïrez.
OSSAIST, 139 c, 3e p. s. subj. imp. de
« oser ». — Le redoublement de la
sifflante (voy. sous -s) a facilité la
diphth. de la voyelle initiale, d'où
les formes telles que oisoient (v.
c. m.).
Ou répondant au latin aipud, aut, in
illo, ubi, est noté on (v. c. m.).
OUE eau, — en coinp. dans Waidri-
noue, (v. c. m. et sous awe.)
-our, -ous suff., voy. -o, -or.
OuRE, 71 b, 103 g, E 117, heure; —
L'/i initiale est tombée comme dans
or et ses comp. lors alors.
OUREZ, K 2, prononc. assourdie de orez
(v. c. m.).
OvRiE, 79 e, part. pas. fém. sing. suj.
de ovrir « ouvrir »; — la désin. de ce
part, est un exemple intéressant du
principe analogique qui régit le
parler populaire (voy. vemssent).
OwRAiGE, 245 f, forme variée de ou-
vrage K 25 ; — le tv n'a d'autre va-
leur que celle de t; simple, représen-
tant qu'il est d'une labiale latine.
Paicelz, 2G1 f, voy. paiselz.
Paiessent, 145 g, 3« p. pi. subj. imp.
de « payer »; — paiessent est une
notation succédanée de paiaissent,
la désin. normale de l'imp. subj. à
la 1* conj. étant -aisse.
Pais, D 42, K 20, pas ; — avec la diph.
normale.
Paiselz, 198 c, paisseaux, échalas. —
Le double ss est noté, comme à
l'habitude par un s unique ou même
par un c : paicelz 261 f; le patois
aspire la sifllante : p'c/jés, en Bour-
gogne paicliâs,
Paistre, 86 0, propr. pâtre, est pris
au sens fig.de paste\ir; - c'est, dans
l'espèce, l'archevêque de Trêves.
Panrait, 18-2 f, 3e p. s. fut. de panre,
pour pranre prenre « prendre »; —
on sait que le groupe nr rejette,
dans la bonne langue de Metz, î'é-
penthèse du d.
Paon, 226 d, forme locale de peon,
suj. plur. « pions », terme du jeu
des échecs ; — pion représente le
lat. pedonem (de pes pedis), dont la
voyelle atone devient normalement
a 0 dans notre dialecte : paon,
poon.
Paraige-S, 34 a, 36 g, B 27, D 26, K 37,
« famille, lignée, » proprement <i les
pairs» [paratici).— Dans l'histoire
politique et sociale de Metz, ce ter-
me désigne Us associations aristo-
cratiques qui détinrent toutlepou'
voir administratif et politique de la
Cité , depuis l'origine de la Com-
mune messine jusqu'à sa fin, sauf
la révolution démagogique amenée
par la guerre en 1325 et en 1405.
Les cinq Paraiges primitifs étaient :
Jurue, Port-Saillis, Saint-Martin,
484
PARCLOUSE
GI.05S MUE.
Porte- Moselle et Outre- Sdlle, aux-
quels fut plus tard adjoint le Pa-
raige du Commun (v. c. m.)- —
Pour plus de détails, voy. l'ouvrage
de M. Aug. Prost intitulé le Palri-
ciat dans la cité de Metz, Paris,
1873.
Parclolsk (a la), 6 f, subsi. parti-
cipial du V. parclore; — cette lo-
cution se (lit d'une chose amcni^e à
fin, complètement achevée.
Parccre, Il 82, 3* p. s. ind. de piuuii-
rer, augmentatii de curer, » don-
ner ses soins à..., s'employer acti-
vement ", — voy. CIRE.
Pardeirent, 254 f, 3* p. pi. parf. de
.. perdre >• ; — sur la désin. voy.
-cirent.
Pardehriere {a, au), iU6 f, 153 g,
locut. adverb. superlative de der-
rière; — le sens est « tout à la fin,
à la parFu) " comme auraient dit
nos pères, " en dernier lieu » .
PardezOLRE, 184 f, par dessus, tout
en haut ; — pardezoure est un ren-
forcement de rfcroi/rc (v. c. m.).
PARSOL^E, K Ub, forme altérée de per-
sonne " personnage, rôle >•; — per-
saine est varié de personne dont
Vu a été erronément restitué en /;
voy. à la CiRAMMAIRE, p. tUiO.
Parteire:it, 47 o, 3« p. pi. parf, de
partir ; — sur la désin. voy. -cirent.
Parties, 295 b, suj. sing. fém. avec
l'j du nominatif masc. erronément
paragogi(|ue.
Partds, E 103, notation locale de
V pertuis »; — e devenu a, ui réduit
en u.
Pastoraige, 208 g, pâturage ; — Vo
est amené eu place de Vu sous l'in-
fluence de pastour pastor.
Pastl'RE, 72 d, te. pâture. — Le sens
exact de ce terme est difficile à pré-
ciser ; il a été rendu par « lieu oii
le bétail va prendre sa paisson »,
c.-à-d. les pâturages voisins de Metz,
les glacis des fortifications. Après
tout posture pourrait bien être un
nom de lieu-dit, ou un champ de
« vaine pâture ». (Voy. la note à ce
vers, p. 282).
Penies Penmes, 70 g, 171 0, 172 c,
221 f, B 11, subst. participial de pe-
nir pennir (v, c. m.), " saisies ju-
diciaires », et par extension, " ré-
quisitions militaires, exactions ».
Penir Pennir, 85 d,2\iig, 250 b, H ;i6,
opérer des saisies sur des débiteurs ;
lever des contributions de guerre.
— Formes verb. : penit 21* a, 3°
p. s. ind.', — punissent 30 a, 3e p.
pi. ind.; — pennisG 116, 2« p. s. parf.
P£^^E, 12 e, 23 c, panne, drap de
panne.
Pe>mies, pemuir, voy. penie, pei^ir.
Pe>re, I 48 et ailleurs, -< prendre»; —
la chute du premier r produit ici
une sorte de jeu de mots entre les
(1er. respectifs de prclienderc et
pcndere.
1. Perde, Il 173, 1 72, prononc. négli-
gée et populaire de « perdre », en
patois pccdc.
2. Perde, 32 d, ii 75, subst. partici-
pial de " perdre » (franc. «' perte»).
— Celte forme divergente s'est main-
tenue à Meiz sous l'induence de
perde 1.
Perne, e 123, mot sans doute altéré,
pour lu rime, de •■' pesme » {pessi-
mum) , dans la locution soit pis
soit pcrne, en rime avec Luccrnc.
Pesme, 210 f, voy. perne, piolh.
Pestaci., e 156; ce mot ne m'est connu
qu'avec le sens de >• pilon », (angl.
pcstle), qui ne concorde pas avec le
texte.
PIETAILLE, 123 g, 124 a, 107 c, 218 d,
224fr, etc. gens d'armes combattant
à pied', — la diplitb. ie est quel-
quefois réduite en ( : pitaille (v.
c. m.).
Pille, 36 d, pillage; — subst. verbal
de piller.
PiOLR-s, 207 f, E 149, F 48, 1 65, cas
rég. de " pire-s». — Le superlatif
pessinius a donné pesme 216 /, al-
téré en pcrne (?) E 123.
Pitaille, 161 e, 219 a, 238 f, 295 a,
forme réduite de piétaille (v. c. m.).
Pitié, K rubrique, orthogr. fautive
de Piliers K 42, Poitiers.
PLAI^s {au), 212 g, loc. adv. « à plein,
à pleine main », au l'ig. <> en son
pouvoir ». — L'sest une concession
malencontreuse à la rime.
Plaisir, k 58, inf. dér. de placére,
régulièrement accentué, tandis que
plaire = pUiccrc; — plaisir a con-
servé dans notre texte sa valeur ver-
bale.
Plenniere, 17 g, est proprement dé-
rivé de plenne fém. de plein; la
plaice plux plenniere est la plus
pleine, la mieux fournie en mar-
chandises.
POEiLLE, D 39, prononc. mouillée de
« poêle »; — la mouillure du groupe
et par l'intercalation d'un i est
normale dans notre dialecte : veil
= vel veau, teil queil au fém. teille
qucille, etc.
Pois, 18 a, poids ; avoir de pois, toute
denrée vendue au poids, notamment
les épices et légumes; la viande
GLOSSAIRE.
485
n'était pas vendue au poids, mais
|îar morceaux à la criée (18 f g).
POiT, 63 /, i;i6 d, forme diptitli. de
pot 30 p. s. parf. de « pouvoir ».
POLT, ii6 e, 220 e, 3e p. s. parf. de
« pouvoir »; dans cette forme la li-
quide est développée, par une fausse
analogie, de I'm de pout = pot 151
c [potuit], (voy.OLT). — Il est juste
de relever, comme circonstance at-
ténuante, que le patois semble tou-
jours avoir conjugué ce verbe d'a-
près un tbèine pol : ainsi à l'inf.
p'ieur (= poloir), ind. 3» p. pi.
peulent, imparf. pHeus = poleus,
etc. Ce thème poloir ne doit pas
être rapporté au latin poUere, c'est
plutôt une assimilation à vouloir.
Pont, employé isolément, comme
nom de lieu, désigne au sing. la
ville de Pont-à-31ousson 162 d,
20a a d f, 205 e, 207 b c, etc ; —
au plur. le village de Devant-les-
Ponts aux portes de Metz, 130 a. —
Dans II 109-10 ce mot pont Pont et
le nom latin de Ponce (Pilate) est
l'occasion d'un calembour à triple
ricochet; pour d'autres cas ana-
logues VOy. VITEIT, ABREJOUR.
POON, 227 a c, voy. pao\.
Porsaitlis, 12 d, 17 e, Port-Saillis
(porta Saliœ), nom de l'un des quar-
tiers de Metz, près duquel les or-
fèvres avaient établi leur industrie.
Sur la place du même nom se te-
nait le marché à la volaille (voy.
les notes des pag. 270 et 272).
POURE-S-Z, 79 f, 173 f, C 25, D 21,
F 59, etc., pauvre-s. — Il faut lire
poure et non povre: l" si pauper
avait donné povre, ce mot se serait
diphtiiongué en pauvre poivre; or
ces formes n'existent pas à Metz
(au vers D 21, poures est remplacé
dans un de nos ms. par poivre,
mais c'est le lat. piper; voy. sous
povre); — 20 le patois dit poure et
non autrement.
POURETTES, 18 d, poirées.
POURTACEY, 234 f, mot quc je conjec-
ture, faute de mieux, être formé de
l'impér. du verbe « porter » et de
l'adv. « assez », corrompu en acey
pour la rime; voy. aux Variantes.
Peut-être ce mot doit-il naissance à
une légende locale, à une anecdote
du cru, comme le porte-en-maison
de la p. 90. Quoi qu'il en soit de l'o-
rigine de ce terme, le contexte lui
assure le sens de « bon morceau,
repas plantureux ».
Povre, 12 b, poivre ; — avec la réduc-
tion de la diphth. ôi en o; la forme
commune poivre se rencontre quel-
ques vers plus bas 18 a. Cette par-
ticularité dialectale est cause d'une
méprise assez plaisante au vers D
21 qui est tel : Or est U poures
faibles et li communs est fors. Le
copiste de M, ayant lu povre, a vu
dans ce mot la forme réduite de
poivre dont il a rétabli l'orthogr.
pleine, en même temps que, pour
suivre sa pensée, il a changé comuns
en cumins cumis, ce qui fait : Or
est ti poivre foible et li cumis est
fors; Li cumis fait a Metz ses lois
et ses affors.
On nes'attendoit guère
A voir épice en ceste affaire.
Pranment, a 59, 3e p. pi. ind. de
« prendre »; — prennent devient
normalement prannent ; la désin.
-ient est une notation défectueuse
ayant pour but d'indiquer que le
populaire avançait l'accent surcette
désin.; -ient est réservé aux temps
dits secondaires (voy. feirient),
pour l'ind. prés, il aurait fallu
écrire prannant. (Voy. à la Gram-
maire, p. 453, et l'explication que
j'ai donnée de formes analogues
dans Romania, H, 'tàO et ss.)
Prinsent, II 19, 3e p. pi. ind. de « pri-
ser », nasalisé en prinser.
Privement, 293 d, est nécessité par la
mesure au lieu de privéement ; si
le lat. privtis avait donné un dér.
roman, privement serait régulière-
ment tiré de prif, au fém. prive.
Proaige, 150 g, forme allégée de
prouaige (v. c. m.).
Propris, 134 a, métathèse de porpris
puurpris, « enclos », subst. partici-
pial de pourprendre, prendre dans
son entier, dans tout son pourtour.
Proteroient, 21 f, 3e p. pi. cond. de
proteir, notation locale de « prê-
ter » anc. prester, dans laquelle s
est tombé , et la voyelle e a fluctué
en a , puis en o. — L'orthographe
commune prester était aussi en
usage, cf. prest 22 b.
Prouaige, 264 a, K 41, profit, valeur
vénale, prix, possession, maintenue ;
— dér. de prou 100 e, E 162.
Proveo, 55 e, forme métathésée de
pourveû porveU, 69 e, part. pass.
m. p. s. de « pourvoir ».
Q
q au lieu de qu se rencontre cà et là:
qHl 95 g.
MS
QCAIRUVU
GLOSSAIRE.
REMENDROIT
QOAIIlll'i.z, 132 c, siij. sing., (orme
T«rlée de quarrcaulx (v. c. m.).
Ql'ABAME, F 150, notation loc:ile de
«' carême », voy. kARKSME ; — le pa-
tois renforce en couirome.
QuAREL, '222 (t, *u\. plur. |>our quar-
rel, « carreaux, » armes de jet; —
voy. Ql'AKREAULX.
QUARREALLX, 129 b, rég. plur. de qua-
nt ci-dessus. — La désin. n'est
|)oint topique, il faudrait quarrels
quarrds (voy. -W); c'est d'ailleurs
In forme donnée par le ms. M.
1. Ot'Eii., F 168, prononcintion mouil-
lée de quel — que il (v. c. m.).
2. Oi'Eii^ passim, prononc. mouillée
de quel [quatis), de même teil,
poeille (t. c. m.).
Ql'eire, F 125, orthogr. particuli^^e
de querre 20 f,m a etc., « cher-
cher, quérir », — pour la notation
ei cf. eirc teire seire.
QvTt, 88 b, du genre neutre est con-
tnirté de que il.
OiîKLZ, 114 e, 2U d, forme contracte
de que les ; — qiiclz ne doit pas être
identifié avec ques (v. c. m.].
QCES, r>2 r, 123 e, contraction de que
$e.
QuiERCE, 226 g, 30 p. s. subj. de
querre « quérir , chercher » ; —
avec la désin. par le yot, sur la-
quelle voy. -ce; la dérivation nor-
male quierc s>e rencontre concur-
remmi nt avec quierce.
Qi'iL, 1 g, 249 c d, est le pron. con-
j'MÉCtif (/(/i avec paragoge de l; l'ac-
cident phonétique conirairc est l'a-
porope de H en i (v. c. m.].
R
•r tombe fréquemment dans les groupes
de consonnes rbr, rdr, rtr, str... :
arde, niaibre, murte, orde, perde,
preste, etc.
-r redoublé ; — le groupe -erre laisse
fréquemment tomber le premier r
et, par compensation, diphthongue
e en ei : eire, queiie, requeire,
seire, teire.
Rafilée, c 35, part. |kiss. f. s. s. de
« rafiler », litt. « remettre à droil
fil, en bon état ».
Kains, 116 b, est la forme masc. de
« rames ■ ; — dér. de ramiis; mais
si notre dialecte était seul en cause,
on n'aurait aucune difficulté à tirer
rains de remiis : on sait que les no-
tations ain ein sont identiques dans
le langage de Metz.
Rainxiailx , A ft, rainceaux, petites
branches; dim. de 7'ains (v. c. m.);
— IMïur la dt'sin. voy. -ial -iau.
Rangk, 100 b, rangi'e; - forme féni.
de rang, qui existait aussi dans le
prov. j'c;»{/n«. — Notre versificateur,
|)0ur donner plus d'autorité à son
œuvre, feint de l'avoir tirée d'un ms.
antérieur : Ci nous raconte nostre
livre. Qui est escript par double
range, Cest un artifice renouvelé
des chansons de geste ; voy. entre
autres le début de Fierabras, Ro-
land, v. 2095 et la note (éd. L. (iau-
tier, 1872, 11, p. 109 et ISTj, p. 206).
Haparier, 50 d, notation locale de rc-
pairier 280 c, A 55, « repairer », à
qui les formes correspondantes des
autres langues romanes assignent
|>our primitif le bas lat. rcpatriare ;
repairer est donc le doublet du
verbe mmlcrne rapatrier. Le sens
étymologique de repairer est bien
mis en valeur par notre vers : Lors
ait chescuin mise sa cure De rapa-
rier a sa contrée.
Rasamblez, e 55, notation dialect. de
ressemblez, 2e p. pi. ind. de « res-
sembler >'.
Rase, 153 /, forme locale de rcsc, qui
a le même sens que cnvaiie (v. c.
m.} ; •< expédition militaire, incur-
sion, attaque. »
Rasotent, Il 28, 30 p. pi. ind. de
•> rassotter » dire ou faire des sot-
tises. — s intervociil conserve fa va-
leur de sifflante.
Reçoice, h lai, orthogr. variée de
rcssoicc (v. c. m.).
RECtLi.ERENT, 207 C, 3« p. pi. parf. de
" recueillir > dans l'acception de " re-
cevoir, accueillir ». — Le sens ne
jtermct pas de songer à >< reculer «
(voy. RECULLEZ).
Recullez, 82 b, part. pas. m. pi. s. de
" recueillir ». — La résolution de
la diphth. ue de \recuellir (prouvée
parles formes verbales rekeut re-
keurrait r= recueille recueillera),
en M a facilité le passage de ce verbe
à la 10 conj. par assimilation à re-
culer. (Voy. RECLLLERE.\T.)On Sait
que les patois disent cuet/Zer pour
cueillir, à cause du fut. cueiller-ai.
— Les autres mss. donnent : M re-
cuillis, qui est bon pour la lettre,
mais mauvais pour la rime, D re-
rœuilliez qui concilie l'une et l'au-
tre.
REME^BRANCE, 271 o, dér. de remem-
brer, a la valeur de « représenta-
tion figurée, image ».
Remendroit, 30 e, 3* p. s. cond. de
rcmaiwrfrc aussi remanoir, "rester.
REMISE
GLOSSAIRE.
ROTIGIEZ
ft87
demeurer ». — On voit dans re-
mendroU l'un des rares cas oii le
groupe nr accepte l'épentlitse de cl ;
c'est sans doute une modification
du copiste; la forme pure messine
est remenroit - merroit - marroit.
Remise, 153 d, 2ao b, forme variée
de remese part. pas. f. s. s. de re-
maindre. (Voy. remendroit.)
Renart, D lu, en suj. sing. est fau-
tif; — c'est le héros même du poëme
si célèbre sous ce titre. Ce nom a
une valeur allégorique, ainsi que
les noms de quelques autres per-
sonnages du même poëme, men-
tionnés dans notre texte.
Re\ges, 218 d, rangées; voy. range.
Rengirent, 279 d, 3c p. pi. parf. de
rengier « ranger », — avec la dés.
assimilée de la U^ conj. (voy. -irent).
Rengne, 2ii2 c, G lU etc., forme nasa-
lisée de « règne » subst. et verbe.
Reparent, 55 a, réduction de repai-
rent, 3* p. pi. de repairier (voy.
RAPARIER).
Repariez, 243 a, part. pas. m. pi. s.
du même verbe.
Reprovvier, 117 g, notation locale de
« réprouver » ; — infinitif pris au sens
de substantif.
Resinet, lu f, raisin. — Le suffixe -et
diminutif est ici purement formai
et voulu par la rime. Il ne s'agit
donc pas de raisiné.
Resoivre, II 229, dér. normale de
recipere, « recevoir » étant tiré de
recipére passé à la 2e conj. — Tous
les comp. de capere ont passé en
franc, avec la désin. oivre; voy. Ap-
perçoivre, Béçoivre. Le parler po-
pulaire messin a réduit -oivre en
-oire [ressoire); ainsi réduite, cette
désinence archaïque s'est maintenue
dans le patois actuel, normalement
modifiée en -etir : r'cfewr, recevoir,
p'ieur s= pouvoir, pleuvoir, etc.
RESPANDIJIT, 2^5 b, part. pass. m. s.
r. de « respandre, répandre »; —
sur l'atténuation de u en wi voy. à
la Grammaire, p. /i37.
Ressamblirent, 88 a, 3o p. pi. parf.
de rassembler, — avec la désin. as-
similée de la W conj,
Ressoice, 2a7 d, 3e p. s. subj. de res-
soivre resoivre (v. c. m.), forme
variée de « recevoir »; — pour la
dèsin. voy. sous -oice.
Retenis, g 115, 2"> p. s. pnrf. de « re-
tenir », — conj. populaire analo-
gique d'après le thf'me de l'inf.
(voy. VENISSENT).
Reubeit, 36 b, 3e p. s. parf. de rober,
simple de « dérober ». Ainsi qu'un
grand nombre d'autres verbes, ro-
ber se construisait avec le pronom
réfléchi : se reubeit. — Il semble
qu'il y ait ici faute de copiste, la
pure orthographe devant être reu-
beit, 'robeit; cf. robée F 77, et le
dér. roberie 67 g, 70 b.
Revel, 102 d, subst. verbal de révé-
ler, qui se rattache soit au lat. re-
bellaî'e, soit plutôt à rêver dont
révéler serait le fréquentatif. Le
sens primitif de r-ever resver (auj.
rêver) est « divaguer, extra vaguer ».
— A noter la forme contracte riiel
donnée par un ins. secondaire.
REVELEE, H 208, 3« p. s. ind. de révé-
ler, voy. sous REVEL.
Revoie, K 53, forme variée de ravoie
15 e, G 155, 3« p. s. de ravoier, « re-
mettre à voie, en bon chemin ».
Rewart, 203 c, 2ao c, regard ; — dans
iV'i ait celui qui ail rewart De II...,
rewart a le sens de « crainte ».
L'enchaînement des idées est celui-
ci : regarder, examiner, surveiller,
se défier, craindre. — Notre texte
offre diverses variantes littérales de
rewart, telles que rowart rouart ;
pour le w voy. wart, et garder
sous -g.
RiBAODiAULX, H 34, dira, de « ri-
bauds »; — sur la désin. voy. -ial
-iaul.
Rigole, 159 e, 3e p. s. ind. de « ri-
goler », au sens actif de « divertir,
amuser quelqu'un »; le sens origi-
naire paraît être celui de « danser »,
si l'on accepte pour primitif le
vieux haut allem. riV/a.
Roc, II 198, roc, pièce du jeu des
échecs, voy. bot.
ROIE, F 132, H 48, forme anc. de
« raie » {.riga); — raie s'est main-
tenu dans les patois lorrain et bour-
guignon.
RONT, 224 a, forme nasalisée de rout,
pai t. pas. m. pi. r. de « rompre »
(voy. Route) ; — régulièrement la
grammaire exigerait /'o/w; toutefois
te peut être un cas de construction
avec le neutre.
Rot, 227 c, le même que roc (v. c.
m.), ancien nom de la tour au jeu
des échecs; — dér. du persan rokh,
chameau monté par des archers;
j'oc s'est maintenu dans roquer,
changer simultanément de place le
roi et la tour. Sur la consonne finale
de rot voy. sous -(.
ROTIGIEZ, 111 a, notation dialectale
du part. pas. m. s. s. de rostegier
p. rostagier qui se rapporte à os-
tage {obsidalicum); rostegier qqun.
«88
GLOSSAIRE.
c'est donc retenir qqun en otage,
le priver de s;i liberté, puis, par ex-
tension, lui imposer une rançon
pour prix de sa délivrance : Rôti-
giez fil df. \ mil livres, sa rançon
fut taxée à 10,000 livres.
HocART, ttU r, forme variée de rovDort,
rowairt iv. c. m.).
I\OLTE, K 107 (rtiplam), part. i>as.
f. s. r. de « rompre ■•, voy. ront.
noDWART, F 100, prononc. assourdie
de rowurt (v. c. m.).
RowART, 268 f, est le même que re-
wart (v. c. m.) dont Ve est passé à
\'o sous l'induence du tv = oii.
-s iniervocal est toujours dur, se note
par z, ss, c, x : exglisse, finbrassêe,
vulcist valxist. Par conirc ss est
rendu |>ar s simple : nusi, asemblùe,
riisamblez, etc.
-s s'adjoint volontiers au-devant de c
précéd:<nt e fém. : avurisce , gra-
viace, scelaisse.
-s pnragogique dans les adverbes est
d'un emploi facultatif; les ex. sont
nombreux des mots qui ne l'ad-
niellent pas : ccrte, lor, onque,
quanquc, sen, etc. — I*ar coniri;
a est souveni a)>ocopé dans maints
adv. oîi il est d'origine : ver (lever.
-s désin. de la 3e p. s. s'introduit à la
!• p. du parf. (i« conj.) et du fut.
icnninée régulièrement par -ai
(-«VI, habco), — \oy. -ais.
s e^t employé abusivement pour c
devant e >, pour ç devant a.
s' élision de l'adj. poss. sa devant un
nom fém. commençant par une
voyelle : s'ame I 60, s'ancclle J 50
et passim. Cette forme régulière
commençait déjà à être évincée par
le solécisme son (v. c. m.).
1. Sa, e 84 [quater], var. orthogr.
de » çà », adv.
2. Sa, 89 ft, J 72, 1» p. s. ind. de
« sayoir » ; — sa est réduit de sai
(auj. « sais ").
Saciios, 182 g, forme inversée de
chassas donné par M (le popu-
laire dit de même saiigcr pour
changer); les saclios ou chassas
« qu'ont grosse teste », ajoute notre
texte, sont sans nul doute les cha-
bots, dér. de capul, en bourg, cha-
vannes chavôgnes.
Sageittez, lia e, (lèches [sagillas).
— Cest une formation savante, ou
plutôt une faute du copiste qui,
rencontrant dans l'original saict/fez.
aura pris le premier i pour un j
et l'aura noté par g.
Saille, 93 «, U 12, 37, 56. 63, pronon-
ciation populaire de Seille, rivière
qui se Jette dans la Moselle h Metz.
Dér. Salnois Sanois [Salinensis pa-
eus) (v. c. ni.); Suillis dans Por-
sailUs (v. c. m.), procède directe-
ment de Suiltex — Outre-SaiUe
D 12 était le nom de l'un des Pa-
raigesde Meii, voy. I'araige.
Sainct, 223 g ; — pris isolément et
absolument, exprime n la célébm-
tion de la fête en l'honneur d'un
saint >'.
Saiiirt Arnoult, 98 b. Saint -ArnoO,
célèbre abbaye bénédictine sur la-
quelle voy. la note de la p. 285.
Sainct Clcmeut, 98 b, Siiint-Clément,
célèbre abbaye bénédictine sur la-
quelle Aoy. la noie de la p. 285. —
Cette abbaye ainsi que celle de Saint-
Arnoû étaient alors situées hors
des murs de la ville, chacune au mi-
lieu d'un populeux faul)0urg : les
boursde Sainct Arnoult, deSt Clé-
ment.
Sainct (iergone, 15 f, Saint-norgon,
ancienne église de Metz (voy. la
noie à ce vers p. 272).
Sainct Ilillaire, 8 f, Saintllilaire, vo-
cable de deux églises de l'ancien
Metz. : Saint-llil:iire-le-(;iand et Sl-
llilaire us Manieurs (voy. la noie
à ce vers p. 267).
Sainct Levier, 15 e, 117 c, Saini-LI-
vier, ancienne église paroissiale,
était, avant le x* siècle, placée sous
le vocable de saint Polyeucte (voy.
la note de la p. 271).
Sainct Martin, 12 e, nom d'un pa-
raige et d'une paroisse encore exis-
tante à Metz. — Le quartier Saint-
Martin était le centre du commerce
(les draps et fourrures (voy. la note
à ce vers p. 270).
Saincte Crux, 130 f, 131 e, 133 b,
Sainte-Croix, alias Saint-Éloy, ab-
baye de l'ordre des Piémontrés (voy.
la note à ce vers p. 292).
Salnois, 85 c {Salincnsis pagus), le
Saulnois, partie du pays messin tra-
versée par la Seille {Salia).
Samblem, 7a d, part. prés, du v.
sembler, — écrit par en à la désin.,
en vertu de l'identiié de son des
deux notations en, an. (Voy. ar-
dent.)
SAJiDEL, 12 c, variante orthographique
de cendal, étoffe de soie.
Sanois, 2'Jl a, léduction populaire de
Salnois (v. c. m.).
Saunois, 1 27, le Salinensis pagus, ou
SCELAISSE
GLOSSAIRE.
SOIERENT
f|89
pays d'entre Seille et Moselle; —
les' variations formales de Saunois
sont Satnois, Sanois (v. c. m.).
SCELAissE, 89 b, orthographe fautive
de celaisse, 1* p. s. subj. imp. de
« celer ».
ScEViENT, G 75, 3' p. p!. imp. de sça-
voir, orthog. vicieubc de « savoir »;
— sur la désin, voy. -ient.
-se, désin. du subj., est la notation lo-
cale de -je -ge -ce dérivé régulière-
ment de la désin. lat. -eam -iam
devenue -yam. Dts verbes de la 4*
(et 2' conj.) cette forme a passé à
ceux de la 3* et de la le (voy. à la
Grammaire p. U5i-ii):envoise, vies-
set, quierce, fierce, desparce, chai-
ce, — Cette désin. évincée, comme
il a été dit, par -oisse (pat. -eusse),
n'a pas laissé de se mainlenir jus-
que dans les temps modernes, l.e
Dialogue facétieux d'un gentil-
homme et dhin berger, dont la
Ire édition est de IG"?!, connaît en-
core enpose enpouse comme subj.
de « emporter » .
Se, 2h d, 67 g, 82 a, 105 f, 183 e, F
ft2, eic, orthographe variée de ce,
résolu de ceii,
Seire, 235 d, serrure; — le v. fr.
serre (=r lat. seraj s'est maintenu
dans quelques patois (sur la nota-
tion ei = er voy. sous -»•.).
Seirs, d 17, (suj. sing. ) cerf. — Le
« cerf » est ici opposé au « lima-
çon » comme dans La Fontaine le
« lifcvre » à la « tortue ». Voy.
sous TARDIS.
Sel, 99 g, contr. de se le, comme
quel de que le.
Seliers, 5 e, orthog. variée de « cel-
liers ».
Selle, 232 b, 279 g, 296 b, orthog.
variée de celle, adj. déra.
Selong, 10iid;leg final, rapproché
du c des formes franc, sclonc su-
lonc, démontre péremptoirement l'o-
rigine su6/o/ififMJn; le sens convient
également, selong signiQant « au
long de » : Des mors laissent selong
les haies.
Semome, 26 e, subst. participial de
semoiidre ; — semante répond direc-
tement à submonila, tandis que son
doublet semonse (auj. semonce) est
le fém. de semons lat. submonitus.
Le t de sermonle n'est pas une faute
du copiste pour un c, cette dernière
notation étant d'origine moderne;
semontc est d'ailleurs assuré par la
rime : honte conte sornionte.
1. Sen, F 117, sens; — sen représente
le germ.. sin, sinn, comme sens le
lat. sensus ; c'est de sen que dérive
l'adj. séné et son composé fuurse-
nez H 27 « fors de sens ».
2. Se\, 91 ri, 93 a, et passim, etc.,
sans ; — dérivation régulière du
lat. sine, et antérieure à sens sans
avec Vs paragogique.
Serais, G 3, 1" p. s. fut. de « être »,
— avec Vs paragogique dialectal,
voy. sous -ais.
Serise, Ml d, orthogr. variée de « ce-
rise ».
Serpenoise, 99 a, nom d'une des portes
de Metz, propr. la porte de la route
de Scarpone. — Ce mot se rencontre,
dans les anc. textes, sous plusieurs
formes : Sarpenoise, Sapenoise,
Chapenoise, et par assimilation er-
ronée, Champenoise. L'anc. ville
Scarpona qui lui a donné son nom
n'existe plus que comme lieu dit :
Xarpaigne. (Voy. la note à ce vers
p. 286.)
1. Serre, D 8, G 72, primitif de < ser-
rure », est pris au sens figuré de
« prison » ; cf. l'expression iden-
tique « mettre, tenir sous clef ». —
Une notation locale de serre est
seire (v. c. m.).
2. Serre, D 5, 3e p. s. ind. de « ser-
rer ».
Sers, 28 e, (s. pi.) serfs; — Vs final
est une faute contre les règles de la
déclinaison.
Servoise, 215 (, cervoise; — s pour
c comme dans serise.
1. Ses, 81 e, 208 f, 214 a, F 116, G 35
et dans le même vers ces, var. or-
thographique de CCS adj. dém.
2. Ses, 71 g, 1H7 e, est contracté de
sel' s, pour « se les» comme qucs re-
présente quel' s « que les ».
1. Si, 99 e, orthog. variée de ci, adv.
2. Si, K 15, orthog. particulière pour
cil, adj. dém. m. s. s.
3. Si 76 d, atténuation de ceu qui,
prononcé par le populaire su, s'af-
faiblit en si; voy. sous -m
SiGNOGNE SIGNONGNE-S, A Û7, 50,
pron. popul. de « cigogne -s », que
le patois a syncopé en sogne,soin-
gne, qui se trouve déjà dans l'un de
nos mss. sous la forme singne et
même signe, inadmissible pour la
mesure,
SiNGOGNts, B 17, forme nasalisée de
« cigognes », voy. signogne.
Sodées, 2'j3 g, f. p. r. pour soldées
256 c, subst. part, de « solder »
(VOV. SOLDOIIÈRES).
SOIERENT, 204 c, 3- p. pi. parf. de
soier « scier »; — soicr est resté en
usage dans la campagnede Metz pour
MO
SOLDIOCR
GLOSSAIRE.
désigner l'opération de scier\ci blés,
moissonner ; soious, moissonneurs.
SOLDioiR -s, 78 jr, 111e, 112 n, 172 c,
195 b, 207 <i, etc., plur. de soUlierc,
forme variée de soldoiiercs (v. c.
m.).
SOLDOiiERES, 03 e, forme suj. dont le
rég. est aoldoiour soldiour, propr.
qui est à la solde de quelqu'un, qui
reçoit ses soUtiea ou sodir» (v. c.
m.). — Soldoieres -oiir n'est p;is de
formation identique h seldoiera -er;
dans celui-ci entre le suff. arixis
-um, dans celui-là le sutT. -ator
-atorem.
SOLEis, 224 a, notation locale de so-
tiers " souliers ■'.
.SOMKTZ, F 172, mot sûrement estro-
pié dont le sens ne panilt guère s.'i-
tisfaisant, qu'on le rattt;iche soit à
«soumettre " , soit à sommer:
forme contracte de semoncr » se-
mondre ••.
Sommer, G 73, semer; — Il y a flac-
tuation de la voyelle atone e en o,
que le patois assourdit en ou pour
com|)enser la chute de la consonne
suivante : soumer (cf. femme de-
venu fomme foumc).
Son, 285 g, ad|. poss.; — est relevé à
cause de son emploi syntactique
devant un nom féminin commen-
çant par une voyelle, voy. eves-
cuiÊ; —c'est le seul exemple, dans
notre texte de, son ^ «' = sa.
Sont, 258 r, orthographe particulière
de sons contr. de sommes, 1" p. pi.
ind. de " être >. — (Voy. aux Va-
riantes.)
Soi', 105 c, forme populaire de ceu
adj. dém. neutre. D'un usage ordi-
naire dans les chartes, sou n'appa-
raît qu'une fois dans notre texte.
Soi'FFRAGE, K 29. Le contexte impose
le sens de " misérable, ruiné, hu-
milié >-; souffrage se rapporte donc
au même primitif que suffraitouse
(v. c m.); — la désin. -âge est sans
doute altérée pour le besoin de la
rime, la bonne forme étant souf-
fraile; de souffrage rappr. le pro-
vençal sofracha.
-sr, eh règle générale ce groupe re-
pousse l'épentlièse de t (voy. -xenl
désin. du parf. p. ft50 et<i55].
-ss peut se noter par s simple, la sif-
flante faisant toujours entendre le
son pur s et non celui de z même
entre deux voyelles; donc ausi
68 9 se prononcera aussi, et de
même pour les cas analogues.
Staixon, D 12, anc. nom du quar-
tier de Metz, auj. appelé Tnison
(voy. Taisons). — Les historiens lo-
caux s'accordent à faire venir Stai-
xon du lat. stationem = camp ; la
lettre n'y contredit pas.
Stoixey, \m f, Stoxcy, nom d'un fau-
bourg de la ville de Metz qui se
trouvait près du bourg de Saint-Ju-
lien, le long de la Seille.
Si'FFRAiTOLSE, 6 C, adj. fém. dér. de
sonffrnite, soufrefe, « manque, pri-
vation, misère », lequel est le subst.
participial siiffracla de suffriiifre-
re (voy. souffraoe).
Stis, A 11, F 170, prononc. atténuée
de sus adv. >■ sur ■■; le patois a été
jusqu'au bout dans cette voie, qui
dit si. — Le passage de sus en suis
est l'opposé de celui de suis (verlMi
être) à sus (v. r. m.). <^s sortes de
balancement ou con)|)ensation ne
sont pas rares dans la phonétique
du parler populaire.
1. Sus, j268 /, réd. de sui D 14 adj.
poss. m. pi. s.; —Vs final de sus est
dû à l'influence de ses (suus).
2. Sus, 2.'.3 d, 200 d, réduction de suis
pour sui, le p. s. ind. de « être ";
— sur la résolution de la diphth. ui
en M, voy. à la Grammaire, p. ft37-8.
-t, remplace fréquemment en iGnale
une consonne tombée dans la pro-
nonciation : aulreteit, rot, hosteit
liosteill {l est muet). Cette substitu-
tion s'est produite sous l'induence
d'une des lois organiques de notre
dialecte, qui maintient t final dans
les part. pas. et subst. en -atem, à
la 3* p. s. des verbes, en un mot
partout où le franc, proprement dit
l'a laissé tomber. Des formes telles
que avrai D 57, p. avrait « aura »,
sont excessivement rares à Metz;
cette notation appartient d(; préfé-
rence à l'idiome de la Vôge. — La
môme lettre est employée parfois,
par opposition as, pour marquer le
rég. sing. : dont porchat Monta-
bant K 11, 21, 27.
Tacons, 224 a, semelles, propr. « mor-
ceau de cuir à raccommoder [rata-
conner) les souliers » .
Tairt, 276 (j, forme diphth. de tart,
\ttU f, 3« p. s. subj. de « tarder ».
Taisons, 243 f, nom d'une rue de
Metz, dénommée plus anc. Staixon
(v. c. m.).
Tante, 2û6 g, notation loc. de « tente »;
— le sens de ce vers n'est pas des
plus clairs (voy. aux Variantes).
TAUDIS
GLOSSAIRE.
TRIBOLEIS
agi
Tardis, D 17, 20, suj. sirig. de « tar-
dif n, soliriquet appliqué au lima-
çon. — De ce quatrain se dégage
une moralité identique à celle de la
faille de La Fontaine : le Lièvre et
la Tortue (voy. seirs).
Targez, F 150, 20 p. pi. impér, de
targer targier, dér. de large « bou-
clier », : donc « couvrir, protéger,
défendre »; le mot est resté au sens
figuré sous la forme larguer (se).
— 11 est à noter que le ms. D, qui
modernise volontiers l'orthographe
et le vocabulaire, porte gardez au
lieu de targez , lequel sans doute
était déjà tombé en désuétude.
Tartaire, F 71, sorte d'étoffe ; — le
moiest sans doute altéré, pour cause
de rime, de tartetle, étoffe de soie.
Tatin, g 170, querelle, contrariété; —
tatin se rattache à tatiller, tatil-
loiiner, dér. de tâfer ?
Tayes, g 122 ; mot Défiguré par le co-
piste. Je n'ose songer ni à tailles ni
à payes.
Teire-s, 183 c, J 25, notation variée
de « terre-s »; dans ce passage teires
= bords, rives d'un fossé. (Voy.
sous -r.)
Teirre, J 30, forme variée de telre
(v. c. m.).
Telt, £ 120, 177, orthogr. vicieuse de
« tel ". - Cette orthographe est
très-fré(|uente dans les deux mss.
secondaires; pour la consonne finale
voy. sous -t.
Tenpeste, 200 g, 3* p. s. ind. de
« tempester, tempêter », au sens ac-
tif de « ravager, détruire, arracher
(la vigne) ».
Terteller, a 59. Ce verbe m'est in-
connu; je conj'Ctuie qu'il est de
création individuelle , exprimant
d'une manière onomatopéique le
choc des dents les unes contre les
autres, et, dans l'espèce, le bruit
produit par les coups de bec répétés
des detrx cigognes , chacune tirant
à soi la provende commune : Pour
soy retient la meilleur part , Lors
se prannietit a terteller Com fait
■martel a marteller. La comparaison
formulée dans ce dernier vers vient
à l'appuide mon explication de ter-
teller.
Theotecé, I 6, mère de Dieu ; — mot
grec francisé et accentué pour le
besoin de la rime ; voy. la note de la
p. 382.
TUiry. 19i d, forme contracte de
« Thierry », cf. Thibaut et Thie-
baul.
Tierce, IftO c, 220 e, la troisii'me
heure, c.-à-d. neuf heures du matin,
d'après la manière de compter ec-
clésiastique (voy. \onne). — Il
est matériellement impossible que
tierce soit la troisième heure après
minuit, suivant notre manière de
compter, ni la troisième heure de
relevée, tierce étant nettement in-
diqué comme précédant « l'heure de
midi ».
TiES, 186 a, forme fautive, suj. plur.
de tilz lis (v."c. m.) « toît ».
TiGNE, 199 f, s'est conservé en cette
prononciation pour « teigne » dans
les patois de l'Est.
Tilz, 29 d, forme variée de tel teil,
lies u toît » (tcctum). — Sur l'é-
penthèse de /, voy. à la Grammaire,
p.a49.
lis, 127 e, forme suj. de « to't ». —
Une variante est tdz (v. c. m.) avec
l'épenthèse de l.
ToiLLE, 102 f, prononciation mouillée
de « toile ».
Tortuel [sainct], 196 g, terme plai-
samment forgé sur tarte tourte
(voy. la note à ce vers p. 303); la
dérivation serait plus régulière avec
Tortet, mais la rime et la mesure
exigeaient l'adjonction de u, d'ofi
Tortuel.
rouis, B 28, forme variée de (mis (v.
c. m.); — touis, monosyllabiqui',
représente la fusion de luit et de
tous ; le premier n'allait pas tarder
à être complètement évincé par le
second.
Toutes âmes {li jour de), 160 a, dé-
nomination locale du jour ou fête
des Trépassés (2 novembre),
Trabuchiez p. trabucliict, 108 f, p;irt.
pas. m. s. r. de irabucliier, forme
locale de « trébucher », au sens ac-
tif de «renverser à terre, jeter bas»:
Le gibet ont Jus trabuchiez.
Traheis, 80 c, 2e p. pi. impér. de
«traire» [lrahere],~l'li est étymo-
logique.
Trais, 26o g, orih-ig. vicieuse pour
freis 87 c, v. fr. trcfs, « tentes, pa-
villons »; — par contre trais [trac-
tos) est écrit Ireis (v. c. m.)-
Translauteit, K 16, part. pas. m. s.
r. de « translater », noté dialcctale-
ment translauleir.
Treis, 120 f, orthographe fautive de
trais, « traits », voulue par la rime;
voy. Trais.
TRIBOLEIS, 216 f, part. pas. m. s. s.
de triboler (= lat. tribtdare dont
une dérivation plus organique est
tribler); — la forme complète tri-
boler s'est maintenue dans les pa-
*9S
TRIVES
GLOSSAIRE.
VEZENECr
tois en mouillant la liquide : tri-
bouiller.
Tbives, 2"6 c e, 277 *, forme ri-duitc
de trieves plur. de <• trêve ■ ; — cf.
Trivres et Trievrea (la ville de
Trêves), ci-dcssiis p. ftOJi-5.
TUEL, 196 e, tiiyiiu; dans l'espèce
« tuyau pour la conduite du la fu-
mée, ch< minée >•.
Tus. passim, en siij; plur. au lien de
lnH [loti); — i'a est le résultat d'une
as&iinilaiioii erronée avec le rég.
tous {\oy. TOi'is).
Ty, e lii, orthogr. individuelle (cf.
LY MY] pour ti, pron. pers. 2* p. s.
rég.
u
•M s'adjoint t pour former la diphll).
atténuée ui : rendiiis, consuis, res-
ponduit, etc. Le patois a été Jusqu'à
absorber le son u en « ; si = su
= seu — ceu. (Voy. à laGRAMUAiRE
p. 1S7 etM9 n. 1.)
-ui diphth. se résout en i( : hus sus
etc., (voy. à la CiRAMMAIre p. Iti9).
lJi>, 270 fl, 2'J2 g, forme variée de un
ung (voy. (iiEsr.L'iN).
IITILLE, 217 C, forme féni. de util |M)nr
ustil oustil • outil ". — La forme
fém., si elle ne vient pas à être con-
firmée par d'autres exemples, est
une licence imposée pur la rime.
-V, latin et roman, est parfois noté w
avec valeur de v : avuoinne, viau-
wais, owraige, puuuilloiis; voy.
-w et à la Gkammaiiie p. 'liiG.
Vaille, F 53, prononc. populaire de
« veille »; — en rime avec oureiUc
merceille; voy. d'autres ex. de l'é-
quivalence eille aille à la Gram-
maire p. {i39.
Vallo.'mt, 235 a, 3* p. pi. ind. de « va-
loir», — a*ec la désin.-0)i( qui en-
traîne le sens du parf.; voy. sous
•ont.
Vaniiait, 80 c, 3c p. s. fut. de «venir»;
— par rapport au fr. vendra vien-
dra, noter la non-épenthèse de la
dentale et la substitution de an à
en, produite par l'identité de son
de ces deux voyelles nasales.
Vanredi, 2:J b, vendredi. — Pour la
facture du mot, voy. vanrait.
Varroit, 31 f, 3« p. s. cond. de « va-
loir», V. fr. vaUlroil vaudrait. —
Le dialecte messin n'acceptant pas
l'épenthèse de d au groupe fr, la
première liquide tombe «lu s'assi-
mile à la seconde : valroit var-
7'Oit.
VAX, A 52, D 29, H 18, I 10, S» p. s.
ind. de .< aller », — pour vait (voy.
sous AT).
Vaidissolr, 292 d, faute pour t>ai<-
dissours rég. plur., — unique ex.
de l'emploi du i* simple en ce mot ;
voy. Waldissol'rs.
Vallloit, J 53, notation dialectale dé-
valait, 3e p. s. imp. de •< valoir ».
Vayn, lit f, l'automne, la saison de la
récolte, et plus spécialement le mois
de septembre. Vayn, qui serait
mieux écrit xvayn (voy. sous -g) =
fr. gain puis gain, a maintenu le
sens étymologique de >< produit
agricole »qui se retrouve aussi dans
le fr. regain. — Les mots umyn ka-
rame et fcnal ou somcrtral dési-
gnaient res|)ecli\ement l'une des
trois échéances de corvées ou re-
devances seigneuriales qui devaient
être iicquittées au printemps, à l'été
et à l'auiomne.
Veil, 102 c, conir. de veel vceil, dér.
immédiat de vUellus, veau; — pa-
tois actuel viî's.
Veirait, e 132, 3e p. s. fut. de «ve-
nir » ; — la succession des formes
est celle-ci : vcnrait [n non na.sal)
verrait verait veirait; — la nota-
tion eir = e/T est très-fréq., cf.
eire, seire, teire, etc.
VENI8, G 118, 20 p. s. parf. de « ve-
nir », voy. RETENIS.
Vemssent, 72 d, 3e p. pi. subj. imp.
de '< venir ». — Cette forme dér. du
parf. faible venis est logiquement ré-
gulière, et assimilée aux formes des
temps correspondants dans la Ito
conjug. Voy. un ex. aiialogue pour
le part, sous ovrie.
Vereu, 178 ri, dérivation inorganique
de veruculum qui a produit ver'oil
d'où verou que nous écrivons
« verrou ». — La désin. -cm en
cette origine est absolument étran-
gère à la phonétique de notre dia-
lecte; elle n'a d'autre raison d'être
que l'exigence de la rime.
Veuoier, 98 a, 155 e, notation locale
de vuidier anc. pour " vider». — L'j
de la désin. an:ené par l'idu thème
(cf. aidier, cuidier), persiste malgré
le changement de vui en veu [dicr).
Vezeneuf, 15 a, sous différentes va-
riantes orthographiques : Vezinuel,
Fcjigneul, Fizcgnel, etc., était le
nom d'une place de l'ancien Metz,
oli se tenait le marché aux épiées.
GLOSSAIRE.
493
aux draps et aux étoffes de soie
(voy. la note à ce vers p. 269). Si
Vezeneuf représente vicum no-
vum, l'orthographe gncuf, nuel, de
beaucoup la plus ordinaire, con-
firme ce qui est dit de la mouillure
nasale dans la Grammaire p. ûftS,
et sous GNEUS. Bien que le poëme
écrive Vezeneuf par la nasale pure,
cependant il est en rime avec la
nasale mouillée : gncus monti-
gneui.
ViGNOURS, 2'4Ji e, G 74, vignerons ; —
dér. de vineatores ; vigueurs 199 g
est une importation française.
ViGREUSEMENT, 222 b, est Contracté
de vigoreiisement {vigoireusement
M) qui ne pouvait entrer dans la
mesure.
Vii.LE-s, 33 d et passim, domaine ru-
ral, ferme. — Les habitants d'une
ville sont dits villains et villois.
ViLLOis, 251 b, 26a e, G 27, fermiers,
faisant valoir une ville, puis paysans
en général ; — villois (villenscs) est
synonyme de villains 250 gr [villa-
nos).
ViRGE, H 98, J 55, 58, 67, réduction
de vierge II 98 et passim ; pris ab-
solument « la Sainte Vierge ».
ViTAiLLE, SU g, 161 b, 2'ZU g, forme
anc. de " victuaille », conservée dans
« ravitailler».
ViTA\CE, 184 d, prononciation adou-
cie de viltance 271 f, 274 d, dér. de
« vil » : donc « bassesse, lâclieté,
action méprisable ».
ViTEiT, II 166, forme syncopée de vilté,
voy. viTANCE. — Ici encore, notre
auteur n'a point manqué l'occasion
qui s'offrait de jouer sur le nom de
la ville de Vy.
Vivier, 15 /^ Le vivier dont il est parlé
à ce vers a laissé son nom à une rue
située dans le voisinage de l'an-
cienne église de Saint-Gorgon (voy.
la note à ce vers, p. 272).
Voie. Ce mot avec ses composés for-
me une rime homotéleute aux vers
151-6 de G : voie voie desvoyer en-
voie ravoie envoyer. — Même jeu
pour fin (v. c. m.).
VoiROiE, E 161, le p. s. condit. de
.' voir », formée par analogie sur le
thème voi.
VoisE, 7 f, 3e p. s. subj. du v. aller ;
— une autre dérivation à l'aide du
yot est vaille 47 fU, qui se présci.ie
dans les Chartes sous les notations
altérées vuelle weullc.
VOLRA, 1 d, le p. s. fut. de « vouloir »;
— voira est réduit de voirai, voy.
sous -a, -ai.
w
-IV sonne ou quand il représente le w
germanique ; mais s'il provient er-
ronéinent d'un v latin, il garde le
son V : owraigc, mauwais (voy. à
la Grammaire p. 44u). Il f;iut noter
la rareté des cas où le w germ. s'est
maintenu dans notre texte; cette
infraction à l'une des lois les plus
caractéristiques du dialecte messin
est imputable au copiste : en effet
le ms. Mconserve plus fidèlement ii; ;
— voy. sous -g.
Wagons, 224 f, cailloux, gravois, dé-
combres (cf. l'allem. wacke). —
Ce terme est resté dans la cam-
pagne de Metz pour désigner un
terrain caillouteux; wacons est as-
sez fréquent en nom de lieu-dit ;
les wacas sont les cailloux roulés de
la Moselle. — Le ms. M assourdit
l'a en au : vaucons, en même temps
qu'il modifie tv en t>, (cf. vayn).
Waidrinoue, 117 /", Wadrineau, digue
sur la Moselle en amont de Metz
(voy. la note 5 ce vers p. 290). —
On s'accorde à voir dans le mot
Waidrinoue une métathèse de
fV airdinouc dont le premier élé-
ment appartient au verbe warUer
wader « garder », donc « retenue
d'eau », litt. « gardien d'eau ».
Quant à oue, c'est l'homophone de
owe, prononciation et orthographe
populaires de awe (v. c. m.).
Waigiere, 22 c f, 119 b, engagère,
hypothèque; — dér. de waigier,
forme correspondante du fr.: « (en)-
gager ».
Wancerey, c 3, geai. — A ce mot
l'autre de nos mss. donne pour sy-
nonyme watrot qui répond au fr.
Gaulrot, nom du « geai» en quel-
ques provinces;— wancerey asi cer-
tainement une mauvaise lecture'de
voauteroy = wauterot=z gauterot.
Wandite (ii), 3 g, les Vandales. — La
légende locale avait personnifié sous
le nom de ce peuple celles des di-
verses nations barbares qui enva-
hirent le pays de Metz dans les
siècles qui suivirent la chute de
l'Empire romain. Ce souvenir histo-
rique était resté d'autant plus vi-
vace à Metz qu'il constitue le fonds
de l'épopée des Lolierains, et prin-
cipalement celi'i de la branche con-
nue sous le titre de Hervis le duc
de Metz. M. Aug. Prosta donné une
analyse détaillée de la légende du duc
Hervis, dans le chap. VI de ses
Éludes sur l'histoire de Metz
ùOi
WAR.MSUKS
GLO.SSAIUE.
(Mc'U, 1805, in-8»), pp. 3H-a02. Sui-
vant la légende, Ilervis trouva une
mort glorieuse dans une bataille
contre les Itarbnres livrée sur les
bords de la Nied, à Ancerville. Voi-
ci le début de ce |)oC'me dont nous
préparons l'édition :
Vielle chanson voire voleisoïr,
Degrant istoire et de mervillous pris,
Si coni li Wanbre vinrent en cest païs;
Creslieiitei ont inalenient ladi.
Les omes mors et ars tut le païs,
Deslrurent Bains et arceiii les inarchis
El S. Mcinins, si com la chansons dit.
{Bibl. nat. Fl\. 1916", fo LXXXix.)
Warmso.ns, 191 c, garnisons. —C'est
l'un des rares dérixés du thème
gcrm. war- wer- à qui notre ms.
ait laissé le w initial (cf. garnies,
80US -g).
1. Wart, subst. verbal de warder
(voy. A\ AiDRi>0UE) ne se rencontre
qu'en conip. : rowart (v. c. m.).
2. \\ AiiT, au f, 203 f, en comp. dans
IHeulowart (plus anc. Deus lo
wart. Dieu le gart!), est la 6» p. s.
subj. de warder .garder >. — Em-
ployé seul, ce verbe ne se présente,
dans notre texte, qu'avec la nota-
tion francjaise, garder, gart U 1.
(Voy. sous -g.)
Wadessolr, 202 a, voy. vaidexoir;
— la diphth. au s'est réduite en a.
Waidessoi'R, 222 a, 291 e, variante
littérale de waudexour (v. c. m.).
Waidexolr, 150 a. ^'était le chan-
gement sans ex. de g latin en w,
waudexour représenterait à la lettre
" gaudisseurs " dér. de « gaudir »
lat. gauderc. D'ailleurs le sens ne
concurdc guère, il est plus sAr de
recourir à l'ail, wald « bois, forêt, ■>
fr. gaut d'où gautier » hommes des
bois, réfractaircs, brigands " (voy.
\c Dictionn. de Trévoux, s. v.').
Dans notie texte, waudexour a le
sens de « éclaireurs , escarmou-
cheurs , enfants-perdus » , lequel
avoisine l'acception morale de gau-
tier.
Wilame, 119 a, Guillaume; — la li-
quide est tombée purement, sans
amener la dipliih. de a en au,
WiLLAiRT, 135 d, (sui.plur,), vieil-
lards ; — noter l'emploi de w pour
représenter v latin.
WïVRE, F 119, vipère; — le lat. et
l'ail, sont similaires, si ce n'est que
celui-là a pour lettre initiale un
V, et celui-ci un w qui a donné ré-
gulièrement le gu de guivrc, forme
franc, correspondante de notre wy-
vre; c'est donc à l'ail, wipcru qu'il
convient de rattacher wivrc guivrc,
tandis que vipùrea été repris posté-
rieurement du lat. vipera.
■X en valeur de si filante-aspirée est
rendue dans la prononciation par j
ch : AUexcy -Olgy , Xeulles - Chi-
eulles, À'rtyjpcis-Cliappé; — dans
d'autres cas x représente la sifflante
pure s (f) ; valsi.it - cist -xist,
lixiaus -siaux et autres analogues.
Sur les diverses v;ileurs de a*, voy. à
la Gramhaiiic p. UUôl.
Xappeis, E 139, l£iO, au rég. Xappcit
Xaipcy (fréq. dans les Charles), sur-
nom d'une branche cadette de la
maison de Itaigecourt, qui a laissé
son nom à la place Cliappé (voy. la
note au couplet 17, p. 273).
Xappez, e 139, ne peut être le simple
de eschappcz E 139 ; la leiire n'y
contredirait point (l'aphérèse du
prélixe es n'énmt point rare .1 Metz),
mais le sens s'y oppose, qui exige
l'idée précisément opposée à celle
de « échapper ». Je ne vois que
" happ<r >' (voy. hapent) qui con-
corde avec le sens et avec la lettre ;
on sait que x n, dans le parler po-
pulaire, la valeur de l'aspirée ch li,
et d'ailleurs nous sommes ici dans
une pièce de poésie abécédaire où
il faut étie indulgent pour les exi-
gences de r.ilpliabet; voy. enire
autres xeans.
Xeai^s, F 145, orthographe individuelle
de " céans ■>, imposée par les cxi-
geiKCS de la poésie abécédaire ; voy.
sous XAPPEZ.
-xeni, désiii. du parf. fort; voy. la
discussion et les exemples p. 450 et
p. 455.
■y. L'emploi de y en linale est conco-
mitant de la chute des consonnes
débincntielles s t; ainsi honoreit et
hunourey, demoureit et dcmorey,
li rois et li roy, ainsois et aiiisoy.
C'est là un abus, certainement jiar
le fait du copiste du xv« siècle.
Yaso>, F 151, Jason; — si celte no-
f !:on de J par y n'est pas une pure
exigence de la poésie abécédaire
(voy. XEANS), elle prouverait que le
j avait encore retenu la valeur de
yot. Les Chartes anciennes de Met/,
abondent en cas analogues , les
noms de Jurue, Julien, Juifs et
GLOSSAIRE.
A95
autres mots par j initial sont ortlio-
graphiés Yuruc Yuliicn Yiies... —
Yason compte pour deux syllabes
seulement.
Yauwes, D 50, voy. Yau E.
Yawe, 11 b, 97 d, 270 c, 278 f, pronoiic.
populaire de awe, (v. c. m.), qui est
elle-même renforcée en yauwe.
Ydes, E 16 ; quel est ce mot? Pour la
forme, on pourrait le rapprocher dn
V. fr. hide primitif de « hideux »,
mais le sens ??
Ytrait, 125 e, 3e p. pi. fut. de issir
{exire) sortir ; — la dér. locale or-
dinaire est isserait uxereit (cf.
isseront 126 b), le groupe sr n'ad-
mettant pas, en rtglc générale, l'é-
p,nth(;se de t.
•z intervocal équivaut à ss.s ç : nazelle,
-z est très-fréquent en place de s en
désin. fém. dans les Poésies di-
verses. Cet abus m'a obligé à ac-
centuer l'e de la désin. masc. éz,
afin d'éviter toute confusion résul-
tant, à la lecture, d'une notation
identique pourdeux désinences dont
l'une porte l'accent et l'autre non;
amez (animas) est ainsi distingué
de améz (amatus).
THIONVILLEI
n , rtfUJiHlerr ^
Ranconvaulj
e
Justemont *b-
rtanô
^ Mruoiuu/f.
/ (
: 7h//u
Oùmmiai*
O.hnt0lk /V<VYi|//-ÙT.r
ameicount "^ -.n^
,,_. ,Toi»v»x>y *
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Mveche et terre de- Gorte-
Jfuche de^XoTraxn&
JEmpire' cLlëUemagne/
SîO.I
<2fc BoutnUei
2okil.
INDEX ONOMASTIQUE.
Acey (Milond'), chevalier barrisien, 36, i5o. ^
Amance (le capitaine d'), chevalier lorrain, Sg, aia.
Ansel (Jean), bourgeois messin, 17a.
Apremont (Gobert VI, seigneur d'), 17, 56, 194, 2a8, 3o8.
Apremont (Henri d'), évêque de Verdun, Sg, 238.
Asselin, poète barrisien, 339, ^^o-
Autriche (Frédéric, archiduc d'), 13, 17, 56, 194, 338.
Avocourt (Gillet d'), chevalier barrisien, 36, 66, 148, i5o.
Bar (Edouard m, comte de), 11, 25, 3i, 33, 47, 67, 78, 80,
89, 98, 122, 137, 186, 238, 246,280, 353.
Bar (Pierre de), seigneur de Pierrefort, 67, 98, 309.
Bar (Renaud de), évêque de Metz, 124, 279, 352.
Bavière (Louis de), empereur, 12.
Beauffremont (Pierre de), chancelier de l'évêché, 22, 63.
Beaumont (Amblard de), gouverneur de l'évêché, 22, 5o, 194,
297-
Bellegrée (Arnould), capitaine messin, 60, 214.
Bierp (Thierry de), capitaine d'Ivoy, luxembourgeois, 57, 202.
Bitche (le comte de Deux-Ponts-), soldoyeur messin, 3o, 35, i44>
278, a83.
Boileau (Jacques), aman de Metz, 87.
Charles le Bel, roi de France, 5i, 343,*35a.
Chauderon, seigneur de Friauville, chevalier barrisien, 60,
ai4.
Corbé (Geoffroy), chevalier messin, 58, 202.
Dupré de Geneste, antiquaire, 32 1.
32
4W INDEX ONOMASTIQUE.
Emblais (messire), voy. Amblard de Beaumont.
Faulquemont (Henri de), voj. Fénestrange.
Fénestrange (Henri de), clievaiier lorrain, 89, 5fi, i(io, 1941
289, 33i, 379.
Geroldseck (le comte de), soldoyeur messin, 3o, 290.
Grongnat (Colin), bourgeois de Metz, supplicié, 49-
Grongnat (Geoffroy), maître échevin, 19.
Grongnat (Jacques), chevalier messin, 17, 35, 69, i4o, aSo,
a5a, a8i, 309.
Guimard^ type de larron, 371.
Uanriat, le même que Hanricart.
Hanricart, capitaine messin, 60, 3i4-
Heiz (Henri de), poète messin, 367.
Henri Dauphin, évêque de Metz, 31, 55, 64, 876, 387.
Heu (Jean de), chevalier messin, 47, 190.
Hunebourjat (Hugues), maître échevin, 63.
La Court (Jean de), chevalier messin, 3i, 76.
Lambelin, poète messin, 334, 34^«
La Pierre (André de), soldoyeur messin, 3o, 19a, ^14, agS, 33 1.
Le Bel (Gilles), maître échevin, 83.
Lenoncourt (le seigneur de), chevalier lorrain, 36.
Lorraine (Ferry IV, duc de), 10, 24, 35, 67, 68, 71, 122, 146,
2 II, 238.
Louvigny (Louyat de), soldoyeur messin, 256.
Luxembourg (Baudoin de), archevêque de Trêves, 9, 35,4'?
ia3, 17a.
Luxembourg (Henri de), empereur, i34, 279.
Luxembourg (Jean de), roi de Bohême, 9, 24, 29, 33^ 36, 89,
122, i3o, i32, i38, i44) iSî, 172.
Luxembourg (Marie de), reine de France, 52.
Margueron, poète messin, 38.
Marly (Jean de), écuyer barrisien, 38, 61, i58, 222.
Metz (Jean de), soldoyeur messin, 44, 182, 192.
ÎNDEX ONOMASTIQUE. 499
Michelet Petitpain, poëte messin, 877.
Montalban (Henri de), voy. Henri Dauphin.
Narcey (Aubert de), chevalier lorrain, 6r, 22/,, 226, 3o5.
Poitiers (Louis de), évêque de Metz, 65, 69, 74, 83, 25o, Sic,
35i, 356, 385, 387.
Poujoise (Richard), capitaine messin, 60, 214,
Paillardel, partisan barrisien, 210.
Raigecourt (Jean de), coûtre de la cathédrale, 22, 63.
Raugraf (Conrad le), soldoyeur messin, 3o, 46, 70, i5o, 184 ,
254, 278, 284.
Robin de la Vallée, poëte messin, 357.
Sarrebruck (le comte de), chevalier lorrain, 140, 282.
Sarwerden (le comte de), soldoyeur messin, 3o, 278, ago.
Serrières (Henry de), chevalier barrisien, 36, i5o.
Servigny (Gerardin de), soldoyeur messin, 256.
Sponheim (le comte de), feudataire du Luxembourg, 49.
Teste CJean), moine, 3yS.
Thierry, capitaine lorrain, 204.
Vry (Guillaume de), capitaine messin, 39, 164.
Volmerange (Jean de), soldoyeur messin, i54> 2x6, 256.
Xappey (de Raigecourt dit), chevalier messin, 27a, 346.
Xollefert (Philippin), chevalier messin, 87.
liNDEX TOPOGRAPHIQUE.
Abréviatiotu : P. M., pays messin.
— Lorr., Lorraine.
— Bar., Barrois.
— Lax., Luxembourg.
Nota. Les localités dont le nom est suivi de l'indication du canton ou de
l'arrondissement auquel elles appartiennent faisaient partie de l'ancien
département de la Moselle.
yincj- (canton de Gorze), P. M. el évêché, 67, aa4» 34o.
Anglemur, quartier de Metz^ aSo.
Antillj (canton de Vigy), P. M., 84.
Aprtmont (Meuse), conalé, 62, aa8, 396.
Argancy (canton de Vigy), P. M., 34. i38.
/^rr)- (canton de Gorze), Bar., 38, i58.
Ars sur Moselle (canton de Gorze), P. M. et évêché, 69, 67, 106,
lia, a38, 36a.
Alton (Meurthe), Bar., 188.
ficr/TOrt^e (canton de Thionville), Lux., a56.
Bérus (Prusse), Lorr., 5o.
Bitche (arrondissement de Sarreguemines), Lorr., i44> 288.
Blanchard, étang (canton de Vigy), P. M., 4^-
fi/<f/jorf (Meurthe), Bar., 338.
Boulfiy (arrondissement de Metz), Lorr., 63.
Briey (chef-lieu d'arrondissement), Bar., 62, aaS, 3o6.
Chambley (canton de Gorze), Lorr., 47, 190, 294.
Chambre (place de) à Metz, 108.
Chambiere, île de la Moselle, à Metz, 108, 198.
Change (place du) à Metz, 1 1 a.
INDEX TOPOGRAPHIQUE. 501
Charly (canton de Vigy), P. M., i38, i58.
Chdteau-Brehain (Meurthe), Lorr., 70, 254.
Chieulks (deuxième canton de Metz), P. M., i38.
Corny (canton de Gorze), Bar._, 106.
Créhanges (canton de Faulquemont), comté, 64, 236, 307.
Dieulouard (Meurthe), évêché de Verdun, 58, i36, 208, 353.
Éponge (canton de Vigy), P. M., 256.
Failly (canton de Vigy), P. M. 62, 23o, 363.
FflM/yMewort/ (arrondissement de Metz), Lorr., 297.
Fénestrnnge (Meurthe), Lorr., 64, 236, 289.
Fleury (canton de Verny)^ P. M., 36, 148, i5o.
Florange (canton de Thionville), Lux., 60, 216, 218, 3o5.
Fournir lie (la rue) à Metz, 108.
Friauville (canton de Conflans), Bar., 60.
FroMart/ (Meurthe), Lorr., 25.
Genestroit {G'ihei du), commune du Sablon, près Metz, 38, i58,
288.
Gorze (arrondissement de Metz), abb., 48, 190, 214, 29^, 345.
Gr//no/i/ (deuxième canton de Metz), P. M., i4a, i46, i5o.
Hattonchatel (Meuse), Bar., 71.
Zfaa/co«Cfl«/^ (premier canton de Metz), P. M., i38.
Hayange (canton de Thionville), Lux., 216.
Hettange (canton de Thionville), Lux., 61.
Hombourg (canton de Saint-Avold), év. de M., 56.
Homécourt (canton de Briey), Bar., 164.
Jouy (canton de Gorze), P. M., 61, 69, 222, 224, 25o, 3o5.
J ustemont {c9Xi\.on de Briey), abb. Bar., 33, i34, ^78.
LongevUle (premier canton de Metz), P. M., 170.
Liippy (canton de Pange), P. M., 59, 212.
Z«^^an^c (canton de Melzerwisse), Lux., 47j ï88, 256, 994.
Luxembourg {comté et ville de), 61, 67, ai8.
502 INDEX TOPOGRAPIIIQUE.
Magny (canton de Verny), P. M., 37, i5a.
Mancourt (canton de Vigy), P. M., 34, i36, 337.
Malroy (canton de Vigy), P. M., 34, i36, i38.
Marly (canton de Verny), P. M., 61, aaa.
Marsal (Meurthe), év. de M., 69, 74.
Mengen (Bavière), seigneurie, a36, 3o8.
Menils (les) (Meurthe), Bar., 188.
âfetzenvisse (arrondissement deTiiionville), Lux., 47«
Me'y (deuxième canton de Metz), P. M., 35, 141.
Monc/eir, anc. château (Prusse), Lorr., 28, 370.
Mont (canton de Pange)(?), P. M., ao8.
Montigny-lès-Ây (vill. détr.), P. M., i38.
Morts {le Pont des) y l'un des principaux ponts de Metz sut la
Moselle, 196.
Moselle (la), rivière, 148, 198.
Moulina vent (le), près Vigy, 91.
Moulin-le-Duc, près Metz, 168.
Moulins (premier canton de Metz), P. M., 37, i56, 164, a86.
Mousson, voy. Pont-à- Mousson.
Norroy sous Froidmont (Meurthe), Lorr., 22, 44, i8a.
Olgy (canton de Vigy), P. M., 34, i38.
Orn«{V), rivière, 60, 6a, aa6.
Outre-Seille, quartier de Metz, aoa.
Pagny-sur-Moselle (Meurthe) y Lorr., 104, 182.
Pnreid (Meuse), Bar., 870.
Pargnemaille (porte), à Metz, 93.
Patart ['porte), à Metz, 168.
Pierrefort (Meurthe), château, Lorr., 309.
Pont-à-Mousson {MeurÙie)^ Bar., 29, 58, 76, 78, ï86, 188, uio,
253, 2y3.
Pontoy (canton de Pange), P. M., 212.
Ponts {Dei'ant-les-), banlieue de Metz, 166, 170.
Port-Saill) (le), quartier de Metz, 108, iio.
Pouilly [csinton de Verny), P. M,, 37.
P/ény (Meurthe), Lorr. 44, 182, 276.
INDEX ÏOPOGRAPHIQUE. 50S
Kambervilkrs (Vosges), évêché de Metz, 56.
Ranguei'aux (canton de Briey), Bar., 104.
Remich (grand-duché de Luxembourg"), Lux., 26, 126.
^/c//e/no«? (canton de Thionviile), Lux., 60, 216, 3o4.
Rouppeldange (canton de Boulay), Lorr, 236.
Rupigny (canton de Vigy), P. M., i38.
Saint- Antoine, abb., près Pont-à-Mousson, a 10, 3o4.
Saint- Jrnould, abb., près Metz, 37, i54, a85.
Saint-Benoît, abb, (Meuse), Bar., 71, 2^4, 3io.
Saint-Clément, abb., près Metz, 37, i54, 285.
Saint-Éloy. — Voy, Sainte-Croix .
Saint-Gorgon, anc, paroisse de Metz, ixo, 272.
Saint-Hilaire [ibid.), 267.
Saint-Julien^ faubourg de Metz, 35, 91, 144.
Saint-Ladre {ivo'iiïhme canton de Metz), P. M., i58.
Saint-Livier, anc. paroisse de Metz, iio.
Saint-Martin, paroisse de Metz, 108.
Saint-Nicolas, collégiale, près Nancy, 3oG.
Saint-Nicolas, hôpital, à Metz, 266.
Saint'Vincent, abb., à Metz, 198.
Saintt-Croix, abb., près Metz, 41, 168, 170, 172.
Sainte- Marie-aux-Bois . — Voy. Fal Sainte-Marie.
Sampigny (Meuse), évêché de Verd., 73.
Sarrebriick (Prusse), comté, 64, 236.
Saulnois (le), P. M. et Lorr., 146, a54, 378.
Seille (la), rivière, 37, i5o, i52.
Serpenoise (porte), à Metz, i54, 286.
Stoxey, quartier de Metz, 198.
Taison, quartier de Metz, 23o.
Thicourt (canton de Faulquemont), Lorr., 70, 254.
Thil-Chateli^Qxxvihe), Lorr., 70.
Thionville (chef-lieu d'arrondissement), Lux., 24, 29, 56, 124,
i38, ai6, 277.
Fal-de-Metz (le), P. M., 37, 67, i56, i58, 164, 1G6, ai4, 238,
287.
50ft INDEX TOPOGRAPHIQUE.
Fal-Sainte'Marie (Meurtlie), Lorr., 47, 186, 294.
Faîtières (deuxième canton de Melz), P. M., 35, 14a.
Fandières (Meurthe), Bar., 44, 180, i8a.
Fantoux (deuxième canton de Metz), P. M., 35, 142.
Farize (canton de Boulay), Lorr., a36.
Faux (canton de Gorze), P. M., 67, a4a.
f>a^/itfi</, quartier de Metz, 108.
Figneulles (Meuse), Bar., 71.
Fie (Meurthe), évêché de Mets, 56, 66, 35a, 369, 874.
Figy (arrondissement de Metz), P. M., 46, 184.
Fillers Betnach^abh. (canton de Vigy), Lorr., 91.
IFadgasse (abb. de), comiéde Sarrebruck, 7a, a56, 3ii.
fFarfftf/wald, forêt, Lorr., 7a, aSfi, 3ii.
fFarsbeig (canton de Boulay), Lorr., 47, a36, 3o8.
Wadrineau (digue de), près Metz, 39, 164.
Woippj- (premier canton de Metz), P. M., !yx, 17a.
INDEX CHRONOr.OGIQUE.
i5 août i324
(vers le).
9.3 —
Preaniers jours
de septembre.
9 —
i5 -
i6 —
17 -
18 —
21 —
22
23 —
24 au 28 —
29 -^
3o —
!'=■' octobre.
3 —
7 —
10 —
28 —
Fin d'octobre.
novembre.
Conférence de Thionville, 24, iM-
Conférence deRemich, 26, 126,
[Journée amiable à Thionville, 29.
Journée amiable à Pont-à-Mousson, 29, i3o.
Journée amiable à Pont-à-Mousson, 3o.
Envoi des lettres de défi, 33, i34.
Ouverture des hostilités, 33, i36.
Ravage du pays messin, 34, i38.
Escarmouche avec J. Grongnat, 34, 1^0.
A-ttaque du faubourg Saint- Julien, 35, 144.
Jonction du duc de Lorraine, 35, 146.
Escarmouche; marche sur Fleury, 36, 148.
Ravage du Saulnois, 36, iSa.
Ravage du Val- de-Metz, Sy, i56.
Destruction du gibet ; prise de Henri de Fé-
nestrange, 38, i58.
Prouesses des nefs messines, 4o, 162.
Démonstrations devant Metz, 40, 166.
Ravage de Woippy et Saint-Eloy, ^i, 170.
Levée du siège, départ de l'armée, 43, ly^-
Ravage du Rarrois et de la Lorraine, 44» 180.
Création des Sept de la guerre, 44*
Mise en état de défense de la cité, 46, 198.
Engagement prèsde Vigy, 46, 148.
Le roi de France est invité à prendre parti
contre Metz, 5i, Sgg, 402.
Pillage du Val-Sainte-Marie, 47, 186.
:.06
INDKX CHRONOhOGIOlIE.
a nov. i3a4.
fi —
i5 —
19 décembre.
Pillage des environs de Mousson, 47, 1B6.
Ravage du comté de Luxembourg, 47^ 188.
Ravage de la seigneurie de Cliambley, 47) i9<^>
Supplice de Colin Grongnat, 48.
L'évéque Henri Dauphin entre dans la ligue, So.
Nouveaux ennemis de la cité, 56, 194.
Ouverture du (ossé devant Saint-Vincent, 67,
198.
Course du capitaine d'Ivoy, 57, juj.
7 janvier i3a5. Nouvelle course des Luxembourgeois. Destruc-
tion des vignes, 58, 306.
Course des Messins à Pont-à-Mousson*, 58, uo8.
Attaque malheureuse des Lorrains à Ars et
Défi de l'évêque de Verdun, 59.
Destruction des murailles de Vie, 65, 35a, 874.
Prise de Chauldcrons, seigneur de Friauville,
60, ai 4, a38, a44-
Expédition contre le Luxembourg, 60, 216.
Course en Lorraine, 61.
Attaque malheureuse des Barrisicns à Jouy, iii.
216, aa4>
Expédition contre le Barrois, 6a, aaa, aa6.
Massacre des vignerons de Failly, 6a, aSo.
Expédition contre la Lorraine, 63, a36.
Paix avec Henri Dauphin, 64.
Invasion des LorrainsetBarrisiens, 67, a38.
Sacrilèges à Vaux, 67, 343.
Trêve offerte aux Messins, 68, a46.
Retraite des ennemis, leur déroute, 69, a5o.
Paix avec Louis de Poitiers, 70, j-ii.
Invasion du Luxembourg, 70, a54.
Invasion de la Lorraine, 71, '.>.54.
Invasion du Barrois, 71, a54-
Défaite des Verdunois, 71.
Course dans la Lorraine, les comtés de Sarre-
bruck, de Luxembourg et de Bar, 71, aSy.
8 —
février.
ao
a 4
5 mars
10
18
a5
I avril
3 —
7 —
i5 —
3o
INDEX CHRONOLOGIQUE.
507
3o avril i3a5. Siège de Sampigny, 72.
I août. Nouveaux Sept de la guerre, 76.
Décembre. Invitations pacifiques de l'évêque, 76.
Janvier i3a6.
Février.
I
mars.
3
—
i5
—
6
juin
20
août.
27
octobre.
novembre.
Conférence de Marsal, 76.
Conférence de Pont-à-Mousson, 7S.
Feux autour de cette ville, 77.
Signature de la paix, 8r.
Ratification par l'évêque et le chapitre, 81.
Atour de la Maltôte, 84.
Établissement de la commune, 86.
Alliance des princes avec les seigneurs exilés, 89.
Combat du moulin-à-vent, 91.
Mars 139.7. Attaque du faubourg Saint-Julien, blocus, 93.
37 juin. Paix définitive, 94.
INDEX ICOiNOGRAPHIQUE.
TÈTES DE PAGES.
Préface. Armoiries de Luxembourg et de Trêves. Ornementation
d'après les mss. du xiv* s. de la Bibl. nationale. (Dessin de
M. Hurel.)
IwTHODucTiow. Afmoiries de Lorraine et de Bar. Ibid. {ibid.)
P. loa et io3. Armoiries de Metz et des Paraiges. Ornementa-
tion d'après des motifs du Manuale confessorum , ms. du
xiv« s., de la Bibl. de Metz. {Ibid.)
P. a()3. Chapiteaux et frises à droite du chœur de l'église Saint-
Vincent de Metz. (Dessin de M. Bellevoye),
P. 317. Chapiteaux et bas-relief au chœur de la chapelle de
droite. Ibid, (ibid.)
P. 397. Frise à droite du chœur. Ibid. [ibid.)
P. 4» 3. — au transept gauche. Ib. [ib.)
(La belle église de Saint-Vincent, précédemment de l'ab-
baye bénédictine du même nom, fut consacrée en 1876 par
l'évêque Thierry Bayer de Boppart. Elle offre un magnifi-
fpje spécimen de l'aix-hitecluredu xiv« siècle.)
CULS-DE-LAMPE. (Dessins de M. Bellevoye.)
P. XXV, 99, a58, a59, 894, 49^» empruntés au Pontificale me-
lense de l'évêque Renaud de Bar, ms. du xiv* s., de la Bibl.
de Metz.
Nota. (Page 99, à la légende, au lieti de R. de Dac. lisez de
Bar.)
P. 409. Scel et contre-scel de Jean l'Aveugle, roi de Bohême,
comte de Luxembourg.
INDEX ICONOGRAPHIQUE. 509
LETTRES ORNÉES. (Dessin de M. Bellevoye.)
P. I, L, d'après le Manuale confessorum.
P. 263, I; p. 317, P; p. 397, N; p. 4i3, D; d'après le Pontifi-
cale de Renaud de Bar.
Explication de la planche de monnaies (p. 3i4).
Double denier de Louis de Poitiers, (Communiqué par M. Gh.
Robert.)
Spadins de Ferry IV de Lorraine, (Collection de la ville de
Metz.)
Gros de Jean de Luxembourg. [Ihid.)
Esterlin du même. [Ibid.)
Tiercelle de Henri d'Apremont. (Communiqué par M. Ch. Ro-
bert.)
Maille tierce d'Edouard de Bar. (Communiqué par M, de
Saulcy.)
Demi-gros de Baudouin de Luxembourg. (Communiqué par
M. l'abbé Ledain.)
P. 4o2- Fac-similé du traité de paix de-mars i326, d'après une
photographie de l'original aux archives de Metz , par
M. Pilinski.
Nota. Ce document, qui porte le n° XII dans le Répertoire diplo-
matique, existe en copie du xv" siècle dans le vol. 718 de la Collec-
tion de Lorraine à la Bibl. Nat. (f" 209). Il y est suivi du document
numéroté XIII dans le même Bépertoire, et du traité d'alliance entre
le comte de Bar et la Cité {n° XXII).
P. 5oi. Carte du pays messin et des Etats voisins, avec les for-
mes des noms de localités empruntées aux titres du xiv" s.
TABLE DES MATIERES.
Préface ix
Introduction i
Poëme, texte et traduction loa
Notes et commentaires 263
Poésies diverses 3i7
Répertoire diplomatique 897
Étude critique du texte. I. Leçons , 4i3
— ■ II. Grammaire 433
— III. Glossaire . . 461
Index onomastique 497
— topographique , 5oo
— chronologique . , 5o5
— iconographique 5o8
piif.
PQ La guerre de Metz en 1324.
1477
G43
1875
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