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Full text of "La guerre de Metz en 1324; poème du 14e siècle. Publié par E. de Bouteiller, suivi d'études critiques sur le texte par F. Bonnardot et précédé d'une préf. par Léon Gautier"

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HANDBOUND 
AT  THE 


UNIVERSITY  OF 


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LA 


GUERRE   DE    METZ 

EN   1324 


Paris.  —  Typographie  Firmin-Didot  i-t  C'%  rue  Jacolj,  56. 


Iv 


GRAND  SCEAU  ET  CONTRE-SCEAU  DE  LA  CITE  DE  METZ 

AU  X1V'=   StÈCLE. 

Martyre  de  saint  Etienne,  patron  du  diocèse. 

Saint  Paul,  apôtre,  patron  du  chapitre  de  la  cathédrale. 

[Ardt.  tniin.  de  Metz.) 


LA 

GUERRE  DE  METZ 

EN   1324 

POÈME  DU  XIV  SIÈCLE 

PUIil.lK 

Par  E.    de   BOUTEILLER 

ANCIKX  DÉPUTÉ  DE  METZ 

SUIVI  D'ÉTUDES  CRITIQUES  SUR  LE  TEXTE 
Par  F.  BONNARDOT 

ancien  élève-pensionnaire  de  l'École  des  Chartes 

ET   PRÉCÉDÉ   d'une  PRÉFACE 

Par  Léon  GAUTIER. 


PARIS 

LIBRAIRIE   FIRMIN-DIDOÏ   ET   C- 

IMPRIMEURS-LIBRAIRES  DE  L'INSTITUT,  RUE  JACOB,  56 

1875 
Tous  droils  réserrés. 


Ifl-J 


\ 


FFB27  1963 


8211677 


Jkd    îœ    Sçvîïe    c^e    JdbetZ'. 


é.    de    '^o/detc/^/'. 


L'auteur  de  cette  publication  doit,  avant  toutes 
choses  ,  exprimer  des  regrets  et  des  remercîments  : 
les  premiers  vont  à  l'adresse  de  M.  le  comte  de 
Puymaigre ,  si  versé  dans  la  littérature  du  moyen 
âge,  avecle  concours  duquel  ce  travail  devait  s'exé- 
cuter. Une  bien  fâcheuse  absence  a  mis  obstacle  à 
cette  collaboration  dont  le  mérite  de  l'ouvrage  se 
serait  si  heureusement  ressenti. 

Quant  aux  remercîments ,  ils  sont  dus  à  ceux 
qui  ont  bien  voulu  comprendre  tout  l'intérêt  poi- 
gnant attaché  au  nom  de  Metz,  et  sans  la  généreuse 
bienveillance  desquels  ce  livre  n'aurait  sans  doute 
pas  vu  le  jour  :  à  MM.  Léon  Gautier  et  Firmin- 
Didot.  C'est  à  eux  que  les  Messins  exilés  devront 
la  consolation  de  voir  cet  honneur  fait  à  la  noble 
cité  qu'une  douloureuse  séparation  leur  a  rendue 
plus  chère  encore. 

L'auteur  a  aussi  à  dire  :  merci  I  aux  fidèles  cor- 
respondants messins  qui  ont  mis  tant  de  cœur  à  sup- 


plëer  un  ami  absent,  poui-  la  vérification  des  élé- 
ments de  son  étude.  Il  doit  le  dire  également  aux 
savants  de  Luxembourg ,  qui  ont,  avec  la  plus  cor- 
diale obligeance,  mis  à  sa  disposition  les  richesses 
de  leurs  archives  et  de  leurs  publications  :  preuve 
ajoutée  à  tant  d'autres,  données  aux  jours  de  misère 
et  de  deuil,  des  sentiments  fraternels  qui,  dans 
toutes  les  fortunes,  unissent  les  Luxembourgeois  aux 
Messins  ! 


PREFACE. 


'A  cilé  de  Metz  «  est  aux  autres 
cités  ce  que  la  rose  est  aux  au- 
tres fleurs  »  :  telle  est  la  compa- 
llil  Hn^il  RII  raison  où  se  plaît  tout  d'abord 
l'auteur  des  vers  naïfs  qui  vont 
être  ici  publiés  pour  la  première 
fois.  Pour  être  simple,  l'idée  n'en 
est  pas  moins  charmante,  et  révèle  un  Messin.  On 
n'a  jamais  aimé  sa  ville  comme  les  Messins  aiment 
leur  Metz.  Cet  amour  n'est  pas  de  ceux  que  certains 
peuples  du  midi  portent  à  leur  patrie  :  il  n'a  rien 
d'efféminé  ni  de  mélancolique.  C'est  une  affection 
grave,  mâle  et  fière.  Oii  sont-ils  ceux  qui  s'en  vont 
répétant  tous  les  jours  que  l'Amour  de  la  patrie  est 
un  sentiment  «  antique  )i,  et  que  nos  races  mo- 
dernes n'en  ont  pas  connu  la  féconde  beauté?  Où 
sont-ils  ceux  qui  prétendent  que  la  virilité  du  ci- 
toyen a  toujours  fait  défaut  aux  nations  chrétien-^ 


l'HEKACE. 


lies?  L'Âlhénien  conttMnpIaiit  les  lignes  idéales  de 
son  Parthénon,  elle  Romain  l'œil  fixé  sur  son  (api- 
toie, n'ont  pas  connu  ce  flot  de  contentement  qui 
traversait  l'aine  du  Messin  à  la  vue  de  sa  chèi'c  ca- 
thédrale et  en  écoutant  le  son  de  la  Mutte.  Il  faut 
les  entendre,  ces  vrais  citoyens,  parler  de  leur 
vieille  cité  libre  :  «  Sa  prospérité,  s'écrient-ils,  était 
«  due  aux  efforts  de  dix  générations  de  patriotes 
((  aussi  intelligents  que  vigoureux.  »  Là-dessus,  ils 
relèvent  la  tête  et  se  perdent  dans  leurs  souvenirs. 
Le  seul  aspect  de  cette  ville  si  profondément  ai- 
mée était  fait,  semble-t-il,  pour  inspirer  un  tel 
amour.  C'étaient  des  gens  d'esprit  que  ces  Belges. 
Certain  jour,  ils  arrivèrent  au  confluent  de  ces  deux 
cours  d'eau  qui  devaient  un  jour  s'appeler  la  Mo- 
selle et  la  Seille.  Ils  s'arrêtèrent  à  la  vue  d'un  vaste 
mamelon  «  qui  était  défendu  par  ses  propres  escar- 
pements et  par  les  eaux  des  deux  rivières  ».  Cette 
race  essentiellement  guerrière  fut  sans  doute  frappée 
de  la  puissance  de  ces  défenses  naturelles  :  il  restait 
vraiment  bien  peu  de  chose  à  faire  pour  construire 
en  ce  lieu  un  repaire  tout  à  fait  inattaquable. 
Comme  le  dit  M.  de  Saulcy,  «  il  suffisait  de  cons- 
truire un  rempart  capable  de  relier  les  deux  cours 
d'eau  du  côté  où  la  colline  s'abaissait  doucement 
et  descendait  au  niveau  de  la  plaine.  »  C'est  ce  qui 
fut  fait.  Et  de  là  cette  «  ville  des  deux  eaux  »,  ce 


PRÉFACE.  XI 

Divodurum  qui  ne  tarda  point  à  prendre  dans  la 
Gaule  une  importance  considérable,  et  dont  l'histoire, 
chose  rare,  est  si  profondément  conforme  à  la  mis- 
sion historique. 

Chaque  nation  ici -bas  reçoit  de  Dieu  une  mission 
spéciale,  avec  un  poste  particulier,  des  instructions 
et  un  mot  d'ordre.  C'est  ainsi,  pour  prendre  un 
exemple  doublement  décisif,  que  la  Hongrie  et  l'Es- 
pagne ont  été  chargées  d'être  au  moyen  âge  les  bar- 
rières vivantes  contre  les  flots  de  l'Islamisme  et  de 
la  Barbarie.  Metz,  elle  aussi,  a  eu  sa  mission.  Elle 
a  été  le  boulevard  providentiel  placé,  depuis  plus  de 
deux  mille  ans,  entre  les  tribus  barbares  qui  avaient 
fait  halte  et  celles  qui  voulaient  perpétuer  les  inva- 
sions. De  l'Orient  il  nous  venait  sans  cesse  de  nou- 
velles inondations  de  peuples,  et  il  fallait,  de  toute 
nécessité,  arrêter  ce  mauvais  courant.  Metz  a  été  la 
digue.  En  d'autres  termes,  Metz  a  été  pour  la 
France  ce  que  la  Hongrie  et  l'Espagne  ont  été  pour 
la  Chrétienté  tout  entière.  Et  telle  est  toute  la  phi- 
losophie de  son  histoire. 

Cette  mission  avait  commencé  avant  les  siècles 
chrétiens.  Une  forte  et  belle  tribu  belge,  les  Médio- 
matrices,  avait  fait  de  Divodurum  sa  capitale.  Ces 
Médiomatrices  étaient  des  hommes.  Hs  avaient  sans 
cesse  leurs  regards  tournés  du  côté  du  Rhin  et  se 
préoccupaient  avant  tout  de  savoir  si  de  nouvelles 


XII  PRÉFACE. 

nuées  d'hommes  ne  venaient  pas  de  la  trop  féconde  ^ 
Germanie.  On  a  dit  avec  raison  qu'ils  étaient  la  senti- 
nelle avancée  de  la  race  gauloise.  Toujours  en  alerte, 
toujours  armés,   toujours  prêts,  ils  étaient  forcés 
par  leur  situation   géographique   d'être  une    race 
vaillante  et  éveillée.  Ils  s'y  hahituèrent  aisément,  et 
transmirent  à  leurs  descendants  ce  tempérament  vi- 
ril qui  est  encore  aujourd'hui  le  caractère  des  Mes- 
sins. Est-il  besoin  de  dire  qu'ils  résistèrent  énergi- 
quement  à  César,  et  faut-il  rappeler  qu'au  nombre 
des  derniers  bataillons  qui  eurent  la   gloire  de  se 
grouper  autour  de  Vercingétorix,  il  y  avait  cinq  mille 
Médiomatrices?  Après  ce  sublime  et  dernier  effort,  la 
vaillante  tribu  vit  que  son  rôle,  loin  d'être  fini,  était 
seulement    transformé.    Avec    cet    esprit    pratique 
qu'on  retrouve  encore  aujourd'hui  dans  le  fond  de 
ce  peuple,  ils  comprirent  soudain  toute  la  supério- 
rité de  leurs  vainqueurs,  et  ces  sentinelles  gauloises 
acceptèrent  volontiers  de  devenir  des  sentinelles  ro- 
maines. (]e  furent  d'excellents  alliés  pour  le  grand 
Empire,  et  qui  montèrent  bien  leur  garde  devant  les 
invasions  barbares,  La  tâche  n'était  pas  mince.  En 
282,  les  Alamans  massacrèrent  cette  héroïque  popu- 
lation. En  45 1,   les.  Huns  brûlèrent  la   noble  ville. 
Le  souvenir  de  cette  effroyable  catastrophe  devait 
rester  longtemps  dans  la  mémoire  des  vaincus.  Les 
Messins,  d'ailleurs,  mirent  sur  le  compte  des  Van- 


PRÉFACE.  XIII 

dales  ou  des  «  Vandres  »  tous  les  désastres  de  cette 
lamentable  époque.  Les  Vandales  cependant  étaient 
ici  bien  innocents.  Une  fois  n'est  pas  coutume. 

Metz  cependant  reconstruisit  ses  murs  brûlés  et 
reprit  placidement  son  poste,  son  rôle,  sa  mission. 

Les  invasions  germaines  avaient  triomphé  avec 
Clovis,  et  les  Franks  étaient  devenus  les  maîtres  d'une 
partie  de  ce  pays  qui  devait  plus  tard  se  nommer 
la  France.  Deux  grands  groupes  se  formèrent  bien- 
tôt. Il  y  eut  la  Neustrie  et  il  y  eut  l'Austrasie.  Il  y 
eut  les  Franks  qui  s'endormirent  dans  la  mollesse  et 
dans  le  vice,  et  il  y  eut  les  Franks  qui  demeurèrent 
virils  et  durent  rester  armés  pour  résister  à  l'enva- 
hissement des  autres  Barbares.  Durant  toute  la  pre- 
mière race,  Metz  fut  le  représentant  le  plus  exact  de 
l'esprit  austrasien.  Or,  c'est  dans  cet  esprit  qu'était 
alors  le  salut  de  la  France,  et  peut-être  du  monde. 
Il  y  a  certains  moments  où  la  terre  est  sauvée  par 
quelques  soldats  au  cœur  fier.  Pépin  d'Héristal, 
Charles  Martel  et  Pépin  le  Bref  furent  ces  soldats. 
Les  Maires  austrasiens  conquirent,  à  force  d'énergie 
et  de  talent,  cette  royauté  que  les  vrais  rois  perdi- 
rent par  excès  de  sottise  et  de  faiblesse.  Metz  fut 
alors  le  centre  de  la  vie  auslrasienne.  Il  y  a  certains 
côtés  par  où  Charlemagne  est  Messin  :  car  Charle- 
magne  a  reçu  de  Dieu,  dans  l'histoire,  le  même  mot 
d'ordre  que  l'ancienne  capitale  des  Médiomatrices, 


XIV  PRÉFACE. 

et  ce  mot  d'ordre  est  celui-ci  :  «  Halte  aux  invasions  !  » 
Ce  n'est  donc  pas  en  vain  que  le  fils  de  Pépin  a 
aimé  le  séjour  de  Metz,  qu'il  y  a  fondé  des  écoles 
et  entrepris  d'autres  établissements.  Le  grand  homme 
et  la  grande  ville  remplissaient  le  môme  rôle  :  ils 
étaient  faits  pour  se  comprendre. 

J'admire  avec  quelle  précision  clairvoyante  les 
Messins  remplirent  leur  mission  providentielle  à  tra- 
vers les  horribles  ténèbres  de  la  féodalité  naissante. 
Tout  ce  qu'il  y  a  d'envahisseurs  dans  notre  vieux 
monde  vient  alors  se  heurter  contre  les  murs  de 
Metz.  Ces  brûleurs  d'églises  et  ces  tueurs  d'hom- 
mes, les  Normands,  furent  chassés  de  ses  murailles 
libératrices  par  un  bras  laïque,  celui  du  comte 
Âdelard,  et  un  bras  clérical,  celui  de  l'éveque  Wala. 
Ce  Wala  fut  le  Gozlin  de  Metz,  et  c'était  en  883. 
Moins  d'un  siècle  après,  les  Hongrois  sont  expulsés 
par  Conrad.  Cependant  la  Lorraine  s'était  providen- 
tiellement formée.  Les  historiens  ne  comprennent 
rien  à  ce  pan  bizarre  de  terrain ,  à  ce  royaume 
étrange  qui  a  d'abord  pour  limites  la  Saône  et  le 
Rliône,  la  Meuse  et  le  Rhin.  Il  semble  cependant 
que  cette  bande  de  terre  chrétienne  a  eu  son  utilité 
dans  le  monde  :  elle  a  servi  de  frontière  et,  encore 
un  coup,  de  boulevard  entre  le  monde  Frank  et  le 
monde  Germain.  A  ce  point  de  vue,  la  Lorraine, 
,   c'est  Metz  prolongée. 


PRÉFACE.  XV 

Cependant  le  moment  était  venu,  pour  la  cité 
messine,  de  se  prononcer  entre  l'Allemagne  et  la 
France  :  il  se  fallait  décider.  Au  milieu  de  mille 
événements  et  accidents  dont  ils  ne  furent  pas  les 
maîtres,  les  Messins  trouvèrent  dans  leur  esprit  pra- 
tique le  secret  de  se  tirer  d'affaire  :  ils  se  rattachè- 
rent dès  980  à  l'Empire;  mais  à  la  condition,  plus  ou 
moins  sous-entendue^  de  garder  leur  très-précieuse 
liberté.  Ce  fut  presque  un  trait  de  génie.  Metz  fut 
une  «  cité  libre  impériale  »,  libre  de  fait,  impériale 
de  nom.  Elle  comprit  que  sa  chère  indépendance 
sauverait  ce  qu'il  y  avait  en  elle  de  plus  auguste  et 
de  plus  grand  :  sa  véritable  origine  et  sa  véritable 
patrie.  Ne  pouvant  s'ériger  en  royaume  entre  la 
Fiance  et  l'Allemagne,  elle  finit  un  jour  par  se  cons- 
tituer en  république.  De  980  à  i25o,  son  histoire 
se  divise  en  deux  chapitres  :  a  lutte  contre  les  Empe- 
reurs ;  lutte  contre  ses  propres  évêques,  qui  préten- 
dent devenir  ses  seigneurs.  »  Au  milieu  du  treizième 
siècle,  le  grand  but  de  Metz  est  atteint  :  elle  est 
libre  sous  le  sceptre  des  empereurs  allemands,  scep- 
tre qu'elle  honore  et  ne  subit  guère.  C'est  une  cité 
«  du  Saint  Empire  germanique  »  qui  parle  fran- 
çais à  plein  gosier  et  se  donne  la  joie  d'être  républi- 
caine au  nez  de  l'Empereur,  sans  jamais  lui  man- 
quer de  respect.  Metz  est  peut-être  la  plus  forte  et 
la   mieux  organisée    de   toutes  les    républiques  du 


XVI  PRÉFACE. 

moyen  âge.  On  ne  la  saurait  comparer  qu'aux  villes 
Italiennes;  mais,  par  plus  d'un  coté,  elle  leur  est 
véritablement  supérieure.  Vous  voyez  que  les  Mes- 
sins sont  de  fins  compères  et  qu'ils  sont  venus  h 
bout,  fort  ingénieusement,  des  Césars  et  de  leur 
fortune. 

C'est  une  chose  merveilleuse,  en  effet,  que  l'orga- 
nisation communale  de  Metz.  En  apparence  rien 
n'est  plus  compliqué;  en  réalité  rien  n'est  plus  simple 
ni  mieux  pondéré.  C'est  le  triomphe  de  l'esprit  pra- 
tique. Pour  en  arriver  à  se  constituer  en  commune, 
les  Messins,  certain  jour,  ont  dû  entrer  en  lutte  avec 
leurs  évêques,  qu'ils  respectaient  et  aimaient  :  ils 
n'ont  pas  hésité  à  le  faire,  et  ont  aisément  trouvé  le 
moyen  de  demeurer  bons  catholiques,  tout  en  se 
montrant  vigoureux  citoyens.  Race  curieuse  à  étu- 
dier et  que  notre  vieux  poëte  a  peinte  en  deux  traits 
charmants  :  a  Les  Messins,  dit-il,  entendent  très-  dé- 
«  votement  la  messe  ;  puis,  chacun  va  à  ses  affaires.  » 
C'est  ainsi  que,  tout  en  sollicllantfort  dévotement  la 
bénédiction  de  ses  évêques,  Metz  a  fini  par  renverser 
très-énergiquement  leur  pouvoir  politique.  En  ré- 
sumé, ce  peuple  avait  deux  adversaires  de  son  in- 
dépendance :  ses  Evêques  et  les  empereurs  d'Al- 
lemagne. Il  a  respectueusement  abattu  la  puissance 
des  premiers  ;  il  s'est  débarrassé  de  la  suprématie 
des  seconds  en  paraissant  l'accepter  et  en  accolant 


PRÉFACE.  XVII 

au  nom  de  sa  cité  l'épithète  «  impériale  »  qui  n'était 
point  gênante. 

Le  terrain  étant  déblayé,  on  bâtit. 
A  la  tête  de  l'État  fut  placé  le  Maître-échevin , 
que  l'on  peut  considérer  comme  le  président  de 
cette  tumultueuse  petite  république.  Pour  bien  at- 
tester la  vivacité  de  leur  confiance  en  leur  église, 
les  Messins  lui  voulurent  réserver  l'élection  de  ce 
premier  magistrat  de  leur  ville,  et  cette  élection,  de- 
puis 1179,  appartint  en  effet  au  primicier  de  la 
cathédrale  et  aux  cinq  abbés  de  Gorze,  de  Saint- 
Arnoult,  de  Saint-Clément ,  de  Saint-Symphorien 
et  de  Saint-Vincent.  Mais  là  se  bornait  l'action  du 
clergé  dans  le  gouvernement  de  cette  cité,  qui,  d'ail- 
leurs, fut  fidèle  autant  que  remuante  et  oii  l'indé- 
pendance n'eut  jamais  les  allures  de  la  révolte.  On 
ne  voulait  pas  de  la  domination  temporelle  de  l'é- 
vêque;  mais  on  acceptait  avec  amour  la  direction 
spirituelle  de  l'Eglise. 

Au  Maître-échevin  les  Messins  abandonnèrent  tout 
d'aboi'd  de  trop  importantes  et  de  trop  nombreuses 
attributions,  et  bien  peu  de  souverains  ont  eu,  au 
moyen  âge,  une  puissance  aussi  incontestée.  Mais  un 
jour  il  arriva  que  ces  bourgeois,  jaloux  de  leur  in- 
dépendance, trouvèrent  excessif  un  pouvoir  dont  ils 
n'avaient  pas,  à  l'origine,  su  bien  régler  les  propor- 
tions. Et  ils  se  décidèrent  sagement  à  le  restreindre. 


XVIII  PRÉFACE. 

Au  dessous  du  Maître-échevin  se  tenaient  fière- 
ment les  vingt  Echevins  qni  formaient  son  conseil  et 
furent  longtemps  nommés  par  lui.  Un  tribunal  spé- 
cial, celui  des  Treize,  exerçait,  avec  eux  et  en  pre- 
mier ressort,  la  magistrature  judiciaire.  Concurrem- 
ment avec  les  trois  Mayeurs,  ils  administraient  la 
justice  dans  les  trois  mairies  de  Porte-Muselle ,  de 
Port-Sailly  et  d'Outre-Moselle,  dont  dépendaient  ces 
deux  cent  quatorze  villages  qui  étaient  en  quelque 
manière  le  rayonnement  magnifique  de  la  cité  mes- 
sine. Aux  Eswardeurs  était  réservé,  en  de  certains 
cas  et  à  de  certaines  époques,  l'examen  des  mêmes 
affaires.  Les  «Sept  de  la  guerre  »  (magistrature  qui 
fut  précisément  créée  à  l'occasion  de  la  guerre  de 
1 324)  étaient,  comme  leur  nom  l'indique,  chargés 
des  affaires  de  la  guerre  et  de  l'organisation  de  la 
résistance.  Tous  ces  membres  du  Gouvernement 
messin  se  réunissaient  en  des  Assemblées  oîi  chacun 
d'eux  avait  voix  délibérative  :  les  intérêts  du  peuple 
y  étaient  représentés  parles  vingt  cinq  Comtes  des 
paroisses.  Cependant  un  corps  de  mercenaires,  les 
Soldoyeurs,  veillaient  sans  cesse  à  la  défense  de  la 
cité  qui  les  payait  bien  et  les  recrutait  surtout  parmi 
les  pauvres  chevaliers  allemands  ou  français.  Puis,  on 
voyait  sur  les  remparts,  en  temps  de  guerre,  des 
soldats  improvisés  qui  montaient  gravement  leur  fac- 
tion, les  yeux  fixés  sur  l'ennemi.  C'étaient  les  gens 


l>r,Él-ACE.  XIX 

des  Métiers.  Les  Corporations  semblent  avoir  été, 
dans  cette  ville  militaire,  plus  fortement  organisées 
que  partout  ailleurs,  et  on  leur  avait  notamment 
confié  la  défense  de  toutes  les  tours  qui  faisaient  une 
si  belle  couronne  à  Metz.  Ces»  sortes  de  gardes  na- 
tionaux attachaient  un  grand  prix  à  ce  privilège  et 
surent  plus  d'une  fois  s'en  montrer  dignes. 

Et  telle  était,  dans' ses  principaux  traits,  la  cons- 
titution de  cette  noble  cité  messine,  qui  fut  à  l'apo- 
gée de  sa  puissance  vers  le  milieu  du  quatorzième 
siècle. 

Toutefois,  cette  constitution,  dont  nous  venons 
d'esquisser  le  tableau,  n'était  que  la  constitution  of- 
ficielle. Il  y  avait  quelque  chose  au-dessous  :  il  y 
avait  un  substratiim  vivant  ;  il  y  avait  un  milieu  où 
se  puisaient  tous  les  éléments  ,  où  se  recrutaient 
tous  lejs  membres  de  cette  puissante  organisation 
communale.  Quand  il  n'y  a  plus  de  vie  intime  dans 
un  Ordre  religieux,  cet  Ordre  meurt;  quand  il  n'y 
a  pas  dans  une  Commune  une  puissante  oligarchie 
bourgeoise,  cette  Commune  est  en  danger  de  mort. 
Or  Metz  eut  l'heureuse  fortune  de  posséder  cette 
oligarchie,  et  ce  furent  ces  très-célèbres  paraiges 
dont  n'avons  pas  encore  eu  à  prononcer  le  nom. 
On  appelait  de  la  sorte  six  grandes  associations  de 
familles  bourgeoises,  six  \as\.es  co^nationes  onparen- 
telm  qui  arrivèrent,  par  la  force  des  choses,  à  exer- 


XX  PRÉFACE. 

cer  dans  la  cité  une  prépondéraïuc  sans  rivale.  Ce 
patriciat  était  à  la  fois  en  possession  d'une  grande 
partie  de  la  fortune  publique  et  de  tous  les  pouvoirs 
de  l'Etat.  C'est  à  lui  qu'appartenait  en  réalité  le  gou- 
vernement de  la  Commune,  et  son  action  dirigeante 
s'exerçait  par  des  commissions  permanentes  ,  les 
Septeries  et  les  Treizeries,  lesquelles  étaient  exclusi- 
vement formées  dans  son  sein.  Le  Maître-échevin 
(c'est  tout  dire)  devait  être  pris  dans  ses  rangs,  et 
c'est  avec  raison  (jue  les  éditeurs  de  la  Guerre  des 
quatre  rois  ont  donné  à  lem*  livre,  pour  principale 
illustration,  les  armes  des  paraiges,  Porte-Muselle, 
Jurue,  Saint-Martin,  Port-Sailly  et  Outre- Seilh^, 
auxquels  il  faut  joindre  le  Commun.  L'histoire  de 
Metz  est  inséparable  de  l'histoire  de  cette  aristocra- 
tie «  paraigienne  »  ,  et  l'on  ne  peut  séparer  ce  que 
le  passé  a  si  intimement  uni. 

Nous  nous  la  figurons  volontiers,  cette  antique  et 
fière  cité  de  Metz;  nous  nous  la  figurons  au  mo- 
ment où  la  guerre  de  13^4  va  éclater.  Elle  est  assise 
au  milieu  d'un  groupe  de  collines  riantes  qui  sont 
chargées  de  vignobles,  et  n'est  point  sans  ressem- 
bler quelque  peu  à  la  belle  Florence.  Telle  est  du 
moins  l'opinion  des  Messins;  mais  il  ne  faudrait  pas 
demander  aux  Morentins  de  la  partager  trop  vive- 
ment. A  tout  le  moins,  la  cathédrale  de  Metz  vaut 
bien  Sainte-Marie-des-Fleurs  et  offre  un  profd  plus 


PRÉFACE.  XXI 

architectural.  Çà  et  là,  sur  l'azur  de  ce  ciel  dont 
notre  poëte  exagère  peut-être  la  douceur  et  les  par- 
fums, les  vingt   paroisses  et  les  dix  abbayes   de  la 
vieille  ville  font  monter  les  flèches  de  leurs  églises 
d'où  partent  de  beaux  sons  de  cloches.  Voici  là-bas 
l'hôpital  Saint-Nicolas  ou  du  Neuf-Bourg,  que  les 
bourgeois  administrent  eux-mêmes ,  et  voilà  par  ici 
le  dédale  des  rues  marchandes  de  l'active  et  labo- 
rieuse cité.  Trois  jours  par  semaine,  c'est  marché,  et 
il  faut  voir,  ces  jours-là,  l'étonnant  mouvement  de 
la  ville  et  des  faubourgs .  Commerce  d'argent,  com- 
merce de  blé  et  de  vins,  c'est  ce  qui  attire  à  Metz  le 
plus  d'acheteurs ,   sans  parler  de  l'armurerie,  qui, 
dans  un  pays  si  militaire,  doit  occuper  et  occupe  en 
effet  de  nombreux  ouvriers.  Et  le  soir,  quelle  belle 
lumière  projettent  toutes  ces  lanternes  qui  sont  sus- 
pendues aux  maisons  !  Mais  ce  qu'il  y  a  de  meilleur 
à  Metz,  ce  sont  les  Messins.  Contemplons  celui-ci 
qui  passe,  là,  dans  la  rue,  et  fredonne  en  ce  mo- 
ment l'un   des  vers  les  plus    fiers  de  notre  vieux 
poëme  :  Metz  est  la  mère  de  jrancliise.  Abordons- 
le  et,  comme  un  véritable  reporter^  accablons-le  de 
questions  indiscrètes.   A.u  seul  nom  de  sa  ville  na- 
tale, il  se  redresse  :  «  Nous  sommes  une  ville  libre,  » 
s'écrie-t-il.  Puis,  il  ajoute  d'une  forte  voix  :  «  Nous 
«  sommes  très-riches.  —  Et  que  faites-vous  de  tant 
«  d'argent?  —  Nous  le  prêtons.  —  N'est-ce  pas 


XXU  l'HÉIACK. 

((  bien  imprudent?  —  Oli!  nous  exigeons  de  bons 
«  gages.  —  Et  quels  sont  vos  emprunteurs  ?  —  Des 
((  seigneurs  et  des  chevaliers  qui  ont  gaspillé  les 
«  trois  quarts  de  leur  fortune  et  veulent  perdre  le 
«  reste.  Oui,  oui,  l'on  prête  à  Metz  bien  de  I  ar- 
ec gent.  »  Là-dessus,  notre  gros  bourgeois  se  ren- 
gorge :  «D'ailleurs,  dit-il,  on  est  très-aumônier 
«  chez  nous.  Venez,  venez  voir  le  nouvel  hôpital 
a  que  nous  bâtissons.  »  Et  il  s'éloigne  en  sifïlant 
ces  autres  vers  de  la  Guerre  des  quatre  rois  :  «  La 
gent  de  Metz  est  moult  pitouse  ;  —  Ele  paist  la 
gent  souffreteuse.  »  Mais  le  brave  Messin  n'a  pas 
tout  dit  sur  ses  concitoyens.  Il  n'a  point  parlé  de 
leur  esprit  pratique  et  un  peu  formaliste  ;  ni  de  leur 
prudence  en  affaires,  qui  se  concilie  étrangement 
avec  leur  amour  pour  les  fêtes ,  les  théâtres  et  le 
plaisir  ;  ni  surtout  de  leur  très-profond  amour  pour 
leur  pays.  Il  n'a  pas  dit,  —  mais  c'est  notre  devoir 
de  le  dire  en  sa  place,  —  que  ce  qui  caractérise  le 
mieux  les  citoyens  et  la  cité,  c'est  cette  vitalité  puis- 
sante, avec  cette  fierté  civique  dont  la  Guerre  des 
quatre  rois  va  tout  à  l'heure  nous  fournir  tant 
d'exemples;  c'est  cet  entêtement  de  tout  un  peuple 
à  vouloir  rester  le  seul  maître  de  sa  destinée  ;  c'est 
enfin  cette  belle  et  opiniâtre  fidélité  à  la  mission 
que  Metz  avait  reçue  de  Dieu.  Et  cette  mission  con- 
sistait à  interposer  entre  la  France  et  l'Allemagne 


PUEtACK.  xxm 

une  bande  de  terre  indépendante,  une  nation  virile 
et  forte  ;  elle  consistait,  en  d'autres  termes,  à  être 
le  boulevard  français  de  la  France. 

La  Guerre  des  quatre  rois,  que  M.  de  Bouteiller 
va  raconter  à  nos  lecteurs  dans  sa  curieuse  et  vivante 
Introduction ,  n'est  qu'un  épisode  de  cette  longue 
histoire.  A  dire  le  vrai  et  à  bien  pénétrer  le  fond 
des  choses,  il  semble  que  les  Messins  n'ont  pas  été, 
en  cette  occasion,  sans  fournir  quelque  grief  légitime 
à  leurs  quatre  ennemis.  Emportés  trop  loin  par  leur 
fierté  patriotique,  ils  s'arrogeaient  volontiers,  dans 
toutes  les  seigneuries  voisines  où  ils  acquéraient  des 
fiefs,  le  droit  singulier  de  ne  point  acquitter  les  droits 
seigneuriaux.  De  là  ces  colères  et  ces  haines  qui 
éclatèrent  en   i'5'll^.  11  ne  faudrait  pas,  d'ailleurs, 
faire  la  part  trop  belle  aux  «quatre  rois  »  :  il  est  cer- 
tain que  deux  d'entre  eux  (le  comte  de  Bar  et  le 
duc  de  Lorraine)  étaient  alors  chargés  de  dettes,  et 
que  leurs  créanciers  étaient  Messins.  Puis,  celte  cité 
était  si  riche,  si  renommée,  si  belle;  elle  s'épanouis- 
sait au  soleil  avec  de  si  puissantes  séductions  !  On  va 
voir  quelles  furent  les  péripéties  de  cette  lutte  entre 
des  seigneurs  trop  avides  et  une  ville  qui  fut  par- 
fois un  peu  trop  fière.  Malgré  les  prodiges  de  valeur 
que  les  Messins  accomplirent  sous  les  murs  de  leui' 
ville,  malgré  la  beauté  de  leur  résistance,  il  paraît 
prouvé  qu'ils  durent,  en  fin  de  compte,  faire  droit 


PREFACE. 


aux  justes  réclamations  de  leurs  puissants  adver- 
saires et  s'engager  à  remplir  désormais  toutes  leurs 
obligations  féodales  dans  les  fiefs  qu'ils  possédaient 
hors  de  Metz.  Néanmoins,  ils  en  arrivèrent  à  cet  ad- 
mirable résultat  de  ne  pas  laisser  violer  l'enceinte 
de  leur  cité.  L'ennemi  n'y  put  pénétrer,  et  les  Mes- 
sins purent  répéter  fièrement  le  vers  de  notre'poëte  : 
Metz  tout  le  pnls  fait  trembler. 

MM.  de  Bouteiller  et  Bonnardot  ont  publié  ce 
vieux  poëme  avec  la  même  ardeur  et  la  même  pa- 
tience que  s'il  se  fût  agi  d'une  autre  Chanson  de 
Roland.  11  est  trop  vrai  cependant  que  cette  chro- 
nique rimée  n'est  pas  un  chef-d'œuvre.  Mais  c'est 
si  bonhomme  et  si  fier;  c'est  si  exact  et  si  vivant! 
—  A  M.  de  Bouteiller  revient  l'honneur  d'avoir 
eu  la  pensée  de  l'œuvre  el  d'en  avoir  conçu  le 
plan.  C'est  à  lui  qu'appartiennent  encore  l'Intro- 
duction, les  Notes  historiques  et  la  Traduction  de 
ce  précieux  document.  M.  Bonnardot  a  revisé  le 
Texte  et  est  l'auteur  des  Notes  philologiques,  de  la 
Grammaire  et  du  Glossaire  :  il  y  a  fait  preuve  de 
cette  sagacité  critique  qui  nous  fait  désirer  si  vive- 
ment la  publication  de  son  Recueil  des  chartes  fran- 
çaises de  Metz.  M.  Hurèl  (un  Messin)  a  dessiné  de 
son  crayon  le  plus  fin  el  gravé  de  son  burin  le  plus 
délicat  les  charmants  ornements  de  ce   livre,  qui 


PRÉFACE.  XXV 

sont  tous  empruntes  aux  manusci'its  et  aux  monu- 
ments figurés  de  sa  cité  natale.  Tous  s'accordent 
pour  dédier  leur  œuvre  à  la  très-chère  ville  de  Metz. 
Et  moi,  je  lui  offre  aussi  ces  quelques  pages  où 
je  voudrais  avoir  parlé  en  bons  termes  de  sa  gloire 
passée.  Hélas  !  pourquoi  prononcer  le  mot  «  gloire  »? 
Et  n'est-ce  pas  plutôt  le  cas,  en  présentant  à  Metz 
cette  humble  offrande,  de  lui  appliquer  ce  vers  d'un 
poëte  contemporain  :  «  Ne  trouvant  qu'un  tom- 
«  beau ,  je  le  couvre  de  fleurs.  » 

Léon  GAUTIER. 


INTRODUCTION. 


'histoire    de    la    guerre   de 
1824,  bien  que  préparée  par 
ses  contemporains  au  moyen 
des  docunienls  les  plus  inté- 
ressants, n'a  pas,  occupé  dans 
les  Annales  messines  la  place 
qu'elle  mérite  d'y  tenir.  Cette 
1  réflexion    est    permise    alors 
Bibi.  de  Metz,  xivc  ».     '    qu'on  cn  cherche  le  récit  dans 
I      deux  ouvrages  d'érudition  classiques   en  ce  qui 
concerne  Metz  et  la  Lorraine,  F  histoire  de  cette 
ville  par  les  religieux  Bénédictins,  et  la  grande 
histoire  de  Lorraine  de  dom  Galmet.  Le  premier 
de  ces  ouvrages,  en   effet,  n'en  offre  qu'un  ta- 
bleau   incomplet,   décousu,   à  peine  intelligible. 
Cette  œuvre,  digne  de  tous  les  respects,  et,  sous 
bien  des  rapports,  pleine  d'autorité  comme  tout 


2  I-NTROOLCTION. 

ce  qui  est  l'œuvre  de  l'illustre  Congrégation,  est  tout  à 
lait  inférieure  à  elle-même  dans  les  quelques  pages 
consacrées  à  ces  événements.  Les  sources  cependant 
éiaient  loin  de  faire  défaut  à  ses  auteurs.  Mais  il  est 
certain  qu'ils  n'en  ont  pas  tiré  le  parti  qu'on  pouvait 
en  attendre,  et  que  le  précis  de  la  guerre  de  1824  res- 
tait à  écrire  après  eux.  Ainsi,  la  révolte  populaire,  qui 
forme  un  des  actes  les  plus  saisissants  du  drame,  est  à 
peine  l'objet  d'une  esquisse  fort  imparfaite  et  mal  à 
propos  caractérisée  par  une  prétendue  trahison  du 
maitre-échevin.  Quanta  la  paix  finale  qui  remit  toutes 
choses  à  leur  place,  elle  n'est  même  pas  indiquée. 

L'histoire  de  dom  Calmet  ne  se  recommande  pas 
davantage  par  la  netteté  du  récit  ;  là  encore  la  lumière 
qui  éclaire  les  événements  sous  leur  jour  vrai  fait 
presque  entièrement  défaut. 

C'est  cette  raison  qui  justifie ,  aux  yeux  de  l'auteur 
de  ce  livre,  les  développements  qu'il  a  cru  devoir  don- 
ner à  V Introduction  qui  va  suivre.  Si  le  récit,  quelque 
peu  complet  et  méthodique,  de  ces  événements  exis- 
tait quelque  part,  ailleurs  que  dans  les  fidèles  et  cu- 
rieuses chroniques  messines  du  temps,  il  eût  été  meil- 
leur pour  tout  le  monde  que  l'on  put  se  contenter  d'y 
renvoyer  le  lecteur.  Mais  il  a  eu  le  regret  de  ne  pas 
trouver,  sinon  dans  un  ouvrage  malheuleusement 
resté  inachevé  et  devenu  fort  rare  (i),  le  tableau  détaillé 
de  la  guerre  de  1824  tracé  dans  des  conditions  d'en- 

(I)  Metz  depuis  dix-huit  siècles^  [tar  Emile  Begiii,  3  toi.  gr.  iii-8*>. 
Meizj  Verronnais,  1845; 


liM'RODUCÏlON.  3 

tière  exactitude  et  de  précision  parfaite.  Il  lui  a  donc 
fallu  s'acquitter  de  cette  tâche  ;  mais,  en  le  faisant,  il 
a  surtout  cherché  à  laisser  la  parole  aux  chroniqueurs 
contemporains  et  aux  rédacteurs  des  pièces  officielles 
que  les  archives  de  Metz  et  des  pays  voisins  ont  heu- 
reusement conservées.  Il  n'a  donc  fait  qu'écrire  son 
récit  sous  la  dictée  de  ces  véridiques  témoins  des  évé- 
nements qu'il  rapporte. 


I. 


Metz,  jadis  capitale  du  royaume  d'Austrasie,  puis 
du  royaume  de  Lorraine,  avait  été,  après  l'écroule- 
ment de  l'empire  carlovingien,  l'ohjet  des  convoitises, 
successivement  victorieuses,  de  la  France  et  de  la 
Germanie.  L'accord  intervenu,  en  980,  entre  le  roi  de 
France  Lothaire  et  l'empereur  d'Allemagne  Othon  II, 
la  rattacha  définitivement  à  cette  dernière  puissance. 
On  la  vit  dès  lors,  pendant  deux  siècles  etdemi,  main- 
tenir contre  l'autorité  des  empereurs,  puis  contre  celle 
de  ses  évêques,  un  état  permanent  de  résistance  armée, 
et  arriver  enfin  à  se  constituer  à  l'élat  de  cité  libre  et 
impériale. 

Cependant,  dans  plusieurs  villes  du  voisinage^  l'au- 
torité des  prélats  n'avait  fait  que  s'affermir,  et,  soit 
par  les  concessions  des  empereurs,  soit  par  d'heu- 
reuses et  progressives  usurpations,  ils  avaient  fini  par 
devenir  souverains.  On  peut  se  demander  pourquoi 
les  évêques  de  Melz,  animés  d'une  égale  ambition^  en 


4  INTRODUCTION. 

possession  d'une  égale  puissance,  ne  réussirent  à  relâ- 
cher les  liens  qui  unissaient  la  cité  à  l'empire  que  pour 
se  heurter  à. une  résistance  nationale  plus  forte  qu'eux, 
alors  surtout  que  reffacenicnt  successif  des  grands 
officiers  impériaux,  comtes  et  voués,  semblait  de- 
voir si  bien  favoriser  leurs  prétentions  à  l'autorité  su- 
prême. 

C'est  que  le  peuple  messin ,  dans  le  cœur  duquel  le 
sentiment  des  franchises  municipales  n'avait  pas  cessé 
de  vivre  avec  une  intensité  singulière,  et  qui ,  de  son 
ancien  litre  de  municipe  romain,  avait  conservé,  à  tra- 
vers toutes  les  transformations  politiques,  de  précieux 
privilèges,  s'était  mis  résolument  en  travers  de  ces 
prétentions.  Après  bien  des  années  de  luttes  san- 
glantes, de  troubles  intérieurs,  de  succès  et  de  dé- 
faites, c'est  le  pouvoir  municipal  qui  reste  le  maître. 

Dès  le  premier  quart  du  \if  siècle,  en  effet,  les  Mes- 
sins ont  un  maître-échevin  auquel  ils  obéissent  :  une 
habile  évolution,  tentée  par  l'évoque  Pertram,  ne  fait 
que  retarder  un  peu  le  jour  de  l'affranchissement 
complet. 

Vers  le  milieu  du  xiii®  siècle  le  but  est  atteint,  la 
cité  est  libre  et  autonome ,  sous  l'autorité  de  droit 
de  l'empereur.  L'évêque  n'est  plus  désormais  que  le 
chef  d'une  religion  auguste ,  qu'entourent  tous  les 
respects  sur  le  terrain  spirituel,  mais  à  la  condition 
qu'il  n'en  sortira  pas.  Il  conserve  cependant  certains 
droits,  faibles  restes  de  l'autorité  de  fait  qui  a  été 
entre  ses  mains.  La  monnaie  est  à  lui,  il  donne  l'in- 


INTRODUCTION. 


vestiture  aux  magistrats  chargés  de  rendre  la  justice  ; 
mais  il  a  transporté  à  \  ic  le  siège  de  sa  souveraineté 
temporelle.  Il  n'a  plus  aucune  part  dans  le  gouverne- 
ment de  la  cité,  et  les  Messins,  en  possession  d'une 
constitution  oligarchique  basée  sur  l'élection ,  peuvent 
se  dire  le  peuple  le  plus  vraiment  libre  et  indépen- 
dant qui  soit  au  monde. 

La  sagesse  avec  laquelle  leur  code  politique  a  été 
conçu,  la  prudence  qui  en  a  fait  écarter  les  dangers  de 
l'élection  populaire,  leur  gravité  naturelle,  leur  équité 
proverbiale,  leur  absence  d'ambition ,  ajoutent  à  cette 
précieuse  liberté  toutes  les  garanties  dont  elle  a  besoin 
pour  ne  pas  tomber  dans  la  licence  et  dégénérer  en 
une  fatale  anarchie. 

Seulement,  ils  sont  isolés,  et  entourés  de  voisins 
aussi  ambitieux  que  cupides,  et  là  réside  pour  eux  le 
danger.  Il  faut  que  la  cité  se  suffise  à  elle-même  : 
c'est  à  ce  prix  qu'elle  a  obtenu  des  empereurs  son 
affranchissement  des  charges  communes.  Mais  elle 
est  à  la  hauteur  d'une  situation  qui  exige  autant  de 
vigilance  que  d'énergie  :  au  moyen  de  ses  fortes  mu- 
railles, d'une  organisation  militaire  puissante  dans  sa 
simplicité  ,  d'une  diplomatie  habile  et  féconde  en  res- 
sources, elle  parvient  à  se  soustraire  jusqu'à  la  fin  aux 
périls  que  d'ardentes  convoitises,  celles  des  ducs  de 
Lorraine  surtout,  ne  cessent  de  lui  susciter. 

Administrée  avec  une  rare  sagesse  et  un  patrio- 
tisme éclairé  ,  cette  cité  a  sa  force  principale  dans  sa 
bourgeoisie,   classe  dirigeante  par  droit  héréditaire. 


0  INTRODUCTION. 

dont  la  subdivision  en  paraîges^  ou  associations  poli- 
tiques permanentes,  donne  à  son  histoire  un  cachet 
particuhèrement  original  et  intéressant  (i).  Ces  asso- 
ciations, rattachées  par  un  lien  commun,  ont  fmi,  dès 
les  dernières  années  du  xiii*  siècle,  par  absorber  en 
elles  toutes  les  forces  actives  de  la  cité.  Tous  les  em- 
plois administratifs  leur  sont  réservés.  Elles  peuvent 
dire  en  toute  vérité  :  «  L'Etat,  c'est  nous.  » 

Mais  ce  n'est  pas  encore  assez  pour  celte  bourgeoi- 
sie messine  que  d'associer  la  possession  du  pouvoir  civil 
au  commandement  militaire  des  forces  de  la  cité  :  elle 
sait  encore  y  joindre  la  pratique  d'opérations  de  ban- 
que, d'affaires  commerciales,  de  créations  industrielles, 
à  la  faveur  desquelles  sa  situation  de  fortune  prend 
un  prodigieux  essor.  On  reste  étonné  de  la  facilité 
avec  laquelle  s'ouvrent  les  coffres  de  ses  opulents  bour- 
geois, toutes  les  fois  qu'un  grand  personnage  du  voi- 
sinage, duc,  évêque  ou  comte,  a  des  besoins  extraor- 
dinaires. Des  sommes,  énormes  pour  l'époque,  en 
sortent  en  échange  de  garanties  mobilières  ou  terri- 
toriales. 

Prenons  un  seul  exemple  :  Edouard  de  Bar  a  besoin 
de  payer  sa  rançon  en  i3i5.  Il  trouve  chez  une  bour- 
geoise de  Metz,  dame  Poince,  femme  de  Nicolas  de 
la  Court,  à  emprunter  19,000  livres  de  bons  petits 
tournois  et  1 12  sols  d'or  en  pour  la  sûreté  desquels  il 
engage  plusieurs  seigneuries. 

(1)  Voir  l'exceUent  ouvrage  de  M.  Aug.  Prost,  intitulé  le  Patrlcïal 
dans  la  cité  de  Metz  (l  vol.  in-S»,  Paris,  1873). 


INTRODUCTION.  7 

Le  renom  proverbial  de  Metz  la  Riche  allait  chaque 
jour  grandissant.  Mais  la  richesse  entraîne  souvent  à 
sa  suite  la  recherche  des  satisfactions  de  la  vanité,  et 
les  Messins  n'échappent  pas  au  désir  de  s'élever  dans 
la  hiérarchie  sociale,  A  partir  du  moment  où ,  entrant 
dans  cette  voie ,  ils  délaissent  les  principes  démocra- 
tiques qui  avaient  présidé  à  l'établissement  de  la  ré- 
publique ,  le  besoin  de  tenir  des  fiefs  et  des  terres 
nobles  et  d'avoir  des  châteaux  se  généralise  rapide- 
ment parmi  eux.  Tous  les  domaines  du  territoire  de 
la  cité  ne  tardent  pas  à  être  possédés  à  titre  de  francs- 
alleux,  et,  chose  beaucoup  plus  grave,  on  voit  un 
grand  nombre  de  Messins  acquérir  des  fiefs  dans  les 
principautés  avoisinantes  ,  le  plus  souvent  sans  l'auto- 
risation du  suzerain,  et  avec  la  prétention  de  ne  pas 
s'acquitter  du  service  dû  par  les  feudataires ,  leur 
titre  de  citoyens  de  Metz  devant,  dans  leur  convic- 
tion, les  affranchir  de  toute  obligation  à  cet  égard. 
II  y  eut  là  une  source  de  sérieuses  difficultés  qui 
ne  furent  pas  étrangères  aux  événements  que  nous 
verrons  se  dérouler. 

Du  reste,  au  moment  où  se  préparait  contre  la  cité 
de  Metz  le  plus  violent  orage  qui  eût  encore  grondé 
contre  elle ,  elle  voyait  fonctionner,  selon  leur  jeu  le 
plus  régulier,  le»itislitutions  qu'elle  s'était  données  et 
grandir  de  jour  en  jour  sa  prospérité.  Plus  d'une  fois 
elle  avait  eu  à  tirer  l'épée  dans  des  querelles  assez  sé- 
rieuses contre  son  évêque ,  contre  le  duc  de  Lorraine 
ou  le  comte  de  Bar;  mais  ^lle  était  toujours  sortie  avec 


INTRODUCTION. 


gloire  de  ces  épreuves.  Aussi,  convaincue  que  l'union 
tle  ses  citoyens  et  la  solide  organisation  de  son  gouver- 
nement lui  donnaient  une  force  supérieure  à  tous  les 
mauvais  vouloirs  du  dehors,  elle  marquait  sa  confiance 
en  elle-même  par  cette  fière  devise,  qui  existe  encore 
aujourd'hui  gravée  au-dessus  de  la  porte  Sainte- 
Barbe  : 

2lt)0n6-n0U6  paijf  ^f^ane,  nom 
auoiiô  paix  î>fl)c»V6. 

Mais  l'application  du  principe  d'association  allait 
lui  faire  connaître  de  nouveaux  périls,  et  ce  n'était 
pas  trop,  pour  leur  faire  face,  de  tout  ce  qu'il  y  avait 
en  elle  de  ressources  et  de  patriotisme. 


II. 


Il  faut  mettre  maintenant  en  scène  les  redoutables 
ennemis  qui  se  préparaient,  en  i324,  à  lever  contre 
Metz  l'étendard  de  la  guerre;  guerre  qui,  en  raison  de 
leur  nombre  et  de  la  dignité  de  l'un  d'entre  eux,  a  été 
appelée,  dans  les  chroniques,  la  Guerre  des  quatre  rois. 
Un  seul  en  réalité,  Jean  de  Luxembourg,  portait  la 
couronne  royale  de  Bohême;  le  second,  Baudoin, 
était  archevêque  de  Trêves  ;  les  deux  autres  étaient 
Ferry  IV,  duc  de  Lorraine,  et  Edouard  P',  comte  de 
Bar.  Nous  aurons  ensuite  à  faire  connaître  sommai- 
rement la  situation  générale  du  pays  et  à  démêler 


INTRODUCTION.  9 

les  motifs  de  la  guerre,  tant  clans  les  questions  tou- 
chant à  la  politique  que  dans  celles  où  l'intérêt  per- 
sonnel était  surtout  en  jeu. 

Jean  de  Luxenibouifr  était  fils  du  comte  Henri  IV 

o 

de  Luxembourg,  empereur  en  i3o8  et  mort  en  i3i3, 
grand  homme  de  guerre  et  grand  homme  de  bien. 
Son  mariage  avec  Elisabeth,  fille  de  Wenceslas,  roi 
de  Bohême,  lui  avait  donné,  dès  sa  première  jeunesse, 
la  couronne  de  ce  royaume.  Il  avait  moatré,  dans 
Texercice  d'une  autorité  souveraine  vivement  disputée, 
d'éminentes  qualités  comme  prince  et  comme  cheva- 
lier. Ces  mêmes  qualités,  il  les  avait  fait  voir  dans  la 
longue  et  sanglante  querelle  de  la  double  élection  à 
l'Empire.  Les  droits  de  Louis  de  Bavière  n'avaient  pas 
eu  de  plus  vaillant  défenseur.  Depuis  peu  ,  dégagé  des 
grands  soins  de  ces  affaires,  il  venait  de  terminer,  avec 
le  comte  de  Namur,  une  querelle  très-vive  contre  l'évè- 
que  de  Liège,  et  enfin,  dégoûté  par  les  difficultés  renais- 
santes qu'il  rencontrait  en  Bohême,  il  semblait  résolu 
à  se  tenir  surtout  dans  ses  Etats  héréditaires  et  à 
se  consacrer  à  leur  prospérité.  Or,  quelle  idée  plus 
naturelle  pouvait  venir  à  ce  prince  belliqueux  et  habi- 
tué aux  grandes  choses,  que  de  chercher  à  agrandir 
ses  domaines  et  à  faire  du  Luxembourg  un  Etat  plus 
important  par  son  étendue  et  ses  richesses? 

Baudoin  de  Luxembourg,  archevêque  de  Trêves, 
oncle  du  roi  Jean,  avait  été  appelé,  en  i3o8,  à  peine 
âgé  de  vingt-trois  ans,  à  succédera  Dielher  de  Nassau, 
sur  le  siège  épiscopal  de  cette  illustre  Eglise.   Uni  à 


10  INTRODUCTION. 


son  frère  et  à  son  neveu  par  la  plus  tendre  et  la  plus 
fidèle  amitié,  il  avait  pris  une  part  très-active  aux 
événements  tumultueux  qui  avaient  rempli  le  règne 
de  Henri  VII  et  suivi  la  mort  de  ce  prince.  Il  joua 
un  rôle  doublement  considérable  dans  ces  graves  con- 
flits, et,  vaillant  homme  de  guerre  autant  que  profond 
politique,  rendit  de  signalés  services  à  ceux  dont  il 
avait  embrassé  la  cause.  On  pouvait  être  assuré  que 
tout  projet  favorable  aux  intérêts  de  son  neveu  et  à  la 
gloire  de  sa  maison  trouverait  en  lui  un  énergique  et 
constant  appui.  Son  alliance  avec  le  roi  Jean  n'était 
donc  que  la  conséquence  naturelle  des  sentiments  qu'ils 
avaient  l'un  pour  l'autre. 

Quant  à  Ferry  IV,  successeur,  en  i3ia,  de  son  père, 
Tliiébaut  II,  sur  le  trône  ducal  de  Lorraine,  il  aimait 
la  guerre  pour  la  guerre,  avec  cette  humeur  aventu- 
reuse héréditaire  dans  sa  glorieuse  maison.  Ce  n'é- 
tait pas  pour  rien  qu'il  avait  gagné  le  surnom  de 
Luitteur.  Epoux  d'Isabelle  d'Autriche,  fille  de  l'em- 
pereur Albert,  il  avait,  après  plusieurs  guerres  locales 
sans  grande  importance,  pris  une  part  sérieuse  à  celle 
des  deux  empereurs.  Mais,  vaincu  et  fait  prisonnier,  il 
n'avait  recouvré  la  liberté  qu'au  prix  de  4>ooo  livres 
de  rançon  :  un  emprunt  aux  caisses  messines  lui  avait 
permis  de  les  payer  sans  retard. 

Il  était  dans  la  force  de  l'âge  et  plein  de  cette  ar- 
deur guerrière  qui  devait,  trois  ans  plus  tard,  l'emme- 
ner sur  le  champ  de  bataille  de  Cassel  pour  y  trouver 
une  mort  glorieuse  sous  les  étendards  de  la  France. 


INTRODUCTION.  U 

Le  comte  Edouard  de  Bar  avait  été,  bien  jeune  en- 
core, mis  en  possession  du  comté  par  suite  de  la  capti- 
vité de  son  père  Henri  III,  et  de  son  départ  pour 
l'expédition  forcée  d'outre-mer,  où  il  trouva  la  mort 
en  i3o2.  Il  avait  eu  pour  régent  de  ses  Etats  son 
oncle ,  Renaud  de  Bar,  évêque  de  Metz  ;  entré  à  sa 
suite  dans  une  querelle  avec  le  duc  de  Lorraine,  il 
avait  été  battu  et  pris  sous  les  murs  de  Frouard,  en 
1809.  Il  n'était  sorti  de  captivité  qu'après  quatre  Ion- 
gués  années  et  aux  conditions  les  plus  rigoureuses,  de 
sorte  que  sa  situation  financière  était  des  plus  embar- 
rassées; depuis  cette  époque,  il  comptait  à  Metz  de 
nombreux  créanciers  et  par  cela  même  plusieurs  feu- 
dataires ,  mis  par  lui  en  possession  de  seigneuries  à 
titre  d'engagères  ,  en  échange  des  services  d'argent 
qu'ils  lui  avaient  rendus. 

Quelques  difficultés  avec  l'évêque  de  Verdun ,  qui 
avaient  eu  pour  conséquences  la  prise  de  Dieulouard 
et  la  collation  au  comte  de  Bar  des  droits  de  protec- 
teur de  l'évêché  de  Verdun  ;  une  guerre  contre  le 
Luxembourg,  pour  laquelle  il  avait  acheté  très-cher  la 
neutralité  du  duc  Ferry,  avaient  rempli  ses  précé- 
dentes années.  Esprit  inquiet  et  remuant,  peu  heu- 
reux dans  ses  entreprises,  très-préoccupé  de  la  ques- 
tion financière  et  à  la  recherche  des  moyens  de  la  ré- 
soudre, Edouard  devait  voir  surtout,  en  entrant  dans 
une  association  contre  la  cité,  un  moyen  de  payer  ses 
dettes  sans  bourse  délier.  Dans  sa  position,  il  ne  pou- 
vait pas  résister  à  l'attrait  d'une  telle  perspective. 


12  INTRODUCTION. 

Il  est  cependant  des  historiens  qui  ont  cherché  dans 
une  cause  politique  d'intérêt  général  le  point  de  dé- 
part des  mauvaises  dispositions  des  princes  contre 
Metz.  Ils  les  ont  attribuées  à  l'égoïste  indifférence 
avec  laquelle  les  Messins  s'étaient  tenus  désintéressés 
de  l'élection  au  trône  impérial. 

L'Empire,  nous  l'avons  dit,  venait  en  effet  d'être 
troublé  profondément  par  le  choix  du  successeur  de 
l'empereur  Henri  VII.  Un  certain  nombre  d'électeuis 
avaient  élu  Frédéric  d'Autriche,  les  autres  Louis  de 
Bavière,  et  chacun  des  deux  partis  affirmait  la  validité 
de  l'élection  et  la  soutenait  par  la  force  des  armes. 
L'Allemagne  s'était  divisée  en  deux  camps,  chaque  Etat 
se  déclarant  pour  l'un  ou  pour  l'autre  des  deux  préten- 
dants, et  pendant  plusieurs  années  le  sang  avait  coulé 
abondamment  sans  que  la  question  fût  résolue.  Enfin, 
Frédéric  d'Autriche  ayant,  en  i322,  envahi  les  Etats  de 
son  concurrent  avec  une  armée  considérable ,  une  ba- 
taille sanglante  et  longtemps  disputée  s'était  engagée  à 
Muhldorf,  et  avait  fini  par  la  défaite  et  la  prise  du 
prince  autrichien. 

Ce  succès  avait  affermi  définitivement  l'autorité  de 
Louis  de  Bavière.  Réconcilié  avec  la  plupart  de  ses 
anciens  adversaires ,  il  était  allé  à  Milan  recevoir  la 
couronne  de  fer  et  à  Rome  la  couronne  impériale, 
malgré  la  violente  opposition  du  pape  Jean  XXII. 

Pendant  cette  période  orageuse,  les  princes  de  la 
maison  de  Luxembourg  étaient  constamment  restés  ses 
dévoués  auxiliaires.  On  les  avait  vus  mettre  en  œuvre 


INTRODUCTION.  13 

toutes  les  ressources  de  la  guerre  et  celles  de  la  poli- 
tique,  pour  assurer  le  pouvoir  à  celui  au  parti  duquel 
ils  s'étaient  attachés.  C'est  ainsi  qu'ils  avaient  envoyé 
aux  Messins  des  lettres  collectives  très-pressantes  pour 
les  inviter  à  se  déclarer  en  faveur  de  Louis  et  à  le  sou- 
tenir par  les  armes.  Mais  les  liens  qui  unissaient  la  cité 
à  l'Empire  n'étaient  pas  assez  étroits  pour  que,  sortant 
de  sa  prudente  réserve,  elle  se  décidât  à  prendre  cou- 
leur dans  une  affaire  qui  ne  l'intéressait  que  si  indi- 
rectement. Elle  avait  donc  repoussé  l'alliance  qui  lui 
était  offerte  et  refusé  les  secours  qui  lui  étaient  deman- 
dés, fort  résolue  à  montrer,  à  l'égard  de  Frédéric  d'Au- 
triche, une  indifférence  toute  pareille.  Les  démarches 
tentées  dans  le  sens  de  ce  prétendant  par  le  duc  Ferry 
de  Lorraine,  très-chaudement  attaché  au  parti  de  son 
beau-frère,  n'avaient  pas,  en  effet,  obtenu  un  meil- 
leur succès. 

On  reconnaîtra  qu'il  faut  tenir  compte  des  senti- 
ments opposés  du  duc  de  Lorraine  et  des  princes  de 
Luxembourg  dans  la  question  impériale,  pour  appré- 
cier la  part  qu'elle  put  avoir  dans  les  causes  détermi- 
nantes de  la  guerre.  Non,  l'on  ne  doit  pas,  en  les  ana- 
lysant, donner  une  trop  grande  place  à  la  politique 
proprement  dite.  Pour  être  dans  le  vrai ,  il  y  a  lieu  de 
compter  le  désir  d'agrandir  ses  domaines,  d'ajouter  de 
nouveaux  fleurons  à  sa  couronne,  de  donner  un  plus 
vif  éclat  à  la  gloire  de  sa  maison;  celui  de  trouver  un 
moyen  de  s'affranchir  de  dettes  trop  lourdes  ;  en  un 
mot,  ambition,  convoitise  et  mauvaise  foi,  alliées  à 


Ift  INTRODUCTION. 

l'amour  de  la  gloire  militaire,  tels  sont  les  vrais  et  les 
seuls  mobiles  auxquels  obéissaient  les  ennemis  de  la 
cité. 

On  voit  que  nous  n'hésitons  pas  à  donner  aux  citains 
de  Metz  une  situation  inattaquable  au  point  de  vue 
du  droit  strict  ;  mais  une  simple  translation  de  quel- 
ques lignes  d'une  chronique  contemporaine  montrera 
avec  quelle  roideur  orgueilleuse  et  hautaine  ils  se  te- 
naient sur  le  terrain  de  ce  droit,  n'évitant  rien  de  ce  qui 
était  de  nature  à  exciter  autour  d'eux  la  jalousie  <  t  la 
cupidité. 

«  Cette  cité  de  Metz  (i)  jouissait  alors  d'une  telle 
renommée  et  d'une  telle  puissance  que  les  gens  des 
pays  voisins,  clercs,  gentilshommes,  bourgeois,  mar- 
chands, pauvres  et  riches,  venaient  à  l'envi  y  établii- 
leur  résidence,  et  que  toutes  espèces  de  produits  y 
abondaient,  à  cause  de  la  grande  franchise  et  liberté 
qu'elle  offrait  à  ses  habitants.  Et,  comme  ces  visiteurs 
y  rencontraient  bon  accueil  et  protection  assurée,  et 
que,  s'ils  y  amenaient  des  denrées  de  diverse  nature, 
ils  trouvaient  à  les  vendre  avantageusement,  ils  y  re- 
venaient et  d'autres  avec  eux.  Si  quelque  prince  ou 
seigneur  du  voisinage,  et  même  de  plus  loin,  avait  be- 
soin d'or  ou  d'argent,  il  en  trouvait  à  l'hôtel  des 
changes,  où  les  bourgeois  tenaient  leur  banque,  contre 
des  gages  convenables,  terres  ou  seigneuries,  ou  des 
obligations  et  reconnaissances  qu'on  déposait  dans  les 

(1)  Chron.  Praillon^  sOus  l'an  1324.  —  Huguenini    Cl&on.    mess., 
1).  39. 


INTRODUCTION.  15 

arches  des  amans  (i).  Et  lorsque  les  emprunteurs 
manquaient  à  leurs  engagements,  les  terres  étaient  sai- 
sies et  les  gages  confisqués.  Il  en  résultait  bien  que 
les  grandes  richesses  des  Messins  les  rendaient  l'objet 
de  la  crainte  et  de  l'envie  de  la  plupart  de  leurs  voi- 
sins ;  mais  il  n'y  avait  pas  de  prince  qui  osât  les  atta- 
quer. 

«  Cependant  presque  tous  étaient  sous  la  dépen- 
dance de  la  cité  et  eussent  bien  voulu  s'en  affranchir. 
Souvent  il  était  difficile  d'obtenir  le  payement  des 
dettes  contractées  par  eux.  Il  fallait  formuler  des  ré- 
clamations, puis  des  sommations,  saisir  les  débiteurs 
inexacts,  tenir  des  journées  amiables  aux  marches 
d^Estault  des  différents  pays.  Mais  toujours  force 
restait  à  la  loi,  et  lorsque  le  gage  avait  été  saisi  et 
que  l'emprunteur  avait  subi  quelques  dommages  par 
suite  de  confiscation  ou  d'emprisonnement,  les  Mes- 
sins déclaraient  avoir  eu,  de  toute  ancienneté,  le  droit 
de  garder  les  gages  sans  en  rien  restituer,  une  fois 
que  les  sommations  et  proclamations  légales  avaient 
été  exécutées.  Il  en  résultait  de  fréquentes  difficul- 
tés, où  les  frais  et  dépens  n'étaient  épargnés  à  per- 
sonne. » 

En  ce  moment,  par  suite  des  guerres  nombreuses 
qui  s'étaient  faites  pendant  les  dernières  années,  alors 
que  Metz,  au  contraire,  jouissait  des  bienfaits  de  la 
paix ,  les  princes  et  seigneurs   du  voisinage  avaient 

(1)  Notaires  publics,  d'un  ordre  élevé,  dont  l'inslilution  était  spé- 
ciale à  Metz. 


,6  INTRODUCTION. 

dans  la  cité  un  passif  des  plus  considérables.  Le  eonite 
de  Bar  et  le  duc  de  Lorraine  étaient,  nous  l'avons  dit, 
à  \a  tête  de  ses  débiteurs.  A  leur  suite  venaient,  dans 
la  même  situation  de  dettes  contractées  et  d'iiypothè- 
ques  prises,  la  plupart  des  seigneurs,  grands  et  petits, 
qui  relevaient  de  leur  puissance.  •  Or,  continue  le 
clironiqueur,  comme  il  arrive  souvent  que  ceux  qui 
doivent  et  n'ont  pas  bonne  volonté  de  payer  ciierchent 
des  ruses  et  des  finesses  pour  éluder  leurs  engage- 
ments et  se  sentent  pleins  de  rancune  et  de  mauvais 
vouloir  pour  leurs  créanciers,  au  point  d'en  venir  à  les 
haïr  mortellement,  les  citains  de  Metz  trouvèrent  de 
tels  sentiments  chez  ceux  aux  nécessités  desquels  ils 
avaient  subvenu  avec  tant  de  générosité  et  de  con- 
fiance. « 

Il  est  permis  ici  de  faire  remarquer  que  des  créan- 
ciers rigoureux  comme  l'étaient  les  prêteurs  de  Metz 
ne  tiennent  généralement  que  fort  peu  de  compte  de 
la  reconnaissance  de  leurs  débiteurs.  Il  n'y  a  qu'à  se 
mettre  en  face  des  procédés  plus  que  sévères  dont  le 
tableau,  esquissé  dans  la  chronique  en  prose,  est  déve- 
loppé avec  une  sorte  de  complaisance  dans  le  Poème 
de  la  Guerre^  pour  réduire  à  ses  proportions  vraies  la 
dette  morale  qui  pouvait  être  contractée  envers  les 
Messins  par  surcroît  de  la  dette  financière. 

Ce  qui  rendait  véritablement  redoutables  les  exécu- 
tions de  la  justice  messine  et  partait,  il' faut  l'avouer, 
d'un  admirable  sentiment  de  communauté  et  de  soli- 
darité, c'est  que  la  cité  elle-même  se  chargeait,  avec 


INTRODUCTION.  17 

toute  sa  puissance,  do  faire  valoir  les  droits  du  moin- 
dre de  ses  citoyens.  Seulement  il  y  avait  une  sorte  de 
code  conventionnel  auquel  les  intéressés  devaient  se 
conformer.  Il  leur  était  interdit  de  se  faire  justice  eux- 
mêmes.  11  leur  était  également  interdit  de  détruire  les 
gages  par  le  feu.  Condition  intelligente  et  pratique, 
plus  encore  que  partant  d'un  sentiment  généreux. 
11  est  aisé  de  comprendre  dans  quel  but  ces  principes 
avaient  été  établis  par  l'oligarchie  des  paraiges,  à  la 
fois  en  possession  d'une  grande  partie  de  la  fortune 
publique  et  de  tous  les  pouvoirs  de  l'Etat.  De  telles 
mesures  étaient  des  plus  favorables  à  ses  intérêts  par- 
ticuliers. 

Pour  montrer,  par  l'exemple  de  faits  absolument 
voisins  de  ceux  que  nous  avons  à  raconter,  comment 
les  choses  se  passaient,  prenons  Tannée  i323. 

Là  paix  profonde  à  l'abri  de  laquelle  croissait  la 
prospérité  publique  n'avait  pas  été  troublée.  Il  ne  s'était 
produit  que  quelques  légers  incidents  relatifs  à  des 
questions  toutes  personnelles.  Le  sire  Gobert  d'Apre- 
mont  avait  opéré  une  saisie  sur  un  citoyen  de  Metz, 
Jehan  le  Truan.  Simon  de  Monder  avait  commis  une 
injustice  envers  Simon  de  Volmerange,  un  des  fidèles 
amis  de  la  cité;  enfin  le  sire  Jacques  Grongnai,  che- 
valier messin  des  plus  illustres ,  avait  à  se  plaindre  de 
ce  que  les  fils  de  Herbert  de  Méraumont  eussent  pris 
possession  d'un  village  sur  lequel  il  prétendait  avoir 
des  droits. 

Le  gouvernement  de  la  cité,  pour  mettre  fin  à  ces 

2 


18  INTRODUCTION. 

difficultés,  nomma  une  commission  de  sept  nicmbresi 
à  laquelle  il  donna  les  pouvoirs  les  plus  étendus.  Elle 
fut  chargée  de  prendre  toutes  les  mesures  nécessaires 
pour  maintenir  les  droits  méconnus,  et  eut  à  sa  dis- 
position ,  dans  ce  but,  toutes  les  forces  de  la  cité, 
«grandes  et  petites,  à  cloche  sonnant  ».  On  com- 
prend que  la  lourde  intervention  de  toute  la  puissance 
de  l'État  pour  le  règlement  d'une  querelle  particulière 
donnait  aux  Messins  un  poids  singulier  et  assurait  un 
facile  succès  à  leurs  prétentions.  Mais,  si  de  tels  pro- 
cédés étaient  de  nature  à  les  faire  redouter,  de  là  à  les 
faire  aimer  il  y  avait  une  grande  distance. 

Disons  maintenant  quelle  était  la  situation  inté- 
rieure de  la  cité  de  Metz  et  quels  personnages  prési- 
daient alors  à  Tadministration  de  ses  intérêts.  La  paix 
intérieure  n'avait  pas  été  troublée  depuis  le  soulève- 
ment de  1283,  où  la  classe  populaire  avait  cherché  à 
se  mettre  violemment  en  possession  de  quelques  droits 
politiques.  Les  esprits  conservaient  bien  sans  doute 
une  certaine  tendance  à  chercher  dans  l'emploi  de  la 
force  ouverte  une  moins  inégale  distribution  des  char- 
ges et  des  privilèges  ;  mais  la  surface  restait  calme  et 
le  gouvernement  des  paraiges  obtenait  une  obéissance 
sans  conteste. 

Quelques  année?  auparavant,  en  i3i  5,  d'effroyables 
calamités  s'étaient  déchaînées  sur  la  Lorraine  et  les 
pays  adjacents.  Une  terrible  famine,  causée  par  des  per- 
turbations atmosphériques  désastreuses,  avait  amené 
à  sa  suite  des  maladies  épidémiques  et  une  mortalité 


INTRODUCTION.  19 

effrayante.  Mais  il  avait  suffi  de  quelques  bonnes  ré- 
coltes pour  cicatriser  ces  plaies,  malheureusement  trop 
fréquentes  au  moyen  âge.  A  ces  épreuves  en  avait  suc- 
cédé une  autre  :  un  violent  incendie  était  venu  détruire 
deux  rues  entières,  celles  de  Fournirue  et  de  Saulnerie. 
Cette  calamité  n'avait  pas  non  plus  entravé  Tessor 
d'une  prospérité  prompte  à  se  rétablir.  Sous  l'action 
d'une  autorité  aussi  vigilante  que  vigoureuse,  Met/ 
était  rentrée  sans  retard  en  possession  de  sa  puissante 
vitalité. 

Son  administration,  composée,  à  son  sommet,  d'un 
maître-échevin,  élu  tous  les  ans,  à  tour  de  rôle,  dans 
chacun  des  paraiges,  et  de  plusieurs  conseils  électifs, 
donnait  l'exemple  du  plus  intelligent  dévouement  aux 
intérêts  publics.  Le  maître-échevin  en  exercice  depuis 
le  2  5  mars  i'di4  était  messire  Geoffroy  Grongnat,  du 
paraige  de  Porte-Moselle.  Il  appartenait  à  une  famille 
entrée  depuis  peu  de  temps  dans  la  classe  dirigeante, 
mais  déjà  en  possession  d'une  grande  fortune  et  d'une 
haute  influence.  11  était  fils  de  Jean  Grongnat,  aman 
de  Saiut-Ferroy,  et  frère  de  Jacques  Grongnat,  cheva^ 
lier  de  Jérusalem,  l'un  des  plus  vaillants  défenseurs  de 
la  cité. 

Autour  de  lui  se  groupaient,  dans  le  conseil  des 
échevins  du  Palais  et  dans  celui  des  Treize^  les  mem- 
bres les  plus  éminents  de  cette  patriotique  aristocratie 
paraigienne,  alors  dans  tout  l'éclat  de  sa  puissance.  On 
y  comptait  des  personnages  tels  que  Jacques  de  Rai- 
gecourt,  seigneur  de  Jouy  ;   Henry  Roucel,  seigneur 


20  INTRODUCTION. 

de  Champel,  et  ses  deux  fils,  Henry  et  Collignon;  Jean 
de  la  Court,  Arnould  Baudoche,  Thiébaut  de  Heu, 
seigneur  d'Eunery,  et  son  fils  Perrin.  Lft  noble  fa- 
mille des  Gournay,  plus  respectée  encore  pour  ses  ser- 
vices que  pour  sa  grande  situation,  y  comptait  quatre 
de  ses  membres  :  Poince,  Simon,  Jean  et  Thiébaut. 
La  plupart  de  ces  seigneurs  étaient  honorés  du  titre 
de  chevalier  et  plusieurs  avaient  occupé  la  suprême 
magistrature  de  la  république.  A  côté  d'eux,  se  voyaient 
des  Le  Maire,  des  De  Laitre,  des  Ruece ,  des  Xaviu, 
des  Ghielairon,  des  Le  Hungre,  en  un  mot  tout  ce  qu'il 
V  avait  à  Met/  d'hommes  de  valeur  par  le  mérite,  la 
fortune  et  la  noblesse. 

C'est  que  les  seigneurs  de  la  cité  ne  connaissaient 
pas  les  paisibles  jouissances  de  la  richesse  et  les  loisirs 
d'une  vie  facile  et  désœuvrée.  Dès  leur  première  jeu- 
nesse, appelés  par  les  privilèges  de  la  naissance  à 
servir  leur  pays,  c'était  à  bien  remplir  ce  devoir  qu'ils 
attachaient  avant  tout  l'honneur  de  leur  vie.  C'était  pour 
mieux  défendre  la  cité  contre  ses  ennemis  qu'ils  fai- 
saient l'apprentissage  du  métier  des  armes  ;  c'était  pour 
la  mieux  honorer  qu'ils  allaient  conquérir  au  loin,  et 
jusque  dans  les  plaines  de  l'Orient,  les  titres  glorieux 
de  chevaliers  de  Jérusalem  et  de  Constantinople.  C'était 
à  l'administration  des  intérêts  de  tous  que  la  meilleure 
part  de  leur  intelligence  était  consacrée.  Le  soin  de 
leurs  affaires  personnelles,  si  bien  dirigées  qu'elles 
fussent,  ne  venait  qu'en  second  ordre. 

Tels  étaient  les  principes  dans  le  respect  desquels 


INTRODDCTION.  21 

ils  étaient  élevés  et  dans  la  pratique  desquels  s'écou- 
lait leur  existence.  Ni  la  constitution  de  la  cité,  ni 
Topinion  publique  n'auraient,  du  reste,  souffert  que, 
se  soustrayant  à  ces  nobles  obligations,  aucun  d'eux 
donnât  à  ses  concitoyens  l'exemple  d'une  vie  inutile 
et  d'une  égoïste  paresse.  Ils  étaient  en  possession  de 
tous  les  droits,  mais  ils  se  le  faisaient  pardonner  en 
sachant  remplir  tous  les  devoirs. 

Nous  parlerons  plus  au  long  de  l'évêque  de  Metz, 
Henri  Dauphin. 

Les  Messins  n'étaient  plus,  il  est  vrai,  unis  au  chef 
de  leur  Eglise  par  d'autres  liens  que  ceux  de  sa  supré- 
matie spirituelle,  et  ceux-là  ils  savaient  généralement 
les  respecter.  Mais  telle  était  la  connexité  des  affaires 
qui  intervenaient  incessamment  entre  le  pouvoir  civil 
et  la  puissance  épiscopale,  qu'il  y  avait  pour  eux  un 
intérêt  considérable  à  voir  à  la  tête  du  diocèse  un  prélat 
bienveillant  et  animé  du  pur  amour  des  âmes  dont  la 
charge  lui  était  confiée.  Or  tel  n'était  pas  celui  entre 
les  mains  duquel  le  pape  Jean  XXII  avait,  depuis 
i3i8,  placé  le  bâton  pastoral  de  saint  Clément. 

Après  la  mort  de  Renaud  de  Bar,  dont  l'hostilité 
des  ducs  de  Lorraine  avait  troublé  l'épiscopat,  le  sou- 
verain pontife  avait  choisi  pour  lui  succéder,  à  la 
suite  d'une  vacance  de  deux  ans,  un  personnage  qui 
n'avait  aucune  des  qualités  non  plus  qu'aucun  des 
goûts  nécessaires  à  un  dignitaire  de  l'Église. 

Nous  avons  nommé  Henri  de  la  Tour,  second  fils  de 
Humbert,  dauphin  de  Viennois.  Ce  ne  fut,  du  reste,  que 


22  INTRODUCTION. 

malgré  lui  que  ce  prince  accepta  l'évéché  de  MeU,  et 
même  à  la  condition  d'obtenir  la  dispense  de  recevoir 
les  ordres  mineurs,  en  même  temps  que  celle  de  rési- 
der dans  son  diocèse.  11  ne  dissimulait,  du  reste,  au- 
cunement sa  ferme  résolution  de  quitter  au  plus  tôt  le 
titre  que  lui  imposait  la  volonté  du  souverain  pontife, 
pour  mener  une  existence  plus  conforme  aux  entraîne- 
ments de  sa  nature  belliqueuse. 

Mis  en  possession  des  dispenses  qu'il  sollicitait,  il 
vint  se  faire  installer  dans  sa  dignité,  mais,  durant  le 
cours  de  son  épiscopat  de  six  années,  ne  fit  à  Metz  que 
de  rares  et  courtes  apparitions,  ayant  pour  but  unique 
d'en  rapporter  le  plus  d'argent  possible. 

Régent  et  gouverneur  du  Dauphiné  pendant  la  mi- 
norité de  son  neveu  Guignes  II,  exclusivement  occupé 
des  guerres  qu'il  avait  à  soutenir,  il  laissa  l'adminis- 
tration temporelle  de  son  évêché  à  trois  Daupliinois 
qu'il  avait  amenés  avec  lui  :  Amblard  de  Beaumont, 
Guy  de  Grolée  et  André  de  Grenoble.  Quant  à  l'ad- 
ministration spirituelle,  on  peut  penser  qu'il  s'y  mon- 
tra absolument  indifférent.  Le  soin  en  était  confié  à 
Pierre  de  Beaufremorit ,  chancelier  de  l'évéché  ;  à 
Jean  de  Raigecourt,  contre  de  la  cathédrale,  et  à  Ber- 
thaud,  officiai  du  diocèse,  revêtus  du  titre  de  vicaires 
généraux. 

Le  choix  fait  par  le  souverain  pontife  de  Henri  de 
la  Tour,  pour  occuper  le  siège  de  Metz,  n'avait 
donné  satisfaction  à  aucun  des  puissants  voisins  de  la 
cité,  dont  les  préférences  favorisaient  d'autres  candi- 


INTRODUCTION.  25 

dats.  Philippe  de  Bayon,  archidiacre  de  Sarrehourg, 
avait  été  vivement  appuyé  auprès  du  saint -siège  par  le 
comte  de  Bar,  et  le  duc  de  Lorraine  avait  soutenu  de 
même  les  prétentions  de  Pierre  de  Sierck,  archidiacre 
de  Marsal,  frère  du  dernier  évêque  de  Toul.  C'était, 
du  reste,  sur  ce  dernier  que  s'étaient  portées  les  voix 
de  la  pluralité  des  membres  du  chapitre,  et  son  élec- 
tion était  régulière  et  conforme  aux  droits  de  l'Eglise 
de  Metz. 

Mais,  en  dépit  de  l'antique  privilège  qui,  en  principe 
seulement,  conservait  toute  sa  vigueur,  le  pape  avait 
invalidé  l'élection  et  adopté  un  autre  candidat  pour  lui 
conférer  la  dignité  èpiscopale. 

Cependant  l'insuccès  des  efforts  du  duc  Ferry,  en 
faveur  de  son  protégé,  ne  le  rendit  pas  hostile  envers 
celui  qui  avait  obtenu  la  préférence,  car  un  des  premiers 
actes  de  Henri  Dauphin,  lorsqu'il  eut  pris  possession 
de  la  puissance  èpiscopale,  fut  de  conclure  avec  lui 
un  traité  d'alliance  offensive  et  défensive  duquel 
étaient  seulement  exceptés  le  roi  de  France,  l'empe- 
reur et  la  cité  de  Metz  (22  juin  i32o). 

L'administration  èpiscopale  de  Henri  Dauphin  ne 
fut  qu'une  série  d'actes  d'emprunts  et  d'engagements. 
C'est  ainsi  que,  le  3i  décembre  1822,  il  empruntait 
à  sire  Jacques  Grongnat,  chevalier,  une  somme  de 
4,000  livres  de  bons  petits  tournois  et  lui  donnait 
pour  gages  les  seigneuries  d'Argancy,  Olgy,  Antilly  et 
Rupigny;  que,  le  i4  février  i323,il  engageait  à  Edouard 
de  Bar  le  château  de  Condé-sur-Moselle,  en  échange 


24  INTRODLCTION. 

(le  6,000  livres...  En  somme,  lorsqu'il  quitta  révê- 
clié  il  r avait  grevé  de  plus  de  200,000  florins  de 
dettes. 

Tel  était  le  prélat,  type  tout  à  fait  exceptionnel  dans 
la  série  des  illustres  évêques  de  Metz,  qui  ne  devait 
pas  tarder,  lui  aussi,  à  prendre  rang  parmi  les  ennemis 
de  la  cité.  Les  sujets  de  mécontentement  contre  elle,  il 
faut  le  dire  du  reste,  ne  lui  faisaient  pas  défaut,  non 
plus  qu'à  la  plupart  de  ses  récents  prédécesseurs. 


III. 


Convoqués  officiellement  par  le  roi  Jean  à  se  réunir 
à  Thionville,  vers  le  milieu  d'août,  les  trois  autres 
princes  furent  fidèles  au  rendez-vous. 

Si  nous  mettons  à  part  rarclievêque  de  Trêves,  les 
rapports  réciproques  des  princes  qu'un  commun  sen- 
timent d'hostilité  réunissait  contre  Metz  n'avaient  pas 
toujours  été  marqués  au  coin  de  l'amitié  et  du  bon 
accord.  Jean  de  Bohême  et  le  duc  de  Lorraine,  Fer- 
ry IV,  bien  peu  auparavant ,  combattaient  clans  des 
camps  opposés  pendant  la  longue  guerre  de  l'élection 
impériale.  On  sait  avec  quel  dévouement  Jean  ser- 
vait la  cause  de  Louis  de  Bavière,  et,  quant  au  duc 
Ferry,  il  apportait  une  égale  ardeur  à  défendre  la 
cause  du  prétendant  autrichien,  son  beau- frère.  Resté 
prisonnier  à  la  bataille  de  Muhldorf ,  il  n'avait  dû  la 
liberté  qu'à  l'intervention  du  roi  de  France  Charles  IV 


INTRODUCTION.  » 

et  à  une,  riche  rançon  dont  les  caisses  messines  avaient, 
nous  l'avons  dit,  fait  les  principaux  frais. 

Vis-à-vis  du  roi  Jean,  le  comte  Edouard  de  Bar, 
n'était  pas  non  plus  retenu  par  l'attrait  d'une  fidèle 
et  invariable  alliance.  En  i322,  une  guerre  s'était 
engagée  entre  ces  deux  princes,  au  sujet  de  la  garde 
de  révêché  de  Verdun,  et,  pour  s'assurer  la  neutra- 
lité du  duc  Ferry,  dont  il  redoutait  la  malveil- 
lance, le  comte  de  Bar  avait  dû  lui  faire  hommage  des 
châteaux  de  l' Avant-Garde,  Pierrefort,  Sommedieue 
et  Bouconville.  L'arbitrage  du  roi  de  France  avait ,  le 
23  mai  i323,  mis  fin  à  ces  démêlés,  et  la  promesse  de 
l'union  future  de  l'héritier  du  comté  avec  Béatrix,  fille 
du  roi  de  Bohême,  avait  été  le  gage  de  la  paix. 

Quant  au  duc  de  Lorraine,  le  comte  de  Bar  trou- 
vait des  souvenirs  bien  autrement  pénibles  dans  ses 
relations  avec  lui.  N'était-ce  pas  contre  la  Lorraine 
qu'il  avait  eu  l'imprudence  de  prendre  le  parti  de  son 
oncle  Renaud  de  Bar,  douze  ans  auparavant,  et  la 
défaite  subie  par  lui  sous  le  château  de  Frouard  ne 
lui  avait-elle  pas  ouvert  les  portes  d'une  prison  où  il 
était  resté  quatre  longues  années  ?  Encore  n'en  était-il 
sorti  que  grâce  à  l'intervention  du  roi  de  Navarre,  fils 
du  roi  de  France,  et  à  des  conditions  cruellement  ri- 
goureuses. Sa  rançon  ,  en  effet ,  avait  été  fixée  à 
90,000  livres,  dont  20,000  payées  comptant  et  le  reste 
hypothéqué  sur  les  plus  belles  châtellenies  de  son  do- 
maine. 

Quoi  qu'il  en  fût  de  tous  ces  précédents  hostiles,  la 


20  INTRODUCTION. 

commune  animosité  des  princes  contre  la  cité  de  Melz 
et  la  commune  espérance  des  grands  avantages  qu'ils 
devaient  retirer  d'une  guerre  contre  elle  avaient  effacé 
le  souvenir  des  luttes  passées  et  établi  entre  eux  la 
plus  parfaite  union. 

Ils  se  communiquèrent  leurs  sujets  de  mécontente- 
ment contre  les  Messins,  les  trouvèrent  parfaitement 
valables  et  se  mirent  d'accord  pour  proclamer  la  réso- 
lution de  leur  faire  la  guerre,  «  de  prendre  et  subju- 
guer la  cité  de  Metz,  abattre  ses  murailles,  la  livrer  au 
pillage  et  la  soumettre  à  leur  autorité,  partagée  en 
quatre  parts  égales  » . 

Ce  point  principal  une  fois  établi,  ils  se  réunirent 
de  nouveau,  le  a3  août,  à  Remich,  petite  ville  luxem- 
bourgeoise située  sur  la  rive  droite  de  la  Moselle.  Là 
ils  formulèrent  solennellement  et  par  écrit  les  con- 
ditions de  leur  alliance.  Les  motifs  de  l'agression  sont 
résumés  en  termes  vagues  dans  cette  pbrase  :  «  pour  les 
griefz  et  oppressions  que  li  citains  et  habitans  de  la  ville 
de  Mez  ont  fait  et  font  à  nous  et  à  nos  gens  de  jour  en 
jour  «.  Puis  viennent  leurs  engagements  réciproques  : 
ils  promettent  de  tenir  sur  pied,  pendant  toute  la  durée 
de  la  guerre,  le  roi  sept  cents  bommes  d'armes  à  che- 
val, l'archevêque  trois  cents,  le  duc  et  le  comte  cinq 
cents  chacun,  avec  un  nombre  proportionné  de  gens  de 
pied.  Ils  s'engagent  à  être  eux-mêmes  à  la  tête  de 
leurs  troupes  et  à  ne  pas  faire  la  paix  sans  le  consente- 
ment les  uns  des  autres.  C'est  au  roi  Jean  qu'est  confié 
le  commandement  suprême. 


INTRODUCTION.  27 

Ce  traité  rédigé  et  signé,  ils  firent  chanter  une  messe 
solennelle  pour  appeler  sur  leur  entreprise  les  béné- 
dictions divines,  et  donnèrent  sans  plus  attendre  tous 
les  ordres  nécessaires  pour  que  les  troupes  fussent 
levées  et  les  approvisionnements  réunis  sans  délai. 

Quant  à  prévenir  les  Messins  de  leurs  intentions  à 
leur  sujet,  ils  convinrent  de  ne  le  faire  que  plus  tard. 
Ils  suspendirent  donc  jusqu'au  dernier  moment  l'en- 
voi des  lettres  de  défi  sans  lesquelles  une  guerre  n'a- 
vait pas  de  caractère  légal  et  se  réduisait  à  un  véritable 
brigandage. 

Cependant  le  bruit  de  l'alliance  qui  venait  de  se 
conclure  parvint  jusqu'à  Metz  et  y  excita  une  légitime 
émotion.  Les  Messins  étaient  éminemment  formalistes. 
Il  était  parmi  eux  d'usage  traditionnel  que,  dans  toutes 
les  querelles  qui  menaçaient  de  s'élever  entre  la  cité  et 
quelque  puissance  voisine,  les  choses  n'en  arrivassent 
jamais  à  une  rupture  ouverte  et  définitive,  sans  que 
des  explications  courtoises  eussent  été  échangées 
entre  les  parties  intéressées.  La  prudence  et  l'esprit 
de  justice,  double  caractère  par  lequel  se  faisaient  re- 
marquer les  Messins ,  leur  en  avaient  fait  de  tout 
temps  une  loi.  Les  lieux  où  se  passaient  ces  essais  de 
conciliation  préliminaire,  nommés  Aes  journées  amia- 
bles^ étaient  fixés  par  l'usage  et  par  les  traités.  Ces 
marches  (VEstaidt  (tel  était  le  nom  qu'on  leur  don- 
nait) étaient  au  nombre  de  onze,  généralement  placées 
sur  la  frontière  même  qui  séparait  le  territoire  de  la 
cité  de  celui  de  l'autre  puissance. 


28  INTRODUCTION. 

La  juste  prétention  des  Messins  était  que  l'on  épui- 
sât, avant  d'arriver  à  une  rupture,  la  série  des  forma- 
lités pacifiques  jusqu'alors  en  usage;  mais  leur  préten- 
tion  plus  juste  encore  était  de  savoir,  avant  tout,  ce 
qu'ils  avaient  à  redouter,  et  quels  griefs  on  avait  à 
leur  opposer. 

Les  magistrats,  pour  éclaircir  ces  doutes  mêlés  d'an- 
goisses, écrivirent  aux  princes  des  lettres  envoyées  par 
des  messagers  chargés  de  rapporter  la  réponse.  Ils 
disaient  :  «  que  le  bruit  public  leur  attribuait  l'inten- 
tion de  faire  la  guerre  à  la  cité  ;  mais  que  les  Messins 
ne  pouvaient  croire  à  la  réalité  de  ce  bruit,  ne  voyant 
aucune  raison  pour  qu'il  fût  fondé,  et  n'ayant  rien  que 
la  conscience  leur  reprochât.  Ils  se  déclaraient  prêts, 
dans  le  présent  comme  dans  le  passé,  à  leur  rendre 
service  et  faire  plaisir  en  toutes  choses.  » 

Les  messagers  eurent  pour  toute  réponse  que  :  «  si 
on  leur  faisait  la  guerre,  ils  en  seraient  au  préalable 
avertis.  »  Cette  réponse  offensante  ne  laissant  plus  de 
doutes  aux  Messins  sur  les  mauvais  sentiments  dont 
ils  étaient  l'objet,  ils  ne  perdirent  pas  de  temps  pour 
se  mettre  en  situation  de  résister.  Ils  prirent  des  me- 
sures pour  se  pourvoir  d'hommes  et  de  vivres,  et  firent 
remettre  les  fortifications  en  état,  aussi  bien  qu'ils  le 
pouvaient  dans  un  moment  de  trouble  si  pressant.  Mais 
ils  ne  négligèrent  pas  non  plus  de  maintenir  lé  droit 
de  leur  côté,  en  donnant  suite  aux  négociations  en- 
tamées, malgré  le  mauvais  accueil  qui  leur  avait  été 
fait. 


INTRODUCTION.  29 

Des  seigneurs  de  la  cité  se  rendirent  donc  auprès 
de  chacun  des  princes,  clierchant  à  connaître  leurs 
griefs,  pour  y  donner  satisfaction,  si  cela  pouvait  se 
faire  honorablement.  Mais  ces  ambassades,  renouve- 
lées à  plusieurs  reprises,  trouvèient  chaque  fois  un 
autre  langage,  d'auti-es  griefs  et  d'autres  prétentions. 
Il  était  évident  que  l'on  ne  voulait  arriver  qu'à  une 
rupture  à  main  armée. 

Cependant  une  journée  amiable  s'ouvrit  enfin  à 
Thionville,  dans  les  premiers  jours  de  septembre.  Les 
princes  firent  l'exposé  de  leurs  sujets  d'irritation  contre 
la  cité.  Les  députés  messins  répondirent  par  des  ex- 
plications calmes  et  sérieuses,  et  offrirent  de  s'en 
rapporter  sur  tous  les  points  litigieux  au  jugement 
d'arbitres  tels  que  le  pape,  le  conseil  de  l'Empire,  le 
roi  de  France,  le  parlement  de  Paris,  ou  la  cour  de 
tout  autre  prince  chrétien,  en  prenant  l'engagement 
formel  de  se  soumettre  à  la  décision  qui  serait  prise. 
Cette  proposition  ne  fut  pas  accueillie. 

Peu  de  jours  après,  la  discussion  fut  reprise  dans 
une  autre  journée  qui  se  tint  à  Pont-à-Mousson  le 
9  septembre  et  n'eut  pas  un  résultat  meilleur.  Ce 
jour-là  le  roi  de  Bohême,  comme  s'il  eut  voulu  abré- 
ger toutes  ces  impuissantes  négociations,  dit  à  l'un  des 
Messins  :  «  On  dit  que  vous  avez  fait  faire  un  étendard 
«  qui  est  porté  sur  un  char  traîné  par  des  bœufs.  Or 
a  je  vous  déclare  que,  si  vous  l'amenez  à  l'assemblée 
«  que  nous  ferons,  j'aurai  des  bœufs  la  meilleure 
■•   part.  »  —  «  Sire  roi,  répondit  le  Messin  sans  s'é- 


30  INTRODUCTION. 

«  mouvoir,  ceux  de  Metz  ont  payé  et  entretenu  les 
«  bœufs,  et  les  boucliers  qui  les  mènent  ont  aiguisé 
«  leurs  couteaux  pour  les  garder.  Si  vous  voulez  les 
«  gagner,  il  sera  juste  de  voir  auparavant  ce  que  ces 
<-  couteaux  sauront  faire.  » 

Une  dernière  journée  fut  encore  assignée  à  Pont-à- 
Mousson  pour  le  iT)  septembre,  et  il  fut  convenu  que 
celle-là  serait  décisive  et  qu'il  en  sortirait  soit  la  paix 
soit  la  guerre. 

Les  Messins  n'avaient  que  trop  bien  compris  que 
ces  atermoiements  successifs  n'avaient  d'autre  but  que 
de  les  leurrer  et  de  leur  faire  perdre  un  temps  pré- 
cieux pour  les  préparatifs  de  guerre,  en  même  temps 
que  leurs  ennemis  disposaient  tout  avec  activité  pour 
les  assaillir.  Aussi ,  malgré  le  peu  d'espoir  de  paix 
que  semblait  encore  donner  le  maintien  des  négo- 
ciations, avaient-ils  fait  tout  ce  que  la  prudence  con- 
seillait dans  cette  redoutable  occurrence.  Ils  avaient 
pris  à  leurs  gages  un  nombre  considérable  de  sol- 
doyeurs,  Allemands  pour  la  plupart  et  dégagés  des  liens 
de  vassalité  vis-à-vis  des  princes  confédérés:  tels  étaient 
le  comte  de  Bitche,  le  comte  de  Saarwerden,  le  comte 
de  Geroldseck ,  le  Raugraf  Conrad ,  André  de  la 
Pierre  et  beaucoup  d'autres,  formant  un  total  de  sept 
cents  hommes  d'armes  à  cheval.  Les  seigneurs  de 
la  cité,  avec  les  serviteurs  composant  leurs  compa- 
gnies, formaient  un  nombre  à  peu  près  égal.  Enfin 
les  bandes  de  gens  de  pied,  formées  tant  des  métiers 
que  des  gens  des  paroisses  et  de  ceux  des  villages^ 


INTI\ODUCTIOi\.  /  31 

présentaient  une  force  nombreuse  et  en  bon  état  d'ar- 
raement. 

Les  seigneurs  de  la  cité  ordonnèrent  également,  dans 
tout  le  pa^'S  qui  relevait  de  leur  autorité,  de  labourer 
et  de  semer  les  terres  sans  retard,  de  battre  les  gerbes 
qui  étaient  dans  les  granges  et  d'amener  à  Metz  les 
grains  en  toute  diligence,  ainsi  que  le  foin  et  les  autres 
fourrages,  de  mettre  hors  des  villages  ce  qu'on  ne 
pourrait  emporter,  pour  diminuer  la  facilité  des  in- 
cendies, et  de  venir  chercher  un  refuge  derrière  les 
murailles  de  la  cité. 

Malgré  ces  préparatifs,  imposés  par  les  circonstances, 
les  envoyés  de  la  ville  se  rendirent  à  Pont-à-Mousson 
avec  une  ferme  volonté  de  détourner,  si  cela  se  pou- 
vait encore,  au  prix  de  toutes  les  concessions  compa- 
tibles avec  leur  honneur,  Forage  qui  se  préparait  à 
fondre  sur  eux.  Mais  les  princes  ne  voulurenj,  rien  en- 
tendre, et,  pleins  de  confiance  dans  un  succès  assuré, 
ils  refusèrent  de  prêter  l'oreille  à  aucune  des  proposi- 
tions qui  leur  étaient  apportées.  Les  négociations  fu- 
rent donc  rompues  et  les  envoyés  de  Metz  n'eurent 
plus  qu'à  reprendre  le  chemin  de  la  cité. 

Alors  l'un  d'entre  eux,  Jean  de  la  Court  (i),  qui, 
en  échange  de  services  rendus  et  de  grosses  sommes 


(1)  Jean  de  la  Court,  du  paraige  de  .lurue,  était  un  des  citoyens  leâ 
plus  éminents  de  Metz  à  tous  les  points  de  vue.  Maître-échevin  en 
131G,  aman  de  Sainte-Croix,  il  avait  aidé  à  fonder,  en  1321,  l'abbaye  du 
Pontiffroy,  et  laissa  plus  tard,  par  son  testament,  les  fonds  nécessaires 
pour  créer  l'hôpital  de  la  ChapeloUe,  destiné  aux  femmes  en  couches. 


52  INTRODDCTIO^. 

prêtées  au  comte  de  Bar,  était  devenu  l'un  de  ses  feu- 
dataires,  se  présente  devant  le  comte,  environné  de 
ses  principaux  gentilshommes.  En  présence  de  tous 
les  assistants,  et  d'une  voix  haute  et  fière,  il  lui  adresse 
ces  paroles  :  «  Monseigneur,  voilà  plusieurs  années 
«  que  je  vous  ai  servi  de  mon  mieux.  Je  vous  prie  de 
«  dire  et  de  faire  dire,  aux  gens  de  votre  hôtel  ou  à 
«  tous  autres,  si  j'ai  fait  dans  ce  service  quelque  chose 
«  qui  ne  soit  à  mon  honneur,  et  qu'il  veuille  bien  le 
(I  dire  hautement,  pendant  que  je  suis  encore  ici.  » 
«  —  Seigneur  Jean,  répond  Edouard,  pourquoi  me 
»  dire  cela,  et  ainsi  vous  émouvoir?  »  Jean  de  la 
Court  réitère  sa  demande  et  le  comte  lui  dit  :  «  que 
tout  le  monde  sait  combien^  il  est  homme  d'honneur 
et  sans  reproche.  »  Jean  renouvelle  ses  instances 
et  ajoute  :  «  Monseigneur,  ce  que  j*ai  dit  et  répété,  je 
«  le  réclame  encore,  parce  quç  je  suis  votre  feuda- 
«  taire,  que  j'ai  été  à  votre  conseil,  à  vos  gages  et  à 
«  voire  livrée.  Aujourd'hui  nous  nous  séparons  sans 
«  rien  nous  faire;  mais  peut-être  demain  serons-nous 
«  en  guerre  l'un  contre  l'autre.  C'est  pour  cela  que  je 
«  veux  vous  quitter  avec  honneur  et  avec  la  certitude 
«  qu'il  n'y  a  pas  un  mot  à  dire  contre  moi.  Je  vous 
«  rends  vos  biens  et  vos  robes,  et  renonce  à  ma  vas- 
«  salité  envers  vous.  Je  vous  remercie  et  veux  rester 
»  toujours  votre  serviteur,  tout  en  étant  libre  des 
«  fiefs  que  je  tenais  de  vous.  Et  je  vous  recommande 
«   à  Dieu.  » 

Sur  ces  paroles,  le  comte  le  prend  par  les  mains  en 


INTUODCCTION.  33 

lui  disant  que  ce  qu'il  vient  de  faire  n'était  pas  néces- 
saire ;  que  nur  n'aura  le  droit  de  lui  adresser  le 
moindre  reproche,  et  ({ue  lui  aussi  le  recommande 
à  Dieu.  Et,  après  cette  déclaration,  ils  prennent  congé 
l'un  de  l'autre. 

La  guerre  étant  ainsi  décidée,  chacun  des  quatre 
princes  retourne  dans  ses  Etats,  pour  activer  la  réu- 
nion de  ses  troupes  et  hâter  l'entrée  en  campagne. 


IV. 


Le  roi  de  Bohême  se  trouva  prêt  le  premier  :  dès 
le  i6  septembre,  il  était  avec  ses  bandes,  composées 
de  près  de  mille  hommes  d'armes  et  d'un  grand  nom- 
bre de  piétons,  à  Justement,  célèbre  abbaye  de  Pré- 
montrés, située  au-dessus  de  l'Orne,  à  peu  de  dis- 
tance de  la  frontière  messine.  Quelques  heures  après, 
le  comte  de  Bar  venait  l'y  rejoindre. 

Ils  se  décidèrent  alors  à  remplir  la  formalité  des 
lettres  de  défi  et  envoyèrent  leurs  hérauts  d'armes  les 
porter  aux  magistrats  de  IVlelz,  qui,  fidèles  aux  habi- 
tudes de  généreuse  courtoisie  de  la  cité,  leur  firent 
donner  des  présents ,  comme  s'ils  apportaient  de 
bonnes  nouvelles. 

Mais  l'observation  de  cette  règle  impérieuse  de  la 
chevalerie  n'était  que  bien  imparfaite  chez  les  princes 
alliés.  L'usage  voulait  qu'après  la  remise  de  la  lettre 
de  défi  il  se  passât  un  certain  temps  pendant  lequel  les 

3 


3a  7  INTHOUUCTlOiN. 

hostilités  restaient  suspendues,  de  manière  à  permet- 
tre l'emploi  de  quelques  mesures  de  protection  au 
profit  des  populations  menacées.  Leur  impatience  de 
commencer  la  campagne  les  fit  passer  sur  cette  équi- 
table et  salutaire  disposition.  En  effet,  une  fois  leur 
conscience  satisfaite  -  de  l'exécution  ,  si  incomplète 
qu'elle  fût,  de  la  première  des  lois  de  la  guerre,  les 
deux  princes  ne  perdirent  pas  un  instant  pour  faire 
éprouver  aux  habitants  du  pays  messin  les  procédés 
impitoyables  dont  ils  voulaient  user  à  leur  égard. 

Tous  les  villages  des  environs  furent  livrés  aux 
flammes;  ils  n'épargnèrent  même  pas  les  maisons  de 
Mancourt,  où  ils  avaient  tenu  leurs  quartiers.  Le  len- 
demain, jour  de  Saint-Lambert  (17  septembre),  ils 
s'avancèrent  jusqu'à  Malroy,  et  les  lieux  avoisinants, 
Argancy,  Olgy,  Antilly  et  autres,  furent  traités  avec 
la  même  rigueur.  Ce  jour-là,  le  roi  de  Bohême  commit 
un  acte,  de  basse  et  presque  inutile  rapine.  Il  avait  fait 
descendre  de  Thionville,  à  son  quartier,  une  nef  char- 
gée d'artillerie  et  d'engins  de  guçrre.  Après  l'avoir 
fait  décharger  de  tout  ce  qu'elle  contenait,  il  la  fit 
remplir  de  raisins  encore  fort  imparfaitement  mîirs, 
produit  du  pillage  des  vignes  d'alentour,  et  envoya 
cette  vendange  à  Thionville  pour  qu'elle  y  fut  pressu- 
rée et  que  son  produit  enrichît  ses  caves,  en  ce  mo- 
ment sans  doute  mal  garnies. 

Après  ce  brillant  début,  il  lança  ses  coureurs  en 
avant  pour  livrer  au  pillage  les  fermes  et  villages  de 
la  banlieue  de  Metz,  sur  la  rive  droite  de  la  Moselle  5 


INTRODUCTION.  35 

mais  le  vaillant  Messin,  Jacques  Grongnat,  sortit  de  la 
ville  à  la  tête  cViin  parti  de  soldoyeurs,  commandé 
par  le  comte  de  Saarwerden.  Il  reprit  les  prisonniers 
et  les  troupeaux  qu'avaient  déjà  réunis  les  agresseurs, 
et  les  repoussa  si  rudement  dans  leurs  quartiers  qu'ils 
restèrent  trois  jours  sans  en  sortir,  à  se  remettre  de 
cette  chaude  alarme,  en  attendant  la  venue  de  leurs 
alliés. 

Sur  ces  entrefaites,  l'archevêque  de  Trêves  étant 
arrivé  avec  une  troupe  nombreuse,  ils  reprirent  cou- 
rage et  allèrent  établir  leur  camp  à  Grimont,  à  l'extré- 
mité d'un  plateau  du  haut  duquel  ils  dominaient  la 
cité  et  la  campagne  qui  l'entoure.  Les  villages  de  Val- 
lières,  Vantoux  et  Méy  furent  pillés  et  brûlés,  et  leurs 
habitants  massacrés  sans  miséricorde. 

Enhardis  par  ce  facile  succès,  ils  n'hésitèrent  pas  à 
donner  l'assaut  au  faubourg  de  Saint-Julien,  situé  hors 
de  l'enceinte  de  Metz,  en  avant  de  la  porte  au  Pont- 
Rengmont.  Ils  l'attaquèrent  plusieurs  fois,  mais  sans 
réussir  à  le  forcer.  Le  sîre  de  Bitche,  faisant  alors 
ouvrir  la  porte,  en  sortit  à  la  tête  de  sa  compagnie  et 
vint  prendre  part  à  la  défense  avec  une  pièce  d'artil- 
lerie dont  il  lit  tirer  plusieurs  coups.  Son  intervention 
causa  de  grandes  pertes  aux  assaillants,  et,  sans  ha- 
sarder une  nouvelle  attaque,  le  roi  de  Bohême  fit  son- 
ner la  retraite. 

Le  lendemain  (22  septembre),  les  trois  princes^  ap- 
prenant que  le  duc  de  Lorraine  arrivait  enfin  avec  son 
armée^  se  portèrent  au-devant  de  lui;  Il  venait  par  le 


30  INTRODUCTION. 

Saulnois,  à  la  tête  de  dix  compagnies  de  gens  d'armes, 
et  signalait  son  passage  par  des  ravages  et  des  pilleries 
plus  dignes  de  «  Turcs  et  de  Sarrasins  »  que  d'un 
prince  chrétien.  Les  confédérés,  réunis  en  un  seul 
camp,  fêtèrent  la  concentration  de  leurs  forces  par  des 
banquets  où  régna  une  joie  bruyante,  puis  ils  tinrent 
conseil  le  lendemain  pour  arrêter  leur  plan  d'opéra- 
tions. Peu  encouragés  par  l'insuccès  de  l'attaque  tentée 
le  jour  précédent,  ils  ne  se  décidèrent  pas  à  renouveler 
la  tentative,  et  prirent  le  parti  d'aller  se  poser  à 
Fleury  sur  la  Seille,  au  centre  d'un  canton  riche  et 
peuplé,  qui  offrait  à  leur  armée  de  précieuses  res- 
sources. 

Cependant ,  avant  de  lever  le  camp,  le  roi  de 
Bohême,  plein  de  confiance  en  la  vaillance  de  ses 
gens,  voulut  faire  une  pointe  agressive  contre  la  cité, 
dans  le  voisinage  de  la  porte  Mazelle.  Mais  il  n'eut  pas 
lieu  de  se  féliciter  de  celte  hardiesse;  car  il  rencontra, 
près  de  la  Seille,  un  corps  de  cavalerie  messine  qui 
s'y  était  établi  pour  surveiller  les  mouvements  de 
l'ennemi,  et  qui  aborda  ses  troupes  avec  une  inésis- 
tible  impétuosité.  Plusieurs  de  ses  meilleurs  che- 
valiers ,  parmi  lesquels  Milon  d'Acey  et  Henri  de 
Serrières,  furent  tués  au  premier  choc,  et  d'autres  faits 
prisonniers,  tels  que  le  seigneur  de  Lénoncourt  et 
Gillet  d'Avoncourt,  pertes  très-sensibles  dont  il  de- 
meura aussi  affligé  qu'irrité. 

Sur  tout  le  chemin  que  suivirent  les  alliés  entre 
Grimont  et  Fleury,  il  ne  resta  pas  une  maison  intacte. 


INTRODUCTION.  37 

Magny,  Poiiilly,  furent  livrées  aux  flammes.  Après 
deux  jours  consacrés  à  cette  cruelle  exécution,  ils  vou- 
lurent revenir  clans  les  environs  de  Metz  ;  mais  ce  mou- 
vement fut  arrêté,  car  le  pont  de  la  Seille  avait  été 
rompu  par  la  sage  précaution  des  Messins,  et  il  le  fal- 
lait faire  reconstruire.  Pendant  cet  intervalle,  les  sei- 
gneurs de  la  cité,  s'attendant  à  une  tentative  d'attaque 
sur  un  nouveau  point,  avaient  fait  rapidement  rentrer 
dans  la  ville  tout  ce  que  contenaient  les  faubourgs  de 
Saint-Arnould,  de  Saint-Clément  et  de  Saint-Sympho- 
rien,  formés  autour  des  célèbres  abbayes  bénédictines 
de  ce  nom,  et  voisins  de  l'enceinte,  en  face  du  front 
qui  s'étend  entre  la  porte  Serpenoise  et  la  porte  Saint- 
Thiébaut. 

Le  passage  sur  la  Seille  rétabli,  le  29  septembre, 
les  alliés  se  dirigèrent  vers  Moulins,  dont  le  pont,  sur 
la  Moselle,  avait  également  été  rompu.  Il  ne  leur  fallut 
que  peu  de  temps  pour  le  restaurer  et  ils  se  répan- 
dirent dans  le  Val-de-Metz,  dont  les  villages,  riches 
et  nombreux,  avaient  été  jusque-là  épargnés.  Les  dé- 
vastations et  les  cruautés  qui  se  commirent  alors  dé- 
passèrent ce  qu'on  avait  vu  jusque-là;  car  à  l'armée 
s'étaient  joints  une  foule  de  gens  venus  du  marquisat 
de  Pont-à-Mousson  et  des  prévôtés  voisines,  pillards 
de  bas  étage,  capables  de  toutes  les  infamies,  qui, 
s'abritant  derrière  les  hommes  d'armes  de  leur  sei- 
gneur, trouvaient  aussi  facile  que  lucratif  d'exercer, 
sans  danger  comme  sans  vergogne,  le  métier  de  vo- 
leur et  d'incendiaire,  et,  à  l'occasion,  celui  d'assassin. 


38  INTRODUCTION. 

Les  habitants  du  Val-de-Metz  furent  traités  sans  pitié  ; 
on  ne  voyait  que  gens  tués  ou  blessés  :  c'était  un 
spectacle  à  faire  horreur. 

A  la  tête  de  ces  bandes  de  destructeurs  figurait  un 
capitaine  nommé  Jean  de  Marly,  écuyer,  qui  était  au 
service  du  comte  de  Bar,  bien  que  sa  seigneurie  fît 
partie  du  territoire  messin.  Malgré  les  motifs  qui,  à 
ce  titre,  eussent  dû  le  rendre  clément  pour  des  com- 
patriotes ,  il  se  montrait,  au  contraire,  plus  que  per- 
sonne animé  à  faire  le  mal.  Depuis  Arry  jusqu'à 
Moulins,  sur  les  deux  rives  de  la  Moselle,  le  ciel  était 
obscurci  par  la  fumée  des  incendies. 

Pendant  que  cette  cruelle  dévastation  s'opérait,  un 
parti  nombreux  se  dirigeait,  presque  aux  portes  de 
Metz,  sur  un  lieu  sinistre  et  découvert  appelé  le  Ge- 
nestroy,  à  cause  des  genêts  qui  s'y  trouvaient.  C'est 
là  qu'était  la  justice  de  Metz,  et  un  vaste  gibet,  à 
quatre  piliers,  unis  par  de  longues  barres  de  fer,  y 
supportait  bon  nombre  de  malfaiteurs  ,  pendus  par 
arrêt  du  tribunal  des  Treize,  et  dont  les  corps  se 
balançaient  au  vent.  Les  ennemis  commencèrent,  en 
dérision  des  formes  de  la  justice  messine,  par  hucher 
les  Treize,  c'est-à-dire  les  sommer  de  comparaître  ; 
puis  ils  jetèrent  bas  le  gibet,  avec  sa  lugubre  charge, 
et  laissèrent  confondus  pêle-mêle  sur  le  sol  les  débris 
de  la  construction  et  les  restes  humains  qui  y  étaient 
attachés.  Seulement,  peut-être  par  un  sentiment  de 
superstition  et  pour  essayer  d'en  faire  quelque  charme, 
ils  prirent  soin  de  détacher  et  d'emporter  avec  eux 


INTRODITCTIGN.  39 

toutes  les  chaînes  et  tous  les  carcans  de  fer  qui  avaient 
supporté  les  pendus. 

Mais,  pendant  que  cette  ignoble  scène  se  passait,  les 
défenseurs  de  Metz  firent  une  sortie  qui  y  mit  brus- 
quement un  terme.  Il  y  eut  des  morts  de  part  et 
d'autre,  et  les  Messins  rentrèrent  dans  leurs  murs 
en  y  emmenant  prisonnier  un  des  plus  éminents  per- 
sonnages de  l'armée  lorraine,  Henry  de  Fénestrange, 
sire  de  Faulquemont.  Une  telle  capture  aurait  dû  re- 
présenter, pour  la  cité,  une  source  d'avantages  considé- 
rables, mais  elle  ne  lui  rapporta  que  des  déceptions. 

Ce  seigneur,  en  effet,  possesseur  de  grands  domaines 
voisins  de  l'Alsace  et  du  Saargau,  comptait  des  amis, 
des  parents,  parmi  les  soldoyeurs  les  plus  notables  qui 
s'étaient  mis  au  service  de  Metz.  Ceux-ci  intervinrent 
auprès  des  magistrats  pour  qu'on  épargnât  au  prison- 
nier les  pénibles  rigueurs  de  la  captivité.  Il  fut  laissé 
libre  sur  parole,  moyennant  un  cautionnement  de 
10,000  livres.  Cette  somme  fut  même  réduite  à  7,000 
sur  les  instances  ou,  pour  mieux  dire,  sous  la  pression 
des  seigneurs  allemands.  Il  jura  sur  les  saints  Evangiles 
qu'il  ne  nuirait  jamais  à  la  cité  ni  à  ses  alliés.  A  ce 
prix  il  redevint  libre;  mais  l'engagement  ne  fut  pas 
mieux  tenu  que  le  serment. 

Pendant  trois  jours,  les  alliés  occupèrent  le  Val-de- 
Metz  et  y  causèrent  tous  les  maux  imaginables.  Pendant 
ce  temps  un  capitaine  messin,  Guillaume  de  Vry,  se 
distingua  par  une  prouesse  dont  le  principal  résultat 
fut  la  sauvegarde  de  la  digue  de  Waclrinau,  si  impor- 


40  INÏIVODUCTIOK. 

tante  à  préserver,  à  cause  des  eaux  du  bras  intérieur 
dont  elle  sert  à  élever  le  niveau. 

11  fit  charger  une  nef  de  toutes  sortes  d'armes  de 
hast  et  de  trait,  y  compris  une  arbalète  puissante  et 
même  une  serpentine,  s'il  faut  en  croire  la  chronique. 
Cette  nef  était  garnie  de  créneaux  et  aucun  de  ses 
défenseurs  n'était  à  découvert.  Il  l'emmena  le  long  de 
la  rivière,  faisant  des  décharges  meurtrières  sur  les 
groupes  ennemis  qui  étaient  à  sa  portée,  et,  sans  avoir 
subi  aucune  perte,  ne  h»  ramena  en  ville  qu'après  avoir 
fait  beaucoup  de  mal  aux  envahisseurs. 

Durant  le  séjour  que  les  alliés  firent  à  Moulins,  on 
ne  saurait  décrire  les  ravages  cju'ils  exercèrent.  En- 
fin, le  dimanche  3o  septembre ,  ils  parurent  se  déci- 
der à  un  effort  plus  digne  de  leur  titre  de  chevalier  que 
les  misérables  pilleries  qui ,  jusqu'alors,  paraissaient 
avoir  suffi  à  leur  gloire.  Au  point  du  jour,  l'armée  fut 
mise  en  mouvement  et  vint  se  ranger  en  bataille  vis- 
à-vis  des  ponts  de  la  Moselle,  dans  une  belle  ordon- 
nance de  combat.  Les  princes,  pour  stimuler  le  zèle 
de  leurs  partisans ,  conférèrent  à  plusieurs  d'entre  eux 
l'ordre  de  la  chevalerie  avec  toutes  les  cérémonies 
ordinaires.  Mais  là  se  horna  leur  démonstration  ;  ils 
ne  firent  même  pas  mine  d'attaquer  les  murailles. 

Pendant  ce  temps,  toutes  les  troupes  de  la  cité, 
soldoyeurs  ei  gens  de  pied,  étaient  sous  les  armes, 
attendant  l'attaque  pour  y  répondre  vigoureusement. 
Voyant  que  cette  attaque  était  différée  et  trouvant 
imprudent  de  tenter  une  sortre  dans  laquelle  les  gens 


INTRODUCTION.   •  ûl 

de  pied,  mal  exercés  et  peu  faits  pour  la  guerre,  au- 
raient pu  subir  quelque  mésaventure  ,  ils  prirent  le 
parti  de  rester  sur  la  défensive. 

Ainsi  se  passa  la  journée.  Un  seul  incident  la  si- 
gnala. Un  parti  barrisien  ayant  passé  la  rivière  vis-à- 
vis  de  la  porte  Palard,  pour  mettre  le  feu  au  Moulin-le- 
Duc,  quelques  bommes  des  métiers  de  Metz,  conduits 
par  un  cordonnier  plein  de  cœur,  sortirent  de  la  ville 
par  les  Barres,  au-dessus  du  Moyen-Pont,  et  firent 
si  bien  qu'ils  tuèrent  plusieurs  ennemis  et  s'emparè- 
rent de  leurs  chevaux. 

Quittant  alors  leur  position  de  Devant-les-Ponts , 
les  princes  alliés  se  portèrent  dans  la  direction  de  la 
riche  plaine  arrosée  par  la  Moselle  en  aval  de  Metz. 
Leur  première  étape  fut  le  monastère  de  Sainte-Croix 
ou  Saint-Eloy,  de  Tordre  de  Prémonlrés. 

Le  soin  qu'ils  y  prirent  avant  tout  fut  de  rendre  les 
devoirs  funèbres  à  un  gentilhomme  de  distinction,  qui 
avait  été  tué  Tavant-veille  en  face  de  Longeville  par  un 
des  traits  de  l'arbalète  à  tour  de  Guillaume  de  Vry .  Puis, 
ce  pieux  devoir  accompli,  ils  mirent  tout  à  sac  et  à 
pillage  dans  le  monastère.  Sans  égard  pour  les  prières 
des  pauvres  religieux,  ils  allèrent  jusqu'à  les  dépouiller 
de  leurs  robes  de  bure,  enlevèrent  les  portes  et  les  fe- 
nêtres du  couvent,  et  se  préparaient  à  compléter  la 
destruction  par  l'incendie,  lorsque  le  roi  de  Bohème 
se  laissa  attendrir  et  permit  qu'on  laissât  debout  ce 
que  la  dévastation  avait  respecté.  Chose  suiprenanle 
de   la  part  d'un  prince  de  l'Église,   l'archevêque   de 


ta  INinODDCTION. 

Trêves  se  refusa  à  cette  concession  :  il  alla  même  jus- 
qu'à mettre  de  ses  propres  mains  le  feu  au  couvent. 
Mais  le  fléau  s'arrêta  ou  fut  éteint  avant  d'avoir  causé 
des  ravages  sérieux. 

Le  même  jour,  Woippy,  domaine  du  chapitre  de  la 
cathédrale,  fut  livré  aux  flammes,  ainsi  que  les  maisons 
et  les  granges  avoisinantes.  Il  aNait  été  convenu  entre 
les  princes  que  l'on  n'épargnerait  (jue  les  construc- 
tions auxquelles  seraient  apposées  les  armoiries  de 
tous  les  quatre,  et  que  le  droit  de  grAce  n'était  pas 
même  dévolu  à  trois  d'entre  eux,  sans  l'aveu  du  qua- 
trième. Cette  convention  reçut  son  exécution  avec  une 
impitoyable  rigueur. 

Mais  là  s'arrêta,  pour  cette  fois,  le  pillage  organisé 
que  les  alliés  décoraient  du  nom  de  guerre.  Ils  se  di- 
rent que  jamais  ils  ne  seraient  capables  de  s'emparer 
de  la  cité  par  la  force,  et  que,  l'intimidation  n'ayant 
pas  réussi  à  en  faire  ouvrir  les  portes,  leur  séjour  sous 
ses  murs  pouvait  se  prolonger  indéfiniment  sans  ré- 
sultat sérieux.  Ils  prirent  en  conséquence  le  parti  de 
s'en  retourner,  chacun  en  son  pays,  avec  les  fruits 
déjà  considérables  de  leur  incursion.  Cette  décision 
s'exécuta  sans  relard.  Dès  la  tombée  de  la  nuit,  ils 
firent  partir  leurs  fourriers  avec  un  convoi  de  chars 
où  ils  amassèrent  tout  ce  qu'ils  avaient  recueilli.  La 
nuit  se  passa  à  veiller  soigneusement,  dans  la  crainte 
d'une  surprise;  mais  les  Messins  ne  la  tentèrent  pas, 
ignoiant  les  résolutions  de  leurs  ennemis. 

Le  lendemain,    i"  octobre,  dès  le  point  du  jour, 


INTRODUCTION.  hi 

toute  l'armée  se  présenta  en  face  des  ponts  de  la  Mo- 
selle pour  essayer  un  dernier  effort  d'intimidation.  On 
fit  sonner  tout  ce  qu'on  avait  de  trompettes  et  de  clai- 
rons, chacun  se  tenant  sous  sa  bannière,  en  appareil 
de  combat.  Là  se  borna  la  manifestation  belliqueuse; 
et  comme  les  Messins,  en  bon  ordre  autant  qu'en  sû- 
reté à  l'abri  de  leurs  murailles,  n'en  parurent  aucu- 
nement impressionnés,  l'armée  se  retira  quelque  peu 
en  arrière  :  les  escadrons  se  formèrent  pour  la  route, 
et  ils  se  séparèrent  dans  deux  directions  opposées, 
chacun  tirant  vers  son  pays. 

Les  princes  firent  alors  proclamer  dans  toute  la 
contrée  que  quiconque  devait  quelque  chose  au  gou- 
vernement ou  aux  citains  de  Metz  eût  à  en  opérer  le 
payement  entre  les  mains  de  leurs  receveurs,  et  que, 
moyennant  ce  versement,  quittance  définitive  lui  se- 
rait remise.  Cela  fait,  chacun  rentra  dans  ses  Etats. 


Les  seigneurs  de  Metz,  remis  de  ce  que  cette  alarme 
avait  eu  de  violent  et  d'imprévu,  se  préoccupèrent  sans 
retard  des  moyens  d'arriver  à  quelque  chose  de  plus 
que  la  résistance,  pour  ainsi  dire  passive,  qu'ils  avaient 
opposée  à  leurs  ennemis.  Ce  qu'il  y  avait  à  essayer 
avant  tout,  en  attendant  des  opérations  plus  sérieuses, 
c'était  de  faire  payer  aux  envahisseurs  le  mal  qu'ils 
avaient  causé,  en  le  leur  rendant  chez  eux. 

Une  expédition,  composée  de  soldoyeurs  et  de  gens 


W  IMnODLCTION. 

de  la  cité,  se  forma  immédiatement  dans  ce  but.  En 
partie  par  les  chemins  riverains  de  la  Moselle  et  à  Ira- 
vers  les  collines  qui  la  bordent,  en  partie  transportés 
sur  des  bateaux  armés  en  guerre,  les  Messins  allèrent 
porter  le  ravage  à  la  fois  chez  le  duc  de  Lorraine  et  chez 
le  comte  de  Bar,  en  attaquant  Prény,  Pagny,  Vandières 
et  Norroy-sous-Froidmont.  Tout  le  pays  fut  livré  au 
pillage,  les  moulins  furent  détruits  et  Us  bestiaux  saisis. 
Un  chevalier  d'une  bravoure  et  d'une  adresse  remar- 
quables, Jean  de  Metz,  était  à  la  tête  de  cette  expé- 
dition, qui  obtint  un  succès  complet,  et  ramena  des 
approvisionnements  en  abondance. 

Pendant  ce  temps  les  magistrats,  considérant  le 
grave  danger  auquel  la  cité  restait  exposée,  résolurent 
de  créer  une  commission  spéciale,  pour  aviser  à  tout 
ce  qui  regardait  la  défense  commune  et  lui  donnèrent 
des  pouvoirs  exceptionnels.  Chacun  des  cinq  pre- 
miers paraiges  fournit  un  de  ses  membres,  le  Com- 
mun en  fournit  deux,  et  la  commission  des  Sept  de  la 
guerre  fut  composée  des  seigneurs  :  Geoffroy  Chaver- 
son,  pour  Porte-Moselle;  Jehan  Ancel,  pour  Jurue  ; 
Gillat  Ruece,  pour  Port-Saillis;  Perrin  le  Maire,  pour 
Saint-Martin;  Jacomin  Boileau,  pour  Oultre-Seille,  et 
enfin  Robin  Lorette  et  Simonat  Brie,  pour  le  Commun. 
Un  des  Treize,  Mathieu  Simon,  et  deux  des  prud'hom- 
mes, Thiébaut  le  Gournaix  et  Jean  Folie,  son  fils,  leur 
furent  adjoints  pour  assurer,  au  nom  des  conseils  sou- 
verains de  la  cité,  l'exécution  de  toutes  les  mesures 
qu'ils  jugeraient  à  propos  de  prendre. 


liNTRODUCTlON.  Ji5 

Les  points  sur  lesquels  devait  se  porter  leur  allen- 
lioii  étaient  multiples,  et  il  v  avait  urgence  à  mettre 
en  œuvre  tVimportants  travaux  cléfensifs.  Les  fortifica- 
tions de  Metz  se  ressentaient  de  la  période  pacifique  qui 
venait  de  s'écouler  et  de  l'extension  considérable  que 
la  ville  avait  prise  depuis  un  siècle.  Il  fallait  remettre 
les  tours  en  état,  établir  des  communications  entre 
elles  et  avec  le  dehors,  les  couvrir  et  les  approvision- 
ner d'armes  de  jet.  Il  fallait  détruire  toutes  les  mai- 
sons et  les  jardins  qui  s'étendaient  le  long  des  mu- 
railles et  les  empêchaient  d'avoir  sur  les  dehors  le 
commandement  nécessaire,  créer  une  solide  clôture 
non-seulement  aux  faubourgs  voisins  de  la  porte  Ma- 
zelle  et  de  la  porte  des  Allemands,  mais  à  un  quartier 
même  de  la  ville  nouvellement  construit  et  non  encore 
compris  dans  l'enceinte,  et  établir  des  ouvrages  de 
campagne  pour  les  relier  à  cette  dernière.  Il  fallait 
creuser  des  fossés  en  avant  d'une  partie  des  remparts 
pour  les  mettre  à  l'abri  d'une  tentative  d'escalade.  Il  y 
avait  enfin  à  augmenter  dans  une  large  proportion  le 
nombre  des  engins  d'artillerie  dont  les  murailles  étaient 
garnies,  et  tous  ces  travaux  s'imposaient  avec  un  ca- 
ractère on  ne  peut  plus  urgent.  Aussi  un  crédit  illimité 
était-il  ouvert  aux  Sept  de  la  guerre.  Ils  n'avaient  à  se 
préoccuper  que  d'une  chose:  c'était  d'assurer  par  tous 
les  moyens  en  leur  pouvoir  le  salut  et  l'inviolabilité  de 
la  cité. 

Tous  ces  travaux  furent  mis  en  œuvre  avec  une  ac- 
tivité extrême,  et  en  peu  de  temps,  giâce  au  patrio- 


46  INXnOOUCTION. 

lisme  des  habitants,  qui  ne  marchandèrent  pas  les 
sacrifices  ,  tout  fut,  dans  la  cité,  mis  en  assez  bon  état 
de  défense.  Les  jarch'ns  et  pavillons  de  plaisance  qui 
s'étendaient  en  face  de  l'abbaye  Saint-Vincent,  entre 
la  muraille  et  la  rive  de  la  Moselle,  furent  condamnés 
à  disparaître,  et  il  fut  résolu  qu'à  leur  place  seraient 
creusés  de  larges  et  profonds  fossés,  remplis  au  moyen 
d'une  prise  d'eau  ouverte  dans  le  bief  supérieur  des 
moulins  de  la  ville.  Un  tel  travail  devait  donner  une 
force  sérieuse  à  cette  partie  de  l'enceinte,  restée  jus- 
que-là fort  imparfaite.  On  jugea,  de  plus,  nécessaire 
de  fermer  le  plus  grand  nombre  des  portes  et  poternes, 
qui  donnaient  un  trop  facile  accès  dans  les  fossés  et 
dans  la  campagne.  De  dix-neuf,  elles  furent  réduites 
à  huit  (nombre  resté  le  même  depuis  cette  époque 
jusqu'à  nos  jours). 

L'expédition  de  Jean  de  Metz  avait  donné  une  sé- 
vère leçon  aux  Lorrains  et  aux  Barrisiens.  L'un  des 
principaux  soldoyeurs,  le  Raugraf  Conrad,  se  chargea 
de  remplir  la  même  mission  auprès  des  sujets  du 
comte  de  Luxembourg.  Une  nombreuse  sortie  exé- 
cutée sous  ses  ordres,  le  dimanche  d'avant  la  Tous- 
saint (28  octobre),  mit  les  Messins,  auprès  de  Vigy, 
en  présence  d'un  corps  de  Luxembourgeois  qui  étaient 
Venus  faire  la  course  sur  le  territoire  de  la  cité.  Assail- 
lis avec  vigueur,  ces  derniers  se  virent  réduits  à  pren- 
dre la  fuite,  mais  non  sans  laisser  sur  le  carreau  bon 
nombre  de  morts.  Plusieurs  autres  se  noyèrent  en 
voulant  traverser  l'étang  de  Blanchard.  Les  Messins 


NTllODUCTION.  47 

revinrent  à  Metz  sans  aucune  perte,  ramenant  avec 
eux  vingt  prisonniers. 

Le  lendemain  de  la  Toussaint  une  nouvelle  expédi- 
tion fut  dirigée  vers  le  Val-Sainte-Marie,  sous  le  châ- 
teau de  Prény.  Ce  lieu  était  célèbre  par  une  magni- 
fique abbaye  de  Prémontrés,  fondée,  à  la  demande  de 
saint  Norbert,  sous  le  nom  de  Sainte-Marie-aux-Bois, 
par  la  piété  du  duc  de  Lorraine  Simon.  Ni  la  sainteté 
du  lieu  ni  celle  du  jour  ne  protégèrent  les  fermes  et 
les  villages  environnants  ;  tous  les  bestiaux  et  toutes 
les  denrées  qu'ils  renfermaient  furent  pillés  et  ame- 
nés à  Metz.  Le  comte  Edouard  de  Bar  était  alors  à 
son  château  de  Mousson,  à  deux  lieues  de  là,  avec  des 
hommes  d'armes  en  bon  nombre  ;  mais,  quoique  bien 
averti  de  ce  qui  se  passait,  à  si  petite  distance  de  lui, 
il  n'eut  pas  la  hardiesse  de  monter  à  cheval  pour  dis- 
puter aux  Messins  la  possession  de  leur  butin. 

Quatre  jours  plus  tard  le  comté  de  Luxembourg 
reçut,  à  son  tour,  la  coûteuse  visite  des  gens  d'armes 
de  la  cité.  Ils  ravagèrent  tous  les  villages  dans  les  en» 
virons  de  Luttange  et  de  Melzerwisse  et  firent  une 
pointe  en  terre  lorraine  dans  la  direction  de  Wars- 
berg.  Puis  ils  revinrent  avec  de  riches  dépouilles  , 
sans  autre  incident  qu'une  blessure  reçue  par  Jean 
de  Heu,  un  des  nobles  seigneurs  de  la  cité. 

Le  lendemain,  nouvelle  expédition  vers  Chambley, 
enclave  lorraine,  voisine  de  la  terre  de  Gorze  ;  tous 
les  manoirs  qui  en  dépendaient  furent  saccagés  et 
vidés  de  leurs  approvisonnements,  et  ceux-ci  menés  à 


Ù8  INTIIODUCTION. 

Gorze.  Le  jour  suivant,  un  corps  de  cavalerie  alla' les 
reprendre  en  cette  ville  pour  en  assurer  le  transport  à 
Metz,  ce  qui  se  fit  d'ailleurs  sans  que  Tennetni  cherchât 
à  y  mettre  obstacle. 

Comme  les  princes  alliés  se  tenaient  alors  en  repos 
dans  leurs  États,  et  qu'il  ne  semblait  pas  qu'ils  fussent 
disposés  à  rien  entreprendre  de  sérieux  avant  l'hiver, 
la  cité  donna  provisoirement  congé  au  plus  grand 
nombre  de  ses  soldoyeurs.  Les  compagnies  du  sire 
de  la  Pierre,  du  Raugraf  et  de  Jean  de  Metz  furent 
seules  conservées  à  l'état  d'activité. 

Il  se  passa  à  Metz,  en  ce  moment,  un  événement 
tragique  sur  lequel  une  lacune,  volontaire  ou  acciden- 
telle, de  notre  chronique,  laisse  malheureusement  une 
ombre  épaisse.  Nous  ne  saurions  faire  plus  que  de 
reproduire  le  récit  du  fait,  puisqu'il  n'est  entouré  d'au- 
cune des  explications  qu'on  voudrait  avoir  à  son  sujet. 
Il  fallait,  sans  doute,  un  acte  de  trahison  bien  avéré, 
quelque  pacte  monstrueux  avec  les  ennemis  de  la  cité, 
pour  faire  livrer  à  la  mort  la  plus  honteuse ,  à  la 
noyade,  par  un  reste  de  pitié,  cachée  dans  l'obscurité 
de  la  nuit  et  exécutée  par  des  mains  amies.  Colin  Gron- 
gnat,  un  proche  parent  du  dernier  maître-échevin  et 
Sept  de  la  guerre  en  exercice,  et  du  vaillant  chevalier 
que  les  Messins  regardaient  comme  leur  plus  solide  dé- 
tenseur. Quoi  qu'il  en  soit  des  causes  qui  l'ont  amené, 
voici  le  fait,  raconté  avec  la  brièveté  et  les  lacunes  que 
Ton  regrette  de  trouver  dans  le  texte  contemporain. 

Le  lundi   après   la  Toussiùnt,   il  fut  décidé  par  le 


INTRODUCTION.  U9 

maître-éclievln,  les  Treize  et  les  prud'hommes,  e'est- 
à-dire  par  le  grand  conseil  de  la  cité,  que  Colin  Gron- 
gnat  serait  noyé  par  ses  amis,  la  nuit,  en  présence  de 
deux  des  Treize.  Et  si  Tarrêt  n'était  pas  exécuté  cette 
nuit  même,  la  justice  devait  y  pourvoir  le  lendemain. 
Mais  son  intervention  ne  fut  pas  nécessaire.  Le  drame 
lugubre  s'accomplit  selon  ia  décision  du  conseil  : 
les  sires  Etienne  et  Berthald  Reffaut ,  Jean  Maire  et 
Wicbard,  son  frère,  les  deux  fils  d'Hugues  Grongnat, 
amis  du  condamné,  en  furent  les  acteurs  désolés; 
les  Treize  Mathieu  Simon  et  GoUard  de  Gournay  en 
furent  les  témoins  juridiques.  — Et  c'était  pour....  (i) 
que  Colin  Grongnat  avait  été  condamné  à  ce  supplice. 

VI. 

Cependant  le  roi  Jean,  fort  expert  en  choses  de 
guerre,  n'avait  pas  eu  besoin  de  beaucoup  de  temps, 
après  le  commencement  des  hostilités,  pour  reconnaître 
que  l'expédition  entreprise  par  lui  ne  donnerait  pas 
les  résultats  qu'il  en  avait  espérés.  Dès  la  fin  de  sep- 
tembre, sentant  le  besoin  de  renforcer  sa  puissance,  il 
avait  reçu,  au  nombre  de  ses  aidants,  le  comte  Jean 
de  Spanheim  (2),  moyennant  une  somme  de  mille  li- 
vres payables  quatre  semaines  après  Noël  et  deux  cents 
livres  pour  l'acquisition  d'un  cheval  de  guerre.  Il  ne 

(1)  Lacune  au  manuscrit. 

(2)  L'acte  original,  daté  du  27  septembre  1324,  est  aux  archives 
de  Carlsruhe.  Cart.  de  Spire.  B.  f»  23. 

4 


50  INTRODUCTION. 

tarda  même  pas  à  redouter,  de  la  part  des  Messins, 
une  offensive  sérieuse  et  crut  nécessaire  de  prendre  à 
Thionvilledes  précautions  qui  missent  cette  forteresse, 
si  puissante  qu'elle  fût,  à  l'abri  d'une  tentative  d'atta- 
que. En  conséquence,  il  signait,  le  i5  octobre,  avec 
son  oncle  l'archevêque  de  Trêves  une  convention  par- 
ticulière pour  la  constitution,  dans  cette  ville,  d'une 
garnison  spéciale  de  deux  cents  hommes  d'armes,  dont 
l'archevêque  s'engageait  à  fournir  le  quart  (i). 

A  la  manière  dont  la  guerre  tournait ,  les  autres 
princes  confédérés  n'eurent  pas  non  plus  de  peine  à 
reconnaître  qu'ils  n'avaient  pas  une  puissance  suffi- 
sante pour  la  terminer  selon  leur  gré.  Ils  pensèrent 
à  se  fortifier  par  .de  nouvelles  alliances  et  à  grouper 
autour  d'eux  d'autres  adversaires  de  la  cité.  Le  pre- 
mier auquel  ils  firent  appel  fut  l'évêque  Henry  Dau- 
phin, dont  le  concours  semblait  leur  être  assuré  par 
ses  mauvais  rapports  avec  les  Messins.  En  effet,  les 
ouvertures  qu'ils  firent  aux  dépositaires  de  son  pouvoir 
temporel  furent  accueillies  avec  empressement,  et  il  en 
résulta  un  traité,  en  date  du  i5  novembre,  signé  à 
Bérus,  siège  d'une  chàtellenie  lorraine,  voisine  de  Bou- 
lay,  en  présence  d'un  grand  nombre  de  seigneurs  du 
pays,  par  messire  Amblard  de  Beaumont,  chevalier,  au 
nom  du  prélat.  Par  ce  traité,  Henri  Dauphin  s'engageait 
à  faire  cause  commune  avec  les  confédérés,  à  prendre 
sa  part  de  toutes  les  charges  de  la  guerre,  à  y  figurer 

(1)  L'original  de   celle  convention  est  aux  archives  de  Coblentz> 
{PubL  lie  la  Soc.  arc  h.  de  Luxembourg,  1873.) 


INTUOOUCT10^.  51 

en  personne  à  la  tête  de  troupes  en  bon  nombre  et  à 
ne  pas  faire  la  paix  sans  ses  alliés.  Il  lui  était  promis, 
par  contre,  que  la  sixième  partie  des  bénéfices  de 
toute  sorte,  réalisés  à  la  suite  de  la  guerre,  lui  serait 
réservée,  et  que  la  paix  ne  se  signerait  pas  sans  qu'il  eût 
reçu  satisfaction  de  tous  les  griefs  qu'il  avait  à  faire 
valoir  (i).  Nous  avons  dit  la  sixième  partie.  Il  y  avait 
donc  encore  un  autre  ennemi  de  la  cité  sur  lequel  on 
comptait  et  qui  était  appelé,  le  cas  échéant,  à  prendre 
une  part  de  ses  dépouilles.  Or  ce  nouvel  allié,  dans  la 
pensée  des  confédérés ,  n'était  autre  que  le  roi  de 
France,  Charles  le  Bel  :  il  est  nommé  dans  le  traité. 

Une  pièce  bien  intéressante,  qui  figure  en  original 
aux  Archives  nationales  (2),  revêtue  des  quatre  sceaux 
des  alliés,  contient,  en  effet,  sous  la  date  de  la  fin 
d'octobre,  un  projet  d'alliance  offensive  et  défensive 
présenté  par  eux  à  l'acceptiition  du  roi  de  France,  <•  en 
vue  des  nombreux  despits  et  dommages  que  les  Messins 
avaient,  de  tout  temps,  causé  à  ses  sujets,  »  lui  pro- 
mettant de  lui  en  donner  ample  et  complète  satisfac- 
tion, et  de  lui  assurer  de  plus_,  à  lui  aussi,  le  sixième 
des  fruits  de  la  guerre. 

Les  princes  confédérés  pouvaient  avoir  quelque  rai- 
son de  compter  sur  l'intervention  du  roi  de  France  en 
leur  faveur.  Le  duc  de  Lorraine  et  le  comte  de  Bar 


(1)  L'original  est  aux  archives  de  Coblenlz.  [Puil.  de  la  Soc.  arcli. 
de  Luxembourg,  1873.) 

(2)  Ce  projet  de  traité  est  publié    lu  extenso  dan»  les  Pièces  à  la 
suite. 


52  inthoduction. 

n'avaient  avec  lui  que  des  rapports  pleins  de  déférence 
et  d'amitié;  le  roi  savait  qu'il  pouvait  compter  sur  leur 
dévouement,  et  il  ne  se  trompait  pas;  car,  lorsque, 
peu  d'années  plus  tard,  il  fit  la  guerre  contre  les  Fla- 
mands, les  bannières  des  trois  princes  confédérés  flot- 
taient à  côté  de  celle  de  la  France,  et  le  champ  de 
bataille  de  Gassel  voyait  le  duc  Ferry  rester  parmi  les 
morts  et  le  comte  Edouard  au  nombre  des  blessés. 

Quant  au  roi  Jean,  c'était  plus  encore  qu'une  al- 
liance politique  et  que  les  devoirs  de  la  féodalité  qui 
l'unissait  au  roi  Charles  IV.  Un  lion  étroit  de  famille 
s'était  formé  entre  eux.  Après  avoir  obtenu  du  pape, 
en  i32a,  la  rupture  de  son  mariage  avec  l'infidèle 
Blanche  de  Bourgogne,  Charles  avait  demandé  et  ob- 
tenu, par  l'intermédiaire  de  Baudoin,  archevêque  de 
Trêves,  la  main  de  la  sœur  de  Jean  de  Bohême,  Marie  de 
Luxembourg,  âgée  de  dix-neuf  ans  et  douée  des  plus 
rares  perfections.  Tons  les  écrivains  du  temps  sont 
d'accord  pour  faire  de  cette  princesse  un  éloge  sans 
réserve.  Elle  était  «  moult  humble  et  dévote  «•,  dit 
Froissart  ;  «  une  femme  vertueuse  et  charmante  dans 
sa  simplicité  de  colombe,  »  dit  le  chroniqueur  (^jinla 
regia  (i)  ;  «  une  aimable  jeune  fille,  »  dit  Guillaume 
de  Nangis  (2);  «  une  créature  parfaite  (3),  »  dit  la 
chronique  d'Egmont. 


(t)    Fcmina  sîmplex  sîmplicltate   coltimh'iiia ;    elegaiitlssinia  pnvlla 
(Pierre  deZittau,  abbé  à'Aula  regia,  près  de  Prague). 

(2)  Vil  go  gratiosa  (Guil.  de  Nangis). 

(3)  Pcrfectissima  creatura  [Cliroii.  Egmundi). 


INTRODUCTION.  55 

Elle  avait  été  vouée  par  sa  mère,  dès  son  enfance, 
à  la  vie  religieuse,  et,  depuis  l'âge  de  sept  ans,  elle 
vivait  auprès  de  sa  tante,  Marguerite  de  Luxembourg, 
dans  le  monastère  de  Marienthal,  revêtue  de  l'habit 
des  filles  de  Saint-Dominique;  une  charte  de  i3i5  l'y 
montre  encore  dans  l'exercice  de  la  vie  monastique  (i). 

Cependant  son  frère  ne  comptait  pas  laisser  dans 
l'ombre  du  cloître  cette  princesse  accomplie,  digne  des 
trônes  les  plus  hauts.  Il  pensa,  en  iSai,  à  faire,  d'une 
union  avec  elle,  le  gage  de  sa  réconciliation  définitive 
avec  le  duc  Henri  de  Carinthie,  son  ancien  compéti- 
teur au  trône  de  Bohême,  qui  venait  de  perdre  sa  se- 
conde femme  Adélaïde  de  Brunswick.  Mais  la  princesse 
se  défendit  de  ce  projet  d'union  en  s'abrilant  derrière 
des  scrupules  religieux  et  en  alléguant  le  vœu  de  sa 
mère. 

Elle  fit  moins  de  résistance  devant  la  demande  du 
roi  de  France,  et  leurs  noces  furent  célébrées  en  grande 
pompe  à  Provins,  le  24  août  iSaa.  Le  jour  de  la 
Pentecôte  de  l'année  suivante,  son  couronnement  so- 
lennel eut  lieu  à  Notre-Dame  de  Paris,  et  les  princes 
de  Luxembourg,  au  premier  rang  des  assistants,  furent 
comblés  des  plus  justes  honneurs.  Le  bonheur  que 
Marie  de  Luxembourg  donna  à  son  royal  époux  fut 
malheureusement  de  courte  durée.  Elle  mourut  à 
Issoudun,  le  i5  février  i324,  en  donnant  prématuré- 
ment le  jour  à  un  fils,    à   la  suite  des  fatigues  d'un 

(1)  Voir    Pitbl.    de   la  Soc.   arcli.  de  Lux.,  18G1,   art.  Wurth- Pa- 
quet, p.  313. 


M  INTRODUCTION. 

voyage  dans  le  Midi,  et  reçut  la  sépulture  dans  le  mo- 
nastère des  Dominicaines  de  Montargis. 

Mais  les  rapports  qui  unissaient  les  deux  beaux- 
frères  n'en  conservèrent  pas  moins  un  caractère  de 
parfaite  intimité.  Rien  ne  pouvait  altérer  les  sentiments 
que  portait  et  ceux  qu'inspirait  à  la  cour  de  Paris  le 
prince  qui  devait,  peu  d'années  plus  tard,  donner  une 
reine  à  la  France,  par  le  mariage  de  sa  tille  Bonne 
avec  le  duc  Jean  de  Normandie,  héritier  du  trône,  et 
couronner  héroïquement  sa  vie,  en  frappant  un  dernier 
coup,  àCrécy,  contre  les  ennemis  du  royaume. 

Cependant  l'esprit  de  loyauté  du  roi  de  France  ne 
lui  permit  pas  d'accueillir  les  propositions  des  princes 
alliés;  mais,  le  i5  novembre,  son  refus  n'avait  sans 
doute  pas  encore  été  formulé  et  l'espoir  de  voir  réussir 
leur  négociation  était  assez  grand  chez  eux,  pour  qu'ils 
ne  craignissent  pas  de  faire  figurer  dans  une  pièce  offi- 
cielle Charles  IV  au  nombre  de  leurs  «  aidants  » . 

Les  Messins  avaient  bien  eu  quelques  nouvelles  de 
ces  démarches,  faites  pour  leur  créer  un  redoutable 
ennemi  de  plus,  mais  ils  ne  semblent  pas  s'en  être 
beaucoup  inquiétés  (i).  Ils  avaient  foi  dans  l'équité 
du  roi  de  France  et  dans  l'absence  absolue  de  motifs 
sur  lesquels  il  pût  appuyer  des  intentions  hostiles  à 
leur  égard. 

Quant  à  l'évêque  de  Metz,  ils  n'avaient  pas  de  rai- 
son pour  mettre  dans  sa  bienveillance  envers  eux  une 

(1)  Voir  aux  Pièces  à  la  suite  «  la  Réception  maistre  l^mbelin  », 
et  «  l'a.  b.  c.  de  maistre  Asselin  ». 


INTRODUCTION.  55 

égale  confiance.  Ils  connaissaient  bien,  en  effet,  tous  les 
sujets  de  mécontentement  qu'ils  n'avaient  cessé  de  lui 
donner.  Citons  :  la  création  des  prud'hommes,  de- 
vant l'autorité  judiciaire  desquels  disparaissait  celle 
des  Treize ,  revêtus  de  la  consécration  épiscopale  ; 
l'attribution  à  la  caisse  communale  de  la  moitié  des 
amendes,  précédemment  payée  à  l'évêque  ;  le  droit  de 
rachat  à  perpétuité  des  cens  acquis  par  les  ecclésias- 
tiques ;  la  prise  de  possession  d'églises  et  de  fiefs  qui 
étaient  de  la  garde  et  de  la  seigneurie  temporelle  de 
l'évêché  ;  l'obligation  faite  aux  prêtres  d'administrer 
les  sacrements  aux  Lombards;  celle  imposée  aux  reli- 
gieux et  clercs  de  plaider  devant  la  justice  civile;  le 
bannissement  de  plusieurs  ecclésiastiques,  chanoines, 
moines  et  notaires,  et  enfin  la  suppression  du  droit 
attribué  aux  évêques,  de  temps  immémorial,  d'hériter 
des  clercs  morts  sans  testament. 

Telle  était  la  série  des  difficultés  qui,  depuis  main- 
tes années ,  existant  entre  les  évêques  et  la  cité,  don- 
naient à  leurs  relations  un  caractère  d'hostilité  et  de 
méfiance  réciproques.  Toutefois  les  Messins  ne  dé- 
sespérèrent pas  de  ramener  le  prélat  à  des  sentiments 
meilleurs.  Ils  lui  écrivirent  une  lettre  pleine  de  con- 
fiance et  de  soumission,  dans  laquelle,  il  faut  le  dire, 
leur  désir  de  désarmer  sa  malveillance  les  entraînait 
un  peu  loin  ;  car  ils  lui  donnent,  dans  cette  lettre,  des 
titres  dont  les  prélats  messins  étaient  depuis  bien 
longtemps  déshabitués.  Ils  le  qualifient  de  «  nostre 
gowerneur,  nostre  défenseur  et  sires  du  pays,  nostre 


56  INTRODUCTION. 

sowerain  et  très  chier  seigneur  » ,  expressions  qui  con- 
trastent étrangement  avec  l'attitude  fière  et  hostile 
au  point  de  vue  politique,  que,  depuis  deux  siècles,  la 
population  messine  n'avait  cessé  de  garder  vis-à-vis  de 
son  chef  spirituel. 

Cette  lettre,  qui  portait  pour  inscription  :  «  Li 
lettre  ouverte  qui  vait  à  l'esvesque  de  part  sa  ville,  >• 
étant  partie,  les  citains  attendirent  le  résultat  qu'elle 
obtiendrait,  tout  en  renforçant  de  leur  mieux  tous 
les  moyens  de  résistance. 

Cependant  de  nouveaux  ennemis,  entraînés  par  les 
princes  alliés,  ne  tardèrent  pas  à  leur  envoyer  leur 
«  défiance  ».  Gobert  VI,  seigneur  d'Apremont,  fut  le 
premier;  puis  vint  Henri  de  Fénestrange  ,  bien  \ite 
oublieux  du  serment  qu'il  avait  prêté  en  reconquérant 
sa  liberté.  Enfin  les  Messins  apprirent  que  le  gouver- 
neur de  l'évêché,  conformément  au  traité  du  1 5  no- 
vembre, avait  mis  entre  les  niains  des  alliés  les  châ- 
teaux de  Hombourg,  Vie  et  Rambervillers,  non  sans 
recevoir  en  échange,  à  titre  de  gages,  des  sommes 
considérables. 

Telle  était  la  situation  lorsque,  le  3o  novembre,  les 
hostilités  se  réveillèrent.  Un  parti  ennemi  vint,  pen- 
dant la  nuit,  jusqu'aux  portes  de  la  cité  et,  passant  la 
Moselle  entre  les  deux  ponts,  pénétra  jusqu'au  corps 
de  garde  où  se  tenaient,  sans  précaution,  les  nauto- 
niers  chargés  du  passage  de  la  rivière.  L'un  d'eux  fut 
tué  sur  place,  un  autre  emmené  prisonnier. 

Une  insulte  aussi  hardie  excita  avec  raison  un  se- 


INTRODUCTION.  57 

rieux  émoi.  Elle  eut  pour  résultat  d'imprimer  une  plus 
vive  ardeur  à  l'exécution  du  fossé  dont  l'ouverture 
avait  été  décidée.  Sans  perdre  un  instant,  la  dernière  des 
maisonnettes  de  plaisance  disparut,  l'expropriation  du 
terrain  se  paya  sur  les  fonds  de  la  cité  et  de  l'hôpital, 
et  toute  la  population,  sans  distinction  de  laïques  ou 
de  clercs,  fut  appelée  à  prendre  part  à  un  travail  dont 
l'urgence  était  démontrée.  En  quelques  jours  un  fossé 
de  quatre-vingts  pieds  de  largeur  sur  cinquante  de  pro- 
fondeur était  creusé  sur  toute  l'étendue  du  front  de  la 
Moselle,  depuis  le  ruis  des  Pucelles  jusqu'à  la  porte  de 
Chambière.  En  même  temps  les  métiers  redoublaient 
de  zèle  pour  mettre  en  parfait  état  de  défense  les  tours 
dont  le  service  leur  était  confié.  Une  ordonnance  fut 
aussi  publiée,  à  l'exécution  de  laquelle  l'autorité  veilla 
strictement  :  elle  commandait  que,  jusqu'à  la  fin  de  la 
guerre,  chacun  prît  soin  d'entretenir  une  lumière  allu- 
mée à  sa  fenêtre,  de  manière  qu'il  fît  constamment 
clair  dans  toute  la  cité. 

Le  19  décembre,  le  capitaine  d'Ivoy ,  chef- lieu 
d'une  prévôté  du  comté  de  Luxembourg,  réunit  tous 
les  hommes  d'armes  qui  tenaient  garnison  dans  la 
contrée  et  vint,  à  leur  tête,  faire  une  course  jusqu'aux 
portes  de  Metz.  Un  riche  butin  fut  le  fruit  de  cette 
attaque  imprévue.  Plusieurs  chevaliers  messins  firent 
une  sortie  pour  disputer  à  l'ennemi  la  proie  dont  il 
s'était  rendu  maître  ;  mais  la  fortune  leur  fut  contraire; 
ils  furent  obligés  de  se  replier,  laissant  aux  mains  des 
agresseurs  seize   prisonniers,  et  plus  attristés  encore 


58  INTRODDCTION. 

par  la  mort  de  leur  compagnon  sire  Geoffroy  Corbé, 
du  paraige  de  Saint-Martin.  Quelques  jours  plus  tard, 
le  7  janvier,  une  nouvelle  incursion  des  Luxembour- 
geois n'eut  d'autre  résultat  que  l'incendie  des  échalas 
des  vignes,  sur  une  assez  grande  étendue  de  terrain. 

Nous  assistons  à  une  véritable  partie  de  barres. 
Aussitôt  que  les  ennemis  se  sont  retirés,  les  Messins 
font  à  leur  tour  une  sortie.  Cette  fois,  l'expédition  , 
faite  par  eau  et  par  terre,  avait  une  assez  sérieuse  im- 
portance. L'objectif  choisi  était  la  prévôté  de  Pont- 
à-Mousson  et  le  bailliage  de  Nancy.  Les  cavaliers 
messins ,  appuyés  par  une  forte  troupe  de  gens  de 
pied  et  par  toute  une  flottille  de  nefs  armées  en 
guerre,  remontèrent  la  Moselle  jusqu'à  Dieulouard,  où 
ils  s'emparèrent  du  pont  de  bateaux,  qui  fut  ramené  à 
Metz.  Au  retour,  et  contre  toute  attente,  ils  franchi- 
rent le  pont  de  Mousson  sans  alerte.  La  garnison  bar- 
risienne  ne  se  montra  point.  En  y  passant,  ils  pillèrent 
les  granges  de  la  commanderie  de  Saint-Antoine,  an- 
cien et  célèbre  hôpital  fondé  pour  le  soulagement  des 
malades  atteints  du  feu  sacré  axx  feu  Saint- Antoine^ 
ce  terrible  fléau  des  xi*  et  xii^  siècles. 

Mais  ils  firent  aussi  une  prouesse  de  meilleur  aloi. 
Dix  soldoyeurs  et  quelques  hommes  de  pied  allèrent 
provoquer,  au  pied  de  leurs  murailles  mêmes,  les  dé- 
fenseurs de  Mousson.  Ceux-ci  sortirent  en  armes  pour 
répondre  à  leur  défi  ;  mais  mal  leur  en  prit  :  car  les 
Messins  les  reçurent  si  vigoureusement  qu'ils  durent 
opérer  une  retraite  en  toute  hâte,  avec  une  perte  de 


INTRODUCTION.  59 

cinq  des  leurs,  dont  les  chevaux  furent  emmenés 
comme  prix  de  la  victoire.  Tous  les  environs  de  Pont- 
à-Mousson,  jusqu'à  la  frontière  messine,  furent  mis  à 
sac  sans  pitié,  et  l'expédition  rentra  en  ville  chargée 
d'un  immense  butin. 

Pendant  ce  temps  les  garnisons  lorraines  des  châ- 
teaux voisins  du  territoire  de  la  cité  cherchaient  des 
représailles  dans  des  attaques  semblables  dirigées 
contre  les  villages  de  sa  dépendance.  Les  gens  d'armes 
de  Prény  venaient  attaquer  Ars-sur-Moselle  ;  mais  ils 
étaient  repoussés  par  la  vaillance  des  habitants  du  lieu, 
et  se  retiraient  avec  des  pertes  sensibles.  Le  capitaine 
du  château  d'Amance  éprouvait  un  résultat  plus  fâ- 
cheux encore.  Etant  venu  mettre  au  pillage  le  village  de 
Luppy,  il  s'y  voyait  attaquer  par  les  paysans  des  en- 
virons, pleins  de  résolution  et  de  courage,  et  restait 
mort  sur  la  place  avec  beaucoup  de  ses  soldats. 

D'autre  part,  le  nombre  des  ennemis  de  la  cité  allait 
s'accroissant.  Le  seigneur  d'Apremont  obtenait  de 
son  frère  Henri,  évêque  de  Verdun,  qu'il  s'associerait 
à  ses  projets  d'hostilité,  et,  malgré  la  rancune  qui  lui 
restait  encore  de  ses  récents  démêlés  avec  le  comte  de 
Bar,  le  prélat  chargeait,  dans  les  derniers  jours  de  jan- 
vier, un  frère  prêcheur  d'aller  porter  à  Metz  sa  lettre 
de  défi  ;  quant  aux  motifs  qu'il  pouvait  alléguer  pour 
justifier  sa  résolution,  il  serait  malaisé  de  les  dé- 
couvrir. 

Sur  ces  entrefaites,  une  verte  leçon  fut  donnée  à 
un  de  ces  seigneurs  pillards  qui ,  sous  prétexte  de  la 


INTRODUCTION. 


guerre  et  des  liens  de  féodalité  qui  les  unissaient  à 
Tun  des  princes  confédérés,  faisaient  à  travers  le  pays 
messin  des  courses  qui  n'étaient  qu\in  vrai  brigandage. 
Le  3  février,  le  seigneur  de  Friauville,  nonnné  Cliaui- 
derons,  et  deux  de  ses  voisins,  venaient,  à  la  tète  de 
leurs  hommes,  de  faire  une  pointe  dans  le  Val,  lorsque 
le  vaillant  soldoyeur  André  de  la  Pierre  se  mit  à  leur 
poursuite  avec  sa  compagnie  et  parvint  à  les  rejoindre. 
Ils  furent  tous  faits  prisonniers  et  enfermés  à  Metz 
dans  une  étroite  prison. 

En  même  temps,  s'exécutait  une  sortie  d'une  grande 
importance  à  la  tète  de  laquelle  étaient  deux  Messins, 
Arnould  Beliegrée,  dit  Poujoize,  du  paraige  de  Juruc^ 
et  un  nonmié  Hauricart,  d'une  condition  plus  modeste. 
Ces  deux  vaillants  citoyens,  voyant  les  maux  qui  ré- 
sultaient pour  la  cité  de  ce  danger  permanent  suspendu 
sur  elle,  prirent  et  firent  approuver  par  les  Sept  de  la 
Guerre  la  résolution  de  porter  le  ravage  au  cœur 
même  du  pays  de  l'ennemi  et  de  s'emparer,  s'il  se 
pouvait,  de  quelques-unes  de  ses  forteresses.  La  pre- 
mière nuit  de  carême  (20  février),  toutes  les  cloches 
des  paroisses  sont  mises  en  branle  et  la  Mutte  y 
joint  sa  voix  majestueuse  ;  chaque  paroisse  a  fourni 
son  contingent  de  volontaires  et  leur  a  choisi  des 
chefs.  Dès  le  point  du  jour  l'armée  messine  est  en 
campagne.  Au  passage  de  l'Orne,  un  corps  en  est  déta- . 
ché  pour  bloquer  le  château  de  Richemont  et  essayer 
de  s'en  rendre  maître.  Un  autre  corps  est  envoyé  de 
même  en  face  du  château  de  Florange.  La  masse  prin- 


INTRODUCTION.  61 


cipale  poursuit  sa  route  jusqu'à  deux  lieues  de  Luxem- 
bourg, dévastant  le  pays  sur  son  passage;  le  feu  des 
incendies  éclaire  la  nuit  et  jette  la  terreur  jusque 
parmi  les  défenseurs  de  Luxembourg.  Entre  Riche- 
mont  et  Hettange  plus  de  cinquante  villages  sont 
livrés  aux  flammes  ;  on  enlève,  avec  leurs  troupeaux, 
tout  ce  qu'ils  possèdent. 

*  Pendant  ce  temps  le  château  de  Florange  était 
l'objet  d'une  vigoureuse  attaque  ;  malheureusement 
les  approvisionnements  de  traits  firent  défaut.  L'expé- 
dition revint  sans  avoir  subi  de  pertes,  ramenant  un 
immense  butin.  Son  but  n'avait  pas  été  entièrement 
atieint,  mais  le  comte  de  Luxembourg  n'en  aAait  pas 
moins  éprouvé  des  pertes  bien  sensibles. 

Peu  de  jours  après  ce  fut  le  tour  du  comté  de 
Bar.  Le  24  février,  le  château  de  Jean  de  Marly  fut 
pris  et  réduit  en  cendre,  et  tous  les  villages  du  Saulnois, 
au-delà  de  la  frontière,  furent  rançonnés  sans  merci. 

Le  5  mars,  les  Barrisiens,  commandés  par  Aubert 
de  Nancey,  vinrent  exercer  des  représailles.  Ils  pil- 
lèrent Jouy  et  y  enlevèrent  un  riche  troupeau.  Mais 
les  paysans  des  villages  voisins  se  mirent  à  leur  pour- 
suite et  les  attaquèrent  si  vigoureusement  que,  malgré 
l'infériorité  de  leur  armement  et  leur  peu  d'habitude 
de  la  guerre,  ils  les  mirent  en  pleine  déroute,  et  leur 
reprirent  tout  le  butin  enlevé.  Aubert  de  Nancey 
et  vingt-cinq  de  ses  compagnons  restèrent  sur  le 
champ  de  bataille.  Encouragés  par  ce  succès,  les 
paysans    messins   n'hésitèrent    pas    à   aller    en    plein 


62  INTUODUCTION. 

territoire  ennemi  ravager  plusieurs  villages,  dont  ils 
'    ramenèrent  avec  eux  les  richesses,  qui  ne  furent  pas 
évaluées  à  moins  de  mille  marcs  d'argent. 

Le  lo  mars,  les  soldoyeurs  de  la  cité  firent,  sur  un 
autre  point  du  comté  de  Bar,  une  expédition  des  plus 
sérieuses.  Elle  avait  la  prévôté  de  Briey  pour  objectif. 
Après  avoir  traversé  TOrne  sur  un  pont  de  bateaux  et 
laissé  un  corps  de  troupes  pour  fortifier  et  garder  le 
passage,  ils  firent,  dans  le  comté  et  dans  la  seigneurie/ 
d'Apremont,  une  course  aussi  désastreuse  pour  ce  pays 
que  l'avait  été  celle  faite  dans  le  comté  de  Luxembourg. 
Ils  bmlèrent  plusieurs  villages  et  revinrent  chargés  de 
dépouilles. 

Quelques  jours  plus  tard,  les  gens  du  roi  de  Bohême 
en  tirèrent  une  bien  triste  vengeance.  Le  18  mars,  ils 
vinrent  jusqu'à  Failly,  où  les  pauvres  gens  du  village 
étaient  occupés,  dans  leurs  vignes,  aux  travaux  de  la 
saison.  Ils  en  massacrèrent  quarante  et  ennneaèrenl 
les  autres  prisonniers  :  acte  lâche  et  cruel  qui  excita 
une  indignation  d'autant  plus  vive  que ,  pour  les 
Messins,  la  vie  des  gens  de  la  campagne  était  sacrée, 
et  que,  dans  aucune  de  leurs  expéditions,  une  goutte 
de  sang  n'avait  été  versée  par  eux,  sinon  celui  des 
hommes  de  guerre. 

Malgré  tous  les  périls  de  la  situation,  le  gouverne- 
ment de  Metz  restait  fidèle  à  son  principe  de  main- 
tenir une  rigoureuse  et  étroite  observation  des  lois  de 
la  cité.  Une  ordonnance  avait  été  publiée  l'année  pré- 
cédente, qui  déclarait  que  tous  les  cens  acquis  par  les 


INTRODUCTION.  63 

membres  du  clergé,  quelle  qu'en  fût  l'origine,  seraient 
toujours  soumis  au  droit  de  rachat.  C'était  une  de  ces 
mesures  que  faisait  constamment  prendre  à  une  au- 
torité civile  jalouse  et  prévoyante  la  crainte  de  voir 
la  puissance  du  clergé  s'accroître  trop  rapidement. 
Gomme  il  arrivait  d'ordinaire,  cette  mesure  rencontra 
des  résistances;  de  plus,  le  besoin  où  l'on  se  trouvait 
de  désarmer  le  mauvais  vouloir  de  l'évèque  fit  penser 
que  l'ordonnance  serait  exécutée  avec  ménagements.  , 
Mais  c'était  mal  connaître  l'inflexible  volonté  des  sei- 
gneurs de  la  cité  :  tous  ceux  qui  refusèrent  de  se  sou- 
mettre furent  condamnés  à  de  grosses  amendes.  Le 
chancelier  et  vicaire-général  de  l'évêché,  messire  Pierre 
de  Bauffremont,  se  retira  à  Vie  et  y  dressa  les  éléments 
d'un  procès  en  cour  de  Rome  contre  les  oppresseurs 
de  l'Eglise.  Mais  cette  menace  intimida  si  peu  les 
Messins  que,  peu  de  jours  après,  le  contre  de  la  cathé- 
drale, Jean  de  Raigecourt,  fut  banni  pournepas  s'être 
soumis  à  la  loi. 

Le  aS  mars  de  cette  même  année  iSaS,  fut  élu 
maître-échevin  de  Metz  le  sire  Pierre  Huneborjat, 
petit-fils  de  Poince  le  Gournais,  du  paraige  d'Outre- 
Seille.  Le  même  jour,  pour  fêter  l'élection  du  premier 
magistrat  de  la  cité,  les  soldoyeurs  messins  dirigèrent 
une  forte  expédition  contre  la  prévôté  de  Boulay,  dé- 
pendance du  duché  de  Lorraine.  Elle  ne  fut  ni  moins 
vigoureuse  ni  moins  fructueuse  que  celles  qui  l'avaient 
précédée  et  elle  s'étendit  aux  terres  de  plusieurs  sei- 
gneurs, unis  à  la  Lorraine  par  des  liens  de  vasselage, 


i 

64  *  INTRODUCTION. 


les  coinles  de  SaiTcbiûck,  de  Fénestrangc,  de  Cré- 
hange,  de  Mengen.  Jusqu'à  Warsberg,  toute  la  contrée 
fut  livrée  au  pillage  et  à  l'incendie.  Plus  de  cinquaiile 
villages  y  furent  ravagés,  sans  coniplcr  les  moulins 
et  les  fermées. 

Cependant  la  lettre  écrite  par  les  Messins  à  leur 
«  chier  sires  et  esveske  »,  Henri  Dauphin,  n'était  pas 
restée  sans  réponse.  Plusieurs  personnages  amis  de  la 
cité  et,  en  particulier,  Amédée  de  Genève,  évêque  de 
Toul,  étaient  intervenus  en  sa  faveur  et  préparaient 
des  bases  à  une  réconciliation  complète. 

Les  Messins,  convaincus  de  la  nécessité  de  faire  des 
sacrifices,  ne  se  refusèrent  pas  à  accepter  les  conces- 
sions au  prix  desquelles  le  prélat  s'engageait  à  quitter 
les  rangs  de  leurs  ennemis  pour  les  soutenir  de  sa  puis- 
sance. La  première  condition  était  la  suppression  des 
prud'hommes;  ils  consentirent  à  abolir  cette  magistra- 
ture et  à  donner  satisfaction  à  diverses  autres  demandes 
du  prélat.  Mais  ce  qui  lui  tenait  plus  au  cœur,  c'était 
le  versement  d'une  somme  de  quinze  mille  livres  de 
bons  petits  tournois,  objet  du  dernier  article  du  traité. 
Cette  condition  fut  acceptée  comme  les  autres  ;  la 
convention  fut  signée  le  29  mars,  et  les  quinze  mille 
livres,  sorties  des  coffres  de  la  cité,  furent  versées 
entre  les  mains  des  représentants  de  l'évêque. 

Or,  les  circonstances  avaient  fait  de  cette  négocia- 
tion une  véritable  comédie;  Henri  n'était  plus  évê- 
que de  Metz  au  moment  où  son  chancelier  apposait 
le  sceau  épiscopal  sur  les  lettres  de  paix.  Engagé,  nous 


INTRODUCTION.  65 

l'avons  dit,  dans  une  guerre  avec  la  Savoie,  il  n'avait 
vu  dans  les  traités  passés  avec  les  princes  confédérés 
qu'un  moyen  de  subvenir,  par  le  prix  des  engagements 
qu'il  avait  reçu  d'eux,  à  ses  dépenses  militaires.  Les 
quinze  mille  livres  payées  par  les  Messins  n'avaient  pas 
non  plus  d'autre  destination;  et,  cependant,  il  n'avait 
plus  alors  le  moindre  droit  à  les  recevoir;  car,  au  mo- 
ment où  Amblard  de  Beaumont  les  touchait  en  son 
nom,  il  avait  renoncé  au  titre  d'évêque  de  Metz.  Il 
était  allé,  dès  le  mois  de  décembre  précédent,  deman- 
der au  pape  Jean  XXII  de  recevoir  sa  démission  de 
ses  fonctions  épiscopales,  et  le  souverain  pontife,  dé- 
férant à  ses  désirs,  lui  avait  choisi  pour  successeur 
Louis  de  Poitiers ,  de  la  maison  de  Montélimart, 
évêque  de  Langres  (i).  Le  traité  avec  le  représentant 
du  prélat  était  à  peine  signé  que  la  nouvelle  parve 
nait  à  Metz  du  changement  qui  venait  de  s'opérer 
dans  la  direction  du  diocèse. 

Le  sacrifice  que  s'étaient  imposé  les  Messins  pour 
rétablir  la  paix  avec  leur  évêque  était  donc  resté 
stérile  et  la  puissance  militaire  de  Tévèché  n'en  restait 
pas  moins  entre  les  mains  de  leurs  ennemis.  Il  survint 
même  à  ce  sujet  un  incident  où  se  révéla  bien  toute 

(1)  Pour  en  finir  avec  Henri  Dauphin,  disons  qu'il  remporta,  le 
9  avril  1325,  une  victoire  décisive  sur  le  comte  de  Savoie;  que, 
fidèle  à  ses  goûts  guerriers,  il  alla  se  distinguer  à  la  bataille  de  Cassel, 
au  service  du  roi  de  France,  et  qu'il  mourut  en  1328. 

Ajoutons  enfin  que  son  neveu,  étant  mort  sans  enfants,  eut  pour 
successeur  son  frère,  Humhert  II  ,qui  fut  le  dernier  Dauphin  de  Vien- 
nois, et  laissa  ses  États  à  la  France. 

5 


66  INTRODUCTION. 

la  brutalilé  dont  les  princes  semblaient  s'être  fait 
dans  cette  guerre  un  système  arrêté.  La  petite  ville 
de  Vie,  chef-lieu  du  temporel  de  l'évêché  de  Metz, 
et  siège  ordinaire  de  la  cour  èpiscopale,  avait  été,  par 
suite  de  l'engagère  de  Henri  Dauphin,  placée  sous 
l'autorité  du  comte  de  Bar.  Or  ses  habitants,  irrités 
de  la  rapacité  des  officiers  du  comte,  se  laissèrent  aller 
à  quelques  manifestations  tumultueuses.  Edouard  y 
répondit  par  un  acte  d'étrange  violence  envers  le  do- 
maine d'un  allié;  il  lit  renverser  de  fond  en  comble 
l'enceinte  de  la  ville  et  passer  la  charrue  à  travers  ses 
rues.  Sin<;ulière  façon  d'entretenir  en  bon  état  le  ;ïaî;e 
qui  avait  été  mis  dans  ses  mains! 

Sur  ces  entrefaites  arriva  aux  magistrats  de  la  cité 
une  lettre  bien  respectable  par  son  origine,  mais  déso- 
bligeante par  son  contenu.  C'était  le  pape  Jean  XXII 
qui  écrivait  aux  Messins  pour  leur  demander  de  mettre 
en  liberté  GiWet  d'Avoncourt,  depuis  quelques  mois 
retenu  prisonnier  par  eux.  La  réponse  qui  fut  faite  à 
cette  demande  est  un  modèle  de  raison  et  de  droiture, 
de  fermeté  inflexible  au  fond  et  de  respectueuse  défé- 
rence dans  la  forme.  Elle  est  datée,  à  quelques  jours 
près,  par  l'indication  de  ce  fait  que  Louis  de  Poitiers, 
appelé  à  l'évêché,  «  tarde  bien  à  en  venir  prendre  pos- 
session ». 

Au  milieu  de  ces  circonstances  intéressantes,  mais 
peu  décisives  pour  l'issue  de  la  lutte,  les  incidents  de 
guerre  suivaient  leur  cours,  non  sans  une  certaine  mo- 
notonie. 


IMRODUCTIOiN.  67 

Vers  la  fin  du  carême,  le  duc  de  Lorraine  et  le  comte 
de  Bar,  irrités  des  courses  désastreuses  dont  leurs  Etats 
avaient  été  l'objet,  résolurent  de  faire  à  leur  tour  une 
expédition  \igourense  dans  le  Val-de-Metz.  Celle  fois 
ils  mirent  en  mouvement  des  troupes  considérables. 
Aux  premiers  jours  de  la  semaine  sainte,  le  i'^'"  avril, 
ils  vinrent  établir  leur  camp  à  Ars-sur-Moselle  et  li- 
vrèrent les  environs  à  une  dévastation  sans  pitié.  Leurs 
soldais  commencèrent  par  couper  les  ceps  de  vignes 
sur  pied  et  par  brûler  les  échalas  ;  puis  ils  allèrent 
donner  l'assaut  à  Ancy,  dont  l'église  fortifiée  présenta 
quelque  résistance.  Elle  fui  cependant  prise  et  pillée, 
et  ses  murs  renversés.  Puis  ce  fut  au  tour  de  Vaux  de 
recevoir  leur  impitoyable  visite. 

Ils  entrent  de  force  dans  l'église  et  leur  rage  ne 
respecte  pas  même  les  objets  les  plus  sacrés.  Un  cru- 
cifix est  jeté  à  terre  :  il  est  décapité,  ses  jambes  et  ses 
bras  sont  rompus.  Une  image  de  la  sainte  Vierge  est 
mise  en  pièces  à  coup  d'épées  et  de  haches! 

Cependant,  à  travers  ces  fureurs,  une  certaine  fa- 
tigue commençait  à  se  faire  jour  chez  les  princes. 
Le  mardi  saint,  un  noble  personnage  se  détache  de 
l'armée  lorraine  et  s'en  vient,  à  la  tête  du  pont  des 
Morts,  demander  une  conférence  aux  seigneurs  de 
Metz.  C'est  Pierre  de  Bar,  seigneur  de  Pierrefort, 
oncle  du  comte  et  vassal  du  duc  de  Lorraine,  qui  est 
charge  par  eux  d'entamer  des  ouvertures  pacifiques. 
Il  demande  aux  Messins  s'ils  ne  sont  pas  d'avis  de 
convenir  d'une  trêve  et  de  surseoir  à  la  guerre   en 


C8  INTRODUCTION. 

attendant  que  les  bases  d'un  meilleur  accord  puissent 
être  discutées. 

La  réponse  des  Messins  est  des  plus  catégoriques. 
Ils  refusent  avec  liaiiteur  la  trêve  proposée.  «  Nous 
«  ne  saurions,  distnt-ils,  avoir  pire  que  ce  que  vous 
«  nous  avez  déjà  fait,  et  nous  sommes  bien  décidés  à 
«  nous  en  venger  et  à  vous  livrer  bataille.  Dans  peu 
«  de  temps  on  saura  si  nous  sommes  maîtres  ou  va- 
«   lets.  » 

En  entendant  celte  fière  réponse,  Pierre  de  Bar 
retourne  rendre  compte  au  duc  du  résultat  négatif 
de  son  ambassade.  Ferry,  plein  de  dépit  et  de  colère, 
se  laisse  emporter  à  des  paroles  injurieuses  :  «  On  voit 
«  bien,  lui  dit-il,  que  vous  avez  reçu  de  l'argent  de 
«  ceux  de  Metz;  vous  leur  avez  fait  connaître  tous  nos 
«  secrets  et  l'on  peut  s'en  apercevoir  à  leur  attitude.  » 

Pierre  de  Bar  répond  avec  calme  et  dignité  que, 
s  il  y  a  quelque  chevalier  qui  ose  faire  peser  sur  lui  un 
semblable  soupçon,  il  est  prêt  à  défendre  son  hon- 
neur :  «  Quant  aux  gens  de  Metz,  ajoute-t-il,  ils  ne 
n  sont  pas  plus  capables  d'acheter  des  consciences 
«  à  prix  d'argent  que  de  chercher  à  épouvanter  leurs 
«  ennemis  par  de  vaincs  menaces.  Mais  il  est  certain 
'<  qu'ils  sont  décidés  à  livrer  bataille  et  qu'ils  nous 
«  viendront  sous  peu  assaillir.  » 

A  ces  mots,  le  duc  de  Lorraine  et  le  comte  de  Bar 
s'empiessent  de  donner  les  ordres  nécessaires  pour 
disposer  les  troupes  en  ordre  de  combat.  Mais  les 
principaux  seigneurs  ne  sont  pas  d'avis  d'attendre  le 


INTRODUCTION.  69 

choc  qui  les  menace  :  la  solidité  et  raideur  qu'ils 
ne  connaissent  que  trop  chez  les  gens  d'armes  de 
la  cité,  le  voisinage  de  ses  murailles  et  de  sa  pa- 
triotique population,  leur  paraissent  constituer  un  dan- 
ger auquel  il  est  plus  prudent  de  se  soustraire  par  une 
retraite  immédiate.  Cet  avis  prévaut,  et,  le  jour  même, 
l'armée  lorraine  et  harrisienne  passe  la  Moselle  à 
Jouy  pour  regagner  son  pays. 

Bientôt  une  sortie  vigoureuse  de  la  chevalerie  mes- 
sine transforme  celte  retraite  en  déroute.  Beaucoup 
de  Lorrains  sont  tués  et  noyés  dans  cet  engagement, 
où  le  plus  illustre  des  Messins,  Jacques  Grongnat,  est 
atteint  d'une  blessure  légère  par  un  coup  d  arbalète. 
Le  lendemain,  tous  les  ennemis  avaient  évacué  préci- 
pitamment le  territoire  de  la  cité. 

Le  roi  Jean,  de  son  côté,  avait,  déjà  depuis  quelque 
temps  et  au  moins  momentanément,  renoncé  à  la  lutte. 
Il  était,  dès  le  12  mars,  parti  pour  son  royaume  de 
Bohême. 

A  ce  moment  même  parvint  à  Metz  une  très-impor- 
tante nouvelle.  Le  nouvel  évêque,  Louis  de  Poitiers, 
était  arrivé  à  Marsal,  et  il  s'y  occupait  péniblement  de 
remettre  en  ordre  les  affaires  de  l'évêché,  si  désastreu- 
sement  désorganisées  par  son  prédécesseur.  Il  y  avait, 
pour  les  Messins,  un  intérêt  de  premier  ordre  à  éta- 
blir de  bons  rapports  avec  le  prélat,  et  ils  ne  man- 
quèrent pas  à  s'y  employer  de  leur  mieux.  Ils  lui 
expédièrent  leur  principale  notabilité,  Jac-[ucs  Gron- 
gnat, déjà  remis  de  sa  blessure,  et  à  la  tê:e  d'une  troupe 


70  INTRODDCTION. 

nombreuse  et  choisie.  Comme  les  embarras  de  l'évé- 
que  étaient  grands  au  milieu  des  populations  de  son 
troupeau,  armées  les  unes  contre  les  autres,  en  pré- 
sence de  ces  princes  qui  détenaient  ses  châteaux  et  les 
traitaient  en  conquérants;  comme  les  périls  des  voya- 
ges étaient  sérieux,  la  venue  de  messire  Jacques,  avec 
sa  puissante  escorte,  produisit  une  impression  favo- 
rable. Celui-ci  eut  bien  des  discussions  à  soutenir, 
bien  des  conditions  à  accepter,  bien  des  engagements 
à  prendre,  mais  enfin  il  réussit  dans  sa  mission  et  le 
prélat  promit  de  venir  prochainement  à  Metz  pour  y 
recevoir  le  serment  des  Treize. 

En  attendant,  dès  le  7  avril,  il  confirma  le  traité  de 
paix  qui  avait  été  préparé  au  nom  de  son  prédéces- 
seur. 11  devenait  l'allié  de  la  cité,  envers  et  contre 
tous,  et  la  paix  ne  pouvait  se  conclure  sans  le  consen- 
tement simultané  des  deux  parties.  Cette  réconcilia- 
tion donna  aux  Messins  une  confiance  et  une  résolution 
toutes  nouvelles.  Les  alliés  purent  s'en  apercevoir  à  la 
manière  dont  ils  furent  traités. 

Le  Raugraf,  avec  sa  compagnie,  commença  par  le 
comté  de  Luxembourg.  U  y  fit,  le  i5  avril,  une  course 
à  la  suite  de  laquelle  il  ramena  des  chevaux,  des 
troupeaux  et  d'autre  butin  pour  une  valeur  considé- 
rable. 

Les  gens  d'armes  de  la  cité ,  pendant  ce  temps,  fai- 
saient une  incursion  en  terre  lorraine,  vers  Château- 
Brehain,  Thicourt  et  Thil-Châtel.  Ils  mettaient  à  sac 
tous  les  villages  voisins,  sans  que  les  garnisons  de  ces 


INTRODUCTION.  "31 

cliâteaux  essayassent  de  s'y  opposer.  Mais  il  y  avait  un 
fait  autrement  étrange.  Le  duc  de  Lorraine  en  per- 
sonne était  dans  le  Saulnoîs ,  à  la  tête  de  son  armée, 
à  quelques  lieues  de  ceux  de  ses  domaines  que  les 
Messins  venaient  ravager,  et  il  n'osait  pas  faire  un  mou- 
vement pour  les  défendre ,  tant  les  gens  d'armes  de 
Metz  avaient  su  lui  inspirer  de  crainte  !  L'expédition 
rentra  sans  encombre,  suivie  d'un  immense  convoi. 

Le  comte  de  Bar  n'était  pas  épargné  davantage  ;  la 
bande  de  ceux  qui  portaient  par  excellence  le  nom  de 
coureurs  de  la  cité,  de  gaudissours  ou  vaudexours^ 
s'était  portée  dans  la  direction  d'Hattonchùtel  et  de 
VigneuUes ,  vers  les  côtes  de  la  Meuse.  En  un  instant 
elle  y  avait  amassé  un  énorme  butin,  auquel  vint  se 
joindre  celui  prélevé,  le  lendemain,  autour  de  l'ab- 
baye de  Saint-Benoît  en  Woëvre,  superbe  monastère 
de  l'ordre  de  Cîteaux  ,  sous  la  prévôté  de  Thiaucourt. 
Il  fallait  entendre  les  hélas  !  que  poussaient  les  moines  ; 
mais  les  Messins  ne  se  laissaient  pas  attendrir. 

Cependant  un  gentilhomme  du  pays,  écuyer  de  l'é- 
vêque  de  Verdun,  conçut  le  projet  de  disputer  aux 
ennemis  la  possession  de  ces  riches  dépouilles.  Il  réu- 
nit plusieurs  chevaliers,  défenseurs  des  châteaux  voi- 
sins, et  vint  avec  eux  dresser,  à  la  sortie  d'une  forêt, 
une  embuscade  dans  laquelle  les  Messins  ne  manquè- 
rent pas  de  tomber.  Mais  l'assaillant  fat  mal  récom- 
pensé de  sa  hardiesse.  Il  fut  tué ,  ses  gens  prirent  la 
fuite  à  travers  les  bois  cl  le  convoi  rentra  intact  à 
Metz. 


72  INTRODUCTION. 

Vers  la  fin  d'avril  de  nouvelles  expéditions  sont  lan- 
cées dans  différentes  directions.  Jelian  de  Volnicrange, 
accompagne  de  plusieurs  vaillants  hommes  de  Metz, 
en  dirige  une  conJre  le  duché  de  Lorraine,  et  il  obtient 
un  succès  complet.  Il  va  au-delà  de  Saint-Avold,  jus- 
que dans  la  magnifique  forêt  de  Warend-Wald,  et 
livre  au  pillage  les  domaines  de  l'abbaye  de  Wadgasse, 
riche  monastère  de  l'ordre  de  Prémontrés,  qui  avait 
le  comte  de  Sarrebruck  pour  protecteur  et  l'arche- 
vêque de  Trêves  pour  avoué.  Un  autre  parti,  envoyé  du 
côté  d'Hcspèrange,  dans  le  Luxembouig,  rencontre 
une  troupe  de  cavalerie  du  roi  de  Bohême,  sur  laquelle 
il  remporte  un  brillant  avantage.  A  son  retour,  il  sou- 
tient encore  un  combat  heureux  contre  les  garnisons 
deLuttange  et  de  Btrtrange.  Le  même  jour,  enfin,  une 
troisième' pointe  est  poussée  avec  un  égal  succès  jus- 
qu'aux portes  de  Pont-à-Mousson. 

Si  nous  en  croyons  la  chronique  en  vers,  qui  est 
connue  sous  le  nom  de  Jean  le  Châtelain,  les  Messins 
essayèrent  alors  une  attaque  contre  la  ville  de  Sampi- 
gny,  une  des  plus  importantes  forteresses  de  l'évêque 
de  Verdun,  auquel  ils  voulaient  sans  doute  donner 
une  leçon  particulièrement  sévère  pour  son  injusti- 
fiable hostilité.  Cette  petite  ville,  dont  l'histoire  est 
remplie  par  les  faits  de  guerre  dont  elle  a  été  le  théâ- 
tre, était  capable  de  faire  à  un  siège  une  sérieuse 
résistance.  Elle  avait  la  forme  d'un  quadrilatère,  flan- 
qué de  quatre  grosses  tours  que  reliaient  une  forte 
muraille,    précédée    d'un    fossé    profond    et    rempli 


INTRODUCTION.  IS 

d'eau.  Un  cliàteau,  que  dominait  un  puissant  donjon, 
ajoutait  encore  à  sa  foi'ce  militaire.  Les  Messins  Tat- 
taquèrent  résolument  et  en  prolongèrent  le  siège  pen- 
dant onze  semaines;  mais  ils  ne  furent  pas  heureux. 
Deux  de  leurs  meilleurs  chevaliers  y  furent  tués,  et  ils 
durent  finir  par  se  retirer,  à  la  suite  d'une  trahison , 
dit  la  Chronique ,  sans  la  définir  d'une  manière  plus 
précise  (i). 

Cependant  la  prudente  cité,  qui  avait  créé  dans  les 
Sept  de  la  Guerre  un  pouvoir  presque  dictatorial,  ne 
trouvait  pas  qu'il  fût  conforme  aux  règles  de  la  sa- 
gesse de  le  laisser  se  trop  prolonger  dans  les  mêmes 
mains.  Il  fut  donc  décidé  que  de  nouveaux  membres 
seraient  appelés  à  s'acquitter  de  ces  importants  de- 
voirs. Le  choix  se  porta,  dans  les  mêmes  conditions  que 
la  première  fois,  sur  les  seigneurs:  Jeoffroy  Grongnat, 


(1)  D.  Calmet,  à  l'article  Sampigny,  de  la  Notice  de  Lorraine 
(II,  p.  394),  établit  à  tort  une  confusion  entre  ce  siège  et  un  autre, 
essayé  par  les  Messins  avec  un  égal  insuccès  en  1372.  Il  donne,  d'a- 
près la  Clironlque  du  doyen  de  Saint-TInébault ,  aux  deux  seigneurs 
messins  lues,  les  noms  de  Remy  de  Melry  et  de  Geoffroy  Grongnat. 
Or  on  sait  fort  bien  que  ce  ne  fut  qu'au  siège  de  1372  que  ces  deux 
chevaliers  furent  tués  «  d'une  pierre  d'engin  ». 

Ce  second  siège,  sur  lequel  nous  sommes  exactement  et  contradic- 
toirement  renseignés,  est  à  nos  yeux  beaucoup  plus  certain  que  le 
premier,  appuyé  sur  le  témoignage  d'une  seule  chronique,  qui  est 
loin  d'être  toujours  sèrieusemfnt  exacte.  Il  serait  donc  possible  que  la 
confusion  de  date  s'appliquât  au  fait  principal ,  mieux  encore  qu'au 
détail  accidentel.  Aucun  des  historiens  successifs  de  Metz  n'a  fait  autre 
chose  que  mentionner,  à  la  date  1325,  le  siège  de  Sampigny  sur  la  foi 
de  la  Chronique  riniée.  Nous  faisons  comme  ceux  qui  nous  ont  précé- 
dés ;  seulement  ayee  quelques  réserves. 


7»  INTRODUCTION. 

Werry  Piedeschauli,  Thiébault  Vogel ,  Garciriat  de 
Moyelan,  Perrin  de  Laitre,  Perrin  Chainge  et  François 
Bellegrée.   La  durée  de  leurs  pouvoirs  fut  limitée  à 

Noël. 


VII. 


Il  y  avait  des  deux  côtés  chez  les  belligérants  une 
visible  fatigue.  Les  dernières  incursions  des  Messins 
restèrent  sans  revanche  :  l'année  se  passa  comme  dans 
une  demi-trcve  tacite  et  sans  donner  lieu  à  aucun  fait 
de  guerre  bien  sérieux.  Les  vassaux  des  trois  princes 
voisins  du  territoire  de  la  cité  avaient  tant  eu  à  souf- 
frir, que  la  crainte  des  représailles  arrêtait  toute  opé- 
ration agressive. 

Cependant  l'évêque  Louis  de  Poitiers  ne  pouvait 
rester  insensible  à  l'idée  que  les  maux  qui  avaient  si 
cruellement  éprouvé  son  diocèse  pouvaient  se  renouve- 
ler d'un  jour  à  l'autre.  Son  cœur  de  pasteur  en  était  at- 
tendri, en  même  temps  que  son  intérêt  de  prince  en  souf- 
frait^ Il  envoya  des  ambassadeurs  à  chacun  des  princes 
alliés,  ainsi  qu'à  la  cité,  pour  leur  remontrer  combien 
cet  état  de  guerre  avait  déjà  amené  de  pertes  et  de 
sacrifices  pour  tout  le  monde,  déjà  fait  répandre  de 
sang  et  brisé  d'existences,  et  combien  il  était  à  crain- 
dre que  l'avenir  fut  encore  aussi  cruel  que  le  passé.  Il 
les  suppliait  d'en  venir  à  un  accommodement  et  leur 
offrait  de  recevoir  à  Marsal  des  députés  chargés  de 


IISTRODUCTION.  75 

représenter  les  belligérants  dans  des  conférences  paci- 
fiques. 

Les  seigneurs  de  Metz  se  prêtèrent  à  ees  onvertures 
conciliantes  :  vers  la  fin  du  mois  de  décembre  ils  en- 
voyèrent à  Marsal  des  délégués  qui  reçurent  commu- 
nication des  demandes  présentées  par  les  princes  en- 
nemis et  au  prix  desquelles  la  paix  pouvait  se  con- 
clure. Ces  demandes  portaient  en  substance  que  les 
fiefs  acquis  par  des  Messins  sans  une  autorisation 
formelle  sortiraient  de  leurs  mains,  sauf  à  y  être  réin- 
tégrés par  le  bon  plaisir  du  suzerain  ;  que  les  Messins 
seraient  désormais  obligés  à  restitution  quand,  par 
suite  de  saisie  régulière,  un  des  sujets  des  princes  au- 
rait été  lésé  dans  ses  intérêts  :  que  les  amans  seraient 
supprimés;  qu'aucun  des  hommes  des  seigneurs  ne 
pourrait  être  arrêté  pour  dettes,  et  qu'enfin  la  cité 
renoncerait  à  toutes  les  sommes  dont  à  un  titre  quel- 
conque ils  pouvaient  être  redevables  envers  elle. 

Les  envoyés  messins  trouvèrent  les  propositions 
trop  graves  pour  pouvoir  donner  une  solution  immé- 
diate. Ils  demandèrent  qu'une  autre  conférence  fût 
convenue  pour  y  faire  connaître  la  réponse  du  conseil 
de  la  cité.  Une  nouvelle  journée  amiable  eut  lieu  en 
conséquence  à  Pont-à-Mousson,  et  les  Messins  y  pré- 
sentèrent leurs  contre-demandes  rédigées  avec  un  soin 
et  une  puissance  de  raison  remarquables. 

Ce  mémoire,  où  étaient  mises  à  néant  les  prétentions 
des  confédérés,  fut  soumis  à  son  tour  aux  discussions 
approfondies   de   ces  derniers.  Il   fut   décidé  qu'une 


76  IM'nODUCTION. 

troisième  journée  aurait  lieu  à  Pont-à-Mousson,  le  pre- 
mier lundi  de  carême.  Les  quatre  princes  vinrent  en 
personne  se  réunir  aux  délégués  de  la  ville,  investis 
des  pleins  pouvoirs  du  conseil.  Celte  conlérence  de- 
vait donc  être  la  dernière  et  produire,  dans  un  sens 
ou  dans  l'autre,  un  effet  décisif. 

Mais  un  vaillant  chevalier  messin  crut  utile  de  faire 
une  nouvelle  prouesse  avant  d'entrer  définitivement 
dans  la  voie  des  négociations.  C'était  Jean  de  la  Court, 
que  nous  avons  vu,  au  début  de  la  guerre,  renoncer 
si  dignement  au  titre  de  feudalaire  du  comte  de  Bar. 
La  veille  du  jour  où  la  conférence  devait  avoir  lieu, 
il  obtint  des  magistrats  que  les  portes  de  la  ville  se- 
raient closes,  et  que  toutes  les  troupes  dont  la  cité 
pouvait  disposer  seraient  mises  sous  les  armes.  Il  se 
trouva  ainsi  à  la  tète  de  sept  cents  cavaliers  armés  de 
toutes  pièces  et  d'un  nombre  égal  de  fantassins,  tant 
soldoyeurs  que  gens  de  la  cité.  Il  les  mit  en  mouve- 
ment vers  la  tombée  de  la  nuit,  et  un  peu  après 
minuit  ils  étaient  réunis  sur  la  côte  de  Froimont,  en 
face  de  Pont-à-Mousson. 

Arrivés  là,  Jean  de  la  Court  réunit  les  capitaines 
autour  de  lui  et  leur  dit  :  «  Seigneurs,  je  vous  de- 
«  mande  un  conseil.  Vous  savez,  que  les  princes  sont 
«  à  Pont-à-Mousson  et  que  nous  devons  demain  traiter 
«  avec  eux  ;  j'ai  pensé  que  ce  serait  une  bonne  chose, 
«  si  tel  était  votre  avis,  que  nous  eussions  l'honneur 
«  de  faire  sur  nos  ennemis  les  dernières  courses  et 
«  alarmes.  S'il  vous  semble  que  nous  sommes  assez 


INTRODUCTION.  77 


«  forts  pour  cela,  nous  pourrions  prendre  notre  clie- 
«  min  du  côté  de  cette  ville  et  faire  la  procession  tout 
'<  à  l'entour  d'elle.  Et  aussitôt  que  l'aube  du  jour 
«  paraîtra,  nous  commencerons  à  mettre  le  feu  par- 
ie tout,  faisant  du  Pont  le  centre  d'un  vaste  incendie, 
«  de  manière  que  l'honneur  de  la  dernière  journée 
«  soit  à  nous.  Puis,  demain,  après  midi,  quand  nous 
«  serons  revenus  à  notre  point  de  départ,  je  m'en  irai 
«  avec  mes  collègues  à  la  journée  amiable,  et  vous 
«  regagnerez  Metz  à  la  tète  de  vos  compagnies.  » 

A  cette  harangue,  les  capitaines  des  hommes  d'ar- 
mes répondirent  qu'ils  se  sentaient  assez  forts  pour 
tenter  une  grande  entreprise,  si  toutefois  11  osait  se 
fier  à  ses  gens  de  pied  et  compter  sur  eux  pour  sup- 
porter un  choc. 

Mais  Jean  de  la  Court  avait,  avec  intention,  convo- 
qué en  même  temps   que    les   capitaines   un  certaiu 
nombre  de  gens  de  pied  de  la  commune  pour  prendre 
part  à  la  discussion.  Ils  furent  très-blessés  du  doute 
qui  venait  d'être  émis  sur  leur  valeur,  et  montrèrent 
une  énergique  résolution  de  le  démentir.  •  En  avant! 
«   s'écrièrent-ils,  en  avant,  seigneurs  de  la  Commune  ! 
«   Les  capitaines  de  nos  gens  d'armes  n'ont  pas  con- 
«  fiance  en  nous  ;  nous  venons  d'entendre  la  manière 
«   dont  ils  nous  estiment.  Marchons  les  premiers,  com- 
«   mençons   nous-mêmes  ce  qu'ils   veulent   faire,   de 
«  manière  à  leur  montrer  que  nous  voulons  vivre  et 
«   mourir  avec  nos  seigneurs.  C'est  nous  qui  allume- 
«   rons  les  premiers  feux!  »  A  peine  put-on  les  calmer 


78  liNTRODUCTIOX. 

et  les  maintenir  en  bon  ordre,  tant  était  vif  chez  eux 
le  dépit  d'avoir  été  mal  jngés. 

La  chevauchée  de  Jean  de  la  Court  se  réalisa  ainsi 
qu'il  l'avait  projetée.  Dès  le  point  du  jour,  des  fumées 
s'élevant  à  l'horizon  indiquent  de  nouveaux  incendies; 
deux  heures  après,  dans  toutes  les  directions  le  ciel  est 
chargé  de  fumée;  l'alarme  règne  dans  lout  le  pays.  A 
Pont-à-Mousson,  enveloppé  d'un  cercle  de  flammes, 
l'émotion  est  au  comble. 

Le  comte  Edouard  est  désespéré.  Il  prend  par  la 
main  le  roi  de  Bohême  et  l'archevêque  de  Trêves,  et 
les  emmène  sur  une  des  tours  les  plus  élevées  de  l'en- 
ceinte de  la  ville,  r.à,  étendant  les  bras  vers  les  diffé- 
rentes directions  où  l'incendie  faisait  rage,  il  leur  dit 
d'un  ton  navré  :  «  Seigneurs,  considérez  la  manière 
«  dont  ceux  de  Melz  me  traitent  en  votre  présence  ! 
a  II  est  bien  visible  qu'ils  ne  font  pas  plus  do  cas  de 
«  vous  que  de  moi.  Pensez,  quand  vous  serez  loin 
«  d'ici,  quels  seront  les  traitements  qu'ils  me  réser- 
«  vent,  alors  que  devant  vous  ils  en  usent  ainsi  avec 
«  moi!  Vous  me  serez  alors  d'un  bien  faible  secours, 
«  car  dans  la  circonstance  présente  vous  ne  me  venez 
«  guère  en  aide.  J'ai  besoin  de  la  paix;  oui,  il  faut 
n  que  celte  guerre  se  termine,  je  vous  le  demande 
«  et  vous  en  prie;  je  ne  la  puis  plus  supporter!  » 
Et,  sur  ces  plaintes,  les  quatre  princes  se  réunissent 
en  conseil. 

Avant  l'heure  de  none,  Jean  de  la  Court  ayant  ter- 
miné son  expédition  contre  les  villages  voisins  du  Pont, 


INTRODUCTION.  79 

prend  congé  de  ses  hommes  d'armes  et  piétons  en 
leur  disant  :  «  Seigneurs,  faites  bien  votre  devoir  en 
a  retournant  vers  Metz,  car  il  est  temps  que  j'aille, 
«  au  Pont  à  la  conférence,  et  il  n'y  a  que  moi  et 
«  mes  collègues  qui  soyons  en  possession  d'un  saiif- 
«  conduit.  »  Aussitôt,  la  troupe,  dans  le  meilleur  or- 
dre, reprend  le  chemin  de  la  cité,  tandis  que  les 
ambassadeurs  vont  remplir  le  rôle  pacifique  auquel 
ils  ont  préludé  par  des  procédés  d'une  nature  toute 
différente. 

La  journée  amiable  se  tenait  à  l'entrée  du  carême. 
Les  Messins,  toujours  gens  prévoyants,  avaient  fait  ame- 
ner à  leur  suite  leurs  provisions  de  bouche  et  particu- 
lièrement des  harengs  frais.  Pendant  qu'ils  étaient  à 
dîner,  les  seigneurs  chargés  des  négociations  vinrent 
s'entretenir  avec  eux.  Ils  furent  frappés  de  la  beauté 
des  harengs  qui  se  trouvaient  sur  la  table.  «  Certes, 
«  dirent-ils,  il  faut  que  vous  payiez  bien  votre  hôte, 
«  pour  avoir  un  tel  mets,  car  nous  n'en  avons  pu" 
«  avoir.  —  Nous  ne  les  avons  pas  trouvés  ici,  répon- 
«  dirent  les  Messins;  nous  les  avons  apportés  avec 
«  nous.  —  Comment  !  s'exclamèrent  les  seigneurs, 
«  les  chemins  sont  clos  pour  vous,  et  vous  pouvez 
«  tout  avoir  en  abondance  !  Ils  ne  le  sont  pas  pour 
«  nous,  et  nous  manquons  de  tout  !  —  Vous  croyez 
«  tenir  les  chemins  clos  pour  nous,  dirent  les  citains, 
«  et  c'est  nous  qui,  au  contraire,  vous  les  fermons  à 
«  notre  volonté.  —  Cela  est  visible,  repartirent  les  vi- 
K  siteurs,  mais  nous  le  jurerions  par  Dieu  à  nos  sei- 


80  INTRODUCTION. 

«  gneurs  qu'ils  ne  le  croiraient  pas.  Veuillez  donc 
«  nous  donner  une  demi-douzaine  de  harengs  pour 
«  que  nous  puissions  les  en  convaincre,  —  Vous  n'en 
«  aurez  pas  une  demi-douzaine,  mais  bien  un  cent, 
«  que  nous  allons  à  l'heure  même  faire  porter  à  vos 
a  princes,  car  nous  en  sommes  largement  approvi- 
«   sionncs.  » 

Les  envoyés,  de  retour  auprès  des  confédérés,  leur 
ayant  raconté  quelle  vie  large  et  facile  menaient  les 
ennemis,  ceux-ci  se  refusèrent  d'abord  à  le  croire, 
mais  il  fallut  bien  qu'ils  se  rendissent  à  l'évidence. 
Alors,  se  rappelant  toutes  les  instructions  qu'ils  avaient 
données  pour  que  les  routes  fussent  rigoureusement 
fermées,  tant  dans  le  duché  de  Lorraine  que  dans  les 
comtés  de  Bar  et  de  Luxembourg,  ils  en  conclurent 
avec  dépit  que  leurs  ordres  avaient  été  bien  mal  exé- 
cutés. 

Le  comte  de  Bar  prit  alors  la  parole  :  «  Vous  voyez, 
«  dit-il,  ce  que  c'est  que  ces  gens  de  Metz  et  la  ma- 
«  nière  dont  ils  se  gouvernent,  et  nous  avec  eux  ! 
«  Nous  les  croyions  poursuivre  et  affamer,  et  c'est 
«  notre  propre  substance  que  nous  détruisons  et  dévo- 
«  rons.  Nous  manquons  de  tout  ;  grâce  aux  chemins 
«  qu'ils  tiennent  et  à  ceux  qu'ils  gagnent,  l'abondance 
«  règne  chez  eux  par  leur  argent  et  leur  puissance. 
«  Il  faut  le  reconnaître,  messeigneurs,  vous  ne  faites 
«  que  faiblement  exécuter  vos  ordres  dans  vos  pays, 
«  et  vous  ne  trouvez  qu'une  médiocre  obéissance  parmi 
«  vos  capitaines,   aidants  et  sujets,  qui  laissent  ainsi 


INTRODUCTION.  81 

«  passer  les  vivres  à  travers  votre  territoire  et  les  me- 
«  ncr  à  Metz,  où  l'on  a  toutes  choses  avant  vons- 
c  mêmes!  Or,  avisez  à  ce  qu'ils  peuvent  faire  encore 
«  de  pis  contre  nous.  Je  vous  al  dit  et  vous  répète 
«  que  nous  n'avons  plus  que  faire  de  continuer  cette 
«  guerre,  et  qu'il  faut  la  finir!  Pour  moi,  je  veux 
«  la  paix;  j'ai  subi  assez  de  dommages.  Quand  vous 
«  serez  en  Bohême  et  sur  le  Rhin,  il  vous  souviendra 
a  peu  de  moi ,  et  vous  êtes  trop  loin  pour  que  les 
<c  Messins  aillent  vous  chercher.  Si  vous  étiez  àjeur 
«  portée  comme  j'y  suis,  vous  y  mettiiez  plus  de 
«  cœur.  Et  comme  je  me  trouve,  quant  à  moi,  leur  plus 
«  proche  voisin,  et  qu'il  vous  est  facile  de  voir  ce  à 
«  quoi  je  suis  exposé,  j'ai  besoin  de  la  paix  et  il  faut 
«•qu'elle  se  fasse;  car  je  ne  puis  plus  endurer  des 
ce  dommages  pareils  à  ceux  que  je  subis!  » 

A  ces  mots,  les  princes,  reconnaissant  que  la  guerre 
avait  causé  de  grandes  ruines  dans  la  Lorraine  et  le 
Luxembourg,  et  plus  encore  dans  le  Barrois ,  et  con- 
sidérant que,  si  elle  se  prolongeait,  elle  pourrait  avoir 
de  plus  fâcheuses  conséquences  encore,  se  résolurent 
à  laisser  conclure  la  paix  au  moyen  des  médiateurs, 
en  donnant  à  ces  derniers  pleins  pouvoirs. 

La  conférence  se  réunit  sans  retard,  et  elle  ne  se 
sépara  pas  sans  avoir  arrêté  les  principaux  termes  de 
la  pacification,  qui  fut  acceptée  avec  une  grande  joie 
départ  et  d'autre.  Le  3  mars  de  l'année  i326fi325 
ancien  style),  entre  Baudoin,  archevêque  de  Trêves, 
Jean,    roi  de   Bohême,    Ferry,    duc    de  Lorraine, 

6 


£2  INTRODUCTION. 

Éclouarcl,  comte  de  Bar,  et  la  cité  de  Metz,  fui  signé 
un  traité,  par  lequel  on  convint  :  que  les  prisonniers 
seraient  renvoyés  sans  rançon  ;  que  chaque  parti  gar- 
derait à  sa  charge  les  frais  qu'il  avait  faits  pour  la 
guerre;  que  les  sujets  des  diverses  puissances  pourraient 
faire  valoir  leurs  biens  sous  quelque  dépendance  qu'ils 
fussent  placés;  qu'ils  ne  pourraient  rien  réclamer  de 
tout  ce  qui  aurait  été  pris  et  enlevé  pendant  les  hosti- 
lités ;  et  qu'ils  se  déclareraient  respectivement  quittes 
de  tout,  excepté  ce  qui  était  légitimement  dû  avant 
la  guerre.  Le  traité  portait  en  outre  que  les  citoyens 
de  Metz  ne  pourraient  acquérir  de  lièfs  ni  arrière-ficfs 
sans  l'agrément  du  seigneur  de  qui  ces  fiefs  relevaient, 
et  qu'ils  seraient  tenus  aux  services  qui  y  sont  atta- 
chés; que,  du  reste,  on  se  conformerait  en  tout  à  la 
coiituine  (lEstaidt^  dans  les  rapports  de  fcudataire  à 
souverain. 

Un  traité  spécial  ajouta  une  clause  à  ces  conditions, 
à  savoir  que  la  cité  payerait  aux  princes  confédérés  une 
somme  de  i5,ooo  livres  de  bons  vieux  tournois,  en 
deux  termes,  le  premier  à  la  Saint-llemy  de  i32() 
et  le  second  à  la  Purification  de  l'année  suivante. 
Quatre  des  principaux  bourgeois  se  portèrent  garants 
de  Texaclitude  du  payement.  Le  traité,  signé  et  scellé 
par  les  intéressés,  fut  ensuite  revêtu  des  sceaux  de 
Louis  de  Poitiers,  évêque  de  Metz,  du  chapitre  de  la 
cathédrale,  des  abbés  de  Saint-Arnoult,  Saint-Clément 
et  Saint-Symphorien,  et  des  abbesses  de  Sainte-Glos- 
sinde  et  de  Sainte-Marie. 


INTRODUCTION.  83 

La  guerre  était  donc  finie,  et  la  cilé  rentrait  en  pai- 
sible jouissance  de  ses  libertés  séculaires.  Le  premier 
bienfait  de  la  pacification  fut  de  lui  permettre  de  rece- 
voir, non-seulement  avec  cordialité,  mais  avec  enthou- 
siasme, le  successeur  de  Henri  Dauphin,  de  triste  mé- 
moire. Ce  fut  un  spectacle  nouveau  pour  les  Messins 
que  celui  de  ces  témoignages  de  cordialité  respec- 
tueuse et  reconnaissante  ,  depuis  bien  longtemps , 
si  rarement  donnés.  L'évêque  arriva  sous  l'escorte 
d'une  bande  de  cavalerie,  la  veille  du  25  mars,  jour 
fixé  pour  la  nomination  des  magistrats  de  la  cité,  de 
manière  à  être  là  pour  recevoir  leur  serment.  La  meil- 
leure intelligence  ne  cessa  pas  de  régner  entre  les 
Messins  et  lui  pendant  la  durée  de  son  court  épiscopat, 
et,  le  3o  mai,  un  traité  d'alliance  offensive  et  défensive 
était  signé  par  eux,  dans  les  termes  ks  plus  affectueux. 

vm. 

La  signature  du  traité  de  paix  avait  été  l'un  des 
derniers  actes  administratifs  du  maître-échevin  Hugues 
Hunebourjat.  Le  aS  mars  suivant,  il  faisait  place  à  un 
nouveau  titulaire,  Gilles  le  Bel,  du  paraige  du  Commun, 
et,  le  même  jour,  suivant  le  calendrier  messin,  Tannée 
iSaô  faisait  son  entrée  dans  l'histoire.  Il  semblait  que 
cette  année,  protégée  à  sa  naissance  par  l'établisse- 
ment d'une  paix  générale,  dût  faire  oublier,  dans  le 
calme  et  la  prospérité,  les  angoisses  et  les  agitations  de 


84  INTRODUCTION. 

celle  qui  l'avait  précédée  :  mais,  nous  allons  le  voir,  il 
fut  loin  d'en  être  ainsi. 

Il  était  naturellement  nécessaire  de  se  procurer  beau- 
coup d'argent  pour  solder  les  comptes  de  la  guerre  et 
aussi  ceux  de  la  paix.  Depuis  deux  ans  Metz  entretenait 
à  sa  solde  plusieurs  centaines  d'hommes  d'armes  dont 
les  services  étaient  chèrement  payés.  De  plus,  il  fallait 
acquitter  l'indemnité  convenue  dans  le  traité ,  et  les 
coffres  de  la  cité  étaient  vides.  Pour  les  remplir,  on  usa 
d'un  premier  expédient  :  on  imposa  aux  ordres  reli- 
gieux une  part  dans  les  sacrifices  auxquels  il  fallait  se 
soumettre.  Ainsi  la  cité  contraignit  les  Carmes  à  payer 
comptant  5o  livres  de  bons  petits  tournois ,  pour 
le  rachat  de  divers  cens  assis  sur  des  biens  légués 
à  leur  monastère  par  le  chanoine  Nicolas  de  Saint- 
Martin.  Cette  mesure  ne  fut  pas  la  seule,  et  chacun 
des  monastères  fut  sans  doute  imposé  à  son  tour;  mais 
ce  qui  est  certain,  c'est  que  cette  ressource  fut  re- 
connue insuffisante,  et  qu'il  fallut  en  venir  au  moyen 
élémentaire  dont  usent  tous  les  gouvernements  pour 
battre  monnaie,  c'est-à-dire  frapper  de  nouveaux  im- 
pôts sur  les  citoyens.  Une  t.iiile  fut  donc  décrétée; 
mais  la  répartition  en  fut  faite  d'une  manière  qui  parut 
injuste  et  froissa  profondément  le  sentiment  public. 

Le  chiffre  des  impositions  persorinelles  avait  été  fixé 
par  une  commission  composée  des  gens  de  paraiges, 
c'est-à-dire  de  la  seigneurie  de  la  cité.  Or,  par  une 
conséquence  toute  naturelle  de  sa  haute  situation  de 
fortune  territoriale,  c'était  surtout  cette  classe  privilé- 


IM'RODUCTION,  85 

giée  qui  avait  supporté  le  poids  de  la  guerre.  Possé- 
dant beaucoup,  ses  membres  avaient  aussi  beaucoup 
perdu,  et  la  plupart  d'entre  eux  faisaient  ressortir  le 
dommage  résultant  de  leurs  domaines  brûlés,  de  leurs 
cens  et  revenus  restés  impayés,  de  leurs  fermages  com- 
promis, ce  qui  représentait  et  au  delà  la  part  qu'ils 
devaient  prendre  dans  lés  communs  sacrifices. 

Lorsque  le  rôle  de  la  contribution  fut  publié,  il  sou- 
leva des  réclamations  universelles.  Les  gens  de  condi- 
tion movenne  protestèrent  contre  la  charge  qui  leur 
était  faite;  les  autres  trouvèrent,  au  contraire,  que  ceux 
qui  n'avaient  rien  perdu  étaient  encoie  traités  avec  trop 
d'indulgence.  Le  mécontentement  fut  ainsi  général. 

Mais  il  fallut  aussi  arriver  à  créer  des  taxes  de 
consommation,  retombant  directement  sur  le  peuple, 
et  dont  l'application  était  de  nature  à  exciter  l'irrita- 
tion dans  les  classes  inférieures.  C'est  ainsi  que,  le 
6  juin  i326,  parut  un  a(our,  concernant  la  mnltôte  et 
la  bnlette,  c'est-à-dire  une  ordçnnance  relative  à  un 
tarif  de  contributions  indirectes,  comme  nous  dirions 
aujourd'hui,  qui  fit  peser  une  lourde  aggravation  de 
droits  sur  les  objets  de  consommation  journalière.  Le 
coupiUon  du  blé  était  doublé  ;  chaque  muid  de  sel 
était  taxé  à  i  deniers  ;  la  quarte  d'écorce  de  chêne,  si 
nécessaire  aux  nombreux  tanneurs  de  Saulnerie,  à  une 
angevine;  le  muid  de  vin  du  pays  à  i  denier;  le  muid 
de  vin  étranger  à  12  deniers. . .  et  en  outre,  la  mesure 
désagréable  de  l'exercice  et  de  la  vérification  du  cou- 
tenu  des  caves.   Ainsi  du  reste  :  les  draps,  les  fils, 


83  INTRODUCTION. 

les  étoffes  de  toutes  matières,  étaient  imposés  de  2  de- 
niers par  livre,  l'argenterie  de  deux  deniers  par  marc , 
Torfévrerie  d'or  de  2  sols  par  marc.  Toutes  les  tran- 
sactions par  écrit  étaient  soumises  à  une  taxe  de  2  de- 
niers par  livre. 

A  cette  contribution  étaient  soumis  tous  les  habitants, 
prêtres,  clercs,  laïques,  chevaliers,  nobles,  bourgeois, 
gens  de  toute  condition  et  de  toute  origine.  Après  une 
secousse  pareille  à  celle  qui  avait  ébranlé  la  cité ,  il 
fallait  un  effort  vigoureux  pour  remettre  à  flot  sa  for- 
tune. Aussi  ses  magistrats  ne  crurent-ils  pas  trop  de- 
mander au  patriotisme  de  sa  population. 

Mais  ce  patriotisme,  qui  n'aurait  pas  marchandé 
les  sacrifices  au  temps  du  danger,  était  déjà  atténué 
par  les  récriminations  réciproques  que  multipliait 
chaque  jour  un  esprit  de  résistance  et  de  rébellion  de 
plus  en  plus  développé  dans  la  cité.  Enfin  une  révolte 
éclata  et  son  explosion  eut  lieu  à  main  armée.  La 
Commune,  c'est-à-dire  la  classe  marchande  et  ou- 
vrière, se  leva  contre  les  magistrats  et  les  chassa  du 
gouvernement  et  de  la  ville.  La  plupart  des  bourgeois 
se  hâtèrent  de  prendre  la  fuite  derrière  eux.  Des 
membres  de  l'oligarchie  dirigeante  il  ne  resta  que 
quelques  hommes  ambitieux  et  cupides  qui  comptaient 
sur  un  facile  accroissement  de  fortune  en  se  mettant  à 
la  tête  d'un  peuple  inexpérimenté  et  incapable  de  di- 
riger les  affaires  de  l'Etat. 

Mais  ces  hommes  ne  tardèrent  pas  à  s'apercevoir 
combiensous  ce  rapport  leurs  espérances  étaient  vaines. 


INTRODUCTION.  87 

La  plupart  d'entre  eux  furent,  au  contraire,  écartés  du 
pouvoir,  et  la  Commune  se  constitua  presque  entière- 
ment dans  les  éléments  populaires,  enivrés  de  leur 
nouvelle  puissance.  On  en  vit  alors  qui,  se  livrant  à  tous 
les  excès,  se  consolèrent  de  leur  déconvenue  politique 
en  mettant  au  pillage  les  hôtels  de  leurs  amis  de  la 
veille  et  s'enrichirent  par  des  réquisitions  arbitraires, 
faites  au  nom  de  la  sûreté  publique.  Un  membre  du 
paraige  d'Oultre-Seille,  Jacomin  Boileau ,  aman  de 
Saint-Maximin  et  l'un  des  premiers  Sept  élus  pour  la 
guerre,  fut  au  nombre  de  ceux  qui  mirent  le  plus  d'ar- 
deur à  ces  recherches,  dont  les  auteurs  furent  flétris 
du  nom  expressif  et  ignominieux  àe  porte-en-maison. 

Cependant,  au  milieu  des  passions  soulevées  par  cette 
révolution,  révolution  bien  coupable,  car  elle  était 
faite  pour  ainsi  dire  en  présence  de  l'ennemi,  à  peine 
désarmé  et  non  encore  payé,  une  complète  anarchie 
régnait  dans  la  ville. 

Il  y  restait  pourtant  plus  d'une  âme  honnête  et  amie 
de  l'ordre,  qu'un  tel  spectacle  révoltait.  De  ce  nombre 
était  un  nommé  Philippin  Xollefert,  de  la  famille  des 
Faixins,  fils  de  Guerciriat  Faixin,  aman  de  Saint-Mé- 
dard.  C'était  un  brave  capitaine,  l'un  des  chevaidcheurs 
de  la  dernière  guerre.  Un  jour,  ne  pouvant  plus  se 
contenir,  il  laissa  échapper  les  plus  sanglantes  injures 
contre  la  Comnmne  et  ceux  qui  avaient  pris  son  parti. 
Les  fureurs  que  son  indignation  provoquait  ne  l'épar- 
gnèrent point.  Il  fut  jugé,  condamné  par  la  clameur 
populaire,  et  décapité  devant  le  portail  de  la  cathédrale. 


88  INTRODUCTION. 

Sa  tête  fut  «  enmurée  »  à  l'un  des  angles  du  palais, 
près  de  la  Gonr-rÉvêque,  de  manière  à  rester  comme 
un  avertissement  à  l'adresse  de  ceux  qui  auraient  envie 
de  manquer,  comme  lui,  de  respect  à  la  Commune. 

Un  autre  acte  d'aveugle  colère  fut  la  démolition  de 
la  maison  de  Jacques  Grongnat,  auprès  de  l'église  Saint- 
Ferroy.  On  chercha  même  à  saisir  le  père  de  cet  émi- 
nent  citoyen  pour  le  faire  mourir,  mais  il  parvint  à  se 
soustraire  aux  poursuites  et  à  quitter  heureusement  la 
cité.  Il  y  eut  encore  bien  d'autres  faits  semblables,  et 
même  pires,  dit  la  Chronique  ;  mais  elle  se  dispense 
de  les  énumérer,  sans  doute  par  un  sentiment  de 
honte  patriotique. 

A  la  tête  des  bourgeois  expulsés  était  sorti  le 
maître-échevin  de  Metz.  Le  gouvernement  régulier 
était  donc  entièrement  constitué  en  dehors  de  la  cité, 
et  la  révolution,  qui  avait  si  brusquement  pris  sa 
place,  n'avait  même  pas  cherché  à  se  créer  une  ap- 
parence de  légalité.  Gar  l'antique  constitution  messine 
avait  été  déchirée  et  mise  à  néant  dès  le  début  de  la 
révolte. 

La  Chronique  du  Doyen  de  Saint -Thiébaut  fixe  au 
20  août  i326  (le  mercredi  devant  la  feste  Saint-Sym- 
phorien)  la  fuite  du  maître-échevin  et  de  la  seigneurie 
messine  devant  l'insurrection  triomphante.  Peut-être  y 
eut-il  d'abord  quelques  négociations  essayées  qui  per- 
mirent d'espérer  le  retour  du  bon  ordre  sans  qu'il  fût 
besoin  de  recourir  à  une  répression  violente  :  mais  il 
est  certain  que  ces  illusions  devaient  s'être  dissipées  dès 


INTRODUCTION. 


le  12  septembre,  jour  où  l'on  voit  un  grand  nombre  de 
soldoyeurs  donner  leur  quittance  au  receveur  de  la 
Commune  pour  le  prix  des  services  militaires  qu'ils 
s'engagent  à  lui  rendre.  Le  nombre  total  des  engage- 
ments, la  plupart  datés  de  ce  même  mois,  s'élève  à  cent 
cinquante  environ.  Parmi  les  chevaliers  et  écuyers 
dont  nous  avons  les  noms,  il  n'en  est  pas  qui  appar- 
tienne à  la  haute  noblesse;  la  plupart  sont  Alsaciens; 
mais  il  y  a  aussi  un  certain  nombre  de  Lorrains,  que 
la  paix  signée  par  le  duc  Ferry  avait  rendus  libres  de 
choisir  leur  parti . 

La  plupart  des  gentilshommes  messins  s'étaient,  dès 
leur  sortie  de  la  ville,  retirés  dans  leurs  maisons-fortes; 
ilss'y  étaient  mis  en  état  de  défense  et  se  préparaient  à 
prendre  l'offensive.  Mais  ils  sentaient  le  besoin  de  se 
créer  un  supplément  de  ressources  militaires,  car  il 
était  devenu  évident  que  la  force  des  armes  seule  amè- 
nerait la  solution  du  conflit.  Le  comte  de  Bar  et  le  roi 
de  Bohême,  rendus,  par  la  signature  du  traité  de  paix, 
à  la  cordiale  pratique  des  rapports  qui  les  unissaient 
aux  seigneurs  messins  possesseurs  de  fiefs  dans  leurs 
domaines,  mirent  leurs  forces  à  la  disposition  des 
bannis,  moyennant  un  engagement  de  54,ooo  livres 
de  petits  tournois  :  engagement  dont  ils  firent  la  base 
d'un  accord,  par  lequel  ils  se  promirent  de  ne  pas  faire 
la  paix  l'un  sans  l'autre,  et  de  se  partager  la  somme, 
dans  la  proportion  de  34,ooo  livres  pour  le  roi  et 
20,000  livres  pour  le  comte  (27  octobre  i326). 

Le  château  de  Vry,  la  plus  solide  des  forteresses  ex- 


90  INTRODUCTION, 

térieures  de  la  cité,  était  la  résidence  du  mattre-éche- 
vin  et  le  centre  où  convergeaient  les  principales  forces. 
Alors  commença  une  déplorable  guerre  dans  laquelle 
les  Messins,  armés  les  uns  contre  les  autres,  renouve- 
lèrent sur  un  espace  plus  étroit  et  sur  une  moindre 
échelle  la  campagne  désastreuse  de  l'année  précé- 
dente. D'une  part,  sorties  fréquentes,  pillages,  incen- 
dies, engagements  plus  ou  moins  importants,  avec  des 
chances  diverses  ;  de  l'autre,  maintien  de  plus  en  plus 
rigoureux  d'un  blocus  étroit  :  voilà  ce  que  le  pays  mes- 
sin revit  encore  pendant  plusieurs  mois.  Quelques  in- 
cidents d'une  médiocre  importance  marquèrent  seuls 
cette  guerre  odieuse  et  stérile. 

Un  jour,  dans  une  escarmouche,  un  des  seigneurs 
de  paraige  fut  fait  prisonnier  par  des  soldoyeurs  aux 
gages  de  la  Commune.  Ils  le  gardèrent  caché  pendant 
quatre  jours,  car  si  le  peuple  l'eût  eu  entre  les  mains  il 
était  voué  à  une  mort  certaine.  Sur  ces  entrefaites,  le 
fils  d'un  des  principaux  chefs  du  parti  populaire  tomba, 
dans  une  sortie,  au  pouvoir  des  seigneurs  messins. 
Ceux-ci  le  placèrent  sur  la  maîtresse  tour  du  château 
de  Vry,  avec  une  chaudière  d'eau  et  trois  mesures 
d'avoine,  et  lui  dirent  :  «  que  si  ceux  de  Metz  ne  vou- 
laient pas  leur  rendre  le  prisonnier  qu'ils  tenaient,  il 
n'avait  qu'à  choisir  entre  deux  partis  :  se  jeter  du  haut 
de  la  tour,  ou  y  vivre  de  ces  provisions,  les  seules  qui 
lui  seraient  données.  »  Il  parvint  à  faire  connaître  à 
Metz  sa  situation,  et  l'échange  des  deux  prisonniers 
eut  lieu  sans  retard. 


INTRODUCTION.  91 

Cependant  un  engagement  des  plus  sérieux  ne  tarda 
pas  à  succéder  à  cette  guerre  d'escarmouches.  Toutes 
les  forces  de  la  Commune  dirigèrent  une  attaque  contre 
l'armée  des  seigneurs.  La  rencontre  eut  lieu  près  d'un 
moulin-à-vent,  au  voisinage  duquel  elle  dut  son  nom. 
Un  épisode  mérite  d'être  ici  signalé  :  les  insurgés 
avaient  imposé  au  primicier  de  la  cathédrale,  Jean  de 
Moyelan,  de  tenir  déployée  à  la  bataille  la  grande  ban- 
nière ou  oriflamme  de  la  cité,  qui  ne  devait  être  mon- 
trée que  dans  les  cas  de  grand  péril,  et  que  ce  digni- 
taire de  l'Eglise  avait  toujours  eu  la  mission  de  porter. 
La  perte  fut  considérable  des  deux  côtés;  mais  le 
terrain  resta  aux  gens  de  la  Commune,  et  ils  purent 
se  glorifier  d'une  victoire  chèrement  acquise.  Les  sei- 
gneurs emmenèrent  leurs  morts  à  l'abbaye  de  Villers- 
Beltnach,  où  ils  durent  les  déposer,  puisque  les  sépul- 
tures de  famille  des  abbayes  de  Metz  leur  étaient 
fermées;  et  le  nombre  des  victimes  était  si  grand, 
qu'une  fosse  ouverte  au  cloître,  à  droite  de  l'entrée 
de  l'église,  reçut  trois  membres  de  la  seule  famille 
des  Faulquenel,  qu'on  y  déposa  l'un  sur  l'autre. 

Cependant  telle  était  la  confiance  qu'avaient  les 
magistrats  sortis  de  Metz  dans  l'issue  de  la  lutte  et 
dans  l'indiscutable  légitimité  de  leurs  droits,  qu'ils  ne 
cessèrent ,  dans  leur  exil  de  Vry,  de  faire  acte  de 
gouvernement ,  sans  rien  modifier  aux  formules  en 
usage.  C'est  ainsi  que  les  archives  de  l'hôtel-de-ville 
conservent  des  ordonnances  relatives  :  à  la  nomination 
du  rocevevtr  de  la  cité  et  à  la  fixation  de  ses  gages;  à 


92  INTRODUCTION. 

la  manière  d'assurer  le  payement  de  cens  dus  sur  des 
hérltaiïes:  au  mode  d'élection  et  au  fonctionnement 
des  comtes-jurés  des  paroisses.  Or,  ces  ordonnances, 
datées  de  la  fin  de  iSaft  et  des  premiers  mois  de  1327, 
débutent  par  l'antique  formule  des  proclamations 
de  ce  genre,  comprenant  toutes  les  magistratures,  les 
paraiges  et  la  communauté,  conservée  sans  le  moindre 
changement,  et  se  terminent  par  la  phrase  sacramen- 
telle :  «  Que  furent  faites  et  mises  en  l'arche  à  grant 
mostier,  le...  >•  Pour  ces  dignes  et  impassibles  magis- 
trats, l'état  violent  créé  par  la  guerre  n'existait  pas.  Ce 
n'était  qu'un  orage  passager,  qui  pouvait  bien  empê- 
cher les  portes  de  l'arche  du  grand  moulier  de  s'ou- 
vrir au  jour  fixé,  pour  recevoir  les  ordonnances  éma- 
nant du  pouvoir  régulier,  mais  qui  ne  tarderait  pas  à 
se  dissiper  devant  le  triomphe  de  la  légalité. 

Une  seule  des  ordonnances  du  gouvernement  exilé 
est  relative  à  l'état  de  crise  par  lequel  il  passait  :  c'est 
une  commission,  datée  du  11  décembre  1S2G,  donnée 
à  un  certain  nombre  de  citoyens,  de  faire  la  recherche 
et  de  saisir  les  biens  de  ceux  qui  se  sont  armés  contre 
la  patrie,  «  de  ceux  qui  li  sont  anemis  contre  rason  ». 
De  même  que  les  autres,  cet  acte  est  indiqué  comme 
déposé  dans  l'arche  de  la  grande  église  le  jour  même 
de  sa  promulgation. 

L'hiver  se  termina  comme  il  avait  commencé.  L'é- 
poque de  l'élection  du  maître-échevin  arriva ,  mais  il 
ne  fut  pas  possible  d'y  procéder,  par  suite  de  l'absence 
des  électeurs  ecclésiastiques,  retenus  à  Metz  dans  l'exer- 


INTRODUCTION.  93 

cice  de  leurs  fonctions  religieuses.  L'armée  du  dehors 
fit  alors  une  tentative  pour  entier  à  Metz  de  vive 
force.  Les  assaillants  forcèrent  et  brûlèrent  le  fau- 
bourg de  Saint-Julien  et  s'avancèrent  jusqu'à  une  porte 
appelée  Pargnemaille,  mais  ils  ne  parvinrent  pas  à  s'en 
emparer. 

Depuis  le  carême  jusqu'après  la  fête  de  Saint-Pierre 
en  juin  ,  ils  se  tinrent  sous  les  murs  de  la  ville,  resser- 
rant étroitement  son  blocus  et  repoussant  toutes  les 
sorties  tentées  par  les  habitants  :  un  succès  décisif 
leur  faisait  défaut,  il  est  vrai,  mais  la  situation  des 
assiégés  devenait  de  plus  en  plus  difficile.  Bientôt  elle 
ne  fut  plus  tenable  cl  des  pensées  de  soumission  s'im- 
posèrent aux  plus  déterminés. 

Laissons  parler  la  Chronique  :  a  Quand  la  Commune, 
dit-elle,  vit  et  sentit  quelle  forte  guerre  lui  faisaient 
ceux  du  dehors,  le  conseil  se  réunit.  Ils  reconnurent 
qu'ils  ne  pouvaient  pas  plus  longuement  endurer  cette 
situation  et  qu'il  valait  mieux  se  réconcilier  et  accor- 
der avec  ceux  qui  étaient  sortis  que  de  chercher  à  se 
donner  d'autres  seigneurs  et  maîtres;  qu'ils  aimaient 
encore  mieux  ceux-là,  et  que  s'ils  en  prenaient  d'au- 
tres ils  seraient  sans  doute  les  premiers  à  s'en  repentir.  » 
Ils  prièrent  donc  de  communs  amis  de  bien  vouloir 
s'employer  à  la  pacification. 

Les  gens  de  paraiges,  de  leur  côté,  aspiraient  au 
moment  où  ils  verraient  cesser  une  situation  à  la  fois 
si  douloureuse  pour  leur  patriosisme  et  si  funeste  à 
leurs  intérêts.  Sous  l'influence   de   ce   sentiment,  ils 


«.4  INTRODUCTION. 

posèrent,  pour  le  rélablissenient  tlo  la  paix,  des  con- 
tl liions  d'une  modération  remarquable.  Les  insurgés 
n'en  refusèrent  aucune,  ils  se  soumirent  à  toutes  les 
clauses  qui  leur  furent  imposées,  et,  le  27  juin,  l'ar- 
mée des  seigneurs,  rentrant  à  Metz,  rétablissait  sans 
contestation  le  gouvernement  séculaire  de  la  cité  et 
remettait  toute  chose  en  son  ancienne  place.  Ce 
jour-là,  le  titulaire  de  chacune  des  fonctions  publiques 
reprenait  ses  fonctions  interrompues,  et  les  Messins 
pouvaient  croire  qu'ils  avaient  fait  un  long  et  pénible 
rêve,  dont  un  tardif  réveil  venait  enfin  de  terminer 
les  angoisses. 

Les  seigneurs  n'avaient  pas,  nous  l'avons  dit,  im- 
posé des  conditions  trop  rigoureuses.  11  est  aisé  de 
juger  par  le  texte  du  traité  de  paix  combien  l'esprit 
de  vengeance  et  de  rancune  était  loin  de  prédominer 
dans  leurs  conseils.  On  ne  saurait  voir  une  amnistie 
plus  complète,  un  plus  généreux  oubli  du  passé,  une 
plus  ferme  résolution  de  rétablir  dans  un  peuple  un 
accord  sans  mélange. 

Voici  quels  étaient  les  principaux  articles  du  traité 
de  réconciliation  que  nous  a  conservé  le  précieux  re- 
cueil de  Paul  Ferry  : 

«  Toutes  les  nouveautés  qui  ont  été  faites  la  guerre 
durant,  et  dont  la  ville  n'a  usé  anciennement,  relative- 
ment à  son  état  public ,  sont  déclarées  nulles  et  abo- 
lies : 

—  La  cité  se  gouvernera  et  justiciera  par  le  maître- 
échevin,  les  Treize  et  les  comt(  s,  chacun  en  son  office, 


INTRODUCTION.  95 

sans  autre  gouvernement  que  celui  des  bonnes  gens 
des  paraiges. 

—  Les  amans  reviendront  en  leurs  arches  et  repren- 
dront leur  emploi. 

—  Chaque  paroisse  aura  sa  bannière  et  ses  enseignes^ 
comme  autrefois. 

—  Les  comtes  reprendront  leur  office,  et  chaque 
paroisse  élira  quatre  candidats,  parmi  lesquels  un  sera 
choisi. 

—  Les  clefs  des  portes  et  poternes  reviendront  entre 
les  mains  des  seigneurs  de  paraiges,  comme  par  le 
passé. 

—  Les  métiers  se  gouverneront  par  leurs  maîtres,, 
ainsi  que  cela  avait  lieu, 

—  Nul  ne  doit  provoquer  de  réunions  publiques,  si 
ce  n'est  par  ordre  du  conseil. 

—  Nul  ne  doit  former  d'alliance  dans  la  ville  contre 
les  uns  ou  les  autres,  ni  prendre  un  chef  ou  gouver- 
neur, si  ce  n'est  par  l'accord  de  la  justice  et  des  pa- 
raiges. 

—  Tous  les  actes  judiciaires  entamés  par  ceux  du 
dedans  contre  ceux  du  dehors  sont  annulés,  et  s'il  y 
en  a  qui  soient  relatifs  à  des  faits  de  droit  commun,  il 
doit  y  être  donné  suite  devant  la  justice. 

—  Tout  le  temps  de  la  guerre  est  compté  comme 
nul  pour  les  dettes  et  échéances. 

—  Chacun  rentrera  dans  son  héritage,  ses  gagièrcs 
et  ses  dettes. 

—  Tous  dommages  faits  aux  champs  et  à  la  ville,  à 


6  INTRODUCTION. 

roccasion  de  la  guerre,  sont  abolis  de  part  et  d'autre. 
Si  des  biens  appartenant  à  ceux  du  dehors  ont  été  pris 
par  ceux  du  dedans,  les  anciens  propriétaires  ne  les 
peuvent  pas  réclamer  eux-mêmes,  mais  la  Ville  doit 
se  charger  d'établir  le  compte  de  ce  qui  a  été  consa- 
cré aux  dépenses  publiques  et  opérer  elle-même  les 
restitutions,  s'il  y  a  lieu. 

—  La  fidèle  observation  de  toutes  ces  conditions 
est  promise  et  jurée  par  tous  les  habitants  sans  dis- 
tinction, sous  la  garantie  de  Jean  de  Luxembourg, 
d'Edouard  de  Bar,  de  Pierre  de  Bar,  des  chapitres  de 
la  Grande  Eglise,  de  Saint-Sauveur,  de  Saint-Thiébault, 
des  paraiges  et  de  la  communauté  de  la  cité.  » 

Rien  ne  nous  permet  d'élever  un  doute  sur  la  ma- 
nière dont  furent  observées  de  part  et  d'autre  les  con- 
ditions de  la  réconciliation.  La  Seigneurie  paraît  avoir 
en  cette  circonstance  laissé  de  côté  ses  habitudes  d'in- 
flexible sévérité.  C'est  qu'il  y  avait  en  elle  quelque 
chose  qui  dominait  même  le  sentiment  de  la  justice  : 
le  respect  de  la  foi  jurée.  L'amnistie  avait  été  pro- 
mise. Elle  fut  entière  et  sans  exception. 

Un  détail  piquant  a  été  conservé  par  la  Chronique, 
qui  éclaire  d'une  lumière  assez  vive  l'état  de  la  société 
messine  après  ce  bouleversement  profond.  Cet  épisode 
terminera  d'une  façon  moins  sérieuse  un  tableau  qui 
a  été  forcément  triste  et  monotone.  Nous  laissons  la 
parole  au  chroniqueur  : 

«  Après  que  la  paix  eut  été  faite  et  que  ceux  du 
dehors  fussent  tous  revenus  à  Metz,  il  arriva ,  dit-il , 


INTRODUCTION.  97 

qu'un  seigneur  de  paraige  et  de  noble  lignée,  mais  qui 
avait  été  un  de  ceux  qu'on  appelait  les  porte-en-mai- 
son, invita  à  un  banquet  plusieurs  de  ses  parents  et 
amis  qui  étaient  sortis  de  la  ville  et  qui  venaient  d'y 
rentrer. 

«  Ce  seigneur  avait  un  magnifique  dressoir  qui  pliait 
sous  le  poids  des  pièces  d'orfèvrerie.  Quand  les  invités 
furent  réunis  et  qu'ils  virent  ce  dressoir  si  bien  paré 
de  vaisselle  précieuse,  ils  en  restèrent  tout  ébahis  et 
se  dirent  entre  eux  :  «  Qu'est-ceci  ?  Cet  homme  n'a- 
«  vait  jamais  eu  une  pareille  vaisselle  quand  nous  sor- 
«  tîmes  d'ici.  D'où  lui  vient-elle  donc,  si  ce  n'est  de 
n  notre  bien  ?  Si  nous  faisons  bien,  nous  allons  la  lui 
«  reprendre  !  »  Mais  ils  se  mirent  d'accord  pour  dîner 
au  préalable.  Quand  le  repas  fut  terminé,  l'un  d'entre 
eux  prit  la  parole  :  «  Bel  hôte,  dit-il,  quand  nous  par- 
«  limes  de  Metz,  vous  n'aviez  pas  telle  vaisselle.  D'où 
«  vous  vient-elle  donc,  sinon  de  nous?  Ah!  traître  et 
«  mauvais  garnement,  tu  as  aidé  à  nous  chasser  et  tu 
«  veux  garder  notre  bien ,  gagné  de  telle  manière  ! 
«  Tu  mériterais  que  nous  te  missions  à  mort.  Tiens, 
«  nieras-tu  que  ceci  soit  à  moi  ?  Je  le  vais  reprendre 
«  et  remporter,  malgré  tes  dents  ;  montre  si  tu  oseras 
«   seulement  faire  semblant  de  t'y  opposer!  » 

«  En  disant  ces  paroles,  l'orateur  se  saisissait  d'une 
pièce  d'argenterie;  tous  les  invités  faisaient  de  même, 
et  en  un  instant  le  dressoir  était  dépouillé  de  toute  sa 
richesse.  Le  maître  de  la  maison  resta  si  honteux  et 

si  consterné  qu'il  n'eu  osa  jamais  rien  dire  et  qu'il 

7 


98  INTUODUCTION. 

s'estima  très-heureux  que  les  choses  ne  fussent  pas 
allées  plus  loin.  » 

Malgré  les  germes  de  désunion  que  la  paix  n'avait 
pu  étouffer  entièrement ,  la  réorganisation  politique 
de  la  cité  se  fit  avec  rapidité,  et  telle  était  sa  vita- 
lité, telles  étaient  les  fécondes  ressources  de  son  com- 
merce et  de  son  industrie ,  que  les  magistrats  avaient 
pu,  avant  la  fin  de  l'année,  payer  à  leurs  deux  auxi- 
liaires les  54»ooo  livres  de  petits  tournois  pour  lesquels 
ils  s'étaient  engagés  envers  eux.  Ennemis  ou  alliés,  ces 
deux  princes  devaient  toujours  être  pour  Metz  de 
fort  coûteux  voisins. 

Le  présent  une  fois  régularisé,  le  gouvernement 
de  la  cité  ne  perdit  pas  de  temps  pour  assurer  l'avenir. 
Un  traité  d'amitié  avec  le  comle  de  Bar  fut  signé  le 
17  août  i327,  et  un  titre  de  pensionnaire  de  la  cité 
souscrit  deux  jours  après  au  profit  de  Pierre  de  Bar, 
seigneur  de  Pierrefort.  Ces  alliances  parurent  consti- 
tuer, avec  celle  de  Louis  de  Poitiers,  des  garanties 
suffisantes  pour  Tindépendance  d'un  Etat  qui  venait, 
en  résistant  à  un  si  terrible  orage,  de  montrer  quelle 
puissance  lui  donnaient,  en  dépit  de  l'exiguïté  de  son 
territoire,  le  dévouement  et  l'énergie  de  sa  population 
et  son  ardent  amour  pour  la  liberté. 

Nous  laissons  ici  Metz  en  pleine  possession  de  sa 
grandeur  et  de  ses  franchises.  C'est  le  plus  beau  temps 
de  son  histoire  qui  commence.  Les  luttes  au  prix  des- 
quelles elle  s'est  constituée  ville  libre  sont  terminées. 


INTRODUCTION. 


Ses  patriotiques  paraiges  sont  nombreux  et  pleins  d'ar- 
deur. Sa  prospérité  matérielle  ne  fait  que  crottre  avec 
son  renom  glorieux.  Lorsque  l'empereur  Charles  IV, 
fils  de  Jean  de  Bohême,  va  venir,  en  i356,  y  publier 
sa  Bulle  d'or,  il  la  trouvera  à  son  apogée.  Prospérité 
bien  admirable  ;  car,  de  même  que  l'indépendance 
de  la  cité,  conquise  à  travers  tous  les  périls  et  au  prix 
de  tous  les  sacrifices,  elle  n'était  due  qu'aux  efforts 
convergents  de  dix  générations  de  patriotes  aussi  intel- 
ligents que  vigoureux. 


Ponti/icale  de  Renaud  de  Bac.  Ms.  du  XIV<:  siècle. 
Bibliothèque  de  Metz. 


DE  LA 

GUERRE  DES  IIII  ROIS 

QUI  MIRENT  LE  SIÈGE 

DEVANT 

LA  BONNE   CITÉ    DE   METS 

EN   L'AN  MIL  CGC  ET  XXIIII. 


GUERRE  t)E  METS 


1 .  Pour  eschevir  mirancolie 
Qui  m'ait  eslcit  souvent  contraire, 
Une  matière  ai  entaillie 
Dont  je  voira  plussieui's  vers  faire. 
Or  m'en  dont  Dieu  a  tel  fin  traire 
C'on  n'y  puisse  trouver  folie 
Ne  nulle  rien  quil  puist  desplaire. 

2.  Touttes  flours  sormonte  la  rose 
Chescuns  sceit  bien  c'est  veriteit  ; 
Pour  ceu  vous  ai  dist  ceste  chose 
Qu'ensi  fait  Mets  toutes  citeis, 
Car  en  lie  maint  prosperiteit , 
Franchise,  avoir  et  gens  pitouse, 
Cortoisie  et  humiliteit. 


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GUERRE  DE  METZ. 


ÉLOGE   DE   METZ. 


1 .  Pour  dissiper  la  mélancolie 
Qui  m'a  souvent  été  contraire , 
J'ai  entamé  un  sujet 

Que  je  veux  traiter  en  vers. 
Dieu  m'accorde  la  grâce  d'y  réussir 
De  sorte  qu'on  n'y  trouve  nulle  sottise 
Ni  rien  qui  puisse  déplaire. 

2.  La  rose  surpasse  toute  fleur, 
Chacun  sait  bien  celte  vérité; 

Si  je  vous  la  rappelle  ici 
C'est  qu'ainsi  Metz  surpasse  toute  cité  ; 
Car  en  elle  résident  prospérité , 
Franchise,  richesse,  charité, 
Courtoisie  et  humilité. 


lOû  LA  nUEnUE  DE  METZ. 

3.  Metz  est  la  mère  de  franchise; 
Qui  ceu  ne  croit,  il  se  dessoit. 
Elle  ne  doit  taille  ne  prise 
Ne  droiture,  quel  qu'elle  soit  ; 
Or  viengne  avant  qui  les  ressoit 
Et  si  me  monstroice  en  quel  guise, 
Je  paiera  que  que  ceu  soit . 

4-  Cil  de  Mets  ont  bien  maintenue 
En  sa  franchise  lorciteit, 
C'oncques  n'y  ont  chose  l'andue 
N'a  duc  n'a  roy  d'ancienneteit 
Dès  le  temps  qu'en  furent  gitteit 
Une  gent  qu'estoit  mescreiie , 
Li  Wandre  plain  d'iniquiteit. 

5.  La  grant  richesse  ne  l'avoir 
Qui  est  a  Mets,  ne  les  deniers 
Vous  n'y  porriés  parmy  savoir, 
Ne  les  bleis  qui  sont  on  greniers, 
Ne  les  vins  qui  sont  on  seliers  : 

Il  n'y  ait  tant  de  bon  avoir 

Dès  Ranconvaulz  jusques  Peniers. 

6.  La  gent  de  Mets  est  moult  pitouse 
Et  si  est  moult  grande  amonniere, 
Elle  paist  la  gent  suffraitouse 

Et  par  devant  et  par  darriere  ; 
Hospitaulz,  messe  et  cimitiere 
Lor  aministre  a  la  parclouse  : 
Par  Dieu  si  est  bonne  manière. 


ÉLOGE  DE  METZ,  ^  105 

3 .  Metz  est  la  mère  des  franchises  ; 
Qui  ne  le  croit  pas  se  trompe. 

Elle  ne  doit  taille,  ni  contribution , 
Ni  droit,  de  quelque  nature  qu'il  soit. 
Que  quelqu'un  vienne  en  réclamer, 
Qu'il  me  montre  comment  on  les  doit! 
Je  le  lui  paierai,  quel  qu'il  soit. 

4 .  Ceux  de  Metz  ont  bien  maintenu 
En  sa  franchise  leur  cité  ;    . 

Ils  n'ont  jamais  rendu  de  devoir 
Ni  à  roi,  ni  à  duc,  de  toute  ancienneté 
Depuis  le  temps  qu'en  fut  rejetée 
Une  nation  qui  était  mécréante, 
Les  Vandales,  pleins  d'iniquité. 

5 .  La  grande  richesse  et  la  fortune 
Qui  est  à  Metz,  les  deniers  qu'elle  possède, 
Personne  ne  pourrait  s'en  faire  une  idée, 
Ni  des  blés  qui  sont  aux  greniers, 

Ni  des  vins  qui  sont  aux  celliers. 

Il  n'y  a  pas  un  tel  avoir 

Depuis  Rangucvaux  jusqu'à  Pagny. 

6.  Les  gens  de  Metz  sont  bien  charitables. 
Ils  sont  bien  portés  à  l'aumône. 

Ils  soulagent  les  pauvres  qui  souffrent 
Par  tous  les  moyens  possibles. 
L'hôpital,  la  messe  et  le  cimetière 
Leur  sont  fournis  jusqu'à  la  fin  : 
Par  Dieu  !  C'est  la  bonne  manière. 


ino  LA  GUERRE  DE  METZ. 

7.  La  gent  de  Mets  est  moult  cortoiso; 
Quant  aulcuiis  est  a  Mets  venus 

Ne  cuidés  pas  que  il  lor  poise, 
Maix  entr'aulx  est  moult  cliier  tenus  ; 
Cil  est  des  grans  ou  des  menus, 
On  ne  dit  pas  que  il  s'en  voise  ; 
S'il  sceit  rien,  il  est  retenus. 

8.  Moult  se  continent  humblement 
Ung  chescuns  selon  son  affaire; 
Messe  oient  dévotement, 

Puis  vait  chescun  a  son  affaire. 
Foy  que  je  doie  saiuct  Hyllaire 
Je  ne  porroie  entièrement 
De  lor  biens  le  disme  retraire. 

9.  Qui  vorroit  dire  la  manient 
De  la  citeit  que  tant  est  uouble, 
Comment  il  court  double  reviere, 
Et  tout  entour  sont  li  vignoble  ? 
Il  n'ait  jusques  Constentinoble, 
Ne  par  devant  ne  par  darriere, 
Citeit  qui  ait  plux  riche  mouble. 

10.  Il  ait  a  Mets  des  destriers  liars, 
Blans  et  noirs  et  d'aultres  collours  ; 
Doulz  est  et  sains  et  bon  li  ars, 

Jay  n'y  aurés  nulles  olours  ; 
Oncques  ne  fuit  paiis  millours. 
Qui  veult  bon  vin  s'on  prengne  a  Ars 
On  a  Crouney,  jay  n'aille  aillours. 


ÉLOGE    DE  METZ.  107 

7.  Les  gens  de  Metz  sont  bien  courtois  : 
Quand  un  étranger  vient  à  Metz, 

Ne  croyez  pas* que  sa  présence  déplaise, 
Mais  il  y  est  accueilli  on  ne  peut  mieux, 
Qu'il  soit  grand  ou  qu'il  soit  petit , 
On  ne  lui  dit  pas  de  s'en  aller  ; 
S'il  apporte  des  nouvelles,  on  le  retient. 

8.  Leur  genre  de  vie  est  des  plus  modestes, 
Et  conforme  à  la  position  de  chacun. 

Ils  entendent  la  messe  dévotement. 

Puis  chacun  va  à  ses  affaires. 

Sur  la  foi  que  je  dois  à  saint  Hilaire, 

Je  ne  pourrais  complètement 

Dire  la  dixième  partie  de  leurs  mérites. 

9.  Qui  pourrait  dignement  décrire 
Cette  cité  qui  est  si  noble  ? 

Dire  comment  y  coule  une  double  rivière, 
Et  comment  à  l'entour  sont  les  vignobles  ? 
Non,  il  n'y  a  pas  jusqu'à  Constantinople, 
Quelque  part  que  ce  soit. 
Une  cité  plus  riche  et  plus  prospère. 

10.  Il  y  a  à  Metz  des  coursiers  gris. 
Blancs  et  noirs  et  d'autres  couleurs  ; 
L'air  y  est  doux,  sain  et  bon. 

On  n'y  respire  aucune  mauvaise  odeur  ; 
Jamais  il  ne  fut  un  pays  meilleur. 
Qui  veut  du  bon  vin  le  clierche  à  Ars 
Ou  à  Corny,  sans  aller  ailleurs. 


108  LA  GUERRE  DE  METZ. 

1 1 .  Mots  est  ainsi  com  la  fontenne 
Qui  donne  aidés  yawe  a  foison. 

Il  ait  m  jours  en  la  sepmenne 
Marchiés  a  Mets  sens  ocquoison  ; 
Lai  ne  vent  on  wdle  poison 
Pour  enlierber,  maix  draij)  de  prenne 
On  dreips  qui  sont  d'aultre  moison. 

1 2 .  On  treuve  bien  en  Vezeneuf 
Povre,  saffran  et  aultre  espice, 
Soie,  sandel,  draip  d'or  tous  gneus; 
A  Porsaillis  compe  et  calice  ; 

Vers  Sainct  Martin  penne  et  p(>lice; 

En  Chanibiere  les  niontigneus 

Et  les  grans  lus,  quoy  que  nulz  die. 

i3.   Et  cui  ne  plait  ceste  manière 
Si  aille  droit  en  Fournerue, 
Lai  trouverait  haubert,  gorgiere, 
Hyalmes  lacés  et  lance  agiie, 
Espée  bonne  et  esmolue, 
Escus,  selle,  poitraulz,  culiere  ; 
Toute  est  d'airmes  plainnc  la  rue. 

14.  En  Chambre  ait  ung  gerdinet 
Ung  poc  desoubz  la  Grande  Esglisse  ; 
La  treuve  on  bien  a  matinet. 
Quant  il  est  temps  creelle  et  serise, 
Pommes,  poires  de  mainte  guise, 
Et  en  vayn  le  resinet  : 
Tel  gerdin  n'ait  jusques  a  Pise. 


ÉLOGE   DE  METZ.  109 

1 1 .  Metz  est  ainsi  coinine  la  fontaine 
Qui  donne  sans  cesse  eaux  à  foison. 

Il  se  tient  trois  jours  chaque  semaine 
Des  marchés  à  Metz,  sans  mentir; 
Là  on  ne  vend  nul  poison 
Pour  faire  du  mal,  mais  draps  d'écarlate 
Ou  draps  qui  sont  d'autre  façon. 

12.  On  trouve  hien  en  Vesigneuf. 
Poivre,  safran  et  autres  épices. 
Soie,  taffetas  et  drap  d'or  tout  neuf; 
A  Port-Saillis,  coupes  et  calices. 
Vers  Saint-Martin,  draps  et  pelisses, 
En  Chambière,  les  montigneus 

Et  les  grands  brochets,  quoi  qu'on  dise. 

i3.   Ceux  à  qui  ces  objets  ne  plaisent  pas 
N'ont  qu'à  aller  en  Fournirue  ; 
Ils  y  trouveront  hauberts,  gorgières, 
Haulmes  lacés  et  lances  aiguës, 
Epées  bonnes  et  émoulues, 
Etriers,  selles,  poitrails,  croupières: 
La  rue  est  toute  pleine  d'armes. 

14.   En  Chambre,  est  un  petit  jardin, 
Un  peu  au-dessous  de  la  Grande  Eglise. 
Là  se  trouvent,  dès  le  lever  du  jour, 
Suivant  la  saison,  prunes  et  cerises, 
Pommes,  poires  de  toute  espèce, 
Et  en  automne,  le  raisin  ; 
De  tel  jardin  il  n'existe  pas  jusqu'à  Pise. 


110  LA  GUERRE  DE  METZ. 

i5.   Façon,  oitour  et  csprevicr, 
Et  maint  osel  qui  vit  de  proie 
Treuve  on  souvent  par  Sainct  Levier, 
Droit  a  portalz  la  ou  on  proie 
Celle  Damme  que  tant  ravoie  ; 
Vers  Sainct  Gergone  ait  ung  vivier, 
Il  n'ait  si  bel  jusques  Savoie. 

i6.  Il  n'ait  chose  tant  soit  salvaige 
Qu'est  a  lionnne  necessiteit 
Sans  aultre  part  faire  voiaige 
C'on  ne  trouvaist  en  la  citeit  ; 
S'une  chose  ait  auctoriteit, 
Aulcuns  client  par  lor  usaige  : 
«  C'est  Mets!  »  font  il  en  veriteit. 

17.  Qui  veult  avoir  perdris,  faisant, 
Chappon,  oisel  qu'est  de  rivière, 
Lièvre  nouvel  que  li  paisant 
Prennent  (jui  scevent  la  manière, 

A  Porsaillis  droitement  quiere  ; 
La  trouverait  chose  plaisant. 
On  en  la  plaice  plux  plenniere. 

18.  Poivre,  saffran,  avoir  de  pois 
On  vait  huchant  permey  les  rues, 
Auz  et  ongnons,  feives  et  pois, 
Persil,  pourettes  et  laitues, 
Assallaignes  belles  et  druees  ; 

On  ne  vent  pas  la  chair  au  pois, 
Maix  les  graiis  pièces  toutes  cruees* 


ÉLOGE  DE  METZ.  111 

i5.   Faucons,  autours,  éperviers, 
Et  bien  d'autres  oiseaux  de  proie 
Se  trouvent  souvent  près  de  Saint-Livier, 
En  face  du  portail,  là  où  l'on  prie 
La  Vierge  qui  ramène  tout  à  bien. 
Vers  Saint-Gorgon  est  un  vivier 
Tel  qu'il  n'y  en  a  pas  jusqu'en  Savoie. 

i6.   Il  n'y  a  cliose  si  rare 
Qui  soit  nécessaire  aux  besoins  d'un  homme, 
Sans  faire  de  voyage  ailleurs, 
Qui  ne  se  trouve  en  la  cité. 
Pour  donner  du  crédit  à  une  cliose, 
(  'Jiacun  dit  par  expérience  : 
«   C'est  de  Metz!  »  et  c'est  la  pure  vérité. 

l'j .   Qui  veut  avoir  perdrix,  faisans, 
( Chapons,  oiseaux  de  rivière, 
Lièvres  nouveaux  que  les  paysans 
Prennent,  qui  en  savent  la  manière, 
Qu'il  s'en  aille  en  chercher  droit  à  Port-Saillis. 
Là  il  trouvera  ce  qui  lui  plaît. 
Ou  bien  sur  la  place  encore  mieux  fournie. 

18.   Poivre,  safran,  matières  vendues  au  poids, 
On  s'en  va  criant  par  les  rues  ; 
Ails  et  oignons,  fèves  et  pois, 
Persils,  poireaux  et  laitues. 
Echalotes  belles  et  drues. 
On  ne  vend  pas  la  viande  au  poids, 
Mais  les  grandes  pièces  toutes  crues; 


112  LA  GUERRE  DE  METZ. 

19.  S'aiilcuiis  porte  denrée  cslraiiige 
A  Metz  on  l'ait  tosl  achetée  ; 
S'argent  ne  veult,  on  li  eschainge 

A  drep  on  a  aultre  denrée, 
A  bleid,  a  vin,  a  chair  sallée; 
S'il  veult  florin,  on  vait  a  Chaiuge, 
Ou  gros  tournois,  s'il  li  agrée. 

20.  Li  mcrclieant  d'estraiuge  terre 
A  Mets  ne  sont  point  anuiiel  ; 

On  ne  lor  fait  noise  ne  guerre, 
De  lor  avoir  sont  bien  paiet; 
Il  ne  seront  ja  desniet  ; 
Lor  paiement  quant  le  vont  querre 
Lor  deniers  sont  bien  assaiet. 

21 .  On  lor  doit  bien,  maix  rien  ne  doient 
Auz  deforeins;  c'est  lor  usaiges: 

Et  savés  vous  comment  il  croient? 
C'est  par  escrips  on  sus  bons  gaiges 
D'argent,  d'or  fin  on  d'heritaiges. 
On  aultrement  ne  proteroient  ; 
Il  me  samble  chescuns  est  saiges. 

22.  Encor  ait  une  aultre  manière 
C'on  prest  a  Mets  bien  de  l'argent 
A  ung  seigneur  qui  en  waigiere 

Ait  mis  ses  biens,  luy  et  sa  gent  ; 
Et  quant  deffault  de  paiement, 
Se  l'oste  vait  a  sa  waigiere 
Faire  le  peult  sans  errement. 


ÉLOGE  DE  METZ.  113 

19.  Si  quelqu'un  apporte  des  denrées  étrangères 
A  Metz,  elles  sont  vite  achetées; 

S'il  ne  veut  pas  d'argent,  on  les  lui  échange 

Contre  du  drap  ou  d'autres  objets, 

Du  blé,  du  vin,  de  la  chair  salée. 

Qu'il  aille  Place  du  Change,  s'il  veut  des  florins. 

Ou  bien  des  gros  tournois,  s'ils  lui  plaisent  mieux. 

20.  Les  marchands  des  pays  étrangers 
A  Metz  ne  sont  pas  tourmentés, 

On  ne  leur  cherche  querelle  ni  guerre, 
Ils  sont  bien  payés  de  ce  qui  leur  est  dû. 
Leur  créance  n'est  jamais  déniée, 
Quand  ils  en  vont  chercher  le  paiement  : 
Il  leur  est  fait  en  monnaie  de  bon  aloi. 

21.  On  doit  bien  aux  Messins,  mais  eux  ne  doi- 
A  ceux  du  dehors.  C'est  là  leur  usage,  [vent  rien 
Or,  savez-vous  comment  ils  prêtent? 

C'est  par  des  écrits  en  règle  ou  sur  de  bons  gages 
Consistant  en  argent,  or  fin  ou  héritages  : 
Autrement,  ils  ne  prêteraient  pas; 
Et  il  me  semble  qu'en  cela  ils  sont  sages. 

22.  Il  y  a  encore  une  autre  manière, 

Pour  les  Messins,  de  prêter  sûrement  leur  ai'gent 

A  un  seigneur  :  c'est  qu'il  donne  hypothèque 

Sur  ses  biens,  lui  et  sa  famille. 

Et,  à  défaut  du  paiement, 

vSi  le  prêteur  s'empare  du  gage. 

Il  peut  le  faire  sans  excéder  son  droit. 

8 


h 


nu  LA  GUERRE  DE  METZ. 

23.  Par  samblaiit  sont  trop  dcboiinairc 
Cil  qui  a  Mets  viicllent  avoir 

Argent,  or  fin  on  penne  vaire, 
Clievaulz  et  dreps  on  aultre  avoir; 
Maix  quant  on  veult  l'ergent  ravoir 
Adoncques,  sont  trop  depulaire; 
Se  ne  lour  niant  pas  de  savoir, 

24.  Se  Mets  penit  sus  ses  dettours 
On  ne  la  doit  pour  ceu  blâmer  ; 
S'elle  punit  ses  nialfaitours 

De  se  la  doil  cliescuris  amer. 
On  debveroit  oultre  la  mer 
Querrc  par  boix  et  par  détours 
Ceaulx  qu'on  oyt  larrons  clamer. 

23.  Que  vous  diroie  je  briefment? 
Tout  le  paiis  fait  Mets  trembler  : 
Nulz  ne  li  oze  encombnnnent 
Ne  mal  faire  ne  rien  embler; 
Nul  lions  ne  porroit  assembler 
Tant  de  gens  en  son  tenement 
Qu'a  ciaulx  de  Mets  puist  rien  sembler. 

26.  Bien  ont  esteit  apparilliet 
De  vangier  lor  lais  et  lor  bonté  ; 
Oncques  ne  furent  traveilliet 
De  guerrier  n'a  duc  n'a  conte 
Et  de  venir  a  lor  semonte. 
Cil  des  villes  errent  ftioult  liés, 
Car  les  malvais  Mets  tous  sormonle. 


ÉLOGE  DE  METZ.  115 

23.  Ils  se  donnent  l'air  d'être  les  meilleures  gens 
Ceux  qui  veulent  avoir  à  Metz  [du  inonde 
Argent,  or  fin,  riches  fourrures, 

Chevaux,  draperies  ou  autres  biens; 
Mais  lorsqu'en  retour  on  veut  avoir  l'argent, 
C'est  alors  qu'on  les  voit  faire  mauvaise  mine. 
Ceci  n'est  point  un  mensonge,  en  vérité  ! 

24.  Si  Metz  fait  des  saisies  sur  ses  débiteurs, 
On  ne  doit  pas  l'en  blâmer; 

Si  elle  punit  ses  malfaiteurs, 

Chacun  doit  lui  en  savoir  gré. 

On  devrait  par-delà  les  mers 

Chercher  à  travers  bois  et  chemins  détournés 

Ceux  qui  ont  été  déclarés  voleurs. 

25.  Que  vous  dirai-je  en  un  mot? 
Metz  fait  trembler  tout  le  pays, 
Mais  nul  n'ose  lui  causer  préjudice 
Ni  tenter  de  lui  faire  du  tort  ; 

Car  aucun  homme  ne  pourrait  réunir 

Assez  de  gens  d'armes  sous  son  commandement 

Pour  égaler  la  puissance  de  ceux  de  Metz* 

26.  Ils  ont  toujours  été  tout  prêts 
A  venger  les  injures  et  les  affronts. 
Jamais  ils  n'ont  été  embarrassés 

De  faire  la  guerre  à  duc  et  à  comte 

Et  de  répondre  à  leurs  provocations. 

Ceux  de  son  territoire  ont  toujours  été  joyeux^ 

Car  Metz  sait  surmonter  tous  les  méchants. 


116  LA  GUERUE  DK  METZ. 

27.  Et  c'il  avlent  par  avonlurc 
Qu'a  ciaulz  de  Mets  aulcims  morfaice, 
On  li  mande  selon  droiture 

Que  le  ineffait  tantost  deffaiec; 
S'il  ne  le  fait  on  le  descliaissi;, 
On  li  fait  honte  et  grand  laidure  : 
Drois  est  mal  ait  qui  le  pourcliaisse. 

28.  Cil  de  Mets  ont  une  manière 
Qui  est  moult  belle  et  convenable, 
Qu'il  ne  boutent  feu  ne  fumiere 

Ne  en  maison  ne  en  estauble  ; 
Certe  cilz  sont  sers  au  diaubh; 
Qui  ardent  foin  et  tout  litière 
Qu'encor  seroient  profitable. 

29.  Ils  abatent  bien  les  ataiches 
Des  maisons  et  puis  les  mureilles 
A  lor  martialz  et  a  lor  haices, 

Lor  chiet  le  tilz  comment  qu'il  aille  ; 
Il  ne  laissent  rien  de  menjaille, 
Berbis  ne  pors  ne  beuf  ne  vaiche , 
N'aultre  chose  que  denier  vaille. 

30.  Sur  lour  dettours  quant  il  penissenl 
Encor  ont  il  un  aultre  usaige, 

Si  com  lor  lettres  le  devisent, 
Qu'il  ne  feront  iiulz  jours  rendaige; 
On  lor  doit  rendre  lor  domaiges, 
Lor  paiement  quant  n'acomplissent  : 
Dont  ne  font  il  nés  point  d'outraige. 


ÉLOGE    DE  METZ.  117 

27.  Et  s'il  arrive  par  aventure 

Que  quelqu'un  fasse  du  tort  à  ceux  de  Metz, 

On  lui  demande,  selon  le  droit, 

Qu'il  répare  sans  délai  le  mal  qu'il  a  fait. 

S'il  s'y  refuse,  on  le  pourchasse, 

On  lui  fait  honte  et  grand  affront. 

Un  juste  châtiment  atteint  qui  s'y  expose. 

28.  Ceux  de  Metz  tiennent  une  conduite 
Qui  est  très-belle  et  convenable; 

Ils  n'allument  jamais  d'incendie 

Ni  en  maisons  ni  en  étables. 

Certes,  ce  sont  des  serviteurs  du  diable 

Ceux  qui  brûlent  foin  et  litière 

Qui  pourraient  encore  être  mis  à  profit. 

29.  Les  Messins  abattent  bien  les  étais 
Des  maisons,  et  puis  les  murailles 

A  coups  de  marteaux  et  de  haches. 

Alors  le  toit  tombe  d'un  coté  ou  de  l'autre. 

Ils  ne  laissent  aucune  victuaille. 

Ni  brebis  ni  porc,  ni  bœuf  ni  vache. 

Ni  autre  chose  qui  vaille  un  denier. 

30.  Quand  ils  poursuivent  leurs  débiteurs. 
Ils  ont  encore  un  autre  usage, 

Ainsi  que  leurs  statuts  le  marquent  : 
C'est  de  ne  jamais  faire  de  restitution. 
On  leur  doit  un  dédommagement 
Pour  ne  pas  accomplir  son  paiement. 
Ils  ne  commettent  donc  pas  d'injustice. 


118  LA  GDERRE  DE  METZ. 

3 1 .  Quant  meneir  Mets  doit  le  bancent 
On  fait  la  nuyt  Meute  sonner, 

Lou  main  en  vont  millier  et  cent. 
Se  cil  de  fors  ne  veult  donner 
C.  solz,  sens  riens  a  pardonner, 
Meulz  li  varroit  per  sainct  Vincent 
Trestous  ces  biens  abandonner. 

32.  Li  deforiens  fait  demeurer 
Pour  C.  solz  Mets  et  le  bernaige. 
Qu'il  ne  porroit  maix  restorer 
Ne  la  perde  ne  le  dopmaige  ! 
Pour  droit  faire  met  foy  en  gaige, 
Puis  ne  cesse  de  labourer 

Tant  qu'ait  deffait  don  tout  l'outraige. 

33.  Et  c'il  ne  vient  on  mes  n'envoie, 
On  le  vait  veoir  en  tel  manierre 

C'on  ne  li  lait  geline  n'oie, 
Bestes,  villes  ne  grainge  entierre  ; 
S'il  ait  molin  sus  la  rivière 
On  sus  estant,  on  li  pessoie 
Sens  jamaix  rien  remettre  ariere. 

*34-   Tous  li  Communs  et  li  Paraige 
Sont  bien  tenant  d'ancienneteit 
Qu'il  ne  rendent  point  de  dopmaige 
Quant  bancens  ist  de  la  citeit. 
Dont  est  bien  folz  en  veriteit 
Et  bien  li  muelt  de  grant  oultraige 
Qui  fait  a  Mets  adversiteit. 


ÉLOGE    DE    METZ.  119 

3 1 .  Quand  Metz  doit  mettre  en  branle  le  ban , 
On  fait  la  nuit  sonner  la  Mutte; 

Le  matin  sortent  des  centaines  d'hommes  : 
Si  le  débiteur  étranger  ne  veut  donner 
Cent  sols,  sans  en  rien  rabattre, 
Mieux  lui  vaudrait,  par  saint  Vincent  ! 
Faire  l'abandon  de  tous  ses  biens. 

32.  L'étranger  fait  mettre  en  mouvement, 
Pour  cent  sols,  Metz  et  son  baronnage, 

Et  on  ne  pourrait  pas  lui  faire  payer 

Ni  la  perte  ni  le  dommage  ? 

Pour  faire  valoir  son  droit,  Metz  engage  sa  foi  ; 

Et  puis  elle  ne  cesse  d'agir 

Tant  que  le  tort  n'est  pas  entièrement  réparé. 

33.  Et  s'il  ne  vient  ou  n'envoie  messager. 
On  va  le  visiter  de  telle  manière 

Qu'on  ne  lui  laisse  poule  ni  oie, 

Bête,  ferme  ni  grange  entière. 

S'il  a  moulin  sur  la  rivière 

Ou  sur  étangs,  on  le  lui  met  en  pièces, 

Sans  jamais  rien  épargner. 

34.  Tout  le  Commun  et  les  Paraiges 
Sont  bien  d'accord,  de  tout  temps. 
Pour  ne  rien  rendre  du  dommage. 
Quand  la  Cité  a  fait  sa  sortie; 

Aussi  est-ce  être  fou,  en  vérité. 

Et  s'exposer  à  recevoir  de  grands  outrages. 

Que  de  commettre  une  injustice  envers  Metz  ! 


120  LA   GDERRE  DE  METZ. 

35.  Et  quant  avient  qu'aiilruns  foreins 
Ung  de  Mets  prent  et  si  ranimoiime 
Devers  Aiisais  on  devers  Reins 

Et  se  li  fait  souffrir  graut  poinne, 
Pour  niant  c'est  il  mis  en  assoinne  : 
Qu'estre  ne  puet  nulz  de  Mets  reins 
D'argent  ne  d'or,  de  vin,  d'awainne. 

36.  Se  cilz  de  Mets  certains  estoient 
Que  se  reubeit  nulz  de  lor  ville. 

Ses  hosteilz  li  abaitcroient 
Et  metteroient  en  tel  pille 
N'y  remendroit  une  cheville; 
Jay  garentir  ne  Ve.u  porroient 
Ne  Paraige  ne  filz  ne  fille. 

37.  Eji  tel  manière  et  en  tel  guise 
Ont  cilz  de  Mets  tousjours  estait  : 
C'oncques  osteir  de  leur  franchise 
Ne  pot  avoir  nulz  poesteit. 

Mainz  deniers  ont  certe  presteit 
C'oncques  n'en  fut  usure  prise 
Ne  en  y  ver  ne  en  esteit. 

38.  Mets  ont  amée  conte  et  roy, 
Duc  et  prince  et  aultre  baron, 
C'oncques  ne  li  firent  desroy 

La  montance  d'ung  esperon  ; 
Mais  desormaix  vous  conterons 
D'une  assemblée  et  d'ung  conroy 
C'ont  faite  entr'aulx  nu  laron. 


ÉF.OGR   DE  METZ.  121 

35.  Et  quand  il  arrive  qu'un  étranger 
Prend  un  Messin  et  l'emmène 

Vers  l'Alsace  ou  vers  Reims, 

Et  qu'il  lui  fait  souffrir  grande  peine, 

Sans  profit  il  s'est  mis  dans  cette  affaire  ; 

Car  nul  de  Metz  ne  peut  être  racheté 

Ni  pour  argent,  ni  pour  or,  vin  ou  avoine. 

36.  Si  ceux  de  Metz  étaient  informés 
Que  quelqu'un  de  leur  terre  fût  un  voleui-, 
Ils  lifi  abattraient  ses  maisons 

Et  les  mettraient  à  tel  pillage 
Qu'il  n'y  resterait  une  cheville  ; 
Et  nul  ne  pourrait  l'en  garantir. 
Ni  Paraige,  ni  fils,  ni  fille. 

3j .   Telle  est  la  manière  et  la  méthode 
Que  ceux  de  Metz  ont  toujours  suivie. 
Les  priver  de  leurs  franchises  jamais 
Ne  fut  au  pouvoir  de  personne. 
Ils  ont  certes  prêté  bien  de  l'argent , 
Mais  jamais  ils  n'ont  pratiqué  l'usure, 
Ni  en  hiver  ni  en  été. 

38.   Ont  aimé  Metz  comtes  et  rois, 
Ducs  et  princes  et  autres  barons,  *' 

Qui  jamais  ne  lui  firent  de  tort 
Pour  la  valeur  d'un  éperon. 
Mais  désormais  nous  allons  vous  conter. 
Une  assemblée  et  une  entrepri.se 
Qu'ont  faites  entre  eux  quatre  larrons. 


122  LA  GUERRE  DE  METZ. 


II. 


39.  L'an  mil  m'  et  xxiiii 
Puis  que  consuis  fut  Jliesucris, 

A  ceaulx  de  Mets  volrent  coinbaitre, 
Si  com  tesmongne  cil  escrips, 
iiii  seigneurs  que  par  lor  cris 
Maintes  maisons  firent  abaitre, 
Car  lor  maistre  estoit  Entecris. 

40.  Li  seigneurs  sont  de  ceste  guerre 
Trieve,  Preney,  Baire  et  Behaigne. 

Cil  qui  le  ciel  fit  et  la  terre 
De  son  propos  chescuin  refraigne  ! 
Il  les  faucist  et  lor  compaigne 
Per  le  paiis  pain  aller  querre, 
Se  Mets  ne  fut  et  sa  cliampaigne. 

4 1 .  Il  ont  la  guerre  commencie 
Pour  ceu  qu'il  doient  grant  avoir 
Et  qu'il  veullent  la  signorie 
Entre  eulx  iiii  de  Mets  avoir  ; 
Einsy  robeir  veullent  l'avoir 

On  il  n'ont  part,  per  lor  envie  : 
Ce  ne  lor  meult  pas  de  sçavoir. 


LA   LIGUE  DES  QUATRE  ROIS.  I2S 


LA   LIGUE   DES   QUATRE  ROIS. 


39.  L'an  mil  trois  cent  vingt-quatre 
Depuis  que  Jésus-Christ  fut  conçu, 

On  vit  s'armer  contre  Metz 
(Ainsi  que  le  témoigne  cet  écrit), 
Quatre  seigneurs  dont  le  cri  de  guerre 
Causa  la  ruine  de  maintes  maisons. 
Car  leur  maître  était  l'Antéchrist. 

40.  Les  chefs  de  cette  guerre  sont 
Trêves,  Prény,  Bar  et  Bohême. 

Que  celui  qui  fit  le  ciel  et  la  terre 
Réprime  les  mauvais  desseins  de  chacun  ! 
Il  leur  eût  fallu,  eux  et  leur  compagnie. 
Par  le  pays  aller  quérir  leur  pain. 
Si  Metz  n'eût  été  là  avec  sa  campagne. 

4 1 .  Ils  ont  commencé  la  guerre 
Parce  qu'ils  doivent  de  grandes  sommes 
Et  qu'ils  veulent  que  la  seigneurie 

De  Metz  soit  partagée  entre  eux  quatre. 
Ainsi  veulent-ils  voler  l'avoir 
Auquel  ils  n'ont  aucun  droit,  par  envie. 
Ils  le  savent  bien,  mais  peu  leur  importe. 


I»  LA  GUERRE  DE   METZ. 

42.  Chescuin  cstolt  de  ceu  certain 
Que  s'il  faisoit  son  assemblée 

Sajis  les  aultres,  jay  les  citains 
Ne  greveroit  une  denrée  ; 
Or  ont  tel  chose  pourparlée 
C'ung  ost  feront  dont  chavetains 
Serait  li  roy  cui  guerre  agrée. 

43.  Qu'il  asserront  la  bonne  ville 
Entre  eulx  iiii  font  acordance. 
Droit  a  signour  de  Thionville 

Li  iiii  ont  fait  une  alliance  ; 
Que  se  nulz  d'ialz  fait  repantence 
Qu'il  paieroit  livres  x  mille; 
S'en  font  lettres  pour  remenbrence. 

44-  Hélais!  pourquoy  font  alliances 
Sus  ceulx  de  Mets  ?  Rien  ne  lor  doient , 
Et  s'ont  heii  mainte  finance 
De  noz  citains  qui  lor  prestoient 
En  tous  besoins  les  secorroient 
De  bleid,  de  vin,  d'argent  a  crance 
Et  de  quanque  mestier  a  voient. 

45.  D'orguel,  d'envie  les  ait  pris 
Li  anemis  et  tous  lieis; 
Chescuns  en  doit  estre  repris 
Et  en  tous  lieus  contraliez. 
Jhesus,  qui  c'est  humiliez 
Pour  nous  saulver,  nous  dont  le  pi'is 
Et  refraigne  les  aliez. 


LA  LIGUE  DES  QUATUE  ROIS.  125 

42.  Chacun  était  bien  assuré 
Que  si  seul  il  faisait  son  assemblée 
Sans  les  autres,  les  citains 

N'en  seraient  pas  grevés  de  la  valeur  d'un  denier. 
Or,  ils  se  sont  concertés  ensemble 
Pour  lever  une  armée  dont  le  capitaine 
Sera  le  roi,  à  qui  cette  guerre;  sourit. 

43.  Pour  assaillir  la  bonne  ville 
Entre  eux  quatre  ils  font  un  accord. 
Entre  les  mains  du  seigneur  de  Tiiionville, 
Les  quatre  contractent  alliance; 

Si  l'un  d'eux  en  a  repentance, 

Il  paiera  dix  mille  livres. 

Ils  font  un  traité  pour  s'v  engager. 

44-  Hélas!  pourquoi  font-ils  alliance 
Contre  ceux  de  Metz  ?  Ceux-ci  ne  leur  doivent  rien, 
Ce  sont  eux  qui  ont  reçu  de  grandes  sommes 
De  nos  citains,  qui  les  leur  ont  prêtées, 
Les  secourant  dans  toutes  leurs  nécessités. 
Leur  fournissant  le  blé,  le  vin,  l'argent  à  créance. 
En  un  mot,  tout  ce  dont  ils  avaient  besoin. 

45.  Mais  d'orgueil  et  d'envie  les  a  tentés 
Le  diable  et  les  a  tous  liés; 
Chacun  d'eux  en  doit  être  repris 
Et  blâmé  en  tout  lieu. 
Que  Jésus-Christ,  qui  s'est  liuinilié 
Pour  nous  sauver,  nous  donne  la  victoire. 
Et  mette  un  frein  aux  pi'ojets  des  alliés  ! 


126  LA  GUERRE  DE   METZ. 

46.  De  cest  fait  fut  li  plais  tenus 
Le  jour  devant  qu'il  fut  la  feste 
Saint  Burthenieu,  droit  a  Rcmus  ; 
La  firent  il  chanter  ung  preste, 

Si  comme  on  dit  et  bien  polt  estre, 
Puis  jurèrent  tuit  sus  Corpus 
Qu'a  Mets  feront  deul  et  tempeste. 

47.  De  lai  parteirent  privement, 
Se  vait  chescuin  a  son  affaire. 
Ung  jour  mettent  certainnement 
Qu'a  ceulx  de  Mets  verront  malfaire  ; 
Lors  font  partout  prevost  et  maire 
Cuire  don  pain  apertement, 

Qu'il  ne  l'ozent  aultrement  faire. 


III. 


48.  A  ceulx  de  Mets  vint  la  novelle 
Qu'il  avoient  iiii  anemis  ; 
Sachiés  c'onqucs  ne  lor  fut  belle, 
Qu'il  les  tenoient  pour  amys; 
Maintenant  ont  lor  mes  tramis, 
Pour  enquerre  ceste  qua  relie 
Et  il  se  sont  au  chemis  mis* 


PRÉPARATIFS.  127 

46.  L'assemblée  où  cela  fut  conclu  eut  lieu 
Le  jour  avant  la  fête 

De  saint  Barthélémy,  à  Remicli. 
Là  ils  firent  chanter  la  messe  par  un  prêtre, 
Comme  on  l'a  dit,  et  cela  put  bien  être. 
Puis  ils  jurèrent  tous  sur  le  corps  du  Christ 
De  faire  à  Metz  deuil  et  tempête. 

47.  De  là  ils  partirent  séparément; 
Chacun  s'en  va  se  préparer, 

Après  avoir  fixé  formellement  le  jour 
Où  ils  feront  la  guerre  à  ceux  de  Metz. 
Alors  leurs  prévôts  et  maires  font  partout 
Cuire  du  pain  ouvertement, 
Car  ils  n'oseraient  s'y  refuser. 


PREPARATIFS. 


48.   A  ceux  de  Metz  vint  la  nouvelle 
Qu'ils  avaient  quatre  ennemis. 
Sachez  qu'elle  ne  leur  fut  pas  agréable, 
Car  ils  les  tenaient  pour  amis. 
Aussitôt  ils  ont  envoyé  des  messagers, 
Pour  s'enquérir  des  causes  de  cette  querelle  î 
Et  ils  se  sont  mis  en  chemin. 


128  LA  GUEnr.E  DE  METZ. 

49.  Tant  ont  allelt  li  mossaigicr 
Qu'il  ont  trouveit  ceiilx  qu'i  quorroienl; 
Lor  niessaige  font  sens  targier, 

La  responce  sçavolr  vouloicnt; 
Il  demandent  s'a  Mets  vendroient, 
Et  il  respondent  sans  dongier 
Que  s'il  y  vont  bien  le  sauroient. 

50.  La  responce  fut  moult  obscure 
Qu'a  messaigiers  ont  racontée; 

Lors  ait  chescuin  mise  sa  cure 
De  raparier  a  sa  contrée. 
Telle  raponce  ont  raportée 
Sans  escrips  et  par  escripture 
Qu'encor  n'estoit  Mets  deffiée. 

5 1 .  Cilz  de  Mets  tinrent  vraiement 
Lor  parolles  a  gaberie, 

Qu'il  ne  cuidoient  nullement 
C'on  lor  deiist  faire  envaiie  ; 
Maix  li  signour,  plain  de  bodie, 
Avoient  jai  cuvertement 
Préparé  lor  chevallerie. 

52.  Ceulx  de  Mets  firent  jornier 
Par  m  foys  la  gent  adversaire 
Pour  ceu  ques  puissent  detrier 

Et  qu'il  ne  steussent  leur  affaire. 
Il  furent  près  de  tous  drois  faire 
En  toutes  cours  sans  deslaier; 
Maix  jamaix  ce  ne  lour  pout  plaire. 


PRÉPARATIFS.  129 

49.  Tant  sont  allés  les  messagers 
Qu'ils  ont  trouvé  ceux  qu'ils  cherchaient. 
Ils  s'acquittent  de  leur  message  sans  tarder 
Et  voudraient  avoir  une  réponse  positive  ; 
Ils  leur  demandent  s'ils  viendront  à  Metz. 
Mais  eux  répondent  sans  retard  :  , 
Que  s'ils  y  vont,  on  le  verra  bien. 

50.  La  réponse  était  bien  obscure 
Qu'ils  ont  faite  aux  messagers. 
Alors  chacun  s'empresse 

De  se  retirer  dans  son  pays. 
Cette  réponse  est  rapportée 
Que  ni  verbalement  ni  par  écrit 
Metz  n'était  encore  défiée. 

5i.   Ceux  de  Metz  tinrent  vraiment 
De  telles  paroles  pour  plaisanteries. 
Ils  ne  croyaient  aucunement 
Qu'on  dût  venir  les  envahir; 
Mais  les  seigneurs,  pleins  de  malice, 
Avaient  déjà  à  couvert 
Convoqué  leur  chevalerie. 

52.   Ceux  de  Metz  firent  assigner 
Par  trois  fois  leurs  adversaires. 
Afin  de  pouvoir  se  disculper  ; 
D'ailleurs  ils  ignoraient  les  causes  de  la  guerre. 
Ils  étaient  prêts  à  donner  juste  satisfaction 
Par-devant  toute  cour  sans  délai  : 
Mais  jamais  ces  propositions  ne  furent  accueillies. 


ISê  LA  GUERRE  DE  METZ. 

53.  Li  roy  leur  dit  luio  joi'iu'c  : 
«   Vous  avés  fait  un  estaiidart 

«   Dont  j'ay  ouy  la  renommée, 
«   Qui  Jie  doubte  lance  ne  dart  ; 
«   Je  vous  dit  bien  de  moie  part, 
>■       .«   Se  l'amenés  a  l'asamblée, 

«  J'auray  des  buefz  la  meilleur  part.  » 

54.  Lors  respondil  ung  des  boui'jois 
Qui  de  rien  ne  fut  esmalés  : 

«  Or  entendes,  biaulx  sire  roy, 

«  Cil  de  Mets  ont  les  buefz  paies, 

«  Et  li  boucbier  ont  assaiés 

«  Lors  grans  coutelz  ;  si  en  aurois  : 

«  C'est  bien  rason  vous  eu  aies.  » 

55.  Lors  reparent  cil  de  la  ville 
De  Mets  qui  ont  aparceii 

Par  lor  baret  et  par  lor  guille 
Qu'estre  porroient  d(>ceu; 
De  bons  sergens  sont  proveu 
Qui  ne  les  prinsent  une  estrille, 
Car  d'armes  sont  bien  congneû. 

5G.   Adonc  des  terres  enhaner 
Lng  cbescuin  homs  forment  se  poinne, 
Et  des  bleiz  baitre  et  de  vaner 
Li  plussieurs  sont  en  moult  grant  poinne. 
Cliescuns  ses  biens  a  Mets  amoinnt; 
Qu'il  ne  lait  rien  qu'en  puist  mener 
Fors  que  foin  et  l'estrain  d'awoinnc; 


PUÉ  PAU  ATI  F  s.  iâi 

53.  Le  roi  Unir  dil  à  une  journée  : 
«   Vous  avez  fait  faire  un  élenclard 

«  Dont  la  renommée  est  venue  jusqu'à  moi, 

«  Et  qui  ne  redoute  ni  lance  ni  dard. 

«  Or,  je  vous  le  dis  bien,  sur  ma  parole, 

((  Si  vous  l'amenez  à  la  bataille,  [nent.  » 

«  J'aurai  la  meilleure  part  des  bœufs  qui  le  traî- 

54.  Alors  un  bourgeois  répondit, 
Sans  se  laisser  émouvoir  en  rien  : 

«  Or,  entendons-nous,  beau  sire  roi  ; 

«   Ceux  de  Metz  ont  payé  les  bœufs, 

u   Et  les  bouchers  qui  les  mènent  ont  aiguisé 

«  Leurs  grands  couteaux;  vous  en  aurez, 

«   Il  est  bien  juste  que  vous  en  goûtiez.  » 

55.  Alors  se  retirent  ceux  de  la  ville 
De  Metz,  qui  se  sont  bien  vite  aperçus 
A  leurs  paroles  décevantes  et  railleuses. 
Qu'ils  pourraient  bien  être  déçus. 

Ils  se  pourvoient  de  bons  hommes  d'armes 
Qui  ne  prisent  l'ennemi  la  valeur  d'une  étrille  ; 
Car  ils  sont  bien  connus  pour  leur  vaillance. 

56.  Alors,  pour  faire  semer  les  terres. 
Chacun  se  donne  autant  de  mal  qu'il  peutj 
Et  pour  battre  et  vanner  les  blés 
Personne  ne  ménage  ses  peines  : 
(Chacun  amène  à  Metz  ses  biens. 

On  ne  laisse  dehors  rien  d(;  ce  qui  peut  s'emmenei'j 
Si  ce  n'est  le  foin  et  la  paille  d'avoine; 


1S2  LA   GUEllRE   DE  METZ. 


IV. 


57.  Entrant  lor  gent  privécmonl 
Li  ancniliis  ont  ensambléc  ; 

Après  ont  fait  inig  parltunent 

Comment  seroit  Mets  deffiée, 

Et  li  rois  dit  sans  demourée  : 

«  Je  ferai  mon  deffiemenl 

«   C'on  me  doint  Mets  et  la  contrét*. 

58.  «  De  part  vous  soient  deffieit 
«   Qu'il  sont  félon  et  deputaire; 

«  Vous  estes  a  moy  eslieit, 

«  Vous  ne  poiés  sans  moy  paix  faire; 

«  Je  lor  serai  de  tant  eontraire 

«  Que  jamaix  jour  ne  seront  liez 

«  Il  m'ont  trouveit  trop  débonnaire.  » 

59.  Chescuin  ait  fait  sa  lettre  eseripre, 
Si  mandèrent  lor  deffience 

Par  grant  courons  et  par  grant  ire. 
Dient  :  «  Mets  ert  en  grant  balance  !  » 
Car  par  l'escul  et  par  la  lance 
Ceulx  de  Mets  mettront  a  martire; 
Plus  ne  lor  plait  lor  acointance. 


LE   DÉFI.  133 


LK   DÉFI. 


57 .  Tandis  qu'isolément  les  hommes  d'armes 
Des  ennemis  se  sont  assemblés, 

Les  princes  se  réunissent  pour  décider 

Comment  Metz  sera  défiée, 

Et  le  roi  dit  sans  hésiter  : 

«   J'exig^erai  dans  mon  défi 

«   Qu'on  me  donne  Metz  et  son  territoire. 

58 .  «  Que  par  vous  les  Messins  soient  défiés 
«   Comme  parjures  et  rebelles  : 

«  Vous  êtes  alliés  avec  moi, 

«  Vous  ne  pouvez  sans  moi  faire  la  paix. 

«  Je  leur  serai  tellement  ennemi 

«  Que  jamais  plus  ils  n'auront  de  joie. 

«  Ils  m'ont  trouvé  jusqu'ici  trop  débonnaire.  » 

59.  Chacun  d'eux  a  fait  écrire  sa. lettre, 
Ils  formulèrent  leur  défi 

Dans  des  termes  pleins  de  courroux  et  de  colère. 

Ils  disent  :  «  Metz  va  être  en  grand  péril, 

«   Car  par  l'écu  et  par  la  lance 

«  Nous  y  mettrons  tout  à  ravage  : 

«   Avec  elle  tout  bon  rapport  est  rompu.  » 


I3ft  LA  GUERRE  DE  METZ. 

60.  Li  roy  mandait  en  la  manirro 
Que  vous  in'avés  oy  couloir; 

De  Justemont  lai  ou  il  iere 
Fist  des  lettres  a  Mets  porter  ; 
Tantost  ait  fait  les  feus  bouter 
Qu'encor  ii'estoit  ses  mes  ariere  : 
Doit  on  honneur  tel  roy  porter  ? 

61.  Nenil  certes;  il  n'est  pas  roy; 
Car  il  deiist  xl  jours 

Estre  tous  coys,  et  ses  conrois 

Deiist  avoir  ausv  séjour. 

Cil  qui  conquerre  veult  lionnour 

Ne  doit  pas  faire  lel  desroi 

Qu'il  en  seroit  blameis  tous  jours. 

62.  Le  jour  devant  la  Sainct  Lambert 
Qu'avesques  fut  jadis  de  Liège, 

Li  roy  qui  oit  vestu  l'aubert 
Par  devant  Mets  ait  mis  le  siège. 
Il  ne  prise  Dieu  ne  la  Vierge, 
Il  monstre  bien  comment  il  sert 
Ceulx  qui  perdirent  le  liault  siège. 

63.  Li  cuens  Hanri  de  Lucembourch 
Resemble  mal  qui  fut  ces  peires, 

Car  ceulx  de  Mets  et  ciaulx  des  bours 
Aimoit  ainsv  com  fut  leur  freires  : 
Au  temps  Regnault  fut  .soldoiieres, 
Qu'il  poit  souffrir  poinne  et  labour; 
Don  going  qu'il  fit  fut  empereres. 


LE  DÉFI.  135 

60.  Le  roi  formula  son  défi  de  la  manière 
Que  vous  me  l'avez  entendu  conter  ; 

De  Justemont,  où  il  était, 

Il  envoya  ses  lettres  à  Metz, 

Et  aussi  vite  il  fit  allumer  les  feux, 

Avant  même  que  son  messager  fût  revenu. 

Doit-on  honorer  un  tel  roi  ? 

6 1 .  Non  certes ,  ce  n'est  pas  un  roi , 
Car  il  eût  dû,  pendant  quarante  jours. 
Se  tenir  tranquille,  et  ses  troupes 
Eussent  dû  rester  en  repos. 

Celui  qui  veut  conquérir  de  l'honneur 
Ne  doit  pas  commettre  de  telles  félonies, 
Dont  il  mérite  d'tUre  hlâmé  à  jamais. 

G2.  Le  jour  avant  la  fête  de  saint  Lambert, 
Qui  fut  jadis  évêque  de  Liège, 
Le  roi  ayant  revêtu  son  armure. 
Devant  Metz  a  mis  le  siège. 
Il  ne  prise  Dieu  ni  la  Vierge  ; 
Il  montre  bien  comment  il  sert 
Ceux  qui  perdirent  leur  place  au  ciel. 

63.  Au  comte  Henry  de  Luxembourg 
Il  ressemble  mal,  qui  était  son  père. 
Car  ceux  de  Metz  et  du  pays 
Etaient  aimés  de  lui  comme  des  frères. 
Au  temps  de  Renauld,  il  fut  à  la  solde  de  la  cité; 
Il  ne  s'épargna  ni  peine  ni  fatigue. 
Et  du  gain  qu'il  fit  devint  empereur. 


186  LA  GUERRE   DE  METZ. 

64-  Li  l'oy  on  lui  ot  Andowart 
Qui  envers  Mets  oit  moult  niespris  : 
Avoir  deiist  moult  graut  rouart 
Ains  c'un  tel  fait  eiist  empris  : 
En  avoit  honnour  et  pris 
Des  citains  devant  Dieulowart  ; 
De  ceu  s'ait  il  mal  garde  pris. 

65.  Droit  se  logèrent  a  Mancourl  ; 
Quant  il  olrent  l'iawe  passée 

La  rivière  près  de  la  court, 
Qui  moult  lor  plait  et  lor  agrée, 
Le  feu  boutent  par  la  contrée 
Qu'il  n'y  lassent  grainge  ne  court 
Qu'en  feu  ne  soit  tout  embrassée. 

66.  De  Mancourt  s'en  vinrent  avant, 
Si  se  logent  a  Malleroy; 

Et  s'il  ont  fait  ung  mal  devant 
Encor  font  il  plus  grant  desroi  : 
Par  les.  vignes  vont  li  charoi. 
On  s'en  vat  bien  apercevant 
Que  se  firent  les  gens  le  roy. 


LE  DÉFI.  157 

64-  Le  roi  a  avec  lui  Edouard, 
Qui  envers  Metz  se  conduit  bien  mal  : 
^  Il  eût  dû  y  regarder  à  deux  fois 
Avant  d'entreprendre  un  tel  acte; 
Car  il  avait  reçu  honneur  et  prix 
Des  citains  devant  Dieulouard  : 
Il  en  a  bien  mal  gardé  le  souvenir. 

65.  Les  princes  se  logèrent  à  Mancourt; 
Quand  ils  eurent  traversé  * 
La  rivière  auprès  du  château, 

Qui  leur  plaît  et  leur  agrée  beaucoup, 

Ils  mettent  le  feu  dans  la  contrée 

Et  n'y  laissent  grange  ni  ferme 

Qui  ne  soit  entièrement  livrée  aux  flammes. 

66.  De  Mancourt  ils  s'avancèrent 
Et  se  logèrent  à  Malroy, 

Et  s'ils  ont  fait  du  mal  auparavant 

Ils  en  font  encore  bien  davantage  ; 

Leurs  charrois  passent  au  travers  des  vignes, 

On  s'aperçoit  bien  encore  aujoui-d'hui 

Quelle  fut  l'œuvre  des  gens  du  roi. 


IS«  LA  GUEnRE  PE  METZ. 


V. 


67.  Li  roy  ait  fait  a  mont  vonir 
Une  neif  qu'estoil  hailillio;     - 
Tant  comme  elle  pot  soustenir 
De  raisins  l'a  sa  gent  amplis; 
liOrs  fait  li  roy  celle  navie 
A  Thionville  revenir  : 
Se  fut  ung  fait  de  roberie. 

G8.  Hauleconcourt  et  Arcancey 
Don  feu  furent  trop  mal  gardées, 
El  Malleroy  et  Allexey 
De  chief  en  chief  sont  embrasées  ; 
•  Par  le  pays  vont  les  fumées  ; 
Roupcgney,  Xeules  et  Charley 
Et  Mons  ausi  en  sont  burlées. 

69.   De  puis  que  Dieu  nasquit  de  meire 
Ne  fut  nulz  feu  si  grant  veheu , 
Clomme  il  fut  lait,  c'est  chose  cleire  : 
Il  ardent  tout,  huge  et  bus. 
Li  paiis  fuit  mal  porveiis  ; 
Bien  est  raison  cil  le  compère 
Par  cui  tel  plait  est  esmeiis. 


LE  SIÈGE.   -  BATAILLES,   PILLAGES.  139 


LE  SIÈGE.  —  BATAILLES,    PILLAGES. 


67 .  Le  roi  a  fait  remonter  la  rivière 
A  une  nef  qui  était  armée  en  guerre. 
Autant  qu'elle  a  pu  en  contenir, 

Ses  gens  l'ont  remplie  de  raisins; 
Alors  le  roi  commanda  ([ue  ce  bateau 
Fût  ramené  à  Tliion ville. 
Ce  fut  un  véritable  exploit  de  pillard . 

68.  Hautconcourt  et  Argancy 
Furent  très-mal  gardés  du  feu, 
Et  Malroy  et  Olgy 

Furent  embrasées  de  fond  en  comble  : 
Le  pays  se  couvre  de  fumée, 
Ruppigny,  Chieulles  et  Charly 
Et  Montigny  aussi  sont  brûlés. 

69.  Depuis  que  Dieu  naquit  de  mère 
*"  On  n'a  jamais  vu  si  grand  feu 

Ni  si  affreux  ;  c'est  chose  sûre. 

Ils  brûlent  tout,  meubles  et  portes, 

Le  pays  fut  bien  mal  traité. 

Il  est  bien  juste  qu'il  paye  le  dommage 

Celui  par  qui  un  tel  fléau  fut  déchaîné. 


IW  .  LA  GUERRE  DE  METZ. 

70.  Do  buefz,  de  vaiclies,  do  rhovaulz 
Firent  il  la  graiit  roberie, 

Per  les  mon  ta  ignés,  per  les  vaulz 
Prennent  touttes  les  borgiries, 
Aussy  font  il  les  porchorios  : 
Ne  porroit  rendre  CUerevaulz 
Les  dopmaiges  ne  les  penies. 

7 1 .  Sçavés  qu'avint  a  cest  mardi 
Droit  a  l'oure  c'on  sonne  nonne  ? 
Li  boutefeu  com  folz  herdi 

Lor  lornio  passent  et  loui*  bonne  : 
Messire  Jaicquos  esperonne 
Qui  les  gaitoit  dès  le  meidi, 
V.  en  retint,  ses  enprisonne. 

72.  En  l'ost  en  sont  moult  corrociés 
Li  roy,  li  cuens  de  l'aventure, 

A  ceulx  do  Mets  ont  envoiet 
Qu'il  venissont  on  la  pastui'e  : 
Li  roy  moult  bien  les  asseiire 
Qu'il  n'y  seront  jai  dotriet  ; 
Et  il  y  vont  grant  aleiire. 

73.  La  vint  li  cuens  de  Sallebrucbo 
Qui  veult  ravoir  tous  les  prisons. 

Cil  de  Mets  respondent  en  duché 
Qu'il  n'est  pas  temps,  lieu  ne  saison. 
Lors  dist  li  cuens  :  a  Or  nous  taisons  ; 
«   Râler  me  veul,  car  on  me  huche  ; 
«  Arse  en  sera  mainte  maison.  » 


LE  SIEGE.  —  BATAILLES,   PILLAGES.  m 

70.  De  bœufs,  de  vaches,  de  chevaux 
Ils  firent  là  de  grands  pillages , 

Par  les  montagnes,  par  les  vallées 
Ils  prennent  toutes  les  bergeries; 
Ainsi  font-ils  des  porcheries  : 
Glairvaux  même  ne  saurait  indemniser 
De  si  grands  dommages  et  pilleries. 

7 1 .  Sachez  ce  qu'il  advint  ce  mardi , 
Juste  à  l'heure  où  l'on  sonne  none  : 
Les  boute-feu,  follement  hardis. 
Dépassant  leur  limite  et  leur  borne, 
Messire  Jacques  joue  des  éperons 
(Qui  les  guettait  depuis  midi). 

Il  en  prend  cinq  et  les  mène  en  prison. 

72.  Dans  l'armée  sont  fort  courroucés 
Le  roi  et  le  comte  de  cette  aventure, 

Ils  envoient  des  messagers  à  ceux  de  Metz 
Pour  se  rendre  sur  les  glacis. 
Le  roi  leur  garantit  fort  bien 
Qu'ils  seront  bientôt  de  retour, 
Et  ils  y  vont  à  grande  allure. 

73.  Là  vint  le  comte  de  Sarrebruck, 
Qui  veut  ravoir  tous  les  prisonniers; 
Ceux  de  Metz  répondent  en  allemand 
Qu'il  n'en  est  pas  lieu,  temps  ni  saison  ; 
Alors  dit  le  comte  :  «  C'est  assez,  taisons-nous. 
«   Je  veux  m'en  aller,  car  on  m'appelle  : 

«   En  seront  brûlées  maintes  maisons.  » 


IW  LA   OUEhUE   DE   METZ. 

74-   I^-y  cueus  OU  l'osl  l'sl  irpairicz 
Qui  des  prisous  uulz  ue  rauiaiuuo. 
Li  roy  k;  vit,  s'en  fut  irié. 
Et  par  saniblent  graiit  duel  demainno, 
Il  voit  mouh  blcMi  (ju'il  li  croit  poinne 
Quant  de  sa  gent  est  empiriez  : 
Mal  c'est  gardez  de  ceste  assoinue. 

^5.   Les  gens  de  Bair  et  de  Behaigne 
Trois  jours  tous  plains  la  séjournèrent, 
Car  l'archevesque  et  sa  compaigncî 
Qu'en  l'ost  venoient  attenderent  ; 
Quant  sont  venus  lors  chevalcherent 
Plus  près  de  Mets  par  la  montaigne, 
Droit  a  Grimont  lai  se  logèrent. 

76.   Lors  fut  l'assault  grant  a  Vallieres 
Et  a  Vantoul  et  a  Maiey, 
Il  lor  lancent  et  dars  et  pieres  ; 
Pour  si  grant  gent  sont  esmaieit, 
Il  lor  viennent  comme  effraieit; 
Fuir  les  font  par  les  charrieres, 
La  en  ont  pris  et  maint  plaieit 

'7'7.  La  fait  chescuin  du  pix  qu'il  puet, 
L'ung  vait  avant,  l'aultre  arrière; 
Jay  demander  ne  vous  estuet 
S'on  paiis  oit  point  de  fumiere  : 
Il  n'y  lassent  maison  entière  ; 
Chescuin  sceit  bien  que  li  roy  veull 
Que  de  maison  faice  on  maixiere. 


LE  SIÈGE.  -  BATAILLES,   PILLAGES.  IftS 

74-   Le  comte  est  de  retour  à  l'année; 
Il  ne  ramène  aucun  des  prisonniers; 
Le  roi  le  voit  et  s'en  irrite 
Et  en  manifeste  un  grand  chagrin  ; 
Il  voit  combien  ce  fut  un  malheur  pour  lui, 
Que  ses  gens  tombassent  en  un  tel  péril. 
Il  s'est  mal  gardé  de  ce  mauvais  pas. 

75.  Les  gens  de  Bar  et  de  Bohême 
Trois  jours  pleins  là  se  sont  arrêtés, 
Car  l'archevêque  et  sa  compagnie, 
Qui  viennent  à  l'armée,  sont  attendus. 
Lorsqu'ils  furent  arrivés  ils  chevauchèrent 
Plus  près  de  Metz  par  la  montagne  , 

Et  vinrent  se  loger  droit  à  Grimont. 

76.  Alors  l'assaut  fut  grand  à  Vallières, 
Et  à  Vantoux  et  à  Méy. 

Ils  y  lancèrent  dards  et  pierres. 

De  cela  bien  des  gens  s'effraient. 

Ils  fuient  devant  eux  comme  éperdus; 

Ils  les  font  fuir  par  les  charrières; 

Là  plusieurs  sont  pris  et  plusieurs  blessés. 

77.  Là  chacun  fait  le  plus  de  mal  qu'il  peut; 
L'un  va  devant^  l'autre  derrière; 

Déjà  il  ne  faut  pas  demander 

Si  au  pays  il  n'y  a  pas  d'incendies. 

Ils  ne  laissent  maison  entière , 

Chacun  sait  bien  que  le  roi  veut 

Que  de  toute  maison  on  fasse  une  masure^ 


IM  LA  GUERRE  DE  METZ. 

78.  D'ardoir  le  bourch  Saiiict  Jiillieii 
Li  roy,  li  cuens  moull  so  peiioieiil; 
Entre  eaulz  n'avoit  point  de  luoien; 

A  l'assaillir  tuit  s'acordoient, 
Maix  il  doutent  s'il  assailloient 
D'estre  liez  d'un  mal  lien 
Des  soldiours  qui  la  estoient. 

79.  La  estoit  li  sire  de  Biche 
Qui  moult  avoit  belle  maignie; 
Il  jure  Dieu  et  bien  s'afîche 
Qu'il  ne  ferait  secours  n'aiie 

Se  tantost  n'est  la  porte  ovrie. 
Loweit  l'en  ont  et  poure  et  riche 
Qu'il  n'ait  cure  de  cohardie. 

80.  Il  ait  parleit  a  haulte  chiere  : 
«   Allés  moy  tost  la  porte  ouvrir  ! 

«  Ne  vous  traheis  humais  ariere. 

«  Prenés  escus  pour  vous  couvrir 

«  Quant  ce  vanrait  a  col  feirir, 

«  Tenés  vous  tuit  a  ma  baniere  : 

«  Hui  en  ferons  grant  part  morir.  » 

81.  Quant  li  roys  sot  ceste  paroUe, 
C'on  lait  l'assault  s'a  fait  hucliier; 

Il  dist  :  «  Je  doubte  l'espingolc, 
«  Le  bour  ne  veul  plus  aprochier, 
«  Per  ses  vignes  veul  chevalchier, 
cf   Crape  pranrai  on  dure  on  mole 
«  Pour  mon  ventre  mieulx  alaichier.  » 


LE  SIÈGE.  —  BATAILLES,   PILLAGES.  145 

78.  De  Ijrûler  le  faubourg  de  Saint-Julien 
Le  roi  et  le  comte  étaient  bien  en  peine; 
Entre  eux  ils  n'en  avaient  pas  le  moyen; 

Ils  étaient  bien  d'accord  pour  l'assaillir, 
Mais  ils  redoutaient,  s'ils  assaillaient. 
D'être  liés  d'un  mauvais  lien 
Par  les  soldoyeurs  qui  étaient  là . 

79.  Là  se  trouvait  le  sire  de  Bitclie, 
Qui  avait  bien  belle  compagnie. 

Il  jure  Dieu  et  bien  proclame 
Qu'il  ne  donnera  secours  ni  aide 
Si  la  porte  n'est  pas  vite  ouverte. 
Tous  l'ont  loué,  pauvres  et  riches, 
De  n'avoir  souci  de  couardise. 

80.  Il  a  parlé,  le  visage  haut  et  fier: 
«   Allez  bien  vite  m'ouvrir  la  porte; 

«   Ne  vous  tenez  pas  en  arrière , 

«    Prenez  écus  pour  vous  couvrir, 

«   Quand  le  moment  viendra  de  férir  un  coup, 

«   Tenez- vons  tous  près  de  ma  bannière. 

«    Nous  en  ferons  mourir  bon  nombre.  » 

81.  Quand  le  roi  sut  cette  parole. 

Il  a  fait  crier  l'ordre  de  cesser  l'assaut, 

Et  dit  :  «  Je  redoute  l'espingole, 

«   Je  ne  veux  plus  approcher  du  faubourg , 

«   Je  veux  chevaucher  par  ces  vignes, 

«   J'y  prendrai  des  grappes,  dures  ou  molles, 

«   Pour  mieux  rafraîchir  mes  entrailles.  » 

10 


146  ÈA  GUERHE  DE  METZ. 

82.  Se  poise  moy  quant  n'assaillircnl 
Qu'ostcit  fussent  bien  reculiez  ; 
Nostre  sergent  les  attendirent 

ïuit  de  combaitre  apareillicz  : 
Certe  il  furent  trestuit  liez 
Qu'auront  assault  quant  entendirent, 
Combien  qu'il  fussent  traveilliez. 

83.  Nostre  ennemys  qui  se  logèrent 
Droit  a  Grimont  le  vanredi 
L'assault  ensi  du  tout  lassèrent, 

Coin  je  vous  ai  conteit  et  dit  ; 
Et  quant  se  vint  le  sabmedi 
Tuit  li  ducbalz  les  assamblerent 
Devant  nonm;  droit  a  meidi. 

84-   Ivi  tkic  vint  la  a  grant  bobanc(; 
Tout  ausimant  comme  il  fut  roy  ; 
Cbescuin  avoit  escus  et  lance 
Et  bon  destrier  fort  et  norrois; 
Dix  banieres  oit  li  conrois 
Qui  ait  conduite  la  pitance 
Et  la  vitaille  des  charrois. 

85.   Il  avoient  le  feu  boutei 
Par  les  villes  a  lour  venir. 
Par  le  Salnois  furent  douteis, 
Il  n'y  laissent  beste  a  penir. 
Plussieurs  en  vis  lance  tenir; 
Et  escu  joinct  près  du  costel  ; 
De  ceu  me  doit  bien  souvenir. 


LE  SIÈGE.  —  BATAILLES,   PILLAGES.  lUI 

82.  .le  suis  fâché  qu'ils  n'aient  pas  assailli  ; 
Ils  auraient  été  bien  reçus  ; 

Tous  nos  gens  les  attendaient 

Bien  préparés  à  combattre; 

Certes  ils  étaient  tous  réjouis 

En  apprenant  qu'ils  auraient  un  assaut, 

Quoiqu'ils  fussent  déjà  bien  fatigués. 

83.  Nos  ennemis  qui  se  logèrent 
Droit  à  Grimont  le  vendredi , 
Laissèrent  ainsi  complètement  l'assaut, 
Ainsi  que  je  vous  l'ai  dit  et  conté , 

Et  lorsque  vint  le  samedi, 

Tous  les  gens  du  duc  les  rejoignirent 

Avant  none,  juste  à  midi. 

84-   Le  duc  vint  en  grande  pompe,  r 

Tout  aussi  bien  que  s'il  fût  roi. 
Chacun  avait  écu  et  lance 
Et  bon  destrier  fort  et  vigoureux  : 
Dix  bannières  accompagnent  le  convoi, 
Qui  a  amené  les  provisions 
Et  les  victuailles  de  l'armée. 

85.   Ils  avaient  mis  le  feu 
Aux  villages  sur  leur  chemin  ; 
Dans  le  Saulnois  ils  se  firent  redouter^ 
Ils  n'y  laissèrent  pas  une  béte  à  saisir; 
J'en  vis  plusieurs  la  lance  au  poing, 
Et  l'écu  serré  sur  le  côté. 
De  cela  me  doit-il  bien  souvenir  1 


I!i8  L\  GUERHE  DE  METZ. 

86.  Bail-  et  li  cueiis  de  Lucemboiircli 
Et  cil  qu'estoit  paistre  de  Trieve 

Don  duc  veoir  sont  an  labour; 
En  son  estant  chescuin  se  lieve, 
De  grey  le  font,  rien  ne  lor  grieve; 
Grant  noise  font  cor  et  tabour, 
C'est  merveille  qu'aucuns  ne  crieve. 

87 .  De  lour  destrier  lai  dessendirent  ; 
Se  s'en  logeirent  maintenant, 

Lor  pavillons,  lour  treis  tendirent 
Que  moult  sont  bel  et  avenant. 
Il  n'en  vont  pas  loing  plait  tenant, 
Après  mengier  se  despertirent 
Jusquez  au  diemange  venant. 

88.  Le  diemange  se  ressamblirent 
Pour  acorder  quel  la  feront; 

A  lour  conseille  il  demandirent 
Se  plux  enqui  sej orneront. 
Que  lou  matin  s'en  partiront  ; 
A  cest  acord  tuit  s'acordirent 
Et  a  Flerey  droit  en  yront. 

89.  Les  faits  qu'il  font  et  qu'il  aviut 
Ne  sa  pourquoy  plus  vous  scelaisse, 

A  Muzelle  li  roy  s'en  vint , 

Cui  qu'il  fut  bel  ne  cui  desplaice  ; 

Cilz  d'Anvancourt  qui  mal  porcliaisse 

Arier  en  l'ost  plus  ne  revint. 

Car  il  fut  pris  en  une  cliasse. 


LE  SIÈGE.  —  BATAILLES,  PILLAGES.  \H9 

86.  Les  comtes  de  Bar  et  de  Luxembourg^ 
Et  celui  qui  était  pasteur  de  Trêves 

Sont  en  peine  de  voir  le  duc; 

Sur  ses  pieds  chacun  se  dresse  ; 

Ils  le  font  de  bon  gré  et  de  grand  cœur. 

Cors  et  tambours  mènent  grand  fracas; 

C'est  merveille  qu'aucun  n'en  crève. 

87.  De  leurs  destriers  là  ils  descendirent 
Et  prirent  aussitôt  leurs  quartiers; 

Ils  dressèrent  leurs  tentes  et  leurs  pavillons, 

Qui  étaient  beaux  et  magnifiques. 

Ils  ne  tinrent  pas  une  longue  assemblée; 

Après  dîner  ils  se  séparèrent. 

Jusqu'au  dimanche  suivant. 

88.  Ce  dimanche  ils  se  rassemblèrent 
Pour  se  mettre  d'accord  sur  leurs  projets. 
Dans  le  conseil  ils  se  demandèrent 

S'ils  séjourneraient  là  plus  longtemps, 
Ou  si  dès  le  matin  ils  repartiraient. 
A  cet  avis  tous  s'accordèrent, 
De  se  diriger  droit  sur  Fleury. 

89.  Ce  qu'ils  y  firent,  ce  qui  arriva, 
Je  ne  sais  pourquoi  je  vous  le  cacherais; 
Le  roi  s'en  vint  près  de  Mazelle  : 

Mais  que  cela  vous  plaise  ou  déplaise, 

Le  seigneur  d'Avoncourt,  qui  cherche  le  mal, 

Ne  revint  plus  à  l'armée, 

Car  il  fut  pris  dans  une  escarmouche. 


150  LA  GUEKEE  DE   ME'iZ. 

90.   Lai  fut  ocis  Miles  d'Assey 
Et  Henri  pris  de  Ceriere  ; 
Cil  ne  furent  oncques  laissiez 
De  mal  faire  en  mainte  manière 
Ou  par  devant  ou  par  darriere; 
Certes  mains  jours  sont  ja  paisseis 
Qu'estre  deiissent  en  11  bières. 

()i.  Des  navrés,  des  mors  et  des  pris 
D'aultres  y  oit  a  grant  foyson  ; 
Li  Rongraves  en  oll  le  pris 
Qu'il  list  cest  fait  scn  trayson. 
En  l'ost  en  sont  en  grant  frisson, 
Endowars  ait  grant  duel  empris, 
Moult  plaint  Gillet  qu'est  en  prison. 

92.  Le  matin  se  sont  dclogiet, 
Plus  en  Griment  n'ont  d<unourei, 
Il  chevalchent  trestuit  rangieit, 
Lou  droit  chamin  vont  a  Florev. 
Jamaix  ne  seront  honorey. 
Se  lor  samble,  s'auront  vengieit 
Ceulx  qui  sont  mort  et  demorey. 

93.   Tant  ont  allci  sen  point  dessendre 
Qu'a  Florey  sont  venus  sus  Saille  ; 
Lor  pavillons  la  ont  fait  tendre . 
Tant  en  y  oit  se  fuit  merveille! 
Et  chescuin  queus  moult  se  travaille 
Des  mets  haster  qu'il  n'ait  qu'a  tendrie  : 
L'ung  tient  cuillier,  l'aultre  croaille. 


LE   SIÈGE.  —  BATAILLES,   PILLAGES.  \bi 

90.  Là  fut  occis  Milon  d'Acey 
Et  pris  Henry  de  Serières. 

Ils  ne  furent  jamais  lassés 

De  mal  faire,  de  toutes  manières 

Et  par  tous  les  moyens  possibles. 

Certes  bien  des  jours  sont  déjà  passés 

Qu'ils  auraient  dû  être  chacun  en  sa  bière. 

91.  De  blessés,  de  morts  et  de  pris, 
Il  y  en  eut  une  foule  d'autres; 

Le  Raugraf  en  eut  le  prix,  ^ 

Car  il  s'est  conduit  avec  loyauté. 

En  l'armée  ils  sont  dans  l'épouvante; 

Edouard,  saisi  d'une  grande  tristesse, 

Plaint  beaucoup  d'Avoncourt  qui  est  en  prison. 

92.  Le  lendemain  ils  ont  délogé. 
Ils  ne  sont  plus  demeurés  à  Grimont. 
Ils  chevauchent  tous  en  bon  ordre 

Et  marchent  droit  vers  Fh^ury. 
Jamais  plus  ils  n'auront  d'honneur, 
Leur  semble-t-il,  tant  qu'ils  n'auront  vengé 
Ceux  qui  sont  morts  et  prisonniers. 

93.  Ils  ont  tant  marché  sans  s'arrêter 
Qu'ils  sont  venus  à  Fleury  sur  la  Seille; 
Là,  ils  ont  fait  tendre  leurs  pavillons; 

Il  y  en  avait  tant  que  c'était  merveille. 
Chaque  cuisinier  s'occupe  activement 
A  préparer  les  mets  qu'il  n'a  qu'à  leur  passer, 
Car  l'un  tient  la  cuiller  et  l'autre  la  fourchette. 


15J  LA  GUERRE    DE  METZ. 

94.  Li  feu  fut  grant  par  les  cusines, 
L'ung  ait  soffleit,  l'aultre  vanteit  ; 
Haste  de  porc  et  de  gelliies 

Y  veissiez  a  grant  planteit  ; 
Il  ont  chair  a  lor  volleiiteit, 
Si  en  ont  fait  grant  discipline  : 
Dieu  lour  an  voit  maie  santeit  ! 

95.  Li  feu  si  grant  fuit  a  Maigney 
Que  tout  en  fut  li  ars  obscurs; 

On  paiî^  n'ont  rien  espargney; 
Il  font  cheoir  grainges  et  murs, 
La  ne  fut  nul  de  Mets  seiirs. 
S'il  y  evist  petit  gaingniet 
Q'il  eschapait,  se  fut  eiirs. 

96.  Li  roy  mandait  après  mengier 
A  ung  conseil  tous  les  barrons, 

Et  il  y  vinrent  scn  dongier. 
Lors  dist  li  roy  :  «  Quel  la  ferons? 
«  Dites  comment  nous  passerons 
«  La  rivière  sen  point  plongier, 
«  Quant  nous  de  ci  deslogerons  ?  » 

97.  Il  s'acordent  enthierement 
Que  il  feront  ung  bon  pont  faire 
Per  ou  pouront  delivrement 
L'yawe  passeir  nostre  adversaii'e  ; 
Faire  le  font  prevost  et  maire; 
Et  il  fut  fait  apertemant; 

La  passèrent  sen  nul  contraire. 


LE  SIÈGE.  —  BATAILLES,  PILLAGES.  15S 

94.  Le  feu  fut  grand  par  les  cuisines; 
L'un  souffle,  l'autre  ventile; 

Rôtis  de  porcs  et  de  volailles 

Vous  auriez  vu  en  grande  abondance; 

Ils  avaient  viande  à  volonté 

Et  ils  en  ont  fait  un  grand  abatis. 

Que  Dieu  leur  envoie  mauvaise  santé  ! 

95.  Le  feu  fut  si  grand  à  Magny 
Que  l'air  fut  tout  obscurci  par  la  fumée. 
Dans  le  pays,  ils  n'ont  rien  épargné , 

Ils  font  tomber  granges  et- murs  ; 
Pour  nul  sujet  de  Metz  il  n'y  a  de  sûi'eté  ; 
S'il  y  eut  la  moindre  petite  masure 
Qui  échappât,  ce  fut  grande  chance. 

96.  Le  roi  manda,  après  dîner, 
A  un  conseil  tous  ses  barons, 

Et  ils  y  vinrent  sans  tarder. 

Lors  dit  le  roi  :  «  Qu'allons-nous  faire? 

«   Dites  comment  nous  passerons 

«  La  rivière,  sans  y  faire  un  plongeon, 

«   Quand  nous  délogerons  d'ici  ?» 

97.  Ils  s'accordèrent  parfaitement 
A  faire  construire  un  bon  pont. 

Par  où  pourront  en  toutes  sûreté 
Passer  l'eau  nos  ennemis. 
Prévôts  et  maires  le  font  exécuter. 
Et  il  fut  fait  ouvertement; 
Ils  y  passèrent  sans  aucun  obstacle. 


15ft  LA  GUERRE  DE  METZ. 


VI. 


98.  Entrant  ont  fait  les  bours  veudier 
De  Sainct  Arnoult,  tic  St.  Clément, 

Cilz  de  Mets  que  par  lour  cuidier 
Pencent  avoir  l'assault  briefnient  ; 
Lai  oit  grant  ensonniement  ; 
L'ung  n'oit  cure  de  l'aultre  aidier  ; 
Lai  corrent  cheir  apesseinent. 

99.  Devant  la  porte  Serpenoise 
Font  abaitre  murs  et  maisons 
Qu'il  pensoient  en  avoir  noise; 
Maix  n'estoit  pas  encor  saisons. 
Ung  petit  fait  si  nous  taisons, 

Je  me  doubte  qu'il  ne  vous  poise, 
Sel  vous  dirai  qu'il  est  raisons. 

100.  Ci  nous  raconte  nostre  livre 
Qui  est  escript  par  double  range 
Qu'adonc  gaignait  lx  livres 

Jehan  c'on  dit  de  Wermerange; 
Il  oit  le  prou  et  les  lowanges. 
Sans  colz  ferir  en  fut  délivre  ; 
L'abbes  paiet  tous  ces  coustanges. 


L'ENNEMI   S'APPROCHE.  -EXPLOITS  DES  NEFS.        155 


L  ENNEMI   S  APPROCHE.  —  EXPLOITS   DES   NEFS   MESSINES. 


98.  Cependant  on  fait  vider  les  bourgs 
De  Saint-Arnould  et  de  Saint-Clément; 
Car  ceux  de  Metz,  dans  leur  croyance, 
S'attendent  à  un  assaut  immédiat. 

Mais  il  s'y  rencontre  de  grands  embarras  ; 

L'un  ne  se  soucie  pas  d'aider  l'autre  ; 

On  voit  courir  les  chars  en  grand  nombre. 

99.  Devant  la  porte  Serpenoise 
Ils  font  abattre  murs  et  maisons 

Qu'ils  pensaient  devoir  leur  être  nuisibles  ; 
Mais  ce  n'était  pas  encore  la  saison. 
Ici  je  passe  quelques  petits  faits, 
Je  crains  que  cela  vous  fatigue. 
Je  vous  en  dis  là  la  raison. 

100.  Ici  nous  raconte  notre  livre, 
Qui  est  écrit  sur  deux  colonnes, 
Qu'alors  gagna  soixante  livres 
Jehan  qu'on  appelle  de  Volmerange. 
Il  eut  le  profit  et  la  louange, 

Sans  coup  férir  il  fut  délivré; 
L'abbé  paya  toute  sa  rançon. 


150  LA  GUERRE   DE  METZ. 

loi.   Et  quant  m  jours  ont  séjournez 
Nostro  enneinin,  pour  U\  passaige 
De  lour  armes,  sont  atourneis  ; 
Si  se  sont  mis  en  lor  voiaiges, 
Par  le  pont  passent  le  rivaige, 
Droit  ver  Molin  se  sont  torneit  ; 
Lai  firent  il  moult  grant  dompmaige. 

I02.    Quant  sont  venus  devant  Molin, 
Si  s'en  logent  tout  de  novel. 
Je  croy  leur  dieu  est  Apolin 
Qui  les  conduit  a  teil  revel  : 
Il  n'y  laissent  vaiche  ne  veil , 
Robes,  toille,  chauve  ne  lin, 
Ne  cheval  blanc,  noir  ne  f'avel. 

io3.  Cil  don  Vault  sont  moult  entepris 
Qu'il  pensoient  leur  biens  rescoure  : 
Par  desoubz  sont  de  l'ost  soupris, 
Et  des  contalz  sont  par  dezoure. 
11  est  bien  folz  qui  lai  demoure, 
Qu'il  vert  navrez  on  mort  on  pris, 
Desconfis  yert  en  petit  d'oure. 

104.   Cil  de  l'ost  ont  tant  enchauciet 
Que  cilz  don  Vault  ont  maintes  plaies; 
Fuiant  s'en  vont  tuit  corrouciet , 
Des  mors  laissent  selong  les  haies. 
Voullés  oyr  raisons  bien  vrayes  ? 
Cil  qu'en  viennent  sont  deschauciet, 
Il  n'ont  maicques  chemise  on  braies. 


L'ENNEMI  S'APPUOCHE.  -  EXPLOITS  DES  NEFS.        IST 

loi    Et  quand  trois  jours  ont  séjourni''. 
Nos  ennemis,  pour  le  passage 
De  leurs  gens,  ils  ont  donné  leurs  oi'dres, 
Et  se  sont  mis  en  chemin  ; 
Ils  traversent  la  Moselle  par  le  pont 
Et  se  dirigent  droit  sur  Moulins. 
Là  ils  firent  bien  grand  dommage. 

102.   Quand  ils  furent  venus  devant  Moulins, 
Ils  établirent  de  nouveaux  quartiers. 
Je  crois  qu'Apollin  est  leur  dieu, 
Pour  leur  inspirer  de  telles  violences! 
Ils  ne  laissent  vache  ni  veau. 
Robes,  toiles,  chanvre  ni  lin, 
Ni  cheval  blanc,  noir  ou  bai. 

io3.   Ceux  du  Val  sont  bien  entrepris, 
Eux  qui  pensaient  sauver  leur  bien  : 
Ils  sont  en  aval  surpris  par  l'armée 
Et  par  les  gens  du  comté  en  amont; 
Il  est  bien  fou  qui  là  demeure  : 
Il  sera  blessé,  mort  ou  pris, 
II  sera  déconfit  en  peu  d'heures. 

104.   Ceux  de  l'armée  les  ont  tant  poursuivis 
Que  les  gens  du  Val  ont  maintes  plaies  : 
Ils  s'enfuient,  s'en  vont  tous  éperdus. 
Laissant  des  morts  le  long  des  haies. 
Voulez-vous  savoir  les  détails  bien  vrais  ? 
Ceux  qui  en  échappent  sont  déchaussés. 
Ils  n'ont  plus  que  leur  chemise  ou  leurs  braies. 


158  LA   GUERRE  DE  METZ. 

io5.  Dès  que  l'ost  vint  près  de  Charlev 
Fist  adès  bruit  et  main  et  nuyt. 
De  sou  n'avoie  encor  parlei, 
Se  je  l'ai  dit  ne  vous  anuyi. 
Et  savés  vous  qui  les  conduit  ? 
Se  fait  Jehan  qu'est  de  Marley, 
Qu'en  mal  faire  moult  se  desduit. 

io6.   Cilz  Jehan  fist  moult  de  meschief, 
Si  comme  on  dit,  parmy  le  Vaulz  : 
Le  feu  boute  de  chief  en  chief, 
II  vait  courant  tout  contrevaulz; 
Il  chevalchoit  uug  tel  chevaul 
Qui  blans  avoit  et  doz  et  chief, 
Moult  poit  souffrir  poinne  et  Iravaul, 

107.  Moult  se  poinne  des  villes  airdre 
D'ambedeux  pars  de  la  rivière; 

Dès  Airey  en  jusques  Sainct  Laitli'e 
N<;  veyssiés  fors  que  fumiere. 
Cil  de  l'ost  ont  une  manière  : 
Quant  il  treuvent  hanep  de  maidre 
Il  n'ont  cure  don  mettre;  ariere. 

108.  Le  londemain  ont  clievalchiez 
Vers  le  gibet  en  Genetrois, 

Les  XIII  ont  en  hault  bûchiez 
Plux  d'une  foys,  de  11  de  m. 
De  ceulx  de  Mets  font  lor  gabois; 
Le  gibet  ont  jus  trabuchiez, 
Li  lairon  gisent  per  l'erbois. 


L'ENNEMI  S'APPROCHE.  —  EXPLOITS  DES  NEFS.        159 

io5.   Dèà  que  l'armée  vint  près  de  Charly, 
Elle  y  fit  grand  fracas  jour  et  nuit  ; 
De  cela  je  n'avais  encore  parlé, 
Si  je  l'ai  fait,  que  cela  ne  vous  ennuie  pas. 
Et  savez-vous  qui  conduit  l'armée  ? 
C'est  Jehan,  qui  est  de  Marly  : 
Il  n'a  de  joie  qu'à  faire  le  mal. 

io6.   Ce  Jehan  fit  bien  des  maux, 
Dit-on,  à  travers  le  Val  : 
Il  y  porte  le  feu  d'un  bout  à  l'autre  ; 
Il  va  courant  de  toutes  parts. 
Il  était  monté  sur  un  cheval 
Qui  avait  le  dos  et  la  tète  blancs. 
Il  sait  supporter  fatigue  et  grand  travail. 

107.  Il  se  peine  fort  pour  brûler  les  villages 
Sur  les  deux  rives  de  la  Moselle  : 

Depuis  Arry  jusqu'à  Saint-Ladre  , 
Vous  n'auriez  rien  vu  que  fumées. 
Ceux  de  l'armée  ont  une  habitude  ; 
Quand  ils  trouvent  un  hanap  de  madré, 
Ils  ont  soin  de  ne  pas  le  laisseï*. 

108.  Le  lendemain,  ils  ont  chevauché 
Vers  le  gibet  en  Genestroit  : 

Ils  ont  en  haut  appelé  les  Treize, 

Par  plus  d'une,  deux  et  trois  fois. 

De  ceux  de  Metz  ils  font  des  moqueries, 

Ils  ont  jeté  le  gibet  par  terre  ; 

Les  corps  des  larrons  gisent  sur  l'herbe; 


160  LA   GUERIVE  DE   METZ. 

109.   Dieu  leur  anvoise  malestrainne! 
Jai  nous  tesmoingne  l'Escriplure 
C'un  chescuin  jour  de  la  sepinaiiiiie 
Puet  on  et  doit  lairons  destrure. 
Abatu  l'ont  pour  la  ferrure, 
Il  n'y  laissent  crochet  ne  eliainne  ; 
•    Certe  se  fut  trop  grant  laidure. 

iio.   Messire  Hanry  de  Fenestrange 
Fut  adonc  pris  et  retenus; 
Maix  ne  fist  pas  trop  granz  coustanges 
En  la  citeit  quant  fut  venus, 
Car  en  tel  point  c'est  maintenus 
Par  paroles  et  par  losanges 
C'oncques  en  fer  ne  fuit  tenus. 

111.  Rotigiez  fut  de  x"  livres 
Jusques  un  jour  et  sus  sa  crance; 
Et  il  ne  fut  ne  folz  ne  yvres 
Pour  pourchasser  sa  délivrance  : 
Aus  soldiours  fit  demonstrance 
Comment  porroit  estre  délivre 
S'entre  aulx  faisoient  aliance. 

112.  Li  soldiour  firent  partie 
Pour  monsignour  Hanri  a  Mets; 
Entre  aulx  ont  fait  une  ahaitie 
Que,  c'il  n'Atoit  quitte  clamés, 
Plux  ne  seroient  nulz  d'ialz  armés. 
Il  fut  quitte  par  tel  maistrie  , 

La  vit  on  bien  qu'il  fut  ameis.' 


L'ENNEMI  S'APPROCHE.  -   EXPLOITS    DES  NEFS.        161 

109.   Dieu  leur  envoie  maie  étrenne! 
L'Ecriture  ne  nous  témoighe-t-elle  pas 
Que  chaque  jour  de  la  semaine 
L'on  peut  et  doit  détruire  les  larrons  ? 
Ils  ont  abattu  le  gibet  pour  en  prendre  la  ferrure, 
Ils  n'y  laissent  crochet  ni  chaîne  ; 
Certes,  ce  fut  une  trop  grande  indignité! 

1 10.,  Messire  Henry  de  Fenestrange 
Fut  alors  pris  et  retenu, 
Mais  il  ne  lui  en  coûta  pas  trop 
D'être  amené  dans  la  cité  : 
Car  il  obtint  de  tels  avantages, 
Grâce  à  ses  paroles  et  à  ses  intrigues, 
Qu'il  ne  fut  pas  tenu  dans  les  fers. 

111.  Il  fut  rançonné  à  dix  mille  livres 
Jusqu'à  un  jour  donné  et  sur  sa  parole; 
Et  il  ne  fut  ni  fou  ni  ivre, 

Pour  recouvrer  sa  liberté: 
Il  démontra  aux  soldoyeurs 
Comment  il  pourrait  être  délivré 
Si  avec  lui  ils  formaient  une  entente. 

112.  Les  soldoyeurs  se  mirent  du  parti 
De  messire  Henry  à  Metz  ; 

Entre  eux  ils  firent  un  engagement 
Portant  que,  s'il  n'était  proclamé  libre, 
Aucun  d'eux  ne  prendrait  plus  les  armes. 
Il  fut  quitte,  grâce  à  cette  industrie. 
Là  vit-on  bien  qu'il  avait  des  amis. 

11 


1S2  LA   (iUEUUt;   DE   METZ. 

II 3.   Aius  qu'il  partist  parfoy  jurreit 
Et  par  les  sains  de  saincte  Eglisse 
Qu'i  jamaix  jour  Mets  ne  nuireit 
Pour  la  raison  de  celle  prise  : 
Tant  ait  pues  fait  que  poc  le  prise, 
Ses  serment  bien  petit  dureit; 
Après  orez  en  quelle  guise. 

ii4-  Laissier  vous  veul  celle  paroUe, 
Dirai  vous  des  neiz  batillies. 
11  ont  esté  a  bonne  escoUe 
Cilz  qui  les  ont  aparilliez; 
De  sageittez  les  ont  garnies, 
D'aubelestre,  d'une  espingole, 
D'escus,  d'espées  bien  forbies. 

11 5.  Quant  les  neis  sont  bien  atorneies, 
Si  entrent  eus  gens  de  bernaige  ; 

Tout  droit  vers  l'ost  les  ont  meneie 
Cil  qui  bien  scevent  le  rivaige; 
La  feront  il  moult  grant  damaige, 
Quant  près  de  l'ost  seront  ancreies  : 
N'apagneront  signour  ne  paige. 

1 16.  L'ung  prent  ferrey  et  l'aultre  trait 
Auz  rains  pour  tost  a  mont  nagier, 

Les  neis  ne  vont  mie  a  trait. 
Près  de  l'osl  vont  sons  atargier 
Pour  ceulx  de  l'ost  adamaigier; 
Nostre  espingole  ait  fait  ung  trait, 
Se  les  ait  fait  tost  delogier. 


L  ENNEMI    S'APPHOCHE.  —  EXPLOITS  DES  NEFS.        163 

n3.  Avant  de  partir,  il  jura  sur  sa  foi 
Et  sur  les  saints  de  la  sainte  Église 
Que  jamais  il  ne  nuirait  à  la  cité 
A  l'occasion  de  cette  prise. 
11  a  tant  fait  depuis  qu'il  mérite  peu  d'estime; 
Son  serment  dura  bien  peu. 
Bientôt  vous  entendrez  de  quelle  manière. 

114.  Je  veux  vous  faire  quitter  ce  sujet; 
Je  vous  parlerai  des  nefs  armées  en  guerre. 
Ils  ont  été  à  bonne  école 

Ceux  qui  les  ont  appareillées  : 
De  flèches  ils  les  ont  garnies, 
D'arbalètes,  d'une  espingole, 
D'écus,  d'épées  bien  fourbies. 

1 15.  Quand  les  nefs  sont  bien  équipées, 
Alors  y  entrent  les  gens  de  vaillance; 
Tout  droit  vers  l'armée  les  ont  menées 
Ceux  qui  connaissent  bien  le  rivage. 

Là  elles  feront  de  bien  grands  dommages, 
Quand  en  face  de  l'armée  elles  seront  ancrées. 
Elles  n'épargneront  ni  seigneur  ni  page. 

1 16.  J-j'un  prend  un  ferret,  et  l'autre  tire 
Sur  les  rames  pour  vite  remonter  le  courant; 
Les  nefs  ne  sont  pas  tirées  par  des  cordes. 
Près  de  l'armée  elles  vont  sans  arrêter 
Pour  faire  du  dommage  aux  ennemis- 
Notre  espingole  a  tiré  un  coup 

Qui  les  a  fait  bien  vite  délogeri 


IM  LA  GUEUUE   DE   METZ. 

117.   Trestout  li  osl  inoiill  se  doslouc 
Des  nels  qui  sont  sus  le  gravier, 
Cliescuiii  les  fuit  si  com  l'aloue 
Fuit  le  faicon  on  l'esprevier. 
Foy  que  je  doie  sainct  Levier, 
Les  neis  gardeirent  Waidrinoue; 
Avoir  n'y  doient  reprowier. 

ii8.  Pour  l'apingole  et  l'aubeleslre 
Que  eil  des  neis  faisoient  traire, 
Près  de  l'iawe  n'oisoient  estre 
Nostre  ennemin,  nostre  adversaire. 
On  ne  peult  rien  a  neis  meffaire, 
Qu'il  n'v  avoit  nulle  fenestre; 
Benois  soit  il  qui  les  fist  faire  ! 

11 9.  Ce  fut  Wilanie  de  Wirey 
Cui  Dieu  pardoingne  ses  melfais! 
De  sa  mort  sont  plussieurs  ireis, 
Qu'esteit  avoit  a  mains  bons  fais 
En  la  conteit  de  Bair  fut  trait, 

A  Hamecourt  de  ver  Briey. 
Ces  esperil  sont  on  ciel  trais. 

120.  Il  n'est  huralz  ne  menestrès 
Qui  bien  sceùst  conter  et  dire, 

Ne  lais  ne  clerc  tant  soit  lettreis 
Qui  racontaist  \v  graut  martire 
Que  cilz  de  l'ost  par  le  Vaulz  firent. 
Les  neis  gaingnont  11  de  lor  treis 
Quant  de  Molin  se  desperlireuf. 


L'ENNEMI  S'APPROCHE.  —  EXPLOITS  DES   NEFS.        165 

II '7.   Chacun  dans  l'armée  se  plaint 
De  ces  nefs  qui  sont  sur  la  grève. 
Chacun  les  fuit,  ainsi  que  l'alouette 
Fuit  le  faucon  ou  l'tîpervier. 
Sur  la  foi  que  je  dois  à  saint  Livier  ! 
Les  nefs  gardèrent  Wadrineau  ; 
On  n'a  rien  à  leur  reprocher. 

118.  A  cause  de  l'espingole  et  de  l'arbalète, 
Que  ceux  des  nefs  faisaient  tirer, 

Près  de  l'eau  n'osaient  se  tenir 
Nos  ennemis  et  adversaires  : 
Ils  ne  pouvaient  rien  contre  les  nefs  ; 
Car  elles  n'avaient  nulle  ouverture. 
Béni  soit  celui  qui  les  fît  faire! 

119.  Ce  fut  Guillaume  de  Vry  : 
Que  Dieu  lui  pardonne  ses  péchés  ! 
De  sa  mort  plusieurs  sont  peines. 

Après  avoir  été  à  maints  beaux  faits  d'armes, 
Dans  le  comté  de  Bar,  il  fut  percé  d'un  trait, 
A  Homécourt,  près  de  Briey  : 
Son  âme  a  été  appelée  au  ciel. 

120.  Il  n'y  a  héraut  ni  ménestrel 
Qui  saurait  bien  conter  et  dire. 

Ni  laïc  ni  clerc,  tant  lettré  soit-il, 

Qui  racontât  le  grand  martyre 

Que  ceux  de  l'armée  causèrent  dans  le  Val  ; 

Les  nefs  en  percèrent  deux  de  leurs  traits 

Quand  ils  partirent  de  Moulins. 


166  LE  GUERRE  DE   METZ. 

121.  Li  ost  ne  fist  plux  de  séjour  ; 
Trois  jours  s'estoit  on  Valz  tenus. 
Droit  le  diemange  au  point  du  jour 
Devant  les  Pons  si  est  venus, 

Tous  raingiés  c'est  lai  maintenus; 
N'oit  tant  en  Ynde  la  majour 
De  jovanciaulx  ne  de  chenus. 

122.  Li  roy,  li  duc  et  li  barrons 
Des  chevailliers  lai  adoubeirent  ; 
Quant  chauciés  sont  li  espérons 
Les  espées  après  cindeirent , 

Les  collées  après  donnèrent, 
Puis  chevalchent  tout  environ  ; 
Maix  poc  d'onnour  y  conquasterent. 

123.  Entrant  ont  fait  nostre  citain 
Pour  eulx  armer  Meule  sonner, 
Puis  demandent  a  chavetain 
Comment  se  porront  démener. 

Cilz  ques  devoit  tous  ordonner 
Lor  respondist  :  «  Soies  certain  , 
«  Jai  piétaille  n'y  quier  mener. 

124.  «  Je  me  doubte  de  la  piétaille 
«  Que  Mets  ne  messe  en  grant  balance 
«   Elle  ne  sceit  rien  de  bataille, 

«  Ne  de  porter  escu  ne  lance. 

((  Or  en  dites  vostre  samblance  ; 

«  Soies  certain  comment  qu'il  aille 

«  Je  veul  tenir  vostre  acordance.  » 


L'ENNEMI  S'APPROCHE.  —   EXPLOITS   DES  NEFS.        167 

121.  L'armée  ne  prolongea  pas  son  séjour; 
Trois  jours  elle  s'était  tenue  au  Val. 

Le  dimanche,  dès  le  point  du  jour, 

Elle  est  venue  devant  les  Ponts; 

Toute  rangée  en  bataille,  elle  s'est  là  tenue; 

Jamais  il  n'y  eut  dans  Inde  la  Grande 

Tant  d'hommes,  jouvenceaux  ou  chenus. 

122.  Le  roi,  le  duc  et  les  barons 
Adoubèrent  là  des  chevaliers. 

Quand  ils  eurent  chaussé  leurs  éperons, 

Ils  leur  ceignirent  ensuite  l'épée. 

Et  ils  leur  donnèrent  l'accolade. 

Puis  ils  chevauchèrent  dans  tous  les  environs, 

Mais  ils  y  conquirent  peu  d'honneur. 

123.  Cependant  nos  citains  ont  fait. 
Pour  prendre  les  armes,  sonner  la  Mutte; 
Puis  ils  demandent  aux  capitaines 
Comment  ils  comptent  s'en  tirer. 

Celui  qui  doit  les  mettre  en  bataille 
Leur  répond  :  «  Soyez-en  certains, 
«  Je  me  soucie  peu  de  faire  sortir  les  gens  de  pied. 

124-    «  Je  me  défie  des  gens  de  pied; 

«  Je  crains  qu'ils  ne  mettent  Metz  en  péril  : 

«  Ils  ne  savent  rien  de  la  guerre, 

«  Ni  même  porter  écu  ni  lance; 

«  Or,  dites-moi  ce  qui  vous  en  semble; 

«  Soyez  assurés  qu'en  toute  circonstance 

«  Je  veux  marcher  d'accord  avec  vous.  » 


168  LA   GDEKRE  DE  METZ. 

125.  Au  conseil  vont  et  ung  et  aultre; 
L'ung  dit  avant,  et  l'aultre  ariere. 

Par  la  fov  que  dole  sainct  Autre 
Il  s'acordent  en  tel  manière 
Que  des  portes  n'ytrait  baniere 
Ne  nulz  qui  ait  lance  sus  f'aultre, 
Qu'avoir  pensoient  mainte  bière. 

126.  Cui  qu'il  fut  bel  ne  cui  fuit  lait 
De  la  ville  point  n'isseront. 

On  temj)s  après,  se  Dieu  leur  lait, 
Des  ennemis  se  vengeront, 
Et  s'il  ars  ont  il  arderont, 
Et  c'il  ont  fait  honte  ne  lait 
D'autreteit  jeu  lor  jueront. 

127.  Nostrc  ennemi  l'iawe  passèrent 
Tout  endroit  la  porte  Patart, 

Droit  a  Molin  le  duc  aleirent  ; 
Don  feu  bouter,  lor  estoit  tari. 
Le  feu  bouteirent  et  li  tis  art  ; 
Il  entront  ans,  si  an  gitterent 
Berbis  et  porcs  pour  Endowart. 

'  128.  Par  les  baires  endemestier 

Furent  assez  bien  x  ribault  ; 
Avec  eaulx  fut  ung  don  mestier 
Les  corvixiers  qu'ont  le  cuerbault. 
IjCs  ennemins  forment  assault, 
Il  leur  navr.eit  maint  grant  destrier, 
Et  il  sont  mors,  se  Dieu  me  sault. 


L'ENNEMI   S'APPROCHE.  —  EXPLOITS  DES  NEFS.         169 

125.  Ils  vont  au  conseil,  les  uns  et  les  autres; 
L'un  parle  d'une  façon  ;  et  l'autre  d'une  autre. 
Par  la  foi  que  je  dois  à  saint  Auteur  l 

Ils  se  mettent  d'accord  de  telle  façon 

Que  des  portes  ne  sortira  bannière, 

Ni  nul  qui  ait  lance  à  la  selle. 

Car  ils  craignent  de  subir  de  grandes  pertes. 

126.  A  qui  cela  plaise  ou  non, 
De  la  ville  on  ne  sortira  point. 
Plus  tard,  si  Dieu  le  permet 

On  se  vengera  des  eimemis, 
Et  s'ils  ont  brûlé  on  brûlera  chez  eux  ; 
S'ils  ont  fait  actes  honteux  et  félons. 
On  leur  jouera  chez  eux  le  même  jeu. 

127.  Nos  ennemis  traversèrent  l'eau 
Tout  en  face  de  la  porte  Patard  : 

Ils  allèrent  droit  au  Moulin-le-Duc. 
Il  leur  tardait  de  mettre  le  feu  ; 
Ils  allumèrent  l'incendie,  le  toit  brûle  : 
Ils  y  entrèrent  et  en  firent  sortir 
Brebis  et  porcs  pour  Edouard. 

128.  Par  les  barres,  pendant  ce  temps-là. 
Allèrent  bien  passer  dix  ribauds; 

Avec  eux  en  était  un  du  métier 

Des  cordonniers,  au  brave  cœur. 

Il  assaille  hardiment  les  ennemis  ; 

Il  leur  blesse  maints  grands  dcîstriers, 

Dont  ils  périrent  ;  vrai  comme  Dieu  me  sauve  ! 


170  LA  GUERRE  DE  METZ. 

129.  Les  eonemis  s'en  sont  fuïs 
Pour  les  quarreaulx  et  espiiigoles 
Dont  on  fereil  par  grant  aïr 
Un  grant  signour  parmy  la  goule; 
Plux  ne  dirait  vainne  parole. 
Quant  il  fut  mort,  l'amme  s'enfuit 
D'enfer  tout  droit  en  la  jaolle. 

i3o.   Devant  les  Pons  or  ont  esteit 
Li  duc,  li  contes  et  li  roy; 
Ce  qu'il  ont  pris  et  conquesteit 
Avez  ouy  et  les  desrois. 
Lors  enmeuerent  lour  charrois 
A  Saincte  Crux,  la  sont  resteit , 
Lour  se  logeit  chescuin  conrroy. 

i3i.   Cilz  de  l'ost  sont  moult  tost  logiet, 
Car  bien  s'en  scevent  entremettre. 
Quant  logiet  sont  n'ont  point  targiet, 
L'omme  trait  font  en  terre  mettre  : 
A  Saincte  Crux  sans  rien  promettre 
Leur  bière  prinrent  sans  congiet 
Pour  un  aultre  seigneur  ains  mettre. 

i32.   De  l'abeleste  a  tour  fut  trais 
Cilz  sire  droit  a  Longeville  ; 
Li  quairiaulz  fut  de  son  corps  trais 
Qu'estoit  plux  long  d'une  cheville. 
Dolent  en  sont  plus  de  ij  mille. 
Car  de  grans  gens  estoit  atrais. 
Mort  l'enmenront  jusqu'à  sa  ville. 


I?ENNEMI    S'APPROCHE.   -  EXPLOITS  DES   NEFS.        171 

129.   Les  ennemis  s'en  sont  enfuis 
Par  crainte  des  carreaux  et  espingoles, 
Dont  fut  frappé  avec  violence 
Un  grand  seigneur  en  plein  visage. 
Il  ne  dira  plus  de  vaines  paroles; 
Quand  il  fut  mort,  l'âme  s'enfuit 
Tout  droit  en  la  geôle  d'enfer. 

i3o.  Devant  les  Ponts  s'en  sont  allés 
Les  gens  du  duc,  du  comte  et  du  roi. 
Ce  qu'ils  ont  pris  et  conquis, 
Vous  l'avez  entendu  et  le  mal  qu'ils  ont  fait; 
Alors  ils  emmenèrent  leur  convoi 
A  Sainte-Croix  :  ils  s'y  sont  arrêtés. 
Là  s'est  logée  chaque  compagnie. 

i3i.   Ceux  de  l'armée  sont  bientôt  logés, 
Car  ils  savent  bien  s'y  prendre. 
Quand  ils  sont  logés,  ils  n'ont  point  tardé 
A  faire  mettre  en  terre  l'homme  percé  d'un  trait. 
A  Sainte-Croix  sans  formalité. 
Ils  prirent  une  bière  sans  permission 
Pour  lui  donner  un  autre  maître. 

i32.   De  l'arbalète  à  tour  fut  frappé 
Ce  seigneur  près  de  Longeville  ; 
Le  carreau  fut  tiré  de  son  corps  : 
Il  était  plus  long  qu'une  cheville. 
En  furent  chagrins  plus  de  deux  mille, 
Car  il  était  extrait  de  grande  parenté. 
Ils  emmèneront  son  corps  à  sa  seigneurie. 


172  LA   GUERRE   DB  METZ. 

i33.   Cilz  de  Tost  n'ont  plus  aresteil  ; 
Saincte  Criix  ont  toute  robée, 
Devestu  ont  li  moinne  esteit, 
Et  li  convant  sans  deinourée; 
De  leur  n'i  ont  laissiet  denrée, 
Maix  li  moynne  ont  tant  conquesteit 
Que  leur  maison  ne  fut  brûlée. 

i34-   Tout  lour  propris  de  feu  gardèrent 
Par  les  armes  as  iiii  cliiés; 
Voulentier  li  trois  lour  donnèrent, 
Maix  trop  envis  l'erceveschiés. 
Assés  y  firent  grant  meschiés, 
Sans  feu  bouter  rien  n'y  lasseirent  ; 
Ce  fut  damaige  et  pecliiés. 

i35.  Adonc  ardoit  forment  Wappey 
Et  li  mennoir  Jehan  Ancel. 
Bien  ont  veii  les  grands  despis 
Anffans,  willairt  et  jovancel 
Que  li  roy  fist  au  lioncel. 
La  n'estoit  pris  d'ardoir  respis 
S'on  n'y  veoit  son  pennoncel. 

i36.   J'ay  oy  dire  sans  mentir 
Qu'il  avoient  une  manière 
Que  l'ung  sans  l'aultre  garentir 
Ne  poit  miaison  ne  grainge  entière  ; 
Se  chcscun  n'i  met  sa  baniere, 
Et  s'a  ceu  ne  veult  consentir, 
On  y  voit  tost  feu  et  fumiere. 


L'ENNEMI    S'APPROCHE.  —   EXPLOITS  DES  NEFS.        176 

i33.   Ceux  de  l'armée  ne  se  sont  plus  arrêtés, 
Ils  ont  pillé  Sainte-Croix  de  fond  en  comble , 
Les  moines  ont  été  dépouillés 
Et  aussi  le  couvent,  sans  retard. 
Ils  n'y  laissèrent  nulle  chose  de  valeur  ; 
Mais  les  moines  ont  pourtant  obtenu 
Que  leur  maison  ne  fût  pas  brûlée. 

134.   Ils  gardèrent  leur  enceinte  du  feu, 
Grâce  aux  armes  des  chefs; 

Volontiers  trois  d'entre  eux  accordèrent  cette  grâce, 
Mais  l'archevêque  le  fît  bien  malgré  lui. 
Ils  y  causèrent  d'assez  grands  désastres, 
Sans  mettre  le  feu,  ils  n'y  laissèrent  rien. 
Ce  fut  bien  dommage  et  péché. 

i35.   Alors  Woippy  fut  fortement  brûlé. 
Ainsi  que  le  manoir  de  Jean  Ansel. 
Tous  ont  bien  vu  les  grands  méfaits, 
Enfants,  vieillards  et  jeunes  gens. 
Que  commit  le  roi  au  Lionceau  ; 
Il  n'y  avait  nulle  part  de  répit  à  l'incendie. 
Si  l'on  n'y  voyait  son  panonceau. 

i36.   J'ai  entendu  dire  sans  mentir 
Qu'ils  avaient  fait  mi  accord. 
Que  l'un  sans  l'autre  ne  pût  préserver 
Du  feu  maison  ni  grange  entière. 
Si  chacun  n'y  a  mis  sa  bannière. 
Et  ne  veut  consentir  à  faire  grâce, 
On  voit  bientôt  feu  et  fumée. 


m  LA  GUEIIUE   DE   METZ. 


VII. 


187.   Or  vous  ai  je  contcit  et  dit 
Pourquoy  ont  faito  l'cnsoinhK'c, 
Et  comment  ont  sen  contredit 
Mets  et  les  bours  environnée  ; 
De  repairier  en  lour  contrée 
S'accordèrent  tiiit  au  lundi 
Qu'il  n'avoient  plus  de  livrée. 

i38.   Quant  vint  li  houn*  de  complies 
Tuit  se  prenent  a  deslogier; 
Chers  et  charettes  ont  emplies 
De  lour  harnois  sans  atargier, 
N'y  laissent  rien  c'on  puist  chergier. 
Vont  s'en  li  cher  vers  lor  parties, 
Qu'en  l'ost  n'avoient  que  mengier, 

139.   Adonc  n'i  ot  nulz  chevailliers, 
Conte  ne  duc,  prince  ne  roy. 
Que  la  nuyt  ossaist  sommiilier 
Pues  que  partis  sont  li  charois; 
Lou  main  s'en  vont  tuit  lor  conroy 
De  lor  armes  apparilleir, 
Que  ne  lor  faice  Mets  desroi. 


L'ENNEMI  S'ÉLOIGNE  DE   METZ.  173 


L  ENNEMI   S  ÉLOIGNE   DE    METZ. 


137.   Or  je  vous  ai  dit  et  conté 
Pourquoi  ils  ont  fait  l'assemblée, 
Et  comment,  après  avoir  sans  obstacle 
Environné  Metz  et  ses  faubourgs. 
De  retourner  en  leur  pays 
Ils  résolurent  tous  le  lundi, 
Car  ils  n'espéraient  plus  que  la  ville  se  rendît. 

i38.   Et  quand  vint  l'heure  de  complies 
Tous  se  prennent  à  déloger. 
Ils  ont  rempli  chars  et  charrettes 
De  leurs  bagages  sans  tarder. 
Ne  laissant  rien  de  ce  qui  se  pouvait  charger. 
Les  chars  s'en  vont  chacun  de  son  coté  ; 
L'armée  ne  garde  que  ses  vivres. 

139.   Alors  il  n'y  eut  nul  chevalier, 
Comte,  duc,  prince,  ni  roi, 
Qui  la  nuit  osât  sommeiller, 
Depuis  que  le  convoi  des  chars  est  parti. 
Le  matin  toute  la  troupe  s'en  va 
Se  mettre  en  appareil  de  guerre 
De  crainte  que  Metz  ne  la  mette;  en  désarroi, 


116  LA  GUEUUE   DE    METZ. 

1 4o .   Rengiez  se  sont  les  la  rivière  ; 
Quant  (U's  armes  sont  a  tournois 
Chescun  se  tient  a  sa  baniere; 
Maint  cors  y  ont  le  jour  corneis. 
Droit  vers  tierce  s'en  sont  tourneis , 
Li  cuens  devant,  li  rov  darriere; 
Devant  Mets  n'ont  plus  scjournei. 

i4i.   Le  jour  de  feste  sainct  Remy 
Qui  est  tout  droit  on  cliiez  d'oclembre 
.   Se  partirent  nostre  ennemis 
De  devant  Mets,  bien  m'en  remenbre  : 
Venus  feurent  en  my  septembre. 
Ainsoy  qu'il  ait  ans  et  demy 
De  lor  terre  pardront  maint  menbre. 

142.  Des  ennemis  avés  oy 

Que  nous  ont  fait  moult  grant  damaige; 
De  lor  propos  ont  mal  joy, 
Combien  qu'beiissent  grant  bernaige  ! 
Mets  cuidoient  mettre  en  servaige  ; 
S'en  faire  assault  s'en  sont  fouy, 
Mal  ont  monstreit  lor  vacelaige. 

143.  Pour  nulle  rien  qu'il  aient  fait 
Il  ne  doient  lionnour  avoir, 

Le  pays  ont  par  lor  meffait 
Ars  et  brui  et  prins  l'avoir. 
Par  lor  lettres  pues  font  sçavoir 
Que  cil  seront  reint  on  deffait 
Qu'a  Mets  rendront  beste  n'avoir. 


L'ENNEMI  S'ELOIGNE  DE    METZ.  177 

i4o.   Ils  se  sont  rangés  vers  la  rivière; 
Quand  ils  ont  fini  de  s'armer, 
Chacun  se  tient  à  sa  bannière; 
Tout  le  jour  ils  font  sonner  leurs  cors. 
Puis  à  l'heure  de  tierce  ils  sont  partis, 
Le  comte  devant,  le  roi  derrière; 
Devant  Metz  ils  n'ont  plus  séjourné. 

i4i.   Le  jour  de  la  fête  de  saint  Remy, 
Qui  est  juste  en  tête  d'octobre. 
Ainsi  partirent  nos  ennemis 
De  devant  Metz,  bien  m'en  souvient  : 
Ils  étaient  venus  à  la  mi-septembre. 
Avant  qu'il  soit  un  an  et  demi. 
Ils  perdront  plus  d'un  membre  de  leur  seigneurie. 

142.  Vous  avez  entendu  le  fait  des  ennemis 
Qui  nous  ont  causé  de  bien  grands  dommages  ; 
Ils  ont  mal  exécuté  leurs  propos, 

Quoi  qu'ils  eussent  un  grand  baronnage! 
Ils  croyaient  mettre  Metz  en  servage  ; 
Sans  donner  l'assaut  ils  s'en  sont  enfuis. 
Ils  ont  mal  montré  leur  vaillance. 

143.  Pour  aucun  de  leurs  actes 
Ils  ne  méritent  d'honneur  ; 

Le  pays  a  été,  par  leurs  méfaits, 
Brûlé  et  mis  en  cendres,  et  dépouillé 
Puis,  par  leurs  lettres  ils  font  savoir 
Que  ceux-là  seront  rançonnés  ou  maltraités 
Qui  rendront  à  Metz  bête  ou  quoi  que  ce  soit. 

12 


178  LA  GUERRE  DE  METZ. 

i44»  Huchier  ont  fait  apertemenl 
Que  ce  nulz  doit  argent  a  Mets 
Qu'aus  signours  faicc  paiement,      v 
Bien  en  serait  quitte  clameis. 
Maix  quelz  croiret  je  vous  promet, 
Combien  qu'il  tart,  entièrement 
Qu'encor  paier  les  ferait  Mets. 

145.  Entrant  ont  fait  ung  tel  atour 
Dont  je  n'ay  pas  la  lettre  escripte  : 
Que  moitirier  et  li  debtour 

De  lor  terre  seront  tuit  quitte. 
Par  celui  Dieu  c'on  ciel  habite 
Ainsoy  feirient  le  retour 
Qu'a  Mels  paiessent  une  mitte. 

146.  Se  quitte  sont  en  tel  manière 
Il  averont  bien  aploitiet  ; 

Se  lour  terre  demoure  entière 
On  lour  ferait  grant  amitiet. 
Mais  ceulx  qui  ont  trop  convoitieit. 
Il  avient  bien  a  parderriere 
Qu'il  pardent  tout  ou  la  moitiet. 


L'ENNEMI  S'ÉLOIGNE  DE  METZ.  17» 

i44-   lïs  ont  fait  proclamer  publiquement 
Que  si  quelqu'un  doit  de  l'argent  à  Metz 
Il  en  fasse  le  paiement  aux  princes  alliés 
Et  qu'il  en  sera  déclaré  quitte  ; 
Mais  qu'il  s'avise  d'y  croire,  et  je  vous  promets, 
Que,  lors  même  qu'il  y  aurait  un  long  retard, 
Metz  finira  encore  par  le  faire  payer. 

145.  Alors  ils  ont  publié  une  autre  ordonnance 
Dont  je  n'ai  pas  le  texte  écrit, 

Portant  que  les  fermiers  et  débiteurs 

Des  terres  de  Metz  étaient  tous  quittes. 

Par  le  Dieu  qui  liabite  le  ciel , 

C'est  à  eux  qu'auront  affaire 

Ceux  qui  paieront  à  Metz  un  denier. 

146.  S'ils  s'acquittent  d'une  telle  manière, 
Ils  auront  bien  réussi  ; 

Si  leur  terre  demeure  entière. 
C'est  que  Metz  aura  trop  de  bonté; 
Mais  à  ceux  qui  ont  trop  de  convoitise, 
Il  pourra  bien  arriver  à  la  fin 
De  perdre  le  tout  ou  la  moitié. 


180  LA  GUERRE  DE   METZ. 


vni. 


147.  Laissier  vous  veul  des  ennemis, 
Bien  vous  ai  dit  tout  lour  affaire  ; 
Conter  vous  veul  de  Mets  amys 

Que  j'aimme  mieulx,  par  sainct  Hyllaire  ! 
Qui  ont  estcit  trop  débonnaire 
A  ceulx  qu'a  guère  les  ont  mis, 
Rendu  leur  ont  mal  pour  bien  faire. 

148.  Se  cilz  de  Mets  ont  lâchement 
Des  ennemis  prise  vangence 

Puis  qu'il  firent  département, 
Ne  les  tenés  point  a  vitance; 
Je  vous  dit  bien  selon  ma  crance  : 
Ains  que  la  guerre  ait  finement, 
Lor  ferait  Mets  duel  et  pesance. 

i49-   Don  feu  bouteir  cure  n'avoient 
Pour  la  raison  de  lor  waigicre 
Et  pour  les  biens  que  il  avoient 
Par  leur  terre  en  mainte  manière  ; 
Au  dairien  n'y  valent  prières , 
Accordeit  sont  qu'il  arderoient 
Et  tout  premier  devers  Vendieres. 


REPRÉSAILLES    DES  MESSINS.  '  181 


LES   MESSINS   PRENNENT   l' OFFENSIVE.    REPRÉSAILLES   TERRIBLES. 


i47-  Je  veux  vous  faire  laisser  les  ennemis, 
Je  vous  ai  bien  dit  toute  leur  affaire. 
Je  veux  vous  parler  des  amis  de  Metz, 
Que  j'aime  mieux,  par  saint  Hilaire  ! 
Ils  ont  été  trop  débonnaires 
A  ceux  qui  les  ont  mis  en  guerre, 
Leur  rendant  le  mal  pour  le  bien. 

148.   Si  ceux  de  Metz,  faiblement 
Des  ennemis  ont  tiré  vengeance. 
Depuis  qu'ils  sont  entrés  en  campagne, 
Ne  les  tçnez  pas  pour  cela  en  mépris  : 
Je  vous  dis  bien,  selon  ma  croyance. 
Avant  que  la  guerre  ait  pris  fin, 
Metz  leur  causera  deuil  et  dommage. 

i49-  Ils  ne  se  souciaient  pas  de  mettre  le  feu, 
Pour  la  raison  de  leurs  engagères 
Et  à  cause  des  biens  qu'ils  avaient, 
Dans  leurs  terres,  en  diverses  natures  ; 
A  la  fin,  les  prières  ne  sont  plus  écoutées. 
Ils  ont  arrêté  qu'ils  brûleraient, 
Et  tout  d'abord  ce  sera  à  Vandières. 


182  LA  GUERRE  DE  METZ. 

i5o.   Li  waudexour  acommanserent 
Que  tuit  estoient  d'un  corraige  ; 
Li  ung  a  pied  a  mont  alerent 
Et  li  aultre  par  le  rivaige. 
Vers  Preney  firent  grant  damaige, 
Marrien,  molin  en  amenèrent 
Et  aultre  bien  de  grant  proaige. 

i5i.  Puis  montait  mcssirc  Jehan, 
Ung  chevalier  c'on  dit  de  Mets; 
Moult  pot  soffrir  poinne  et  anhans; 
Legierement  esloit  armés. 
A  Preney  fist  ung  entremes 
De  feu  ardant,  quant  il  fut  ans; 
Pour  ceu  devant  trestous  le  mes. 

i52.   Après  furent  a  grans  banieres 
Li  chevaliers  devers  Preney, 
Lai  firent  il  feu  et  fumieres 
Ains  c'on  eiist  a  Mets  diney; 
On  pays  n'ont  rien  espargney, 
Bien  le  scevent  cilz  de  Vandieres, 
De  Noeroy  et  de  Pargney. 

i53.   Voulés  oïr  la  veriteit  ? 
D'ambedeux  pars  de  la  rivière, 
Entre  le  pont  et  la  citeit, 
N'i  est  remise  ville  entière 
Ou  il  n'eiist  feu  ou  femiere. 
S'il  ont  rase  sur  nous  gettei, 
Achecque  aront  au  parderriere. 


REPRÉSAILLES   DES   MESSINS.  183 

i5o.   Les  éclaireurs  commencèrent; 
Tous  étaient  animés  d'mi  même  courage. 
Les  uns  franchirent  à  pied  les  côtes, 
Les  autres  suivirent  le  rivage. 
Près  de  Prény  ils  firent  maint  dommage, 
Ils  abattirent  charpentes  et  moulins 
Et  autres  biens  de  grand  prix. 

i5i.   Puis  monta  messire  Jehan, 
Un  chevalier  qu'on  nomme  de  Metz, 
Capable  de  supporter  peines  et  fatigues; 
Il  était  armé  légèrement. 
A  Prény  il  fit  une  réjouissance 
De  feu  ardent,  quand  il  y  fut  entré; 
Pour  cela  je  le  mets  devant  tous  les  autres. 

i52.   Après  cela,  allèrent  en  grand  nombre 
Les  chevaliers  aux  environs  de  Prény; 
Là  ils  firent  feu  et  fumée 
Avant  qu'on  eût  à  Metz  dîné. 
Dans  le  pays  ils  n'ont  rien  épargné, 
-Ils  le  savent  bien,  ceux  de  Yandières, 
Et  de  Norroy,  et  de  Pagny. 

1 53 .   Voulez-vous  entendre  la  vérité  ? 
Sur  les  deux  rives  de  la  rivière, 
Entre  le  Pont  et  la  cité, 
On  ne  laisse  pas  une  ferme  entière, 
Oii  il  n'y  ait  feu  et  fumée. 
S'ils  ont  fait  incursion  chez  nous. 
Ils  remporteront  l'échec  final. 


184  LA  GUERRE   DE   METZ. 

i54-   Cilz  seigneurs  qui  sont  des  Messains 
Droit  vers  Vegey  après  allèrent 
Le  diemange  devant  Tous  Sains; 
'         Les  ennemis  lai  encontrerent, 
Par  le  pays  tant  les  chassèrent 
Cilz  qu'avoient  les  corps  tous  sains, 
XX  bons  prisons  en  amenèrent. 

i55.  Des  mors  y  ot  et  des  plaies, 
Soies  certain,  a  celle  chace; 
Le  plux  hardis  fut  esmaiez. 
Chescuin  de  nous  l'escu  embrace, 
Verdier  lor  font  tantost  la  plaice  ; 
En  l'estant  en  oit  des  noiez. 
Ne  cuidés  pas  qu'il  me  desplaice. 

i56.  Li  Rongrave  de  la  journée 
Par  raison  doit  avoir  le  pris. 
Car  par  sa  lance  et  par  espée 
Les  ait  ainsi  con  trestous  pris. 
Tel  duel  avoit  au  cuer  empris 
Que  sa  force  ly  fut  doublée  : 
En  mal  ne  doit  estre  repris. 

107.   Celui  jour  ont  bien  esploitiet 
Cil  de  Mets  qui  ont  retenu 
Maintz  bon  prison,  et  tuit  haitiet 
En  leur  hosteilt  sont  revenu. 
De  ceu  leur  est  bien  advenu 
Qu'il  n'ont  mies  en  vain  gaitiet; 
Liez  en  furent  grans  et  menus. 


REPRESAILLES  DES    MESSINS.  185 


i54-  Les  seigneurs,  qui  tiennent  pour  Metz, 
Allèrent  ensuite  droit  sur  Vigy, 
Le  dimanche  avant  la  Toussaint; 
Là  ils  rencontrèrent  les  ennemis. 
Ils  les  chassèrent  par  le  pays, 
Sans  recevoir  aucune  blessure, 
Et  ramenèrent  vingt  bons  prisonniers. 

i55.   Il  y  eut  là  des  morts  et  des  blessés. 
Soyez-en  sûrs,  à  cette  poursuite  : 
Le  plus  hardi  en  fut  troublé. 
Chacun  des  nôtres  embrasse  son  écu. 
Ils  leur  font  bientôt  vider  la  place; 
En  l'étang  il  y  en  eut  des  noyés. 
Ne  croyez  pas  que  cela  me  déplaise. 

i56.   Le  Raugraf  de  la  journée 
A  bon  titre  doit  avoir  le  prix , 
Car,  par  sa  lance  et  par  son  épée. 
Il  les  a,  pour  ainsi  dire,  tous  pris. 
Il  avait  une  telle  colère  au  cœur 
Que  sa  force  en  était  doublée  : 
Il  ne  faut  pas  lui  en  faire  de  reproche. 

157.   Ce  jour-là  ont  bien  travaillé 
Les  gens  de  Metz,  qui  ont  retenu 
Maints  bons  prisonniers,  et  tous  sains  et  saufs 
En  leurs  logis  sont  revenus. 
L'affaire  a  bien  tourné  pour  eux, 
Ce  n'est  pas  en  vain  qu'ils  les  ont  guettés; 
En  furent  joyeux  grands  et  petits. 


186  LA  GUERRE  DE  METZ. 

i58.   Dolent  fut  li  roy  de  Bahaigne, 
Il  li  samble  trop  ait  pardu  ; 
Tuit  li  barons  de  sa  compaigne 
En  sont  dolent  et  esperdii. 
Lor  homme  sont  la  dcssendu 
Ou  11  n'ont  pas  trouveit  coquaigne 
Qu'il  ne  seront  de  mois  rendus. 

iSg.   Pour  les  prisons  a  déporter 
Cilz  de  Mets  font  une  jaolle; 
Les  II  covient  v  fers  pourter; 
Il  sont  trestuit  a  une  estoUe: 
Li  ung  Taultre  point  ne  rigole, 
Maix  ceu  les  fait  raconforter 
Qu'il  chanteront  com  jay  on  dolle. 

i6o.   Quant  vint  li  jour  de  Toutes  Ames 
Cilz  de  Mets  font  lor  baronie 
Apertement  prenre  leur  armes, 
Puis  vont  on  val  Saincte  Marie  ; 
Beuf  n'y  laissent  ne  bargerie  ; 
Cilz  don  pays  bâtent  leur  palmes 
Pour  leur  terre  qu'est  exiliee. 

i6i.   Ly  pays  fut  brûlez  et  ars, 
Bcste  n'y  laissent  ne  vitaille. 
A  Monsons  estoit  Endowars 
Qui  ne  lor  fîst  oncques  baitaille  ; 
Il  redoubtoit  trop  la  pitaille 
Pour  ceu  qu'avoit  mains  mortelz  dars 
Et  mainte  espée  que  bien  taille. 


REPRÉSAILLES  DES   MESSINS.  187 

i58.   Dolent  en  fut  le  roi  de  Bohême; 
Il  lui  semble  qu'il  a  tout  perdu; 
Tous  les  barons  de  sa  compagnie 
En  sont  tristes  et  désolés; 
Leurs  gens  sont  là  descendus 
Où  ils  n'ont  pas  trouvé  cocagne  ; 
Ce  n'est  pas  de  sitôt  qu'ils  seront  rendus. 

159.  Pour  garder  leurs  prisonniers 
Ceux  de  Metz  font  une  geôle; 

Chaque  couple  est  enchaîné  par  cinq  fers; 

Ils  sont  tous  attachés  à  un  poteau  ; 

Ni  l'un  ni  l'autre  ne  sont  en  joie  ; 

Mais  ce  qui  pourra  les  distraire, 

Ce  sera  de  chanter  comme  geais  en  cage. 

160.  Quand  vint  le  jour  des  Morts, 
Les  gens  de  Metz  font  à  leur  baronnie 
Ouvertement  prendre  les  armes , 

Puis  ils  vont  au  val  Sainte-Marie; 
Ils  n'y  laissent  bœuf  ni  bergerie  ; 
Ceux  du  pays  se  tordent  les  mains, 
Voyant  leur  terre  ainsi  ravagée. 

161.  Le  pays  fut  briilé  et  incendié, 
Ils  n'y  laissent  bête  ni  vivres. 

A  Mousson  était  Edouard, 

Qui  n'osa  leur  livrer  bataille  ; 

Il  redoutait  trop  nos  gens  de  pied. 

Car  ils  avaient  maints  dards  mortels 

Et  mainte  épée  bien  tranchante. 


188  LA   GUERRE  DE  METZ. 

162.   CIlz  des  Manis  et  cil  d'Aiitoiis 
Sont  bien  certains  cl'estre  bruleis; 
En  leur  mains  prenent  leur  bâtons , 
Fuiant  en  sont  au  Pont  alleis. 
Li  cuens  les  voit,  lors  ait  parleit  : 
«  S'a  cealx  de  Mets  nous  combatons, 
«  Tuit  sommes  mort  et  afolleis. 

i63.    «  Pour  ung  bommc  que  nous  avons 
«  Il  en  ont  vi  ou  v  ou  un ,  ' 
«  Par  nous  messaiges  le  savons. 
«  Je  ne  veul  pas  a  eulx  combaitre; 
«  Se  mes  maisons  me  font  abaitre, 
«  Vous  savés  deservis  l'avons, 
«  De  tel  verge  les  ai  fait  baitre.  » 

iG4-  Nostre  citain  sont  repairiez 
Qu'ont  visité  ung  poc  le  conte  ; 
Li  contalz  sont  forment  iriés 
Pour  lour  domaige  et  pour  lor  bonté  : 
C'est  pour  niant,  a  rien  ne  monte, 
Qu'encor  seront  mieulx  esclairiés 
Ains  que  fîner  faice  mon  compte. 

i65.  VIII  jours  et  plux  ont  séjournez 
Nostre  citain  que  point  n'ardèrent  ; 
Puis  sont  d'armes  bien  atourneis, 
Droit  a  Lustange  cbevalcberent  ; 
Par  les  pays  le  feu  boutèrent. 
Ainsoy  qu'il  fussent  retorney 
Le  roy  forment  endomageirent. 


REPRÉSAILLES  DES  MESSINS.  189 

162.   Ceux  des  Ménils  et  ceux  d'Attoii 
Sont  bien  certains  d'être  brûlés  ; 
En  leurs  mains  ils  prennent  leurs  bâtons, 
Fuyant,  ils  s'en  sont  allés  au  Pont. 
Le  comte  les  voit,  il  leur  parle  : 
«  Si  nous  combattons  ceux  de  Metz, 
«  Nous  sommes  tous  morts  et  perdus. 

i63.    «  Pour  un  homme  que  nous  avons 
«  Ils  en  ont  six,  ou  cinq  ou  quatre, 
«  Par  nos  messagers  nous  le  savons  : 
«  Aussi  je  ne  veux  pas  les  combattre  ; 
«  S'ils  me  font  abattre  mes  maisons, 
«  Vous  savez  que  nous  l'avons  mérité , 
«  Car  de  la  même  verge  je  les  ai  fait  battre.  » 

164.   Nos  citains  sont  rentrés  chez  eux, 
Après  avoir  fait  cette  petite  visite  au  comte. 
Les  comtaux  sont  fortement  courroucés 
D'avoir  ainsi  subi  dommage  et  honte  : 
C'est  peu  de  chose,  cela  ne  compte  pour  rien; 
Ils  seront  encore  mieux  éclairés 
Avant  que  je  n'arrête  mon  récit. 

i65.   Huit  jours  et  plus  sont  demeurés 
Nos  citains,  sans  rien  brûler  ; 
Puis  ils  se  sont  bien  munis  d'armes 
Et  ont  chevauché  droit  vers  Luttange. 
Par  le  pays  ils  mirent  le  feu. 
Et,  avant  de  s'en  retourner, 
Causèrent  au  roi  de  grands  dommages. 


190  LA   GUERRE   DE  METZ. 

i66.   On  pays  beste  ne  laissèrent, 
Pot  ne  pelle  n'aultre  hernois  ; 
Trcstout  a  Mets  en  amenèrent, 
Ce  que  remalnt  ne  vault  n  nois. 
Jehan  de  Hcix,  qui  bien  cognois, 
Li  ennemis  ung  poc  blacerent 
Maix  garis  fut  tout  demenois. 

167.  Après  allèrent  a  Chambley 
Pour  tout  ardoir  comment  qu'il  aille; 
Il  ardèrent  et  foins  et  bleis, 

Fèves  et  pois,  estrain  et  paille. 
Qui  voucist  croire  la  piétaille, 
Quant  li  ost  fut  lai  assemblé , 
N'y  remansist  que  denier  vaille. 

168.  Assés  y  firent  grant  meschief. 
De  ceu  ne  vous  estuet  douter, 

Car  il  firent  de  chief  en  chief 
Par  les  villes  le  feu  bouter , 
Pour  le  conte  de  Bair  doubler. 
Ne  porroie  venir  a  chief 
Les  mais  qu'ont  fait  de  raconter. 

169.  A  Mets  en  sont  mains  retornei 
Quant  le  paiis  ont  exilliez, 

Et  mains  a  Goize  sejournei 
Pour  ce  qu'estoient  travilliez  ; 
Hostel  lor  ont  apparilliez 
Cil  de  Goize  et  habandonnei  ; 
De  ceu  furent  cilz  de  Mets  liez. 


REPRESAILLES  DES  MESSINS.  191 

i66.   Au  pays  ils  ne  laissèrent  ni  bête, 
Ni  pot,  ni  pelle,  ni  autre  ustensile; 
Ils  amenèrent  le  tout  à  Metz  ; 
Ce  qui  restait  ne  valait  pas  deux  noix. 
Jehan  de  Heu,  que  je  connais  bien, 
Fut  légèrement  blessé  par  l'ennemi, 
Mais  il  en  fut  guéri  sans  retard. 

167.  Après,  ils  allèrent  à  Chambley 
Pour  tout  briller  de  coté  et  d'autre. 
Ils  brûlèrent  foin,  blés, 

Fèves,  pois,  litière  et  paille  ; 

Si  l'on  eût  voulu  croire  les  gens  de  pied, 

Lorsque  l'armée  fut  là  réunie. 

Il  n'y  fût  demeuré  la  valeur  d'un  denier. 

168.  Ils  y  firent  d'assez  grands  dommages, 
Vous  ne  devez  pas  en  douter, 

Car  ils  firent,  d'un  bout  à  l'autre, 

Par  les  villages  mettre  le  feu, 

Pour  inspirer  de  la  crainte  au  comte  de  Bar. 

Je  ne  pourrais  venir  à  bout 

De  raconter  tout  le  mal  qui  fut  fait. 

169.  A  Metz  beaucoup  sont  retournés, 
Lorsqu'ils  eurent  pillé  le  pays  : 

Et  beaucoup  ont  séjourné  à  Gorze, 

Parce  qu'ils  étaient  fatigués. 

Des  logis  leur  sont  préparés 

Par  ceux  de  Gorze  et  mis  à  leur  service. 

Ce  dont  les  Messins  furent  joyeux. 


192  LA  GUERRE   DE    METZ. 

lyo.  Le  matin  querre  les  allèrent 
Li  chevalcheur  a  grant  bobance , 
Et  cil  de  piedz  s'apparillcrent 
De  leur  armes  sens  demourance  ; 
Venus  en  sont  sens  detriance, 
Grant  piesse  a  Mets  puis  séjournèrent 
Qu'il  n'ont  portés  escus  ne  lance. 

171.  Quant  ensi  se  furent  vangiez 
Par  penies  et  par  fumiere, 

Li  soldiour  ourent  congiez 
En  lor  pays  d'aller  arrière, 
Fors  que  le  seigneur  de  La  Pierre 
Que  cil  de  Metz  ourent  on  grez; 
Retenu  l'ont  et  sa  baniere. 

172.  Et  li  sire  Jehan  de  Mets 
Remaint  aussi  et  sa  maignie, 
Car  il  estoit  moult  bien  armés 
Quant  on  debvoit  faire  envahies. 
Sachiés  qu'il  fist  maintes  penies 
Dont  il  ne  doit  estre  blameis 
Pour  parolle  que  nulz  en  die. 

173.  Encor  furent  m  retenus 
Que  je  ne  veul  mie  nommer; 

Si  très  bien  se  sont  maintenus 
Que  Mets  les  doit  toujours  amer. 
Auz  ennemis  sont  trop  ameir, 
Maint  homme  ont  fait  et  poure  et  nud 
Et  maint  hostel  ardre  et  fumeir. 


REPRÉSAILLES  DES  MESSINS.  193 

170.  Le  matin  allèrent  les  chercher 
Les  chevaucheurs  en  grande  réjouissance; 
Alors  ceux  de  pied  se  munirent 

De  leurs  armes  sans  tarder, 

Et  ils  sont  rentrés  sans  délai; 

Puis  ils  séjournèrent  à  Metz  quelque  temps 

Sans  reprendre  l'écu  ni  la  lance. 

171.  Quand  ainsi  ils  se  furent  vengés 
Par  des  saisies  et  des  incendies, 

Les  soldoyeurs  eurent  congé 

Pour  se  retirer  en  leur  pays, 

A  l'exception  du  seigneur  de  La  Pierre, 

Que  ceux  de  Metz  prirent  en  gré. 

Ils  le  retinrent  avec  sa  compagnie. 

172.  Et  le  sire  Jehan  de  Metz 
Resta  aussi  avec  sa  suite; 

Car  il  était  très-bien  armé, 
Quand  on  devait  faire  une  course. 
Sachez  qu'il  a  fait  mainte  saisie. 
Ce  dont  il  ne  doit  être  blâmé, 
En  dépit  de  ce  que  l'on  peut  dire. 

173.  On  en  retint  encore  trois  autres 
Que  je  ne  veux  pas  nommer. 

Ils  se  sont  si  bien  conduits. 
Que  Metz  doit  toujours  les  aimer. 
Ils  ont  été  très-amers  aux  ennemis  ; 
Ils  ont  rendu  maint  homme  pauvre  et  nu 
Et  mis  mainte  maison  en  flamme  et  fumée. 

i3 


1911 


LA  GUERBE  DE  METZ. 


IX. 


174.  Laissiez  vous  veul  de  Mets  amis, 
Que  de  guerre  sont  forment  liet. 

Si  vous  dinai  des  ennemis 
Qu'adès  nous  sont  multiplieis  ; 
A  ealx  se  sont  m  eslieis , 
Et  en  la  guerre  se  sont  mis, 
Et  ceulx  de  Mets  ont  deffieit. 

175.  Li  ung  est  Gobert  d'Apremont 
Qui  trop  envis  Mets  deffiait; 
L'aultre  Henri  de  Fauquemont 
Qu'en  lieu  des  biens  mal  rendu  ait  : 
Quant  rendu  fut,  sur  sains  jurait, 
Bien  le  sceit  on,  a  val^  a  mont, 

Que  ja  maix  jour  Mets  ne  nuirait. 

176.  Messire  Emblais,  que  l'eveschié 
Tient  en  sa  main,  refut  le  tier; 

Il  me  samble  qu'il  ait  pechié, 
Qu'il  n'estoit  pas  temp  ne  mestier  : 
Mets  li  lait  bien  ses  droits  entiers; 
S' elle  n'avoit  nés  point  fleschié, 
Radrecier  se  veult  vouUentiers. 


NOUVEAUX  DÉFIS,   NOUVELLES  HATAILLES.  105 


NOUVEAUX  DÉFIS,   NOUVELLES   BATAILLES. 


I  ^4  •  J^  veux  maintenant  laisser  les  amis  de  Mets, 
Qui  sont  très-joyeux  du  succès  de  la  guerre. 
Je  vous  parlerai  des  ennemis 
Dont  le  nombre  vient  encore  de  s'augmenter  : 
Trois  seigneurs  ont  fait  alliance  avec  eux, 
Ils  sont  entrés  dans  la  guerre 
Et  ont  défié  ceux  de  Metz. 

175.  L'un  des  trois  est  Gobert  d'Apremont, 
Qui,  à  regret,  défia  Metz  ; 

Le  second,  Henry  de  Faulquemont, 
Qui  pour  le  bien  a  rendu  le  mal  : 
Quand  il  fut  délivré  il  jura  sur  les  saints, 
(On  le  sait  bien  de  tous  cotés,) 
Que  jamais  il  ne  nuirait  aux  Messins  ! 

176.  Messirc  Amblard,  qui  l'évéché 
Tient  en  sa  main,  fut  le  troisième. 

Il  me  semble  qu'il  a  péché, 

Il  n'en  était  ni  temps  ni  besoin  ; 

Metz  lui  laisse  bien  ses  droits  entiers, 

Et  lors  même  qu'elle  eût  eu  le  moindre  tort 

Elle  est  toujours  prête  à  le  réparer. 


196  LA  GUERRE   DE   METZ. 

177.  Nostre  citain,  bien  le  sachiez, 
Ne  croient  pas  sa  deffîance, 

Car  l'avesque  est  lor  vray  droit  cliiez; 
Tuit  ont  en  liiy  bonne  espérance 
Qu'encor  aront  son  acointance. 
Or  li  viengne  duel  et  meschiez 
Par  qui  serait  la  decordance! 

178.  Dire  vous  vuel  après  d'ung  fait 
Qu'avint  la  veille  sainct  Andreu  : 

En  tel  point  l'ont  ennemis  fait 
Qu'il  enportirent  le  vereu 
Et  l'abeleste  a  tour  perdu; 
Aultrement  ont  encor  meffait 
Qu'au  pont  des  Mors  boutent  le  feu. 

179.  Le  pontenier  en  menont  pris 
Et  ung  aultre  homme  nous  navreirent  ; 
Bien  en  doient  estre  repris 

Cil  qui  adonc  au  pont  guarderent. 
Li  ennemis  les  espieirent, 
Si  les  virent  de  vin  soupris, 
II  fauls  deniers  ne  les  prisèrent. 

180.  Pour  la  raison  de  cel  despit 
S'acorderent  et  foy  et  saige 

Qu'il  abatront,  sen  nulz  respit, 
Quant  qu'il  avoit  la  de  menaige. 
Entre  les  murs  et  le  rivaige  ; 
Poussez  aurait  de  grand  prouffît, 
Que  jamais  lai  n'aurait  estaige. 


NOUVEAUX  DÉFIS,  NOUVELLES  BATAILLES.  197 

177.  Nos  citains,  sachez-le  bien, 
Ne  peuvent  pas  croire  à  son  défi, 

Car  l'évêque  est  bien  leur  chef  véritable  et  direct. 

Tous  mettent  en  lui  bonne  espérance 

Et  comptent  encore  sur  son  appui. 

Or,  tombe  deuil  et  malheur 

Sur  qui  sera  l'auteur  du  désaccord! 

178.  Je  veux  maintenant  vous  dire  un  fait 
Qui  eut  lieu  la  veille  de  saint  André. 

Les  ennemis  sont  venus  à  tel  point 
Qu'ils  emportèrent  le  verrou  de  la  porte, 
Et  l'arbalète  à  tour  est  perdue. 
Ils  ont  encore  commis  un  autre  méfait, 
Ils  ont  mis  le  feu  au  pont  des  Morts. 

179.  Ils  emmenèrent  le  pontonnier 
Et  nous  blessèrent  un  autre  homme. 
Ils  doivent  en  avoir  bien  des  reproches, 
Ceux  qui  étaient  alors  à  la  garde  du  pont  ! 
Les  ennemis  les  épièrent; 

Ils  les  virent  pris  de  vin, 

Et  ne  les  prisèrent  deux  faux  deniers. 

180.  A  la  suite  d'un  tel  affront 
Sages  et  fous  s'accordèrent 

Pour  faire  abattre,  sans  le  moindre  retard, 

Tout  ce  qu'il  y  avait  de  constructions 

Entre  les  murailles  et  le  rivage  ; 

On  y  creusera  des  fossés  au  profit  de  la  défense 

Avec  interdiction  d'y  bâtir  plus  jamais. 


I<J8  I.A  GUEURE  DE  METZ. 

1 8 1 .  ]^ulz  ne  doit  eslre  courreciez 
S'il  pcrt  gerdin  ou  menandie, 
Mieulx  vault  li  hoiir  soit  enfourciez 
C'on  n'y  puisse  faire  envahie. 
Quant  la  chose  fut  estaublie, 

Les  hostelz  ont  tout  despiciez 
Pour  les  foucels,  que  que  nul  die. 

182.  Les  foussés  font  cilz  des  parodies; 
Tuit  il  metent,  et  lai  et  prestre  ; 

Li  fondement  sont  plain  de  roche, 

Pour  la  garder  chescun  s'areste. 

Quant  fait  seront,  s'iert  moult  grant  feste, 

C'on  il  panrait  truites  et  loches 

Et  des  sachos  qu'ont  grosse  teste. 

i83.   Des  foussés  qui  sont  en  Ghambiere 
Vous  doit  après  bien  souvenir  ; 
Il  sont  si  hault  d'ambedeux  teires 
C'on  ne  porroit  a  murs  venir. 
Quant  se  venrait  au  parfenir, 
Conduit  aureit  parmey  les  freires 
Pour  Muzelle  dedent  venir. 

1 84 .   Des  foussés  font  tous  les  bours  cloire 
Li  gouverneur  de  la  citeit  ; 
Encontre  lui  chescun  laboure 
Qu'il  voit  la  granl  necessiteit. 
Se  li  foussés  fussent  giteis 
En  droy  Stoixey  au  pardezoure , 
Plux  y  elist  d'utiliteit. 


NOUVEAUX   DÉFIS,   NOUVELLES  BATAILLES,  199 

i8i.  Nul  ne  doit  se  courroucer, 
S'il  y  perd  jardin  ou  habitation  ; 
Il  vaut  mieux  que  le  faubourg  soit  défendu, 
De  façon  qu'on  ne  le  puisse  envahir. 
Quand  la  chose  fut  décidée, 
Tous  les  bâtiments  ont  été  renversés 
Pour  les  fossés,  quoi  qu'on  ait  pu  dire. 

182.  Les  gens  des  paroisses  creusent  les  fossés; 
Tous  s'y  emploient,  laïcs  et  prêtres. 
Ils  l'approfondissent  jusque  sur  la  roche; 
Pour  les  regarder  chacun  s'arrête  : 
Quand  ils  seront  finis,  ce  sera  une  grande  fête; 
On  y  prendra  truites  et  loches. 
Et  des  chabots  à  grosse  tête. 

i83.  Des  fossés  qui  sont  en  Chambière, 
Il  doit  bien  vous  souvenir; 
Ils  sont  si  profonds  entre  les  deux  bords 
Qu'on  ne  pourrait  atteindre  aux  murs. 
Quand  on  viendra  à  les  terminer, 
Il  y  aura  un  conduit  passant  chez  les  Frères 
Pour  y  amener  les  eaux  de  la  Moselle. 

i84-   Tous  les  faubourgs  sont  clos  de  fossés, 
Par  ordre  des  seigneurs  de  la  cité. 
En  droit  de  soi  chacun  travaille. 
Car  il  en  voit  la  grande  nécessité. 
Si  des  fossés  eussent  été  ouverts 
En  face  de  Stoxey  et  au-dessus. 
Ils  auraient  eu  plus  d'utilité  encore. 


200  LA    GUERRE  DE  METZ. 

i85.   Il  leur  samble  qu'il  est  mestier, 
Se  font  après  les  tours  couvrir; 
Il  les  despairtent  aus  mcstiers. 
Bien  les  feront  sens  apourir 
C'en  les  puisse  cloire  et  ouvrir; 
Hz  commendont  auz  cherpenthiers 
Et  ealx  massons  pour  calx  garrir. 

i86.   Quant  seront  fait  li  ties  entiers, 
On  banccns  font  mètre  l'enseigne 
Telle  qu'on  ait  en  lour  mestier, 
Qui  n'y  ait  nulz  qui  aultre  prengne. 
Pour  ceu  qu'après  mieulx  en  sovengne. 
La  ont  gaingniez  li  clierpentier 
Et  li  masson,  qui  que  s'en  plaingne. 

187.  D'abelestes  et  d'espingoles 
A  grant  plantey  font  encor  faire, 
Qu'il  ont  oy  telle  parollc 

Que  revenront  nostre  adversaire. 
S'il  reviennent,  ses  feront  traire; 
Cilz  qu'iert  cstans  serait  des  colles 
Garis,  sans  aultre  laituaire. 

188.  Huchiez  fut  au  commencement 
De  la  guerre  qu'eiist  lanterne. 
Chescun  ardent  entièrement 

On  temps  d'esteit  et  quant  yverne; 
Par  celuy  Dieu  qui  tout  gouverne 
La  oit  si  grant  eslumement 
C'on  en  parolle  en  la  taverne. 


NOUVEAUX  DÉFIS,   NOUVELLES  BATAILLES.  201 

i85.   Ainsi  qu'il  leur  semble  nécessaire, 
Ils  font  ensuite  couvrir  les  tours  : 
Ils  les  répartissent  entre  les  métiers. 
Ceux-ci  feront  bien,  sans  s'appauvrir, 
Qu'on  les  puisse  fermer  et  ouvrir. 
Ils  commandent  aux  cbarpenticrs 
Et  aux  maçons  de  les  mettre  en  état. 

i86.   Quand  les  toits  seront  terminés, 
Au  son  de  la  cloche  ils  y  mettront  leur  enseigne. 
Telle  que  chacun  l'a  en  son  métier, 
Pour  qu'il  n'y  ait  nul  qui  s'y  trompe. 
Et  pour  qu'ensuite  on  en  garde  la  mémoire. 
Là  ont  gagné  les  charpentiers 
Et  les  maçons,  quoi  qu'on  puisse  dire. 

187.  Arbalètes  et  espingoles, 

En  grand  nombre  ils  font  encore  faire  ; 
Car  ils  ont  entendu  telles  paroles 
Que  notre  adversaire  doit  revenir. 
S'il  revient,  ils  en  tireront  contre  lui  : 
Qui  en  sera  atteint  sera  de  la  colique 
Guéri,  sans  autre  électuaire. 

188.  Il  fut  proclamé,  au  commencement 
De  la  guerre,  qu'il  y  eût  une  lanterne 

A  chaque  maison,  brûlant  constamment, 

En  temps  d'été  comme  d'hiver. 

Par  le  Dieu  qui  nous  gouverne  ! 

Ce  fut  là  une  telle  illumination 

Qu'on  en  parle  encore  dans  les  tavernes. 


202  LA  GUERRE  DE  METZ. 

189.  De  ces  choses  vous  veiil  laier 
Et  des  foussés  et  des  ouvraiges. 
Chescun  se  doit  pliix  esmaier 

Pour  la  raison  des  heritaiges 

Que  sont  mal  fait,  c'est  grant  damalge; 

Fendu  soient  jusquez  ans  braies 

Cil  par  cui  vint  si  grant  damaiges  ! 

190.  Seix  jours  devant  Nativiteit 
Le  roy  du  ciel  qui  tousjours  dure, 
Avint  a  ceaulx  de  la  citeit. 

Si  com  je  croy,  une  adventure 
Que  moult  leur  fut  salvaige  et  dure 
Et  moult  lour  fist  d'adversiteit 
Et  de  mechief  et  de  laidure. 

191.  Tout  droit  le  jour  que  nous  disons 
Cil  de  Bierpe  fist  asemblée, 

Toutes  mandait  les  warnisons 
Qui  estoient  en  la  contrée  ; 
Devers  Mets  vint  sens  demourée, 
Adonc  print  il  xvi  prisons, 
Dont  la  citeit  fut  moult  troublée. 

192.  Lai  fut  ocis  Joffroy  Corbelz , 
Ung  borjois  qui  ert  d'outre  Saille. 

Li  roy  don  ciel,  qui  tant  est  bel. 
Qu'a  bien  faire  chescun  conseille, 
De  tous  ses  mais  ensy  l'asoille 
Que  part  n'i  ait  li  noir  corbelz 
Que  les  mal  vais  tient  et  tra  veille. 


NOUVEAUX   DÉFIS,   NOUVELLES   BATAILLES.  20,'i 

189.  Je  veux  laisser  là  tous  ces  détails 
Et  des  fossés  et  des  ouvrages. 

Chacun  se  doit  plus  émouvoir 

Pour  la  raison  des  héritages 

Qui  sont  mis  à  mal,  ce  qui  est  dommage. 

Qu'ils  soient  fendiis  jusqu'à  la  ceinture, 

Ceux  à  qui  l'on  doit  de  tels  désastres! 

190.  Six  jours  avant  la  Nativité 

Du  roi  du  ciel,  qui  règne  éternellement, 
Arriva  à  ceux  de  la  cité. 
Comme  je  le  crois,  une  aventure 
Qui  leur  fut  bien  cruelle  et  dure. 
Et  leur  causa  grande  adversité, 
Grand  dommage  et  grand  affront. 

191.  Le  jour  même  que  nous  disons, 
Le  seigneur  de  Bierp  fît  Liiie  assemblée, 
Il  manda  toutes  les  garnisons 

Qui  étaient  répandues  dans  la  contrée. 

Vers  Metz  il  vint_,  sans  tarder, 

Et  y  fit  seize  prisonniers  : 

Ce  dont  la  cité  fut  bien  troublée. 

192.  Là  fut  tué  Geoffroy  Corbé, 

Un  bourgeois  qui  demeurait  outrc-Seilie. 
Le  roi  du  ciel,  qui  est  si  bon 
Et  qui  inspire  à  chacun  de  bien  faire. 
Daigne  l'absoudre  de  tous  ses  péchés. 
Pour  que  n'ait  prise  sur  lui  le  noir  corbeau, 
Qui  tient  et  tourmente  les  méchants  ! 


2M  LA  GUERRE  DE   METZ. 

193.  Pour  empêtrer  qu'ensi  soit  il 
Dites  chescuin  (ive  Marie! 

Pour  ceu  qu'a  voit  le  sens  subtil 
La  ville  en  fut  moult  csmarie; 
Toute  nostre  chevallerie 
Fut  mise  adonc  en  tel  péril 
Pour  une  seulle  bargerie. 

194.  Li  ennemis  de  ceste  prise 
Furent  moult  liez,  soies  certain. 
Li  roY  forment  essaulce  et  prise 
Signour  Tliiry  lou  chavetain  ; 

Il  fit  tel  fait  dont  li  citain 
Amassent  mieulx  qu'il  fut  a  Pise 
Ou  en  royalme  plux  lointain. 

195.  Ung  seul  prison  encor  n'avoient 
Ne  soldiour  de  la  citeit, 

Des  ennemis  gardei  s'estoient, 
Se  sceit  bien  on  en  veriteit. 
Maix  se  Deus  donne  adversiteit, 
Je  dis  a  ceulx  qui  en  li  croient, 
C'est  pour  monstrer  humiliteit. 

196.  Chose  qui  faice  a  recorder 
Ne  fuit  faite  parmei  Noël  ; 

Tuit  ont  laissiei  le  bahorder 
Pour  acheter  aucun  joel  ; 
Quant  la  fumiere  ist  du  tuel 
Très  bien  se  scevent  acorder 
Comment  auront  sainct  Tortuel. 


NOUVEAUX   DÉFIS,    NOUVELLES  BATAILLES.  205 

193.  Pour  obtenir  qu'ainsi  soit  fait, 
Dites  chacun  «  A'^'e  Maria  ». 
Comme  il  avait  l'esprit  subtil, 

La  ville  en  fut  très-affligée. 
Toute  notre  chevalerie 
Fut  mise  ainsi  en  tel  péril 
Pour  une  seule  bergerie. 

194.  Les  ennemis  de  cette  prise 
Fureirt  bien  joyeux,  soyez-en  certains. 
Le  roi  exalte  et  vante  hautement 
Seigneur  Thierry,  le  capitaine  ; 

Il  fît  là  une  chose  pour  laquelle  nos  citains 

Eussent  mieux  aimé  le  voir  à  Pise 

Ou  dans  un  royaume  encore  plus  lointain. 

1 95 .  Ils  n'avaient  pas  encore  perdu  un  prisonnier 
Ni  un  soldoyeur  de  la  cité, 

Tant  ils  s'étaient  bien  gardés  ; 
On  le  sait  bien  en  vérité. 
Mais  si  Dieu  envoie  adversité, 
Je  le  dis  à  ceux  qui  croient  en  lui , 
C'est  pour  inspirer  de  l'humilité. 

19G.   Rien  qui  soit  digne  d'être  rapporté 
Ne  fut  fait  la  semaine  de  Noël; 
Tous  ont  laissé  les  exploits  de  guerre. 
Pour  se  livrer  aux  réjouissances; 
Quand  la  fumée  sort  de  la  cheminée 
Ils  savent  très-bien  se  mettre  d'accord 
Pour  célébrer  saint  Tourteau. 


206  LA  GUERRE    DE  METZ, 


X. 


197.  Ensy  avlnt  jusqu'al  niardy 
Après  la  feste  des  Trois  Roys  : 
Des  ennemis  qu'erent  hardy 

Par  nous  vignes  vint  ung  conrois, 
Grant  despit  font  et  grant  desrois. 
Bien  en  doient  estre  laidis  ! 
Maix  lai  ne  fut  nulz  des  Barois. 

198.  Les  gens  le  roy  au  lioncel, 
Soies  certain  que  cest  fait  firent, 
Des  paiselz  ont  ars  maint  moncel  ; 
Le  feu  tout  cler  cil  de  Mets  virent. 
Et  savés  vous  ou  il  meffirent  ? 
C'est  entre  Moms  et  le  Poncel; 

Li  vignerons  s'en  esbahirent. 

199.  Oncques  ne  fut  de  bonne  ligne, 
Certes  atrais  ne  de  haultcsse, 

Li  roy  qui  fait  destruire  vigne  ! 
Ce  n'est  pas  fait  de  gentilesse , 
Car  don  vin  naist  toute  liesse. 
Je  vorroie  qu'il  heut  la  tigne 
Quant  les  vigueurs  ensi  apresse. 


LES  CAMPAGNES  BRÛLÉES.  207 


LES   CAMPAGNES   BRULEES. 


197.  Ainsi  advint-il  jusqu'au  mardi 
Après  la  fête  des  Trois-Rois. 

Des  ennemis,  qui  étaient  hardis, 

Par  nos  vignes  vint  un  parti; 

Ils  y  ont  causé  grande  perte  et  grand  dommage  ; 

On  doit  bien  leur  en  faire  honte! 

Mais  parmi  eux  il  n'y  avait  nul  Barrisien. 

198.  Les  gens  du  roi  au  lionceau. 
Soyez-en  certains,  en  furent  les  auteurs. 
Ils  ont  brûlé  maints  monceaux  d'échalas  ; 
Le  feu  clair  en  fut  vu  de  Metz, 

Et  savez-vous  où  ils  commirent  ce  méfait  ? 
C'est  entre  Mont  et  le  Ponceau; 
Les  vignerons  en  restèrent  ébahis. 

199.  Jamais  ne  fut  de  bonne  lignée, 
Certes',  ni  sorti  de  haute  noblesse, 

Le  roi  qui  fait  détruire  la  vigne  ! 

Ce  n'est  pas  le  fait  d'un  gentilhomme, 

Car  du  vin  nait  toute  liesse. 

Je  voudrais  qu'il  eût  la  teigne 

Celui  qui  opprime  ainsi  les  vignerons  ! 


208  LA  GUERRE   DE  METZ. 

200.  Cil  qui  n'aimment  vin  et  vignoble 
Ne  sont  pas  ncis  de  bonne  geste , 

Car  jamaix  lai  ne  clerc  ne  noble 
S'il  n'ont  du  vin  ne  feront  feste. 
Sans  vin  chanter  ne  puent  preste 
Messp,  qui  est  chose  très  noble  : 
Dont  moffait  moult  qui  vin  tenpeste  ! 

20 1.  Plain  sont  trestuit  li  escuier 
De  Bahaigne  de  mal  eiir, 

Car  vignerons  et  cherruier 
Adès  doient  estre  seiir  : 
Par  eulx  sont  tuit  li  biens  meiir; 
Maix  or  les  font  baitre  et  huier, 
Pardre  en  doient  du  ciel  l'eiir. 

202.  Comment  l'ont  fait  li  wadessoui- 
De  raconter  me  prent  envie. 

Il  ne  doubtcnt  esquermissours 
N'abelestrier  en  lour  navie  ; 
N'ait  si  hardis  jusqu'à  Pavie, 
Chescun  vault  bien  ung  demissour. 
Dieu  les  tiengne  longtemps  en  vie  ! 

203.  Allés  veoir  sont  Andowart 
Souvent  par  terre  et  par  rivaige; 
N'i  ait  celui  qui  ail  rewart 

De  II,  tant  sont  de  fier  couraige. 
Conquesteit  ont  par  lour  bernaige 
Le  ponton  qu'iert  a  Deu  le  wart; 
De  l'amener  furent  moult  saige. 


LES  CAMPAGNES  BRÛLÉES.  209 

200.  Ceux  qui  n'aiment  ni  vin  ni  vignoble 
Ne  sont  pas  issus  de  bonne  race  ; 

Car  jamais  clerc,  laïc,  ni  noble, 

S'ils  n'ont  du  vin,  ne  feront  fête. 

Sans  vin  le  prêtre  ne  peut  chanter 

La  messe,  qui  est  chose  si  sainte  : 

Aussi  est-c^  un  crime  que  détruire  la  vigne. 

20 1.  Ils  sont  remplis,  tous  ces  écuyers 
De  Bohême,  de  mauvais  vouloir, 

Car  vignerons  et  laboureurs 

Doivent  toujours  être  sauvegardés  ; 

Par  eux  les  biens  de  terre  viennent  à  maturité, 

Et  voilà  qu'ils  les  font  battre  et  outrager  : 

Ils  en  doivent  perdre  Iciu's  chances  de  paradis. 

202.  Comment  ont  fait  les  éclaireurs. 
De  le  raconter  il  me  prend  envie. 

Ils  ne  redoutent  ni  les  assaillants 
Ni  les  arbalétriers,  dans  leurs  nefs. 
Il  n'en  est  pas  de  si  hardi  jusqu'à  Pavie; 
Chacun  d'eux  a  une  grande  valeur. 
Dieu  les  tienne  longtemps  en  vie  ! 

203.  Ils  sont  allés  visiter  Edouard 
Souvent,  par  terre  et  par  eau; 

Il  n'y  en  a  pas  un  qui  craigne 

Deux  ennemis,  tant  ils  ont  un  fier  courage  ! 

Ils  ont  conquis  par  leur  vaillance 

Le  pont  de  bateaux  qui  était  à  Dieulouard. 

Ils  l'ont  ramené  et  ont  eu  bien  raison. 

14 


Ht  LA  GUERRE  DE  METZ. 

2o4-   Parmi  le  Pont  quant  il  passèrent. 
Les  ennemis  bien  ont  veii  ; 
Si  saigement  les  palz  soicrent 
Que  cil  don  Pont  ne  l'ont  sceii; 
Par  paroUes  ont  deceu 
Ceulx  que  adonc  au  Pont  gardèrent 
Qu'il  n'ont  paiet  point  de  treii. 

205.  Par  leur  savoir  et  par  leur  painne 
En  sont  venus  sens  detriance. 

Pour  eulx  garder  de  mal  essoinne 
Avoit  chescuin  ou  dart  ou  lance. 
De  nuire  a  Pont  chescuin  s'avance  ; 
En  la  graingc  de  S'  Antlioinne 
Ont  pris  mains  beuf  et  leur  substance. 

206.  Il  ont  gaingnct  maint  grant  fardel, 
Si  l'ont  vandu  pour  eulx  despendre. 

Ung  don  lignaige  Pallardelz 
Ont  mort,  c'onque  ne  se  volt  rendre  ; 
Allés  estoit  au  livres  tendre, 
D'une  espée  oit  ung  tel  lardel 
Qu'il  est  quitte  de  lièvre  prendre. 

207.  Droit  chevalchant  x  soldiour 
Devant  le  Pont  après  allèrent, 

Et  cil  don  Pont  ourent  paour; 

Pour  eaulx  chassier  tantost  s'armèrent, 

Maix  li  nostre  les  recullerent 

Si  bien  qu'il  furent  au  piour; 

V  de  contaulz  mors  y  lassèrent. 


LES   CAMPAGNES    BRÛLÉES.  211 

204.  Quand  ils  passèrent  près  du  Pont, 
Ils  virent  bien  les  ennemis  ; 

Mais  ils  scièrent  si  adroitement  les  barres 

Que  ceux  du  Pont  ne  l'ont  pas  su. 

Par  de  vaines  paroles  ils  ont  trompé 

Ceux  qui  alors  gardaient  le  Pont, 

Si  bien  qu'ils  n'ont  rien  donné  pour  le  péage. 

205.  Grâces  à  leur  habileté  et  à  leurs  peines, 
Ils  en  sont  revenus  sans  retard; 

Pour  se  garder  de  mauvaise  affaire,  ^ 

Chacun  avait  ou  dard  ou  lance. 

Pour  nuire  aux  gens  du  Pont  ils  sont  pleins  d'ardeur  ; 

En  la  grange  de  Saint-Antoine 

Ils  ont  pris  maints  bœufs  avec  leur  fourrage. 

206.  Ils  ont  fait  maintes  bonnes  prises 
Qu'ils  ont  vendues  à  leur  profit. 

Un  du  lignage  des  Paillardel 

Fut  tué  par  eux,  qui  ne  se  voulut  rendre; 

Il  était  allé  tendre  aux  lièvres, 

D'une  épée  il  reçut  tel  lardon 

Qu'il  a  fini  de  prendre  des  lièvres. 

207.  Chevauchant  droit,  dix  soldoyeurs 
Devant  le  Pont  ensuite  allèrent. 

Et  ceux  du  Pont  en  eurent  telle  peur 
Qu'aussitôt  ils  s'armèrent  pour  les  repousser; 
Mais  les  nôtres  les  reçurent 
Si  bien  qu'ils  les  mirent  au  pire  état  ; 
Cinq  des  comtaux  restèrent  morts. 


212  LA   GUERRE  DE  METZ. 

208.  Gilz  de  Mets  ot  tous  lour  chevalz 
Qui  les  conquist  par  son  bernaige. 
Oncque  Tristans  ne  Percevalz 

N'oirent  de  lui  plux  fier  couraige. 
Auz  ennemis  fit  mains  damaige, 
Car  par  ses  mons  et  par  ces  valz 
Beste  n'i  lait  en  pastoraige. 

209.  Or  vous  diray  des  hommes  d'Ars 
Qui  sont  armei  moult  noblement, 
Espées  ont,  pourpoins  et  dars, 

Dont  s'aident  vigoreusement. 
Souvent  lor  font  assamblement 
Cilz  de  Preney  on  Andowars, 
Maix  n'i  ont  pas  gaingnet  granment. 

210.  De  maltalent  est  plain  et  chaul 
Ung  chescun  d'Ars  qu'est  sus  Muzelle, 
Et  des  contalz  et  des  duchaulz 

En  font  porter  en  clincleselle  ; 
Contre  lor  colz  chescun  chancelle, 
Maint  en  ont  mort,  et  des  deschaulz 
En  sont  rallei  et  sans  coutelle. 

211.  Cilz  de  Lupey  devers  Pontois 
Des  ennemis  ont  pris  vengence. 

Li  dus  Ferey  fut  mal  courtois 
Quelz  assaillit  a  grant  bobance. 
Maix  chescun  prist  ou  dars  ou  lance, 
Si  s'afichait  sus  ses  artois; 
Le  chavetain  cnt  mort  d'Amance. 


LES   CAMPAGNES  BBULÉES.  215 

208.  Ceux  de  Metz  ont  pris  leurs  chevaux, 
Qu'ils  ont  conquis  par  leur  vaillance. 
Jamais  Tristan  ni  Perceval 

Plus  qu'eux  n'eurent  un  fier  courage; 
A  l'ennemi  ils  firent  maint  dommage, 
Car  ni  en  montagnes  ni  en  vallées, 
Ils  ne  laissent  bête  en  pâturage. 

209.  Or  je  vous  parlerai  des  gens  d'Ars, 
Qui  sont  armés  très-noblement; 

Ils  ont  épée,  cottes  d'armes  et  dards, 
Dont  ils  s'aident  vigoureusement. 
Souvent  font  contre  eux  attaque 
Ceux  de  Lorraine  ou  de  Bar, 
Mais  ils  n'y  ont  pas  grand  profit. 

210.  D'animosité  est  plein  et  chaud 
Chacun  des  gens  d'Ars-sur-Moselle  ; 
Et  des  comtaux  et  des  ducliaux 

Ils  renversent  à  bas  de  leurs  selles  ; 
Sous  leurs  coups  chacun  chancelle , 
Maints  sont  tués,  et  plusieurs,  sans  chausses 
Ni  cottes,  prennent  la  fuite  devant  eux. 

211.  Ceux  de  Luppy,  près  de  Pontoy, 
Des  ennemis  ont  pris  vengeance. 

Le  duc  Ferry  fut  mal  courtois 
Quand  il  les  assaillit  à  grand  fracas; 
Mais  chacun  prit  ou  dard  ou  lance, 
Et  se  tint  ferme  sur  ses  pieds  ; 
Ils  ont  tué  le  capitaine  d'Amance. 


214  LA  GUERUE  DE   METZ. 

212.  Dolent  en  fut  forment  li  dus, 
Car  il  estoit  de  beauteit  plains  ; 
Chescun  des  siens  est  espcrdus; 

Si  fut  forment  plorez  et  plains.  . 
Li  dus  meysme  c'est  compiains 
Et  dist  qu'il  yert  moult  chier  vandus, 
Se  les  villains  tenoit  au  plains. 

21 3.  Après  cest  fait  vous  conterons 
Ce  qu'avint  le  jour  de  s'  Biaise  : 
Vers  Goize  fut  prins  Chauderons 

Et  II  aultres,  par  sainct  Nichaise  ! 
Tuis  cilz  don  Vaulz  en  furent  aise, 
Entre  eaulx  dient  :  «  Vengiez  serons 
«  De  cialx  que  nous  ont  fait  malaise.  » 

2i4-  Ses  III  ait  pris  cil  de  La  Pierre 
Que  cilz  de  Mets  doient  ameir. 
Tuis  ses  homes  sont,  par  s*  Pierre, 
Auz  ennemis  forment  ameir; 
On  ne  les  puet  de  rien  blâmer  : 
Vont  s'en  devant,  viennent  darriere. 
S'en  vait  penir  ou  enflameir. 

21 5.   A  celui  temp  Richairt  Poujoie 
Et  Hanriaus  chavetain  irrent. 
Des  ennemis  forment  leur  poise, 
Que  sen  raison  Mets  assigierrent  ; 
D'aler  sus  eaulx  si  s'acorderent 
Qu'il  n'y  laront  vin  ne  servoise; 
Jusques  ung  jour  bien  le  celeirent. 


LES  CAMPAGNES  BRÛLÉES.  215 

212.  Le  duc  eu  fut  fort  dolent, 
Car  il  était  plein  de  mérite. 
Cliacun  des  siens  en  est  tout  éperdu, 
Il  fut  grandement  pleuré  et  regretté. 
Le  duc  lui-même  en  a  gémi 
Et  dit  qu'il  fera  payer  cher  cette  mort 
Si  jamais  il  tient  ces  villains  en  sa  main. 

21 3.    Après  ce  fait  nous  vous  conterons 
Ce  qui  arriva  le  jour  de  saint  Biaise  : 
Vers  Gorze  fut  pris  Cliauderon 
Et  deux  autres,  par  saint  Nicaise  ! 
Tous  ceux  du  Val  en  furent  aises  : 
Entre  eux  ils  se  disent  :  «  Nous  serons  vengés 
«  De  ceux  qui  nous  ont  fait  tant  de  mal.  » 

2 1 4  •  Tous  trois  furent  pris  par  le  sire  de  La  Pierre 
Que  ceux  de  Metz  doivent  aimer. 
Tous  ses  hommes  sont,  par  saint  Pierre, 
Aux  ennemis  fort  amers  ;  . 
On  ne  peut  les  blâmer  de  rien  : 
Ils  marchent  les  premiers  et  reviennent  les  derniers, 
Quand  on  va  saisir  ou  mettre  le  feu. 

21 5.   En  ce  temps-là  Richard  Poujoise 
Et  Henriat  étaient  capitaines  des  Messins; 
Ils  sont  fortement  irrités  contre  ces  ennemis 
Qui  sans  raison  sont  venus  assiéger  Metz. 
Aussi  convinrent-ils  de  courir  chez  eux 
Et  de  n'y  laisser  ni  vin  ni  cervoise; 
Jusqu'au  jour  fixé  ils  cachèrent  leur  projet.         '^ 


216  LA  GUERRE  DE  METZ. 

21 6.  La  pramiere  nuit  de  karesme 
C'on  menjut  bien  et  pois  et  loches, 
Si  com  je  pence  et  bien  aaisme, 

Il  font  sonneir  par  les  parroches 
Après  Meute  les  grosses  closses; 
Au  roy  ft^ront  saulce  très  pesme, 
Jai  n'en  doient  avoir  reproche  ! 

217.  Et  quant  lor  gent  ont  assemblée, 
Se  s'en  vont  droit  vers  Thionville; 

Le  feu  boutent  par  la  contrée, 
N'espargnirent  grainge  ne  ville. 
Soies  certain  que  mainte  utillc 
Y  oit  arce  selle  journée  ; 
Ceu  que  remaint  ne  vault  estrille. 

218.  Couvert  furent  et  vaulz  et  mont 
Ains  que  lour  gent  fut  despartie  ; 
Demourer  font  a  Richiefmont 

De  la  piétaille  une  partie  ; 
Celle  ne  fuit  pas  amathie, 
Car  qui  volcist  brisier  le  pont 
Jai  ne  veist  la  s*  Mathie. 

219.  Li  chevalchour,  l'aultre  pitaille 
Se  sont  logiez  lés  Florehanges; 

Il  pensoient  avoir  baitaille, 
Si  se  sont  mis  en  belles  renges. 
Robert,  Jehan  de  Wermeranges 
S'en  vont  ardant  comment  qu'il  aille 
Dès  Richiefmont  jusquez  Haianges. 


LES  CAMPAGKES   BCULEES.  217 

2i6.   La  première  nuit  de  carême, 
Où  l'on  mange  et  pois  et  loches, 
Comme  je  le  pense  et  le  trouve  bon. 
Ils  font  sonner  par  les  paroisses, 
Après  la  Mute,  les  grosses  cloches. 
Au  roi  ils  feront  une  sauce  très-mauvaise; 
Ils  n'en  doivent  pas  avoir  de  reproches, 

217.  Et  quand  ils  ont  assemblé  leurs  gens 
Ils  s'en  vont  droit  vers  Thion ville; 

Ils  mettent  le  feu  par  la  contrée, 
Sans  épargner  grange  ni  ferme. 
Soyez  certains  que  plus  d'un  train 
Y  fut  brûlé  cette  journée  ; 
Ce  qui  reste  ne  vaut  pas  une  étrille. 

218.  La  fumée  couvrit  et  monts  et  vaux 
Avant  que  leur  troupe  fût  repartie. 

Ils  ont  fait  demeurer  devant  Richemont 
Une  partie  de  leurs  gens  de  pied. 
Elle  ne  fut  pas  inactive. 
Car  qui  eût  voulu  forcer  le  pont 
N'eût  pas  vu  la  saint  Mathias. 

219.  Les  chevaucheurs  et  le  reste  des  piétons 
Se  sont  établis  près  de  Florange  ; 

Ils  pensaient  avoir  à  livrer  bataille, 
Et  ils  se  sont  mis  en  bel  ordre. 
Robert,  Jean  de  Volmerange 
S'en  vont  brûlant  de  tous  côtés, 
Depuis  Richemont  jusqu'à  Hayange. 


218  LA  GDERRE  DE  METZ. 

220.  A  deulx  lues  de  Lucembourch 
Fut  adoncques  le  feu  boutcis  ; 

Soies  certains  que  cilz  don  bour 
Les  boutefeus  ont  redouteis. 
Et  li  ost  fuit  tout  arouteis; 
Tout  lor  affaire  et  lor  labour 
Vous  conterai,  se  m'escoutez. 

221.  Sans  les  moUins  et  bargeries 
Bonnes  villes  ont  ars  xl; 

Les  gens  li  roy  sont  esmaïez. 
Des  ars  y  ot  plux  de  l  ; 
Robert  les  voit,  s'en  rit  et  chante. 
Pour  mieulx  conduire  les  penies. 
Tient  de  son  dars  chescun  la  liante. 

222.  Li  waudessour  a  Florehenge 
Vigreusement  ont  assaillit. 

Fait  eussent  mal  et  coustanges 
Se  ne  fuissent  quarel  faillis  ; 
Il  ont  estes  jusqu'au  pallis. 
Bien  en  doient  avoir  louange, 
Conque  n'en  fut  nulz  mal  baillis. 

223.  Vaiches  et  buefz,  berbis  et  pors, 
Chivre,  chevalz  on  aultrc  beste 

Ont  ramenés  a  grant  depors; 
Bien  l'ont  vcLi  et  clerc  et  preste. 
Li  ost  s'en  vint,  plux  n'y  areste  ; 
Oncques  ne  fuit  si  grans  apors 
N'a  dicace,  n'a  sainct,  n'a  feste. 


LES    CAMPAGNES  BRÛLÉES.  219 

220.  A  deux  lieues  de  Luxembourg- 
Fut  alors  le  feu  allumé. 

Soyez  certains  que  ceux  de  la  ville 

Ont  redouté  les  boute-feu. 

Là  notre  armée  fut  toute  réunie, 

Ce  qu'elle  a  fait,  ses  exploits, 

Je  vais  vous  en  parler  si  vous  m'écoutez. 

221.  Sans  compter  les  moulins  et  bergeries 
Ils  ont  brûlé  quarante  bonnes  fermes. 

Les  gens  du  roi  sont  désolés; 
De  brûlées  il  y  en  a  plus  de  cinquante  ! 
Robert  les  voit;  il  s'en  rit,  il  chante. 
Pour  mieux  exécuter  les  saisies. 
Chacun  tient  la  hampe  de  sa  lance. 

222.  Les  éclaireurs  à  Florange 
Ont  donné  un  vigoureux  assaut; 

Ils  eussent  causé  grand  mal  et  grandes  pertes 

S'ils  n'avaient  pas  manqué  de  carreaux. 

Ils  ont  été  jusqu'à  la  palissade  ; 

Ils  doivent  en  avoir  bien  des  louanges , 

D'autant  plus  qu'aucun  d'eux  n'a  été  maltraité 

223.  Vaches  et  bœufs,  brebis  et  porcs, 
Chèvres,  chevaux  et  autres  bêtes 

Ils  ont  ramené  en  grande  liesse  ; 
L'ont  bien  vu  et  clercs  et  prêtres. 
L'armée  s'en  revient  sans  plus  s'arrêter  ; 
Jamais  on  ne  vit  telle  abondance 
A  fête  patronale  ou  à  toute  autre  fête. 


220  LA   GUERHE  DE   METZ. 

224.  Ses  soleis  ront  11c  ses  tacons 
N'ait  pas  en  vain  nostre  piétaille, 
Raportés  ait  mains  grans  bacons 

Et  mainte  auitre  millour  maingeille; 

Il  n'ont  laissiei  que  denier  vaille 

Fors  que  pieres,  cendre  et  wacons  : 

On  paiis  n'ait  auitre  vitaille.  ' 

225.  Je  ne  sçay  homme  qui  puist  dire, 
S'il  n'avoit  fait  trestous  les  fais, 

Les  damaiges  ne  les  martire 
Ne  le  meschief  que  la  fut  fait  ; 
Les  ostelz  ont  si  bien  deffait 
Que  li  roy  n'ait  talent  de  rire , 
Car  tout  a  vint  par  ses  mcffais. 

226.  Pour  ccu  c'on  dit  parmey  champaigne 
Que  cil  qui  fîert  veult  c'on  le  fierce, 

Et  pour  meter  cialx  de  Bahaigne 
Sont  li  paon  devenus  fierce. 
Ainsoy  qu'il  fut  midy  ne  tierce, 
Tel  feu  lor  fist  nostre  compaigne 
Qu'il  convendra  cliescun  pain  quierce. 

227.  Poon  fierce  sont  devenus; 
Ains  que  la  guerre  preugne  fin 
Seront  poon  pour  rot  tenus, 
Pour  chevallier  et  pour  aufin. 

En  la  guerre  tout  lor  or  fin 
Mettront  ainsois,  gros  et  menus, 
Qu'il  n'en  viengncnt  a  bonne  fin. 


LES  CAMPAGNES  BRÛLÉES.  221 

224.  Souliers  et  semelles  n'ont  pas  été  usés 
En  vain  par  nos  gens  de  pied; 

Ils  ont  rapporté  de  grandes  pièces  de  lard 
Et  mainte  autre  victuaille  encore  meilleure; 
Ils  n'ont  laissé  la  valeur  d'un  denier, 
Rien  que  pierres,  cendres  et  décombres; 
Dans  le  pays  il  n'y  a  plus  d'autres  vivres. 

225.  Je  ne  sais  pas  d'homme  qui  pût  dire, 

A  moins  d'avoir  lui-même  pris  part  à  ces  prouesses, 

Les  dommages  ni  les  ruines. 

Ni  les  ravages  qui  furent  faits. 

Ils  ont  si  bien  détruit  les  maisons 

Que  le  roi  n'a  pas  sujet  de  rire. 

Car  tout  cela  est  arrivé  par  ses  méfaits  ! 

226.  Comme  l'on  dit  à  la  campagne 
Que  celui  qui  frappe  veut  être  frappé. 
Pour  mater  ceux  de  Bohême 

Les  pions  sont  devenus  fîerces. 

Avant  'qu'il  fût  midi  ni  tierce  , 

Nos  troupes  leur  firent  un  tel  feu 

Que  chacun  sera  réduit  à  chercher  son  pain . 

227.  Les  pions  sont  devenus  fîerces; 
Avant  que  la  guerre  ne  prenne  fin. 
Les  pions  seront  tenus  pour  rocs. 
Pour  chevaliers  et  pour  auphins. 

En  la  guerre  tout  leur  or  fin 
Ils  mettront,  grands  et  petits, 
Avant  de  venir  à  bonne  fin. 


222  LA   GUERRE   DE   METZ. 


XI. 


228.  La  maison  Jehan  de  Marley 
Abatiic  ont  le  jour  des  Brûles. 
Pour  ceu  vous  ait  de  ly  parley, 
Qu'il  fîst  a  Mets  maintes  laidure, 
Mains  oultraiges,  maintez  injures  ; 
Maint  hosteit  ait  ars  et  bruleis  : 

En  mal  faire  ait  toute  sa  cure. 

229.  Droit  le  quint  jours  après  de  mars 
L'ont  moult  bien  faict  cil  de  Joey; 
Grant  aide  lor  ait  fait  Mars, 

Quant  c'est  fait  s'ensi  m'esjoiei; 
D'ialx  vengier  sont  esveirtuei, 
Lai  perdist  Bairs  plux  de  mil  mars, 
Car  SCS  hommes  furent  tuei. 

230.  Tuit  li  nostre  se  sont  penei 
Comment  contalz  aient  grevance; 
De  lour  haiches  ont  troncenei 

Et  maint  grant  dart  et  mainte  lance  ; 
De  bien  faire  chescun  s'avance, 
Défendent  soi  com  fourcenei  : 
Lai  ont  contalz  malle  acointance. 


LES  ENNEMIS  DÉFAITS.  22» 


DÉFAITES   DES   ALLIES. 


228.  La  maison  de  Jean  de  Marly 
Ils  ont  abattue  le  jour  des  Brandons, 
Parce  qu'il  a,  comme  je  vous  l'ai  dit, 
Fait  u  Metz  maintes  vilenies, 
Maints  outrages  et  maintes  injures. 

Il  a  brûlé  et  détruit  bien  des  maisons; 
Il  n'a  souci  que  de  faire  le  mal. 

229.  Le  cinquième  jour  du  mois  de  mars 
Se  sont  bien  montrés  les  gens  de  Jouy. 

Le  dieu  Mars  leur  est  venu  en  aide. 
De  ce  qui  fut  fait  je  me  réjouis  ; 
Pour  leur  défense  ils  se  sont  évertués; 
Là,  Bar  perdit  plus  de  mille  marcs, 
Car  nombre  de  ses  hommes  furent  tués. 

280.   Tous  les  nôtres  se  sont  mis  en  peine 
Pour  faire  du  mal  aux  gens  du  comte; 
De  leurs  haches  ils  ont  tranché 
Et  maint  grand  dard  et  mainte  lance; 
A  bien  faire  chacun  est  plein  d'ardeur, 
Ils  se  défendent  comme  des  forcenés  : 
Là,  les  comtaux  ont  mal  rencontré. 


22ft  LA  GUERRE  DE  METZ. 

23 1.  Cilz  de  Joiey  par  cialz  d'Ancey 
Furent  garnis  a  leur  venir; 

Et  li  nostre  n'ont  pas  dancieit, 
L'assault  aimment  mieulx  a  tenir  ; 
Moult  l'ont  bien  fait  jusqu'au  finir, 
Lour  bidalz  ont  a  nous  lanciet , 
Plux  ne  puent  l'assault  tenir. 

232.  Des  mors  y  ot  et  des  navrés, 
Sciés  certain,  selle  journée. 

Par  my  les  noms  d'aucuns  saureis, 
Car  bien  en  sçay  la  renommée. 
Nostre  gent  fut  ung  poc  navrée, 
Maix  n'y  oit  nulz  a  mort  navreis, 
Garis  seront  sans  demeurée. 

233.  Pour  ce  qu'il  ont  tenu  estaul 
Auz  ennemis.  Mets  les  fait  mettre, 
En  une  chambre  en  l'ospitaul. 

En  lour  santeit  pour  ealx  remettre  : 
Lai  s'en  sceit  on  bien  entremettre. 
Or  vous  dirai  ceu  que  contalz 
Ont  lai  perdut,  selon  la  lettre. 

234.  Messire  Aubert  qu'est  de  Narcey 
Lai  fut  ocis  et  tout  frois  mors; 

Li  cuens  en  fait  chanter  Parce 
Et  les  aultres  lisons  des  Mors. 
Quant  les  siens  voit  navrés  et  mors. 
Qui  li  donnaist  le  pourtacey 
Mengiet  n'eiist  ung  tout  seulx  mors. 


LES   ENNEMIS  DÉFAITS.  225 

23 1.   Ceux  de  Jouy  par  ceux  d'Ancy 
Furent  renforcés  à  leur  venue  ; 
Et  les  nôtres  ne  se  sont  pas  amusés, 
Ils  aiment  mieux  soutenir  l'assaut; 
Ils  l'ont  bien  soutenu  jusqu'à  la  fin, 
Les  ennemis  ont  lancé  sur  nous  leurs  archers; 
Ils  ne  peuvent  plus  tenir  l'assaut. 

282.   Il  y  eut  des  morts  et  des  blessés, 
Soyez-en  sûrs,  cette  journée. 
Par  moi  vous  saurez  le  nom  de  plusieurs  , 
Car  j'en  sais  bien  la  renommée; 
Les  nôtres  furent  un  peu  blessés. 
Mais  il  n'y  en  eut  aucun  frappé  à  mort; 
Ils  seront  guéris  sans  retard. 

233.   Pour  ce  qu'ils  ont  tenu  en  échec 
Les  ennemis,  Metz  les  fit  mettre 
En  une  chambre  à  l'Hôpital  ; 
Pour  les  remettre  en  bonne  santé; 
Là  on  sait  bien  prodiguer  les  soins. 
Or  je  vous  dirai  ce  que  les  comtaux 
Ont  perdu  là,  selon  la  lettre. 

234-  Messire  Aubert  de  Narcey 
Là  fut  tué  et  jeté  roide  mort. 
Le  comte  lui  fait  chanter  le  Parce 
Et  les  autres  leçons  de  l'office  des  trépassés. 
Quand  il  voit  les  siens  blessés  et  morts. 
En  vain  lui  eût-on  servi  le  meilleur  repas 
Il  n'aurait  su  manger  une  seule  bouchée. 


226  LA  GUERRE  DE  METZ. 

235.  Soyés  certain,  messire  Aubers 
A  moult  grant  deiil  fut  mis  en  tej're, 
Oncques  hcames  ue  ses  haubers 

Ne  ly  vallont  une  vielz  seire; 
Poe  ait  gaingniet  en  ceste  guerre, 
Combien  qu'il  fut  ung  vaillans  bers 
Et  renommez  en  aultre  terre. 

236.  Ung  escuier  de  la  contrée 
D'Ardenne  ot  mort  lai  vraiement  : 
Il  ot  d'ung  dart  la  liante  outrée 
Parmy  le  chief  villainnement. 
Navrés  y  ot  certainnement 

Bien  xxv  celle  journée; 

Maix  je  me  veul  passer  briesment. 

23^.   Après  cest  fait  que  vous  ait  dit, 
Quart  jour  devant  la  saint  Grégoire, 
Je  croy  se  fut  le  vanredi. 
Bien  l'ai  encor  en  ma  mémoire, 
Cil  de  Mets  ont  prise  lor  oire  ; 
Vers  Briey  vont  sen  contredi. 
Vous  savés  bien  cest  chose  veoire. 

238.  Le  matinet  quand  il  ajorne 
Que  les  gens  vont  en  lour  ouvraige, 
Cilz  de  Mets  sont  venus  sus  Orne; 
De  neis,  de  planches  font  passaiges, 
Par  lai  passeit  on  le  rivaige. 
De  la  pitaille  la  sejorne 
Une  partie  au  fier  couraige. 


LES  ENNEMIS  DÉFAITS.  227 

235.  Soyez  certains  que  messire  Aubcrt, 
A  grand  deuil  fut  mis  en  terre. 

Ce  jour-là  son  heaume  ni  son  haubert 

Ne  lui  valurent  non  plus  qu'une  vieille  ferraille. 

Il  a  peu  gagné  à  cette  guerre, 

Quoiqu'il  fût  un  vaillant  baron 

Et  renommé  en  autre  terre. 

236.  Un  écuyer  du  pays 
D'Ardennes  est  mort  aussi  là  vraiment  : 
Il  eut  d'une  lance  la  hampe  poussée 

A  travers  la  tête,  cruellement. 
Des  blessés,  il  y  en  eut  certainement 
Bien  vingt-cinq  en  cette  journée; 
Mais  je  veux  en  finir  brièvement. 

23^.   Après  ce  fait  que  je  viens  de  vous  dire. 
Le  quatrième  jour  avant  la  saint  Grégoire, 
Je  crois  que  ce  fut  le  vendredi. 
Je  l'ai  bien  encore  en  la  mémoire, 
Ceux  de  Metz  se  sont  mis  en  route  ; 
Vers  Briey  ils  vont  sans  obstacle, 
Vous  savez  bien  que  c'est  chose  vraie. 

.    238.   Dès  le  matin,  au  lever  du  jour, 

Quand  les  gens  vont  à  leur  ouvrage. 

Ceux  de  Metz  sont  arrivés  sur  l'Orne  ; 

Ils  font  un  pont  de  bateaux  et  de  planches, 

Grâce  auquel  ils  passent  la  rivière. 

Là  s'arrête  des  gens  de  pied 

Une  partie,  au  fier  courage. 


228  LA  GUERRE  DE   METZ. 

23r).   Puis  ont  les  gent  de  la  citeit 
Devers  Briey  fait  mains  damaige  ; 
Vollentier  on  lai  visitci, 
Car  li  contes  fîst  grant  oultraige 
Quant  eu  avoit  maint  avantaige 
De  cialx  de  Mets,  en  veriteit, 
Et  mains  deniers  sen  laissicr  gaige. 

240.  Tout  le  paiis  bruit  et  art, 
N'i  est  remise  ville  entire. 

Cil  de  Briey  n'ourent  rewart 
Qu'ilz  se  tinrent  en  lour  tanière; 
Le  feu  voient  et  la  fumiere 
Par  la  terre  qu'est  Andowairs, 
Et  par  devant  et  par  darriere. 

241.  Cilz  d'Apremont,  que  deffiait 
Tous  ceulx  de  Mets  par  la  requeste 
Auz  ennemins,  pardu  y  ait 

Et  mainte  ville  et  mainte  beste. 
Si  grant  meschief  ne  tel  tempeste 
N'oy  conter  trop  grant  pièce  ait  : 
On  en  puet  bien  chanter  de  geste. 

242.  Puis  que  Paris  ravit  Halenne 
Dont  Troie  ardeit  Menelaûs, 

Ne  dès  le  temps  que  tient  le  rengne 
Après  Herode  Archilaùs, 
Ne  puis  que  Job  habitait  Hus, 
Ne  fut  tel  feu  comme  en  Lorenne 
On  vertus  fait  Nicholaûs. 


LES  ENNEMIS  DÉFAITS.  229 

239.  Puis  les  gens  de  la  cité  ont 
Vers  Briey  fait  maints  dommages  : 

C'est  volontiers  qu'ils  ont  envahi  ce  pays, 
Car  le  comte  leur  a  fait  grands  outrages  : 
Quoiqu'il  eût  tiré  maints  avantages 
De  ceux  de  Metz,  en  vérité. 
Et  maints  deniers  sans  donner  de  £ra£îes. 

240.  Tout  le  pays  est  incendié  et  brûlé, 
Il  n'y  reste  pas  un  village  intact. 

Ceux  de  Briey  ne  pensèrent  qu'à  une  chose, 
Se  renfermer  en  leur  tanière  ; 
Ils  voient  partout  feu  et  fumée 
Par  la  terre  qui  est  à  Edouard, 
Et  par  devant  et  par  derrière. 

24 1  •  Le  seigneur  d' Apremont  qui  défia 
Tous  ceux  de  Metz,  à  la  requête 
Des  ennemis,  y  a  perdu 
Et  maint  domaine  et  mainte  bête. 
Tel  dommage  ni  telle  tempête 
Je  n'entendis  conter,  depuis  longtemps  : 
On  en  peut  bien  faire  une  chanson  de  geste. 

242.   Depuis  que  Paris  ravit  Hélène, 
Ce  qui  fit  brûler  Troie  par  Ménélas, 
NI  depuis  le  temps  que  régna 
Après  Hérode  Archélaûs, 
Ni  depuis  le  temps  que  Job  habita  Hus, 
Ne  fut  tel  feu  qu'en  Lorraine, 
Où  saint  Nicolas  opère  ses  miracles. 


230  LA   GUERRE   DE  METZ. 

243.   Répariez  sont  en  leur  maisons 
Quant  la  terre  fut  dcgastée; 
Il  estolt  bien  temp  et  saisons, 
Car  il  firent  très  granl  journée  : 
Plussieurs  bestes  ont  ranionnéc 
Cilz  d'Anglemur  et  de  Taisons, 
Et  cilz  qui  prennent  les  sodées. 


XII. 


244-   Or  vous  dirai  le  grant  meschiefz 
Que  le  mardi  après  avint  : 
Une  assamblée  de  rechiez 
Devers  Failly  d'ennemis  vint  ; 
Lai  des  vignours  morir  coyint, 
Tranchiés  olrent  on  bras  00  chiefz. 
Oncques  si  grant  murtre  n'avint. 

245.   Lai  ot  grant  deul  et  grant  domaige, 
De  sanc  y  ot  trop  respanduit; 
Li  ennemis  tuis  plain  de  raige 
Furent  a  pied  tous  dessendus, 
En  III  lieus  ont  assault  rendus, 
Et  cilz  qu'ierent  en  lour  owraige 
Tant  com  porrent  sont  deffendus. 


CRUAUTÉS   ET  SACRILÈGES.  281 

243.  Ils  se  sont  retirés  chez  eux 
Après  avoir  dévasté  le  pays  ; 
Il  en  était  bien  temps  et  saison, 
Car  ils  firent  là  une  grande  journée  : 
Ils  ont  ramené  des  bêtes  en  grand  nombre, 
Ceux  d'Anglemur  et  de  Taison, 
Et  ceux  qui  sont  à  la  solde  de  Metz. 


CRUAUTÉS   ET   SACRILÈGES. 


244-   Or  je  vous  dirai  le  grand  malheur 
Qui  le  mardi  d'ensuite  advint  : 
Derechef,  une  troupe 
D'ennemis  vint  vers  Failly. 
Là,  des  vignerons  furent  mis  à  mort, 
Ils  eurent  la  tête  ou  les  bras  tranchés, 
Jamais  on  ne  vit  meurtre  si  cruel.        * 

245.  Là  fut  grand  deuil  et  grand  dommage^ 
Là  fut  beaucoup  de  sang  répandu. 
Les  ennemis,  tout  pleins  de  rage. 
Sont  tous  descendus  de  cheval  ; 
En  trois  lieux  ils  ont  donné  l'assaut, 
Et  les  vignerons,  qui  étaient  à  leur  ouvrage , 
Autant  qu'ils  ont  pu,  se  sont  défendus. 


3S2  LA  GUERRE  DE  METZ. 

246.  Que  mors  que  pris  on  qu'afoUcis 
Des  iiostre  y  ot  plus  de  xl, 

Chescuu  en  doit  estre  adoleis. 

Qu'il  foient  en  vigne  on  en  plante, 

Raportei  n'ont  entière  hante; 

Chescun  fut  lai  si  triboleis 

Qu'au  plus  haitiés  convint  grant  tante. 

247.  Et  quant  se  vint  au  départir, 
Navrés  y  ot  maintz  de  Baliaigne. 

Li  nostre  sont  verai  martirs. 
Dieu  les  ressoice  en  sa  compaigne, 
Et  Bahegnons  trestous  meshaignc  ! 
Qu'il  ne  scevent  riens  que  murtrir 
Ou  derobeit,  qui  que  s'en  plaigne. 

248.  Des  Bahegnons  les  fais  je  tien 
A  droit  murte,  non  pas  a  guerre, 
Car  cil  de  Mets  sont  boin  crestien, 

Il  n'ait  millour  en  nulle  terre. 
Il  ne  scevent  nullui  forquerre. 
Il  ne  prenent  s'on  ne  dit  :  tien. 
Il  n'aimment  pas  murtrour  ne  lerre. 

249.  Sus  sarazins  ou  sus  paiens 
Pourquoy  ne  vont  nostre  adversaire, 
Quil  ne  prisent  m  pois  baiems 
D'omme  tuer  quil  nait  que  daire. 
Ne  tenons  pas  leur  exemplaire. 
Combien  que  nous  la  cause  aiens 
Homicide  sus  eaulx  de  faire. 


CRUAUTÉS  ET    SACP.ILÉGES.  253 

246.  Tant  morts  que  pris  ou  que  blessés, 
Il  y  eut  des  nôtres  plus  de  quarante, 
Chacun  en  doit  être  affligé. 

Quoiqu'ils  bêchassent  leur  vigne  ou  leur  plante, 
Les  ennemis  ne  rapportèrent  pas  une  hampe  intacte  ; 
A  l'action  chacun  s'échauffa  tellement 
Que  les  mieux  portants  durent  se  mettre  au  lit. 

247.  Et  quand  ils  vinrent  à  s'en  aller 
Ceux  de  Bohême  comptèrent  maint  blessé; 
Les  nôtres  sont  de  véritables  martyrs, 
Dieu  les  reçoive  en  sa  compagnie, 

Et  maudisse  tous  ceux  de  Bohême  1 
Car  ils  ne  savent  rien  que  meurtrir 
Et  piller,  qui  que  s'en  plaigne. 

248.  Les  faits  de  ceux  de  Bohême,  je  les  tiens 
Pour  vrais  meurtres  et  non  pour  faits  de  guerre, 
Car  ceux  de  Metz  sont  bons  chrétiens, 

Il  n'en  est  de  meilleurs  en  nulle  terre. 
Ils  ne  savent  faire  de  tort  à  personne. 
Ils  ne  prennent  que  si  on  dit  :  tiens  ! 
Ils  n'aiment  ni  meurtriers  ni  larrons. 

«k     249-   Sur  les  Sarrasins  ou  les  païens 
Pourquoi  ne  vont  nos  ennemis, 
Eux  qui  ne  prisent  trois  pois  chiches 
Le  meurtre  d'hommes  désarmés  ? 
Ne  suivons  pas  de  tels  exemples. 
Bien  que  nous  ayons  le  juste  droit 
De  commettre  sur  eux  des  homicides  ! 


23!i  LA   GUERRE   DE   METZ. 

25o.   Quant  sus  le  conte  ou  sus  le  roy 
Cil  de  Mets  vont  arde  on  penir, 
Sans  murtrc  faire,  lour  conroi 
Se  scevent  bien  tuit  maintenir 
Et  a  l'aler  et  a  venir; 
Il  n'ont  cure  de  tel  desroi, 
Nulz  des  villains  ne  font  fenir. 

23  1.   Dite  vous  donc  c'est  vacellaiffe 
D'homme  tuer  de  ces  villois  ? 
Gerte  non  est,  ains  est  outraige 
Et  contre  Dieu  et  contre  lois. 
Romain  dient  et  li  Gallois  : 
Qui  ne  lait  faire  le  gaingnaige 
De  tout  doit  bien  estre  malois. 

252.  Je  ne  vous  veul  plux  faire  conte 
Des  Bahegnons,  sont  trop  hautain. 
Après  cest  fait,  font  une  trompe 
Sonneir  de  Mets  li  chevetain  ; 

Li  soldiour  et  li  citain, 
Pour  l'oïe  de  celle  trompe , 
S'armèrent  tuit,  soiez  certain. 

253.  Ce  fut  la  nuyt  c'on  fait  la  feste 
Que  Dieu  prlnt  char  en  la  pucelle 
Que  fut  tant  saige  et  tant  honneste 
Qu'a  l'aingle  dit  :  Je  sus  ancelle 

A  cest  Signeur  que  tous  appelle. 
Quanques  Eva  fîst  de  moleste, 
A  celui  jour  Jve  rapelle. 


CRUAUTÉS  ET  SACRILÈGES.  285 

25o.   Quand  sur  les  terres  du  comte  ou  du  roi 
Ceux  de  Metz  vont  brûler  et  saisir, 
Sans  faire  de  meurtre,  leurs  gens 
Se  savent  bien  tous  maintenir. 
Et  à  l'aller  et  au  retour  ; 
Ils  n'ont  souci  de  tels  méfaits. 
Ils  ne  font  périr  aucun  villageois. 

201.   Dites-vous  donc  que  c'est  vaillantise 
Que  de  tuer  des  laboureurs? 
Non  certes  pas,  mais  c'est  outrage 
Et  contre  Dieu  et  contre  les  lois  ; 
Les  Romains  disent,  comme  les  Français, 
Que  celui  qui  met  obstacle  à  la  culture  de  la  terre 
De  tous  doit  bien  être  maudit. 

252-  Je  ne  veux  plus  vous  parler 
De  ceux  de  Bohême,  ils  sont  trop  inhumains. 
Après  cet  exploit,  ont  fait  de  la  trompe 
Sonner  les  capitaines  de  Metz  ; 
Les  soldoyeurs  et  les  citains. 
Au  son  de  cette  trompe. 
S'armèrent  tous,  soyez-en  certains. 

253.   Ce  fut  la  nuit  qu'on  fait  la  fête 
Ou  Dieu  prit  chair  en  cette  viergc_, 
Qui  fut  si  sage  et  si  sainte, 
Qu'elle  répondit  à  l'ange  :  «  Je  suis  servante 
Du  Seigneur  qui  appelle  à  lui  tous  les  hommes.  » 
Tout  ce  que  Eve  fit  de  mal. 
En  ce  jour-là  Marie  le  répare. 


2S6     ■  LA  GUERRE  DE  METZ. 

254-   Quant  sont  armel,  lors  chevalclierent 
En  la  duchié  vers  Roupedanges  ; 
Plussieurs  seigneurs  adamagerent  : 
C'est  Sallebruche  et  Fenestranges, 
Cel  de  Maingnes,  cel  de  Crehanges  ; 
Maix  li  duchalz  plux  y  pardeirent, 
Oncques  n'ourent  si  grant  coustanges. 

255.  Vers  Wernepet  toute  la  terre 
Fut  lors  en  feu  et  en  fumiere  ; 

Il  li  faulroit  longement  querre 
Qui  vorroit  veoir  maison  entière. 
Encor  n'ont  ars  en  tel  manière 
Dèz  le  premier  jour  de  la  guerre. 
Wairise  en  fut  arse  darriere. 

256.  Quarante  villes  sens  les  grainges 
Et  les  moUins  y  ont  brûlées. 

Li  duchault  ont  trouveit  estrainges 
Citains  et  cialx  qui  ont  soldées  ! 
Plussieurs  proies  ont  ramonnées 
Et  maint  homme  laissiet  en  lainge, 
Maix  n'y  ot  nulz  ferruz  d'espées. 

257.  Cilz  du  paiis  fuirent  com  lièvres, 
Nuis  estoient,  c'est  avantaige. 

De  la  paour  perdent  les  fièvres 

Li  deshaitiet  et  lor  malaiges. 

Tuit  s'en  fuirent  vers  les  bocaiges; 

Il  ont  perdus  aisnes  et  chievres, 

Et  tous  leurs  ])iens  par  leurs  oultraiges. 


CRUAUTÉS  ET  SACIIILÉGES.  237 

234-   Quand  ils  furent  armés,  ils  chevauchèrent 
Dans  le  duché,  vers  Roupeldange  ; 
Ils  ravagèrent  plusieurs  seigneuries  : 
Celles  de  Sarrebruck  et  de  Fénestrange, 
Celle  de  Mengen,  celle  de  Créhange  ; 
Mais  les  duchaux  y  perdirent  plus  encore, 
Jamais  ils  ne  subirent  de  si  graves  dommages. 

255.  Vers  Warsberg  tout  le  pays 
Fut  alors  mis  en  feu  et  fumée. 

Il  lui  faudrait  chercher  longuement 
A  qui  voudrait  voir  une  maison  intacte. 
Ils  n'ont  pas  encore  brûlé  de  telle  manière 
Depuis  le  premier  jour  de  la  guerre . 
Varize  fut  brûlée  la  dernière. 

256.  Quarante  métairies  sans  compter  les  granges 
Et  les  moulins  furent  brûlés. 

Les  duchaux  ont  trouvé  terribles 

Les  citains  et  ceux  qui  sont  à  leur  solde  ; 

Ceux-ci  ont  ramené  de  nombreuses  proies 

Et  laissé  maint  homme  en  chemise. 

Mais  il  n'y  en  eut  pas  de  frappés  par  l'épée. 

257.  Ceux  du  pays  fuient  comme  des  lièvres. 
Ils  sont  tous  nus,  ce  n'en  est  que  plus  commode  ; 
La  grande  peur  guérit  de  la  fièvre 

Et  de  toute  souffrance  ceux  qui  sont  malades, 

Tous  s'enfuient  vers  les  bois  ; 

Ils  ont  perdu  ânes  et  chèvres , 

Et  tous  leurs  biens,  en  punition  de  leurs  outrages. 


238  LA  GUERRE  DE  METZ. 

258.  Li  cuens,  li  duc  sont  correciés 
Pour  lour  terre  qu'est  degastée  ; 

Entre  eaulx  dirent  :  «  Trop  sont  bleciez, 

«  Envoions  tost  par  la  contrée, 

«  Faisons  In-iefinent  nostre  assamblée; 

«   S'estre  deviens  tuis  despeciés, 

«   Encor  iert  Mets  environnée.  » 

259.  Entrant  ses  gens  chescuin  assemble, 
Qu'il  n'y  at  pas  longement  mis, 

A  l'avesque  de  Verdun  semble 
Qu'encor  ait  Mets  poc  d'ennemnis  : 
Par  ung  prescliour  qu'il  ait  tramis 
Tous  cialx  de  Mets  deffie  ensamble; 
Estre  ne  veult  plux  lor  amis. 

260.  Quant  ont  aeu  lour  mandement 
Li  cuens  de  Bair,  Ferry  li  dus, 
Parmy  le  Valz  vinrent  brifment. 

De  ceu  sus  je  trop  asperdus. 
Quant  la  sepmenne  on  Deu  vandus 
Fuit  au  Juifz  pour  nous  vilement, 
Ont  devant  Airs  lour  trais  tendus. 

261.  Il  ont  les  vignes  atrapeies 
ïrestout  a  fait  et  tout  par  orde; 
De  paicelz  ont  les  grant  moiées 
Toutes  arses,  sen  rien  estorde. 
Conscience  les  doit  remordre 
Quant  les  vignes  ont  degastées; 
Mieulx  lor  valxist  lour  laingue  mordre. 


CRUAUTÉS  ET  SACRILÈGES.  239 

258.  Le  comte  et  le  duc  sont  courroucés 
De  voir  leur  terre  ainsi  ravagée  ; 

Ils  se  disent  entre  eux  :  «  Nous  sommes  trop  mal- 

«  Envoyons  nos  ordres  par  la  contrée,        [traités; 

«  Pour  réunir  nos  gens  sans  délai  ; 

«  Puisque  nous  sommes  ainsi  mis  en  pièces, 

«  Il  faut  que  Metz  soit  encore  assiégée.  » 

259.  Pendant  que  chacun  assemble  ses  gens. 
Ce  qu'il  n'a  pas  mis  de  retard  à  faire, 

A  l'évêque  de  Verdun  il  semble 
Que  Metz  a  encore  trop  peu  d'ennemis: 
Par  un  frère  prêcheur,  son  messager, 
Il  défie  tous  ceux  de  Metz  ensemble  ; 
Il  ne  veut  plus  être  leur  ami. 

260.  Quand  ils  ont  fait  leur  mandement, 
Le  comte  de  Bar  et  le  duc  Ferry 
Vinrent  rapidement  dans  le  Val. 

D'une  chose  je  suis  tout  éperdu, 

C'est  qu'en  la  semaine  où  Dieu  fut  vendu 

Aux  Juifs  pour  nous,  à  vil  prix, 

Ils  ont  devant  Ars  dressé  leurs  tentes  ! 

261.  Ils  ont  coupé  les  vignes. 
Complètement,  par  ordre  exprès; 
Les  grands  amas  d'échalas , 

Ils  les  ont  tous  brûlés,  sans  en  rien  laisser. 
Leur  conscience  doit  avoir  des  remords 
D'avoir  ainsi  saccagé  les  vignes  ; 
Mieux  leur  eût  valu  se  mordre  la  langue. 


2ft0  LA  GUERRE  DE  METZ. 

262.  Il  en  auront  confusion 
Et  grant  honte,  bien  le  sachiez. 
On  temps  qu'on  list  la  passion 
De  Jhesucrist,  qui  ataichiez 

Fut  en  la  croix  pour  nos  péchiez, 
Quant  n'ont  eii  compassion, 
C'est  hérésie  et  grant  meschiez. 

263.  Quant  par  Judas  fut  Jhesucrist 
Vendus,  lai  ot  utilité, 

Si  com  tesmoingne  li  escript, 
Tuit  en  fumes  d'enfer  getteit  ; 
Maix  on  peut  dire  en  veriteit 
Qu'autretel  sont  comme  Anthecris 
Qu'en  lour  fait  n'ait  qu'iniquiteit. 

264.  Or  me  dites  ait  il  prouaige 
En  destruire  vignes  et  bois  ? 
Nennil  certe,  maix  grant  damaige; 
Ne  le  tenés  pas  a  gabois. 

Il  ont  destruit  tous  les  villois, 
Aulteit  brisiez  et  maintz  ymaiges  : 
C'est  contre  Dieu  et  contre  loys. 

265.    Or  vous  dirai  que  j'ai  pancei 
De  cialz  de  l'ost  quant  j'oy  l'estre; 
En  mon  cuer  dit  :  cil  de  Nancey 
Ne  devroit  plux  chevallier  estre. 
Quant  la  maison  au  roy  celestre 
Abatue  ait  qu'iert  a  Ancey  ; 
Garder  la  deust  par  sainct  Silvestre. 


CRUAUTÉS  ET   SACRILÈGES.  2'4l 

262.  Ils  en  auront  confusion 
Et  grande  honte,  sachez-le  bien  ! 
Au  temps  qu'on  lit  la  Passion 
De  Jésus-CIirist,  qui  fut  attaché 
A  la  croix  pour  nos  péchés, 

Ne  pas  en  avoir  compassion, 
C'est  hérésie  et  grand  sacrilège  ! 

263.  Alors  que  par  Judas  fut  Jésus-Christ 
Vendu,  ce  forfait  eut  du  moins  pour  résultat. 
Ainsi  que  le  témoigne  l'Ecriture, 

De  nous  faire  tous  échapper  à  l'enfer; 
Mais  on  peut  dire  en  vérité  : 
De  telles  gens  sont  comme  l'Antéchrist, 
Et  qu'en  leur  fait  il  n'y  a  qu'iniquité. 

264.  Or  dites-moi,  est-ce  prouesse 
Que  détruire  vignes  et  bois  ? 

Non  pas,  certes  !  mais  grand  dommage  ; 
Ne  le  prenez  pas  en  plaisanterie , 
Ils  ont  détruit  tous  les  villages. 
Brisé  les  autels  et  maintes  statues. 
C'est  pécher  contre  Dieu  et  les  lois! 

265.  Maintenant  je  vous  dirai  ce'  que  je  pense 
De  ceux  de  l'armée  quand  j'appris  leurs  actes; 
En  mon  cœur  j'ai  dit  :  Le  duc  de  Lorraine 

Ne  devrait  plus  être  chevalier, 

Quand  la  maison  du  roi  céleste 

Il  a  abattue,  qui  était  à  Ancy; 

Il  eût  dû  la  respecter,  par  saint  Sylvestre  ! 

i6 


2i2  LA  GUERUE  DE  METZ. 

266.  Li  chevalier  doient  deffendre 
Prestre  et  clerc  et  saincte  aglise  ; 

On  doit  blâmer  et  bien  reprendre 
Cialz  qui  non  font  en  ces  te  guise. 
Li  dus  n'ait  foy  ne  gentelisse, 
Quant  de  Celui  qui  en  croix  pendre 
Volt  pour  nous,  ait  la  teste  prise. 

267.  Encor  veult  Dieu  crucifier 
Et  délivrer  auz  faulx  Juifz; 

Nulz  ne  s'en  doit  en  lui  fier, 

Trop  ait  de  Jeus  en  sou  paiis  ! 

Cilz  qu'aimment  Dieu,  honour  et  pris, 

Le  debvroient  tuit  deffier 

Par  quoy  fut  mors,  navrés  ou  pris, 

2G8.   Or  parlerai  sus  Endowairs 
Qu'a  tort  lieit  Mets;  c'est  l'ung  des  un. 
Par  lui  n'ont  pas  estez  cowars 
Don  cloclîier  d'Ars  sus  homme  abatre, 
Violeit  ont  l'église  et  l'aitre, 
Tuît  ont  haeu  malvais  rowart  : 
Mieulx  lour  valcist  leur  corpe  batre. 

269.  J'ai  bien  raison  se  tout  l'ost  hlasme, 
Car  partout  vait  la  renommée 
C'une  ymaige  de  Nostrc  Damme 
Qu'estoit  on  Vault  ont  descoupée, 
Maint  colz  y  oit  feruit  d'espée, 
De  haiclie  grant  ou  de  jhusarme  : 
Hérésie  est  toute  esprouvée. 


CRUAUTÉS    LT   SACRILEGES.  2hi 

266.  Les  chevaliers  doivent  défendre 
Prêtres  et  clercs  et  sainte  Eglise  ; 
On  doit  blâmer  et  fortement  reprendre 
Ceux  qui  agissent  d'une  autre  manière; 
Un  duc  n'a  plus  foi  ni  noblesse 
Quand  de  Celui  qui  voulut  être  suspendu  à  la  croix, 
Pour  nous,  il  a  pris  la  tète  ! 

2G7.   Il  veut  encore  crucifier  Dieu 
Et  le  livrer  aux  perfides  Juifs  ; 
Nul  ne  doit  mettre  sa  confiance  en  lui , 
Il  y  a  trop  de  Juifs  en  son  pays  ! 
Ceux  qui  aiment  Dieu,  l'honneur  et  la  gloire, 
Devraient  tous  le  défier. 
Jusqu'à  ce  qu'il  soit  mort,  blessé  ou  pris. 

268.  Or,  je  vais  parler  d'Edouard, 

Qui  à  tort  hait  Metz  ;  c'est  l'un  des  quatre. 
Par  son  ordre  n'ont  pas  été  couards 
Ses  hommes,  pour  abattre  le  clocher  d'Ars, 
Ils  ont  violé  l'église  et  le  cimetière; 
Tous  ont  eu  cette  mauvaise  inspiration; 
Il  leur  eût  mieux  valu  battre  leur  coulpe  ! 

269.  J'ai  bien  raison  d'accuser  toute  l'armée, 
Car  partout  va  la  renommée 

Qu'une  image  de  Notre-Dame, 
Qui  était  à  Vaux ,  a  été  brisée  par  eux  ; 
Ils  ont  frappé  sur  elle  maint  coup  d'épée, 
De  grande  hache  ou  de  guisarme. 
Ijcur  hérésie  est  par  là  toute  prouvée  ! 


2W  LA  GUERRE  DE  METZ. 

270.   Eiicor  vault  pix  c'uin  crucify, 
Ont  jusqu'aiis  brais  en  terre  mis. 
Laissiet  out  Deu,  je  vous  affy, 
Tous  les  ait  pris  li  ennemis. 
Amencis  ont  les  faulx  Juis 
Qui  (le  la  loy  Deu  (lient  :  fy  ! 
Si  «nt  (lestruit  tout  le  paiis. 

27  I .  Dopaciet  ont  la  remenbrancc 
De  Jhesucrist  et  de  sa  merre  : 
Je  vous  (lit  bien,  selon  ma  crance, 
Deu  en  penrait  vengence  ameire. 
Onc(|ues  maix  u'ot  tel  vituptere, 
Si  grant  mescliiez  ne  tel  viltance 
Devers  France  n'en  tout  l'Empire. 

272.  Quant  Sarazins  ont  guerre  entre  eaulz 
Honneur  portent  a  leur  ydolles  ; 

Maix  li  (lus  est  plus  desloiaulz  ; 
De  Deu  laissiei  ait  les  escolles, 
Car  les  Juifz  par  ces  paroUes 
Ail  ameneis  avec  loiaus  ; 
Dolent  en  yert  li  apostolles. 

273.  Or  vous  larai  ci  d(\s  Barois 
Et  des  ducliaulz  et  de  leur  geste, 
Des  mais  c'ont  fait  et  dt^s  desrois , 
Car  je  me  plain  plux  don  grant  preste 
Des  Verdenoys,  (pii  ait  la  teste 

Veil  coper  au  roy  des  roys 
C'oncjués  au  cuer  n'en  ot  moleste. 


CRUAUTES  ET  SACRILEGES.  245 

270.  Ils  ont  fait  pis  encore  :  un  crucifix 
A  été  par  eux  mis  en  terre  juscj[u'aux  bras; 
Ils  ont  renié  Dieu,  je  vous  l'affirme, 

Le  diable  a  fait  d'eux  tous  sa  proie. 
Ils  ont  amené  les  perfides  Juifs 
Qui  de  la  loi  de  Dieu  disent  :  fi  ! 
Et  ils  ont  détruit  tout  le  pays. 

27 1 .  Ils  ont  mis  en  pièces  l'image 
De  Jésus-Christ  et  de  sa  Mère. 

Je  vous  le  dis,  selon  ma  croyance, 
Dieu  en  prendra  une  amèrc  vengeance; 
Jamais  il  ne  fut  un  semblable  outrage. 
Un  acte  si  honteux,  une  telle  méchanceté 
Ni  en  France  ni  dans  tout  l'Empire. 

272.  Quand  les  Sarrasins  ont  guerre  entre  eux 
Ils  rendent  honneur  à  leurs  idoles, 

Mais  le  duc  est  plus  déloyal; 
Il  a  laissé  là  les  enseignements  de  Dieu, 
Car  les  Juifs,  grâces  à  ses  paroles. 
Ont  été  amenés  avec  les  chrétiens  ; 
L'Apostole  en  sera  affligé. 

273.  Or  je  cesse  de  parler  des  Barrisiens 
Et  des  duchaux  (>t  de  leurs  actes , 

Des  maux  et  des  ravages  qu'ils  ont  fiiits , 

Car  je  me  plains  davantage  encore  du  pontife 

De  Verdun,  qui  a  vu 

Couper  la  tète  au  roi  des  rois. 

Sans  en  avoir  le  cœur  chagrin. 


2ft6  LA  GUEURE  DE  METZ. 

274.  S'iieiit  ovreit  com  loial  paistre, 
Tantost  hciit  prise  vengencc 
De  claiilx  qui  ont  brisiez  les  a  très 
Et  les  moustiers,  et  tel  viltance 
Ont  fait  de  Dieu  a  la  semblance  ; 
Maix  n'est  pas  filz,  maix  clrois  fillaistre, 
Bien  en  oyés  la  clemonstrance. 

273.   A  poc  se  tient  que  ne  m'asomme 
Quant  me  sovient  de  tel  ministre  ! 
Se  j'estoie  pape  de  Romme 
Je  le  tenroie  en  mon  chapitre, 
Jamais  n'avu'oit  d'avesque  titre. 
Plux  ait  mespris  que  li  aultrc  homme, 
Perde  en  doit  bien  et  crosse  et  mitre. 


XlII. 


27G.   L'an  mil  iii'^v  après  xx, 
Le  grant  mardi,  a  pied  don  pont 
Piere  de  Bair  pour  trives  vint. 
Maix  la  Justice  li  respont  : 
«  Citain  trives  n'otrieront, 
Car  oncque  maix  tel  fait  n'avint  ; 
Combien  qu'il  tairt,  s'en  vengeront.  » 


TRÊVE  REFUSÉE.  —  DÉROUTE.  a 

274-   S'il  eût  agi  comme  un  bon  pasteur, 
Il  eût  aussitôt  pris  vengeance 
De  ceux  qui  ont  violé  les  saints  parvis, 
TjCS  églises,  et  par  qui  telle  offense 
A  été  faite  à  l'image  de  Dieu  ; 
Mais  il  n'est  pas  fils,  mais  fiUâtre  de  l'Eglise, 
Vous  en  avez  bien  la  preuve, 

275.  A  peu  ne  tient  que  je  ne  me  révolte, 
Quand  il  me  souvient  d'un  tel  prélat. 
Si  j'étais  pape  de  Rome, 
Je  le  tiendrais  dans  ma  prison  capitulaire. 
Jamais  il  n'aurait  titre  d'évèque. 
Il  s'est  conduit  plus  indignement  qu'aucun  autre, 
Il  doit  bien  en  perdre  et  crosse  et  mitre. 


TRÊVE   REFUSÉE   AUX   ALLIÉS.    —    LEUR   DÉROUTE. 


276.  L'an  mil  trois  cents  et  vingt-cinq. 
Le  mardi  saint,  au  pied  du  pont, 
Pierre  de  Bar  vint  parler  de  trêve; 
Mais  les  seigneurs  de  la  Justice  lui  répondent  : 
«  Les  citains  n'accordent  pas  de  trêve. 
Car  jamais  on  ne  vit  rien  de  pareil  ; 
Tôt  ou  tard  ils  se  vengeront.  » 


2(i8  LA  GUERRE  DE  METZ. 

277.  Pierc  eu  l'ost  est  repairiez 
Conques  ue  pot  trives  avoir  ; 
Coutre  lui  c'est  li  dus  iriez, 

Se  li  ait  dit  :  qu'i  prcut  avoir 
De  cialz  de  Mets  et  fait  savoir 
Comment  chescun  est  empiriez, 
On  s'eiï  peut  bien  apercevoir. 

278.  Messire  Pierre  respondist  : 
«   Certe  a  tort  m'avés  repris, 

«  Il  n'est  pas  voir,  que  que  on  dit, 

«  Oncque  deniers  de  Mets  ne  pris. 

«  Se  vous  ozeis  conquerre  pris, 

«  L'yawe  passés,  citain  m'ont  dit; 

«  De  la  bataille  ont  conseil  pris.  » 

279.  Adonc  en  l'ost  très  grant  bataille     , 
Deiist  avoir  et  grant  mellée  ; 

Li  chevalchour  et  la  piétaille 
Se  rengirent  sen  demourée. 
Maint  grant  coutel  et  mainte  espée 
Dont  l'alemcUe  très  bien  taille 
Ont  trais  entre  eulx  selle  vesprée. 

280.  Briement  entre  eulx  se  racorderent, 
Ferut  n'y  ot  col  ne  collée  ; 

L'yawe  passer  oncque  n'ozeirent 

Qu'il  doutoient  avoir  mellée. 

De  repairier  en  lour  contrée  t 

Au  merquedi  tuit  s'acordeirent, 

Plux  ne  lour  plait  la  demourée. 


TRÊVE  REFUSÉE.  —  DÉROUTE,  2ft9 

277.  En  l'armée  Pierre  s'est  retiré, 
Sans  avoir  pu  obtenir  de  trêve; 
Contre  lui  le  duc  s'est  mis  en  colère 
Et  lui  a  dit  :  qu'il  avait  reçu  argent 

De  ceux  de  Metz  et  leur  avait  fait  connaître 
La  position  fâcheuse  de  chacun  des  alliés; 
Qu'on  peut  bien  s'en  apercevoir. 

278.  Messire  Pierre  répondit: 

«  Certes,  c'est  à  tort  que  vous  m'avez  repris  : 

«  Il  n'est  pas  vrai,  quoi  que  l'on  dise, 

«  Que  jamais  j'aie  reçu  un  denier  de  Metz; 

«  Si  vous  osez  disputer  la  victoire, 

«  Passez  l'eau,  m'ont  dit  les  citains  ; 

«  Ils  sont  résolus  à  livrer  bataille.  » 

279.  Alors  en  l'armée  grand  tumulte 
Dut  se  faire,  et  grande  mêlée  ; 

Les  chevaucheurs  et  les  gens  de  pied 

Se  mettent  en  ordre  de  bataille  sans  retard. 

Maint  grand  coutelas  et  mainte  épée 

Dont  la  lame  est  bien  affilée 

Ont  été  tirés  entre  eux  cette  vêprée. 

280.  Bientôt  un  accord  se  fît  entre  eux, 
Ils  ne  donnèrent  pas  un  coup  d'épée  ; 

Ils  n'osèrent  jamais  passer  l'eau. 

Car  ils  redoutaient  d'avoir  une  mêlée. 

De  se  retirer  en  leur  pays. 

Le  mercredi,  ils  prirent  la  résolution, 

Point  ne  leur  plaît  de  demeurer  davantage. 


2J0  LA  GUEURE  DE  METZ. 

281.  Droit  au  inartîi  dont  j'ai  conteit 
Aucuns  passcircnt  la  rivicrc  ; 
Plussicurs  y  ot  de  la  conteit, 

J'ai  bien  oyt  d'ialz  la  manière, 
Parmey  Joey  feu  et  fumicre 
De  cliiefz  en  cliiefz  si  ont  bouteit  : 
Bien  ont  du  tout  Deu  mis  arrière. 

282.  Trais  fut  messi  Jaicque  Grounés 
Des  ennemis  celle  journée  ; 

De  tous  malz  est  et  pur  et  nés, 
De  li  est  grant  la  renommée 
Pour  ceu  qu'il  ait  maint  colz  d'espée 
Sus  les  paiens  pour  Dieu  donneit 
Oultre  la  meir,  vers  Galilée. 

283.  Dolente  en  fut  moult  la  Commune 
De  la  citeit  de  cest  outraige. 

Cil  qui  le  ciel  fîst  et  la  lune 

Et  qui  le  fist  a  son  ymaige 

Li  doint  santeit  de  son  malaige, 

Et  li  envoise  tel  fortune 

Qu'il  soit  vengiez  par  son  bernaige  ! 

284.  Des  ennemis  y  ot  noiez 
Quant  vers  Joiey  l'iawe  passèrent; 
Je  ne  quier  jai  pour  eulx  prier 
Car  sens  raisons  les  feus  boutèrent. 
Ciiz  de  noz  neis  adamagerent 

Les  ennemis,  sertain  soies. 
Le  merquedi  si  s'en  râlèrent. 


THÊVE   REFUSÉE.  —  DÉROUTE.  25» 

281.  Dès  le  mardi  dont  j'ai  parlé, 
Un  grand  nombre  passèrent  la  rivière; 
Il  y  en  eut  plusieurs  du  comté, 

J'ai  bien  appris  leur  manière  d'agir, 
Qui  dans  Jouy,  feux  et  incendies, 
D'un  bout  à  l'autre,  ont  allumé. 
Ils  ont  tout  à  fait  mis  Dieu  de  côté  ! 

282.  Messire  Jacques  Grognât  fut  frappé 
D'un  trait  par  les  ennemis,  cette  journée. 
De  tout  vice  il  est  pur  et  net. 

Grande  est  sa  renommée. 
Parce  qu'il  a  maint  coup  d'épée 
Sur  les  païens  frappé  pour  Dieu, 
Par-delà  la  mer,  vers  la  Galilée. 

283.  L'affliction  fut  grande  dans  le  peuple 
De  la  cité,  à  cause  de  cet  accident. 

Puisse  celui  qui  fit  le  ciel  et  la  lune 
Et  qui  créa  l'homme  à  son  image. 
Lui  donner  guérison  de  sa  blessure 
Et  lui  envoyer  une  belle  occasion 
De  se  venger  par  son  grand  courage  ! 

284.  Il  y  eut  des  ennemis  noyés 
Quand  à  Jouy  ils  passèrent  l'eau. 

Je  ne  me  soucie  pas  de  prier  pour  eux, 
Car  ils  mirent  le  feu  sans  raison. 
Ceux  de  nos  nefs  firent  du  mal 
Aux  ennemis,  soyez-en  sûrs. 
Ils  s'en  allèrent  le  mercredi. 


1B2  LA  GUERRE   DE   METZ. 


XIV. 


285.  Or  vous  dirai  ce  qu'il  avint 
Devant  le  fait  dont  j'ai  touchié  : 
Nostre  evesque  on  paiis  vint, 

Se  l'ait  trovcit  moult  cmpecliic. 
Messire  Jacque  chcvaucliié 
Oit  tant  vers  luy  que  il  coviut 
L'evesque  aidicr  son  esvechié. 

286.  Tant  ot  parley  messire  Jaicque 
Que  heit  orgueul  et  tout  enviée, 
Qu'ansois  qu'il  fut  le  jour  de  Pascque 
On  Dieu  leveit  de  mort  a  vie, 

La  Justice  tani  s'umilie 
De  la  citeit  que  li  evesque 
A  nous  citains  se  joint  et  lie. 

287.  Comment  qu'il  soit  des  convenances 
L'esvesque  ait  sa  voUunteit  ; 

Lettres  ont  fait  des  aliances 
Pour  plux  grant  foy  et  loialteit; 
Hommes  auront  a  grant  planleit 
Garnis  d'armes,  d'escuz,  de  lances. 
Or  lour  doint  Dieu  bonne  santeit  ! 


PAIX  AVEC  L'ÉVÈQUE.—  SUCCÈS.  25S 


PAIX   AVEC   I-  ÉVÉQUE.  —  SCCCÊS. 


285.  Or  je  vous  dirai  ce  qui  advint 
Avant  le  fait  dont  j'ai  parlé, 

Car  notre  évêque  vint  au  pays. 
Il  l'a  trouvé  bien  en  désarroi. 
Messire  Jacques  a  chevauché 
Vers  lui  et  tant  fait  qu'il  a  décidé 
L'évêque  à  venir  en  aide  à  son  évèclié. 

286.  Tant  a  parlé  messire  Jacques 
Qui  hait  tout  genre  d'orgueil  et  d'envie, 
Qu'avant  le  jour  de  Pâques , 

Où  Dieu  se  releva  de  mort  à  vie. 
Les  marques  de  soumission  du  conseil 
De  la  cité  font  que  l'évêque 
A  nos  ci  tains  se  réunit  et  se  lie. 

287.  Toutes  les  conventions  établies 
Donnent  satisfaction  à  l'évêque, 

Les  lettres  d'alliance  sont  écrites 
Pour  plus  grande  foi  et  loyauté  ; 
Ils  auront  des  hommes  en  grand  nombre, 
Bien  fournis  d'armes,  d'écus,  de  lances. 
Dieu  leur  donne  bonne  santé  ! 


254  LA  GUERRE  DE  METZ. 

288.  Cilz  affaire  fut  confirmeis, 
Apres  Pakcs  la  quaitre  feire, 
Entre  l'evesque  et  cculx  de  Mets  : 
De  la  guerre  seront  tuit  frères, 

Li  ung  sens  l'aultre  paix  entière 
Ne  puet  faire.  Je  vous  promus 
Lorenne  en  yert  a  grant  misère. 

289.  Après  cest  fait  fist  assavoir 
Li  Rongravos  qu'il  avoit  pris 

Sus  Bahegnons  très  grant  avoir, 
Or  et  argent,  chevaulz  de  pris. 
Benois  soit  cil  qui  l'ait  apris 
A  guerroier,  qu'il  doit  avoir 
A  toutes  cours  honnour  et  pris. 

290.  Or  faite  paix,  tous  les  mehains 
Vous  conteray  a  brief  mot  cours  : 
Après  fut  ars  Chastel  Brehains 

Et  III  villes  et  ïheheicours  ; 
Faire  n'i  polt  li  dus  secours. 
Li  nostre  ont  pris  buef  et  polains, 
Quant  olrent  ars  grainges  et  cours. 

291.  Li  duchaulz  qu'irrent  on  Sanois 
Furent  adonc  moult  esbahis; 

Il  ont  perdus  bleif  et  bernois, 
Entre  eaulx  dient  qu'il  sont  trahis. 
Li  waudessour  ront  envahis 
Bucfs  et  vaiches  dont  S.  Benois 
Ait  dit  souvent  :  aihi  !  aihi  ! 


PAIX  AVEC  L'ÉVÊQUE.  —  SUCCÈS.  255 

288.  Cet  accord  fut  confirmé 
Après  Pâques,  la  quatrième  férié, 
Entre  l'évêque  et  ceux  de  Metz  : 
Dans  la  guerre,  ils  seront  tous  frères. 
L'un  ne  peut  sans  l'autre 
Conclure  la  paix.  Je  vous  promets 

Que  Lorraine  en  sera  en  grande  misère. 

289.  Après  cela  fît  assavoir 
Le  Raugraf  qu'il  avait  fait 

Sur  ceux  de  Bohème  très-riche  prise, 

En  or  et  argent,  et  en  chevaux  de  prix. 

Béni  soit  celui  qui  lui  apprit 

A  guerroyer  ;  il  doit  recevoir 

En  toute  cour  honneur  et  distinction. 

290.  Or  faites  paix,  tous  les  accidents  de  guerre 
Je  vous  conterai  en  peu  de  mots  : 

Après  furent  bridés  Château-Bréhain, 
Trois  autres  villages  et  Thicourt  ; 
Le  duc  ne  put  y  apporter  secours. 
Les  nôtres  ont  pris  bœufs  et  poulains 
Après  avoir  incendié  granges  et  fermes. 

29 1 .  Les  duchaux  qui  étaient  au  Saulnois 
Furent  alors  fort  ébahis  : 

Ils  ont  perdu  blés  et  train  de  culture. 
Ils  disent  entre  eux  qu'ils  sont  trahis. 
Les  éclaireurs,  dans  une  autre  course. 
Ont  pris  bœufs  et  vaches,  dont  Saint-Benoît 
A  gémi  longtemps  :  ahi  !  alii  ! 


250  LA  GUERRE  DE   METZ. 

292.  Uiig  cscuier  de  la  contrée 
L'arcevesque  fut  mors  après, 

Il  ot  don  bui  la  teste  ostée  ; 

Des  vaudissoiir  se  mis!  trop  près, 

Jamaix  n'ireit  avalz  les  prels. 

Il  fut  ocis  droit  a  l'entrée 

D'uin  boix  ou  il  n'ayt  nulz  cyprès. 

293.  Et  (juant  se  vint  au  definer 
Don  moix  d'avril,  certainnement 
Aucuns  de  Mets  pour  clianiiner 

Se  retourneircnt  privenient. 
On  Waran  vont  ignellcnient, 
La  sont  resteit  pour  séjourner  ; 
Faire  v  verront  emcombrement . 

294.  Les  euves  du  valz  de  Gosange 
Et  l'astalon  ont  rameneit. 

Lai  fut  Jehan  de  Wermerange, 
Et  Lowiat  de  Louveney, 
Et  Gererdin  de  Cervigney; 
Tuit  il  doient  avoir  loange, 
Car  bien  se  sont  aideis  penei. 

295.  Celui  jour  fut  de  la  pitaille 
Une  parties  vers  Espanges, 

Lai  ont  rendus  fiere  bataille 

A  la  maignie  de  Brctangues 

Et  a  cialz  qu'ierent  de  Lustanges  ; 

IIII  en  ont  mort,  comment  qu'il  aille. 

Et  m  pris  sans  avoir  couslanges. 


PAIX  AVEC  L'ÉVÊQUE.— SUCCÈS,  257 

292.  Un  c'cuyer  de  la  contrée 
De  l'archevêque  fut  tué  ensuite . 
Il  eut  la  tête  séparée  du  buste; 
Il  s'approcha  trop  des  éclaireurs. 
Jamais  plus  il  n'ira  à  travers  les  prés. 
Il  fut  tué  juste  à  l'entrée 

D'un  bois  où  il  n'y  a  nul  cyprès. 

293.  Et  quand  on  approcha  de  la  fin 
Du  mois  d'avril,  certainement, 
Plusieurs  Messins,  prenant  leur  chemin, 
Sont  sortis  en  leur  particulier  ; 

Vers  le  bois  de  Warent  ils  vont  en  toute  hâte; 
Là  ils  sont  restés  pour  séjourner  : 
Ils  y  feront  du  mal  au  pays. 

294.  Les  juments  de  Wadgasse 
Et  l'étalon  ils  ont  ramené. 

Là  furent  Jean  de  Volmerange, 

Et  Louyat  de  Louvigny, 

Et  Gérardin  de  Servigny. 

Ils  doivent  tous  être  loués, 

Car  ils  se  sont  bien  donné  de  la  peine. 

295.  Ce  même  jour  fut  des  gens  de  pied 
Une  partie  vers  Epange; 

Ils  ont  soutenu  une  fière  bataille 

Avec  les  gens  de  Bertrange 

Et  avec  ceux  de  Luttanfre  : 

Ils  en  ont  tué  quatre,  de  diverses  manières, 

Et  pris  trois,  sans  avoir  rien  perdu. 

il 


258  LA  GUERRE  DE  METZ. 

29G.  De  nous  citains  une  partie 
Ait  chevalchict  selle  journée, 
A  cialz  don  Pont  font  envahie; 
Ung  en  ont  mort  de  col  d'espée. 
Quant  nostre  gent  fist  retornée, 
Le  courcicz  ot  en  sa  baillie 
Qui  l'ait  gaingniet  en  la  mellée. 


B;bl.  da  M«l7,  xivc  s. 


PAIX  AVEC  L'ÉVÊQUE.— SUCCÈS. 

296.   De  nos  citains  un  autre  parti 
A  chevauché  cette  même  journée, 
Chez  ceux  du  Pont  ils  font  une  envahie; 
Ils  en  ont  tué  un  d'un  coup  d'épée. 
Quand  nos  gens  s'en  sont  retournés, 
Le  coursier  resta  au  pouvoir 
De  qui  le  gagna  en  la  mêlée. 


259 


Bibl.  de  Metz,  xiT"  s. 


NOTES 


REMARQUES. 


Chœur  de  Saint-Vincent,  de  Metz,  xiv»  s. 


Bibl.  de  Meli,  xiv« 


NOTES  ET  REMARQUES. 


i  faut  remarquer  que  le  manuscrit  de  la  Biblio- 
thèque nationale,  d'après  lequel  nous  avons  fait 
cette  publication,  porteendale  .m.iiiic.xliiii. 
au  lieu  de  .ai.  iiic.xxiiir.    Cette  date  erronée 
montre,d'unepart,que  le  manuscrit  est  au  moins 
de  la  seconde  moitié  du  xv*'  siècle,  et,  d'autre 
part, que  lecopiste  ignorantqui  l'aécritjencore 
plein   du  souvenir  d'un  siège  récent,   a  fait 
confusion   entre  deux:  guerres  ,    et   substitué 
dans  sa  pensée  René  d'Anjou  à  Ferry  IV,  et  le 
roi  de  France  Charles  VII  au  roi  de  Bohême, 
Jean  de  Luxembourg.  Cette  autre  guerre,  qui 
est  des  plus  intéressantes,  a  été  l'objet  d'une 
excellente  publication  due  à  MM.  de  Saulcy  et 
guenin,  d'après  les  textes  des  chroniqueurs  con- 
porains.  Elle  a  pour  titre  :  le  Siège  de  Metz  en 
4.  (In-8,  Metz,  Lamort,  i835,  avec  cartes,  plans 
gures.) 
La   copie   de  la  Bibliothèque  nationale  qui  nous 
servi  porte  le  n°  5782  du  fonds  français.   C'est 
1  petit   in-4'',   papier,   dont  le  filigrane  consiste 
dans  une  main  ouverte,  surmontée   d'un  quatre- 


264  NOTES  ET  REMARQUES. 

feuilles;  68  pages  de  texte  et  deux  pages  blanches,  3x  vers  en 
moyenne  à  la  page;  reliure  moderne.  Il  porte  à  la  première 
page  les  indications  suivantes  : 

Codex  C.olb(ertinits), 
1757- 

Regius, 
io335«. 


Au-dessous  du  texte,  à  cette  même  page,  le  signe  de  Balles- 
dens,  gratté  et  en  grande  partie  enlevé. 

Ce  manuscrit  provient  donc  de  la  collection  de  J.-B.  Col- 
bert,  et,  avant  de  faire  partie  de  ce  cabinet  célèbre,  il  a  ap- 
partenu à  l'académicien  J.  Ballesdens  ,  mort  le  a6  octobre 
1675,  en  faisant  Colbert  légataire  de  ses  manuscrits,  à  charge 
par  lui  d'en  payer  la  valeur  à  l'Hôtel-Dieu  de  Paris. 

Cette  collection,  pour  laquelle  fut  versée  une  somme  de 
1,600  livres,  comprenait  87  volumes  manuscrits  en  parchemin, 
107  sur  papier,  et  30  paquets  renfermant  3oo  volumes.  Ce  legs 
portait,  à  cette  époque,  à  i,i38  manuscrits  anciens  le  chiffre 
des  richesses  de  la  collection  de  Colbert,  sur  lesquels  i36 
seulement  en  langues  modernes.  —  (Voir  le  Cabinet  des  niantis- 
crits  de  la  Bibliothèque  impériale^  I,  452-3,  par  M.  L.  Delisle, 
dans  la  collection  de  V Histoire  générale  de  Paris.) 

Nous  ignorons  absolument  comment  le  manuscrit  de  la  guerre 
de  1824,  d'origine  vraisemblablement  messine,  était  venu 
figurer  dans  la  collection  de  Ballesdens.  Nous  ne  remontons 
pas  plus  haut  dans  son  histoire. 

Une  autre  copie  de  notre  poème,  également  du  xv^  siècle, 
copie  dont  il  sera  parlé  plus  bas,  existe  à  la  Bibliothèque  de 
Metz  (mss.,  no  81).  Elle  nous  a  fourni  des  éléments  de  contrôle 
et  de  correction,  et  nous  lui  avons  emprunté  quelques  bonnes 
variantes,  qui  sont  indiquées  dans  les  ISotes philologiques. 


NOTES  ET  REMARQUES.  265 


S(r.  3. 


Metz  était  une  ville  libre  impériale,  s'administranl  sans  au- 
cun contrôle,  et  ne  se  rattachant  à  l'Empire  que  par  un  lien 
pour  ainsi  dire  nominal.  Une  dissertation  scientifique  sur  ce 
point,  qui  est  du  reste  parfaitement  éclairci,  peut  se  remplacer 
avantageusement  par  la  reproduction  pure  el  simple  d'un  texte 
du  XIV®  siècle,  tète  de  chapitre  de  la  Chronique  des  empereurs 
et  rois  de  Bohême  dont  nous  parlerons  plus  loin.  Ce  chapitre 
contient  le  récit  d'une  conspiration  qui  fut  l'évélée  aux  magis- 
trats par  l'empereur  Chai'les  IV  lui-même. 

Chap.  XI..  «  Item,  il  avint  que  le  dit  empereur  Charles  fuit 
«  en  Mets  par  m.  ih<^  et  lvi  qu'il  y  ot  certains  bouchierset  aul- 
•<  très  qui  firent  tant  qu'ilz  parlont  audit  empereur  secrei- 
«  tement  et  ly  remonstront  cornent  sil  volloit  estre  seigneur  de 
«  Mets  et  guaignier  la  ville.  » 

Le  texte  de  la  chronique  est  bien  d'accord  avec  le  titre  pour 
démontrer  que,  si  l'empereur  voulait  être  seigneur  de  Metz^  il 
fallait  qu'il  gagnât  la  ville,  c'est-à-dire  qu'il  s'en  emparât  par  la 
force.  Ni  Maximilien,  ni  Charles-Quint  au  xvi*  siècle,  n'avaient 
fait  un  pas  de  plus  dans  la  voie  de  la  souveraineté  effective. 
(Voir  le  récit  de  leurs  voyages  à  Metz.  —  Chron.  mess.) 

La  siluation  est  aussi  bien  exactement  décrite  dans  le  discours 
qu'en  i433,  tenait  à  Nicole  Louve,  ambassadeur  de  la  Cité, 
le  grand  chancelier  de  TEmpire.  On  y  voit  que  l'obligation  de 
prendre  part  aux  charges  de  l'Empire,  d'un  côté,  et  celle  de  dé- 
fendre la  Cité  par  les  forces  de  l'Empire,  de  l'autre,  n'existaient 
ni  en  fait  ni  en  droit.  «  Pansez-vous  que  nous  ne  saichions 
«  bein  queil  franchises  vous  avés  ?...  Pourtant  que  les  empe- 
«  reurs  vous  sont  loing  et  quilz  ne  vous  pueent  mie  tousjour 
«  secourir  en  vos  nécessitez,  il  fut  appoinctiés  et  accordez  que 
«  vous  ne  donriez  droicture  ne  revenues  par  an  à  nulz  empe- 
«  reur,  parmey  que  vous  debvés  deffendre  l'empire  et  vous- 
«  mesmes  en  vous  entretenant  à  vos  frayes,  pertes  et  coustan- 
«  ges,  sçans  que  lesdits  empereurs  soient  de  riens  tenus  de  vous 
•  aidier...  Car  toutes  aultres  bonne  ville  et  cité  du  sainct  em- 


266  NOTES  ET   REMARQUES. 

«  pire,  fors  que  vous,  lui  doient  chescun  androiclures  et  reve- 
«  nues  ou  certains  services.  ••  (Chron.  Praill.  s.  l'an  i433.) 

On  doit  enfin  rapprocher  de  ces  deux  citations  la  velléité 
manifestée  par  Charles-Quint,  lors  de  son  second  voyage  à  Metz, 
en  i544,  de  soumettre  cette  ville  et  de  lui  donner  un  gouver- 
neur :  tentation  à  laquelle  il  ne  renonça  que  sur  les  vives  ins- 
tances du  cardinal  de  Granvelle. 


Str.    4,  V.  7. 

Les  Vandales ,  //  TFandre ,  étaient  restés  dans  l'esprit  public, 
au  moyen  âge,  le  prototype  des  barbares  envahisseurs  qui  trans- 
formèrent si  violemment  l'Euiope,  du  IIP  au  V«  siècle.  C'est 
surtout  aux  chansons  de  geste,  où  ils  sont  souvent  nommés, 
qu'ils  étaient  redevables  de  cette  exceptionnelle  notoriété. 

Metz,  en  dépit  de  l'affirmation  de  notre  chroniqueur,  n'a  pas 
reçu  leur  désastreuse  visite.  Les  Alamans  de  Chrocus,  sous 
l'empereur  Galère,  vers  afia,  et  les  Huns  d'Attila,  en  45 1,  sont 
les  seuls  peuples  barbares  qui  aient  forcé  les  murailles  de  là 
cité,  brûlé  ses  monuments  et  passé  ses  habitants  au  fil  de  l'épée. 
Ni  les  Vandales  au  IV*  siècle,  ni  les  Normands  au  IX",  ni  les 
Hongrois  auX%  ne  firent  plus  que  de  la  menacer.  Leur  invasion 
dut  s'arrêter  devant  une  résistance  victorieuse. 

La  mention  des  Wandres  est  intéressante  à  relever,  en  ce 
qu'elle  montre  comme  étant  encore  vivace  la  tradition  locale 
qui  fait  périr  Hervis,  duc  de  Metz,  dans  une  bataille  livrée  à 
ces  barbares  sous  les  murs  mêmes  de  sa  capitale.  Cet  épisode 
forme  le  début  de  la  chanson  de  Garin  le  Lohernin.  Repris 
plus  tard  et  amplifié,  il  a  donné  naissance  à  la  branche  dite 
à^Henùs  de  Metz. 

Str.  6. 

L'hôpital  Saint- Nicolas  au  Neuf-Bourg,  primitivement  placé 
hors  de  l'enceinte  de  la  ville,  dans  le  voisinage  du  Champ-à- 
Seille,  était  un  exemple  bien  rare,  au  moyen  âge,  d'une  fondation 
inspirée  uniquement  par  la  charité  laïque,  et  sans  l'intervention 


NOTES  ET  REMARQUES.  267 

directe  de  l'Église.  Ce  fut  la  cité  de  Metz  qui  le  fonda  aux 
frais  communs  de  ses  habitants^  comme  un  asile  ouvert  à  tous 
les  genres  de  misères  et  aux  besoins  de  tous.  La  tradition  lui 
attribue  une  origine  très-ancienne  ,  qu'elle  recule  jusqu'au 
règne  de  Charlemagne.  Ce  qu'affirment  les  cbartes  encore  con- 
servées,   c'est  qu'en  1208,  il  jouissait  d'une  grande  prospérité. 

La  ville,  qui  l'administrait  elle-même,  ne  cessa  pas  de  lui 
accorder  de  grands  avantages,  et,  par  contre,  trouva  plus  d'une 
fois  une  aide  efficace  dans  la  puissance  financière  qu'elle  avait 
contribué  à  créer. 

Depuis  sa  fondation  jusqu'à  nos  jours,  l'hôpital  Saint-Nico- 
las, dirigé  par  un  goui'ernetir  et  des  maures  que  désignait  le 
conseil  de  la  cité ,  se  pi-ésente  avec  tous  les  caractères  de  l'ad- 
ministration laïque,  respectueuse  et  sympathique  pour  le  clergé, 
mais  entièrement  indépendante  de  lui,  telle  que  l'a  établie  à 
notre  époque  la  législation  qui  régit  les  établissements  hospi- 
taliers. 

Str.  8,  V.  5. 

L'illustre  évêque  de  Poitiers,  saint  Hilaire,  était  entouré  à 
Metz  d'une  vénération  particulière.  Il  y  avait  deux  paroisses 
qui  lui  étaient  consacrées:  l'une,  dite  as  Xauleurs,  était  dans  le 
quartier  des  Hauts-Prêcheurs,  au-dessus  d'Anglemur,  c'est-à- 
dire  sur  l'emplacement  du  jardin  de  Boufflers  actuel;  l'autre 
s'appelait  Saint-Hilaire  le  Grand,  ou  du  pont  Rengmont,  du  nom 
de  la  porte  de  ce  nom  (la  porte  Sainte-Barbe  actuelle).  Elle  s'é- 
levait dans  le  grand  Mes,  c'est-à-dire  dans  le  terrain  qu'occupe 
aujourd'hui  l'arsenal  d'artillerie,  ou  Retranchement  de  Guise,  lieu 
qui,  jusqu'en  i552,  était  un  quartier  de  la  ville  particulière- 
ment habité  par  des  mésoyers  et  des  vignerons.  Cette  dernière 
église  fut  renversée,  lors  de  la  construction  du  retranchement, 
pendant  le  siège  de  i552  ;  la  première  le  fut  en  i565,  par  suite 
de  la  construction  de  la  citadelle. 


208  NOTES  ET  REMARQUES. 

S/r.  8,  V.  8. 

Pour  donner  une  idée  de  la  sollicitude  que  montrait  le  gou- 
vernement de  la  cité  pour  les  intérêts  moraux  de  la  population, 
et  le  soin  avec  lequel  il  cherchait  à  empêcher  le  luxe  et  le  jeu 
d'y  introduire  des  éléments  de  ruine,  nous  prendrons  au  hasard 
deux  des  nombreux  atours  promulgués  dans  ce  but  : 

—  j4 lotir,  (lu  %  février  ia45. 

Défense  est  faite  de  tenir  des  jeux  de  «  boule,  ne  escolle  ne 
paillole^  por  ceu  ke  elles  sont  escommeniées  et  kon  i  reniet 
Deuet  NostreDamme  et  toz  sains,  et  li  anfant  des  prodoniesde 
la  vile  i  deviennent  glouton  et  larron.  »  Sous  peine  de  quarante 
sols  d'amende. 

—  Atuur,  du  mois  de  mai  i3o6. 

Défense  de  donner  à  la  femme  qu'on  épouse  pour  plus  de 
douie  deniers  par  vingt  sols  de  Metz  qu'on  apporte  en  mariage 
«  de  coronnes,  affiches,  corroies, annelz  et  tous  autresjowelz  qui 
affierent  a  dame  adonneir.  ■  Sous  peine  de  dix  ans  de  bannis- 
sement. (Archives  de  l'Hôtel-de-Ville)  (i). 

Str.  9,  2>.  3. 

Metz  est  située  au  confluent  de  la  Moselle  et  de  la  Seille. 
C'est  à  cette  circonstance  topographi(]ue  qu'elle  a  dû  son  nom 
celtique  de  Ditt-dur  (deux  eaux),  dont  les  Romains  ont  fait 
Diiodnriim.  L'oppidum  gaulois  occupait  le  sommet  de  la  colline 
de  Sainte-Croix,  sur  lequel  s'est  élevé  plus  tard  le  palais  des 
gouverneurs  romains,  devenu  le  palatium  regium  des  rois  d'Aus- 
trasie.  Cette  situation  devait  une  valeur  militaire  considérable 
aux  pentes  abruptes  de  la  colline  au-dessus  de  la  Moselle 
(Chèvremont),etaux  terrains  marécageux  des  bords  de  la  Seille, 
terrains  sur  lesquels  était  construite  une  levée  {aggestum),  qui 
dénomma  le   quartier  A'Jyest  au  moyen  âge. 

(1)  La  plupart  de  nos  citations  sont  extraites  des  Preuves  de  VHistoire 
bénédictine  de  Metz.  Celles  qui  ne  portent  pas  de  mention  spéciale  ont  été 
directement  copiées  sur  les  originaux  par  M.  Bonnardot,  qui  publiera  pro- 
chainement un  Corpus  des  Chartes  françaises  de  Metz. 


-NOTES  ET  REMARQUES.  269 


Sfr.  lo,  î>.  (1. 


Les  Messins  ont  de  tout  temps  attaché  un  prix  particulier  à 
la  valeur  des  produits  de  leurs  vignobles.  L'étendue  des  ter- 
rains plantés  en  vigne  dans  le  département  de  la  Moselle  dé- 
passe aujourd'hui  5,ooo  hectares,  sur  lesquels  3,5oo  environ 
appartiennent  à  l'arrondissement  de  Metz.  On  peut  calculer  que 
la  superficie  des  vignobles  du  territoire  de  la  cité  devait  être 
au-delà  de  2,000  hectares,  occupant,  pour  la  plus  grande  partie, 
les  flancs  des  coteaux  de  la  vallée  de  la  Moselle.  Leur  produit 
donnait  lieu  à  un  commerce  très-imporlant.  3Iais  le  gouver- 
nement messin  ne  permettait  pas  que  les  propriétaires  sacri- 
fiassent la  qualité  à  la  quantité,  ni  que,  dans  le  but  d'obtenir 
des  récoltes  plus  abondantes,  ils  substituassent  au  type  choisi 
et  délicat  du  Frnntental,  blanc  et  noir,  des  plants  de  «  golz  et 
aullres  ayles  vignes.  »  Et  lorsque,  en  dépit  de  toute  surveil- 
lance, cette  substitution  s'était  produite  quelque  part,  ils  n'hé- 
sitaient pas  à  ordonner,  par  un  atour  rigoureux,  l'arrachement 
absolu  des  espèces  incriminées. 

D'autres  atours,  inspirés  par  la  même  sollicitude,  fixaient 
également  dans  les  plus  grands  détails  les  modes  de  culture  de 
la  vigne,  l'époque  de  la  vendange  et  de  la  vente  des  vins,  le  sa- 
laire et  les  obligations  des  vignerons.  D'autres  enfin  assuraient 
une  protection  aux  vignobles  du  pays,  en  frappant  les  vins 
étrangers  d'un  droit  d'entrée  considérable. 

Quant  au  choix  spécial  des  deux  localités  que  prend  l'auteur 
du  poème  pour  en  faire  le  prototype  de  la  perfection  des  pro- 
duits de  la  viticulture  messine,  il  se  pourrait  qu'il  y  eût  dans 
son  fait  quelque  raison  d'amitié  ou  d'intérêt  personnel:  car 
c'étaient  les  vins  des  côtes  de  Scy,  de  Magny  et  de  Dâle  qui 
jouissaient  en  réalité  dans  le  pays  de  la  réputation  de  premiers 
crus. 

Str.  12. 

Veseneuf^  Fesigneitf  {viens  novus),  correspondait  au  bas  de 
Fournirue,  et  aux  rues  de  la   Petite-Boucherie  et  du  Change. 


270  NOTES  ET  REMARQUES. 

C'était  un  quartier  qui  s'était  formé  en  dehors  de  l'ancienne  en- 
ceinte et  sous  la  protection  des  vieilles  murailles  {des  Murs),  à 
gauche  du  bras  intérieur  de  la  Seille. 

Poisaillis,  Port-Sailly  {Poilus  Saliœ)  était  un  quartier  situé 
en  arrière  de  la  place  Saint-Louis,  à  droite  du  bas  de  Fourni- 
rue.  11  devait  son  nom  à  l'hôtel  paraigial  de  Port-Sailiis  ,  de- 
venu dès  le  Xlll'  siècle  l'hôtel  de  Raigecourt,  vaste  construc- 
tion comprise  entre  la  rue  actuelle  de  la  Chèvre,  la  place  Chappé, 
la  ruelle  des  Bons-Enfants  et  la  cour  de  Ranzières  {ad  Panche- 
rias, au  XII*  siècle). 

Suint- Martin  est  une  paroisse  autrefois  placée  en  dehors  de 
l'enceinte  de  la  ville,  et  appelée  pour  cette  raison  Saint-Martin 
en  curtis  :  un  des  paraiges  de  la  cité  portait  ce  nom.  Elle  se 
trouve  à  l'extrémité  de  la  rue  des  Parmentiers,  bien  en  rapport 
avec  la  spécialité  de  commerce  indiquée  dans  le  poëme. 

Chambière,  quartier  voisin  de  la  Moselle^  en  face  du  Rhimport, 
était  particulièrement  habité  par  des  pêcheurs  et  des  bateliers. 

Str.  i4,  V.  I. 

La  place  tie  Chambre  {place  en  Chambres,  in  Thalamis,  dans 
les  anciens  titres)  tire  son  nom  d'un  antique  hôpital  fondé 
vers  la  fin  du  XII®  siècle  par  les  chevaliers  de  Saint- Jean  de  Jé- 
rusalem, qui  en  firent  le  siège  d'une  commanderie  de  leur  ordre. 
L'hôpital  du  Petit-Saint-Jean  s'étendait  jusqu'au  bord  de  la  Mo- 
selle, et  comprenait  un  ancien  château  de  construction  romaine, 
dont  la  vue  a  été  conservée  par  une  gravure  de  Chàtillon.  Ces  bâ- 
timents ayant  été  attribués  en  i565  à  l'abbaye  de  Sainte-Marie, 
délogée  par  suite  de  la  construction  de  la  citadelle,  les  chevaliers 
de  Malte  furent  transférés  dans  un  hôtel  situé  sur  les  Murs. 

Les  grands  degrés  de  la  cathédrale  descendent  encore  sur  la 
place  de  Chambre.  C'est  là  que,  jusqu'en  i3o5,  se  tenaient  les 
assises  de  la  justice  épiscopale.  C'est  là  aussi  que  s'exécutèrent 
souvent  les  Mystères,  et  autres  représentations  dramatiques  du 
XVc  siècle. 


NOTES  ET  REMARQUES.  271 


Str.  i5,v.  3. 

Saint  Livierest  un  illustre  personnage,  certainement  originaire 
de  Metz,  et  que  l'Église  a  placé  sur  ses  autels  avec  le  titre  de 
martyr.  La  légende  s'en  est  malheureusement  plus  occupée  que 
l'histoire.  Une  pieuse  tradition  ,  sur  le  fond  de  laquelle  ne 
s'élève  aucun  doute,  rapporte  qu'il  fut  décapité  par  les  Huns , 
auprès  de  Marsal,  en  un  lieu  appelé  Salivai,  où  fut  élevée  une 
chapelle  en  son  honneur,  et  où  ses  restes  furent  déposés.  A  la 
fin  du  X^  siècle,  Théodoric,  évêque  de  Metz,  les  fit  relever  avec 
pompe  et  les  rapporta  en  l'église  Saint -Polyeucte,  qui  pi'it  le 
nom  de  Saint-Livier.  Cette  égUse,  paroissiale  jusqu'à  la  Révolu- 
tion, existe  encore  en  partie,  noyée  dans  des  constructions  ci- 
viles, entre  la  place  Croix-oulre-Moselle  et  la  rue  Saint-Mé- 
dard. 

L'on  ne  sait  guère  rien  de  plus,  d'une  manière  positive,  sur  ce 
saint  personnage.  Cependant  la  tradition  indique  encore  où  était 
son  habitation  à  Metz  :  elle  la  fixe,  rue  des  Trinitaires,  i  bis, 
dans  une  antique  maison  ornée  d'une  tour  carrée  duXII^  siècle, 
et  d'une  haute  façade  crénelée.  De  plus,  l'illustre  famille  mes- 
sine des  Gournay  s'est  fait  constamment  un  titre  de  gloire  de 
compter  ce  saint  au  nombre  de  ses  ascendants. 

Mais  la  légende  de  saint Livier  fut,  à  la  fin  du  moyen  âge,  dé- 
veloppée dans  une  sorte  de  roman  de  chevalerie  rempli  d'épisodes 
saisissants  et  d'aventures  extraordinaires.  Ce  roman,  devenu 
rapidement  populaire,  inspira  assez  de  confiance  à  messire  Al- 
phonse de  Rembervillers,  curé  de  Saint-Livier,  en  1624»  pour 
qu'il  en  fit  la  base  d'une  histoire  très-sérieusement  écrite,  mais 
dans  lailjuelle  rien  nepeut,  un  seul  instant,  soutenir  la  discussion 
d'une  critique  raisonnée. 

Pour  nous,  qui  avons  fait  avec  respect  de  l'histoire  de  saint 
Livier  une  étude  assez  approfondie,  nous  osons  dire  qu'il  y  a 
une  présomption  voisine  de  la  certitude  à  admettre  ce  qui  suit: 
c'est  que  la  légende  a  confondu  les  Huns  d'Attila  avec  leurs  des- 
cendants les  Hungres,  qui  firent  en  954  une  invasion  désas- 
treuse dans  la  Lorraine,  menacèrent  Metz,  et  qui,  repoussés  par 


272  NOTES  ET  REMARQUES. 

Brunon,  duc  de  la  province,  opérèrent  leur  retraite  vers  l'Alle- 
magne, en  prenant  leur  itinéraire  par  ta  vallée  de  la  Seille. 

Livier,  l'un  des  chefs  de  la  milice  messine,  fait  prisonnier 
dans  un  engagement,  fut  emmené  par  lesHungres  dans  leur  re- 
traite et  décapité  près  de  Marsal.  Ceci  nous  paraît  hors  de 
doute,  et  la  légende  de  l'Eglise,  sauf  l'erreur  de  date,  n'est 
ébranlée  dans  aucune  de  ses  parties.  Quant  à  ce  que  nous  ap- 
pellerons le  roman  de  saint  Livier,  c'est  une  œuvre  de  pure 
imagination,  dans  laquelle  l'auteur,  à  l'exemple  des  trouvères 
qu'il  entendait  chanter,  a  brodé  agréablement  sur  un  canevas 
historique,  à  peine  reconnaissable,  les  fantaisies  les  plus  variées  : 
voyage  en  terre  sainte,  amours  avec  une  princesse  sarrasine, 
combats  sur  terre  et  sur  mer,  royauté  dans  une  île  d'Asie; 
rien  n'y  manque  de  ce  qui  pouvait  plaire  à  un  public  rendu 
difficile  par  l'audition  journalière  des  plus  merveilleuses  aven- 
tures. 

Str.  i5,  r»,  6. 

Saint-Gorgon  était  une  ancienne  paroisse  de  Metz,  située  en- 
tre la  place  d'Armes  et  la  rue  de  la  Princerie,  et  détruite  en 
1769  pour  l'exécution  des  grands  travaux  de  voirie  dûs  à  l'ini- 
tiative du  maréchal  de  Belle-Isie,  Le  terrain  où  elle  s'élevait  est 
occupé  par  la  partie  droite  dés  bâtiments  de  l'Hôtel  de  ville. 

Il  ne  serait  pas  aisé  de  dire  exactement  où  se  trouvait  le  vivier 
dont  il  est  question,  et  dont  la  rue  qui  longe  le  chevet  de  la 
cathédrale  a  conservé  le  nom.  Mais  l'existence  des  bâtiments  du 
cloître  et  des  chapelles  qui  couvraient  la  place  actuelle  de  l'Hô- 
tel de  ville  ne  permet  pas  de  lui  attribuer  un  emplacement  en 
avant  de  Saint-Gorgon.  Il  faut  donc  le  chercher  entre  cette 
église  et  la  rue  du  Four  du  Cloître,  dans  l'emplacement  de  quel- 
que partie  de  l'hôtel  municipal,  et  sans  doute  vers  sa  gauche, 
non  loin  de  l'endroit  où  vient  aboutir  la  rue  du  Vivier. 

Str.  17,  V.  5. 

La  place  de  Port-Saillis  est  la  petite  place  qui  s'étend  en  avant 
de  l'entrée  principale  de  l'ancien  hôtel  de  ce  nom.  Elle  est  en- 


NOTES  ET  REMARQUES.  273 

core  intitulée  place  Chappé.  Ce  mot  provietil  de  celui  de  Xap- 
pey,  dénominalion  qu'avaitadoptée,  aux  XIV^  et  XV^  siècles,  une 
des  branches  de  la  maison  de  Raigecourt. 

Poincignon  de  Raigecourt ,  chevalier,  seigneur  de  Jony, 
Corny,etc.,  maître  échevin  en  1280,  eut  pour  fils  Pierre  elThié- 
bault,  ditsXappey,  dont  la  descendance  conserva  ce  surnom  jus- 
qu'à Philippe  III  de  Raigecourt,  seigneur  de  Ladonchamps,  Corny, 
Marly,  etc.,  maître  échevin  en  i5ia,  qui  cessa  de  le  porter. 

Str.  19,  V.  6. 

Les  étaux  ou  bancs  des  changeurs  étaient  établis  sous  les  arca- 
des delà  place  au  Change,  [as  Chaînées),  qui  prit  le  nom  de  place 
Saint-Louis,  à  la  suite  de  l'érection  d'une  statue  de  ce  roi  en  1707. 
Le  change  des  monnaies  avait  une  importance  considérable 
dans  une  ville  située  sur  les  frontières  d'un  grand  nombre  d'É- 
tats. Aussi  les  changeurs  étaient-ils  nombreux,  mais  ils  étaient 
soumis  à  une  sévère  surveillance.  L'évèque  Bertram  ,  par  un  rè- 
glement en  date  du  21  décembre  1190,  confirma  les  droits  de 
ceux  qui  étaient  admis  à  la  taùle  des  changes,  moyennant  une 
redevance  de  12  livres  de  messins,  indépendamment  de  20  sous 
messins  payés  à  l'évèque,  et  5  à  son  camérier. 

Leur  nombre  ne  fit  que  s'accroître.  Il  était  de  soixante  à  la  fin 
du  XIV«  siècle. 

Il  faut  r/^marquer  que  les  offices  de  changeur  étaient  à  cette 
époque  exclusivement  soumis  à  la  juridiction  épiscopale.  En 
effet  la  cité  n'avait  pas  alors  de  monnaie  municipale.  C'était  un 
des  droits  de  l'évèque  restés  intacts. 

Bouchard  d'Avesnes,  il  est  vrai,  avait  en  1291,  cédé  pour  cinq 
ans  à  la  ville,  moyennant  cinq  cents  livres  de  messins,  le  droit 
de  faire  usage  de  son  coin  pour  battre  monnaie  ;  mais  près  d'un 
siècle  devait  encore  se  passer  avant  que  le  type  municipal  mes- 
sin fit  son  apparition  sur  les  tables  de  change.  Ce  fut  l'évèque 
Thierry  de  Boppart  qui,  contraint  par  les  événements,  céda  à 
la  cité,  le  28  septembre  j383,  son  Jroit  de  mohnayage. 

Les  premières  pièces  municipales  frappées  à  cette  époque 
portaient  l'image  de  saint  Etienne,  patron  de  la  cité;  une  croix 

18 


r.U  NOTES  ET  REMARQUES. 

formait  le  type  du  revers  des  pièces   d'argent,  l'écii   de  la  cité 
celui  des  pièces  d'or  :  la  légende  ;  moneta  mctensis. 
(Voir  les  ouvrages  de  ]MM.  de  Saulcy  et  Ch.  Robert.) 

Str.  y-i. 

L'administration  de  la  cité,  tout  en  admettant  comme  fort 
utiles  les  établissements  de  prêts  sur  gages,  avait  à  cœur  de 
combattre  le  fléau  de  l'usure,  et  elle  avait  pris  dans  ce  but  tout 
un  ensemble  de  mesures  législatives  et  judiciaires.  Un  atour,  du 
24  janvier  1289  (anc.  style),  avait  défendu  l'admission  à  Melz 
de  Lombards,  Provençaux  et  «  tous  aultres  prestant  à  montes  » 
sans  l'autorisation  du  conseil.  Un  certain  nombre  de  banquiers, 
présentant  toutes  garanties,  et  soumis  à  l'acceptation  d'un  tarif 
modéré,  étaient  seuls  admis  à  tenir  des  maisons  de  prêts  sur 
gages.  Eli  1289  ils  étaient  trois,  cinq  en  1299.  C'était  dans  les 
quartiers  de  Porte-Muselle  et  de  Port-Saillis  que  la  plupart 
d'entre  eux  étaient  installés. 

Plus  tard  la  ville  mit  en  régie  une  estauUie  de  Lombards 
fonctionnant  à  son  profit,  et  sous  la  rigoureuse  surveillance  de 
commissaires  nommés  à  cet  effet.  Elle  plaça  cet  utile  établisse- 
ment (iiès  des  Cordeliers,  sur  le  mur.  Ainsi  les  principes  de  no- 
tre Monl-de-piélé  actuel  étaient  exactement  mis  en  pratique  à 
Metz,  dès  le  XV*  siècle,  au  grand  profit  de  la  population,  et  au 
grand  honneur  de  l'administration  communale. 

Sir.  28,  V.  4. 

Jtaiir  de  la  vigile  de  /este  saint  Vincent,  i3o2  (ai  jan- 
vier i3o3,  n.  st.). 

Défense  à  tous  les  citains  de  Melz,  clercs  ou  laïcs,  de  faire  ou 
laisser  mettre  le  feu  en  une  maison  ou  grange,  pour  cause  de 
dettes  et  gagières,  sous  peine  de  cent  livres  d'amende  et  de 
dommageset  intérêts,  fixés  par  justice.  Ils  s'exposent  de  plus  à 
être  mis  «fuers  de  la  wairde  de  la  citeit  »,  et  quiconque  les 
aide,  à  payer  vingt  livres  d'amende.  (Archives  de  l'Hôtel-de-Ville. 
—  Hist.  de  Metz,  Pr.  III,  p.   aSy.) 


NOTES  ET  REMARQUES.  275 

Voici  une  autre  défense  que  l'on  peut  classer  au  nombre  des 
mesures  inspirées  par  un  égal  sentiment  de  générosité  et  de 
justice  : 

—  A  tour  du  j  Jéi'iier  i3o4(i3o5,  n.  st.). 

Défense  à  Ions  les  cilains  de  Metz  de  saisir  ou  arrêter  aucune 
femme,  quelle  qu'elle  soil,  de  s'emparer  de  ses  chevaux  ,  chars, 
meubles  ou  héritages,  à  moins  que  ce  ne  soit  par  représailles 
de  tort  analogue  fait  par  elle-même  à  des  Messins.  (Mêmes  sour- 
ces, —  p.  272.) 

Str.  3i,  V.  1.    «k 

LaMutle  est  la  cloche  municipale  de  la  ville  de  Metz.  Elle 
est  suspendue  dans  la  tour  de  gauche  de  la  cathédrale,  propriété 
delà  ville.  Sa  sonorité  est  admirable,  et  il  n'y  a  pas  un  Messin 
à  qui  le  souvenir  de  sa  voix  puissante  ne  fasse  battre  le  cœur. 

Elle  pèse  treize  mille  kilogrammes,  et  fut  posée  pour  la  pre- 
mière foiseniSSr.  Refondue  à  trois  reprises  au  quinzième  siècle, 
elle  le  fut  pour  la  dernière  fois  en  1606.  Elle  porte  l'inscription 
suivante  : 

Dame  Mute  suis  baptisée 
De  par  la  Cité  cy  posée, 
Pour  servir  à  cette  cité 
Aux  jours  de  grand  solennité; 
El  aussy  pour  créer  justice, 
Prendre  ban  et  bonne  police, 
Les  contredire  quand  bon  semble, 
Et  pour  convoquer  gens  ensemble. 

Son  nom  lui  vient  sans  doute  de  ce  qu'elle  servait  à  mom>oir 
les  gens,  à  les  appeler  pour  l'assemblée  politique  ou  militaire. 
On  la^intait  aux  jours  d'élections.  On  la  sonnait  en  grande  volée 
les  jours  de  solennités  religieuses,  de  fêles  nationales,  de  vic- 
toire et  de  paix,...  Quels  souvenirs  rappelle-t-elle  aux  Messins! 

Son  histoire  a  été  écrite  par  M.  Victor  Jacob,  bibliothécaire 
de  la  ville,  en  un  beau  vol.  in-8  (Metz,  Rousseau,  i865). 


270  NOTES  ET  REMARQUES. 


S/r.  35,  V.    7. 


—  ^4lour  (lu  10  aoûl  1-2^/^. 

Défense  est  faite  à  tout  citoyen  de  Met/,  fait  piisonniei-, 
de  se  racheter  en  payant  nne  rançon,  soit  par  lui-même,  soit 
par  d'autres  «  de  nulle  vaillance  ki  soit  ».  S'il  le  fait,  il  est 
banni  pour  soixante  ans  et  un  jour  à  dix  lieues  de  la  cité.  Il 
ne  doit  plus  compter  sur  la  justice  de  Metz  pour  soutenir  au- 
cun de  ses  droits. 

Mais  en  revanche  la  cité  se  charj^e  de  sa  querelle  :  «  Et  se 
nuls  de  nos  menans  ^toit  prins,  pourcs  ne  riches,  li  ville lou 
doit  aidier  a  délivrer...  Et  cist  atours  doit  duricr  a  toz  jours.  » 
(Archives  de  l'Hôtel-de-Ville.) 

S/r.  40,   'V.   1. 

Le  duc  de  Lorraine  est  ici  désigné  par  le  nom  de  son  château 
de  Prény,  une  des  plus  puissantes  forteresses  du  duché. 

Ce  château,  dont  les  ruines  intéressantes  existent  encore,  au- 
dessus  du  village  de  Pagny-sur-Moselle,  devait  une  importance 
militaire  exceptionnelle  à  sa  situation  sur  les  confins  du  pays 
messin,  desévcchés  de  Toul  et  de  Verdun,  et  du  comté  de  Bar. 
Il  était  le  siège  d'une  prévôté  qui  comprenait  quatorze  villages 
lorrains. 

Cette  redoutable  forteresse,  dont  la  tour  principale,  encore  de- 
bout, porte  le  nom  expressif  de  Mande-Guerre,  a  été  détruite 
en  ifi34,  par  le  maréchal  du  Hallier,  lors  de  la  guerre  malheu- 
reuse que  le  duc  Charles  IV  fit  à  la  France. 

Le  titre  de  comte  de  Prény  paraît  avoir  été  porté  par  Thié- 
bault,  second  fils  du  duc  Mathieu,  mort  en  laSo. 

Prény  était  le  cri  de  guerre  des  ducs  de  Lorraine^  comme 
en  font  foi,  parmi  divers  témoignages,  ces  trois  vers  recueillis 
dans  une  ancienne  chronique,  par  D.  Ca\mel  (f/ist.  de  Loir. ,11, 
cccxv) : 

Ils  crient,  Prini,  Prini, 
L'enseigne  au  riche  duc  Ferris 
Marchis  entre  les  trois  roiaulmes. 


NOTHS   ET  IIEMAROUES. 


Sfr.  43,  ?'.   3. 


Le  stignciir  de  Thionville  n'élail  aiilre  que  le  roi  Jean,  en  sa 
qualité  de  comte  de  Luxembourg.  Celte  ville,  en  lalin  Theodo- 
iiis  villa,  en  allemand  Diedeiihofen,  clief-lieu  d'arrondissement 
de  la  Moselle,  a  un  j)assé  des  plus  intéressants. 

Elle  possédait  une  villa  regia,  où  Charlemagne  tint  souvent 
sa  cour.  Il  y  fit,  en  806,  le  partage  de  ses  royaumes  entre  ses 
fils.  Louis  le  Débonnaire  y  tint  également  une  diète  en  826. 
Dans  le  même  siècle,  l'Église  y  réunit  plusieurs  conciles. 

Après  la  dissolution  de  l'emjjire  carolingien,  la  seigneurie  de 
Thionville  fut  tenue  par  des  dynastes  particulier^qui  en  prirent 
le  nom,  et  la  conservèrent  plus  de  deux  siècles.  En  ia3<i,  elle 
appartenait  à  Ermesinde  de  Luxembourg,  qui  en  formait  la 
dot  de  Catherine  de  Limbourg,  sa  fill<;,  épouse  du  duc  Ma- 
thieu de  Lorraine.  Mais  le  comie  Henry  de  Luxembourg  la 
racheta  à  cette  même  date,  (;t  elle  ne  cessa  plus  désormais  de 
faire  partie  du  comté.  Elle  devint  avec  lui  domaine  des  ducs  de 
Bourgogne,  des  archiducs  d'Autriche  et  des  rois  d'Espagne, 
jusqu'au  jour  où  le  traité  des  Pyrénées  la  céda  définitivement  à 
la  France,  avec  le  riche  territoire  qui  dépendait  d'elle,  et  qu'on 
appela  le  Luxembourg  français. 

Thionville  a  supporté  à  plusieurs  reprises,  dans  les  différen- 
tes phases  de  son  histoire,  en  i4''j3,  i453,  i558,  ifiSg,  i643, 
1790...,  des  sièges  et  des  bombardements  qui  lui  ont  acquis  un 
juste  renom  de  valeur  militaire. 

L'histoire  de  Thionville  a  été  écrite  par  M.  Teissier,  et  depuis 
par  M.  Abel.  Malheureusement  ce  dernier  ouvrage,  plein  d'éru- 
dition, n'a  pas  encore  été  livré  au  public. 

Str.  55  7'.  5. 

Les  forces  militaires  de  Metz  consistaient  dans  la  milice  et 
la  chevalerie  nationales  (voir  aussi  la  note  de  \a.  strophe  laB), 
et  dans  des  corps  de  soldoyeurs,  gens  de  guerre  appartenant 
pour  la  plupart  aux  pays  du  Rhin,  de  la  Sarre  et  de  la  Basse- 


278  NOTES  ET  REMARQUES. 

Moselle.  Ceux-ci  se  mettaient  aux  gages  de  la  cité  pour  un  temps 
déterminé,  et  leur  nombre  s'augmentait  at.tant  que  le  danger 
présent  ou  prévu  le  rendait  nécessaire.  D'après  les  quittances  de 
ce  chef,  conservées  à  rHôtel-de-Vil!e,  on  voit  que  sa  garnison 
normale  s'accrut  dès  le  mois  de  septembre  i324  dans  une  forte 
proportion.  Sur  la  liste  figurent  les  noms  de  personnages  émi- 
nents  par  leur  naissance,  et  connus  pour  leur  habitude  des 
armes:  les  comtes  de  Deux-Ponts-Bitche  et  de  Saarwerden,  le 
Raugraf  Conrad,  etc.  (Voir  la  note  de  \a  strophe  112.) 

S'il  faut  en  croire  la  chronique  contemporaine,  le  nombre  des 
auxiliaires  de  ce  genre,  engagés  pour  la  durée  de  la  guerre,  at- 
teignait le  chiffre  de  700  chevaliers,  et  les  combattants  à  pied 
étaient  à  peu  près  en  nombre  égal.  La  solde  qui  leur  était  attri- 
buée variait  selon  différentes  circonstances;  on  en  peut  juger 
par  les  exemples  suivants  : 

Conrad  Raugraf,  avec  quatre  chevalier"  et  trente-quatre 
écuyers,  reçoit  1,162  livres  de  messins  et  5o  livres  pour  un 
cheval.  —  Evrard  et  Simon  de  Deux-Ponts-Bitche,  avec'huit  che- 
valiers et  vingt-deux  écu vers,  reçoivent  900  livres  de  petits  tour- 
nois. —  Jacques  Crippexillc  d'Aube,  avec  neuf  compagnons, 
3oo  livres  de  petits  tournois,  etc....  (Archives  derHôtel-de-Ville. 
—  Hist.  (le  Melz^  Pr.  IV,  p.  19). 

Voira  la  note  de  la  strophe  i-ji  l'engagement  original  d'André 
de  la  Pierre,  qui  peut  servir  de  type  aux  actes  de  ce  genre. 

Str.  60,  V.  3. 

L'abbaye  de  .Tustemonl,  de  l'ordre  de  Prémontré,  devait  son 
existence  à  la  piété  d'Euphémie  de  Watronville,  sœur  d'Ur- 
sion,  évêque  de  Verdun,  qui  obtint,  en  1124,  de  saint  Norbert, 
des  religieux  de  l'ordre  qu'il  venait  de  fonder. 

Le  corps  de  l'abbaye  dépendait  du  comté  de  Bar. 

Il  subsiste  encore  quelques  bâtiments,  restes  de  l'abbaye, 
transformés  en  ferme,  sur  la  côte  qui  s'élève  au-dessus  du  vil- 
lage de  Beuvange  et  du  cours  de  l'Orne.  Cette  ferme  fait  partie  de 
la  commune  de  Vitry. 


NOTES   ET  REMARQUES.  279 


Str.  63. 


«  Ce  roi  de  Bohême  et  cet  archevêque  de  Trêves  ne  l'essem- 
blaient  pas  à  leur  père,  l'empereur  Henry  de  Luxembourg,  qui 
était  ami  de  la  cité,  et  la  secourut,  quand  elle  en  eut  besoin, 
contre  son  évêque  Renaud  de  Bar,  où,  pour  ses  gages  et  sa 
solde,  il  emporta  cinquante  mille  livres  de  petits  tournois,  les- 
quels lui  servirent  beaucoup  pour  se  faire  couronner  roi  des 
Romains  et  empereur.  Ainsi  il  combattait  pour  soutenir  les 
franchises  et  libertés  de  la  cité,  et  ses  enfants  la  voulaient  ren- 
dre sujette  et  asservie!  mais  leur  puissance  n'allait  pas  jusque- 
là,  »  {Chron.  Praillon.  s.  l'an  ïZ?.[^.  —  Traduction  littérale,) 

La  guerre  à  laquelle  la  chronique  fait  allusion  s'était  élevée 
entre  les  Messins  et  leur  évêque,  Renaud  de  Bar,  administra- 
teur du  comté  de  Bar,  pour  son  neveu  Edouard,  au  sujet  de 
l'héritage  d'un  riche  clerc  dont  le  prélat  voulait  s'emparer.  L'in- 
tervention de  seigneurs  amis  de  la  cité,  et  du  comte  Henry  de 
Luxembourg  en  particulier,  amena  un  arrangement  au  moment 
où  une  bataille  sérieuse  était  sur  le  point  de  s'engager,  près  de  la 
ferme  de  Prayel. 

Un  souvenir  piquant  se  rattache  à  cette  guerre,  heureuse- 
ment avortée.  L'évêque,qui  avait  juré  d'entrer  à  Metz  «  à  granl 
puissance  »  trouva  un  moyen  ingénieux  de  ne  pas  être  au- 
dessous  de  sa  parole  r  il  fit  sa  rentrée  dans  sa  ville  épiscopale  le 
dimanche  des  Rameaux,  à  la  tête  d'une  procession  immense, 
réunie  à  l'abbaye  Saiut-Arnould. 

Cet  éminent  prélat  mourut,  empoisonné  dit-on,  en  i3i3. 

La  guerre  à  laquelle  le  comte  de  Luxembourg  prêta  son  aide 
aux  Messins  n'est  pas  datée  par  les  chroniques.  Mais  son  épo- 
que est  fixée  par  la  pièce  intéressante  qui  suit.  (Cabinet  Em- 
mery.  —  Hist.  de  Metz,  Pr.  III,  286.)  —  Elle  fixe  à  iSo;  l'acte 
d'alliance  de  ce  seigneur  avec  les  citains  et  par  suite,  à  une  épo- 
que de  très- peu  postérieure,  la  rencontre  de  Prayel,  et  la  récon- 
ciliation qui  suivit. 

Voici  le  début  de  celte  pièce  : 

«  Nous  Hanris,  cuens  de  Lucembourch,  de  la  Roche  et  mar- 


280  NOTES  ET  REMARQUES. 

cliis  d'Erlon ,  el  je  Walleians  ces  freires,  faisons  savoir  et  co- 
gnissant  à  tous  içaulx  qui  ces  présentes  lettres  vairont  et  oront 
que  dou  bestans  et  de  la  werre  ke  cil  de  la  citeitde  Mes  ont 
contre  eiostre  sij^nonr  Renaît  de  Bair  éveske  de  Mes  contre  ces 
freires  féal/,  Jours  ajnwcs  et  loiirs  aidans  qu'ils  ont  et  averont, 
nous  avons  promis  et  pronioltons  à  aidier  ciaiz  de  la  citeit  de 
Mes  dessusditte  en  bonne  foi  et  loialment  tout  adis  à  lour  re- 
questeàgrant  force  et  ù  petite,  tout  comme  ceste  werre  durroit 
et  avons  ancor  (prorais)  nous  Hanris  cuens  dessusdis  ke  nous 
loule  nostre  \ie  ne  ferons  ajuwe  ne  eliance  à  l'éveske  Renaît 
davant  dit  tant  com  il  viveroit  ne  a  duc  de  Lorenne  ne  à  ses 
hoirs  ne  as  freires  lesveske  dessus  dit  ne  as  hoirs  de  Bair  contre 
ceaulz  de  la  citeit  de  Mes  ne  aveuckes  les  dessusdits  ne  serons 
en  leur  gréance  par  nous  ne  par  aullrui  de  part  nous...  L'an 
m.  ccc  et  vu  ,  lou  jeudi  prochens  après  la  feste  saint  Jehan 
Baptiste.  » 

Str.  64. 

•  Le  comte  Edouard  de  Bar_ n'avait  pas  de  raison  de  guerroyer 
contre  la  cité  de  Metz  et  les  bourgeois,  car,  peu  de  temps  aupa- 
ravant, les  Messins  l'avaient  aidé  et  assisté  en  ses  nécessités 
contre  l'évêque  de  Verdun,  qui  avait  co-nmencé  à  lui  faire  une 
guerre,  pour  laquelle  il  lui  avait  fallu  leur  demander  secours 
en  or,  argent  et  troupes.  »  [Chrnn.  Piailloii.  —  Traduction  lit- 
térale.) 

Bien  que  le  comte  Edouard  de  Bar  et  Henry  d'Apremonl, 
évêque  de  Verdun,  aient  été  souvent  unis  par  des  alliances,  il 
s'était  élevé  entre  eux  une  querelle  sanglante,  dont  la  prise  de 
Dieulouard  fut  un  des  épisodes  principaux,  et  à  laquelle  l'arbi- 
trage du  roi  de  France,  Philippe  le  Long,  mit  un  terme  le  jour 
de  la  Saint-Matthieu  i3i8.  C'est  à  cette  guerre  que  la  chronique 
fait  allusion. 

Dieulouard,  château  sur  la  Moselle,  en  face  de  l'emplacement 
de  Scarpone  (canton  de  Pont-à-Mousson),  appartenait  à  l'évêque 
de  Verdun,  quoique  faisant  partie  du  diocèse  de  Toul.  Son  nom 
était  une  invocation  pieuse:  Deu  lou  ward  (Dieu  le  garde}!  11  fut 


AOTES   ET  REMARQUES.  281 

détruit  deux  fois  par  les  Messins  en  iiio  et  129.2.  Le  comte  de 
IJar  le  prit  en  i3i8.  Engagé  au  duc  de  Lorraine  pendant  le  cours 
du  XlVe  siècle,  il  fut  racheté  en  i43i  par  Henry  deHaraucourt, 
évêque  de  Verdun.  En  iSfii,  il  fui  attribué  au  duc  de  Guise, 
avec  sa  j)révôté,  composée  de  huit  villages,  sous  le  titre  de  mar- 
quisat de  l'évcché  de  Verdun. 

Sir.  68,  V.  7. 

Il  s'agit  de  Montigny,  localité  disparue,  voisine  d'Ay,  qui  est 
encore  indiquée  dans  la  liste  des  villages  messins,  en  i4o4,  et 
dont  l'emplacement  exact  est  inconnu. 

«  Montigney,  de  leiz  Aiey,  tient  a  dame  Ysaibel  Braidy 

et  a  dame  Lore  Guedange,  en  laqucille  il  ait  en  tout....  iij  feulx.» 
(Dénombrement  de  140,4.  —  Biùi.  de  Metz,  mss.,  n°  190.) 

Str.  71,  V.  5. 

Ce  «  messire  Jacques»  était  Jacques  Grongnat,  du  paraige  de 
Porte-Moselle,  qui  avait  gagné  glorieusement  le  titre  de  «  cheva- 
lier de  Jérusalem  et  de  Galilée  »,  en  prenant  part  «  à  la  guerre 
desTurcks  »,  c'est-à-dire  à  une  de  ces  expéditions  guerrières  dont 
les  pays  d'Orient  furent  souvent  l'objet  au  XIV^  siècle.  II  était  fils 
de  Jean  Grongnat,  aman  de  Saint-Ferroy  en  iSao,  et  avait  épousé 
Anelz  ou  Agnès  de  Vry,  d'une  des  familles  les  plus  distinguées  de 
la  cité.  Il  élait  mort  en  i354,  époque  où  nous  voyons  son  fils, 
Jean  II,  en  possession  de  son  héritage.  Geoffroy,  son  frère, 
était,  en  13^4,  maitre-échevin  et  Sept  de  la  guerre.  L'illustration 
de  la  famille  Grongnat  était  récente,  mais  sa  fortune  considéra- 
ble, car  nous  trouvons,  dans  Vétat  des  Dillriges  du  pays  messin^ 
en  1404,  Nicole  Grongnat  possesseur  de  dix-sept  seigneuries. 

Il  y  avait  dans  celle  famille  quelque  chose  d'aventureux  et  de 
hardi,  de  violent  peut-être,  qui  prédisposait  ses  membres  aux  évé- 
nements tragiques.  Près  de  la  moitfé  de  ceux  dont  l'histoire  mes- 
sine a  conservé  les  noms  périssent  de  mort  violente.  En  i324, 
(lolin  Grongnat  estnoyé  par  autorité  dejustice.  En  1372,  Geof- 
froy est  tué  au  siège  de  Sampigny.  En  i394,  Laurent  esl  tué  à  la 
bataille  de  Nicopolis."  En   r4o5,  lors  de  la  Jacquerie,  Nicole  est 


282  NOTES   ET  REMARQUES. 

décapité  parle  peuple,..  Avec  le  XV*  siècle,  celte  famille  avait 
cessé  d'exister,  mais  elle  s'était  terminée  avec  éclat  en  la  per- 
sonne de  Nicole  II,  «<  le  bon  jouteur»,  le  vainqueur  du  duc  de 
Bar,  et  un  des  plus  brillants  chevaliers  de  son  temps. 

Str,  72,  V.  4-1 

11  y  avait  tout  à  l'entour  de  la  ville  des  espaces  découverts  et 
tenus  en  nature  de  prés,  qui  appartenaient  à  la  cité,  et  servaient 
en  cas  de  siège  à  faire  paître  les  animaux  conservés  à  l'abri  des 
murailles.  Cette  posture  correspond  exactement  à  notre  nom 
moderne  de  glacis. 

Sir.  73,  7>.  I. 

Le  comte  de  Sarrebrùck,  dont  il  est  ici  question,  doit  être 
Simon  V,  de  la  maison  de  Montfaucon-Montbelliard,  époux  de 
Marguerite  de  Savoie,  fds  de  Jean  F%  comte  de  Sarrebriuk  et  de 
Marguerite  de  Grancey. 

Sarrebrùck,  sur  la  Sarre,  chef-lieu  d'un  comté,  avait  été 
donné  à  levéque  de  Metz,  Adalberon  II,  par  l'empereur 
Othon  III,  en  998,  don  qui  fut  confirmé  en  io65  par  l'empe- 
reur Henry  IV.  Les  évèques  de  Metz  le  donnèrent  en  fief  à  une 
maison  d'ancienne  chevalerie  qui  en  prit  le  nom,  et  dans  laquelle 
le  comté  fut  transmis  héréditairement  jusqu'à  Simon  III, 
époux  de  Jeanne  d'Apremont,  qui  mourut  sans  postérité,  vers 
la  fin  du  XIII"  siècle.  Mahaut  de  Sarrebrùck,  sa  sœur,  mariée 
à  Aimé  de  Monibelliard,  fut  mère  de  Simon  IV,  époux  d'ÉIisa- 
belh  de  Broyé,  dame  de  Commercy  .  qui  fut  la  tige  d'une  se- 
conde maison  de  Sarrebrùck,  à  laquelle  l'évêque  de  Metz,  Lau- 
rent, confirma,  en  1277,  la  possession  du  fief.  Il  eut  pour 
successeurs  Jean  L'^',  Simon  V,  puis  Jean  II,  époux  de  Gil- 
lette de  Bar,  fille  de  Pierre  de  Bar,  seigneur  de  Pierrcfort.  Ce 
dernier  n'eut  qu'une  fille,  Jeanne  de  Sarrebrùck,  mariée  à  Jean, 
comte  de  Nassau,  qui  apporta  dans  cette  maison  le  comté  de 
Sarrebrùck  et  la  seigneurie  de  Commercy. 

C'est  de  ce  seigneur  que  tire  son  origine  la  maison  de  Nassau 


NOTES  ET  REMARQUES.  283 

Sarrehrûck,  qui  se  prolongea  glorieusement  jusqu'à   nos  jours. 
Les  armes  de  Sarrebrùck  étaient  de  gueules,  semées   de  croix 
recroisettées  au  pied  fiché  d'argent,  au  lion  de  ménie^  armé  et  lam- 
passé  d''or. 

Str.  79,  V.  I. 

La  chronique  ne  dit  pas  plus  que  le  poëme  quel  était  celui  des 
deux  comtes  de  Bitche,  attachés  au  service  de  la  cité, auquel  doit 
remonter  l'honneur  de  cette  brillante  défense.  Eberhart  et  Si- 
mon, sires  de  Bitche,  comtes  de  Deux-Ponts,  ont  laissé,  sous  la 
date  du  i8  juin  i325,la  quittance  des  900  livres  tournois  qui 
leur  étaient  dues,  tant  pour  leurs  services  personnels  que  pour 
ceux  des  gens  de  leur  suite.  Ils  étaient  tous  deux  fils  de  Eber- 
hart P"",  premier  comte  de  Deux-Ponts-Bitche,  et  d'Agnès  de 
Montfaucon,  de  la  maison  de  Montbelliard. 

De  nos  deux  soldoyeurs,  Simon,  époux  d'Agnès  de  Lich- 
tenstein,  était  l'ainé  ;  ce  fut  lui  qui  succéda  ?i  son  père  dans  le 
comté  de  Bitche. 

Les  comtes  de  Deux-Ponts-Bilrhe  portaient  pour  armes  d'o/- 
au  lion  \le  gueules. 

Ce  comté  de  Bitche,  qui  comprenait  la  presque-totalité  des 
cantons  boisés  et  montagneux  de  Bitche,  Rohrbach  et  Wolmuns- 
ter,  était  l'un  des  plus  anciens  domaines  de  la  maison  d'Alsace, 
devenue,  sous  Gérard  d'Alsace,  la  maison  ducale  de  Lorraine. 
Du  XP  siècle  à  la  fin  du  XlIP,  il  fut  généralement  possédé 
par  les  frères  cadets  des  ducs  régnants,  puis  rentra  dans  le 
domaine  ducal.  En  1297,  "  ^^^^  l'objet  d'un  échange,  contre 
Sarreguemincs  et  quelques  autres  lieux,  avec  le  comte  Eberhart 
de  Deux-Ponts.  Depuis  cette  époque,  Il  resta  le  domaine  des 
descendants  de  ce  seigneur  jusqu'à  l'extinction  de  sa  maison, 
en  i56o.  Il  appartint  alors  au  comte  Philippe  de  Hanau,  sur 
lequel  il  fut  confiscjué  en  1671,  par  le  grand-duc  Charles  III, 
pour  cause  de  félonie,  et  réuni  au  duché  de  Lorraine, 

Un  ancien  château,  rebâti  au  XIV*  siècle  par  le  comte  Eber- 
hart, fut  augmenté  à  diverses  reprises  par  ses  successeurs_,  forti- 
fié par  Vauban  en  1680,  démoli  en  1698,  et  reconstruit  dans  de 


^*  NOTES  ET   lîEMAROL'ES. 

plus  vastes  proportions  en  rySo.  Son  hisloirea  pluscl'uiie  page 
glorieuse. 


se,:  8i,  7>.  3. 

An  sujet  de  Vcspingole  du  poème,  M.  Dupré  de  Genesle  a 
ajouté  en  marge  de  sa  copie  la  note  suivante  : 

«  Il  y  a  apparence  que  cette  machine  de  guerre  est  la  même 
que  Fauchel  (p.  i,o,  liv.  Il  de  la  milice  et  des  armes)  appelle  es- 
pingarde  et  espingalle.  Or,  selon  lui,  c'était  un  instrument  vo- 
lant à  la  facondes  frondes.  Et  Turques,  en  son  Hisloire  (P  Espa- 
gne, dit  que  l'an  i485,  du  commencement  que  les  Espagnols 
virent  des  aiquebusiers,  ils  les  appelèrent  espingardiers*  » 

Ce  mot  a  donné  l'idée  à  des  observations  bien  autrement  im- 
portantes de  la  part  de  l'auteur  des  Origines  de  l'artillerie  fran- 
çaise, notre  érudit  ami  M.  Lorédan  Larcliey. 

Il  croit,  et  une  opinion  émanant  d'un  savant  tel  que  lui  ne 
peut  pas  avoir  une  médiocre  valeur,  que  c'est  au  siège  de  iMetz 
de  iZi/i  que  les  armes  à  feu  firent  une  de  leurs  premières  appari- 
tions, devançant  de  vingt  ans  l'époque  que  leur  attribue  l'opinion 
commune.  (Voir  la  dissertation  de  M.  Larchey  intitulée  les  Maî- 
tres bombardiers  de  la  cité  de  Mflz,  dans  les  Mémoires  de  la  So- 
ciété darchéolofrie  et  cF histoire  de  la  Moselle.  Metz,  Rousseau, 
1861.)  ' 

Sfr.  yx,  7'.  3. 

La  chronique  a  confondu,  à  cause  de  l'analogie  de  la  pronon- 
ciation du  nom,  deux  familles  fort  différentes,  lesr.augraf  et  les 
Rhingraf.  Les  Rangrafen  ou  Raugraves  portaient  en  latin  le  litre 
de  cornes  hirsutus.  Celui  qui  servait  la  ville  de  Metz  était  Con- 
rad VRaugraf,  de  la  branche  de  Stoizenberg,  troisième  liis  de 
Conrad  IV  Raugraf,  et  d'Ida  de...  11  avait  épousé  Adélaïde, 
comtesse  de  Sayn. 

Les  armes  des  Raugraf  étaient /«/-/jar//e^  rro/- e/  de  giieides. 
Conrad  Vy  ajoutait  la  brisure  d'un  lambel,  comme  ses  sceaux 
l'indiquent,  en  sa  qualité  de  cadet. 


NOTES  ET  REMARQUES.  285 

Un  descendant  de  la  maison  des  Raiigraf,  le  comte  Théodore 
de  Raugraf,  commandait  au  dernier  siècle  un  régiment  de  cava- 
lerie liégeoise  de  son  nom  au  service  de  France,  et  mourut  lieu- 
tenant général,  laissant  une  réputation  glorieuse. 

Str.  98,  r,  a. 

Les  deux  célèbres  et  magnificiues  abbayes  de  Saint-Arnould  et 
de  Saint-Clément,  alors  placées  hors  de  l'enceinlede  Metz,  étaient 
entourées  de  faubourgs  considérables.  Ces  faubourgs  furent  en 
partie  détruits  pendant  le  siège  de  i444»  pour  empêcher  les  en- 
nemis de  s'y  loger,  et  disparurent,  avec  les  abbayes  elles-mêmes, 
lors  du  siège  de  i552. 

La  première  de  ces  abbayes  avait  été  fondée  dès  le  quatrième 
siècle  psr  saint  Patient.  Consacrée  d'abord  sous  le  vocable  des 
Saints-Apôtres,  elle  prit  le  titre  de  Saint-Arnoult,  lorsque  saint 
Goéric  y  fit,  en  642,  la  translation  du  corps  de  cet  illustre  évêque. 
L'église  des  Saints-Apôtres  était  une  des  plus  belles  basiliques  des 
Gaules.  Détruite  par  Attila  en  45  r,  elle  fut  plus  tard  rétablie  par 
l'évêqueDrogon,  fils  de  Char'.emagne,  dans  un  état  plus  magnifi- 
que encore.  Ses  caveaux  contenaient  les  restes  de  plusieurs  prin- 
ces de  la  maison  carlovingienne.  Les  clercs  qui  la  desservaient, 
et  dont  l'opulence  avait  relâché  les  mœurs,  furent  remplacés  en 
g4i  par  des  religieux  de  l'ordre  de  Saint-Benoît,  qui,  par  leur 
piété  et  leurscience,  ajoutèrent  un  nouvel  éclat  à  l'illustration  du 
nom  de  saint  Arnould.  Il  fallut,  en  i55a,  sacrifiercet  admirable 
monastère  aux  nécessités  de  la  défense,  et  ses  religieux  furent 
transférés  dans  l'intérieur  de  la  ville,  au  couvent  des  frères  Prê- 
cheurs, devenu  plus  lard  l'école  d'application  de  l'artillerie  et  du 
génie.  Son  emplacement  primitif  étaitcelui  de  la  lunette  d'Arcon, 
auprès  de  la  gare  du  chemin  de  fer. 

L'abbaye  de  Saint-Clément  avait  été  fondée  au  VII^  siècle, 
sous  le  nom  de  Saint-Félix,  par  des  religieux  de  l'ordre  de  Saint- 
Benoît.  Elle  prit  le  nom  du  premier  apôtre  de  l'église  de  Metz, 
lors  delà  translation  de  ses  reliques,  qui  y  fut  faite  par  l'évêque 
Hériman,  en  1090.  Le  monastère  de  Saint-Clément,  détruit  en 
i552,  fut  transféré  dans  Metz,  au  couvent  des  Pucelles  de  la 


286  NOTES  ET  REMARQUES. 

A'ii^notte,  et  trois  ans  plus  tard,  rue  ilu  Pontiffroy,  où  nous 
avons  vu  les  PP.  Jésuites  établir  ItHir  florissant  collège.  Son 
premier  emplacement  était  au  Sablon,  entre  le  chemin  de  fer  et 
la  redoute  du  Pâté  (élevée  à  la  place  de  l'amphithéàlre  romain). 

Sir.  99,  V.  I. 

La  porte  Serpenoîse  actuelle  a  reçu  ce  nom,  lors  de  sa  réou- 
verture, en  souvenir  de  l'ancienne  porte  Soarponoise  (par  cor- 
ruption porte  Chapcnoise,  Champenoise,  au  moyen  Age),  qui 
donnait  entrée  dans  la  ville  à  l'ancienne  route  romaine  de  Metz 
à  ileims,  par  Toul  et  Scarpoiie.  On  sait  que  celte  dernière  loca- 
lité, première  station  après  Divofliirum,  et  chef-lieu  du  prigus 
Scarponensis,  fut  détruite  de  fond  en  comble  par  l'invasion  des 
Huns  de  4^fj  ^'  (|u'elle  ne  se  releva  pas  de  ses  ruines.  Elle  était 
située  dans  une  île  de  la  Moselle,  en  face  de  Dieulouard.  M.  de 
Saulcy  a  fait  des  recherches  très-intéressantes  sur  ce  qui  reste 
des  ruines  de  Scarpone,  et  les  a  publiées  dans  les  Mémoires  de 
l'Académie  de  Metz  (i83i-i83 •;-.). 

L'ancienne  porte  Serpenoise,  qui  avait  été  fermée  lors  de  la 
construction  de  la  citadelle,  en  i56i,  occupait  un  emplacement 
sensiblement  différent  (à  gauche  en  entrant)  de  celle  qui  a  été 
ouverte,  par  suite  delà  création  du  chemin  de  fer, 

Str.  loi,  V.  6, 

Le  pont  de  Moulins,  sur  la  Moselle,  était  un  des  quatre  ponts 
dont  le  gouvernement  de  Melz  avait  attribué  la  construction, 
l'entretien  et  le  péage  à  l'administration  de  l'hôpital  Saint-Nico- 
las, (Voir  la  note  de  la  strophe  177.) 

L'évêque  Jean  d'Aprcmont  avait  élevé  des  prétentions,  en 
1337,  sur  la  propriété  de  ce  pont,  mais  il  en  avait  été  débouté 
et  le  droit  municipal  était  resté  sans  conteste,  La  ville,  ayant 
par  conséquent  à  sa  charge  l'obligation  de  le  reconstruire,  re- 
passa ce  soin  à  l'hôpital,  en  lui  laissant  à  celte  condition  le  bé- 
néfice de  l'impôt  du  meilleur  habit  de  toute  personne  décé- 
dée, établi  en  1223  par  l'évêque  Conrad  de  Scharpheneck,  L'acte 


NOTES  ET  REMARQUES.  287 

(le  cession,  cUi  17  juin  1282,  dit  que  «  tout  lou  passaige  dou 
pont  a  Moulins  et  des  pons  des  Mors  et  dou  pont  Thiefroit  et 
toutes  les  rantes  de  ces  pons  et  loutkant  k'i  apant,  et  les  wairne- 
mans  c'om  prant  des  mors  >•  appartiennent  désormais  à  l'hôpital. 
Après  six  ans,  ce  pont,  qui  était  alors  en  bois  (de  fust),  doit  être 
reconstruit  en  pierres,  à  raison  d'une  arche  par  an.  Cet  acte 
comprend  le  tai'if  du  droit  de  passage  : 

«  Li  chovalz  a  cher  doit  vin  denier  lou  jor  arreis  lou  cours  de 
vandanges,  li  chers  a  trois  chevalz  et  a  dous  doit  dous  deniers 
lou  jor,  li  jou5  de  bues  doit  j  denier  lou  jor  arreis  lou  cours 
de  vandanges  ou  li  chers  a  bues  doit  ij  deniers  lou  jor;  li  som- 
miers chergiés  doit  un  denier,  li  pors^  li  berbis,  li  chièvre, 
li  aisnes  doit  chescuns  une  angevine;  et  ce  li  aisnes  amoinnet 
waistelz,  il  doit  une  maille.  »  (Arch.  de  l'hôpital  Saint-Nicolas.) 

Les  habitants  de  Moulins,  Chàtel,  Lessy,  Chazelles,  Sainte-Ruf- 
fîne,  Jussy  et  Scy,  étaient  quittes  du  péage^  moyennant  un  abon- 
nement consistant  en  un  pain  par  tête,  payable  à  Noël. 

La  INIoselie  coulait  encore  sous  le  pont  de  Moulins,  lorsque 
Henri  IV  vint  à  Metz  en  i6o3;  le  récit  de  son  voyage  en  fait  foi. 
Mais,  quelques  années  plus  lard,  la  capricieuse  rivière  se  choisit 
un  autre  lit,  à  quelque  dislance  et  à  droite  du  premier,  et  le 
pont  de  Moulins  traverse  une  magnifique  prairie,  que  rafraîchit 
à  peine  le  petit  ruisseau  dit  de  la  vieille  Moselle,  au  pied  de  la 
côte  de  Sainte-Ruffine. 

Str.  10  3^  V.  I. 

LeVal-de-Metz  s'entendait  de  la  partie  de  la  vallée  de  la  Mo- 
selle, située  principalement  en  amont  et  sur  la  rive  gauche  de 
la  Moselle.  11  élait  limité  par  le  comté  de  Bar  et  la  terre  de 
Gorze. 

Plus  lard  on  comprit  sous  ce  nom  une  division  territoriale  du 
piys  messin  beaucoup  plus  étendue.  Elle  correspondait  à  peu 
près  à  l'archiprêtré  du  Val-de-Melz,  dont  Vaux  et  Jussy  furent 
successivement  le  chef-lieu.  Elle  comprenait  alors  dix-huit  pa- 
roisses, formant  avec  leurs  annexes,  censés  et  hameaux,  un  total 
de  cinquante  localités,  tant  en  aval  qu'en  amont  de  la  cité.  Il 


28<J  NOTES  ET  REMARQUES. 

ne  faut  donc  pas  ton  fondre  le  Val-ilc-Melz  de  i324,  avec  le 
Val-de-Metz,  division  administrative  du  XVI«  siècle,  et  encore 
moins  avec  la  vallée  de  la  Moselle.  Celui  dont  nous  parlons  re- 
présente dans  sa  longueur,  calculée  selon  le  cours  de  la  rivière, 
de  quinze  à  vingt  kilomètres  environ. 

La  plupart  de?  villages  du  Val-de-Melz  étaient  plus  ou  moins 
fortifiés.  Le  village  de  Vaux  (canton  de  Gorze),  à  gauche  de  la 
Moselle,  était  en  particulier  doté  de  tout  un  système  défensif, 
dont  son  église,  à  la  grosse  tour  armée  de  mâchicoulis,  formait 
le  solide  réduit ,  et  dont  les  restes  intéressants  subsistent  en- 
core. On  comprend  la  sécurité  trompeuse  que  devaient  goûter 
ses  habitants.  Mais  une  fortification  semblable,  plus  (|ue  suffi- 
sante pour  repousser  un  coup  de  main,  était  impuissante  con- 
tre toute  une  armée, 

Str.  io8,  V.  a. 

Le  gibet  de  Metz  était  établi  entre  le  Champ-à-Panne  et  l'ab- 
baye de  Saint-Clément  (commune  actuelle  du  Sablon),  eu  un 
lieu  qui  portait  le  nom  du  Genestroit,  à  cause  des  genêts  que 
produisait  principalement  ce  sol  sablonneux.  C'est  là  que  se 
dressait  la  fourche  patibulaire  à  quatre  piliers,  signe  du  droit 
de  haute  justice  de  la  cité.  C'est  là  qu'étaient  exécutés  les  vo- 
leurs et  les  brigands  de  grands  chemins.  Les  supplices  réservés 
à  d'autres  crimes,  tels  que  :  la  noyade  pour  les  actes  de  rébel- 
lion, la  décapitation  parl'épée  pour  les  meurtriers  et  par  la  qué- 
negate  pour  les  faux  monnoyeurs,  l'écartellement  pour  les  cou- 
pables de  haute  trahison,  le  bûcher  pour  les  sorciers  et  les 
profanateurs,  etc.,  avaient  respectivement  pour  théâtre  le  bord 
de  la  Moselle,  entre  les  deux  ponts,  les  places  les  plus  fréquen- 
tées delà  cité,  et  notamment  la  place  située  en  Nexirue,  devant 
la  maison  du  Voué;  sans  compter  le  supplice  de  la  Xippe,  ou 
estrapade,  donnée  dans  un  égoût  infect,  qui,  sur  la  place  du 
Champ-à-Seille  ,  \e forum  messin,  punissait  tous  les  délits  moins 
graves. 

Lorsque  l'on  faisait  comparaître  un  accusé  en  justice,  ou 
qu'on  amenait  un  condamné  au  lieu  du  supplice,  il  était  hitchie 

l 


NOTES  ET  REMARQUES.  289 

OU  clamé  sur  une  sorte  d'eslrade  qu'on  appelait  la  pierre  aux 
huchements  ou  la  pierre  du  palais. 

Elle  existait  encore  avant  la  transformation  de  la  place  de 
l'Hôtel-de-Ville,  due  au  duc  de  Eelle-Isie,  en  avant  de  l'église  de 
Saint-Gorgon,  presque  dans  l'alignement  de  la  rue  Fournirue. 

C'est  en  imitation  dérisoire  decetle  formalité,  rigoureusement 
observée  par  la  justice  messine  ,  que  les  soldats  lorrains  huchaient 
les  Treize,  comme  si  ces  derniers  eussent  été  sur  le  point  d'être 
livrés  à  leur  jugement  et  menés  au  gibet. 

Str.   1  lo^   V.  I. 

Henry  de  Fénestrange  était  fils  de  Jean  de  Fénestrange  et  de 
Béatrix  d'Ogeviller.  La  baronnie  libre  dont  il  portait  le  nom 
était  un  fief  du  ducbé  de  Lorraine,  après  avoir  été  jadis  une  des 
archimarécbaussées  de  l'Empire.  Elle  avait  pour  bornes  le  Saar- 
gau,  les  seigneuries  de  Lixheim  et  de  Nassau  et  la  châtellenie 
d'Albestroff,  de  l'évêché  de  Metz,  Maison  de  nom  et  d'armes, 
elle  portait  pour  armoiries  :  (Vazurà  iiiiefasce  (Cargent. 

Fénestrange,  petite  ville  sur  la  Sarre  (chef-lieu  de  canton  de 
l'arrondissement  de  Château-Salins),  était  autrefois  fortifiée,  et 
possédait  un  beau  château,  siège  de  la  puissance  de  ses  sei- 
gneurs. Un  ancien  château  en  ruines,  nommé  Altbau,  avait  été 
longtemps  leur  résidence.  La  baronnie  de  Fénestrange  était  siège 
d'un  bailliage,  sous  le  jjrésidial  de  Dieuze,  dont  dépendaient 
vingt  villages.  Elle  comprenait  quatre  seigneuries  distinctes, 
Fénestrange,  Schwanenhals,  Brakenkopf  et  Geroldseck. 

t 

Str.  112. 

Il  n'y  a  pas  lieu  de  s'étonner  de  l'intervention  des  soldoyeurs 
messins  en  faveur  de  Henry  de  Fénestrange.  Ce  dernier  tou- 
chait par  ses  domaines  aux  pays  d'Empire  de  la  région  rhé- 
nane, au  Saargau ,  et  à  l'Alsace  en  particulier.  Il  avait  néces- 
sairement des  relations  de  voisinage,  d'amitié,  de  parenté,  et 
une  confraternité  d'armes  avec  plusieurs  des  gentilshommes  de 
ce  pays,  qui  étaient  à  la  solde  de  la  cité  de  Metz. 

19 


290  NOTES   ET  UEM.VUQUES. 

Nous  avons  cité  (.y/r.  55)  les  nomsdesplus  éminents  soldoyeurs 
qu'ont  conservés  les  archives  messines.  Nommons  encore,  à  l'ap- 
pui de  notre  opinion,  Ferry  comte  de  Saarwerden,  E;^Ie  comte 
de  Geroldseck,  Jacques  de  Durkheim,  Renaud  de  Chàteau- 
Voué...  Chacun  de  ces  seigneurs  avait  à  sa  suite  un  certain  nom- 
bre de  chevaliers  et  d'écuyers. 

Parmi  ceux  qui,  dans  uncposilion  plusmodcslc,sont  pour  leur 
seule  personne  aux  gages  de  la  cité  (moyennant  une  indemnité 
de  vingt  à  trente  livres  et  une  solde  de  quinze  îi  vingt  sols  par 
semaine),  figurent  un  grand  nombre  de  noms  qui  appartiennent 
à  l'Alsace,  pays  immédiatement  voisin  de  la  seigneurie  de  Fé- 
nestrange.  Mais  il  y  a  quelque  chose  de  plus  positif  encore  : 
c'est  (|ue  la  maison  de  Saarwerden  était  alliée  à  celle  de  Fénes- 
trange,  et  que  la  seigneurie  de  Geroldseck  était  une  des  branches 
de  cette  baronnie. 

Srr.  117,  V.  6. 

La  digue  deWadrineau  (commune  du  Ban-Saint-Martin)  à 
la  pointe  de  l'île  du  Saulcy,  a  pour  but  de  relever  le  niveau 
des  eaux  du  bras  droit  do  la  Moselle,  de  manière  à  créer  la 
force  motrice  des  moulins  et  usines  de  Metz.  Son  entretien 
était  il  la  charge  des  propriétaires  des  moulins;  mais,  comme  ils 
remplissaient  fort  mal  leurs  obligations,  et  qu'il  y  avait  par 
leur  faute  un  sérieux  intérêt  public  en  souffrance,  la  Ville  les 
expropria  par  atour  du  a  (  juin  i4a5,  fit  des  usines  sa  chose 
propre,  et  mit  l'entretien  d<;  la  digue  à  la  charge  du  budget 
communal.  Jusqu'alors  elle  était  en  bois.  En  i43o,  la  destruc- 
tion de  la  magnifique  abbaye  de  Saint-Martin  fournit  des  ma- 
tériaux pour  la  reconstruire  en  pierres,  et  de  cet  acte  d'impla- 
cable ressentiment  de  la  cité  sortit  la  construction  du  bel  et 
solide  ouvrage,  de  Sao  mètres  de  longueur  sur  6  mètres  de  hau- 
teur, qui  défiera  longtemps  encore  les  efforts  des  années  et  des 
flots.  En  i3a4,  il  était  peu  difficile  d'ouvrir  une  brèche  dans 
un  simple  ouvrage  de  bois.  C'est  pour  cette  raison  que  la  pré- 
sence de  la  nef  rendait  si  grand  service. 


SOLDOYEURS  MESSINS 

d'après  les  vitraux  de  la  chapelle  de  gauche  de  l'église  Sainte-Segolène 
(le  Metz,  représentant  l'adoration  des  Mages. 

(XIV  SIÈCLK.) 


NOTES  ET  REMARQUES,  231 

Str.  123,  V.  3. 

L'état  militaire  de  la  cité  était  sous  la  direction  supérieure 
d'un  comitéde  sept  uiemlires,  qu'on  appelait  les  Sept  de /a  guerre. 
Leur  pouvoir,  d'abord  créé  en  i324  pour  le  besoin  des  circons- 
tances, fut  ensuite  revêtu  d'un  caractère  permanent.  Il  était 
presque  dictatoiial.  C'est  entre  leurs  mains  que  les  soldoyeurs 
prêtaient  serment,  c'était  d'eux  que  tous  ceux  qui  prenaient 
part  à  la  défense  recevaient  les  ordres  de  service.  Tous  les  ci- 
toyens se  devaient  à  la  patrie.  Les  seigneurs  de  paraiges  com- 
battaient à  cheval,  et  entretenaient  à  leurs  frais  un  certain  nom- 
bre de  varlels  d'armes  :  les  gens  des  paroisses  et  les  manants  des 
villages  élaientorganisés  en  compagnies,  et  constituaient  l'infan- 
terie. Ces  derniers  n'avaient  évidemment  pas  une  grande  habi- 
tude des  firmes,  et  il  pouvait  paraître  imprudent  de  les  hasarder 
en  pleine  campagne.  Mais  ils  présentaient  de  précieuses  ressour- 
ces pour  la  défense  intérieure  des  murailles,  et  l'on  vit  plus  d'une 
fois  jusqu'à  quel  point  on  pouvait  compter  sur  leur  courage. 

La  Chronique  de  Praillon  a  conservé  la  liste  des  seigneurs  de 
paraiges  qui  avaient  reçu  le  commandement  de  ces  compagnies 
bourgeoises  et  populaires,  dans  la  guerre  de  i324.  On  peut  en 
conclure  que  les  défenseurs  de  la  cité,  fournis  par  sa  popula- 
tion, étaient  répartis  en  douze  compagnies.  Voici  les  noms  de 
ceux  qui  étaient  à  leur  tête  : 

«  Ceux  qui  furent  des  paraiges  de  la  cité  portant  enseignes, 
et  lieutenants  de  capitaines  à  cheval,  estoient  nommez  : 

Les  Vorle-Bannières. 

François  Lambert,  Lowial  de  Louvigny, 

Roillon  Pappemiate,  Jehan  de  Mielan, 

Symonat  de  Chambre,  Auberlin  Bataille, 

Perrin  Grandcol,  Thiébaut  Heminguen, 

Maheule  Mercier  le  jeune,  Lowis  Crowellet, 

Jehan  Renguillon,  Henriquez  Chevallat. 

Les  Chevauc/iears. 
Collignon  Papperel,  Jehan  Veilan, 


292  ^OTES  ET  REMARQUES. 

Joffroy  Aixiés,  Jacomin  Gellée, 

Philippin   Haiques,  Heniiquez  Chevallat,  le  jeune, 

ThiébaiiU  P\iulquenel,  Thiry  Naiinery, 

Jelian  Hesson  le  vieux,  Jehan  Witier  de  Marieulles, 

Thiébaull  Behimy,  Guercirial   Boulay, 

Renaît!  le  Gionaix,  Philippin  Faixin  dit  Xullefcrt,     - 

r.ollignon  Bataille,  Stevenin  Faulquenel, 

Thiébault  Lorant,  Penin  Xaving, 

Jehan  Aixiés,  Simonin  Roucel, 

Jehan  Bellen,  Xandrin   Chaingne, 

An  ce  I. s,  l'aman.  Jeoffroy  Jallée.  » 

Str.  13  5,  V.  3, 

On  connaît  bien  peu  de  choses  certaines  sur  le  compte  de  saint 
Auteur,  treizième  évèque  de  Metz.  On  sait  seulement  cpi'il  oc- 
cupait le  siège  épiscopal  en  ^Si,  lors  de  l'invasion  des  Huns 
d'Atlila.  La  légende  rapporte  qu'il  était  cordonnier  de  profes- 
sion, et  résidait  derrière  l'église  de  Saint-Simplice  (près  de  la 
place  Friedland  actuelle),  qu'il  fut  désigné  pour  être  évoque  par 
le  vœu  public,  en  raison  de  la  sainteté  de  sa  vie,  et  qu'une  source 
miraculeuse  fut  le  signe  que  Dieu  lui  donna  pour  vaincre  les 
scrupules  de  son  humilité.  Ce  qui  est  certain,  c'est  que  la  nié- 
moire  de  ce  saint  prélat  était  entourée  d'une  vénération  gé- 
nérale, et  que  ses  reliques  étaient  grandement  honorées  dans 
l'abbaye  de  Marmoutier  en  Alsace,  où  elles  avaient  été  transfé- 
rées. 

Sfr.  i3o,  V.  6. 

L'abbaye  de  Saint-Eloi  ou  Sainte-Croix,  de  l'ordre  de  Pré- 
montré, fut  fondée  au  dixième  siècle  par  des  religieux  qui  vi- 
vaient dans  le  lieu  plus  lard  appelé  la  Grange-aux-Dames,  sous 
une  règle  qu'ils  attribuaient  à  saint  Éloi.  Ils  demandèrent,  vers 
liai,  à  être  admis  dans  l'ordre  de  Prémontré,  et  la  commu- 
nauté fut  établie  à  Buris  ou  Thury,  lieu  voisin,  à  cause  de  l'in- 
commodité des  débordements  de  la  Moselle;  mais,  peu  de  temps 
après,  elle  se  vit  transférer  à  Justement,  autre  couvent  du  même 


NOTES  ET  REMARQUES.  295 

orclie:  elle  ne  larda  pas  cependant  à  s'installer  définitivement 
près  de  Thury,  où  fut  construit  un  monastère  qui  prit  le  titre 
de  Sainte-Croix. 

Transférée  à  Metz  à  la  suite  de  la  destruction  de  ses  bâtiments, 
lors  du  siège  de  cette  ville  en  i552,  elle  fut  supprimée  en 
iSgS,  et  ses  biens  furent  attribués  à  ia  dotation  du  collège. 

Str.  i35,  V.  5. 

La  bannière  que  le  roi  Jean  faisait  porter  à  la  bataille  n'é- 
tait pas  conforme,  quant  aux  couleurs,  aux  armoiries  tradition- 
nelles du  Luxembourg.  Elle  était  de  couleur  rouge,  chargée 
d'un  lion  d'argent.  «  Fexilht  ruhri  coloris  album  leonem  porlan- 
tia.  »  (Chron,  aulse  regiae,  p.  227.)  Ce  sont  les  armoiries  du 
royaume  de  Bohême.  Celles  du  duché  de  Luxembourg  ont 
pour  pièce  principale  un  lion  de  gueules.  Le  roi  Jean  était  donc 
à  un  double  titre  «  le  roi  au  Lyoncel  ». 

Sir.  i53,  1'.  3. 

Par  le  Pont,  il  faut  entendre  le  marquisat  de  Pont-à-Mousson, 
prévôté  barrisienne,  dont  la  juridiction  s'étendait  assez  près  de 
Metz,  sur  la  rive  droite  de  la  Moselle.  C'est  ainsi  qu'elle  com- 
prenait Arry  et  Corny.  Nous  lui  donnons  le  titre  de  marquisat, 
sous  lequel  il  est  caractérisé;  mais,  au  moment  de  la  guerre  de 
1824,  il  ne  le  portait  pas  encore,  car  il  ne  lui  fut  attribué  que  par 
l'empereur  Charles  IV,  à  Metz,  en  i356,  à  la  prière  d'Yolande 
de  Flandres,  comtesse  de  Bar,  et  de  son  fils  Robert.  Deux  ans 
auparavant,  également  ;i  Metz,  il  avait  érigé  en  duchés  les  comtés 
de  Bar  et  de  Luxembourg.  Le  marquisat  de  Pont-à-Mousson 
fut  déclaré  terre  d'Empire   en  iSjS. 

La  forteresse  de  Mousson  ou  Monçon  (iVort.y/oi'/j),  apanage  des 
fils  aînés  des  comtes  de  Bar,  a  été  le  berceau  de  la  ville,  qui,  sur- 
tout à  partir  du  X1II«  siècle,  se  créa  à  ses  pieds,  sur  la  rive  droite 
de  la  Moselle.  Cette  rivière  y  était  traversée  par  un  pont  très- 
ancien,  placé  sous  la  garde  du  château  [Pons  siib  monte). 


20a  NOTES  ET  REMARQUES. 

Le  cliàteau  de  Mousson  a  clé  clélruit  en  )()7o,  parle  maréchal 
(le  Cré([uy.  11  présente  encore  des  ruines  fort  intéressantes. 

Sfr.  i6o,  7'.  4. 

Le  Val-Sainle-Marie  tirait  son  nom  de  l'abbaye  deSainte-Ma- 
rie-aux-Bois,  de  l'ordre  de  Prémontré,  qui  était  située  à  peu  de 
distance  de  Prény,  dans  un  vallon  entouré  de  montagnes  boi- 
sées et  de  sources  abondantes.  On  en  attribue  la  fondation  à 
saint  Norbert  lui-même^  en  iiafi,  au  moyen  des  libéralités  du 
duc  de  Lorraine  Simon. 

L'abbaye  fut  transférée  à  Pont-à-Mousson  en  i6ofi.  Ce  qui 
reste  de  la  construction  primitive  des  bâtiments  claustraux,  ac- 
tuelleiiK  ni  transformés  en  ferme,  présente  le  plus  grand  intérêt. 

Sir.  i65,  -v.  4. 

Lultangc,  sur  le  ruisseau  de  Bii)iehe,  en  allemand  Leuclitin- 
gen  (canton  de  Metzerwisse),  était  un  fief  mouvant  du  comté  de 
Luxembourg.  11  avait  donné  son  nom  à  une  maison  d'ancienne 
chevalerie,  (|ui  portait  pour  armes  d'argent  à  l'aigle  epfofée  d'a- 
z(ir,  sans  hcc  ni  membres.  Ce  fief,  seigneurie  et  haute  justice,  du- 
quel depindaienl  neuf  villages,  avait  pour  siège  un  très-beau  et 
solide  ciiàleau,  muni  de  tours  et  de  fossés,  dont  une  partie  con- 
sidérable existe  encore. 

A  Luttange  était  une  nuache  destaut,  entre  la  cité  de  Met/ 
el  le  du(  hé  de  Lorraine,  pour  ses  sujets  allemands. 

4SV/-.  167,  V.  I. 

Chanibley  (canton  de  Gorze)  était  un  village  lorrain,  enclavé 
dans  la  terre  de  Gorze,  siège  d'une  baronnie  et  d'une  haute  jus- 
tice, sous  la  chàtellenie  de  Prény. 

Il  avait  donné  son  nom  à  une  noble  maison,  de  nom  el  d'ar- 
mes, qui  portait  c/e  sable  à  la  croix  d'argent,  accompagnée  de  qua- 
tre fleurs  de  lis  d'or,  et  à  laquelle  succéda,  dans  la  possession  du 
domaine,  l'illustre  famille  lorraine  de  Haraucourt. 


^OTES  ET  REMARQUES. 


295 


Il  y  avait  àCliainblcy  un  vaste  château,  bien  fortifié,  qui  fut 
pris  et  rasé  en  i636,  pendant  la  guerre  de  Trente  ans,  et  dans  le 
siège  duquel  se  distingua  un  jeune  officier  qui  devait  être  le 
maréchal  Fabert.  (Von- \e  Journal  de  Jean  Bandiez.) 

Str.  169,  V.  3, 

Gorze  est  un  bourg  considérable  (chef-lieu  de  canton  de  l'ar- 
rondissement de  Metz),  qu'a  rendu  célèbre  l'antique  et  puis- 
sante abbaye  à  laquelle  il  a  dû  la  naissance.  Celte  abbaye,  fon- 
dée en  749  par  Chrodegand,  évêque  de  Metz,  fut  placée  en  982  , 
parle  bienheureux  Jean  de  Gorze,  sous  la  règle  de  Saint-Be- 
noît, et  parvint  à  un  degré  extraordinaire  de  prospérité.  Mais 
le  XVl^  siècle  lui  fut  fatal  :  les  luthériens  la  pillèrent  et  la  brû- 
lèrent de  fond  en  comble,  et  le  cardinal  de  Lorraine  obtint,  en 
1672,  sa  sécularisation.  Il  ne  reste  rien  des  lieux  réguliers  :  le 
palais  abbatial^  magnifique  construction  du  XVII"  siècle,  sert  de 
dépôt  de  mendicité  départemental. 

La  terre  de  Gorze,  qui  dépendait  de  l'abbaye,  comprenait 
vingt-sept  hautes  justices  et  douze  paroisses,  et  formait  une  sei- 
gneurie indépendante,  sous  le  gouvernement  de  ses  abbés.  Elle 
fut  réunie  à  la  France  par  le  traité  de  Vincennes,  en  1661. 

C'est  dans  le  voisinage  de  Gorze  que  se  trouvent  les  sources 
admirables  que  les  Romains  avaient  détournées  au  profit  de  la 
ville  de  Metz,  par  le  moyen  de  l'aqueduc  ou  des  arches  de  Jouy. 

(Voir  la  note  relative  à  la  strophe  a3i.) 

Str.   J71,  V.  4. 

André  de  la  Pierre  était  fils  de  Guillaume  dit  Bossel,  seigneur 
de  la  Pierre,  et  appartenait  à  la  maison  des  comtes  de  la 
Petite-Pierre. 

Il  portait  pour  armes  :  coupé  au  premier  de  gueules  au  léo- 
pard d'argent,  la  queue  fourchue,  au  deuxième  d^or  plein. 

Les  ai'chives  de  Metz  conservent  son  acte  d'engagement  ou 
de  convenance  que  nous  reproduisons,  comme  présentant  le 
type  à  peu  près  invariable  des  actes  de  celte  nature: 


290  NOTES  ET  REMARQUES. 

«  Je  AiuIiTiis,  siros  de  la  Pieie,  fas  savoir  et  cognissant  à 
tous  (|ue  par  mi  quinzimede  thlers  et  liante  et  euit  escuieis 
dont  je  doie  servir  et  aidier  les  cilains  de  la  citeit  de  Mes 
contre  Ion  roy  de  Baliaingnt,  contre  larcevesque  de  Tiieves, 
contre  lou  duc  de  Lorrainne,  contre  Ion  comte  de  Bair  et  con- 
tre lour  aidans  toute  ladite  guerre  durant  et  jusqnes  à  fin  de 
guerre,  pour  lou  queil  cer\iseet  par  laqueilie  ayde  lidit  citains 
moi  doient  donreir  quinze  cens  livres  et  quatre  vins  et  deix  li- 
ves  de  messains  por  mi  et  por  toutes  mes  gens  dessus  dites,  et 
encore  sinqunnte  livres  de  messains  por  un  cheval.  A  savoir 
est  que  de  ladile  sonie  d'argent  j'ai  bien  eut  et  resuit  des  dis 
citains  la  incite;  et  ai  encor  l)ien  resuil  les  dites  cinquante  li- 
vres; et  l'autre  ineife  desililes  (|uinze  cens  livres  et  quatre 
vins  deix  livres  li  dit  cilains  moi  doient  deiivreir  à  la  fin  de 
lour  dite  guerre;  et  j'ai  promis  et  promesp  ma  foy  corne  loialz 
chlerque  je  et  cinquante  et  trois  les  servirons  et  aiderons  et  con- 
seillerons à  nos  bons  povoirs  loialiiient  toute  ladile  guerre  du- 
rant. Kn  lesmoignage  de  veriteit  sont  ces  présentes  letres  saiel- 
léesde  mon  saiel  (|ue  furent  faites  lande  graice  noslre  signor  mil 
trois  cent  et  vint  et  quatre  ans,  lou  samedy  après  festc  Sainlc- 
(tux,  en  septenbre.  » 

Str.    i-j,  ?'.   I. 

l.a  seigneurie  d'Apremoiit,  dont  le  siège  éiail  un  puissant 
château  situé  sur  une  monlagne  isolée  ,  entre  ïoul  et  Com- 
inercy  (diocèse  de  Verdun),  était  une  des  plus  considérables  du 
pays.  Au  temps  de  sa  plus  grande  splendeur,  elle  ne  comprenait 
pas  moins  de  deux  cent  quatre-vingts  villages.  Ancien  fief  de 
Févêché  de  Metz,  elle  fut,  en  i334,  érigée  par  l'empereur  Char- 
les IV  en  baronnie  souveraine,  sujette  directement  à  l'empire. 
Mais  celte  élévation  lui  fut  fatale.  Dès  la  fin  du  XW  siècle  , 
une  rapide  décadence  faisait  passer  la  seigneurie,  démembrée, 
dans  les  mains  des  comtes  de  Linange. 

En  i56(),  elle  entra  sous  la  souveraineté  de  la  I-oiraine,  et 
donna  lieu  dans  la  suite  à  d'inextricables  difficultés. 

Gobert  VI,  fils  de  Gobert  V  et  d'Isabelle  de  Kievrain,   avait 


NOTES  ET  REMARQUES.  297 

succédé  à  son  père  en  i3o2,  sous  la  tutelle  de  sa  mère.  Il  avait 
épousé  Marie,  fille  de  Tliiébaut,  comte  de  Bar,  qui  lui  donna 
deux  fils.  Il  survécut  à  peine  à  celte  guerre,  car  un  acte  de  1826 
règle  le  doiiaire  de  sa  veuve. 

Les  armoiries  de  la  maison  d'Apremont  sont  :  de  gueules  à  ht 
croix  dargcut. 

Str.    175,  V.  3. 

Henry  de  Faulquemont  est  le  même  que  cet  Henry  de  Fénes- 
Irange  que  nous  avons  vu  rançonné  à  sept  mille  livres  sur  pa- 
role, grâce  à  l'intervention  des  soldoyeurs  ses  amis. 

La  seigneurie  de  Faulquemont  était  dans  les  domaines  de 
la  maison  de  Fénestrange  dès  le  XlIIe  siècle.  Elle  était  primiti- 
vement fief  de  l'évêché  de  Metz,  et  fut  engagée  par  Jean  de 
Fénestrange  au  duc  de  Lorraine,  à  la  fin  du  XIV"  siècle.  Elle 
resta  depuis  lors  fief  du  duché. 

La  postérité  masculine  des  Fénestrange  s'étant  éteinte  vers 
1480,  la  seigneurie  de  Faulquemont  fut  usurpée  par  les  comtes 
de  Linange;  mais,  après  un  siècle  de  contestations,  les  seigneurs 
de  Haraucourt  y  rentrèrent,  à  titre  d'héritiers  de  Marguerite 
de  Fénestrange.  Elle  fut  érigée  en  marquisat  par  le  duc  Charles 
IV,  en  faveur  d'Elysée  de  Haraucourt,  en  1629.  Plus  tard, 
Faulquemont  fut  centre  d'une  prévoie  bailliagère  sous  le  parle- 
ment de  Nancy,  fondue  en  ijSi  dans  le  bailliage  de  Boulay. 
Elle  est  aujourd'hui  chef-lieu  d'un  canton  de  l'arrondissement 
de  Metz. 

Cette  petite  ville^  située  près  de  la  Nied  allemande,  était  entou- 
rée de  murailles  et  possédait  un  vaste  château.  Ces  défenses  fu- 
rent détruites  au  XVII*  siècle,  pendant  la  guerre  de  Trente  ans. 

Str.    17(1,  V.  I. 

Le  personnage  que  le  poëme  nomme  messire  Ainbluis,  et  qui 
signe  le  traité  de  paix  au  nom  de  Henry  Dauphin,  sous  le  nom 
de  a  Monseigneur  Amblard,  noir,  chivclliers  »,  est  Amblard  de 
Beaumonl   (et  non  Artaud,   comme  l'appellent  par  erreur   les 


298  ^OTES   ET   REMARQUES. 

historiens  tle  Melz).  Il  était,  avec  Guy  de  Groléc  et  Andié  de 
Grenoble,  un  des  trois  personnages  laïcs  que  la  confiance  d'Henry 
Dauphin  avait  amenés  du  Dauphiné,  pour  leur  confier  l'admi- 
nistration du  temporel  de  son  évèché. 

Amblard  de  Beaumont  était  réservé  à  un  rôle  considérable 
dans  les  négociations  (|ui  précédèrent  la  donation  du  Dauphiné 
à  la  France  par  le  Dauphin  Humbert  II.  Il  fut  l'àme  de  ces  né- 
gociations et  y  déploya  un  tel  dévouement  à  l'idée  française, 
que  le  roi  de  France  l'en  rtcompensa,  en  i343,  par  une  pension 
viagère  de  fioo  livres,  et  par  le  titre  de  son  conseiller. 

Str.    177. 

Les  Messins,  il  faut  l'avouer,  montraient  une  étrange  naïveté, 
en  s'élonnant  si  fort  de  voir  leur  évêque  uni  à  leurs  ennemis. 
Ils  pouvaient  cependant  se  dire  que,  depuis  quelques  années, 
ils  n'avaient  rien  négligé  de  ce  qui  était  de  nature  à  indisposer 
contre  eux  les  prélats  placés  à  la  tête  du  diocèse.  En  toute  oc- 
casion et  partout  où  ils  avaient  cru  voir  un  abus  à  corriger,  ils 
n'avaient  pas  craint,  malgré  toutes  les  protestations,  d'introduire 
l'action  du  pouvoir  civil  dans  les  choses  religieuses. 

Rien  que  l'énumération  de  quelques  atours,  depuis  le  com- 
mencement du  quatorzième  siècle,  en  dehors  des  autres  griefs 
énuinérés  dans  Vlntrocltiction^  montrera  quel  était  leur  esprit 
au  sujet  des  rapports  de  l'F-glise  et  de  l'fîtat. 

I.  Atoiiv  du  9  «177/  i3o4. 

Les  religieux  et  religieuses  sont  déclarés  inhabiles  à  recueillir 
tout  héritage  après  leur  profession  faite. 

II.  Atonr  (le  janvier  i3o5  (i3oO,  n.s.). 

Défense  à  la  justice  épiscopale  de  se  tenir  sur  les  escaliers  et 
la  place  de  Chambre. 

III.  jétoitr  (lu  9  mars  1  807  (i3o8,  //.  s.). 

Fixation  du  nombre  des  religieux  dans  les  maisons  d'ordres 
mendiants,  et  défense  de  le  dépasser  jamais, 

IV.  Création  de  vingt-six  prud'hommes  pour  surveiller  l'ad- 
ministration de  la  justice  en  dehors  de  toute  confirmation  épis- 
copale. (î3i2,  —  i3i3.) 


NOTES  ET  REMARQUES.  29» 

V.  J lotir  (le  janvier  i3i3  (i3i4,  ".  s.). 

Répartition  des  amendes  entre  les  Treize  et  la  Ville,  sans  que 
l'évêqiie  y  ait  part, 

VI.  Alourdit  lo  juillet  i3i4. 

Défense  f&ile  à  tout  laïque  de  charger  son  héritage  de  cens, 
de  rentes  et  de  pensions,  au  profit  de  «  nulz  clercs  ne  de  nulles 
gens  de  religion  ne  de  nulle  clergiel  ». 

Vil.  Alour   (lu  lo  juillet  iBaa. 

Règlement  pour  la  réforme  des  moines  des  abbayes  de  Béné- 
dictins, avec  intervention  de  la  police  municipale,  et  applica- 
tion d'amendes  sévères. 

VIII.  Jlour  (lu  3o  mai  iSaS. 

Défense  faite  de  faire  figui-er  dans  un  testament  le  nom  d'au- 
cune personne  engagée  dans  un  ordre  religieux,  et  de  la  choisir 
pour  exécuteur  testamentaire. 

Str.  178,  V.  7. 

Un  impôt,  consistant  dans  le  meilleur  habillement  complet  de 
quiconque  mourait  à  Melz^  avait  été  établi  par  l'évèque  Conrad 
de  Scharpheneck,  en  lasa,  au  profit  de  la  commune,  pour  l'ai- 
der à  la  construction  du  pont  des  Pucelles,  ou  Moyen-Pont- 
desMorls,  en  face  l'hôpital  de  Chambre.  En  1282,  il  fut  attri- 
bué à  l'hôpital  Saint-Nicolas,  à  la  condition  qu'il  prendrait  à  sa 
charge  la  construction  et  l'entretien  de  quatre  ponts  en  pierres 
sur  la  Moselle,  à  raison  de  l'achèvement  d'une  arche  par  an. 
Mais,  malgré  des  injonctions  sévères  et  réitérées,  comme  le  pro- 
duit de  l'impôt  était  insuffisant,  la  fin  de  la  construction  se  fit 
longtemps  attendre.  Un  atour  de  i3i2  nous  apprend  que  le 
pont  des  Morts  élait  encore  presque  entièrement  en  bois.  On 
comprend  donc  cet  incendie  allumé  par  les  ennemis  à  l'extré- 
mité de  ce  pont.  On  voit  encore  dans  la  Moselle,  aux  basses 
eaux,  quelques  restes  des  pilotis  sur  lesquels  était  supporté  le 
pont  de  bois  de  \'i'il\,  dont  la  direction  différait  de  celle  du. 
pont  de  pierre  qui  l'a  remplacé. 


30O  NOTES  ET  REMARQUES. 

Str.    182,  V.  I. 

Les  paroisses  de  Metz,  en  i3j4,  étaient  au  nombre  de  vingt, 
nombre  qui  ne  fut  d'ailleurs  jamais  dépassé.  Presque  toutes  da- 
taient d'une  époque  très-reculée.  En  voici  la  liste  : 

Saint-Marcel,  Saint-Georges,  Saint -Livier,  Saint-Médard, 
Saint  -  Ferroy  ,  Sainte- Segoiène,  Sainte-Croix,  Saint- Victor , 
Saint-Jacques,  Saint-Gorgon.  Saint-Hiiaire-le-Grand,  Saint-Hi- 
laire-le-Petit,  Saint-Vit,  Saint-J«an,  Saint-Martin,  Sainte-Gen- 
goulf,  Sainl-Simplice,  Saint-Etienne,  Saint-Maximin ,  Saint- 
Eucaire.  Le  nombre  des  édifices  consacrés  au  culte,  collégiales, 
chapelles,  couvents,  etc.,  était  au-delà  du  chiffre  de  soixante. 

La  construction  du  Retranchement  de  Guise,  celle  de  la  Cita- 
delle, eurent  jiour  conséquence  la  suppression  de  cinq  de  ces 
paroisses;  la  transformation  de  la  place  de  l'Hôtel  de  ville  en  fit 
disparaître  une  autre  :  à  la  révolution;  Mclz  comptait  donc  qua- 
torze paroisses  ;  sur  ce  nombre,  le  concordat  maintint  seulement 
ce  titre  à  quatre:  Sainte-Segolène,  Saint-Eucaire ,  Saint-Maxi- 
min, Saint-Marlin.  Il  le  conféra  aux  églises  Saint-Simon  (Cha- 
noines réguliers),  Notre-Dame  (Jésuites),  Saint-Vincent  (Béné- 
dictins), en  tout  sept.  La  plupart  des  anciennes  églises  parois- 
siales, vendues  à  la  suite  de  la  Révolution,  ont  maintenant  dis- 
paru. 

La  paroisse  était  la  division  administrative  adoptée  sous  plu- 
sieurs rappqrls.  Chaque  paroisse  nomniait  chaque  année  un 
comte,  magistrat  choisi  dans  la  classe  populaire,  et  spécialement 
chargé  de  défendre  ses  intérêts  auprès  du  grand  conseil  de  la 
cité. 

Str.  i83,  v.  6. 

La  prise  d'eau  qui  alimentait  les  fossés  des  fronts  Saint-Vin- 
cent et  Chambière,  au  moyen  des  eaux  du  bief  supérieur  des 
moulins  de  Metz,  était  placée  en  face  des  jardins  actuels  de  la 
Préfecture,  et  le  canal  qui  amenait  ces  eaux  était  creusé  sur  le 
terrain  de  l'abbaye  Saint-Vincent  :  c'est  là  ce  que  signifie  l'ex- 
pression painij  les  freires. 


NOTES  ET   r.EMARQUES.  301 


Str.  i84,  V.b. 


Voyez  les  derniers  alinéas  de  la  note  suivaule,  relative  à  l'en- 
ceinte de  Metz. 

Sfr.   i85,  V.  3. 

L'enceinte  de  Metz,  nu  moment  de  la  guerre  de  i3'j/|,  était 
formée  d'un  grand  nombre  de  tours,  d'une  importance  plus  ou 
moins  grande,  reliées  par  des  murs  épais  non  terrassés,  précédés 
d'une  fausse  braie  snr  les  points  les  plus  exposés.  Ces  tours 
étaient  crénelées  et  surmontées  d  une  plate-forme  qui  communi- 
quait avec  un  chemin  de  ronde.  Les  étages  inférieurs  étaient 
ouverts  de  meurtrières,  et  pouvaient  contribuer  à  la  défense. 
De  CCS  tours,  trente-quatre  portaient  le  nom  et  étaient  confiées 
à  la  défense  d'un  des  corps  de  métiers  de  la  ville.  Toute  la  par- 
tie de  l'enceinte  qui  s'étend  le  long  de  la  Seille  et  de  la  Mo- 
selle, entre  la  porte  Mazelle  et  le  pont  Saint-Georges,  est  encore 
debout,  et  permet  de  prendre  une  connaissance  très-exacte  des 
procédés  de  fortification  auxquels  la  vieille  cité  impériale  a  dû 
si  longtemps  la  sauvegarde  de  son  indépendance.  La  série  de 
tours  qui  forme  la  clôture  de  l'arsenal  d'artillerie  a  même  été 
l'objet  d'un  soin  respectueux  et  d'une  restauration  intelligente. 

On  y  retrouve  encore  intactes,  entre  la  porte  des  Allemands 
elles  barres  de  la  Basse-Seille,  la  tour  des  potiers  d'étain,  celle 
des  barbiers  et  chandeliers  de  cire  ;  entre  les  barres  de  la  Basse- 
Seille  et  la  porte  au  pont-Rengmont  (porte  Sainte-Barbe),  celle 
des  tanneurs;  entre  cette  porte  et  les  barres  du  Rhinport 
(pont  Saint-Georges),  celles  des  boursiers,  des  tailleurs,  des 
chaudronniers,  des  maréchaux,  des  couteliers,  des  bourreliers 
(wercolliers)  ,  des  cordiers  et  meuniers  (chevriers  et  mos- 
niers)  et  des  tisserands.  Entre  les  barres  de  Rhinport  et  la 
portedu  Pontiffroy  étaient  celles  des  pêcheurs, des  vanniers  (cs- 
cre[)cnniers),  des  couvreurs  (recowai tours),  des  charrons,  des 
cordonniers  (corvoisiers),  des  revendeurs;  entre  les  deux  ponts, 
celle  des  tonneliers.  En  face  du  grand  Saulcis,  la  tour  des  pein- 


S02  NOTES  ET  REMARQUES. 

très.  Entre  la  Moselle  et  la  porte  Scarponaise,  celles  des  vigne- 
rons, des  bouchers,  des  charpentiers,  des  boulangers,  des  chan- 
deliers de  suif,  des  drapiers  et  des  lainiers.  Entre  la  porte  Saint- 
Thiébaull  et  laporte  Mazelle,  celles  des  merciers,  des  cloutiers 
(clowetours)  et  des  fripiers  (viéciers.)  Enfin,  entre  la  porte  Ma- 
zelle et  celle  des  Allemands,  la  lourdes  haranguiers.  Les  autres 
tours  étaient  réservées  soit  aux  soldoyeurs,  soit  aux  bourgeois 
et  manants,  non  compris  dans  les  corps  de  métiers. 

Nous  n'avons  cité  dans  la  précédente  nomenclature  que  les 
portes  actuellement  ouvertes  à  Metz;  mais,  à  l'époque  qui  nous 
occupe,  le  nombre  en  était  bien  plus  grand.  Il  s'élevait  à  dix- 
huit,  dont  voici  les  noms  et  l'ordre,  par  rapport  à  celles  qui 
ont  été  conservées  : 

La  porte  Serpehoise, 

—  Saint-Thiébvult, 

—  Chauleruelle, 

—  Des  Repenties, 

La  poterne  Saint-Nicolas,  sur  le  champ  Nemmery. 
La  porte  Mazelle, 

—  Des  Allemands, 

—  Du  pont  dame  Collette, 

—  Au  haut  Champé, 

—  En  Chaudelrue, 

-—       Au  Pont  Rejvgmomt, 

—  A  la  Saulx-en-Rliinport, 

—  En  Chambière, 

—  De  costé   l'hostel  S""  Nicolle-Lambert ,   oultre  Mu- 
zelle, 

Du   POKTIFFEOY, 

—  Du  PONT  DES  Morts, 

—  En  Angleniur, 

—  Patair,  qui  estait  on  meis  Cliaile. 

Le  premier  soin  des  Sept  de  la  guerre,  préposés  à  la  défense 
delà  ville,  fut  de  faire  murer  neuf  de  ces  portes  qui  rendaient 
la  surveillance  très-difficile,  par  suite  de  leur  nombre  et  de 
l'habitude  qu'on  avait  d'y  passer,  tant  de  jour  que  de  nuit. 


NOTES  ET  REMARQCES.  303 

Il  faut  ajouter  que  l'enceinte  de  Metz,  telle  que  nous  venons 
de  la  définir,  n'était  pas  complète  en  i324- 

La  villeétait,  au  XIIl«  siècle,  sortie  de  sa  vieille  ceinture  de 
murailles,  et  avait  pris  un  développement  considérable  dans 
tous  les  sens.  lia  partie  dite  d'Outre-Moselle,  jusqu'au  hras 
gauche  de  la  rivière,  n'était  jusque-là  défendue  que  d'une  ma- 
nière fort  imparfaite.  Nous  assistons  dans  le  récit  de  la  guerre 
à  raclîèvement  de  l'enceinte  et  à  l'ouverture  des  fossés  de  ce 
côté.  Du  côté  d'Outre-Seille,  il  restait  encore  beaucoup  à  faire. 
Les  fortifications  de  la  nouvelle  enceinte  étaient  finies  d'une 
parwjusqu'aux  barres  de  la  Haute-Seille,  de  l'autre  jusqu'aux 
barres  de  la  Basse-Seille  ;  mais  elles  ne  l'étaient  pas  entre  ces 
deux  points  :  au-delà  de  la  porte  Mazelle,  les  faubourgs  de  Ma- 
zelle,  de  Saint-Julien,  de  Sloxey,  des  Allemands,  attendaient 
encore  leurs  défenses  définitives.  Aussi  l'ordonnance  du  6  oc- 
tobre i324»  relative  aux  Sept  de  la  guerre,  commande-t-elle  que 
ces  points  faibles  soient  munis  sans  retard,  par  les  soins  des 
habitants  des  quartiers,  de  «  bons  fossés,  bons  murs  ou  bons 
paslis  ".  On  doit  croire  que  le  temps  manqua  pour  élever  les 
murailles  et  creuser  les  fossés,  et  qu'on  dut  se  contenter  de 
bonnes  fortifications  de  campagne.  On  voit  du  reste,  par  l'atta- 
que infructueuse  du  faubourg  Saint-Julien,  qu'elles  offraient 
une  résistance  suffisante. 

Ce  ne  fut  que  vers  i38i  que  ce  côté  de  l'enceinte  reçut  son 
ancien  achèvement.  Les  tours  des  potiers  d'étain  et  des  haran- 
guiers  ne  figurent  donc  pas  au  nombre  de  celles  qui  furent 
armées  par  les  métiers  en  i324. 

Sir.  196,  V.  7. 

Dans  le  pays  messin,  et  particulièrement  dans  les  villages,  il 
n'existe  pas  de  bonne  fête,  soit  publique,  soit  privée,  sans  qu'il 
y  soit  fait  une  grande  consommation  de  gâteaux,  appelés  taries 
ou  tourtes.  C'est  ainsi  que  s'explique  le  saint  Toituel  du 
poëme. 


301  NOTES  ET   REMARQUES. 

Sfr.  198,  ?'.   3. 

On  appelle  nwiiée,  dans  le  langage  dos  vignerons  messins, 
l'amas  de  paisseaux  ou  éclialas,  qui  est  fait  chaque  automne 
après  la  récolle,  jusqu'après  la  clôlure  des  travaux  d'hiver. 
On  donne  également  ce  nom  ù  la  superficie  du  terrain  dont 
les  échalas  sont  ainsi  réunis  en  un  tas.  Ce  terrain  repiésente 
la  liuilièuie  parlier/'««yo«/',  c'est-à-dire  la  vingt-(juatrième  j)artie 
d'un  hectare.  C'est  encore  aujourd'hui  sur  la  base  de  celte 
mesure  toute  locale  que  se  font  les  marchés  et  arrangements 
relatifs  aux  vignobles  du  pays  messin. 

•S7/'.  2o5,  V.  (5. 

La  commanderie  de  Saint-Antoine  du  Pont-à-Mousson  exis- 
tait dès  le  Xlle  siècle.  Elle  avait  pour  but  de  venir  en  aide 
aux  malades  atteints  An  feu  .incié  ou  feu  Sriint-yJnfoine,  ce  ter- 
rible fléau  des  XI"  et  Xll*  siècles.  Celte  maison  portait  le  litre 
de  commanderie  générale  de  Lorraine,  et  aussi  celui  de  bail- 
liage de  Liège.  Le  inonaslère,  qui  était  magnifique,  fut  attribué 
aux  Jésuites  en  1572,  et  les  Pères  de  Saint-Antoine  se  retirèrent 
sur  la  rive  gauche  de  la  Moselle,  laissant  leur  antique  demeure 
au  Collège  qui  se  rendit  si  célèbre  sous  le  nom  de  l'Université 
de  Pont-à-Mousson. 

Str.  218,  7.  3. 

Richemont  (en  allemand  Reichersberg),  près  du  confluent  de 
l'Orne  et  de  la  Moselle,  canton  de  Thionville,  était  un  fief  du 
comté  de  Luxembourg,  placé  sur  la  frontière  même  du  comté 
et  du  pays  Messin. 

Il  possédait  un  ancien  château  fort,  connu  sous  le  nom  d'Or- 
nelle,  qui  fut  rebâti  en  i4ii  par  le  comte  de  Wernembourg, 
avec  des  défenses  plus  imposantes  que  par  le  passé.  Ce  château 
fut  détruit,  en  i484»  par  les  Messins  et  les  Lorrains  alliés  ensem- 
ble, pour  réprimer  les  pilleries  auxquelles  se  livrait  son  seigneur. 

Le  siège  de  Richemont  forme  une  des  pages  les  plus  intéres- 
santes de  l'histoire  militaire  delà  cité  de  Metz. 


NOTES  ET  REMARQUES.  305 

Sir,  219,  V.  i. 

Florange  (en  allemand  Floerchingen),  canton  de  Thionville, 
était  une  ancienne  résidence  royale  devenue  tîef  du  comté  de 
Luxembourg,  (|ui  fut  donnée  en  ii35  par  l'empereur  Lo- 
ihaira  II  à  son  neveu  Robert  de  Lorraine,  fils  du  duc 
Simon  I*'.  Ce  prince  en  prit  le  nom,  et  ses  descendants  conser- 
vèrent la  seigneuriejusqu'au  commencement  du  XV*  siècle,  où  le 
comte  Robert  III  étant  mort  sans  postérité,  sa  sœur.  Lise  de 
Florange,  l'apporta  dans  les  domaines  de  Collard  P"'  de  Marley, 
son  époux.  Sa  petite-fille,  Jeanne  de  Marley,  la  fit  entrer  dans 
ceux  de  l'illustre  maison  de  Lamarck. 

Le  château  de  Florange  fut  détruit  en  iSaS  par  Charles- 
Quint,  et  la  seigneurie  confisquée  sur  Robert  II  de  Lamarck. 
Ce  château  était  très-considérable.  Son  importance  militaire 
s'était  souvent  affirmée  sous  la  race  belliqueuse  des  seigneurs 
auxquels  il  avait  appartenu. 

La  maison  de  Florange  portait  pour  armoiries,  depuis  i3o3, 
de  gueules  à  la  bordure  dentelée  d'argent  au  lion  d'or. 

Str.  23 1. 

Jouy-aux-Arches  (canton  de  Gorze),  sur  la  rive  gauche  de  la 
Moselle,  doit  son  nom  à  l'aqueduc  romain,  œuvre  du  IV«  siècle, 
dont  un  fragment  important  subsiste  sur  son  territoire,  et 
qui  amenait  à  Metz  les  eaux  pures  et  abondantes  des  sources  de 
Gorze. 

Ce  même  travail  a  été  renouvelé  dans  ces  dernières  années, 
mais  par  des  principes  tout  différents.  Les  Romains  avaient 
creusé  leur  aqueduc  souterrain  à  flanc  de  coteau,  dans  des  ter- 
rains peu  stables,  et  leur  œuvre  fut  rapidement  détruite.  Le 
travail  moderne,  au  contraire,  a  frayé  un  chemin  aux  eaux  de 
Gorze  à  travers  une  galerie  directe  creusée  sous  un  massif 
montagneux,  à  l'abri  de  toute  chance  de  glissement. 

Str.  a34. 

Je  crois  qu'il  faudrait  lire  «  Aubert  de  Nancey  ».  Je  ne  sache 
pas  qu'il  existe  de  Narcey  dans  aucun   catalogue  de  l'ancienne 

20 


506  NOTES  ET  REMARQUES. 

ohevalerie  de  Lorraine;  il  se  pourrait  donc  qu'il  y  eûl  lieu  de 
reconnaître  sous  cette  qualificalion  un  membre  de  l'illustre  fa- 
mille de  Lenoncourt,  à  laquelle  elle  avait  appartenu  dès  le 
XI'  siècle,  et  qui  l'avait  conservée  bien  longtemps,  après  avoir 
échangé  avec  les  ducs  de  Lorraine  la  seigneurie  de  Nancy  contre 
celle  de  Lenoncourt.  Ce  n'est,  en  effet,  que  vers  le  milieu  du 
XIV*  siècle^que  ce  nom  cesse  d'être  en  usage  dans  cette  noble 
maison. 

La  maison  deNancey  ou  de  Lenoncourt,  de  nom  et  d'armes, 
célèbre  en  Lorraine  depuis  1048,  honorée  du  titre  d'un  des 
quatre  grands  cheiatix  du  duché  et  des  plus  grandes  dignités  de 
l'Etat,  portait  pour  armes  :  d'argent,  à  la  croix  engrelée  de 
gueules. 


Str. 


ajg. 


Briey,  chef-lieu  d'arrondissement  delà  Moselle,  au-dessus  du 
Rù-de-Mance^  est  une  très-ancienne  ville,  placée  sur  une  hau- 
teur, dont  les  Romains  avaient  reconnu  l'importance  stratégi- 
que. Siège  d'un  comté  dans  le  duché  de  Mosellane  au  VIII"-"  siè- 
cle, on  croit  le  reconnaître  sous  le  titre  d'un  des  deux  comtés 
de  Wocvre  indiqués  dans  le  partage  du  royaume  de  Lothaire, 
eu  870. 

La  maison  de  Briey,  qui  le  possédait  aux  XI»  et  XII»  siècles, 
et  qui  était  une  branche  de  la  maison  de  Bar,  échangea,  vers 
1225,  cette  seigneurie  contre  celle  de  Landres  avec  le  comte  de 
Bar,  qui  fit  de  Briey  une  de  ses  meilleures  forteresses  et  le  siège 
d'une  prévôté  très-étendne. 

La  ville  était  défendue  par  une  forte  enceinte,  dont  une  par- 
tie existe  encore,  et  par  deux  châteaux  puissants.  Elle  fut  assié- 
gée plusieurs  fois,  et  résista  toujours  aux  attaques  de  l'ennemi, 
ju«qu'en  i475,  où  Charles  le  Téméraire  s'en  empara. 

Str.  24a. 

Saint  Nicolas,  archevêque  de  Myre,  «  le   grand  thaumaturge 

de  la  Lorraine,»  comme  on  l'a  appelé,  a  été  pendant  bien  des 

.  siècles  invoqué  comme  le  principal  patron  de  cette  province.  Il 


NOTES  ET  REMARQUES.  307 

y  est  l'objet  d'un  culte  spécial,  depuis  la  fin  du  XP  siècle,  où 
une  portion  notable  de  ses  reliques  fut  apportée  de  Bari-en- 
Pouille,  et  déposée  à  l'église  d'un  bourg  nommé  Port,  sur  la 
Meurlhe^  chef-lieu  d'un  canton  que  l'on  appelait  le  Pagiis  Por- 
te nsis. 

Ce  bourg,  où  affluèrent  les  pèlerins,  attirés  par  l'éclat  de  nom- 
breux miracles,  et  où  furent  établies  deux  foires  célèbres,  ne 
tarda  pas  à  devenir  une  ville  qui  eut  ses  jours  de  splendeur. 
Elle  en  conserve,  comme  souvenir,  une  admirable  église,  bâtie  à 
la  fin  du  XV^  siècle,  et  qui  est  encore  une  des  merveilles  archi- 
tecturales du  pays. 

Str.  249. 

L'auteur  du  poëme  ne  savait  pas  qu'il  se  rencontrait,  dans  ce 
reproche,  avec  une  des  pensées  favorites  d'un  prince,  par-dessus 
tout  avide  de  gloire  et  de  mouvement.  Jean  de  Bohême  brûlait, 
en  effet,  de  porter  la  guerre  en  Terre  Sainte  contre  les  Sarrasins, 
«  Ardebat  de.siderio  proferendœ  inter  bavbaros  religionis  chiis- 
tianœ.  »  (Raynaldus,  Annal,  eccies.,  t.  XV,  807^  n"  3o.) 

Le  i*'""  avril  iSaô,  aussitôt  après  la  signature  du  traité  de  paix, 
il  écrivait  au  pape  Jean  XXIt  pour  lui  faire  connaître  son  in- 
tention d'entreprendre  une  expédition  en  Palestine,  et  recevait 
du  pape  u rie  réponse  pleine  de  félicitations  et  de  bénédictions. 
Mais  les  événements  qui  suivirent  ne  lui  permirent  pas  de  don- 
ner suite  à  celte  idée  grandiose,  mais  sans  doute  bien  téméraire. 

Sir.  'jtS/,. 

Gréhange(en  allemand  Kriechingen),  canton  de  Faulquemont, 
maison  d'ancienne  chevalerie,  de  nom  et  d'armes,  était  de  toute 
ancienneté  une  seigneurie  considérable^  fief  du  duché  de 
Lorraine. 

En  1617,  l'empereur  Mathias  l'érigea  en  comté,  terre  immé- 
diate d'empire,  dans  le  cercle  du  Haut-Rhin,  avec  le  consente- 
ment du  duc  de  Lorraine.  Après  l'extinction  de  ses  anciens 
dynastes,  le  comté  de  Créhange  passa  par  héritage  aux  princes 
de  Wied-Runkel,  auxquels  il  fut  enlevé,  par  décret  de  la  Cou- 


308  .NOTES  ET  REMARQUES. 

ventioii,  du  t4  février  1798,  qui  l'annexa  à  la  France.  Il  com- 
prenait, au  XVII®  siècle,  dix-sept  châteaux  et  quarante  seigneu- 
ries. Les  armoiries  de  Créhange  étaient  :  d'ari^eut,  à  la  fasce  de 
ifiteiiles,  écfir/e/e  de  gueules  à  la  croix  ancrée  d'or. 

Le  siège  de  la  seigneurie  de  Créhange  était  un  chàteau-fort 
très-ancien,  carré  et  à  quatre  tours,  avec  de  profonds  fossés, 
dont  les  ruines  existent  encore. 

Mengen-sur-Bliese  (Baviè)-e-Rhénane)  était  le  siège  d'une 
seigneurie,  fief  du  comté  de  Luxembourg,  qui  fut  apportée 
dans  la  baronnie  de  Raville  et  dans  le  comté  de  Créhange,  et  dont 
les  domaines  féodaux  s'étendaient  dans  le  pays  Messin  ;  c'est 
ainsi  que  Courcelles,  Chaussy,  Frécourt  et  Landonvillers  rele- 
vaient encore  au  XVII^  siècle  de  la  seigneurie  de  Mengen. 

Str.   a 55. 

Warsberg,  canton  de  Boulay  ,  est  un  château  du  duché  de 
Lorraine  dont  l'histoire  est  pleine  d'incidents  belliqueux,  il 
y  avait  deux  châteaux  du  même  nom  et  tout  à  fait  voisins  : 
celui  qui  existe  encore  était  dénommé  la  Neuve  Warnesperch, 
ou  le  Nuef  chaistel  devant  la  vieille  Warneperg  en  iî6a.  La  sei-, 
gneurie  en  fut  rachetée  en  laga  par  le  duc  Ferry  III,  qui  la 
donna  en  i3o3  à  Mathieu  de  Lorraine,  son  petit-fils,  lequel 
y  établit  pour  châtelain  Jean  de  Mengen.  Les  descendants  de  ce 
dernier  se  transmirent  héréditairement  le  fief  et  le  nom,  qu'ils 
portèrent  noblement  avec  le  titre  de  baron  jusqu'à  nos  jours. 

Str.  aSg,  v.  3. 

Henry  d'Apremont,  de  l'illustre  famille  qui  avait  déjà  donné 
des  évêques  aux  diocèses  de  Metz  et  de  Verdun,  fut  nommé 
évêque  de  cette  dernière  ville  en  i3i3,  par  le  pape  Clément  V, 
à  la  suite  de  la  résignation  de  ce  siège  par  Nicolas  de  Neu- 
ville, son  soixante-sixième  évéque. 

Pendant  la  durée  d'un  épiscopat  de  trente-sept  ans,  qui  fut 
rempli  d'orages,  il  eut  souvent  des  querelles  avec  les  bourgeois  de 


NOTES  ET  REMARQUES.  809 

Verdun  (i),  se  vit  pour  auxiliaire  puis  pour  adversaire  le  comte 
de  Bar,  et  dut  le  rétablissement  de  la  paix  à  l'intervention 
bienveillante  des  rois  de  France.  Il  mourut  en  iSSp,  après  un 
épiscopat  qui  ne  fut  ni  sans  grandeur,  ni  sans  bienfaits,  et  eut 
pour  successeur  Otiion  de  Poitiers,  neveu  de  l'évêque  de  Metz, 
Louis  de  Poitiers.  Henry  était  oncle  de  Gobert  VI  d'Apremont, 
son  allié  dans  la  guerre  de  1324. 

Sfr.    ny6,  ?'.  3. 

Pierre  de  Bar  était  le  troisième  fils  de  Thiébaut  II,  comte  de 
Bar,  et  de  Jeanne  de  Tocy.  Son  frère,  Renauld  de  Bar,  évéque 
de  Metz  et  régent  du  comté,  avait  fait  construire  le  château  de 
Pierrefort,  qu'il  lui  donna  en  i3i3.  Il  en  fit  ses  reprises  du 
duc  Ferry  de  Lorraine,  en  i3a2,  par  suite  du  traité  intervenu 
entre  ce  prince  et  Edouard  de  Bar. 

L'histoire  de  ce  château  est  des  plus  intéressantes,  surtout 
sous  la  seigneurie  de  Pierre  II  de  Pierrefort,  petit-fils  du  pre- 
mier possesseur,  personnage  remuant  et  belliqueux,  qui  fit  à  la 
cité  de  Melz  une  guerre  sans  merci,  et  mourut  en  i38o,  ne  lais- 
sant pas  d'héritier  de  son  nom.  Pierrefort  rentra  alors  dans  le 
domaine  des  ducs  de  Bar. 

Le  château  fut  détruit  en  i636,  par  le  maréchal  du  Hallier. 
Les  restes  en  sont  encore  très-dignes  d'être  étudiés. 

La  maison  de  Bar-Pierrefort  portait  pour  armes  :  d'or  à  un 
lion  issant  de  i^ieides. 

Str.    282,  V.  I. 

C'est  de  sire  Jacques  Grongnat  qu'il  est  ici  question,  et 
M.  Dupré  de  Geneste  s'est  trompé,  quand  il  a  écrit  en  note  de 
sa  copie  :  de  Gournoy.  J'avoue  qu'il   y  a  une  analogie  sensible 


(1)  De  ces  démêlés  trop  fréquents,  plusieurs  témoignages  nous  sont  par- 
venus. Dans  le  nombre,  deux  des  pièces  les  plus  intéressantes  ont  été  pu- 
bliées par  M.  Bonnardot  à  la  suite  de  son  Rapport  au  ministre  de  l'Instruction 
publique  sur  les  Chartes  françaises  de  Lorraine  et  de  Metz  {Archives  des 
Missions,  3«  série,  t.  I,  1873:  et  tiré  à  part,  Durand). 


310  NOTES  ET  nEMARQUES. 

entre  la  forme  du  nom  donné  par  le  poème,  Gronés,  et  la  déno- 
niinatinn  ordinaire  de  l'illustre  famille  de  Gournay  à  la  même 
époque^  Gornais,  Gronais;  mais  la  suite  de  la  strophe  ne  per- 
met pas  de  s'y  tromper.  Du  reste,  il  ne  faut  pas  croire  qu'il  y 
a  seulement  dans  i  a  terminaison  du  nom  une  concession  faite 
aux  exigences  de  la  rime  ;  plusieurs  pièces  authentiques  du 
XIV*  et  du  commencement  du  XV^  siècle,  relatives  à  la  famille 
Grongnat  attribuent  à  son  nom  l'orthographe  :  Grogniet, 
Grougnet. 

Str.  285,  v.  3. 

On  sent  tout  ce  qu'il  y  a  de  profonde  satisfaction  et  de  sécu- 
rité rassurée  dans  ce  terme  notre  évéque,  appliqué  au  successeur 
de  l'inconstant  prélat,  que  la  cité  avait  vu  si  peu  fidèle  à  ses 
devoirs  de  pasteur.  Lors  de  l'abdication  de  Henry  Dauphin,  le 
pape,  laissant  cette  fois  encore  de  côté  les  droits  électifs  du 
chapitre,  donna  l'évêché  de  Metz  à  Louis  de  Poitiers,  évêque  de 
Langres,  qui  était  fils  d'Aimard  III,  comte  de  Valentinois,  et 
d'Hippolyle  de  Bourgogne.  Nous  avons  dit  qu'il  se  rapprocha 
de  ses  diocésains,  fit  avec  eux  une  paix  sincère,  et  contribua  à 
la  pacification  générale. 

Malgré  ses  efforts,  aussi  intelligents  qu'énergiques,  pour 
remettre  en  ordre  les  affaires  de  l'évêché  (chargé,  à  son  avène- 
ment, de  plus  de  200,000  florins  de  dettes),  l'impuissance  où  il 
se  trouva  de  réparer  tant  de  ruines,  au  milieu  de  troubles  per- 
sistants, le  décida  à  résigner  son  évêché  en  iSay.  Il  se  retira  à 
Montélimart,  où  il  mourut  la  même  année.  Il  eut  pour  succes- 
seur sur  le  siège  épiscopal  son  neveu  Adhémar  de  Montii,  un 
des  plus  éminents  prélats  de  son  temps. 

Sir.  ugi,  V.  6. 

L'abbaye  de  Saint-Benoit,  en  "Woëvre,  de  l'ordre  de  Cîteaux, 
était  située  à  droite  de  l'Yron,  sur  la  route  de  Thiaucourt  à 
Verdun.  Elle  fut  fondée  en  1129  par  le  comte  Erard  de  Rinel, 
dans  la  forêt  de  Richéménil,  et  confirmée  par  l'évêque  de  Metz, 
Etienne  de  Bar,  en  it38.  Elle  était  d'abord  placée  sous  la  règle 


NOTES  ET  REMARQUES.  311 

de  saint  Benoit,  et  prit  celle  de  saint  Bernard  en  ii53.  Cette 
abbaye,  une  des  plus  riches  du  comté  de  Bar,  avait  reçu  de 
grandes  libéralités  des  seigneurs  d'Apremont. 

Sir.  293,  V.  5. 

Il  s'agit  de  la  belle  forêt  de  Jf^arendwald ,  qui  couvrait 
tout  le  pays  entre  Saint-Avold  et  Sarrelouis.  Les  bois  de  la 
Houve,  de  Longeville,  de  Saint-Avold,  du  Zang  et  de  Forbach, 
en  faisaient  partie,  et  sont  restés  à  la  France  en  18 15.  La  plus 
grande  partie  du  Warendwald  est  alors  passée  à  la  Prusse. 

Elle  est  désignée  dans  les  chartes  sous  les  noms  de  :  sylva 
JFernest(iiyi)^  Famés t  {i7.35),  P^arent  {iiôy),  TFarando  {iijo'), 
Warant  (i33i)...,  le  bois  de  Warrance ,  dans  la  chronique  de 
Praillon. 

Elle  dépendait  pour  partie  de  Tabbaye  de  Wadgasse,  et  pour 
partie  du  comté  de  Sarrebrùck. 

Str.  294,  V.  I. 

Sous  ce  nom  de  Val  de  Gosanges,  si  défiguré  qu'il  soit,  il  n'y 
a  pas  de  doute  qu'il  faut  reconnaître  l'abbaye  de  Wadgasse , 
de  l'ordre  de  Prémontré,  fondée  en  ii35  par  Giselle  de  Lor- 
raine, veuve  de  Frédéric,  comte  de  Sarrebrùck,  et  par  Simon , 
son  fils,  près  du  confluent  de  la  Sarre  et  de  la  Bisten. 

Cette  célèbre  abbaye,  riche  et  puissante ,  dépendait  pour  le 
temporel  du  cercle  du  Haut-Rhin,  et  son  avouerie  appartenait 
à  l'archevêque  de  Trêves. 

P^lle  fut  cédée  à  la  Lorraine  en  1766.  Mais  la  justice,  ainsi 
que  la  gruerie  de  la  belle  forêt  de  Warendwald,  ne  cessèrent 
pas  de  lui  appartenir.  Elles  étaient  confiées  à  un  bailli,  dont 
les  appels  étaient  portés  au  parlement  de  Nancy. 


20* 


NOTES  ET  REMARQUES. 


NOTE  SUR  LES  MONNAIES. 

Il  n'y  avait  pas  identité  entre  le  système  monétaire  de  Met/ 
et  celui  des  États  voisins  :  cependant  ces  systèmes  se  rattachaient 
généralement  les  ans  aux  autres  par  des  types  communs  qui 
formaient  également  la  base  principale  du  système  français,  et 
dont  le  <'/(>««>/- d'argent  était  le  plus  ordinairement  en  usage. 

Il  n'est  pas  aisé  d'établir  d'une  manière  précise  et  méthodique 
la  série  des  monnaies  usitées ,  parce  que,  il  faut  bien  le  dire ,  la 
contrefaçon,  plus  ou  moins  déguisée,  était  fort  à  la  mode  au 
XIV®  siècle.  Cette  contrefaçon  choisissait  principalement  pour 
modèles  les  pièces  de  la  France  ainsi  que  celles  de  l'Angleterre, 
dont  le  type,  sous  le  nom  iVcsterlin,  était  adopté  avec  la  plus 
grande  faveur  dans  toute  la  région  du  nord-ouest  de  l'Europe. 
Sauf  à  Metz  qui  ne  connut  jamais  ce  genre  d'industrie,  l'imita- 
lion  des  monnaies  étrangères,  avec  affaiblissement  du  titre,  était 
généralement  pratiquée. 

C'est  à  ce  point  que  dans  les  villes  épiscopales  de  langue 
française,  ses  voisines,  la  monnaie  locale  n'existait  pour  ainsi 
dire  plus  qu'à  l'état  de  monnaie  de  compte,  servant  de  commune 
mesure  aux  monnaies  réelles  venues  du  dehors  ou  à  celles  frap- 
pées dans  le  pa^s,  au  type  plus  ou  moins  défiguré  des  voisins. 
Ainsi,  à  Verdun,  les  pièces  de  Henri  d'Apremont  sont  presque 
exclusivement  des  imitations  des  mailles  blanches  ou  des  dotiblcs 
pnrisis  des  rois  de  France  :  à  Toul,  celles  de  Jean  d'Arzillières  et 
d'Amédée  de  Genève  reproduisent  les  mêmes  types,  et  de  plus 
ceux  de  Bar  et  de  Lorraine. 

De  là,  des  tarifs  s'abrogeant  les  uns  les  autres  et  se  renouve- 
lant fréquemment,  au  grand  profit  des  changeurs,  lombards  et 
autres,  héritiers  de  la  puissante  corporation  des  monétaires  qui 
avait  joué  un  rôle  si  important  sous  les  Mérovingiens  (i). 

La  monnaie  de  Metz  qui  appartenait  encore  aux  évêques ,. 
mais  dont  la  ville  avait  obtenu,  en  lagi,  une  cession  momen- 


(1)  Voir,  pour  se  fuire  une  idée  de  la  complication  des  tarifs  de  change, 
Yalourtur  la  monnaie  du  26  fé  vrier  1539  (Hist.  de  Metz,  IV,  p.  88  des  Prtnves). 


NOTES  ET  REMARQUES.  315 

tanée,  avait  le  denier  pour  point  de  départ  :  mais  elle  ne  pré- 
sentait pas  encore  cette  belle  série  des  multiples  de  cette  valeur, 
qu'elle  devait  former  un  peu  plus  tard,  à  la  suite  de  la  cession 
définitive  du  droit  de  monnoyage  faite  par  l'évêque  Thierry  de 
Boppart.  Comme  monnaies  courantes  on  faisait  usage  du  double 
denier,  du  denier,  de  la  maille  ou  demi  denier  et  de  Vangevine  o\x 
quart  de  denier  :  comme  monnaie  de  compte,  de  la  livre  qui 
valait  vingt  sous,  et  du  sol  qui  valait  douze  deniers.  Le  florin 
d'or  (dont  la  ville  ne  devait  frapper  pour  son  compte  qu'un 
peu  plus  tard)  était  pris  pour  une  valeur  de  douze  sous. 

La  monnaie  de  Lorraine  se  composait,  sous  Ferry  IV,  du 
double  denier  et  du  denier  au  type  local,  que  l'on  appelait  des 
espadins  à  cause  de  l'épée  qui  y  figurait,  de  gros  et  deniers, 
imitation  quelquefois  servile  des  gros  tournois  et  des  deniers  pa~ 
risis  de  la  monnaie  royale  de  France  et  ài'estcrlins  (  au  buste 
royal  et  à  la  croix  simple  au  f^),  de  la  valeur  de  quatre  deniers. 
Dans  le  comté  de  Bar,  cette  dernière  pièce  était  aussi  fort  en 
usage  ;  mais  on  y  trouvait  aussi  des  gros  et  de  ses  subdivisions 
au  type  français,  ainsi  que  des  mailles  tierces  à  l'imitation  de 
celles  de  France,  mais  altérées  à  ce  point  qu'en  iSai ,  la  valeur 
de  cette  pièce  tombait  en  quelques  jours  de  trois  à  deux  deniers. 
En  Lorraine  et  à  Bar,  la  monnaie  divisionnaire  en  usage,  au- 
dessous  du  denier,  était  Vobole,  qui  en  valait  la  moitié. 

Dans  le  Luxembourg  et  l'archevêché  de  Trêves,  comme  dans 
le  comté  de  Namur,  la  Flandre,  le  Brabant,  levéché  de 
Liège,  etc.,  la. monnaie  usuelle  était  principalement  au  type  de 
Vesterlin,  avec  ses  subdivisions  le  demi  et  le  quart. 

Voici  le  tableau  de  ces  diverses  monnaies  avec  leur  valeur  en 
deniers,  dont  l'unité  pouvait  être  considérée  comme  leur  servant 
de  commune  mesure  : 

Le  gros  =:  12  deniers. 

Le  demi-gros  =  6  deniers. 

La  bugne,  l'esterlin  =  4  deniers. 

Le  blanc,  la  maille  tierce,  le  quart  de  gros  =  3  deniers. 

Le  double,  le  demi-esterlin  =  a  deniers. 

Le  denier. 

L'obole,  la  maille  =  demi-denier. 

L'angevine  ;==  quart  de  denier. 


31!»  NOTES  ET  REMARQUES. 

11  pourra  paraître  intéressant  de  se  faire  une  idée  de  la  somme 
actuelle  représentée  par  ces  monnaies.  Or  l'ordonnance  d'octo- 
bre iSïa  fixe  à  la  livre,  au  sol  et  au  denier  tournois,  en  poids 
d'argent,  une  valeur  intrinsèque  de  i3  fr.  l^o,  o  (r.  67  eto  fr.  o5fi. 
Celle  du  gros  tournois  et  de  l'esterlin  était  de  o  fr.  88  et  o  fr.  a8  (1). 

La  livre  messine,  il  est  vrai,  valait  à  cette  époque  beaucoup  plus, 
ainsi  que  le  prouve  l'atour  de  i334  sur  la  taille  des  monnaies; 
mais  cela  reste,  par  le  fait,  en  dehors  de  notre  sujet,  les  conditions 
financières  stipulées  dans  les  traités  spécifiant  généralement  l'em- 
ploi des  monnaies  françaises. 

Il  résulte  des  savantes  recherches  de  M.  Leber  sur  i(ij>préciu- 
tion  (le  la  fortune  prwécau  moyen  âge  que  le  rapport  du  pouvoir 
de  l'argent,  au  conîmcncement  du  xiv^  siècle,  à  son  pouvoir  actuel 
peut  être  fixé  à  8  pour  i.  Ce  coelficient  appliqué  aux  chiffres  qui 
précèdent  donnerait  environ  pour  la  valeur  actuelle  de  la  livre 
tournois  107  fr.  ;  du  sol,  5  fr.  3o;  du  denier,  o  fr.  45;  du 
gros  7  fr.  ;  de  l'esterlin  1  fr.  20,  et  ainsi  des  autres. 

Ceci  posé,  rien  n'est  plus  facile  que  d'apprécier  d'une  manière 
approximative  la  valeur  actuelle  qu'auraient  les  sommes  indiquées 
clans  notre  récit.  Prenons  pour  exemple  les  i5,ooo  livres  de 
Henry  Dauphin  ,  ainsi  que  les  54, 000  du  roi  Jean  et  du  comte  de 
Bar ,  payées  par  les  Messins.  Ces  deux  sommes  représentent 
l'une  i,fio5,ooo  fr.,  l'autre  5,780,000  fr. 

Les  appointements  de  Conrad  Rougraf  pour  sa  compagnie  de 
4o  hommes,  représenteraient  de  même  i3o,5oo  fr. ,  soit 
3,260  fr.  par  tête  d'homme  d'armes.  Ceux  qui,  dans  une  position 
plus  modeste  et  ne  disposant  que  d'eux-mêmes,  ne  prenaient 
pas  l'affaire  à  forfait  et  s'engageaient  moyennant  20  I.  une  fois 
payées  et  20  s.  par  semaine,  recevraient  aujourd'hui  pour  prix 
de  leurs  services  a,i5o  fr.  de  première  mise  et  iio  fr.  par  se- 
maine, ce  qui  dépasse  singulièrement  les  appointements  de  nos 
sous-lieutenants. 


(1)  Cf.  le  mémoire  de  M.  N.  de  Wailly  sur  les  variations  de  la  livre  tour- 
vois,  dans  les  Mémoires  de  l'Institut,  t.  XXI,  année  1857. 


POESIES  DIVERSES 

SB  RATTACHANT  A  LA  GUERRE  DE  l324- 


Maître  LAMBELIN. 
Maître  ASSELIN,  du  Pont. 
ROBIN  DE  LA  VALLÉE. 
HENRY  DE  HEIZ. 
MICHELET  PETITPAIN. 
MARGUERON,  du  Pont-Rengmont. 

JEHAN  LE  Châtelain, 


Cliœnr  de  Saint-Vincent  de  Metz,  xivc  siècle. 


SE 


POÉSIES  DIVERSES 

RATTACHANT  A  LA  GUERRE  DE  l324. 


ARMi  les  manuscrits  de  la  bi- 
bliothèque de  Metz  se  trouve, 
sous  le  n"  8r,  un  beau  vo- 
lume, copié  au  XV®  siècle  sur 
un  manuscrit  plus  ancien, 
qui  contient  toute  une  série 
de  pièces  rattachées  par  un 
lien  plus  ou  moins  direct  à 
[824.  Il  ne  nous  paraîtrait  pas 
juste  de  laisser  dans  un  plus  long  oubli 
ces  compositions,  contemporaines  des  faits 
qu'elles  relatent,  et  remarquables  par  le  sen- 
timent patriotique  auquel  elles  ont  du  nais- 
sance. Ceux  qui  y  ont  attaché  leur  nom,  sauvé 
par  un  hasard  heureux  des  ombres  de  l'oubli,  n'étaient 
ceriainement    pas  des  écrivains  ni  des  lettrés  de  pro- 


818  POÉSIES  DIVERSES 

fession.  Cela  se  reconnaît  aux  nombreuses  défectuo- 
sités de  la  forme  et  au  niveau  peu  élevé  que  ne 
dépasse  pas  la  coiiiposiiion.  Du  reste,  il  eût  été  sur- 
prenant de  rencontrer  à  Metz  une  pléiade  de  poètes, 
dignes  de  ce  nom  tant  par  la  pratique  assidue  que 
par  la  parfaite  connaissance  de  Fart  d'écrire  en  vers. 
Les  mœurs  sérieuses  de  cette  ville  active  et  labo- 
rieuse ne  se  prêtaient  guère  aux  élégants  loisirs,  non 
plus  qu'au  raffinement  délicat  des  choses  de  l'esprit. 

Mais  si  le  langage  recherché  de  la  poésie  n'y  était 
pas  l'objet  d'études  nombreuses  et  approfondies,  il  n'y 
était  pas  davantage  l'objet  d'un  ignorant  dédain.  La 
récitation  fréquente  des  anciennes  chansons  de  geste, 
si  populaires  au  moyen  âge  dans  nos  contrées,  plus 
qu'ailleurs  peut-être  (Metz  est  le  berceau  de  la  Geste 
des  Loherains),  n'avait  pas  laissé  la  population  mes- 
sine étrangère  à  la  connaissance  du  rhytlime  et  des 
règles  de  la  versification.  Il  y  avait  peu  de  Messins 
dont  l'esprit  n'eut  été  charmé  de  l'audition  de  ces 
harmonieux  et  émouvants  récits,  et  dont  la  mémoire 
ne  gardât  précieusement  quelque  spécimen  de  cette 
poésie,  naïve  et  forte  à  la  fois,  que  les  trouvères  savaient 
entretenir  dans  un  état  de  jeunesse  incessamment  re- 
naissante. 

Or,  les  graves  événements  que  les  citoyens  de  Metz 
voyaient  se  dérouler  devant  eux  étaient  de  nature  à 
produire  dans  leurs  âmes  une  surexcitation  pro- 
fonde. Exaltés  par  la  pensée  du  péril  auquel  était 
exposé  le  plus   précieux  de  leurs  biens j   l'indépen- 


SUR  LA  GUERRE  DE  METZ.  819 

dance,  irrités  par  le  spectacle  qui  leur  était  donné  de 
l'injustice,  de  la  violence  et  de  l'ingratitude,  ils  cher- 
chèrent le  moyen  de  fixer  à  jamais  dans  les  esprits, 
en  la  flétrissant,  le  souvenir  de  cette  guerre  odieuse, 
si  inique  dans  son  origine,  si  brutale  dans  son  exécu- 
tion. Et  quel  moyen  plus  efficace  d'y  parvenir  que  de 
recourir  à  cette  langue  des  vers,  susceptible  de  se 
graver  si  facilement  et  si  profondément  dans  la  mé- 
moire, à  cette  langue  par  la  magie  de  laquelle  ils 
voyaient  se  prolonger  dans  la  connaissance  de  tous,  et 
jouir  d'une  popularité  toujours  rajeunie,  ces  faits  mer- 
veilleux de  la  geste  de  Charlemagne  et  de  celle  des 
Loherains,  pourtant  si  reculés  dans  l'histoire  du  passé? 
Ceux  donc  qui  se  crurent  capables  de  s'y  essayer 
avec  succès  plièrent  leur  pensée  aux  exigences  de  la 
mesure  et  de  la  rime,  imposèrent  à  leurs  récits  une  di- 
vision méthodique,  et  c'est  ainsi  qu'une  explosion  de 
patriotisme  indigné  amena  une  explosion  de  poésie  po- 
pulaire :  chapitre  intéressant  de  l'histoire  de  la  langue 
française  au  pays  messin,  auquel  on  chercherait  vai- 
nement à  donner  un  pendant  aux  époques  qui  ont  pré- 
cédé celle-là,  comme  à  celles  qui  l'ont  suivie,  jusqu'à 
la  fin  du  moyen  âge. 

Nous  allons  étudier  successivement  chacune  des 
pièces  qui  composent  la  série,  et  décrire  avant  tout 
le  précieux  manuscrit  auquel  nous  devons  de  les  pu- 
blier aujourd'hui.  Il  a  pour  titre  :  la  Chronique  deè 
empereurs  et  rois  de  Bohême.  C'est  un  grand  in-4*', 
de  28  centimètres  sur  21,  420  pages^  relié  en  basane; 


320  POÉSIES   DIVERSES 

a  Le  papier  porte  pour  ninrque  une  balance  de 
8  centimètres  de  longueur,  marque  de  fabrique  qui 
n'est  pas  indiquée  dans  Touvrage  de  Jansen.  Les  ver- 
geures  du  pnpier  sont  tordues. 

«  Le  volume  est  entièrement  de  la  même  écriture, 
à  part  la  table  des  matières,  qui  est  fort  détaillée,  et 
quelques  passages  qui  sont,  ainsi  que  cette  table,  d'une 
fort  mauvaise  écriture,  mêlée  de  ratures  et  de  correc- 
tions, donnant  lieu  de  croire  que  c'est  celle  de  l'au- 
teur de  la  collection.  Un  examen  attentif  des  deux 
écritures,  joint  à  la  circonstance  que  le  récit  s'étend 
jusqu'en  i434,  permet  de  croire  que  ce  manuscrit  a 
dû  être  fait,  à  très-peu  près,  entre  les  années  i434  et 
i44o.  »  [Provient  du  cabinet  de  M.  le  comte  Em- 
mery  (i).] 

Bien  que  ce  manuscrit  soit  le  seul  ancien  qui,  à  notre 
connaissance,  renferme  les  pièces  dont  nous  nous  occu- 
pons, nous  avons  cependant  eu  le  bonheur  de  ne  pas 
être  dépourvu  de  tout  moyen  de  contrôle  et  de  vériti- 
catiou  sur  la  fidélité  de  la  copie.  Un  autre  exemplaire, 
en  effet,  existait  à  Metz  avant  la  Révolution  :  entre 
quelles  mains  ou  dans  quel  dépôt?  c'est  ce  que  nous 
ne  saurions  dire.  Le  manuscrit  a  disparu  depuis  celte 
époque,  mais  une  copie  du  xviu®  siècle  a  été  conservée 
et  figure  sous  le  n"  82  dans  la  même  collection  muni- 
cipale. Sans  doute,  cette  copie  est  loin  d'être  correcte, 
elle  présente  d'assez  nombreuses  lacunes  de  mots  et 

(1)  Catalogue  des  manuscrits  de  In  Bibliothèque  de  Metz  (11°  81), 
par  M.  J.  Clercx,  conservateur.  Metz,  Blauc,  t856. 


SUR   LA  GUERRE   DE   METZ.  821 

d'hémistiches;  néanmoins  elle  offre  un  intérêt  particu- 
lier, qui  est  de  ne  pas  avoir  été  copiée  sur  l'exemplaire 
qui  vient  d'être  décrit.  Certaines  différences  en  font 
foi;  et  ces  différences,  qui  doivent  être  attribuées 
moins  à  des  distractions  qu'à  des  corrections  inten- 
tionnelles de  la  part  du  copiste  du  xv*  siècle,  sont  le 
produit  du  souci  légitime  de  rendre  le  texte  original 
plus  accessible  aux  lecteurs  contemporains  (i).  En 
somme,  la  copie  du  xv^  siècle  ne  différait  pas  essentiel- 
lement du  poëme  du  xiv®.  Mais,  pour  arriver  à  cette 
conviction,  il  faut  opérer  au  préalable  une  reconstitu- 
tion attentive  du  texte,  trop  fréquemment  défiguré 
par  le  copiste  du  xviii®  siècle.  Bien  qu'il  ait  pris  soin 
d'expliquer  et  de  commenter  en  marge  les  mots  dif- 
ficiles ou  douteux,  il  garde  à  sa  charge  de  nombreuses 
erreurs  de  translation,  qui  seraient  cause  de  bien  des 
contre-sens,  si  l'on  ne  disposait  que  du  texte  qu'il  a 
laissé. 

C'était  cependant  un  habile  antiquaire  et  un  érudit 
que  M.  Dupré  de  Geneste,  écrivain  et  signataire  de 
notre  copie.  11  joignait  à  son  titre  de  receveur  des 
domaines  du  roi  celui  de  membre  fondateur  et  de  se- 
crétaire perpétuel  de  la  Société  royale  des  sciences  et 
arts,  fondée  à  Metz  en  1760  par  le  duc  de  Belle- 
Isle.  Ses  études  l'avaient  initié  à  tous  les  détails  de 
l'histoire  et  des  antiquités  du  pays  messin  et  de  la 
Lorraine,  et  les  collections  de  la  ville,  de  même  que 


(I)  Voir  ci-dessous  aux  Notes  pour  l'établissement  du  texte. 

21 


322  POÉSIES  DIVERSES 

les  archives  de  rAcadémie  conservent  encore  de  nom- 
breux témoignages  de  sa  profonde  érudition  et  de  son 
infatigable  amour  du  travail  (i). 

Dupré  de  Geneste  avait  donc  eu  la  pensée  de  réu- 
nir aux  copies  de  pièces  historiques ,  coUigées  par 
lui  avec  un  rare  discernement,  celle  du  poëme  de  la 
guerre  de  1624  ainsi  que  des  pièces  annexes.  C'est  au 
résultat  de  ce  patient  labeur,  heureusement  conservé, 
que  nous  avons  dû  de  pouvoir  combler  les  quelques 
légères  lacunes  que  présente  notre  texte  (2). 

On  peut  admirer  d'autant  plus  la  persévérante  pa- 
tience qu'a  montrée  M.  de  Geneste  en  déchiffrant  et 

(1)  Henry-Marie  Dupré  de  Geneste,  ué  à  Vilosnes  vers  1717,  mourul 
à  Metz  en  1801.  La  Heviic  d'Justrasie  (18il,  p.  325  et  1842,  p.  33)  a 
consacré  une  intéressante  notice  aux  travaux  de  cet  éminent  érudit. 
Voici  la  liste  des  principaux  ouvrages  de  M.  Dupré  de  Geneste  qu' 
existent  en  manuscrit  à  la  Bihl.  de  Metz  : 

lo  Partie  d'un  volume  contenant  la  copie  de  chartes  d'un  grand  in- 
térêt et  un  important  discours  sur  l'histoire  de  Metz  (1745):  sous  le 
n<>136. 

2°  Un  grand  nombre  de  notices  sur  divers  points  d'histoire  messine  : 
insérées  dans  le  recueil  n"  155. 

3"  Histoire  numismatique  de  la  Ville  et  des  Évêques  de  Metz,  ouvrage 
resté  inédit,  du  plus  haut  intérêt,  avec  dessins,  etc.  :  sous  le  n»  195. 

4"  Recueil  de  notices  sur  les  monnaies  de  Metz,  de  Lorraine;  sur 
des  sceaux,  jetons,  etc.,  sous  les  n°'  l'JG  à  201. 

5"  Recueil  de  sceaux  et  armoiries  des  paraiges  et  des  maîtres  éche- 
vins,  avec  dissertations:  sous  le  n"  21 1. 

6o  Mémoires  sur  la  Lorraine  et  le  Barrois,  choix  de  dissertations  sur 
différents  points  d'histoire:  sous  le  n»  240. 

{Catalogue  des  manuscrits  de  3Ietz,  par  M.  Clercx.) 

(2)  Le  manuscrit  qui  a  servi  à  M.  de  Geneste  rappelle  un  souvenir 
intéressant  pour  un  Messin  ;  il  avait  appartenu  à  une  noble  dame,  por- 
tant un  des  noms  les  plus  illustres  dont  notre  cité  se  glorifie.  C'est 


SUR  LA   GCERUE  DE  METZ.  5» 

en  copiant  plus  de  trois  mille  vers  sur  un  manuscrit 
imparfait,  qu'il  ne  se  sentait  entraîné  vers  ce  travail 
que  par  un  enthousiasme  des  plus  modérés,  au  moins 
sous  le  rapport  de  Tappréciation  littéraire. 

Nous  en  avons  la  preuve  dans  la  note  suivante  par 
laquelle  il  termine  la  copie  du  poëme  de  la  guerre,  et 
dont  la  sévérité  paraîtra,  je  l'espère,  quelque  peu  ex- 
cessive. 

«  Si  jamais  quelqu'un  a  la  force  de  lire  jusqu'au 
bout  cette  pitoyable  amphigourie,  il  ne  manquera  pas 
de  dire  que  j'ay  eu  bien  de  la  patience  ou  du  temps  de 
reste  pour  écrire  cette  copie.  Je  n'ay  cependant  ny 
l'un  ny  l'autre.  Mais  j'tiy  été  bien  aise  d'ajouter  à  ce 
que  j'ai  déjà  recueilly  sur  Metz,  et   le  détail    d'une 

ce  qui  résulte  de  ceUe  note  écrite  par  M.  de  Geneste,  en  tête  de  sa 
copie  : 

«  Sur  le  R»  du  feuillet  blanc,  en  tête  de  ce  manuscrit,  est  écrit  : 

Ce  livre  est  a  Dame  Anne  de  Gournais 
fille  signeur  Renaul  de  Gournais  *, 

et  l'escripture  de  ce  renseignement  est  uu  peu  plus  belle  et  plus  lisible  que 
celle  de  ce  inanuscript  qui,  quoy  qu'assés  bien  espacée  et  rangée,  est  gé- 
nérallement  assés  difficile  à  lire  et  dans  plusieurs  endroits  Indéchiffrable. 
Mais  je  crois  que  ce  qui  en  est  cause  c'est  que  le  copiste  qui  mé  paroît  être 
du  XV"  siècle  n'a  pas  toujours  sceu  lire  son  original.  Il  a  même  passé  en- 
tièrement et  a  laissé  en  blanc  la  place  de  la  129o  strophe  et  quelques  autres 
mots  par-ci  par-là.  » 

*  Anne  de  Gournay  était  la  seconde  fille  de  Regnault  dé  Gournay,  écUyer, 
sieur  de  Villers-Laquénexy,  maître  échevin  en  1499,  et  d'Alix  Reniiot,  dame 
de  Secourt,  sa  seconde  femme,  qu'il  avait  épousée  le  19  juillet  1198.  I,a 
date  de  ce  signet  est  antérieure  à  la  mort  tragique  du  seigneur  de  Gournay 
écrasé  sous  les  décombres  de  sa  maison,  le  20  février  1530  ;  elle  l'est  éga- 
lement au  mariage  de  dame  Anne  qui  avait  épousé  peu  auparavant  Warin 
de  Roucels,  seigneur  de  Vernéville  et  d'Aubigny  :  on  peut  donc  la  fixer 
très-approximativement  au  premier  quart  du  xvio  siècle. 


324  POÉSIES  DIVERSES 

guerre  dont  nos  chroniques  ne  disent  qu'un  mot,  et 
cet  échantillon  de  notre  littérature  du  quatorzième 
siècle.  » 

L'éditeur  actuel  de  cet  ouvrage  ne  saurait  assez  se 
féliciter  du  concours  que  lui  réservait  le  savant  secré- 
taire perpétuel  de  la  Société  des  sciences  et  arts  de 
Metz  quand  il  lui  préparait,  «  malgré  son  manque  de 
temps  et  de  patience,  »  les  précieux  éléments  du  con- 
trôle dont  il  est  redevable  à  sa  copie.  Du  reste,  il  n'est 
pas  le  seul  qui  doive  un  hommage  à  cette  mémoire. 
Tous  ceux  qui  ont  étudié  les  antiquités  messines,  et  la 
numismatique  lorraine  en  particulier,  ont  dû  appré- 
cier tout  le  parti  qu'on  peut  tirer  des  matériaux  amas- 
sés par  ses  infatigables  et  sagaces  labeurs.  On  peut  dire 
de  lui  en  toute  justice  qu'il  lui  a  manqué  seulement  un 
théâtre  moins  obscur  et  un  caractère  moins  modeste 
pour  se  faire  un  nom  éclatant  parmi  les  érudits  de 
son  temps. 

Nous  revenons  maintenant  à  l'unique  manuscrit  an- 
cien qui  nous  fournit  le  texte  de  notre  publication,  à 
la  Chronique  des  empereurs  et  rois  de  Bohême^  dont  la 
copie  de  M.  de  Geneste  nous  a  un  moment  éloignés. 

Les  seize  premiers  chapitres  de  la  série  n'ont  pas  un 
rapport  direct  avec  notre  sujet,  qui  n'apparaît  qu'avec 
le  n"  XVII,  sous  la  forme  de  renseignements  très-exacts 
et  très-précis  sur  les  demandes  des  quatre  princes 
ligues  et  sur  les  réponses  des  Messins. 

Cette  pièce  a  pour  titre  : 

Comment  Varcevesque  Baudowin  de  Trieve  et  le  dit 


SUR  LA  GUERRE  DE   METZ.  325 

roy  Jehan  de  Baha'igne  et  de  Poulaine  et  quiens  de 
Lucembourgh^  et  le  duc  Fer  ris  de  Lorraine,  et  Eduart 
quiens  de  Bair,  firent  guerre  a  ciaulx  de  Mes  :  dont  la 
paix  en  fuit  f aide  per  mil  III^  et  XXV  ans ^  de  la- 
queille  guerre  on  fist  une  chausson. 

Elle  a  été  textuellement  reproduite  dans  les  Preuves 
de  VHistpire  dé  Metz,  par  les  religieux  bénédictins 
(t.  IV,  p.  iS-iy),  et  avait  précédemment  servi  à  l'au- 
teur de  la  chronique  dite  de  Praillon  pour  la  rédac- 
tion du  chapitre  relatif  à  ces  événements. 

La  chansson  elle-même;  à  laquelle  il  vient  d'être  fait 
allusion,  et  qui  est  le  principal  objet  de  la  publication 
présente,  porte  dans  la  série  le  n"  xx.  Elle  est  inti- 
tulée : 

Une  coronique  et  un  biaul  dit  de  la  guerre  que  le 
roy  Jehan  de  Bahaigne  fist  aveuc  Varcheuesque  de 
Trieve,  le  duc  de  Lorrainne  et  le  quien  de  Bair^  contre 
ciaulx  de  Mets  per  mil  IW  et  XXIIII. 

Sous  le  n°  xxi  (i)  est  une  pièce  de  vers  latins,  au 
nombre  de  172,  qui  ne  donne  pas  une  idée  brillante 
de  la  manière  dont  on.  savait,  à  Metz,  gravir  les  pentes 

(1)  A  partir  de  cette  pièce,  toutes  celles  que  nous  publions  se  suivent 
sans  interruption  dans  le  recueil,  où  elles  sont  numérotées  jusqu'à 
XXXII,  inclusiv.  —  Leur  texte  n'a  pas  été  l'objet  d'une  révision  aussi 
critique  que  celui  de  la  «  chanson  »  proprement  dite.  On  n'avait  à  sa 
disposition  ni  le  manuscrit  du  XV  siècle,  ni  même  celui  du  xyill", 
mais  seulement  une  copie  de  ce  dernier,  laquelle  a  dû  être  rectifiée  en 
maints  endroits  pour  la  mesure.  L'orthographe  a  été  respectée;  il  eût 
d'ailleurs  été  difficile  et  oiseux  de  faire  le  départ  entre  des  fautes  qui 
peuvent  provenir  ou  du  copiste  du  XIX"  siècle,  ou  de  celui  du  xvili", 
ou  de  celui  du  xv*. 


326  POÉSIES  DIVERSES. 

(lu  Parnasse  virgilien.  La  copie  est,  du  reste,  d'au- 
tant plus  malaisée  à  déchiffrer  que  l'ignorance  de  l'é- 
crivain, qui  certainement  ne  comprenait  pas  le  latin,  y 
a  multiplié  les  fautes  et  l'a  rendue  presque  inintelli- 
gible. 

Avec  le  morceau  suivant  (n°  xxii),  on  rentre  dans 
la  poésie  en  langue  vulgaire.  Il  a  pour  titre  «  le 
Sermon  du  Pappegay  ».  C'est  un  apologue,  en  i4o 
vers  sans  division,  à  rimes  redoublées,  dont  le  but  est 
d'engager  les  Messins  à  améliorer  leur  gouvernement 
et  à  éviter  les  querelles  intestines,  si  favorables  aux 
projets  de  leurs  ennemis.  En  voici  le  début  : 

A 
C'EST  LE  SERMONT  LE  PAPPEGAY 

DES    THESEZ,    DE    LA    GUERRE, 

DE   METS   ET   DU   COMMUN. 

L'autrier  estoie  lés  ung  airbre 
Ou  il  n'avoit  piere  de  maibre  ; 
Si  regardais  tous  les  rainxiaulx, 
Trestous  les  vis  chargiéfs  d'oixiaus; 
j     Et  la  tenoient  ung  parlement 
Et  se  chantoient  divercement  ; 
D'oisiaux  y  ot  très  grant  couppie. 
La  chantoit  fort  et  hault  la  pie. 
Mais  onques  riens  ne  pou  entendre, 
lo     Lors  esguardais,  sy  vis  descendre 


LE  SERMON   DU  PAPEGAY.  327 

Droit  suis  cel  airbre  un  papegay  ; 
Onque  pour  ce  ne  deslougay 
Que  voullentier  seûsse  l'estre 
De  ces  oisiaulz,  s'il  pouist  estre. 
1 5     Le  pappegay  les  fist  tous  taire 

Pour  un  sarmont  qu'il  voulloit  faire  ; 
Venus  estoit  leur  des  escoUes, 
Si  les  preschait  par  paraboles. 
Le  pappegay  bien  entendy; 
20     Je  crois  ce  fuit  le  sabmedy 
Devant  feste  Symon  et  Jude 
Que  repairreis  fuit  de  l'estude, 
L'an  mil  m"  cincq  ans  et  vingt, 
Que  cil  affaire  a  Mets  avint 
aT)     Devant  feste  Jude  et  Symon. 
Le  pappegay  fist  son  sermon  ; 
Le  sien  sermon  tiens  a  très  chier, 
Car  onque  muelz  ne  vis  preschier  ; 

Sa  perrolle  ais  en  mon  cuer  mise. 
3o     Le  pappegay  dist  en  tel  guise  : 

«  Or  escoultéz,  car  chascun  touche. 

«  Je  dis  premier  que  nostre  bouche 

a  Perrolle  droit  de  l'abundance 

«   Que  vient  du  cuer,  c'est  sens  doubtance  j 
35     «  Or  ne  blasmés  dont  ma  perrolle, 

«   Se  je  d'ordure  ung  pou  perrolle. 

«   Quant  les  choses  vont  ordement 

«   Parler  doit  on  villainement. 

«  Ma  matieire  est  et  vil  et  orde, 


S28  POÉSIES  DIVERSES. 

4o     «  Pour  ce  vilment  la  vous  recorde. 
«   C'est  folie  quant  on  ne  lait 
«■  Les  faits  que  sont  et  ords  et  lait. 
«  Souvent  avient  ceste  besoingne 
«  Que  onnour  chiet  en  grant  vergougne. 

45     «  Savés  pour  quoy  la  guerre  dure? 
«   Il  me  semble  c'est  par  l'ordure 
«   Des  signognes  qui  ont  esté. 
«  Vous  sçavéz  bien,  on  temps  d'asté, 
«  Cornent  se  contient  dame  Berte 

5o     «   La  signongne,  qu'est  tant  aperte 
«  De  gardeir  son  nit  par  nature  ; 
«  Car  ces  mairis  vat  en  pasture, 
M  Tant  vait  avant  et  tant  porchasse 
a  Que  de  viande  une  grant  masse 

55      «   Au  repairier  on  nit  rapporte. 
«   Dame  Berte  qu'œuvre  la  porte 
«  La  viande  prent  et  despart, 
-«  Pour  soy  retient  la  meilleur  part. 
«  Lors  se  prannient  a  terteller, 

60     «  Com  fait  martel  a  marteller; 
«  Adont  Berte  veult  par  sa  force 
ot  Et  le  main  grain  et  puis  l'acorce  : 
«  De  hault  parler,  de  convoitise 
«   C'est  bien  souvent  Berte  sourprise. 

65     «  Or  ont  son  nit  environneis 

«  II.  oitours  et  .11.  couronneis  ; 
«  Entour  ont  fait  grant  vilainnie 
«  Qu'ilz  avoient  grant  compaignie. 


LE  SERMON   DU  PAPEGAY.  829 

«   Dame  Berte  bien  les  veoit 
70     «  Mais  en  son  nlt  adès  seoit.    » 


Les  prévisions  contenues  dans  le  trente-sixième  vers 
ne  tardent  pas  à  être  si  complètement  réalisées  qu'il 
n'est  pas  possible  de  pousser  la  citation  plus  loin. 

Dame  Berthe,  au  lieu  de  maintenir  dans  son  nid  le 
bon  ordre  et  la  propreté,  laisse  les  immondices  s'accu- 
muler autour  d'elle.  Aussi,  lorsque  les  ennemis  vien- 
nent l'attaquer,  l'état  pitoyable  du  nid  nuit  singu- 
lièrement à  sa  défense.  Les  Cigogneaux  demandent 
en  vain  à  leur  mère  raison  de  son  imprévoyance  et 
de  son  incurie.  Un  bon  Gerfaut,  resté  fidèle  à  son  an- 
cienne amitié  pour  la  Gigogne,  va  saisir  un  Epervier 
qu'il  lui  amène  prisonnier  ;  enfin  apparaît  un  Phénix 
qui  fait  le  grand  miracle  de  rétablir  la  paix.  Et  ainsi 
finit  Tapologue. 

Nous  avons  dit  qu'il  n'est  pas  possible  de  publier 
intégralement  le  texte  de  celte  pièce,  dont  rintérêt 
est,  du  reste,  assez  médiocre.  La  description  du  dé- 
sordre et  de  l'abjection  qui  régnent  dans  le  nid  de 
dame  Berthe  est  faite  dans  des  termes  si  vulgaires  et 
avec  des  expressions  si  choquantes,  les  choses  y  sont 
si  crûment  appelées  par  leur  nom,  que  le  lecteur  le 
plus  indulgent  n'en  pourrait  supporter  jusqu'au  bout 
le  style  grossier  et  bas. 

Mais,  outre  ce  grave  défaut,  la  parabole  du  Pape- 
gay  en  a  un  autre  dont  son  auteur  a  bien  conscience. 


330  POÉSIES  DIVERSES. 

c'est  de  manquer  absolument  de  clarté.  Aussi  a-t-il 
entrepris  de  la  rendre  intelligible  au  moyen  de  la 
pièce  suivante,  qui  n'a  que  trente-deux  vers,  et  qu'il 
est  aussi  court  de  reproduire  que  d'analyser.  La  voici  : 


B 

C'EST  L'EXPOSITION 
DU  SARMONT  LE  PAPPEGAY. 

Or  vous  dirais  l'entendement 
Car  j'ay  parlei  obscurément  : 
Mets  est  le  nis,  entendes  bien, 
Qu'ait  heii  honnour  et  tout  bien. 
T)     Les  ordurez,  ce  sont  li  fais 
Que  contre  Deu  ont  estez  fais 
Par  damme  Berte  la  justice 
Que  en  son  nit  ait  fait  laitrice. 
Cil  de  Biche  fuit  ces  mairis 

lo     Par  cui  le  nit  fuit  esmairis. 
Les  viandes  sont  les  pennies 
Qu'ehus  ait  Berte  et  leur  magniez. 
Les  .II.  oitours,  li  coronnéz 
Qui  ont  le  nif  environnez, 

1 5     Je  dis  briefment  ce  sont  li  quaitre 
Qui  mains  hostelz  ont  fait  abaitre. 
Les  singognes  c'est  la  Commune 


LE  SRRMON  DU   PAPEGAY.  S51 

De  la  citeit  qui  est  toute  une. 

Le  grifaul  est  cil  de  La  Pieire, 
•20     Que  Mets  amer  doit  per  s' Piere. 

Eti'esprivier  ce  fuit  Hanris 

A  Fauquemont  que  fuit  noris. 

Et  li  fenix  que  fist  la  paix 

C'est  Jhesucris  qui  nous  dont  paix. 
25     Encore  un  mot  dire  meplait 

Pour  eschevier  riot  et  plait  : 

Se  li  Paraige  et  la  Gomune 

Avoient  touis  vouUenté  une, 

La  paix  seroit  ligiere  a  faire, 
3o     Si  com  je  croy  per  s*  Hilaire  ; 

Or  nous  doint  Dieu  par  sa  pitiel 

Que  tous  aiens  bonne  amistiet  ! 


G 


La  pièce  suivante,  ou  «  Confirmation  de  la  parabole 
du  Papegai  par  le  Geai  (ï Angleterre  »,  compte  qua- 
rante-sept vers;  elle  ne  brille  pas  plus  par  la  clarté  de 
la  composition  que  par  l'élégance  de  la  langue. 

La  seconde  moitié  est  caractérisée  par  un  de  ces  tours 
de  force  qui  étaient  bien  dans  le  goût  de  l'époque. 
Quatorze  vers  consécutifs  se  terminent  par  les  mots 
folie ^  foulée^  et  autres  sonnant  à  peu  près  de  même.  Il 
va  sans  dire  que  ni  la  portée  du  sens,  ni  l'intelligence 


352  POÉSIES  DIVERSES 

du  texte  n'ont  rien  à  y  gagner.  On  en  peut  dire  autant 
d'une  recherche  analogue  dont  le  mot  /?/i  et  ses  déri- 
vés font  tous  les  frais,  une  dizaine  de  vers  durant,  et 
qui  naturellement  sert  de  terminaison  à  cette  pièct, 
à  laquelle  on  ne  saurait  du  moins  refuser  le  prix  de  la 
prétention. 

C'EST  LA  GONFIRMAGION 

LB.    J.U    d'iNGLETERRR 

AN  CELUI  SARMONT  DU  PAPPEGAY. 

Quant  le  sarmont  du  pappegay 

Fut  parfenis,  si  com  dit  ay, 

Ung  vrancerey  qui  ert  venu 

Droit  de  Londre,  ou  ert  tenus 
5     A  grant  honneur  chief  .i.  Angloy, 

Alla  parleir  en  son  jangloy, 

Car  on  sceit  ja  en  Engleterre 

Les  nouvelles  de  ceste  guerre. 

Pour  maintenir  ceste  matière, 
lo     II  comensait  en  teil  manière  : 

9   Quant  ung  œuvrier  follement  euvre 

«  Durer  ne  puet  longuement  l'euvre, 

«   Quant  mauvais  sont  li  fondement  : 

«  Si  mal  ovréz  ont  li  grans  maistrez, 
1 5     «  Qu'a  malle  heure  les  vit  Mets  naistrcz  ; 

«  Hz  ont  pourteit  tant  de  bansent, 


LE  SERMON  DU   PAPEGAY.  333 

<•  Qu'ouvreit  ont  mal  de  leur  biaul  sent. 

«  Quant  eiré  ont  les  maisires  ovriers, 

«  Se  par  les  folz  n'ont  recouvrier, 

20     «  L'œuvre  chalrait  de  pièce  en  pièce, 

«  Et  la  guerre  durrait  grant  pièce. 

«  Souvent  avés  oys  retraire 

«  C'on  doit  garir  par  le  contraire. 

«  11  me  semble  c'est  œuvre  foie 

aS     «  Quant  li  riche  le  poure  foie; 

«  Hz  en  ont  ja  tant  dezfouliéz 

«  Que  ces  villois  ne  sont  plus  liez. 

«  Je  me  doubte  que  li  folours 

«  Ne  perdent  tout  per  leur  folours. 

3o     «  De  trop  soffrir  est  grant  folaige  ; 

»  Guerre  ne  veult  que  cuer  voulaige, 

«  Pour  ley  vangier  et  deffoler 

«  Ceulx  qui  les  ont  fait  deffoler. 

«  Par  les  saiges  est  Mets  foulée 

35      «  Et  par  les  folz  est  rafilée. 

«  L'autrier  me  dist  .i.  jonne  fol 

«  Qu'ai nsois  ferait  febvre  sans  fol 

<«  Haiche  tranchant  et  afinée 

«  Que  la  guerre  soit  afenée, 

4o     «  Se  par  les  folz  n'est  mise  a  fin. 

«  Or  y  pences  ;  veicy  la  fin  : 

«  Cil  qui  n'ait  point  de  finement, 

«  Et  qui  fuit  nés  si  finement 

«  De  la  Virge  qui  tant  est  fine 

45     «  Qu'a  sa  purié  chascun  s'afine, 


354  POÉSIES  DIVERSES. 

«  Veuille  nos  cuers  si  afiner 

«   Que  nous  puissiens  par  bien  tiner  ! 


D 


La  quatrième  pièce,  intitulée  «  Prophétie  de  maître 
Lainbelin  de  Cornouailles  »,  constitue  une  œuvre  infi- 
niment plus  intéressante,  sous  tous  les  rapports,  que 
celles  qui  l'ont  précédée.  Mais  ne  prenons  pas  trop  au 
sérieux  le  nom  que  s'est  attribué  son  auteur.  Mettant 
au  jour  une  prophétie,  il  atout  naturellement  cherché, 
pour  lui  donner  plus  de  poids,  à  se  créer  une  parente 
factice  avec  les  enchanteurs  classiques  que  son  siècle 
connaissait  si  bien.  La  pensée  de  Merlin  lui  est  venue 
tout  de  suite  à  l'esprit,  et  il  s'est  empressé  de  se  ratta- 
cher à  lui  en  s'en  faisant  un  compatriote  d'occasion. 
On  voit  que  c'était  un  homme  ingénieux  que  maître 
Lambelin.  C'était  aussi  un  lettré.  S'il  connaissait  les 
romans  de  chevalerie  et  leurs  enchanteurs,  il  n'était 
pas  moins  familier  avec  les  chansons  de  geste  clas- 
siques :  ses  premiers  vers  le  font  voir;  enfin,  la  cita- 
tion fréquente  de  noms  empruntés  à  l'Antiquité  montre 
que  la  littérature  ancienne  ne  lui  était  pas  non  plus 
étrangère.  Son  œuvre,  divisée  en    dix-neuf  couplets 
de  quatre  vers  à  rimes  suivies,  n'est  pas  sans  valeur. 
Le  style  en  est  coulant  et  moins  obscur  qu'on  l'aurait 
pu  craindre,  une  prophétie  se  réservant  toujours  le 


LA  PROPHÉTIE   DE  LAMBELIN.  335 

droit  dé  manquer  de  clarté.  Mais,  à  part  quelques 
points  où  l'auteur  a  usé  de  ce  droit,  on  sent  qu'il  est 
maître  de  sa  pensée  ^t  en  possession  des  ressources 
nécessaires  pour  la  bien  rendre. 

On  a  pu  remarquer  que  les  trois  premières  pièces 
sont  l'œuvre  de  Messins,  fort  dévoués  à  leur  patrie , 
mais  non  pas  satisfaits  de  ceux  qui  la  gouvernent  :  un 
esprit  amer  d'opposition  et  de  critique  y  règne  d'un 
bout  à  l'autre.  La  quatrième  est  inspirée  par  un 
souffle  plus  haut;  son  auteur  reconnaît  sans  doute  les 
imperfections  du  gouvernement  de  la  cité,  mais  il  ne 
méconnaît  pas  davantage  celles  de  l'esprit  public.  Ce 
qui  domine  en  lui^  c'est  l'amour  du  pays,  la  soumission 
à  la  loi,  la  passion  de  l'équité,  sentiments  d'un  ordre 
moral  à  la  fois  juste  et  élevé,  qui  mérite  d'inspirer 
respect  et  sympathie. 


C'EST  LA  PROPHECIE 

MAISTRE  LAMBELIN  DE  CORNUALLE. 

Dieu  gart  la  compaignie  de  péchiez  et  de  crime  ! 
Faites  pais;  je  veulz  dire  une  nouvelle  rime; 
Elle  fut  l'autrier  faite  entre  vespres  et  prime, 
4  L'ay  en  mon  cuer  limei  d'une  nouvelle  lime. 

J'ay  si  grant  duel  au  cuer  qu'a  poc  que  je  ne  serre 
Comme  soffre  cil  Dieu  que  fist  et  cil  et  terre, 


536  .  POÉSIES  DIVERSES. 

Qu'un  bargier  Bauduyns,  ungC.,ung  D.,ung  R.,(i), 
8  Ont  mis  Mets  la  cileit  en  prison  et  en  serre. 

Hz  ont  airs  le  pays  sens  cause  et  sens  raison  ; 
Il  n'y  ait  ville  entière  ne  bourde  ne  mason. 
Li  euvriers  sont  oisours,  si  perdent  la  saison  ; 
12  II  pertbien  oultre  Saille,  on  Bourch  et  en  Staixon. 

Or  aveigne  qu'aveigne,  ne  lairrais  que  ne  dice  : 
Renart  et  sui  parens  ont  estez  folz  et  nicez, 
Ils  ont  esteis  si  plains  d'orguoil  et  d'avarisce 
i6  Que  son  chantait  gaigniet  ma  damme  la  Gravisce. 

Tardis  li  Limesson  sceitplux  que  Seirs  raméz, 
Qui  ait  estei  loing  tempz  et  prisiez  et  améz, 
Mais  or  est  par  son  fait  si  vilmenl  diffauméz 
20  Que  Tardis  est  ces  sires  par  son  savoir  clamez. 

Or  est  li  poures  foibles  et  li  Comuns  est  fors  ; 
Li  Comuns  fait  a  Mets  ses  lois  et  ses  affors,' 
Dieu  dont  la  fin  soit  bonne,  c'est  tout  mes  resconfors; 
24  Se  paix  avions  dedens  nous  paix  aurienz  defors  (2). 

La  guerre  qu'est  dedens  fait  a  Mets  grant  dapmaige  ; 
Ne  sont  pas  d'un  accort  li  Commun^  li  Paraige  ; 

(1)  Comte,  Duc,  Roi. 

(2)  Telle  est,  presque  dans  les  mêmes  termes,  l'iuscription  placée  au- 
dessus  de  la  porte  Sainte-Barbe  (l'ancienne  porte  au  Pont-Rengmont  de 
Metz). 


LA  PROPHÉTIE   DE   LAMBELIX.  337 

»  Je  veulz  »,  «  Tu  ne  veulz  mie  » ,  fait  faire  cest  outraige; 
28  Or  face  Dieu  briefmentque  Ions  soient  d'un  couraige! 

Si  Je  cher  vat  devant  et  les  buefz  vont  dariere, 
Nulz  ne  doit  merveillier  d'une  teille  manière, 
Il  ne  faut  c'un  très  pou  penser  a  ma  matière  : 
32  Leaulté  passe  tout,  si  doit  estre  première. 

Se  Tersites  est  roy  et  Atrides  vaincus, 
Nulz  n'en  doit  niervillier,  maix  dire  :  «  C'est  deciis.  » 
Pour  quoy  ne  fist  pourter  et  lances  et  escus 
36  Quant  l'ost  fuit  a  Mancourt  ?  bien  pert  que  fut  cecus  (  i  ). 

Li  marouniers  que  sont  entre  Saille  et  Muselle 
Ont  si  mal  gouvernée  leur  naige  et  leur  nazelle  ! 
S'encore  heussent  tenue  la  cowe  de  la  poeille 
4o  En  cendre  fut  cheûe  la  menuise  très  belle. 

Des  citains  vous  lairais  sens  plux  dire  et  gloser, 
Je  n'ai  pais  grant  tallent  de  mé  dis  exposer  ; 
Je  dont  les  mesdisans  qui  les  boins  font  chouser, 
44  Et  pourtant  je  ne  veulz  ung  petit  reposer. 

Or  dirai  des  seigneurs  qui  Mets  cuident  conquerre  : 
Hz  ont  très  fol  pencer,  car  ja  n'en  seront  herre  ; 
Hz  ont  assez  pis  fait  que  murtreur  ou  que  leire, 
48  Quant  ont  mis  sans  raison  si  boin  pavs  en  guerre. 


(1)  Voyez,  daus  la  chanson,  les  couplets  C5  et  G6. 

22 


338  POÉSIES   DIVERSES. 

Quand  li  mous  de  Monjeu  en  Guignevaul  vendront, 
El  les  yauwes  de  Trievez  droit  a  Mets  revendront, 
Et  trestuis  les  paiens  en  ma  main  se  rendront  : 
52  Adont  B.  E.  F.  J.  (i)  les  murs  de  Mets  prendront. 

Quant  dé  vins  de  Blenou  sera  meue  nouvelle 
Que  vauront  vins  d'Arbois,  d'Auxais  ou  de  Rochelle: 
Adont  seront  seigneurs  Trieve,  Nancey,  Bair,  L.  (2), 
56  De  la  citeit  que  ciet  entre  Saille  et  Muselle. 

Quant  il  n'avrai  ribaus  es  foierez  de  Champaigne, 
Et  j'avrai  la  coronne  de  Navaire  et  d'Espaigne, 
Et  serai  roy  en  paix  de  France  et  d'Allemaigne  : 
60  Adont  serait  Mets  prinse  per  le  roy  de  Bahaigne. 

Quant  muelz  vaurait  i  lierre  c'un  leaul  pellerin, 
Et  arrier  sens  r' iront  et  le  Rosne  et  le  Rin, 
Et  li  awe  de  Saille  iert  plux  cleire  que  vin  : 
64  Adont  iert  de  Mets  sire  de  Trieve  Bauduyn. 

Quant  je  vairai  plux  cler  c'onque  ne  fist  Argus, 
Et  serai  aussi  grant  coni  fuit  Poliphemus, 
Et  s'arai  plux  de  force  que  Hector  ne  Meindus  : 
68  Adont  eirt  de  Mets  sire  ou  li  cuns  ou  li  dus. 

Quant  li  poissons  lairont  la  mer  ou  lez  rivaigez, 
Et  li  coulions  lairont  lez  tours  ou  lez  boucaigez, 

(1)  Baudouin,  Edouard,  Ferry  el  Jeau. 

(2)  Abréviation  initiale  de  Liicembourch. 


L'A,  B,  0,  D'ASSELIN.  339 

Lez  desers  li  lyons,  et  usurier  boins  gaigez  : 
7^  Adont  un  seigneurs  mettront  Mets  en  servaige. 

11  ait  encor  graot  tempz  que  ce  doit  advenir; 
La  guerre  nest  pas  bonne,  il  la  fauroit  fenir. 
Cil  qui  por  nous  sauver  volt  on  monde  venir 
7^  En  sa  franchise  vueille  la  citeit  maintenir  ! 


E 


Si  la  pièce  précédente  est  Tœuvre  d'un  bon  citoyen 
de  Metz,  profondément  dévoué  à  sa  patrie,  celle  qui 
vient  à  sa  suite  dans  le  recueil  est  inspirée  par  un  sen- 
timent absolument  contraire.  Ici  nous  sortons  du 
camp  des  défenseurs  de  Metz  pour  pénétrer  dans  ce- 
lui de  ses  ennemis  acharnés.  Les  deux  poètes  sont 
séparés  moralement  par  un  abîme  ;  bien  faible  cepen- 
dant est  la  distance  matérielle  qui  existe  entre  eux  ; 
mais  il  faut  dire  que  dans  ce  court  espace  se  trouve  la 
frontière  des  deux  États,  ligne  magique,  des  deux  côtés 
de  laquelle  affections,  intérêts,  passions,  tout  est  à 
l'état  d'opposition  violente,  surtout  par  les  temps  de 
crise  comme  celui  auquel  nous  nous  reportons. 

C'est  un  notaire  de  Pont-à-Mousson,  un  sujet  du 
comte  de  Bar,  maître  Asselin,  qui  entreprend  de  dé- 
montrer aux  Messins,  par  a,  b,  c,  combien  sont  fri- 


340  POÉSIKS  DIVERSES. 

voles  leurs  prétentions  et  mauvaise  leur  cause.  Dans 
celte  composition,  maître  Asselin  donne  carrière  à  sa 
verve  haineuse,  et  développe  surabondamment  le  so- 
briquet injurieux  qui  ligure  dans  le  dit  de  r Apostoile  : 
«  li  usurier  de  Mez.  «  La  pièce  compte  cent  quatre- 
vingts  vers,  coupés  par  strophes  de  six  vers,  dont 
chacune  commence  par  une  lettre  de  l'alphabet. 
C'est  à  cette  disposition  qu'elle  doit  son  titre.  Cha- 
que strophe  a  deux  rimes,  l'une  pour  les  deux  pre- 
miers et  les  quatrième  et  cinquième  vers,  la  seconde 
pour  les  troisième  et  sixième.  L'^,  B,  C,  est  encadré 
par  un  prologue  de  trois  et  un  envoi  de  quatre  cou- 
plets, en  tout  trente. 

C'EST    LI    ^,    B,     C, 

MAISTRE  ASSELIN  DU  POMT 

CONTRE   CEULX    DE   METS. 

Chascun  me  dit  a  quoy  je  pance  : 
Je  pance  a  Mets  s'on  ne  me  pance. 
ïuis  ceulx  de  Mets  sont  fols  nays  ; 
11a  n'ont  en  eulx  sens  ne  science. 
Pour  queil  raison,  pour  queil  science 
6  Seront  ilz  seigneurs  du  pays  ? 

Bien  sont  plains  de  grant  demosuie 
Quant  ilz  cuident  par  leur  usure 


L'A,  n,  Cy  D'ASSELIN.  341 

Leur  voisins  mater  et  confondre  ; 
Ils  font  leur  lois  et  leur  mesure, 
Hz  sont  plux  prenans  que  présure, 
12  Hz  s'acorclient  après  le  tondre. 

Et  pourtant  me  veulz  entremettre 
De  faire  sur  cliescune  lettre 
De  1'/^,  B,  C,  un  ver  de  rime. 
Veullent  ilz  ydes  en  Tair  mettre  ? 
On  vairait  Mets  encor  remettre 
i8  Et  enbusinier  en  l'abime. 


Asselin  du  Pont,  ung  notaire, 
Dist  qu'ancor  mescliiéz  et  contraire 
Vanraita  ceulx  de  Mets,  sens  double. 
Ja  ont  veiis  des  esxemplairez 
Geste  année  plux  de  .m.  paires, 
24  Mais  orguoil  ne  leur  lait  voir  goule. 

Bien  avrient  or  meslier  d'aprendre 
Et  bien  les  en  doit  on  resprendre, 
Quant  pour  ung  pou  d'escripl  en  airche, 
Que  ilz  y  plantent  pour  rapenre, 
Voulloient  en  lour  ville  prendre 
3o  Les  gentilzbomme  de  la  mairche. 

Lhaitifz,  ou  avez  vous  fiance? 
Vous  estes  tous  en  deffiance 


Sa2  POÉSIES  DIVERSES. 

De  Dieu,  du  monde  et  de  la  terre; 
Dieu  vous  ait  mis  en  obliance, 
Vous  rasambléz  de  mescreance 
36  Le  desvoiéz  qu'a  Dieu  prist  guerre. 

Dieu  n'en  peut  mais,  se  il  vous  donte 
Ne  s'il  VOUS  bat  ne  vous  fait  honte  : 
Trop  grevés  Dieu  et  sainte  Esglise. 
Vostre  orguoil  tous  autrez  sourmonte  ; 
Mais  per  roy,  per  due  et  par  conte 
42  En  serait  la  vengence  prinse. 

En  toy  et  pour  toy  et  per  ty 
De  cest  monde  se  desperty 
Maistre  Ferris  que  fuit  tués, 
Qui  diviniteit  a  perty; 
Mais  de  sa  graice  l'ait  perty 
48  Cil  qui  nous  ait  renvertués. 

rais  le  bien,  si  lais  la  folie, 
Vien  a  merci  et  t'umilie  ; 
Tu  ne  te  puis  contretenir, 
Trop  est  la  chose  avant  taillie; 
Ains  que  la  guerre  soit  fallie 
54  Ne  te  pourrais  tu  soustenir. 

Graut  honte  et  grans  duelz  puez  avoir 
Tui  citains  faisoient  savoir 
Qu'ilz  ne  se  lairient  approchier 


L'A,  B,  C,  D'ASSELIN,  .ViS 

De  III  lues  par  leur  savoir  ; 
Mais  ilz  ont  bien  failli  avoir, 
60  Auz  murs  leur  ont  allez  touchier. 

Hé  !  foule  gens  et  esbahies 
De  Dieu  et  du  monde  bayes, 
Que  tous  jours  avez  pris  sens  rendre, 
Moult  avés  clergie  envahie 
Et  destruite  mainte  abbaye  : 
66  Or  vous  convient  ou  rendre  ou  pendre. 

Je,  qui  vous  ais  long  tempz  traittié, 
Vous  pri  que  vous  aiéz  pitié 
De  vous  meysmes  et  mercy. 
Prisiez  ceulx  qu'avez  despilié, 
Ou  plus  ne  serez  despitié 
72  Se  li  ost  remaint  plux  par  cy. 

Jvarles  qui  or  est  roy  de  France  (1) 
Ne  vouroit  plux  mettre  en  souffrance 
Ce  qu'ont  souffert  ses  devantiers  : 
Il  veult  estre  de  l'aliance, 
Il  le  mandeit  ja  per  fiance 
78  Aus  un  princes  avantier. 


Li  orguoil,  li  jactacion, 
Qui  est  en  ta  partecion, 

(1)  Charles  IV,  le  Bel. 


Sftft  PORSIES  DIVERSES. 

Te  ferait  encor  paulmez  baitlre 
Et  la  gent  tie  religion 
Que  vont  en  autre  région, 
84  Sa  I,  sa  II,  sa  m,  sa  un. 

Mets,  moult  te  vient  de  maie  afaire 
Quant  tu  veulz  novelles  lois  faire 
Contre  Dieu  et  novelz  status, 
El  ce  que  Dieu  fist  vuelz  défaire  ; 
Tu  veulz  or  les  droits  contrefaire, 
90  Dont  Dieu  en  est  contreistatus. 

Ne  tarderait  pas  longuement 
Que  tu  verrais  le  jugement 
De  ton  orguoil,  de  ton  envie. 
Il  t'estuet  rendre  ligement, 
Ou  ja  n'aVrais  alligement 
96  Par  nul  homme  qui  soit  en  vie. 

Orguoil  et  pechié  te  desporle 
Et  te  maintient  et  te  comporte, 
Pour  toy  faire  plux  de  dapmaige; 
Vien  a  mercy,  œuvre  ta  porte, 
Prens  les  cleys  et  si  les  aporle 
loa  Aus  princes,  et  leur  fais  homaige. 

Far  cest  partus  t'estuet  saillir, 
Tu  ne  puis  souffrir  Tasaillir 
C'on  te  ferait  de  touttez  pars  ; 


L  Â,  B,  C,  D'ASSELIN.  3!i5 

Honnir  t'esUiet  et  mal  baillier, 
Ne  lu  n'y  puis  mie  faillir 
io8  Se  de  ton  erreur  ne  te  pars. 

Queille  houre  qu'apvril  ou  mars  veigne, 
On  irait  la,  quoy  qu'en  aveigne, 
S'ensi  est  qu'aucun  ne  t'acorse. 
Or  te  deffent,  oir  te  conteigne, 
Mais  je  te  pri  qu'il  te  souveigne 
1 14  Corne  a  grant  tort  tu  brisais  Gorze. 

Rome,  Jherusalem,  Paris, 
Et  Troyes  dont  fut  néz  Paris, 
Abatit  orguoil  en  pou  d'oure, 

y 

Encor  Mets  tu  miez  parhays. 
Or  dis  :   «  plorer  veul  »  ;  trop  ais  ris. 
I20    Telt  rit  au  main  qui  au  soir  ploure. 

Seigneurs  citains,  car  me  creeiz, 
Le  consoil  que  vous  retraiés 
Perdus  l'avez,  soit  pis  soit  perne.  • 
One  depuis  que  Dieu  fuit  créez, 
Ne  fuit  .1.  lieu  si  descreéz 
126  Com  serait  Mets_,  non  fuit  Lucerne. 

1  rop  avés  grant  fiance  licii 
En  vostre  avoir  qui  deceû 
Vous  ait  et  encor  decepvrait; 
Trop  avés  d'autrui  receû, 


346  POÉSIES  DIVERSES. 

Tart  vous  avez  aparceii  : 
i3?.  Bien  verrez  comment  ce  veirait. 


Vraiement  je  l'ouze  bien  dire, 
Ne  nulz  ne  s'en  peut  escondire, 
Que  Mets  ne  fuist  et  ne  soit  l'une 
Des  millours  citais  de  l'Empire. 
Hélais  doilent  !  mais  trop  l'empire 
i38  Avarisce,  orguoil  et  fortune. 

Xappeis  xappéz  c'est  eschappéz  ; 
Il  fist  que  saige  dan  Xappeis, 
Quant  a  Mets  fuiant,  seurement 
Hz  peûst  bien  estre  frappez, 
Ou  mors,  ou  prins,  ou  entrappéz: 
i44  La  en  em  prist  prèz  de  ii", 

Yzaïem  nous  fait  savoir, 
Par  orguoil  envie  a  avoir 
L'ung.  contre  l'autre  s'entrepreul  ; 
Mais  je  tiens  le  proverbe  a  voir 
Qu'il  convient  le  piour  avoir 
i5o  La  vache,  quant  au  buef  se  prent, 

Zacharias  dist  en  son  livre  : 
Loing  temps  ne  puet  durer  ne  vivre 
Gent  qu'est  de  toute  autre  assaillie. 
Mais  quier  mercy,  rent  toy  et  livre, 


L'^,  B,  C,  D'ASSELIN.  Ml 


Ou  j'ay  paour  c'on  ne  te  livre 
iSô^Du  pestaiil  et  non  de  la  lie. 


Et  par  mon  ame  toute  voie, 
Se  veoie  raison  ne  voie 
Dont  Mets  gaignier  puist  en  la  guerre, 
Jeldiroie;  mais  j'y  aroie 
Panceis  c  ans,  je  n'y  voiroie 
162  Qu'onnour  ne  prou  y  puist  acquerre. 

Combien  que  je  soye  homs  le  Conte  , 
S'oze  je  bien  dire  en  mon  conte 
Que  c'est  grant  duel  se  Mets  se  pert  ; 
Mais  quier  merci,  n'aies  ja  honte  : 
De  trop  hault  chiet  que  trop  hault  monte, 
168  Trop  pert  qui  ces  voisins  depert. 

Triste  et  marie  doit  bien  estre. 
N'est  nul  a  destre  n'a  senestre 
Que  mal  a  Mets  ne  prophétie, 
Ne  mette  huyx  contre  fenestre  ; 
Il  te  convient  changier  ton  estre 
174  Et  lanterne  contre  vescie. 

Or  prions  au  definement 

Le  fil  Dieu,  qu'a  la  fin  ne  ment. 

Que  la  chose  messet  en  telt  fin 


W8  POÉSIES   DIVERSES. 

Que  elle  ait  ung  boin  finement, 
Et  se  gart  jusqu'au!  finement 
180  Lyon,  Bair,  l'Aigle  et  le  Helpliin  (i), 


Nos  Messine  viennent  d'être  bien  maltraités;  mais 
patience!  le  ton  ne  va  pas  larder  à  changer  à  leur 
profit.  Le  remède  suit  de  près  le  poison  ;  on  le  trouve 
à  la  sixième  pièce  du  recueil,  sous  le  titre  de  «  la  Ré- 
ception de  maître  Lainbelin  ,  recteur  de  Paris  et  d' Or- 
léans. »  C'est  l'auteur  même  de  la  prophétie  qui  repa- 
raît dans  la  lice  poétique  ;  mais ,  plus  fantaisiste 
que  jamais,  il  s'est  revêtu  d'un  nouveau  titre,  et 
non  pas  des  moins  pompeux,  comme  on  voit.  Il  vient 
répondre  à  Va,  B,  C,  de  maître  Asselin,  et  suit 
exactement  la  pièce  à  laquelle  il  réplique.  Il  lui  em- 
prunte sa  division  par  strophes  de  six  vers  et  le  mode 
de  réparlilion  de  ses  rimes,  de  même  que  sa  suite  al- 
phabétique. C'est  toujours  un  bon  citoyen  de  Metz 
qui  parle,  et  il  ne  le  fait  pas  sans  un  certain  succès 
littéraire,  bien  que  Ton  sente  peut-être  en  quelques 
points  la  gêne  produite  par  les  entraves  d'une  subdivi- 


(l)  Pièces  principales  des  écus  respectifs  :  du  roi  de  Bohême  et  comte 
de  Luxeiul)oiirg,  du  comte  de  Bar,  du  duc  de  Lorraine,  et  de  l'évéque  de 
Metz,  Henri  Dauphin. 


LA   RÉPONSE  DE   LAMBELIN.  349 

sion  compliquée.  Au  fond,  d(!  même  que  dans  la  pièce 
de  maître  Asselin,  il  règne  une  surabondance  et  une 
monotonie  fatigantes.  Tous  deux  ont  dû  évidemment 
tendre  jusqu'à  Texcès  l'élasticité  des  périodes,  pour  les 
amener  à  se  prolonger  jusqu'à  la  trentième  stro- 
phe (i),  en  présence  d'un  si  petit  nombre  d'idées, 
revenant  toujours  les  mêmes,  de  part  et  d'antre. 

C'EST    LA    RESGEPCION 
MAISTRE  LAMBELIN 

RECTKUH      DE     PAUIS     ET     d'okLIENS. 

Que  Dieu  me  gart  de  mal  et  d'ire  ! 
J'ay  trop  grant  dieul  quant  joye  dire 
Nulz  mal  de  Mets,  et  se  me  poise. 
Pourtant  vous  veulx  je  contredire 
Le  liault  parleir  «t  escondire  ; 
6  Je  n'ay  cure  de  vostre  noise. 

Du  duc  Ferris,  du  roy  Jehan 
Qu'on  fait  a  Mets  pluxours  ahans, 
De  Bauduyns  ne  de  leur  geste, 
De  ces  .m.  cy  nil  relraham; 
Et  si  n'avint  dès  Ahraham 
12  En  Loheraiune  si  grant  tempesle  ! 

(1)  Notons  môme,  à  l'avantago  de  maître  l.amhelin,  que  son  inologiie 
comporte  uu  couplet  de  plus  que  celui  de  maître  Asselin,  si  toutefois 
c'est  bieu  là  un  avantage. 


WO  POÉSIES  DIVEUSES. 

Il  ait  au  Pont  ung  clerc  appert 
Par  ces  perrolles  bien  appert  ; 
x\sseiins  est  per  nom  clamez. 
Je  dit  de  lui  tout  en  appert 
Qu'il  treuve  bien,  maix  niant  pert, 
i8  Quant  ceulx  de  Mets  ait  tant  blasméz. 

Pour  les  coutaulx  et  lui  reraordre, 
Conter  vous  vuelz  trestout  per  ordre 
Ung  A^  B,  C,  c'un  clerc  ait  fait. 
De  malle  mort  les  puisse  mordre, 
Ne  ja  de  Tan  ne  puissent  estordre 
24  Gilz  qu'ont  a  Mets  tant  de  mal  fait. 


A  Asselin,  ung  clerc  du  Pont, 
Lambelin  dit  et  si  respont  : 
Que  sens  raison  ait  Mets  blasmée; 
Ce  que  geline  crie  on  pont 
Ne  vault  sez  dis  ;  se  ne  respont, 
3o  Perdue  en  est  sa  renomée. 

Bien  doit  estre  de  tous  blasméz 
Et  laidangiéz  et  diffamez 
Qui  consoille  folie  a  faire; 
Comment  serait  donques  améz 
Cil  qui  l'aultrier  mandait  a  Mets 
'56  Que  sa  franchise  estuet  défaire  ? 


LA   RÉPONSE   DE  LAMBELIN.  351 

(jontaulz  chaitifz,  conter  convient  : 
Or  me  dites  cil  droit  dont  vient, 
De  vos  debtes  serez  tuis  quitte*  ? 
De  mauvistiet  cil  fait  vous  vient, 
De  nulle  hounour  ne  vous  souvient  : 
42  Se  fait  pechiés  qu'an  vous  habite. 

Uieu  vous  envoie  maie  estraine  ! 
C'est  merveille  c'on  ne  vous  trayne. 
Tuis  les  Gontaulz  sont  conchiours. 
Il  n'ait  dès  Mets  en  jusques  Sainne 
Contaul  qui  ait  pencée  sainne  ; 
48  Du  monde  estez  tuis  les  piours. 

rLn  vérité  je  me  merveille 
Gomment  ouzent  lever  l'oureille 
Nulz  des  Gontaulz  devant  proudomme. 
En  mal  faire  chescun  deulx  vaille, 
Hz  ne  gardent  feste  ne  vaille  : 
54  Pour  ce  Barrois  barretours  nomme. 

r  oix  ne  raison  vous  ne  gardez, 
D'aultruy  avoir  trop  vous  lardez  : 
Maul  encor  Mets  vous  materait 
Combien  qu'il  tart  ;  or  vous  gardez. 
Les  pourez  gens  pour  quoy  ardéz  ? 
60  Lowis  a  point  vous  mènerait  (i). 

(1)  Ce  deruier  vers  indique  que  la  Réception  maître  Làmbeiiu  est 
postérieure  à  la  réconciliation  des  Messins  avec  l'évèque  Louis  dfc 
Poitiers  (7  avril  1325). 


352  POÉSIES  DIVERSES. 

(jiianl  mauvisllé,  grant  trayson 
Fait  avés  et  grant  mesprison, 
Onque  certe  si  grant  ne  vy  ; 
Vous  en  serez  tuis  en  prison. 
Vous  ne  savez  nulle  oicquison 
66  Pour  quoy  avez  destruis  le  vin  (i). 

Hé!  desleauiz  et  despulaire/, 
Pour  quoy  créez  ung  fol  nottaire, 
C'est  Asselin  de  la  Conleit  i* 
Bien  se  deùst  dès  or  mais  taire. 
A.it  il  gaingniet  soie  ou  lartaire 
72  Quant  ces  bourdes  vous  ait  conteit  ? 

Je  suis  certain  vosirez  péchiez 
Vous  feront  honte  et  grant  mechiéz. 
Chescun  le  sceit  des  cardinalz 
Comment  serez  vous  despeschiéz, 
Qu'avez  robée  l'avesçhié 
78  Que  tant  amoit  vostre  Regnaulz  (2)? 

ivarle^  qui  est  de  France  roys, 
Vous  aussaurait,  lors  que  ferois? 
Et  celle  qui  fuit  ja  royne. 
Hz  atnainront  chers  et  charrois 


(1)  Rapprochez  de  ce  grief  les  couplets  197-201,  24i  el  ss.,  2G4,  etc. 
dans  le  poëme. 

(2)  Renaud  de  Ear,  évéque  de  Metz  de  1302  à  1316. 


LA   UÉPOiNSE  DE   LAMBELliN.  353 

Par  la  Conteit,  par  le  Barrois. 
84  Ne  cuidiéz  pas  que  je  devine. 

Lowy  venront  irestuis  aidier, 
Il  ne  luy  fault  que  son  haidier, 
Ses  lignaiges  vont  jusques  Ypre. 
Tuis  y  venront  nés  le  liardier  ; 
Meschans  Contaulz,  sens  plus  targier, 
90  Allés  vous  ens  fuyant  en  Chipre. 

Malz  Contaulz,  c'est  ingratitude 
Quant  cuidiéz  mettre  en  servitude 
Tous  ceulx  de  Mets  ou  faire  rendre. 
Ainsois  sereit  toute  destruite 
Vostre  conteit  et  maie  estruite  : 
96  Querréz  la  paix,  n'avez  qu'atendre. 

N'est  ce  merveille  d'Andouart, 
Qui  ne  pence  qu'a  Deulewart.** 
Très  grant  honnour  li  fist  Mets  lai  : 
Bien  pert  qu'il  ait  mauwais  rouwart, 
Quant  ceulx  de  Mets  desrobe  ou  airt 
loii  Et  n'espairgne  ne  clerc  ne  lait. 

Ur  voit  on  bien  qu'il  ne  voit  goûte  : 
Sainte  Esglise  n'aimme  ne  doubte. 
Quant  il  malfait  en  telt  manière, 
Perdre  en  doibt  bien  la  conteit  toute. 

23 


ibH  l'OESIES   DIVERSES. 

La  gorge  aient  tresluis  si  roule 
io8  Qui  ont  estez  en  sa  baniere. 

Partout  ou  court  souloil  et  lune, 
Sceit  on  de  voir  que  Mets  est  Tune 
Des  citeis  que  soit  la  plus  franche. 
Pour  ce  Contaulx  ont  grant  rancune; 
Ils  voulroient  tuis  que  fortune 
1 14  Abatist  Mels  de  ceste  brainche. 

Queils  deaul)les  font  or  tant  vivre 
Ses  Contaulx?  ilz  sont  trestuit  yvre. 
C'est  de  mal  son,  je  le  voy  bien  ; 
Onque  ne  pou  trouveir  en  livre 
Leaul  Contaul  ne  bonne  vv^yvre  : 
I20  Cilz  deux  ne  servent  de  nul  bien. 

Relraiés  vous,  félons  Conlaulx, 
Ou  vous  avréz  ung  mal  frontaul 
Ou  de  l'evesque  ou  des  citains  : 
Il  vous  faulrait  com  cariiaul 
Queire  du  pain  et  hospitaul  ; 
1 26  De  ce  soit  bien  chescun  certain. 

Seurement  puis  je  lesmoignier 
C'on  doibt  Contaulz  tous  vergoignier, 
Pour  la  raison  de  leur  oultrage. 
Chescun  les  doit  bien  esloignier^ 


I,A   REPONSE   DE   LAMUELIN.  855 

Qu'embracier  vourent  et  empoignier 
iSa  Ou  ik  n'ont  roie  d'eritaige. 


I  ous  les  Contaulz  voy  fourvoier. 

II  n'en  convient  pas  envoier 

A  Toulatte  (i)  pour  mesaprendre. 
Dieu  leur  envoise  ung  telt  luwier 
Des  fais  qu'ont  fait  ou  hui  ou  hier 
i38  Que  bec  a  bec  les  puist  on  prendre. 

Vous  estes  plains  de  desrason. 
Pour  quoy  avés  tantes  masons 
Sus  ceulx  de  Mets  brusiées  et  airsc  ? 
Vous  pences  pou  a  la  saison 
Qu'il  convendrait  rendre  raison, 
i44  ^ins  que  la  foiere  se  desparce. 

Xeans  et  plus  perdus  avez 
Que  vous  gaigniés  certes  n'avez 
En  la  guerre,  selong  mon  ame  ; 
C'est  a  droit:  deservy  l'avés. 
Targéz  vous  bien,  vous  ne  sçavés 
i5o  Se  vous  prendrez  dedans  quaramCi 

lason  qui  fuit  a  Troie  prenre 
Ne  fist  onque  tant  a  repenre 
Corn  font  Gontaulz)  par  saint  Remy  ! 

(1)  Tolède. 


;aO  POÉSIES  DIVERSES. 

Hz  n'espairgnent  ne  brus  ne  genrez, 
Ne  pucelles  vielles  ne  tenrez, 
i56  Ne  les  anffans  d'an  et  demy. 

Zaclieïis  dist  et  nous  enseigne  : 
D'aullrui  choscz  que  nulz  ne  preigne, 
Et  se  la  prent  il  luy  fault  rendre. 
Conlaulz,  ainsois  que  pix  aveigne, 
D'un  proverbe  bien  vous  souveigne, 
162  Que  dit  qu'il  fault  ou  rendre  ou  pendre. 


Et  ce  ja  Dieu  me  dont  bonteit, 
Conque  ne  furent  sourmonteit 
Cilz  de  Mets,  ne  ja  ne  seront, 
Par  ceulx  que  sont  de  la  Conteit. 
Maintenant  sont  trop  liaulz  nionteit, 
168  On  vairont  bien  queil  la  feront. 

Combien  qu'il  tart,  je  vous  prometz 
Suis  eulx  irait  Lowis  ou  Mets, 
Et  si  mainront  grant  baronies. 
Contalz,  gardez  ou  vous  somelz  •. 
Car  par  Lowis  ung  entrenielz 
174  Aurez  avant  la  despartie. 

Bien  assiégiez  de  toutes  pars, 
Serez  quant  l'oist  serait  espars  ; 


r,A   RÉPONSE   DE   F.AMBEMN.  357 

Si  vois  lo  fil  après  le  peire 
Droit  en  Chipre  apenre  ces  pairs  (i). 
Tel  doit  estre  li  siens  despars  . 
i8o  Bien  est  raison  que  le  compeire. 

Je  prie  a  Dieu  le  fil  Marie 
Que  la  Gonteit  soit  esmarie, 
Se  paix  ne  quiert  prochiennement  ; 
Et  gart  Lowis  et  sa  lignie, 
•  Tout  ceulx  de  Mets  et  leur  maisnie 
i8(S  El  lonr  dont  bon  definement. 
Amen. 


G 


Nous  arrivons,  avec  les  pièces  suivantes,  à  une  nou- 
velle forme  de  nos  compositions  rimées.  Des  noms 
vont  paraître  qui  devront  à  un  sentiment  doublement 
pieux  de  jeter  une  légère  et  fugitive  lueur  dans  l'his- 
toire littéraire  de  la  Lorraine.  De  bons  citoyens,  aussi 
attachés  à  leur  patrie  qu'à  leur  foi,  ne  voyant  pas  dans 
le  péril  présent  d'autre  appui  que  celui  du  Ciel,  ont 

(1)  Henri  111,  comte  de  Bar,  père  d'Edouard  I",  s'était  déclaré 
contre  Philippe  le  Bel.  Vaincu  et  fait  prisonnier,  il  se  vit  réduit  à  si" 
gner  le  traité  de  Bruges,  par  lequel  il  dut  faire  hommage  au  roi  de 
France  d'une  partie  de  ses  États  et  s'engager  à  aller  guerroyer  outre- 
mer, à  Chypre,  où  il  mourut  en  130?. 


358  POÉSIES  DIVERSES. 

rattaché  au  texte  même  des  prières  de  l'Église  le  cri 
d'angoisse  et  d'espérance  de  leur  patriotisme  alarmé. 
Des  compositions,  simples  et  modestes  comme  leurs 
auteurs,  ont  ainsi  vu  le  jour;  des  noms  sans  éclat 
y  étaient  attachés.  Un  soin  respectueux  les  a  conser- 
vées par  des  copies  successives.  Une  sollicitude  inspirée 
par  uu  sentiment  semblable  au  leur  les  fait  aujourd'hui 
sortir  de  la  poussière  des  cartons  pour  paraître  au 
grand  jour  de  la  publicité.  La  vieille  cité  du  xiv'  siècle 
pourra  ainsi  nommer  des  poètes  parmi  ses  enfants,  et 
le  nombre  des  monuments  de  la  langue  parlée  à  cette 
époque  sera  grossi  d'une  série  d'œuvres  dont  il  ne  faut 
pas  chercher  à  exagérer  le  mérite,  mais  dont  la  date 
et  l'origine  se  présentent  dans  des  conditions  intéres- 
santes d'authenticité. 

La  première  de  ces  pièces,  la  septième  dans  l'ordre 
général,  a  pour  titre  :  «  la  Patenôlre  de  la  guerre,  »  et 
pour  auteur  Robin  de  La  Vallée.  Elle  se  compose  de 
trente  strophes  de  six  vers  octosyllabiques,  à  deux 
rimes,  réparties  comme  dans  les  deux  ^,  B,  C.  Chaque 
strophe  commence  par  un  mot  du  texte  latin  de  l'orai- 
son dominicale  plus  ou  moins  adroitement  rattaché  à 
l'ensemble  de  l'idée.  C'est  une  combinaison,  comme 
nous  l'avons  dit,  de  piété  et  de  patriotisme.  Seulement 
il  faut  avouer  qu'elle  est  aussi  monotone  qu'édifiante. 
De  loin  en  loin^  on  trouve  à  relever  quelques  mouve- 
ments heureux,  de  rares  allusions  à  des  faits  intéres- 
sants pour  l'histoire.    Mais  cette  pièce  a  un  défaut 


LA   PATE.NOTRE.  S59 

capital,  c'est  d'être  vague  et  délayée  outre  mesure.  Le 
nombre  des  mots  du  Pater  a  évidemment  dépassé  les 
proportions  de  l'inspiration  qui  avait  cherché  à  s'en 
faire  un  cadre.  Les  récriminations  surabondent,  comme 
aussi  l'appel  aux  vengeances  divines.  Cette  surabon- 
dance même  sert,  du  reste,  à  fixer  formellement  la 
date  de  la  composition.  L'ardeur  avec  laquelle  son 
auteur  insiste  pour  demander  à  Dieu  la  fin  des  maux 
de  la  Cité  montre  bien  que  c'était  au  plus  fort  de  la 
crise  que  s'élevait  vers  le  ciel  ce  cri  d'angoisse  et  cet 
appel  au  secours.  La  date  paraît  être  plus  précisée 
encore  par  le  témoignage  de  l'indignation,  évidemment 
toute  récente ,  qu'a  excitée  le  ravage  sacrilège  des 
églises  du  val  de  Metz.  Elle  peut  donc  être  fixée  vers 
le  mois  d'avril  iSaS,  avec  de  très-grandes  probabilités 
d'exactitude. 

C'EST  UNE  PATENOSTRE 
DE    LA   GUERE    DE    METZ 

QUE    ROBIN    DE    LA    VALÉE    FIST, 

Cil  qu'estaublit  Pierre  l'apostre 
Me  dont  sa  graice  et  puis  la  vostre, 
Lors  serais  bien  de  graice  plains. 
Or  escoultéz  le  patenostre  : 
Elle  est  de  ceulx  qu'ont  estez  nostrez 
6  Ennemis  grans,  dont  je  me  plains. 


S«0  POÉSIES  DIVERSES. 

Pater  et  Fil  de  Dieu  le  Peire, 
Ne  souffres  plus  que  Mets  compeire 
Les  fais  qu'elle  n'ait  desservis. 
Ennuit  li  font  et  vitupeire 
Cilz  devers  Bair,  cilz  de  l'Empeire  ; 
12  Ce  n'avint  pas  au  temps  Hanris  (i). 

Nosferet  tiens  devons  tuis  estre, 
Ou  nous  yriens  a  la  senestre 
Ou  nous  seriens  très  mal  partis. 
Dieu,  or  fait  Mets  tenir  teit  estre 
Qu'auler  puissent  citains  a  desiro 
i8  Quant  de  cest  mont  seront  partis. 

Qui  es  in  celiSy  c'est  a  droit 
Dieu  garde  Mets,  car  elle  ait  droit, 
Et  la  maintient  en  sa  franchise. 
Par  tout  sceit  on  bien  orendroit 
Que  grant  meschief  a  Mets  vendroit 
24  S'elle  estoit  en  servaige  mise. 

Sancti/lcetur  ceste  chose 
Les  anemis  chastoie  et  chose 
Et  les  retrait  de  leur  follie. 
Il  meffont  trop,  bien  dire  l'ose; 
Dieu  or  envoie  une  telt  glouse 
3o  Dont  la  citeit  soit  toute  lie  ! 

(1)  Allusion  aux  bons  rapports  de  la  cité  avec  l'empereur  Henri  Vil 
de  Luxembourg,  père  du  roi  Jean. 


L\   PATENOTRE.  361 

Nomen  tuiim  est  admirable 
Et  gracieus  et  admiauble, 
On  le  doit  bien  partout  doubteir; 
Dieu,  par  ton  nom  qui  est  doubtauble, 
Ses  anemis,  ces  mal/,  diauble, 
36  En  fins  de  Mets  veulles  bouteir! 

j4di>enint,  ainsi  adveingne  ! 
Dieu,  des  citains  pitiet  te  preigne  : 
De  ton  ayde  ont  grant  mestier. 
Des  pourez  gens  bien  te  souveigne; 
Hz  ont  pou  bleif,  cherbons  et  leigne, 
/\i  Et  s'œuvrent  pou  de  leur  mestier. 

Regnnrn  tuuni  ne  doit  avoir 
Li  hom  qui  vit  d'autrni  avoir: 
Teilz  gens  ne  sont  de  nulz  bien  dignes. 
Dieu,  tu  sceis  bien  que  dit  ai  voir, 
Je  te  requier  qu'aparcevoir 
48  Face  citains  aucuns  boins  signes. 

Fitit^   soit  fait  !  quant  Dieu  plairait, 
Li  grant  orgoil  moult  tost  chairait 
Qu'a  maintenant  nostre  anemis. 
Je  croy  ploier  les  covenrait, 
Et  se  pance  que  ce  venrait 
^/\  Ainsois  qu'il  ait  an  et  demy. 

yolonlas^  Dieu,  ta  voUcnlcit 
Est  chescun  soit  entallenteit 


•'Îfi2  POÉSIES  DIVERSES. 

De  faire  bien  a  toutes  hoiirez. 
Dieu,  trop  souffrez  grans  cruaultéz 
Quant  brisiez  ont  fons  et  aulteirs 
60  Et  les  moustiers  on  tu  demourez. 

Tua  doit  estre  sainte  Esgb'se, 
Franche  et  quitte  sens  nulle  prise; 
La  fait  on  le  saint  sacrement. 
Dieu,  garde  a  Airs  en  queille  guise 
Ennemis  ont  ta  maison  mise  : 
66  II  n'i  ait  for  le  fundement  (i). 

Sicut  in  cela  ais  puissance  ; 
Je  te  requier  que  la  vengence 
Penre  en  veuUe  briefment  sur  terre. 
G.  D.  sont  plains  d'oultrecuidance 
Et  B.  et  J.  (2)  qui  ont  fait  dance 
72  Tout  autour  Mets  et  mise  en  serre; 

El  in  terra  sommer  ne  laient, 
Et  sus  vignours  huient  et  braient, 
Et  ne  sceivent  pour  queil  raison. 
Dieu,  conforte  ceulx  qui  s'esmaient  ! 
Je  te  requier  teil  confors  aient 
j8  Que  pas  ne  perdent  la  saison. 

(1)  Allusion  aux  sacrilèges  commis  dans  le  Val   de  Metz  (couplets 
265  el  ss.). 

(2)  Comte  de  Bar,  duc  de  LoiTaine,  Baudoin  archevêque  de  Trêves, 
Jean  de  Luxemiwiirg. 


LA   PATENOTRE.  363 

Panein  nostrum  tollir  nous  vuellent  ; 
Très  maulvais  los  certe  acuellent, 
Lairons  ont  nom  communenment, 
Adèz  font  pis  que  ilz  ne  suellent; 
Les  pourez  gens  forment  se  duellent  ; 
84  Dieu  y  mette  consoil  briefment. 

Cottidianuiriy  chescun  jour 
Nous  desrobent  a  nos  séjour, 
De  mal  faire  n'ont  point  de  honte, 
Ils  ne  sont  pas  boin  haberjour 
De  pèlerins,  mais  abrejour. 
90  Or  y  pencéz  a  quoy  ce  monte. 

Da  fiobi's!  ils  sceivent  bien  dire 
Dont  vient  cil  mot;  trop  estplain  d'ire. 
Il  part  bien  qu'ilz  soient  enyvrez. 
Leur  doit  on  rienz?  nennil  voir,  sire 
Dieu,  s'il  avient  ce  que  "désire, 
96  Nous  en  seriens  bien  tost  délivrez. 

Hodie^  Dieu,  me  veulle  ouyr  ! 
Dont  ferais  je  citains  jouyr 
De  leur  propos,  et  par  droiture 
Les  aneniis  faurait  fouyr  ; 
Cilz  qui  voiront  vignes  fouyr 
loa  Ne  seront  plus  en  avanture  (i). 

(1)  Allusion  au  massacre  des  vignerons  de  Failly  (couplets  244  et  ss.). 


304  POÉSIES   DIVEnSES. 

Et  (fi  mit  te  toute  la  terre, 
En  Chipie  vat  ton  peire  querre, 
Conte  de  Bair,  car  ce  est  drois  ; 
Tu  ez  entrez  en  une  guerre 
Ou  tu  ne  puis  nus  biens  acqueirre, 
io8  Car  au  dessur  ja  n'en  vendrois. 

Nobis  debvéz  paix  demander 
Tous  quatre  ensemble,  et  amender 
Ce  qu'avez  fait.  Comme  traystres 
On  vous  delivroit  les  yeux  bander, 
Sur  vous  croisier  et  gens  mander, 
I  i4  Tant  que  fussiez  et  malz  et  tristes. 

Débita  iiostra  retenis 
Et  cbascun  jour  sur  nous  pennis  ; 
Dont  vient  cil  droit.''  Je  me  merveille 
Pour  quoy  au  jour  tu  ne  venis 
Et  la  guerre  tost  ne  fenis  ? 
ino  Faire  l'estuet  ou  s'iert  merveille 

Sicnt  et  nos  pour  quoy  ne  faictes  ? 
J'ayes  donnés  pour  les  deffaites, 
Mais  de  nous  se  sont  bien  gardéez  ; 
Pour  quoy  pourtéz  espéez  traites 
Sus  ceulx  qui  n'ont  armez  ne  gaites 
I  26  Pour  eulx  garder  de  vos  menées  ? 

Diniittimus  et  vous  robéz, 
Vous  resambléz  lous  et  boberz 


LA   PATENOTHE.  365 

Qui  ne  vivent  for  que  de  proie. 
De  ceulx  de  Mets  trop  vous  gabé/, 
Vous  n'espairgnic/  nonnez  n'abeis  5 
i32  II  est  bien  folz  qui  pour  vous  proie, 

Dehitoribus  avez  faict 
Jurer  les  Sains,  c'est  trop  mal  faict  : 
Et  savez  prinsez  nostrez  debtez. 
Respondés  moi  tous  a  cest  fait. 
Dont  vient  cy  droit  et  qui  l'a  fait  ? 
i38  L'avés  vous  apris  a  Toilette? 

Nostres  cilains  a  tort  grevés. 
Est  ce  pour  ce  que  vous  debvéz 
Que  vous  faites  la  guerre  longe  ? 
S'estiéz  proudomez,  bien  savez 
Paier  estuet  se  vous  lavés 
144  Ou  tout  laissier  :  n'est  pas  mensonge. 

Et  ne  debvéz  soffrir  meschiéz; 
Oïl  certe,  car  grant  péchiez 
Avez  fait  et  grant  mesprison  ; 
Robes  avez  par  resveschié, 
Vous  en  estes  tous  entachiez  ;  ^ 

i5o  En  vos  fais  n'ait  que  traison. 

« 
Nos  inducds  en  droite  voie, 

Vrais  roi  du  ciel  qu'es  vie  et  voie, 

Et  ne  laissiez  Mets  desvoyer. 


306  POESIES  DIVERSES. 

Aux  anemis  grant  mal  envoie; 
Se  chescuii  d'eulx  ne  se  ravoie, 
i56*  Par  droit  bien  leur  dois  envoyer. 

In  templacionem  n'a  cure 
Que  Mets  enhausse  ja  sa  cure  ; 
Seurmonteir  doit  temptacion. 
Et  s'il  avient  per  avant  ure 
Qu'elle  y  chaice,  si  l'en  esture, 
162  Jliesus,  par  ta  redempcion  ! 

Sed  libéra  nos  et  délivre 
Des  anemis,  ou  tu  lez  livre 
A  ceulx  de  Mets,  se  il  te  plail. 
Contrefait  ont  la  foid  on  livre  : 
On  pourroit  bien  faire  ung  grant  livre 
168  De  leur  riot  et  de  leur  plait. 

A  vialo  voisin  mal  malin 
Ait  on  souvent  et  maint  tatin  ; 
Ce  trueve  on  bien  en  l'Escripture 
Et  en  romant  et  en  laitin. 
Dieux  !  ils  sont  pire  que  Kayn  5 
1^4  Fais  tost  la  paix,  ce  est  droiture. 

Aineii^  dites,  compaignons  fin^ 
Faire  doiéz  :  vecy  la  fin. 
Cil  qui  n'ait  point  de  finement 
De  la  guerre  face  telt  fin 


LE  GRAiNU  CREDO.  367 

Que  finer  puist  a  la  parfin 
i8o  Mets  a  honneur  au  finement. 
Amen. 


H 


Les  deux  pièces  suivantes  continuent,  exactement 
dans  les  mêmes  conditions  de  facture  et  de  concep- 
tion que  la  Patenotre,  la  série  des  poésies  chrétienne- 
ment patriotiques.  Elles  sont  intitulées,  la  première  : 
«  /e  Credo  de  Henri  de  Heiz,  »  la  seconde  :  «  le  Petit 
Credo  de  Michelet  Petitpain.  » 

On  est  encore  loin  des  espérances  de  la  paix  :  le 
blocus  de  Metz  est  rigoureusement  maintenu,  et  le 
comte  de  Bar  vient  de  se  signaler  par  l'odieuse  des- 
truction des  murailles  de  Vie.  Celte  circonstance 
permet  de  fixer  la  date  de  la  composition  vers  le 
mois  de  mars  i325.  Son  auteur  se  préoccupe  beau- 
coup des  dommages  causés  par  la  guerre  à  Tévê- 
ché,  c'est-à-dire  aux  domaines  temporels  de  l'évêque 
de  Metz.  Telle  n'était  pas  ordinairement  la  maîtresse 
préoccupation  des  Messins  :  mais  alors  l'évêque  c'est 
Louis  de  Poitiers,  qui  vient  de  se  détacher  de  la  ligue 
pour  prendre  le  parti  de  la  Cité,  et  qui  en  ce  mo- 
ment est  son  idole.  Quant  à  son  prédécesseur,  Henri 
Dauphin,  il  est  traité  avec  sévérité;  mais  ce  n'est  que 
stricte  justice. 


368  POÉSIES   DIVEHSES. 

Le  texte  du  Credo  comprend  un  bien  grand  nombre 
de  mots.  11  en  résulte  que  les  pièces  de  vers  sont  i'ort 
longues.  Ce  n'est  pas  tout  à  fait  la  faute  des  auteurs, 
mais  ils  s'en  sont  bien  ressentis.  La  clarté  et  la  préci- 
sion ne  sont  pas  leurs  qualités  dominantes. 

C'EST  LE  CREDO 

HENREIS  DE  HEIS. 

Pater  noster  sens  le  Credo 
Ne  vaulroit  riens,  sicut  credo; 
La  sont  li  poius  luis  de  la  foy. 
Devenus  est  cliescun/yre^o. 
Or  vous  dirais  quod  concéda . 
6  Sy  vous  teneis  sens  faire  affroy. 


Credo ^  se  tuis  me  vouloient  croire, 
Je  feroie  tous  ceulx  recroire 
Qu'encontre  Mets  sont  engrenny. 
La  guerre  vient  par  leur  acroire, 
Car  per  prester,  c'est  sens  mescroire, 
12  Mets  ait  guaingniéz  mains  anemis. 

In  Deum  vat  toute  Lorrenne  ; 
Fors  ceulx  de  Mets  ou  tous  biens  rengne, 
Contre  Dieu  vont  tiestuis  li  autres. 
Hz  destruient  eulx  et  lour  rengne, 


Lh:   GRAND    CREUO.  36'J 

Bien  pci  t  qu'en  eulx  Anemis  iciigne  ; 
18  Pourter  leur  fait  lances  sus  fautrez. 

Pat  rem  ne  priiisent  ne  sa  Meire  ; 
Geste  guerre  est  dure  et  ameire, 
Onques  certes  teille  ne  vy. 
Adès  engreigne,  adès  empeire, 
Hz  n'ont  laissiez  ne  fil  ne  peire, 
24  Ce  sceit  on  bien,  ne  femme  a  Vy. 

Omnipotentem  ne  redoutent, 
Car  sens  raison  partout  feu  boutent  ; 
Hz  sont  ainsy  com  foursenéz, 
Il  me  samble  que  ilz  rasotent  : 
En  mal  faire  trestuis  s'aroustent  ; 
3o  Lour  cuers  sont  la  tuis  ordonnez. 

Creatorem  cœli  et  d'iaulx 
Aiment  1res  pou  quant  les  bidaulz, 
Pour  nuire  a  Mets  ont  fait  venir  ; 
Ilz  sont  tous  plains  de  ribaudiaulx, 
Cilz  desrobent,  cilz  font  ferdiaulx  : 
36  Teilz  gens  ne  veuUent  que  pennir. 

Et  terre  les  laboureux  hapent, 
Hz  les  buient,  et  si  lez  frapent, 
Et  les  mettent  en  lour  prison  : 
Cilz  sont  tuis  liez  qui  leur  eschapent , 
Et  les  vignes  pour  quoy  estrapent .'' 
/\'i.  Nulz  ne  sceit  dire  rocchoison. 

24 


370  POÉSIES   DIVKRSËS. 

Et  in  J/iesfif/iy  je  croy,  guerroie 
Cilz  de  Montc'.eir,  cilz  de  Parroye  ; 
Commenciez  ont  cilz  .11.  la  guerre. 
Chescun  des  leurs  trop  se  desvoie  ; 
Trop  voulentier  le  jour  vairoie 
48  Qu'ilz  ji'heiissent  roie  de  terre. 

Cristum  je  pi  ens  a  tesmoignaige. 
Se  citains  fuissent  d'ung  coraige 
La  guerre  fin  plux  tost  prendroit. 
Cil  qui  fisl  tout  a  son  ymaige 
Lour  doint  tel  cuer  et  telt  usaige 
54  Que  tuis  soient  ilz  bien  orendroit. 

Filium  ejtis  ne  le  Peire 
Qui  moy  desrobe,  que  ni'empeire 
Ameir  certe  je  ne  pouroie. 
Je  pris  le  fil  a  Tempereire 
Que  fuit  jaidis  (1)  cest  fait  conipeire, 
60  Car  a  grant  tort  citains  guerroie, 

Unicum  voy  qui  me  desplait 
Quant  cilz  qui  ont  bâti  cest  plait 
Donnent  robes  a  nos  citains  (2)  ; 
Hz  les  prinrent  qu'ainsy  leur  plait^ 
Et  les  portent  sens  avoir  plait  : 
66  C'est  outraige,  j'en  suis  certain. 

(1)  Le  roi  Jean,  (ils  de  l'empereur  Henri  VII. 

(2)  Allusion  aux  liens  de  féodalité  qUi  unissaient  plusieurs  seigueurS 
messins  aux  princes  alliés. 


LE  GRAND  CREDO.  371 

Domimun  nostrum  nostre  cvesque   ' 
Ne  prisent  riens  ne  ciaulx  aveque 
De  son  osteil  nostre  aneniis. 
Mervilliêz  suis  de  l'arcevesque 
Qu'en  Mets  sa  gent  amenait  presque 
72  Toute  devant  la  saint  Remys. 

Qui  conceptiis  est  droit  en  mars, 
Gerte  d'or  fin  pour  .G",  mars 
La  perde  n'iert  ja  restourée. 
Trop  ait  a  eulx  obey  Mars, 
Chescun  vault  pis  ne  fist  Guimars, 
78  Qui  ait  enibléz  mainte  danrée. 

De  Spiritu  Sancto  n'ont  cure, 
Autre  part  ont  mise  leur  cure  : 
G'est  en  rober  et  en  mal  faire. 
Mal  et  nieschiéz  chescim  parcure, 
Hz  vont  per  nuit  noire  et  obscure  ; 
84  Hz  ne  pancent  a  autre  affaire. 

Natiis  qui  fuis  droit  en  descembrc 
En  Bethlehem,  bien  m'en  remembrti, 
Donne  aux  citains  force  et  aye  ; 
Les  anemis  trestous  démembre, 
Ne  lour  laissiez  ne  plés  ne  membre  i 
90  G'est  une  gent  qu'est  trop  baye. 

Ex  Maiia^  c'est  de  Marie. 
Ne  puis  tenir  que  je  ne  rie  : 


3l2  POÉSIES  DIVERSES. 

Oiujues  ne  fui  leil  Marion  ; 
Se  Mets  a  lie  bien  se  marie 
Plux  ne  seroit  certain  marie, 
96  Dont  veulz  qu'a  lie  nous  marions. 

yirgine^  voir  caste  et  pucelle, 
Fille  de  Deu,  mcire  et  ancelle, 
Fontenne  tle  miséricorde, 
Virge  plaisant,  virge  très  belle, 
Entre  la  gent  qu'est  tant  rebelle, 
102  Veulles  mettre  paix  et  accorde. 

Passas  la  mors  pour  douer  vie, 
Jhesus  qui  es  et  voie  et  vie, 
Met  ceulx  de  Mets  en  droite  voie  ; 
Les  anemis  remplis  d'envie, 
Ne  laissiez  pas  long  temps  en  vie, 
108  Se  chescun  d'iaulx  ne  se  resvoie. 

Sub  Poucio,  desoubs  le  pont 
Soient  jetiez  luis  ceulx  du  Pont  ! 
Aultre  glose  ne  veulz  ci  faire. 
A  ceulx  de  Mets  chescun  respont* 
Par  grant  orgueil  et  leur  despoiit 
114  Qu'ilz  n'ont  cuire  de  la  paix  faire. 

Pilota^  Deu  au  lempzP\laiU' 

Qui  reseus  mort,  briefment  translate, 

Ensuis  de  Mets  les  anemis; 


LE  GRAND   CREDO.  378 

Tous  leur  osteiz  brise  et  desflale, 
Ne  lour  laissiez  planche  ne  latte 
I20  Que  ne  soit  tout  en  cendre  mis. 

Cruxifixus  pour  nos  pechiés 
Jliesus  qui  fuis  et  detranchiés, 
Pour  nous  d'enfer  trestous  gitter, 
Si  com  tu  sceiz  les  grans  meschiéz 
Que  souffre  a  tort  nostre  eveschiéz, 
126  Si  la  vueillez  tu  visiter  ! 

Mortuus  soit  de  malle  mort 
Cui  conscience  ne  remort 
De  mal  faire!  bien  le  doit  estre. 
Dieux,  qui  pour  nous  receut  la  mort, 
Reçoive  ceulx  qu'ont  estez  mors 
i32  On  ciel  lasus  et  en  son  estre. 

"    Et  sepultus  soit  en  enfer 

Cliescun  des  lours,  ou  Lucifer 
Par  orguoil  convint  avaller. 
Hz  nont  laissiez  charbon  ne  fer  . 
Venir  a  Mets  pour  reschauffer 
i38  Ceulx  qui  estoient  enjaléz. 

Descendit  qui  mort  sourmonlait, 
Après  Paiskes  et  remontait 
XL  jourSj  par  droit  compteir. 
Boin  fait  monter  ou  i  montait  : 


37*  POÉSIES  niVERSES. 

Mets  d'anemis  .i.  grant  mont  ait, 
i44  La  ne  puissent  ilz  ja  monteir. 

Jd  infenia  puissent  descendre, 
Qu'ilz  ne  laissent  mairiens,  essendre, 
Ou  autrez  biens  a  Mets  venir. 
Mets  afamer  cuident  ou  prendre  ; 
Bien  les  doit  on  de  ce  reprendre  : 
1 5o  Mets  se  puet  bi^n  contre  eulx  tenir. 

Tercia  die  devant  feste 
Sainte  Agathe  ont  fait  grant  tempeste 
A  ceulx  de  Vy,  et  en  pou  d'oure 
Laissiés  n'y  ont  ne  cler  ne  preste, 
Femme  n'enffant,  borgoy  n  agreste  ; 
i56  C'est  tout  perdu,  nulz  n'y  dcmoure. 

Resurrexit  qui  au  tier  jour, 
Doigne  a  F^owy,  sens  grant  séjour, 
Pour  vengier  Vy  force  et  ayde  ! 
Aidiés  li  tuis,  marchant,  chaingour  ; 
Estre  trestuis  debvés  vanjour 
162  De  l'oultraige  de  l'omecide. 

A  mortuis  a  grant  pitieit, 
Petis  enffans  n'ont  respitiéz, 
Femme  gisant,  ne  pucellettes. 
Or  est  bien  Vy  a  grant  viteit  ; 
Duchaulx,  Contaulx  l'ont  avitiéz, 
168  Chargiesy  ont  maintez  cherettes. 


LE  GRAND  CKEDO.  375 

Ascendit  trop  souvent  sus  famés 
Li  duc  Ferry  :  si  s'en  deffaulme, 
Duchesses  fait  a  grant  planteit. 
Et  Endowart  sa  gent  afamme, 
Il  en  doit  bien  perde  sa  famé  ; 
l'I^  Il  prent  le  fruit  qu'il  n'ait  planteit. 

Ad  celos^  Dieu  !  cornent  iroient 
Gilz  qui  a  tes  citains  guerroient  ? 
Ce  ne  seroit  mie  raison. 
Grant  duel  seroit  s'ilz  conquerroient 
La  citeit  de  Mets  :  n'i  larroient 
i8o  Chose  qui  fust,  mur  ne  maison, 

Sedet,  ou  Dieu  ja  ne  sairont 
Cilz  que  jamaix  Mets  assauront  : 
Ils  auroient  trop  digne  siège. 
Saigez  seront  qui  me  croiront, 
De  leur  eraprinse  retrairont, 
1 86  Car  trop  est  folz  qui  Mets  asiege. 

Ad  dexteram  coper  la  teste 
Puisce  on  celui  qui  Jehan  Teste 
Mist  en  prison,  car  il  est  moines. 
Lor  mauvistié  est  manifeste. 
Hé  !  Dyauble,  or  ais  tu  feste 
iqa  Quant  a  faire  tez  fais  lez  moinez. 

Dei  Patris  de  la  bonteit 

Cilz  qfti  sont  neis  de  la  Conteit 


S75  POÉSIES  DIVERSES. 

Ne  sceivent  riens,  très  bien  apert. 
En  pou  de  tempz  sont  haul  monteit, 
Mais  ils  seront  tost  demonteis  : 
198  Tour  prent,  affin  que  son  roc  pert. 

Omnîpotentis  très  poc  tient 
De  la  graice  cil  qui  maintient 
La  follie  qu'il  ait  emprinse. 
Cil  qui  aultrui  avoir  retient, 
Cil  qui  robe,  cil  qui  soubtient, 
ao4  Est  bien  compaing  de  telle  prinse. 

Inde  dirai  une  novelle  ; 
Le  temps  est  bel  qui  renovelle, 
Nous  avons  ja  passez  febvrier. 
Se  celle  gent  plux  se  rcvelle, 
Une  chanson  que  la  muelz  vaille 
210  Faudrait  chanter  par  saint  Livier. 

Venturus  est  le  jour  de  l'ire 
Que  Dieu  vourait  lez  siens  eslire 
En  son  hostel  pour  habergier. 
En  tez  livrez  fault,  citains,  lire 
De  Jhesucris  qui  fort  hait  l'ire, 
216  Puis  les  meneir  en  son  vergier. 

Juclf'care  Tpuis  del  Delphin, 
Que  faire  doit  autreteil  fin 
Com  fist  Judas,  le  fel  traïtte. 
Il  empourlait  de  Mets  l'or  fin, 


LE   PETIT  CREDO.  377 

Si  l'empourlait  sens  avoir  fin  ; 
3  0,2  II  est  pire  que  nulz  erile. 

Vivàs  eitains  Cil  veulle  amer 
Qui  terre  fist,  ciel,  air  et  meir, 
Et  en  sa  garde  tous  les  preigne; 
Contre  anemis  qui  sont  ameir, 
Lez  veulle  si  forment  armer 
228  Que  les  princes  fouyr  conveigne  ! 

.   Et  mortuns  veulle  resoivre 
Et  ses  biens  lour  faire  apperçoivre, 
Cil  qu'est  ung  Dieu  en  triniteit  ! 
Les  vifz  n'ont  pas  voullus  deçoivre: 
Dieu,  des  mauvaix  or  les  deçoivre 
a34  Per  ta  sainte  diviniteit  ! 
Amen. 


I 

C'EST  LE  CREDO 
MICHELET  PETITPAIN 

QUI     MAINT    DEVANT    LES    REP.VNTIF.S. 

Le  grant  Credo  sens  le  petit, 
S  t'eut  credo  ^  va  u  Irait  petit. 
Donc  me  faut  il  .i.  nouvel  dire, 


578  POÉSIES   DIVERSES. 

Mette  y  dois  bien  mon  aupelit. 
Quant  je  voy  bien  que  droit  petit 
6  Des  malvaix  grant  bien  ne  pues  dire. 


Credo  que  Mets  n'iert  jamais  prinse; 
Se  je  l'aime  ou  se  je  la  prise, 
Bien  est  raison  :  je  y  demoure. 
Anemis  font  très  forte  emprise, 
Ja  lour  terre  est  et  serait  prise, 
la  Si  que  je  crois,  sens  grant  demoure. 

In  Spiritum  on  Sainct  Espreit 
Nulz  hom  ne  doit  qu'avoir  desier 
On  grant  secreit  de  Dieu  le  Peire. 
Hé  Deus  !  j'aime  ia  paix  très  cliier, 
La  guerre  veullez  estenchier 
i8  Aipsois  que  nulzplux  le  compeire. 

Sanctam  Ecclesiam  garder 
Veulle  Jhesus  et  regarder, 
Bien  ait  mestier  de  son  aye  ; 
Et  les  tors  fais  face  amander  ! 
Souvent  ait  prins  sans  demander 
'2./\  La  gent  qu'est  si  forment  baye. 

Catholicam  foid  ait  mantie 

Ung  chivalier  de  leur  partie. 

Je  crois  qu'il  fuit  nèz  on  Saunois, 


LE  PETIT  CREDO.  379 

De  Cerleres  tient  partie; 
Aussy  fuit  la  chose  partie, 
3o  Or  est  clamez  Hanrey  renois  (i). 

Sanctoriun  en  la  compaignie 
Ne  doit  estre  qui  foid  renie, 
Ne  des  hommes,  puisqu'est  faulsaire. 
Il  vault  pis  c'un  serf  de  maignie, 
Abaissiez  ait  trop  sa  lignie  ; 
36  Chascun  luy  doit  estre  adversaire. 

Communionem  de  l'auteil 
Ne  doit  penre  que  fait  fait  teil, 
Car  Dieu  le  heit  et  n'en  fait  signe. 
Cilz  qui  vivent  d'autruy  chaitel, 
Et  qui  robent  ville  et  chastel 
42  De  telt  maingier  ne  sont  pas  digne. 

Remissionem  doit  avoir 
Cil  qui  dérobe  aultrui  avoir, 
Quant  il  le  prent  et  si  le  rent. 
Vous  savez  bien  ce  dit  aix  voir, 
Encore  vous  fais  je  savoir 
48  Que  par  penre  maint  homme  on  peut. 

Peccatorum  de  part  enliéz 
Qui  sont  de  tout  apparelliéz, 

(1)  Il  est  aisé  de  reconnaître  Henri  de  Fenestrange  en  cet  Henri  le 
Renégat  (cf.  couplets  110  et  ss.).  —  Henri  de  Serrières  est  mentionné 
au  couplet  90. 


MO  POÉSIES  DIVERSES. 

Veulliés  or  vous  tost  ainander 
Et  plux  ne  vous  en  travilliéz; 
La  paix  briefment  querre  veuilliéz: 
54  On  meffait  ne  fault  qu'amander. 

Carnis  tous  ceulx  qui  don  péchiez 
Ord  et  villain  sont  entachiez 
Heit  Dieu  forment,  soit  hom  soit  femme; 
On  aultrui  chastel  ait  bêchiez 
Dont  convenrait  soffrir  meschiéz, 
6*0  Combien  que  tait,  son  corps  ou  s'ame. 

Resiirectinnem  Dei 
Crurent  li  filz  Zobedei; 
Mais  cilz  qu'ont  fait  leur  aliance 
Sus  ceulx  de  Mets,  que  Judei 
Sont  tuis  piours,  et  d'eulx  je  di 
(^6  Que  onque  en  Dieu  n'orent  créance. 

VUnni  œternam,  qui  cest  dit 
Ont  escouheil  et  qui  l'ait  dit 
Aprèz  la  mort  puissent  avoir! 
Et  maldit  soit  qui  contredit 
Que  paix  ne  soit,  car  trop  mesdit, 
72  Et  perdre  en  puisse  son  avoir  î 

Amen  dites  au  definer  : 
Jhesus,  qui  est  sens  definer, 
Cesle  guerre  briefment  define, 


L'AVE  MARIA.  38i 

Et  en  telt  point  face  finer 
Qu'il  coveigne  debles  finer 
jS  Et  s'aie  Mets  paix  bonne  et  fine! 
Amen. 


J 


}jÀue  Maria,  avant-dernière  pièce  du  recueil,  porte 
ie  nom  de  Margiieron  du  Pont-Kengmont.  Elle  est 
composée  sur  le  même  plan  que  les  pièces  précé- 
dentes. On  y  rencontre  une  allusion  à  l'offensant  ^, 
B,  C,  de  maître  Asselin  ;  mais  le  feu  des  passions 
commence  à  s'amortir,  les  cris  de  haine  et  de  ven- 
geance ne  trouvent  plus  ie  même  écho,  la  poésie  res- 
pire un  sentiment  moins  amer;  elle  puise  une  sérénité 
toute  nouvelle  dans  une  espérance  à  laquelle  les  cœurs 
se  sont  ouverts.  La  paix  semble,  en  effet,  déjà  montrer 
ses  rayons  au-dessus  du  sombre  nuage  des  incendies 
qu'a  allumés  la  guerre.  Ce  n'est  plus  que  pour  la  con- 
firmation, que  pour  le  maintien  définitif  de  cette  paix 
que  la  Reine  du  ciel  voit  invoquer  son  secours.' 

La  pièce  de  vers  doit  à  sa  moindre  longueur  d'être, 
par  cela  même,  moins  confuse  et  moins  délayée.  Elle 
est,  sous  ce  rapport,  très-supérieure  à  celles  qui  la 
précèdent.  D'après  ce  que  nous  venons  de  dire,  la  date 
de  sa  composition  doit  correspondre  aux  premières 
lueurs  de  la  paix,  c'est-à-dire  environ   au  mois   de 


382  POÉSIES   DIVERSES. 

janvier  i326.  Elle  est  donc  postérieure  de  plusieurs 
mois  à  celle  des  deux  Credo,  et  c'est  à  tort  que  le  ma- 
manuscrit  n"  82,  induit  en  erreur  par  la  rubrique,  la 
place  immédiatement  après  la  Patenoslre. 

C'EST  Ll  AVE  MARIA 

MABGUERON  DU  PONT  RENGMONT. 

Ains  iroie  trans  maria      * 
Que  laissasse  Ave  Maria 
Quant  Tay  trouvé  en  YJ^  B,  C. 
Dieu  qui  pour  voir  in  Maria 
Son  fil  par  l'angle  maria 
6'  A  la  vierge  Theotecé  (i). 


jéue!  seigneurs,  ouvreis  la  porlc  ; 
Bien  soit  venuz  qui  paix  aporte, 
Plus  bel  juel  ne  puet  pourter. 
%  Teil  vat  a  Romnie  qui  n'aporte 

Ung  si  biaul  dont  com  je  raporte  : 
12  C'est  paix,  pour  nous  muelz  depourler. 

Maria,  qu'est  de  Dieu  là  meil'e 
Ait  destruite  la  guerre  ameire. 

(1)  Ce  mot  est  la  transcription  littérale  du  grec  Beôtéxr,,  altéré  dt 
6eoT6xYi(ou  plutôt  ôeOTÔxoî),  mère  de  Dieu.  —  La  rime  exige  l'accen- 
tuation de  la  voyelle  finale. 


L'AVE  MARIA.  383 

C'est  la  iiieire  qu'est  nette  et  monde, 
Nulz  aullre  a  lie  ne  se  compeire  : 
Elle  pourtait  le  Fil  au  Peire 
18  Qui  rachetait  trestout  le  monde. 

Gratia  plena  doulce  dame, 
Nos  cuers,  nos  corps  met  en  tel  lamme 
Pour  quoy  se  puist  la  paix  tenir. 
Mundez.  nos  cuers,  mundez  nos  âmes 
De  tous  péchiez  et  de  tous  blasmez, 
24  Par  quo}'  puissions  a  toy  venir. 

bominus  ait  garde  en  la  teire, 
S'a  destruicte  toute  la  guerre 
Que  par  Loherenne  ert  espandue. 
Chascun  amer  doit  ung  teit  hère 
Et  lui  servir  et  lui  requeire  : 
3o  La  teirre  fuist  sens  ly  perdue.  • 

Tecum  ver  Dieu  fait  boin  aler. 
Bien  est  meschant  cui  esvaller 
Convient  es  mains  dez  anemis  \ 
Ou  Dieu  nous  veulles  appeler 
Et  en  teilz  lieus  faire  osteller 
36  Ou  t'ais  logiez  luis  tes  amis. 

Benedicta  tu  dois  bien  estre, 
Meire  et  fille  du  roy  selestre  : 
Tu  ais  la  guerre  a  fin  menée. 


3M  POÉSIES   DIVERSES. 

Maint  homme  alast  a  la  senestre 
Qu'encor  irait  par  dever  destre, 
42  Puis  que  la  guerre  est  definée. 

In  mulieribus  que  furent. 
Ne  en  celles  que  encor  durent, 
N'eut  tant  de  dons  comme  oit  Marie  ; 
Touttes  aultres  femes  c'espurent, 

En  sa  pure (i)  ; 

48  Bien  en  debvons  amer  Marie. 

Et  benedictus  Jhesucris 
Soit,  qu'ait  tineis  et  plours  et  cris 
Que  pourez  gens  souvent  faisoieiit. 
En  veriteit  je  vous  décris, 
Chascun  vaulloit  pis  qu'Antecris  : 
54  «  Tout  seroit  leur,  »  entr'eulx  disoient. 

Fructus  ventris,  virge  et  pucelle  ; 
C'est  Jhesucris  et  t'es  s'ancelle  ; 
Par  vos  .11.  est  la  paix  venue. 
Virge  qui  ait  mainte  chappelle. 
Je  te  requier  et  se  t'appelle 
60  Que  la  paix  soit  ferme  tenue. 

Tui  serjens  estre  debvons 

Et  toy  prier  quant  nous  levons^ 


(1)  Ce  vers  est  inachevé  dans  le  ms.  81,  et  mauque  lotalemeul  un 
nis.  82. 


LE   BEiNEDlClTE.  38b 

Aiiis  que  li  jors  tle  la  mort  veigne. 
Ceitainnement  Iresluis  savons 
Que  nous  par  toy  la  paix  avons; 
66  Or,  Dame,  fais  qu'elle  se  teigne  (i). 

Jmen!  Virge  plaisante  et  fine, 
Resois  mon  dit  et  si  Tafine, 
Et  si  me  fais  par  bien  finer. 
Foix  que  doie  sainte  Rafine, 
Se  tu  mon  ame  nen  fais  fine, 
72  Ne  sa  coment  doie  finer. 

Amen. 


K 


Enfin,  la  onzième  et  dernière  pièce  du  recueil, 
sous  le  titre  de  Benedicite  de  Louis  de  Poitiers,  est  un 
véritable  dithyrambe  en  Thonneur  du  prélat.  Elle 
compte  douze  strophes  de  six  vers,  et  se  termine  par 
un  envoi  de  huit  vers  sur  deux  rimes  alternées.  Ce 
couplet  final  mis  à  part,  la  facture  du  Benedicite  ne 
diffère  en  rien  de  celle  des  pièces  précédentes.  Les 
services  que  Louis  de  Poitiers  a  rendus  à  la  cité  y  sont 

(1)  Entre  ce  couplet  et  le  suivant  devrait  se  placer  un  couplet  com- 
mençant par  Jésus;  mais  l'auteur  aura  sans  doute  cru  pouvoir  s'en  dis- 
penser, après  la  mention  explicite  des  vers  65  et  5G  :  «  Fruclus  venfris... 
C'est  Jhesucris.  » 

2o 


386  i'OtSJtS   DIVEHSBS. 

l'xallés  avec  uue  sorte  de  passion;  son  éloge  est  Tu- 
nique sujet  qui  soit  développé  dans  cette  petite  pièce, 
d'un  style  relativement  assez,  limpide  et  d'une  versifi- 
cation assez,  régulière. 


C'EST  UNG  BENEDiClïE 
DE   LOWlS   DE  PITIÉ 

KVBSQUK    UK    MET/.. 

Seigneur,  pour  Dieu,  p'Aix  facile! 
S'ourez  le  Benedicite  ; 
Il  est  de  Lowis  nostre  evesque. 
Conter  de  lui  puis  licite 
Qu'em  paix  a  mise  la  cité 
6  Et  trestoute  Loherraine  avecque. 


Benedicite,  Dieu  bénie 
Nostre  evesque  et  sa  compaignie  ; 
On  le  doit  bien  par  tous  bénir. 
Il  est  atrait  de  grant  lignie, 
Noble  et  gentil  et  sa  maisnie;    . 
i'2  Dont  l'en  doit  on  plux  chier  icnii'. 

Dominas  l'ait  de  grant  biauteit, 
De  sens,  d'onnour,  de  leauteit 
Garnis  :  bien  est  si  fait  apert. 
Dieu  de  Langre  l'ait  translauteit, 


l.E   BENEDIClTi:.  SS? 

Et  c'estoit  de  la  reauteit 
i8  De  France  l'ung  des  XII  per. 

Nos  et  ea  que  nous  avons 
Ait  mis  en  paix,  bien  le  savons  ; 
Par  son  poichat  la  paix  est  faite. 
Ung  teil  Lowy  amer  debvons, 
Bien  est  raison  que  l'alevons  : 
24  II  est  atrait  de  gent  perfaite. 

Siiinus  en  paix  par  son  ouvrage; 
Il  n'a  pais  beu  d'ung  teil  brouvaige 
Com  fist  Henris  de  Montabant, 
C'est  le  Daulphin  qu'est  plein  d'oultraige, 
Quant  Mets  debvolt  faire  souffrage; 
3o  Mais  riens  n'en  fist,  par  saint  Urbain. 

Sumpturi  sont  citains  de  Mets 
Leur  viandez,  leur  entremetz 
Tréz  plux  en  paix  que  ne  soulloient. 
A  anemis,  je  vous  prometz, 
S'ait  faitLowis,  qu'est  renoméz  ; 
.]6'  Lorrains  de  lui  niestier  avoient* 

Benedicat  tout  son  paraige 
Cil  qui  le  fist  a  son  ymaige  ; 
C'est  Dieu  qu'est  ung  et  en  nom  tierS» 
Ces  peire  est  hom  de  grant  eaige 
Et  encor  ait  en  son  prouaigc 
42  Toute  la  terre  de  Pitiers; 


3»»  POÉSIES    Dl\  EUSES. 

bexteva  Christi  est  founnéz 
Cil  qu'ait  la  paix  mise  enlour  Mez. 
S'ai  fait  Lowis  belle  parsolne  ; 
Lowis  leaul  estre  clamé/ 
Doit  et  estre  de  tous  améz, 
48  Car  le  sien  nom  en  bien  resonne. 

In  nomine  Patris  créez 
£t  vous  serez  bieneiiréz, 
Car  ainsy  est  certainement. 
11  fait  merveille,  bien  veéz, 
11  revoie  les  desvoiéz, 
54  La  guerre  ait  mise  a  finement. 

Et  Fila  tient  la  manière 
Qui  volt  soffrir  poinue  et  hacliiere 
Pour  rachiteir  Tumain  lignaige  ; 
Car  pour  plaisir  la  gent  crueire 
Et  pour  faire  la  paix  entière, 
60  Sa  propre  terre  ait  mis  en  gaige. 

Et  Spiritus  Sancti  la  graice 
Apert  Low^y  enmy  la  fasce, 
11  rit  adès  quant  il  perrolle. 
Or  veulle  Dieu  que  nulz  ne  face 
Chose  qu'a  luy  jamaix  desplase 
66  Ne  a  tous  ceulx  de  son  escholle. 

Amen  dite,  je  vous  en  proie, 
Par  un  couvent,  que  jamaix  pioie 


I,E   nENEDlClTK.  380 

Ne  piiist  devant  Mets  estre  prinse. 
Je  prie  a  tous  les  sains  c'on  proie 
Que  cilz  que  Mets  desrobe  on  proie 
72  Puisse  cheoir  en  mortelt  prinse. 


Or  prions  Dieu  devoltement 

Que  veulle  de  tous  malz  gardeir 

Ceulx  et  celiez  qui  bonnement 
76  Veullent  Mets  la  citeit  ameir, 

Et  leur  dont  vivre  teillement 

Qu'en  Paradis  puissent  alleir. 

Amen,  de  part  Dieu  tout  poissant 
80  Et  de  tous  sains  c'on  doit  clameir  ! 

Avec  cette  pièce  se  termine  le  recueil  des  poésies 
qui  nous  restent,  relatives  à  la  guerre  de  i324.  Il  est  à 
remarquer  qu'elles  sont  toutes  antérieures  aux  troubles 
funestes  qui  suivirent  la  paix,  et  au  renouvellement  des 
hostilités.  Il  paraît  hors  de  doute  que  cette  seconde  et 
triste  période  de  la  guerre  ne  dut  pas  inspirer  les  trou- 
vères messins.  La  guerre  étrangère  surexcite  des  pas- 
sions généreuses  et  fortes;  elle  élève  l'àme,  par  l'en- 
thousiasme, à  la  hauteur  des  dangers  que  court  la  pairie. 

Mais  quand  c'est  une  lutte  fratricide  qui  s'engage, 
lorsque  des  citoyens  d'un  même  pays,  armés  les  uns 
contre  les  autres,  donnent  à  leurs  ennemis  le  specta- 
cle, doux  pour  eiyc,  d'un  peuple  qui  recule  le  jour  de 
la  revanche  en  épuisant  contre  lui-même  ce  que  la 


390  POÉSIES  DIVERSES. 

guerre  étrangère  lui  a  laissé  de  forces  :  le  poëte,  qui  a 
chanté  les  efforts  glorieux  de  sa  patrie,  qui  a  consolé 
ses  tristesses  et  ravivé  ses  espoirs,  le  poêle  brise  sa 
plume  et  se  voile  le  visage.  Il  y  a  dans  l'histoire  des 
pages  qu'on  voudrait  pouvoir  effacer  au  prix  de  son 
sang.  Nul  ne  s'arrête  devant  elles  que  pour  les  mau- 
dire! Telle  a  été  la  page  de  l'histoire  de  Metz  où  est 
^  écrite  la  seconde  partie  de  la  guerre  de  1 3 ->.,') ,  celle  qui 
commence  et  se  continue  par  la  guerre  civile.  Elle 
n'était  pas  faite  pour  être  racontée  dans  des  chants 
patriotiques  ;  nul  Messin  ne  pouvait  avoir  le  désir  d'en 
conserver  la  mémoire  pour  la  postérité  ! 


Nous  croyons  devoir  donner  ici  le  fragment  de  la 
Chronique  rimée^  mise  sous  le  nom  de  Jean  le  Châtelain, 
■qui  est  relatif  à  la  guerre  de  ii324,  bien  que  nous  ayons 
élevé  quelques  doutes  sur  l'exactitude  d'un  fait  qu'elle 
rapporte  (p.  78,  note).  Cette  chronique  a  joui  à  Metz, 
pendant  plusieurs  siècles,  d'une  vogue  considérable.  Il 
en  existe  de  nombreux  exemplaires  manuscrits,  avec 
des  variantes  plus  ou  moins  notables  et  des  continua- 
tions de  diverses  mains.  Sa  composition  date  certaine- 
ment du  XV*  siècle;  mais,  n'ayant  été  éditée  qu'au 
xvii",  elle  se  présente  à  nous  avec  un  rajeunissement 
systématique  d'orthographe  et  même  de  langage  (i). 
L'édition  de  1698  (Metz,  veuve  Bouchard,  petit  in- 12 

(1)  La  Clironique  rimée,  avec  sa  continuatiou  jusqu'en  1552,  a  été 
publiée  aussi  par  D,  Calmet  {Hist.  de  Lorr.,  t.  Il,  Pr.,  col.  cxxii),' 


LA  r.HnoNiQUE  rimRe.  soi 

(le  gy  pages)  était  devenue  introuvable  ;  une  réimpres- 
sion fidèle  en  a  été  faite  par  M.  Chabert  (Metz,  Rous- 
seau, i855).  Mais  cette  considération  ne  doit  pas  nous 
empêcher  de  publier  le  fragment  en  question,  car  le 
texte  imprimé  ne  contient  que  sept  quatrains  sur  notre 
guerre,  tandis  que  les  manuscrits  en  contiennent  géné- 
ralement dix-sept.  C'est  à  ce  titre  qu'il  y  a  intérêt  à 
lui  donner  place  dans  notre  recueil,  d'après  la  plus 
correcte  des  copies  manuscrites  qui  font  partie  de 
notre  cabinet.  Nous  indiquons  par  un  astérisque  les 
quatrains  qui  figurent  dans  le  texte  imprimé. 

La  guerre  du  roy  de  Bohème,  duc  de  Luxembourg., 
des  ducs  de  Lorraine,  de  Bar,  et  t évèque  de  Trêves, 
contre  Metz,  i324. 

*  La  guerre  du  Roy  de  Bohême, 
Ducs  de  Luxembourg  et  Lorraine, 
Du  duc  de  Bar  et  l'électeur 

De  Trêves  à  Metz  fut  un  mal-heur. 

*  En  mil  trois  cens  vingt  quatre  ans. 
Un  roi  de  Bohême  nommé  Jean 
Déclara  la  guerre  aux  Messins 
Avec  ceux  de  Trêves  leurs  voisins. 

*  Le  duc  de  Lorraine  d'autre  part, 
Accompagné  d'un  duc  de  Bar, 
Vinrent  contre  Metz  combattre, 

Et  s'y  trouvèrent  ensemble  eux  quatre. 


392  POÉSIES  DIVERSES. 

*  Pour  vous  en  dire  le  brief  et  court, 
A  Luxembourg  tenoient  leur  cour  ; 
Mais  diligemment,  par  exprès, 
Vinrent  tous  au  siège  de  Metz. 

*  Et  firent  de  très-grands  dommages, 
Brûlant  plusieurs  bourgs  et  villages 
Sans  pitié  et  sans  conscience, 
Avant  qu'on  en  eût  méfiance. 

Le  messager  vint  devant  la  porte  : 
«  Tenues,  voilà  lettres  que  je  vous  porte.  » 
Fust  droit,  fust  tort,  fust  tort  ou  blasmes, 
Tous  mettoient  en  feu  et  en  lia  m  mes. 

Les  pauvres  gens  par  le  pavs 
Se  trouvèrent  moult  esbays, 
Ijaissant  toutes  bestes  et  biens, 
Hors  leurs  enfans,  sans  prendre  rien. 

La  guerre  fut  moult  périlleuse, 
Et  de  cher  temps  moult  merveilleuse  ; 
Car  les  grains  furent  ars  es  granges, 
Et  perdues  toutes  les  vendanges. 

Mais  tant  furent  Messeins  vaillant 
De  traits,  d'estocs  et  de  taillant, 
Faisant  tel  guerre  et  tel  hutin, 
Qu'ils  conquetèrent  grand  butin. 

Malgré  la  guerre  et  sa  malice, 
On  usât  de  telle  police, 


A  CHRONIQUE  RIMÉE.  SO.-i 

Si  bien  et  tel  ordonnement, 
Qu'on  eut  très  bon  gouvernement. 

Or  la  plus  grand  pitié  qui  fut, 
C'est  qu'on  mettoit  partout  le  feu 
Tout  fut  fondu  et  ruyné, 
Et  n'avoit  on  rien  enbanneis.  • 

Moult  eut  la  Cité  à  souffrir. 
A  leur  esvesque  alors  offrirent 
Quinze  mille  livres  d'argent 
Pour  avoir  aide  de  ses  gens. 

L'esvesque  etoit  Henry  Daulphin, 
Du  Dauifiné,  malin  et  fin. 
Il  leur  promit  de  leur  servy, 
Mais  l'argent  fut  mal  deservy. 

Il  engagea  toutes  ses  bonnes  villes 
Et  ses  chasteaux  bien  pour  c,  mille, 
Sans  les  quinze  mille  de  gage, 
Tout  par  son  cauteleu  langage. 

Et  quand  l'argent  il  eut  receu 
Les  seigneurs  en  furent  deceus; 
Quand  il  l'eut  en  main  assuré, 
Il  retourna  en  Dauifiné. 

La  leur  survint  guerre  sur  guerre, 
Et  par  force  leur  convint  querre 
Cette  somme  avos  Tesveschié, 
Dont  ils  eurent  grand  meschief. 


•'^''  POIÎSIES   DIVERSES. 

La  guerre  fut  des  ennemis 
Devant  Metz  un  an  et  demy  ; 
El  au  printemps,  au  mois  de  mars. 
De  tous  maulx  fut  fiiite  la  paix. 

Le  siège  de  Sampigny  par  ceux  de  Metz,   lio^. 

Ainsi  toujours  que  guerre  se  mène 
A  Sampigny  furent  onze  sepmaines 
A  combattre  la  garnison, 
Sans  gaigner  chasteau  ny  maison, 

A  Metz,  les  convient  retraire 
Car  trahyson  leur  fut  contraire  ; 
Et  eurent  deux  seigneurs  de  mors, 
Dont  ce  leur  fut  grand  desconforl. 


Bibl.de  Metz,  xive  siècle. 


PIÈCES  DIPLOMATIQUES. 


ARCHIVES  NATIONALES. 
ARCHIVES  DE  METZ. 
ARCHIVES  DE  COBLENTZ. 
ARCHIVES  DE  LUXEMBOURG. 


Kçlise  Saint-Yinccnl,  x.v  siècle 


PIECES   DIPLOMATIQUES. 


ous  aurions  aimé  à  rendre  com- 
plète celte  monographie  de  la 
uerrede  1824,  en  publiant  à  sa  suite, 
litre  de  Preuves,  toutes  les  pièces 
thentiques  qui  s'y  rapportent.  Ces 
ocuments,  dont  les  Archives  natio- 
es,  celles  de  Metz,  et  de  Goblentz 
it  conservé  les  précieux  originaux, 
auraient  ajouté  grandement  à  la  va- 
leur de  cet  ouvrage,  aussi  bien  au 
point  de  vue  de  l'histoire  qu'à  celui 
de  la  philologie. 
Mais  une  telle  publication,  outre  qu'elle  eût  déme- 
surément grossi  ce  volume,  n'échappait  pas  au  tort  de 
ne  pas  être  inédite,  et,  en  pareille  matière,  cela  est 
tout.  11  nous  a  paru  qu'il  suffirait  de  donner  l'indica- 
tion des  ouvrages  où  se  trouvent  reproduits  ces  docu- 
ments, et  de  nous  borner  ici  à  éditer  deux  des  pièces 
parmi  les  plus  importantes,  dont  l'une  (celle  qui  porte 


3!>8  PIÈCES   UlPLOAlAllQUES. 

le  n"  V  dans  le  Répertoire  suivant)  n'a  pas  encore  été 
signalée.  Leur  rédaction  donnera  une  idée  assez  exacte 
du  style  en  usage  dans  la  diplomatie  politique  de  notre 
pays  au  xiv'^  siècle. 


I.  —  Traité  d'alliance  entre  les  quatre  princes  contre 

la  cité  de  Metz  (aS  août  l'iiâ).  (Arch.  de  Co- 
blentz.) 

—  Hontheim,  Gesta  Trevir.,  t.  II,  p.  io3. 

—  Valbonnais,  Hist.  du  Dauphiné,  Pr.,  p.  200. 

—  Institut  archéol.  de  Luxembourg.  Public.  1873, 
p.  '.>.o\. 

II.  —  Traités  particuliers  entre  la  cité  de  Metz  et  plu- 

sieurs seigneurs  à  ses  gages  (septembre  1824  -juil- 
let i32  5).  (Arch.  de  l'hôtel  de  ville  de  Metz.) 

—  Hist.  de  Metz  par  les  Bénéd.,  t.  IV,  Pr.,  p.  20. 

—  (Voy.  dans  ce  volume,  p.  2()6,  l'engagement  du 
sire  de  La  Pierre.) 

m.  —  Description  de  la  tenue  des  journées  amiables 
et  des  marches  d'Esiault.  (Chronique  dite  de 
Praillon,  s.  l'an  i3:>.4.) 

—  Hist.  de  Metz  par  les  Bénéd.,  t.  IV,  Pr.,  p.  21. 

—  Huguenin,   Chroniques  messines,  p.  6/^. 

IV.  —  Traité  supplémentaire  entre  le  roi  Jean  et  l'ar- 
chevêque de  Trêves  (i5  octobre  i324).  (Arch. 
de  Goblentz,  sous  forme  de  vidimus  du  20  sep- 
tembre i343;) 


HEI'EIVTOIRE.  399 

—  Iiislitutaich.deLuxembourg,Publ.  iSy'5,  p.  200. 
Y.  —  Traité  d'alliance  soumis  par  les  quatre  princes 

à  l'acceptation   du   roi  de  France  (tin  d'octobre 
i324).  (Archives  nationales,  Paris.) 
VI.  —  Traité  par  lequel  l'évèque  Henri  Dauphin  est 
compris    dans  l'alliance   (i5    novembre    i3a4). 
(Arch.  de  Goblentz.) 

—  Yalbonnais,  Hist.  du  Dauphiné,  Pr,,  p.  201. 

—  Institut  arch.  de  Luxembourg.  Publ.  1873,  p.  xoS. 
Vil.  —  Lettre  des  Messins  à  leur  évêque  Henri  Dau- 
phin (18  décembre  \'i'.i\). 

—  Meurisse,  Hist.  des  évêques  de  Metz,  p.  49^- 

VIII.  —  Traité  de  paix  entre  Henri  Dauphin  et  la  cité 
de  Metz  (29  mars  i325).  (Arch.  de  l'hôtel  de 
ville  de  Metz.) 

—  Hist.  de  Metz  parles  Bénéd.,  t.  IV,  Pr.,  p.  8. 

IX.  —  Accord  additionnel  entre  Henri  Dauphin  et  la 

cité  de  Metz  (3i  mars  i325).  (Paul  Ferry,  Ob- 
servatiom  séculaires^  t.  Il  (f  58  v°,  n*»  367),  à  la 
Bibl.  de  Metz,  mss,  n"  io6.) 

—  Hist.  de  Metz  par  les  Bénéd.,  t.  IV,  Pr.,  p.  io« 

—  Huguenin,  Chroniques  messines,  p.  5i. 

X.  —  Réponse  des  Messins  au  pape  Jean  XXII  (mars 

i325).  (Paul  Ferry,  Observations  séculaires,  t.  II, 
(f  59  v%  n°  367)  à  la  Bibl.  de  Metz,  mss.  n"  106.) 

—  Hist.  de  Metz  par  les  Bénéd.,  t.  IV,  Pr.,  p.   17. 

—  Huguenin,  Chroniques  messines^  p.  53, 

XI.  —  Demandes  des  quatre  princes  et  réponses  des 

Messins  à  la  conférence  de  Marsal  (janvier  i326). 


.'lOO  PIÈCES  UJI'LOMATIQUES. 

{Chi'onique  de  la  Guerre,  jadis  dans  le  cabinel 
Enimeiy.) 

—  Hist.  de  Metz  par  les  Bénéd.,  t.  IV,  Pr.,  p.  i3. 

—  Huguenin,  Chroniques  messines,  p.  56. 

XII.  —  Traité  de  paix  entre  les  quatre  princes  et  la 
cité  de  Melz  (3  mai-s  i326).  (Archives  de  MelA 
et  de  Coblentz.) 

—  BerthoUet,  Hist.  de  Luxembourg,  t.  YI,  Pr.,p.  x. 

—  D.  Galniet,   Histoire  de  Lorraine,   t.    II,   Pr., 

col.   DLXXIX. 

—  Hist.  de  Melz  par  les  Bénéd.,  t.  IV, Pr.,  p.  19. 

—  Huguenin,  Chroniques  messines^  p.  62. 

XIII.  —  Acte  additionnel  au  précédent  traité  (3  mars 
i3a6).  (Archives  de  Metz  et  de  Coblentz.) 

—  Hist.  de  Metz  par  les  Bénéd.,  t.  IV,  Pr.,  p.  28. 

—  Inslitutarch.  de  Luxembourg.  Publ.  1873,  p.  2o5. 

—  Huguenin,  Chroniques  messines,  p.  63. 

XIV.  —  L'évêque  et  le  chapitre  de  la  cathédrale  de 
Metz  déclarent  tenir  quittes  les  quatre  princes  des 
dommages  causés  dans  leurs  biens  par  la  guerre 
(ij  mars  i326).  (Archives  de  Coblentz.) 

—  Institut arch.de Luxembourg.  Publ.  1873,  p.  206. 

XV.  —  Traité  d'alliance  entre  Louis  de  Poitiers  et  la 
cité  de  Metz  (3o  mai  i326).  (Arch.  de  l'hôtel  de 
ville  de  Metz.) 

—  Hist.  de  Metz  par  les  Bénéd.,  t.  IV,  Pr.,  p.  27. 

XVI.  —  Atour  concernant  la  builette  et  la  maltole 
(6  juin  1326).  (Arch.  de  l'hôtel  de  ville  de  Metz.) 

—  Hist,  de  Metz  par  les  Bénéd,  t.  IV,  Pr.,  p.  3o. 


REPERTOIRE.  ftOl 

XVII.  —  Liste  des  soldoyeurs  au  service  de  la  Cité 
(septembre  i'di6). 

—  Hist.  de  Metz  par  les  Bénéd.,  t.  IV,  Pr.,  p.  43. 

XVIII.  —  Alliance  entre  Jean  de  Bohême  et  Edouard 
de  Bar  contre  les  Messins  révoltés  (2^  octobre 
iSaô).  (Trésor  des  chartes  de  Lorraine,  à  Nancy, 
cart.  Luxembourg-Chiny,  f.  5i.) 

—  Hist.  de  Metz  par  les  Bénéd,,  t.  IV,  Pr.,  p.  34- 

XIX.  —  Convention  entre  Jean  de  Bohême  et  Ed. 
de  Bar  pour  le  partage  de  l'indemnité  (octobre 
i326).  (Bibl.  Nationale,  Collection  de  Lorraine, 
vol.  211,  liasse  Luxembourg,  I,  n"  yi.) 

—  Berthollet,    Hist.   de  Luxembourg^   t.  VI,    Pr., 

p.  XIX. 

XX.  —  Publication  de  la  paix  et  ordonnance  pour  le 
bon  ordre  (27  juin  iSay).  (Bibl.  Nationale,  Paris, 
Coll.  de  Lorraine,  211,  liasse  Luxembourg,  I, 
n"  72.  —  Copie  dans  Paul  Ferry,  Observations 
séculaires  (t.  II,  f  i48  v",  atour  n"  cm),  à  la 
Bibl.  de  Metz,  mss.  n°  107). 

—  Hist.  de  Metz  par  les  Bénéd.,  t.  IV,  Pr.,  p.  4i« 

—  Huguenin,  Chroniques  messines^  P*  ^7* 

XXL  —  Ratification  de  la  paix  par  Jean  de  Bohême, 
Edouard  de  Bar  et  les  Paraiges  (27  juin  1327). 
(Paul  Ferry,  Observations  séculaires  (t.  II,  f  66, 
n°  368),  à  la  Bibl.  de  Metz,  mss.  n"  107). 

—  Hist.  de  Metz  par  les  Bénéd.,  t.  IV,  Pr.,  p.  43. 

—  Huguenin,  Chroniques  messines,  p.  69. 
XXIL  —  Traité  d'alliance  entre  Edouard  de  Bar  et  la 

26 


402  PIÈCES   DIPLOMATIQUES. 

cité  de  Metz (17  août  iSay).  (Arch.  de  l'hôtel  de 
ville  de  Metz.) 

—  Hist.  de  Metz  par  lesBénéd.,  t.  IV,  Pr.,  p.  46. 

XXIII.  —  Titre  de  Pierre  de  Bar,  seigneur  de  Pierre- 
fort,  comme  pensionnaire  de  la  cité  de  Metz 
(19  août  1327).  (Paul  Ferry,  Observations  sécu- 
laires (t.  II,  f*  iSp,  atour  n°  cxxxvii),  à  la  Bibl. 
de  Metz,  mss.  n"  107). 

—  Hist.  de  Metz  par  les  Bénéd.,  t.  IV,  Pr.,  p.  5o. 

XXIV.  —  Quittance  définitive  de  Jean  de  Bohême  et 
d'Edouard  de  Bar  (...  1327).  (Cabinet  de  M.  Em- 
mery.) 

—  Hist.  de  Metz  par  les  Bénéd.,  t.  IV,  Pr.,  p.  5i. 


f. 


Offre  faite  au  roi   de  France  de  participer 
à  la  guerre  (^octobre  i324). 

Nous,  Baudouin,  par  la  grâce  de  Dieu  arcevesque  de 
Trêves,  Jehan  par  celle  meismes  grâce  roy  de  Bahen- 
gne  et  de  Polloine  et  conte  de  Lucembourc,  Ferry  duc 
de  Lorraine,  et  Edduart  conte  de  Bar,  faisons  savoir  a 
touz  que  :  comme  il  soit  ainsi  que,  pour  pluseurs  griès 
dommages  et  despiz  que  les  citeyens  habitanz  en  la  ville 
de  Mez  par  pluseurs  foiz  nous  ont  faiz  ou  temps  passé, 
nous  ayons  empris  guerre  et  meue  contre  les  diz  citeyens 


PREUVES.  405 

et  ayens  entendu  pour  certain  que  les  diz  citeyens  de 
Mez  ayent  fait  pluseurs  griès  despiz  et  villainies  aus 
roys  de  France  trespassez  de    cest  siècle,   cui  Dieux 
face  merci,  et  meesmement  a  uostre  très  cher  seigneur 
Charles,  par  la  grâce  de  Dieu  roy  de  France  et  de  Na- 
varre qui  ores  est;  nous,  regardanz  la  faveur,  révérence 
et  amour  que  nous  avons  a  lui,  avons  promis  et  pro- 
mettons par  nos  bonnes  loyautez  touz  quatre  a  nostre 
très  cher  seigneur  le  roy  de  France  dessus  nommé  que 
nous  ne  nous  povons  appaisier  aus  citeyens  de  Mez 
dessus  diz  se  on  ne  rent  tout  ce  que  les  diz  citeyens 
ont  eu  des  genz  et  des  subgez  du  royaume  de  France; 
de  la  quelle  prise  le  roy  de  France  nostre  sire  dessus 
dit  nous  fera  et  doit  faire  certains  dedenz  Noël  pro- 
chainement venant,  souz  son  seel.  Et  li  avons  encore 
promis  et  promettons  que,  de  tout  ce  que  nous  pourriens 
traire  des  citeyens  de  Mez  dessus  diz  de  proffit,  par 
quelconque  voye  d'accort  que  ce  soit,  que  il  prengne 
et  aye  autretant  de  proffit  comme  l'un  de  nous  quatre; 
par  telle  manière  et  par  telle  condicion  et  convenance 
que  le  dit  nostre  cher  sires  le  roy  de  France  ne  se  puet 
ne  ne  doit  appaisier  aus  citeyens  de  Mez  dessus  diz  sanz 
nous.   Et  se  il  estoit  ainsi  que  nous  feissiens  pais  a 
fceus  de  la  dite  ville  de  Mez,  et  vousist  on  fermement  et 
certainement  rendre  aus  dessus  diz  du  royaume  toul 
Ce  que  cens  de  Mez  aroyent  pris  et  eu  du  leur  si  comme 
dessus  est  devisé,  et  nostre  très  cher  sires  le  roy  de 
France  dessus   dit  ne  vousist   prendre   autretant  du 
proffit  dessus  dit  comme  l'un  de  nous  de  ce  que  nouîs 


uaU  PIÈCES  DIPLOMATIQUES. 

ariens  des  cileyens  dessus  dix,  il  ne  nous  pourroit  re- 
querre  ne  contraindre  de  guerroyer  a  la  dite  ville  de 
Mez  ne  aus  habitanz,  mais  nous  pourriens  appaisier 
sanz  lui;  et  en  autre  manière  nous  ne  nous  pourriens 
sanz  lui  appaisier.  En  tesmoing  des  quelles  choses  nous 
avons  scellées  lettres  de  nos  seauls,  données  ou  mois 
d'octobre  l'an  de  grâce  mil  ccc  vint  et  quatre. 

(jiu  dos  est  écrit  :  )  Certaing  convenant  par  l'arce- 
vesque  de  Trêves,  et  le  roy  de  Boeme,  le  conte  de  Bar, 
le  duc  de  Lorrainne,  faitte  au  roi  Charles  pour  cause 
de  la  guerre  de  Mets,  donné  l'an  cccxx  iiii. 

[j^rchiwes  nationales^  J  58o,  /*"  5.  —  Avec  quatre 
sceaux  pendants  à  double  queue  de  parchemin;  le  sceau 
de  l'archevêque  de  Trêves  est  décrit  dans  la  Collection 
de  sceaux  par  M,  Doùet  d'Arcq,  t.  I1I_,  p.  /{^Gj 
n"  in3i.) 


II. 


Traité  de  paix  entre  les  seigneurs  confédérés 
et  la  ville  de  Metz  (mars  i326). 

Nous  Balduyns  p[er]  la  graice  de  Deu  archivesqiies 
de  Trivres,  nous  Jehans  per  celle  meyme  graice  rois  de 
Bahengne,  de  PouUenne  et  cuens  de  Lucembourch, 
Ferris  dus  de  Loherenne  et  marchis,  et  Edduars  cuens 
de  Bair;  Et  nous  li  Maistres  Eschevins,  li  Treze  Jureis 
et  toute  liCommunitet  delà  citeit  de  Mes,  fazons  savoir 


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ont  le  texte  se  trouve  page  ioi. 


PREUVES.  405 

a  tous  que  :  dou  descort  et  de  la  guerre  que  nous, 
Balduyns  archivesques  de  Trievres,  Jehan  rois  de  Ba- 
hengne,  Ferris  dus  de  Loherenne,  et  Edduairs  cuens 
de  Bar,  avons  eut,  nostre  homes  et  noz  aidans,  contre 
la  citeit,  les  citains  de  Mes  et  contre  lour  justissaubles 
et  lour  aidans,  boins  escors  et  bonne  paix  et  loiaulzen 
est  faite  entre  nous  d'une  pairt  et  d'autre  por  tout 
jorz  maix,  en  teil  meniere  :  que  tuit  li  prixons  qui  ont 
esteit  pris  por  l'oquisson  de  la  guerre  que  nous  tenons 
d'une  pairt  et  d'autre,  lour  fois  et  lour  ostaiges  sont 
et  doient  estre  tuit  quites  et  tuit  délivres  en  bonne  foit 
et  sanz  mal  anging  d'une  pairt  et  d'autre,  sauf  lor  des- 
pens  paiant  souffizanment.  Item,  li  sciteins  de  Mes,  li 
clergie,  et  lor  subgis  yront  et  poront  alleir  a  lor  terres, 
a  lour  viles,  et  a  lour  heritaiges,  et  a  lor  waigeires,  et 
a  lour  biens  p[er]tout  ou  qu'il  les  aient;  et  en  esploite- 
ront  et  lèveront  lor  debtes  ensi  com  il  faissoient  et 
poient  faire  davant  la  guerre,  sauf  ce  que  se  nous,  li 
davant  dis  signours,  noz  homes  et  noz  aidans,  avons 
pris  dou  lour  et  de  lour  aidans  ou  temps  de  la  guerre 
en  lour  heritaiges,  lour  rentes  et  lour  waigeires,  ou 
aillours  ou  que  ce  soit,  en  bestes,  en  bleif,  en  reve- 
nues, en  chateis,  et  en  rentes  d'argent  ou  en  autres 
choses;  et  an  samblant  meniere  tout  ceu  que  nous,  li 
Maistres  Eschevins  davant  dis,  li  Treze,  li  Communi- 
teit  dessus  dit,  noz  justissaubles  et  noz  aidans,  avons 
pris  et  leveil  des  chaiteis  et  des  biens  les  davant  dis  si- 
gnours, lour  homes  et  lour  aidans,  en  queil  chose  ceu 
ait  esteit,  et  tuit  li  damaiges  qui  ont  esteit  fais   ou 


«M»  PIÈCES  DIPLOMATIQUES. 

temps  de  la  guerre,  et  toutes  les  seurteis  que  ons  avoit 
donneit  de  ce  que  leveis  est  dedens  la  guerre,  sont 
tuitquites  d'une  pain  et  d'autre,  ne  n'enpoions  jamaix, 
nous  les  p[er]ties  davant  dite,  riens  demandeir  sauf 
ce  que  ce  li  davant  dis  citeins,  li  clergiet,  lour  justis- 
saubles  et  lour  aidans  pueent  et  poront  demandeir  et 
leveir  lour  debtes  de  bleif  et  d'argent  que  on  lor  doit, 
tout  en  la  forme  et  en  la  meniere  qu'il  les  puissent 
avoir  leveit  et  demandeir  davant  la  dite  gueiTe,  fors 
que  les  choses  dezour  dites;  et  en  samblant  meniere 
nous,  li  davant  dis  signours,  noz  hommes  et  noz  aidans, 
porons  leveir  et  demandeir  toutes  les  debtes  d'argent 
et  de  bleif  que  li  citains,  li  clergiet,  lor  justissaubles 
et  lor  aidans  nous  doient,  fors  que  les  choses  dezour 
dites.  Item,  toutes  les  retenues  des  heritaiges  et  toutes 
les  escruwes  que  nous,  les  davant  dites  p[er]ties,  nostre 
home,  nostre  justissaubles  et  noz  aidans,  avons  fait 
d'une  pairt  et  d'autre  li  uns  sor  l'autre,  sus  clergiet, 
sus  noz  homes,  sus  noz  justissaubles  et  sus  noz  aidans 
et  sus  noz  terres,  en  quel  meniere  que  ce  soit,  ou  temps 
de  la  guerre,  sont  et  doient  estre  de  nulle  vallour  ;  et 
revanront  li  davant  dis  heritaiges,  les  droitures,  les 
rentes,  en  queil  que  meniere  qu'elles  soient  ansis,  [a 
nous]  les  davant  dites  p[er]ties,  et  a  clergiet,  et  a  noz 
homes  et  a  noz  justissaubles  et  a  noz  aidans,  p[er]  coy 
li  davant  dis  heritaiges,  les  droitures  et  les  rentes  soient 
mizes  et  restaublies  en  lour  premier  estât,  sauf  les 
chaiteis  leveis  ou  temps  de  la  guerre  en  la  meniere 
dessus  dite.  Item,  nous  les  p[er]ties  davant  dites  avons 


PREUVES.  wn 

escordeit  que  li  citains  de  Mes  ne  pueent  ne  ne  doient 
aquasteir  fielz  ne  arrier  fielz  sanz  la  volenteit  dou  si- 
gner a  oui  li  fielz  ou  li  arrier  fielz  muelt  ;  et  c'il  acha- 
tent  heritaige,  cours  ou  maixon  que  muevet  des 
wairdes  des  signours  ou  de  gens  de  poiesteit  dezous 
lessignors,  il  an  feront  au  signor  teil  servisse  et  en 
paieront  teil  droiture  com  li  heritaiges  dovoit  davant 
l'aquast.  Item,  se  li  citains  de  Mes  avoient  plait  de 
fielz  ou  il  seroit  antreis,  sicom  dou  treffons,  il  an  paie- 
roit  et  feroit  droit  en  bonne  foi,  senz  mal  enging,  en 
l'osteit  dou  signor  de  cui  li  fielz  muelt,  et  an  feroit 
teil  servisse  com  li  fielz  doit  et  requiert  ;  et  se  li  davant 
dis  citeins  ont  aquesteit  nulz  fielz  jusques  a  jor  d'uy, 
les  queilz  il  n'aient  mies  repris  des  signours  dont  li  fielz 
muelt,  il  les  an  doient  repanre,  et  li  signours  les  an 
doient  recevoir.  Item,  escourdeis  est  antre  nous  que  li 
citeins  de  Mes  ne  pueent  deffandre  ne  wairentir  nulz 
homes  de  noz  signours  davant  dis,  qui  sont  levans  et 
couchans  dezous  nous  ou  dezous  aucuns  de  nous,  contre 
noz  davant  dis  signours  ne  contre  noz  homes.  Item,  il 
est  acordeis  entre  nous  que  se  aucuns  des  homes  de 
nos  davant  dis  signours  ou  de  noz  subgis  meffessoient 
sus  cialz  de  Mes,  cilz  de  Mez  en  doient  requerre  lou 
signour  et  s'en  pueent  panre  a  eaulz  et  az  meffaissans 
et  a  toz  lor  aidans  et  a  lor  biens,  tant  que  raison  soit 
faite  a  cialz  de  Mes.  Item,  de  tous  autres  descors  qui 
porroient  estre  de  si  an  avant  entre  nous  les  p[er]ties 
dessus  dites,  noz  homes,  noz  justissaubles  et  noz  ai- 
dans, ons  en  doit  ouvreir  et  faire  d'une  pairt  et  d'autre 


408  PIÈCES  DIPLOMATIQUES. 

p[er]  estault  celonc  coustumed'estault.  Item,  escordeis 
est  que  chascunsdes  signours  promet  por  luy  et  por  les 
siens  tant  soullement  a  tenir  les  choses  dessus  dites  com 
a  lui  et  az  siens  touchet.  Item,  les  p[er]ties  dessusdites 
nous  sommes  escordeis  et  avons  promis  et  prometons 
en  bonne  foy  que  nous  osterons  et  dechasserons  toz  les 
robours  et  toz.  cialz  qui  feront  ampechemant  en  condus 
et  en  chamins  qui  sont  en  noz  terres,  p[er]coy  pelle- 
rins  et  marchans  et  toutes  autres  bonnes  gens  y  puis- 
sent alleir  et  venir  seurement  et  conduire  lor  biens, 
droit  faissant.  Et  ceste  paix  et  cestescort  avons  nous, 
li  devant  dis  Signours,  por  nous  et  por  noz  homes  et 
por  noz  aidans,  et  nous,  li  davant  dis  Maistres  Es- 
chevins,  et  li  Trezes  Jureis  de  Mes,  por  nous  et  por 
toute  la  Communiteit  de  Mes,  por  noz  justissaubles  et 
por  noz  aidans,  avons  promis  et  juriet  sus  saintes 
Evangiles  et  sus  toute  la  créance  et  la  foy  que  nous 
tenons  de  Deu ,  et  promelons  en  bonne  foy  sen  mal 
anging,  sus  l'obligeation  de  toz  noz  biens,  que  nous 
tenrons  et  guerderons  cest  escort  et  ceste  paix  et 
toutes  les  choses  dessus  dites,  fermement  et  loialment, 
senz  venir  an  Tancontre  ne  faire  venir  p[er]  nous  ou 
p[er]  autruy  en  queil  meniere  que  ce  soit,  a  nulz  jors 
maix.  En  tesmoignaige  de  la  queil  chose,  et  pour  ce  que 
toutes  les  choses  dessusdites  soient  fermes  et  estaubles 
a  toz  jors  maix,  nous,  Balduyns  archivesques  de 
Trievres,  Jehans  rois  de  Bahengne,  Ferris  dus  de  Lo- 
lierenne  et  marchis,  et  Edduars  cuens  de  Bar,  devant 
nommeis,  avons  mis  noz  grans  seelz  an  ces  présentes 


PREUVES,  Û09 

lettres,  qui  furent  faites  Tan  de  graice  Nostre  Signor 
mil  trois  cens  vint  et  seine. 

{^Archwes  de  la  ville  de  Metz.) 


Grand  sceau  et  contre-sceau  de  Jean  l'Aveugle, 

roi  de   Bohême,  comte   de   Luxembourg,  1296-1346. 

(Arch.  comm.  de  Luxembourg.) 


ÉTUDE  CRITIQUE  DU  TEXTE 


Eglise  Saint- Vincent,  tciv«  siècle. 


Bibl.  de  Metz,  xii<!  siècle. 


ETUDE  CRITIQUE  DU  TEXTE 


ANS  l'intention  de  faciliter  au  lecteur 
l'étude  de  cette  partie  spéciale  du  vo- 
lume, on  croit  devoir  rappeler  briè- 
vement les  traits  principaux  de  la  des- 
cription des  manuscrits,  exposée  ci- 
dessus  pp.  263-264,  319  et  ss. 

Le  manuscrit  original,  écrit  en  1325 
par  un  témoin  oculaire,  peut-être 
même  par  un  acteur  de  la  lutte ,  est 
perdu.  Il  en  existe  deux  copies,  peu 
différentes  l'une  de  l'autre.  Toutes 
deux  sont  du  quinzième  siècle;  celle  de  Metz  (ms.  n°81)  est  un 
peu  plus  ancienne  que  celle  de  Paris  (Bibl.  nat.,  FR.  S782), 
dont  l'exécution  est  postérieure  à  la  date  de  1444,  inscrite  en 
rubrique  au  lieu  de  1324,  date  véritable.  Ces  deux  manuscrits 
seront  désignés  respectivement  par  les  lettres  M  et  P.  C'est  ce 
dernier  texte  qui  est  la  base  de  la  présente  édition;  il  est  plus 
complet  que  M,  lequel  occupe  dans  le  recueil  n°  81  les  f"*  77- 
134  avec  2031  vers,  tandis  que  P  compte  2072  vers,  divisés  en 
296  septains,  et  remplit  les  67  folios  du  manuscrit ,  avec  une 
moyenne  de  31  vers  à  la  page.  L'écriture  accuse,  par  son  ca- 
ractère, la  seconde  moitié  du  xv<'  siècle  ;  quoique  assez  soignée, 
elle  n'est  pas  toujours  d'une  lecture  facile.  Le  poëme  paraît 
inachevé  ;  du  moins  il  se  termine  d'une  façon  brusque  et  abrupte 
qui  semble  réclamer  une  suite,  moralité  ou  épilogue.  Peut-être 


Ulli  ETUDE  DU  TEXTE. 

cette  terminaison  écourtée  se  justifie -t- elle  par  les  considéra- 
tions d'ordre  moral  exposées  à  la  p.  390. 

Une  autre  version  de  l'original,  exécutée  aussi  au  xv°  siècle, 
existait  encore  au  xvin«,  en  1770,  où  Dupré  de  Geneste  en 
prit  copie.  Ce  ms.  a  disparu  depuis,  et  n'est  plus  représenté 
aujourd'hui  que  par  ladite  copie  qui  figure  à  la  bibl.  de  Metz, 
sous  le  n">  82  des  mss.  (1).  Cette  copie  est  désignée  par  D.  La 
leçon  est  parfois  très-divergente  de  M  et  P,  et  la  langue  est  sys- 
tématiquement rajeunie  :  entre  autres  particularités,  le  groupe 
eu  ne  compte  que  pour  une  syllabe,  alors  que  M  et  P  le  comp- 
tent pour  deux  et  prononcent,  avec  la  diérèse,  eu;  d'où  la 
conséquence  que  D  remanie  tous  les  vers  qui  dans  l'original 
admettaient  eu  en  valeur  de  dissyllabe.  En  outre,  D  présente 
quelques  lacunes  intérieures,  et  il  s'arrête  au  couplet  288,  avec 
une  lacune  finale  de  8  couplets^  56  vers. 

Ce  détail  suffît  pour  donner  un  aperçu  du  genre  de  difficul- 
tés auxquelles  on  s'est  heurté  en  ce  travail  de  reconstitution 
du  texte.  Dans  quelle  mesure  les  manuscrits  sont  défectueux, 
et  la  version  originale  modifiée  et  altérée  ;  comment  celle-ci  a 
été  restituée  au  moins  dans  son  esprit,  sinon  dans  toute  sa  pu- 
reté native  ;  enfin  quelle  est  sa  valeur  grammaticale  et  lexicolo- 
gique  ;  c'est  ee  qui  fait  l'objet  des  pages  suivantes,  divisées  en 
trois  chapitres  :  la  leçon,  la  grammaire,  le  vocabulaire. 

I.  —  LA  LEÇON. 

J'ai  déjà  dit  que  la  valeur  littéraire  de  cette  production  est 
inférieure  à  ce  qu'on  devrait  s'attendre  à  rencontrer  dans  une 
œuvre  inspirée  par  les  plus  purs  sentiments  patriotiques. 

Comme  il  arrive  toujours,  l'ineptie  du  copiste  a  renchéri  sur 
l'insuffisance  de  l'auteur.  Pour  le  ms.  P,  un  seul  trait  suffira  à 
faire  apprécier  sa  valeur  critique  (2);  lia  pour  titre  rubrique  :  De 

(1)  Selon  toute  probabilité,  l'original  de  D  est  le  ms.  visé  sous  le  no  xi  du 
Jtépertoire. 

(2)  De  ce  ms.  une  copie  très-soignée  avait  été  faite  en  janvier  1835  par 
Huguenin,  de  Metz,  l'éditeur  des  Chroniques  messines;  depuis,  elle  est  venue 
à  M.  de  Bouteiller. 


LES  MANUSCUITS.  ftl5 

la  guerre  des  trois  rois  qui  mirent  le  siège  devant  la  bonne  cité  de 
Mets  en  l'an  mil  CCCC  et  XLIIII  ans.  Et  cependant  l'énumération 
des  noms  des  quatre  seigneurs  ligués  contre  Metz  reviendra 
maintes  fois  sous  sa  plume,  et  la  date  vraie  sera  elle-même  con- 
signée à  deux  réprises  dans  le  cours  de  la  copie  (septains  30  et 
277).  Le  souvenir  de  l'entreprise,  encore  récente,  de  Charles  VII 
et  de  René  d'Anjou  contre  Metz  en  1444  a  effacé,  dans  l'esprit 
du  copiste,  la  date  de  la  ligue  formée  par  Jean  de  Luxem- 
bourg, roi  de  Bohême ,  Edouard ,  comte  de  Bar,  Ferry,  duc  de 
Lorraine ,  et  Baudouin ,  archevêque  de  Trêves ,  cent  vingt  ans 
plus  tôt,  en  1324. 

Cette  confusion  d'époques  prouve  d'abord  que  le  manuscrit 
original  ne  portait  point  de  titre  (1);  en  second  lieu  elle  déter- 
mine la  date  supérieure  de  la  transcription  de  P,  laquelle  a  été 
nécessairement  accomplie  après  1444,  vers  14o0  et  probable- 
ment plus  tard  encore. 

La  question  de  date  est  ici  d'une  certaine  importance  ;  il  est 
clair  que  l'orthographe  de  P,  systématiquement  et  bizarrement 
défectueuse,  n'a  qu'une  valeur  philologique  fort  restreinte,  in- 
dividuelle. La  négligence  du  copiste,  qui  s'accentue  dès  le  titre 
même  et  d'une  façon  si  éclatante,  doit  mettre  en  garde  contre 
la  prétention ,  assez  naturelle  en  pareil  cas,  de  voir  dans  les 
discordances  de  toutes  sortes,  en  fait  de  grammaire  et  d'ortho- 
graphe, les  purs  représentants  de  la  prononciation  populaire, 
du  langage  familier.  Autant  les  écarts  contre  l'étymologie  scien- 
tifique ou  traditionnelle  sont  intéressants  et  abondent  en  ren- 

(1)  Le  ms.  M  est  intitulé  :  Une  coranique  et  ung  bîaul  dit  de  la  guerre 
que  le  roy  Jehan  de  Bahaigne  fist  aveitc  l'archevesque  de  Trieve,  le  duc  de 
Lorrainne  et  le  quien  de  Bair,  contre  ciaulx  de  Metz  per  mil  III'  et  XXIIII. 
—  Quant  au  manuscrit  Z*,  la  forme  dans  laquelle  est  conçue  sa  rubrique 
accuse  plutôt  le  style  du  xvirie  siècle  que  celui  du  xv".  C'est  donc  Dupré 
de  Geneste  qui  aura  écrit  en  tête  de  sa  transcription  le  titre  suivant  : 
Récit  des  horreures  de  la  guerre  que  Jean  roy  de  Bohême  et  comte  de  Luxem- 
bourg, Baudouin  archevêque  de  Trêves,  et  Ferri  duc  de  Lorraine  firent  a  la  ville 
de  Mets  en  1321.  Sur  quoi  l'on  remarquera  que,  comme  dans  P  mention 
n'est  faite  que  de  trois  des  seigneurs  confédérés ,  au  lieu  de  quatre. 
Une  copie  de  D  avait  été  faite,  il  y  a  quelques  années,  pour  M.  lé 
comte  de  Puymaigre,  qui  a  bien  voulu  l'abandonner  au  profit  de  cette 
édition; 


ftl6  ÉTUDE  DU   TEXTE. 

seignements  précieux,  alors  qu'on  les  rencontre  dans  les  docu- 
ments originaux,  émanés  de  la  propre  main  de  l'auteur  (1); 
autant  ils  sont  malvenus  et  décevants  lorsqu'ils  ne  représentent 
que  les  produits  de  l'ignorance  et  de  l'ineptie  d'un  copiste  né- 
gligent. 

C'est  malheureusement  le  cas  de  P,  avec  cette  circonstance 
aggravante  que  la  copie  est  postérieure  à  l'original  d'un  siècle 
et  demi  environ.  Le  système  grammatical  et  orthographique 
de  notre  manuscrit  ne  saurait  donc  prétendre  à  figurer  ni  la 
langue  dans  laquelle  fut  écrite  la  chronique  de  1325,  ni  la  lan- 
gue de  la  seconde  moitié  du  quinzième  siècle,  époque  de  la  co- 
pie de  P.  Dans  ces  conditions,  l'œuvre  du  critique  est  ardue  et 
délicate.  Il  aurait  pu  (et  il  y  avait  songé)  restituer  les  formes 
du  premier  tiers  du  quatorzième  siècle,  à  l'aide  des  nombreux 
documents  originaux  de  cette  époque  dont  il  a  la  copie,  et  en 
s'autorisant  des  travaux  analogues  entrepris  sur  la  Vie  de  saint 
Alexis,  la  Chanson  de  Roland  et  l'Histoire  de  saint  Louis. 

Les  restitutions  de  ce  genre  comporteront  toujours  en  soi 
une  valeur  plus  grande  au  point  de  vue  doctrinal  et  spéculatif 
qu'au  point  de  vue  pratique  et  historique.  On  ne  peut  asseoir 
aucune  autorité  sur  des  formes  substituées  par  le  critique  à 
celles  de  son  manuscrit  (2).  Et  d'ailleurs  pour  tenter  un  pareil 
travail,  il  est  de  toute  nécessité  que  le  texte,  qui  sera  sou- 
mis à  cette  épreuve,  en  vaille  la  peine,  soit  à  raison  de  son 
antiquité,  soit  à  raison  de  son  importance  historique  et  litté- 
raire. L'un  et  l'autre  élément  font  défaut  à  notre  chronique  des 
«  Quatre  Rois  »  dans  son  état  actuel.  En  outre,  du  fait  du  co- 
piste, les  altérations  sont  si  nombreuses  que  presque  chaque 
mot  eût  eu  besoin  de  réparation. 

Il  m'a  donc  paru  qu'il  suffirait  d'enlever  les  fautes  les  plus 
grossières,  tout  en  conservant  celles  dont  la  présence  est  moins 

(1)  Pour  Metz  et  la  Lorraine,  voyez  à  l'appui  les  quelques  textes  patoia 
que  j'ai  publiés  dans  Romania,  I,  328-51,  et  II,  245-59,  et  dans  Archives  des 
Missions,  3»  série,  I,  247-91. 

(2)  C'est  ainsi  qu'on  s'étonne  de  voir  l'auteur  d'une  dissertation  sur  un 
point  de  phonétique  historique  donner  en  paradigmes  des  formes  de  la 
Chanson  de  Roland  restituées  hypothétiquement  par  M.  Léon  Gautier  {Ro- 
mania,  III,  321  et  ss.)- 


VARIANTES.  617 

choquante  et  peut  parfois  servir  d'indice  pour  la  prononcia- 
tion. J'ai  partout  rétabli  les  rimes  aussi  exactes  que  possible  ; 
les  vers  ont  été  remis  sur  leurs  pieds,  la  mesure  réintégrée  par- 
tout où  elle  était  faussée,  soit  en  plus  soit  en  moins.  Dans  tous 
les  cas,  je  me  suis  aidé  des  deux  autres  manuscrits  M  et  D,  et 
par  préférence  du  premier,  plus  voisin  que  le  second  du  texte  de 
P.  Ce  sont  toutes  ces  corrections  de  diverse  nature  que  l'on 
trouvera  exposées  dans  les  pages  suivantes.  J'aurais  été  le 
premier  à  désirer  que  l'état  des  différentes  versions  fût  tel  qu'il 
m'eût  évité  de  prendre  une  part  personnelle  aussi  large  à  ces  rec- 
tifications, et  je  répète  que  j'ai  laissé  la  parole  au  texte  le  plus 
souvent  possible,  c'est-à-dire  toutes  les  fois  qu'il  ne  choquait 
ni  la  rime  ni  la  raison. 

Le  travail  suivant  porte,  presque  exclusivement,  sur  les  di- 
vergences de  fond  ou  variantes  de  leçons.  Y  faire  entrer  les 
variantes  orthographiques  ou  même  seulement  l'indication  des 
mots  restitués  quant  à  leur  forme  grammaticale,  eût  exigé  le 
sacrifice  d'une  autre  partie  du  volume  sans  profit  pour  le  lec- 
teur, mais  non  sans  ennui.  Il  suffira  d'être  averti  que  les  ma- 
nuscrits possèdent  une  collection  d'hérésies  orthographiques 
dont  la  variété  n'a  d'égale  que  la  grossièreté.  Ainsi,  pour  n'en 
citer  que  peu  d'exemples  :  sont  ont  est  écrit  son  on  ;  estes  vient 
en  place  de  esteit  ;  poitrauth  est  mis  pour  poitrauh  qui,  lui- 
même,  eût  gagné  à  se  présenter  sans  l,  poitrauz;  enthierment 
Tpour  entièrement  ;  quelz  figure  en  régime  singuUer,  destriers 
en  participe  passé,  hosteilt  en  régime  pluriel,  etc.,  etc. 

J'en  passe,  et  non  des  meilleures,  dont  quelques-unes  ti'ouve- 
ront  leur  explication  raisonnée  au  chapitre  de  la  grammaire. 
Ici  nous  n'avons  affaire  qu'à  la  leçon  et  à  la  mesure.  Lorsqu'un 
manuscrit  n'est  pas  indiqué  dans  l'appareil  des  variantes,  c'est 
que  sa  leçon  est  identique  ou  sans  divergence  fondamentale 
avec  celle  que  j'ai  adoptée. 

i  e  Que  ne  p.  D. 

2  a  seiirvicte  D  ;  —  b  ceste  vérité  P,  le  vers  est  trop  long  ; 

—  c  P.  c.  aix  comancié  cest  ch.  M  ;  —  d  Que  Metz  sur- 
monte t.  c.  B;  —  e  ait  mainte  p.  M  ;  —  f  amour  D. 

3  a  Metz  =  MD,  Elle  P  ;  —  e  auctm  D. 

27 


Û18  ETUDE  DU  TEXTE. 

4  c  ti'y  ot  D;  —  g  la  Wandice  M. 

o  c  pour  moy  M ,  pas  nul  D;  —  t  II  n'ait  M  11  n'a  D,  piis 
tant  MD  ;  —  g  Roncevaul  Peiners  M ,  Depuis  Verdun 
jusqu'à  Anijiers  D. 

6  d  darrier  P,  ce  ms.  supprime  d'habitude  l'e  final  de  la  rime 

é...e;  —  i  L.  a.  que  songneuse  D;  —  g  Pour  Dieu  qui 
D.  —  -l'ai  rétabli  la  rime  oiise  dans  a  c  au  lieu  de  eusc, 
P  avait  en  effet  :  piteuse  suffraiteuse  parclouse;  D  rime 
en  euse. 

7  b  Quant  est  dedens  M.  v.  M;  —  e  Aucun  quant  il  y  est 

venus  M. 

5  h  Vach.D;  —  i  enthiermejit  P,  double  faute  contre  l'ortho- 

graphe et  la  mesure;  —  g  desime  M. 
y  a  valroit  M  ;  —  c  couble  (pour  couUe)  M  ;  —  d  vin  noble  M  ; 

—  e  li  n'y  ait  P  11  n'ait  pas  M  ;  c'est  ici  D  qui  a  la 
bonne  leçon  ;  —  f  darrier  P  ;  —  g  noble  PD.. 

10  a  II  y  ait  M  II  «  D;  destrier  et  aisne  M,  manque  D;  — 
e  pas  M,  payer  D  ;  —  f  Qui  veult,  vers  inachevé  M  ;  — 
b  d  e  g  riment  en  eur  D. 

\  1  a  comme  P  corne  M  aussy  corne  D;  —  b  auwe  et  f.  M. 

12  b  aiiltrez  espicez  M;  —  c  draip  de  t.  yn.  P  draps  doa 

(jneufz  M  ;  j'ai  suivi  D  en  laissant  à  «  neufs  »  son  or- 
thographe «  gneus  »  de  PM ,  indice  de  prononciation 
populaire  ;  —  e  A  S.  M.  pennes  et  pelicez  M  ;  —  t  Et 
Chambre  M  ;  —  g  liens  M  lacs  D. 

13  c  /i.  et  gourgiere  M  ;  —  d  placés  PD  plajité  M;  —  f  Es- 

triers  D,  culio-s  P. 
M  a  En  Ch.  en  u.  j.  P,  nng  manque  M;  —  c  tienne  D;  — 

d  crehelle  M  cochelle  D,  avec  deux  syllabes  seulement 

(voy.  à  la  Grammaire).  Le  vers  n'a  que  sa  mesure;  — 

g  n'y  a  jusqu'à  P.  D. 
i'6  a  oitour  manque  M;  —  b  mainte  P  faute  fréquente,  77iains 

oisels  qui  vivent  M  ;  —  e  qui  tous  M  que  tout  D  ;  — 

tenu.  V.  P\  —  g  II  n'y  ait  P. 
\  0  ab  ait  ait  P  est  ait  M  est  est  D;  —  a  II  n'est  homme  D  ; 

—  d  Contantost  M. 

17  c  heure...  plaisant  V;  — g  Ou  manque  D,  place  plauviere  Mi 

18  b  per  l.  r.  M  ;  —  e  Porcelaines  D  ;  —  g  piecesses  P. 


VARIANTES.  bl9 

19  b  tantost  M;  —  g  si  lui  M. 

20  a  merchant  P  marcham'pt  M  marchandt  D  ;  —  e  denyés  D, 

destriers  P  detrics  M;  —  £  quant  il  l.  v.  q.  P  q.  Hz 
V.  q.  M.,  De  /.  p.  qu'ils  v.  g.  D;  —  g  L.  d.  son  bon  et 
cuers  P  Lour  sont  boin  et  entier  donner  M  En  or  ou  ar- 
gent bien  esyez  D  ;  M  serait  satisfaisant ,  ainsi  modifié  : 
Lour  font  donner  boins  et  entiers. 
2'Z  c  waigier  P  ;  —  d  Ait  mis  manque  P;  En  met  D  ;  —  e  Et 
en  d.  D. 

23  e  argent  avoir  M  ;  —  f  Reporter  à  la  fin  du  vers  précédent  la 

virgule  placée  par  erreur  après  Adoncques;  ^g  Et  n.  L 
D,  Se  n.  l.  mieulx  P. 

24  a  c  pannit  penit  M  pugnit  pugnit  D  ;  —  g  C  qui  oyt  P,  Cilz 

c'on  ont  oyt  M.  —  D  fait  rimer  a  c  eu  eur  et  f  en  our. 
2o  a  diroy  je  briesvement  D  diroie  je  vraiement  M  ;  —  b  Tout 
les  p.  P  ;  —  c  encor  briefment  M,  Mais  on  ne  l.  o.  e.  D  ; 

—  d  Aulcun  /*.  D  ;  —  e  Car  homme  D  ;  —  f  Tant  d'ar- 
gent P;  —  g  sans  r.  s.  D. 

26  b  leur  griez  M  l.  faict  D  ;  —  o  f.  riens  t.  M.;  —  d  ne  [duc] 

manque  M;  —  e  «  kt  s.  M;  —  f  furent  M;  —  g  tous 
manque  M. 

27  c  demande  P  ;  —  g  mal  a  qui  Von  p.  D. 

28  manque  dans  D  ;  —  1  corr.  Q,  a.  tout  f.  et  l.  d'après  M. 

29  d  telt  M,  tout  D. 

30  a  pugnissent  D  ;  —  C  comme  P  coment  M  ;  —  à  un  jour  D. 

31  a  Vaulcent  D;  —  û  envoient  D;  —  d  ceulx...  veidlent  D. 

32  a  demourer  PM  corr.  demoiner  D  ;  —  c  Metz  r.B;  —  e  Mets 

son  M  Metz  son  D  ;  —  g  don  manque  M. 

33  a  vient  a  Metz  MD,  ou  M,  n'envoyé  MD  ;  —  c  laisse  D  ; 

—  f  parsoie  M  peschoye  D  ;  —  g  arier  PM. 

34  d  bance  P  li  bances  M  vaucens  avec  indication  d'une  lacune 

après  ce  mot  D  ;  —  i  le  mieulx  P. 
85  a  qu'ung  des  fourains  M  qu'ung  def forains  D  ;  —  d  s'il  luy 
fault  D;  —  e  supp.  il-,  —  f  nul  deniers  r.  D. 

36  b  reuubeit  P  rouber  MD ,  nulle  M  ;  —  c  Tous  s.  h.  PMD, 

le  vers   étant  trop  long  j'ai  supprimé    tous  et  gardé 
te  dans  abaiteroient,  comme  indice  de  prononciation* 

37  f  d'usure  D. 


420  ÉTUDE  DU  TEXTE. 

38  a  Mais  ont  ainsi  et  c.  e.  r.   D  ;  —  c  leur  furent  D  ;  — 

d  montrance  D  ;  —  g  barons  MD  qu'il  faut  peut-être 
substituer  à  laron  P. 

39  c  voiroont  P  ;  —  d  comme  corne  PMD;  —  e  cui  leur  c.  M  ; 

—  g  fuit  fut  MU. 

40  a  dont  de  cest  g.  D  ;  —  b  T.  Lorrainnc   M  ;  —  t  P.  les, 

p.  P  Pei'  aval  le  p.  M;  —  g  compagne  M  charpaigne  D. 

41  g  vient  M. 

42  a  Ceschun  P  ;  —  d  greneroient  commenté  en  marge  par 

«  mettroient  en  greniers  »  D  ;  —  e  préparée  M  ;  — 
f  oste  D  hoste  M. 

43  d  corr.  Li  HU  M  en  Li  IH  P,  trois  D.  Voy.  la  note  à  ce 

couplet,  p.  277  ;  —  e  se  manque  P,  ait  r.  M. 

44  d  Et  n.  c.  P  De  la  n.  c.  M. 

4o  a  D'orguelle  P  ;  —  f  doit  D.  —  Ce  couplet  est  interverti 

dans  P,  où  il  se  présente  dans  l'ordre  des  lettres  a  b  e 

f  c  d  g. 
4G  a  ceste  M  ;  —  c  S.  Burthelemus  d.  arrei  mis  M  ;  —  f  jurent 

tuis  P  ;  —  et  Et  puis  après  chacun  s'apreste  De  jurer 

tous  sur  le  Corpus  D. 

47  a  partent  D,  premièrement  M  ;  —  c  £<  promettent  c.  D  ;  — 

d  Quant  M  ;  —  e  L.  f.  p.  comander  au  m.  M  ;  — f  Vaille 
querre  d.  p.  a.  M. 

48  d  on  leur  a  t.  D  ;  —  t  P.  enqueirir  c.  novelle  M. 

49  b  ce  qu'ilz  M  ;  —  e  Qu'ilz  M  ;  ce  vers  manque  D. 

00  b  Qua7it  mesugiez  Vont  r.  M  ;  —  c  mis  PM  ;  —  g  ne  soit  M. 

01  b  gibberie  M  ;  —  e  bandye  D  ;  --  g  Mandés  P  Mander  M 

Préparer  D. 
i)2  d  prestes  D ,  d'accort  droit  f.  M;  —  g  M.  ce  ne  ce  l.  p.  p. 

P  M.  ce  ne  l.  p.  pi.  M.  —  Dans  D,  b  d  riment  en  aires, 

e  g  en  aire. 
'.V.i  aa  u.  j.  M  ;  —  e  de  moy  p.  M  de  ma  p.  D. 
'6i  c  entendons  M  ;  —  e  def fraies  M  ;  —  f  en  manque  P  ;  — 

g  Bien  MD,  est  M  en  D. 
OO  a  repairerent  M  ;  —  b  tost  apperceux  D  ;  —  c  orguille  P  ; 

—  d  decepus  M,  Qui  pourvoient  bien  estre^deceux  D  ;  — 
e  sont  bien  pou7'veuxD;  —  g  sont  Hz  b.  congnusD.  —  On 
voit  par  b  d  e  g  de  D  qu'à,  l'époque  où  l'original  de  cette 


VARIANTES.  Wl 

copie  fut  transcrite,  les  participes  en  eu  se  prononçaient, 
comme  aujourd'hui,  u  avec  synérèse  des  deux  éléments 
de  la  diphthongue  primitive,  ce  qui  n'est  le  cas  ni  de  P 
ni  de  M. 
î)fi  a  Adoncque  M  ;  —  h  de  manque  M  ;  —  g  F.  q.  l'estram  f. 
et  a.  P,  estraing  fraing  D,  F.  q.  le  foin  et  l'e.  d'à.  M. 

07  a  Entre  M,  Tandis  que  privement  D  ;  —  c  paroilîement  P  ; 

—  e  dit  manque  P  ;  —  g  Qui  m.  d.  M  .  de  L  c.  D  ;  vers 
manquant  M. 

08  a  seront  D  ;  —  b  et  manque  M  ;  —  e  ferait  P;  tant  de 

PM,  si  très  D  ;  —  f  manque  M  ;  jour  manque  D. 
59  a  Ceschuin  P  ;  —  d  irent  P  est  D;  —  f  mettroit  P  metteront 
M  ;  —  f  g  Nous  les  mettrons  tous  a  m.,  Plus  ne  nous  p.  l. 
a.  D,  par  où  l'on  voit  que  ce  manuscrit  a  maintenu  le 
style  direct  qui  a  été  aussi  conservé  ;dans  la  traduction. 

00  a  mande  M. 

01  b  deust  bien  D;  —  c  roy  D;  —  d  Deust  aussy  avoir  en 

s.  D;  —  e  quonquerre  P. 

02  c  ait  M  ;  —  g  leur  M. 

03  a  conte  D  ;  —  c  aussy  du  bourg  D  ;  —  comme  corne  PM  ;  — 

e  soldoiours  P,  je  rétablis  la  rime  ères,  b  d  e  g  marchant 
toujours  de  conserve.  La  faute  de  P  est  isolée  :  sodoiere 
M  soldoyers  D  ;  —  f  povoit  M  pour  D  ;  —  g  fut  man- 
que P. 

64  c  deust  m.  très  g.  r.  D  ;  —  d  eust  entrepris  D;  —  e  En  corr. 

Eii;  les  mss.  portent  :  OuP  On  M,  Car  il  avdt  D;  — 
g  s'est  D. 

65  d  et  moult  a.  M  ;  —  e  manque  M. 

06  b  logèrent  D;  —  d  il  firent  M;  —  e  On  est  très  bien  a.  D. 

67  b  baitille  P  ;  —  d  l'ont  ses  gens  D. 

68  a  Hautconcourt  MD  ;  —b  fut  P,  très  MD  ;  —  f  g  manquent 

M ,  Rompues  tieulles  et  chassey  Et  moût  de  maisons  sont 
brûlées  D  ; — a  c  riment  en  isM,  b  d  e  g  riment  en  ée  P. 

69  b  N.  f.  onques  veu  si  grant  feu  D  ;  —  c  lait  P  est  sans 

doute  une  faute  pour  lai  =  la  dans  MD  ;  —  e  tant  mal 
p.  D;  —tquel.  c.  D;  —  g  si  est  e.  D. 

70  b  grande  P;  —  c  et  p.  l.  v.  PB;  —  d  manque  M;  priti- 

drentB;  —  g  po...  M,  Les  grans domages  et  pilleries  D. 


It2î  ÉTUDE   DU  TEXTE. 

1\  a  a  ces  m.  P,  ad  (a)  ce  MD  ;  —  c  comme  P  corne  M,  comme 
estourdy  D;  —  d  passant  D;  —  f  mardi  P  ;  —  g  qu'il 
e.  D. 

72  b  I.  r.  et  l.  cuein  M ,  I.  r.  lequel  D  ;  —  c  o<  D  ;  —  d  a  L 

p.  P  ;  —  e  si/,  a.  D  ;  —  f  desryez  D  ;  —  g  si  en  v.  D. 

73  a  le  comte  D  ;  —  b  volt  D  ;  —  g  Ars  en  seront  m.  m.  P, 

Arse  en  sont  maintes  maisons  D  ;  —  c  d  e  f  g  manquent 
M,  e  manque  D. 

74  a  b  manquent  M  ;  —  a  oste  P  ;  —  c  irés  irez  PD  ;  —  d  en 

maine  D  ;  —  e  combien  qu'il  y  fault  peine  D  ;  —  f  ses 
gens  D. 

75  c  compaignie  D  ;  —  d  entendirent  M  ;  —  e  chevalihirent  P  ; 

—  gen  G.  MD. 

76  a  Valliers  P  ;  —  c  lors  l.  et  d.  piercs  P,  l.  dairs  et  quairès 

M,  lancèrent  D  ;  —  d  si  PM  est  mis  pour  se  =  ce  ceu  ; 

—  t  charrier  s  P  ;  —  g  maitY*. 

77  c  convient  M  ;  —  e  ne  D  ;  —  g  maixier  P. 

78  a  de  S.  J.  D  ;  —  b  conte  D  ;  —  e  en  doublant  D. 

79  e  se  tost  M  ;  —  1  Louwez  M,  Loer  le  doibl  D. 

80  b  tantost  P  ;  —  c  arirr  P  ;  —  e  je  P,  ans  cops  M  au  cop  D  ; 

—  i  en  m.  b.  D. 

Si  b  /'aif  fait  h.  U;  —  c  £«  D  ;  —  f  Crap  P  ;  —  d  e  f  g  au 
style  indirect  dans  M. 

82  a  Suppose  M  ;  —  b  rccuillis  M  recœuiUiez  D  ;  —  c  Nos  s. 

M,  Touttes  nos  gens  D  ;  —  d  Prés  d.  c.  D  ;  —  e  tous 
lyés  D. 

83  a  Nostrez  M  Nos  D  ;  —  b  en  G.  MD  ;  —  c  lassirent  D  ;  — 

d  Comme  P  Come  M  Comme  conté  vous  ay  et  dy  D;  — 
f  Tous  ceuïx  du  champ  D  ;  les  a.  corr.  la  s'a.  MD. 

84  a  a  manque  P,  a  g.  voullenteit  M  ;  —  b  ainsi  come  s'il  D  ; 

—  d  nonneis  P  norris  M  norroys  D  ;  —  e  baniers  P,  Poîtr 
6.  D  ;  —  g  bataille  M. 

8.Ï  a  «voit  P  ;  —  b  ville  P  ;  —  d  laissèrent,  tenir  D  ;  —  e  man- 
que M,  supprimer  le  point  et  virgule;  —  f  A  l'escul 
M  ;  —  g  De  cui  M. 

86  a  conte  D  ;  —  d  estât  D  ;  —  e  lo  P;  —  t  corne  D  ;  —  g  n'y 

MD. 

87  b  s'enlongierent  M  ;  —  d  Qu'estoient  moult  b.  D. 


VARIANTES.  ft25 

88  b  qu'ilz  M  comme  ils  porront  D  ;  —  c  mandèrent  M  ;  — 

d  illec  D  enqui  la  M;  —  e  Et  q.  l.  m.  parferont  D;  — 
gFlorey  MD  ;  —  a  c  f  riment  erent  MD. 

89  a  ce  q.  a.  D;  —  h  ce  v.  s.  B;  —  c  rien  P,  seurvint  D;  — 

d  quil  d.  M ,  Qui  que  marche  ne  que  desplasse  D  ;  — 

—  e  C.  de  Noncourt  M  ;  —  g  a  u.  MD. 

90  a  Bar  fut  ocey  proche  d'asez  D  ;  —  b  Hanrei  prés  M  ;  — 

e   darrier  P;   —    g   Que  ja    deussent   être    en   une 
bière  D. 

91  c  La  rougeaue  D  ;  —  e  façon  D. 

92  c  manque  M;  —  d  droit  manque  P,  Leur  ch.  v.  d.  a  F.  D; 

—  g  font  m.  et  dénotez  M,  deroiez  D. 

93  a  desstendre  M  destendre  D  ;  —  g  craoille  M  la  craille  D. 

94  a  La  font  grant  p.  l.  c.  M,  cuisenies  M  cuisiniers  D  ;  — 

d  r  eussiez  veu  D,  et  g.  p.  M  ;  —  e  II  Ion  P,  Et  avaient 
char  a  volentez  D  ;  —  g  envoie  P  envoise  M. 

95  a  fuit  manque  P;  —  b  l'air  si  o.  D;  —  e  Et  n'eust  esté  D  ; 

—  f  j;  PD  Hz  M,   bien  p.  g.  D;  —  g  S'il  M  Q'ille  D, 
eschapast  MD,  s'il  fust  en  heur  D. 

96  b  conseille  P  ;  —  c  Et  y  v.  s.  nul  d,  D;  —  f  rivier  P;  — 

g  Q.  d'ici  nous  d.  D. 

97  c  asseurement  D  ;  —  f  manque  M. 

98  a  Tandis  D  ;  —  b  ef  d.  S.  G.  PM  ;  —  g  cheu  P,  esperste- 

ment  D. 

99  a  Champenoise  D  ;  —  c  en  manque  PMD,  Q.  p.  aidtre  bien 

grant  noise  D;  —  g  se  MD. 

100  b  a  simple  r.  D;  —  e  manque  M,  le  bruyt  D  ;  —  f  feris 

P  ;  —  g  La  ville  p.  toutes  M. 

101  a  oit  P. 

102  b  se  MD,  logèrent  D  ;  —  c  d  J.  c.  que  L  d.  A.  Si  Z.  c.  D  ; 

—  d  ruel  M. 

103  c  Per  desa  M  ;  —  et  est  D.  —  Dans  PM  b  d  riment  en 

oure,   e  g  en  eure;  D  rime  en    eure  (ure)  :  rescœure, 
desure,  demeure,  heure. 

104  a  t.  chassiez  D  ;  —  b  maint  plaietP;  —  d  le  lont  D  ;  — 

e  sçavoir  D  ;  bie?i  manque  M,  mais  la  mesure  est  ré- 
tablie en  lisant  veraies  ;  —  g  chemisez  et  b.  M. 

105  b  bruys  et  maint  ennuyt  D;  —  c  De  son  fait  si  n'avait  p. 


W4  ÉTUDE  DU  TEXTE. 

D  ;  —  d  enuie  M  ;  —  e  l'ost  MD  ;  —  g  faire  malz  M, 

Q.  ces  mal  faire  s.  d.  D. 
lOG  f  dors  M. 
107  h  de  manque  M  ;  —  c  en  manque  PD,  jusqu'à  D;  — 

d  N'eussiez  la  veu  D;  —  f  treiive  PD;—  a  f  riment  : 

air  de  maide  P. 
i08  d  virgule  après  JI  ;  —  a  c  f  rimeni  en  ief  M. 

109  a  malestrainne  PD  corr.  en  maie  est.  M  ;  —  c  Qu'en  M  ;  — 

f  laissèrent  D  ;  —  g  très  g.  M. 

110  c  très  M  ;  —  i  A  l.  c.  a  point  c'est  maintenus  M. 
111a  Ratagiés  M  Hostigiés  D  ;  —  b  Jusqu'à  u.  j.  sur  s.  créance 

D;  —  d  De  MD  ;  —  g  s'entr'eidz  luy  faisoict  a.  D  ;  —  de 
sont  intervertis  dans  P. 

112  h  messire  P;  —  e  corr.  seraient  en  serait  M,  soit  D; 
—  f  pour  D  ;  —  g  bien  manque  M. 

H  3  a  séparez  par  de  foy  ;  —  c  jour  manque  M  ;  —  d  P.  l'oc- 
chaison  D  ;  —  e  Ainsi  fuit  de  lui  la  foid  prinse  M  ;  — 
f  bien  manque  P;  la  leçon  adoptée  est  celle  de  D 
moins  bonne  que  celle  de  M  :  sairement,  mais  cette 
dernière  copie  n'était  point  encore  en  ma  possession  ; 

—  g  Très  P. 

114  h  D.  je  D,  Dire  vous  veulz  M  ;  —  c  «  bonnez  escollez  M  ; 

e  garnieis  P  ;  —  f  D'aubolestres  et  d'espingollez  M  ;  — 
g  forbiei  P. 

115  h  Si  y.  M;  —  c  meneis  P,  ajoutez  s  à  meneie;  —  d  sceu- 

rent  l'arrivaige  M  ;  —  f  entreez  M. 

116  A  et  manque  P  ;  —  b  rams  P  ;  —  c  par  trop  attraict  D  ; 

—  d  Frest  P. 

117  a  leur  o.  D;  —  c  comme  P   corne  M;  —  e  doybs  a  s. 

I.  D  ;  —  f  laissé  en  blanc  M  ;  —  g  Car  il  n'eussent  sceu 
obvier  D. 
H  8  c  l'eau  D  ;  —  d  Vostj-e  P,  Notre  anemis  nos  a.  M,  Nos  e. 
notre  a.  D  ;  —  e  povoit  a  n.  m.  D;  —  g  il  corr.  cil 
MD. 

119  b  perdoinst  M  ;  —  d  beaulx  D,  point  et  virgule  à  la  fin  de 

ce  vers  ;  —  e  Ou  c.  de  B.  f.  trahey  D  ;  —  f  devant  M  ; 

—  g  Cel  M,  sont  PD  corr.  soit  M. 

120  d  raconta  D  ;  —  f  manque  M. 


VARIANTES.  425 

121  b  Vin  jours  M;  —  d  s'en  e.  v.  MD;  —  f  Et  oit  P,  Tant 

n'oit  D  ;  moiour  P. 

122  a  Les  roys  D  ;  —  b  abondèrent  D  ;  —  c  Leurs  e.  D  ;  — 

e  Et  l.  c.  B  ;  —  f  chevalcherent  M. 

123  a  Tandis  D,  nos  c.  M  les  bons  c.  D;  —  b  Par  e.  a. 

maintes  soldoiers  M  ;  —  d  aux  chevetains  D  ;  —  e  qui 
d.  tout  0.  M,  Ceidx  qu'ilz  dévoient  D  ;  —  f  Leurs  res- 
pondirent  D  ;  —  g  quieres  D. 

124  b  met  D. 

123  a  conseille  P,  a  l'ung  a  l'aultre  D;  —  h  et  manque  P  ;  — 
c  doy  a  s.  A.  D  ;  peut-être  faut-il  corr.  doie  en  doi  je, 
cf.  137  a. 

126  c  les  l.  D  ;  —  i  7îe  h.  ne  l.  M;  —  g  Hz  l.  j.  D. 

127  a  Nos  anemis  {ennemis)  MD  ;  —  b  Patrat  M  ;  —  c  les  ducs 

D  ;  —  d  suppr.  la  virgule  ;  trait  M  ;  —  e  les  tis  art  P  li 
telt  airt  M,  le  toict  art  D  ;  corr.  bouteirent  en  boutent 
MD  ;  —  f  entrent  M  entrèrent  D. 

128  a  endemestier  P  corr.  endementier  MD;  —  b  Firent  D  ; 

corr.  assez  en  passés  M  {passer  D)  ;  XI  r.  D  ;  —  d  ^awif 
M  ;  —  f  g  manquent  P  ;  —  f  vanrent  D. 

129  manque  MD;  la  page  tout  entière  est  restée  en  blanc,  tou- 

tefois sans  autre  lacune,  M  ;  —  c  on  en  f.  P. 

1 30  b  Les  {ter)  D  ;  —  c  manque  P  ;  —  f  Vers  MD  ;  —  g  Puis 

s'est  logié  M  Pour  y  logier  D. 

131  a  moult  manque  D  ;  —  d  Corne  Comme  MD,  en  notre  m.  D  ; 

—  e  parmettre  M  ;  —  i  Lab.  M. 

132  g  /e  menèrent  D. 

133  e  feu  P  feir  M  fouyr  D;  —  f  moinnes  {moynes)  MD. 

134  b  as  un  =  M,  manque  P;   d'aulcuns  des  chiefs  D;  — 

c  l'otroi  P  ;  les  roys  D  ;  —  e  Ad  ce  jour  y  f.  M. 
133  b  mennoire  J.  Anel  P,  de  Jean  A.  D  ;  —  c  o.  v.  tous  l.  g. 

d.D  ;  —  a  c  f  riment  en  ei  M,  en  i  D. 
136  a  mentire  P;  —  d  pooit  M  pouvoit  D,  entier  P  ;  —  i  a 

c.  PD,  Et  se  ad  ce  ne  se  v.  M;  —  g  f.  ou  f.  MD. 
1.37  a  aie  P,  qui  pourrait  être  lu  a  je  ;  —  b  fait  MD. 
138  a.  Et  q.  v.  l'eure  D;  —  b  prenerent  P  prindrent  M;  — 

c  d  ne  font  qu'un  dans  M  :  Chers  charons  sens  atargier; 

—  f  patrie  D  ;  —  g  Que  l'o  D. 


426  ÉTDDB  DU  TEXTE. 

139  b  P.  n.  rf.,  c.  n.  r.  M  ;  —  c  osa  D  ;  —  d  parti  est  le  char- 

roy  D  ;  —  e  semont  M,  Le  matin  s'en  va  tout  le  c.  D; 

—  f  harnoix  D  ;  —  g  Qu'on  ne  les  mette  en  desairoy  D. 

140  d  font  D  ;  —  e  soit  M  ;  —  t  Le  conte  D. 

Hi  c  Si  se  partit  notre  ennemy  D;  —  e  Venu  estoit  D;  — 

f  Avant  que  soit  D. 
\  42  b  mains  dopmagez,  grans  manque  M  ;  —  d  qu'il  P  qu'ilz 

MD  ;  —  e  en  grant  s.  M. 

143  e  terre  PM  ;  —  1  remt  P,  destruicts  de  fait  D  ;  —  g  ne 

avoir  P. 

144  d  serez  D;  —  etelD. 

H7  c  mes  MD  ;  ce  n'est  pas  le  nom  de  ville  Mes  qui,  à  cette 
date  et  dans  MD,  est  toujours  écrit  Metz  Mets. 

148  a  tassement  D  ;  —  d  Ils  ont  fait  assez  grant  vaillance  D  ; 

—  g  grevance  D. 

149  d  En  ten'es  et  aultres  manières  D  ;  —  f  arderont  D. 
loO  t  M.  de  m.  M  ;  en  manque  D  ;  —  g  priage  D. 

131  e  vint  entremes  M  ;  —  f  quand  fut  dedans  D. 

132  a  baniers  P  ;  —  b  chevalcheurs  M  ;  —  a  b  la  rime  est  in- 

tervertie M;  —  d  A.  qu'il  fut  j a  après  disney  D. 

153  a  Vous  0.  P  ;  —  e  n'cùst  lis.  n'efist;  —  f  g  S'ilz  ont  rasei 
sus  notre  cité,  Achater  i'averont  au  par  dariere  M  ;  — 
g  par  denier  P. 

134  a  corr.  Cilz  qui  seigneurs  s.  d.  M.  PMD;  —  b  s'en  allè- 
rent M. 

1 33  a  il  ly   P  ;  —  d  lisez   Veudier ,  Rendre  D  ;  tost  M  ;  — 

f  ont  D  ;  —  g  que  soit  fallace  D. 

156  c  et  son  espée  D;  —  d  aussi  trestous  M,  come  t.  D;  — 

f  il  ly  P,  en  ert  d.  M. 

157  d  retenu  P  ;  —  e  manque  M. 

138  f  compaigne  M  ;  —  g  seront  manque  P. 

139  b  fayole  D  ;  —  g  comme  P,  come  MD. 

160  g  espillie  expillie  MD. 

161  f  avoient  m.  martel,  dars  manque  M. 

162  a  Cilz  des....  le  reste  du  vers  en  blanc  M  ;  —  e  Le  conte  D. 

1 63  d  Je  doit  plutôt  être  lu  Se,  cf.  Sï  M  Se  D  ;  —  e  ne  M  ;  — 

f  dessin   D,   mauvaise  lecture  de  l'abréviation  de  des- 
servi. 


VARIANTES.  427 

i64  a  Nos  c.  M,  vers  trop  court,  rectifié  ainsi  par  D.  Or  sont 
nos  c.  r.;  —  c  ires  P  ;  —  e  C'est  bien  p.n.D. 

165  a  =  leçon  de  D,  III  j.  P  Trois  M  ;  —  b  Nos  bons  c.  D  ; 

—  c  bien  d'armes  D. 

166  b  Vois  ne  pailles  M  n'est  (Ju'une  variante  de  prononciation  ; 

—  g  d'un  Champignois  D. 

167  b  manque  M  ;  —  g  N'y  demourast  chose  que  vaille  D. 

168  b  fault  M,  convient  D. 

169  b  espilliez  D  ;  —  d  manque  P;  —  g  Dont  f.  D. 

171  b  tar  personnieil  D  ;  —  f  Que  ceulx  de  Mets  vient  ven- 

gier  D. 

172  c  bien  manque  PM  ;  —  e  qu'il  a  fait  en  sa  vie  D. 

173  f  nud,  leçon  de  D  préférable  à  mut  P;  manque  M:  M.  h. 

a.  f.  poure. 

174  a  mes  MD,  cf.  147;  —  b  supprimer  Que  P,  et  compter 

liet  pour  deux  syllabes  [ligati  non  lœti)  ;  —  d  Qu'adés 
ce  sont,  vers  inachevé  M  ;  —  e  trop  D. 

175  g  ^  leçon  de  M  ;  jour  manque  P. 

1 76  d  Qu'il  estoitpas  tant  n.m.M;  —  eaitM;  —  f  vers  difficile, 

trop  long  dans  PM  :  Et  s'elle...,  obscur  dans  D:  S'elle 
en  avoit  sans  point  fleschié;  —  g  Rendre  le  voul- 
droit  V.  D. 

177  a  Nos  c.  M,  Tous  nos  c.  D  ;  cf.  164  a  ;  —  c  =  leçon  de  D, 

Vray  manque  P,  C.  l'e.  qui  est  leiir  droit  chiez  M. 

178  b  vigille  M;  —  c  d  incomplets  de  la  rime  M. 

179  a  emmènent   D  ;  --  h  Et  II  a.  P  ;  —  e  espirirent  P;  — 

g  Sauf  leur  bon  droit  ils  les  chargèrent  D. 

180  a  ces  P  ;  —  d  Ceu  qu.  M,  Qua7it  qu'ih  avaient  D  ;  suppri- 

mer le  point  à  la  fin  du  vers. 

181  a  estre  manque  P  ;  —  c  vault  manque  P  ;  —  f  despenez  D  ; 

—  g  quoy  qu'on  en  dye  D. 

1 82  b  Et  d'y  ouvrer  chacun  s'apreste  D  ;  —  àoris'ia.B;  —  e  sont 

s'il  n'est  g.  f.  D;  —  f  On  D,  gravisce  et  l.  M  ;  —  g  chas- 
soz  M,  chassies  D. 

183  a  les  PD  ;  —  f  aurez  D. 

184  c  Entre  M;  —  g  auront  D. 

185  c  =  leçon  de  MD,  desparterent  P  ;  —  d  espennir  M,  amen- 

rir  D. 


ft28  ÉTUDE  DU  TEXTE. 

iSa  h  Au  beautempz  M,  Les  ventans  D;  —  d  entrepraigne  en- 
treprcgnc  MD;  —  e  Affin  qu'.  D. 

187  e  =  leçon  de  M,  revinnerent  P,  Et  s'il  revient  lesf.  taire 

D  ;  —  g  quairéz  trairez  M. 

188  b  supprimer  le  point  à  la  fin  du  vers  ;  —  c  d  intervertis 

de  l'un  en  l'autre  dans  M  :  On  tempz  d'asté  entièrement 
Chascun  ardent  quant  en  yverne. 

189  f  corr.  jusqu'al  braier  M;  Que  f.B;  —  g  Par  qui  sont 

faits  si  graves  oitltrages  D;  outraiges  est  aussi  dans  M. 

190  a  /a  JV.  M;  —  d  comme  MPD. 

191  b  Trierte  D  ;  —  t  il  manque  M. 

192  b  qu'estoit  D. 

193  e  T.  corne  ch.  D. 

195  a  encore  D;  —  e  =  leçon  de  M,  Deus  manque  PD. 

196  a  soit  D  ;  —  f  sceurent  M. 

197  a  jusque  a  P  ;  —  c  estoient  D  ;  —  f  alaidy  D. 

199  b  Certain  M;  —  f  Je  vouldroy  qu'il  eut  eu  l.  f.  D;  — 

g  :=  leçon  de  M,  vignei'ons  P  vignes  D. 

200  a  n'aimme  P. 

201  b  maulvais  cuer  D  ;  —  d  asseurs  ;  —  e  venir  P,  en  sont  t. 

L  b.  meurs  D  ;  —  f  tost  charryer  D  ;  —  g  l'oneur  M  ; 
Dont  perdre  en  doivent  bien  du  ciel  l'eur  D. 

202  c  les  quermisours  M,  escarmoucheurs  D  ;  —  f  71  demis 

fours  M,  ung  home  sew^s  D. 

203  f  qu'entre  D. 

204  b  si  0.  veu  D  ;  —  c  pales  M  ;  —  d  pas  sceu  D  ;  —  e  Par 

parlez  ont  esté  deceus  D  ;  —  g  Que  Hz  .  .  treu  D.  — Au 
contraire  de  D,  M  accentue  la  diérèse  en  intercalant 
l'aspirée  h  :  vehus,  sehus,  decehus,  trehus. 

205  e  nuiere  M. 

206  b  Cilz  0.  M,  S'ils  o.  D;  —  c  Palandelz  Palandel  MD; 

—  d  veult  D. 

207  a  c  f  riment  en  eur  D  ;  —  c  si  o.  peur  D. 

208  Ce  couplet  est  assez  difficile  à  mettre   sur  ses  pieds  : 

D  gouverne  tous  les  verbes  et  pronoms  au  singulier 
avec  Cil  de  Mets  pour  sujet,  tandis  que  dans  M  le 
même  sujet  commande  le  pluriel,  et  que  dans  P  il  com- 
mande tantôt  le  singulier,  tantôt  le  pluriel.  Le  premier 


VARIANTES.  429 

de  ces  nombres  satisfait  seul  à  la  mesure.  —  a  o<=:  D, 
on  (p.  ont)  P,  0  M  ;  les  chaveaulx  D  ;  —  b  Qii'ilz  con- 
quirent p.  lor  b.  M;  —  d  d'eulx  M  ;  —  e  firent  M  ;  — 
g  ne  laisse  D,  laissent  M. 

209  d  =  leçon  de  D  ;  Si  s'en  PM ,  aidèrent  M. 

210  b  Trestout  chacun  d'Ails  sur  Mozelle  D  ;  —  g  font  raller 

MD  ;  cette  leçon  n'est  pas  inférieure  à  celle  de  P. 
2H  d  bundance  M  ;  —  f  Si  la  f.  M. 

212  e  même  s'en  D  ;  —  f  est  D. 

213  i  Et  e.  M,  disant  D. 

214  a  ceulx  pluriel  fautif  D;  —  f  V.  seur  d.  M,  Voist  en  d., 

vienne  en  d.  D.  —  P  a  interverti  l'ordre  des  vers  :  a  b 
e  f  g  c  d. 

215  b  pour  chiefs  estèrent  D. 

216  b  pois  a  lochez  M  ;  —  c  comme  MPD  ,  p.  bien  a  esme  D  ; 

—  f  Aux  rois  D  ;  —  g  Ih  M,  doie  P. 

217  d  II  n'e.  P;  Ja  M,  Il  D;  n'espargnent  MD;  —  e  m.  ville 

M  ;  —  f  bruslée  D. 

218  a  Omers  D,  Aouvert  fuit  M  ;  —  c  en  R.   M  ;  —  g  lis. 

veist;  N'eust  ja  veu  D. 

219  Si  et  l'a  p.  M  ;  —  b  alogiez  vers  F.  M  ;  —  d  =  leçon  de 

M  ;  s'en  D ,  se  manque  P  ;  —  e  R,  et  J.  d.  W.  M,  R.,  J. 
et  W.  D. 

220  b  adont  M  ;  —  e  leur  o.  D,  oste  M. 

221  c  esbahiez  esbayes  MD  ;  —  g  de  h.  M. 

222  a  gaudisseurs  D  ;  —  b  vigoreussement  P  vigoireusement  M  ; 

—  c  eust  P,  La  heussent  M,  Ils  eussent  fait  D  ;  —  d  le 
second  hémistiche  manque  D  ;  —  e  jusques  Pailly  D  ; 

—  g  Qu'a  homme  oncques  cop  ne  bailly  D. 

223  d  E<  6.  D  ;  —  e  Que  l'o.  s'en  va  D  ,•  —  g  ne  {ter)  M,  En 

dédicace  ou  aultre  f.  D. 

224  a  et  M  ;  —  c  B.  ont  M,  les  g.  MD  ;  —  e  denier  ne  maille 

D  ;  —  g  cendre,  pierez  M. 

225  b  fait  manque  M  ;  —  c  ies  m.  PD  ;  —  d  lez  meschiez  MD, 

q.  la  furent  M;  D  rétablit  la  mesure  en  suppri- 
mant la. 

226  c  mettre  M  ;  —  g  faudra  ch.  son  p.  q.  D,  querre  M. 

227  f  =  leçon  de  MD,  grant  P. 


aSt»  ÉTUDE  DU  TEXTE. 

228  b  Bures  MD  ;  —  e  et  m.  i.  PMD,  mains  i.  M  ;  —  g  touttes 

ses  cures  D. 

229  a  quinte  P  ;  —  b  =  leçon  de  MD,  Preney  P  ;  supprimer 

le  c  de  faict;  —  d  ce  cy  m'esjoit  M,  Q.  ce  fait  cy  je 
m'esjoy  D;  csjoiei  P  est  mis  pour  l'œil;  les  autres 
mss.  partagent  les  rimes  en  ei,  é,  i,  ainsi  :  Joiey  es- 
joyt  esvei'tuys  tueys  M,  Joy  esjoy  esvertuéz  tués  D. 

230  b  ait  P  ;  —  c  troncei  P  ;  —  f  comme  P  corne  MD  ;  — 

g  malle  manque  M. 

231  c  du  tout aussy  D  ;  —  f  aus  nostres  M,  au...  vers  incom- 

plet D  ;  —  D  rime  tout  le  couplet  en  i. 

232  c  anciens  P. 

233  b  supprimer  la  virgule  après  mettre  ;  —  d  /es  D. 

234  f  pourtacey,  terme  probablement  corrompu  {=  porte  as- 

sez ?)  que  les  autres  mss.  n'aident  pas  à  corriger  :  pont 
aircey  M,  pontarcey  D;  —  g  n'eust  sceuD. 

235  d  vallent  D  ;  —  ea  c.  y.  D. 

236  b  D'Ardenne  manque  M,  et  m.  et  v.  D;  —  f  XXVI  M. 

237  b  un  j.  P  ;  —    c    que   f.D;  —    e    prins    M ,  pris 

droit  l.  erre  D  ;  —  g  cest  corrigez  c'est  ;  ceste  chose 
voir  M. 

238  b  =  leçon  de  D,  hommes  P,  manque  M  ;  —  e  passent  oultre 

M  ;  —  f  bataille  M;  —  g  de  f.  c.  D. 

239  d  damaige  P  ;  —  e  Quant  eu  doit  sans  doute  se  corriger 

en  Qu'eu,  la  diérèse  étant  de  règle  dans  P  ;  les  autres 
mss.  ne  servent  de  rien  ici  :  Quant  avoit  maintez  avan- 
taigez  M ,  Et  en  avoit  m.  a.  D.  —  Ce  couplet  fait  rimer 
au  pluriel  b  d  e  g  dans  M. 

240  a  femit  e.  a.  M ,  Le  pays  est  bruys  e.  a.  D;  — h  Et  si  n'y 

a  plus  V.  e.  D.  Il  faut  rétablir  la  rime  :  entière;  — 
d  tinxent  M,  Fors  d'eidx  tenir  D  ;  —  e  voit  P,  La  voient 
Hz  h  /".M  ; g  darrier  P,  daier  M. 

241  c  Des  e.  D  ;  —  f  Woys  c.  très  MD. 

242  b  ardit  MD  ;  —  c  corr.  tient  P  en  tint  MD  ;  —  d  Hectoi* 

M  ;  —  g  baitu  batu  MD. 

243  c  =  leçon  de  D,  raisons  rasons  PM. 

244  e  =  leçon  de  MD^  vignerons  P  ;  —  i  et  b.  et  ch.  D,  oo  corr; 

on  ;   —  g  =:  leçon  de  MD,  martire  P. 


VARIANTES.  Wl 

243  f  quil  irrent  P,  qui  estaient  M,  si  qui  ererent  D  ;  — 
g  comme  P  corne  M,  que  D. 

2iG  b  Des  mors  M,  y  o.  P  ;  —  c  dollant  M,  emboulez  D  ;  — 
d  fooient  P,  Car  Hz  faisoient  D,ouv.  ou  p.  MD  ;  —  e  en- 
tier P  ;  —  f  :=  leçon  de  D,  trobleis  P  foulés  M  ;  —  g  = 
leçon  de  D,  Que  le  plus  sains  PM. 

*2i7  c  vrai  vrais  PM,  comme  unm.D;  —  d  reçoive  M  reçoit  D; 

—  f  vers  altéré  partout;  la  leçon  suivie  est  celle  de  P,  où 
le  mot  riens  a  été  introduit  pour  parfaire  la  mesure  ; 
guies  (?)  m.  M,  Et  les  face  aussi  m.  D. 

248  a  Les  JB.  P  ;  —  b  en  g.  M  ;  —  e  nullement  M,  On  ne  scet 

que  sur  eulx  four  guerre  D  ;  —  g  murtriés  D. 

249  b  va  D,  nos  adversaires  M  ;  —  c  prise  P;  baiems  manque 

M;  —  d  omes  t.  qui  n'ont  M;  —  g  H.  seroit  (?)  a  f.  D. 

250  a  ne  M,  s.  les  comtes  o.  s.  les  roys  D  ;  —  c  mettre  M  ;  — 

f  Hz  ont  D;  —  g  villois  =  MD,  villains  P. 

251  f  leçon  de  MD,  Qui  lai  P  ;  —  g  estre  bien  M. 

252  D  a  modifié  la  rime  et,  par  suite,  la  leçon  entière  de  a 

cf.  —  a  J.  n.  vous  ai  plux  fais  c.  M,  J.  n.  me  veul 
plus  emtraper  D  ;  —  b  Des  anemis  trop  sont  batus  M  ; 

—  c  A.  ceste  faite  M,  A.  leur  trouppe  ont  fait  tromper 
D  ;  —  à  Et  dont  D  ;  —  e  soldoyers  D  ;  —  f  Bien  se  sont 
valu  occuper  D  ;  —  g  A  eulx.  armer  D. 

2o3  d  Quant  M,  dist  manque  D;  —  e  ces  signeurs  P. 

254  e  Ma..,.  M;  —  f  perdirent  MD  qui  ainsi  brisent  la  rime; 

—  g  si  chiers  M  si  grief z  D. 
2o.ï  a  Waryiep  D  ;  —  ^tel  manque  M. 

236  a  Cinquante  M  ;  ^  b  o^  MD,  brusleis  P  ;  —  de.  qui  sont 

soldiez  M,  c.  de  leur  soldées  D;  ~  e  amenées  M;  — 
g  Satis  ceulx  qui  sont  f.  D. 

237  a  fuie7ît  fuyent  MD,  comme  P  corne  MD  ;  —  b  Mus  M 

Vintz  D  sont  de  mauvaises  lectures  de  Nuis;  —  c  Etde 
grant  paour  B,  remarquez  paour  monosyllabique;  — 
d  malladez  M  ;  —  e  fuient  U;  —  tEt  s'ont  perdu  brebis 
et  ch.  D;  —  g  tuis  M. 

238  Le  conte  D  ;  —  c  sont  PD  devrait  à  la  rigueur  être  écrit  sons, 

prononciation  populaire  de  sommes,  par  assimilation  de 
la  1"  pers.  pi.  à  la  3".  La  mesure  ne  permet  pas  d'ac- 


ft32  ÉTUDE  DU  TEXTE. 

cepter  la  forme  complète  somez  donnée  par  M.  —  g  Tost 
sera  D. 

259  a  Tandis  D  ;  —  h  at  corr.  ait;  —  e  Pour  D. 

260  a  Q.  ils  ont  eu  D  ;  —  b  Le  conte  D  ;  —  c  vinxent  M  ;  — 

fvillai7înementMvilment  D  ;  —  g  Airs  manque  P,  leitv 
trait  D. 

261  a  estrepiés  D  ;  —  c  moiel  M,  brassées  D  ;  —  e  deust  M. 

262  a  averont  M  ;  —  t  Q.  ils  n'en  n'ont  c.  D. 

263  c  comme  P  come  M,  Si  come  t.  l'escript  D  ;  —  e  manque  M. 

264  a  esf  M  ;  —  b  A  d.  D. 

265  a  A  u.  M,  Si  v.  DJ;  j'ai  manque  M  ;  —  b  jou  destre  M  ;  — 

c  cilz  M  ceulx  D  ;  —  d  debveront  M  debveroient  D  ;  — 
f  A.  ont  MD  ;  —  g  deussent  MD. 

266  d  le  f.  en  aultre  g.  D;  —  e  f  g  diffèrent  dans  D  :  Un  duc 

n'a  chose  qui  mielx  lui  duise  Que  servir  Cil  qui  en  croix 
pendre  Volt  et  payer  tel  amandise. 

268  t  Tous  ont  eu  ces  m.  r.  D  ;  —  g  corps  abatre  D. 

269  f  guisarme  D,  ce  mot  manque  M. 

270  a  qu'au  c.  D  ;  —  c  afie  M,  rime  fausse  ;  —  d  ont  p.  lez 

e.  MD  ;  —  ^e  M,  cf.  c. 

271  e  n'ut  D  ;  —  f  vilté,  mechance  D  ;  —  g  Empire  corr.  Em- 

peire  (cf.  G  11)  avec  M  qui,  pour  France,  donne  un 
mot  inintelligible  :  service  (?)  ;  —  D  diffère  :  En  tout 
le  monde  par  sainct  Père. 

272  b  Hz  p.  D  ;  —  f  anemis  D,  mauvaise  lecture  de  amenés;  — 

g  est  MD  ;  —  D  change  la  rime  de  a  c  :  entr'eulx  despi- 
teulx  (pour  desloiaulz)  mais  conserve  f  leaulx. 

273  h  la  g  D',  —  d  plux  manque  M  ;  —  f  Veult  comparer  MD  ; 

—  g  n'en  manque  M. 

274  a  S'il  h.  MD,  S'il  ourent  comme  l.  p.  P  ;  —  h  la  v.  P,  T. 

pris  il  eust  la  v.  D;  —  d  offence  D;  —  e  a  2).  P,  l'as- 
samblance  PM  ;  —  f  dict  f.  D. 
175  c  Et  se  festois  D  ;  —  e  tenrois  MD  ;  —  f  7iul  a.  L.  D. 

276  g  tarde  D. 

277  a  En  l'o.  c'e.  P.  rapatriez  D  ;  —  d  qu'est  en  avoir  D  ;  — 

e  faire  D. 

278  c  coy  q.  M,  vray  quanques  D  ;  —  d  avoir  M;  —  g  con- 

celle  M. 


GRAMMAIRE.  ASS 

280  a  ne  s'acordei^ent  M ,  Briefvement  e.  e.  s'accordent  D  avec 

une  mauvaise  rime  ;  —  d  coulée  M,  Car  Hz  d.  autre  m. 
D  ;  —  f  délibérèrent  D. 

281  b  Chascun  M  ;  —  g  B.  o.  Dieu  dont  tous  m.  a.  D. 

282  a  messire  PMD,  la  forme  abrégée  messi,  imposée  par  la 

mesure,  n'a  pas  'été  créée  pour  la  circonstance  :  les 
chartes  en  offrent  quelques  exemples  ;  —  d  celui  M, 

283  a  y  D,  moidt  manque  M  ;  —  e  a  D,  ce  vers  manque  M; 

—  g  par  grant  courage  D. 

284  b  Quenvers  P  ;  —  c  1/  M  ;  —  e  C.  d.  Noiceroy  M. 

28o  b  iveschié  D  ;  —  c  Car  n.  D  ;  —  c  d  manquent  M  ;  —  g  et 
s.  e.  M. 

286  b  Qui  ot  o.  D  ;  —  c  Quant  sot  que  f.  M;  —  d  en  vie  M  ; 

—  g  s' es  joint  M. 

287  a  Le  copiste  moderne  de  M  et  D  (c'est  le  même)   écrit 

connevances  ;  —  c  fait  manque,  par  eliances  M  ;  — 
f  estriers  F,  et  d.  l.  M. 

288  b  Accentuez  Après,  quaitre  P  corr.  quairte  MD  ;  —  e  L'un 

M;  —  tpot  M  ;  —  e  t  Et  s'ilz  ne  peuvent  la  paix  faire 
L'ung  sans  l'autre,  j.  v.  p.;  —  g  est  MD  en  D.  —  Avec 
le  couplet  288  s'arrête  le  ms.  D. 

289  f  gouverner  M. 

290  d  Thehaucours  M,  qui  serait  «  Thiaucourt  ». 

291  a  qu'estoient  en  Saulnois  M. 

292  c  de  lui  M. 

293  d  s'atournerent  premièrement  M  ;  —  g  jF.  n'yront  M. 

294  a  euves  manque  M  ;  —  f  doit  P. 

295  b  Espérance  M  ;  —  e  qui  estaient  M. 

296  e  fuit  retournée  M  ;  —  g  Qu'elle  M. 


II.  —  GRAMMAIRE. 

Le  champ  de  cette  étude  est  naturellement  délimité  par  le 
caractère  du  texte  qui  en  fait  l'objet.  Rejetant  avec  une  même 
rigueur  les  formes  qui  ont  été  soit  rajeunies  par  le  copiste  du 
XV''  siècle,  soit  restituées  par  l'éditeur  du  xix",  la  matière  se 

28 


«34  ÉTUDE  DU  TEXTE. 

trouve  réduite  aux  débris  du  texte  original  qui  ont  heureuse- 
ment échappé  à  l'écueil  d'une  transcription  négligente.  De  nos 
trois  copies,  D,  systématiquement  francisé,  sera  absolument  éli- 
miné ;  M  viendra  çà  et  là  en  aide  à  P,  pour  le  corroborer  ou 
le .  compléter,  car,  si  dans  M  la  leçon  est  généralement  infé- 
rieure à  celle  de  P,  en  revanche  la  langue  est  parfois  meilleure, 
je  veux  dire  plus  émaillée  de  traits  dialectaux,  plus  imprégnée 
de  saveur  populaire,  en  un  mot  plus  patoise. 

Ces  caractères  distlnctifs  du  parler  local  sont  ceux  qui  sollici- 
tent davantage  notre  attention,  d'autant  plus  qu'il  ne  peut  être 
ici  question  de  faire,  avec  des  instruments  aussi  imparfaits, 
l'analyse  détaillée  de  la  langue.  Nous  passerons  donc  rapidement 
sur  les  phénomènes  généraux  de  flexion  et  de  dérivation  dont 
l'explication  raisonnée  trouvera  sa  place  dans  notre  étude  d'en- 
semble sur  le  dialecte  lorrain  et,  particulièrement,  sur  l'usage 
et  les  caractères  de  la  langue  française  à  Metz  au  moyen  âge. 

1  —  Dérivation. 

§  I  —  Voyelles. 

A  —  bref  ou  long ,  tonique  ou  atone  ,  peut  se  diphthon- 
gueravec  i-=ai,  même  dans  les  particules  enclitiques,  et  arti- 
cles et  pronoms  féminins  :  lai,  sai,  jai,  passim.  En  position,  ai 
est  l'orthographe  habituelle  :  scelaisse,  desplaice  porchaisse  89 
bde;  Andoioairs  EndotOairs  240  f,  268  a.  C'est  aussi  l'ortho- 
graphe des  parf.  de  la  l""*  conj.  et  du  futur.  Les  rimes  mon- 
trent que  ce  groupe  de  lettres  ai  pouvait  s'accentuer  soit  à  l'an- 
tique ai  et  se  réduire  en  a  (cf.  au  §  des  Diphthonyues),  soit  à  la 
moderne  é  ei;  voici  quelques  ex.  de  cette  dernière  notation, 
fréquente  surtout  devant  les  liquides  :  drep  dreps  19  d,  23  d; 
ergent  23  e,  hariep  107  f,  cher  138  f  cheir  M  ibid.  et  les  infin. 
de  la  l"  conjugaison.  Cette  notation  ei  représente  en  pro- 
pre a  +  t,  d  :  hleis  5  d,  peirès  freires  63  b  d  etc.;  elle  est 
aussi  celle  du  parf.  et  du  part,  de  la  i'^^  conjug.  Il  est  à  remar- 
quer que  P  a  une  tendance  à  atténuer  ce  caractère  dialectal,  et 
à  écrire,  comme  le  français,  er  et. 

La  désin.  du  part.  pas.  fera,  delà  1'^*'  conj.  est  normalement 


GRAMMAIRE. -VOYELLES.  ft35 

eie,  réduite  parfois  en  ée.  Dans  les  verbes  dont  le  thème  est  ter- 
miné par  II  mouillées  ou  par  une  gutturale,  la  désinence  com- 
plète ieie  iee  se  contracte  en  ie,  comme  si  elle  appartenait  à  la 
é'^  conj.  :  commencie  41  a,  baitillie  67  b  batillies  114  b,  aparil- 
liez  67  d,  etc.  Les  mêmes  verbes  font  leur  parf.  en  désinence  i  : 
rengirent  279  d  et  autres  dont  on  trouvera  l'énumération  au  § 
de  la  Conjugaison. 

Ces  deux  modes  de  traitement  de  la  voyelle  a  seront  rendus 
sensibles  par  la  série  des  rimes  du  couplet  16  entre  autres,  les- 
quelles sont  ainsi  disposées  :  salvuige  necessiteit  voiaige  citeit 
audoriteit  usciige  veriteit.  Le  même  couplet  présente  en  outre  : 
ait,  trouvaist. 

[Un  autre  traitement,  et  plus  spécial,  de  a  est  sa  diphthongai- 
son  avec  ii,  surtout  devant  les  liquides  et  les  labiales:  estaublc 
diauble  28  d  e,  mauxon  77  g  M,  pauwillons  87  c  M,  vaulz 
contrevaul  chevaul  travaul  en  rime,  106;  vaucelaige  142  g  M, 
baucons  vaucons  224  c  f  M,  aupetit  I  4,  vaiilloit  J,  53,  trans- 
laiiteit  K  16j  Dans  cette  position  a  fait  entendre  un  son  sourd 
approchant  de  celui  de  ô  au,  alors  môme  qu'il  est  noté  par  a 
simple.  Plusieurs  couplets  riment  indistinctement  à  la  fois  en 
able  et  auble  ;  ainsi  :  convenable  estauble  diauble  prop^table  28, 
admirable  admiaublc  doubtauble  diauble  G  31  etc.  C'est  qu'en 
effet  la  différence  n'est  que  pour  l'œil,  la  prononciation  étant 
nécessairement  une,  à  savoir  auble. 

L'homophonie  de  à  et  de  ô  est  telle  que  la  seconde  voyelle 
peut  remplacer  la  première  :  avos  l'esveschié  dans  la  «  chro- 
nique rimée  »  est  pour  avaidz  (à  travers). 

Pour  aubelestre  114  f,  118  a,  l'épaississement  du  son  est  dû, 
outre  l'influence  delà  labiale,  à  la  chute  de  r,  (peut-être  devenu 
l  et  éteint  en  u)  ;  les  chartes  de  Metz  offrent  des  exemples  de 
albelestier  =  arbalétrier  (cf.  Romania,  I  333).  Par  contre,  «6e- 
lestre  132  a,  et  abelestrier  202  d,  sont  un  nouveau  témoignage 
de  l'identité  des  caractères  â  au,  et  pareillement  favel  102  g^ 
façon  15  a,  waudexour  elivadessowVàO  a,  202  a,  222  a,  291  e. 
Bien  plus,  cet  a  de  réduction  :=au=^al  a  pu  être  traité  comme 
s'il  était  d'origine,  et  prendre  en  conséquence  la  diphthongue 
par  i;  de  façon  dérive  faicon  117  e.  Les  ex.  de  cette  bifurca- 
tion ne  sont  pas  fort  nombreux  ;  les  chartes  de  Metz  en  présen- 


aSô  ÉTUDE   UU  TEXTE. 

tenl  quelques-uns  ;  j'ai  signalé  ailleurs  le  doublet  Aîtheney  Au- 
tigney,  auj.  Attigny  {Romania,  I  332). 

E  —  La  permutation  la  plus  habituelle  est  a  :  Lotvyat  294  d 
(le  suff.  at  diminutif  répond  au  fr.  et,  au  bourg,  ot,  au  romand 
od),  quarelle  48  a,  raponce  50  e  {responce  49  e),  assaiés  54e, 
avesqiies  62  b,  chavetain  42  f,  123  e,  i92  d,  211  g,  215  b,  gra- 
visce,  182  f  M,  D  16,  bargerie  193  g,  pairoches  216  d,  Hiilmne 
242  a,  etc.;  —  lequel  a  participe  du  son  o  au,  ainsi  qu'en  témoi- 
gnent les  ex.  suivants  :  proteroicnt  21  f,  rowart  268  f,  Hanriaus 
215  b;  «pion»  anc.  «peon  »,  terme  du  jeu  d'échecs,  est  écrit  une 
fois  paon  226  d  et  deux  fois poon  227  a  c.  Dans  les  textes  propre- 
ment populaires,  a  et  e  s'emploient  indifféremment  l'un  pour  l'au- 
tre, si  bien  que,  p.  ex.,  la  prép.  a  et  la  conj.  et  sont  notées  tan- 
tôt sous  une  orthographe  unique  (a  ai=za  et  et),  et  tantôt  sous 
l'orthographe  inverse  de  celle  qui  leur  appartient  respectivement 
{et  =  a,  a-=  et)  ;  ainsi  dans  cette  phrase  typique  :  «  Jennas  a 
Burterans  ont  cranteit  et  paieir  ai  Bellate  a  Contausse  lour  se- 
rours  de  kant  k'ales  avoient  d'eritaige.  »  Notre  texte  ne  nous 
fournit  point  de  cas  aussi  caractérisés,  toutefois  il  semble  dif- 
ficile de  ne  pas  regarder  le  et  initial  de  1 3  comme  une  notation 
de  la  prép.  a  dans  le  langage  familier  :  «  Et  cui  ne  plait  ceste 
manière,  —  Si  aille  droit  en  Fournerue  »  ;  et  conj.  n'aurait  point 
de  sens  ici;  de  plus  D  (qui  est  francisé)  porte:  A  qui....; 
ajoutez-y  ia  1 1 8  g  M  =  les. 

La  seconde  modification  de  e  est  i,  aussi  bien  en  syllabe  to- 
nique qu'en  atone  :  tilz  29  d,  tis  127  e  {telt  M),  mais  qui  peut 
être  aussi  réduit  de  ties  186  a  [tels  M)  ;  bergiries  70  d,  remise 
153  d,  240  b,  irrent  21 3  b  [enent  26  f),  gentelisse  266  e  en  rime, 
trives  276  c  e,  277  b,  etc.,  ce  dernier  cas  pouvant  d'ailleurs  être 
rapporté  à  la  réduction  de  ie  en  i.  Voy.  au  §  des  Diphthon- 
Qiies. 

E  long  accentué,  anc.  fr.  ei,  est  à  Metz  oi  :  poinne  56  b  d  et  t^ 
passim,  aiirois  54  f,  ferais  F  80. 

Suivi  de  /  ou  r,  e  se  diphthongue  en  ei  :  teil  queil  très-fr.,  veil  ^ 
102  e,  teire  183  c,  J  25,  seire  235  d,  seirs  D  17,  veirait  E  132,  etc. 

Enfin  je  note  quelques  cas  de  redoublement  de  e  fém.  atone  : 
druees  cruees  18  e  g,  exiliees  160  g,  enviée  286  b;  et  d'épen- 


GRAMMAIRE.  —  VOYEI-LES.  Û37 

thèse  après  lesdiphth.  oi  ui  :  poieres  ii  e  M,  nuiere  205  e  M, 
fmere-z  D  57,  F  144. 

I — Comme  phonétique  il  n'y  a  à  relever  que  l'affinité  avec  m  ; 
Remiis  46  c  est  Remich,  petite  ville  de  la  frontière  luxembour- 
geoise ;  de  même  tiche,  prononciation  locale  de  «  deutsch  » , 
conservé  dans  «  Audun-le-Tiche  »  par  opposition  à  «  Audun- 
le-Roman  »,  revêt  dans  73  c  une  physionomie  populaire  encore 
plus  accentée  :  duché. 

Ferey  211  c  pour  Ferrj/  est  une  confusion  amenée  par  l'usage 
du  doublet  orthographique  ey  y,  représentant  le  suff.  ethnique 
iacum  :  Woippey-y,  Joiey-y;  encore  aujourd'hui  Briey,  bien 
qu'ayant  maintenu  l'orthographe  ancienne,  ne  se  prononce  ja- 
mais que  Briy.  Dans  tous  les  mots  de  cette  classe,  la  présence 
de  Yi  {y)  final  est  due  à  l'action  de  la  gutturale  c  de  iacum  (cf. 
plus  bas)  ;  l'analogie  Ferey-Ferry  est  donc  fautive.  —  Le  suff. 
iculum  donne  oil  (fr.  eil)  :  artois  211  f,  souloil  F  109. 

0  —  La  principale  caractéristique  de  cette  voyelle,  qu'elle 
provienne  de  o  lat.  ou  de  au  réduit  en  o,  est  sa  diphthongaison 
avec  i  principalement  devant)'  s,  cette  modification  du  son  en- 
traînant parfois  la  chute  de  la  consonne  :  oitour  15  a,  voiroent 
39  c  P  (1)  pour  voirent  vorrent,  loir  50  c  M,  oit  74  e  P,  poirte 
79  e  M,  aproichier  81  d  M,  poire  94  c  M,  oisoient  118  c,  poirier 
124  d  M,  pois  166  b  M,  Goize  169  c  f,  213  c,  foirs  171  e  M, 
behoider  196  c  M,  oirent  208  d,  213  b,  Oirne  238  c  M;  —  de 
plus,  devant  s  cette  même  voyelle  s'assourdit  fréquemment  en 
ou  :  nous  (adj.)  197  d,  286  g,  296  a  ;  —  ou  est  aussi  la  dérivation 
réguUère  de  l'o  des  suff.  -orem  -osiis  :  honneur,  paour,  mur- 
trour,  pitouse,  etc.;  la  substitution  de  eur  à  our,lk  où  elle  se 
rencontre,  est  due  à  l'influence  française  par  le  fait  du  copiste. 

U  —  L'affinité  déjà  constatée  entre  i  et  u  est  affirmée  à  nou- 
veau par  la  notation  ui  en  place  de  u  pur  :  respanduit  en  rime 

(1)  Je  désigne  par  P  les  formes  de  ce  manuscrit  intéressantes  pour 
l'étude  de  la  langue,  mais  qui,  pour  divers  motifs,  ont  été  rejetées  du  texte 
imprimé. 


^/ 


«i38  ÉTDDE  DD  TEXTE. 

avec  àe8&endu&  défendus  rendus  245,  nuis  257  b,  feruit  269 
{femtz  2o6  g,  fenit  280  b),  biii  292  c,  si«s  adv.  A  H,  F  170. 
Par  contre  suis,  i"""  p.  du  verbe  «  être  »,  est  réduit  en  sus  2o2  d , 
200  d;  pour  consuis  39  b,  cette  forme  a,  de  plus,  ce  côté  inté- 
ressant qu'elle  montre  comme  étant  accomplie  la  synérèse  du 
sufF.  eu  en  u,  laquelle  a  dû  nécessairement  se  produire  antérieu- 
rement à  l'affaiblissement  de  u  en  wi  (1). 

§  II  —  Diphthongues. 

La  langue  d'oïl,  si  riche  en  diphthongues,  n'a  pas  transmis 
cette  part  de  son  héritage  au  français  ;  ce  que  nous  appelons 
improprement  de  ce  nom  n'est  pas  autre  chose  que  des  voyelles 
composées  faisant  entendre  un  seul  son  sous  deux  caractères  : 
ainsi  ai  ne  sonne  pas  a  +  i  mais  6  ;  ou  n'est  pas  un  composé 
de  0  +  Uy.  c'est  un  o  long  et  sourd.  Il  n'en  était  pas  ainsi  dans 
l'ancienne  langue,  où  la  valeur  respective  des  éléments  consti- 
tutifs de  la  diphthongue  était  rendue  sensible  par  la  pronon- 
ciation. L'accent  relevait  le  ton  et  la  durée  de  la  voyelle  princi- 
pale, en  glissant  plus  rapidement  sur  la  voyelle  secondaire. 

En  cette  valeur,  les  diphthongues  sont  dites  «intensives» 
ou  «  fortes  »  :  di  ;  on  les  nomme  «  extensives  »  ou  «  faibles  » 
lorsque  les  deux  sons  se  réduisent  à  un  seul  :  ai.  Dès  lors  la 
diphthongue  n'existe  plus  que  pour  l'œil.  L'étude  du  passage 
des  diphthongues  de  l'état  fort  à  l'état  faible  est  assurément 
l'une  des  parties  les  plus  difficiles  de  l'histoire  delà  langue  fran- 
çaise. Nous  devons  nous  borner  ici  à  relever  l'état  de  chaque 
groupe  de  voyelles,  tel  que  le  présentait  le  texte  original,  en 
nous  appuyant  principalement  sur  la  rime. 

a)  Diphth.  fartes  ;  — di;  sa  valeur  intensive  est  attestée  par 
la  notation  réduite  a ,  la  première  voyelle  ayant  absorbé  la 
seconde.  Les  exemples  sont  assez  nombreux  :  voira  i  d, 
paiera  3  g,  ars  10  c,  95  b,  maxon-s  29  b  M,  77  e  M,  133  g  M, 

(1)  Quoique  la  diérèse  soit  généralement  en  vigueur  dans  PM,  il  y  a  ce- 
pendant çà  et  là  quelques  rares  exemples  du  phénomène  opposé  ;  dans  l'es- 
pèce, ooiisiiis  de  P  est  assuré,  pour  la  mesure,  par  conceiipz.  dissyllabique 
dans  M  ;  la  synérèse  n'est  donc  pas  le  fait  du  copiste. 


GRAMMAIRE. -DIPHTHONGUES.  A39 

reparent  S5  a,  lassent  65  f,  77  e,  rasins  67  d  M,  lassirent  las- 
sèrent 83  c,  134  f,.207  d,  sa  89  b,  J  72,  a  145  b  M,  216  b  M, 
281  d  M,  laront2l5  t.  Andowairs  Endowairs  rime  avec  artre- 
wart  240,  cowars  rowart  268;  aitre  avec  batre  abatre  268; 
fMïres  réduit  en  atres  avec  paistres  fillaistres  276. 

—  ôi  se  prononçait  pareillement  avec  l'accent  sur  la  pre- 
mière voyelle,  ainsi  que  le  prouve  la  chute  de  i  dans  povre  12 
b  à  côté  de  poivre  18  a,  osel  15  b  {oixiaus  A  4,  7),  bodie 
51  e. 

—  m  ;  on  vient  de  lire  des  ex.  de  l'atténuation  de  u  en  ui  ; 
par  contre  en  voici  de  la  réduction  de  ui  en  u  :  hus  69  d,  hu- 
mais 80  c,  eusines  94  a,  destrure  109  d,  crwo?  1301,  131  e, 
133  b,  cudoient  142  e,  sus  252  d,  260  d. 

b)  Diphth.  faibles  :  —  ai  ei.  La  prononciation  moderne  est 
déjà  en  vigueur,  au  moins  dans  les  mots  où  la  diphth.  est  suivie 
de  II  mouillées.  C'est  ce  qui  ressort,  entre  autres,  de  l'examen 
des  rimes  de  29  :  mureille  —  aille  mcnjaille  vaille;  de  93  : 
merveille  —  Saille  travaille  croaille;  de  192  :  Saille —  conseille 
traveille  ;  de  284  :  maingeille  —  piétaille  vaille  vitaille.  Tous 
ces  mots  se  prononcent  par  eille  et  non  par  aille,  car  si,  à  la 
rigueur,  on  est  tenté  de  corriger  mureille  29  en  muraille,  ni 
merveille  ni  conseille  ne  se  laissent  ramener  à  meroaille  con- 
saille.  Bien  plus,  l'afFaiblissement  de  di  en  ei,  par  l'intermé- 
diaire de  ai  est  démontré  à  fortiori  par  la  réduction  de  ei  en  i, 
travilliez  apparilliez  169  de,  apparillerent  170  c,.. 

Cette  réduction  en  i  est  l'un  des  traits  les  plus  caractéristi- 
ques des  dialectes  nord-orientaux  ;  il  est  surtout  poussé  à  l'ex- 
trême par  le  wallon.  A  Metz,  les  documents  d'ordre  populaire 
en  présentent  de  nombreux  exemples  ;  et  l'on  peut  dire  que , 
de  même  que  le  son  o  est  le  terme  final  de  l'évolution  des 
voyelles  ascendantes,  de  même  le  son  i  absorbe  les  diverses 
tonalités  des  mêmes  voyelles  dans  la  gamme  descendante  (1). 


(1)  L'étude  du  patois  moderne  permet  de  mesurer  les  progrès  accomplis 
dans  l'un  et  l'autre  sens  :  infantem  est  devenu  successivement  enfant  an- 
fant  affant  ofant  ;  dominicella  ■=  damesele  domexale  damejale,  et  se  dit 
aujourd'hui  dieumeholf;  —  d'autre  part,  u  s'est  confondu  avec  i  en  passant 


ftiiO  ÉTUDE   DU  TEXTE. 

—  ié.  C'est  ce  groupe  qui  offre  la  plus  grande  prise  à  cet  en- 
vahissement. Bien  que  i  ne  soit  ici  qu'adventice  et  d'origine  se- 
condaire ou  romane,  il  élimine  e  qui  représente  l'élément  pre- 
mier et  originel.  En  voici  quelques  ex.  :  continent  8  a,  tih 
tis  29  d,  127  e  [ties  186  a),  pitaille  161  e,  219  a,  238  f,  295  a 
{piétaille  218  d),  Thiry  192  d,  livres  206  e  {lièvre  206  g,  liè- 
vres 257  a),  chivre  223  b  {chievres  257  f),  hrifment  260  c, 
trives  276  c,  etc.  La  désin.  iens  ienty  1*'  et  3«  p.  pi.,  se  pro- 
nonce comme  si  elle  était  écrite  avec  i  sans  e  ;  feirient  145  f, 
pr.  feirint  (1),  et  de  même  avient  E  25,  scevient  G  75. 

—  ei  est  également  réductible  en  i  :  tigne  1 99  f  ;  quant  à 
soleis  224  a  pour  souliers ,  on  peut  regarder  l'inversion  des 
voyelles  du  groupe  comme  un  premier  pas  vers  le  iotacisme. 
—  Pour  ey  {iacum)  j'ai  déjà  dit  que  sa  réduction  en  y  est  nor- 
male :  Wappey  rime  avec  despis  respis  1 35  ;  M  écrit  Arcancis 
Allexis  68  a  c,  Mays  76  b,  et  ainsi  de  plusieurs  autres  dont  P 
figure  la  finale  par  cy. 

—  eu  provenant  de  e  +  u  latin  ou  roman  maintient  dans  le 
plus  grand  nombre  des  cas  la  valeur  respective  de  ses  deux 
éléments  ;  l'étude  de  ce  groupe  rentre  plutôt  dans  le  chapitre 
de  la  versification.  En  dehors  de  cela,  le  seul  cas  où  cette 
diphth.  se  présente  est  dans  le  pronom  neutre  ceu  (anc.  ceo) 
qui,  prononcé  ce,  est  parfois  écrit  se  (de  même  sil  silz  pour 
cil  cilz).  Le  Poëme  n'offre  qu'un  ex.  du  doublet  sou  su,  bien 
caractéristique  et  si  fréquent  dans  les  chartes  contemporaines  : 

par  ui.  Cette  transformation  était  accomplie  au  xvie  siècle,  puisque  le 
poëme  de  la  Grosse  Enwaraye,  imprimé  en  1615,  en  fournit  des  exemples  à 
foison  :  Jesy,  trety  (;=  trestuit  trestut),  le  py  belle  piciUe,  Je  si  pi  bé  ei  py 
jaly,  Dilé  lo  ri  si  lé  gran  bauë,  etc.,  etc.  (La  Grosse  Enwaraye  messine  ou 
Devis  amoereux  d'un  gros  vertugay  de  village  a  sa  mieus  aymee  Vazenatte, 
escript  en  vray  langage  du  haut  pays  messin.  —  Réimprimé  (par  M.  G.  Bru- 
net)  chez  Techener,  s.  d.) 

(1)  Cette  orthographe  est  celle  de  Chan  Heurlin,  des  Bucoliques  et  de 
toutes  les  productions  en  patois  moderne.  Même  sans  sortir  de  l'époque  de 
notre  texte,  la  valeur  que  nous  assignons  à  cette  désinence  est  confirmée 
par  la  notation  ein,  renversée  de  t'en,  dont  je  note  entre  autres  l'exemple 
suivant  :  Se  il  avenoit  que  il  [li  roys  d'Alemaigne)  et  nostre  sires  H  roys  de 
France  eusseint  a  faire  l'un  encontre  l'autre  de  fait  de  guerre,  nous  ne  li  se- 
rions aidable  ne  7iuisent.  (Arch.  nationales,  J  580,  n<»  2  :  Hommage  de  Bou- 
chard, évêque  de  Metz,  au  roi  de  France  (24  août  1296).) 


GRAMMAIRE. —  VOYELLES  NASALES.  UUl 

SOU  i05  c  et  dans  le  même  couplet  se  f  ;  ceu  réduit  en  su  s'atté- 
nue en  si  76  d. 

En  résumé  l'état  archaïcfue  ou  valeur  originelle  des  diphth.  se 
maintient  encore  vigoureusement  dans  notre  chanson,  grâce 
sans  doute  au  caractère  familier  de  son  style.  On  sait  que  le 
langage  populaire  est  au  plus  haut  point  conservateur  des  tra- 
ditions antiques. 

§  III  —  Voyelles  nasales. 

Un  fait  commun  à  toutes  les  voyelles  de  cet  ordre  est 
l'intercalation  de  i  entre  la  voyelle  pure  et  la  nasale.  Cette 
épenthèse  s'est  produite  dans  tout  le  domaine  dialectal  du 
Nord-Est  (Bourgogne-Lorraine)  ;  il  n'y  a  donc  pas  lieu  de  s'y 
arrêter  autrement  que  pour  relever  les  ex.  fournis  par  notre 
texte  : 

—  an:=ain  :  estrainge  eschainge  chainge  19,  ramg'zës  121  e, 
grainge  1 36  e  et  passim,  aingle  2o3  d,  lainge  256  f ,  chaingour 
H  160,  etc. 

—  on  =  oin  :  loing  adj.  87  e,  seloing  104  d  M,  boin  boins 
pass. 

—  im  :^  uin  :  chescuin  40  d,  47  b,  50  c,  56  b,  59  a,  77  a  f, 
etc.,  etc.,  uin  270  a,  292  g. 

Passant  maintenant  à  des  faits  plus  spéciaux,  je  ferai  remar- 
quer que  la  nasale  se  double  en  syllabe  finale  et  que  l'emploi 
de  cette  notation,  loin  d'alléger,  comme  en  français,  la  voyelle 
qui  en  est  affectée ,  lui  donne  au  contraire  un  son  lourd  et 
traînant,  une  manière  de  point  d'orgue,  peu  agréable  sans 
doute,  mais  bien  caractéristique.  Ainsi  damme  15  e  doit  se 
prononcer  dan-me,  aimment  200  a,  231  d  =  ain-ment  ;  fon- 
tenne  ne  fait  pas  entendre  un  son  identique  à  celui  du  fr. 
penne  benne  ;  il  faut  dédoubler  les  nasales  et  rejeter  le  premier 
n  sur  la  voyelle  précédente ,  appuyer  et  prolonger  le  son  en 
cette  manière  :  fontin-ne.  En  cette  position,  en  sonne  comme 
ain;  aussi  bien  l'une  et  l'autre  variantes  sont-elles  mêlées  en 
rime  indifféremment,  sans  souci  de  leur  origine  scientifique- 
ment distincte  :  fontenne  sepmenne  grenne  1 1 ,  cstrainne  sep- 
mainne  chainne  109,  enseigne  prengne  sovengne  plaingne  186, 


442  ÉTDDE  DU  TEXTE. 

Halenne  rengne  Lorenne  242  (alias  Loherainne,  trisyllabique). 
—  Même  chose  pour  oin-ne  :  moinne  moynne  <33  cf;  'poinne 
passira.  On  verra  bientôt  que  les  sons  an  et  on  s'identifient  l'un 
avec  l'autre  ,  c'est  ce  qui  explique  le  mélange  en  rime  de  la 
double  désinence  ain-ne  et  oin-ne  dans  les  couplets  suivants,  35  : 
ammoinne  poinne  assoinne  awainne;  56  :  poinne  (verbe)  poinne 
(nom)  amoinne  awoinne;  74  :  ramainne  demainne  poinne 
assoinne  ;  205  :  painne  essoinne  Anthoinne  ;  rapprochez  going 
63  g  {gaing  M)  et  gaingniet  95  f ,  gaingnont  120  f. 

Il  reste  à  examiner  les  différentes  dégradations  dont  les 
voyelles  nasales  pures  peuvent  être  affectées. 

—  an  et  en  sont  homophones,  et  s'emploient  l'un  en  place 
de  l'autre ,  alors  même  que  en  représente  le  lat.  in  :  Entecris 
39  g,  Antheeris  263  f;  ans  an  {intus  inde)  127  f,  151  f  et  ail- 
leurs {ens  115  b);  bancens  34  d,  186  b,  lancent  {banni  signum) 
en  rime  avec  cent  Vincent  du  couplet  31  ;  samblant  sam- 
blent  23  a,  74  d,  ardent  ardant  151  1,  188  c,  219  f,  vengence- 
viltance  semblance  demonstrance  274;  estans  187  1  qui  est  mal 
orthographié  pour  atains  «  atteint  »,  montre  que  la  diphth.  ai 
s'est  maintenue  à  l'état  intensif:  estd{i)ns;  de  même  aitis  [an- 
tea)  est  noté  ans  qui,  pour  la  forme,  se  confond  avec  ans  {in- 
tus)', Urbain  rime  avec  Montabant  K  27,  30. 

—  on.  Dans  le  langage  populaire  de  Metz,  on  provient  de 
sources  multiples  ;  ce  caractère  représente  en  effet  soit  o  +  n 
d'origine,  soit  o  +  n  d'analogie  ou  d'assimilation,  soit  en  an  dont 
la  voyelle  est  devenue  o.  Dans  la  première  catégorie  figurent  les 
mots  communs  à  toutes  les  branches  de  la  langue  d'oïl,  tels  que 
les  pron.  et  adj.  on,  mon,  son  et  autres  qu'il  n'y  a  pas  lieu  de  rele- 
ver ici.  —  La  seconde  classe  est  plus  spéciale,  elle  comprend  les 
mots  qui  en  français  s'écriraient  par  ou,  comme  l'art,  et  pron. 
Ion  don  32  g,  47  f,  68  b,  on  (=  ou  notation  dialectale  de  eu  = 
el  =  en  le)  très-fréquent,  non  266  d  forme  parallélique  à  nou 
=  nel  z=.  ne  le,  l'adv.  on  {=. ou,  lat.  ubi,  aut,  apud)  passim  (1  ).  — 

(1)  Toutes  ces  formes  sont  des  plus  communes  dans  les  chartes  dès  la 
fin  du  xiiie  siècle.  Par  une  sorte  de  compensation  ordinaire  en  pareil  cas, 
on  d'origine  devient  ou;  c'est  ainsi  qu'on  rencontre  très-souvent  les  posses- 
sifs moî<  tau  sou,  l'adv.  ensou  {=eniiom,  in  mimmum)...  même  devant  une 
voyelle.  Cf.  au  Glossaire  sous  en  on. 


GRAMMAIRE. -SEMI-CONSONNES.  445 

L'absorption  de  en  an  par  on  est  la  résultante  de  la  tendance 
déjà  signalée  qui,  dans  le  dialecte  messin,  fait  évoluer  les  voyel- 
les suivant  la  gamme  i  e  a  o  ;  d'où  la  conséquence  que  cette 
permutation  était  accomplie  à  une  époque  antérieure  à  celle  où 
n  a  perdu  sa  valeur  propre  pour  prendre  le  son  nasal  en  s'atta- 
chant  à  la  voyelle  précédente.  Voici  quelques  ex.  de  cette  mo- 
dification :  on  greniers,  on  seliers  5  d  e,  on  =  en  10  f;  par 
contre  on  {homo)  est  noté  en  214  g,  E  144. 

—  in.  Le  son  de  cette  voyelle  nasale  est  d'une  nature  telle 
qu'on  ne  peut  s'en  faire  une  idée  qu'en  l'entendant  prononcer. 
Il  est  si  difficile  à  fixer  par  l'écriture  que  les  scribes  messins 
ont  eu  recours  à  diverses  combinaisons  pour  le  transcrire.  C'est 
ainsi  que  la  syllabe  finale  de  eschevin  se  trouve  écrite  de  cinq 
ou  six  façons  différentes  :  in  -  ig  -  ing  -  igné  -  ingne.  Cette  ré- 
sonnance  nasale  mouillée  affecte  non-seulement  les  mots  termi- 
nés par  in,  mais  encore  ceux  qui  ont  pour  finale  i  pur  :  ane- 
mins  ennemin  ennemins  57  b,  101  b  128  e,  241  c,  etc.,  en 
regard  de  nombreux  cas  de  ennemis  amys  ;  de  même  prinsent 
prins  prinse  des  v.  «  prendre,  priser  »  se  rencontrent  avec  les 
mêmes  formes  en  i  pur.  La  nature  de  cette  résonnance  est  tel- 
lement fluide,  qu'il  n'est  pas  étonnant  de  ne  pas  la  voir  notée 
par  l'écriture  :  c'est  ainsi  que  je  relève  chemis  48  g  (1). 

§  IV.  —  Semi-consonnes. 

Intermédiaires  et  lien  de  jonction  entre  le  consonantisme  et 
le  vocalisme,  les  semi-consonnes  offrent  quelques  caractères 
spéciaux.  Les  cas  relevés  dans  notre  texte  affectent  principale- 
ment l  en  position  et  \o. 

-al  devient  au,  avec  faculté  de  réduction  en  a  ;  façon  1 3  a  et 
même  faicon  117  e  (cf.  sous  A),  varroit  31  f,  favel  102  g,  hea- 
"235  c,  Sanois  291  a. 


(1)  Le  Poëme  n'offre  que  cet  unique  exemple,  mais  le  peu  de  consis- 
tance de  cette  ondulation  nasale  est  confirmée  par  des  formes  comme  Mar- 
tis,  Jennis,  Aurowis,  Erluys,  etc.,  qui  se  rencontrent  dans  des  chartes  du 
commencement  du  xiiie  siècle  ;  chemis  n'est  donc  pas  une  faute  du  co- 
piste, en  outre  cf.  cumis  au  Glossaire  sous  povre.  —  Sur  in  en  cette  valeur, 
cf.  pour  plus  de  détails  Romartia,  II,  258. 


tHili  ÉTUDE  DU  TEXTE. 

-el  s'éteint  en  ci  è  :  quarel  quairrés  quaireh  76  c,  222  d  («t  M), 
veil  102  a,  etc.  La  présence  de  /  dans  ces  mots  et  autres  ana- 
logues [coutelz,  novel)  est  purement  ligurative  de  l'étymologie, 
mais  non  de  la  prononciation.  Les  chartes  écrivent  vies,  aigneis, 
coutei,  et  le  Poëme  fournit  lui-même  deux  gonros  d'arguments 
à  l'appui  de  notre  proposition.  Le  premier  est  la  substitution 
de  t  à  l  dans  les  mots  à  désinence  el  :  hosteilt  157  d,  hosteit 
passim,  autreteii  126  g,  et  l'orthographe  si  fréquente  tcU  pour 
tel  teil.  —  Le  second  est  la  notation  de  é  ei{t)  par  el.  Il  est 
clair,  en  effet  que  «  côté  »  ne  modifie  pas  sa  prononciation 
suivant  la  double  notation  costeit  et  costel  85  f;  et  de  même 
«  fossés  »  aura  beau  s'écrire  foucels  181  g,  il  ne  s'en  pro- 
noncera pas  moins  faussés  182  a,  183  a,  184  a  e.  On  pour- 
rait donner  maints  autres  exemples  tirés  des  documents 
contemporains,  qui  tous  concourent  à  prouver  que  la  liquide 
persiste  le  plus  souvent  dans  l'écriture,  mais  n'est  de  nulle  va- 
leur dans  la  prononciation  :  el  cil  =  é  ei.  —  La  transformation 
de  el  en  ei  est  exclusive  de  la  permutation  en  eau,  du  moins 
dans  la  bonne  époque  du  dialecte  messin.  La  désinence  iul  iau 
de  martialz  29  c,  biaulx  54  c,  quairiauh  \  32  c,  doit  être  at- 
-  tribuée  à  une  influence  étrangère,  champenoise-bourguignonne, 
la  pure  forme  messine  et  lorraine  étant  pour  ces  mêmes  mots 
martelz-teis,  quairielz-^eis  (ci-dessus  quaitrés). 

-il.  La  notation  eau  {ea  ia  iau)  est  réservée,  dans  la  langue 
de  Metz,  au  groupe  il  en  position.  Le  pronom  illos  et  son  com- 
posé eccillos  donnent  les  dérivés  ealx  ùalz  eauh  ialx  uulz-cealx 
ceaulz  cialz  ciaulz,  passim  (1).  Maints  textes  plus  patois  encore 
que  notre  Poëme  ne  s'arrêtent  pas  à  ce  point,  ils  continuent 
l'évolution  commencée  et  arrivent  à  ceos  ceous  sous.  —  Le 
neutre  eccillud  a  produit  ceu  (se)  et  sou,  cette  dernière  forme 
à  l'état  d'unique  exemplaire  dans  105  c. 

Pour  la  gutturale  c,  son  atténuation  en  i  est  un  fait  com- 
mun aux  diverses  branches  de  la  langue  d'oïl  ;  elle  ne  donne 
lieu  ici  à  aucune  remarque  spéciale. 

(1)  Remarquer  en  passant  dans  185  g,  Et  ealx  massons  pour  eai's.  g ar- 
rir,  une  bévue  du  copiste  qui  confond  sous  une  même  orthographe  l'article 
Il  aux  »  {au:  dans  le  vers  précédent)  et  le  pronom  «  eux  ». 


GRAMMAIRE. —CONSONNES.  ftW 

Même  observation  pour  i  (e)  post-tonique  et  suivi  d'une 
voyelle  {-ium,  -iat),  dont  la  consonnification  en  yot  n'offre  de 
particularités  qu'au  subjonctif  de  certains  verbes  (voy.  les 
exemples  ci-dessous,  p.  433). 

Il  n'en  est  pas  de  même  du  iv,  très-fréquent  dans  les  textes 
messins.  Son  emploi  est  différent  selon  qu'il  se  trouve  placé  en 
tête  ou  dans  le  corps  du  mot  ;  c'est  de  ce  dernier  cas  seul  que 
nous  avons  à  nous  occuper  ici.  Médian  intervocal,  w  est  une 
pure  épenthèse  n'ayant  d'autre  effet  que  d'allonger  le  son  de 
la  voyelle  précédente  ;  c'est  un  redoublement  du  son  qui  vient 
d'être  émis,  et  sa  valeur  est  à  peu  près  celle  du  fr.  on.  Voici 
quelques  exemples  de  w  intercalé  :  Andowart  64  a,  203  a, 
209  f,  pauivillons  pawillons  87  c  M,  93  c  M,  loweit  79  f,  lowange 
100  e,  aloive  il7  c  M,  Endowairs  268  a,  cowars  268  c  (cf.  co- 
hardie  79  g),  awe  auwe  iawe  yauwe,  passim. 

§  V.  —  Consonnes. 

a)  Consonnes  simples. 

Gutturales.  —  G  initial  se  durcit  en  c  dans  crape  81  f  (1)  ; 
croaille  93  g,  craoille  M/=  v.  fr.  graille,  n.  fr.  grille)',  —  g  c  final 
s'aspire  en  ch  :  bourch  Lucembourch  63  a,  78  a,  86  a,  Sallebru- 
che  73  a.  —  Le  lu  germanique  (fr.  gii)  persiste  çà  et  là  en 
initiale  :  ivayn  14  f  M  {vayn  P),  waigiere  22  c  f,  149  b,  wart 
en  composition  dans  Dieidoiuart  Deidewart  64  f,  203  f ,  rewart 
rowart  rouwart  64  c  M,  240  c,  268  f,  ivarnisons  191  c,  wa- 
cons  224  f,  et  dans  quelques  noms  de  lieu  :  Waran,  Wer- 
merange,  Wernepet,  Wairize,  Waidrinoue,  Wirey,  Wappey. 
Cette  notation,  qui  est  de  règle  à  Metz  pour  la  bonne  époque, 
commence  à  céder  la  place  au  gu  français  :  guise  14  e,  going 
63  g,  gaites  G  126,  et  les  formes  verbales  gaingniet  gaignait 
gaingnont  garentir  garis  garnies  etc.  (voy.  au  ÛLOSSAmE,  sous  g). 
La  valeur  étymologique  de  lo  échappe  à  notre  auteur  ;  et  de 

(1)   Le   Psautier  lorrain,  texte  du   xiv»  siècle,  dont  nous  préparons  l'é- 
dition, présente  ce  même  mot  et  plusieurs  autres  cas  analogues. 


446  ÉTDDE  DU  TEXTE. 

même  que  le  g  latin  et  roman  se  substitue  au  iv  dans  les  mots 
d'origine  germanique,  de  même,  par  une  assimilation  inverse,  lo 
s'introduit  en  place  d'une  gutturale  et  même  d'une  labiale  la- 
tine, comme  dans  Wandre  3  g,  awainne  awoinne  35  g,  56  g, 
yawe  97  d,  118  b,  278  f,  weudier  98  a  M,  reproioier  117  f, 
wUlairt  135  d,  xvaudexour  wadessoiir  waudessour  150  a,  202  a, 
222  a,  291  e,  oivraige  245  f.  Dans  la  plupart  de  ces  mots,  iv  se 
prononce  «,  à  l'exception  de  yawe,  qui  se  trouve  fréquemment 
écrit  iaue,  et  dans  lequel  w  fait  fonction  de  semi-voyelle  (sans 
doute  sous  l'influence  du  vieux  haut  allem.  aïoa)  (1).  Telle  est 
aussi  la  valeur  du  iv  germanique,  ainsi  que  l'atteste  formelle- 
ment la  notation  rouart  64  c,  en  rime  avec  Andowart  Dieii- 
lowart. 

Sifflantes  et  aspirées.  —  S  est  toujours  dur,  même  entre 
deux  voyelles  ;  il  est  le  plus  souvent  noté  par  ss  x  ;  csglisse 
cglisse  14  b,  113  b,  embrassée  65  g,  maison  maixierc  77  g, 
maxon-s  mauxon  29  b  M,  77  e  g  M,  133  g  M,  pliissieurs 
119  c,  corvixiers  128  d,  waiidexour  wadessoiir  150  a,  202  a, 
222  a,  291  e,  valxist  valcist  261  g,  268  g,  Taisons  Staixons 
243  1,  D  12;  —  s  médian  tombe  dans  Poujoie  215  a  =  Poiijoisc 
{Podiensis)f  nom  de  l'une  des  familles  les  plus  considérables  de 
Metz.  L'expression  «  tombe  »  n'est  rigoureusement  exacte  que 
pour  l'écriture;  dans  la  prononciation,  la  sifflante  est  remplacée 
par  une  aspiration  que  les  textes  populaires  notent,  suivant  les 
temps,  para;  hj  rh  ;  j'ai  déjà  cité  l'exemple  de  demoiselle  devenu 
successivement  domexalle,  dame j aile,  dieumehole;  maison,  que 
le  patois  dit  mohon  mojon,  s'écrit  ordinairement  au  xni"=  siècle 
maixon  mauxon;  rah'hin  =z  raisin,  serhon  =  saison  (2).  Notre 
texte  ne  semble  point  connaître  x  en  valeur  d'aspirée  =  ch,  j; 
les  seuls  exemples  assurés  sont  des  noms  propres  d'hommes 
ou  de  lieu  comme  :  Allexey  68  c,  Xeides  68  f  (pron.  «  Olgyj 

(1)  Une  variante  orthographique  est  owe  oue,  qui  entre  en  composition 
dans  Waidrinoue  ci-dessus  ;  -owe  oue  aue  est  la  désinence  habituelle  des 
subst.  et  part.  fém.  en  -ue  :  cherrowe,  plowe,  raue,  pecdaiie  {=  charrue,  pluie, 
rue,  perdue). 

(2)  Le  wallon  emploie  aussi  l'aspirée  h  en  remplacement  de  s,  dans  lés 
mots  où  la  éifflante  est  en  position,  ainsi  :  hehte,  tehte,  gahter. 


GRAMMAIRE. —  CONSONNES.  •  WJ 

ChieuUes  >>) ,  Xappeis  et  p.-e.  xappéz  E  139,  sur  lesquels  cf.  au 
Glossaire;  quant  kxeans  F  14S,  la  seule  raison  de  cette  ortho- 
graphe insolite  de  «  céans  »  est  que  la  composition  abécédaire 
de  cette  poésie  exigeait  en  cette  place  un  mot  commençant 
par  X.  Un  autre  témoignage  du  peu  de  goût  de  notre  texte 
pour  cette  sorte  d'aspiration,  pourtant  caractéristique  au  plus 
haut  degré  du  parler  de  Metz,  est  fourni  par  21  b,  qui,  dans 
l'une  de  ses  rimes,  remplace  ch  par  ss  :  loches  parroches  clas- 
ses reproche. 

Il  faut  cependant  noter,  à  titre  d'exception,  le  mot  creelle 
14  d  {crehelle  M  cochelle  D),  qui  ne  compte  que  pour  deux  syl- 
labes. La  forme  complète  semble  être  celle  de  D  (si  cochelle 
est,   comme  je  le  pense,  le  diminutif  de  couetche,  nom  d'une 
espèce  de  prunes  dans  le  patois  messin);  sous  l'effet  de  l'aspi- 
ration, les  deux  premières  syllabes  de  cochelle  se  contractent 
violemment  en  crhoelle  crh'eelle  chr'elle,  que  PM  se  sont  éver- 
tués à  rendre  de  leur  mieux  (1).  Au  reste,  cette  aspiration  est, 
comme  la  mouillure  nasale,  l'un  des  deux  ou  trois  caractères 
typiques  du  patois  messin  ;  l'écriture  est  impuissante  à  noter 
l'un  et  l'autre  avec  une  suffisante  exactitude  ;  on  ne  peut  s'en 
faire  une  idée  juste  que  par  l'ouïe.  En  présence  de  ces  parti- 
cularités de  phonétique  locales,  on  s'explique  les  tâtonnements 
des  scribes  dans  leurs  essais  multiples  de  notation,  et  l'on  s'ac- 
cordera à  reconnaître  avec  nous  l'équivalence  des  caractères  s, 
ss,  e,  ch,  X,  h,  j,  rh,  employés,  selon  les  temps  et  le  caractère 
plus  ou  moins  public  des  documents,  à  marquer  l'aspiration, 
de   plus  en  plus  prononcée  suivant  l'ordre  dans  lequel  ces 
mêmes  caractères  sont  rangés. 

Z  remplace  très-fréquemment  s  à  la  fin  des  mots  même  à 
terminaison  féminine  ;  c'est  surtout  dans  les  «  Poésies  di- 
verses »  annexées  au  «  Poëme  »  que  cet  usage,  général  dans 
les  textes  lorrains,  dégénère  en  abus. 


(1)  De  cet  exemple  ne  pourrait-oii  conclure  à  d'autres  qui  auraient  existé 
dans  l'original  ?  Le  commencement  du  xiv"  siècle  est  l'époque  où  les  textes 
sont  les  plus  riches  en  ce  genre.  On  en  viendrait  alors  à  admettre  que  la 
sourdine  imposée  aux  cas  possibles  d'aspiration  est  le  fait  du  copiste  du 
xv«  siècle  ;  ce  serait  une  nouvelle  marque  de  l'influence  française. 


tA8  ËTUDE   DU  TEXTE. 

Labiales.  —  Rien  à  signaler  que  la  notation  de  p  b  v  par  w, 
dont  j'ai  relevé  les  cas  (cf.  plus  haut,  sous  lo  consonne). 

Liquides.  —  Permutation  de  /  en  r  ;  corpe  268  g  ;  —  r  tombe 
fréquemment,  non  sans  affecter  la  voyelle  précédente  ;  dans  ce 
cas,  a  0  deviennent  ai  au,  oi  ou.  Aux  exemples  donnés  sous 
chacune  de  ces  voyelles,  j'ajouterai  seulement  ceux  de  maibrc 
A  2,  Emblais  i7f)  &^=Amblard. 

Nasales.  —  On  a  vu  plus  haut  (p.  4ii-3)  de  quelle  façon  la 
nasale  dentale  affecte  les  voyelles.  Considérée  purement  comme 
consonne,  il  y  a  lieu  de  relever  sa  tendance  à  prendre  le  son 
mouillé,  même  en  position  initiale  :  TadJ.  «  neufs  »  est  écrit 
gnetis  12  c  en  rime  avec  Vezeneuf,  plus  ordinairement  ortho- 
graphié dans  les  chartes  Vezignuef  Vexignuel,  et  qui  est  donné 
par  M  sous  une  notation  identique.  —  La  nasale  labiale  m 
s'emploie  parfois  pour  n;  Moms  i98  f,  baiems  249  c,  emE  14i. 

Dentales. — Substitution  de  la  douce  à  la  forte  :  perde  (subst. 
participial)  32  d,  H  75,  duché  73  cz=«tiche  »  {teutsch). 

b)  Consonnes  groupées  et  adventices. 

Sous  cette  rubrique  seront  rapidement  passées  en  revue  les 
différentes  modifications  opérées  dans  le  corps  des  mots  par 
la  chute  des  consonnes  étymologiques  ou  au  contraire  par 
l'intrusion  de  consonnes  adventices. 

Apocope.  —  D'une  manière  générale,  les  finales  sonores  s'é- 
teignent en  sourdes,  et  les  sourdes  tombent,  d'autant  plus  faci- 
lement que  le  discours  est  plus  familier  et  le  style  plus  rap- 
proché du  langage  populaire.  De  ce  fait,  nos  textes  présentent 
de  nombreux  exemples,  ainsi:  rot  227  c  {roc  H  198),  la  dé- 
sinence eit  devenant  et  ey  dans  honorey  demorey  91  e  g,  es- 
pargney  93  c,  ferrey  116  a,  et  beaucoup  d'autres  (cf.  entre 
autres  ei{t)  devenant  e/,  ci-dessus);  —  il  devant  une  consonne 
se  réduit  parfois  à  i  49  b,  113  c,  277  c. 

Mais  de  toutes  les  lettres,  la  plus  fluide  est  r,  qui  tombe 
aoit  avant,  soit  après  toute  autre  consonne  :  entepris  103  a, 
soupris  103  c,  apagneront  llo  g,  murte  248  b  (alias  murtre 
murtrour),  arde  (inf.)  250  b,  perde  (inf.,  patois  «  pecde  ») 
275  g  ;  pour  les  rimes  :  maide-laidre  107  P;  preste-beste  areste 


GRAMMAIHE.  —  CONSONNES.  649 

feste  223,  -geste  teste  moleste  273  ;  orde  estorde-remordre  wpr- 
dre,  261, etc.  —  «  Messire  »  est  apocope  en  messi  282  a;  l'a- 
pocope est  exigée  par  la  mesure  ;  le  manuscrit  ne  l'eût  pas 
donnée  qu'on  aurait  été  autorisé  à  la  pratiquer,  à  l'imitation 
des  cas  similaires  rencontrés  dans  les  chartes  dès  la  pre- 
mière moitié  du  xiu"  siècle.  —  L'adverbe  «  sans  »  est  écrit 
sen  en  plusieurs  endroits,  notamment  dans  237  f,  239  g,  261  d, 
279  d.  Cette  orthographe  est  la  seule  rationnelle,  ïs  final  étant 
paragogique. 

Épenthése  et  paragoge.  —  Les  seules  consonnes  épenthé- 
tiques  dont  nous  ayons  à  nous  occuper  sont/i,  /  et  f.  La  pre- 
mière s'introduit  dans  ensemblée  o7  b,  Endowart  et  ses  diverses 
variantes  orthographiques  64  a,  91  g,  127  g,  240  f,  enqui  88  d, 
et  quelques  autres.  La  seconde  est  d'un  emploi  plus  fréquent  et 
plus  complexe,  mais  toujours  dû  à  une  assimilation  erronée  ou 
à  une  fausse  analogie.  De  ce  que  Vu  de  «autre,  outre»  repré- 
sente /  dans  le  latin  alter  ultra ,  et  peut  logiquement  lui  céder 
la  place  dans  les  doublets  «  altre  oltre  »,  la  demi-science  des 
scribes  s'est  ingéniée  à  substituer  l  à  u  dans  tous  les  cas,  même 
et  surtout  dans  ceux  où  les  diphthongues  au  ou  ne  représentent 
que  l'épaississement  du  son  des  voyelles  pures  a  o,  sans  l.  Les 
chartes  abondent  en  restitutions  étymologiques  de  cette  force  : 
testalmant  à  cause  de  testaumant  =  testamant,  bolz  à  cause  de 
bouz  =  boz  =  boiz  =  bois,  etc.  Notre  poëme  est  moins  riche  ; 
il  se  borne  à  offrir,  comme  exemples  de  la  prétendue  réversion 
de  u  en  l,  ceux  de  polt  46  e  =  pont  {potuit)  ;  oit  {habiiit)  62  c, 
155  f,  188  f,  217f,^32f,  etc.,  doublet  de  owf  64  b,  77  d,  101  a, 
l'un  et  l'autre  côtoyant  la  forme  primordiale  ot  155  a,  221  d, 
232  a  ;  de  même  à  la  3°  pers.  pi.  olrent  65  b,  244  f ,  290  g. 
—  Pour  la  diphthongue  ei,  le  phénomène  est  identique  dans  la 
cause  et  l'effet,  différent  seulement  par  le  moyen.  On  a  vu  que 
el  s'aplatit  normalement  en  ei,  eh  bien!  ei  pourra  redevenir 
el  toujours  et  partout,  quand  même  il  représente  le  lat.  -atem 
-atum,  et  non  -ellum.  Si  cultellum  a  donné  coutel  éteint  en  cou- 
tei,  par  analogie  costeit  costei  de  costaticm  s'adjoindra  l  :  costel 
35  f ,  qui  rime  avec  boutei  douteis.  On  aura  de  même  d'une  part 
faussés  182  a,  183  a,  184  a  e,  et  d'autre  part  foucels  181  g.  C'est 
ainsi  que  s'explique  encore  tilz  29  d  [tectum)  par  les  intermé- 

29 


UltO  ÉTUDE  DU  TEXTE. 

diaires  telt  tel  29  d  M,  127  d  M,  où  e/  est  une  équivalence 
locale  de  ei  dans  la  forme  normale  teit.  Dans  col,  colz  80  e, 
100  1,  210  e,  269  e,  282  e,  296  d,  bien  que  la  liquide  soit  d'o- 
rigine {colpus  p.  colaphus),  il  est  plus  sûr  d'admettre,  pour 
notre  époque  et  notre  auteur,  que  l  est  aussi  une  réversion  de 
Vu  de  «  couz,  coups  ».  Notons  encore  escul  o9  f  M,  esperil  H9  g, 
dans  lesquels  la  liquide  se  substitue  à  la  dentale  apocopée,  et 
les  cas  où  /  est  'purement  paragogique,  tels  que  il  pour  i  y 
182  b  f,  quil  ^  qui  1  g,  249  c  d  (on  vient  de  voir  l'accident 
inverse  :  i,  qui,  au  lieu  de  il,  quil). 

f  est  épenthétique  dans  chargiefs  A  d  et  quelques  autres.par- 
ticipes  à  terminaison  analogue  {merchief  M  d  M,  chevalchief 
huchief  trabuchief  108  M).  L'introduction  de  la  labiale  en  cette 
désinence  est  due  sans  doute  à  une  assimilation  erronée  avec 
des  mots  tels  que  «  chief  meschief».  Dans  les  bas  temps,  chief 
représente  aussi  souvent  casam  que  caput. 

Restent  maintenant  à  examiner  les  cas  où,  par  rapport  au 
français,  le  dialecte  de  Metz  est  rebelle  à  l'épenthèse.  Ces  cas 
sont  au  nombre  de  trois  dans  notre  texte  :  les  groupes  Ir  nr  se 
refusent  à  l'épenthèse  du  d,  le  groupe  sr  à  celle  du  t.  Voici 
quelques  exemples  pour  les  deux  premières  catégories  :  vurroit 
31  f ,  voiront  47  d,  penre  et  ses  composés,  passim,  genrez  tenrez 
F 154-0,  etc.  En  pareil  cas,  l'assimilation  de  l  kr  est  ordinaire  ; 
les  mots  qui  la  comportent  accusent  par  cela  même  une  date  an- 
térieure à  celle  de  l'aplatissement  de  l  en  u.  —  Quant  au  groupe 
sr,  la  non-épenthèse  du  <  a  pour  effet  de  produire  des  parfaits 
de  la  conjugaison  forte  à  désinence  sifflante  ou  aspirée,  bien 
caractéristique.  Le  latin  miserunt,  par  exemple,  donne  «  mis'- 
rent»=fr.  anc.  mis-t-rent;  ceux  des  dialectes  qui  n'ont  pas 
admis  le  t  épenthétique  ont  rejeté  soit  s,  d'où  le  fr.  nouv.  «  mi- 
rent »,  soit  r,  d'où  le  lorrain  (et  picard)  (t  misent»,  plus  forte- 
ment accentué  à  Metz,  conformément  au  génie  local,  en  «  mis- 
sent minxent  ».  De  là  la  désinence  xent  passe  indistinctement  à 
tous  les  parf.  forts  :  «  tinxent  vinxent  »,  dont  on  trouvera  les 
exemples  à  l'article  de  la  Conjugaison. 

Prosthése.  —  La  permutation  ordinaire  d'e  en  a  permet  de 
constater  que  la  sifflante  initiale  des  groupes  se,  sp,  st,  ne  se 
faisait  plus  entendre  depuis  longtemps  dans  la  prononciation. 


GRAMMAIRE.  -  FLEXION  CASUELLE.  asi 

C'est  ce  qui  résulte  des  notations  suivantes  de  es  roman  en  a 
dialectal  messin  :  apesseïne7it  98  g,  apagneront  1  i  5  g ,  apin- 
gole  118  a,  aploitiet  146  b,  achecqiie  io3  g,  etc.  Là  où  s  est 
resté  en  compagnie  de  e,  c'est  comme  notation  traditionnelle  ou 
prétention  scientifique.  Ces  formes  ne  peuvent  donc,  à  notre 
point  de  vue,  prévaloir  contre  les  mêmes  formes  réduites  en  a; 
en  effet,  espingole  114  f,  116  f,  187  a,  est  commun  aux  divers 
rameaux  de  la  langue  d'oïl  ;  c'est  l'orthographe  classique,  tan- 
dis que  apingole  est  la  figuration  du  même  mot,  tel  qu'il  sort 
de  la  bouche  du  paysan  messin  et,  par  ainsi,  marqué  au  coin 
du  génie  local  et  populaire. 

2.    FLEXION. 

a)  Déclinaison. 

Dans  l'état  où  le  Poëine  nous  est  parvenu,  personne  ne  s'at- 
tendra à  y  voir  les  règles  de  la  déclinaison  scrupuleusement  ob- 
servées. Par  la  date  seule  de  sa  composition,  il  appartient 
d'ailleurs  à  une  époque  où  la  flexion  casuelle  commençait  à  dé- 
périr ;  c'est  en  effet  dans  la  première  moitié  du  xiv"  siècle  que 
s'accomplit  l'évolution  grammaticale  qui,  en  supprimant  la  dé- 
clinaison à  deux  cas,  clôt  l'ère  de  l'ancien  français  et  ouvre 
celle  du  français  moderne.  Bien  que  la  situation  topographique 
du  dialecte  messin  l'ait  rendu  moins  accessible  que  les  dia- 
lectes du  centre  à  ces  influences  nouvelles,  bien  que  les  textes 
contemporains  aient  conservé  des  vestiges  plus  nombreux  et 
mieux  marqués  de  l'état  primitif  de  la  langue,  nous  ne  nous 
sommes  cependant  pas  cru  autorisé  à  supprimer  les  fautes 
contre  la  déclinaison  et  à  rétablir  les  formes  correctes.  C'eût 
été  encourir  le  reproche  fondé  d'avoir  voulu  faire  autrement  et 
mieux  que  l'auteur  lui-même,  et  de  dénaturer  le  caractère  ori^ 
ginal  de  l'œuvre  sous  prétexte  de  le  restituer  dans  son  inté- 
grité native  :  dès  lors  le  présent  travail  eût  manqué  de  fon- 
dements certains. 

Sans  doute,  parmi  les  fautes  qui  déparent  le  texte,  il  en  est 
^n  bon  nombre  qui  peuvent,  en  toute  sûreté,  être  attribuées 


W2  ÉTUDE  DU  TEXTE. 

au  copiste  du  xv"  siècle.  Celles  qui  doivent  retourner  à  l'auteur 
ne  sont  guère  reconnaissables  qu'à  la  rime.  Tel  est  le  vers  : 

Ils  n'aimment  pas  murtrour  ne  lerre  (248  g), 

où  la  rime  guerre  forquerre  est  à  la  fois  cause  et  excuse  de 
l'infraction.  Il  en  est  de  même  pour  empereire  H  S8.  L'étude 
attentive  de  la  langue  démontre,  du  reste,  que  le  texte  origi- 
nal fut  écrit  avec  une  correction  suffisante  pour  le  temps. 

Il  n'y  a  pas  lieu  de  s'arrêter  plus  longuement  sur  ce  cha- 
pitre ;  je  ferai  seulement  remarquer  lie,  pron.  3*  pers.  sing. 
fém.,  dans  lequel  \'e  a  été  introduit  pour  le  distinguer  du 
masc.  li.  Le  dialecte  classique  ne  connaît  que  H  pour  les  deux 
genres,  mais  l'idiome  populaire  distingue  :  réservant  li  pour  le 
masculin,  il  emploie  pour  le  féminin  lei  (latin  rustique  illx)  ; 
lie  n'est  qu'un  doublet  de  lei,  créé  de  toutes  pièces  sur  le  mas- 
culin. J'ai  respecté  cette  orthographe,  d'autant  mieux  que  la 
mesure  compte  toujours  lie  pour  une  seule  syllabe. 

b)  Conjugaison. 

C'est  surtout  dans  la  conjugaison  que  le  génie  populaire  a 
donné  libre  cours  à.  son  action.  Laissant  de  côté  les  formes 
dont  les  diverses  modifications  sont  d'ordre  purement  phoné- 
tique (1),  j'énumérerai  rapidement  les  principaux  traits  de  la 
llexion  verbale  dans  notre  texte. 

Participe  passé.  —  ie  désinence  féminine  s'adjoint  un  i  dans 
ijarnieis  forbiei  en  rime  avec  batillies  114  P.  De  cette  fausse 
assimilation  de  la  quatrième  conjugaison  à  la  première,  pour- 
rait-on conclure  que  notre  auteur  (ou  le  copiste)  avait  le  senti- 

(1)  Chacune  de  ces  formes  a  trouvé  son  explication  raisonnée  dans  la 
première  partie  de  cette  étude  grammaticale.  Je  rappelle  seulement  ici  les 
déformations  les  plus  caractéristiques  pour  le  verbe  «  estre  »  :  ind.  iro  p. 
s»ing.  sus  253  d,  260  d;  imp.  3«  pers.  pi.  irrent  215  b,  291  a;  fut.  3»  pers. 
sing.  irent  .59  d  P.  Le  même  manuscrit  donne  estcit  .58  C  en  2*  pers.  pi. 
Serait-ce  déjà  le  patois  actuel  ateiis  (d'où  la  l'o  pers.  atans),  formée  par 
analogie  (chanteus)  avec  déplacement  de  l'accent?  Les  textes  contempo- 
rains ne  m'ayant  pas  fourni  d'exemples  similaires,  j'ai  eu  scrupule  de 
maintenir  esteit  en  cette  valeur. 


GRAMMAIRE.  —  FLEXION  VERBALE.  WS 

ment  de  la  réduction  inverse  [ieie  en  ic  ;  commencieie-ciee- 
cië)'!  En  tout  cas,  c'est  pousser  la  science,  même  par  analogie, 
beaucoup  trop  loin  que  d'affubler  le  masculin  de  cette  même 
désinence  comme  il  arrive  pour  norrieis  84  d  P ,  d'ailleurs  la 
,rime  réclame  norrois;  ovrie  79  a,  également  en  rime,  est  un 
exemple  intéressant  de  formation  analogique ,  régulière  cette 
fois. 

Indicatif  présent.  —  Dans  la  première  conjugaison,  la 
l"'  pers.  a  reçu  l'e  par  assimilation  à  la  3^  :  pence  aaisme 
215  c,  cuide,  etc.  Par  contre,  ce  même  e  est  tombé  dans  men- 
jiit  {manducat)  216  b  (1).  La  2°  pers.  pi.  est  régulièrement  eis 
pour  la  l'e  conj.  [-dtis),  d'où  cette  désinence  a  passé  aux  au- 
tres conjugaisons,  dont  la  terminaison  normale  dans  notre  dia- 
lecte est  ois  {-itis-étis)  :  aw'ois  54  f,  ferais  F  80. 

Futur.  —  La  réduction  de  ai,  désin.  de  la  r°  pers.  sing.  en 
a,  est  effectuée  dans  voira  \  d,  paiera  3  g  (et  de  même  à  l'in- 
dicatif des  verbes  «  avoir  savoir»  a  G  46,  157^  sa  89  b,  J  72); 
—  la  3' pers.  se  termine  indifféremment  par  -ait  eit  et.  D'autre 
part,  la  désinence  ai  1'"^  pers.  s'adjoint  fréquemment  Vs  final 
de  la  2"  pers.  :  ditmis  B  1 ,  serais  G  3,  etc.,  et  de  même  à  l'indi- 
catif de  «  avoir  »  ois  aix  146  2  c  M,  147  b  M,  228  c  M,  237 
ad  M,  et  au  parfait  l""**  conj.  esgardais  A  3,  12. 

Conditionnel.  —  ient  désin.  de  la  3®  pers.  pi.  par  assimila- 
tion k-iens,  i^^  pers.  pi.;  ex.  :  feirient  145  f,  avrient  E  25, 
scevient  G  75.  Cette  forme  est  commune  à  tous  les  temps 
dits  secondaires  (imparf.,  condit.,  subj.)'. 

Subjonctif  présent.  —  Outre  la  dérivation  normale,  com- 
mune aux  autres  dialectes,  la  langue  de  Metz  affecte  la  dé- 
sinence du  subjonctif  de  deux  manières  différentes,  en  ad- 
joignant au  thème  les  terminaisons  -ce  et  -oisse.  La  première 
appartient  en  propre  aux  verbes  de  la  4«  (et  2")  conj.  lat.,  à 
désin.  iam  {eam),  dont  Vi  est  devenu  yot,  rendu  en  roman 
par  {g)c  s  ;  ainsi  feriat  a  passé  par  feryat  pour  produire  fierge, 
et  à  Metz  /îerce  225  b,  en  vertu  d'une  loi  particulière  à  notre 


(1)  Manjut  maingiit  se  trouve  aussi  dans  le  «  Psautier  lorrain  »,  texte  de 
la  seconde  moitié  du  xivo  siècle.  —  Le  lecteur  sait  que  la  forme  actuelle 
"  manger»  est  contractée  de  «manjuer  ». 


4»  ETUDE  DU  TEXTE. 

dialecte;  de  même ressoice  247  d.  De  la  4«  conjug.,  la  désinence 
ce  s'est  introduite  par  analogie  dans  les  autres  conjugaisons , 
3*  conjug.  {-dm)  :  messe  124  b,  quierce  22o  g,  voise  7  f ,  et  !'• 
{-ém)  lanvoise  109  a,  2831(1).  — L'autre  désinence,  d'un  carac- 
tère plus  spécial,  très-fréquente  dans  les  textes  du  xiv*  siècle, 
et  notamment  dans  le  «  Psautier  lorrain  »,  a  fini  par  évincer  la 
première.  Comme  elle,  elle  se  rencontre  de  préférence  dans  les 
verbes,  où  elle  n'est  cependant  entrée  qu'en  vertu  de  l'analo- 
gie; -oice  oisse,  dérivé  de  -escam,  subj.  des  verbes  dits  in- 
choatifs  en  -escere ,  se  plaît  surtout  à  la  l""*  conjugaison. 
L'exemple  unique  fourni  ipar  le  «  Poëme  »  :  monstroice  3  f, 
ne  serait  pas  concluant  à  lui  seul,  si  les  «  Chartes  »  et  le 
«  Psautier  »  n'apportaient  de  nombreux  témoignages  de  cette 
préférence,  qui  s'explique  par  le  désir  d'unifier  les  désinences 
des  diverses  conjugaisons  pour  le  même  temps  (2).  Ainsi  donc 
le  subjonctif  de  la  1"  conjug.  a  revêtu  trois  formes  différentes  : 
lat.  donet  a  produit  d'abord  dont  doinst,  modifié  par  analogie 
aux  autres  conjugaisons  en  donge{t)  donoisse{t),  cette  dernière 
forme  éteuit  d'ailleurs  celle  qui  reproduit  le  thème  avec  le  plus 
de  fidélité;  de  là  sa  faveur  et  sa  persistance  dans  le  patois 
moderne  sous  la  notation  -eusse,  qui  figure  indistinctement  le 
prés,  et  l'imparf.  du  subj. 

Parfait.  —  J'ai  réservé  ce  temps  pour  la  fin,  en  raison  du 
nombre  et  de  l'intérêt  de  ses  flexions  désinentielles.  Là  encore 
il  faut  distinguer  la  1  '"''  conjug.  des  trois  autres  (réduites  en 
fait  à  une  seule,  la  4"  en  -ir)  et  faire  le  départ  entre  les  formes 
dues  à  la  loi  de  dérivation  et  les  produits  de  la  force  analo- 
gique. 

1"  conjugaison.  —  La  désinence  normale  pour  la  3"  pers. 
sing.  et  pi.  est  -ait  -airent,  dont  la  valeur  successive  pour  la 
prononciation  est  figurée  par  les  diverses  notations  :  dit  at 

(1)  Pour  ce  dernier  cas,  la  forme  régulière  est  envoit  94  g,  substituée  k 
envoise  M  et  envoie  P,  qui  présente  déjà  l'orthographe  moderne  analogique, 
mais  que  la  mesure  oblige  à  rejeter. 

(2)  Cette  terminaison  est  d'autant  plus  intéressante  à  signaler  qu'elle 
semble  avoir  appartenu  en  propre  à  la  région  extrême  nord-orientale  ;  en 
dehors  du  dialecte  de  Metz,  le  wallon  est  seul  à  la  posséder  sous  la  forme 
-fce. 


GRAMMAIRE.  —  FLEXION  VERBALE.  ft55 

—  dirent  arent  (diphth.  forte) ,  ait  eit  et  —  airent  eirent 
erent  (diphth.  faible).  La  première  catégorie  n'est  représentée 
que  par  un  seul  exemple  :  mandarent  o9  b  M  ;  le  ms.  P  ne  con- 
naît plus  que  les  désinences  à  diphth.  faible  :  mandèrent  S9  b, 
passèrent  aleirent  bouteirent  gitterent  127,  navreit  128  f,  lo- 
geit  ^30  g,  de  f  fiait  jurait  17S  b  e,  etc.,  etc.  —  Une  autre 
désinence  qui  commence  à  se  substituer  à  la  désinence  normale 
est  celle  de  la4<'conjug.  -it  -irent,  qui  n'a  cessé  dès  lors  d'é- 
tendre son  empire,  si  bien  que  le  patois  n'en  connaît  plus 
d'autre.  Notre  texte  ne  laisse  pas  d'en  présenter  un  certain 
nombre  :  chevalihirent  {sic)  73  e  P,  lassirent  83  c  P  (et  D),  res- 
samblirent  demandirent  acordirent  88  a  c  f,  enportirent  178  d, 
espargnirent  217  d,  rengirent  279  d.  A  l'exception  des  trois 
dernières,  toutes  ces  formes  sont  en  rime  (1). 

Dans  les  autres  conjugaisons,  il  est  à  signaler  un  double  état 
désinentiel  pour  le  parfait  fort  S"'  pers.  pi.  :  à  côté  de  la  forme 
commune  firent  vinrent  tinrent  coexiste  une  forme  locale 
avec  sifflante,  elle-même  susceptible  d'aspiration.  La  genèse  de 
cette  forme  a  été  exposée  p.  430  ;  il  ne  reste  qu'à  en  relever 
les  exemples,  en  faisant  remarquer  que  -i{n)sent  est,  logique- 
ment, antérieur  à  -i{n)xent  :  tinssent  31  a  M,  fissent  32  a  M, 
tinxent  240  d  M,  vinxent  260  c  M.  On  remarquera  que  P 
a  conservé  ou  rétabli  la  forme  commune  :  tinrent  vin- 
rent. 

Mais  où  ce  dernier  manuscrit  reprend  l'avantage  sur  le  pre- 
mier, au  point  de  vue  du  parler  populaire,  c'est  dans  les  deux 
dernières  désinences  qui  restent  à  étudier,  à  savoir  :  -ont  3®  p. 
pi,  du  présent  avec  sens  du  parfait,  et  -eit  -eirent  désin.  des 
verbes  de  la  4"  conjug.  L'une  et  l'autre  de  ces  formes  ayant 
été,  dans  une  précédente  étude,  l'objet  d'une  analyse  dé- 
taillée (2),  je  me  contenterai  de  résumer  ici  les  résultats  ac- 
quis. 


(1)  Je  n'ai  pas  cru  devoir  maintenir  dans  le  texte  chevalchirent  et  lassi- 
rent, qui,  dans  leur  couplet  respectif,  sont  isolés  à  l'égard  des  autres  par- 
faits rimant  en  -erent. 

(2)  Sur  -ont,  cf.  Bomania,  I,  337,  et  II,  251-5;  sur  -eit,  cf.  ibid.,  I.  339-9.  et 
II,  251  n.  2. 


ftSO  ÉTUDE  DU  TEXTE. 

-ont,  désin.  de  la  3*  pers.  pi.  du  prés,  de  l'ind.,  est  un  fait 
commun  à  tous  les  patois,  soit  qu'ils  l'aient  maintenue  en  cette 
orthographe,  soit  plus  souvent  qu'ils  l'aient  modifiée  en-dnt.  La 
3*  pers.  pi.  a  perdu  sa  désinence  atone  pour  adopter  celle  de  la 
l'^pers.  pi.;  -onf est  développé  par  assimilation  de  -6ns.  Voilà 
pour  la  forme  ;  quant  au  sens,  il  est  manifestement  du  parfait, 
ainsi  qu'en  témoigne  la  série  des  formes  verbales  employées 
concurremment  dans  la  suite  du  discours  :  giiimjnont  — 
firent  desperdirent  <20  f,  passèrent  aleirent  bouteirent  gitte- 
rent  —  entrant  127  f,  navreirent  guarderent  espieirent  pri- 
sèrent —  menant  179  a,  vallont  235  d.  Des  deux  autres  ma- 
nuscrits, M  a  maintenu  menant  et  vallont,  il  a  ramené  entrant 
au  prés,  entrent,  gaingnant  manque  ;  quant  à  D,  il  a  conservé 
guignant,  ramené  au  présent  mènent  et  valtent,  et  substitué  à 
entrant  sa  forme  régulière  de  psiTÎaÂi  entrèrent;  en  outre,  il 
possède  seul  ardont  167  b.  De  ces  exemples,  il  faut  retenir 
ceci  :  que  le  déplacement  de  l'accent  a  entraîné  un  change- 
ment de  sens.  La  forme  ainsi  affectée  est  sortie  de  sa  catégorie 
temporelle  pour  entrer  dans  une  autre,  ou  plutôt  elle  appar- 
tient à  deux  catégories  de  temps  :  par  la  forme,  elle  est  du  pré- 
sent; par  le  sens,  elle  est  du  parfait.  Cette  singulière  anomahe 
ne  s'est  développée,  du  moins  à  ma  connaissance,  que  dans  le 
patois  de  la  Lorraine  et  principalement  du  pays  messin. 

Si  la  désinence  -ont  est  relativement  moderne,  il  n'en  est  pas 
de  même  de  -eit  appliqué  en  désinence  au  parf.  de  la  4"  conjug. 
En  dépit  de  l'apparence,  il  ne  faut  pas  y  voir  une  assimilation  à 
la  1"  conjug.,  qui  avait  assez  de  mal,  cojnme  on  vient  de  le  voir, 
à  se  défendre  de  l'assimilation  inverse.  D'ailleurs  cette  forme 
n'est  pas  personnelle  aux  dialectes  de  l'Est,  et  dès  lors  il  n'y  a 
plus  d'assimilation  orthographique  pour  les  autres  dialectes  qui 
ont  leur  parfait  de  la  l'"  conjug.  en-at  -a,  au  lieu  de  -ait  -eit. 
Les  plus  anciens  textes  en  présentent  des  exemples  toujours 
assez  rares  ;  je  citerai  seulement  ceux  de  la  Chanson  de  Ro- 
land (éd.  Léon  Gautier)  :  abatiet  v.  98  et  1317,  respundiet 
V.  24H,  perdiet  v.  2793.  Ces  parfaits  et  leurs  analogues  appar- 
tiennent en  latin  à  des  verbes  en  -dere  {-tere),  qui  ont  été  trai- 
tés, dans  le  latin  rustique  et  dès  une  haute  antiquité,  comme 
des  composés  de  dare,  et  par  suite  rangés  dans  la  I  '•  conju- 


GRAMMAIRE.  -  FLEXION  VERBALE.  Û57 

gaison  (1).  Grâce  à  l'orthographe  locale,  cette  assimilation  est 
plus  formale  encore  dans  le  dialecte  lorrain  que  dans  tout 
autre  (cf.  le  fr.  chanta- abatiet,  et  le  lorr.  chantait-abatait, 
ce  dernier  ex.  tiré  d'un  document  en  patois  de  1338).  Comme 
toutes  les  manifestations  du  génie  populaire,  celle-ci  n'a  pas 
failli  à  reculer  les  bornes  de  son  domaine  originel  ;  des  verbes 
en  -didi  assimilé  à  -dedi,  elle  a  passé  d'abord  aux  verbes  ter- 
minés au  parfait  par  une  dentale,  soit  latine  soit  romane,  puis 
à  tout  verbe  quelconque.  Chacun  de  ces  trois  étiages  est  re- 
présenté respectivement  dans  notre  texte  par  les  exemples 
suivants  :  attenderent  73  d  (et  D) ,  pardeirent  2o4  f ,  partei- 
rent  desparterent  il  a  (et  M),  183  cP  ;  —  ceindeirent  122  d  (et 
MD),  ardèrent  163  b,  167  c  (etMD);  ardeit  133  a  conviendrait 
mieux  pour  le  sens  que  ardoit  donné  par  les  manuscrits  ;  —  fe- 
reit  129  c,  prenerent  138  b  P,  revinnerent  187  e  P.  Là  où  les 
autres  manuscrits  n'ont  pas  maintenu  la  désinence  de  l'original, 
ils  l'ont  modifiée  en  diverses  façons  :  entendirent  M,  perdirent 
MD,  ardirent  MD,  tous  trois  malgré  la  rime  -erent  de  leur  cou- 
plet Tes])eci\î  ;  partent  D,  despairtent  MD,  prinrent  M  pj-en- 
nent  D  ;  fereit  manque  dans  les  deux  manuscrits  secondaires  (2). 
Restreinte  dans  son  emploi,  cette  désinence  disparut  promp- 
tement  de  la  langue  classique  pour  ne  vivre  plus  que  dans  le 
parler  populaire.  Le  style  familier  de  notre  poëme  se  l'est  na- 
turellement appropriée.  C'est  ainsi  que,  grâce  à  son  peu  de 
valeur  littéraire,  à  sa  physionomie  de  document  personnel,  de 
chronique  privée,  grâce  aussi  à  la  négligence  de  sa  diction  et 
aux  autres  traits  caractéristiques  de  la  littérature  populaire, 
c'est  ainsi  qu'il  enchâsse  dans  un  même  ensemble  et  les  ar- 
chaïsmes, rejetés  par  le  mouvement  continu  de  la  langue  polie, 
et  les  néologismes,  produits  plus  ou  moins  organiques  destinés 
à  devenir  les  types  les  plus  accentués  de  la  langue  future.  On 
ne  saurait  trop  faire  remarquer  avec  quelle  ténacité  les  patois 

(1)  Voy,  les  exemples  réunis  par  M.  Schuchardt  dans  son  Vokalismuii 
des  Vulyxrlateins,  I,  35,  et  par  M.  d'Arbois  de  Jubainville  dans  Romania, 
II,  477. 

(2)  Un  autre  cas,  mais  tout  local  celui-là,  d'assimilation  à  la  l'e  conju- 
gaison est  celui  du  verbe  «  recueillir  » ,  dont  les  formes  reculiez  rectillerent 
semblent,  à  première  vue,  appartenir  à  «  reculer  »  voy.  au  Glossaire    s.  v. 


M8  fiTUDE  DU  TEXtE. 

maintiennent,  en  certains  cas,  les  traditions  primordiales  des 
âges  antérieurs.  C'est  le  génie  national  qui  les  inspire  aussi 
bien  pour  la  conservation  du  passé  que  pour  la  préparation  de 
l'avenir. 

Ces  considérations  seront  notre  excuse  pour  l'étendue  de  ce 
travail.  Les  textes  de  littérature  populaire  sont  si  rares  au 
moyen  âge,  les  patois  eux-mêmes  sont  si  près  de  leur  fin,  que 
ce  n'est  pas  un  hors-d'œuvre  d'analyser  avec  détail  les  élé- 
ments constitutifs  d'un  idiome  menacé  de  disparaître  sous  nos 
yeux. 


Syntaxe.  —  Deux  faits  seulement  à  noter  :  I"*  La  substitution 
de  «  être  »  à  «  avoir  »  dans  la  formation  des  temps  composés 
de  la  voix  passive  (ce  qui  revient  à  dire  que  le  verbe  «  être  » 
se  sert  d'auxiliaire  à  lui-même)  :  fussent  esteit  reculiez,  82  b  ; 
—  2*  Un  sujet  collectif  sing.  peut  gouverner  le  verbe  au  plur.  : 
Pour  si  (jrmit  gent  sont  esmaieit  76  d,  on  voiront  F  168.  En 
cette  valeur  sylleptique,  le  pronom  indéfini  on  est  d'un  emploi 
Irès-fréquonl  dans  les  Chartes  de  Metz. 


Versification.  —  Je  terminerai  ce  qui  a  trait  à  la  constitu- 
tion du  texte  par  quelques  observations  sur  la  versification. 

Le  commentaire  placé  en  tête  de  chacune  des  «  Poésies  di- 
verses »  indique  le  genre  de  mesure  et  de  rhythme  suivi  par 
l'auteur.  Le  lecteur  aura  remarqué  que  les  onze  pièces  ont  été 
coulées  dans  trois  moules  seulement  :  1°  rimes  redoublées  pour 
A  B  C,  2»  quatrains  monorimes  pour  D,  3»  sixains  à  deux 
rimes,  divisés  en  deux  parties  égales  qui  se  correspondent 
exactement  suivant  la  coupe  aab-aab  ;  tel  est  l'agencement  des 
sept  dernières  pièces  E-K. 

La  facture  de  toutes  ces  compositions  a  cela  de  commun, 
qu'aucune  ne  tient  compte  de  la  loi  d'alternance  des  rimes  mas- 
culines et  féminines  ;  aucune  ne  se  plie  à  cette  prescription 


VERSIFICATION.  UO 

devenue  rigoureuse  depuis  le  xvi^  siècle.  A  vrai  dire,  nous 
sommes  à  une  époque  de  transition,  et  nos  couplets  retiennent 
encore  quelque  chose  de  la  formule  de  la  laisse  épique.  La 
moindre  variation  de  la  syllabe  finale  suffit  pour  asseoir  la  suc- 
cession alternée  ou  entrecoupée  de  rimes  (je  continue  à  me 
servir  de  ce  terme,  faute  d'un  autre  plus  exact).  Cette  variante 
vocale  est  nécessaire,  mais  aussi  elle  suffit,  sans  que  l'auteur 
s'inquiète  davantage  si  une  bonne  partie  de  ses  couplets  se  mo- 
dulera sur  une  tonalité  ou  entièrement  masculine  ou  entière- 
ment féminine.  Le  «  Poëme  »  dont  la  métrique  est  cependant 
plus  savante  (puisque  chaque  septain  est  réparti  en  deux  pieds 
de  deux  vers  chacun  sur  une  rime  différente,  et  en  une  queue 
de  trois  vers  aussi  sur  les  mêmes  rimes,  ce  qui  peut  se  disposer 
ainsi  :  ab,  ah,  —  b,  ab),  le  «  Poëme  »  n'est  pas  exempt  du  re- 
proche d'une  facilité  voisine  de  la  négligence.  En  effet,  les  296 
couplets  dont  il  se  compose  se  divisent  en  167  septains  à 
rime  alternée  du  masc.  au  fém.,  ou  vice-versâ,  —  en  68  cou- 
plets à  rimes  exclusivement  masc,  — et  en  61  à  rime  exclusi- 
vement fém. 

Sauf  quelques  rares  exceptions,  le  groupe  eu,  provenant  de 
e  +  u  latin  ou  roman,  compte  toujours  pour  deux  syllabes  : 
eu.  La  diérèse  est  de  règle  pour  les  mss.  P  et  M,  elle  est  au 
contraire  systématiquement  rejetée  par  le  ms.  D  (voir  aux  Va- 
riantes passim),  ce  qui  met  cette  dernière  leçon  dans  une  situa- 
tion d'infériorité  bien  constatée  en  regard  des  deux  pre- 
mières. 

En  terminant  cet  exposé,  il  n'est  peut-être  pas  hors  de  pro- 
pos de  faire  remarquer  au  lecteur  que  l'identité  de  facture  et  de 
procédé  dans  les  «  Poésies  diverses  »  est  une  forte  preuve  de 
l'origine  commune  de  toutes  ces  pièces  marquées  au  même  coin. 
Dans  notre  hypothèse,  les  onze  compositions  poétiques  seraient 
l'œuvre  de  quatre  auteurs  au  plus,  mais  plus  sûrement  de  trois 
et  peut-être  de  moins  encore.  Les  trois  premières  pièces  A  B 
G  sont  évidemment  le  fruit  d'une  même  inspiration;  —  puis 
vient  D,  la  Prophétie  de  Lambehn;  —  en  troisième  lieu  E, 
œuvre  de  Asselin  du  Pont,  —  enfin  la  Réplique  à  Asselin  par 
Lambelin  sous  la  rubrique  F,  suivie  des  cinq  dernières  pièces, 
toutes  sur  le  même  moule  et  du  même  souffle  que  F,  laquelle 


WO  ÉTUDE  DU  TEXTE. 

est  elle-même  faite  à  l'imitation  de  E.  Donc  quatre  groupes, 
qui  se  réduisent  à  trois,  si  l'on  admet  que  D  et  F  (et  avec  F  la 
série  G-K),  toutes  deux  signées  Lambelin,  soient  en  effet 
l'œuvre  de  ce  poëte,  qui,  après  avoir  répondu  il  Asselin  sous 
son  propre  nom,  aura  jugé  à  propos  d'appliquer  à  ses  derniè- 
res productions  le  patriotique  artifice  de  pseudonymes,  desti- 
nés, dans  sa  pensée,  à  en  imposer  à  la  gent  ennemie,  et  h  mon- 
trer à  tous  les  yeux  la  cité  de  Metz  aussi  vaillante  dans  la  lice 
poétique  que  sur  le  champ  de  bataille. 

Reste  la  «  Chausson  »,  source  et  inspiration  des  onze  pièces, 
dont  le  dernier  groupe  reflète,  non-seulement  l'esprit  du  poëme, 
mais  va  jusqu'à  en  reproduire  mainte  et  mainte  expression.  Il 
est  peu  rationnel  d'admettre  deux  auteurs  pour  deux  sujets 
dont  l'un  complète  l'autre.  Notre  conclusion  est  que  la  pater- 
nité de  la  chanson  historique  doit  être  attribuée  à  maître  Lam- 
belin, nom  vrai  ou  supposé  de  l'auteur  de  la  «  Prophecie  »  qui 
se  ressent,  plus  que  les  autres  compositions,  d'un  souffle  vé- 
ritablement poétique. 

III.  —  GLOSSAIRE -INDEX. 

Dans  les  pages  suivantes  sont  relevées  toutes  les  expressions 
ou  formes  qui  présentent  quelques  divergences  avec  les  termes 
correspondants  de  la  langue  commune  de  France.  J'y  ai  com- 
pris les  cas  d'orthographe  vicieuse  qui  n'avaient  pu  servir  de 
paradigmes  grammaticaux,  de  telle  sorte  que  le  lecteur  aura 
sous  les  yeux  le  catalogue  complet  non-seulement  des  particu  • 
larités  dialectales  du  texte,  mais  aussi  des  singularités  ortho- 
graphiques du  copiste,  parmi  celles  qui  ne  choquent  ni  la  rime 
ni  la  mesure,  et  qui  dès  lors  ont  pu  être  maintenues  dans  le 
texte  à  titre  de  notation  individuelle.  —  L'analyse  des  faits 
d'ordre  phonétique  est  renvoyée,  à  chaque  mot,  sous  l'article 
propre  de  la  lettre  ou  syllabe  affectée  et,  par  là,  à  la  page  cor- 
respondante de  la  discussion  grammaticale.  Un  petit  nombre 
de  mots  ont  exigé  un  détail  plus  étendu,  en  raison  de  l'intérêt 
qu'ils  comportent  pour  l'histoire  littéraire  ou  sociale  de  Metz  et 
du  pays  messin  au  moyen  âge. 


GLOSSAIRE. 


k6i 


•a,  réduction  locale  de  la  diphihongue 
ai,  témoigne  que  cette  diphthongue 
ir.aintenait  encore  sa  valeur  iiiien- 
sive  dans  la  prononciation  ,  en  fai- 
sant porter  l'accent  sur  la  pre- 
mière voyelle,  ci[i)  •.voira.,  paiera, 
sa,  —  En  riine ,  a  se  rencontre 
souvent  avec  ai  :  graice  —  jasce 
face  desplaic,  et  autres  analogues. 

■a  fait  entendre  un  son  sourd,  voisin 
de  ô,  et  qui  est  noté  indifférem- 
ment par  ait  ou  par  a  dans  les 
mêmes  mots  :  aiissaurait  et  as- 
sauU  assaillie,  famé  et  deffaiilme, 
deaubles,  aulx,  aupclit,  Uanriaus, 
vaulloit,  transtaïUeit  ;  et  en  rime  : 
eslauble  diauble-profitabie,  admi- 
rable-admiauble  doubtauble  diau- 
bles,  etc.  En  place  de  au,  le  pa- 
tois emploie  de  préférence  o;  je 
relève  un  cas  de  cette  notation  : 
avos  =:  avaulz  =  aualz  ;  voy.  aussi 
sous  AWE. 

A,  G  ae,  157,  Ire  pers.  sing.  ind,  de 
0  avoir  »,  —  par  réduction  de  la 
diphthongue  ai  en  a,  voy.  Sa. 

Aaisme,  210  c,  notation  variée  de 
aesme,  1'^  p.  sing.  ind.  de  aesmer 
\adaestimare),  «  penser,  conjectu- 
rer ».  Le  simple  esmer  a  été  repris 
par  la  langue  moderne,  sous  la 
forme  complète  estimer;  son  subst. 
verb.esme  est  noté  dans  notre  texte 
ame  \y.  c.  m.). 

ABti.ESTE-s,  132  a,  178  e,  187  a,  ar- 
balèie-s,  —  forme  réduite  de  au- 
beleste  aubelestre  (v.  c.  m.). 

Abelestrier,  202  d,  arbalétrier,  — 
dérivé  de  abeleste  aubelestre  (v. 
c.  m.). 

ABREJOOR,  G  89,  dérivé  de  «  abré- 
ger »  ;  —  ce  mot  joue  avec  haber- 
jour  du  vers  précédent  :  Ils  (les  al- 
liés) ne  sont  pas  bien  haberjour  — 
De  pèlerins,  mais  abrejour. 

AcHECQUE,  153  g,  notation  dialectale 
de  eschec  •  échec  »,  dont  la  con- 
sonne finale  est  renforcée  comme 
dans  avccque  p.  avec.  —  Le  mot 
achecque  est  ici  pris  au  sens  fi- 
guré; on  trouvera  plus  loin  men- 
tion de  divers  termes  du  jeu  des 
échecs  (voy.  Aui'irv,  Fierce,  Poon, 
Rot). 

ACORCE,  a  62,  notation  locale  de  es- 
corce,  «  écorce  »  prononcé  comme 
aujouid'hui. 

ACOHCHENT  (s'),  E  12,  3«  p.  pi.  ind. 
de  técorcher»;  —  sur  la  syllabe 
initiale  a,  voy.  Acorce. 

ACORDIRENT  (s'1 ,  88  f,  3e  p.  pi.  parf.  de 


accorder  (s'),  avec  la  désinence  assi- 
milée de  la  ft«  co  ijug.,  sur  laquelle 
voy.  -irent. 

AcoRSE,  E  111,  3e  p.  s.  subj.  de  «  ac- 
corder t  ;  —  pour  la  désinence,  voy. 
sous  -se. 

Admiauble,  g  32,  «  amiable  »,  avec 
le  sens  de  «  aimable  «;  —  l'a  suivi 
d'une  labiale  se  diphihongue  nor- 
malement en  au. 

Aeu,  260  a,  part.  pass.  m.  s.  r.  de 
c<  avoir  »;  —  Vc  est  épeiithétique 
et  indique  qu'il  faut  prononcer  en 
deux  syllabes,  au  et  non  au  (voy. 
Ehus  Haeo). 

Affaire,  1^7  b,  220  f,  288  a,  est 
masculin  ;  le  genre  féminin  est  de 
date  postérieure  et  a  été  imposé  par 
la  désinence  ;  j'en  relève  un  cas  : 
maie  afaire  E  85. 

Affors,  D  22,  notation  dialectale  de 
«  efforts  ». 

Affroy,  h  6,  forme  dialectale  de 
«  effroi  ». 

Agi.ise,  266  b,  variation  formale  de 
«  église  »;  —  le  changement  de  e 
en  a  est  tiès-ordinaire  dans  la  lan- 
gue de  Metz. 

AgOe,  13  d,  aigiie;  —  la  diphth.  ai 
s'est  résolue  en  a. 

-ai,  d'origine  soit  romane  soit  locale, 
se  réduit  habituellement  en  a  (voy. 
sous  -a). 

AiDEis,  2'JU  g,  notation  plus  foncière- 
ment dialectale  de  aidés  (v.  c.  m.). 

Aidés,  Il  b,  forme  diphthonguée  de 
adès,  passim,  dérive  du  latin  ad- 
ipsum  (s.-e.  tempus),  «  sur-le- 
champ.  » 

AiMME  AIMMENT,  147  d,  200  a,  231  d, 
2U8  g,  267  e,  F  lOa,  forme  nasali- 
sée de  «  aime  aiment»,  1"  p.  s.  et 
3e  p.  pi.  ind.  de  ameir,  «aimer». 

-ai'n  se  réduit  en  an  comme  ai  en  a; 
Urbain  rime  avec  Montabant  K27, 
30. 

AiNGLE,  253  rf,  pron.  populaire  de  an- 
gle (v.  c.  m.);  —  parla  permuta- 
tion de  /  en  r,  angle  aingle  est  de- 
venu angre  aingre,  très-fréquent 
dans  d'autres  textes  messins. 

1.  At\s,  148  f,  152  d,  164  g,  218  b, 
adv.  0  avant»,  du  latin  ante  (vcy. 

AiNSOY). 

2.  AiNS,  131  g,  !e  même  que  ans  (v. 
c.  m),  avec  l'épenthèse  de  i,  fré- 
quente dans  le  groupe  an  :  graingc 
cstrainge  cliaiiige,  etc. 

AlNSOY,  141  f,  145  f,  165  f,  226  C,  or- 
thographe individuelle  pour  ain- 
sois  ainçois  (anfc  ipsum  [tempus], 
«  plutôt,  au  contraire  »;  —  ainsois 
est  rare,  227  f. 


tua 


GLOSSAIRE. 


APPARILLIEI 


AIRCHE,  E  27,  arche,  propr.  coffre  ; 
dans  l'espèce,  axrclie  désigne  le 
lieu  où  les  amans  (notaires]  de  Melz 
déposaient  leurs  inçtruinenis  au- 
thentiques. Les  chartes  de  Metz,  sont 
presque  toujours  terminées  par  la 
formule  :  An  l'aii  che  Saint  Seplixe, 
an  l'airche  Saint  Firtour,  Saint 
Mamin,  a  Grant  Mosticr,  cl  autres 
indications  analogues. 

■aïs,  désin.  de  la  Ire  pers.  sing.  parf. 
(fi'  conj.)  et  futur,  était  assez  fré- 
quente au  xiV  siècle.  Le  Psautier 
lorrain  en  a  de  nombreux  exem- 
ples ;  dans  nos  textes,  je  relève  rc- 
guardais  esguardais  dirais  lair- 
rais  serais  ferais  (voy.  Aïs,  -s).  Il 
faut  se  garder  de  prendre  cette  dé- 
sinence, formée  par  analogie  de  la 
2e  p.,  pour  celle  de  notre  imparf.  ou 
condit.  moderne. 

Aïs,  A  29,  E  67,  1"  p.  s,  indic.  de 
«  avoir  »,  avec  Vs  analogique  de  la 
2* p.;  var.  orthogr.  aix  (v.  cm.]. 

Aix,  I  Û6,  forme  variée  de  ais  (v.  c. 
m.);  X  =s. 

■a[l)  -au(0,  en  désin.,  correspondant 
au  fr.  •eau,  du  lat.  ellum,  n'est  pas 
messin.  Cette  forme  appartient  en 
propre  au  sud  de  la  Lorraine  et  à 
la  Bourgogne,  surtout  quand  l'a  est 
précédé  d'un  i  :  bianlx  marlialz 
quairriaux.  —  La  dérivation  locale 
est  -el  éteint  en  ci  è  :  quairrès. 

AuiCHiEK,  81  g,  relâcher  (le  ventre). 

Alemklle  (/'),  279  f.  Les  caractères 
généraux  du  style  et  de  la  langue 
de  notre  auteur  militent  en  faveur 
de  la  forme  prosthétique  Calemelle 
contre  la  lemelle,  dim.  de  tlame  ■. 
Le  français  moderne  a  repris  la- 
mella  sous  la  forme  savante  la- 
melle ;  alemelle  ne  s'est  maintenu 
que  dans  le  parler  badin. 

Alevons,  K  23,  ire  pers.  pi.  ind.  de 
«  élever  •  (au  sens  figuré  de  •  exal- 
ter o),  noté  dialectalement  aleveir, 

Amaiet,  20  b,  part.  pass.  de  esmaier, 
v.  n.,  être  tourmenté,  troublé.  — 
La  notation  dialectale  supprime  Vs 
et  change  \'c  prosthétique  en  a;  la 
notation  commune  se  rencontre 
aussi  76  d. 

Amassent  19ti  f,  est  réduit  de  amais- 
sent  3*=  p.  pi.  subj.  imp.  de  ameir, 
H  aimer  ■> . 

Amathie,  210  e,  orthogr.  vicieuse  de 
amalie, part,  pas,  fém.  sing.  suj.  de 
amatir,  dont  le  simple  matir  est 
dér.  de  mat,  resté  dans  la  locution 
«  échec  et  mat  •  ;  —  au  figuré,  mat 
signifiait  «  abattu,  sans  courage, 
inerte  »  (voy.  Meter). 


Ame,  F  lti7,  notation  dialectale  de 
csme,  subst.  verb.  de  esmcr  (conip. 
acsmcr,  \o\.  Aaisme]  :  selon  mon 
amc, suivant  mon  calcul. 

•an  représente  à  la  fois  an  et  en  in 
(voy.  à  la  Crammaire,  p.  Uli2)  :  an 
(inde),  ans  {inlus) ,  ardant  (ad- 
jectif), etc. 

A>,  86  e,  127  f,  notation  dialectale  de 
en,  prép.  et  pron. 

Andouart,  F  97,  forme  nasalisée  de 
t  Edouard  »;  —  voy.  le  mot  suiv. 

Am)0\vaius-t,  Ani>owar8-t,  6Jj  a, 
203  a  ,  209  f,  forme  nasalisée  de 
•  Edouard  • .  Andowairs  en  rég.  est 
fautif,  2Û0  f. 

Anemins,  57  b  et  ailleurs,  forme  na- 
salisée de  anemis  (voy.  -in). 

Anemis,  g  35,  100,  164,  etc.,  forme 
dialectale  de  «  ennein!-t  >  :  —  pris 
absolument  «  l'ennemi  du  genre  hu- 
main, le  diable,  »  par  ex.  dans 
as  b,  h  17. 

Anffans,  135  d,  orthographe  variée 
de  anfans,  «enfants a. 

Angle,  J  5,  ange  {angelum];  —  une 
forme  plus  locale  est  aingle  (v. 
c.  m.). 

Anglemur,  243  f,  quartier  du  Melz, 
dans  le  voisinage  duquel  fut  élevée 
la  citadelle  en  1556;  c'est  le  sol  sur 
lequel  repose  aujourd'hui  le  jardin 
Boufflers. 

Anuans,  151  c  (rég.  plur.),  forme  na- 
salisée de  ahans  F  8  ;  —  i<  ahan  ■ 
est  propr.  «  soupir,  respiration  pres- 
sée •  ,  d'oîi  le  sens  fig.  de  «labeur, 
peine  «.  Dér.  lahaner^  également 
nasalisé  en  enhaner  (v.  c.  m.). 

Ans,  127  e,  151  /',  lat.  intiis  (voy.  Ens). 

Ansois,  286  c,  forme  variée  de  ain- 
sois  ainsoy  (v.  c.  m.);  —  pour  b 
réduction  de  ain  à  an,  cf.  Estans. 

Antons,  162  a,  forme  nasalisée  du 
nom  du  village  dit  aujourd'hui  Al- 
ton. 

Anvoise,  10'.)  a,  3e  p.  s.  subj.  de  u  en- 
voler» ,  avec  la  désin.  -se  assimilée 
des  verbes  de  la  fte  conj.  (voy.  -ce, 
-se). 

Anvoit,  9U  (/,  3e  p.  s.  subj.  de  ><  eu- 
voier  »  ;  —  anvoit  est  la.dérivation 
normale,  anvoise  (v.  c.  m.)  est  la 
dérivation  avec  le  yot  assimilée  des 
verbes  de  la  U*  conjug,,  et  envoie^ 
F  43,  G  29,  la  forme  adoptée  par  la 
langu»  moderne. 

Apagneront,  115  g,  3"  p.  pi.  fut.  de 
espargner,  «épargner»,  avec  syn- 
cope des  consonnes  s  r  (voy.  es 
devenu  a). 

Aparilliez,  114  d,  part.  pass.  fém. 
plur.  rég.  de  aparillier,  <i  appareil- 


APESSEMENT 


GLOSSAIRE. 


AU 


463 


1er,  préparer  »  ;  —  sur  la  désinence 
de  ce  participe,  voy.  -ie, 

Apessement,  98  g,  nutation  locale  de 
espessement,  «  en  grand  nombre, 
en  quantité  considérable  ». 

Apingole,  118  a,  espingole  (v.  c.  m.). 

Aploitiet,  lUQ  b,  notation  locale  de 
esploiliel  15*7  a,  part.  pas.  neut. 
rég.  de  esploilier,  au  sens  neut.  de 
0  faire  des  actions  d'éclat,  des  ex- 
ploits » . 

Apourir,  185  d,  comp.  de  poure  (v. 
c.  m.),  avec  le  sens  neutre  ou  ré- 
fléchi, «  s'appauvrir  ». 

Apperçoivre,  h  230,  forme  variée  de 
«  apercevoir  »,  voy.  Resoivre. 

Ardam,  151  /",  ardent;  —  la  phoné- 
tique de  notre  texte  ne  distingue 
pas  en  de  an  (voy.  Ardent). 

Ardeit,  242  6,  3*  p.  s.  parf.  de  air- 
dre,  ardoir,  «  incendier,  mettre  en 
flammes  »;  —  la  désin.  -eit  est  assi- 
milée des  verbes  en  -dididedi  (voy. 
sous  -eit  -eirent). 

Ardent,  28  f,  69  d,  188  c,  part.  prés, 
de  ardre  airdre  107  a,  «  brûler, 
incendier  ».  —  L'identité  phonique 
des  voyelles  nasales  an  en  permet 
d'orthographier  avec  la  désin.  ent 
les  part,  prés.,  même  ceux  de  la 
l'e  conj.,  voy.  Samblent  ;  par  con- 
tre, l'adj.  ardent  est  écrit  ar- 
dant  (v.  c.  m.). 

Ardèrent,  165  b,  167  c,  3*  p.  pi. 
parf,  de  ardre  airdre,  «  brûler  »; 
—  avec  la  désinence  analogique 
-erent  (voy.  Ardeit). 

Aroostent  (s')  h  29.  3«  p.  pL  ind.de 
(s')arouler,  voy.  Arouteis;  —  l'é- 
penthèse  de  s  est  indue. 

Arouteis,  220  e,  part.  pas.  masc. 
sing.  suj.  de  arouler,  «  assem- 
bler, réunir  s,  dér.  de  route,  bande 
d'hommes  armés,  compagnie. 

Ars,  10  c,  95  b  (suj.  sing.),  air;  — 
exemple  de  la  résolution  de  ai 
en  a. 

Artois,  211  /(rég.  plur.),  orteils;  — 
dér.  tris  régulièrement  de  articu- 
los  par  artoils,  comme  soloil  de 
soticulum,  paroil  de  pariCulum,  etc. 
Artois  est  pris  par  synecdoque  pour 
«  pieds  11 ,  et  de  même  le  bourg,  artô 
ertô. 

Asomhe,  275  a.  Ire  p.  s.  ind.  de  «  as- 
sommer »,  dér.  de  somme,  «  far- 
deau »,  donc  •  être  accablé  sous  le 
poids»,  etauflg.  «protester,  s'in- 
digner». 

Asperdus,  260  d,  forme  locale  de  es- 
perdus,  part.  pas.  s.  s.  m.  de  anc. 
fr.  esperdrc,dont  il  n'estresté  quece 
part,  même,  «  éperdu  > . 


Assaiés-t,  54  e,  20  g,  masc.  plur.  rég. 
et  suj,,  part.  pas.  de  «  essayer  »;  — 
avec  la  permutation  ordinaire  de  e 
en  a. 

AssALLAiGNES,  18  e,  échalottes;  —  as- 
clialoignes  de  M  reproduit  exacte- 
ment l'étymologie  ascalonia,  du 
nom  de  Ascala,  ville  de  Judée. 

Assoinne,  35  e,  74  g,  notation  locale 
de  essoine  205  c,  «  nécessité,  empê- 
chement, embarras  ».  Dér.  enson- 
niement  (v.  c.  m.). 

ASTALON,  294  b,  notation  locale  de  es- 
talon,  0  étalon  ». 

AsTÉ,  M  48,  forme  dialectale  corres- 
pondante à  esté  a  été  ». 

At,  259  b,  3e  p.  s.  ind.  de  «  avoir  »  ;  — 
la  notation  at,  réduite  de  ait,  assez 
fréquente  dans  les  hauts  temps,  se 
montre  fort  rarement  dans  les  tex- 
tes contemporains  du  nôtre.  Ce 
n'est  pas  une  importation  du  fran- 
çais, ce  dialecte  ayant  depuis  long- 
temps laissé  tomber  le  t  en  cette 
position.  —  Deux  vers  plus  bas  se 
trouve  ait  (voy.  Vat). 

Ataiches,  29  a,  notation  dialectale  de 
estaches,  •  pieux,  palissades  » . 

Atorneies,  115  a,  part.  pas.  fém. 
plur.  suj.  de  atorneir,  »  atour- 
ner  »  (voy.  Atoorneis). 

Atocr,  145  a,  subst.  verb.  de  «  atour- 
ner»  (voy.  Atourneis). 

Atoorneis,  101  c,  140  b,  165  c,  part, 
pas.  masc.  plur.  suj.  [Vs  est  fautif, 
cf.  torneit  101  f)  de  atourner, 
«  tourner  vers,  diriger,  préparer, 
formuler,  ordonner  ».  —  De  atour- 
ner vient  le  subst.  verbal  atour, 
nom  donné  aux  arrêts  ou  ordon- 
nances du  gouvernement  municipal 
de  la  cité  messine. 

Atrais-t,  132  f,  199  b,  K  24,  part, 
pas.  masc.  suj.  sing.  et  pi.  de  es- 
traire,  «extraire»,  noté  dialectalc- 
ment  atraire. 

Atrapeies,  261  a,  part.  pas.  fém.  pL 
rég.  de  estraper  (voy.  Estrapent), 
«  couper,  arracher,  détruire  »  ;  —  fl 
est  la  notation  locale  de  es  initial  en 
position. 

AtreSj  274  Ci  est  réduit  de  aitrcs 
(voy.  -a);  atres  rime  avec  paislre 
fillaistre,  de  môme  que  ai/re 268  c 
rime  avec  abalre  batre,  ce  qui 
montre  que  la  prononciation  était 
identique  sous  les  notations  diverses 
de  notre  manuscrit. 

ATTENUERENT,  75  d,  3*  p.  pi.  parf.  de 
«  attendre  »,  avec  la  désinence  spé- 
ciale -erent  des  verbes  en  -didt  assi-» 
miles  à  -dedi  (voy.  Abdeirent). 

Au,  260  f  et  ailleurs,  est  une  faute 


M4 


Al'BELESTRE 


GLOSSAIRE. 


B&ITILLIE 


pour  aus  auz,  art.  comp.  rég.  plur. 
des  deux  genres. 

AUBELESTRE,  114  f,  arbalète.  —  I.a 
diphthongue  de  In  prcmitire  syllabe 
s'explique  soii  par  la  chute  de  r, 
iilors  ab  ^aub  (voyei  à  lu  Gram- 
NAIRE,  p.  U3b).  soit  par  la  permuta- 
lion  de  r  en  /;  alb..,  d'où  aub...  Il 
y  a  des  exemples  de  clbelcslrc  al- 
baleslier. 

AUFiN,  227  d,  aufin  auphin,  anc.  nom 
dut  fou  »  au  jfu  des  échecs  ;  —  dér. 
de  l'arabe  al-phil,  «  éléphant  »,  d'ofi 
nous  avons  fait  fil,  puis  fol  (cf.  Du 
Cuuge  s.  V.). 

ACLER,  G  17,  prononc.  dialectale  de 
aler  J  31,  •  aller  t  (voy.  sous  -  a) . 

AULTEIRS,  G  59,  autels;  —  la  con- 
sonne r  est  purement  étymologi- 
que; elle  ne  se  prononce  pas,  non 
plus  que  le  /  qui  l'a  remplacée  le 
plus  souvent,  (voy.  Ai'LTEiT). 

AlLTEJT,  204  f,  forme  fautive  de  rég. 
plur.  «  autels  »;  —  la  liquide  finale 
ne  sonnant  plus  dans  la  prononcia- 
tion, elle  a  été  remplacée  par  un  ( 
(voy.  AUTRETEiT  et  sous  -t], 

AULX  (Toy.  II). 

ADPETIT,  I  U,  appétit,  au  figuré  «  dé- 
sir, grande  envie  ■;  —  nouvel 
exemple  de  l'assourdissement  de  a 
en  au  devant  une  labiale. 

At'ROis,  54  f,  2e  pers.  plur.  fut.  de 
•  avoir  •.  —  Pour  la  désinence,  voy. 
sous  -ois. 

Ausais,  Aiixais,  55  c,  D  54,  Alsace. 
—  Ces  formes,  exclusivement  em- 
ployées au  moyen  âge,  obligent  de 
donner  à  ce  mot  un  primitif  latin  à 
désinence  neutre  :  Alsalium,  et  non 
Aliatia. 

AussiCRAiT,  F  80,  3*  pers.  s,  fut.  de 
«  assaillir  >  ;  —  la  dipht.  initiale 
est  un  dialectisme.  Voy.  des  cas 
analogues  sous  a=^au. 

Autre  (saint),  125  c,  saint  Auteur, 
évoque  de  Metz  (voy.  la  note  à  ce 
ver?,  p.  292  .  Autre  [atljutor)  est 
la  forme  suj.  de  Auteur  [adjuto- 
rem);  cette  forme  contractée  est 
spéciale  à  l'onomastique  hagiogra- 
phique- 

AtTRETEiT,  126  g,  var,  littérale  de 
autreteil-teil  263/,  Il 218;  —  t  final 
se  rencontre  souvent  en  place  d'une 
consonne  tombée  dans  la  pronon- 
ciation. 

Auxais,  D  54,  notation  locale  de  Au- 
sais (v.  c.  m.). 

AVALZ,  292  e,  adv.,  =  à  val,  à  tra- 
vers; —  la  caiégorie  adveibialc  est 
signifiée  par  le  z  («)  paragogique  ; 
le  mot  val  est  toujours  rendu  dans 


nos  textes  par  vaut  (voy.  a  =  au), 
et  l'adv.  avait  se  rencontre  dans  la 
Chronique  rimée  avec  la  notation 
avos  (p.  395  K 

AVESQCE,  177  f,  259  c,  275  c,  nota- 
tion dialectale  de  evesque,  souvent 
écrit  à  tort  esvcsquc. 

AviTiEZ,  H  167,  pour  avilliée,  part, 
pas.  f.  s.  r.  (en  rime)  de  avillier, 
dér.  de  vil. 

AVRIENT,  E  25,  3'  pers.  pi.  coud,  de 
•  avoir  »;  —  pour  la  désinence,  voy. 
-icnt. 

AWE,  D  63,  notation  dialectale  de  evc 
cwe,  formes  anciennes  de  «eau»; 
—  iawe  yawe  yauwe  (v.  c.  m.)  est 
la  prononciation  épaissie  de  atve, 
dont  la  valeur  phonique  dans  le 
p;trler  populaire  est  owe  oue,  voy. 
sous  VVaiurinoue. 


B 


Bahegnons,  247  e,  248  a,  252  b, 
289  c,  dér.  de  Bahaigne,  BaJiengne. 
passim,  forme  ancienne  de  •  Ro- 
liéme»;  —  les  Baliegnons  sont  les 
gens  d'armes  du  comte  de  Luxem- 
liourg,  roi  de  Bohême. 

BiHORDER  [le),  196  c,  infin.-subst., 
propr.  «  la  Joute,  les  exploits  d'ar- 
mes»; —  bouhourder,  successive- 
ment atténuo  en  bultourder  be- 
hourder  (auquel  correspond  notre 
bahorder),  s'est  finalement  syncopé 
en  bouraer,  •  conter  des  bour- 
des »  icf.  F  72);  mais  bourdes  n'a 
pas  laissé  que  d'avoir  les  acceptions 
plus  relevées  de  «  exercice,  diver- 
tissement, réjouissance  ».  —  Le  ma- 
nuscrit M  donne  la  notation  plus 
populaire  balioidcr;  une  modifica- 
tion plus  intense  est  beliauter, 
donné  par  une  charte  de  la  fin  du 
xiiie  siècle,  avec  le  sens  de  «se  di- 
vertir, folâtrer  ». 

Baiems,  249  c,  dimin.  de  «bai  >,  pois 
baiems,  sorte  de  pois  bruns  ;  —  m 
tient  la  place  de  n. 

Baires,  128  a,  barres,  barreaux  ou 
grilles  encastrées  dans  les  ponts,  du 
façon  à  intercepter  la  navigation 
sur  la  Moselle.  Deux  des  ponts  de 
Metz  conservent  encore  leurs  bar- 
res :  le  Moyen  Pont,  dit  aussi  pont 
des  hautes  grilles  et  le  poni  Cham- 
bière  ou  pont  des  basses  grilles. 

Baitillie,  67  b,  part.  pas.  fém.  sing. 
suj.  de  batailler,  employé  au  sens 
neutre  «  équipé,  armé  en  guerre  »; 
—  sur  la  désin.  -ie,  réduite  de  -iée, 
voy.  à  la  Grammaire,  p.  435. 


BANCENS 


GLOSSAIRE. 


465 


Bancens-t,  31  a,  34  d,  186  b,  propr. 
la  cloche  banale  [banni  signum),  la 
cloche  (lu  bet'fioi  commiiiuil,  puis 
la  u.ilice  convoquée  au  son  de  cette 
cloche,  enfin  aciion  de  guerre,  émo- 
tion, troubles.  -  Pour  la  formation 
du  mot,  cf.  bancloche,  pic.  ban- 
cloke.  La  dernière  syllabe  devrait 
êire  écrite  sin  sing  (cf.  tocsin); 
sur  rideiitilication  dialectale  dis 
voyelles  en  an,  voy.  à  la  Gram- 
MAIRK,  p.  fi'42.  —  La  cloche  qui 
donnait  le  signal  de  l'appel  aux  ar- 
mes était  la  Muite,  ou  l)ourdon  de 
la  cathédrale  (voy.  Meute). 

Bassent,  C  16,  orthographe  plus  voi- 
sine de  l'étymologie  {banni  signum) 
que  bancent  (v.  c.  m.). 

Baket,  55  c,  propr.  baral,  tromperie, 
mauvaise  foi. 

Barbetocrs,  F  5U,  dér.  de  baret  (v. 
cm.);  —  jeu  de  mots  sur  le  nom 
de  Barrois. 

Batillies,  114  6,  part.  pas.  fém. 
plur.  rég.  de  batillier   (voy.  Bai- 

TILLIES). 

Bernaige,  32  b,  115  b,  142  d,  203  c, 
208  6,  283  g,  etc.,  forme  syncopée 
de  baronnage.  j^e  sens  primitif  est 
celui  de  «  troupe  de  chevaliers,  de 
barons  » ,  d'où  découle  celui  de 
«  vertu  chevaleresque,  vaillance  » . 

Bidalz  -aulz,  231  f,  H  31 ,  bidaux, 
soldats  armés  de  deux  dards. 

BlERE-s,  90  g,  125  g,  131  f,  bière, 
cercueil.  —  Par  une  métaphore 
naturelle,  bière  a  été  pris  au  figuré 
avec  l'acception  de  «  mort,  pertes, 
défaite  .>: ...  avoir  pensaient  mainte 
bière, 

Blacerejit,  166  f,  3*  p.  pi.  parf.  de 
«  blesser  »,  anc.  «  blecier  »,  — 
avec  la  permutation  aormale  de  e 
en  a. 

Bobance,  84  a,  211  d,  est  encore  la 
prononciation  populaire  dans  la  ré- 
gion de  l'Est  pour  o  bombance  », 

BODIE,  51  e,  tromperie,  action  dé 
loyale;  —  dans  bodie,  Vo  est  un  té- 
moin de  la  valeur  intensive  conser- 
vée par  la  dipihthonguc  oi  dans 
le  fr.  boisdie. 

Bom-S,  D  43,  48,  G  48,  88,  H  142, 
bon  (masc.  et  neuf.),  bons; —  sur 
l'épenthèse  de  i,  voy.  LoiNG. 

BOURCH,  D  12,  faubourg;  —  pris  abso- 
lument, bourclt  désigne  le  quartier 
de  Meiz,  appelé  aussi  le  Neubourg 
Hoy.  la  note  au  couplet  6,  p.  266). 

Brifment,  260  c,  brièvement,  anc. 
briefment  (cf.  briement  280  a, 
briesment  236  </);  —  la  résolution 
de  ie  en  t  est  assez  fréquente. 


BRULES  [le  jour  des),  228  b,  subst. 
verbal  de  «brûler».  — Je  soup- 
çonne que  ce  mot  a  été  créé  pour 
la  rime  en  remplacement  de  bures, 
qui  ne  convenait  pas  ici.  On  sait 
que  le  a  jour  des  Bures  »  est  le 
premier  dimanche  de  carême,  dit 
plus  communément  dimanche  des 
brandons. 

Bui,  292  c,  buste,  partie  supérieure 
du  corps  ;  ^  en  ce  sens,  «  buste  » 
(=  lat.  biisla,  boîte),  qui  est 
de  date  rehitivement  moderne,  a 
évincé  bue  bn,  lequel  a  une  origine 
germanique.  La  diphthongue  ui  du 
bui  représente  l'atténuation  aussi 
bien  du  c  de  bue  que  de  I'm  de  bu 
(voy.  à  la  Grammaire,  p.  437). 

BURLÉES,  88  {/,  métathèse  de  brûlées, 
part.  pas.  fém.  plur.  suj.  de  «  brû- 
ler ».  On  voit  par  burlées  que  Vs  éty- 
mologique de  brusler  était  tombé 
dans  la  prononciation. 

Burtfiemeu,  46  e,  forme  locale  de 
«  Barthélémy». 


c  s'emploie  abusivement  pour  s  devant 
les  voyelles  e  i. 

G',  passim,  pour  s',  élidé  de  se  si, 
pron.  et  adv. 

Caritaul,  F  124,  adj.  substantivé, 
formé  sur  un  type  caritalis,  propr. 
«  qui  est  à  la  charité  d'autrui, 
mendiant  ». 

Ce,  80  e,  144  b,  var.  orthographique 
de  la  conj.  se. 

-ce,  désin.  du  subj.,  voy.  -se. 

Cealx,  voy.  Cil. 

Gel,  var.  decii  (v.  c.  m.). 

Ces  31  g,  63  b,  119  g,  A  52,  D  20, 
F  178,  etc.,  notation  variée  de  ses 
(suj.  sing.  et  rég.  pi.) 

Chaice,  g  161,  3e  pers.  sing.  subj.  de 
«  chcoir  choir  ».  —  Pour  la  dési- 
nence, voy.  -se. 

Cliainge  [a),  19  /,  au  Change,  nom 
d'une  place  de  Metz  oîi  se  tenait  le 
commerce  d'argent,  qui  fut  tou- 
jours considérable  dans  cette  ville. 
C'est  aujourd'hui  la  place  Saint- 
Louis  (voy.  les  notes  des  p.  273  et 
274). 

Cliambiere,  nom  d'une  île  de  la  Mo- 
sille  et  d'un  quartier  de  Melz,  oii 
se  tenait  alors  le  commerce  de  la 
poissonnerie  ivoy.  la  note  à  ce  vers, 
p.  270). 

Chambre.  14  a,  nom  d'une  vaste 
place  de  Metz  s'étendant  au-dessous 
de  la  cathédrale,  sur  le  versant  de 

30 


466 


CHAMIN 


GLOSSAIRE. 


CUNCLESELLC 


la  Moselle.  La  commanderic  de 
l'ordre  de  Saint-Jean  di-  Jérusalem 
était  située  sur  cette  place,  d'où 
elle  avait  reçu  le  nom  de  r«  Ospital 
Saint  Jehan  en  Chambres  »  (in  Ca- 
meris  ou  in  Thalamis);  voy.  la  note 
à  ce  vers,  p.  270. 

Chamin,  92  rt,  chemin;  —  avec  la 
permutation  ordinaire  de  e  en  a.  Sur 
le  son  de  la  voyelle  nasale  in,  cf. 
Cbehis.  —  Dér.  chaminer  293  c. 

Champaigne,  40  9,  225  a,  est  la 
forme  proprement  française  de  cam- 
pagne, qui  n'est  demeurée  (|uc 
dans  le  nom  de  lieu  Champagne. 

1.  Chastei.,  I  40,  58,  ortliogrnphi' 
fautive  de  chalcl,  notation  dialec- 
tale de  cheptel  {capilalc);  —  \'s  de 
chaslel  est  due  à  une  confusion  avec 
chaslel  2  (v.  c.  m.);  r.>rthographe 
ordinaire  de  ce  mot  est  dans  les 
chartes  :  chaiteit  chaleit. 

2.  CUASTEL,  I  41,  château  (castcl' 
lum). 

CHAVETAirc-s,  42  f,  125  c,  194  c, 
211  g,  forme  dialectale  de  chef- 
tainquc  la  langue  moderne  a  aban- 
donné pour  •  capitaine  >. 

Cheir,  ou  g,  notation  variée  de  cher 
(suj.  pi.),  D  29,  «chars»  {carri). 

Chemis,  48  g,  chemin;  —  à  noter 
pour  In  chute  de  la  nasale  (voy.  à 
la  GnAMMAiRE,  p.  443}.  Un  ca«  ana- 
logue est  cumis  pour  cumins,  voy. 
sous  POVRE. 

ClIER-s,  138  c,  F  82  (plur.  suj  etrég.l, 
chars  [carras];  —  Vc  de  cher  se 
(liphthongue  parfois  en  ei  :  cheir 
(v.  c.  m.).  —  Diniin.  cherettes 
II  168. 

CHERRUIER,  201  c  (suj.plur.),  labou- 
reurs  ;  —  dér.  de  cherruc,  •  char- 
me». 

CUB.SCDIN,  47  b,  56  6, 59  a,  etc.,  forme 
variée  de  chescun,  «  chacun  i. 
(Voy.  UiN). 

Chevailliers,  139  a,  chevaliers  ;  — 
cette  orthographe  est  fréquente 
dans  les  bas  temps,  elle  atteste  en 
l'exngérant  la  mouillure  de  l:i  li- 
quide. C  est  encore  la  prononciation 
des  patois  de  l'Est.  La  notation  com- 
mune chevaliers  chevallier  chica- 
ner se  rencontre  aussi  dans  notre 
texte,  lb2b,  221(1,  265  d,  etc. 

Chevetain,  252  d,  s.  pi.,  capitaines, 

YOy.  tHAVETAIN. 

Chief,   c    5,    notation    erronée    de 


«  cheï  »  (voy.  Chiez). 
UIEZ,  141  0  (rég.  sing.), 


CuiEZ,  141  b  (rég.  sing.),  chef,  bout, 
extrémité,  commencement.  —  Le  z 
final,  dâ  à  une  confusion  entre  les 
dérivés  de   caput  et  de  casa  (ou 


mieux  casum),  est  d'un  emploi  or- 
dinaire dans  les  documents  con- 
temporains; par  contre,  chez  se  dit 
chief  (v.  c.  m.). 

Cuivre,  223  b,  est  réduit  de  chievre, 
qui  se  rencontre  ailleurs,  a  chè- 
vre »  (voy.  Livres). 

Chose,  G  26,  3e  p.  s.  ind.  de  choser 
chouser  (v.  c.  m.);  —  est  en  rap- 
port de  synonymie  avec  chnstoie. 

Chouser,  D  43,  verbe  dér.  de  »  chose  » , 
au  sens  de  ■  tourmenter,  molester  », 
propr.,  mettre  en  cause  ».  —  Si  le 
verbe  s'est  perdu,  le  langage  popu- 
laire a  conservé  dans  c(!  sens  chose 
piis  adjectivement  :  «Je  ne  sais  ce 
qu'il  a,  il  est  tout  chose.  » 

1.  Cil,  adj.  dém.  Je  réunis  dans  le  ta- 
bleau suivant  les  différentes  flexions 
casueiles  de  ce  mot,  en  séparant  par 
un  trait  toutes  les  formes  contrai- 
res aux  lois  de  lu  déclinaison  : 

m.    s.    s.    cil  si  —  cilz   cet   89   c 
106  a,  123  e,  etc  ; 

f. celle; 

n. cett; 

m.   —  r.    celui; 

f celle  selle  ; 

n.     —  —    ccu  se  195  (/,  sou  105  c,  si 
16  d; 

m.   pi.  s.    cil   —  cilz   28  e,   36    a, 
167e...,  ceulx  52  a; 

f. celles  ; 

m.    —  p.    cialx  -z,     ceaulz  -x , 
ciaulz  -X,  ceulx  ; 

f. celles. 

2. Cil,  D  6,  prononc.  réduite  de  «ciel» 
—  voy.  sous  -ie. 

CiMOURENT,  122  d,  3«p.  pi.  parf.  de 
"  ceindre  ».  —  Cette  forme  présente 
ce  double  intérêt  qu'elle  montre 
1"  un  exemple  de  remaniement 
systématique  de  la  conjugaison,  par 
le  génie  populaire,  d'après  U'i  temps 
quelconque  pris  pour  type,  ici  l'in- 
lin.  ceind{re)  ;  2»  l'adjonction  à  ce 
lliéme  ceind,  étendu  à  tous  les  temps, 
de  la  désin.  <lu  parf.  -eirent,  propre 
aux  verbes  lat.  en  -didi  —  dcUi.  — 
(Voy.  à  la  Grammaire,  p.  450-7.) 

CiTAI.N-S,  42  c,  44  d,  123  a,  164  rt, 
165  b,  177  a,  etc.,  les  habitants 
de  la  Cité  de  Metz,  les  citoyens  mes- 
sins. —  Cette  dernière  appellation 
se  rencontre  déjà  dans  les  textes 
contemponiins,  notamment  dans  le 
document  publié  ci-dessus,  p.  402  : 
a  les  cileyens  de  Metz.  » 

Clincleselle  {en),  210  d,  à  bas  de  la 
selle  ;  —  composé  de  cliner  et  de 
selle;  pour  l'allitération  de  la  se- 
conde syllabe,  rappr.  le  lorr.  clin- 
clanl  pour  clinquant. 


Gloire 


GLOSSAIRE. 


UQl 


Gloire,  184  a,  185  e,  forme  variée 
de  «  clore  »;  —  o  passe  volontiers 
à  la  diplitli.  01. 
Closses,  216  e,  cloches  ;  —  la  sif- 
flante double  comporte  le  son  as- 
piré ou  chuintiint  :  classes  est  en 
rime  avec  loches  parroches.  Ce 
dernier  mot  ofl're  un  nouvel  exem- 
ple de  la  fluctuation  entre  ss  et 
ch.  (Voyez  à  la  Grammaire,  page 
447.) 
GOHARDiE,  79  g,  couardise.  —  L'aspi- 
rée Il  accentue  la  diérèse  entre  la 
première  et  la  seconde  syllabe  ; 
ailleurs  le  môme  eflet  est  obtenu 
par  l'épenthèse  de  w  :  cowars  (v. 
cm.). 
COL-z,  88  e,  100  /,  210  e,  269  e,  280  b, 
282  e,  etc.,  coup-s.  —  Cette  ortho- 
graphe est,  pour  ainsi  dire,  réduite 
de  colp  cop  coup. 
Colles,  187  f,   coliques;   —    v.   fr. 

cole,  propr.  «bile  ». 
COMMLN-S,  34  a  et  passim,  D  26,  le 
commun,  l'ensemble  de  la  popula- 
tion messine,  opposé  à  l'aristocratie 
désignée  sous  le  nom  de  Paraiges 
(voy.  ce  mol).  Au  lieu  de  H  Com- 
muns ,  on  disait  aussi  «  li  Com- 
mune., H  Commnniteit,  li  Universi- 
teit,  Li Citain»,,  —  Voy., sous Povre 
une  singulière  altération  de  commis 
en  cumis. 
COMMUNE,  283  a,  B  17,  27;  voyez 

Commun. 
CoMMUNENMENT,G  81,  forme  nasalisée 

de  0  communément  »,  adv. 
COMPE,  12  d,  coupe.  —  Exemple  inté- 
ressant   de  la   nasalisation    de    la 
voyelle  o;  la  présence  de  m  ren- 
verse l'objection  que  conpe  par  n 
serait  une  pure   faute  de  copiste 
pour  coupe, 
CoMUNE,  B  27,  voy.  Commun. 
COMUNS  (il),  D  21,  22,  var.  orthogr. 

de  Communs  (v.  c.  m.). 
Conseille,  88  c,  conseil.  —  La  dési- 
nence féminine  est  amenée  par  la 
mouillure  de  la  liquide;  la  mesure 
n'a  pas  toujours  permis  de  conser- 
ver celte  orthographe. 
CONSUis,  39  6,  part.  pas.  m.  s.  s.  de 
«  concevoir  ».  —  Ce  mot  piésenie 
l'un  des  rares  exemples  de  la  syné- 
rèse  de  la  diphth.  eu  en  w,  noté  di:i- 
lectalement  i/i,  (voy.  à  la  Gram- 
maire, p.  438,  note.) 

CONTALZ  -TAULZ  -TAUZ,  163  Cl,   164   C, 

207  g,  etc.,  F  passim,  comlaux, 
habitants  du  comté  de  Bar,  troupes 
à  la  solde  du  comte,  comme  les  du- 
chalz  ducliauz  (v.  c.  m.)  sont  les 
gens  du  duc  de  Lorraine. 


Coquaigne,  158  f,  cocagne  ;  —  dér. 
du  lat.  coca  {coqiiere),  sorte  de  gâ- 
teau ;  l'expression  »  pavs  de  coca- 
giie  I)  désigne  donc  un  lieu  ofi  l'on 
fait  bonne  chère,  un  lieu  de  déli- 
ces. Dans  l'espèce,  coquaigne  est 
pris  au  sens  de  o  satisfaction,  joie, 
plaisir  »;  ces  diverses  acceptions 
figurées  découlent  toutes  de  la  si- 
gnilication  primitive.  Le  même  type 
coca  a  donné  naissance  à  l'allem. 
kuclien,  gâteau,  d'où  le  pat.  kiclie, 
sorte  de  flan  ou  millet  à  la  se- 
moule, fort  en  honneur  dans  quel- 
ques villages  de  la  Lorraine  alle- 
mande (Sarreguemines). 
CORRELZ,  192  f,  suj.  sing.  de  corbcl, 
•  corbeau»;  —  par  métaphore,  li 
noir  corbelz  =  le  diable  ;  Corbelz 
est  aussi  le  nom  patronymique 
d'une  des  plus  illustres  familles  de 
la  cité  messine;  «  JofTroy  Corbelz  » 
est  mentionné  192  a. 
CORvixiERS,  128  e,  avec  l'a;  dialectal 
en  place  de  s,  est  le  même  que 
cqrvisier  courvoisier,  a  cordon- 
nier »,  et  qui  n'existe  plus  que 
comme  nom  propre. 
COSTEL,  85  f,  côté;  —  sur  /  paragogi- 

que,  voy.  à  la  Grammaire,  p.  449. 
COUPPIE,  A  7,  copie,  —  au  sens  latin 

de  «  abondance  », 
Courciez,  296  f,    orthogr.  vicieuse 

du  rég.  sing.  de   «  coursier  ». 
COUTELLE,  210  g,  prou,  assourdie  de 

cotelle,  dim.  de  «  cotte  ». 
CowARS,  268  c  (rég,  plur.),  couards  ; 
—  le   ir  prolonge   le    son    de  la 
voyelle  précédente  et  empêche  la 
synérèse;   cf.  le  dérivé  de  rowa/t 
écrit  avec  l'aspirée  en  place  de  w  : 
coliardie  79  g. 
COWE,  D  39,  queue  ;  —  rorlhographe 
cowe  est  le  représentant  liitéral  du 
V.  fr.  couc,  maintenu  dans  1  ■  patois 
bourg. 
Crape,  81  /",  prononciation  locale  de 

«  grappe  »;  voy.  Cboaille. 
Creelle,  14  d,  sorte  de  prune  de  l'es- 
pèce diiccouetclie  (quetscli), àansXa 
campagne  de  Metz.  —  Sur  ce  mot, 
voy.  aux  VARIANTES  et  p.  447. 
Croaille,  S3  g,  est  une  notation  va- 
riée (peut-être  exigée  par  la  rime) 
de  craoille  M,  qui  reproduit  exac- 
tement le  lat.  cralicula  =  v.  fr. 
graille  graille,  auj.  grille.  —  Lé 
ms.  D,  qui  est  francisé,  porte  la 
craille. 
Crueire,  K  58,  adj.  fém.  dér.  d'un 
type  criidarius,  comme  cruel  pro- 
cède de  crudelis  ;  —  Ve  de  la  dési- 
nence empêche  de  voir  dans  crueire 


483 


GLOSSAIRE. 


UESEKVIS 


une  forme  xuriée  de  crueil,  parla 
permutation  de  liquide    à  liquide. 

Crux,  130  f,  131  e,  133  b,  croix  ;  — 
Vu  n'est  pas  le  pur  représentant  de 
Vu  de  crucem,  m;.is  l:i  réduction  de 
la  diplith.  ut  :  cruix,  puis  crux, 
qui  est  la  prononciation  actuelle  ; 
dim.  cruhote,  croisette. 

CuiRi:,  H  lia,  prononc.  atténuée  de 
cure  (v.  c.  m.). 

Ct'NS,  U  08,  sujet  de  «  :omte  »;  —  une 
d^ri>ation  plus  régulière  de  cornes 
est  cuens,  passim. 

Cure,  G  150-7,  H  79,  80  cl  passim,  re- 
présente i  la  fois  le  lat.  cura  et  le 
subst.  verbal  de  •  curer  ■;  voy.PAn- 
CURE. 


Daire,  249  d,  forme  fautive  de 
«  dards  »  (cf.  Du  Cunge,  s.  v.  dnr); 
Ve  fém.  serait  une  exigence  de  la 
rime. 

Dairie:<i  [au),  lfi9  e,  notation  particu- 
lière de  (terrain  contr.  de  deerrain, 
qui  représente  un  type  bas-latin  de- 
retranus.  —  l'our  le  sens,  la  locu- 
tion au  dairien  est  identique  ^ 
celle  de  a  parderriere  l  v.  c. 
m.). 

Damme,  15  e,  269  c,  etc.,  forme  nasa- 
lisée de  idame»;  —  pris  absolu- 
ment: •  Notre-Dame,  la  sainte 
Vierge  ». 

1.  Darriere,255  0,adj.  fém.  s.,  repré- 
sente un  type  dentrarius,  tandis 
que  dernier,  anc.  derrenier  der- 
rainier,  dér.  de  derrain  tvoy.  Dai- 
BiEN),  représente  deretronarius  ; 
—  derrier  s'est  maintenu  dans  les 
patois  de  préférence  à  dernier, 
grâce  à  sa  similitude  avec  derrière, 
udv. 

2.  Darbiere,  6  d,  9  /■,  etc.,  adv.  dans 
la  locution  et  par  devant  et  par 
ilerrière.  Cette  expression  triviale 
revient  çà  et  là  dans  le  poëme,  en 
nianière  de  cheville,  avec  le  sens 
tiès-g  néral  de  «par  tous  les  moyens, 
de  tous  les  côiés  possibles  ». 

Dé,  D  52,  des  ;  —  pour  l'apocope  de 
s,  »oy.  sous  MÉ. 

DEAtBLES,  FUS  (s.  pi.),  diables;  — 
pour  la  diphtiiongue  de  la  voyelle 
tonique,  voy.  sous  -a. 

Debtour,  IW  c,  orthographe  étymo- 
logique de  detlour-s  (v.  c.  m.), 
«  débiteurs  ». 

1.  Deçoivbe.  h  232,  forme  variée  de 
■  décevoir  »,  voy.  Resoivre. 

2.  Deçoivbe,  H  ï33,    2»  p.  s.  inipér. 


de  desevrer,  comp.  de  «  sevrer  •, 
doublet  de  •  séparer  ■;  —  le  subst. 
verbal  dcsoyvre  a  le  sens  de  «  sé- 
paration, borne,  limite  >. 

Defpaulme,  h  170,  3'  p.  s.  de  «  dif- 
famer »; —  la  permutation  normale 
de  a  en  au  est  ici  compliquée  de  l'é- 
penthèse  de  /,  doublement  er- 
ronée. 

DEFFiENCE,59ft,  défi  de  guerre.— Bien 
que  ce  mot  dérive  d'un  verbe  de  la 
1"  conj.,  en  fr.  défier  (actif),  et  en 
laiin  (liflidare  (et  non  diffldere, 
qui  a  donné  {se)  défier),  notre  texie 
l'écrit  defflence  aussi  bien  que  </e/- 
fianre  177  b  {en  sonne  an)  ;  dans 
l'espèce,  d'ailleurs,  Uefficnce  se 
trouve  en  rime  avec  balance  lance 
acointance. 

Dehaitiet,  257  d,  m.  pi.  s.,  malades, 
n^al  portants;  —  dcliailiet  est  op- 
posé à  haitiés  (v.  c.  m.);  dans  l'un 
de  nos  mss.,  ce  mot  est  remplacé  par 
malladcz,  comme  haitiet  l'est  par 
sains,  l'un  et  l'autre  commençant 
dès  loi  s  à  tomber  en  désuétude. 

Demandibekt,  88  c,  3e  p.  pi.  parf.  de 
><  <lemander  '■;  — avec  la  désinence 
assimilée  de  la  4*  conjug.  (voy.  sous 

Dememois,  166  g,  forme  dialectale  de 
Uemanès,  «  à  l'instant,  tout  aussi- 
tôt. » 

Demissocr,  202  f.  Ce  mot  se  présente 
une  seule  fois  et  en  rime;  il  semble 
violemment  altéré  de  missoudur, 
milsodor,  épithète  ordinaire  des 
coursiers  de  prix. 

Demois,  158  g.  Je  n'entends  pas  clai- 
rement ce  mol;  d'après  le  contexte, 
il  signifie  «  de  longtemps,  de  si- 
tôt » .  Est-ce  une  forme  contracte 
de  démenais  (v.  c.  m.),  ou  faut-il  le 
conserver,  comme  les  manuscrits, 
en  deux  mots  :  de  mois-=de  {longs) 
mois? 

Depaciet,  271  a,  notation  locale  de 
despeciet  (cf.  despeciés  258  /],  part, 
pass.  de  despecier,  ■  mettre  en 
pièces,  dépecer»;  —  comp.  de  des 
et  peder,  aussi  peçoyer,  voy.  Pes- 

SOIE. 

Derobeit,  247  g,  est  mal  orthogra- 
phié pour  l'inf.  derobeir,  —  La 
subsiitution  de  <  à  r  final  n'a  pas 
ici  sa  valeur  habituelle  (voy.  sous 
-/),  puîsqu'au  xive  siècle,  et  long- 
temps après,  les  verbes  de  la 
Ire  conjug.  faisaitnt  sonner  r  fi- 
nal ;  ci.  seulement  les  rimes  mascu- 
lines du  couplet  21'.i. 

Deservis,  163  f,  orthographe  vicieuse 
pour  deservi,  desservi,  part.  pas. 


DESFLATE 


GLOSSAIRE. 


DONGIER 


neul.  réiï.  de  «  desservir  »,  qui 
avait  dans  l'anc.  langue,  outre  ses 
acceptions  actuelles,  celle  de  a  mé- 
riter »,  maintenue  dans  l'angl.  to 
de!<erve. 

Desflate,  h  118.  Si  la  désin.  fém. 
n'est  pas  imposée  par  la  rime,  des- 
flalc  sera  la  2'  p.  s.  impér.  de  des- 
ftater,  forme  variée  de  desflalir, 
comp.  de  flatir,  propr.  •  aplatir  », 
aa  lig.  «  abattre  ».  —  On  sait  que 
l'anc.  langue  comptait  beaucoup  de 
verbes  oscillants  entre  la  l'e  et  la 
û*  conjug. 

Desier,  1  14,  désir,  du  lat,  deside- 
rium. 

Desloce  {se),  117  a,  3«  p.  s.  ind.  de 
deslouer,  comp.  de  louer  et  de  la 
partie,  péjorative  ries,  donc  «  se 
plaindre,  trouver  mauvais  » . 

Desparce  {se),FlU!i,  3e  p.  s.  subj.  de 
se  desparlir,  t  s'en  aller  ;  terminer, 
cesser»;  —  pour  la  désinence,  voy. 
sous  -se,  ce. 

Despiciez,  181  f,  le  même  que  despe- 
ciés  (voy.  Depacier);  —  avec  la 
fluctUcition  de  l'e  atone  en  i. 

Desplase,  K  65,  proHonc.  locale  de 
déplaise,  3"=  pers.  s.  subj.  de  «  dé- 
plaire ». 

Desraso\,  F  139,  réduction  normale 
de  «  déraison  ». 

Destruhe,  109  ri,  prononciation  po- 
pulaire de  destruire;  —  par  réduc- 
tion de  Mi  en  m. 

Dettours,  2ii  a,  30  a,  débiteurs  ;  — 
le  premier  /  est  dû  à  l'assimilai  ion 
du  b  de  deblours  145  c. 

Deulewart,  203  f,  F  97,  variante  or- 
thographique de  Dieulowart  (v.  c. 
m.). 

Dezocre,  103  d,  dessus,  adv.;  —  latin 
de-snpra. 

DiADBLE  Dyai'ble,  G  35,  H  191,  var. 
orthographique  de  deauble  (v.  c. 
m.);  —  dans  diauble,  rég.  plur.,  la 
rime  a  exigé  la  suppression  de  Vs 
casuel. 

DiCACE,  223  g,  aphérèse  de  <i  dédi- 
cace »  ;  —  sous  cette  forme,  dicasse 
ducasse  s'est  maintenu  dans  les  pa- 
tois messin  et  wallon  pour  la  «  fête 
patronale  »  d'une  église,  dont  dédi- 
cace marque  la  «  consécration  ». 

UiECL,  F  2,  forme  variée  de  duel 
deul  (fréq.),  «  deuil,  chagrin  ». 

Dieulowart,  64  f,  nom  de  lieu,  Dieu- 
louart,  lilt.  Dieu  le  garde!  —  L'or- 
thographe actuelle  montre  que  i» 
sonne  ou. 

Dirais,  B  1,  II  5,  1"  p.  s.  fut.  de 
«  dire  »  ;  —  sur  la  désinence,  voy. 
-ais. 


Discipline,  94  /,  sacrifice,  holocauste, 

massacre.  —  Cette  signification  est 

dérivée  de  celle  de  •  douleur,  cliâli- 

i     ment  » .  Dans  la  Chanson  de  Roland  : 

j     Ue  Sarrazins  verrai  tel  discipline; 

I     Contre  un   des  nos  en   truverat 

mort  quinze.  (Ed.  L.  Gautier,   v. 

1929.) 

DiSME  {le),  8  g,  la  dixième  partie;  — 
remarquer  l'emploi  de  ce  mot  au 
masculin  ou  plutôt  au  neutre  d'in- 
tention. 

Dit,  148  e,  265  c,  271  c,  F  16,  orthogr. 
vicieuse  de  di  I  65,  dis,  Ire  pers.  s. 
ind.  et  parf.  de  o  dire  •. 

DoiEZ,  G  176,  2e  p.  pi.  ind.  de  «  de- 
voir »  ;  —  formation  analogique  à 
doiems  doiens,  ire  pers.  pi.  {debe- 
mus),  très-fréquent  à  Metz  dans  les 
chartes  contemporaines. 

DoiGNE,  Il  158,  2e  pers.  s.  impér.  de 
«donner  »; —  c'est  une  pronon- 
ciation mouillée  de  donc  donne 
{dona). 

DoiNGNE,  en  comp.  dans  pardoingne 
119  b,  3e  p.  s.  subj.  de  «  donner  »  ; 
—  doingne  est  phonétiquement  pos- 
térieur à  dont  doint  (v.  c.  m.). 

DoiNT,  57  ff,  283  e,  287  g,  B  31,  3=  p. 
s.  subj.  de  «  donner»;  —  c'est  une 
notation  variée  de  dont  (v.  c.  m.) 
où  l'i  est  appelé  par  la  nasale. 

DOLLE,  15'J  g,  cage.  —  Ce  mot,  qui 
existe  encore  dans  le  patois  lorrain, 
doullc  doule,  représente  le  bas-lat. 
dovula  dont  le  primitif  dogrt  a  pro- 
duit doue,  douve,  dim.  douelle  <>  ais 
de  tonneau  ".  C'est  sans  doute  à  une 
forme  altérée  de  doulle,  douve,  qu'on 
doit  rapporter  le  mot  danfve,a\i  sens 
de  «  cage  »,  et  en  rime  avec  gabiolle 
dans  une  chanson  du  xv»  siècle  (cf. 
Romania,  I,  117). 

1.  Don,  32  g,  103  a,  104  b,  127  d, 
128  c,  160  f,  192  c,  etc.,  art.  com- 
posé masc.  sing.  rég.;  lorme  popu- 
laire de  dou,  plus  :inc.  do  (cf.  Non 
On).  —  Le  vers  268  d  offre  un  cas 
de  construction  particulière  de  don 
attaché  tout  à  la  fois  à  un  infinitif 
et  à  un  sUbstantif  :  Par  lui  n'ont 
pas  estez  cowars  Don  clocliier 
d'Ars  sus  homme  abatre.  Il  faut 
décomposer  en  :  «  de  abatre  lo  clo- 
chier  ».  Voy.  aussi  127  d,  Don 
feu  bouter. 

2.  DON,  107  g,  pronom  comp.,  =  de 
le;  —  tantôt  masc,  tantôt  neutre, 
suivant  qu'il  rappelle  un  substantif 
ou  une  proposition  tout  entière. 
Don  est  contracté  de  de  lo,  de  lou 
nasalisé  en  de  Ion  (cf.  -on). 

DONGIER,  £i9  f,  96  r,   esr,  pour  la 


ft70 


GLOSSAIRE. 


EN 


forme,  notre  danger  ;  pour  le  sens, 
l'hisioire  de  ce  mot  est  si  complexe 
que  nous  ne  pouvons  la  résumer 
ici.  Dans  l'esp^'cc,  dongier  :i  la  si- 
gnification de  ■  refus,  contesta- 
tion >  ;  respondre  sans  dongier  a 
donc  pu  être  traduit  :  répondre 
sans  difficulté,  sans  faire  attendre, 
immédiatement;  venir  sen  don- 
gier, venir  sans  tarder. 

1.  Dont,  K  11,  don  (donum);  —  avec 
le  t  erronément  caractéristique  du 
rég. 

2.  Dont,  1  e,  3»  p.  s.  subj.  de  ■  don- 
ner •  • 

DoDBTAGBLE,  G  S4,  simple  de  «  re- 
doutable •  .  —  Le  groupe  able  s'as- 
sourdit en  auble. 

DooBTER,  168  c,  simple  de  •  redou- 
ter »,  se  trouve  em|)loyé  ici  au  sens 
de  •  faire  peur,  inspirer  de  la  crainte 
à  quelqu'un  •. 

Drois,  27  g,  raison,  droit.  —  Remar- 
quez l'emploi  de  l'a  inasc.  en  dési- 
nence de  sujet  dans  ce  mot  neutre 
d'intention  et  d'emploi. 

DUCHAU  -CHACLZ,    83  f,  210  f,    2511  f, 

273  b,  etc.;  ducliauU  250  f,  les  gens 
du  duc  de  Lorraine,  et  plus  géné- 
ralement les  habitants  du  duché. 
DUCHE,  73  c,  prononciation  locale  de 
deutsch  "  allemand  »,  conservé  sous 
une  forme  voisine  dans  la  qualifi- 
cation ethnique  de  «  Audun-le-Ti- 
ctie  »,  opposée  à  celle  de  •  Audun- 
\e-Roman  ■,  l'une  et  l'autre  de  ces 
dénominations  se  tirant  do  la  lan- 
gue parlée  dans  chacun  de  ces  vil- 
lages. —  On  sait  que  le  patois  a, 
dans  un  grand  nombre  de  cas,  ab- 
sorbé le  son  de  «  en  celui  de  t. 


E 


-€  lat.  et  fr.  est  noté  ordinairement  a  : 
apingole,  avesque,  raparier,  etc. 

•e  final  en  syllabe  féminine  est  par- 
fois redoublé  :  cruees,  exiliee,  en- 
viée. 

1.  Ealx,  185  g,  pron,  3o  p.  masc.  pi. 
rég.  (voy.  11). 

2.  Ealx,  185  g,  forme  fautive  de  l'art, 
masc.  plur.  alz,  auz  185  f,  amenée 
sous  la  plume  du  copiste  par  le  voi- 
sinage de  ealx,  pron. 

Eaulx,  passim,  notation  assourdie  de 
ealx  (v.  c  m.). 

Eglisse,  113  bt  église  (voy.  Es- 
glisse). 

Ehds,  B  12,  p.  elmes,  part.  pas.  fém. 
pi.  r.  de  «avoir»;—  l'épenthèsede 


A  accuse  nettement  la  diérèse.  Voy. 
A  EU  Haec. 

Etre,  C  18,  orthogr.  locale  de  erre 
(rf.  teire  seire  p.  terre,  serre  ;  — 
—  erre  est  le  subst,  verb.  de  •  er- 
rer •  au  sens  de  •  se  tromper  ». 

-eirenl  -erent,  dés.  de  la  3«  pers.  pi. 
du  parf.  dans  les  verbes  apparte- 
nant à  une  autre  conjugaison  que 
la  première  :  altendcrer.t  ardei- 
rent  parteirent.  —  Sur  cette  dési- 
nence, voyez  à  la  Crahuaire, 
p.  456-7. 

EiRT,  D  68,  est  interverti  de  iert, 
3*  p.  s.  fut.  de  ■  être  ». 

•eit,  désin.  de  la  3^  p.  s.  du  parf.  dans 
les  verbes  autres  que  ceux  de  la 
l"  conj.  :  ardeit  fereit  (voy.  à  la 
CiRAMUAIRE,  p.  ttbd-l). 

-el  en  syllabe  finale,  provenant  du  lat. 
■eltutn,  ne  se  diphthongue  pas  en 
-eau  comme  en  français;  mais  el 
devient  eit,  ou  è  ci,  par  l'assourdis- 
sement de  la  liquide.  Ex.  :  noirl, 
favel,  osel,  veit,  mencstrès,  qiiai- 
rès,  etc.  (Voy.  à  la  Grauhaire, 
p.  UUlt). 

Em,  e  lfi2i,  K  5,  orthogr.  de  «  en  » 
devant  un  mot  commençant  par  une 
labiale. 

Emblais  (siij.),  176  a,  Amblard, 
nom  pr.  —  La  désin.  -ars  art  laisse 
tomber  fréquemment  la  liquide  en 
diphthonguant  la  voyelle  :  Amblam 
Emblais. 

Embrassée,  6b g,  notation  locale  pour 
embrasée  [s  dur  figuré  par  ss), 
part.  pas.  fém.  sing.  suj.  de  «  em- 
braser )>. 

Embusinier,  e  18,  verbe  dér.  de  «  be- 
soin »,  dont  les  variantes  orihoKra- 
phiques  sont  très-nombreuses  dans 
les  textes  de  Metz  :  be,  bi-,  beu-, 
bu-,  ba-soin;  embusinier  équivaut 
à  »  rendre  besoigneux,  mettre  dans 
le  besoin,  en  mauvais  état,  en  pé- 
ril ... 

1.  Ehpeire,  G  11,  empire  ;  pris  abso- 
lument, «  le  saint  empire  romain  ... 
—  La  diphthongue  insolite  de  la 
voyelle  tonique  est  une  exigence 
de  la  rime  ;  voy.  aux  Variantes, 
271  g. 

2.  Empeire,  h  22,  56,  5«  p.  s.  ind.de 
ce  empirer  »;  —  la  diphthongue  delà 
voyelle  tonique  est  due  à  la  môme 
cause  que  pour  empeire  1. 

Ehpereire,  h  58,  forme  suj.  employée 
en  rime  au  lieu  du  rég.  (cf.  Lerre). 

-en  est  noté  fort  souvent  an,  sans 
distinction  d'origine;  par  contre,  an 
peut  être  figuré  par  en  :  ardent, 
Entecris,  samblent  (voy.  -an). 


EN 


GLOSSAIRE. 


un 


1.  En  (lat.  in,  inde)  est  fréquemment 
noté  on  (v.  c.  m.)' 

2.  En,  214  g,  E  Iftô,  permutation  de 
on  (/jomo);  voy.  sous  On  1. 

Enchauciet,  lOU  a,  part.  pass.  neut. 
rég.  de  cncliausser,  litt.  «  être  sur 
les  chausses  de  quelqu'un,  le  poui'- 
suivre  l'épée  dans  les  reins  ». 

Endowairs-t,  91  e,  127  g,  161  c, 
268  a,  forme  nasalisée  de  Edouard  ; 
voy.  Andowars. 

Enflameir,  214  g,  est  pris  absolu- 
ment au  sens  de  «  mettre  en  flam- 
mes, incendier  ". 

Engreigne,  h  22.  Le  sens  interdit  de 
rapporter  engreigne  à  engrener 
(voy.  Engrenny);  c'est  sans  doute 
une  faute  pour  engreige,  3e  p.  s. 
ind.  de  cngreger,  formé  sur  le  lat. 
gravis,  comme  alléger  sur  levis; 
donc  «  rendre  plus  grave  ,  accroî- 
tre, empirer  ». 

Engrenny,  H  9,  part.  pas.  m.  s.  pi. 
de  engrennir,  variante  formate  de 
«  engrener  »,  propr.  «  mettre  le 
grain  dans  la  trémie  du  moulin  », 
d'où  l'acception  plus  générale  de 
«  commencer  un  travail,  se  mettre 
en  mouvement  ».  En  Bourgogne, 
angueurnai  est  un  terme  d'écoliers 
pour  commencer  le  jeu  :  y  â  moé 
l'preii,  y  angueurne.  —  La  double 
nasale  de  (en)grenny  rend  plus 
palpable  la  dérivation  de  greiine 
(v,  c.  m.),  fr.  graine. 

Enhaner,  56  a,  forme  nasalisée  do 
alianer,  qui  s'applique  d'une  façon 
générale  au  travail  agricole.  Dans 
l'espèce,  la  date  des  faits  et  le  con- 
texte du  couplet  s'accordent  pour 
donner  à  enlianer  le  sens  particu- 
lier de  «  semer,  ensemencer  ».  Voy. 
aussi  enhanneis,  p.  393. 

Enjalez,  h  138,  notation  locale  de 
engelé,  part.  pass.  masc.  pi.  s.  de 
engeler,  comp,  de  «  geler». 

Enmenont,  179  a,  3^  p.  pi.  ind.,  avec 
sens  du  parfait,  de  «  emmener»;  — 
pour  la  désinence,  voy.  -ont.  Ce 
môme  couplet  contient  quatre  au- 
tres verbes  au  parfait  avec  la  dési- 
nence normale  -cirent,  ce  qui  met 
hors  de  doutu  la  concordance  de  -ont 
et  -cirent  pour  la  valeur  tempo- 
relle. 

-enne  -ainne.  Cette  désinence  à  dou- 
ble nasale  se  prononce,  non  pas 
comme  en  fr.  aine,  mais  in-ne.  Voy. 
à  la  Grammaire,  p.  Wl. 

ENNEMiN-s,  101  b,  118  rf,  128  e,  241  c, 
forme  nasalisée  de  ennemi-s  (voy. 
-in). 

Enportirent,  178  rf,  3e  p.  pi.  parf.  de 


«  emporter  »,  avec  la  désinence  as- 
similée de  la  W  conj.  (voy.  -irent). 

Enqci,  88  d,  ici  ;  —  forme  nasalisée  de 
eqvi  iqui  (ce  dernier  conservé  dans 
le  patois  bourg.)  dér.  de  eccum  hic, 
ici  représentant  ecce  hic. 

Ens,  F  90,  en  {inde),  —  avec  l's  adver- 
bial, par  lequel  ce  mot  se  confond 
avec  ens  {intiis)  115  b. 

Ensamblée,  Ensemblêe,  57  b,  137  b, 
forme  nasalisée  de  dsemblée  191  b, 
«  assemblée  ». 

Ensonniement,  98  e,  dér.  de  ensoinne 
ensonne,  forme  nasalisée  de  es- 
soinne,  «embarras,  difficulté  «.Dans 
notre  texte,  l'e  initial  de  essoinne 
est  devenu  a  :  assoinne  (v.  c.  m.). 

Entecris,  39  g,  var.  littérale  de 
Anthecris  253/",  (s.  s.),  l'Antéchrist  ; 
—  en  pour  an. 

Entike,  240  <>,  forme  réduite  de  «  en- 
tière »  (voy.  sous  -ie).  —  Quoique 
cette  réduction  soit  parfaitement 
valable  dans  le  dialecte  messin 
(moins  cependant  qu'en  wallon), 
j'ai  eu  après  coup  scrupule  de  la 
maintenir  en  rime,  isolée  qu'elle 
est  contre  tanière  fumiere  dar- 
riere  (voy.  aux  Variantes). 

Entrant,  57  a,  98  a,  123  a,  145  a, 
259  a,  adv.  participial  de  môme 
formation  que  durant  pendant 
{main)tenant.  Le  sens  de  entrant 
est  bien  déterminé  par  le  syno- 
nyme Handis  que  lui  donnent  nos 
deux  autres  manuscrits. 

Entrappez,  e  143,  pourrait  être  con- 
sidéré comme  la  variante  nasalisée 
de  estrapés  part.  pass.  m.  s.  s.  (voy. 
sous  Atrapeies),  mais  le  sens  pré- 
fère une  dérivation  de  «  trappe  »  ; 
donc  synonyme  de  «  attrapé,  pris  au 
piège  ». 

ENTREMÈS,   ENTREMETZ,  151  C,   F   173, 

K  32,  entremets  ;  —  du  sens  propre 
«  mets  servi  entre  deux  princi- 
paux services  "  découle  l'acception 
figurée  de  «  petite  besogne  entre- 
prise entre  deux  affaires  plus  con- 
sidérables »,  d'où  le  sens  de  «  diver- 
sion, divertissement,  réjouissance». 
Entront,  127  e,  3«  p.  pi.  parf.  de 
«  entier  ».  —  Sur  l'origine  et  la 
valeur  temporelle  de  la  désinence, 
voy.  sous  -ont.  Je  ferai  seulement 
remarquer  ici  que  la  désinence  ana- 
logique et  populaire  -ont  est  en 
concurrence  dans  le  même  vers 
avec  la  désinence  régulière  et  clas- 
sique -eirent  :  H  entront  ans,  si  an 

gitterent,  Berbis   et   porcs De 

cette  concurrence  de  formes  dans 
une  môme    teneur  de  phrase   ré- 


tk72 


ENVAHIE 


GLOSSAIRE. 


ESPINGOLC 


suite  invinciblement  la  concordance 
de  sens,  en  d^pit  de  la  diversité  de 
flexion. 
Envahie-9,  172  d,  181  d,  296  r,    in- 
cursion  à   main  .irméc    (voy.   En- 

VAIIE). 

Envahis,  29!  f,  part.  pas.  m.  pi.  r.  de 
«  en\aliir  »,  au  sens  de  »  enlever 
par  la  force  ». 

Envaiie,  bl  d,  subsl.  participial  fém. 
de  «  envahir  ■  ;  —  envahie,  terme 
concret,  a  été  remplacé  par  le 
terme  ubstrnit  "  invasion  ". 

ENVIEE,  286  t>,  envie,  —  avec  Ve  fi-m. 
final  redoublé  (voy.  Exiliee  et  sous 
•€,  -te). 

Envoise,  283  f,  F  ISfi,  3»  p.  ».  subj. 
de  1  envoier  »  (voy.  Anvoise). 

Erbois,  l<t8  g,  p.  erboie,  «  htrboie, 
lieu  herbu  «  {lierbelum,  dont  le 
plur.  herbeta  est  pusse  au  féin. 
sing.)  —  Dans  erbois,  Vs  est  amené 
par  la  rime. 

ERr.EVES<:iiiÉs,  13'i  d,  forme  locale  de 
'•  archcvi^ché  »;  —  est  pris  par  sy- 
necdoque pour  l'"  archevêque  »  (de 
TrèvesV 

EniTE,  li  222,  est  la  di^rivation  nor- 
male de  hœreticus;  «hérétique  » 
est  de  formation  savante. 

Errent,  26  f.  S»  p.  pi.  imparf.  du 
verbe  ••  être  >•. 

Ebt,  59  d,  3e  p.  s.  fut.  de  >•  être  ■  ;  la 
forme  Ij  plus  ordinaire  est  icrt 
yen, 

-es  initial,  suivi  d'une  consonne, 
laisse  tomber  »,  et  Ve  prosthétlque 
de\ienl  a  :  apagiierpnl,  apingole, 
fltrapeies,  etc.;  —  pur  contre,  a  d'o- 
ligiiie  est  indûment  restitué  en  es  : 
eslieil,  eslumeruent,  estans{  v.  c. 
m.). 

EscHEViER,  B  26,  variante  formale  de 
.<  esquiver  «  (voy.  EscHEViR). 

EscHEViR,  1  a, coinp.  de  clievir,  «ve- 
nir à  clief,  terminer,  achever.  >>  — 
Les  deux  manuscrits  secondaires 
portent  esclieveirescliever,en  outre 
eschevier  B  26,  qui  sont  les  formes 
anciennes  de  '<  esquiver  ».  Et  il 
pourrait  bien  se  faire  que  eschevir 
appartint  au  même  railicjl ,  plus 
convenable  pour  le  sens;  la  dési- 
nence de  l'infinitif  serait  alors  le  ré- 
sultat d'une  confusion  a\ec  chevir. 

EscRiPRE,  59  a,  orthographe  burles- 
quement  étymologique  de  escrirc, 
«  écrire».  iNotrc  ms.Pad'habiiudele 
bon  goût  de  laisser  ces  sottises  pé- 
dantesqu^s  au  ms.  M;  ici  il  a  été 
entraide  par  l'exemple  de  escript, 
qui  se  rencontre  quelquefois,  et  oii 
du  moins  le  p  est  étymologique. 


EscDL,  59  e,  éca;  —  avec  le  (  parago- 
gique,  fréquent  à  Metz  pour  cette 
époqre. 

Esglissc  {la  Grande),  \k  b,  dénomi- 
nation usuelle  de  la  raibédrale  du 
Meli,  dt-diée  à  saint  Etienne.  Le  po- 
pulaire 1.1  désignait  plus  volontiers 
par  l'appellation  de  ><  Grant  Mou- 
tier  >;  à  la  campagne  on  dit  encore 
aujourd'hui  le  «  Motin  ». 

EsjoiEi  (m'),  229  d,  1"  p.  s.  parf.  de 
s'csjoir,  >.  se  réjouir  »;  —  ci  sonne  i 
(voy.  sous  -ey).  Les  deux  autres 
manuscrits  donnent  csjoyt  esjoy 
(voy.  aux  Variâmes). 

ESLIEIT,  58  r,  part.  pas.  m.  pi.  s.  do 
•  allier  »;  —  eslieis  17û  c,  en  même 
valeur,  |.èche  contre  les  règles  de  la 
décl'naison.  —  L'orthographe  fautl- 
vede  la  première  syllabe  est  due 
à  une  confusion  avec  estire. 

EsM'HEMENT,  188  f,  illumination,  litl. 
«  allumenient  ",  dér.  de  »  allu- 
mer »;  —  pour  la  syllabe  initiale, 
voy.  sous  -es. 

ESMAIER,  189  c,  se  troubler,  s'émou- 
voir, être  inquiet.  —  Outre  cette 
orthographe,  csmaier  se  présente 
aussi  avec  la  notation  dialectale 
amaier.  —  Part.  pas.  m.  s.  s.  ct- 
maiés  -ez  5ii  b.lbb  c,  'm.  p.  s.  a- 
maiet  20  6,  esmaieic  16  d,  t.  pi.  s. 
estnaiez  221  c,  (v.  c.  m.)  ;  ind.  3e  p. 
pi.  csmaienl  (i  76. 

EsMAiEZ,  221  c,  part.  pas.  fém.  plur. 
suj.  de  csmaier  (v.  c.  m.);  —  sur  la 
(lésin.  ie  contr.  de  -iée,  voy.  à  la 
Grammaire,  p.  <t35. 

EsMAïKis,  H  10,  part.  pas.  m.  s.  s.  de 
esmarir,  avec  le  sens  de  <>  souil- 
ler ».  —  Ix;  passage  dont  notre  vers 
est  le  commentaire  s'exprime  en 
ces  termes  :  Lors  val  le  nit  tout 
concilier  (v.  lU  de  l'original). 

ESMARIE,  193  d,  F  182,  part.  pas.  f. 
s.  s.  de  esmarrir.  comp.  de  mar- 
rjr,  «  mécontenter,  affliger,  fâcher, 
mettre  en  mauvais  état,  souiller  » 

(voy.  ESMAIRIS). 

ESPARCNIRENT,  217  d,  3e  p.  pi.  parf. 
de  «  espargner  »,  avec  la  désinence 
assimilée  de  la  U^  conj.  (voy.  sous 
-irent).  D'après  les  lois  de  notre  dia- 
lecte, espargner  se  contracte  en 
apagner,  voy.  Apagnekont. 

ESPERIL,  119  9,  notation  particulière 
du  suj.  pi.  de  esperit,  »  esprit  »;  — 
vov,  -/  en  paragogc. 

ESPINGOLE-S,  81  c,  1  !!»/■,  in/",  129/;, 
187  a,  arme  de  jet  en  forme  de  fu- 
sil. —  Le  même  mot  présente  aussi 
la  notation  dialectale  apingole  (v, 
c.  m.). 


E8QUKRMISS0URS         GLOSSAIRE. 


VIS 


ESQCERMISSOURS,  202  c,  rég.  plur., 
littér.  «  escarmoucheurs  »;  —  dér. 
du  \erbe  v.  fr.  esqiiermir,  «  faire 
des  armes  ». 

EssADLCE,  194  c,  3«  p.  S.  ind.  de  es- 
saucier;  —  pour  la  forme,  c'est  le 
même  que  «exhausser»,  mais  pour 
le  sens,  il  répond  à  «  exalter  ».  Ces 
trois  verbes,  dont  chacun  a  revêtu 
une  acception  différente,  se  rappor- 
tent tous  les  trois  à  un  verbe  exal- 
tare  exattiare,  dér.  de  altus. 

EssENDRE,  Il  IU6,  bardeau,  volige;  — 
dér.  du  lat.  assindula,  dont  le  prim. 
assis  axis  a  donné  «  ais  ». 

Ebtaige,  180  g,  est  pour  la  forme 
«  étage  »,  au  sens  étymologique  de 
«  chose  posée  à  demeure  »  [slati- 
cum),  dans  l'espùce,  «construction, 
bâtisse  >.  La  langue  moderne  ne 
(ait  plus  de  étage  que  l'une  des  divi- 
sions d'un  bâtiment  considéré  dans 
sa  hauteur. 

ESTANS,  IST  f,  notation  particulière 
de  alains  ateins,  part.  pas.  masc. 
sing.  suj.  de  «  atteindre  ».  —  Ce 
mot  est  intéressant  à  relever  en  ce 
qu'il  offre  le  double  caractèie  de  la 
prononciation  populaire  et  d'une 
dérivation  prétendument  scientili- 
que.  La  science  incomplète  de  l'au- 
teur ou  du  copiste  l'a  induit  en  er- 
reur, qui  il'apingole  pour  espingole 
a  été  conclure  d'a/ai/is  à  cstains  ; 
quant  à  la  réduction  de  ai  ain  en  a 
ail,  elle  est  de  l'essence  môme  du 
parler  populaire  (voy.  sous  -es,  et  à 
la  Grammaire,  p.  UU2). 

Estal'BLE,  passim,  prononc.  locale  de 
estable,  «  stable,  de  longue  durée  »; 
—  l'a  en  position  devant  une  labiale 
s'assourdit  en  au. 

EsTAUBLiT,  G  1,  3e  p.  S.  ind.  de  estait- 
blir,  «  établir  »;  vov.  Estauble. 

ESTAUL,  233  a,  vfr.  'estât,  «  état  », 
dont  le  sens  originaire  est  «  posi- 
tion fixe,  place  ù  dnmeure  »;  la  lo- 
cution tenir  estant  est  donc  en  va- 
leur de  «  faire  face,  tenir  tête  ».  De 
la  môme  acception  première  découle 
aussi  naturellement  celle  de  «  li- 
mite, frontière,  marche  ».  Et  comme 
à  chaque  cslault  ou  marclie  (l'es- 
tauH  siégeait  une  commission  mixte 
chargée  de  connaiire  des  différends 
mus  entre  les  Messins  et  leurs  voi- 
sins, estaittt  a  pris  le  sens  de  «  ar- 
rêt, jugement  »  rendu  par  ce  tribu- 
nal international  :  Item,  de  tous 
autres  descors  qui  porroient  estre 
de  si  en  avant  entre  nous  les 
p[er]ties  dessus  dites...,  ons  en 
doit  ouvreir  et  (aire  d'une  pairl  et 


(f autre  p[er]  estault  celonc  cous- 
tume  d'estault.  (Pièces  diplomati- 
ques, II,  p.  Û07-8,  ci-dessus).  —  Le 
lecteur  ne  sera  peut-être  pas  fâché 
de  connaître  les  mai-clies  d'estault 
ou  frontières  de  la  république  mes- 
sine au  xive  siècle,  telles  qu'elles 
se  trouvent  indiquées  dans  un  ma- 
nuscrit contemporain  : 

les  marches  contre  les  signeurs. 

Marelles  contre  le  duc  de  Bar  :  a 
IVaisaigc  l'une,  et  l'autre  a  la 
Grant  jlaie  a  Tf'allerinprey  deisai 
Sainct  Privey. 

Marche  contre  la  ducliié  de  Lucem- 
boiircli  :  a  Becliiefinont  en  mey  le 
pont. 

Marche  contre  Varchevelque  de 
Trievres  :  a  Katihennem. 

Marche  contre  ta  duciiié  de  Lolier- 
raigne  :  as  airbes  deisai  Lustenge 
pour  les  Allemans,  et  a  JVaisaige 
pour  les  Romans. 

Marche  contre  l'eveschiet  de  Mets  : 
a  Chaucey  par  les  Allemans  deisai 
le  pont,  et  pour  les  Romans  a  Soi- 
gnes. 

Marche  a  l'eveschiet  de  Verdun  :  a 
la  Grainge  a  Noveroy. 

(Bibl.  de  Metz,  mss.  n»  1,  "Ctr- 
tulaire  de  Metz»,  dernier  fo; 
—  ibid.t  mss.  n»  177,  «  Li- 
vre des  Irésoiiers  ».) 

Les  marches  d'estault  sont  ainsi  déli- 
mitées dans  les  Chroniques  messi- 
nes, pp.  ftO-!«l,  sous  la  date  de  1324 . 

ESTOLLE,  159  rf,  poteau,  pieu  ;  propr. 
u  morceau  de  bois  fendu  ».  —  En- 
toile est  réduit  de  estoilte^^  ételle  ». 

Estrainge,  19  a  et  pass.,  forme  lo- 
cale de  estrange,  «  étranger  ». 

EsTRAPENT,  H  Ul,  3«  p.  pi.  ind.  de 
estraper,   «  couper  »  (Voy.  Atha- 

PEIES). 

Estre  [l'),  265  b,  infin.  substantivé; 
—  rem.  le  sens  du  passé  dans  la 
phrase  :  Quant  j'oy  l'estre,  «  ce 
qui  fut,  ce  qui  était  arrivé». 

ESTUET,  77  c,  168  b,  E  9^1,  103,  106, 
3e  p.  s.  ind.  de  estovoir,  «  convenir, 
falloir,  être  nécessaire  » . —  Ce  verbe 
avait  déjà  vieilli  au  xve  siècle,  puis- 
que le  ms.  D  lui  substitue  presque 
dans  tous  les  cas  le  verbe  «  conve- 
nir »  au  sens  de  «  falloir  ». 

ESTURE,  G  161,  forme  altérée,  à  cause 
de  la  rime,  de  estoure  cstorc, 
2"  p.  s.  imp.  de  estorer,  simple 
de  restaurer  restorer  (cf.  restaurée 
H  75),  u  restaurer,  remettre  en 
état  ». 

Et,  13  a,  doit  être  interprété  à.  Cest 
une  notation  assez  fréquente  dans 


un 


EULX 


GLOSSAIRE. 


les  textes  populaires  que  celle  de 
la  prép.  à,  sonnant  ai,  et  flgurée 
comme  la  conj.  et,  soit  en  toutes 
lettres,  soit  par  abréviation.  —  Par 
contre,  et  est  quelquefois  repré- 
senté par  a,  notauinieiit  dans  210  6 
de  M  ;  On  menjut  bien  et  pots  a 
loches. 

EULX,  voy.  Il;  —  est  employé  là  oJi 
le  fr.  moderne  exigerait  le  pronom 
réfléchi  se  soi. 

EuvES,  294  a,  =  lat.  equas.  Juments 
(cf.  iavDe,  de  aqtia). 

EVESCHiÉ-z,  285  g,  H  125-6,  évêché.— 
Ce  mot  est  du  penre  féminin,  ainsi 
que    duché,    comté  ;  —  voy.   S0!«.  | 

ExiLiKE,  160  g.  part.  pas.  fém.  suj.  j 
de  essiUer,  <>  ravager,  détruire  », 
propr.  «  exiler  ».  —  Pour  la  Toyelle 
linale,  voy.  -ie.  ' 

ExiLLiEZ,    169  b,    orthogr.   vicieuse  j 
pour  exillié  et  mieux  exilliet,  part, 
pas.  masc.   sing.  rég.  de    essiUier 

(voy.  EXlLLIE).  I 

EiiBS,  95  g,  291  b  g,  v.  fr,  heur, 
conservé  seulement  dans  les  conip.  j 
bonheur,  malheur.  —  I,p  g  du  pri- 
mitif latin  aii(juriums'ii>l  maintenu  i 
dans  1rs  autres  langues  romanes  et 
dans  quelques  patois  fr.,  notamment 
dans  le  lorrain  :  à  Metz,  heureux 
se  dit  agrou  ognm  =  augurosum. 

1.  -ey  {ieuum),  suffixe  des  noms  de 
lieu,  très-fréquent  dans  la  région 
de  Metz  ;  ey  sunne  y,  au  moins  chez 
le  populaire;  le  couplet  135  fait  ri- 
mer ffappey  avec  despis  respis; 
d'autres  exempli-s  analogues  sont 
fournis  par  les  manuscrits  secon- 
daires. 

2.  -ey  ei,  par  analogie  au  précédent, 
se  substitue  à  i  »/  final  :  Fcrey  pour 
Ferry,  esjoiei  (v.  c.  m.)  pour  csjoî. 


-f,  épenthétique  dans  la  svllabe  chié 
gié  :  Richiefmont  218  V,  219  g, 
chargiefs  A  U,  merchief  11  d  M, 
chevalchief  huchief  trabuchief 
108  M.  C'est  une  assimilation  au 
mot  chief  et  ses  comp.  meschief 
rechief,  d'un  emploi  si  fréquent; 
voy.  Chiez.  —  Un  cas  différent  est 
celui  de  nif  (\.  c.  m.). 

Faicon,  117  d,  forme  variée  de  fœon 
(v.  c.  m.);  —  faicon  z^  façon  =  fai- 
con. 

1.  Famé,  II 173,  renommée  {fama). 

2.  Fame-s,  h  169,  notation  dialectale 
de  femme{s)  H  24,  155,  165  et  pas- 
sim;  —   l'a  de  famés  sonne   au. 


famés  rimant  avec  diffaulme;  famé 
est  devenu  dans  le  patois  fome 
foume  (voy.  Sommkr). 

Fasce,  K  6i,  orthogr.  erionée  de  face, 
»  visage  >;  —  s  vient  parfois  dou- 
bler e  en  finale  féminine  :  avarisce, 
gravisce. 

FAti.TRE,  125  f,  (autre,  forme  anr,  de 
«  feutre  ».  —  Fautre  doit  être  cor- 
rigé en  faucre,  crochet  qui  servait 
à  maintenir  la  lance  dans  une  posi- 
tion horizontale  et  prête  à  charger. 
La  confusion  entre  faucre  et  fautre 
est  très- fréquente  dans  les  manus- 
crits. 

Fadtbez,  (r.  pi.)  II  18,  voy.  Fal'i,tre. 

Favel,  102  g,  réduction  de  fauvet, 
"  fuuveau  .•,  dim.   de   ■  fauve  ". 

Feirient,  145  f,  3o  p.  pi.  coud,  de 
fere,  «  faire  »;  —  voy.  sous  -ient. 

Fehiere,  28  c,  155  c,  fumrc,  et  par 
extension  flamme,  incendie,  dans 
l'expression  «  feu  et  femiere  -s  — 
i'e  de  femiere  est  une  fluctuation 
de  l'u  original  dans  fumiere  (v.  c. 
m.). 

Fenir.  250  g,  finir,  avec  l'accep- 
tion particulière  de  "  mettre  fin  à  la 
vie,  à  l'existence,  tuer,  faire  pé- 
rir •  (voy.  Viy)  ;  —  fcnis,  G  119, 
2e  p.  s.  parf. 

Ferais,  C,  98,  1"  p.  s.  fut.  de  fere, 
i<  faire  ».  —  Sur  la  désinence,  voy. 
-ais. 

Fereit,  129  c,  30  p.  s.  parf.  de  «  fé- 
rir »,  avec  la  désinence  -eit  intro- 
duite par  analogie  de  ardeit  et  au- 
tres formes  analogues  (voy.  sous -ci7 
-cirent). 

Ferois,  F  80,2'  p.  pi.  fut.  de  fcrc, 
«  faire  ».  -^  Pour  la  désinence, 
voy.  sous  -ois.  * 

Feruit,  269  e,  part.  pas.  neuf.  rég. 
de  "  férir  »;  —  feruit  est  une  alté- 
nuaiion  populaire  de  la  désin.  -u 
(voy.  Respandhis)  ;  ferut  se  ren- 
contre d'ailleurs  dans  noire  texte, 
notamment  dans  280  c,  et  le  rég. 
plur.  ferruz  dans  256  g. 

Feurent,  141  e,  forme  variée  At  fu- 
rent, 30  p.  pi.  du  verbe  «  être  ». 

1.  FiERCE,  220  b,  3«  p.  s.  subj.  de 
<c  férir  ».  —  Sur  la  désinence,  voy. 

2.  FiERcÉ,  226  d,  227  a,  la  reine, 
terme  du  jeu  des  échecs;  —  fiercc. 
est  propr.  l'arabe  wezir,  premier 
ministre  »,  donc  <■  pièce  principale 
du  jeu  après  le  roi  ».  Par  la  suite 
des  temps,  le  sens  originaire  de 
fierce  (—  vizir)  s'est  oblitéré,  et 
(lerce  a  été  regardé  comme  une  al- 
tération de  vierge;   de  là  hi  déno- 


FIN 


GLOSSAIRE. 


GAINGNIET 


Û75 


mmation  de  «  dame  »  ou  «  reine  » 
dans  le  jeu  des  échecs  et  des 
dames. 
Fin.  Dans  sa  double  acception  de 
subst.  et  d'adj,,  ce  mot  joue,  à  plu- 
sieurs reprises,  un  rôle  analogue  à 
celui  de  fol  (v.  c.  m.).  Ses  dérivés 
et  composés  sont  le  pivot  sur  le- 
C|uel  tournent  les  rimes  d'un  cer- 
tain nombre  de  vers  consécutifs  : 
subst.  fin  finement  definement,aâ]. 
fine,  verb.  ftnev  afener  afiner  de- 
finer,  adv.  finement.  —  Cette  ma- 
nière de    tautologie   se    rencontre 


Fbeires,  183  f.  Les  «  frères  «  dont  il 
est  ici  fait  mention  sont  les  moines 
de  l'abbaye  Saint-Vincent,  pris  par 
synecdoque  pour  l'abbaye  elle- 
même,  le  terrain  renfermé  entre 
les  murs  du  couvent  (voy.  la  note  à 
ce  vers,  p.  300). 

Frontaul,  F  122,  frontal,  instrument 
de  torture  qui  s'appliquait  sur  le 
front;  au  fig.  persécution,  pour- 
suite, pourclias. 

FuMiERE-s,  77  d,  107  e,  136  g  et  pas- 
sim,  de  l'adj.  fumaria,  u  fumée  »; 
—  se  disait  aussi  femiere   (v.   c. 


plus  d'une  fois,  notamment    dans 

C  38-M,  E  175  et  suiv.,  G  175-180,  1  Fvt,  tiQ  g,   pour  fnst  fuist,    3e  p.  . 


I  73-78,  J  67-72.  —  Au  plur.,  /îns 
G  36  a  le  sens  du  lat.  fines,  «  fron- 
tières ». 

Fleschié,  176  f,  part.  pas.  neut.  rég. 
d'un  verbe  flescliier,  que  je  rapporte 
à  flasclie,  «  flache  »,  plat,  uni,  ni- 
velé, par  conséquent  abaissé.  Cette 
attribution  est  confirmée  par  le 
vers  suivant,  qui  a  radrecier,  u  re- 
dresser, relever  »  par  opposition  à 
flescliier. 

FoiENT,  246  d,  est  contracté  de 
fooient,  3»  p.  pi.  imp.  de  fouir, 
"  bêcher  ». 

FoiERE-z,  D  57,  F  lii4,  orthogr.  vi- 
cieuse de  ic  foire-s  ». 

Fol,  c  37,  soufflet,  lat.  follem.  — 
C'est  à  ce  thème  fol  que  l'on  s'ac- 
corde à  rapporter  le  fr.  fol  fou,  et 
tous  ses  dér.  et  comp.  qui  figurent 
en  rime  dans  C  2U  et  suiv.  et  dont 
voici  l'énumération  :  subst.  fol  fo- 
loiirs  folaige,  adj.  foie,  verb.  foie 
dez fouliez  deffoler.  Le  même  jeu 
d'esprit  est  renouvelé  avec  les  thè- 
mes fin  et  voie  (v.  c.  m.). 

FoucELS,  181  g,  orthographe  locale  de 
faussés  182  a,  184  e,  «  fossés  ».  — 
Pour  l'épenthèse  de  l,  voy.  sous 
■et. 

Fonrncrue,  13  b,  l'une  des  princi- 
pales rues  de  Metz  ;  c'était  le  centre 
de  la  fabrique  et  du  commerce 
des  armes  :  Toute  est  d'airmes 
ptainne  la  rue.  Voy.  l'énumération 
des  produits  de  cette  industrie,  au 
couplet  13.  —  Le  nom  de  cette  rue, 
dite  aujourd'hui  Fournirue,  patois 
Forniraue,  est  souvent  écrit  For- 
nelrue  dans  les  chartes.  Il  est  bien 
probable  qu'elle  a  dû  ce  nom'  aux 
forges  et  fourneaux  nécessaires  à 
l'industrie  de  ses  habitants., 
FOY,  180  b  (suj.  plur.),  «  fous  »,  v.  fr. 
fol,  dans  lequel  Vo  s'est  diphth.  en 
ai  après  l'extinction  de  la  consonne 
(voy.  -0  devenu  -oi). 


subj.  imp.  de  «  être  ». 
G 

,  gu,  s'est  substitué  presque  tou- 
jours au  i»  germanique  initial. 
Celte  notation  est  sans  doute  le  fait 
du  copiste,  et  dénonce  une  influence 
française  dont  ce  n'est  pas  la  seule 
trace  dans  notre  texte.  Cette  in- 
fluence s'exerce  ici  sur  une  très- 
large  échelle,  en  dénaturant  l'un 
des  traits  les  plus  caractéristiques 
de  la  langue  de  Metz,  qui  note  par  w 
non-seulement  le  w  german.,  mais 
aussi  le  i;  et  le  c  (g)  latin.  Je  réunis 
les  exemples  des  mots  dans  lesquels 
g  représents  un  iv  initial  :  [ivaïng 
(cf.  vayn]  -going  gaingnaige  gaiti- 
gniet  guignait  gaingnont  gaiii- 
gniel-z;  —  [wuite)  -galles  gaitier- 
oit;  —  [ivarder]  -gardeir  et  ses  di- 
verses flexions  verbales,  parmi  les- 
quelles gart  subj.  à  côté  (le  wart  2 
(v.  c.  m.);  —  [ivarantir]  -garentir  ; 

—  (wairir)  -garrir  garis;  —  (war- 
nir)  -garnis-ies  en  regard  de  war- 
nisons.  —  Quelques-uns  de  ces  mots 
ont  leur  article  spécial. 

g  a  fort  rarement  la  valeur  de  g'  ou 
jf;  borgoy  II 155,  cliaingour  11 100, 

—  par  cjntre  :  obligeation,  p.  408 
(Pièces  diplomat.) 

Gaingnaige,  251  /,  dér.  de  gaingnier, 
au  sens  primordial  de  «  cultiver  la 
terre  »,  donc  «  travail  agricole  ». 

Gaingniet,  95  f,  dim.  de  gaing,  dont 
le  sens  primitif  est  celui  de  ><  cul- 
ture agricole,  récolle  »,  d'ofi,  par 
extension ,  «  pi  ofit  en  général , 
gain  ».  L'orthographe  de  gaingniet 
devrait  être  waingniet  (voy.  Going 
et  Vayn\  Le  sens  est  celui  de  «  pe- 
tit domaine  rural  »,  plutôt  que 
celui  de  «petit  profit  »,  d'après  le 
contexte. 


«« 


GLOSSAIRE. 


GiiNCMEZ,  186  f,  orlliogr.  vicieuse 
pour  gaingniet,  part.neut.  tég.  de 
•<  gagner  ". 

Gaingnont,  120  f,  5*  p.  pi.  parf.  de 
gaingnier,  .<  gagner  ».—  Sur  la  dé- 
sinence [de  cette  forme  verbale, 
Toy.  -onl. 

Gaites,  g  126  (r.  pi.),  subst.  verbal 
de  gaitier,  «  guetter  .■.  —  La  pure 
langue  de  Metz  exigerait  le  w  ini- 
tial :  ivaites. 

Garder,  182  d,  revient  fréquemment 
sous  ses  diverses  flexions  verbales 
(voy.  sous  g)  ;  je  relève  seulement 
cet  emploi  avec  le  sens  de  son 
comp.  «  regarder  ». 

GiRRiR,  185  g,  forme  variée  de  garir, 
anc,  fr.,  pour  <•  guérir  ",  —  Ainsi 
que  la  plupart  des  mots  commen- 
rant  par  le  rv  gerinaniqiio,  garrir  a 
pris  dans  notre  texte  l'orthograplir 
et  la  prononciation  française,  au 
lieu  deit'.iiWr,  qui  est  la  dérivation 
proprement  messine.  Dans  le  pas- 
sage cité,  garrir  maintit-nt  le  sens 
primonlial  de  <>  garaniir,  préser- 
ver, tenir  en  bon  état   >. 

Gentelisse,  266  e,  forme  variée  de 
gcntilesse,  qui  ex|)rime  l'cnseinhli 
des  qualités  qui  sont  l'apanage  du 
gentilhomme.—  I,a  lluciuation  en- 
tre cet  i,  assez  fréquente,  est  im- 
posée ici  par  la  rime. 

Gneds,  12  r,  neuf.  —  Cette  orthogra- 
phe, confirmée  par  la  rime,  est  inté- 
ressante à  releter  comme  indice  de 
la  prononciation  populaire;  les  cas 
de  nasale  mouillée  en  initiale  sont 
peu  fréquc  ils;  voy.  Vezexeif. 

GoiNG,  63  f,  {îain.  —  Le  g  initial  dé- 
noreuiie  influence  française,  la  no- 
tation locale  étant  ivaiiig  ;  —  dirn. 
gaingniet  (v.  c   m.). 

Guize.  169  c  f,  213  r,  prononc.  popul. 
de  Gorze  E  lia  (voy.  I'Index  topo- 
GHAPH  QUE  et  la  Carte). 

Granment,  209  g,  a-lv.,  grandement, 
beaucoup.  —  Je  présume  que  gran- 
ment  s'est  perpétué  sous  la  forme 
euphonique  branment,  laquelle  est 
d'un  emploi  très-fréquent  dans  les 
patois  de  l'E-st,  avec  le  même  sens 
que  granmeiit,  et  le  plus  souvent 
dans  une  intention  hypocoristi- 
que. 

Gkavisce,  D  16,  répond  au  v.  fr.  cre- 
vice,  primitif  de  «  escrevisse  écre- 
visse  »,  —  Le  préfixe  es,  de  date 
relativement  récente,  n'a  pas  été 
adjoint  à  crabe,  crevette,  dont  la 
parenté  originaire  avec  crerire  ne 
fait  aucun  doute. 
Grenne,  U  f  (pron.  grîn-no},  draip 


de  grenne,  drap  d'éearlate.  Cette 
couleur  avait  été  ainsi  désignée  de 
la  forme  de  la  cochenille  qui  res- 
semble à  de  la  graine. 
Grifaul,  B  19,  forme  métatliésée  de 
«  gerfaut  ». 


H 


•h  aspiré,  voy.  sous  -s  x. 

llARKKJOiR,  G  88,  adj.  verbal  de  lia- 
bergier  II  213,  notation  locale  de 
«'  héberger  ». 

liACHiEnE,  K  5(i,  avec  le  sens  de  «  mi- 
sère, tribulation  ».  —  Ce  mot  est-il 
dér.  de  liucltcr,  pris  au  fig.  |)our 
"  tourmenter,  fatiguer,  exténuer»? 
Voici  le  texte  :  saffrir  poinnc  et  ha- 
cliicrc.  De  hachiere  rappr.  fiacliée 
liacitic  =  peine,  supplice  (du  Gange, 
s.  V.  Ilarmtscaria). 

IlAEU,  268  e,  voy.  Aeu,  Ehds. 

llAtCES,  29  r,  notation  locale  de  »  ha- 
ches »;  cf.  Iiaiclics  230  f,  haiclie 
269  f. 

IIAIDIER,  F  86  I.  parenté ,  lignage, 
clientèle  féodale  «.  —  llaidier,  dér. 
de  l'ail,  herde  -  troupeau  ",  par  le 
pat.  Iiaitc  (voy.  IIARDIER). 

IIAITIÉS-T,  157  c,  2'iC  g,  part.  masr. 
Dlur.  rég.  de  liailicr,  dér.  de  hail , 
•<  gré ,  plaisir  »  ;  liailié  a  le  sens 
de  ■■  dispos  ,  bien  portant  »  ;  — 
nos  autres  manuscrits  le  rempla- 
cent par  sain  (voy.  aux  Varian- 
tes). —  L'opposé  du  hailiet  est 
deliaitiel  (v.  c.  m.). 

Ilalennc,  242  a,  forme  locale  de 
«  Hélène  »;  —  le  premier  e  fait  en- 
tendre un  son  nasal  :  Halenne  rime 
avec  rengne.  Voj.  à  la  Gram- 
maire, p.  aai. 

Hanriaus,  21b  b,  Uanrias,  suj.  de 
Ilanriat,  fr.  llenriet.  —  Bein.  la 
série  de  permutations  :  c  —  a 
=  au.  —  Les  chroniques  locales,  sui- 
vies par  riNTRODLCTiON  à  c-  vo- 
lume, doimeni  à  ce  capitaine  mes- 
sin le  nom  de  Ilanricart,  autre 
diminutif  de  Henri;  au  moyen 
âge,  l'on  appliquait  indilTércmment 
diverses  désinences  diminutives  au 
thème  du  nom  d'un  seul  et  même 
individu. 

IlAPEKT,  II  37,  3e  p.  pi.  ind.  de  <•  hap- 
per »;  —  haper  a  pour  variante  lit- 
térale xaper  (voy.  Xappéz). 

llARDiER  F  88,  berger,  pâtre;  —  pa- 
tois haitier,  dér.  de  haite,  anc. 
Iicrde  harde,  «  troupeau  »,  qui  est  le 
même  que  l'alleni.  Hehde. 

Heame<,  235  c  (suj.   slui;.),  heaume, 


HERE 


GLOSSAIRE. 


-IRENT 


m 


—  avec  la  réduction  de  al  au  en  a. 
Hehe,  J  28,  seigneur  (;=  ail.  Iierr  ou 

lat.  hcriis).  —  Quoi  qu'il  en  soit  du 
primitif,  notre  exemple  et  celui  de 
herre  (v.  c.  m.)  monirentque  l'in- 
troduction de  ce  mol  en  français 
n'est  pas  de  date  aussi  récente 
qu'on  l'a  prétendu. 

1Jer>0is,  166  b,  291  c,  liarnois,  har- 
nais. —  Le  sens  de  ce  mot  était 
plus  étendu  dans  l'ancienne  langue; 
il  s'appliquait  d'une  façon  générale 
à  l'ensemble  des  objets  composant 
le  train  de  culture,  et  même  le  mo- 
bilier et  les  ustensiles  domestiques  : 
Pot  ne  pelle  n'nultre  liernoix. 
Celte  acception  compréliensive  est 
ordinaire  dans  les  textes  de  Metz. 

Herre,  D  46  (suj.  plur.),  orthogr, 
variée  de  liere  (v.  c.  m.). 

Hoberz,  g  128  (r.  pi.),  simple  de 
«  hobereau  »,  sorte  de  faucon. 

HOSTEILT,  157  rf,  orthogr.  vicieuse  de 
hosteil,  «  hôtel,  maison  en  général  ». 

—  Le  (  paragogique,  assez  fréquent 
dans  les  bas  temps,  démontre  que 
la  consonne  précédente  n'a  pas  de 
valeur  de  prononciation  :  hosCeilt 
sonne  hôlei. 

HOURE,  138  a,  E  109,  notation  locale 
de  «  heure  »;  —  s'écrit  aussi  sans  fi 
initial  :  oure  (v.  c.  m.). 

llu,  en  comp.  dans  humais  80  c,  est 
réduit  de  hui  80  g,  F  137  {hodie),  «  à 
ce  jour  >>. 

IlCGUiER,  81  b,  144  a,  appeler  en 
criant,  annoncer  à  hauie  voix,  dans 
l'espèce,  «  crier  le  prix  des  denrées 
mises  en  vente  ».  —  Uucliant,  18  b, 
part,  prés.;  Iiucliiez,  188  a,  part, 
pas.  neut.  suj.;  huche,  73  /,  3o  p. 
s.  ind. 

HuGE,  69  rf,  huche  à  pain,  et  par  ex- 
tension «  meuble  quelconque  ». 

IIUIER,  201  f,  notation  locale  de 
«  huer  »,  qui  est  au  fond  le  même 
que  «  hucher  huchier  »  (v.  c.  m.); 

—  huient,  G  74,  H  38,  3e  p.  pi. 
ind. 

Humais,  80  c,  réduit  de  huimais,  adv. 
de  temps  {hodie  magis),  «  en  ce 
jour,  à  cette  heure  »,  avec  un  senti- 
ment énergique. 

llURALZ,  120  a,  suj.  sing.  de  «  hé- 
raut »,  —  avec  (luctuaiion  de  e 
atone  en  h. 

Hl'S,  69  d,  huis,  —  par  réduction  de  la 
diphihongue  ui  en  son  premier  élé- 
ment. —  La  forme  complète  huyx 
se  rencontre  E  172. 


I 

1,  49  b,  113  c,  277  d,  H  142,  apocope 
de  il  devant  une  consonne. 

lALZ  lALX,  229  e,  281  d,  voy.  II. 

-iaul,  desin.  diminulive  =:  lut.  -el- 
lum,  n'est  pas  de  la  pure  langue  de 
Metz;  voy.  -el.  De  -ial  iaul  les  cas 
sont,  à  tout  prendre,  peu  nom- 
breux :  marlialz,  biaulx,  quai- 
riautx,  oisiaus  et  un  ou  deux  au- 
tres (voy.  à  la  Grammaire,  p. 444). 

lAWE.  65  b,  118  c,  127  a,  284  b,  eau; 
voy.  Yawe. 

-ie,  désii).  des  participes  fém.  des  ver- 
bes de  la  Ire  conj.  dont  le  thème 
est  terminé  par  une  liquide  ou  na- 
sale mouillé,  ou  par  une  gutturale  : 
baitillie,  chargies,  commencie,  ap- 
parillie,   laitlie,    lignie,   etc. 

-ie  diphih.  est  souvent  réduite  en  t  ; 
livres,  chivres,  virge, 

-ient,  désinence  de  la  3«  p.  pi.  dans 
l'iraparf.,  le  cond.  et  le  subj.,  est 
une  assimilation  à  la  V^  p.  pL  -iens  : 
feirient,  avrient,  scevient.  —  Poui 
la  prononciation  de  cette  désinence, 
voy.  à  la  Grammaire,  la  note  de  la 
p.  440. 

1ERE,  60  c  [erat),  3o  p.  s.  imp.  du 
verbe  «  être  ». 

IGNELLEMENT,  293  C,  prononciation 
mouillée  de  isnellemenl,  «  en  hâte, 
promptement  ». 

1.  Il,  1826  a  294  f,  est  l'adv.  iy  [ibi), 
avec  /  paragogique  ;  voy.  -/. 

2.  Il,  pron.  3"  pers.  Voici  le  tableau  de 
ses  diOërentes  formes  casuelles  : 

m.  s.  s.  il  i; 

f. elle; 

n. il  i; 

m.—  r.  le  (dir.),  li  ly  (ind.); 

f. ley  lie; 

n. le  'l. 

m.  p.   s.  i7, -f/s  i7z,  très-fréquent; 

f, elles; 

m,  —  r.  les  (dir.),  eals-x-z,  ials-x-z, 
eaulx-z,  iaulz-x,  aulx, 
eulx  (ind.). 

-in.  Ce  son  nasal  est  d'un  uss.ge  fré- 
quent et  d'une  valeur  toute  parti- 
culière dans  la  langue  de  Metz, 
ïaniôt  c'est  l'i  qui  vient  s'interca- 
ler dans  le  type  primordial  :  uin 
chescuin  boin  estrainge...,  et  tantôt 
c'est  Vil  :  anemins  prinsent;  par- 
fois la  nasale  s'éteint  :  cheinis  (v.  c. 
m.\  Voy.  à  la  Grammaire,  p.  443. 

•irent,  désin.  du  parf.  3o  p.  pi.  de  la 
4-  conj.,  passée  aux  verbes  de  la 
ire  conj.  :  ressamblireiit  rengirent 
acordirent  [\oy.  èi  la  Grammaire), 
p.  455. 


478 


GLOSSAIRE. 


LAlSSiBR 


iRRE.M,  215  b,  291  a,  pour  ircnt.  ré- 
duit de  ia'ent,  3«  pers.  plur.  iinp. 
de  I'  ôtrc  '.  —  Dans  notre  texte, 
la  diplithonguc  est  commune  à 
l'imp.  (ierc  60  r,  iert  203  f,  etc.)  et 
au  fut.  [ycrt  103  fg,  etc.);  cepen- 
dant l'i  de  irrcnl  |K)urrait  ôtrc  aussi 
bien  uncattéuuaiioDde  \'e  initial  de 
errent  26  f. 


J  en  valeur  de  yot  noté  par  y,  voy. 
Yasoîi. 

Jaolle,  129  g,  159  t,  geôle,  (v.  fr. 
gaiole  jaiole,  lat.  fareoto),  —  avec 
la  réduction  habituelle  de  ai  en  a. 

Jay,  159  (^,  C  (en  rubrique)  geai-s;  — 
le  nom  de  cet  oiseau  écrit  souvent 
gai  (cf.  pavpegay,  papcgay  :iux 
pièces  ARC,  passim)  est  le  mémo 
mot  que  l'adj.  gai.  Dans  ce  dernier 
texte,  jlay  a  pour  synonyme  wance- 
rey  (v.  c.  m.). 

Jhesucris-t,  39  b,  2*71  b,  est  toujours 
écrit  ainsi,  en  un  seul  mot. 

JOVANCIALUX,  121  (7,  Jouvenceaux;  — 
la  dés.  iaulx  est  d'origine  exotique, 
voy.  sou»  -el. 

JCEBONT,  126  g,  30  p.  pi.  fut.  de 
"  jouer  "  ;  —  la  résolution  do  l.i 
dipliih.  en  u  s'est  sans  doute  opérée 
sous  l'influence  de  Jeu  prononc.  ju, 
d'oi'i  le  thème  ju  s'est  étendu  au 
verbe  "  jouer  ". 


K 


Karesme,  216  a,  carCmc  ;  —  la  notation 
dialectale  est  karame,  quarame  (v. 
c.  m.). 


-l  (l'introduit  fréquemment  à  l'inté- 
rieur et  à  hi  fln  des  mots,  diins  di- 
vers cas  qui  soin  analysés  à  la  Gram- 
maire p.  ÛÛ9,  foucels,  esciil,  coslel, 
(Hz,  putt,  espcril,  il,  persolnc,  etc.  ; 
par  contre  /  d'origine  tombe  dans  i, 
si  =  ci  =  cil. 

LA,  182  d,  là,  adv.  de  lieu  ;  r-  le  sens 
s'accommoderait  mieux  du  pron./e« 
noté /a,  grâce  à  la  permutation  nor- 
male de  c  ou  a,  laquelle  permutation 
entraîne  généralement  la  chute  de  s 
{voy.  -es).  Les  art.  et  pron.  les  mes 
tes  ses  sont  assez  fréquemment  figu- 
rés la  ma  ta  sa  dans  les  documents 
contemporains;  toutefois  le  manque 


de  formes  analogues  dans  le  poëme 
me  fait  hésiter  à  voir  dans  la  la 
prononciation  populaire  de  les;  le 
seul  ex.  assuré  de  cette  notation  est 
la,  118  (7  M  =  les  P. 

Lahour,  6 1  f,  86  c,  220  f,  labeur,  peine, 
fatigue.  —  La  diversité  do  forme  et 
de  sens  que  le  fr.  a  établie  entre  les 
doublets  labeur  et  labour  n'a  pas 
existé  dans  la  langue  de  Mot/,,  labo- 
rcin  n'y  ayant  pu  donner  que  la- 
bour à  l'exclusion  de  labeur  (voy. 
labourer.) 

Labourer,  a2  f,  travailler,  agir,  au 
sens  général  du  latin  laborare,  le- 
quel s'est  maintenu  dans  le  suhst. 
labeur  doublet  de  labour;  —  la- 
boure, iS'4  c,  3»  p.  s.  ind. 

Laboureux,  Il  37,  laboureurs;  —  le 
r  final  était  tombé  dans  le  parler 
populaire. 

Laidis,  197  f,  ortliog.  vicieuse  pour 
laidi  part.  pas.  mas.  plur.  suj .  de 
laidir  «  outrager,  insulter  »  (voy. 

LAIT,  3. 

Laier.  Ce  verbe,  avec  lo  même  sens 
que  laisser,  provient  d'une  origine 
dilléronie  :  laier  (conservé  dans  re- 
layer) répond  au  golh.  latati,  laisser 
(et  lâcher)  au  lat.  laxare  latcare. 
Cependant  Uicz,  rapiirochant  de  lai- 
er le  loinbar.l  laya,  incline  au  latin 
legarc  \  laisser  par  testament)  comme 
prototype  de  laier.  Cette  vue  est 
confirmée  par  le  subst.  laieie  fréq. 
dans  les  Chartes  de  Metz  au  sens  de 
«  legs,  héritage  -,  et  de  môme  l'ex- 
pression «  Inieir  a  leit  do  lai  mort  •> 
se  rendra  par  •  lonuer  in  cxlremis.o 
—  Comme  laisser,  laier  résout  Ij 
plus  souvent  ai  en  a.  Formes  tom- 
porclles  :  lait  3e  p.  s.  ind.;  laieiU 
30  p.  pi.  ind.;  tairais  lairrais  tarai 
iro  p.  s.  fut.;  tairont  laronl  3o  p. 
pi.  fut.;  larroient  lairient  3*  p.  pi. 
cond.;  lais  2o  p.  s.  impér. 

Lainge,  250  f,  «  lange  "  et  non  <>  finge  », 
vêtement  de  laine. 

Laiiiais,  D  ai,  le  p.  8.  fut.  de  taxer 
(v.  c.  m.);  —  sur  Ys  désinentici, 
voy.  -ais. 

Lairiem,  E  57,  3«  p.  pi.  cond.  do 
laier  (v.  c.  m,);  —  pour  la  désin, 
voy.  sous  -ient. 

Lairrais,  D  13,  le  p.  s.;orthog.  vi- 
cieuse de  tairais  (v.  c.  m.). 

1.  Lais,  E  ii9,  imp.  2*  p.  s.  de  laier, 
(v.  c.  m.). 

2.  Lais,  26  b,  lég.  plur.  de  lait  U. 
Laissier,  lia  a,  abandonner,  laisser, 

—  Les  diverses  flexions  personnelles 
de  ce  verbe  ne  présentent  rien  de 
particulier,  sauf  lassirent  3<-'  p.  pi. 


GLOSSAIRE. 


&79 


parf.  83  c  P  ;  comme  phonétique  il 
faut  noter  la  réduction  de  ai  en  a  : 
lassent  lasscirenl,  etc.— Par  contre, 
le  verbe  lasser  diphthongue  l'a  et 
se  note  laissier  (voy.  laissiez). 
Laissiez,  90c,  part.  pas.  de  lassieri'  las- 
ser »,  diphtii.  en  laissier,  en  vertu 
du  principe  contraire  à  celui  qui  de 
laissier  «  laisser  »  fait  lassier.  Cette 
sorte  de  balancement  ou  de  compen- 
sation est  des  plus  habituelles  dans 
le  parler  populaire. 

1.  Lait,  33  c,  126  c,  176  e,  et  pass., 
A  ftl,  E  24,  3"  p.  s.  ind.  de  laier  (v. 
c.  m.K 

2.  Lait,  81  b,  3<=  p.  s.  subj .  de  laissier, 
(v.  c.  m.).  La  forme  complète  serait 
laist  {lasciet). 

3.  Lait,  69  c,  126  a,  A  42,  (adj.),  désa- 
gréable, laid,  —  d'où  l'anc.  fr.  lai- 
dir  (cf.  LAiDis);  voy.  aux  Va- 
riantes. 

U.  Lait,  126  f,  subst.  verb.  de  laidir, 
injure,  affront,  outrage;  —  au  plur. 
lais  2C  b. 

5.  Lait,  F  102,  lai,  laïc;  —  le  t  est 
paragogique,  voy.  sous  -t. 

Laitrice,  b  s,  le  sens  "  ordure,  im- 
niondice  »,  assuré  par  le  contexte, 
détermine  dans  laitrice  un  dér.  de 
lait  3. 

Laituaire,  187  g,  forme  locale  de 
lettuaire,  aphérèse  de  «  électuaire  ». 

Lambert  {saint),  62  a,  évêque  et  pa- 
tron de  Liège,  sa  fête  le  17  sep- 
tembre. 

Lamme,  J  20,  forme  variée  de  lame, 
fréq.  dans  l'ancienne  langue  au 
sens  de  «  tombeau  »  (lamina). 

Larai,  273  a,  forme  réduite  de  luirai, 
lairais  (v.  c.  m.). 

Lardel,  20G  f,  lardon  ;  —  est  pris  mé- 
taphoriquement pour  «  coup  d'é- 
pée  ». 

Laront,  215  f,  forme  réduite  de  loi- 
ront  D  69,  70,  pour  laieront  3«  p. 
pi.  fut.  de  laier  (v.  c.  m.). 

Larroient,  II  179,  3°  p.  pi.  cond.  de 
laier  (v.  c.  m.);  —  pour  laieroient  ; 
une  autre  forme  est  lairient,  formée 
d'après  l'analogie  de  la  1«  p.  pi, 

Lasseirent,  134  f,  forme  variée  de 
lassèrent  3'  p.  pi.  parf.  de  laissier 
(v.  c.  m.). 

Lassent,  C5  f,  77  d,  est  réduit  do  lais- 
sent 9' p.  pi.  ind.  de  laissier  (v. 
c.  m.). 

LASSERENT,  83  C,  207  ç,  3»  p.  pi.  parf. 
de  laissier  (v.  c.  m.),  —  par  réduc- 
tion de  la  diphth.  ai  en  a;  pour  le 
premier  de  ces  ex.,  le  ms.  P  donne 
lassirenl  qui  ne  peut  être  maintenu 
en  rime. 


I  Leigne,  g  41,  bois  de  chaullage;  — 
dans  les  Charles  de  Metz ,  laingnc 
lengne  langue,  de  ligna  ueut.  plur. 
=  fém.  sing. 

Leire,  d  ft7,  forme  variée  de  lerre 
(v.  c.  m.),  cf.  teires  seire. 

Lerre,  2tiS  g,  est  employé  au  lieu  de 
son  rég.  larron  par  une  exigence 
de  la  rime  ;  même  cas  que  pour  em- 
pereire  {v.  c.  m.). 

Levier  [saint),  saint  Livier,  évéque 
de  Metz,  (voy,  la  note  de  la  p.  271). 
Une  église  de  Metz  était  consacrée 
sous  son  vocable,  (voy.  sainct  Le- 
vier). 

Leï,  c  33,  pron.  p,  3e  p.  fém.  sing. 
rég.,  répond  à  un  type  lat.  pop.  illœ  ; 

—  Ici  ley  est  propr.  le  fém.  de  li, 
plus  tard  lei  fut  remplacé  par  lie 
(V.  c.  m.)  qui  est  de  formation  ana- 
logique, et  populaire. 

LiARS,  10  a,  (r.  pi.)  no:n  de  couleur, 
gris  pommelé. 

1.  Lie,  2  e,  II  94,  96,  J  16,  pron.  3"  p. 
sing.  fém.  rég.  ;  c'est  une  variante 
de  lei  ley  (v.  c.  m.),  forme  féminine 
de  li  qui  sert  habituellement  pour 
les  deux  genres. 

2.  Lie,  g  30,  [lœta)  fém.  de  liez  pas- 
sim,  «  joyeux,  allègre  ». 

Lierre,  U  61,  forme  variée  de  lerre 

(v.  c.  m.). 
Limessons,  d  17,  (suj.  sing.)  limaçon  ; 

—  est  allégoriquement  désigné  par 
le  sobriquet  de  «  tardif  »  voy.  tar- 

DIS. 

Livier  (saint),  H  210,  voy.  Levier 
(saint). 

Livres,  206  e,  Hèvres;  —  réduction  de 
la  diphth.  ie  en  i;  la  forme  com- 
mune existe  aussi  :  lièvre  206  g, 
lièvres  257  a. 

Loiacs,  272  f,  adj.  substantivé,  désigne 
les  «  fidèles  ou  les  chrétiens  »  par 
opposition  aux  Juifs  qualifiés  de 
u  perfides  »  :  les  faute  Juilz  267  b, 
270  e. 

LoiNG,  D  18,  E  152,  long;  —  sur  l'é- 
penthôse  de  t  dans  les  sons  nasaux, 
voy.  à  la  Grammaire,  p.  UUl. 

1.  LOR,  29  d,  adv.  lors,  alors  {illam 
lioram).  —  La  paragoge  de  s  est 
facultative  comme  on  le  voit  dans 
ce  mot  et  dans  quelques  autres  : 
sen,  etc. 

2.  Lou,  adj.  et  pron.  de  la  3*  p.  (illo- 
rum)  des  deux  genres  et  des  deux 
nombres.  L'adjonction  de  s  au  plur.: 
lors,  doit  être  regardée  comme  une 
faute  du  copiste. 

Lors,   5U  f,  162  e,  est  fautif  pour 

lor  2  (v.  c.  m.). 
Lowanges,  100  c,  louanges;  —  sur  le 


48« 


GLOSSAIRE. 


MENNOIR 


w  de  lowangef  voj .  loweit;  la  forme 
simple  loange  se  rencontre  conriir- 
reiiiiiieiit,  p.  ex.daiis  20txf;  un  aune 
déri^édu  uiénie  priniilifesi  losanges 
110  f,  paroles  flatieubcs  et  menson- 
gères, intrigues. 

Loweit,  79  e,  part.  pas.  m.  s.  r.  de 
toweir,  notation  dialectale  do  toeir 
•'  louer"; —  le  w  figure  l'allonge- 
mentdu  son  de  la  vo)  elle  pri-c^denle, 
il  est  purement  épeailiétique  (\oy. 
llwier). 

LUES,  220  a,  K  58,  lieues  ;  —  lues  est 
réduit  de  Itiives,  forme  habituelle  à 
Meiz. 

Lus,  12  g  (r.  pi.),  brochets  (lat.  lus- 
cius). 

LiwiEK,  F  136,  notation  dialectale  de 
»  loyer  •<  au  sens  de  '<  rémunération, 
récompense  »;  —  luwier  est  à  loyer 
ce  que  loweil  (v.  c.  m.)  est  k 
loue. 

LY,  orthographe  variée  de  li  art.  et 
pron.,  du  fait  du  copiste  du  xv* 
siècle. 


M 


•m  se  substitue  quelquefois i  n  même 
ailleurs  que  devant  une  labiule,  voy. 

BAIEMS,  E>l. 

MAGMez,  li  12,  forme  réduite  de  mai- 
gnic  (v.  c.  m.). 

Maig.me,  79  b,  173  b,  295  d,  représente 
la  prononciation  mouillée  de  mais- 
nie  V  185  (lat.  maiisionata),  donc 
propr.  ^  maisonnée,  et  par  exten- 
sion =  troupe,  bande,  compagnie  ; 
—  sur  la  désin.  voy.  -ie. 

1.  Main,  31  c,  105  b,  138  c,  E  120, 
matin,  de  mane  ;  main  n'est  resté 
que  dans  le  comp.  demain. 

2.  .Main  dans  main  grain,  A  62.  Quel 
est  ce  mot  î  II  se  rencontre  une  seule 
fois  dans  :  Adont  Berle  vcull  par 
sa  force  Et  le  main  grain  et  puis 
Vacorce,  c.-à-d.  et  le  dedans  et  le 
dehors,  en  un  mot,  tout.  Main  au- 
rait-il la  même  origine  que  Tjngl. 
main?  —  L'autre  ms.  a  magrin. 

MAiniEfS,  H  lae,  (rég.  pi.)  merrain  ; 
voy.  Marrie>. 

Maixière,  77  g,  au  sens  de  ><  débris, 
ruines  d'une  habitation  »;  est  op- 
posé à  maison  :  après  le  passage 
des  ennemis  toute  maison  ne  sera 
plus  que  décombres.  —  Haizièrcs 
(mofcriœ,  mur  de  clôture)  subsiste 
seulement  dans  la  langue  géogra' 
phique. 

M.AL01S,  251  17,  (suj.  sing.)    maudit-, 


—  vialedictum  a  donné  maleoit  ma- 
loit  comnii-  bencdictum  bcncoit  be- 
noît, cl.  bmois  lt«  (7,  289  c,  291  f. 

Munis,  102  a,  prononciation  locale  de 
Mcsnils,  nom  de  lieu  {mansionile) . 

-mant,  notation  locale  de  -ment  dé&in. 
adverbiale  :  ausimant  84  b,  et  plu- 
sieurs autres. 

Maronmers,  D37,  mariniers;  — c'est 
le  v.  fr.  mareniers  dont  l'c  atone  a 
fluctué  en  o, 

Marrikin,  150  f,  ré<luit  de  inairien 
<<  merrain  »  lat.  materiamen,  bois 
de  charpente  ;  —  est  opposé  à  leigne 
(v.  c.  m.)  bois  de  chauffage. 

Martialz.  29  r,  (r.  pi.)  marteaux:  — 
sur  la  désin.  voy.  -c/,  -ial. 

Mahtire,  225  c,  est  appliqué  aux  ob- 
jets inanimés,  avec  le  sens  de  <>  des- 
truction, ravage,  ruine". 

Maso>s,  K  l!iO,  maisons;  —  avec  la 
résolution  ordinaire  de  ai  en  a; 
ainsi  isolé  l'a  passe  bien  vite  au  son 
au  0  :  mauxon  77  g  M.  Le  pa- 
tois ne  connaît  plus  que  motion 
mojon,  dont  le  dim.  molinote  est  à 
la  lettre  le  fr.  maisonnette. 

Materait,  F  57,  3'  p.  s.  fut.  de  mêler 
(V.  c.  m.). 

Matz,  g  llti,  (suj.  plur.)  mats,  humi- 
liés, abattus  :  et  matz  et  tristes; 
voy.  Meter. 

Maul,  F 57,  forme  dialectale  de  ><  mal  »; 

—  >oy.  .sous  a  =^  av.. 
MAUWAts,  F  lOO,  noution  abusive  de 

X  mauvais  »,  cf.  owraige. 

MÉ,  D  42,  mes  ;  —  l'apocope  de  s  dans 
mes  et  ses  analogues  est  un  fait 
assez  fréquent  dans  les  textes  con- 
temi>orains,  elle  est  due  sans  aucun 
doute  à  la  faculté  de  permuter  mes 
ses  les  en  ma  sa  la  (v.  c.  m.)  dotit 
les  ex.  sont  assez  nombreux. 

Mei  Mey,  notation  dialectale  de  mi 
[médium],  dans  les  composés  meidi 
permey. 

Menaige,  180  d,  maison,  habitation  ; 

—  c'est  la  forme  dialectale  de  ma- 
nagc  [manaticum]  confondu  auj. 
sous  une  orthographe  unique  avec 
ménage  [mansionaticum), 

Menandie,  181  a,  v.  fr.  manandie, 
demeure,  habitation,  manoir  (voy. 
Meivaige). 

MenestrèS,  120  a,  suj.  sing.  de  «  mé- 
nestrel !■;  -l  en  position  d.ins  le 
groupe  el  tombe,  et  c  devient  è,  ei. 

Menjut,  210  b,  ;**  p.  s.  ind.  de  vien- 
juer,  forme  anc.  de  mengier  (main- 
gier,  I  Û2)  «  manger  ». 

Mennoir,  135  b,  forme  nasalisée  de 
menoir,  «  manoir  »,  inûn.  passé  en 
subst. 


GLOSSAIRE. 


481 


Memjise,  D  ao,  sulis.  verb.  de  «  inc- 
nuiser  »,  menu  poisson,  fretin. 

Mes,  151  g,  lo  p.  s.  ind.  de  «  mettre  «; 
—  l's  final  est  analogique  :  me{t)s  au 
lieu  de  met;  mes  est  en  rime. 

Messe-t,  12ÎI  b,  E  Ml,  3e  p.  s.  subj. 
de  11  mettre  »,  avec  la  désin.  en  yot, 
(voy.  sous  -ce,  se)  ;  se  rencontre 
aussi  avec  la  forme  commune  : 
meite  G  SU. 

Messi,  282  a,  apocope  de  «  messire  », 
justifiée  à  la  p.  fiii9de  la  Grammaire. 

Meter,  226  c,  pour  mater  E  9,  dér.  de 
mat  dans  la  locution  «  échec  et 
mat  »  (voy.  amathie). 

Mels,  passim ,  Metz .  —  C'est  l'or tliogra- 
phe ordinaire  au  xive  siècle;  plus  an- 
ciennement l'on  écrivait  J/es  3[ei; 
l'orthographe  actuelle  Metz  n'ap- 
paraît guère  qu'au  xv*  siècle,  et 
encore  bien  rarement. 

Meute,  31  6,123  b,  216  e  [mota),  la 
Mutte,  grosse  cloche  de  la  cathé- 
drale, qui  donnait  le  signal  de  la 
prise  d'armes  (voy.  s.  Bancent,  et 
la  note  à  ce  vers  p.  275).  —  La 
prononc.  actuelle  (eu  réduit  en  m) 
est  déjà  représentée  dans  M  :  mute. 

Mev,  voy.  met. 

Mie,  116  c,  173  b,  employé  dans  la 
locution  adverbiale  »jc  ...  mie,  est 
resté  le  signe  exclusif  du  renforce- 
ment de  la  négation  ne  dans  le  pa- 
tois de  Metz,  sous  la  forme  me 
mes,  met.  La  prononciation  a  si  for- 
tement rattaché  cette  enclitique  au 
verbe  qu'aucun  éditeur  de  textes 
patois  n'a  songé  à  l'en  séparer  :  je 
n^pourreumes  je  ne  pourrais  pas, 
fn'anvrdme  je  ne  m'en  irai  point. 

JiiES,  157  (,  est  le  même  que  mie  (v. 
c.  m.)  avec  l's  adverbial  parago- 
gique. 

MoiÉES,  261  f,  amas,  tas;  dans  l'es- 
pèce Cl  tas  de  paisseaux  »;  —  la 
même  idée  est  rendue  par  moncel 
198  c;  quant  à  moiée,  c'est  une 
forme  participiale  développée  sur 
moic  =  i<  meule  »,  du  lat.  meta 
dont  11  meule  »  représente  le  dim. 
metula.  Ce  terme  de  mole  moiée  est 
encore  en  usage  à  Metz  et  dans  le 
pays  wallon  ;  voy.  la  note  en  tête 
de  la  p.  304. 

MoiTiRiER,  145  c,  métayer,  fermier  à 
moitié  fruits;  —  moitirier  procède 
de  moiterasse,  «  culture,  exploita- 
tion par  moitié  »,  comme  la  terce- 
rasse  tst  le  fermage  à  «  tiers  mui  ». 

3Ionsons,  101  c  [Montio/iem),  forme 
antérieure  de  Moitson  Mousons, 
nom  de  la  montagne  qui  domine  la 
ville  dite  auj.  »  Pont-à-Mousson  ». 


MONSTROICE,  3  f,  3»  p.  s.  sub.  de  «  mon- 
trer »,  avec  la  désin.  -oicc,  (v.  c.  m.) 
particulière  au  dialecte  de  Metz. 

MOM(a),  67  a,  116  b,  150  c,  en  re- 
montant le  cours  de  la  rivière.  — 
La  locution  «  a  val  a  mont  »  175  f  a 
le  sens  de  «  'de  tout  côté,  partout  », 
liit.  11  dans  là  vallée  et  dans  la  mon- 
tagne ».  C'est  un  équivalent  heu- 
reux de  cette  autre  locution  :  et 
par  devant  et  par  derrière,  em- 
ployée trop  fréquemment  avec  la 
même  signification. 

MoNTiGNEUS,  12  f,  sorte  de  poisson 
que  je  ne  suis  pas  parvenu  à  iden- 
tifier. Si  l'on  tient  compte  du  chan- 
gement si  fréquent  de  ou  en  07i,  l'on 
sera  peut-être  disposé  à  voir  dans 
montigneus  un  diminutif  du  môme 
thème  qui  a  produit  d'autre  part 
moutelle  (pat.  bourg,  moteûle). 

Mors  [pont  des),  178  g,  le  pont  des 
Morts  à  Metz  ;  —  il  en  est  friquem- 
ment  question  dans  les  atours  (voy. 
la  note  aux  couplets  101  p.  286,  et 
178  p.  299). 

MUELT,  34  f.  Se  p.  S.  ind.  de  movoir, 
11  émouvoir  »;  —  cette  forme  est  rele- 
vée ici  à  cause  de  l'épenthèse  de  (. 

Muselle,  D  37,  56,  forme  ordinaire  à 
Metz  de  «  Moselle  »,  grâce  à  la  fluc- 
tuation de  l'o  atone  en  e,  u. 

MY,  232  c,  notation  variée  de  mi 
(voy.  lt),  rég.  ind.  du  pron.  de  la 
1«  pers. 


N 


•n;  sur  la  rôle  complexe  de  cette  na- 
sale dans  la  langue  de  Metz,  voy.  à 
la  Grammaire,  p.  441-3  et  448-9. 

Naige,  d  38,  subst.  verb.  de  nagier 
i<  action  de  naviguer  »;  —  ou  plutôt 
dér.  du  bas  lat.  naca,  «  barque  »,  qui 
a  laissé  des  formes  analogues  dans 
k's  patois  wallon  et  rouchi;  en  ce 
cas  naige  serait  la  représentation  lo- 
cale du  primitif  de  nacelle.  Le  texte 
confirme  cette  attribution  :  Il  ont 
mal  gouvernée  leur  naige  et  leur 
nazelle, 

Nazelle,  d  38,  nacelle,  voy.  naige  ; 
—  le  z  n'a  d'autre  valeur  que  s  ç 
(voy.  sous  -s). 

Nennil,  264  c,  G  94,  variante  ortho- 
graphique et  prononc.  populaire  de 
nenil  61  a. 

1.  NÉS,  30  g,  176  /•,  F  88;  =  «e  ipsvm 
[tempus),  comme  aidés  (v.  cm.)  = 
ad  ipsum  tempus. 

2.  NES,  282  c,  (suj.  sing.)  net. 

NiF,   B  14,  orthog.   particulière  de 

31 


482 


.>OEROY 


GLOSSAIUE. 


018T 


Hit  B8,  etc.,  nis  au  suj.,  U  3,  «  nid  »; 
—  la  subslitiitioi)  de  f  en  finale  à 
la  consonne  radicale  n'est  pas  un 
accident  rare  d:ins  les  texte»  mes- 
sins du  xiv«  siic'c  :  le  Psautier 
Lorrain,  entre  autres,  en  |)Ossède 
un  certain  nombre  d'ex.  :  nif,  pe- 
chief,  aleivnf  (ôlcxons).  (Voy.  aussi 
sous  -f  '. 

yoeroy,  152  g,  Norroy  ;  —  Noeroy  est 
resserré  de  Soweroit,  lat.  Niicare- 
tum,  \uçaretum  (lieu  planté  de 
noyers),  dans  une  charte  de.  Pépin 
d'Iléristal.  —  L'auteur  des  Etymo- 
togiea  du  nom  des  villes  et  des  vil- 
lages du  département  de  la  Mo- 
selle (Metz,  in-80,  I.orette,  1860), 
rapporte  gravement  Xugaretum  à 
nuga,  et  fait  de  Norroy  le  l>oudoir 
de  Plectrude,  femme  de  Pt|)in.  A-t- 
il  pas  eu  raison  de  donner  à  son 
livre  (qu'il  a  enrichi  depuis  de  deux 
suppléments)  celte  épigraphe  bien 
Justifiée:  ><  Cherchez  et  tous  trou- 
yerez  !  » 

^0r),  266  d,  forme  nasalisée  de  tiou, 
contracté  de  ne  lou  (voy.  don)  ;  — 
pour  la  modification  de  ou  en  on 
Toy.  sous  ON. 

Nonne,  71  b,  83  g,  la  neuvif-mc  heure, 
C.-à-d.  trois  heures  après  midi  selon 
la  manière  de  compter  ecclésiastique  : 
Devant  nonne  droit  a  meidi.  — 
l.e  mot  none  s'est  conservé  dans  le 
patois  de  Metz  arec  le  sens  de  «  mi- 
di >  et  de  <  repas  de  midi  ».  Dans 
cette  accession  nonne  représente  la 
neuvièmi;  heure  après  minuit,  c.- 
à-d.  neuf  heures  du  matin,  heure  h 
laquelle  on  prenait  le  repas  de  nône; 
puis,  peu  à  p  'U,  le  moment  de  pren- 
dre ce  repas  fut  reculé  de  neu  f  heures 
à  midi,  et  c'est  le  sens  actuel  de  nône, 
nôner. 

NoRROis,  8'»  d  (r.  pi.),  fort,  vigou- 
reux, \if,  impétueux.  —  Ce  mot  est 
emprunté  au  ms.  D,  la  rime  obli- 
geant de  rejeter  norrids  de  P  et 
Horris  de  M.  —  En  ce  sens  norois 
est  l'acception  morale  de  norois 
«  lionunc  du  Nord  •. 

Nous,  163  i\  197  d,  286  g,  29G  a,  forme 
assourdie  de  "  nos  ■ ,  alj.  poss. 

Ncis,  257  b,  prononciation  atténuée  de 
nus;  la  grammaire  exigerait  nud 
(nudi);  —  voy.  -u  et  -m. 


0 


-o  est,  dans  certains  mots,  réduit  de 
la  diphth.  ai  qui  a  maintenu  sa  va- 
leur intensive  ô[i)  (voy.  à  la  Cram- 


MAIHK  p.  Û39);  —  u  s'assourdit  en 
ou  :  nous. 

-0  suivi  d'une  consonne  se  diphth. 
fréquemment  en  oi,  l;i  consotmc 
étant  tantôt  maintenue  et  tant(kt  re- 
jetée :  poirle  oisoicnt,  pois  M  = 
pos  (pots),  foy  ■=  fol  (fols  fous), 
oist,  oir,  etc.,  (voy.  à  la  Cham- 
HAIRE  p.  ti37.) 

-0  -ou  s'emploient  en  désinence  dans 
les  mots  terminés  en  fr.  par  en  : 
lor  low,  lionour,  deilours,  pi- 
touse.  I.'étude  comparée  des  textes 
montre  que  o  a  précédé  ou,  cette 
dernière  notation  n'étant  que  l'al- 
longement ou  l'assourdissement  de 
la  première.  Le  son  o  ou  en  cette 
valeur  est  caractéristique  de  notre 
dialecte  ;  là  donc  où  l'on  rencontre 
eu,  il  faut  y  voir  une  innuenre  du  fr. 
et  sans  nul  doute  un  fait  du  copiste. 

OCTEMBRE,  141  b,  octobre;  —  la  finale 
est  identifiée  à  celle  des  mois  voi- 
sins »  septembre  novembre  dé- 
cembre. >> 

-oi  diphth.  fréquente  de  o  suivi  d'une 
consoiuie;  voy.  les  ex.  sous  -o. 

-oice  -oisse  désin.  s|)éciale  du  subjonc- 
tif, fréquente  dans  les  textes  du 
xivo  siècle  :  monstroice  3  f;  mais 
rcssoire  247  d,  en  dépit  de  sa  forme, 
ne  rentre  pas  dans  la  même  caté- 
gorie :  -oi  fait  partie  du  thème  rc- 
soivre  (v.  c.  m.),  et  la  désin.  est 
restreinte  auyot-fc;  l'adjonction 
de  la  désin.  •oisse  donnerait  rece- 
loisse  qui  est  d'ailleurs  fréquent 
dans  d'autres  textes,  notamment 
dans  le  <  Psautier  Lorrain  ». 

OiCQUlsON,  F  65,  forme  variée  de  oclioi- 
son  occhoison  II  Ul,  «  occasion, 
cause,  prétexte  ». 

OiR,  E  112,  forme  diphth.  de  «  or  " 
adv.,  —  voy.  sous  -o. 

OiHE,  237  c,  forme  correspondante  au 
fr.  erre  (iter)  «  allure,  action  de  se 
mettre  cn/outc  n;prendre son  oira, 
se  mettre  en  chemin. 

OiRENT,  208  d,  30  p.  pi.  parf.  de  «  a- 
voir  >;  —  sur  les  diverses  dériva- 
tions de  liabuil  habuerunt  en  ol 
oit  oui  oU,  orcnt  oirent  ourcnt 
olrent,  voy.  à  la  Gram.maire,  p  UU'J. 

-ois  désin.  de  la  2o  p.  pi.,  correspond 
au  V.  fr.  cts  des  trois  dernières 
conj.  (=  lat.  etis  ilis);  ois  est  resté 
plus  longtemps  à  Metz  que  -ei's  dans 
les  autres  dialectes  :  aurais  ferais. 

OisoiENT,  118  c,  30  p.  pi.  imp.  de 
X  oser  » ,  —  avec  la  diphth.  Jocale 
d''  0  en  oi. 

OiST,  F  176,  forme  diphth.  de  ost  très- 
fréq.;  —  vov.  sous  -o  -oi. 


GLOSSAl 


^83 


OiTOCRS,  A  66,  B  13,  autours,  éper- 
viers;  —  la  diphtli.  oi  représente 
originairement  o  +  s  :(7S/0Mrs,  (voy. 
sous  -oi).. 

Olocrs,  10  d,  odeurs;  —  le  contexte 
exige  de  traduire  par  «  mauvaises 
odeurs  )>. 

Olrent,  65  b,  2ûa  f,  290  (j,  3«  p.  pi. 
parf.  de  «  avoir  »,  avec  l  épenthé- 
tique  (voy.  olt). 

Olt,  62  c,  11  d,  SU  c,  916  c,  93  d, 
98  e  f,  100  f,  etc.  30  p.  s.  parf.  de 
«  avoir  »;  —  la  liquide  est  épenthé- 
tique  dans  olt  pour  ot  [liabuit] ,  com- 
me dans  polt  (v.  c.  m.). 

1.  On.  Sous  une  orthographe  unique, 
ce  mot  présente  sept  sens  dilTérents 
qui  remontent  ù  autant  de  primitifs, 
latins  ou  romans  : 

a)  =  om  on  (liomo)  passim. 

b)  =  en  an  {in)  5 de,  159  Çy  172 g,  et 

dans    londemain  108  a,  fr. 
lendemain. 

c)  =  en  an  {inde)  10  f. 

d)  =  ou  (fr.  eu  =  el=i  en  le,  lat.  in 

iUo)  77  d,  95  b,  119  g,  121  b, 
126  c,  141  b,  etc. 
c)  =  ou  {vbi)  ûl  f,  242  gr,  260  e, 
286  d,  F  109. 

f)  —  ou  {aut)  10  g,  11  (/,  17flr,  19  dg, 

103  f,  143  f,  etc. 

g)  =  ou  (v.  fr.  0  od,  lat.  apud)  64  a. 

Par  contre  on  d'origine  {home)  de- 
vient en  214  g,  E  144.  —  Pour  la 
nasalisation  de  ou  et  la  permutation 
de  an,  voy.  à  la  Grammaire,  p.  442. 

2.  On,  238  c,  229  f,  orthogr.  fautive 
pour  ont  3'  p.  pi.  ind.  de  «  avoir  ». 

•ont  déâin.  de  la  3o  p.  pi,  assimilée  à 
la  le,  présente  cette  particularité 
que,  formée  du  présent,  elle  com- 
porte le  sens  du  parfait  (voy.  à  la 
Grammaire  p.  456) .  Les  ex.  de  notre 
texte  sont  gaignont  monont  vallont 
entrant. 

•or  -our  désin.,  correspond  au  fr. 
eur  ;  de  ces  deux  notations  la  pre- 
mière est  phonétiquement  anté- 
rieure à  la  seconde  (voy.  -o  -ou). 

OR,  I  56,  orthogr.  phonique  de  ord 
{oi-ds,  orde  A  :!9,  42),  «  sale  i>,  au 
fig.  "  homme  débauché  ». 

Orez,  113  g,  20  p.  pi.  fut.  de  oîr, 
ouïr,  V  entendre  »;  —  orez  est  réduit 
de  oïrez. 

OSSAIST,  139  c,  3e  p.  s.  subj.  imp.  de 
«  oser  ».  —  Le  redoublement  de  la 
sifflante  (voy.  sous  -s)  a  facilité  la 
diphth.  de  la  voyelle  initiale,  d'où 
les  formes  telles  que  oisoient  (v. 
c.  m.). 

Ou  répondant  au  latin  aipud,  aut,  in 
illo,  ubi,  est  noté  on  (v.  c.  m.). 


OUE  eau,  —  en  coinp.  dans  Waidri- 
noue,  (v.  c.  m.  et  sous  awe.) 

-our,  -ous  suff.,  voy.  -o,  -or. 

OuRE,  71  b,  103  g,  E  117,  heure;  — 
L'/i  initiale  est  tombée  comme  dans 
or  et  ses  comp.  lors  alors. 

OUREZ,  K  2,  prononc.  assourdie  de  orez 
(v.  c.  m.). 

OvRiE,  79  e,  part.  pas.  fém.  sing.  suj. 
de  ovrir  «  ouvrir  »;  —  la  désin.  de  ce 
part,  est  un  exemple  intéressant  du 
principe  analogique  qui  régit  le 
parler  populaire  (voy.  vemssent). 

OwRAiGE,  245  f,  forme  variée  de  ou- 
vrage K  25  ;  —  le  tv  n'a  d'autre  va- 
leur que  celle  de  t;  simple,  représen- 
tant qu'il  est  d'une  labiale  latine. 


Paicelz,  2G1  f,  voy.  paiselz. 

Paiessent,  145  g,  3«  p.  pi.  subj.  imp. 
de  «  payer  »;  —  paiessent  est  une 
notation  succédanée  de  paiaissent, 
la  désin.  normale  de  l'imp.  subj.  à 
la  1*  conj.  étant  -aisse. 

Pais,  D  42,  K  20,  pas  ;  —  avec  la  diph. 
normale. 

Paiselz,  198  c,  paisseaux,  échalas.  — 
Le  double  ss  est  noté,  comme  à 
l'habitude  par  un  s  unique  ou  même 
par  un  c  :  paicelz  261  f;  le  patois 
aspire  la  sifllante  :  p'c/jés,  en  Bour- 
gogne paicliâs, 

Paistre,  86  0,  propr.  pâtre,  est  pris 
au  sens  fig.de  paste\ir;  -  c'est,  dans 
l'espèce,  l'archevêque  de  Trêves. 

Panrait,  18-2  f,  3e  p.  s.  fut.  de  panre, 
pour  pranre  prenre  «  prendre  »;  — 
on  sait  que  le  groupe  nr  rejette, 
dans  la  bonne  langue  de  Metz,  î'é- 
penthèse  du  d. 

Paon,  226  d,  forme  locale  de  peon, 
suj.  plur.  «  pions  »,  terme  du  jeu 
des  échecs  ;  —  pion  représente  le 
lat.  pedonem  (de  pes  pedis),  dont  la 
voyelle  atone  devient  normalement 
a  0  dans  notre  dialecte  :  paon, 
poon. 

Paraige-S,  34  a,  36  g,  B  27,  D  26,  K  37, 
«  famille,  lignée,  »  proprement  <i  les 
pairs»  [paratici).—  Dans  l'histoire 
politique  et  sociale  de  Metz,  ce  ter- 
me désigne  Us  associations  aristo- 
cratiques qui  détinrent  toutlepou' 
voir  administratif  et  politique  de  la 
Cité ,  depuis  l'origine  de  la  Com- 
mune messine  jusqu'à  sa  fin,  sauf 
la  révolution  démagogique  amenée 
par  la  guerre  en  1325  et  en  1405. 
Les  cinq  Paraiges  primitifs  étaient  : 
Jurue,  Port-Saillis, Saint-Martin, 


484 


PARCLOUSE 


GI.05S  MUE. 


Porte- Moselle  et  Outre- Sdlle,  aux- 
quels fut  plus  tard  adjoint  le  Pa- 
raige  du  Commun  (v.  c.  m.)-  — 
Pour  plus  de  détails,  voy.  l'ouvrage 
de  M.  Aug.  Prost  intitulé  le  Palri- 
ciat  dans  la  cité  de  Metz,  Paris, 
1873. 

Parclolsk  (a  la),  6  f,  subsi.  parti- 
cipial du  V.  parclore;  —  cette  lo- 
cution se  (lit  d'une  chose  amcni^e  à 
fin,  complètement  achevée. 

Parccre,  Il  82,  3*  p.  s.  ind.  de  piuuii- 
rer,  augmentatii  de  curer,  »  don- 
ner ses  soins  à...,  s'employer  acti- 
vement ",  —  voy.  CIRE. 

Pardeirent,  254  f,  3*  p.  pi.  parf.  de 
..  perdre  >•  ;  —  sur  la  désin.  voy. 
-cirent. 

Pardehriere  {a,  au),  iU6  f,  153  g, 
locut.  adverb.  superlative  de  der- 
rière; —  le  sens  est  «  tout  à  la  fin, 
à  la  parFu)  "  comme  auraient  dit 
nos  pères,  "  en  dernier  lieu  » . 

PardezOLRE,  184  f,  par  dessus,  tout 
en  haut  ;  —  pardezoure  est  un  ren- 
forcement de  rfcroi/rc  (v.  c.  m.). 

PARSOL^E,  K  Ub,  forme  altérée  de  per- 
sonne "  personnage,  rôle  >•;  —  per- 
saine  est  varié  de  personne  dont 
Vu  a  été  erronément  restitué  en  /; 

voy.  à  la  CiRAMMAIRE,  p.  tUiO. 

Parteire:it,  47  o,  3«  p.  pi.  parf,  de 
partir  ;  —  sur  la  désin.  voy.  -cirent. 

Parties,  295  b,  suj.  sing.  fém.  avec 
l'j  du  nominatif  masc.  erronément 
paragogi(|ue. 

Partds,  E  103,  notation  locale  de 
V  pertuis  »;  —  e  devenu  a,  ui  réduit 
en  u. 

Pastoraige,  208  g,  pâturage  ;  —  Vo 
est  amené  eu  place  de  Vu  sous  l'in- 
fluence de  pastour  pastor. 

Pastl'RE,  72  d,  te.  pâture.  —  Le  sens 
exact  de  ce  terme  est  difficile  à  pré- 
ciser ;  il  a  été  rendu  par  «  lieu  oii 
le  bétail  va  prendre  sa  paisson  », 
c.-à-d.  les  pâturages  voisins  de  Metz, 
les  glacis  des  fortifications.  Après 
tout  posture  pourrait  bien  être  un 
nom  de  lieu-dit,  ou  un  champ  de 
«  vaine  pâture  ».  (Voy.  la  note  à  ce 
vers,  p.  282). 

Penies  Penmes,  70  g,  171  0,  172  c, 
221  f,  B  11,  subst.  participial  de  pe- 
nir  pennir  (v,  c.  m.),  "  saisies  ju- 
diciaires »,  et  par  extension,  "  ré- 
quisitions militaires,  exactions  ». 

Penir  Pennir,  85  d,2\iig,  250  b,  H  ;i6, 
opérer  des  saisies  sur  des  débiteurs  ; 
lever  des  contributions  de  guerre. 
—  Formes  verb.  :  penit  21*  a,  3° 
p.  s.  ind.',  —  punissent  30  a,  3e  p. 
pi.  ind.;  —  pennisG  116, 2«  p.  s.  parf. 


P£^^E,  12  e,  23  c,  panne,  drap  de 
panne. 

Pe>mies,  pemuir,  voy.  penie,  pei^ir. 

Pe>re,  I  48  et  ailleurs,  -<  prendre»;  — 
la  chute  du  premier  r  produit  ici 
une  sorte  de  jeu  de  mots  entre  les 
(1er.  respectifs  de  prclienderc  et 
pcndere. 

1.  Perde,  Il  173, 1  72,  prononc.  négli- 
gée et  populaire  de  «  perdre  »,  en 
patois  pccdc. 

2.  Perde,  32  d,  ii  75,  subst.  partici- 
pial de "  perdre  »  (franc.  «' perte»). 
—  Celte  forme  divergente  s'est  main- 
tenue à  Meiz  sous  l'induence  de 
perde  1. 

Perne,  e  123,  mot  sans  doute  altéré, 
pour  lu  rime,  de  •■'  pesme  »  {pessi- 
mum) ,  dans  la  locution  soit  pis 
soit  pcrne,  en  rime  avec  Luccrnc. 

Pesme,  210  f,  voy.  perne,  piolh. 

Pestaci.,  e  156;  ce  mot  ne  m'est  connu 
qu'avec  le  sens  de  >•  pilon  »,  (angl. 
pcstle),  qui  ne  concorde  pas  avec  le 
texte. 

PIETAILLE,  123  g,  124  a,  107  c,  218  d, 
224fr, etc.  gens  d'armes  combattant 
à  pied',  —  la  diplitb.  ie  est  quel- 
quefois réduite  en  (  :  pitaille  (v. 
c.  m.). 

Pille,  36  d,  pillage;  —  subst.  verbal 
de  piller. 

PiOLR-s,  207  f,  E  149,  F  48, 1  65,  cas 
rég.  de  "  pire-s».  —  Le  superlatif 
pessinius  a  donné  pesme  216  /,  al- 
téré en  pcrne  (?)   E  123. 

Pitaille,  161  e,  219  a,  238  f,  295  a, 
forme  réduite  de  piétaille  (v.  c.  m.). 

Pitié,  K  rubrique,  orthogr.  fautive 
de  Piliers  K  42,  Poitiers. 

PLAI^s  {au),  212  g,  loc.  adv.  «  à  plein, 
à  pleine  main  »,  au  l'ig.  <>  en  son 
pouvoir  ».  —  L'sest  une  concession 
malencontreuse  à  la  rime. 

Plaisir,  k  58,  inf.  dér.  de  placére, 
régulièrement  accentué,  tandis  que 
plaire  =  pUiccrc;  —  plaisir  a  con- 
servé dans  notre  texte  sa  valeur  ver- 
bale. 

Plenniere,  17  g,  est  proprement  dé- 
rivé de  plenne  fém.  de  plein;  la 
plaice  plux  plenniere  est  la  plus 
pleine,  la  mieux  fournie  en  mar- 
chandises. 

POEiLLE,  D  39,  prononc.  mouillée  de 
«  poêle  »;  —  la  mouillure  du  groupe 
et  par  l'intercalation  d'un  i  est 
normale  dans  notre  dialecte  :  veil 
=  vel  veau,  teil  queil  au  fém.  teille 
qucille,  etc. 

Pois,  18  a,  poids  ;  avoir  de  pois,  toute 
denrée  vendue  au  poids,  notamment 
les   épices  et  légumes;  la   viande 


GLOSSAIRE. 


485 


n'était  pas  vendue  au  poids,  mais 
|îar  morceaux  à  la  criée  (18  f  g). 

POiT,  63  /,  i;i6  d,  forme  diptitli.  de 
pot  30  p.  s.  parf.  de  «  pouvoir  ». 

POLT,  ii6  e,  220  e,  3e  p.  s.  parf.  de 
«  pouvoir  »;  dans  cette  forme  la  li- 
quide est  développée,  par  une  fausse 
analogie,  de  I'm  de  pout  =  pot  151 
c  [potuit],  (voy.OLT).  — Il  est  juste 
de  relever,  comme  circonstance  at- 
ténuante, que  le  patois  semble  tou- 
jours avoir  conjugué  ce  verbe  d'a- 
près un  tbèine  pol  :  ainsi  à  l'inf. 
p'ieur  (=  poloir),  ind.  3»  p.  pi. 
peulent,  imparf.  pHeus  =  poleus, 
etc.  Ce  thème  poloir  ne  doit  pas 
être  rapporté  au  latin  poUere,  c'est 
plutôt  une  assimilation  à  vouloir. 

Pont,  employé  isolément,  comme 
nom  de  lieu,  désigne  au  sing.  la 
ville  de  Pont-à-31ousson  162  d, 
20a  a  d  f,  205  e,  207  b  c,  etc  ;  — 
au  plur.  le  village  de  Devant-les- 
Ponts  aux  portes  de  Metz,  130  a.  — 
Dans  II 109-10  ce  mot  pont  Pont  et 
le  nom  latin  de  Ponce  (Pilate)  est 
l'occasion  d'un  calembour  à  triple 
ricochet;  pour  d'autres  cas  ana- 
logues VOy.  VITEIT,  ABREJOUR. 

POON,  227  a  c,  voy.  pao\. 

Porsaitlis,  12  d,  17  e,  Port-Saillis 
(porta Saliœ),  nom  de  l'un  des  quar- 
tiers de  Metz,  près  duquel  les  or- 
fèvres avaient  établi  leur  industrie. 
Sur  la  place  du  même  nom  se  te- 
nait le  marché  à  la  volaille  (voy. 
les  notes  des  pag.  270  et  272). 

POURE-S-Z,  79  f,  173  f,  C  25,  D  21, 
F  59,  etc.,  pauvre-s.  —  Il  faut  lire 
poure  et  non  povre:  l"  si  pauper 
avait  donné  povre,  ce  mot  se  serait 
diphtiiongué  en  pauvre  poivre;  or 
ces  formes  n'existent  pas  à  Metz 
(au  vers  D  21,  poures  est  remplacé 
dans  un  de  nos  ms.  par  poivre, 
mais  c'est  le  lat.  piper;  voy.  sous 
povre);  —  20  le  patois  dit  poure  et 
non  autrement. 

POURETTES,  18  d,  poirées. 

POURTACEY,  234  f,  mot  quc  je  conjec- 
ture, faute  de  mieux,  être  formé  de 
l'impér.  du  verbe  «  porter  »  et  de 
l'adv.  «  assez  »,  corrompu  en  acey 
pour  la  rime;  voy.  aux  Variantes. 
Peut-être  ce  mot  doit-il  naissance  à 
une  légende  locale,  à  une  anecdote 
du  cru,  comme  le  porte-en-maison 
de  la  p.  90.  Quoi  qu'il  en  soit  de  l'o- 
rigine de  ce  terme,  le  contexte  lui 
assure  le  sens  de  «  bon  morceau, 
repas  plantureux  ». 

Povre,  12  b,  poivre  ;  —  avec  la  réduc- 
tion de  la  diphth.  ôi  en  o;  la  forme 


commune  poivre  se  rencontre  quel- 
ques vers  plus  bas  18  a.  Cette  par- 
ticularité dialectale  est  cause  d'une 
méprise  assez  plaisante  au  vers  D 
21  qui  est  tel  :  Or  est  U  poures 
faibles  et  li  communs  est  fors.  Le 
copiste  de  M,  ayant  lu  povre,  a  vu 
dans  ce  mot  la  forme  réduite  de 
poivre  dont  il  a  rétabli  l'orthogr. 
pleine,  en  même  temps  que,  pour 
suivre  sa  pensée,  il  a  changé  comuns 
en  cumins  cumis,  ce  qui  fait  :  Or 
est  ti  poivre  foible  et  li  cumis  est 
fors;  Li  cumis  fait  a  Metz  ses  lois 
et  ses  affors. 

On  nes'attendoit  guère 

A  voir  épice  en  ceste  affaire. 

Pranment,  a  59,  3e  p.  pi.  ind.  de 
«  prendre  »;  —  prennent  devient 
normalement  prannent  ;  la  désin. 
-ient  est  une  notation  défectueuse 
ayant  pour  but  d'indiquer  que  le 
populaire  avançait  l'accent  surcette 
désin.;  -ient  est  réservé  aux  temps 
dits  secondaires  (voy.  feirient), 
pour  l'ind.  prés,  il  aurait  fallu 
écrire  prannant.  (Voy.  à  la  Gram- 
maire, p.  453,  et  l'explication  que 
j'ai  donnée  de  formes  analogues 
dans  Romania,  H,  'tàO  et  ss.) 

Prinsent,  II 19,  3e  p.  pi.  ind.  de  «  pri- 
ser »,  nasalisé  en  prinser. 

Privement,  293  d,  est  nécessité  par  la 
mesure  au  lieu  de  privéement  ;  si 
le  lat.  privtis  avait  donné  un  dér. 
roman,  privement  serait  régulière- 
ment tiré  de  prif,  au  fém.  prive. 

Proaige,  150  g,  forme  allégée  de 
prouaige  (v.  c.  m.). 

Propris,  134  a,  métathèse  de  porpris 
puurpris,  «  enclos  »,  subst.  partici- 
pial de  pourprendre,  prendre  dans 
son  entier,  dans  tout  son  pourtour. 

Proteroient,  21  f,  3e  p.  pi.  cond.  de 
proteir,  notation  locale  de  «  prê- 
ter »  anc.  prester,  dans  laquelle  s 
est  tombé ,  et  la  voyelle  e  a  fluctué 
en  a ,  puis  en  o.  —  L'orthographe 
commune  prester  était  aussi  en 
usage,  cf.  prest  22  b. 

Prouaige,  264  a,  K  41,  profit,  valeur 
vénale,  prix,  possession,  maintenue  ; 
—  dér.  de  prou  100  e,  E  162. 

Proveo,  55  e,  forme  métathésée  de 
pourveû  porveU,  69  e,  part.  pass. 
m.  p.  s.  de  «  pourvoir  ». 

Q 

q  au  lieu  de  qu  se  rencontre  cà  et  là: 

qHl  95  g. 


MS 


QCAIRUVU 


GLOSSAIRE. 


REMENDROIT 


QOAIIlll'i.z,  132  c,  siij.  sing.,  (orme 
T«rlée  de  quarrcaulx  (v.  c.  m.). 

Ql'ABAME,  F  150,  notation  loc:ile  de 
«'  carême  »,  voy.  kARKSME  ;  —  le  pa- 
tois renforce  en  couirome. 

QuAREL,  '222  (t,  *u\.  plur.  |>our  quar- 
rel,  «  carreaux,  »  armes  de  jet;  — 

voy.  Ql'AKREAULX. 

QUARREALLX,  129  b,  rég.  plur.  de  qua- 
nt ci-dessus.  —  La  désin.  n'est 
|)oint  topique,  il  faudrait  quarrels 
quarrds  (voy.  -W);  c'est  d'ailleurs 
In  forme  donnée  par  le  ms.  M. 

1.  Ot'Eii.,  F  168,  prononcintion  mouil- 
lée de  quel  —  que  il  (v.  c.  m.). 

2.  Oi'Eii^  passim,  prononc.  mouillée 
de  quel  [quatis),  de  même  teil, 
poeille  (t.  c.  m.). 

Ql'eire,  F  125,  orthogr.  particuli^^e 
de  querre  20  f,m  a  etc.,  «  cher- 
cher, quérir  »,  —  pour  la  notation 
ei  cf.  eirc  teire  seire. 

QvTt,  88  b,  du  genre  neutre  est  con- 
tnirté  de  que  il. 

OiîKLZ,  114  e,  2U  d,  forme  contracte 
de  que  les  ;  —  qiiclz  ne  doit  pas  être 
identifié  avec  ques  (v.  c.  m.]. 

QCES,  r>2  r,  123  e,  contraction  de  que 
$e. 

QuiERCE,  226  g,  30  p.  s.  subj.  de 
querre  «  quérir ,  chercher  »  ;  — 
avec  la  désin.  par  le  yot,  sur  la- 
quelle voy.  -ce;  la  dérivation  nor- 
male quierc  s>e  rencontre  concur- 
remmi  nt  avec  quierce. 

Qi'iL,  1  g,  249  c  d,  est  le  pron.  con- 
j'MÉCtif  (/(/i  avec  paragoge  de  l;  l'ac- 
cident phonétique  conirairc  est  l'a- 
porope  de  H  en  i  (v.  c.  m.]. 


R 


•r  tombe  fréquemment  dans  les  groupes 
de  consonnes  rbr,  rdr,  rtr,  str...  : 
arde,  niaibre,  murte,  orde,  perde, 
preste,  etc. 

-r  redoublé  ;  —  le  groupe  -erre  laisse 
fréquemment  tomber  le  premier  r 
et,  par  compensation,  diphthongue 
e  en  ei  :  eire,  queiie,  requeire, 
seire,  teire. 

Rafilée,  c  35,  part.  |kiss.  f.  s.  s.  de 
«  rafiler  »,  litt.  «  remettre  à  droil 
fil,  en  bon  état  ». 

Kains,  116  b,  est  la  forme  masc.  de 
«  rames  ■  ;  —  dér.  de  ramiis;  mais 
si  notre  dialecte  était  seul  en  cause, 
on  n'aurait  aucune  difficulté  à  tirer 
rains  de  remiis  :  on  sait  que  les  no- 
tations ain  ein  sont  identiques  dans 
le  langage  de  Metz. 

Rainxiailx  ,  A  ft,  rainceaux,  petites 


branches;  dim.  de  7'ains  (v.  c.  m.); 

—  IMïur  la  dt'sin.  voy.  -ial  -iau. 
Rangk,  100  b,  rangi'e;    -  forme  féni. 

de  rang,  qui  existait  aussi  dans  le 
prov.  j'c;»{/n«.  —  Notre  versificateur, 
|)0ur  donner  plus  d'autorité  à  son 
œuvre,  feint  de  l'avoir  tirée  d'un  ms. 
antérieur  :  Ci  nous  raconte  nostre 
livre.  Qui  est  escript  par  double 
range,  Cest  un  artifice  renouvelé 
des  chansons  de  geste  ;  voy.  entre 
autres  le  début  de  Fierabras,  Ro- 
land, v.  2095  et  la  note  (éd.  L.  (iau- 
tier,  1872,  11,  p.  109  et  ISTj,  p.  206). 

Haparier,  50  d,  notation  locale  de  rc- 
pairier  280  c,  A  55,  «  repairer  »,  à 
qui  les  formes  correspondantes  des 
autres  langues  romanes  assignent 
|>our  primitif  le  bas  lat.  rcpatriare  ; 
repairer  est  donc  le  doublet  du 
verbe  mmlcrne  rapatrier.  Le  sens 
étymologique  de  repairer  est  bien 
mis  en  valeur  par  notre  vers  :  Lors 
ait  chescuin  mise  sa  cure  De  rapa- 
rier  a  sa  contrée. 

Rasamblez,  e  55,  notation  dialect.  de 
ressemblez,  2e  p.  pi.  ind.  de  «  res- 
sembler >'. 

Rase,  153  /,  forme  locale  de  rcsc,  qui 
a  le  même  sens  que  cnvaiie  (v.  c. 
m.}  ;  •<  expédition  militaire,  incur- 
sion, attaque.  » 

Rasotent,  Il  28,  30  p.  pi.  ind.  de 
•>  rassotter  »  dire  ou  faire  des  sot- 
tises. —  s  intervociil  conserve  fa  va- 
leur de  sifflante. 

Reçoice,  h  lai,  orthogr.  variée  de 
rcssoicc  (v.  c.  m.). 

RECtLi.ERENT,  207  C,  3«  p.  pi.  parf.  de 
"  recueillir  >  dans  l'acception  de  "  re- 
cevoir, accueillir  ».  —  Le  sens  ne 
jtermct  pas  de  songer  à  ><  reculer  « 

(voy.    RECULLEZ). 

Recullez,  82  b,  part.  pas.  m.  pi.  s.  de 
"  recueillir  ».  —  La  résolution  de 
la  diphth.  ue  de  \recuellir  (prouvée 
parles  formes  verbales  rekeut  re- 
keurrait  r=  recueille  recueillera), 
en  M  a  facilité  le  passage  de  ce  verbe 
à  la  10  conj.  par  assimilation  à  re- 
culer. (Voy.  RECLLLERE.\T.)On  Sait 
que  les  patois  disent  cuet/Zer  pour 
cueillir,  à  cause  du  fut.  cueiller-ai. 

—  Les  autres  mss.  donnent  :  M  re- 
cuillis,  qui  est  bon  pour  la  lettre, 
mais  mauvais  pour  la  rime,  D  re- 
rœuilliez  qui  concilie  l'une  et  l'au- 
tre. 

REME^BRANCE,  271  o,  dér.  de  remem- 
brer, a  la  valeur  de  «  représenta- 
tion figurée,  image  ». 

Remendroit,  30  e,  3*  p.  s.  cond.  de 
rcmaiwrfrc aussi  remanoir,  "rester. 


REMISE 


GLOSSAIRE. 


ROTIGIEZ 


ft87 


demeurer  ».  —  On  voit  dans  re- 
mendroU  l'un  des  rares  cas  oii  le 
groupe  nr  accepte  l'épentlitse  de  cl  ; 
c'est  sans  doute  une  modification 
du  copiste;  la  forme  pure  messine 
est  remenroit  -  merroit  -  marroit. 

Remise,  153  d,  2ao  b,  forme  variée 
de  remese  part.  pas.  f.  s.  s.  de  re- 
maindre.  (Voy.  remendroit.) 

Renart,  D  lu,  en  suj.  sing.  est  fau- 
tif; —  c'est  le  héros  même  du  poëme 
si  célèbre  sous  ce  titre.  Ce  nom  a 
une  valeur  allégorique,  ainsi  que 
les  noms  de  quelques  autres  per- 
sonnages du  même  poëme,  men- 
tionnés dans  notre  texte. 

Re\ges,  218  d,  rangées;  voy.  range. 

Rengirent,  279  d,  3c  p.  pi.  parf.  de 
rengier  «  ranger  »,  —  avec  la  dés. 
assimilée  de  la  U^  conj.  (voy.  -irent). 

Rengne,  2ii2  c,  G  lU  etc.,  forme  nasa- 
lisée de  «  règne  »  subst.  et  verbe. 

Reparent,  55  a,  réduction  de  repai- 
rent,  3*  p.  pi.  de  repairier  (voy. 

RAPARIER). 

Repariez,  243  a,  part.  pas.  m.  pi.  s. 
du  même  verbe. 

Reprovvier,  117  g,  notation  locale  de 
«  réprouver  »  ; —  infinitif  pris  au  sens 
de  substantif. 

Resinet,  lu  f,  raisin.  —  Le  suffixe  -et 
diminutif  est  ici  purement  formai 
et  voulu  par  la  rime.  Il  ne  s'agit 
donc  pas  de  raisiné. 

Resoivre,  II  229,  dér.  normale  de 
recipere,  «  recevoir  »  étant  tiré  de 
recipére  passé  à  la  2e  conj. —  Tous 
les  comp.  de  capere  ont  passé  en 
franc,  avec  la  désin.  oivre;  voy.  Ap- 
perçoivre,  Béçoivre.  Le  parler  po- 
pulaire messin  a  réduit  -oivre  en 
-oire  [ressoire);  ainsi  réduite,  cette 
désinence  archaïque  s'est  maintenue 
dans  le  patois  actuel,  normalement 
modifiée  en  -etir  :  r'cfewr,  recevoir, 
p'ieur  s=  pouvoir,  pleuvoir,  etc. 

RESPANDIJIT,  2^5  b,  part.  pass.  m.  s. 
r.  de  «  respandre,  répandre  »;  — 
sur  l'atténuation  de  u  en  wi  voy.  à 
la  Grammaire,  p.  /i37. 

Ressamblirent,  88  a,  3o  p.  pi.  parf. 
de  rassembler,  —  avec  la  désin.  as- 
similée de  la  W  conj, 

Ressoice,  2a7  d,  3e  p.  s.  subj.  de  res- 
soivre  resoivre  (v.  c.  m.),  forme 
variée  de  «  recevoir  »;  —  pour  la 
dèsin.  voy.  sous  -oice. 

Retenis,  g  115,  2">  p.  s.  pnrf.  de  «  re- 
tenir »,  —  conj.  populaire  analo- 
gique d'après   le    thf'me    de    l'inf. 

(voy.  VENISSENT). 

Reubeit,  36  b,  3e  p.  s.  parf.  de  rober, 
simple  de  «  dérober  ».  Ainsi  qu'un 


grand  nombre  d'autres  verbes,  ro- 
ber  se  construisait  avec  le  pronom 
réfléchi  :  se  reubeit.  —  Il  semble 
qu'il  y  ait  ici  faute  de  copiste,  la 
pure  orthographe  devant  être  reu- 
beit, 'robeit;  cf.  robée  F  77,  et  le 
dér.  roberie  67  g,  70  b. 

Revel,  102  d,  subst.  verbal  de  révé- 
ler, qui  se  rattache  soit  au  lat.  re- 
bellaî'e,  soit  plutôt  à  rêver  dont 
révéler  serait  le  fréquentatif.  Le 
sens  primitif  de  r-ever  resver  (auj. 
rêver)  est  «  divaguer,  extra  vaguer  ». 
—  A  noter  la  forme  contracte  riiel 
donnée  par  un  ins.  secondaire. 

REVELEE,  H  208,  3«  p.  s.  ind.  de  révé- 
ler, voy.  sous  REVEL. 

Revoie,  K  53,  forme  variée  de  ravoie 
15  e,  G  155,  3«  p.  s.  de  ravoier,  «  re- 
mettre à  voie,  en  bon  chemin  ». 

Rewart,  203  c,  2ao  c,  regard  ;  —  dans 
iV'i  ait  celui  qui  ail  rewart  De  II..., 
rewart  a  le  sens  de  «  crainte  ». 
L'enchaînement  des  idées  est  celui- 
ci  :  regarder,  examiner,  surveiller, 
se  défier,  craindre.  —  Notre  texte 
offre  diverses  variantes  littérales  de 
rewart,  telles  que  rowart  rouart  ; 
pour  le  w  voy.  wart,  et  garder 
sous  -g. 

RiBAODiAULX,  H  34,  dira,  de  «  ri- 
bauds  »;  —  sur  la  désin.  voy.  -ial 
-iaul. 

Rigole,  159  e,  3e  p.  s.  ind.  de  «  ri- 
goler »,  au  sens  actif  de  «  divertir, 
amuser  quelqu'un  »;  le  sens  origi- 
naire paraît  être  celui  de  «  danser  », 
si  l'on  accepte  pour  primitif  le 
vieux  haut  allem.  riV/a. 

Roc,  II  198,  roc,  pièce  du  jeu  des 
échecs,  voy.  bot. 

ROIE,  F  132,  H  48,  forme  anc.  de 
«  raie  »  {.riga);  —  raie  s'est  main- 
tenu dans  les  patois  lorrain  et  bour- 
guignon. 

RONT,  224  a,  forme  nasalisée  de  rout, 
pai  t.  pas.  m.  pi.  r.  de  «  rompre  » 
(voy.  Route)  ;  —  régulièrement  la 
grammaire  exigerait /'o/w;  toutefois 
te  peut  être  un  cas  de  construction 
avec  le  neutre. 

Rot,  227  c,  le  même  que  roc  (v.  c. 
m.),  ancien  nom  de  la  tour  au  jeu 
des  échecs;  — dér.  du  persan  rokh, 
chameau  monté  par  des  archers; 
j'oc  s'est  maintenu  dans  roquer, 
changer  simultanément  de  place  le 
roi  et  la  tour.  Sur  la  consonne  finale 
de  rot  voy.  sous  -(. 

ROTIGIEZ,  111  a,  notation  dialectale 
du  part.  pas.  m.  s.  s.  de  rostegier 
p.  rostagier  qui  se  rapporte  à  os- 
tage  {obsidalicum);  rostegier  qqun. 


«88 


GLOSSAIRE. 


c'est  donc  retenir  qqun  en  otage, 
le  priver  de  s;i  liberté,  puis,  par  ex- 
tension, lui  imposer  une  rançon 
pour  prix  de  sa  délivrance  :  Rôti- 
giez  fil  df.  \  mil  livres,  sa  rançon 
fut  taxée  à  10,000  livres. 

HocART,  ttU  r,  forme  variée  de  rovDort, 
rowairt  iv.  c.  m.). 

I\OLTE,  K  107  (rtiplam),  part.  i>as. 
f.  s.  r.  de  «  rompre  ■•,  voy.  ront. 

noDWART,  F  100,  prononc.  assourdie 
de  rowurt  (v.  c.  m.). 

RowART,  268  f,  est  le  même  que  re- 
wart  (v.  c.  m.)  dont  Ve  est  passé  à 
\'o  sous  l'induence  du  tv  =  oii. 


-s  iniervocal  est  toujours  dur,  se  note 

par  z,  ss,  c,  x  :  exglisse,  finbrassêe, 
vulcist  valxist.  Par  conirc  ss  est 
rendu  |>ar  s  simple  :  nusi,  asemblùe, 
riisamblez,  etc. 

-s  s'adjoint  volontiers  au-devant  de  c 
précéd:<nt  e  fém.  :  avurisce ,  gra- 
viace,  scelaisse. 

-s  pnragogique  dans  les  adverbes  est 
d'un  emploi  facultatif;  les  ex.  sont 
nombreux  des  mots  qui  ne  l'ad- 
niellent  pas  :  ccrte,  lor,  onque, 
quanquc,  sen,  etc.  —  I*ar  coniri; 
a  est  souveni  a)>ocopé  dans  maints 
adv.  oîi  il  est  d'origine  :  ver  (lever. 

-s  désin.  de  la  3e  p.  s.  s'introduit  à  la 
!•  p.  du  parf.  (i«  conj.)  et  du  fut. 
icnninée  régulièrement  par  -ai 
(-«VI,  habco),  —  \oy.  -ais. 

s  e^t  employé  abusivement  pour  c 
devant  e  >,  pour  ç  devant  a. 

s'  élision  de  l'adj.  poss.  sa  devant  un 
nom  fém.  commençant  par  une 
voyelle  :  s'ame  I  60,  s'ancclle  J  50 
et  passim.  Cette  forme  régulière 
commençait  déjà  à  être  évincée  par 
le  solécisme  son  (v.  c.  m.). 

1.  Sa,  e  84  [quater],  var.  orthogr. 
de  »  çà  »,  adv. 

2.  Sa,  89  ft,  J  72,  1»  p.  s.  ind.  de 
«  sayoir  »  ;  —  sa  est  réduit  de  sai 
(auj.  «  sais  "). 

Saciios,  182  g,  forme  inversée  de 
chassas  donné  par  M  (le  popu- 
laire dit  de  même  saiigcr  pour 
changer);  les  saclios  ou  chassas 
«  qu'ont  grosse  teste  »,  ajoute  notre 
texte,  sont  sans  nul  doute  les  cha- 
bots, dér.  de  capul,  en  bourg,  cha- 
vannes  chavôgnes. 

Sageittez,  lia  e,  (lèches  [sagillas). 
—  Cest  une  formation  savante,  ou 
plutôt  une  faute  du  copiste  qui, 
rencontrant  dans  l'original saict/fez. 


aura  pris  le  premier  i  pour  un  j 
et  l'aura  noté  par  g. 

Saille,  93  «,  U  12, 37,  56.  63,  pronon- 
ciation populaire  de  Seille,  rivière 
qui  se  Jette  dans  la  Moselle  h  Metz. 
Dér.  Salnois  Sanois  [Salinensis  pa- 
eus)  (v.  c.  ni.);  Suillis  dans  Por- 
sailUs  (v.  c.  m.),  procède  directe- 
ment de  Suiltex  —  Outre-SaiUe 
D  12  était  le  nom  de  l'un  des  Pa- 
raigesde  Meii,  voy.  I'araige. 

Sainct,  223  g  ;  —  pris  isolément  et 
absolument,  exprime  n  la  célébm- 
tion  de  la  fête  en  l'honneur  d'un 
saint  >'. 

Saiiirt  Arnoult,  98  b.  Saint -ArnoO, 
célèbre  abbaye  bénédictine  sur  la- 
quelle voy.  la  note  de  la  p.  285. 

Sainct  Clcmeut,  98  b,  Siiint-Clément, 
célèbre  abbaye  bénédictine  sur  la- 
quelle Aoy.  la  noie  de  la  p.  285.  — 
Cette  abbaye  ainsi  que  celle  de  Saint- 
Arnoû  étaient  alors  situées  hors 
des  murs  de  la  ville,  chacune  au  mi- 
lieu d'un  populeux  faul)0urg  :  les 
boursde  Sainct  Arnoult,  deSt  Clé- 
ment. 

Sainct  (iergone,  15  f,  Saint-norgon, 
ancienne  église  de  Metz  (voy.  la 
noie  à  ce  vers  p.  272). 

Sainct  Ilillaire,  8  f,  Saintllilaire,  vo- 
cable de  deux  églises  de  l'ancien 
Metz.  :  Saint-llil:iire-le-(;iand  et  Sl- 
llilaire  us  Manieurs  (voy.  la  noie 
à  ce  vers  p.  267). 

Sainct  Levier,  15  e,  117  c,  Saini-LI- 
vier,  ancienne  église  paroissiale, 
était,  avant  le  x*  siècle,  placée  sous 
le  vocable  de  saint  Polyeucte  (voy. 
la  note  de  la  p.  271). 

Sainct  Martin,  12  e,  nom  d'un  pa- 
raige  et  d'une  paroisse  encore  exis- 
tante à  Metz.  —  Le  quartier  Saint- 
Martin  était  le  centre  du  commerce 
(les  draps  et  fourrures  (voy.  la  note 
à  ce  vers  p.  270). 

Saincte  Crux,  130  f,  131  e,  133  b, 
Sainte-Croix,  alias  Saint-Éloy,  ab- 
baye de  l'ordre  des  Piémontrés  (voy. 
la  note  à  ce  vers  p.  292). 

Salnois,  85  c  {Salincnsis  pagus),  le 
Saulnois,  partie  du  pays  messin  tra- 
versée par  la  Seille  {Salia). 

Samblem,  7a  d,  part.  prés,  du  v. 
sembler,  —  écrit  par  en  à  la  désin., 
en  vertu  de  l'identiié  de  son  des 
deux  notations  en,  an.  (Voy.  ar- 
dent.) 

SAJiDEL,  12  c,  variante  orthographique 
de  cendal,  étoffe  de  soie. 

Sanois,  2'Jl  a,  léduction  populaire  de 
Salnois  (v.  c.  m.). 

Saunois,  1  27,  le  Salinensis  pagus,  ou 


SCELAISSE 


GLOSSAIRE. 


SOIERENT 


f|89 


pays  d'entre  Seille  et  Moselle;  — 
les'  variations  formales  de  Saunois 
sont  Satnois,  Sanois  (v.  c.  m.). 

SCELAissE,  89  b,  orthographe  fautive 
de  celaisse,  1*  p.  s.  subj.  imp.  de 
«  celer  ». 

ScEViENT,  G  75,  3'  p.  p!.  imp.  de  sça- 
voir,  orthog.  vicieubc  de  «  savoir  »; 
—  sur  la  désin,  voy.  -ient. 

-se,  désin.  du  subj.,  est  la  notation  lo- 
cale de  -je  -ge  -ce  dérivé  régulière- 
ment de  la  désin.  lat.  -eam  -iam 
devenue  -yam.  Dts  verbes  de  la  4* 
(et  2'  conj.)  cette  forme  a  passé  à 
ceux  de  la  3*  et  de  la  le  (voy.  à  la 
Grammaire  p.  U5i-ii):envoise,  vies- 
set,  quierce,  fierce,  desparce,  chai- 
ce,  —  Cette  désin.  évincée,  comme 
il  a  été  dit,  par  -oisse  (pat.  -eusse), 
n'a  pas  laissé  de  se  mainlenir  jus- 
que dans  les  temps  modernes,  l.e 
Dialogue  facétieux  d'un  gentil- 
homme et  dhin  berger,  dont  la 
Ire  édition  est  de  IG"?!,  connaît  en- 
core enpose  enpouse  comme  subj. 
de  «  emporter  » . 

Se,  2h  d,  67  g,  82  a,  105  f,  183  e,  F 
ft2,  eic,  orthographe  variée  de  ce, 
résolu  de  ceii, 

Seire,  235  d,  serrure;  — le  v.  fr. 
serre  (=r  lat.  seraj  s'est  maintenu 
dans  quelques  patois  (sur  la  nota- 
tion ei  =  er  voy.  sous  -»•.). 

Seirs,  d  17,  (suj.  sing.  )  cerf.  —  Le 
«  cerf  »  est  ici  opposé  au  «  lima- 
çon »  comme  dans  La  Fontaine  le 
«  lifcvre  »    à  la    «  tortue  ».    Voy. 

sous  TARDIS. 

Sel,  99  g,  contr.  de  se  le,  comme 
quel  de  que  le. 

Seliers,  5  e,  orthog.  variée  de  «  cel- 
liers ». 

Selle,  232  b,  279  g,  296  b,  orthog. 
variée  de  celle,  adj.  déra. 

Selong,  10iid;leg  final,  rapproché 
du  c  des  formes  franc,  sclonc  su- 
lonc,  démontre  péremptoirement  l'o- 
rigine su6/o/ififMJn;  le  sens  convient 
également,  selong  signiQant  «  au 
long  de  »  :  Des  mors  laissent  selong 
les  haies. 

Semome,  26  e,  subst.  participial  de 
semoiidre  ;  —  semante  répond  direc- 
tement à  submonila,  tandis  que  son 
doublet  semonse  (auj.  semonce)  est 
le  fém.  de  semons  lat.  submonitus. 
Le  t  de  sermonle  n'est  pas  une  faute 
du  copiste  pour  un  c,  cette  dernière 
notation  étant  d'origine  moderne; 
semontc  est  d'ailleurs  assuré  par  la 
rime  :  honte  conte  sornionte. 

1.  Sen,  F  117,  sens;  —  sen  représente 
le  germ..  sin,  sinn,  comme  sens  le 


lat.  sensus  ;  c'est  de  sen  que  dérive 
l'adj.  séné  et  son  composé  fuurse- 
nez  H  27  «  fors  de  sens  ». 

2.  Se\,  91  ri,  93  a,  et  passim,  etc., 
sans  ;  —  dérivation  régulière  du 
lat.  sine,  et  antérieure  à  sens  sans 
avec  Vs  paragogique. 

Serais,  G  3,  1"  p.  s.  fut.  de  «  être  », 
—  avec  Vs  paragogique  dialectal, 
voy.  sous  -ais. 

Serise,  Ml  d,  orthogr.  variée  de  «  ce- 
rise ». 

Serpenoise,  99  a,  nom  d'une  des  portes 
de  Metz,  propr.  la  porte  de  la  route 
de  Scarpone. —  Ce  mot  se  rencontre, 
dans  les  anc.  textes,  sous  plusieurs 
formes  :  Sarpenoise,  Sapenoise, 
Chapenoise,  et  par  assimilation  er- 
ronée, Champenoise.  L'anc.  ville 
Scarpona  qui  lui  a  donné  son  nom 
n'existe  plus  que  comme  lieu  dit  : 
Xarpaigne.  (Voy.  la  note  à  ce  vers 
p.  286.) 

1.  Serre,  D  8,  G  72,  primitif  de  <  ser- 
rure »,  est  pris  au  sens  figuré  de 
«  prison  »  ;  cf.  l'expression  iden- 
tique «  mettre,  tenir  sous  clef  ».  — 
Une  notation  locale  de  serre  est 
seire  (v.  c.  m.). 

2.  Serre,  D  5,  3e  p.  s.  ind.  de  «  ser- 
rer ». 

Sers,  28  e,  (s.  pi.)  serfs;  —  Vs  final 
est  une  faute  contre  les  règles  de  la 
déclinaison. 

Servoise,  215  (,  cervoise;  —  s  pour 
c  comme  dans  serise. 

1.  Ses,  81  e,  208  f,  214  a,  F  116,  G  35 
et  dans  le  même  vers  ces,  var.  or- 
thographique de  CCS  adj.  dém. 

2.  Ses,  71  g,  1H7  e,  est  contracté  de 
sel' s,  pour  «  se  les»  comme  qucs  re- 
présente quel' s  «  que  les  ». 

1.  Si,  99  e,  orthog.  variée  de  ci,  adv. 

2.  Si,  K  15,  orthog.  particulière  pour 
cil,  adj.  dém.  m.  s.  s. 

3.  Si  76  d,  atténuation  de  ceu  qui, 
prononcé  par  le  populaire  su,  s'af- 
faiblit en  si;  voy.  sous  -m 

SiGNOGNE     SIGNONGNE-S,     A     Û7,     50, 

pron.  popul.  de  «  cigogne  -s  »,  que 
le  patois  a  syncopé  en  sogne,soin- 
gne,  qui  se  trouve  déjà  dans  l'un  de 
nos  mss.  sous  la  forme  singne  et 
même  signe,  inadmissible  pour  la 
mesure, 

SiNGOGNts,  B  17,  forme  nasalisée  de 
«  cigognes  »,  voy.  signogne. 

Sodées,  2'j3  g,  f.  p.  r.  pour  soldées 
256  c,  subst.   part,  de  «  solder  » 

(VOV.  SOLDOIIÈRES). 

SOIERENT,  204  c,  3-  p.  pi.  parf.  de 
soier  «  scier  »;  —  soicr  est  resté  en 
usage  dans  la  campagnede  Metz  pour 


MO 


SOLDIOCR 


GLOSSAIRE. 


désigner  l'opération  de  scier\ci  blés, 
moissonner  ;  soious,  moissonneurs. 

SOLDioiR -s,  78  jr,  111e,  112  n,  172  c, 
195  b,  207  <i,  etc.,  plur.  de  soUlierc, 
forme  variée  de  soldoiiercs  (v.  c. 
m.). 

SOLDOiiERES,  03  e,  forme  suj.  dont  le 
rég.  est  aoldoiour  soldiour,  propr. 
qui  est  à  la  solde  de  quelqu'un,  qui 
reçoit  ses  soUtiea  ou  sodir»  (v.  c. 
m.).  —  Soldoieres  -oiir  n'est  p;is  de 
formation  identique  h  seldoiera  -er; 
dans  celui-ci  entre  le  suff.  arixis 
-um,  dans  celui-là  le  sutT.  -ator 
-atorem. 

SOLEis,  224  a,  notation  locale  de  so- 
tiers  "  souliers  ■'. 

.SOMKTZ,  F  172,  mot  sûrement  estro- 
pié dont  le  sens  ne  panilt  guère  s.'i- 
tisfaisant,  qu'on  le  rattt;iche  soit  à 
«soumettre  "  ,  soit  à  sommer: 
forme  contracte  de  semoncr  »  se- 
mondre  ••. 

Sommer,  G  73,  semer;  —  Il  y  a  flac- 
tuation  de  la  voyelle  atone  e  en  o, 
que  le  patois  assourdit  en  ou  pour 
com|)enser  la  chute  de  la  consonne 
suivante  :  soumer  (cf.  femme  de- 
venu fomme  foumc). 

Son,  285  g,  ad|.  poss.;  —  est  relevé  à 
cause  de  son  emploi  syntactique 
devant  un  nom  féminin  commen- 
çant par  une  voyelle,  voy.  eves- 
cuiÊ;  —c'est  le  seul  exemple,  dans 
notre  texte  de,  son  ^  «'  =  sa. 

Sont,  258  r,  orthographe  particulière 
de  sons  contr.  de  sommes,  1"  p.  pi. 
ind.  de  "  être  >.  —  (Voy.  aux  Va- 
riantes.) 

Soi',  105  c,  forme  populaire  de  ceu 
adj.  dém.  neutre.  D'un  usage  ordi- 
naire dans  les  chartes,  sou  n'appa- 
raît qu'une  fois  dans  notre  texte. 

Soi'FFRAGE,  K  29.  Le  contexte  impose 
le  sens  de  "  misérable,  ruiné,  hu- 
milié >-;  souffrage  se  rapporte  donc 
au  même  primitif  que  suffraitouse 
(v.  c  m.);  —  la  désin.  -âge  est  sans 
doute  altérée  pour  le  besoin  de  la 
rime,  la  bonne  forme  étant  souf- 
fraile;  de  souffrage  rappr.  le  pro- 
vençal sofracha. 

-sr,  eh  règle  générale  ce  groupe  re- 
pousse l'épentlièse  de  t  (voy.  -xenl 
désin.  du  parf.  p.  ft50  et<i55]. 

-ss  peut  se  noter  par  s  simple,  la  sif- 
flante faisant  toujours  entendre  le 
son  pur  s  et  non  celui  de  z  même 
entre  deux  voyelles;  donc  ausi 
68  9  se  prononcera  aussi,  et  de 
même  pour  les  cas  analogues. 

Staixon,  D  12,  anc.  nom  du  quar- 
tier de    Metz,   auj.  appelé   Tnison 


(voy.  Taisons).  —  Les  historiens  lo- 
caux s'accordent  à  faire  venir  Stai- 
xon du  lat.  stationem  =  camp  ;  la 
lettre  n'y  contredit  pas. 

Stoixey,  \m  f,  Stoxcy,  nom  d'un  fau- 
bourg de  la  ville  de  Metz  qui  se 
trouvait  près  du  bourg  de  Saint-Ju- 
lien, le  long  de  la  Seille. 

Si'FFRAiTOLSE,  6  C,  adj.  fém.  dér.  de 
sonffrnite,  soufrefe,  «  manque,  pri- 
vation, misère  »,  lequel  est  le  subst. 
participial  siiffracla  de  suffriiifre- 
re  (voy.  souffraoe). 

Stis,  A  11,  F  170,  prononc.  atténuée 
de  sus  adv.  >■  sur  ■■;  le  patois  a  été 
jusqu'au  bout  dans  cette  voie,  qui 
dit  si.  —  Le  passage  de  sus  en  suis 
est  l'opposé  de  celui  de  suis  (verlMi 
être)  à  sus  (v.  r.  m.).  <^s  sortes  de 
balancement  ou  con)|)ensation  ne 
sont  pas  rares  dans  la  phonétique 
du  parler  populaire. 

1.  Sus,  j268  /,  réd.  de  sui  D  14  adj. 
poss.  m.  pi.  s.;  —Vs  final  de  sus  est 
dû  à  l'influence  de  ses  (suus). 

2.  Sus,  2.'.3  d,  200  d,  réduction  de  suis 
pour  sui,  le  p.  s.  ind.  de  «  être  "; 
—  sur  la  résolution  de  la  diphth.  ui 
en  M,  voy.  à  la  Grammaire,  p.  ft37-8. 


-t,  remplace  fréquemment  en  iGnale 
une  consonne  tombée  dans  la  pro- 
nonciation :  aulreteit,  rot,  hosteit 
liosteill  {l  est  muet).  Cette  substitu- 
tion s'est  produite  sous  l'induence 
d'une  des  lois  organiques  de  notre 
dialecte,  qui  maintient  t  final  dans 
les  part.  pas.  et  subst.  en  -atem,  à 
la  3*  p.  s.  des  verbes,  en  un  mot 
partout  où  le  franc,  proprement  dit 
l'a  laissé  tomber.  Des  formes  telles 
que  avrai  D  57,  p.  avrait  «  aura  », 
sont  excessivement  rares  à  Metz; 
cette  notation  appartient  d(;  préfé- 
rence à  l'idiome  de  la  Vôge.  —  La 
môme  lettre  est  employée  parfois, 
par  opposition  as,  pour  marquer  le 
rég.  sing.  :  dont  porchat  Monta- 
bant  K  11,  21,  27. 

Tacons,  224  a,  semelles,  propr.  «  mor- 
ceau de  cuir  à  raccommoder  [rata- 
conner)  les  souliers  » . 

Tairt,  276  (j,  forme  diphth.  de  tart, 
\ttU  f,  3«  p.  s.  subj.  de  «  tarder  ». 

Taisons,  243  f,  nom  d'une  rue  de 
Metz,  dénommée  plus  anc.  Staixon 
(v.  c.  m.). 

Tante,  2û6  g,  notation  loc.  de  «  tente  »; 
—  le  sens  de  ce  vers  n'est  pas  des 
plus  clairs    (voy.  aux  Variantes). 


TAUDIS 


GLOSSAIRE. 


TRIBOLEIS 


agi 


Tardis,  D  17,  20,  suj.  sirig.  de  «  tar- 
dif n,  soliriquet  appliqué  au  lima- 
çon. —  De  ce  quatrain  se  dégage 
une  moralité  identique  à  celle  de  la 
faille  de  La  Fontaine  :  le  Lièvre  et 
la  Tortue  (voy.  seirs). 

Targez,  F  150,  20  p.  pi.  impér,  de 
targer  targier,  dér.  de  large  «  bou- 
clier »,  :  donc  «  couvrir,  protéger, 
défendre  »;  le  mot  est  resté  au  sens 
figuré  sous  la  forme  larguer  (se). 
—  11  est  à  noter  que  le  ms.  D,  qui 
modernise  volontiers  l'orthographe 
et  le  vocabulaire,  porte  gardez  au 
lieu  de  targez ,  lequel  sans  doute 
était  déjà  tombé  en  désuétude. 

Tartaire,  F  71,  sorte  d'étoffe  ;  —  le 
moiest  sans  doute  altéré,  pour  cause 
de  rime,  de  tartetle,  étoffe  de  soie. 

Tatin,  g  170,  querelle,  contrariété;  — 
tatin  se  rattache  à  tatiller,  tatil- 
loiiner,  dér.  de  tâfer  ? 

Tayes,  g  122  ;  mot  Défiguré  par  le  co- 
piste. Je  n'ose  songer  ni  à  tailles  ni 
à  payes. 

Teire-s,  183  c,  J  25,  notation  variée 
de  «  terre-s  »;  dans  ce  passage  teires 
=  bords,  rives  d'un  fossé.  (Voy. 
sous  -r.) 

Teirre,  J  30,  forme  variée  de  telre 
(v.  c.  m.). 

Telt,  £  120, 177,  orthogr.  vicieuse  de 
«  tel  ".  -  Cette  orthographe  est 
très-fré(|uente  dans  les  deux  mss. 
secondaires;  pour  la  consonne  finale 
voy.  sous  -t. 

Tenpeste,  200  g,  3*  p.  s.  ind.  de 
«  tempester,  tempêter  »,  au  sens  ac- 
tif de  «  ravager,  détruire,  arracher 
(la  vigne)  ». 

Terteller,  a  59.  Ce  verbe  m'est  in- 
connu; je  conj'Ctuie  qu'il  est  de 
création  individuelle ,  exprimant 
d'une  manière  onomatopéique  le 
choc  des  dents  les  unes  contre  les 
autres,  et,  dans  l'espèce,  le  bruit 
produit  par  les  coups  de  bec  répétés 
des  detrx  cigognes  ,  chacune  tirant 
à  soi  la  provende  commune  :  Pour 
soy  retient  la  meilleur  part ,  Lors 
se  prannietit  a  terteller  Com  fait 
■martel  a  marteller.  La  comparaison 
formulée  dans  ce  dernier  vers  vient 
à  l'appuide  mon  explication  de  ter- 
teller. 

Theotecé,  I  6,  mère  de  Dieu  ;  —  mot 
grec  francisé  et  accentué  pour  le 
besoin  de  la  rime  ;  voy.  la  note  de  la 
p.  382. 
TUiry.  19i  d,  forme  contracte  de 
«  Thierry  »,  cf.  Thibaut  et  Thie- 
baul. 
Tierce,   IftO  c,  220  e,  la  troisii'me 


heure,  c.-à-d.  neuf  heures  du  matin, 
d'après  la  manière  de  compter  ec- 
clésiastique (voy.  \onne).  — Il 
est  matériellement  impossible  que 
tierce  soit  la  troisième  heure  après 
minuit,  suivant  notre  manière  de 
compter,  ni  la  troisième  heure  de 
relevée,  tierce  étant  nettement  in- 
diqué comme  précédant  «  l'heure  de 
midi  ». 

TiES,  186  a,  forme  fautive,  suj.  plur. 
de  tilz  lis  (v."c.  m.)  «  toît  ». 

TiGNE,  199  f,  s'est  conservé  en  cette 
prononciation  pour  «  teigne  »  dans 
les  patois  de  l'Est. 

Tilz,  29  d,  forme  variée  de  tel  teil, 
lies  u  toît  »  (tcctum).  —  Sur  l'é- 
penthèse  de  /,  voy.  à  la  Grammaire, 
p.a49. 

lis,  127  e,  forme  suj.  de  «  to't  ».  — 
Une  variante  est  tdz  (v.  c.  m.)  avec 
l'épenthèse  de  l. 
ToiLLE,  102  f,  prononciation  mouillée 

de  «  toile  ». 
Tortuel  [sainct],  196  g,  terme  plai- 
samment  forgé   sur   tarte  tourte 
(voy.  la  note  à  ce  vers  p.  303);  la 
dérivation  serait  plus  régulière  avec 
Tortet,  mais   la  rime  et  la  mesure 
exigeaient  l'adjonction  de  u,  d'ofi 
Tortuel. 
rouis,  B  28,  forme  variée  de  (mis  (v. 
c.  m.);  —  touis,   monosyllabiqui', 
représente  la  fusion  de  luit  et  de 
tous  ;  le  premier  n'allait  pas  tarder 
à  être  complètement  évincé  par  le 
second. 
Toutes  âmes  {li  jour  de),  160  a,  dé- 
nomination locale  du  jour  ou  fête 
des  Trépassés  (2  novembre), 
Trabuchiez  p.  trabucliict,  108  f,  p;irt. 
pas.  m.  s.  r.  de  irabucliier,  forme 
locale  de  «  trébucher  »,  au  sens  ac- 
tif de  «renverser  à  terre,  jeter  bas»: 
Le  gibet  ont  Jus  trabuchiez. 
Traheis,  80  c,  2e  p.  pi.  impér.   de 
«traire»  [lrahere],~l'li  est  étymo- 
logique. 
Trais,  26o  g,  orih-ig.  vicieuse  pour 
freis  87  c,  v.  fr.  trcfs,  «  tentes,  pa- 
villons »;  —  par  contre  trais  [trac- 
tos)  est  écrit  Ireis  (v.  c.  m.)- 
Translauteit,  K  16,  part.  pas.  m.  s. 
r.  de  «  translater  »,  noté  dialcctale- 
ment  translauleir. 
Treis,  120  f,  orthographe  fautive  de 
trais,  «  traits  »,  voulue  par  la  rime; 
voy.  Trais. 
TRIBOLEIS,  216  f,  part.  pas.  m.  s.  s. 
de  triboler  (=  lat.  tribtdare  dont 
une  dérivation  plus  organique  est 
tribler);  —  la  forme  complète  tri- 
boler s'est  maintenue  dans  les  pa- 


*9S 


TRIVES 


GLOSSAIRE. 


VEZENECr 


tois  en  mouillant  la  liquide  :  tri- 
bouiller. 

Tbives,  2"6  c  e,  277  *,  forme  ri-duitc 
de  trieves  plur.  de  <•  trêve  ■  ;  —  cf. 
Trivres  et  Trievrea  (la  ville  de 
Trêves),  ci-dcssiis  p.  ftOJi-5. 

TUEL,  196  e,  tiiyiiu;  dans  l'espèce 
«  tuyau  pour  la  conduite  du  la  fu- 
mée, ch<  minée  >•. 

Tus.  passim,  en  siij;  plur.  au  lien  de 
lnH  [loti);  —  i'a  est  le  résultat  d'une 
as&iinilaiioii  erronée  avec  le  rég. 
tous  {\oy.  TOi'is). 

Ty,  e  lii,  orthogr.  individuelle  (cf. 
LY  MY]  pour  ti,  pron.  pers.  2*  p.  s. 
rég. 


u 


•M  s'adjoint  t  pour  former  la  diphll). 
atténuée  ui  :  rendiiis,  consuis,  res- 
ponduit,  etc.  Le  patois  a  été  Jusqu'à 
absorber  le  son  u  en  «  ;  si  =  su 
=  seu  —  ceu.  (Voy.  à  laGRAMUAiRE 
p.  1S7  etM9  n.  1.) 

-ui  diphth.  se  résout  en  i(  :  hus  sus 
etc.,  (voy.  à  la  CiRAMMAIre  p.  Iti9). 

lJi>,  270  fl,  2'J2  g,  forme  variée  de  un 
ung  (voy.  (iiEsr.L'iN). 

IITILLE,  217  C,  forme  féni.  de  util  |M)nr 
ustil  oustil  •  outil  ".  —  La  forme 
fém.,  si  elle  ne  vient  pas  à  être  con- 
firmée par  d'autres  exemples,  est 
une  licence  imposée  pur  la  rime. 


-V,  latin  et  roman,  est  parfois  noté  w 
avec  valeur  de  v  :  avuoinne,  viau- 
wais,  owraige,  puuuilloiis;  voy. 
-w  et  à  la  Gkammaiiie  p.  'liiG. 

Vaille,  F  53,  prononc.  populaire  de 
«  veille  »;  —  en  rime  avec  oureiUc 
merceille;  voy.  d'autres  ex.  de  l'é- 
quivalence eille  aille  à  la  Gram- 
maire p.  {i39. 

Vallo.'mt,  235  a,  3*  p.  pi.  ind.  de  «  va- 
loir», —  a*ec  la  désin.-0)i(  qui  en- 
traîne le  sens  du  parf.;  voy.  sous 
•ont. 

Vaniiait,  80  c, 3c  p.  s.  fut.  de  «venir»; 
—  par  rapport  au  fr.  vendra  vien- 
dra, noter  la  non-épenthèse  de  la 
dentale  et  la  substitution  de  an  à 
en,  produite  par  l'identité  de  son 
de  ces  deux  voyelles  nasales. 

Vanredi,  2:J  b,  vendredi.  —  Pour  la 
facture  du  mot,  voy.  vanrait. 

Varroit,  31  f,  3«  p.  s.  cond.  de  «  va- 
loir», V.  fr.  vaUlroil  vaudrait. — 
Le  dialecte  messin  n'acceptant  pas 


l'épenthèse  de  d  au  groupe  fr,  la 
première  liquide  tombe  «lu  s'assi- 
mile à  la  seconde  :  valroit   var- 

7'Oit. 

VAX,  A  52,  D  29,  H  18,  I  10,  S»  p.  s. 

ind.  de  .<  aller  »,  —  pour  vait  (voy. 
sous  AT). 

Vaidissolr,  292  d,  faute  pour  t>ai<- 
dissours  rég.  plur.,  —  unique  ex. 
de  l'emploi  du  i*  simple  en  ce  mot  ; 
voy.  Waldissol'rs. 

Vallloit,  J  53,  notation  dialectale  dé- 
valait, 3e  p.  s.  imp.  de  •<  valoir  ». 

Vayn,  lit  f,  l'automne,  la  saison  de  la 
récolte,  et  plus  spécialement  le  mois 
de  septembre.  Vayn,  qui  serait 
mieux  écrit  xvayn  (voy.  sous  -g)  = 
fr.  gain  puis  gain,  a  maintenu  le 
sens  étymologique  de  ><  produit 
agricole  »qui  se  retrouve  aussi  dans 
le  fr.  regain.  —  Les  mots  umyn  ka- 
rame  et  fcnal  ou  somcrtral  dési- 
gnaient res|)ecli\ement  l'une  des 
trois  échéances  de  corvées  ou  re- 
devances seigneuriales  qui  devaient 
être  iicquittées  au  printemps,  à  l'été 
et  à  l'auiomne. 

Veil,  102  c,  conir.  de  veel  vceil,  dér. 
immédiat  de  vUellus,  veau;  —  pa- 
tois actuel  viî's. 

Veirait,  e  132,  3e  p.  s.  fut.  de  «ve- 
nir »  ;  —  la  succession  des  formes 
est  celle-ci  :  vcnrait  [n  non  na.sal) 
verrait  verait  veirait;  —  la  nota- 
tion eir  =  e/T  est  très-fréq.,  cf. 
eire,  seire,  teire,  etc. 

VENI8,  G  118,  20  p.  s.  parf.  de  «  ve- 
nir »,  voy.  RETENIS. 

Vemssent,  72  d,  3e  p.  pi.  subj.  imp. 
de  '<  venir  ». —  Cette  forme  dér.  du 
parf.  faible  venis  est  logiquement  ré- 
gulière, et  assimilée  aux  formes  des 
temps  correspondants  dans  la  Ito 
conjug.  Voy.  un  ex.  aiialogue  pour 
le  part,  sous  ovrie. 

Vereu,  178  ri,  dérivation  inorganique 
de  veruculum  qui  a  produit  ver'oil 
d'où  verou  que  nous  écrivons 
«  verrou  ».  —  La  désin.  -cm  en 
cette  origine  est  absolument  étran- 
gère à  la  phonétique  de  notre  dia- 
lecte; elle  n'a  d'autre  raison  d'être 
que  l'exigence  de  la  rime. 

Veuoier,  98  a,  155  e,  notation  locale 
de  vuidier  anc.  pour  " vider». —  L'j 
de  la  désin.  an:ené  par  l'idu  thème 
(cf.  aidier,  cuidier),  persiste  malgré 
le  changement  de  vui  en  veu  [dicr). 

Vezeneuf,  15  a,  sous  différentes  va- 
riantes orthographiques  :  Vezinuel, 
Fcjigneul,  Fizcgnel,  etc.,  était  le 
nom  d'une  place  de  l'ancien  Metz, 
oli  se  tenait  le  marché  aux  épiées. 


GLOSSAIRE. 


493 


aux  draps  et  aux  étoffes  de  soie 
(voy.  la  note  à  ce  vers  p.  269).  Si 
Vezeneuf  représente  vicum  no- 
vum,  l'orthographe  gncuf,  nuel,  de 
beaucoup  la  plus  ordinaire,  con- 
firme ce  qui  est  dit  de  la  mouillure 
nasale  dans  la  Grammaire  p.  ûftS, 
et  sous  GNEUS.  Bien  que  le  poëme 
écrive  Vezeneuf  par  la  nasale  pure, 
cependant  il  est  en  rime  avec  la 
nasale  mouillée  :  gncus  monti- 
gneui. 

ViGNOURS,  2'4Ji  e,  G  74,  vignerons  ;  — 
dér.  de  vineatores  ;  vigueurs  199  g 
est  une  importation  française. 

ViGREUSEMENT,  222  b,  est  Contracté 
de  vigoreiisement  {vigoireusement 
M)  qui  ne  pouvait  entrer  dans  la 
mesure. 

Vii.LE-s,  33  d  et  passim,  domaine  ru- 
ral, ferme.  —  Les  habitants  d'une 
ville  sont  dits  villains  et  villois. 

ViLLOis,  251  b,  26a  e,  G  27,  fermiers, 
faisant  valoir  une  ville,  puis  paysans 
en  général  ;  —  villois  (villenscs)  est 
synonyme  de  villains  250  gr  [villa- 
nos). 

ViRGE,  H  98,  J  55,  58,  67,  réduction 
de  vierge  II  98  et  passim  ;  pris  ab- 
solument «  la  Sainte  Vierge  ». 

ViTAiLLE,  SU  g,  161  b,  2'ZU  g,  forme 
anc.  de  "  victuaille  »,  conservée  dans 
«  ravitailler». 

ViTA\CE,  184  d,  prononciation  adou- 
cie de  viltance  271  f,  274  d,  dér.  de 
«  vil  »  :  donc  «  bassesse,  lâclieté, 
action  méprisable  ». 

ViTEiT,  II 166,  forme  syncopée  de  vilté, 
voy.  viTANCE.  —  Ici  encore,  notre 
auteur  n'a  point  manqué  l'occasion 
qui  s'offrait  de  jouer  sur  le  nom  de 
la  ville  de  Vy. 

Vivier,  15  /^  Le  vivier  dont  il  est  parlé 
à  ce  vers  a  laissé  son  nom  à  une  rue 
située  dans  le  voisinage  de  l'an- 
cienne église  de  Saint-Gorgon  (voy. 
la  note  à  ce  vers,  p.  272). 

Voie.  Ce  mot  avec  ses  composés  for- 
me une  rime  homotéleute  aux  vers 
151-6  de  G  :  voie  voie  desvoyer  en- 
voie ravoie  envoyer.  —  Même  jeu 
pour  fin  (v.  c.  m.). 

VoiROiE,  E  161,  le  p.  s.  condit.  de 
.'  voir  »,  formée  par  analogie  sur  le 
thème  voi. 

VoisE,  7  f,  3e  p.  s.  subj.  du  v.  aller  ; 

—  une  autre  dérivation  à  l'aide  du 
yot  est  vaille  47  fU,  qui  se  présci.ie 
dans  les  Chartes  sous  les  notations 
altérées  vuelle  weullc. 

VOLRA,  1  d,  le  p.  s.  fut.  de  «  vouloir  »; 

—  voira  est  réduit  de  voirai,  voy. 
sous  -a,  -ai. 


w 

-IV  sonne  ou  quand  il  représente  le  w 
germanique  ;  mais  s'il  provient  er- 
ronéinent  d'un  v  latin,  il  garde  le 
son  V  :  owraigc,  mauwais  (voy.  à 
la  Grammaire  p.  44u).  Il  f;iut  noter 
la  rareté  des  cas  où  le  w  germ.  s'est 
maintenu  dans  notre  texte;  cette 
infraction  à  l'une  des  lois  les  plus 
caractéristiques  du  dialecte  messin 
est  imputable  au  copiste  :  en  effet 
le  ms.  Mconserve  plus  fidèlement  ii;  ; 
—  voy.  sous  -g. 

Wagons,  224  f,  cailloux,  gravois,  dé- 
combres (cf.  l'allem.  wacke).  — 
Ce  terme  est  resté  dans  la  cam- 
pagne de  Metz  pour  désigner  un 
terrain  caillouteux;  wacons  est  as- 
sez fréquent  en  nom  de  lieu-dit  ; 
les  wacas  sont  les  cailloux  roulés  de 
la  Moselle.  —  Le  ms.  M  assourdit 
l'a  en  au  :  vaucons,  en  même  temps 
qu'il  modifie  tv  en  t>,  (cf.  vayn). 

Waidrinoue,  117  /",  Wadrineau,  digue 
sur  la  Moselle  en  amont  de  Metz 
(voy.  la  note  5  ce  vers  p.  290).  — 
On  s'accorde  à  voir  dans  le  mot 
Waidrinoue  une  métathèse  de 
fV airdinouc  dont  le  premier  élé- 
ment appartient  au  verbe  warUer 
wader  «  garder  »,  donc  «  retenue 
d'eau  »,  litt.  «  gardien  d'eau  ». 
Quant  à  oue,  c'est  l'homophone  de 
owe,  prononciation  et  orthographe 
populaires  de  awe  (v.  c.  m.). 

Waigiere,  22  c  f,  119  b,  engagère, 
hypothèque;  —  dér.  de  waigier, 
forme  correspondante  du  fr.:  «  (en)- 
gager  ». 

Wancerey,  c  3,  geai.  —  A  ce  mot 
l'autre  de  nos  mss.  donne  pour  sy- 
nonyme watrot  qui  répond  au  fr. 
Gaulrot,  nom  du  «  geai»  en  quel- 
ques provinces;—  wancerey  asi  cer- 
tainement une  mauvaise  lecture'de 
voauteroy  =  wauterot=z  gauterot. 

Wandite  (ii),  3  g,  les  Vandales.  —  La 
légende  locale  avait  personnifié  sous 
le  nom  de  ce  peuple  celles  des  di- 
verses nations  barbares  qui  enva- 
hirent le  pays  de  Metz  dans  les 
siècles  qui  suivirent  la  chute  de 
l'Empire  romain.  Ce  souvenir  histo- 
rique était  resté  d'autant  plus  vi- 
vace  à  Metz  qu'il  constitue  le  fonds 
de  l'épopée  des  Lolierains,  et  prin- 
cipalement celi'i  de  la  branche  con- 
nue sous  le  titre  de  Hervis  le  duc 
de  Metz.  M.  Aug.  Prosta  donné  une 
analyse  détaillée  de  la  légende  du  duc 
Hervis,  dans  le  chap.  VI  de  ses 
Éludes    sur    l'histoire    de    Metz 


ùOi 


WAR.MSUKS 


GLO.SSAIUE. 


(Mc'U,  1805,  in-8»),  pp.  3H-a02.  Sui- 
vant la  légende,  Ilervis  trouva  une 
mort  glorieuse  dans  une  bataille 
contre  les  Itarbnres  livrée  sur  les 
bords  de  la  Nied,  à  Ancerville.  Voi- 
ci le  début  de  ce  |)oC'me  dont  nous 
préparons  l'édition  : 

Vielle  chanson  voire  voleisoïr, 
Degrant  istoire  et  de  mervillous  pris, 
Si  coni  li  Wanbre  vinrent  en  cest  païs; 
Creslieiitei  ont  inalenient  ladi. 
Les  omes  mors  et  ars  tut  le  païs, 
Deslrurent  Bains  et  arceiii  les  inarchis 
El  S.  Mcinins,  si  com  la  chansons  dit. 
{Bibl.  nat.  Fl\.  1916",  fo  LXXXix.) 

Warmso.ns,  191  c,  garnisons.  —C'est 
l'un  des  rares  dérixés  du  thème 
gcrm.  war-  wer-  à  qui  notre  ms. 
ait  laissé  le  w  initial  (cf.  garnies, 
80US  -g). 

1.  Wart,  subst.  verbal  de  warder 
(voy.  A\  AiDRi>0UE)  ne  se  rencontre 
qu'en  conip.  :  rowart  (v.  c.  m.). 

2.  \\  AiiT,  au  f,  203  f,  en  comp.  dans 
IHeulowart  (plus  anc.  Deus  lo 
wart.  Dieu  le  gart!),  est  la  6»  p.  s. 
subj.  de  warder  .garder  >.  —  Em- 
ployé seul,  ce  verbe  ne  se  présente, 
dans  notre  texte,  qu'avec  la  nota- 
tion francjaise,  garder,  gart  U  1. 
(Voy.  sous  -g.) 

Wadessolr,  202  a,  voy.  vaidexoir; 
—  la  diphth.  au  s'est  réduite  en  a. 

Waidessoi'R,  222  a,  291  e,  variante 
littérale  de  waudexour  (v.  c.  m.). 

Waidexolr,  150  a.  ^'était  le  chan- 
gement sans  ex.  de  g  latin  en  w, 
waudexour  représenterait  à  la  lettre 
"  gaudisseurs  "  dér.  de  «  gaudir  » 
lat.  gauderc.  D'ailleurs  le  sens  ne 
concurdc  guère,  il  est  plus  sAr  de 
recourir  à  l'ail,  wald  «  bois,  forêt,  ■> 
fr.  gaut  d'où  gautier  »  hommes  des 
bois,  réfractaircs,  brigands  "  (voy. 
\c  Dictionn.  de  Trévoux,  s.  v.'). 
Dans  notie  texte,  waudexour  a  le 
sens  de  «  éclaireurs  ,  escarmou- 
cheurs ,  enfants-perdus  » ,  lequel 
avoisine  l'acception  morale  de  gau- 
tier. 

Wilame,  119  a,  Guillaume;  —  la  li- 
quide est  tombée  purement,  sans 
amener  la  dipliih.  de  a  en  au, 

WiLLAiRT,  135  d,  (sui.plur,),  vieil- 
lards ;  —  noter  l'emploi  de  w  pour 
représenter  v  latin. 

WïVRE,  F  119,  vipère;  —  le  lat.  et 
l'ail,  sont  similaires,  si  ce  n'est  que 
celui-là  a  pour  lettre  initiale  un 
V,  et  celui-ci  un  w  qui  a  donné  ré- 
gulièrement le  gu  de  guivrc,  forme 
franc,  correspondante  de  notre  wy- 


vre;  c'est  donc  à  l'ail,  wipcru  qu'il 
convient  de  rattacher  wivrc  guivrc, 
tandis  que  vipùrea  été  repris  posté- 
rieurement du  lat.  vipera. 


■X  en  valeur  de  si  filante-aspirée  est 
rendue  dans  la  prononciation  par  j 
ch  :  AUexcy  -Olgy  ,  Xeulles  -  Chi- 
eulles,  À'rtyjpcis-Cliappé;  —  dans 
d'autres  cas  x  représente  la  sifflante 
pure  s  (f)  ;  valsi.it  -  cist  -xist, 
lixiaus  -siaux  et  autres  analogues. 
Sur  les  diverses  v;ileurs  de  a*, voy.  à 
la  Gramhaiiic  p.  UUôl. 

Xappeis,  E  139,  l£iO,  au  rég.  Xappcit 
Xaipcy  (fréq.  dans  les  Charles),  sur- 
nom d'une  branche  cadette  de  la 
maison  de  Itaigecourt,  qui  a  laissé 
son  nom  à  la  place  Cliappé  (voy.  la 
note  au  couplet  17,  p.  273). 

Xappez,  e  139,  ne  peut  être  le  simple 
de  eschappcz  E  139  ;  la  leiire  n'y 
contredirait  point  (l'aphérèse  du 
prélixe  es  n'énmt  point  rare  .1  Metz), 
mais  le  sens  s'y  oppose,  qui  exige 
l'idée  précisément  opposée  à  celle 
de  «  échapper  ».  Je  ne  vois  que 
"  happ<r  >'  (voy.  hapent)  qui  con- 
corde avec  le  sens  et  avec  la  lettre  ; 
on  sait  que  x  n,  dans  le  parler  po- 
pulaire, la  valeur  de  l'aspirée  ch  li, 
et  d'ailleurs  nous  sommes  ici  dans 
une  pièce  de  poésie  abécédaire  où 
il  faut  étie  indulgent  pour  les  exi- 
gences de  r.ilpliabet;  voy.  enire 
autres  xeans. 

Xeai^s,  F 145,  orthographe  individuelle 
de  "  céans  ■>,  imposée  par  les  cxi- 
geiKCS  de  la  poésie  abécédaire  ;  voy. 
sous  XAPPEZ. 

-xeni,  désiii.  du  parf.  fort;  voy.  la 
discussion  et  les  exemples  p.  450  et 
p.  455. 


■y.  L'emploi  de  y  en  linale  est  conco- 
mitant  de  la  chute  des  consonnes 
débincntielles  s  t;  ainsi  honoreit  et 
hunourey,  demoureit  et  dcmorey, 
li  rois  et  li  roy,  ainsois  et  aiiisoy. 
C'est  là  un  abus,  certainement  jiar 
le  fait  du  copiste  du  xv«  siècle. 

Yaso>,  F  151,  Jason;  —  si  celte  no- 
f  !:on  de  J  par  y  n'est  pas  une  pure 
exigence  de  la  poésie  abécédaire 
(voy.  XEANS),  elle  prouverait  que  le 
j  avait  encore  retenu  la  valeur  de 
yot.  Les  Chartes  anciennes  de  Met/, 
abondent  en  cas  analogues ,  les 
noms   de  Jurue,  Julien,  Juifs  et 


GLOSSAIRE. 


A95 


autres  mots  par  j  initial  sont  ortlio- 
graphiés  Yuruc  Yuliicn  Yiies...  — 
Yason  compte  pour  deux  syllabes 
seulement. 

Yauwes,  D  50,  voy.  Yau  E. 

Yawe,  11  b,  97  d,  270  c,  278  f,  pronoiic. 
populaire  de  awe,  (v.  c.  m.),  qui  est 
elle-même  renforcée  en  yauwe. 

Ydes,  E  16  ;  quel  est  ce  mot?  Pour  la 
forme,  on  pourrait  le  rapprocher  dn 
V.  fr.  hide  primitif  de  «  hideux  », 
mais  le  sens  ?? 

Ytrait,  125  e,  3e  p.  pi.  fut.  de  issir 
{exire)  sortir  ;  —  la  dér.  locale  or- 
dinaire est  isserait  uxereit  (cf. 
isseront  126  b),  le  groupe  sr  n'ad- 


mettant pas,  en  rtglc  générale,  l'é- 
p,nth(;se  de  t. 


•z  intervocal  équivaut  à  ss.s  ç  :  nazelle, 
-z  est  très-fréquent  en  place  de  s  en 
désin.  fém.  dans  les  Poésies  di- 
verses. Cet  abus  m'a  obligé  à  ac- 
centuer l'e  de  la  désin.  masc.  éz, 
afin  d'éviter  toute  confusion  résul- 
tant, à  la  lecture,  d'une  notation 
identique  pourdeux  désinences  dont 
l'une  porte  l'accent  et  l'autre  non; 
amez  (animas)  est  ainsi  distingué 
de  améz  (amatus). 


THIONVILLEI 


n  ,     rtfUJiHlerr     ^ 


Ranconvaulj 

e 

Justemont  *b- 


rtanô 
^  Mruoiuu/f. 


/    ( 


:  7h//u 


Oùmmiai* 


O.hnt0lk  /V<VYi|//-ÙT.r 

ameicount  "^  -.n^ 

,,_.  ,Toi»v»x>y  * 


o| 
%o»uifl&*r  Cou  flBn* 


TilWirimnnt  BayMInfX      MÂUaUU 
"•'.V  '   Aw^itf, 

Gentiwnont  y'  *---- 


■xrutlUj^ 


Sainte  Crti 
■ifrvillf       M  E. T i 


/<>«iV 

Ulr 

V 

^ 

.ii^liX  -  titffiur* 


I  Sj/ponaOU 

Vi      'oionvOU  Goix«  Ab. 

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Itleirt 


jrOejml 


Nowe 


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1%     le*  Manit 


Afon>iIlè\ 


Ascey 


oS^Malso 


KiifnevitU 


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INDEX  ONOMASTIQUE. 


Acey  (Milond'),  chevalier  barrisien,  36,  i5o.  ^ 

Amance  (le  capitaine  d'),  chevalier  lorrain,  Sg,  aia. 

Ansel  (Jean),  bourgeois  messin,  17a. 

Apremont  (Gobert  VI,  seigneur  d'),  17,  56,  194,  2a8,  3o8. 

Apremont  (Henri  d'),  évêque  de  Verdun,  Sg,  238. 

Asselin,  poète  barrisien,  339,  ^^o- 

Autriche  (Frédéric,  archiduc  d'),  13,  17,  56,  194,  338. 

Avocourt  (Gillet  d'),  chevalier  barrisien,  36,  66,  148,  i5o. 

Bar  (Edouard  m,  comte  de),   11,  25,  3i,  33,  47,  67,  78,  80, 

89,  98,  122,  137,  186,  238,  246,280,  353. 
Bar  (Pierre  de),  seigneur  de  Pierrefort,  67,  98,  309. 
Bar  (Renaud  de),  évêque  de  Metz,  124,  279,  352. 
Bavière  (Louis  de),  empereur,  12. 

Beauffremont  (Pierre  de),  chancelier  de  l'évêché,  22,  63. 
Beaumont  (Amblard  de),  gouverneur  de  l'évêché,  22,  5o,  194, 

297- 
Bellegrée  (Arnould),  capitaine  messin,  60,  214. 

Bierp  (Thierry  de),  capitaine  d'Ivoy,  luxembourgeois,  57,  202. 
Bitche  (le  comte  de  Deux-Ponts-),  soldoyeur  messin,  3o,  35,  i44> 

278,  a83. 
Boileau  (Jacques),  aman  de  Metz,  87. 

Charles  le  Bel,  roi  de  France,  5i,  343,*35a. 

Chauderon,   seigneur  de  Friauville,  chevalier  barrisien,   60, 

ai4. 
Corbé  (Geoffroy),  chevalier  messin,  58,  202. 

Dupré  de  Geneste,  antiquaire,  32 1. 

32 


4W  INDEX  ONOMASTIQUE. 

Emblais   (messire),  voy.  Amblard  de  Beaumont. 

Faulquemont  (Henri  de),  voj.  Fénestrange. 
Fénestrange  (Henri   de),  clievaiier  lorrain,  89,   5fi,    i(io,  1941 
289,  33i,  379. 

Geroldseck  (le  comte  de),  soldoyeur  messin,  3o,  290. 
Grongnat  (Colin),  bourgeois  de  Metz,  supplicié,  49- 
Grongnat  (Geoffroy),  maître  échevin,  19. 
Grongnat  (Jacques),  chevalier  messin,   17,   35,   69,   i4o,   aSo, 

a5a,  a8i,  309. 
Guimard^  type  de  larron,  371. 

Uanriat,  le  même  que  Hanricart. 

Hanricart,  capitaine  messin,  60,  3i4- 

Heiz  (Henri  de),  poète  messin,  367. 

Henri  Dauphin,  évêque  de  Metz,  31,  55,  64,  876,  387. 

Heu  (Jean  de),  chevalier  messin,  47,  190. 

Hunebourjat  (Hugues),  maître  échevin,  63. 

La  Court  (Jean  de),  chevalier  messin,  3i,  76. 

Lambelin,  poète  messin,  334,  34^« 

La  Pierre  (André  de),  soldoyeur  messin,  3o,  19a,  ^14,  agS,  33 1. 

Le  Bel  (Gilles),  maître  échevin,  83. 

Lenoncourt  (le  seigneur  de),  chevalier  lorrain,  36. 

Lorraine  (Ferry  IV,  duc  de),  10,  24,  35,  67,  68,  71,  122,  146, 

2 II,  238. 
Louvigny  (Louyat  de),  soldoyeur  messin,  256. 
Luxembourg  (Baudoin  de),  archevêque  de  Trêves,  9,  35,4'? 

ia3,  17a. 
Luxembourg  (Henri  de),  empereur,  i34,  279. 
Luxembourg  (Jean  de),  roi  de  Bohême,  9,  24,   29,  33^  36,  89, 

122,  i3o,  i32,  i38,  i44)  iSî,  172. 
Luxembourg  (Marie  de),  reine  de  France,  52. 

Margueron,  poète  messin,  38. 

Marly  (Jean  de),  écuyer  barrisien,  38,  61,  i58,  222. 

Metz  (Jean  de),  soldoyeur  messin,  44,  182,  192. 


ÎNDEX  ONOMASTIQUE.  499 

Michelet  Petitpain,  poëte  messin,  877. 
Montalban  (Henri  de),  voy.  Henri  Dauphin. 

Narcey  (Aubert  de),  chevalier  lorrain,  6r,  22/,,  226,  3o5. 

Poitiers  (Louis  de),  évêque  de  Metz,  65,  69,  74,  83,  25o,  Sic, 

35i,  356,  385,  387. 
Poujoise  (Richard),  capitaine  messin,  60,  214, 
Paillardel,  partisan  barrisien,  210. 

Raigecourt  (Jean  de),  coûtre  de  la  cathédrale,  22,  63. 

Raugraf  (Conrad  le),  soldoyeur  messin,  3o,  46,  70,    i5o,  184  , 

254,  278,  284. 
Robin  de  la  Vallée,  poëte  messin,  357. 

Sarrebruck  (le  comte  de),  chevalier  lorrain,  140,  282. 
Sarwerden  (le  comte  de),  soldoyeur  messin,  3o,  278,  ago. 
Serrières  (Henry  de),  chevalier  barrisien,  36,  i5o. 
Servigny  (Gerardin  de),  soldoyeur  messin,  256. 
Sponheim  (le  comte  de),  feudataire  du  Luxembourg,  49. 

Teste  CJean),  moine,  3yS. 
Thierry,  capitaine  lorrain,  204. 

Vry  (Guillaume  de),  capitaine  messin,  39,  164. 
Volmerange  (Jean  de),  soldoyeur  messin,  i54>  2x6,  256. 

Xappey  (de  Raigecourt  dit),  chevalier  messin,  27a,  346. 
Xollefert  (Philippin),  chevalier  messin,  87. 


liNDEX  TOPOGRAPHIQUE. 


Abréviatiotu  :  P.  M.,  pays  messin. 

—  Lorr.,  Lorraine. 

—  Bar.,  Barrois. 

—  Lax.,  Luxembourg. 

Nota.  Les  localités  dont  le  nom  est  suivi  de  l'indication  du  canton  ou  de 
l'arrondissement  auquel  elles  appartiennent  faisaient  partie  de  l'ancien 
département  de  la  Moselle. 

yincj-  (canton  de  Gorze),  P.  M.  el  évêché,  67,  aa4»  34o. 

Anglemur,  quartier  de  Metz^  aSo. 

Antillj  (canton  de  Vigy),  P.  M.,  84. 

Aprtmont  (Meuse),  conalé,  62,  aa8,  396. 

Argancy  (canton  de  Vigy),  P.  M.,  34.  i38. 

/^rr)- (canton  de  Gorze),  Bar.,  38,  i58. 

Ars  sur  Moselle  (canton  de  Gorze),  P.  M.  et  évêché,  69,  67,  106, 

lia,  a38,  36a. 
Alton  (Meurthe),  Bar.,  188. 

ficr/TOrt^e  (canton  de  Thionville),  Lux.,  a56. 

Bérus  (Prusse),  Lorr.,  5o. 

Bitche  (arrondissement  de  Sarreguemines),  Lorr.,  i44>  288. 

Blanchard,  étang  (canton  de  Vigy),   P.   M.,  4^- 

fi/<f/jorf  (Meurthe),  Bar.,  338. 

Boulfiy  (arrondissement  de  Metz),  Lorr.,  63. 

Briey  (chef-lieu  d'arrondissement),  Bar.,  62,  aaS,  3o6. 

Chambley  (canton  de  Gorze),  Lorr.,  47,  190,  294. 
Chambre  (place  de)  à  Metz,  108. 
Chambiere,  île  de  la  Moselle,  à  Metz,  108,  198. 
Change  (place  du)  à  Metz,  1 1  a. 


INDEX  TOPOGRAPHIQUE.  501 

Charly  (canton  de  Vigy),  P.  M.,  i38,  i58. 

Chdteau-Brehain  (Meurthe),  Lorr.,  70,  254. 

Chieulks  (deuxième  canton  de  Metz),  P.  M.,  i38. 

Corny  (canton  de  Gorze),  Bar._,  106. 

Créhanges  (canton  de  Faulquemont),  comté,  64,  236,  307. 

Dieulouard  (Meurthe),  évêché  de  Verdun,  58,  i36,  208,  353. 

Éponge  (canton  de  Vigy),  P.  M.,  256. 

Failly  (canton  de  Vigy),  P.  M.  62,  23o,  363. 
FflM/yMewort/ (arrondissement  de  Metz),  Lorr.,  297. 
Fénestrnnge  (Meurthe),  Lorr.,  64,  236,  289. 
Fleury  (canton  de  Verny)^  P.  M.,  36,  148,  i5o. 
Florange  (canton  de  Thionville),  Lux.,  60,  216,  218,  3o5. 
Fournir  lie  (la  rue)  à  Metz,  108. 
Friauville  (canton  de  Conflans),  Bar.,  60. 
FroMart/ (Meurthe),  Lorr.,  25. 

Genestroit  {G'ihei  du),  commune  du  Sablon,  près  Metz,  38,  i58, 

288. 
Gorze  (arrondissement  de  Metz),  abb.,  48,  190,  214,  29^,  345. 
Gr//no/i/ (deuxième  canton  de  Metz),  P.  M.,  i4a,  i46,  i5o. 

Hattonchatel  (Meuse),  Bar.,  71. 
Zfaa/co«Cfl«/^  (premier  canton  de  Metz),  P.  M.,  i38. 
Hayange  (canton  de  Thionville),  Lux.,  216. 
Hettange  (canton  de  Thionville),  Lux.,  61. 
Hombourg  (canton  de  Saint-Avold),  év.  de  M.,  56. 
Homécourt  (canton  de  Briey),  Bar.,  164. 

Jouy  (canton  de  Gorze),  P.  M.,  61,  69,  222,  224,  25o,  3o5. 
J ustemont  {c9Xi\.on  de  Briey),  abb.  Bar.,  33,  i34,  ^78. 

LongevUle  (premier  canton  de  Metz),  P.  M.,  170. 
Liippy  (canton  de  Pange),  P.  M.,  59,  212. 
Z«^^an^c  (canton  de  Melzerwisse),  Lux.,  47j  ï88,  256,  994. 
Luxembourg  {comté   et  ville  de),  61,  67,  ai8. 


502  INDEX  TOPOGRAPIIIQUE. 

Magny  (canton  de  Verny),  P.  M.,  37,  i5a. 

Mancourt  (canton  de  Vigy),  P.  M.,  34,  i36,  337. 

Malroy  (canton  de  Vigy),  P.  M.,  34,  i36,  i38. 

Marly  (canton  de  Verny),  P.  M.,  61,  aaa. 

Marsal  (Meurthe),  év.  de  M.,  69,  74. 

Mengen  (Bavière),  seigneurie,  a36,  3o8. 

Menils  (les)  (Meurthe),  Bar.,  188. 

âfetzenvisse  (arrondissement  deTiiionville),  Lux.,  47« 

Me'y  (deuxième  canton  de  Metz),  P.  M.,  35,  141. 

Monc/eir,  anc.  château  (Prusse),  Lorr.,  28,  370. 

Mont  (canton  de  Pange)(?),  P.  M.,  ao8. 

Montigny-lès-Ây  (vill.  détr.),  P.  M.,  i38. 

Morts  {le  Pont  des) y  l'un  des  principaux  ponts  de  Metz  sut  la 

Moselle,  196. 
Moselle  (la),  rivière,  148, 198. 
Moulina  vent  (le),  près  Vigy,  91. 
Moulin-le-Duc,  près  Metz,  168. 

Moulins  (premier  canton  de  Metz),  P.  M.,  37,  i56,  164,  a86. 
Mousson,  voy.  Pont-à- Mousson. 

Norroy  sous  Froidmont  (Meurthe),  Lorr.,  22,  44,  i8a. 

Olgy  (canton  de  Vigy),  P.  M.,  34,  i38. 
Orn«{V),  rivière,  60,  6a,  aa6. 
Outre-Seille,  quartier  de  Metz,  aoa. 

Pagny-sur-Moselle  (Meurthe) y  Lorr.,  104,  182. 

Pnreid  (Meuse),  Bar.,  870. 

Pargnemaille  (porte),  à  Metz,  93. 

Patart ['porte),  à  Metz,  168. 

Pierrefort  (Meurthe),  château,  Lorr.,  309. 

Pont-à-Mousson  {MeurÙie)^  Bar.,  29,  58,  76,  78,  ï86,  188,  uio, 

253,  2y3. 
Pontoy  (canton  de  Pange),  P.  M.,  212. 
Ponts  {Dei'ant-les-),  banlieue  de  Metz,  166,  170. 
Port-Saill)  (le),  quartier  de  Metz,  108,  iio. 
Pouilly  [csinton  de  Verny),  P.  M,,  37. 
P/ény  (Meurthe),  Lorr.  44,  182,  276. 


INDEX  ÏOPOGRAPHIQUE.  50S 

Kambervilkrs  (Vosges),  évêché  de  Metz,  56. 
Ranguei'aux  (canton  de  Briey),  Bar.,  104. 
Remich  (grand-duché  de  Luxembourg"),  Lux.,  26,  126. 
^/c//e/no«?  (canton  de  Thionviile),  Lux.,  60,  216,  3o4. 
Rouppeldange  (canton  de  Boulay),  Lorr,  236. 
Rupigny  (canton  de  Vigy),  P.  M.,  i38. 

Saint- Antoine,  abb.,  près  Pont-à-Mousson,  a  10,  3o4. 

Saint- Jrnould,  abb.,  près  Metz,  37,  i54,  a85. 

Saint-Benoît,  abb,  (Meuse),  Bar.,  71,  2^4,  3io. 

Saint-Clément,  abb.,  près  Metz,  37,  i54,  285. 

Saint-Éloy.  —  Voy,  Sainte-Croix  . 

Saint-Gorgon,  anc,  paroisse  de  Metz,  ixo,  272. 

Saint-Hilaire  [ibid.),  267. 

Saint-Julien^  faubourg  de  Metz,  35,  91,  144. 

Saint-Ladre  {ivo'iiïhme  canton  de  Metz),  P.  M.,  i58. 

Saint-Livier,  anc.  paroisse  de  Metz,  iio. 

Saint-Martin,  paroisse  de  Metz,  108. 

Saint-Nicolas,  collégiale,  près  Nancy,  3oG. 

Saint-Nicolas,  hôpital,  à  Metz,  266. 

Saint'Vincent,  abb.,  à  Metz,  198. 

Saintt-Croix,  abb.,  près  Metz,  41,  168,  170, 172. 

Sainte- Marie-aux-Bois .  —  Voy.  Fal  Sainte-Marie. 

Sampigny  (Meuse),  évêché  de  Verd.,  73. 

Sarrebriick  (Prusse),  comté,  64,  236. 

Saulnois  (le),  P.  M.  et  Lorr.,  146,  a54,  378. 

Seille  (la),  rivière,  37,  i5o,  i52. 

Serpenoise  (porte),  à  Metz,  i54,  286. 

Stoxey,  quartier  de  Metz,  198. 

Taison,  quartier  de  Metz,  23o. 
Thicourt  (canton  de  Faulquemont),  Lorr.,  70,  254. 
Thil-Chateli^Qxxvihe),  Lorr.,  70. 

Thionville  (chef-lieu  d'arrondissement),  Lux.,  24,  29,  56,  124, 
i38,  ai6,  277. 

Fal-de-Metz  (le),  P.  M.,  37,  67,  i56,  i58,  164,  1G6,  ai4,   238, 
287. 


50ft  INDEX  TOPOGRAPHIQUE. 

Fal-Sainte'Marie  (Meurtlie),  Lorr.,  47,  186,  294. 

Faîtières  (deuxième  canton  de  Melz),  P.  M.,  35,  14a. 

Fandières  (Meurthe),  Bar.,  44,  180,  i8a. 

Fantoux  (deuxième  canton  de  Metz),  P.  M.,  35,  142. 

Farize  (canton  de  Boulay),  Lorr.,  a36. 

Faux  (canton  de  Gorze),  P.  M.,  67,  a4a. 

f>a^/itfi</,  quartier  de  Metz,  108. 

Figneulles  (Meuse),  Bar.,  71. 

Fie  (Meurthe),  évêché  de  Mets,  56,  66,  35a,  369,  874. 

Figy  (arrondissement  de  Metz),  P.  M.,  46,  184. 

Fillers  Betnach^abh.  (canton  de  Vigy),  Lorr.,  91. 

IFadgasse  (abb.  de),  comiéde  Sarrebruck,  7a,  a56,  3ii. 
fFarfftf/wald,  forêt,  Lorr.,  7a,   aSfi,  3ii. 
fFarsbeig  (canton  de  Boulay),  Lorr.,  47,   a36,  3o8. 
Wadrineau  (digue  de),  près  Metz,  39,  164. 
Woippj-  (premier  canton  de  Metz),  P.  M.,  !yx,  17a. 


INDEX  CHRONOr.OGIQUE. 


i5  août  i324 
(vers  le). 

9.3  — 

Preaniers  jours 
de  septembre. 

9  — 
i5  - 
i6         — 

17  - 

18  — 

21  — 

22  

23  — 

24  au  28     — 

29         -^ 


3o         — 

!'=■'  octobre. 
3         — 

7  — 
10  — 
28  — 
Fin  d'octobre. 

novembre. 


Conférence  de  Thionville,  24,  iM- 

Conférence  deRemich,  26,  126, 

[Journée  amiable  à  Thionville,  29. 

Journée  amiable  à  Pont-à-Mousson,  29,  i3o. 
Journée  amiable  à  Pont-à-Mousson,  3o. 
Envoi  des  lettres  de  défi,  33,  i34. 
Ouverture  des  hostilités,  33,  i36. 
Ravage  du  pays  messin,  34,  i38. 
Escarmouche  avec  J.  Grongnat,  34,  1^0. 
A-ttaque  du  faubourg  Saint- Julien,  35,  144. 
Jonction  du  duc  de  Lorraine,  35,  146. 
Escarmouche;  marche  sur  Fleury,  36,  148. 
Ravage  du  Saulnois,  36,  iSa. 
Ravage  du  Val- de-Metz,  Sy,  i56. 
Destruction  du  gibet  ;  prise  de  Henri  de  Fé- 

nestrange,  38,  i58. 
Prouesses  des  nefs  messines,  4o,  162. 
Démonstrations  devant  Metz,  40,  166. 
Ravage  de  Woippy  et  Saint-Eloy,  ^i,  170. 
Levée  du  siège,  départ  de  l'armée,  43,  ly^- 
Ravage  du  Rarrois  et  de  la  Lorraine,  44»  180. 
Création  des  Sept  de  la  guerre,  44* 
Mise  en  état  de  défense  de  la  cité,  46,  198. 
Engagement  prèsde  Vigy,  46,  148. 
Le  roi   de  France  est   invité   à  prendre  parti 

contre  Metz,  5i,  Sgg,  402. 
Pillage  du  Val-Sainte-Marie,  47,  186. 


:.06 


INDKX   CHRONOhOGIOlIE. 


a  nov.  i3a4. 
fi         — 


i5        — 


19  décembre. 


Pillage  des  environs  de  Mousson,  47,  1B6. 
Ravage  du  comté  de  Luxembourg,  47^  188. 
Ravage  de  la  seigneurie  de  Cliambley,  47)  i9<^> 
Supplice  de  Colin  Grongnat,  48. 
L'évéque  Henri  Dauphin  entre  dans  la  ligue,  So. 
Nouveaux  ennemis  de  la  cité,  56,  194. 
Ouverture  du  (ossé   devant  Saint-Vincent,  67, 

198. 
Course  du  capitaine  d'Ivoy,  57,  juj. 


7  janvier  i3a5.   Nouvelle  course  des  Luxembourgeois.  Destruc- 
tion des  vignes,  58,  306. 
Course  des  Messins  à  Pont-à-Mousson*,  58,  uo8. 
Attaque  malheureuse    des  Lorrains  à    Ars  et 

Défi  de  l'évêque  de  Verdun,  59. 

Destruction  des  murailles  de  Vie,  65,  35a,  874. 

Prise  de  Chauldcrons,  seigneur  de  Friauville, 

60, ai 4,  a38,  a44- 
Expédition  contre  le  Luxembourg,  60,  216. 
Course  en  Lorraine,  61. 
Attaque  malheureuse  des  Barrisicns  à  Jouy,  iii. 

216, aa4> 
Expédition  contre  le  Barrois,  6a,  aaa,  aa6. 
Massacre  des  vignerons  de  Failly,  6a,  aSo. 
Expédition  contre  la  Lorraine,  63,  a36. 
Paix  avec  Henri  Dauphin,  64. 
Invasion  des  LorrainsetBarrisiens,  67,  a38. 
Sacrilèges  à  Vaux,  67,  343. 
Trêve  offerte  aux  Messins,  68,  a46. 
Retraite  des  ennemis,  leur  déroute,  69,  a5o. 
Paix  avec  Louis  de  Poitiers,  70,  j-ii. 
Invasion  du  Luxembourg,  70,  a54. 
Invasion  de  la  Lorraine,  71,  '.>.54. 
Invasion  du  Barrois,  71,  a54- 
Défaite  des  Verdunois,  71. 
Course  dans  la  Lorraine,  les  comtés  de  Sarre- 

bruck,  de  Luxembourg  et  de  Bar,  71,  aSy. 


8         — 


février. 


ao 
a  4 
5  mars 

10 
18 
a5 

I  avril 


3         — 

7         — 
i5         — 


3o 


INDEX  CHRONOLOGIQUE. 


507 


3o   avril  i3a5.   Siège  de  Sampigny,  72. 

I  août.  Nouveaux  Sept  de  la  guerre,  76. 

Décembre.  Invitations  pacifiques  de  l'évêque,  76. 


Janvier  i3a6. 

Février. 

I 

mars. 

3 

— 

i5 

— 

6 

juin 

20 

août. 

27 

octobre. 

novembre. 

Conférence  de  Marsal,  76. 

Conférence  de  Pont-à-Mousson,  7S. 

Feux  autour  de  cette  ville,  77. 

Signature  de  la  paix,  8r. 

Ratification  par  l'évêque  et  le  chapitre,  81. 

Atour  de  la  Maltôte,  84. 

Établissement  de  la  commune,  86. 

Alliance  des  princes  avec  les  seigneurs  exilés,  89. 

Combat  du  moulin-à-vent,  91. 


Mars  139.7.     Attaque  du  faubourg  Saint-Julien,  blocus,  93. 
37  juin.  Paix  définitive,  94. 


INDEX   ICOiNOGRAPHIQUE. 


TÈTES  DE  PAGES. 

Préface.  Armoiries  de  Luxembourg  et  de  Trêves.  Ornementation 
d'après  les  mss.  du  xiv*  s.  de  la  Bibl.  nationale.  (Dessin  de 
M.  Hurel.) 
IwTHODucTiow.  Afmoiries  de  Lorraine  et  de  Bar.  Ibid.  {ibid.) 
P.   loa  et  io3.  Armoiries  de  Metz  et  des  Paraiges.  Ornementa- 
tion  d'après  des   motifs  du  Manuale  confessorum  ,    ms.  du 
xiv«  s.,  de  la  Bibl.  de  Metz.  {Ibid.) 
P.  a()3.  Chapiteaux  et  frises  à  droite  du  chœur  de  l'église  Saint- 
Vincent  de  Metz.  (Dessin  de  M.  Bellevoye), 
P.  317.  Chapiteaux   et  bas-relief  au  chœur  de  la  chapelle  de 

droite.  Ibid,  (ibid.) 
P.  397.  Frise  à  droite  du  chœur.  Ibid.  [ibid.) 
P.  4»  3.  —  au   transept  gauche.  Ib.  [ib.) 

(La  belle  église  de  Saint-Vincent,  précédemment  de  l'ab- 
baye bénédictine  du  même  nom,  fut  consacrée  en  1876  par 
l'évêque  Thierry  Bayer  de  Boppart.  Elle  offre  un  magnifi- 
fpje  spécimen  de  l'aix-hitecluredu  xiv«  siècle.) 

CULS-DE-LAMPE.  (Dessins  de  M.  Bellevoye.) 

P.  XXV,  99,  a58,  a59,  894,  49^»  empruntés  au  Pontificale  me- 
lense  de  l'évêque  Renaud  de  Bar,  ms.  du  xiv*  s.,  de  la  Bibl. 
de  Metz. 

Nota.  (Page  99,   à  la  légende,   au  lieti   de  R.  de   Dac.  lisez  de 
Bar.) 

P.  409.  Scel  et  contre-scel  de  Jean  l'Aveugle,  roi  de  Bohême, 
comte  de  Luxembourg. 


INDEX   ICONOGRAPHIQUE.  509 

LETTRES  ORNÉES.  (Dessin  de  M.  Bellevoye.) 

P.  I,  L,  d'après  le  Manuale  confessorum. 

P.  263,  I;  p.  317,  P;  p.  397,  N;  p.  4i3,  D;  d'après  le  Pontifi- 
cale de  Renaud  de  Bar. 

Explication  de  la  planche  de  monnaies  (p.  3i4). 

Double  denier  de  Louis  de  Poitiers,  (Communiqué  par  M.  Gh. 
Robert.) 

Spadins  de  Ferry  IV  de  Lorraine,  (Collection  de  la  ville  de 
Metz.) 

Gros  de  Jean  de  Luxembourg.  [Ihid.) 

Esterlin  du  même.  [Ibid.) 

Tiercelle  de  Henri  d'Apremont.  (Communiqué  par  M.  Ch.  Ro- 
bert.) 

Maille  tierce  d'Edouard  de  Bar.  (Communiqué  par  M,  de 
Saulcy.) 

Demi-gros  de  Baudouin  de  Luxembourg.  (Communiqué  par 
M.  l'abbé  Ledain.) 

P.  4o2-  Fac-similé  du  traité  de  paix  de-mars  i326,  d'après  une 
photographie  de  l'original  aux  archives  de  Metz ,  par 
M.  Pilinski. 

Nota.  Ce  document,  qui  porte  le  n°  XII  dans  le  Répertoire  diplo- 
matique, existe  en  copie  du  xv"  siècle  dans  le  vol.  718  de  la  Collec- 
tion de  Lorraine  à  la  Bibl.  Nat.  (f"  209).  Il  y  est  suivi  du  document 
numéroté  XIII  dans  le  même  Bépertoire,  et  du  traité  d'alliance  entre 
le  comte  de  Bar  et  la  Cité  {n°  XXII). 

P.  5oi.  Carte  du  pays  messin  et  des  Etats  voisins,  avec  les  for- 
mes des  noms  de  localités  empruntées  aux  titres  du  xiv"  s. 


TABLE  DES  MATIERES. 


Préface ix 

Introduction i 

Poëme,  texte  et  traduction loa 

Notes  et  commentaires 263 

Poésies  diverses 3i7 

Répertoire  diplomatique 897 

Étude  critique  du  texte.     I.  Leçons , 4i3 

— ■                       II.  Grammaire 433 

—                     III.  Glossaire . .    461 

Index  onomastique 497 

—  topographique , 5oo 

—  chronologique  .  , 5o5 

—  iconographique 5o8 


piif. 


PQ     La  guerre  de  Metz  en  1324. 

1477 

G43 

1875 


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