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Full text of "La Houille verte: mise en valeur des moyennes et basses chutes d'eau en France"

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L\ HOUILLE VERTE 



Ouvrage publié sous les auspices de Monsieur le Ministre de l'Agriculture 

MISE EN VALEUR 

DES 

MOYENNES ET BASSES CHUTES D'EAU EN FRANCE 



LA 



HOUILLE VERTE 



PAR 



Henri BRESSON 

Préface de Monsieur MAX DE NANSOUTY 



La houille verte est un revenu 
dont on use. 

La houille noire est un capital 
que l'on mange. 



PARIS (VP) 

H. DUNOD ET E. PINAT, ÉDITEURS 
49« Quai des Grands-Au8:usUns, 49 



1906 

Tous droits réservés 



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A Monsieur le Ministre de V Agriculture, Paris 



Monsieur le Ministre, 

Si la connaissance de l avenir 7'éservé à vne branche quelconque 
de r activité humaine constitue toujours un problème dont la solution 
paraît incertaine^ son passé et son présent offrent des bases sur les- 
quelles on peut s'appuyer avec certitude pour une étude de statistique. 
Cette étude ^ par les conclusions qu on peut tirer ^ permet jusqu'à un 
certain point de préjuger de l'avenir. 

La statistique^ c'est de l'histoire par les nombres. Elle est d ori- 
gine assez récente et na pu se développer que grâce aux facilités 
d^information résultant du grand perfectionnement des voies de 
communication de toutes sortes. Elle offre un intérêt spécial quand 
ellea pour but d'établir des comparaisons entre les différentes époques^ 
et la question à Poindre du jour de l'emploi des forces hydrauliques^ 
en particulier^ ne peut que bénéficier des révélations du passé. 

M' étant trouvé amené à entreprendre l'étude de l'utilisation des 
barrages existant sur les cours d'eau de la région normande, la Direc- 
tion de l'hydraulique et des améliorations agricoles s'empressa^ 
dès le débuts de mettre ses archives à ma disposition. La nécessité 
ayant été ensuite reconnue ^ pour pouvoir mener à bonne fin cette 
tâche de recueillir sur place certaines données^ vous avez bien voulu 
m'en fournir les moyens en me confiant une mission temporaire. 

Au lieu de me borner à une étude purement statistique^ j'ai été 
conduit^ par la suite., à aborder le problème de Vutilisation de l'énergie 



VI DÉDICACE 

des chutes d'eau, Cétait là une tâche bien lourde pour un simple 
amateur. Si f ai réussi dans une certaine mesure Je le dois, en grande 
partie, à l'aide que m'a prêtée la Direction de V hydraulique et des 
améliorations agricoles. 

Désireux de condenser dans un ouv7'age de vulgarisation les résul- 
tats de mes études et de ma mission, perm.ettez-moi, Monsieur le 
Ministre, de vous en offrir la dédicace. Votre haute approbation sera 
la meilleure récompense de mes efforts. 

Je vous prie de vouloir bien agréer, Monsieur le Ministre, Vassu- 
rancede mes sentiments profondément respectueux, 

Henri Bresson. 



PREFACE 



Pour présenter à nos bienveillants lecteurs l'ouvrage de 
M. Henri Bresson sur la Houille verte, nous leur demanderons 
tout d'abord la permission de remonter, bien brièvement, avec 
eux, de quelques années en arrière. Ils aimeront, en effet, à 
savoir quelle fut l'origine de cet important travail, pourquoi son 
auteur l'entreprit, et pourquoi il lui donna ce titre, qui parut 
original au début, mais auquel on s'accoutuma tout aussi rapi- 
dement qu'à celui-ci de « houille blanche », propagé avec tant 
de succès par le précurseur de l'utilisation des grandes chutes 
d'eau montagneuses, Aristide Berges. 

C'était lors '^ie la préparation de l'Exposition universelle 
de 1900; on prévoyait que cette Exposition serait, ainsi qu'elle 
l'a été en effet, une consécration magistrale des piogrès réalisés 
par l'Électricité et par les multiples procédés d'utilisation. 

Chacun y songeait plus ou moins pour sa part, dans « le monde 
des ingénieurs » ; c'était une sorte de préoccupation scientifique 
générale. 

En sa qualité de fils d'un des distingués et regrettés Ingénieurs 
des Ponts et Chaussées, M. Henri Bresson s'occupait nécessaire- 
ment du progrès de l'électricité. Des séjours prolongés en Rus- 
sie, en Autriche, pays dans lesquels se déroulait la carrière admi- 
nistrative de son père après onze années consacrées aux travaux 

6. 



VIII PRÉFACE 

hydrauliques du port de Cherbourg, lui avaient laissé voir de 
près la grande Industrie. Possédant lui-même, dans TOrne, une 
usine hydraulique depuis longtemps en chômage et englobée 
dans sa propriété, il se trouva amené, après Theureux usage de 
l'ancienne chute d'eau pour la production de Télectricité, à entre- 
prendre l'étude de l'utilisation des barrages existant sur les 
cours d'eau de la région Normande, qu'il habite durant la belle 
saison, bien que Lorrain d'origine, de cœur et d'esprit. 

On pensait que beaucoup de ces barrages étaient morts « de 
leur belle mort » au point de vue de la production de la force 
motrice. M. Henri Bresson découvrit sans peine qu'ils étaient 
simplement endormis, et que, sans sorcellerie aucune, il était 
possible de leur procurer, dans l'intérêt général, une utile « résur- 
rection ». 

Il se pénétra, dans cette matière pratique, de la poétique pré- 
diction du poète Horace : 

Mulia renascunlur quœ jam cecidere! 

Après avoir jeté un coup d'œil rapide sur l'ensemble de ces 
ressources, inutilisées momentanément, du sol de la patrie, il en 
fit quelques expertises personnelles, en réunit les résultats, et, 
amené à travailler pour l'intérêt général, uniquement pour Vin- 
térêt général, il en saisit la Dif^ection de l'hydraulique et des 
améliorations agricoles. 

Il y trouva, dès le début, des encouragements sympathiques : 
il fut autorisé à compulser les archives de l'Hydraulique agri- 
cole, et, par la suite, chargé d'une mission temporaire pour 
faciliter ses intéressantes recherches. 

En quelques semaines, par une sorte d'enchaînement de 
bonnes volontés, de plus en plus séduit lui-même par la pers- 
pective entrevue, identifié avec ses recherches, M. Henri Bres- 
son (( se taillait » une énorme et coûteuse besogne pour plu- 



PRÉFACE IX 

sieurs années : il devenait la personnification même de la houille 
verte^ c'est-à-dire de l'utilisation rénovée par l'électricité des 
chutes de nos cours d'eau. Il lui fallait, dès lors, aller jusqu'au 
bout, qu'il le voulût ou non ! En le faisant, ce vaillant vulgari- 
sateur, qui n'a rien ménagé, principalement de ses forces, a 
fait plus encore qu'une œuvre désintéressée et méritoire, il a 
donné un exemple! L'avenir lui en saura gré. 

Nous avons parlé, tout à l'heure, de « résurrection des chutes 
d'eau» dans le domaine de la « houille verte ». Justifions ce 
mot. 

La « houille verte », nous l'avons dit, c'est, par analogie avec 
la « houille blanche » des glaciers, le fluide et pesant facteur 
d'énergie que véhiculent au travers des vertes prairies les cours 
d'eau et les ruisseaux d'une certaine importance. «Ils n'ont 
point de chutes, dira-t-on, puisque par leur nature même ils 
coulent paresseusement dans les prés fleuris ! » 
Entendons-nous bien. 

La chute d'eau de « la houille blanche » provenant de l'eau de 
fusion des neiges et de la glace des glaciers, ce n'est point, dans 
l'utilisation industrielle, la belle cascade écûmeuse qui se déverse 
de quelque seuil montagneux dans quelque beau lac, c'est l'eau 
de déversement amenée sous pression à une altitude infé- 
rieure dans des tuyaux d'acier résistants au bas desquels évo- 
luera l'industrieuse turbine, qui est le progressiste « manège » 
des chevaux hydrauliques. 

De même la chute d'eau de la « houille verte », c'est la diffé- 
rence de niveau de l'eau, à un moment donné, entre deux points 
du cours d'eau, lequel s'écoule pacifique. On crée cette « chute », 
dans la majorité des cas, par une discrète dérivation qui, à bien 
peu de chose près, rend un peu plus bas au cours d'eau ce qu'elle 
lui a emprunté un peu plus haut. 

C'est même là une véritable vertu de la « houille verte », que 



X PRÉFACÉ 

d'aller de « chute en chute » sans rien perdre de son mérite ni 
de sa valeur ; sa verdeur est constante et cette bonne houille ne 
s'use pas en brûlant. Les chevaux hydrauliques ont passé dans 
la turbine, au grand trot; ils courent pour se mêler aux eaux du 
fleuve dont leur rivière est l'affluent. Mais l'ingénieur est là avec 
ses « colliers hydrauliques» : un peu plus bas, tout juste le 
temps de reprendre haleine, ils recommenceront, comme ces 
braves chevaux de cirque auxquels on barre la rentrée à l'écurie 
et qui docilement, aux applaudissements des spectateurs, recom- 
mencent leurs tours de pisle en caracolant. 

Pendant longtemps la chute d'eau de « la houille verte » fut, 
avec le moulin à vent, dans notre pays, comme ailleurs, la pro- 
ductrice de force motrice. 

On la mettait à profit pour moudre le grain avec des roues 
hydrauliques en bois, robustes, ingénieuses, mais d'un pitoyable 
« rendement mécanique » ; les roues à palettes planes les plus 
employées rendaient 25 à 30 0/0 du travail absolu disponible. 

Lorsque parut « la machine à vapeur », avec son prestige et 
sa régularité de fonctionnement indépendante des crues et des 
sécheresses, les grands moulins à vapeur surgirent et les roues 
des petits moulins cessèrent un peu partout de battre leur rythme 
laborieux et monotone; la « houille verte » s'écoula sans en- 
traves, pendant de longues années, oubliant les vannes des 
moulins abandonnés. 

Mais les ingénieurs restés serviteurs des gros cours d'eau 
combinèrent, perfectionnèrent, vulgarisèrent alors un nouveau 
« récepteur hydraulique », la turbine^ qui fournit des rende- 
ments de 70 à 800/0, s'approprie à toutes les chutes, occupe peu 
d« place, tourne avec vitesse. Cela fit renaître, par-ci, par-là, 
quelques installations hydrauliques moyennes; les toutes petites 
turbines hydrauliques, « les lurbinettes », remplacèrent aussi 
d'anciennes roues hydrauliques dépossédées. 



PRÉFACE XI 

Mais que faire de cette puissance hydraulique captée, de cette 
force motrice reconquise? Les grands moulins à blé avaient 
définitivement affermi leur conquête et assis leur domination. 

Tout vient à point dans l'évolution du progrès ! 

Gramme, Hippolyte Fontaine, de Méritens créaient lout à 
coup la machine électrique apte à transformer la puissance 
mécanique en énergie électrique, en lumière! 

On entrevit, dès lors, la vulgarisation de la petite force motrice 
sous forme de machines agricoles actionnées et de lampes élec- 
triques illuminées. Quelques chevaux hydrauliques bien « tur- 
bines » suffirent pour faire énormément de besogne. 

La « houille verle » coula donc désormais avec des aspects 
d'eau de Jouvence. 

Mais où la retrouvait-on disponible après son assez long repos? 
Où était-il intéressant de la remettre à Tœuvre ? Dans quelles 
prairies de nos départements de France convenait-il de mettre 
les chevaux hydrauliques « au vert » pour leur redonner, et 
mieux encore, leurs forces perdues? 

C'est laque M. Henri Bresson, avec prescience, vit qu'il y avait 
toute une enquête d'utilité générale à faire et que cette enquête, 
pour être utile, devait être menée avec rapidité. 

Ce pèlerin de la Science prit son bâton de voyage, qui ressem- 
blait à une grosse «baguette divinatoire », et parcourut, à com- 
mencer par l'Orne, huit départements, cherchant les chutes 
d'eau utilisables, interrogeant les souvenirs des vieux moulins, 
et décrétant, pour l'avenir, le service obligatoire et personnel des 
barrages, qui croyaient bien avoir échappé pour jamais à la 
conscription. 

C'était, tout d'abord, un important chapitre de statistique, 11 
fallait que cette statistique fût établie avec méthode, qu'elle fût 
parlante aux yeux, convaincante. 

Voici comment M. Henri Bresson a résolu cette difficulté. 



XII PRÉFACE 

Pour l'esprit de méthode générale^ il n'eut qu'à interroger son 
tempérament précis et mathématique, et à se conformer à la 
grande formule qu'en donna son éminent père M. Léopold Bres- 
son, ancien élève de l'Ecole polytechnique, dans son beau livre 
Idées modernes, publié en 1880 et qui est resté actuel, tout en 
étant une œuvre de précurseur *. « De même, dit Léopold Bres- 
« son, qu'il n'y a qu'une seule espèce de vérités avec des degrés 
« divers de précision, et une seule science composée de parties 
« subordonnées les unes aux autres, suivant notre échelle 
« encyclopédique, il n'y a qu'une méthode qui se modifie, ou 
« plutôt se complète, se fortifie à mesure qu'elle s'applique à 
« l'étude de phénomènes de plus en plus compliqués. Cette 
« méthode se compose du raisonnement, de Vobservation et de 
« V expérience'^ , » 

Raisonnement, observation, expérience! C'est le trépied 
scientifique sur lequel M. Henri Bresson a solidement placé et 
édifié son étude du passé, du présent et de l'avenir de la 
« houille verte ». 

Il fallait, pour appliquer cette méthode, que la statistique en 
résultant fût parlante aux yeux, convaincante. 

En dehors des tableaux de chiffres consciencieux relevés sur 
place, puis complétés, contrôlés, dans les archives du Ministère, 
M. Henri Bresson a employé les diagrammes, sous les aspects 
instructifs et attrayants dont M. E. Cheysson, l'éminent Inspec- 
teur général des Ponts et Chaussées, a jeté les bases dans ses 
admirables albums de statistique graphique et dont il a donné 
des exemples qui font à la netteté de la Science française le plus 
grand honneur. 

Voilà donc M. Henri Bresson qui fait des cartes exactes de 



i. Idées modernes^ par Léopold Bresson, ancien élève de l'École polytechnique. 
C. Reinwald, éditeur. Paris, 1880. 
2. Loc, a7.,p. 45. 



PRÉFACE XIII 

chacun des départements dont il a décidé la conquête hydrau- 
lique. 

Puis, sur chacune, il pique, au point précis, toutes les forces 
hydrauliques abandonnées, ou en fonctionnement, avec des 
signes conventionnels bien visibles; il les résume dans des dia- 
grammes très nets montrant la force utilisée « et la force utili- 
sable ». Il est conduit, ainsi qu'il le dit au Ministre, « à aborder 
le problème de l'utilisation des chutes d'eau et se fait un aimable 
devoir de reconnaître qu'il trouve un appui précieux et bienveil- 
lant dans ce but auprès de la Direction de rhydraulique et des 
améliorations agricoles^ au Ministère ». Finalement, l'œuvre 
prend corps ; les -observations de ce chercheur s'accumulent; 
leur utilité paraît évidente. 

La Presse, cette puissance actuelle, encourage le prospecteur 
de «Houille verte ». M. Pierre Leroy-Beaulieu, dans l'Écono- 
miste français^ avec l'autorité qui s'attache à cette grande Revue 
et avec le talent de sa plume estimée, donne, en quelque sorte, 
à M. Henri Bresson la consécration de son approbation. 

Tel est le bref historique de la conception de l'œuvre de cet 
enquêteur et voilà comment, au bout de quelques années seule- 
ment, grâce à un labeur considérable, il a dressé une statistique 
'parlante de la a houille verte » dans les huit départements de 
l'Orne, d'Eure-et-Loir, de la Sarthe, de la Mayenne, de Maine-et- 
Loire, de la Manche, du Calvados et de l'Eure. 

Il semble qu'il ait fait jaillir de notre sol une cavalerie 
hydraulique de milliers et de milliers de chevaux, ayant au mors 
de bride la blanche écume des cascades et jetant des feux élec- 
triques par les yeux. 

Nous ne pouvons ici, pour terminer, que jeter un rapide coup 
d'œil sur les vingt chapitres dont se compose l'important ouvrage 
qui résume toutes les recherches et indique tous les espoirs d'uti- 
lisation futurs dont nous venons de parler. 



XIV PRÉFACE 

Après avoir examiné, dans les trois premiers chapitres, l'ori- 
gine de ses recherches et les faits particuliers qui attirèrent 
son attention sur Tinsuffisance actuelle d'utilisation de la 
(( houille verte », M. Henri Bresson, dans le chapitre iv, établit 
les considérations hydrographiques générales sur lesquelles on 
peut se fonder pour reconnaître le terrain au point de vue géo- 
graphique et pour évaluer le débit des cours d'eau auxquels on 
empruntera la force motrice. La région Normande lui aura servi 
de type, et Fauteur l'appelle avec esprit une « Suisse normande ». 
Mais il est évident que la méthode est applicable désormais, et 
sera appliquée à toute autre région, car ses procédés sont par- 
faitement définis et uniformisés. 

Dans les chapitres v et vi, nous trouvons la définition, l'orga- 
nisation et, d'après des exemples bien choisis, les bases de cal- 
cul ou d'évaluation des usines hydro-électriques. L'auteur 
montre comment on peut tirer parti non pas seulement des 
chutes moyennes, mais encore des petites chutes. <i Ne dédai- 
gnez pas c la petite calorie » de 42 millions d'ergs entrevue dans 
l'écume de vos- barrages qui manquent d'énergie, dit-il aux 
adeptes présents et futurs de la houille verte! Elle peut faire 
encore une fort utile besogne de modeste ménagère ! Et nous en 
trouvons des exemples tout à fait instructifs dans les Vosges et 
à Sainl-Denis, aux portes de Paris ». Sapiens nihil affîrmatquod 
non probet ! 

Après avoir montré, dans le chapitre vu, comment se diffé- 
rencient et comment sont classifiées administrativement les 
rivières non navigables et non flottables par rapport à leurs 
grandes sœurs navigables et flottables, M. Henri Bresson dans les 
chapitres viii et ix, étudie le matériel hydraulique et mécanique 
nécessaire pour la réalisation la plus pratique de son programme 
spécial, roues et turbines, accumulateurs, moteurs de secou7\s. 
Car le moteur de secours, à essence de pétrole, à gaz pauvre, 



PRÉFACE XV 

parfois à vapeur, est essentiel, aussi essentiel en général que la 
batterie d'accumulateurs; il ne faut point risquer le chômage, 
surtout en matière d'éclairage électrique; or, à l'heure présente, 
les petits moteurs de secours sont si bien étudiés, et coûtent si 
peu de chose relativement, que l'on serait inexcusable de ne 
pas recourir à eux. Il faut seulement savoir comment il convient 
de les' proportionner à l'installation hydro-électrique et quels 
services il faut leur demander pour les faire travailler parallèle- 
ment, pour (( les occuper » afin qu'ils « gagnent leur avoine ». 
Le livre que nous analysons fournit toutes sortes d'indications et 
d'exemples pratiques à ce sujet. 

Dans le chapitre x, consacré à la statistique, M. Henri Bres- 
son laisse entrevoir que la division par départements, ayant 
servi à son étude et la seule pouvant être adoptée actuellement, 
offre des cadres tout naturels pour des unions syndicales, en 
vue de la meilleure utilisation des chutes d'eau ; cette idée est 
encore plus largement développée dans le chapitre xi. 

Désormais les hommes de bonne volonté qui veulent utiliser 
les ressources précieuses de la houille verte et y trouver un 
regain de prospérité pour notre sol n'auront plus à tâtonner, à 
chercher leur voie : ils pourront partir de résultats déjà acquis, 
faire leurs avant-projets sur des chiffres réels! Certes, avec 
chaque région, dans notre beau pays de France, varieront cer- 
tains éléments du calcul; il y aura des coefficients d'utilisation 
diverses. Mais la formule générale et utilement démocratique 
est donnée, l'équation d'ensemble du problème est posée : il 
n'y a plus qu'à l'adapter à tel ou tel cas. 

Le chapitre xii est, à lui seul, un programme et un programme 
original. M. Henri Bresson l'intitule : Visions électriques : cela 
est piquant et attrayant, mais il suffirait de dire que ces visions 
électriques sont bien plutôt, à proprement parler, les espérances 
électriques de la houille verte, les réalités de demain. 



XVI PRÉFACE 

L'auteur fut conduit à les grouper, à les mettre « en perspec- 
tive » par les conseils de plusieurs hommes éminents parmi 
lesquels M, Lagrange de Langre, conseiller-maître honoraire 
à la Cour des comptes. « -Pour compléter votre tâche, lui disait- 
on, il faut que vous trouviez, pour le plus de régions possibles, 
le plus A' utilisations que vous pourrez de la houille verte. Vos 
recherches, vos observations, vos statistiques ont parfaitement 
dégagé Tor^'ane; il faut maintenant mettre en évidence la fonc- 
tion. » 

Voilà pourquoi nous trouvons, dans le chapitre xii, un coup 
d'œil sur les applications variées et possibles de la houille verte. 
Sachant combien l'électricité est, en toutes circonstances et à tous 
les degrés une grande magicienne, refusons à M. Henri Bresson 
le droit au rêve et à l'utopie, il a bien trop le droit de compter 
sur des réalités. 

La deuxième partie de l'ouvrage, des chapitres xiii à xx, nous 
donne les cartes de statistique graphique qui ont, à si juste titre, 
valu à M. Henri Bresson une universelle notoriété et qui, à tout 
jamais, ont attaché son nom à celui de l'utilisation scientifique, 
économique et pratique de la « houille verte ». L'une de ces 
cartes est d'ores et déjà historique d'une façon touchante. C'est 
la Carte de TOrne que publia, le 2 mai 1902, l'excellent journal 
le Nouvelliste de VOrne. Pour la première fois, dans l'explication 
qu'il donnait de sa carte, l'auteur employait le terme de houille 
verte. On sursauta, on s'étonna, on plaisanta même : « Nous 
avons déjà la houille blanche, disait-on, M. Bresson va nous 
en faire voir de toutes les couleurs. » Cela n'effraya pas le 
Nouvelliste de VOrne et son sympathique directeur, M. Nicolas, 
et il eut raison : aujourd'hui, quand on dit « la houille verte », 
tout le monde sait ce que c'est ; le terme synthétise toute une 
branche d'études et de recherches : l'idée était bonne et elle 
méritait d'être encouragée. 



PRÉFACE • XVII 

La « houille verte» a, d'ailleurs, trouvé, comme nous l'avons 
dit, de précieux appuis, et Ton voit que la bonne Fée Électricité 
était près de son berceau lors de sa naissance. 

M. Henri Bresson obtint, en effet, comme nous l'avons rappelé, 
le haut et précieux appui de l'Administration de la Direction de 
l'Hydraulique; la Presse lui fit un accueil amical ; les Compagnies 
de Chemins de fer facilitèrent la tâche de ce chercheur désinté- 
ressé et diminuèrent, en quelques circonstances, les grosses 
dépenses personnelles qu'il s'imposait. 

Enfin, il a trouvé en MM, Dunod et Pinat, les éditeurs que 
méritait son beau livre. Les éditeurs scientifiques sont, pour les 
auteurs, de véritables collaborateurs, et l'on pourra voir que 
MM. Dunod et Pinat ont apporté à la Houille verte, comme ils 
en sont coutumiers pour toutes sortes de questions de science 
appliquée et de progrès, une précieuse collaboration. 

Grâce à ce groupement vraiment remarquable de concours, 
reliés entre eux par la conviction qu'il a apportée à son œuvre, 
M. Henri Bresson aura eu la bonne fortune, en un temps très 
court, de pouvoir la projeter, la mener à bien et la décrire : 
c'est un heureux auteur; après l'avoir encouragé, on peut déjà 
le féliciter. 

Max de Nansouty. 



TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES 



dédicace 
Préface . 



Pages. 

V 
VII 



PREMIÈRE PARTIE 
GÉNÉRALITÉS ET THÉORIES 

Chapitre I. — Définition de la houille verte 1 

— II. — Les Électriciens de la région normande 7 

— III. — De fil en aiguille. . i3 

— IV. — Considérations hydrographiques 22 

— V. — Des Unités hydro-électriques 33 

— VI. — Un peu d'erg, s. v. p. I 47 

— VII. — Rivières navigables et flottables et rivières non navi- 

gables ni flottables b6 

— VIII. — Roues et turbines 67 

— IX. — Moteurs de secours et accumulateurs 79 

— X. — De la statistique et son utilité 97 

— XI. — Idées syndicales 107 

— XII. — Visions électriques 115 



DEUXIÈME PARTIE 
APPLICATIONS ET STATISTIQUES 

Chapitre XllI. — La houille verte dans l'Orne 131 

I. — ' Les installations hydro-électriques : 

4° Domfront i31 

2° Mesnil-Glaize 133 

30 La Chapelle-Montligeon 135 



XX LA HOUILLE VERTE 

Pages. 

4<> Les Masselins 135 

5« Putanges 138 

60 Rémalard i39 

7* Boucé 141 

8« Torchamp 142 

9« Moulins-la-Marche 143 

II. — Les ressources disponibles 144 

Chapitre XIV. — La houille yerte dans l'Eure-et-Loire 140 

I. — Les exemples hydro-électriques : 

1* Saussay 149 

20 Sorel , 149 

30 Bouche-d'Aigre 150 

40 Marmousse 151 

50 Mémillon 151 

60 Vriseuil 151 

II. — Les ressources disponibles 153 

Chapitre XV. — La houille verte dans la Sarthe 158 

I. — Les exemples hydro-électriques : 

10 Le Lude 158 

20 La Chartre-sur-le-Loir 162 

30 Vaas 162 

40 Sablé 163 

50 Malicorne 164 

60 Gonnéré 164 

70 Les Calots 164 

II. — Les ressources disponibles 165 

Chapitre XVI. — La houille verte dans la Mayenne 168 

I. — Les exemples hydro-électriques : 

10 Rochefort 170 

20 Andouillé 172 

30 Gorron. 172 

40 Bas-Goudray 172 

II. — Les ressources disponibles 172 

Chapitre XVII. — La houille verte en Maine-et-Loire 180 

I. — Les exemples hydro-électriques : 

10 Gheffes 180 

20 Seiches 181 

30 Soucelles. 182 

II. — Les ressources disponibles 182 

Chapitre XVIII. — La houille verte dans la Manche 187 

I. — Les exemples hydro-électriques : 

10 Sainl-Hilaire-du-Harcouët 188 

20 Mortain 189 



TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES XXI 

Pages. 

30 Ducey 192 

4<» Sourdeval 192 

5<> Torigni-sur-Vire 195 

6<* Gérences . 196 

1^ Tessy-sur-Vire 197 

8*» Briquebec 198 

90 Saint-Sauver-le- Vicomte 198 

10» Tourlaville 198 

11* Saint-James 199 

12* Anneville-en-Saire 199 

II. — Les ressources disponibles 199 

Chapitre XIX. — La houille verte dans le Calvados 205 

I. — Les exemples hydro-électriques : 

1° Vire 205 

2<» Environs de Vire 209 

3° Pontfarcy 211 

40 Mézidon 211 

5° Falaise 212 

6° Orbec 214 

70 Thury-Harcourt 214 

8<* Aunay-sur-Odon 216 

9« Saint-André 221 

II. — Les ressources disponibles 222 

Chapitre XX. — La houille verte dans l'Eure 226 

I. — Les exemples hydro-électriques : 

10 Rugles 227 

2<> La Ferrière-sur-RilIe 227 

3<> Beaumont-le-Roger 227 

4<* Pont-Authou 229 

5° Montfort-sur-Rille 229 

6» Pont-Audemer 230 

70 Tourville 231 

8° Toutainville 231 

9<» Gormeilles 232 

iOo Le Vaudreuil 233 

li° Léry 233 

12° Condé-sur-Iton 233 

13<> Navarre 235 

14« Saint-Elier 236 

15° Poses 239 

16° Les Andelys 242 

17° Lyons-la-Forêt 243 

18° Gisors 243 

19° Environs de Gisors 244 

20° Ghauvaincourt 244 

21° Saussay 243 

22° Sainte-Geneviève-les-Gazny 246 

23° Douville 246 



XXII LA HOUILLE VERTE 

Pages. 

24» Saint-Nicolas-de-Pont-Saint-Pierre 247 

25<> Radepont. 247 

26° Ile Sainte-Hélène 247 

II. — Les ressources disponibles 248 

Supplément au département de l'Eure 252 



TROISIÈME PARTIE 
GRAPHIQUES ET TABLEAUX. — CONCLUSIONS 

I. — Graphiques et tableaux : 

i^ Carte pluviométrique de l'Orne 258 

2° Débits des principales rivières de l'Orne 259 

3° Douze années des débits de l'iton 260 

4° Graphique des stations centrales 261 

5° — des propriétés 26 

6° — des industriels 263 

7° Tableau synthétique des installations hydro-électriques 264-267 

8° Enumération par département des usines hydrauliques d'indus- 
tries diverses s'éclairanl à l'électricité 268 

9° Tableau récapitulatif 269 

II. — Conclusion 270 

Table alphabétique des matières 273 



LA HOUILLE VERTE 



PREMIÈRE PARTIE 
GÉNÉRALITÉS ET THÉORIES 



CHAPITRE I 
DÉFINITION DE LA HOUILLE VERTE 



Au premier abord, railiance de ces deux mots peut étonner, et 
non sans raison, si on les prend tous les deux au sens propre; 
mais alors l'expression, bien acceptée maintenant, de houille blanche 
peut être aussi contestée, particulièrement en ce qui concerne le 
mot houille, et différemment interprétée pour le qualificatif blanche. 
En effet, les uns y voient une image de la blancheur des neiges 
éternelles; les autres, estimant que Teau est généralement blanche, 
surtout quand elle écume, en étendent la signification à toutes les 
forces hydrauliques. 

La vérité est que Tun et Tautre sont des termes métaphoriques et 
que dans tous les deux le mot houille est un synonyme d'énergie. 
Si l'on se rallie à l'opinion de ceux qui ne séparent pas l'idée de houille 
blanche de l'origine des rivières torrentielles des Alpes ou des mas- 
sifs montagneux pourvus de glaciers permanents, il est logique de 
consentir aussi à l'énergie des cours d'eau de plaines, ou issus des 
massifs secondaires que couronnent les verdoyantes forêts, la déno- 
mination plus nouvelle de houille verte. Il est incontestable que, dans 
ce second cas, les parties boisées des bassins jouent un rôle assez 
analogue à celui des glaciers, pour la restitution subséquente et 

1 



2 LA HOUILLE VERTE 

régulatrice des quantités d'eau devant suivre la pente naturelle 
des vallées. 

Bien plus, le graphique {fig, 1) va prouver que cette différence 
d'expressions est nécessaire, puisqu'elle est appelée à peindre vive- 
ment à Timaginalion deux situations singulièrement dissemblables. 



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950. 
900. 
850. 
800. 
750. 
700. 
650. 
600. 
550. 
500. 
450. 
400. 
350. 
300. 
250. 
200. 
150. 
100. 



(Extrait des Nouvelles Annales de la Conslruction.) 
FiG. 1. 

Cours d'eau des régions de houille blanche. 
Cours d'eau des réglions de houille verte. 



Les douze mois de l'année servent d'abscisses à ce graphique ; la 
courbe en trait plein, s'élevant à partir de janvier, représente les 
variations annuelles d'une des rivières des Alpes, au régime tor- 
rentiel, dont les débits en mètres cubes sont à gauche du tableau. 
C'est ce genre de rivières qui a fait baptiser la houille blanche ; la 
fonte des glaciers, sous Tinfluence de la chaleur, due à l'ardeur du 
soleil, atteint son maximum en juillet, puis va décroissant. Durant 
la période des frimas l'approvisionnement futur recommence. La 



DÉFINITION DE LA HOUILLE VERTE 3 

houille verte est représentée par la courbe du bas et les débits en 
litres sont portés à droite; les époques très pluvieuses de Tannée, 
de décembre en février, s'y indiquent par des crues faciles à prévoir, 
tandis que la chaleur de la saison estivale, la végétation en général, 
forêts, prairies, cultures, absorbant une partie des précipitations 
déjà inférieures en quantité, creusent dans cette courbe la période 
de Tétiageou des basses eaux. On a heureusement défini cette situa- 
tion inévitable par une image encore : le creux de la sécheresse. 

Puisque, comme chacun le pressent et comme nous le verrons 
plus loin, les usines hydrauliques, les anciens moulins à eau pour 
employer l'expression vulgaire, vivent, une fois la hauteur de leur 
chuté fixée, de la quantité d'eau qui passe, on conçoit que, dans le 
cas de la houille blanche, la période difficile à traverser est l'hiver 
et que, dans le cas de la houille verte, elle tombe en été. 

La puissance d'une usine hydraulique est estimée en chevaux- 
vapeur ; nous aurons l'occasion d'y revenir. Mais je crois opportun 
de rappeler dès maintenant que l'on a adopté les termes de chevaux 
permanents et de chevaux périodiques^ afin de faire entendre que les 
premiers, fixés d'après le minimum de débit prévu, se trouvent 
temporairement renforcés des seconds. Ainsi que le montrent les 
graphiques {fig. 2), les époques des chevaux périodiques sont en 
opposition absolue dans les deux cas précités, et ils donnent, toutes 
proportions gardées, un certain avantage à la houille verte sur sa 
sœur aînée, quand il s'agit d'éclairage électrique. 

Bien que cette heureuse relation des forts débits doive faire 
l'objet d'une étude spéciale au chapitre iv, il n'est pas sans intérêt 
de la signaler dès à présent, car on y trouve un des motifs du 
succès obtenu par les industriels ou les propriétaires qui ont tenté 
de tirer parti des ressources hydrauliques dans ce nouveau but : 
s'éclairer avec de Veau et à distance dune chute d'eau ! 

On objectera peut-être que les rivières coulaient depuis long- 
temps, ayant servi plus ou moins dans certaines contrées, et qu'on 
pouvait laisser les choses en l'état, puisqu'on s'habituait à s'en 
passer de plus en plus, donnant la préférence au charbon. D'autres 
cependant, et de plus compétents que moi, ont pensé aussi qu'il 
était d'une bonne économie d'utiliser, de préférence, des ressources 
d'énergie peu onéreuses et inépuisables qui se renouvellent quoti- 
diennement et, avant de terminer ce chapitre, je ne crois pouvoir 



LA HOUILLE VERTE 



apporter de meilleurs arguments en faveur de la thèse soutenue, 
qu'en reproduisant ici le langage élevé dans lequel l'un d'eux a 
exprimé cette opinion. 

« Dans les siècles passés, les exploitations industrielles cher- 




Houille blanche 




Houille verHe 



Chevaux permanents 



Chevaux périodiques P^ 
de la houille blanche V/A 



Chevaux périodiques 
de l'a houille verte 



FiG. 2. 



« chaient souvent la source de leur force motrice dans les eaux des 

« montagnes, où elles pouvaient utiliser des chutes relativement 

« élevées; elles n'avaient d'ailleurs besoin, le plus souvent, que 

« d'actionner des petits moulins n'exigeant que de faibles forces, 

« peut-être de 10 à 15 chevaux utiles; enfin, elles se contentaient 



DÉFINITION DE LA HOUILLE VERTE 5 

« d'utiliser le mieux possible, au point de vue de leur production, 
« le volume des eaux dont elles pouvaient disposer. Mais, depuis le 
« commencement du xix" siècle, la force hydraulique a rencontré 
« un concurrent des plus sérieux dans la vapeur. La production de 
« la vapeur, en effet, ne subit pas les mômes variations que la force 
« motrice hydraulique : ayec la vapeur, il est possible d'utiliser 
« régulièrement les ouvriers et les outils de travail nécessaires à 
« une exploitation; au contraire, la force hydraulique se rencontre 
« dans des lieux dont la situation est peu favorable quant aux 
« moyens de transport. Il faut ajouter à cela que la concentration 
« des machines à vapeur dans des usines importantes permet d'as- 
« surer une exploitation à prix relativement modéré, si Ton fait 
« usage des machines les plus perfectionnées. D'ailleurs, bien que 
« le charbon ou tout autre combustible employé pour le fonction- 
« nemenl des machines soit tiré en grande quantité des entrailles 
u de IsL terre sans y être remplacé^ la génération actuelle se préoc- 
« cupe fort peu de Téventualité de Tépuisement des gisements con- 
« sidérables de houille, et nulle préoccupation de ce genre n'entre, 
« pour ainsi dire, à présent, en ligne de compte dans la comparai- 
« son entre l'emploi de la vapeur et celui de la force motrice hydrau- 
« lique. » 

« Ne croyait-on pas, il y a quelques dizaines d'années encore, non 
M seulement chez les profanes, mais encore dans les milieux com- 
« pét^nts, que l'utilisation de la force hydraulique, à cause de tous 
« les inconvénients signalés ci-dessus, était une conception suran- 
« née, en face de l'utilisation de la vapeur, si mobile, si avanta- 
« geuse, toujours à la disposition de celui qui en a besoin! Pour- 
« tant U s'est produit tout récemment un revirement complet dans 
« cette opinion^ pour les motifs qui seront indiqués ci-après^ etc. » 

Ces paroles furent prononcées à une conférence tenue à Aix-la- 
Chapelle devant la Fédération des Sociétés d'architectes et d'ingé- 
nieurs allemands, sous le titre ; les Cours d'eau en pays de mon- 
tagnes y leur correction. 

Peut-être prétextera-t-on que nous avons affaire à quelque savant 
théoricien; aussi il est intéressant de rapprocher de ce dire l'opinion, 
sur cette question, d'un économiste, membre de l'Institut de France : 

« Uhomme arrive seulement à tirer parti d'une énergie constante 



6 LA HOUILLE VERTE 

« que lui offre la nature^ les chutes dCeau et par V électricité,,. » 
Et encore : « La houille^ une des sources d'énergie employée jour- 
« ne lie ment ^ a mis des centaines de siècles à se constituer; elle se 
« consomme une fois pour toutes^ et son épuisement sera limité, » 

Ainsi s'exprime M. Paul Leroy-Beaulieu, dans V Économiste Fran- 
çais du 2 mars 1901. 

J'ai à peine besoin d'ajouter que toutes les considérations précé- 
dentes sont applicables à tout le territoire français sur lequel la 
houille verte est plus régulièrement répandue que la houille 
blanche. Si le cadre de cet ouvrage de vulgarisation nous confine 
dans une région de TOuest de la France, bien connue de moi, la 
démonstration de la possibilité de l'utilisation des basses chutes 
d'eau pour la production de l'énergie électrique, par les exemples 
si nombreux et si variés que je vais produire, peut profiter à tout le 
monde. 

Pour pratiquer l'électricité, il faut des électriciens, et c'est par 
leur connaissance que nous allons commencer au chapitre suivant. 
Ceux-ci ne sont pas des coloristes de houille hydraulique, ils rem- 
ploient, c'est encore mieux. 



CHAPITRE II 
LES ÉLECTRICIENS DE LA BÉOION NORMANDE 



Ce sont les gagne-petit de rélectricité que je vais présenter au 
lecteur, puisqu'il ne s'agit ici ni d'usines de milliers de chevaux, 
ni de gros capitaux engagés : une station centrale dans un chef-lieu 
de canton de 1.500 habitants ne dépasse guère au total 60.000 francs 
de frais de premier établissement. 11 n'en est pas moins vrai que 
nos électriciens font généralement de bons petits bénéfices et rien 
qu'avec l'éclairage ; je n'en veux d'autres preuves que la persévé- 
rance avec laquelle ils établissent une seconde, puis une troisième 
station quand la première leur en a procuré les ressources, prouvant 
qu'on peut aussi bien faire fortune ainsi qu'en élevant des... 
lapins ! 

La plupart encore sont pourvus de quelques concessions en 
réserve; cependant quelques-uns risquent gros jeu. On sera frappé 
par la suite, comme je l'avais été moi-même, du nombre déjà fort 
grand des transports d'énergie à des voltages élevés, et je venais 
d'apprendre la mise en marche du transport de Thury-Harcourt 
(Calvados), franchissant 14 kilomètres pour atteindre Aunay-sur- 
Odon... mais non pas sans quelques hésitations primitives du 
directeur, qui avait bien voulu m'en faire la confidence précédem- 
ment. En effet, homme prudent, il ne s'était décidé qu'après avoir 
contracté une assurance pour les risques courus par les tiers sur 
les routes longées par sa ligne. En ceci, il fut fort sage, mais j'en 
concluais que les autres, sans cette précaution en pareille circons- 
tance, étaient bien imprudents ; la morale de Perrette et son pot au 
lait est encore vraie quand il s'agit de... poteavx laids! Qu'un choc 



LA HOUILLE VERTE 



OU un coup de vent violent renverse un de ces poteaux,, c'est la 
mort de l'homme ou de l'animal que les fils auront atteint. 

Je causais, certain jour, avec un des exploitants des hauts voltages 
de la région normande, de ses risques, lui faisant sentir combien 
il était délicat pour son modeste capital d'être exposé à un accident 
toujours possible, et il me disait : — « Figurez-vous qu'une fois, de 
grand matin d'hiver, deux poteaux consécutifs de ma ligne à 
5.000 volts ont été renversés par un coup de vent, bienque je veille 
moi-même à leur conservation, principalement celle du pied; les fils 
ont retenu les poteaux en travers de la route sans se briser, et la 
lumière continuait à arriver sans que nous pussions nous douter de 
rien. Mais une vieille bonne femme est allée donner dedans et a eu le 
nez brûlé; si... » et je pensais déjà qu'il allait m'exposer que le nez 
d'une jeune fille, d'une fiancée peut-être pour laquelle c'eût été un 
capital, eût nécessité une indemnité plus sérieuse, quand continuant : 
« ... Si donc c'eût été un cheval! » 

J'étais désillusionné, bien qu'à n'en pas douter la somme à verser 
eût été bien plus forte, puisque Ton sait que le cheval résiste bien 
moins que l'homme au choc du courant électrique ; enfin le cocher 
ne devait pas manquer de se porter au secours de son cheval ren- 
versé et peut-être d'y passer aussi avec mieux qu'un nez rôti; les 
voyageurs arrivaient à son secours... etc. ! 

S'est-il assuré depuis? Je l'ignore. Mais, au demeurant, ce sont tous 
de bien braves gens, que ces pionniers pratiquants d'une science née 
presque d'hier et partout fort bien accueillie par les municipalités, 
dont la population est trop modeste pour avoir tenté l'éclairage par 
le gaz. N'oublions pas que le nouvel éclairage répond au double 
besoin de la voie publique et des pièces les plus intimes, jusqu'à 
la chambre à coucher. 

J'avais découvert l'établissement de Téclairage électrique à 
Putanges (non loin d'Argentan) sur l'Orne, après avoir dressé la 
carte de l'Orne que nous trouverons au chapitre xiii, et en effet 
cette station était plus récente que le recensement qui avait servi 
de base à cette première étude des forces hydrauliques du dépar- 
tement. Lors de ma première visite, l'usage de la turbine était par- 
tagé entre un moulin à blé (à gauche) et le pavillon pour les dyna- 
mos (adroite). L'on marchait ensemble ou successiveinent selon la 
suffisance du débit, mais, le meunierne tenant pas toujours compte 



LES ÉLECTRICIENS DE LA RÉGION NORMANDE 9 

des engagements pris, il arrivait que, pendant les époques de 
sécheresse, Feau se trouvait courte à Theure de Tallumage. Pour 
couper court à cet état de choses, le directeur actuel se rendit 
acquéreur du moulin et put expulser son peu consciencieux 
voisin. C'était un premier progrès; puis il découvrit qu'un ancien 
moulin à tan, ayant son canal dV menée particulier, avait autrefois 
profité du môme barrage; finalement il se trouva à la tête d'une 
soixantaine de chevaux, force dépassant les besoins journaliers (ou 
plutôt nocturnes, puisque, le jour, Teau se perd) de ce cbef-lieu de 
canton d'environ 700 habitants. Il cherchait donc à étendre son 
industrie, et un bon... courant nous fit nous rencontrer. 

Les circonstances se montraient, en effet, favorables pour un essai 
agricole, dans le genre de celui de l'Est, qui a fait la réputation du 
feu père Watteaiiy le maire d'Agnicourt, essai qui n'est plus le seul 
dans la contrée. Des fermes importantes adonnées à l'élevage, des 
cultivateurs et propriétaires fort aisés, un petit haras même, en- 
tourent Putanges dans un cercle de moins de 5 kilomètres. Puis 
surtout on avait vu l'électricité., on ne la craignait plus, on la 
désirait. Profitant d'un comice agricole, une conférence fut organisée 
et elle eut lieu sous la présidence de M. le conseiller général. 
L'établissement de l'électricité facilitait les projections et bien des 
vues photographiques que j'avais prises dans l'Orne et les dépar- 
tements voisins (Domfront, Mortain, Ducey, Thury-Harcourt, Vire) 
parurent intéresser l'auditoire par leurs exemples d'emplois hydro- 
électriques. 

Un banquet terminait cette réunion, sous la présidence du très 
sympathique maire de Puianges, un des zélés propagateurs des 
usages de l'eau. Cependant notre arrivée n'avait pas été sans 
soulever quelque crainte pour le bon renom de la houille verte^ non 
pas qu'elle fit défaut; il y en avait trop au contraire ! On se souvient 
des pluies du commencement de février 1904 et des inondations 
qui incommodèrent fort les communications dans Argentan même; 
de mémoire d'homme on n'avait vu tant d'eau dans la rivière de 
l'Orne. Du chemin de fer, nous avions vainement cherché des yeux le 
lit de la rivière au milieu des vastes étendues de prairies inondées. 
Resterait-il une chute? Et puisque cet établissement n'avait ni accu- 
mulateurs, ni moteur auxiliaire, que ferait-on le moment venu? La 
lampe à projections étant à bas voltage avait bien fonctionné; mais, 



iO LA HOUILLE VERTE 

pour se mettre à table, il fallut se résoudre à allumer des candé- 
labres; c'était franchement humiliant pour de sincères partisans 
de la verte. 

Je n'ai pas encore eu occasion de dire que la distribution était ici 
à 3 fils; en temps ordinaire il y a 220 volts entre les fils extrêmes 
et par conséquent moitié, soit IdO, entre un des fils de la ligne et 
le fil de retour à l'usine, dit aussi compensateur. Mais, puisque la 
force manquait, on ne dépassait guère 60 volts, la lumière était jau- 
nâtre; de pauvres veilleuses s'ajoutaient aux luminaires de nos 
pères ! 

Parmi les convives se trouvait le directeur de l'usine électrique 
de Vire. Il eut l'heureuse inspiration d'engager à prendre le cou- 
rant destiné au service de l'hôtel sur les fils extrêmes; un homme 
montait sur le toit, les réunissant par un bout de fil tordu, et tout 
l'hôtel de resplendir, de la salle du banquet à l'office! C'était à qui 
soufflerait les fameux candélabres. Cet incident, on le comprendra, 
ne pouvait qu'élever le voltage de... la bonne humeur, et au 
moment des toasts la verte ne fut pas oubliée. 

Pour terminer, un dernier souvenir : dans une de mes excursions, 
je rencontrai certain jour un tout jeune homme qui, ayant eu 
connaissance de ma campagne en faveur de la houille verte^ me 
demanda à brûle-pourpoint à entrer dans une école d'électricité. 

Il y en a certes dans les grands centres, mais toutes sont généra- 
lement fort coûteuses ; je remettais donc ma réponse, voulant encore 
m'assurer auprès de son père, qui habitait dans mes environs, de 
la réalité de cette vocation naissante. La fée Electricité Tavait 
charmé, me fut-il répondu, et, ses études primaires étant terminées, 
le père aussi désirait le voir adopter un élat, entrer en apprentis- 
sage. Je me souvenais alors de mes connaissances, les électriciens, 
et j'écrivais à quelques-uns d'entre eux; la réponse ne se fit pas 
attendre, et justement le brave garçon dont je narrais ci-dessus 
l'aventure avec le... nez d'une vieille femme acceptait l'offre faite; 
son industrie se développant, il avait besoin d'un petit commis el, 
huit jours après, mon jeune homme était chez son patron et comme 
apprentissage débutait avec du courant à 5.000 volts! J'ai eu depuis 
la bonne fortune de savoir tout le monde satisfait; cela s'appelle 
faire deux heureux d'un coup, sans oublier moi-môme, qui préparais 
ainsi à la contrée un futur électricien élevé dans la pratique. 



LES ÉLECTRICIENS DE LA RÉGION NORMANDE i 1 

D'autres cependant étaient un peu mieux préparés à l'avenir qui 
les attendait, et un exemple peut encore venir à Tappui de ce dire. 

Un jeune homme se prépare à l'Ecole centrale, puis, retardé par 
son service militaire, entre, en le quittant, dans une Ecole de Com- 
merce, d'où il passe par une maison de commission exportant, prin- 
cipalement aux Antilles, du matériel électrique (exportation fran- 
çaise peu attendue...). Le métier le séduit, il s'y perfectionne et 
un beau jour il entreprend l'installation de l'électricité du Moulin... 
Rouge! Parfaitement! Rouge, à Montmartre, et sur les boulevards 
extérieurs; il est vrai que, depuis, il a fait, comme on va le voir, 
amende honorable aux moulins de la houille verte. 

11 se fixe ensuite dans une des grandes villes de la région Nor- 
mande et y établit des îlots... électriques (on entend par là des 
quartiers ou plutôt des pâtés de maisons enserrées dans une limite 
de rues) ; mais l'usine à gaz le bat en brèche, il se voit obligé 
d'abandonner l'affaire. Cependant il avait pris racine dans le départe- 
ment de l'Eure et devait finir par y rencontrer sa bonne étoile. Le 
maire de la Ferrière-sur-Rille assistait, non sans un peu de jalousie, 
à rétablissement de l'électricité à Beaumont-le-Roger (ces deux 
stations centrales trouveront leur place dans l'Eure), grâce aune 
force hydraulique sur la Rille. Un phénomène d'attraction se pro- 
duit : notre électricien déconfit et le maire bien intentionné se ren- 
contrent, le pacte est conclu, et la Perrière n'aura plus rien à envier 
à Beaumont. 

En voyageant dans la contrée, il apprend que Rémalard et Mauves, 
chefs-lieux de canton sur l'Huisne, sont dans le même cas et ont 
à leur portée des moulins qui viennent de fermer; il en devient 
l'acquéreur. 11 a remis Tun d'eux en activité depuis un an à peine, 
et la concession lui est déjà accordée pour utiliser pareillement 
le second. Cette fois-ci, il est dans le bon chemin, et sa persévérance 
est récompensée par la réussite d'un îlot à Paris même, dans le 
quartier de l'avenue du Bois-de-Boulogne ; ilyalimente2.0001ampes 
et charge les accumulateurs de 25 voitures automobiles, par jour, 
environ, sans employer... la houille verte, est-il besoin de le dire. 
Mais de là il va rayonner de nouveau, et, dansTOrne même, à égale 
distance à peu près de Rémalard et de la Ferrière-sur-Rille, il 
fonde la station centrale de Moulins-la-Marche, en quelques mois 
à peine et toujours par Teau. Demain, c'est Ambrière dans la 



12 LA HOUILLE VERTE 

Mayenne qui lui devra son éclairage hydro-électrique, et ce n'est 
pas fini... Il est encore à la tête de Tusine électrique de Châteauneuf- 
sur-Loire (mais au charbon), qui compte 32 moteurs de petite 
industrie. 

Comme je lui demandais quels étaient ses principaux moyens 
d'information pour atteindre si rapidement le but poursuivi: «Le 
pharmacien et l'agent voyer de l'endroit, me fut-il répondu, voilà 
les fortes têtes de nos chefs-lieux de canton ! >> Je donne la recette 
pour ce qu'elle vaut, croyant cependant qu'il serait juste d'y ajou- 
ter le maître barbier! (A ce point de vue, plus d'une localité en 
France'pourrait s'appeler..'. Séville.) 

J'émettrai au chapitre xi l'opinion que la réunion de pareilles 
bonnes volontés, doublées d'énergie, en un faisceau unique, leur 
serait doublement profitable à eux-mêmes. En premier lieu, la 
défense de leurs intérêts communs pourrait se centraliser par ce 
moyen entre des mains plus capables et plus sûres ; un secours 
apporté a temps à une entreprise chancelante peut, grâce au con- 
cours des autres entreprises en pleine prospérité, la sauver d'un 
embarras qui n'était que passager. En second lieu, comme l'a si 
bien fait sentir M. Paul Leroy-Beaulieu, dans certains articles de 
r Économiste français, qui seront reproduits plus loin (chap. xi), 
les capitaux se montreraient vraisemblablement moins timides à 
leur égard. Les électriciens sont actuellement isolés; on ne sait 
même, la plupart du temps, où les trouver, car ils sont toujours en 
mouvement par le fait de la division de leurs affaires. Toutes les 
questions financières, versements, intérêts, etc., se trouveraient 
du fait bien simplifiées. Finalement on jugera sans doute avec 
moi que tout le monde y gagnerait, propriétaires de barrage, popu- 
lations rurales et industriels électriciens; or, c'est l'essentiel. 



CHAPITRE III 
DE FIL EN AIGUILLE 



J'habite, comme ces électriciens, moi-même la Normandie; mais, 
si j'en suis natif comme le rôtisseur, j'y suis devenu électricien 
comme le pâtissier. 

Dans ma propriété de l'Orne existait une ancienne tréfilerie de 
cuivre, en chômage depuis vingt-cinq ans; une grande partie 
des bâtiments avait été jetée bas, la chute d'eau avait été main- 
tenue. 

Cette tréfilerie avait eu des jours heureux, comme on le verra par 
la suite ; disposant d'un débit assez constant de l'iton et d'une 
importante retenue d'eau, elle avait été jusqu'à établir deux roues 
hydrauliques, et j'avais encore fait exécuter quelques tours à l'une 
d'elles, bien que déjà branlante ; on peut en distinguer les aubes 
sur la photographie [fig. 4) prise en 1879. 

En 1900, j'assistais aux travaux précédant l'Exposition univer- 
selle et j'étais frappé du rôle important que jouait en cette circons- 
tance la fée Électricité ; on l'employait à la manutention de tous les 
arrivages; à peine les fermes métalliques étaient-elles dressées que 
des câbles de cuivre bien isolés s'accrochaient partout, distribuant 
le courant pour l'éclairage et les moteurs, grâce à des prises de 
courant primitives : deux plaques de cuivre serrées par un écrou ! 
L'Exposition ouverte, une section importante me séduisait encore 
par l'accouplement de ces deux mots magiques, hydraulique et élec- 
tricité; enfin, des voyages en Suisse, bien qu'antérieurs, m'avaient 
montré des exemples, bien modestes, A' ^m^lovid^ûon^ hydro-électriques 
(le terme n'est pas ancien non plus). Mon parti était pris; mais 



14 



LA HOUILLE VERTE 



comment apprendre rélectricité pratique? Avant d'arriver au 
résultat que représente la photographie {fig, 4), intéressante à 
rapprocher de la figure 3, quand on sait qu'elle fut faite vingt et un 
ans après, il me fallait devenir électricien, ne fût-ce qu'à titre 
d'amateur. 

Avant de fixer mes idées sur Texpression la plus simple et 
la plus pratique, c'est-à-dire ce tout petit pavillon de 5 mètres 
de long sur 2 de large, surélevé sur les murs mêmes d'un des 




N. B. — // est entendu une fois pour toutes que les photogravures 
qui ne portent aucune mention spéciale ont été prises par fauteur 
lui-même:. 

FiG. 3. — L'iton à Chandai. — L'ancienne Iréfilerie en 1879. 



deux anciens coursiers, pavillon ayant une seule porte et une seule 
fenêtre, je devais chercher à m'approprier les premières notions du 
monteur électricien. J'étais bien décidé en effet à n'employer que 
mes bonnes gens de la campagne : menuisier, charron, forgeron, 
maçons, exploitant d'une scierie à vapeur voisine pour la partie 
mécanique, et nous avons réussi. J'ai reçu seulement trois fois les 
conseils du contremaître d'une grande usine du voisinage dont 
toute la transmission se fait par l'électricité; si j'insiste sur ce fait, 
c'est uniquement dans le but de faire sentir combien les craintes 
que peut faire naître l'emploi de l'électricité sont peu justifiées. 



DE FIL EN AIGUILLE 



15 



J'habite aussi Paris une partie de l'année, en face d'un garage de 
voitures automobiles; j'avais vu de mes fenêtres le développement 
de cette Compagnie qui a suivi le mouvement ascendajit de Tauto- 
mobilisme : simple hangar tendu d'une serpillière grise, dans lequel, 
au début, son propriétaire faisait remiser les primitives bécanes, il 
eut, un des premiers, l'heureuse inspiration d'établir une prise de 
courant publique pour la charge des accumulateurs. L'exemple a 
été suivi depuis. Ceci se passait en 1897; aujourd'hui, on y compte 




FiG. 4. — L-'lton à Chandai. — Le nouveau pavillon hydro-électrique 
pour l'éclairage du château des Masselins, en 1900. 



80 postes de charge, et notre propriétaire est le directeur d'un per- 
sonnel de 150 wattmen^ 25 électriciens, peintres, selliers, plus 
50 mécaniciens, car on y construit les voitures électromobiles de 
toutes pièces {fig, 5). 

Avec mes idées en tête, c'était une bonne aubaine, et directeur et 
électricien en chef furent des plus accueillants pour ma vocation 
naissante : un refus, et peut-être la houille verte ne venait jamais 
au monde ! 

Je ne puis cependant oublier Vinstruction si claire sur le mon- 
tage, la conduite et V entretien des dynamos, de MM. Sautter, Harlé 
et G'% ainsi que les renseignements généraux concernant les instal- 



i6 



ijl houille verte 



lations électriques, par M. Adrien Bochet, tous grands vulgarisateurs 
de Télectricité par le fait. Me voici donc armé enfin pour le combat. 

Mon installation hydro-électrique d'amateur, mais qui a fait ses 
preuves depuis cinq ans, devant venir à sa place dans le département 
de rOrne, il est préférable de continuer notre fil pour... atteindre 
l'aiguille. 

L'expérience que je venais de faire me semblait si heureuse et 
si simple que je cherchais d'abord à me rendre compte du nombre 




FiG. 5. — Le garage et poste de charge de la Compagnie française 
des voitures électromobiles. 



d'usines hydrauliques fermées dans mon voisinage et par conséquent 
aptes h se convertir avantageusement et agréablement à l'électricité. 
A cet effet, j'excursionnais sur les deux rives de l'iton jusqu'à sa 
source; sur 21 chutes dans le département de l'Orne, dont j'occu- 
pais la dernière en aval, j'en trouvais 10 en activité et 11 en chô- 
mage. Mais quel pouvait être le total des usines hydrauliques de 
l'Orne? Et dans quelle proportion avaient-elles subi ce même sort 
néfaste? 

J'ai déjà dit dans la dédicace que je remontais alors à la source 
même de toutes les usines hydrauliques, non seulement de TOrne, 
mais de toute la France : les archives de la Direction de l'Hydraii- 



DE FIL EN AIGUILLE 



17 



lique agricole du Ministère de l'Agriculture. Les éléments de la 
première de mes cartes hydrographiques, celle de l'Orne, que l'on 
verra au chapitre xiii, établie en 1902 et relevée aussitôt en termes 
flatteurs par V Économiste français (10 mai), étaient en ma posses- 
sion. Les encouragements obtenus par ce premier essai m'incitaient 
à dresser de la même façon celles des départements entourant l'Orne 
et contribuant à former une région naturelle dont les limites seront 
mieux définies par la suite; je termine la dernière, celle du dépar- 
tement de l'Eure, cette année même. 




FiG. 6. — Le signal de la forêt d'Écouves (417 mètres d'altitude; 
point culminant du nord-ouest de la France). 

C'est donc le résultat de quatre années de recherches continue 
que je présente sous ce vocable de « houille verte ». 

Si les cartes de cette sorte présentent toujours un plus grand avan- 
tage de clarté qu'un texte, elles ont le défaut de ne pouvoir repré- 
senter longtemps une situation cependant exacte au moment où 
elles fureiit dressées, et l'on peut affirmer, sans crainte de démenti 
que, depuis l'empire romain, la carte de l'Europe a été modifiée 
plusieurs fois. Puis dans cette question d'actualité sur les emplois 
hydro-électriques, les progrès sont foudroyants comme l'électricité 
elle-même. Les graphiques produits à la fin de ce volume ne per- 
mettront pas de doute à cet égard. 

2 



i8 



IJL HOUILLE VERTE 



Un autre motif, uniquement géographique celui-ci, m'avait encore 
engagé à planter le drapeau de la houille verte dans le départe- 
ment que j'habite. Consultez une de ces cartes physiques de la 
Frauce teintées selon les altitudes, vous constaterez peut-être avec 




N. B. 



La partie rayée indique les deux départements, dont la représentation graphique 
est légèrement différente des autres. 



FiG. 7. — Tableau d'assemblage des huit cartes de la région normande. 



un peu d'étonnement que le Perche constitue outre la basse Nor- 
mandie et les anciennes provinces du Maine et de TAnjou, un petit 
massif montagneux que le tableau d'assemblage ci-dessus dénote 
bien [fig, 1). 

J'y ai désigné par un triangle le point culminant de cette suite 
de faîtes qui, se soudant aux collines du Morvan, va se terminer à 



DE FIL EN AIGUILLE 



19 



W 



1 



l'extrémité de la presqu'île du Cotentin; ce point se trouve dans le 
département de TOrne et est connu sous le nom de Signal de la 
Forêt (TEconves [fig, 6). De cette altitude, cotée à 417 /w^^re^ au-des- 
sus de la mer, au nord d'Alençon, on peut tracer un cercle avec un 
rayon de 250 kilomètres sans y rencontrer une cime plus élevée. 

Le tableau d'assemblage de mes 8 cartes vient de nous révéler 
encore l'existence de 
ce réseau de rivières 
prenant toutes leur 
origine autour du 
point central culmi- 
nant et s'épandant à 
travers les départe- 
ments voisins; tou- 
tefois, elles n'ont pas 
une pente uniforme, 
et l'homme, depuis 
des siècles, a su tirer 
profit des accidents 
naturels du terrain, 
pour aménager les 
eaux à sa conve- 
nance, pour les pré- 
cipiter au point où 
elles lui étaient né- 
cessaires, sans pou- 
voir jamais les re- 
tenir. Je ne puis 
produire un meil- 
leur témoignage de cet ancien usage de Teau qu'en reproduisant 
les quelques documents suivants : on trouve dans les Archives de 
l'abbàye de Saint-Père de Chartres, dont dépendait alors une partie 
de rOrne, à la date de HOl, le don que lui fit Robert (le nom de 
famille tel que nous le comprenons actuellement était un fait rare 
k* cette époque) de l'église Notre-Dame de Chandai et du motilin 
qu'il possédait sur la rivière d'Ilon (Bibliothèque nationale de 
Paris : Documents inédits de l'histoire de France, t. XVI, p. 534). 

Ce fait donne à l'usine en question une existence légale; on 




vtiJiLwjif CW.i«âi 



*f* <^ 



-i»^!-^* 



FiG. 8. — La Tréfilerie de Chandai, vers 1850 
(dessin déposé aux Archives nationales de Paris). 



20 



ijl houille verte 



doit entendre, par là, qu'elle a été construite antérieurement aux 
lois abolitives du régime féodal ou qu'elle a fait l'objet d'une vente 
nationale. Sur un cours d'eau navigable, la définition ne serait 
pas la même; mais ce serait soulever ici la question prématu- 
rément. 

Je fais précéder ces lignes d'une première image {fig. 8) de la tré- 
filerie de Ghandai dont j'ai pu relever partiellement les destinées, 
grâce à des preuves irréfutables; l'ancien moulin à blé devenait 
papeterie en 1733, avec le titre de fief féodal; en 1788, l'industrie 




ÇAferer. <Mt. 



EchdJLt, de/ dÙJC' rnilU/ Toises 



FiG. 9. -— Extrait de la carte de Cassini à la fin du xviii* siècle. 



du cuivre y faisait son apparition et la Révolution, émancipait cette 
usine, qui devenait le bien propre du locataire ; il la rachetait moyen- 
nant <( le remboursement de la rente foncière de 255 livres ». Sous 
TEmpire, elle gagnait une médaille d'argent de T* classe à l'Expo- 
sition nationale de 1806 et s'adonnait à la tréfilerie du laiton pour 
les fabriques voisines d'aiguilles et d'épingles; elle allait alors 
chercher la matière première jusqu'en Russie. Une de ses plus 
curieuses exportations fut un chargement complet d'anneaux de 
cuivre (80.000, m'a-t-on affirmé) à destination du Maroc et de l'Al- 
gérie, à l'effet de parer... les jambes des belles négresses. 

L'extrait de la carte de Cassini, terminée à la fin du xviii* siècle, 
montre bien son emplacement tel qu'il est encore actuellement, 



DE FIL EN AIGUILLE 



21 



mais avec le nom de Petit-Moulin^ sous lequel cette usine est 
.encore connue dans le pays {fig, 9). 

Notre aiguille est... enfilée et il ne nous restera plus qu'à coudre 
cette longue soutache de V hydro-électricité sur cette trame de huit 
départements de la région Normande, commençant après TOrne, 
par le sud-est avec l'Eure-et-Loir, la Sarthe, là Mayenne, pour 
remonter par la Manche vers le nord et clore ce cycle par le Cal- 
vados et l'Eure. C'est l'objet de la seconde partie de cet ouvrage. 




FiG. 10. — Le château des Masselins-Chandai (Ome) et la houille verte. 



Je rapproche des diverses vues précédentes relatives à... la nais- 
sance de la houille verte et particulièrement de la vue de la petite 
usine hydro-électrique de Chandai [fig, 4) une vue de l'autre extré- 
mité de la ligne, celle de l'utilisation [fig, 10), faisant sentir le 
contraste que nous retrouverons bien souvent par la suite entre le 
modeste réduit qui abrite turbine et dynamo et le lieu de Temploi 
de l'énergie électrique. 



CHAPITRE IV 
CONSIDÉRATIONS HYDROGRAPHIQUES 



Avant d'aborder l'étude même de chacun des départements dont 
nous venons de donner i'énumération, il est essentiel de chercher à 
se rendre compte de l'importance des cours d'eau de la région; c'est 
en effet en grande partie de l'abondance et surtout de la régularité 
du débit de la rivière sur laquelle se trouve une usine hydrau- 
lique, que dépendra sa puissance, sa consistance pour employer le 
mot technique. Ce chapitre est donc consacré à l'étude de l'eau 
dans la région qui nous occupe. 

Mais celte eau elle-même, d'où vient-elle? De quoi se compose- 
t-elle? Les chimistes désignent l'eau par la formule IPO, ce qui veut 
dire un corps composé de 2 volumes d'hydrogène pour 1 volume 
d'oxygène, et il est permis d'affirmer que sa présence sur notre 
^lobe est fort ancienne, en n'invoquant même qu'un témoignage : 
le déluge. Nous allons considérer celte eau sous un autre point 
de vue : la force hydraulique, qui n'est encore que l'application 
d'un principe important de la physique, la pesanteur des corps. Et 
n'est-il pas merveilleux de voir cette pauvre petite goutte de liquide 
créer, sous l'influence de la gravitation universelle, des milliers 
de chevaux utilisables; mais, pour cela, il faut que ces gouttes se 
réunissent en grand nombre, appliquant ce principe : tUnion fait 
la force ! 

Que ce soient les gouttes d'eau qui tombent inopinément d'un 
nuage orageux de Tété, ou se succèdent avec cette persistance des 
pluies d'hiver ; que ce soient ces gros flocons blancs et légers qui 
iront garnir les sommets inaccessibles des plus hautes montagnes 



CONSIDÉRATIONS HYDROGRAPHIQUES 23 

du globe, c'est toujours des immensités sans fonds connus de l'Océan 
que la goutte nous arrive, après avoir été en quelque sorte aspirée 
par l'action solaire. Glaciers et forêts nous la rendront ensuite 
tous deux dans des conditions diverses, mais plus favorables à son 
utilisation. Puis, après ce court repos, elle se remettra en marche, 
pour aller du ruisselet au ruisseau, du ruisseau à la rivière, au 
fleuve, et retournera finalement rejoindre ses sœurs au sein de la 
grande mer ! Quelle admirable leçon d'harmonie et de persévérance 
nous donne la nature ! 

Après sa chute sur la surface d'un bassin, l'eau peut subir dif- 
férents arrêts avant d'en gagner le thalweg ; le principal de ceux-ci 
est la forêt que l'on a encore si pittoresquement surnommé la Grande 
Bienfaitrice, 

Or, dans les départements qui dépendent de la Suisse normande^ 
nous sommes relativement riches en forêts, et c'est là un avantage 
qu'il importe de constater : l'Eure en a 113.584 hectares; — la 
Sarthe, 87.940 ; — TOrne, 83.195; — l'Eure-et-Loir, 59.461 ; — la 
Mayenne, 28.286 ; — le Calvados, 28.231 ; — la Manche, 20.773. 

Sur les terrains perméables, l'eau de pluie est retenue quelque 
temps, à la surface, au grand avantage de la régularité du débit 
des cours d'eau. Sur les terres imperméables, au contraire, on 
constate des périodes alternatives de crues gênant l'écoulement 
de l'eau en aval de l'usine, et de pénurie d'eau la privant du 
volume nécessaire à son moteur. 

Au point de vue géologique, nous sommes là, au centre d'tine des 
régions les plus intéressantes, sans contredit, de la France. Nous y 
trouvons, juxtaposées, presque toutes les roches qui ont constitué 
notre sol. A l'ouest, y aboutissent, pour en couvrir la majeure 
partie, les masses granitiques et schisteuses, qui ont formé la 
Bretagne et le Cotentin, et dont l'influence, plutôt mauvaise, se fera 
sentir sur le régime des eaux (jui les traversent, par suite de l'ab- 
sence de la nappe d'eau souterraine représentant toujours un élé- 
ment régulateur : la Vire, l'Orne, dans, la plus grande partie de 
son cours, la Mayenne et même un peu la Sarthe subissent cette 
influence. Puis vient une bordure assez étroite de terrain juras- 
sique, lias et oolithe, avec notamment la campagne de Caen et la 
campagne d'Alençon. Cette bordure se continue tout autour du 
bassin de Paris, pour former un des anneaux de ce grand huit 



24 



LA HOUILLE VERTE 



1 






jurassique (le second tourne autour du Massif Contrai) révélé par 
Elle de Beaumont. Viennent les roches crétacées, qui se déve- 
loppent sur les pentes du pays d'Auge, du Lieuvin et du Perche; et, 
en dernier lieu, les roches tertiaires : éocène, avec le Thimerais et 
le pays Chartrain, entre THuisne et le Loir, pléioccne, avec la 

Beauce et le commen- 
cement de la haute 
plaine d'Orléans, pour 
de là descendre dans 
I la dépression du bassin 
parisien. 

Après la composition 
du sol, sa déclivité en- 
trera comme un élé- 
ment essentiel, mais 
non variable comme le 
débit, puisqu'il déter- 
minera la hauteur de la 
chute, dans la consis- 
tance de toute usine 
hydraulique. En voici 
un rapide aperçu. Un 
premier groupe de col- 
lines se trouve à quel- 
que distance d'Alen- 
çon : signal de la Forêt 
d'Écouves, 417 mètres ; 
mont des Avaloirs, 415 
mètres; mont Margan- 
tin, 370 mètres. Puis 
viennent : le mont du Saule, 337 mètres; les monts d'Amain, 
309 mètres, et les hauteurs de 321, 303 et 287 mètres, d'où 
s'écoulent la Touques, TAvre, l'Eure et THuisne. Entre ces hau- 
teurs, disposées sur un espace relativement restreint, s'ouvrent 
des vallées parfois profondément encaissées d'une grande fertilité, 
parce que toujours bien arrosées. 

Pour plus de détails, je renvoie, à ce point de vue tout spécial, 
aux articles parus dans les Bulletins de la Société de Géographie du 



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FiG. 11. — Les rochers de Han et la Vire 
près Torigni (Manche). 



CONSIDÉRATIONS HYDROGRAPHIQUES 



25 



15 juin 1903, du 15 février 1904 et du 15 février 1906, articles 
également accompagnés de mes cartes et de mes graphiques. 

A la suite des altitudes principales, les cotes les plus basses. On 
les relève sur les trois grandes limites naturelles fixées à cette 
étude : la mer de la Manche, la Loire et partiellement la Seine, 
tandis que le plateau de la Beauce rattache cet ensemble à la par- 
tie centrale de la France. Les cartes produites par la suite signa- 
leront ces faibles altitudes sur le rivage du Calvados, plus élevé 
cependant, par suite des falaises, que les embouchures de la Vire et 




Cliché David, à Clécy. 
FiG. 12. — Le viaduc de Glécy et les rochers à Hôm 
dominant la rivière de TOrne (Calvados). 



de la Taute à l'ouest et que celles avoisinant la Seine, à Test; elles 
varient ici entre 60 et 40 mètres. Dans l'Eure, aux environs de 
Pont-Audemer, on ne dépasse pas 9 mètres au-dessus de la mer. 
Mais c'est surtout sur la Loire que cette situation se fera le mieux 
sentir avec la cote de 12 mètres, en aval d'Angers, point cependant 
encore fort éloigné de la mer. 

Entre ces extrêmes, les chutes utilisées se répartissent suivant 
les accidents du terrain. Les plus élevées se tiennent assez serrées 
et un peu à l'ouest du point culminant de la région {fig. 7) ; ce 
sont celles de Mortain, U'^jSO ; Saint-Hilaire-du-Harcouët, 12"°, 50; 
Vire, 12 mètres; toutes usines hydro-électriques; une filature, dans 



26 



LA HOUILLE VERTE 



rOrne, dispose encore d'une chute de 12 mètres donnant 75 che- 
vaux; toutes celles-ci sont naturellement pourvues de turbines. 
Puis les hauteurs de chutes Courantes de 4 à 5 mètres se rencontrent 
dans la région du Cotentin, du Mortainais, et les parties nord de 
la Mayenne et est de l'Orne. Après cela, la hauteur de 2 mètres 
devient une moyenne très répandue et, pour descendre à 1 mètre 
de chute, sans oublier de constater le voisinage assez proche des 
embouchures des rivières dans la mer de la Manche, ou les con- 
fluents des trois principales rivières au sud, Eure-et-Loir, Sarthe 
et Mayenne. Comme suite à ces diverses observations on peut 



Janv. I F I M | Â [ M | J [ J j A | S | Ô | N | - D 




■ Courbe des débits moyens 

de la Rille. 
C'Kirbe moyenne de TUon. 



(Extrait de la Géographie.) 

FiG. 13. — Comparaison des débits d'une rivière pourvue d'un régulateur (étang) 
à son origine et d'une autre qui en est dépourvue 

(Les lettres désignent les douze mois de Tannée.) 



encore mettre en évidence, au moyen d'un graphique {fig. 13), 
certaines influences géographiques sur les débits d'un cours d*eau. 
Rapprochant de la courbe produite {fig, 1) au sujet de la défini- 
lion de la houille verte, courbe qui est celle de la rivière de Tlton 
dont les eaux traversent à leur origine un grand étang, celui de 
la Trappe, dans la" forêt du même nom, la courbe des débits de 
la rivière voisine, la Rille, dont le bassin absolument parallèle est 
exposé aux mêmes phénomènes pluviométriques. Ton voit que le 
creux de la sécheresse, dont il a déjà été question au chapitre i 
est plus accentué pour cette dernière rivière qui n'a ni étang, ni 
forêt près de sa source. 

Ces courbes (fig. 13) sont tracées Tune et Vautre grâce aux docu- 



CONSIDÉRATIONS HYDROGRAPHIQUES 27 

ments fournis par une Commission scientifique qui fonctionna dix 
années dans le département de TOrne ; des stations pluviométriques 
furent établies sur différents points du département et jusque dans 
les forêts de TEtat ; des observations de débits étaient encore faites 
à époques régulières, mais on ne disposait pas alors des appareils 
enregistreurs perfectionnés de nos jours. 

Pendant que nous avons cette courbe de Tlton sous les yeux, 
une autre déduction est intéressante à en tirer, et c'est Tobjet du gra 
phique [fig. 14) : le trait plein représente Theure du coucher du 
soleil suivant le calendrier; nous voyons apparaître Theureuse 



Janv. 



r^'T 



LÉGENDE ^ 

' Coucher du soleil. 
Débit moyen de l'Iton. 
Éclairage ^lectri^ue. 



J L_L 



(Extrait de la Géographie.) 

FiG. 14. — Relation entre les débits de l'Iton et l'éclairage électrique. 

(Les lettres désignent les douze mois de l'année.) 

relation entre la courbe des rivières dites de la « Houille verte », 
signalée chapitre i, et cette deuxième courbe ; c'est déjà démonstratif; 
mais ce fait recevra une nouvelle confirmation par le tracé de la 
courbe inférieure dite « éclairage électrique ». Comme celle du 
coucher du soleil, elle indique Theure à laquelle je fais mettre 
ma propre installation électrique en marche. La conclusion saute 
aux yeux ; les deux courbes sont encore en relation directe^ c'est- 
à-dire montent et descendent en même temps; il y a lieu d'observer 
pourtant que l'automne est moins avantageux que le printemps. 

Mais je me suis donné. une leçon à moi-môme en traçant cette 
troisième courbe : en effet, elle prouve que, dans la belle saison, on 
peut attendre plus longtemps après le coucher du soleil un éclai- 



28 



LA HOUILLE VERTE 



rage, qui est, toute proportion gardée, bien moins nécessaire qu'en 
hiver. En décembre, j'en arrive même à faire mettre la turbine en 
marche précisément à l'instant où l'astre radieux, mais dont les 
rayons manquent de calorique, descend au-dessous de Thorizon. 

Indépendamment de l'heure du commencement de l'éclairage, la 
quantité de lumière nécessaire aussi s'est accrue ; les escaliers et 
les corridors, d'autres locaux tels que : écuries, buanderie, pres- 
soir, etc., où le travail peut maintenant se continuer à la lumière, 
quelques lampes à l'extérieur donnant môme l'illusion de la ville, 




FiG. 15. — L'étang de la Grande-Trappe, régulateur des débits de l'iton à ses sources. 



réclament le courant électrique. Mais l'on est alors sorti de la par- 
tie difficultueuse de l'été et les pluies qui m'obligeaient à rentrer, 
comme le capucin-Laromètre que vous voyez à la devanture de 
tous les opticiens, rendaient aux sources alimentant la rivière 
l'abondance désirée; donc la proportion en intensité^ non visible 
sur ce graphique, reçoit encore satisfaction. 

La digue qui a créé l'étang de la Trappe dont il vient d'être ques- 
tion (abbaye de la Grande-Trappe, près Mortagne), barrant un fond 
de la vallée sur une hauteur de 7 mètres, est un travail fort ancien. 
La contrée était jadis marécageuse et malsaine; les Pères Trappistes, 
en submergeant cette partie de la vallée sur une longueur de 



CONSIDÉRATIONS HYDROGRAPHIQUES 



29 



615 mètres et une largeur de 275 mètres, la rendirent salubre 
et habitable et y gagnèrent encore une chute qu'ils utilisent du 
reste assez faiblement; sur tout un côté, l'étang baigne le pied des 
hêtres séculaires de Tancienne forêt {fig. 15). La photogravure sui- 
vante représente un autre travail hydraulique encore bien plus ancien 
dont il sera plus longuement question au paragraphe 12 du cha- 
pitre XX, en traitant le déparlement de l'Eure, car il remonte au 
xii'^ siècle; ce' parti te ur (division d'une rivière entre deux dériva- 
tions) a été exactement maintenu de nos jours [fig, 16). 




FiG. 16. — Le Becquet ou division de riton en deux bras forcés (Verneuii-Breleuil), 
travail hydraulique commencé au xii« siècle par Guillaume le Conquérant. 



Il ne nous reste plus, qu'à donner par quelques chiffres une idée 
de l'importance, à la fois comme débit et comme utilisation éven- 
tuelle, des principales rivières de nos départements, étant expliqué 
que les chiffres des débits sont ceux qui ont été constatés soit à la 
dernière usine en aval du cours d'eau, soit à la dernière avant la sor- 
tie du département; ces chiffres se rapportent aux eaux ordinaires 
ou moyennes. Si le tableau offre des répétitions, il a l'avantage de 
relever ainsi plus d'observations et encore de montrer l'augmen- 
tation successive d'un cours d'eau. Quant aux longueurs des 
rivières, il sera toujours facile de les totaliser pour un cours d'eau. 



30 



LA HOUILLE VERTE 



QUELQUES DÉBITS ET LONGUEURS DE COLRS D*EAU PAR DÉPARTEMENTS 



NOMS DES COURS D'E.\L' 



DÉBIT 



LNcnn 



KILOU ÊTRES 



DÉPARTEXBNT DE l'oRNE 

(970 cours d'eau 



L'Orne 


13.900 
5.110 
5.421 
4.217 
4.327 
4.278 


93 


Le Noireau 

La Mayenne 

La Varenne 

La Sarthe 


35 

27 
45 
82 


L'Huisne 


80 


DÉPARTEMENT DE 
91 COUTS 


l'eure-et- 
d'eau 


-LOIR 



L'Eure . . 
L'Avre. . . 
Le Loir.. 
L'Huisne , 



5.250 
1.600 



143 



département de la sarthe 
(938 cours d'eau) 



La Sarthe. 
L'Huisne . 
Le Loir. . . 
La Braye . 



10.000 


116 


8.000 


76 


10.000 


15 


i.OOO 


40 



département de la MAYENNE 

(1.496 cours deau^ 



La Mayenne 
La Varenne., 

L'Ernée 

L'Oudon 

L'Erve 



6.900 
2.600 
1.540 
3.000 
1.700 



73 
13 
62 

47 
57 



NOMS DES COURS D'EAU 



DÉBIT 



MSGSEilt 



KILOUETRES 



DEPARTEMENT DE LA MANCHE 

(820 cours deaw 



La Vire navigable. 

La Douves 

La Tante 

La Sienne 

La Sée 

La Sélune 



DEPARTEMENT DU CALVADOS 

(1.371 cours deau) 



3.900 


69 


2.500 


41 


5.500 


75 


3.000 


57 


3.600 


79 



L'Orne . . . 
La Dives.. . 

La Vie 

La Vire 

La Seulles. 

L'Aure 

La Laize.. . 



13.500 
4.800 
2.200 
3.000 
2.000 
1.800 
1.600 



73 
31 
23 
64 
60 
79 
35 



DEPARTEMENT DE L EURE 

(141 cours deau) 



La Rille 

La Gharentonne. 

L'Eure 

L'Avre 

L'Iton 

L'Epte 

L'Andelle 



11.200 


104 


3.000 


44 


10.000 


81 


4.000 


53 


3.500 


J33 


4.500 


50 


5.200 


25 



Les chiffres du tableau qui précède sont conservés aux Archives 
du Ministère de TAgriculture que j'ai été à même de consulter 
pour les cours d'eau non navigables ni flottables, comme il a été 
dit dans la dédicace. Ils donnent beaucoup plus de détails que 
nous n'en pouvons produire ici, aussi bien sur les rivières que sur 
les usines; tels sont, outre les longueurs et les débits moyens, ceux 



CONSIDÉRATIONS HYDROGRAPHIQUES 31 

des grandes eaux, ceux de l'étiage, la longueur moyenne du cours 
d'eau, enfin la superficie des bassins. 

Gomme dans toute chose méthodiquement rangée, il a fallu 
adopter un ordre de classement pour ces cours d'eau petits et 
grands ; ce fut sans doute le travail de plusieurs générations de cet 
admirable corps des Ponts et Chaussées de France. Toutes ces 
rivières, tous ces ruisseaux ont leurs noms et quelquefois malheu- 
reusement des surnoms au risque de créer quelque confusion. 

Le chiffre extraordinairement élevé de 1.496 rivières pour un 




Cliché Léiy et ses fils^ Paris 

FiG. 17. — La rivière de TOrne, vue des roches de Hôm, 
près Thury-Harcourt (Calvados). 

département d'une superlicie moyenne, comme celui de la Mayenne, 
montre à quel point la surface du sol exerce une influence sur le 
nombre des cours d'eau. Cette contrée est accidentée et creusée de 
nombreuses petites vallées généralement à sol de nature imper- 
méable. Au contraire, le chilfre le plus faible, celui de l'Eure-et- 
Loir, 91 seulement, dénote la présence de grands plateaux et de 
plaines ; la perméabilité du sol diminue le nombre des rivières, 
mais elles sont alors plus importantes. Nous constatons une fois 
de plus le langage si clair des chiffres. 

Mais on ne saurait trop répéter que la question la plus impor- 
tante, et aussi la plus variable, celle des débits, a besoin d'être 
souvent revisée. Des modifications naturelles se font quelquefois 



32 



LA HOUILLE VERTE 



au détriment d'une rivière et en faveur d'une autre; d'autres sont 
le fait de la main de l'homme ; au nombre de celles-ci sont les cap- 
tages de sources pour les distributions d'eau de ville, bien grave 
question qui nous entraînerait en dehors du cadre de cet ouvrage. 
Mais ces réserves trouveront mieux leur place dans l'étude spéciale 
que nous ferons de chacun des 8 départements dont l'assemblage a 
été produit {fig, 8). 




Cliché Foucaut, Dreux. 
FiG. n his. — Barrage sur la rivière de l'Eure. — Chute de Saussay. 



La vue ci-dessus {/ig, 17 bis) donne une impression très nette 
de la houille verte : basse chute et fort débit. Ce barrage est situé 
sur la rivière de l'Eure, l'une de celles, précisément, qui ont subi, 
dans le principal de ses affluents, l'Avre, les atteintes auxquelles 
je viens de faire allusion. 



CHAPITRE V 
DES UNITÉS HYDRO-ÉLECTRIQUES 



Venant de dire, au chapitre m, comment j'étais devenu électri- 
cien, et même d'engager d'autres à suivre ce modeste exemple, 
quelques notions élémentaires d'électricité apprises à la pratique 
ne seront pas déplacées ici. 

Il faut évidemment diviser les unités hydro-électriques en deux : 
unités hydrauliques et unités électriques; cependant dans le lan- 
gage courant on dit volontiers un cheval hydraulique donne 
10 lampes électriques de 16 bougies. 

Pour procéder avec ordre, faisons d'abord connaissance avec l'unité 
cheval, et il n'est pas inopportun de rappeler les grands avantages 
du système métrique; le kilogrammètre est le poids de 1 kilo- 
gramme soulevé à 1 mètre en une seconde, et le cheval-vapeur 
est 75 fois ce travail. Disons encore qu'il faut compter 7 hommes 
ou 14 femmes pour remplacer le cheval, et sans trêve ni merci. 

En pratique, la force s'évalue en kilogrammètres, et l'unité que 
l'on appelle poncelet représente 100 kilogrammètres et a pour for- 
mule H. P. 

Une chute d'eau produit un effet analogue à celui d'une machine 
à vapeur; en tombant, le litre d'eau, dont le poids est de 1 kilo- 
gramme, produit un kilogrammètre; elle vaut donc celle de la 
vapeur, mais elle avait le grave défaut de ne pouvoir s'employer 
que sur place avant les découvertes de Vélectricité. 

La formule * — sert à évaluer en chevaux une puissance 

hydraulique : autrement dit, [q) la quantité d'eau par seconde en 

3 



34 LA HOUILLE VERTE 

litres, ou débit, multiplié par (H) la hauteur de la chute en mètre, 
et ce produit divisé par 75. C'est à la portée de tout le monde. 

On a encore aussi bien 75 litres tombant de 1 mètre en 1 seconde 
pour faire 1 cheval (celui-ci est alors du type de la houille 
verte, — basse chute), que 1 litre tombant de 75 mètres en 
1 seconde (c'est alors le cheval du type de la houille blanche, — 
chute élevée). Nous ne trouverons pas un seul exemple du dernier 
type dans toute la contrée qui sera examinée dans la deuxième 
partie, tandis que les autres abonderont. 

Passons à l'unité électrique : le watt est le produit de Yampère 
par le volt. Demandez à un homme du monde s'il comprend cela : 
il vous répondra, 99 fois sur 100, qu'il a un vague souvenir d'avoir 
vu défiler des messieurs de ce nom-là pendant ses années d'études 
[André-Marie Ampère^ — Alexandre Volta); que, du reste, il n'est 
pas électricien. Combien cependant sont devenus peu ou prou 
mécaniciens, depuis la passion de l'automobilisme. Ils ignorent 
vraisemblablement que la pratique de la houille verte est tout 
aussi facile, plus saine et bien moins dangereuse; l'intérêt d'une 
telle entreprise ne serait-il pas aussi grand pour eux, et surtout 
plus profitable à la France, que de s'atfubler en ours pour courir 
les routes, couverts de poussière! 

Tâchons même de transformer nos chauffeurs en watt7nen;cene 
serait nullement à placer dans le chapitre des visions électriques, 
qui viendra à son tour; la voiture électromobile existe et se mul- 
tiplie rapidement dans les centres urbains ; elle rendrait aussi de 
grands services à la campagne dans un rayon déterminé, sans 
. marcher à des vitesses exagérées, et tout le monde y gagnerait. On a 
bien vu une voiture de ce genre sur une des photographies pro- 
duites [fig, 5). Or, à la campagne, le château et le moulin ayant 
été intimement liés à leurs origines sont voisins, puisque le droit 
d'établir un barrage relevait anciennement du seigneur de Tendroit, 
qui ne manquait pas d'en profiter pour lui-même. La transforma- 
tion d'un châtelain en wattman n'est donc pas une illusion et 
peut se faire dans des conditions très avantageuses pour lui. 

Revenons au watt, et il nous faut encore le relier à la force mo- 

trice par une formule ; cette relation est la suivante : 1 watt = -—- 

^ 736 

du cheval-vapeur; par conséquent, le cheval produit 736 watts. 



DES UNITÉS HYDRO-ÉLECTRIQUES 35 

L'appareil destiné à faire connaître le nombre d'ampères passant 
à tout moment dans la canalisation d'un circuit fermé alimentant 
soit des lampes, soit des moteurs, s'appelle V ampèi^emètre ; le volt- 
mètre indiquera la tension du courant en volts. On fixe d'habi- 
tude ces appareils de mesure sur un tableau de distribution en 
marbre pour bien les isoler; les figures 67 et 68 produites par la 
suite (chap. xiii) montrent les dispositions généralement adoptées ; 
on peut donc dès maintenant regarder ces figures avec intérêt. 

Pour faire encore mieux comprendre ces deux expressions cou- 
rantes de l'ampérage et du voltage, et puisque ces deux témoi- 
gnages (une photographie et le schéma) nous ont transportés en 
-Normandie, j'ajouterai : quand vous achetez à boire chez un débi- 
tant, vous pouvez prendre un litre de boisson (cidre de table) ou 
d'eau-de-vie de cidre ; le litre, c'est Y ampère, la quantité d'électri- 
cité; le voltage, c'est la qualité du liquide, V intensité et, par con- 
séquent, le danger. De même qu'avec la boisson on ne risque que 
rindigeslion,^reau-de-vie vousgrisera bel et bien. De 110 à 250 volts, 
c'est une démangeaison de plus en plus forte ; à 500, c'est la para- 
lysie quelquefois mortelle; puis au delà, l'électrocution pratiquée 
en Amérique sur les condamnés à mort. 

Mais alors, pourquoi les hauts voltages? me demanderez-vous. 
C'est le moyen de franchir avantageusement les fortes distances, 
de faire passer beaucoup d électricité par un fil sans risquer l'indi- 
gestion, c'est-à-dire de l'échaufler, le fondre, provoquer la possibi- 
lité d'incendie ; en un mot, c'est l'équivalent de Vd pression, A Paris, 
tramways et métropolitain reçoivent le courant à 5Ô0 volts, et l'on 
tâche d'éviter les contacts avec les imprudents ; dans les Alpes, 
en Amérique, on trouve des exemples de 30.000 volts et au delà ! 

Le voilage est déterminé par la fabrication de la dynamo, et le 
plus simple, n'ayant pas la prétention d'en construire, est de la 
commander à un bon fournisseur, puis de la faire tourner à la 
vitesse en vue de laquelle elle est construite (la mienne exige 
1.800 tours par minute); c'est la tâche de la turbine, et il faut 
noter à Tavantage de cette dernière que, ne produisant aucun choc, 
comme les pistons des autres moteurs, la lumière est parfaitement 
régulière. 

Cette idée du voltage, le premier et le plus indispensable élé- 
ment de la science électrique, se révélera encore par un exemple 



36 



LA HOUILLE VERTE 



qui vaudra sans doute de longues dissertations. Bien qu'il s'agisse 
encore une fois d'une expérience personnelle, il m'est d'autant plus 
facile de la citer que je m'étais mis... le doigt dans l'œil, comme 
le premier apprenti électricien venu. 

Ce n'était pas plus loin qu'à Noël dernier; voulant faire une sur- 
prise erf remplaçant, 
sur l'arbre tradition- 
nel, les petites bougies 
pouvant être dange- 
reuses et coulant sur 
tous les objets, j'avais 
fait Tacquisition, dans 
un bazar (car ils s'y 
mettent aussi, et c'est 
un signe des temps), 
de 5 petites lampes à 
20 volts . devant être 
mises en tension, 
c'est-à-dire comme les 
grains d'un chapelet, 
à la suite l'une de 
l'autre. Mon secteur 
de Paris distribue, en 
effet, du courant à 
100 volts ; or, elles 
dépensaient chacune 
1,5 ampère, et je me 
demandais avec un 
peu d'inquiétude si la 
canalisation de l'ap- 
partement, le comp- 
teur lui-même, taxé pour un maximum de 5 ampères, allaient pou- 
voir supporter cette charge, car 5 fois 1 1/2 font généralement 7 1 /2. 
Je n'étais qu'un naïf, un peu rouillé depuis mon travail d'électricien 
improvisé, et les choses devaient se passer tout autrement, puisque 
les lampes étaient en tension! Nous savons déjà, d'après la définition 
du watt, que : pour une lampe de 1,5 ampère à 100 volts on trouve 
150 watts (1 ,5 X 100 = 150) ; de même : pour 5 lampes de 1 ,5 am père 




Photo obtenue directement sur l'arbre 
de Noël allumé. H. B. 

FiG. 18. — Cinq lampes à 20 volts en tension sur le cou- 
rant à 100 volts du secteur de Glichy, à Paris. — 
Petit électromoteur à droite avec lampes en résis- 
tance dont une allumée. 



DES UNITÉS IIYDROrÉLECTRIQUES 37 

à 20 volts on a encore 150 watts (5 X 1,5 X 20 = 150). Je n'avais 
donc plus rien à craindre pour mon compteur, ni pour ma canali- 
sation, puisque cette dépense de 150 watts, l'équivalent d'une 
lampe de 50 bougies, ne sortait pas d'un cas prévu. Et, pour péné- 
trer au fond des choses, on peut considérer que la première lampe 
avait bien pris 1,5 ampère, mais n'avait pu retenir que 20 volts, 
en laissant 80 pour les suivantes ; la seconde en laissait 60 à répartir 
entre les trois dernières, et après celles-ci, la tension de 100 volts 
ayant reçu satisfaction, le compte était équilibré; sans quoi, du 
reste, les lampes, mises par exemple en nombre moindre, n'eussent 
fait... qu'une flambée, malgré le vide à peu près parfait produit 




FiG. 19. — Lampes en tension sur voltage supérieur au leur et se le partageant. 



dans l'ampoule de verre; cette division du voltage ne les empêchait 
pas pour cela de s'allumer ensemble. Je n'insiste pas. 

Il existe aussi une autre unité usuelle, le watt-heiire ; c'est ce que 
consomme une lampe pendant un temps déterminé, par consé- 
quent ce qu'il faudra débourser comme client d'une usine élec- 
trique ; nous trouverons Vhectowatt (100 watts) pour les lampes, et 
même le kilowatt (1.000 watts) pour les moteurs. 

Il y a des compteurs enregistreurs pour l'électricité comme pour 
le gaz ou l'eau; tandis que, pour diverses raisons, l'hectowatt-heure 
se paie 12 à 15 centimes à Paris (et c'est la consommation d'une 
lampe de 10 bougies pendant environ deux heures), on ne le paie 
que 2 centimes à Milan, le courant provenant cependant d'une 
usine hydro-électrique située fort loin de cette ville. 

Le kilowatt pour les moteurs dans les ateliers, pour les accumu- 
lateurs des automobiles, etc., est généralement beaucoup moins 



38 



LA HOUILLE VERTE 



cher étant fourni le jour et pendant que Téclairage n'absorbe que 
très peu de la force de Tusine productrice d'électricité. 

On peut tout aussi bien illuminer un arbre de Noël avec des 
lampes en dérivation ; dans ce cas, on fait usage des bandes souples 
dont le principe est le suivant : les deux conducteurs sont consti- 




FiG. 20. — Bandes souples présentant les deux courants séparés 
par un ruban d'amiante. 



tués chacun par un grand nombre de fils de cuivre très fins et 
séparés seulement par un ruban d'amiante, un isolant par excel- 
lence. Les lampes à incandescence {fig, 21) étant pourvues de 
deux pointes métalliques, il suffit de les enfoncer transversalement 
dans la bande souple, dans laquelle chacune des pointes est assurée 
de rencontrer Tun des courants ; elles s'allu- 
meront donc aussitôt et, si l'effet n'a pas paru 
heureux, on peut les retirer et les repiquer 
plus loin. L'usage que l'on en a déjà fait 
pour les féeriques illuminations des rues 
dans toutes les fêtes publiques, et jusque 
sur les cuirassés des escadres, prouve suffi- 
samment le côté pratique de ce procédé, qui 
est parfaitement applicable dans un apparte- 
ment et sur tous les secteurs, restant entendu 
qu'ici les lampes doivent être du même voltage que les autres 
lampes usuellement allumées (le principe de la dérivation sera 
expliqué dans les pages suivantes). 

Puis, autour de notre arbre de Noël, il y avait un chemin de fer 
électrique avec un vrai locomoteur comme ceux de la Compagnie 
d'Orléans entre Brétigny et la gare d'Orsay, les deux faces en 
coupe-vent. Tout comme son grand modèle, il recevait le courant 




FiG. 21. — Lampe à ai- 
guilles se piquant sur une 
bande souple. 



DES UNITÉS HYDRO-ÉLECTRIQUES 39 

dans son moteur... lilliputien par le rail du milieu, et le circuit se 
fermait par les rails ordinaires. Cependant, le moteur n'étant établi 
que pour 4 volts environ, pouvant se contenter à la rigueur du 
courant de 2 éléments d'accumulateurs, et le courant du secteur étant 
à 100 volts, comme je l'ai déjà dit, il fallait intercaler une lampe 
placée en résistance; sans quoi, on aurait fondu le petit moteur du 
premier coup, et il était complètement inutile de faire ici des expé- 
riences de... fours électriques. 

Une lampe, de 10 bougies par exemple, était donc mise en ten- 
sion avant ou après le moteur comme les 5 précédentes, dont il vient 
d'être question, entre elles, et notre locomoteur de rouler aussitôt 
à une vitesse convenable ; toutefois, aux courbes, notre train éprou- 
vait quelque difficulté à avancer. Qu'à cela ne tienne, la lampe de 
10 bougies était remplacée par une autre de 16 bougies de même 
voltage, donc supérieure à la première comme ampérage (1/2 am- 
père au lieu de 1/3 pouvait passer), et notre nouvelle vitesse ne 
laissait plus rien à désirer; avec une lampe de 32 bougies (1 ampère), 
nous risquions le déraillement. Conclusions : ces lampes absorbant 
une partie de la tension agissaient en outre comme de vrais robi- 
nets ne laissant passer que la quantité de courant pour lequel elles 
étaient construites; on pouvait encore les considérer comme des 
tuyaux qui, dans une distribution d'eau, laissent passer l'eau, en 
raison de leurs diamètres. Une autre démonstration consistait à 
diriger sur le même moteur le courant traversant 2 lampes de 
16 bougies, l'une à côté de Vautre et non F une ap?*ès fautre^ donc 
parallèlement et non successivement ; le résultat était le même 
qu'avec celle de 32 bougies. Dans ce premier cas, ces deui lampes 
étaient ce que l'on est convenu d'appeler en dérivation; assez exac- 
tement encore, si l'on veut une image, le courant suivait les fils 
comme les guides servant à conduire 2 chevaux : l'une part de la 
main gauche du conducteur se dédouble; elles traversent alors les 
deux mors (les 2 lampes ici), se rejoignent, puis l'autre guide rentre 
finalement dans la main droite du conducteur. 

Ce simple jouet nous enseigne deux principes les plus importants 
de la distribution électrique : la tension et la dérivation (on dit 
aussi en série, ou bien pour le second terme en parallèle). 

Un ampèremètre destiné à marquer à chaque instant la quantité 
totale d'électricité passant dans un circuit fermé se mettra en série; 



40 



LA HOUILLE VERTE 



de même, le voltmètre, toujours placé en dérivation, donnera la 
tension de la ligne et au point précis où il sera pour ainsi dire 
greffé. Les accumulateurs dont il sera plus longuement question 
aux chapitres ix et xvii s'utiliseront, au contraire, de deux façons : 
en tension ou série, et alors ils sont continuellement traversés par 
la masse du courant produit; ils corrigeront ainsi, en maintenant 
en outre un voltage constant, les clignotements sensibles dans 
la lumière avec les moteurs, et surtout les moteurs à explosion. 
Dans le second cas, quand ils sont en dérivation, on n'y a recours 
que lorsque besoin est : ils peuvent ainsi éviter aux forces 




FiG. 22. — Deux lampes en dérivation. . 

hydrauliques Taide auxiliaire des moteurs de secours, et encore 
permettre l'arrêt des machines ou turbines pour le service restreint 
du milieu de la nuit. 

Il nous reste à parler des conducteurs d'électricité, car, si nous 
avons sous les yeux arbre de Noël et train électrique, l'usine de 
mon secteur est dans un quartier éloigné, et c'est là-basque tourne 
et tourne sans arrêt la dynamo productrice de l'énergie électrique, 
entraînée par une machine à vapeur. 

L'on sait que l'électricité, toujours prête à s'échapper, préfère les 
métaux et en tout premier lieu l'argent; nous le garderons pour le 
mettre dans notre porte-monnaie, mais les sous que vous avez dans 
votre poche feront d'excellents conducteurs ; le fer encore la conduira, 



DES UNITÉS HYDRO-ÉLECTRIQUES 



41 



mais le cuivre la conduira sept fois mieux pour une section égale. 
C'est donc à lui que Ton a donné la préférence quand il faut 
soutenir le conducteur en lair ou Tenvelopper d'isolants (caout- 
chouc, soie). Les chemins de fer électriques, tramways, etc., 
quand ils le peuvent, se contentent de bons gros rails, isolant le 
mieux possible de la terre l'un des courants, car l'autre reviendra 
toujours à l'usine et par le plus court chemin ; Ton ne craint 
donc pas les pertes par contact sur ce dernier conducteur. 

Au contraire, dans le cas des lignes aériennes, on emploie des 
poteaux en bois comme c'est l'usage pour le télégraphe, les télé- 
phones, ainsi que les mêmes cloches en porcelaine que pour ceux-ci ; 
la porcelaine, le verre sont en effet de très mauvais conducteurs, et 
l'on sait en profiter. 

Maintenant que nous 
savons l'électricité tou- 
jours prête à s'acquit- 
ter rapidement de toute 
tâche que nous lui con- 
fierons, il faut prendre 
garde qu'elle ne veuille 
s'en débarrasser trop 
vite. Si elle n'éprouve 
plus la résistance d'une lampe ou d'un moteur qui la dépense 
ou si encore fortuitement deux fils viennent à se toucher, le flux 
exagéré d'électricité qui se produira échaufl'era le fil et finirait, 
ai-je déjà dit au sujet de notre petit locomoteur, par le fondre; on 
pourrait presque dire que le courant se met dans une colère rouge ! 
Que faire? Car nous ne pouvons être partout à la fois et du gros 
câble qui partira de l'usine au mince fil qui suffira à une lampe, il 
y aura sur la route plusieurs sections de fils correspondant chacun 
aux difi'érents besoins de la distribution. C'est ici que se place l'in- 
vention du grand Marcel Desprez, 11 raisonna ainsi : entre la petite 
section que nous devons protéger et la plus grosse, intercalons un 
conducteur dont la résistance moindre que celle du petit conducteur 
fondra avant que le danger ne se produise. Mais enfermons-le bien 
soigneusement dans une petite boîte en porcelaine ; ainsi fut fait. 
C'est le coupe-circuit que tout le monde connaît à peu près, et c'est 
encore un autre corps, le plomb^ qui nous a rendu inutile l'appel 




FiG. 23. — Coupe-circuit bipolaire ; support 
et couvercle porcelaine. 



42 LA HOUILLE VERTE 

des pompiers, lorsqu'un court-circuit se sera produit pour une cause 
imprévue. N'est-ce pas merveilleux d'ingéniosité! Automatiquement y 
toute la partie d'une canalisation qui pourrait devenir dangereuse 
est séparée de la canalisation principale, laquelle continue son rôle 
de distribuer de l'électricité ailleurs. Aussitôt le petit défaut de ce 
circuit découvert et corrigé, on remet des plombs fusibles, et l'on 
pourra dormir en toute sécurité, s'ils ont résisté à ce nouvel essai. 
Dans ce but de protection du conducteur par le plomb fusible, on 
observera la proportion suivante : 

Diamètre Diamètre 

du Gl de cuivre du fil de plomb 

à protéger. . fusible. 

1 millimètre (environ 4 lampes 10 bougies à HO volts). . 0™°^,8 

2 — ( — 18 — — — ).. 1 ,5 

3 — ( — 50 — — — ).. 2 ,0 
Etc. Etc. 

Dans d'autres cas, nous serons obligés d'avoir recours, au con- 
traire, aux corps, qui, tout en étant conducteurs, opposeront 



plombs 




•nis de ^millimètres fusibles fils de 1 mil ti mètre 

de 0, 8 millimètre 

FiG. 24. ■— Protection d'un conducteur par les plombs fusibles. 

cependant une vigoureuse résistance au courant, lui feront perdre 
du voltage, l'abaisseront; ces appareils s'appellent rhéostats et sont 
généralement composés de boudins en fil de maillechort^ ferro-nickeL 
On les manœuvre à la main sans danger dans l'application des vol- 
tages raisonnables, en attendant qu'on ait modifié convenablement 
la force électromotrice,, 

Il semblerait qu'en parlant- à présent seulement de la dynamo 
nous ayons mis la charrue avant les bœufs ; cependant nous 
sommes plus à même maintenant d'en saisir la portée. Nous 
n'avons pas la prétention de fabriquer une dynamo, et le plus 
simple sera, je l'ai déjà dit, d'avoir recours à un bon fournisseur et 
de ne pas lui ménager notre confiance. Mais une fois qu'on a cette 
merveilleuse dynamo chez soi, et qu'on apprécie les immenses 



DES UNITÉS HYDRO-KLECTRIQUES 43 

services qu'elle rend, on aime bien à savoir le pourquoi de la chose. 
C'était mon cas et je veux faire profiter le lecteur de mon expé- 
rieuce. 

Tout le monde sait que dunamis (d'où dynamo) en grec veut dire 
force^ et Ton eût cherché vainement le sens de ce mot dans le 
meilleur dictionnaire de Tépoque, il y a vingt-cinq ans à peine ; 
il faut reconnaître qu'il a été bien justement trouvé. 11 parle à 
l'imagination, car, sous un petit volume, la dynamo recèle une 
puissance extraordinaire. Cette énergie se fait sentir cependant par 
le poids: ainsi un moteur de 1/12 de cheval pèse 5''^,200 : c'est le 
travail d'une femme et aussi celui qu'une machine à coudre, une 
petite écréméuse demanderont de force ; il dépensera encore 
le courant équivalent à une lampe de 16 bougies. Ma dynamo, 
celle sur laquelle fai appris (visible chapitre xui), pèse 168 kilo- 
grammes, — bien que son encombrement ne soit que le suivant : lon- 
gueur, 0™,44 ; largeur, 0°',68 (compris la poulie) ; et hauteur, 0°*,47 ; 
elle medonnel? ampères à 120 volts (soit 17 X 120 =2.040 watts) 
ou encore 50 lampes de 10 bougies. Ces poids donnent une idée 
approximative de la quantité de fils fins enroulés dans certaines 
parties des dynamos. 

Sans vouloir entrer dans des détails d'ordre technique déplacés 
en cette étude, examinons toutefois d'un peu plus près la machine 
dynamo-électrique, pour employer son vrai nom dont l'autre n'est 
qu'un abrégé. On sait qu'il est possible de créer un courant minus- 
cule dans sa... bouche en portant sur la langue et sur une lèvre des 
pièces de cuivre. De même, le passage rapide d'un couteau, par 
exemple, devant un autre morceau de métal, y développera aussi 
un très faible courant électrique, car ce fluide est à l'état latent 
dans la plupart dès corps, mais principalement dans les corps bons 
conducteurs. Si, au lieu d'un couteau, vous prenez du cuivre, que 
nous savons déjà être bon conducteur d'électricité, si nous l'enrou- 
lons en très grande quantité sous forme de filtres fin sur beaucoup 
de bobines, si nous faisons passer ces bobines très rapidement devant 
des aimants ou mieux des électro-aimants, nous développons des 
courants de plus en plus puissants; enfin demandons à la dynamo 
elle-même de fournir son courant d'excitation destiné aux électro- 
aimants (aux inducieu7's, c'est le mot usuel), et elle obéira encore. 
Nous venons de donner naissance à ce merveilleux instrument qui 



44 LA HOUILLE VERTE 

marquera sa place parmi les inventions du siècle précédent. On 
s'est donc débarrassé successivement des auxiliaires de la pre- 
mière heure de cette invention, pour ne plus la constituer finalement 
que de cuivre et de quelques pièces de fer. Par une disposition 
heureuse de balais en charbon frottant légèrement sur des plaques 
de cuivre reliées aux extrémités des bobines multiples, on recueille 
le précieux courant pour le diriger sur le lieu de son utilisation ; 
Tensemble de ces bobines constitue Vinduit, 

Ainsi composée, la dynamo n'exigera plus que de la force motrice 
pour tourner à la vitesse pour laquelle elle est construite et nous 
pouvons obtenir cette force avec une chute d'eau. 

Mais de plus en plus fort, le rôle d'aimantation des iîiducteurs 
par la dynamo elle-même va pouvoir se faire aussi de différentes 
façons, selon le but à obtenir, et les mots tension et dérivation que 
j'ai voulu précédemment rendre bien compréhensibles nous seront 
encore nécessaires. Dans le premier cas, le courant traversera suc- 
cessivement inducteurs et induits et avec du fil également gros; 
dans le second, l'excitation se fait en prenant le courant aux balais, 
pour ainsi dire au passage et avec du fil fin ; les premières con- 
viennent aux lampes h arc et au transport de force ; les secondes 
sont surtout désirables pour la charge des accumulateurs, permet- 
tant une plus grande variation du voltage. Mais il est encore un 
troisième genre à enroulement des dynamos, dit compound, qui 
lient moitié de l'un et moitié de l'autre.. Une partie de l'excitation 
est faite en môme temps par le courant utilisé, l'augmentation 
ou la diminution de celui-ci règle donc l'excitation partielle- 
ment, renforçant automatiquement l'induction, quand on allume 
plus de lampes par exemple, la diminuant quand on éteint. L'autre 
partie de l'excitation correspondant à un rhéostat (nous savons ce 
que c'est maintenant) permet encore une influence directe, et cette 
disposition est visible ^'ur les figures 67 et 68 du chapitre xiii. Ce 
réglage peut même se faire à distance, et les exemples de cette 
facilité que je donuierai dans les différents dépaitements de la 
région Normande sont assez nombreux. Le grand avantage de la 
dynamo compound est de nécessiter moins de surveillance ; elle 
ne petit pas se nuire à elle-même par suite de l'emballement des 
moteurs. 

Un autre fait merveilleux mérite notre attention : quand nous 



DES UNITÉS HYDRO-ÉLECTRIQUES 



45 



le voudrons, notre bonne dynamo, qui ne demande que de la force 
hydraulique, va, pour vous être agréable, se contenter de courant 
électrique pour produire de la force motrice, et cela sans autre 
modification de construction. Cet autre appareil merveilleux que 
Ton appelle le téléphone présente une certaine analogie quand il 
reproduit la voix, 
même à des kilo- 
mètres de distance. 
Ici, la seule diffé- 
rence, outre naturel- 
lement une certaine 
perte de force inévi- 
table pour toute 
transmission (et dans 
le téléphone, la voix 
n'est-elle pas aussi 
affaiblie?) sera que 
notre dynamo tour- 
nera dans le sens 
inverse, comme ré- 
ceptrice^ de celui où 
elle devait tourner 
comme génératrice. 

L'inconvénientqui 
peut résulter n'est 
pas insurmontable : 
il suffit de retour- 
ner... la dynamo, ou 
encore, avec un tour- 
nevis et deux fils de 

cuivre, on peut instantanément intervertir le sens du courant et 
obtenir ce changement de sens de marche par la dynamo elle- 
même. 

Cette réversibilité si simple, une fois trouvée, fut cependant due 
au hasard : à l'Exposition universelle de Vienne, en Autriche, un 
ouvrier préparait l'essai d une dynamo sur un groupe de lampes ; 
il se trompe de fils et dirige le courant sur une dynamo voisine 
également exposée; les lampes ne s'allumaient pas, mais il en résul- 




FiG. 25. — Tableau de charge d'une batterie pour lampes 
à 15 volts [Ghàtôau des Masselins-Ghandai (Orne)J. 



46 



LA HOUILLE VERTE 



tait une découverte qui devait avoir une influence considérable dans 
révolution de la vie humaine : la seconde dynamo s'était mise 
d'elle-même en mouvement. On avait découvert le nioteiir élec- 
trique ! 

Je donne encore ici, comme exemple d applications des résis- 
tances et par la production de deux photographies {fig, 25 et 26), 
le procédé que j'emploie pour charger sur le courant à 120 volts 




Fig. 25. — Une batterie à 15 volts ou 8 éléments de 36 ampères-heures 
pour service de nuit. 

une petite batterie d'accumulateurs de 8 éléments (un élément est 
toujours de 2 volts, un peu plus, un peu moins selon le degré de 
charge de l'accumulateur), alimentant pour la nuit seulement 
quelques lampes à 15 volts, dans le genre de celles des wagons des 
chemins de fer. Dans ce but, j utilise comme résistance une lampe 
au plafond qui éclaire le vestibule, ce qui ne m'empêche pas, pour 
augmenter la charge, d'ajouter jusqu'à 4 lampes sur le tableau de 
charge {fig, 25) variant entre 1/2 et 1 ampère ; sur la photographie, 
il y a seulement 3 de ces lampes en place. 



CHAPITRE VI 
UN PEU FBRG, S. V. P.! 



Nous avons rappelé au chapitre v la définition du cheval-vapeur, 
qui est 75 fois le kilogramme tre. La science moderne, ayant besoin 
d'étendre le domaine de ses investigations jusque parmi les très 
petites forces, tient aussi à évaluer leur énergie, et elle a donné un 
sous-multiple au kilogrammètre, c'est Verg, autrement dit le poids 
de 1 milligramme soulevé h 1 centimètre en 1 seconde. 

Pour estimer numériquement le calorique, on a fixé une autre 
unité : il faut 425 kilogrammètres pour élever de 1 degré de tem- 
pérature 1 litre d'eau ou kilogramme; c'est ce qu'on appelle la 
grande calotne. Curieux rapprochement encore, puisque ce résultat 
peut s'obtenir avec une chute d'eau par l'électricité. La petite calo- 
rie , dite calorie de laboratoire, étant la millième partie de la pré- 
cédente, correspond à la quantité de chaleur nécessaire pour élever 
la température de 1 gramme d'eau de 1 degré. 

Nous n'aurons guère l'usage de cette unité ici, la moindre lampe 
électrique dépensant des milliers d'ergs ; mais d'autres conséquences 
peuvent être tirées de ces notions scientifiques et être appliquées 
à la région Normande. Qu'est-ce que cette force hydraulique qui 
appuiera sur les aubes d'une roue ou lancera une turbine dans sa 
course afl^olée, si ce n'est une réunion de gouttes d'eau? Au premier 
choc, l'eau a jailli en écume et laissé deviner les petits ergs dont 
elle se compose! Puis l'alliance se fera de nouveau entre eux, et la 
rivière continuera paisiblement son cours. Beaucoup de ces gouttes 
d'eau sont parties de fort loin, ont roulé, roulé depuis le point 
culminant de la région qui nous occupe, depuis cette altitude du 



48 



LA HOUILLE VERTE 



5^ 



I 



p" 



Q- 

P 



LA FERRIÈRE AU DOYEN -|5f 
Scierie à bois. 



CRIMOyiÈRE 



BONSMOULINS 
Blé et Scierie. 



Confluent de la Litone 



73 




DIT A TAN 

GENETTES 

SOUCHES 

BRARD 
Ble. 

LES ASPKES 



GRIGNON 
Blé. 

r-» CHAPELLEMEL 
S Blé. 



LA BARRE 

BOL^'ES 



DU PONT 

ROLLIN 

Elé\'ation cLeau . 

NELT 

LA FOULERÎE 

Blé. 

THl'BCELT 

LADEXOISELLERIE 
TRIC\NDO 

CHANDAl 

Blé. 

LES >L\SSELINS 

Électricité. 

LIMITE DU DÉPARTEMENT DE L ORNE. 



Signal de la Forêt 
d'Ecouves dans 
rOrne, déjà signalé 
{fig, 6). Cependant 
toute parcelle de 
terrain qui se dé- 
tache du sol sous 
Faction du ravine- 
ment est entraînée 
plus bas et ne re- 
montera jamais à 
la place abandon- 
née; il y a usure, 
là, comme ailleurs; 
les parcelles iront 
petit à petit com- 
bler les vallées , 
créer des estuaires 
à l'embouchure des 
fleuves, travaillant 
journellement au 
grand nivellement 
universel. C'est 
pourtant la somme 
du travail des pe- 
tits ergs. Ce nivel- 
lement ne se réa- 
lisera pas de sitôt 
heureusement, et, 
puisqu'il nous reste 
encore un relief ter- 
restre, sachons en 
profiter, sachons 
même l'améliorer à 
notre usage. 

Revenons à.,, 
notre Normandie. 
Le profil en long de 



UN PEU D'ERG, s. V. p.! 49 

la rivière de Tlton {fig, 27), dont j'ai déjà donné la courbe des débits 
comparée à celle d'une rivière des Alpes [fig, 1), témoigne bien du 
travail considérable que durent effectuer plusieurs générations pour 
arriver au résultat d'aménager tant de chutes d'eau. 

Si cependant on consulte la légende des utilisations, on remar- 
quera avec étonnement que les générations présentes tendent à 
négliger ces précieuses ressources; les traits fins désignent les 
usines fermées en 1903, soit une bonne moitié. Deux chutes succes- 
sives et assez rapprochées pour être réunies dans une même usine 
mériteraient un meilleur sort; ces chutes étaient utilisées autrefois 
par une tréfilerie de cuivre plus importante que celle de Chandai ; 
elle employait une quarantaine d'ouvriers; ces deux chutes portent 
sur le graphique les noms de Tubœuf et de la Demoisellerie. 11 
est intéressant, en se reportant à l'extrait de la carte de Cassini que 
j'ai produit [fig. lu), de constater, par la présence des petites 
roues gravées et des noms identiques à ceux du graphique ci-dessus, 
que, sur cette portion du cours de Flton, tous les barrages sont 
de construction très ancienne; mais ajoutons que leurs propriétaires 
actuels manquent bien personnellement d'^m peu d'erg en les lais- 
sant sans emploi. 

Nous voyons sur ce môme profil [fig, 27) que les chômages se 
font surtout sentir dans la partie haute de la vallée, et ce fait est 
plus excusable. Il s'explique, car la facilité d'accès y est devenue 
moindre, surtout depuis l'emploi presque exclusif des chemins de 
fer comme moyens de communication. Cependant deux scieries s'y 
sont maintenues en activité : la forêt, en effet, est voisine ; cinq 
moulins à blé ont encore garJé une clientèle suffisante j)our conti- 
nuer à fonctionner; un service d'eau, puis un exemple hydro- 
électrique, et c'est tout. Toutes les autres chôment. Plusieurs 
petites ou moyennes agglomérations seraient cependant aptes à 
tirer parti de ces ressources en proportion de leurs besoins. Nous 
en trouverons de nombreux exemples par la suite, et il serait profi- 
table que les usagers des barrages s'entendissent entre eux pour 
les. utiliser, en vue de l'éclairage électrique par exemple. Les éclu- 
sées, c'est-à-dire un usage . exagéré de Teau, suivi d'un arrêt de 
plusieurs heures parfois, seraient sans doute alors soigneusement 
évitées; l'intérêt commun étant encore la meilleure des prescrip- 
tions. Que nous ménage l'iton dans cent ans? Ses rives seront-elles 

4 



50 I^ HOUILLE VERTE 

absolument désertées en faveur des villes voisines? Il faut espérer 
que non et qu un mouvement contraire, qui a commencé à se 
faire sentir ailleurs, s'étendra à lui, comme à la pluralité des rivières 
capables d'un emploi profitable. En insistant, j'aurais Tair de prê- 
cher pour... le saint de l'iton! 

Est-ce à dire que des exemples d'usages privés (quand d'autres 
plus importants ne sont pas possibles, il faut encore mieux en 
revenir là) ne sont pas à citer; je vais en donner quelques-uns 




Fio. 28. — Un atelier d'amateur. — Usine hydro-électrique 
sur la route des Feuiliées au Val d'Ajol (Vosges). 

et, au besoin, en dehors même de la région. Je les ai relevés sou- 
vent lorsque je m'y attendais le moins et j'ai constaté qu'ils avaient 
été créés presque sans capitaux; il semble même que l'hydro-élec- 
tricité tente de fort modestes gens doués d'ingéniosité; il y a dans 
ce fluide invisible une attraction, qui les amène à en chercher des 
applications dans la pratique. 

Le premier exemple sera pris dans les Vosges : un petit proprié- 
taire et cultivateur, ayant été faire son service militaire dans la 
marine à Cherbourg (cette grande école des électriciens), en rappor- 
tait un béguin... pour la dynamo elles notions utiles pour la fabri- 
quer lui-même. Bien mieux, il créait d'abord sa force hydraulique 



UN PEU D'ERGr S. V. P. ! 



ol 



en emmagasinant dans un petit réservoir à 12 mètres au-dessus de 
son habitation, un simple filet d'eau, puis forgeait lui-même sa 
petite turbine, genre Pelton. Figurez-vous une minuscule roue de 
moulin, de 0'",68 de diamètre, presque un joujou, mais garnie sur 
les deux faces de sortes de cuillers; des jets d'eau dont le nombre 
peut atteindre quatre viennent les frapper avec cette pression de 
12 mètres et font tourner la roue à raison de 300 tours à la minute. 
Le résultat atteint la force de 1 cheval et demi pour son éclairage 




Fio. 29. — Intérieur d'un cultivateur des Vosges : la dynamo construite par lui-même ; 
le tableau (ampèremètre et voltmètre improvisés, interrupteur et lampe). 



électrique, et il s'en sert accidentellement le jour pour faire marcher 
un tour et une scie. Son réservoir lui assure trois heures d'éclai- 
rage, donc bien au-delà de ses modestes besoins. 

Le second exemple m'a surtout surpris par sa situation; nous 
allons nous transporter aux portes de Paris, à... iSaint-Denis pour 
y découvrir de la houille verte. J'avais douté moi-même du fait et, 
pour me convaincre, je prenais tout simplement le tram, bien 
connu, place de la Madeleine; le voyage n'était pas long, et, peu 
après, j'allais trouver un atelier de menuisier « modem style », scie 
à ruban, raboteuse, perceuse, tout était actionné mécaniquement 
par une roue hydraulique. Je n'étais pas au bout de mon étonne- 



52. 



LA HOUILLE VERTE 



ment : j'avisais dans un coin une petite guérite vitrée et j'y trou- 
vais... devinez quoi? une dynamo établie depuis quatre ans pour 
l'éclairage électrique de l'atelier. La vue du merle blanc lui-môme 
ne m'eût pas produit plus d'effet. Et notez que ce menuisier ingé- 
nieux n'a aucune machine de secours, ni au charbon, ni au pétrole; 
l'eau suffit à ses besoins combinés de travail et d'éclairage; l'éclai- 
rage hydro-électrique étant ici encore un supplément en quelque 
sorte inutilisé antérieurement et qui suit les mêmes variations que 




FiG. 30. — Le petit étang créé pour utiliser une source avec une chute de 12 mètres 
(route des Feuillées au val d'Ajol). 



le débit de ce simple ruisseau appelé le Croult. La prospérité de 
ses affaires a même permis à ce menuisier actif de se payer le luxe 
d'une batterie d'accumulateurs. 

Ce minuscule affluent de la Seine a, en outre, la prétention de 
partager en ce point sa puissance hydraulique entre deux usines, et, 
si la seconde ne se distingue pas par une dynamo, elle possède 
une turbine! Mais oui, à Saint- Denis même! Cette dernière, au mou- 
vement rapide, entraîne... 7 machines à coudre uniquement occu- 
pées à confectionner des gilets pour hommes ! Voilà de bons petits 
ergs qui font tout ce qu'ils peuvent, et ce n'est déjà pas si inutile. 

Dans le département de la Manche, il m'aurait été possible de citer, 



UN PEU D'ERG, S. V. P.! 



53 



par la suite, telle petite fabrique de quincaillerie, qui, avec une 
simple roue, sous une chute de 5°*,60, a établi non seulement son 
éclairage électrique d'environ 80 lampes, mais encore le chauffage 
delamaison du patron et de trois ?nénages rfVmjo/oyes/ L'installation 
reste même en fonction toutes les nuits d'hiver (la houille verte 
est encore alors abondante pour cet usage de chauffage); la roue, 
étant réglée par un excellent régulateur de vitesse, ne nécessite pas 
de surveillance. Les propriétaires de cette usine sont des gens pou r- 




FiG. 31. — Un exemple à Saint-Denis, près Paris. — Les Moulins-Réunis, anciens 
moulins à blé (actuellement, à gauche, menuisier ; à droite, atelier de confections 
avec turbine). 



VUS (ïénergie qui pratiquent le... 425 ou grande calorie sans y avoir 
été préparés par de longues études. 

A côté de ces petites mais instructives initiatives, que de proprié- 
taires se soucient peu des forces hydrauliques qu'ils ont à leur 
portée! Dans bien des cas, ces forces dépassent même leurs besoins 
personnels. Si les propriétaires ne sont pas aptes à en tirer parti 
pour eux-mêmes, ils devraient au moins encourager les industriels 
disposés h utiliser ces ressources. Nous avons vu, au chapitre u, 
quels gens actifs et audacieux ils sont, mais généralement dépour- 
vus des capitaux nécessaires. U semblerait assez naturel que les 



54 LA HOUILLE VERTE 

propriétaires mêmes les commanditassent, car ils assisteraient avec 
satisfaction à Temploi de leurs capitaux dans leur propre domaine 
et gagneraient certainement dans Teslime des populations rurales 
qu'il faut convaincre par le fait. Si je me permettais une recom- 
mandation, je leur ferais observer que les baux de location doivent 
être de longue durée, car le délai de Tamortissement raisonnable 
du capital nécessaire à une installation électrique soigneusement 
établie est toujours assez long; vingt-cinq ans me semble un mini- 




FiG. 32. — Intérieur du menuisier de Saint-Denis : raboteuse, scies diverses; au fon 
guérite vitrée contenant sa dynamo pour son éclairage ; lampe au plafond. 

mum et n'a rien d'exagéré, en tenant compte seulement du prix de 
premier établissement de la ligne, des poteaux à placer, etc. 

Nous aurons l'occasion de dire par la suite quels précieux concours 
la houille verte a rencontré dans la presse sérieuse, dans la presse 
scientifique, et, parmi ceux-ci, un de ses soutiens les plus actifs fut 
certes celui de M. Max de Nansouty, un vulgarisateur des plus 
connus dans le monde scientifique. Propriétaires timides, écoutez 
ce qu'il écrivait sous la rubrique Houille verte : 

« Autrefois, et ce fut la joie des vaudevillistes, lorsqu'un person- 
(( nage de comédie, ayant des ambitions, voulait se mettre bien avec 
« ses concitoyens, il offrait une pompe à incendie à sa commune. 



UN PEU D'ERG, S. V. P! 



55 



« Ne perdons pas cette bonne tradition ! et que les futurs bienfaiteurs 
« offrent une turbinette hydraulique à la commune. La turbinette 
(( aura l'avantage de rendre la pompe presque inutile, puisque 
« Téclairage électrique est le moins incendiaire de tous les éclairages 
<( que Ton connaisse. » 




Hommage reconnaissant de l'auteur à l'auteur de la Préface. 

FiG. 33. — La turbinette... des Masselins, à Ghandai (Orne), avant son immersion 

(5 chevaux). 



Et, pour terminer ce chapitre, comme nous avons commencé, 
allons, propriétaires de barrages, normands ou non, un peu A'erg, 
s'il vous plaît! 



CHAPITRE VII 

BIVIÈBES NAVIGABLES ET FLOTTABLES 
ET BIVIÈBES NON NAVIGABLES NI FLOTTABLES 



Dura lex^ sed lex. En bon français nul n'est censé ignorer la loi 
et doit être prêt à s'y soumettre; toutefois, il faut remarquer que, 
depuis Solon on fait des lois, et que l'on... n'a pas fini. Il est bon 
encore de répéter quelquefois. le texte d'une loi; je m'efforcerai 
de le rendre le moins rébarbatif possible dans ce livre à la portée 
de tous et, comme la place d'une virgule peut y atteindre une impor- 
tance capitale, je me borne tout bonnement à copier : 

LOI DU 8 AVRIL 1898 SUR LE RÉGIME DES EAUX 



Le Sénat et la Chambre des députés ont adopté, 

Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit : 

TITRE I 
EAUX PLUVIALES ET SOURCES 

Article premier. — Les articles 641, 642 et 643 du Code civil sont remplacés 
par les dispositions suivantes : 

« Art. 641. — Tout propriétaire a le droit d'user et de disposer des eaux plu- 
viales qui tombent sur son fonds. 

« Si Tusage de ces eaux ou la direction qui leur est donnée aggrave la servi- 
tude naturelle d'écoulement établie par l'article 640, une indemnité est due au 
propriétaire du fonds inférieur, 

« La même disposition est applicable aux eaux de source nées sur un fonds. 

« Lorsque, par des sondages ou des travaux souterrains, un propriétaire fait 
surgir des eaux dans son fonds, les propriétaires des fonds inférieurs doivent 



RIVIÈRES NAVIGABLES ET FLOTTABLES, NON NAVIGABLES NI FLOTTABLES 57 

les recevoir; mais ils ont droit à une indemnité en cas de dommages résultant 
de leur écoulement. 

« Les maisons, cours, jardins, parcs et enclos attenant aux habitations ne 
peuvent être assujettis à aucune aggravation de la servitude d'écoulement dans 
les cas prévus par les paragraphes précédents. 

« Les constatations auxquelles peuvent donner iieu l'établissement et l'exer- 
cice des servitudes prévues par ces paragraphes et le règlement, s'il y a lieu, 
des indemnités dues aux propriétaires des fonds inférieurs sont portés, en pre- 
mier ressort devant le juge de paix du canton qui, en prononçant, doit con- 
cilier les intérêts de lagri culture et de l'industrie avec le respect dû à la pro- 
priété. 

« S'il y a lieu à expertise, il peut n'être nommé qu'un seul expert. 

« Art. 642. — Celui qui a une source dans son fonds peut toujours user des 
eaux à sa volonté dans les limites et pour les besoins de son héritage. 

c< Le propriétaire d'une source ne peut plus en user au préjudice des proprié- 
taires des fonds inférieurs qui, depuis plus de trente ans, ont fait et terminé, 
sur le fonds où jaillit la source, des ouvrages apparents et permanents des- 
tinés à utiliser les eaux ou à en faciliter le passage dans leur propriété. 

« Il ne peut pas non plus en user de manière à enlever aux habitants d'une 
commune, village ou hameau l'eau qui leur est nécessaire ; mais, si les habi- 
tants n'en ont pas acquis ou prescrit l'usage, le propriétaire peut réclamer une 
indemnité, laquelle est réglée par experts. '' 

<' Art. 643. — Si, dès la sortie du fonds où elles surgissent les eaux de sources 
forment un cours d'eau offrant le caractère d'eaux publiques et courantes, le 
propriétaire ne peut les détourner de leur cours naturel au préjudice des 
usagers inférieurs. » 

Ce titre I ne contient donc qu'un article unique ayant pour but 
de substituer trois nouveaux articles aux anciens régissant cette 
matière; cest un article de généralités; le titre II va établir tout 
de suite la grande différence qui motive notre présent chapitre. 



TITRE II 
COURS d'eau non NAVIGABLES ET NON FLOTTABLES 



CHAPITRE I 

DES DROITS DES RIVERAINS 

Art. 2. — Les riverains n'ont le droit d'user dé l'eau courante qui borde ou 
qui traverse leurs héritages que dans les limites déterminées par la loi. Ils sont 
tenus de se conformer, dans l'exercice de ce droit, aux dispositions des règle- 
ments et des autorisations émanées de l'Administration. 

Art. 3. — Le lit des cours d'eau non navigables et non flottables appartient aux 
propriétaires des deux rives. 

Si les deux rives appartiennent à des propriétaires différents, chacun d'eux a 



58 LA HOUILLE VERTE 

la propriété de la moitié du lit, suivant une ligne que Ton suppose tracée au 
milieu du cours d'eau, sauf titre ou prescription contraire. 

Chaque riverain a le droit de prendre, dans la partie du lit qui lui appartient 
tous les produits naturels et d'en extraire de la vase, du sable et des pierres, à la 
condition de ne pas modifier le régime des eaux et d'en exécuter le curage 
conformément aux règles établies par le chapitre m du présent titre. 

Sont et demeurent réservés les droits acquis par les riverains ou autres inté- 
ressés sur les parties du cours d'eau qui servent de voie d'exploitation pour la 
desserte de leurs fonds. 

Art. 4. — Lorsque le lit d'un cours d'eau est abandonné, soit naturellement, 
soit par suite de travaux légalement exécutés, chaque riverain en reprend la 
libre disposition suivant les limites déterminées par l'article précédent. 

Art. 5. — Lorsqu'un cours d'eau non navigable et non tlottable abandonne 
naturellement son lit, les propriétaires des fonds sur lesquels le nouveau lit 
s'établit sont tenus de souffrir le passage des eaux sans indemnité; mais ils peuvent, 
dans Vannée qui suit le changement de lit, prendre les mesures nécessaires pour 
rétablir l'ancien cours des eaux. 

Les propriétaires riverains du lit abandonné jouissent de la même faculté et 
peuvent, dans l'année, poursuivre l'exécution des travaux nécessaires au réta- 
blissement du cours primitif. 

Art. 6. — Lorsque, par suite de travaux légalement ordonnés, il y a lieu 
d'élargir le lit ou d'en ouvrir un nouveau, les propriétaires des terrains occupés 
ont droit à une indemnité à titre de servitude de passage. 

Pour la fixation de cette indemnité, il sera tenu compte de la situation res- 
pective de chacun des riverains par rapport à l'axe du nouveau lit, la limite des 
héritages demeurant fixée conformément aux dispositions du paragraphe 2 de 
l'article ci-dessus à moins de stipulations contraires. 

Les bâtiments, cours et jardins attenant aux habitations sont exempts de la 
servitude de passage. 

Les contestations auxquelles peuvent donner lieu l'application du para- 
graphe 2 du présent article et le règlement des indemnités sont jugées en pre- 
mier ressort par le juge de paix du canton. 

S'il y a lieu à expertise, il peut, dans tous les cas, n'être nommé qu'un seul 
expert. 

Art. 7. — La propriété des alluvions, relais, atterrissements, îles et îlots qui 
se forment dans les cours d'eau non navigables et non flottables est et demeure 
régie par les dispositions des articles 556, 557, 559, 561 et 562 du Gode civil. 



CHAPITRE II 

POLICE ET CONSERVATION DES EAUX 

Art. 8. — L'autorité administrative est chargée de la conservation et de la 
police des cours d'eau non navigables et non flottables. 

Art. 9. — Des décrets rendus après enquête dans la forme des règlements 
d'administration publique fixent, s'il y a lieu, le régime général de ces cours 
d'eau, de manière à concilier les intérêts de Vagriculture et de l'industrie avec le 
respect du à la propriété et aux droits et usages antérieurement établis. 

Art. 10. — Le propriétaire riverain d'un cours d'eau non navigable et non 
flottable ne peut exécuter des travaux au-dessus de ce cours d'eau ou le joi- 



RIVIÈRES NAVIGABLES ET FLOTTABLES, NON NAVIGABLES NI FLOTTABLES 59 




60 LA HOUILLE VERTE 

gnant qu'à la condition de ne pas préjudicier à Técoulement et de ne causer 
aucun dommage aux propriétés voisines. 

Art. 11. — Aucun barrage, aucun ouvrage destiné à rétablissement d'une 
prise d'eau, d'un moulin ou d'une usine ne peut être entrepris dans un 
cours d'eau non navigable et non flottable sans l'autorisation de l'Administra- 
tion. 

Art. 12. — Les préfets statuent après enquête sur les demandes ayant pour 
objet : 

1° L'établissement d'ouvrages intéressant le régime ou le mode d'écoulement 
des eaux ; 

2^ La régularisation de l'existence des usines et ouvrages établis sans permis- 
sion et n'ayant pas de titre légal; 

3<^ La révocation ou la modification des permissions précédemment accor- 
dées. 

La forme de l'instruction qui doit précéder les arrêtés des préfets est déter- 
minée par un règlement d'administration publique. 

Art. 13. — S'il y a réclamation des parties intéressées contre l'arrêté du préfet, 
il est statué par un décret rendu sur l'avis d'un Conseil d'État, sans préjudice 
du recours contentieux en cas d'excès de pouvoir. 

Art. 14. — Les permissions peuvent être révoquées ou modifiées sans indem- 
nité, soit dans l'intérêt de la salubrité publique, soit pour prévenir ou faire 
cesser les inondations, soit enfin dans le cas de la réglementation générale 
prévue par l'article 9. 

Dans tous les autres cas, elles ne peuvent être révoquées ou modifiées que 
moyennant indemnité. 

Art. 15. — Les propriétaires ou fermiers de moulins et usines, même autorisés 
ou ayant une existence légale, sont garants des dommages causés aux chemins 
et aux propriétés. 

Art. 16. — Les maires peuvent, sous l'autorité des préfets, prendre toutes 
les mesures nécessaires pour la police des cours d'eau. 

Art. 17. — Dans tous les cas, les droits des tiers sont et demeurent réservés. 

Arrêtons-nous un instant avant de passer aux titres suivants, car 
les passages signalés en italique créent le vade-mecum de Thydrau- 
licien; ils lui apprennent ses devoirs et ses droits. 

On voit par là que le propriétaire d'un barrage sur un cours 
d'eau non navigable n'est jamais empêché de lui demander le bon 
service d actionner une dynamo soit par une roue, soit par une 
turbine, peu importe à l'administration, qui recommande même 
(( beaucoup de réserve à ses agents » dans l'application de l'article 12 
du chapitre ii (Annotation de loi, de Lacroix). Si les tiers ne lui 
cherchent pas noise non plus, s'il sait user des choses sans en 
abuser, notre hydraulicien peut devenir hydro-électricien tout aussi 
facilement que s'il lui prenait la fantaisie de fabriquer des chan- 
delles (la lampe électrique vaut mieux). Cette démonstration valait 
bien la peine, il me semble, de s'assimiler quelques articles de loi. 



RIVIÈRES NAVIGABLES ET FLOTTABLES, NON NAVIGABLES NI FLOTTABLES 61 

Cependant, comme il serait déplacé d'abuser, à cette place, du droit 
de copier, sautons le chapitre m, bien intéressant pourtant, puisqu'il 
traite des curages^ élargissements et redressements en douze articles 
dont le dernier abroge la loi du 14 floréal an XI. 

Avec les titres III et IV nous redevenons très sérieux, et il y a de 
quoi. Jugez-en! 

TITRE III 
DES RIVIÈRES FLOTTABLES À BUCHES PERDUES 

Art. 30.— Les rivières et cours d'eau flottables à bûches perdues sont soumis 
aux dispositions contenues dans le titre précédent et aux dispositions spéciales 
suivantes. 

Art. 31. — Le flottage à bûches perdues ne peut être établi, sur les cours 
d'eau où il n'existe pas actuellement, que par un décret rendu après enquête et 
avis des conseils généraux des départements traversés par ces cours d'eau. Ce 
décret sera inséré au Bulletin des lois. 

Le décret détermine les servitudes nécessaires pour l'exercice du flottage et 
règle les obligations respectives des propriétaires riverains, des usiniers et des 
flotteurs. 

Art. 32. — L'indemnité due à raison de ces servitudes est Vixée en premier 
ressort par le juge de paix du canton. 

Il est tenu compte, dans le règlement de cette indemnité, des avantages qui 
peuvent résulter de l'établissement du flottage. 

Art. 33. — Sont maintenus, tant qu'ils n'auront pas été revisés conformé- 
ment aux dispositions des articles 31 et 32 ci-dessus, tous les règlements spé- 
ciaux relatifs aux rivières et cours d'eau sur lesquels se pratique le flottage à 
bûches perdues. 

TITRE IV 
DES FLEUVES ET RIVIÈRES NAVIGABLES OU FLOTTABLES 



CHAPITRE I 

DES DROITS DU DOMAINE ET DES RIVERAINS 

Art. 34. — Les fleuves ou les rivières navigables ou flottables avec bateaux, trains 
ou radeaux^ font partie du domaine public depuis le point oii ils commencent à être 
navigables ou flottables jusqu'à leur embouchure. 

Font également partie du domaine public : 

4® Les bras même non navigables et non flottables, lorsqu'ils prennent nais- 
sance au-dessous du point où les fleuves et rivières commencent à être navi- 
gables ou flottables ; 

2° Les noues et boires qui tirent leur eau des mêmes fleuves et rivières. 



62 LA HOUILLE VERTE 

Art. 35. — Les dérivations ou prises d'eau artificielles établies dans des pro- 
priétés particulières ne font pas partie du domaine public, à moins qu'elles 
n'aient été pratiquées par l'État, dans l'intérêt de la navigation ou du flottage. 

Ces dérivations sont régies par les dispositions des actes qui les ont autorisées. 

Art. 36. — Des arrêtés préfectoraux rendus après enquête, sous l'approbation 
du Ministre des Travaux publics, fixeront les limites des fleuves et rivières navi- 
gables et flottables, ces limites étant déterminées par la hauteur des eaux cou- 
lant à pleins bords avant de déborder. 

Les arrêtés de délimitation pourront être l'objet d'un recours contentieux. 
Ils seront toujours pris sous la réserve des droits de propriété. 

Art. 37. — L'article 563 du Gode civil est abrogé et remplacé par les dispo- 
sitions suivantes : 

« Art. 563. — Si un fleuve ou une rivière navigable ou flottable se forme un 
nouveau cours en abandonnant son ancien lit, les propriétaires riverains 
peuvent acquérir la propriété de cet ancien lit, chacun en droit soi, jusqu'à une 
ligne qu'on suppose tracée au milieu de la rivière. Le prix de l'ancien lit est 
fixé par des experts nommés par le président du tribunal de la situation des 
lieux, à la requête du préfet du département. 

« A défaut par les propriétaires riverains de déclarer, dans les trois mois de 
la notification qui leur sera faite par le préfet, l'intention de faire l'acquisition 
aux prix fixés par les experts, il est procédé à l'aliénation de l'ancien lit selon 
les règles qui président aux aliénations du domaine de l'État, 

« Le prix provenant de la vente est distribué aux propriétaires des fonds occu- 
pés par le nouveau cours, à titre d'indemnité, dans la proportion de la valeur 
du terrain enlevé à chacun d'eux. » 

Art. 38. — Lorsque, à la suite de travaux légalement exécutés, des portions 
de l'ancien lit cesseront de faire partie du domaine public, les propriétaires 
riverains pourront exercer le droit de préemption conformément à l'article 37 
qui précède. 

Art. 39. — La propriété des alluvions, relais, atterrissements, îles et îlots qui 
se forment naturellement dans les fleuves et rivières faisant partie du domaine 
public est et demeure réglée par les dispositions des articles 556, 557, 560 et 
562 du Code civil. 



CHAPITRE II 

DES CONCESSIONS ET AUTORISATIONS 

Art. 40. — Aucun travail ne peut être exécuté et aucune prise d'eau ne peut 
être pratiquée dans les fleuves ou rivières navigables ou flottables sans autori- 
sation de l'Administration. 

Art. 41. — Les préfets statuent, après enquête et sur l'avis des ingénieurs, 
et sauf recours au Ministre, sur les demandes ayant pour objet de faire des 
prises d'eau au moyen de machines, lorsqu'il est constaté que, eu égard au vo- 
lume des cours d'eau, elles n'auront pas pour eff'et d'en altérer le régime. 

Art. 42. — Ils statuent également sur l'avis des ingénieurs, sauf recours au 
Ministre, sur les demandes en autorisation d'établissements temporaires sur les 
cours d'eau navigables ou flottables, alors même que ces établissements auraient 
pour eff'et de modifier le régime ou le niveau des eaux. 

Ils fixent, dans ce cas, la durée de l'autorisation qui ne devra jamais dépasser 
deux ans. 



RIVIÈRES NAVIGABLES ET FLOTTABLES, NON NAVIGABLES NI FLOTTABLES 63 

Art. 43. — Toutes autres autorisations ne peuvent être accordées que par dé- 
crets rendus, après enquête, sur l'avis du Conseil d'État. 

Art. 44. — Les concessionnaires sont assujettis à payer une redevance à VEtat, 
d'après les bases qui seront fixées par un règlement d'administration pu- 
blique. 

Art. 45. — Les prises d'eau et autres établissements créés sur les cours d'eau 
navigables ou flottables, même avec autorisation, peuvent toujours être modi- 
fiés ou supprimés. U7ie indemnité n'est due que lorsque les prises d'eau ou établis- 
sements dont la modification ou la suppression est ordonnée ont une existence 

LÉGALE. 

Toutefois, aucune suppression ou modification ne pourra être prononcée que 
suivant les formes et avec les garanties établies par les articles précédents. 

Ainsi nous voilà prévenus, et nous risquons fort, en prenant un 
bain, de mettre un pied, sans nous en douter, sut le domaine public , 
tout en gardant Tautre sur une propriété privée. Fait tout aussi 
curieux et conséquence naturelle, cette différence peu sensible... 
sur le terrain, si ce n est que la navigation proprement dite cesse 
pour être remplacée par le canotage de fantaisie, quand il est pra- 
tiquement possible, fait classer les archives désirables h consulter 
pour une étude de statistique, comme celle-ci, entre deux Minis- 
tères aussi : les Travaux publics (usines sur cours d'eau navigables 
ou flottables ou bien sur canaux de navigation) ; l'Agriculture 
(toutes les autres usines hydrauliques). Remarquons toutefois que, 
pour les moulins dits de marée, on n'est pas absolument fixé pour 
les placer sous la tutelle d'une Administration compétente l* qu'ils 
ne semblent pas avoir encore de règlements bien définis. Ils sont 
peu nombreux jusqu'à ce jour, mais l'utilisation des marées comme 
ressource d'énergie n'a pas dit son dernier mot. 

Pour ceux que la lecture des articles précédents aura effrayés, 
malgré la précaution d'en signaler les points essentiels, je tiens à 
appuyer sur la différence qui résultera pour les usines hydrauliques 
des deux situations envisagées. Dans le cas des cours d'eau non 
navigables ni flottables (Ministère de l'Agriculture), en se pour- 
voyant des autorisations voulues et presque toujours assez facile- 
ment obtenues, l'intention du ou des propriétaires riverains d'élever 
un barrage ne tarde pas à recevoir satisfaction, l'emploi de l'eau 
lui étant d'ores et déjà acquis. Dans le second cas, celui des rivières 
navigables ou flottables (Ministère des Travaux publics), le droit à 
l'usage de l'eau dérive d'une concession administrative; en outre, 
une redevance basée sur le nombre de chevaux-vapeur (habituelle- 



64 LA HOUILLE VERTE 

ment 75 kilogrammètres) sera imposée par TÉtat, sauf si l'usine a 
Texistence légale. Si Ton a Favantage de ne pas avoir à se soucier 
des curages, il ne faut pas oublier non plus que ces concessions 
peuvent être révoquées ad libitum sans indemnité, à la condition 
toutefois que cette révocation ne soit motivée que par des considé- 
rations ayant trait à la conservation du domaine public fluvial. En 
outre, l'usinier peut être appelé à concourir aux dépenses d'entre- 
tien du barrage qui crée la chute, alors même que ce barrage aurait 
été construit antérieurement par l'Etat dans l'intérêt de la navi- 
gation. 

On comprendra du reste fort bien qu'avec un élément aussi capri- 
cieux qu'une rivière l'Administration se voit obligée de prendre 
ses précautions, d'assurer en tout temps et en tout premier lieu le 
service de la circulation des bateaux avec un niveau aussi constant 
que possible, soit pour une rivière canalisée, soit pour un canal 
latéral à une rivière ou de jonction ; heureusement nous sommes 
en présence des gros volumes d'eau déjà régularisés par un bon 
nombre d'affluents, dont le régime n'est généralement pas modifié 
simultanément par les emplois intermittents de la force hydraulique 
pratiqués dans les vallées supérieures; les chômages périodiques 
encore résultant des travaux d'entretien obligés créeront des ennuis 
temporaires aux concessionnaires ; c'est à eux à se bien renseigner 
avant de commencer leurs entreprises sur les ressources hydrau- 
liques dont ils seront sûrs de disposer. 

L'étude toute particulière qui sera faite par la suite de la Mayenne 
navigable, dans le département du môme nom, soulèvera une 
seconde fois toutes ces questions dans un but pratique, et j'y ren- 
voie, et dès maintenant, pour plus ample documentation. 

Nous avons vu, chapitre m, les titres à faire valoir pour établir 
l'existence légale d'une usine sur les cours d'eau non navigables ; 
pour celles situées sur les cours d'eau navigables, c'est l'édit signé 
à Moulins en 1566, qui, rendant inaliénable le domaine public, 
consacre implicitement les droits des détenteurs de toutes les con- 
cessions antérieures. 

Un décret récent du l*"^ août 1905, prévu par l'article 12 de la 
loi que nous venons de transcrire, donne toutes les indications 
utiles en ce qui concerne la forme des demandes en établissement 
de barrage sur les cours d'eau non navigables ou en autorisation 



RIVIÈRES NAVIGABLES ET FLOTTABLES, NON NAVIGABLES NI FLOTTABLES 65 

d'utiliser les chutes existantes sur les cours d'eau du domaine 
public ou même d'en créer de nouvelles. 

Nous voyons donc clairement la situation fort différente créée par 
la loi pour deux usiniers exploitant les cours d'eau français; une 
grande réserve s'impose aux premiers, locataires en quelque sorte 
de l'Etat. Dans le cas des rivières non navigables, les préoccupations 
de l'Administration sont toutes différentes, car elle voit avec peine des 
ressources improductives à la portée de leurs propriétaires» La Di- 
rection de l'hydraulique et des améliorations agricoles est même 
tentée de leur dire : « Vous avez entre les mains une fortune, per- 
mettez-moi au moins de vous indiquer les meilleurs moyens de la 
faire fructifier. » Les nouveaux exemples concernant l'emploi de 
l'eau à la production de l'électricité, que j'ai relevés dans une ré- 
gion de la France, visitée avec quelque détail à ce point de vue, et 
qui feront l'objet de la deuxième partie de cet ouvrage, ont provoqué 
les encouragements que n'a cessé de me témoigner cette Adminis- 
tration. Ces sentiments de reconnaissance se sont déjà fait jour 
dans la dédicace. 

J'ai encore été tenté de désigner par une image parlant à l'ima- 
gination, comme celle de la houille verte, l'état de l'utilisation 
des rivières navigables, et j'avais songé au terme métaphorique 
aussi de houille jaune; en effet ces rivières au cours déjà majes- 
tueux ne serpentent plus dans les riantes prairies et se sont éloi- 
gnées depuis longtemps des frondaisons verdoyantes des forêts; 
leurs masses devenues imposantes, telles la Seine ou la Loire, ont 
perdu toute limpidité et sont souvent colorées du limon qu'elles 
entraînent; en temps de crue, cette nouvelle dénomination n'aurait 
même rien d'exagéré. Finalement, suivant le cours de ces rivières 
jusqu'à leur embouchure dans la mer bleue à son état normal et 
calme, on trouve encore ces moulins de marée dont il vient d'être, 
question et au régime alternatif présentant un cas tout particulier, 
régime alternatif peu propre bien entendu à l'éclairage électrique, 
le jeu des marées se faisant sentir aussi bien le jour que la nuit. 

Je n'insisterai pas sur ces deux nouvelles dénominations des 
forces hydrauliques, faisant toutefois observer que ce ne sont après 
tout que des classifications telles que nous en présente la zoologie 
entre autres. Les vertébrés ne sont-ils pas divisés en cinq classes : 
mammifères, oiseaux, batraciens, reptiles et poissons? Nous aurions 

5 



66 LA HOUILLE VERTE 

un classement analogue avec les houilles blanche^ verte^ jaune et 
bleue ^ si Ton descend un cours d'eau de sa source vers son embou- 
chure. 

Pour m'excuser d'avoir copié textuellement des articles de loi, je 
puis citer Timpor lance peu saisissable pour les profanes des 
expressions suivantes; il ne s'agit pas ici d'une virgule, mais on 
jugera cependant de la nuance administrative des termes propres; 
ainsi, pour le commun des pêcheurs, une pêche extraordinaire 
ne diffère pas beaucoup d'une pêche exceptionnelle^ car elles sont 
bonnes toutes les deux. Cependant, la première est la permission 
accordée de prendre de toute façon un poisson nuisible parce qu'il 
est devenu trop abondant, tel le brochet dans certains cas ; l'autre 
pêche, la pêche exceptionnelle, est l'autorisation de prendre du 
poisson qui est en souffrance, si l'expression est permise, c'est- 
à-dire lorsque, par suite d'un curage, d'une mise à sec, le poisson 
est exposé à périr. 

Au milieu de tout cela, il n'y a que les poissons qui sont sûrs de 
leur affaire : c'est, dans un cas comme dans l'autre, d'être frits après 
avoir été pêçhés. 



CHAPITRE VIII 



BOUES ET TURBINES 



Ce chapitre pourrait s'appeler indifféremment Roues et turbines 
ou Turbines et roues. Ces 
deux moteurs hydrauli- 
ques peuvent être placés 
du reste tout aussi facile- 
ment dans la position ver- 
ticale que dans la posi- 
tion horizontale. Chacun 
d'eux a ses partisans et 
ses adversaires, et j'ai en- 
tendu des ingénieurs com- 
pétents chercher à prou- 
ver la supériorité de la 
roue sur la turbine en 
déclarant que des fabri- 
cants de turbines se ser- 
vaient parfois de roues. 
Ce n'est pas impossible; 
il serait plus sage de re- 
connaître que, s'ils en 
usaient ainsi, c'est que la 
hauteur de la chute et 
même le débit les y 

FiG. 35. — Roue dite à cuiller, rendement environ 
avaient engages, ou en- 15 o/O (moteur hydraulique connu des Arabes). 

core que leur fabrication 

ne nécessitait pas de grandes vitesses. Au contraire, dès qu'il s'agit 




68 



LA HOUILLE VERTE 



d'actionner des dynamos et surtout les petites ou moyennes deman- 
dant de grandes vitesses, on perd dans les engrenages ou multipli- 
cations par poulies et courroies ce que la meilleure roue toujours 
lente a pu (et encore?) gagner en rendement sur sa rivale. 

La turbinelte de M. Max de Nansouty répond bien à la proprette, 
mais rageuse petite dynamo. 

Lorsque Ton visite Tolède, on ne manque pas de vous montrer, 
sur les. rives escarpées du Tage, l'emplacement choisi parles Arabes 
victorieux de TEspagne, pour y établir leurs moulins à eau. D'autres 




Communiqué par MM. Singmn et C'*, Épinal. 

FiG. 36. — Aubage de la turbine moderne, rendement 83 0/0 
(turbine Hercule-Progrès, récepteur). 

Arabes-, en Algérie, utilisent encore ce moteur hydraulique que Ton 
a surnommé ?*oiie à cuiller [fig. 35); je crois intéressant d'en rap- 
procher la turbine moderne. Ce sont bien là, après tout, deux turbines 
à axe vertical, mais quelle diiïérence de rendement fort explicable 
quand on regarde avec soin la forme des aubes ; l'art de l'ingénieur 
moderne y a apporté son fini habituel. Dans la première, l'eau n'agit 
que par le choc, et toute cette écume (ce flot d'^r^^, pourrait-on dire) 
c'est du travail perdu comme lorsque la nappe liquide se précipite 
en pure perte d'un déversoir ou d'une cascade naturelle. Dans la 
seconde, les ergs caresseront des formes arrondies, rien ne sera 
perdu, l'eau sortira sans écume d'une turbine toujours noyée, lui 
cédant au passage la presque totalité de son énergie; l'admission 



ROUES ET TURBINES 



69 



de l'eau est sagement combinée : au lieu d'une simple rigole en 
bois, un distributeur di- 
rigeant le filet de Teau 
au point oii il agira ; 
enfin le mouvement sefa 
doux et régulier, ne lais- 
sant percevoir aucun cli- 
gnotement dans une. 
lampe électHque, et cela 
sans même qu il soit 
utile d'employer des ac- 
cumulateurs , souvent 
. nécessaires comme tam- 
pons avec le piston de la 
machine à vapeur. Chez 
moi, à la campagne, je 
m'aperçois bien au volt- 
mètre du passage des 
boucles des courroies sur 
les poulies de transmis- 
sion, mais je ne puis en 
distinguer l'effet sur une 
lampe. 

Craignant d'étendre 
trop ce chapitre, je me 
borne à constater que, 
dans la roue Pelton, 
sorte de turbinette, 
pourvue d'aubages aux 
formes scientifiquement 
étudiées, on retrouve la 
position horizontale de 
l'arbre des roues telles 
qu'on les conçoit le 
plus généralement. Les 
figures 38 et 39 montrent quelques types de roues bien connus, 
prises toutes deux dans les départements de la région Normande. 
Une des roues les plus recommandables comme rendement est 




FiG. 37. — Turbine à axe vertical 
(Hercule-Progrès, Singrûn) 

I, axe vertical. — C, pivot sous la crapaudine. — H, aubes. — 
L, aubes directrices du courant. — K, vanne. — 0, crémaillère 
manœuvrant la vanne. 



LA HOUILLE VERTE 



la roue Sagebien; pour braquer sur elle l'objectif d'un appareil 
photographique, il faut avoir la chance de se trouver là pendant 
les travaux de réparations, car ensuite on a soin de protéger, par 
un abri en maçonnerie ou planches, les palettes d'une roue qui, 
restant humides pendant les arrêts, seraient exposées aux ardeurs 
du soleil. Les figures 94 et 116 représentent cette disposition. 

Un autre défaut de ces grandes et belles roues, c'est d'être fort 
coûteuses ; puis encore, elles sont encombrantes ; la turbinette se 




FiG. 38. — La roue Sagebien du moulin de Quincampoix, 
sur la Riile, en réparation (Eure). 



logera n'importe où, et sera toujours satisfaite pourvu que vous 
lui ameniez, par une conduite d'un diamètre suffisant, la quantité 
d'eau qui lui sera nécessaire, et que vous assuriez l'écoulement 
bien régulier de cette eau à la sortie. 

Enlin n'oublions pas que, si Ton avait (j'en ai cité un exemple 
au chapitre iv, p. 25) construit dans la Manche, à Mortain, une 
roue de 13 mètres de diamètre (presque une rivale de la Grande 
Roue... de Paris), on a pu la remplacer, depuis, par deux turbines. 
Autrefois encore on disposait, dans un même établissement, lorsque 
la chute était suffisamment élevée, deux roues recevant Teau suc- 



ROUES ET TURBINES 71 

cessivement; on les appelait roues superposées. J'ai encore vu un 
exemple de ce cas dans le Calvados (près Thury-Harcourt). 

La photographie produite [fig. 39) mérite bien notre attention 
par la médiocre impression qu'elle nous laissera, lorsque Ton 
apprendra qu'on pouvait utiliser à ce barrage une puissance de 
143 chevaux sur la Vire navigable, à Tessy. On peut se demander 
quel en fut le constructeur primitif. Tous les enfants ont plus ou 
moins fabriqué des roues, profitant de n'importe quel ruisseau ; on 
barbote, c'est déjà un bonheur. Un couteau, un bout de planchette, 




FiG. 39. — Ancienne roue à palettes, sur la Vire canalisée à Tessy (Manche). 

un bois rond suffisent à ce travail, et ça tourne toujours un peu. 
Cette roue primitive a été sans doute aussi l'enfance de l'art hydrau- 
lique : on Ta appelée roue à palettes. 

Les grands enfants qui avaient établi la roue photographiée à 
Tessy ont eu des héritiers plus pratiques, et Ton ne s'étonnera pas 
d'apprendre, en examinant les emplois hydro-électriques du dépar- 
tement de la Manche, que, si l'on a gardé cet instrument hydrau- 
lique archaïque pour écraser parfois un peu de moutures pour les 
bestiaux, on lui a adjoint une bonne turbine actionnant le jour 
une scierie, le soir venu, une dynamo pour l'éclairage, et le restant 
de la nuit, chargeant des accumulateurs. Mais, avec une chute éle- 



72 



LA HOUILLE VERTE- 



vée, on peut avoir recours surtout à la roue à augets ; avec celle-ci, 
l'eau arrive par le dessus, remplit des compartiments et agit par 
son poids, mais jusqu'à la moitié de la hî^uteur de la roue environ, 
puisque, arrivée là, il faudra bien qu'elle en ressorte, et c'est 
autant de perdu de la hauteur de la chute. 




Fio. 40. — Vannes coupées formant déversoir pour niveau 
abaissé provisoirement [les Masselins, à Chandai (Orne)]. 



Notre rôle impartial nous oblige à signaler cependant un des 
défauts des turbines; comme tout organisme délicat, elles veulent 
de Teau bien propre, nécessitant des grilles plus fines que les roues 
retenant les malpropretés trop fréquentes dans les rivières, et, s'il 
surgit à l'automne un bon coup de vent, les feuilles mortes, armée 
lilliputienne, boucheront les grilles, ligotteront à chaque instant le 
géant. Il faut se méfier de cette couche dorée, mais traîtresse, de 



ROUES ET TURBINES 




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74 



LA HOUILLE VERTE 




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ROUES ET TURBINES 75 

feuilles mortes; cet inconvénient s'est présenté quelquefois chez 
moi, et il est insurmontable; il ne reste alors qu'à allumer les 
anciennes lampes qui, du reste, sont toujours prêtes, pour parer 
à l'imprévu. Ce détail est aussi bien connu, même pour les puissantes 
chutes d'eau de la Suisse : on dit que les grilles sont feutrées. 

Si l'on a des accumulateurs, naturellement le mal est moindre. 
M. Max de Nansouty, dont le nom revient souvent ici, et c'est toute 




FiG. 43. — Appareil régulateur de niveau d'eau, en amont des usines hydrauliques 

(breveté S. G. D. G.). 

V, vanne. — A, axe élevé. — S, seuil. — C, chariot lesté roulant sur rails courbés. — R, réservoir alimenté 

f>ar le niveau du bief. — D, dépense d'eau invariable. — F, flotteur actionnant le chariot C agissant comme 
évier sur la vanne V. 



justice, puisqu'il s'est déclaré l'ami intelligent des turbines, a 
indiqué le moyen suivant pour obvier à ce grave défaut. On peut, 
à cette époque de la chute des feuilles, pouvant durer trois semaines 
ou un mois, suivant les contrées, mais avec des intermittences, 
placer en avant des turbines une légère fermeture provisoire, coupée 
vers le milieu par un tambour garni de grillage métallique que la 
turbine entraîne dans sa course ; les feuilles viendront se coller 
contre le devant du grillage, puis, quand le tambour aura fait un 
quart de tour, le courant les en détachera au passage, elles tourbil- 



LA HOUILLE VERTE 



lonneront quelque temps dans la chambre à eau et seront finalement 
entraînées à travers la turbine, à laquelle elles ne sont, du reste, 
plus nuisibles. Toutefois, cette disposition devra être préservée par 
une première grille aux barreaux assez espacés pour laisser passer 
les feuilles, mais retenant les épaves de nature à arrêter la marche 
du tambour, tels que branches, soliveaux et jusqu'aux... palettes 
des moulins supérieurs qu'il m'est arrivé de repêcher dans la 
rivière. 

Dans ce chapitre, consacré aux moteurs hydrauliques, on ne 
peut négliger la question des déversoirs, un des éléments obligé et 
nécessaire de tout barrage. Ils sont généralement destinés, par leur 
création môme, à ne permettre l'écoulement de l'eau qu'en cas de 
crue, de force majeure, et sont établis à la hauteur même du repère 
fixé par l'Administration, après accord avec les riveraiiji^ intéressés. 
Afin de garder sa plus belle hauteur à la chute d'eau, on s'en 
approche le plus possible; on doit cependant se bien garder de 
l'atteindre. En cas de surabondance d'eau, comme c'est généra- 
lement mon cas, on peut diminuer la hauteur de la chute en 
enlevant la partie supérieure des vannes de décharge, et re- 
trouver facilement, la hauteur totale quand le besoin des irriga- 
tions se fait sentir, en rapportant sur la crête de ces vannes des 
pièces mobiles. La figure 40 montre cette disposition. Dans d'autres 
cas, et surtout si les vannes de décharge sont assez éloignées de 
l'usine, ou encore si l'on désire s'éviter la peine de les manœuvrer, 
manœuvre souvent délicate, on peut avoir recours à des vannes 
régulatrices dont les photographies ci-jointes [fig, 41 et 42) com- 
plètent le schéma descriptif {fig. 43). Le principal dispositif est 
l'action du flotteur faisant agir un poids comme levier pour l'ouver- 
ture ou la fermeture de ces ingénieuses vannes. Un bon témoignage 
du succès de cet appareil est l'application que les inventeurs en ont 
faite chez eux, à Montfort-sur-Rille ; la photographie que je pro- 
duirai alors dans le département de l'Eure {fig, Hl) a été prise par 
moi-même et confirme le proverbe qu'ils ont appliqué : Charité 
bien ordonnée commence par soi-même. 

Pour terminer ce chapitre, les indications nécessaires pour se 
renseigner sur un des facteurs d'une force hydraulique, le débit: 

« Pour connaître la quantité d'eau passant sur un déversoir, il 
K suffira de mesurer, avec précision, l'épaisseur A de la lame d'eau. 



ROUES ET TURBINES 




FiG. 44. 



Table des Débits par Mètre de Largeur du Déversoir 



-== 


Litres 




Litres 




Litres 




Litres 




Litres 


h 


par 


h 


par 


h 


par 


h 


par 


h 


par 




secondé 




seconde 




seconde 




s-econde 




seconde 


Ml 


1,8 


0,37 


251 


0.53 


602 


OJO 


1260- 


1.35 


2501 


•.M 


5 


0,38 


265 


0,51 


712 


0.80 


1283 


1,30 


2659 


•.03 


9 


0,30 


280 


0,55 


73^ 


0.81 


1308 


1.35 


2814 


•.•4 


14 


0,80 


294 


0,50 


752 


0,83 


1332 


1,40 


2971 


0.05 


ao 


0,81 


309 


0.57 


772 


0,83 


1357 


1,45 


3132 


•,o« 


26 


0,33 


324 


0,58 


792 


0,84 


1383 


1,50 


3295 


f,07 


33 


0,88 


340 


0,50 


813 


0,85 


1406 


1,55 


3462 


•,08 


40 


0,34 


355 


0,60 


834 


0,86 


1431 


1,60 


3630 


0,00 


48 


0,35 


371 


0,01 


855 


0.87 


1458 


1,65 


3802 


•.«0 


56 


0,30 


387 


0,63 


876 


0,88 


i481 


1,70 


3977 


0.11 


65 


037 


403 


0,63 


897 


0.80 


1506 


1.75. 


4153 ■ 


0.11 


1\ 


0,88 


420 


0,04 


918 


0,00 


1532 


1,80 


4332 


•,« 


84 


0.30 


436 


0,65 


940 


0,01 


1557 


1,85 


4514 


9Ak 


9% 


0.40 


453 


0,60 


962 


0.03 


1583 


1,90 


4598 


0,15 


104 


0.41 


470 


0,07 


984 


0,08 


1609 


1.05 


4884 


0,fC 


114 


0.43 


'488 


0,68 


1006 


0,04 


1635 


3,00 


5074 


0.17 


125 


0,43 


505 


0,60 


1028 


0,85 


16til 


3,10 


5459 


0,« 


137 


0,44 


523 


0,70 


1061 


0,06 


1687 


3.30 


5854 


0.10 


14» 


0,45 


541 


0,71 


1073 


0,87 


1714 


3,30 


6257 


' o,so 


160 


0,4Ç 


559 


0,73 


1090 


0,08 


1740 


3,40 


6669 


0.J1 


172 


0,47 


578 


0,78 


1119 


0.90 


1767 


2,50 


7091 


>.« 


185 


48 


596 


0,74 


1142 


1,00 


1794 


2,60 


7521 


0,23 


197 


0,40 


615 


0,75 


1^65 


1.05 


1930 


3,70 


7959 


0,34 


210 


0.50 


634 


0,76 


1189 


1,10 


2069 


2,80 


8405 


0,35 


224 


0,51 


653 


0.77 


1212 


M5 


2212 


3,00 


8860 


0,S« 


237 


0,52 


672 


0,78 


1236 


1,30 


2358 


3,00 


9321 



EXTRAIT du CATALOGUE GÉNÉRAL de MM. SII^GRUN FRËRES, Ingénieun-Constructeurt, L 'iNAL 



IJL HOUILLE VERTE 



« et Ton trouvera dans le tableau le nombre de litres passant par 
« seconde et par chaque mètre de largeur du déversoir. » 




Fio. 45. — Un des deux coursiers de rancienoe Tréfilerie 
de Chandai, inutilisé (chute de i",65). 

il passe ici environ 100 litres par seconde, ce qui fait encore 165 J(ilogrammèlres 
et Qnalement 2 chevaux ou 20 lampes. 

Enfin, comme toujours, la figure 45 apporte le témoignage pho- 
tographique à Tappui de ce qui précède. 



CHAPITRE IX 
MOTEURS DE SECOURS ET ACCUMULATEURS 



Tous les deux sont d'un bon secours pour les forces hydrauliques, 
aussi bien pour les plus importantes que les plus minimes; on les 
trouve réunis parfois dans un môme établissement; d'autres fois, 
on n'a recours qu'à l'un des deux; quand on peut s'en passer, c'est 
évidemment mieux, mais cela dépend avant tout de la proportion 
entre l'usage exigé et la puissance effective d'une force hydraulique ; 
on entend par là non pas sa puissance moyenne, mais bien les 
variations que cette puissance même subit. C'est ce qui a déjà été 
expliqué en partie dans le premier chapitre au sujet des chevaux 
périodiques. En un mot, les moteurs de secours sont des chevaux 
de renfort pour passer, gravir, pour ainsi dire, les parties des 
courbes des débits des rivières au point défectueux. 

Par moteurs de secours, j'entends toutes les machines auxiliaires, 
aussi bien celles au charbon quelle moteur à essence ; je ne préfère 
pas plus la turbine à vapeur que la nouvelle utilisation du gaz 
pauvre; enfin, lorsque l'alcool pourra utilement prendre rang 
parmi ceux-ci, ce sera encore tout bénéfice pour l'agriculture, l'alcool 
étant un produit indirect et renouvelable de la terre, et non un capital 
légué par la période préhistorique de notre globe, comme la houille. 

II reste entendu que nous n'entamerons pas ici un cours de 
mécanique; les ouvrages traitant des moteurs en général ne 
manquent pas. 

Ce qu'il nous faut considérer en premier lieu, c'est le combus- 
tible, qui se dépensera dans ces moteurs de secours, et il n'est 
pas sans intérêt, au moment d'aborder la question, de renvoyer 
aux belles paroles de M. Paul Leroy-Beaulieu, déjà citées au 
chapitre i. Une fois le charbon brûlé, il ne reste plus que de la 



80 LA HOUILLE VERTE 

cendre, ne reconstituant jamais du charbon; c'est donc indéniable- 
ment une dépense à porter au devoir du compte de caisse terrestre 
et qui ne se balance pas. Sans lui attribuer une importance exces- 
sive, ce fait a commencé à préoccuper les générations actuelles ou, 
du moins, le monde scientifique ; certaines contrées très produc- 
tives en houille ont été jusqu'à vouloir connaître leur actif dans ce 
compte capital du charbon. Du nombre est l'Angleterre, la principale 
importatrice en France, et, par conséquent, cet essai d'inventaire 
nous regarde aussi tant soit peu. 

Le Gouvernement Anglais a nommé à cet effet, en décembre 1901, 
une Commission chargée d'étudier la quantité de charbon encore 
exploitable à l'heure actuelle dans les mines de ce pays. Cette Com- 
mission vient de publier la première partie de son rapport. Elle 
estime cette quantité à 101 milliards de tonnes, chiffre supérieur 
d'environ 10 0/0 à celui admis par la Commission nommée en 1871. 
Cette augmentation provient, d'une part, de la différence entre les 
surfaces exploitables admises par les deux commissions, et, d'autre 
part, de sondages récents, qui ont permis de mieux connaître la 
puissance des couches de houille. Dans son estimation, elle consi- 
dère comme exploitables toutes les couches ayant plus de 0",30 
d'épaisseur jusqu'à une profondeur de 1.200 mètres. Si, cependant, 
suivant l'avis de certains ingénieurs, on admet une profondeur 
exploitable de 1.500 mètres, cette quantité serait augmentée d'au 
moins 5 milliards de tonnes. 

Si, à ces mines actuellement concédées, on ajoute celles encore 
non concédées, mais dont l'existence est toutefois reconnue, y com- 
pris celles au-dessous de la mer, on trouve un supplément d'environ 
39 milliards de tonnes, en s'arrêtant à 1.200 mètres de profondeur. 

Jusqu'à 1.200 mètres de profondeur, 79,3 0/0 de la masse de 
charbon exploitable se trouve, d'après la Commission, dans des 
couches de plus de 0°',60 d'épaisseur et 21,6 0/0 dans des couches 
dont l'épaisseur varie entre 0°',45 et 0°',60. 

Cette quantité exploitable de 101 milliards de tonnes représente, 
en admettant l'extraction annuelle de 230 millions de tonnes par an, 
une durée de plus de quatre cents ans : durée pouvant être réduite, 
il est vrai, par l'accroissement de l'extraction annuelle de la houille 
{elle est actuellement de 2,5 0/0 de la réserve totale) et par l'accrois- 
sement de l'exportation qui est de 4,5 0/0, mais qui pourra être 



MOTEURS DE SECOURS ET ACCUMULATEURS 81 

compensée par les 5 milliards en réserve entre les profondeurs de 
1.200 et 1.500 mètres. 

Ces lignes sont extraites du journal la Nature du 15 avril 1905, 
qui passe généralement pour une publication des plus sérieuses et des 
plus sûrement documentées. J'ai préféré cette citation textuelle^ ne 
voulant pas m'exposer à être suspecté d'exagération, en produisant 
des appréciations qui ne peuvent être que favorables à la houille verte. 

Cette même publication, la Nature (9 novembre 1901), va nous 
dire brièvement par des chiffres le mouvement commercial du char- 
bon en France; ces chiffres, comme ceux qui vont nous servir pour 
l'estimation des forces hydrauliques de la deuxième partie de cet 
ouvrage, résultent des dernières statistiques officielles, celles con- 
cernant 1899. La France a extrait, cette année-là, de son propre 
sol, 32.863.000 tonnes de combustible d'une valeur de 407 mil- 
lions de francs. La consommation en cette année 1899 s'élevant à 
45.228.000 tonnes, notre production n'attçignit donc que les trois 
quarts (75 0/0) de ce qui nous est nécessaire. 

L'importation d'environ 13 millions de tonnes se répartit ainsi, 
quant à sa provenance : 

Angleterre 6.720.000, soit 50,3 0/0 

Belgique 5.732.000 — 35,5 — 

Allemagne 1.871.000 — 14,0 — 

Autres pays 27.000 — 0,2 — 

Comme nous exportons aussi un peu, les houilles étrangères 
atteignent même 29,5 0/0 de notre consommation. 

Pour terminer ce sujet, je puis encore donner ci-dessous, d'après 
des données sérieuses [Économiste français du 19 mars 1904 : 
les Charbons dans le monde, Ed. Lozé), les prix moyens de la tonne 
de houille aux lieux d'extraction et de consommation pour vingt 
années consécutives : 



1883 12^50 2|f » 

1884 12.33 21 » 

1885 11,73 20,89 

1886 11,10 19,75 

1887 10,63 19,7.5 

1888 10,31 19,12 

1889 10,42 20,38 

1890 11,94 22,5i 

1891 13,25 21,61 

1892 12 ,40 20 ,38 



189:i llf,49 20f,03 

1894 11,22 19,73 

1895 10,01 19,66 

1896 10,84 19,44 

1897 10,85 18,73 

1898 11,22 19,46 

1899 12,41 22,89 

1900 '. 14,95 26,57 

1901 15,69 25 ,o9 

1902 14,55 23,72 

6 



82 LA. HOUILLE VERTE 

D'après cette même statistique, publiée annuellement par le 
Ministère des Travaux publics, examinons tout de suite la situation 
de nos huit départements de la région Normande et même produi- 
sons-les sous la forme d'un tableau (p. 83), y joignant encore la 
production minérale, qui offre un certain intérêt, après les considé- 
rations géographiques du chapitre iv. 

Pour achever la constatation du dualisme des emplois des houilles 
noire et verte dans TOrne, nous produisons les deux cartes suivantes : 
La première carte, celle que nous retrouvons plus loin à sa véritable 
place en traitant des usines hydrauliques du département de TOrne,. 
fut produite telle qu'elle figure ici [fig, 46) dans le Petit Temps du 
23 avril 1903 et était accompagnée d'un article intitulé la Houille 
verte française^ sur la haute portée duquel nous aurons l'occasion 
de revenir par la suite. La seconde {fig, 47) est celle que j'ai établie 
d'après le tome I de la publication : Répartition des forces motrices 
en 1900, qui est consacrée aux Motetn^sâ vapeur; elle va nous donner 
très exaclenient les principaux emplois de ces forces à cette époque. 

A rencontre des forces hydrauliques, les machines à vapeur se 
fixent n'importe où, telles que les machines à battre, les pompes 
d'épuisement, les rouleaux compresseurs des routes et surtout... les 
locomotives; c'est même leur raison d'être, et leur nom l'indique 
assez; ces dernières ne sont pas comprises dans l'état présent, 
étant recensées en bloc et par compagnie de chemin de fer. Il m'a 
donc fallu grouper ces forces tant soit peu vagabondes, autour du 
nom de la commune, et ce groupement m'a suffi pour arriver au 
résultat que l'on saisit sur la seconde carte. Par conséquent, la 
grandeur des ronds portés à l'emplacement même de chaque com- 
mune est proportionnelle au nombre de chevaux-vapeur utilisés 
dans cette commune. Du reste, la légende précise encore mieux ce 
classement. 

Nous remarquons tout d'abord que, sur les 511 communes de 
l'Orne, il n'y en a que 161 à abriter au moins une machine à vapeur; 
les forces hydrauliques, naturellement plus éparpillées, s'étendent 
sur 265 communes; donc près du tiers en plus. La plus forte réunion 
est Fiers, avec 1.922 chevaux au charbon répartis entre 23 établisse- 
ments; on sait que cette ville s'est élevée comme par un coup de 
baguette magique, et que les tissages y sont en majorité. C'est donc 
une reine créée parle charbon. Puis les usines de Boisthorel (com- 



MOTEURS DE SECOURS ET ACCUMULATEURS 



83 



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84 LA HOUILLE VERTE 

mune de Rai-sur-Rille, près Laigle) occupent le second rang avec 




1.652 chevaux; elles produisent une grande quantité de fils et câbles 
pour Télectricité ; c'était, au début, une simple tréfilerie... hydrau- 



MOTEURS DE SECOURS ET ACCUMULATEURS 85 

lique. La Ferté-Macé arrive ensuite avec 687 chevaux, dans 16 éta- 







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blissements, la plupart de tissage; enfin, les 5 filatures et tissages 
qui emploient conjointement des forces hydrauliques et à vapeur 



86 LA HOUILLE VERTE 

atteignent dans la commune d'Athis 586 chevaux au charbon. Sur 
ces quatre points, l'échelle exacte de mes ronds noirs eût été trop 
forte; ils auraient envahi la carte, mais un cercle placé autour 
et un chiffre mis à côté expliquent cette anomalie. 

Un fait saute aux yeux en comparant les deux cartes : le charbon 
s'est porté sur les deux zones déjà les plus denses en forces hydrau- 
liques : au Nord-Est, la vallée de laRille; au Nord-Ouest, celle de la 
Verre. On peut donc dire qu'il n'y a eu ni concurrence, ni lutte 
entre les deux genres de forces motrices sur ces points extrêmes du 
département, où l'industrie avait déjà poussé depuis longtemps de 
profondes racines. 

Une dernière remarque : l'extension prise par les moteurs au 
charbon se manifeste encore visiblement aux points de bifurcation 
des voies ferrée$, la dispersion des produits fabriqués s'y trouvant 
facilitée. 

J'ai cru intéressant de porter sur ma carte les lignes de chemin 
de fer. Ne sont-ce pas en quelque sorte les rivières qui déversent 
sur notre soi ces torrents de houille noire, mais non sans... y goûter 
en route? 

Finalement, en 1900 on comptait dans l'Orne : 131 machines à 
battre le grain, 30 scieries mécaniques, 16 minoteries, 18 tissages 
divers et 13 filatures, enfin 13 ateliers de mécaniciens; puis les 
moteurs ne dépassant pas une dizaine de chevaux se répartissaient 
entre 123 emplois divers, jusques et y compris 1 pompe à incendie! 
Ce total de 344 moteurs au charbon, rapproché de celui de 512 chutes 
hydrauliques utilisées à la même époque, laisse* encore l'avantage 
du nombre à celles-ci. (Le chiffre de 512 va se trouver détaillé à sa 
place en examinant le département de TOrne.) La force nominale est 
de 7.000 chevaux-vapeur pour les moteurs au charbon, tandis que 
pour les forces hydrauliques de tout le département elle sera de 
10.800 chevaux utilisables et 4.000 environ utilisés. La proportion 
est donc renversée : pour le charbon plus de chevaux, moins d'éta- 
blissements. Du reste, les trois traits en haut de la seconde carte 
cherchent à rendre visible cette relation. Il faut espérer que l'on 
arrivera à mieux répartir entre ces deux modes d'énergie les exi- 
gences du travail industriel de ce département, puisque c'est pos- 
sible, et alors TOrne occupera un rang plus convenable parmi les 
départements de France et ne serait privé que pour la moitié de sa 



MOTEURS DE SECOURS ET ACCUMULATEURS 87 

force totale, en cas d'une disette de charbon, si Ton arrivait à deman- 
der autant de chevaux aux forces hydrauliques qu'aux moteurs à 
vapeur. Ajoutons que quelques machines, dans les scieries, peuvent 
bien se chauffer avec les croûtes et les déchets, ' mais cela n'altère 
pas beaucoup la dépense du charbon. 

Il n'est pas sans intérêt de rapprocher le chiffre de 344 machines 
à vapeur, de .celui que fournit un état analogue dressé vers 1850, 
époque également d'un grand recensement : on trouvait alors 
25 machines à vapeur dans l'arrondissement d'Argentan, 9 dans 
celui de Domfront, 2 dans celui de Mortagne et aucune dans celui 
d'Alençon; total, 36 seulement! Comment pouvait-on vivre? On voit 
que le progrès ne marche pas sans quelques dépenses, et il est 
permis de supposer qu'à cette époque on ne songeait guère aux 
45 millions de tonnes de charbon qu'il fallait déjà en 4900 à la 
France. 

Le recensement de 1900, dont il vient d'être longuement ques- 
tion, a complètement négligé une source d'énergie, assez incons- 
tante, il faut le reconnaître, que la grande statistique de 1850 avait 
cependant soigneusement relevée : celle des moulins à vent. Ils 
sont, comme je le prouverai parla suite, en traitant l'Eure-et-Loir, 
le plus souvent dans les pays de plaine, une compensation à l'ab- 
sence de l'énergie possible à demander aux rivières. Il serait fas- 
tidieux d'en donner ici l'énumération par département et je renvoie 
à cet effeft à un ouvrage facile à consulter à la Bibliothèque natio- 
nale de Paris (casier T : 532-7, t. Il), me bornant à indiquer le 
nombre signalé alors pour les sept départements de la région étu- 
diée : Orne, néant, région accidentée; Eure-et-Loir, 174, région 
plate; Sarthe, néant; Mayenne, 97, tient des deux; Manche, 29; 
Calvados, 5; Eure, 8; total, 313. Il serait intéressant d'en connaître 
le relevé à notre époque; pour ma part, j'en ai constaté beaucoup 
en activité dans la partie de la Beauce voisine de Ghâteaudun. 

Après ces nombreuses remarques, je puis, sans autres commen- 
taires, passer anx autres moteurs auxiliaires. Les moteurs à gaz 
des villes et les installations dites au gaz pauvre employant la plupart 
du temps le charbon, groupe du môme ordre (usine à gaz minus- 
cule pour un seul moteur), rentrent dans la catégorie précédente 
des machines consommant de la houille. Mais le récent moteur 
à pétrole ou à alcool mérite toute notre attention et à plusieurs 



88 



LA HOUILLE VERTE 



points de vue : il se fait pour de très petites forces et est, par 
conséquent, apte à s associer aux forces hydrauliques également 
assez minimes; il se met en marche presque instantanément (dix 
minutes au plus pour les bons moteurs fixes), sans aucune perte de 
temps comme avec la machine à vapeur nécessitant un temps de 
chauffe préparatoire. Toutefois lusage de l'alcool présente des 
inconvénients : les vapeurs d'eau résultant de l'alcool altèrent le 
moteur quand on le laisse sans un nettoyage très soigneux après 
chaque usage, tandis que le pétrole otfre même cet avantage de 
permettre de longues interruptions et de retrouver au moment 




g. lièyer de/t. 



FiG. 48. — Moteur à pétrole. 



A, cylindre. — B, piston. — C, bielle. — D, pompe à pétrole. — E, tube d'allumage. 
F, lampes d'allumage. 



voulu un moteur qui n'en aura pas souffert. Quelques notions élé- 
mentaires sur cet intéressant petit auxiliaire me paraissent donc 
tout indiquées {fig, 48). 

Tandis que les moteurs à vapeur se contentent de deux temps 
(introduction de la vapeur, puis échappement), il en faut quatre 
pour le moteur à pétrole, le piston et la transmission du mouve- 
ment à un arbre coudé par une bielle restant les mêmes que dans 
la machine à vapeur : 1° le piston lancé à la main aspire de l'air 
auquel se mêle un jet de pétrole pulvérisé ; celui-ci se vaporise, de 
telle sorte qu'à fin de course le cylindre est plein d'un mélange 
d'air et de vapeur de pétrole ; 2° le piston revient en arrière et com- 
prime le mélange; 3° sous l'effet de la compression le mélange 



MOTEURS DE SECOURS ET ACCUMULATEURS 89 

pénètre dans un tube maintenu incandescent, par une petite lampe 
à pétrole souvent; l'allumage se produit et l'explosion chasse en 
avant le piston : c'est la période de travail ; 4° enfin, le piston 
revient de nouveau en arrière entraîné par la vitesse acquise et 
chasse les gaz brûlés hors du cylindre... pour recommencer. 

C'est simple, mais il y a encore quelques questions d'allumage, 
réglage, graissage, etc., qui demanderaient des explications un 
peu trop longues ici, toutes choses qui exigent des soins beaucoup 
plus minutieux qu'une turbine hydraulique par exemple. Nous ne 
pouvons cependant omettre d'ajouter que, sans la précaution néces- 
saire de maintenir une circulation d'eau froide dans certaines par- 
ties de ce moteur, l'explositm qui s'y produit pourrait ne pas se 
borner à chasser utilement le piston, mais bien provoquer des 
accidents graves; il faut donc avoir recours à ces moteurs, mais 
non sans les connaissances et la pratique exigées. 

Ce nouveau moteur, fort répandu maintenant aussi bien pour 
Tautomobilisme que pour la navigation de plaisance et qui, comme 
on le verra dans la deuxième partie, pénètre petit à petit dans le 
domaine industriel, nous incite naturellement à rechercher la pro- 
venance et les ressources disponibles, à l'intérieur du sol, de 
pétrole. 

Le pétrole se trouve en général dans de vastes poches iaclinées, 
ou sont superposés, par ordre de densité, de l'eau, du pétrole et 
des gaz sous forte pression. Si la sonde perce la poche à sa partie 
supérieure, les gaz s'échappent et Ton est ensuite obligé de puiser 
le pétrole à l'aide de pompes. Si la sonde atteint au contraire la 
partie inférieure de la cavité, le liquide pressé par le gaz monte à 
la surface du sol et jaillit avec une force plus ou moins grande, 
parfois même avec une violence désastreuse. On cherche alors à 
capter l'huile dans de grands réservoirs creusés dans le sol où elle 
forme des lacs artificiels. On s'efforce surtout de boucher l'orifice 
du puits à l'aide d'une disposition qui permette de régler le débit. 

L'origine du pétrole est encore incertaine. On a pensé tout 
d'abord, comme pour la houille, à la décomposition des anciens 
végétaux. Aujourd'hui on est plutôt porté à croire qu'il s'est formé 
aux dépens de matières organiques d'origine animale provenant de 
mers primitives. (On aurait pu s'en douter au parfum peu odorant 
des autos, ce qui s'explique encore puisque l'on consomme du pois- 



9J 



LA HOUILLE VERTE 



son attendant depuis quelques siècles et manquant de fraîcheur.) 
Une autre opinion très accréditée attribue Torigine du pétrole à 
Faction de l'eau sur des carbures métalliques contenus dans 
Tintérieur du globe : donc origine ignée. Dans le premier cas, les 
ressources seront aussi limitées comme celles du charbon; dans le 




FiG. 49. — Type d'accumulateurs pour batteries fixes. — Bac en verre. 
Plaques positives et plaques négatives. 



second cas, on... refroidit la terre; c'est tout simplement effrayant ! 
Cette histoire de bonnes ou mauvaises poches n'est pas inutile à 
retenir pour les Européens qui cherchent à... redorer leurs blasons 
en Amérique; en faisant leur choix, ils auront encore à souhaiter 
que le futur beau-père perce toujours de bonnes poches; dans ce 
cas, c'est le milliard assuré, mais autrement ce n'est vraiment pas 
la peine de courir si loin les chances de la fortune. 



MOTEURS DE SECOURS ET ACCUMULATEURS 



91 



Il ne nous reste plus qu'à examiner un dernier mode de secours 
des petites forces hydrauliques, et c'est en même temps un de ceux 
qui promettent le plus d'espérances : Y accumulateur [fig, 49). 
Dans le cas qui nous intéresse ici, en tant qu'auxiliaire fixe de la 
production de l'électricité elle-même, on peut dire que l'accumu- 
lateur, c'est du plomb, beaucoup de plomb. Inventé par Gaston 
Planté, sous le nom de pile secondaire, l'accumulateur avait 




Fig. 50. — Plaque positive en plomb pur avant le garnissage 
de la matière active. 



gardé quelque temps le nom de son inventeur. Il donne une 
tension voisine de 2 volts par bac ou élément, selon son degré 
de charge, selon qu'il a l'estomac plus ou moins rempli d'électri- 
cité; mais que l'on prenne garde de troubler cette digestion déli- 
cate, car l'accumulateur ne supporte pas de brusquerie, et la 
pâmoison l'atteint vite, si on le laisse trop longtemps à jeun ; le 
plomb, dont il est composé, devient spongieux et, sous l'action 
de l'acide sulfurique qui, en temps ordinaires, lui facilite l'assimi- 
lation de l'électricité, s'effrite, tombe au fond des bacs. L'accu- 



92 



LA HOUILLE VERTE 



miilateur no se prôte pas non plus à des renversements de pôles 
comme la dynamo; habitué à recevoir par la plaque qui a été 
formée dans ce but le courant du sens positif {fig. 50), par 
exemple, il n*en voudra pas d'autre, sous peine de destruction 
encore. Enfin, autre grave défaut, si c'en est un, le travail seul 
entretient son bon état, et un accumulateur livré à lui-même vieil- 
lit, pord de sa valeur. 




Fio. 51. — Plaque négative en plomb antimonieux 
avant le garnissage de la matière active. 



Cependant nous le trouverons, malgré ses imperfections actuelles, 
dans plus de la moitié des stations centrales que nous examinerons. 
Le meilleur motif en est que la fabrication de la plaque demande 
surtout de Télectricité et de... la patience; or nos électriciens dis- 
posent des deux dans la journée, en attendant Theure de Tentrée en 
jeu de leur usine, l'heure de l'éclairage ; aussi on trouve déjà parmi 
eux quelques amateurs de ce passe-temps. J'ai même vu certains 
d'entre eux procéder à cette fabrication avec d'anciens tuyaux de 
plomb achetés à bon compte ; une belle revanche à l'égard de l'in- 
dustrie du gaz et du charbon qui ne voit pas toujours d'un œil très 



MOTEURS DE SECOURS ET ACCUMULATEURS 



93 



tendre sa toute jeune rivale. J'ai même entendu dire que la pre- 
mière en date craignait de nouvelles exigences en présence des 
succès de Téclairage électrique et exploitait les fautes commises 
quelquefois par les exploitants un peu négligents, surtout dans le 
cas de l'éclairage des rues par les lampes à incandescence. 



AC CUMULAT CUI19 



cciAmACc 




rH-i 



O CHAHCe U— ÎLUiJ 0tCHM«O— '^^' 

LJ — 4i- 



H-î 



m \k 

INTEBRUPTEUt 

m (2) 
CoMpa^Ctroui i 



H.-|^^<;^ 




Cireuib 



Communiqué par MM. A. Heinz et C*, Patois. 

FiG. 52. — Schéma d'un tableau normal pour éclairage par dynamo et accumulateurs, 
permettant l'emploi successif ou simultané, ainsi que la charge de la batterie. 



Quand la lumière électrique n'est pas d'un éclat suffisant, on accuse 
toujours le directeur de la station centrale de ne pas disposer 
d'assez de force, et on cherche à lui imposer le moteur de secours, 
toujours onéreux pour lui ; or c'est le directeur qui est souvent le 
seul coupable. Les conseils qui vont suivre sont bien à leur 
place ici. 



94 



LA HOUILLE VERTE 



Pour Téclairage extérieur, la lampe à filament doit être poussée 
et assez souvent remplacée pour donner toujours une lumière bien 
blanche. En d'autres termes, il ne faut mettre que des lampes au- 
dessous du voltage de distribution, tandis que celui-ci peut être au 
contraire très suffisant dans les appartements; Texpérience m'a 
permis de constater l'avantage qui résulte de Temploi des lampes 
poussées pour l'éclairage des rues. Si dans ce cas les lampes s'usent 
plus vite, il faut bien se dire qu'elles sont tombées maintenant à 




FiG. 53. — Batterie d'accumulateurs de la station centrale 
de Beaumont-le-Koger (Eure). 

des prix si modiques que la lumière yaM/îe et maussade mécontentant 
les promeneurs n'est pas à faire entrer en ligne de compte avec 
l'économie des lampes au voltage régulier, qui dureraient plus 
longtemps. 

Un autre défaut de l'éclairage des rues consiste à omettre d essuyer 
t ampoule électrique; c'est si commode d'allumer toute la petite 
ville par la manœuvre d'un seul interrupteur, que ce petit soin de 
propreté est la plupart du temps négligé; il en résulte encore une 
diminution d'éclairage beaucoup plus sensible qu'on ne le pourrait 
croire. Or la partie est si belle en ce moment parmi les populations 
moyennes des chefs-lieux de canton, dont les besoins n'allaient pas 



MOTEURS DE SECOURS ET ACCUMULATEURS 



95 



jusqu'à 1 usine à gaz et qui sont souvent maintenant tentés par 
l'acétylène et autres récentes inventions, que les intéressés au déve- 
loppement de l'électricité, désireux sans doute de gagner de nou- 
veaux centres habités à leur cause, ne devraient jamais négliger 
ces conseils d'ordre général. 

Revenons aux moteurs de secours : leur nom l'indique assez, ils 
ne doivent entrer en fonction que lorsque la nécessité s'en fait sen- 
tir, et tous les moyens pratiques dans le but de les éviter trouvent 



y(^- 



r 



M3> 



FiG. 54. 



Distribution d'éclairage électrique simultanément à 2 et à 3 fîls 
en usage à Mézidon (Calvados). 



A, forte dynamo. — B, plus petite dynamo. — C et C, quartiers rapprochés 
db l'usine. — D, quartier éloigné de Tusine. 



bien leur place dans ce chapitre. Les premiers calculs défectueux 
d'une distribution électrique et la cause encore plus naturelle des 
pertes de voltage sur la ligne que l'on charge petit à petit de nou- 
veaux groupes de lampes provoquent encore la lumière jaiine^ et 
des réclamations trop justifiées et pas assez souvent écoutées ; on 
trouvera un exemple tellement typique d'insuccès dans le départe- 
ment de l'Eure (chap. xx), que j'y renvoie dès maintenant. On voit 
par là que les généralités présentes ne sont que la résultante 
d'expériences observées un peu partout. 

Quoi qu'il en soit, on trouvera dans le schéma précédent [fig. 54) de 
distribution appliqué à Mézidon (Calvados) un palliatif des plus ingé- 



96 



LA HOUILLE VERTE 



nieux, pour obvier à ce défaut qui n'est cependant 'que le résultat 
du troi^ de succès d'une installation électrique. Cette disposition est 
encore avantageuse, quand on dessert simultanément des quartiers 
proches de Tusine et un autre plus éloigné. Ce mélange de distri- 
bution à deux fils et à trois fils prouve combien l'électricité est 
bonne enfant, et se prête à toutes les combinaisons lorsqu'on sait 
les lui demander. 

Enfin, si Ton désire connaître la proportion entre les machines 
à vapeur ayant existé en 1850 et le nombre d'établissements en 
disposant en 1900 pour les départements de la région Normande, 
elle sera la suivante : 



Orne 


1850 


1900 


36 
6 

19 
8 

14 
37 
22 


344 
541 

428 
239 
184 
. 154 
609 


Eure-et-Loir 


Sarthe 


Mayenne 


Manche .' 


Calvados ." . . 


Eure 


Totaux 


142 


2.499 





Ce chiffre de 2.499 est un minimun de machines à vapeur, un 
même établissement pouvant disposer de plusieurs. 



CHAPITRE X 
DE LA STATISTIQUE ET SON UTILITÉ 



La statistique se définit volontiers : «l'étude numérique des faits 
sociaux. » Ainsi comprise, elle a un champ d'action des plus éten- 
dus, portant sur toutes les branches de l'activité humaine et fai- 
sant converger tous les enseignements du passé vers un but 
unique : la comparaison. C'est en quelque sorte la raison d'être des 
statistiques. 

Cependant la tâche d'un statisticien scrupuleux n'est pas toujours 
aussi aisée qu'on peut le croire ; on l'accuse parfois à tort de pro- 
duire des résultats erronés, ne songeant pas qu'il a pour collabora- 
teurs de nombreux intermédiaires, et c'est toujours chose délicate 
de les faire agir comme on agirait soi-même. Il faut se défendre de 
formuler un nombre exagéré de questions et en poser cependant 
assez pour atteindre le but envisagé. Les qualités à exiger d'une 
statistique sont, avant tout, d'être aussi simple que claire. 

On peut juger, par l'anecdote suivante, des difficultés pouvant se 
présenter dans la compréhension des questions : on procédait une 
fois dans les départements à une enquête sur les machines agricoles 
et, parmi les questions posées, figurait celle-ci : Combien y a-t-il de 
batteuses? Depuis le préfet jusqu'aux secrétaires de mairie, tous 
les rouages de la machine administrative entrent en jeu. Puis^ le 
moment de dépouiller arrive, on classe les réponses par dépar- 
tements, et l'on arrive au résultat suivant, assez fait pour étonner : 
tandis que le département de bonne production agricole, de la 
Haute-Marne, tient un bon rang avec 12.377 batteuses, la Corse, au 
sol aride et relativement peu productif, s'en approche avec 8.950 bat- 

7 



98 LA HOUILLE VERTE 

teuses. Contre-enquête, tout se remet en mouvement pour arriver à 
découvrir qu'en Corse les machines à battre (avec locomobile, ou 
par manège) ne dépassent que de peu la centaine, mais que des 
femmes s y louent à la journée pour battre le blé. On les y appelle 
des batteuses! On n'ignore pas non plus qu'en cette chaude contrée 
les hommes ne détestent pas faire la sieste et délèguent assez 
volontiers leurs épouses au travail. Toute statistique consciencieuse 
devrait se terminer comme un compte de banque par: S. E. ou 0. 
(sauf erreur ou omission). 

Mais sait-on d'abord que la statistique est une étude (on pourrait 
même dire une science, quoiqu'elle se rattache évidemment à l'éco- 
nomie sociale) fort récente ? Les premiers essais, un peu sérieux, 
ne remontent pas au-delà de cent ans. Toutefois Yauban, le célèbre 
maréchal de France, esprit exercé par les connaissances exactes 
d'un chef d'armée, un des premiers, tenta vers 1700 une estimation 
agricole des provinces de l'Ouest ; puis, un savant agronome anglais 
lit, vers 1788, une bien curieuse tentative : prenant la meilleure 
carte de France, il en découpa les forêts, les champs, les prés, les 
vignes, etc. et pesa ces catégories de morceaux ; puis il en tira des 
conclusions... qui feraient un peu sourire nos statisticiens modernes. 
Lavoisier, qui fut fermier général, fit compter les charrues, en 
faisant deux divisions selon qu'elles étaient tirées par des bœufs ou 
des chevaux, et, de fil en aiguille, cherchait à en déduire le chiffre 
des terres labourables de la France. Tout cela était bien vague et 
arbitraire. 

Napoléon P^en 181 0, ordonnait aussi une statistique générale de 
la France, et on posait aux préfets (la division de la France par dé- 
partements rendait déjà ce travail plus abordable) 138 questions 
auxquelles ils devaient répondre dans les deux mois sous peine d'être 
destitués. Cela s'appelait marcher! Les préfets restèrent tous en 
place, mais les résultats furent tels que l'on... dut renoncer à pu- 
blier l'ensemble d'un travail entrepris si hâtivement. 

Enfin, en décembre 1833, M. Thiers, alors ministre du Commerce, 
faisait distribuer aux Chambres un volume de documents anglais 
sur les statistiques économiques entreprises dans ce pays, annon- 
çant qu'il se proposait de publier, sur un autre plan, un recueil 
complet de la statistique de la France, et son successeur, M. Du- 
chatel, réalisa cette pensée en publiant un volume d'essai en 1835. 



DE LA STATISTIQUE ET SON UTILITÉ 99 

On y Ut, entre autres, « rintérôt incontestable d'offrir dans un 
« ordre régulier, l'exposé de tous ces faits qui, susceptibles d'être 
« exprimés par des nombres, témoignent de l'état de la civilisa- 
« tion, de la richesse et de la force de la société actuelle, comparée 
« avec la société française des époques antérieures ». Voilà de fort 
belles paroles à méditer et toujours justes. 

Neuf grands et gros volumes succédèrent à ce premier volume ; 
quatre sont consacrés à Vindustrie^ comprenant le résultat du recen- 
sement commencé en 1839 et terminé vers 1850 par établissements 
et grâce à des bulletins. Cet ouvrage comprend l'énumération, dans 
chaque établissement industriel, des moteurs à eau, à vent, avec 
manège, et des machines à vapeur, alors peu nombreuses. 

Cet ouvrage est coté à la Bibliothèque nationale de Paris : Ca- 
sier T : 532-7 et porte le titre : Documents statistiques sur la France. 

C'est donc là, au point de vue de la statistique des usines hydrau- 
liques, un renseignement des plus précieux, que je n'hésite pas, 
malgré ses imperfections probables,' à reproduire ici, en le rappro- 
chant d'un autre travail analogue et aussi complet, pour la France 
entière, à la date plus récente de 1900 (Voir p. 100-101). 

Le motif de la date choisie de 1850 ayant été exposé précédem- 
ment, je dois également faire connaître celui de la date de 1900. Il 
existe une Direction du Travail, dont le Recensement est un service 
dépendant, compris encore dans celui plus étendu de la Statistique 
générale^ au Ministère du Commerce, de l'Industrie et du Travail. 
Comme son nom l'indique, presque toutes les statistiques sont dans 
ses attributions, et celle des forces hydrauliques, après être passée 
par la filière naturelle et administrative de la Direction de l'hydrau- 
lique et des améliorations agricoles, devait apporter son contin- 
gent à l'ensemble, sous la forme usuelle en pareil cas maintenant, 
ainsi qu'il a été dit, d'un bulletin par usine. Toutefois, ce fut à 
l'occasion de l'Exposition universelle de 1900, que cette méthode 
fut employée pour la première fois, et comme il fut procédé un peu 
hâtivement à cette enquête, il est permis d'ajouter que l'on obtien- 
dra sans doute par la suite des renseignements encore plus précis. 
La confirmation de ce dire ne saurait tarder, puisque, pour cette 
année même de 1906, un nouveau recensement des usines hydrau- 
liques, conjointement avec le recensement quinquennal, est chose 
décidée. 



100 



LA HOUILLE VERTE 



TABLEAU COMPARATIF DU NOMBRE DES MOTEURS A EAU VERS 1850 
ET DES CHUTES d'eAU AMÉNAGÉES EN FRANCE EN 1900 



DÉPARTEMENTS 


1850 


1900 


DIFFÉÏ 

EN PLUS 


lENCE 

EN MOINS 


Ain 


83 

5 

879 

44 

51 
» 

922 
409 
282 

99 
• 63 

61 

37 

725 

777 

2.315 

178 

77 
818 
» 

189 
2.763 
908 
1.776 
183 
528 
647 
374 
270 

60 
528 
497 
649 
129 
803 
413 
578 
183 
. 72 
728 
148 


711 

397 
438 
318 
389 
404 
997 
408 
749 
210 
216 
939 
162 
444 
759 
710 
521 
362 
684 
661 
568 

1.266 
871 

1.100 
454 
750 
440 
382 

1.451 
335 
549 
408 
518 
212 
498 
483 
513 

1.092 
735 
611 
292 


628 
392 
» 

274 
338 
» 
75 
» 

467 
111 
153 
878 
125 
281 
» 
» 

343 
285 
» 

379 

» 

» 

271 
222 
» 
8 
1.181 
275 

21 
» 
» 

83 
» 

70 
» 

909 
663 
» 
144 


» 
» 

441 

» 
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134 
» 
)) 
4.497 

37 
670 
» 
» 
207 
» 
» 
» 
» 

89 
431 
» 

305 
» 

65 
» 
» 

117 
» 


Aisne 


Allier 


Alpes (Basses-) 


Alpes (Hautes-) 


Alpes-Maritimes 


Ardèche 


Ardennes 


Ariège 


Aube 


Aude 


Aveyron 


Bouches-du-Rhône 


Calvados 


Cantal 


Charente 


Charente-Inférieure 


Cher 


Corrèze 


Corse 


Côte-d'Or 


Côtes-du-Nord 


Creuse 


Dordogne 


Doubs 


Drôme 


Eure 


Eure-et-Loir 


Finistère 


Gard 


Garonne (Haute-) 


Gers 


Gironde 


Hérault 


Ille-et-Vilaine 


Indre 


Indre-et-Loire 


Isère 


Jura 


Landes 


Loir-et-Cher 


A reporter 


20.251 


24.002 





DE LA STATISTIQUE ET SON UTILITÉ 



101 



DÉPARTEMENTS 



Report 

Loire 

Loire (Haute-) 

Loire-Inférieure 

Loiret 

Lot 

Lot-et-Garonne 

Lozère 

Maine-et-Loire 

Manche 

Marne 

Marne (Haute-) 

Mayenne 

Meurthe-et-Moselle.. . 

Meurthe 

Meuse 

Morbihan 

Nièvre 

Nord 

Oise 

Orne 

Pas-de-Calais 

Puy-de-Dôme 

Pyrénées (Basses-). . . 
Pyrénées (Hautes-).. . 
Pyrénées-Orientales . 
Rhin (Haul-)(BeIforL) 

Rhône 

Saône (Haute-) 

Saône-et-Loire 

Sarthe 

Savoie 

Savoie (Haute-) 

Seine 

Seine-Inférieure 

Seine-et-Marne 

Seine-et-Oise 

Sèvres (Deux-) 

Somme 

Tarn 

Tarn-et- Garonne 

Var 

Vaucluse 

Vendée 

Vienne 

Vienne (Haute-) 

Vosges 

Yonne 

Totaux 



1850 



20.251 

189 
20 
194 
398 
124 
961 

286 
707 
37 
145 
614 



66 
106 
826 
157 

87 
358 
788 

45 
202 
437 
284 

31 



21 

175 

.055 

833 



27 
448 

70 
353 
203 
285 
3*8 

48 

24 
297 
537 
296 
857 
174 

22 



1900 



24.002 

926 
1.101 
125 
321 
732 
440 
1.023 
496 
705 
340 
459 
404 
406 



444 

778 
461 
274 
348 
512 
309 
531 
1.405 
710 
331 

94 
400 
523 
714 
725 
003 
934 

25 
583 
303 



1 



DIFFÉRENCE 



1 



525 
380 
749 
281 
307 
452 
424 
513 
682 
1.214 
481 



36.295 



50.379 



737 
1.021 



608 
» 
1.018 
210 
2 
303 
314 



338 

48 

304 

184 



264 



426 

300 

» 

379 

348 



135 
233 
131 
322 
95 
401 
233 
283 
155 
)) 

216 
» 
1.044 
459 



96 

77 

)> 

521 



219 



10 
276 

» 

671 

32 

» 
» 
» 

» 
341 
108 



113 

» 

174 



102 LA HOUILLE VERTE 

Quoi qu'il en soit, le résumé de ces bulletins a paru dans le tome II 
de la publication : Repartition des forces motrices à vapeur et 
hydrauliques; on peut même se le procurer dans certaines librairies 
spéciales à ces sortes de publications, et il contient (page x) le 
modèle même du bulletin qui fut employé alors. 

Les deux catégories de chifiFres que j'ai produits ont donc une 
origine officielle. La comparaison entre les deux colonnes offre 
incontestablement un intérêt primordial, étant donné les variations 
observées dans un même département; quelques différences exces- 
sives en plus et en moins portées à la troisième et à la quatrième 
colonne font bien songer un peu à Tanecdote... des batteuses. Ne 
se serait-il pas produit alors quelques virements d'un département 
à un autre? Actuellement, du reste, pour les rivières navigables, 
certains services hydrauliques sont rattachés à celui d'un dépar- 
tement voisin. Les totaux accusent une augmentation de 26 0/0 
entre les moteurs à eau et le nombre des chutes d'eau aménagées 
en cette période en somme assez courte de 50 années, ce qui peut 
étonner si l'on sait que, dans les départements que nous examinerons 
avec tous les détails voulus dans la seconde partie de cet ouvrage, 
le maximum des usages hydrauliques a été constaté à une époque 
intermédiaire. Car il existe d'autres états par département, dressés 
à des dates variant entre les époques de 1860 et 1880; on ne peut donc 
arriver à aucune unité d'ensemble, et je les ai négligés ici. Au 
contraire, j'ai eu recours à ces derniers pour dresser les huit 
cartes des départements de la région Normande, car je pouvais y 
trouver facilement la trace des usines hydrauliques une par uîie, 
ce qui est impossible ou extrêmement difficile avec les états 
de 1850. 

Il serait permis de se demander si cette augmentation si subite 
du nombre des retenues d*eau n'a pas eu une fâcheuse influence 
sur les débits, car il est reconnu qu'en élevant un plan d'eau on 
augmente la pression statique, et, comme le fond aussi bien que les 
rives d'une rivière ne sont jamais indemnes de fissures, on aug- 
mente par conséquent les pertes se produisant par celles-ci, surtout 
dans les terrains perméables ; ce n'est pas impossible. Mais la raison 
ne serait pas suffisante pour soutenir qu'il soit nécessaire de sup- 
primer dans ce but un grand nombre des retenues des usines en 
chômage. Après un long usage de cet état actuel, des habitudes ont 



DE LA STATISTIQUE ET SON UTILITÉ 103 

été prises pour l'usage des lavoirs, des abreuvoirs, qu'il serait fort 
difficile de modifier. 

Il serait encore plus malaisé et surtout moins précis d'aborder 
la question de l'évaluation de la puissance même de ces usines, à 
cette date de 1850; mais je vais pouvoir, en me bornant à un seul 
département, faire sentir les modifications susceptibles de résulter 
des perfectionnements apportés dans les moteurs hydrauliques en 
usage. Dans un intervalle de trente-sept années (1862-1900), le 
nombre des usines hydrauliques des Vosges est tombé de 1460 à 1285, 
soit une perte en utilisation de 175 chutes d'eau, tandis que le total 
des chevaux utilisés s'élevait de 11.700 à 12.300, soit une augmen- 
tation de 600 chevaux. Ce renversement du nombre des usines par 
rapport à la puissance en chevaux est dû d'abord- à une meilleure 
et plus complète utilisation des chutes elles-mêmes par les turbines, 
ensuite à ce que la force des petites usines fermées est plus que 
contrebalancée par celle des nouvelles créations sensiblement plus 
importantes, grâce à l'emploi de chutes inutilisables avant l'intro- 
duction de la dite turbine. Une roue de 13 mètres de diamètre est 
partout une exception. J'ai visité dans les environs de Remiremont, 
par exemple, telle filature récente employant, au contraire, 25 mètres 
de chute avec turbine. 

Les modifications dans Toutillage industriel ont eu une réper- 
cussion sur l'emploi des forces hydrauliques ; ainsi, dans les 
départements essentiellement agricoles, le petit moulin à blé a été 
écrasé par la majestueuse minoterie, véritable usine moderne. Le 
consommateur du pain y a-t-il gagné? C'est douteux, mais le mino- 
tier y fait fortune, c'est certain, c'est l'essentiel pour lui assuré- 
ment! Les papeteries sont dans le môme cas : disposer de quelques 
centaines de chevaux ou fermer. Les filatures ont mieux résisté, 
tout en perfectionnant leur matériel, et les scieries se maintiennent, 
progressent même parfois; elles sont voisines de la forêt et 
mieux placées pour tirer parti de la houille verte; les déchets de 
leur industrie leur sont encore d'une grande utilité pour le chauf- 
fage de leurs moteurs de secours qui ignorent le charbon ; j'ai vu 
chauffer ainsi, dans certaines fabriques de bondes de bois, la chau- 
dière, avec les débris des tours! Enfin je ne doute pas qu'en pré- 
sence du développement pris par l'électricité les tréfileries, surtout 
celles qui s'adonnaient au travail du cuivre, ne rentrent prochai- 



104 LA HOUILLE VERTE 

nement un peu partout en activité. Je sais fort bien qu'il y a une 
question de transport que les chemins de fer avaient tranchée tout 
à leur propre avantage ; mais, aujourd'hui, d'autres moyens de 
locomotion vont tenter l'usinier. Je précise : dans l'Orne, des pro- 
jets de train automobile du système Renard font espérer aux indus- 
triels que des camions pourront être amenés par route à la porte de 
leurs usines et être enlevés après chargement! 

Malgré ces défauts inévitables, et les imperfections des anciennes 
statistiques, on tire presque toujours des renseignements utiles 
d'un tel ensemble d'observations, et je n'en puis donner un meilleur 
témoignage qu'en citant les lignes suivantes extraites des Annales 
de la Direction de l'hydraulique et des améliorations agricoles 
(fasc. 30, 1904: Compte rendu des travaux exécutés par MM, Tavemier 
et de la Brosse : Service de la Houille blanche pour les Alpes) : 
« Utilité cTun inventaire provisoire approximatif. — On conçoit que 
nous ne soyons pas en état de fournir au bout de quelques mois 
des renseignements précis sur le régime des cours d'eau alpestres. 
Plusieurs années seront certainement nécessaires pour cela. Nous 
nous sommes attachés pourtant à coordonner dès maintenant les 
renseignements que Pon possède^ en utilisant même ceux qui pré- 
sentent un caractère incomplet et hypothétique,., » 

Quelques chiffres d'un ordre très général sont à citer ici d'après 
ce même Compte Rendu : Les forces hydrauliques utilisables dans 
la Haute-Savoie seraient égales à JOO.OÔO chevaux en étiage et à 
375.000 en eaux moyennes. D'après M. de la Brosse, de nouveaux 
jaugeages augmenteront très notablement ces chiffres. Respective- 
ment, la Savoie comporterait 320.000 chevaux en étiage et 650.000 
en eaux moyennes; l'Isère, 35>0.000 et 800.000; les Hautes-Alpes, 
300.000 et 500.000 chevaux. Ces quatre départements, qui forment 
environ 4 1/2 0/0 de la superficie de la France, seraient donc 
susceptibles de fournir une puissance d'au moins un million de 
chevaux à Tétiage le plus bas, et pendant une moitié de l'année deux 
fnillions de chevaux, sans comprendre le Rhône. 

Étendant ces chiffres à toute la France, M. de la Brosse attribue 
par analogie aux autres départements du sud-est et ceux de la 
bordure pyrénéenne 1.300.000 chevaux; à onze départements du 
Centre et à six de l'Est, 900.000 chevaux; et au reste du territoire, 
1.400.000 chevaux. A l'étiage, la puissance hydraulique de la France 



DE LA STATISTIQUE ET SON UTILITÉ 105 

serait donc égale h 4 millions et demi de chevaux. « Mais on sait 
depuis longtemps, ajoute M. de la Brosse, que la richesse hydrau- 
lique d'un pays ne se mesure pas seulement au minimum dePétiage, 
et de nombreuses applications industrielles nous apprennent que 
l'on peut utilement profiter des eaux surabondantes des saisons 
favorables. C'est donc à 9 ou 10 millions de chevaux qu'il faut 
évaluer la richesse hydraulique de notre territoire. » Or, c'est 
précisément la puissance totale nominale des machines à vapeur 
recensées dans notre pays en 1900. 

Nous tirerons tout de suite certaines conclusions de cet extrait 
succinct d'un rapport offrant tant d'intérêt pour la France : d'abord, 
la houille blanche a tout aussi bien que la houille verte son creux 
de la sécheresse^ puisque, pendant une moitié de l'année, elle ne 
dispose que de son million de chevaux sur deux ; ensuite il est dit 
que certaines applications industrielles peuvent profiter des eaux 
surabondantes des saisons favorables : entre autres, l'éclairage élec- 
trique pour les longues nuits de l'hiver, mais ceci plutôt à l'avan- 
tage de la houille verte. Nous trouvons donc ici une confirmation 
éclatante de ce que j'avais avancé dans le premier chapitre et une 
des raisons qui m'ont toujours engagé à maintenir cette nouvelle 
distinction de la force hydraulique, bien que ce terme m'eût sem- 
blé à moi-même un peu risqué au début. 

Un autre fait exposé clairement dans le remarquable rapport pré- 
cité est encore à retenir. Le service des forces hydrauliques des 
Alpes, qui a adopté comme base de ses études les départements 
compris entre le Rhône, les Alpes, le lac de Genève et la Méditer- 
ranée, estime que des études entreprises par bassins offriraient des 
cadres bien plus logiques et rationnels. Mais jusqu'à ce jour, tous 
les renseignements de statistique étant groupés par départements, 
c'est d'après eux seuls qu'il est possible d'établir des inventaires 
approximatifs, et j'ajouterai, pour mon cas, des comparaisons. 

Les statistiques de l'avenir nous ménagent donc des surprises 
bien probables. On pourrait croire, d'après ce qui précède, que je me 
pose en ennemi de la centralisation; j'ai même laissé percer ma 
façon de voir et celle d'autorités bien plus compétentes que moi dans 
le chapitre i (p. 5); toutefois je ne suis pas partisan des extrêmes, 
mais je dis volontiers : on ne peut centraliser indéfiniment^ car, si 
on chargeait toujours le même plateau d'une balance, on faus- 



106 LA HOUILLE VERTE 

serait le fléau avant de le rompre, et il est préférable de s'arrêter 
même avant ce premier inconvénient. Certes la tour de 300 mètres 
est une fort belle œuvre de l'ingénieur, mais a-t-on cherché depuis 
à faire plus haut? Et même quand elle sera... mûre, quand il faudra 
la déboulonner (sa concession était de vingt-cinq ans), je ne suis rien 
moins que sûr qu'il en sera élevé une autre pareille ou plus élevée, 
car la curiosité mondiale aura été satisfaite. L'ascension de la 
Jungfrau, en Suisse, rendue possible par un chemin de fer élec- 
trique dont les travaux avancent journellement, tentera sans doute 
aussi les amateurs d'impressions... élevées, et il faut reconnaître 
que la nature a bien fait les choses pour leur préparer cette conso- 
lation. Remarquons, en terminant ce chapitre, que c'est la nature 
elle-même qui travaille à sa propre victoire : les chantiers de ces 
travaux sont tous actionnés actuellement par la force hydraulique 
de la houille blanche; les trains et ascenseurs n'auront pas recours 
à d'autres sources d'énergie, et les hôtels doivent même être chaufl'és 
par des radiateurs électriques! 

Oui, certes, les statistiques à venir nous ménagent des surprises, 
et j'aurai peut-être eu le mérite très modeste d'avoir planté un 
simple jalon, un point de repère dans la voie du développement de 
l'hydro-électricité ! 



CHAPITRE XI 
IDÉES SYNDICALES 



Parmi les peuples civilisés, le Japon est celui qui compte, propor- 
tionnellement à sa population, le plus de syndicats; ils viennent 
d'en prouver l'utilité. L'Angleterre a aussi depuis longtemps la 
pratique des trusts, et l'Allemagne celle des Vereins, Il est certain 
que se sentir les coudes entre gens guidés par un intérêt commun 
est un bon moyen à employer en vue de développer un principe, 
d'atteindre un but, de lui récolter des adhérents, d'assurer son 
existence et par conséquent son succès. Les propriétaires de houille 
verte, suivant en ceci l'exemple qui leur est donné par ceux de la 
houille blanche, dans les Alpes, ne sauraient trop se pénétrer de 
l'utilité des syndicats. N'a-t-on pas tenté de repeupler nos forêts 
avec des pièces de... 1 franc? C'était le modique prix demandé 
au ligueur pour planter un arbre en son honneur, sans compter la 
m.ultiplication spontanée par les graines confiées dans les forêts 
à la fantaisie des vents; c'était bien là œuvre des plus utiles et 
conforme aussi à la bonne régularité des rivières. 

Que les 50.000 propriétaires des usines hydrauliques des 86 dépar- 
tements de France s'engagent h verser une cotisation semblable 
annuelle et notre idée syndicale est en bonne voie. Si le cadre en 
parait trop vaste et trop complexe, la région Normande n'offre- 
t-ellepasla possibilité d'un essai tout indiqué? Les réunions des inté- 
ressés ne nécessiteraient pas des déplacements incompatibles avec 
les occupations des électriciens eux-mêmes, qui sont gens toujours 
fort pressés, et ils ne tarderaient pas à en faire partie, pour le 
plus grand bien commun, à n'en pas douter; du reste, plusieurs 



108 iJL HOUILLE VERTE 

sont devenus les propriétaires de leurs usines. On pourrait même 
débuter par un seul département : l'Orne, par exemple, représente- 
rait déjà, en cas d'unanimité, une cotisation annuelle de 800 francs, 
puisque, comme on le verra par la suite, ce département comptait 
ce nombre de barrages en 1880; même si, en 1900, les utilisations 
ne dépassaient pas beaucoup le chiffre de 500, bien des propriétaires 
avaient gardé leurs rétenues, les uns par agrément, les autres pour 
le service des lavoirs et des abreuvoirs. Ainsi, sur les 21 barrages 
avec chute de l'Iton {/îg, 27), dont la moitié étaient en chômage, je 
n'ai remarqué de visu, en 1903, que deux biefs mis à sec. Avec des 
administrateurs capables et consciencieux, faciles encore à trouver 
parmi les grands propriétaires régionaux, un Syndicat disposant de 
500 francs seulement peut déjà agir, publier des bulletins mensuels 
d'offres et de demandes d'usines hydrauliques, provoquer des réu- 
nions doublées de la visite d'une usine hydro-électrique de la 
région, toujours si bonne et si fructueuse leçon de choses. Il y a 
bien des SyndicQ,is jaunes qui se sont formés en présence des Syn- 
dicats rouges; contre l'invasion de la houille noire étrangère, fon- 
dons des Syndicats... verts qui se termineront par une Fédération 
non moins verte! 

On est généralement d'accord pour reconnaître que, si la cen- 
tralisation a amené un peu partout de grands avantages, elle a 
aussi traîné à sa suite de grands inconvénients. Mais elle est une 
arme à deux tranchants, et il ne dépend que de ceux en ayant les 
moyens d'employer à leur profit ces mêmes avantages de la centra- 
lisation pour corriger les défauts constatés^ des efl'els de centralisa- 
tion urbaine, ainsi que celle des grandes usines. A ce sujet, nous 
replaçant sur le domaine économique et hydraulique, relevons ce 
qu'un autre Syndicat actuel, et l'un des plus puissants, a déjà dit de 
la Houille verte, car qu'est-ce que la Presse, sinon un Syndicat 
formé par et pour les idées des lecteurs? J'avais sollicité, en faveur 
de la thèse soutenue ici, Taide d!un des grands rédacteurs de la 
presse scientifique par la phrase suivante : La Presse est un levier 
qu'Archimède n'aurait pas dédaigné, et jugez si la réponse ne fut 
pas aussi archimédienne que possible. Nous avons vu {fig, 46) une 
reproduction de la carte des forces hydrauliques de l'Orne, parue 
dans le Petit Temps du 23 avril 1903; nous pouvons maintenant 
reproduire ici les appréciations qui l'accompagnaient sous le titre : 



IDÉES SYNDICALES 109 

rinventaire de la Houille verte française : « Nous avons annoncé 
que M. Mougeot, ministre de TAgriculture, a institué une mission 
chargée de dresser Tinventaire des hautes chutes d'eau de mon- 
tagnes au point de vue de Tutilisation de la « houille blanche » pour 
la production de la force motrice. MM. Tavernier et de la Brosse, 
Ingénieurs en chef des Ponts et Chaussées, ont été désignés pour 
diriger ce service. 

« Elle comportera, comme annexe probable, Tinventaire par dé- 
partements de « la houille verte ». Cette métaphore réunit les petites 
rivières, les cours d'eau, les affluents, les ruisseaux qui coulent 
dans les prés fleuris. Ils servirent pendant longtemps à fournir la 
force motrice pour toutes sortes d'industries locales et principale- 
ment pour actionner les moulins. 

a Mais la machine à vapeur vint et, dans le grand engouement 
qu'elle suscita, on eut vite fait d'abandonner les pauvres vieilles 
roues hydrauliques à marche lente ; elles ne servirent plus qu'à 
embellir poétiquement le paysage. 

« M. Henri Bresson ne demande pas qu'on ressuscite ces moteurs 
ancestraux. Il conseille de les remplacer, partout où on le peut, par 
les turbines hydrauliques actuelles, à marche rapide, et dont l'ins- 
tallation ne coûte pas très cher. On se procure ainsi d'une façon 
rémunératrice la force et la lumière. 

« Mais encore faut-il connaître exactement sur quels points on 
peut utilement installer les turbines, les (( remplaçantes » des roues 
hydrauliques. Pour cela, l'initiateur conseille de faire, tout d'abord, 
par département, l'inventaire de la « houille verte », dont nous 
parlions tout d'abord. Il en a donné la formule en faisant cet 
inventaire pour le département de l'Orne, qu'il habite et qu'il con- 
naît très bien, puis pour le département de la Mayenne. C'est aux 
autres de continuer dans leur intérêt. 

« Il ne suffit pas de regretter que tant d'eau suive dans le lit de 
tant de rivières un cours inutile : ces ressources importantes doivent 
être récupérées méthodiquement h notre époque d'âpre concurrence. 
La stabilité des cours d'eau de la France, conséquence de son cli- 
mat tempéré, plutôt doux et pluvieux, se prête d'une façon toute 
particulière à l'étude d'un programme de ce genre et à sa féconde 
réalisation. » 

D'autres encore apportaient un concours tout aussi désintéressé 



110 LA HOUILLE VERTE 

qu'influent à ce qu'ils voulaient bien appeler Fœuvre des « Petits 
Moulins et la Houille verte ». C'étaitle titred'un article surce sujet 
paru dans un journal mondain, le Figaro du 24 janvier 1903. 

Il serait aussi fastidieux que déplacé, au point de vue de l'au- 
teur, de relever le mouvement provoqué, aussi bien en France qu'à 
l'étranger, par cette nouvelle idée de l'utilisation des chutes d'eau 
peu élevées en vue de la production de l'énergie électrique ; mais, 
lorsqu'une publication de la valeur de r Économiste français soutient 
une cause par la plume même de son éminent Rédacteur en chef, 
ce serait plus qu'un oubli, ce serait bel et bien une faute aussi 
grosse dans l'intérêt du but à atteindre qu'un acte d'ingratitude 
de la part de Fauteur^ d'omettre d'en relever ne fût-ce qu'un très 
rapide extrait. 

La première approbation en date parut le 10 mai 1902, et ma 
première carte, celle de l'Orne, confiée au Nouvelliste de VOme^ 
simple feuille hebdomadaire paraissant à Laigle, porte la date du 
4 mai ! Quel témoignage plus précieux puis-je produire ici que cette 
approbation aussi opportune que spontanée ! Quel encouragemeat 
aussi pour continuer mes statistiques et les étendre aux départe- 
ments voisins ! Le titre lui-môme de l'article : Un travail prépa- 
ratoire à rutilisation de la force hydraulique^ a déjà trouvé une 
confirmation éclatante dans un passage cité (chap. x, p. 104), d'un 
recueil administratif dont on ne saurait contester la valeur {Annales 
de la Direction de f hydraulique et des améliorations agricoles) et 
dans le compte rendu même du service auquel est attribuée la 
houille blanche des Alpes, puisqu'on y reconnaît l'utilité des inven- 
taires provisoires. 

Le second article présentera par son titre seul un thème à déve- 
lopper dans ce chapitre : La pénurie des placements en France et 
l'extension des placements à C étranger (10 septembre 1904). Après 
avoir insisté encore une fois sur l'avenir brillant qui attend l'hydro- 
électricité, et avoir relevé les quatre cartes que je terminais à la 
suite de l'Orne (jusqu'à la Manche), l'auteur conseille comme remède 
au manque de capitaux des entreprises électriques, le développe- 
ment des banques régionales, dont quelques administrateurs, en 
entrant dans les conseils des petites sociétés d'électricité, contri- 
bueraient à inspirer confiance au public pour ces sortes d'afl*aires et 
en même temps aideraient à leur bonne direction. M. Paul Leroy- 



IDÉES SYNDICALES 111^ 

Beaulieu, avec son grand sens pratique des choses, voit même, 
dans les progrès de Tautomobilisme, une facilité nouvelle pour les 
déplacements des agents de ces nouvelles banques. En effet, les 
grands établissements de crédit actuel ne prônent guère que les 
grandes affaires et bien souvent les placements à l'étranger. 

Enfin, une troisième fois et tout récemment (20 janvier 1906), 
r Économiste français relève d'une façon assez étendue les deux 
dernières cartes parues. Calvados et Eure, et n'a pas craint d'em- 
ployer le terme de houille verte accolé à celui de houille blanche, 
comme sous-titre. C'est là une consécration d'un ordre économique 
pour ces moyennes et petites ressources hydrauliques dont il est 
impossible de méconnaître l'importante valeur. Puis, sans distinc- 
tion entre la houille blanche et la houille verte, l'auteur, M. Pierre 
Leroy-Beaulieu, envisage l'ère de prospérité qui doit résulter pour 
la France, le pays le mieux partagé de l'Europe à ce point de vue 
avec la Suisse, l'Italie et l'Autriche, des inventions et perfection- 
nements des applications de l'électricité. Ces paroles patriotiques 
seraient toutes à reproduire ici et devraient être gravées dans l'âme 
de nos futurs syndiqués. Je me bornerai à la citation suivante : 

« Les pays qui possèdent des forces hydrauliques pourront désor- 
mais lutter avec ceux qui possèdent la houille noire, et, comme la 
puissance politique est souvent la conséquence de l'essor écono- 
mique, il doit en résulter des changements dans l'équilibre même 
du monde. » 

Après de telles paroles, une grande timidité s'empare de moi, 
osant à peine continuer ce chapitre. Oui, certes, c'est de l'énergie 
(de Terg, s. v. p. !) qu'il faut recommander à tous pour maintenir 
le bon renom de la France dans le domaine économique et indus- 
triel, et la formation de Syndicats dans un pareil but est aussi 
facile qu'utile. La législation française est des plus souples à cet 
égard, se bornant à mettre à Técart toute idée politique; or, l'in- 
dustriel soucieux de la bonne conduite de ses affaires n'en a cure; 
au contraire, il trouvera qu'on fait toujours trop de politique! Les 
Syndicats de rivières sont déjà nombreux dans la contrée dont 
nous nous occupons (pour toute la France, on en comptait environ 
2.000 en 1900); dans l'Orne même il en existe un pour la Rille, et 
celui de l'Iton, dans l'Eure, divisé en trois sections, possède des 
actes faisant remonter son origine au xn* siècle. Ces Syndicats 



112 LA HOUILLE VERTE 

administratifs, dont le but est de concilier les intérêts des proprié- 
taires d'usines avec ceux des propriétaires de prairies, susceptibles 
d'être irriguées, sont, il est vrai, plus longs et plus difficiles à for- 
mer que ceux dépourvus de toute attache administrative, puisqu'ils 
nécessitent l'adhésion de la majorité des riverains d'un cours d'eau 
pour se constituer, mais on trouvera à la fin du présent chapitre, 
au sujet de la rivière, la Mayenne navigable, un exposé des motifs 
qui doivent engager à ces formations. 

Des conseils, des remèdes à cet état viennent d'être donnés ou 
indiqués par des personnalités dont la compétence en cette matière 
ne saurait être mise en doute. Chargé, comme il a été dit dans la 
dédicace, d'une mission temporaire par M. le Ministre de l'Agri- 
culture, j'avais moi-même tenté, dans ma modeste sphère d'action 
et avec mes simples relations d'enquêteur amateur, de provoquer 
une union entre intéressés, mais dans un but tout particulier. Je 
venais de terminer ma cinquième carte, celle de la Manche^ dépar- 
tement dans lequel les distributions d'électricité à des voltages 
très élevés et, par conséquent, fort dangereux, sont en pleine 
vogue; j'avais frémi en songeant aux risques auxquels s'exposaient, 
sans aucune mesure de prudence, nos petits capitalistes électriciens 
de la région Normande. 

L'idée me vint donc de convoquer à Mortain les exploitants des 
hauts voltages de la région dans l'intention de les grouper en un 
syndical facilitant les conditions d'assurances contre les accidents 
possibles avec les lignes aériennes ; j'invitais même quelques autres 
directeurs des usines hydro-électriques voisines, bien qu'elles fussent 
à basse tension, l'exemple et la perspective d'une sécurité garantie 
pouvant les entraîner dans la voie des transports à grande distance. 
Quelques-uns répondirent à mon appel; mais le nombre en fut 
encore trop restreint pour atteindre le but proposé. Si le Syndicat 
futur n'était pas encore mûr, la conversation roulait, comme de 
juste, sur les questions d'électricité pratique, et le directeur de 
l'usine électrique de Mortain, qui a fondé une seconde Station centrale 
à Sourdeval, fut amené à nous inviter à aller voir sa nouvelle 
création à haute tension, invitation acceptée avec un plaisir général : 
on frète l'omnibus local, on s'entasse, et roule le patachon ! 

Ces visites d'usine en commun, entre gens du même métier, sont 
toujours instructives. A l'occasion d'une seconde réunion qui eut lieu 



IDÉES SYNDICALES 113 

à Vire, accompagnée d'une conférence par un ingénieur très com- 
pétent de la Direction de Thydraulique et des améliorations agri- 
coles, le but d'une des excursions choisies fut la visite de Tusine et 
du barrage sur la Vire canalisée, qui éclaire à 7 kilomètres le chef- 
lieu de canton de Torigni (ces stations centrales de Vire et Torigni 
seront décrites en leur place). Mais ma mission touchait à sa fin, 
et, abandonnés à eux-mêmes, toujours absorbés par le travail de 
leurs nouvelles entreprises, sans liens encore solidement établis, 
nos électriciens n'ont pas su persévérer dans la voie tracée de for- 
mer un Syndicat. C'est aussi pour ce motif qu'actuellement je 
donnerai la préférence sur les électriciens aux propriétaires de 
barrages, gens plus rassis et moins occupés, les considérant encore 
par leur position sociale même comme plus aptes à donner un 
exemple plus profitable à tous. Ils seraient aussi, et pour les 
mêmes raisons, bien placés pour coopérer à la création des banques 
régionales que d'autres ont eu l'heureuse initiative de recomman- 
der et que j'ai préconisée moi-même. 

Je puis, à l'appui de ce qui précède, citer un cas qui semble tout 
indiqué pour une association de ce genre : le bassin de la Mayenne 
recèle une richesse hydraulique à laquelle le manque de régularité 
des débits apporte une restriction des plus graves. J'aurais pu, si 
je n'avais craint d'étendre trop le sujet, puiser dans la confé- 
rence d'ingénieurs allemands, à Aix-la-Chapelle, que j'ai citée 
(chap. I, p. 5), traitant des cours d'eau en pays de montagnes et 
leur correction^ des preuves du résultat qu'obtiennent des intéressés 
sachant pratiquer l'union. Déjà, en Allemagne, de vastes réser- 
voirs s'édifient dans des hautes vallées ; une semblable création, 
qui profite à tous les usagers du même cours d'eau, ne peut être 
entreprise avantageusement que par des Syndicats. La législation 
française concernant les municipalités prévoit ces ententes inter- 
communales et même interdépartementales, ces associations obtien- 
draient le concours de l'Administration pour l'étude d'un tel projet, 
et probablement une subvention pour sa réalisation. Deux départe- 
ments sont grandement intéressés à la correction des caprices 
hydrauliques de la Mayenne : le Maine-et-Loire et la Mayenne qui, 
dans la seule partie navigable de cette rivière, comptent 46 bar- 
rages écluses. Il faut toutefois faire remarquer que cette correction 
ne saurait être entreprise que dans le bassin supérieur et par con- 

8 



114 LA HOUILLE VERTE 

séquent sur la partie non navigable. Ce vaste projet, la Loire navi- 
gable ^ ne peut que bénéficier de pareilles entreprises. 

Si, toute proportion gardée, les résultats à atteindre de la for- 
mation de ces associations sont moins importants que dans la région 
de la houille blanche ou dans la partie de FÂllemagne que je 
viens de citer, ces Syndicats contribueraient certainement à la 
grandeur de la France qui en compte déjà un bon nombre de moindre 
utilité, et c'est à ce « levier archimédien » si puissant de la Presse 
que je confie cette idée, dans l'espoir de la voir fructifier. 



CHAPITRE XU 
VISIONS ÉLECTRIQUES 



Visions d'hier, réalités d'aujourd'hui; visions d'aujourd'hui, réali- 
tés de demain; ce titre eût tout aussi bien pu convenir au présent 
chapitre qui contiendra une forte part de fantaisie allant en dimi- 
nuant sans doute de jour en jour. Les hypothèses que je vais pouvoir 
émettre sans crainte, après ce préambule, auront peut-être encore 
l'avantage, dans une certaine mesure, de provoquer les solutions de 
problèmes dont la recherche est à Tordre du jour. Bien qu'il ne soit 
pas téméraire d'avancer, en se basant sur les progrès effectués en 
si peu de temps, que la science électrique ne suive une marche 
aussi... foudroyante que lorsqu'elle se permet de faire le mal, il y 
aura, comme dans toute progression, des temps d'arrêt, puis un 
nouvel et brillant essor, il est incontestable que nous venons d'as- 
sister, ces trente dernières années, à une poussée de cette sorte dont 
les effets ne sont pas encore ralentis. 

Qui n'a été séduit par le côté suggestif des romans scientifiques 
de Jules Verne? Ne reconnaissons-nous pas maintenant, dans 
les traits de ce mystique capitaine Nemo, si surprenant avec 
ses plongées à travers les mers, l'officier commandant un sous- 
marin ! 

Et le téléphone! L'époque est-elle déjà si lointaine à laquelle on 
se plaisait à représenter nos braves gens de campagne cherchant à 
voir passer par les fils la dépêche qu'ils venaient de confier au bu- 
reau du télégraphe? Aujourd'hui, bien des petites communes, dé- 
pourvues de télégraphe, sont reliées au centre administratif par cette 
merveille : permettre d'entendre à distance! L'enfant du village 



116 LA HOUILLE VERTE 

n'aura plus jamais rétonnement qu'eût éprouvé, en 1850, l'homme 
le plus savant de la terre en présence du téléphone. AUo! est un 
mot à introduire dans le dictionnaire de l'Académie, et on peut être 
certain qu'il y pénétrera. 

Voyez encore l'impression de ce savant en présence de la télé- 
graphie sans fil; ici il eût été tout aussi excusable que notre cam- 
pagnard de tout à l'heure. Il me serait facile de multiplier ces 
exemples dans lesquels l'électricité est Vunique facteur duprog7*ès. 
De la diligence à la locomotive, de celle-ci à l'électromoteur des 
lignes qui vont escalader les rampes, presque inaccessibles à 
l'homme, des plus beaux points de vue des Alpes, les distances des 
effets produits sont analogues, mais entre la première et la seconde 
il s'était écoulé quelques bonnes centaines d'années, entre la se- 
conde et la troisième, un demi-siècle au plus! 

C'est ainsi qu'une génération, suivant l'autre, non seulement 
profite des progrès accomplis, mais comprend à peine qu'il n'en 
ait pas toujours été ainsi, ne gardant pour l'invention accomplie 
qu'une faible part d'admiration et l'esprit toujours tendu vers celle 
qu'elle convoite. 

La seconde partie de cet ouvrage contiendra assez de réalités (je 
souhaite que l'on ne dise pas trop...) pour nous permettre, avant 
de l'aborder, un petit voyage dans le pays des illusions... 

Notre Fédération verte vient d'être définitivement constituée, les 
chutes d'eau de la région Normande sont autant de réceptacles 
d'énergie tous pourvus de turbines et de dynamos, pas une goutte 
d'eau n'est gaspillée ! L'accumulateur économique est inventé et com- 
plète sa charge durant les courts moments où toute dynamo n'est 
pas employée directement ailleurs; nous sommes loin des poteaux 
laids dont il a été question tout k fait au début; un paysage ne res- 
semble plus à un papier de musique sur lequel des hirondelles ont 
pointé des notes; les amateurs de sites pittoresques ne sauraient 
plus se plaindre, car il n'y a plus l'ombre d'un poteau. Les grands 
et beaux sapins sont laissés à la forêt dans laquelle ils continuent à 
jouer leur modeste, mais incontesté rôle de régulateurs de la houille 
verte. 

Toutefois la transition ne s'est pas faite d'un coup; les voltages 
s'élevant toujours avaient atteint des tensions de plus en plus élevées ; 



VISIONS ÉLECTRIQUES 117 

pour y satisfaire, tout en ménageant le cuivre qui. commençait à 
se faire rare, on était arrivé à fabriquer du fil creiix^ non pas étiré 
plus ou moins régulièrement, mais bien laminé. Il n'est pas inutile 
de rappeler que, dans le cas des hautes tensions, l'électricité a tout 
naturellement une tendance si grande à s'échapper qu'elle sait do 
plus en plus l'extérieur du conducteur; dans certaines circonstances 
atmosphériques, quelques lueurs s'échappent même la nuit. On 
conçoit bien alors l'économie résultant du fil creux, qui, vision d'hier, 

est réalité aujourd'hui! Et c'est dans notre industrieuse région 

Normande, parmi ces fabricants d'aiguilles et de clous, dont les 
machines-outils sont si compliquées à réparer, qu'il est plus simple 
de les fabriquer soi-même, c'est dans une tréfilerie hydraulique que 
cette nouvelle invention si favorable au transport à distance a pris 
naissance ! 

Mais la vision de demain avait annoncé tout à l'heure : plus de 
poteaux du tout ; donc, plus de fils non plus, car un puissant cerveau 
humain s'était dit : puisqu'on obtient une action à distance dans la 
télégraphie sans fil, pourquoi cette petite action ne deviendrait-elle 
pas aussi grande qu'on le désire? Le sleeping-car n'est autre chose 
qu'une... diligence sur rails. L'effort qu'il a fallu pour atteindre ce 
perfectionnement dans les moyens de transport est peut-être plus 
grand que celui qui reste à faire pour réaliser la vision du transport 

d'énergie à distance sans aucun fil car la réalité dhier n'est-elle 

pas cette admirable expérience faite l'automne dernier au Muséum 
de Paris, en présence d'un roi que la science ne laisse pas indiffé- 
rent, le roi de Portugal? Un savant éminent, Branly, obtenait le 
transport de petites énergies à distance. Voilà le jalon planté, 
l'invention se prépare, le savant est digne de tous les encoura- 
gements. 

Tenons l'invention pour faite, et voyons son heureux résultat pour 
une force hydraulique de l'Iton. J'ai déjà cité plusieurs fois les 
usines de Tubœuf, ancienne fonderie et tréfilerie de cuivre, dans 
laquelle une quarantaine d'ouvriers unissaient leurs efforts à une 
trentaine de chevaux hydrauliques pour cette utile besogne; ces 
chevaux sont bien une réalité^ car l'eau coule toujours, je puis 
l'assurer. A l'heure actuelle, tout industriel cherchant à établir 
une usine commence par demander la distance, à la gare du chemin 



118 LA HOUILLE VERTE 

de fer de la localité, et, quand cette distance est de plus de quelques 
centaines de mètres, il craint la nécessité d'un transport par route 
et cherche ailleurs, allant de préférence se fixer à proximité de la 
voie ferrée, abandonnant la cause de la houille verte pour celle du 
charbon, pourvu qu'il ait de Teau pour alimenter sa machine à 
vapeur, à plus forte raison quand il prévoit que ce combustible 
entrera pour une part très importante dans les besoins de sa fabri- 
cation ; l'ouvrier n'en sera qu'à moitié marri, car il aura, lui aussi, 
la ville à proximité, mais ce ne sera pas toujours à l'avantage 
de sa moralité, ni de sa santé... Mais la vision nous a montré que les 
usines de Tubœuf n'ont plus besoin de chevaux pour franchir lés 
5 kilomètres qui les séparent d'une ligne du chemin de fer secon- 
daire, dont le trafic est tellement faible que l'on peut affirmer qu'il 
n'en sera plus établi d'autres dans son voisinage. Puis pourquoi 
iraient-elles chercher du charbon venu du carreau des mines à 
grands frais de transport? Les sages règlements du Syndicat vert 
de riton ont établi un usage régulier de l'eau, sensiblement aug- 
menté encore par le meilleur entretien des nombreux étangs que 
compte cette modeste rivière à son origine et dont il a maintenant 
la surveillance et la gérance pour le bien commun. Ce n'est plus 
30 chevaux, mais plus de 50 que possèdent lesdites usines, et 
elles ont bien entendu aussi une voiture de livraison sans rails et... 
sans fils. Celle-ci contient toutsimplement dans le siège du cocher, 
du wattman champêtre plutôt, une dynamo réceptrice, qui, tout 
en s'éloignant de l'usine, reste en communication électrique avec 
la dynamo génératrice de l'établissement; ces voyages se font 
de préférence la nuit, moment où le travail est interrompu à 
l'usine. 

Dans la question des transports par route aux usines hydrau- 
liques, le progrès ne s'était pas fait non plus d'un seul coup, avant 
la traction idéale entrevue par vision,,,; une réalité s'était produite : 
en février 1906, on a fait à Laigle même, dans l'Orne, des essais de 
trains du système Renard destiné aussi bien au service des mar- 
chandises qu'à celui des voyageurs ; on voulait démontrer aux 
usiniers ou fermiers la possibilité de laisser au passage dans leurs 
cours des fourgons qu'ils avaient ensuite tout le temps voulu pour 
décharger et recharger selon leurs besoins. En un mot, un service de. 
messagerie automobile, grande et petite vitesse, dans les campagnes. 



VISIONS ÉLECTRIQUES 



119 



voilé, un premier point tout è, Tavantage 
pour la rentrée en activité des usines de 
Tubœuf aujourd'hui fermées. 

Une autre tentative dans cette voie, qui 
restait malheureusement à Tétat de projet, 
s'était déjà produite dans l'Orne aussi. 
Nous découvrirons par la suite, un peu 
perdue au milieu de ses semblables (tou- 
tefois la table des matières permet de se 
reporter aussitôt à celle-ci), la petite Station 
centrale de Putanges, non loin d'Argentan. 
Un maire entreprenant avait eu avant moi- 
même la pensée d'utiliser la houille verte; 
la force hydraulique, réunissant sur un 
même bief la puissance de trois anciennes 
usines fermées, atteignait une soixantaine 
de chevaux et dépassait donc de beaucoup 
les besoins de l'éclairage électrique de la 
commune. Celle-ci est située à 8 kilo- 
mètres d'une station de chemin de fer, et 
la vision de ce maire fut un moment de 
remplacer le patachon actuel peu confor- 
table par un véhicule plus moderne ; le 
conseil municipal nomma une commission 
d'étude, et celle-ci fixa son choix sur le 
mode des transports par routes avec trolley 
automoteur, tel qu'il fonctionne présente- 
ment entre Fontainebleau et Samois ainsi 
qu'àMontauban. Des questions budgétaires 
arrêtèrent ce généreux projet, car ce petit 
centre est actif et productif, ainsi que nous 
l'avons vu (chap. m, p. 9) ; espérons 
qu'on reviendra à un projet que les perfec- 
tionnements constants de l'automobilisme 
rendront de plus en plus réalisable. 

Pratiquement, pour une ligne d'un trafic 
peu intense, comme il faut éviter les frais 
onéreux desfeeders (lignes supplémentaires 



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^ I 



VISIONS ÉLECTRIQUES 



121 



partant de Tusine pour renforcer certains parcours du trajet) et se 
borner aux intensités de 500 volts, on ne doit pas dépasser une limite 
de parcours de 6 kilomètres, à moins, bien entendu, que la station 




Cliclié de la C" G^* d'Âlectricité, I^ans. 

FiG. 57. — Un passage compliqué d'une ligne de traction 
par trolley automoteur, à Montauban (lampe à arc). 



génératrice ne se trouve au centre de la ligne. Enfin la puissance 
minimum de cette usine génératrice nécessaire pour le trafic d'une 
voiture en service, avec une autre de réserve en vue des jours 
d'affluence, doit être de 50 kilowatts environ, donc 70 chevaux. 



122 



LA HOUILLE VERTE 



Une réalité qui surprendra sans doute fort le lecteur, n'est-elle 
pas cet homme convoyant un chargement et se promenant dans 
les airs? {fig. 58.) Il eût donné raison, ne semble-t-il pas, au naïf 

campagnard de tout à Theure s'appliquant à voir sa dépêche à 

cheval sur le fil de la ligne télégraphique. Il eût eu encore bien 
plus raison, en voyant bagage ou marchandise suivre tout seuls la 
ligne aérienne, car les deux se pratiquent surtout en Amérique, 
sous le nom de téléphérage. Le principe est à peu près le même 

que celui du tram à trolley 
sans rail : le courant ac- 
tionne un petit moteur élec- 
trique qui roule sur un rail 
suspendu dans les airs, et 
entraînant à sa suite wa- 
gonnet, chargement et con- 
ducteur. Dans le cas de poids 
relativement légers, pour 
les transports dans Tinté- 
rieur des usines et ateliers 
par exemple, un simple 
câble peut suffire et la pro- 
pulsion s'obtient par la 
manœuvre d'interrupteurs; 
dans d'autres cas, Ton forme 
de véritables trains avec des 
balladeuses. Bornons-nous 
à ajouter que Ton pratique 
cette application de trans- 
port pour des poids variant de 45 kilogrammes à plusieurs tonnes. 
Sur une ligne en palier et pour une vitesse de 18 kilomètres à l'heure, 
la force motrice nécessaire pour le transport d'une tonne est de un 
cheval. L'inventeur est Emile Guarini, ingénieur à Lima (Pérou). 
Bien des petits centres ou des usines de la houille verte de Nor- 
mandie pourraient utiliser avantageusement le dessus des accote- 
ments des routes nationales, souvent si belles, si larges et si droites; 
cependant le téléphérage ne craint ni les courbes ni les côtes. 

Sur cette question, de traction on peut ajouter que dans les con- 
trées de houille verte, lesquelles ne peuvent avoir la prétention de 




FiG. 58. — Téléphérage à deux trolleys 
pour transports de bagages ou marchandises. 



VISIONS ÉLECTRIQUES 



123 



voir se créer des lignes de voies ferrées avec traction hydro-élec- 
trique, comme c'est déjà le cas actuellement, dans la région des 
Alpes, aussi bien françaises qu'italiennes ou suisses, le cheval de 
renfort des automobiles électriques sera toujours au bas de la côte ; 
plus une contrée sera accidentée, plus on rencontrera de chutes 
d'eau et, par la suite, d'usines hydro-électriques. On a déjà proposé 
un type uniforme d'accumulateurs pour automobiles et par consé- 
quent interchangeables ; ce fait entrerait bien alors dans le chapitre 




G. 59. — Voilurette électromobile à deux places devant le garage {fig. 5) 
avant sa reconstruction. 

Elle peut se charj^^er de « houille verte » et fournir 45 kilomètres; environ 6 heures 1/2 de charge; 44 élé- 
ments, donc moteur à 80 volts ; poids mort, 1.600 kilogrammes. 



précédent des idées syndicales. Vision encore, dira-t-on... Je puis 
répondre cependant par un projet sérieux à Tétude : les chutes 
toujours élevées qui déversent leurs torrents dans les fiords de Nor- 
vège vont être utilisées pour charger des accumulateurs dont le 
transport par mer est peu coûteux, et ceux-ci viendront jusque sur 
le continent opérer leur décharge de... houille blanche. Ce terme 
métaphorique ne saurait être employé peut-être plus justement. 

La figure 59 montre une de ces petites voitures électromobiles 
dont la légende à elle seule est la solution de tout un problème; 
comme pour les autres éleetromobiles, une turbine accouplée à 



124 



LA HOUILLE VERTE 



une petite dynamo peut remplacer cheval, cocher, avoine, foin et 
paille. 



A propos d'accumulateurs, et, si nous y revenons souvent, c'est 
qu'il y a là une question du plus grand intérêt pour le développe- 
ment de l'électricité et surtout de l'hydro-électricité. On les a déjà 
employés pratiquement, dans certaines mines d'Amérique, en place 
des lampes à l'huile des mineurs, et ce sont 
même d'excellentes lampes de sûreté contre les 
terribles surprises du grisou. A cet effet on les 
charge en les réunissant en série (nous savons 
fort bien ce que l'on entend par là depuis l'ex- 
périence de l'arbre de Noël), à raison de 20 
quand la tension est HO volts et de 40 quand la 
tension est de 220 volts. Pour absorber l'excé- 
dent du voltage, il est indispensable d'intercaler 
un rhéostat pour atteindre le voltage voulu à la 
lin de la charge. On peut aussi charger une 
seule de ces lampes, et nous retrouvons ici 
l'application que nous avons faite d'une lampe 
placée en résistance pour la marche du petit 
électrqmoteur (chap. v). Cette démonstration 
par un simple jouet ne paraît donc plus si vaine, 
et la lampe de 32 bougies sur 110 volts, dont 
il a été alors question, est encore bien celle qui 
convient à cette petite batterie d'accumula- 
teurs. Puis on sépare ces lampes au moment de 

les confier aux mineurs Ce serait donc à 

peine une vision que de supposer dans les fermes ou habitations 
isolées de la campagne une distribution de bidons (T électricité, La 
voiture de livraison électrique passe, dépose un certain nombre 
d'accumulateurs chargés et remporte à l'usine ceux à soumettre à 
une nouvelle charge ; il ne reste plus qu'à fixer la lampe sur la tête 
d'un bidon d'un nouveau genre, et à tourner un bouton pour 
allumer. 

C'est cette même lampe qui a la triste actualité d'avoir servi à 
la recherche des corps des 1.200 infortunés mineurs qu'un terrible 
désastre a encore tués dans la récente catastrophe de Courrières. Les 




Cliché d la Société 
d'applications élec- 
triques, Arras. 

FiG. 60. — Lampe-accu- 
mulateur, dite New- 
Catrice, pour mines, 
soutes, caves, etc. 



i 



VISIONS ÉLECTRIQUES 125 

deux éléments dont se compose cette lampe donnent 3,9 volts à la 
décharge, pendant 15 heures environ, pour une lampe de 1 bougie. 
Elle pèse 2^^,700, c'est un peu lourd; mais, le récipient des accumu- 
lateurs étant hermétiquement clos, elle peut être renversée sans 
inconvénient. La petite lampe consomme 3,5 watts par bougie et 
peut fournir 500 heures. Les gardes-chasses emploient ces mômes 
lampes avantageusement dans leurs tournées nocturnes, car il 
suffit de tourner un petit interrupteur pour produire subitement 
la lumière. 

Je viens d'insister sur les avantages de l'emploi des accumula- 
teurs comme auxiliaires d'énergie dans les petites usines hydro- 
électriques; j'ai également signalé, au chapitre ix, les services que 
peuvent rendre, dans le même but, les petits moteurs à pétrole. 
On a cherché maintes fois, et non sans succès, à substituer dans 
ceux-ci, comme combustible, l'alcool de production française au 
pétrole d'origine toujours étrangère, puisque les mines de pétrole 
nous font complètement défaut et ne se rencontrent qu'en Russie 
ou aux États-Unis d'Amérique. L'agriculture aurait grand avantage 
à voir cette substitution se généraliser; elle trouverait là un emploi 
de l'alcool qu'elle obtient facilement par la distillation des bette- 
raves et autres tubercules, parmi lesquels se place en première 
ligne, on l'ignore peut-être, le topinambour dont la culture est 
très rustique. Et puisque dans ce chapitre nous allons de l'avant, 

une vision dans le domaine des applications de l'électricité nous 

autorise à voir l'usine hydro-électrique de l'avenir assez bien 
outillée pour extraire, par ses propres moyens, l'akool du topinam- 
bour, sans l'intermédiaire d'appareils spéciaux de chauffage. Alors 
les chevaux périodiques trouveront un emploi tout naturel : on 

les mettra (sous forme d'alcool) en bouteilles, comme réserve, 

pour la saison des basses eaux ! 

Correspondre avec la planète Mars offre certainement des diffi- 
cultés plus grandes à vaincre que la télégraphie sans fil, môme si 
l'on se contente de l'éventiftilité... d'obtenir une réponse résultant 
de la présence ou non d'habitants. Il n'en est pas moins vrai que 
cette idée de correspondance interplanétaire a été émise et que 
l'électricité n'était pas étrangère à cette proposition qui paraît 



126 



LA HOUILLE VERTE 



baroque de prime abord. On projetait de tracer quelque immense 
figure trigonométrique d'une intensité proportionnelle au but à 
atteindre dans les steppes de la Russie, et, en cas de... réponse, la 
conversation commençait ! 

La lampe électrique dont Timage suit [fig. 61) peut évoquer une 
semblable illusion, car on lui reproche d*avoir une lumière clair 
de lune. Cette lampe, dite à vapeur de mercure, est d'invention 
toute récente; elle n'émet que peu de rayons rouges et abonde au 
contraire en rayons verts. Or, remarquez bien qu'elle peut fonc- 
tionner sur n'importe quel secteur de notre houille verte. Elle 




Fio. 61. — Lampe à vapeur de mercure de Gooper-Hewitt. 

fonctionne tout aussi bien sur les courants alternatifs que sur les 
courants continus; enfin des expériences en cours permettent de 
supposer qu'elle réalisera une économie de la consommation de cou- 
rant sur les autres lampes ; elle offre aussi moins de danger que les 
lampes à arc, puisque la lumière se produit dans un tube fermé. 
En tout cas, on a pu juger de l'heureux effet obtenu, lors de l'Expo- 
sition de l'automobile de 1906 ; placées sous les plafonds des colon- 
nades extérieures du Grand Palais, sans être visibles à l'œil, ces 
lampes produisaient sur les fresques émaillées l'effet du jour réel, 
effet augmenté sans doute par le contraste de l'éclairage ambiant dû 
au gaz et aux lampes à incandescence. 



Indépendamment de la résurrection des forces hydrauliques à 
laquelle ces divers moyens de transports et d'utilisation peuvent 



VISIONS ÉLECTRIQUES 127 

concourir, il est une conséquence sociale qu'il ne faut jamais perdre 
de vue : la vie modifiée de l'intérieur de Touvrier. Reprenons le cas 
des usines de Tubœuf, mon réalisme de statisticien me ramenant 
toujours à des preuves à fournir. La population de cette localité est 
tombée de 150 habitants à 100 en vingt années (on y prend les gens 
au collet pour les mettre du conseil municipal!). Or, jadis, lorsque 
la tréfilerie était en aétivité, tandis que les ouvriers travaillaient 
à Tusine, leurs femmes cousaient à la maison gants et corsets, ou 
bien encore enfilaient les épingles et les aiguilles dans ces feuilles 
de papier gaufrées qui en rendent la vente plus séduisante. Aujour- 
d'hui, dans une autre importante usine qui ne compte pas moins de 
500 ouvriers, une machine perfectionnée les épingle à leur place 
par milliers en quelques minutes, mais la machine est coûteuse, 
elle appartient à cette grande usine. 

La vision nous montrera la femme de l'artisan de Tu- 
bœuf dans un, intérieur bien éclairé à l'électricité, disposant à 
domicile d'une petite source d'énergie ; elle aura machine à coudre 
ou toute autre machine-outil analogue, elle ajoutera encore sa part 
de travail journalier au salaire destiné à l'entretien du ménage, 
mais sans cesser de pouvoir moucher les mioches ! Où sont-ils 
aujourd'hui, ces pauvres petits, dans le cas où la mère passe toutes 
les heures de travail à l'usine? Confiés sans doute à une crèche quel- 
conque, en attendant l'âge de Técole, considérée par les parents 
encore comme un bon débarras; puis, à peine adolescents, ils iront 
tendre le cou au collier que leur prépare le grand exploitant et, 
élevés sans tendresse maternelle, c'est dans l'atelier privé de grand 
air que leurs corps continueront à s'étioler. Comment veut-on que 
la durée de la journée ne semble pas trop lourde à ces travailleurs 
et travailleuses? Et n'est-ce pas d'elle qu'il est question au fin fond 
de toutes les grèves ? 

C'est alors le jardinet où l'enfant de tantôt, grand-père un jour 
lui-môme, retrouvera les chers souvenirs de son enfance ; ce sont 
les joues roses et la tartine du bon et sain pain de campagne avec 
un tantinet de confiture de groseilles classiquement cultivées dans 
le petit potager; ce sont aussi les forces pour l'âge mûr dont 
rhomme aura su consacrer le temps strictement nécessaire à la 
patrie ! 

Et la réalité daujourdhui^ c'est encore le concours de la Société 



128 l-A HOUILLE VERTE 

d'Agriculture, Sciences et Industrie de Lyon, organisé par sa section 
du Génie civil pour juillet et août 1906, en vue des applications du 
petit moteur électrique aux machines de l'atelier familial et aux usages 
domestiques^ applications, est-il dit, qu'on rencontre si nombreuses 
en certaines villes de l'étranger ; le concours comprendra Temploi 
des électro-moteurs à la commande des machines à coudre, à bro- 
der, à tricoter ; l'adaptation des petits moteurs aux ventilateurs 
d'appartement, aux transporteurs, aux nouvelles machines de 
nettoyage par le vide, des tapis, tentures, boiseries, etc. ; l'attelage 
de petits moteurs aux tours d'horlogerie, aux scies à découper le 
bois, aux hachures, tourne-broches, machines à cirer les parquets, 
les chaussures, etc., etc.. Le concours est limité aux applications 
des petits moteurs électriques dont la puissance est inférieure à 
1 cheval. 

Je dois m'arrôter dans cette voie sous peine d'être accusé d'écrire 
une plaidoirie en faveur de la houille... tricolore! Et après tout, 
c'est aussi un peu d'elle qu'il s'agit ici ; la consommation du char- 
bon nous a montré les côtés faibles de la centralisation industrielle; 
nous savons pour quelle part la France est tributaire de l'étranger 
à ce point de vue. Dans toutes les usines hydrauliques que j'ai visi- 
tées et qui employaient les deux genres de moteurs, j'ai entendu 
dire : Si la force hydraulique ne nous suffit pas^ c'est toujours autant 
de gagné ; ou encore : Nous avons soin d'attendre pour procéder 
aux réparations de nos machines de secours f époque à laquelle C eau 
nous suffit. 

Pour tenter de justifier toutes... ces illusions^ je reproduis dans 
toute sa clarté la citation suivante extraite de l'article de FÉco- 
nomiste français du 20 janvier 1906 que j'ai déjà cité ; son émi- 
nent auteur, M. Pierre Leroy-Beaulieu, émet dés vues d'un ordre 
très général, que tout cœur vraiment français désirera croire pro- 
phétiques : 

« On commence à voir se produire la révolution industrielle que 
doivent nécessairement entraîner les applications de plus en plus 
nombreuses de l'électricité. Nous n'assistons encore qu'au début du 
mouvement qui se développera au fur et à mesure que des inven- 
tions et des perfectionnements nouveaux étendront le champ des 
usages du courant électrique ; mais plusieurs inventions décisives 



VISIONS ÉLECTRIQUES i29 

se sont déjà produites, et il semble que Téleclricité en soit aujour- 
d'hui au point où se trouvait la vapeur vers le premier quart du 
XIX* siècle, au temps de Watt et de Stephenson. Dans la longue 
route qu'elle doit parcourir, et oii elle marchera vite, sans doute, 
pour arriver à son plein développement, elle amènera de grands 
changements sociaux et même politiques. » 

« La reconstitution de l'atelier de famille, ainsi que la substitu- 
tion croissante de cette énergie à la force des animaux et même k 
la main-d'œuvre humaine dans beaucoup de rudes travaux agricoles 
en sont d'heureuses conséquences. A ce point de vue, l'électricité 
est donc un agent de décentralisation ; enfin, elle enlèvera aux 
contrées riches en charbon le monopole industriel que leur avait 
donné la vapeur et, comme la puissance politique est souvent la 
conséquence de l'essor économique, il doit en résulter des chan- 
gements dans l'équilibre même du monde. » 

Puis M. Leroy-Beaulieu ajoute plus loin : « La mise en valeur 
des grandes forces hydrauliques, que permet l'électricité, promet de 
transformer la montagne suisse en une nouvelle Belgique. Elle ne 
peut manquer de déterminer un puissant développement des pays 
Scandinaves; l'Italie, dont l'industrie est arrêtée parle manque de 
charbon, trouvera une large compensation dans les forces motrices 
des Alpes et même de l'Apennin. L'Espagne est même bien pourvue; 
l'Allemagne, sauf la Bavière, n'a pas de glaciers, et la vieille reine 
industrielle du xix* siècle, la Grande-Bretagne, est assez mal lotie, 
à part quelques parties de l'Ecosse. Les deux pays qui paraissent 
le plus devoir profiter de l'utilisation des forces hydrauliques sont 
l'Autriche et la France. » 

Plus loin on lit encore : « Ce n'est point seulement aux petites 
forces hydrauliques de nos départements de l'Ouest que l'électricité 
permettra de nouvelles utilisations. Grâce à elle, il faut l'espérer, 
on pourra parler de même du développement économique, de 
la grandeur de la France entière. Nous avons souffert dans notre 
richesse, dans notre puissance économique et politique, de notre 
pauvreté en houille noire. C'est la cause essentielle de l'affaiblisse- 
ment relatif de notre pays au cours du xix* siècle. Une ère nou- 
velle de renaissance et de progrès s'ouvre devant nous avec le 
XX* siècle, grâce à notre houille blanche et à notre houille verte, si 
nous savons les mettre énergiquement en valeur. » 

9 



130 LA HOUILLE VERTE 

Les dernières lignes de la citation qui précède renferment donc 
une reconnaissance des plus flatteuses du nouveau terme, qui se 
reproduira invariablement dans les en-tétes des huit chapitres sui- 
vants. 

Si la houille verte, dont les applications seront si nombreuses 
dans chacun des départements envisagés de la région Normande, 
a pu obtenir l'approbation de personnalités aussi compétentes, il 
faut l'attribuer à ce que cette métaphore a été mise au jour au 
moment opportun : il y a cinquante ans, elle n'était pas possible, 
puisque la dynamo était inconnue; dans cinquante ans, elle sera 
lieux jeu^ si l'expression m'est permise. Mais, dans quelques années, 
une revision de toute cette seconde partie, offrira sans doute un 
intérêt dont je ne veux pas douter, car cette revision montrera, en 
plus de nouveaux exemples hydro^électriques, les résultats écono- 
miques et sociaux qui sont si heureusement prédits à la page 
précédente. 



DEUXIÈME PARTIE 
APPLICATIONS ET STATISTIQUES 



CHAPITRE XIH 
LA HOUILLE VERTE DANS L'ORNE 



I. — LES EXEMPLES HYDRO-ÉLECTRIQUES 

Me réservant de présenter, à la suite de la carte de chaque dépar- 
tement, quelques considérations sur Faspect physique et hydrogra- 
phique, ainsi que sur la statistique propre, je commencerai aussitôt 
par la description des installations électriques comprises dans l'Orne; 
j'ai généralement adopté Tordre chronologique, commençant par 
l'installation la plus ancienne en date : 

1*" Domfront, chef-lieu d'arrondissement, est la première ville 
du département et môme une des premières de France dans 
laquelle l'éclairage électrique ait été établi, en 1880. L'éclairage, 
d'abord purement municipal, fut au début l'objet de nombreuses 
critiques. Aujourd'hui, tout le monde est d'accord pour se féliciter 
du parti adopté, et l'usage de cet éclairage est général dans toutes 
les classes; car, dans une ville moderne, il répond au double besoin 
du service public et de l'éclairage intérieur. 

Il n'est pas indifférent de rechercher le motif de ce succès ; à 
quoi devons-nous l'attribuer? La rivière la Varemie offre-t-elle des 
ressources qu'on ne trouve pas ailleurs dans l'Orne? J'en doute, et 
la succession des trois barrages, distants de 3 kilomètres représen- 
tantune force moyenne de 60 chevaux et réunis pour une mêmeuti- 



132 LA HOUILLE VERTE 

lisation se rencontrerait facilement dans d'autres parties du dépar- 
tement ; mais les habitants de Domfront ont appliqué un principe 
trop peu répandu : runion fait la force ! 

Ces trois usines hydro-électriques, qui s'appellent, en remontant le 
cours de la rivière, Notre-Dame^ les Tanneries et le Pont deCaen, 
se suivent et ne sauraient se nuire ; bien mieux, elles sont disposées 
de façon à utiliser au même moment et en même quantité le 
volume d*eau qui leur arrive. 

La troisième iisine, dite du Pont de Caen, est même assez éloignée 
de la ville, 2 kilomètres environ. Ne croyez pas que, en présence 
de cette utilisation récente, vous allez vous trouver en face d'un 
bâtiment somptueux ; c'est tout simplement l'ancien moulin à blé 
composé de deux pièces, dont l'une était la chambre du meunier, et 
l'autre celle de la meunerie, trop grande même pour le matériel 
électrique. Cette usine est purement hydraulique et comporte une 
turbine et deux dynamos de 52 ampères à d20 volts. Leurs courroies 
se superposent sur le grand volant de la transmission horizontale 
de la turbine, de façon à marcher à la même vitesse. 

Je viens de dire à la môme vitesse : en effet, nous allons ap- 
prendre une nouvelle propriété de la science électrique : la distribu- 
tion à 3 fils. En voici le principe : on peut mettre à côté l'une de 
lautre deux dynamos, les relier, et leurs voltages s'ajoutent comme 
2 et 2 font 4. Dans le cas présent, nous aurons, 120 et 120 font 240, 
et jusqu'à présent un élève de n'importe quelle école primaire me 
comprendra ; mais où la chose va se corser, c'est que nous voulons 
cependant n'employer que des lampes à 120 volts (c'est plus pru- 
dent). Il y a bien un moyen d'y arriver, c'est d'en mettre deux en 
tension (Voir chapitre v), puisque 120 et 120 feront encore 240, car 
autrement elles ne feraient qu'une flambée. Mais, si l'on désire 
éteindre l'une d'elles, le courant sera coupé et l'autre lampe s'étein- 
dra également. C'est ici que le troisième fil intervient ; on le fait 
passer entre les deux lampes ou deux groupes de lampes, et le 
courant reviendra à la dynamo qui l'entretient, même si l'autre 
lampe est éteinte; mais tant que les deux lampes seront allumées, 
il ne reviendra rien du tout; on peut donc le mettre très fin, puis- 
qu'il n'est là que comme en-cas. 

Nous voici arrivés par conséquent à n'avoir que 3 fils au lieu des 4 
nécessaires pour deux circuits, et l'un des 3 fils pourra même être 



LA HOUILLE VERTE DANS L'ORNE 



133 



très fin pour le motif donné ci-dessus. Fameuse économie de 
cuivre! Le croquis {fig. 62) complétera l'explication: 

Les Tanneries sont une usine à double fin, car une bonne partie de 
la journée la force hydraulique y est employée à refouler l'eau dans 
les réservoirs de la ville situés à 37 mètres au-dessus de la rivière. 

Pour l'éclairage, je relève à cette seconde usine de Domfront deux 
dynamos de 60 ampères à 110 volts, puisqu'on est plus rapproché 
de la ville ; toutefois, ce service de jour et de nuit dépassant la force 
moyenne de la turbine, une première 
machine à vapeur a dû lui être ajoutée. 

Enfin, à Tusine de Notre-Dame, 
nous trouvons, en plus de la turbine, 
qui actionne séparément ses deux 
dynamos de 120 ampères à 120 volts, 
une toute récente et très confortable 
installation au charbon ; toute Tins- 
tallation est en double, et chacune 
des 4 dynamos est de 120 ampères à 
120 volts aussi. 

En ville, se trouve un bureau oîi se 
centralisent tous ces courants, et c'est 
plaisir de voir fils et poteaux faire de 
toutes parts l'escalade des anciens rem- 
parts, conquête pacifique de la science 

à laquelle le vieux donjon semble assister fort étonné, plus habitué 
jadis à voir se dresser la poteqce. Tous les Normands connaissent 
le dicton populaire : 




ynamos 



O Lampes 



FiG. 62. — Schéma d'une distribu- 
tion d'éclairage électrique à trois 
fils. 



Domfront, ville.de malheur, 

Arrivé à midi, pendu à un' heur' 

Pas seulement Ttemps d'dinner (dîner)! 

La canalisation est entièrement aérienne et alimente les 78 ré- 
verbères de la ville et environ 2.000 lampes chez les abonnés. Uq 
imprimeur possède un moteur électrique pour ses presses. Batterie 
d'accumulateurs au centre de la ville. 



2** Mesnil-Glaise, près d'Argentan, château alimenté par une 
usine hydro-électrique établie en 1894 sur un ancien barrage de 



134 



LA HOUILLE VERTE 



rOrne. L'électricité est distribuée abondamment dans toutes les 
dépendances, ainsi que dans une .ferme modèle, si abondamment 



U U Li ^U U U U m U 



350 tours 




FiG. 63. — Coupe du pavillon hydro-électrique des Masselins, à Chandai (Orne). 

A, turbine. — B, axe vertical et poulie. — C, transmission et multiplication. — D, placé de la dynamo. — 
E, vannage d'ouverture de la turbine. — F, canal d'amenée. — G, canal de fuite. — . H, mur de la chambre 
^à eau. — J, dallage. — K, fenêtre. — L, grille d'arrêt. 

que l'on laisse Tinstallation en activité toutes les nuits d'hiver, se 
bornante abaisser alors le voltage à Taide du rhéostat. Partout des 
veilleuses électriques, c'est fort commode. 



LA HOUILLE VERTE DANS L'ORNE 






3"" La Chapelle-Montligeon, maison de retraite pour les ecclé- 
siastiques et lieu de pèlerinage bien connu, au-dessous de Mor- 
tagne, utilise depuis 1898 un ancien moulin à blé situé à 400 mètres 
de là, surla Villette, pour la production de la lumière électrique. 




FiG. 64. — Le pavillon hydro-électrique des Masselins, à Chandai (Orne) 
(Voir aussi figure 4), 

Un enfant da dix ans peut mettre en marche une turbine de 5 chevaux. 

Puisque c'est à mon tour de me mettre sur la sellette^ je le fais 
sans me faire prier. 



4° Les Masselins. — La force hydraulique de Tancienne tréfilerie 
de Chandai, dans ma propriété des Masselins (sise commune de 
Chandai) est ainsi définie : hauteur de la chute, l'^jôT ; 15 chevaux 
utilisables, 10 utilisés. Je me suis borné à en mettre 5 dans ma 
petite usine hydro-électrique, c'est la force de la turbine, et je les 



ine 



LA HOUILLE VERTE 



attelle le jour à ma fantaisie à divers usages domestiques, mais le 
soir régulièrement à la dynamo pour Téclairage qui absorbe à pleine 
charge 3,5 chevaux et peut donner alors 55 lampes de 10 bougies ou 
17 ampères à 120 volts. Dans la pratique, je ne dépasse pas 15 lampes 
pour en employer 24 à Tautomne. 




FiG. 65. — Intérieur du pavillon : volant du vannage d'admission; arbre 
vertical de la turbine et transmission ; la dynamo. 



L'électricité ainsi produite quitte cette usine minuscule par 2 fils 
de cuivre nus supportés par des isolateurs en porcelaine comme 
ceux des télégraphes, longe . des bâtiments sur un parcours de 
1 40 mètres et, laissant sur son chemin des ramifications dans les 
communs et dépendances, gagne le centre de Thabitation principale. 
A partir de là, il faut la surveiller, la guider soigneusement, 
ne pas ménager les plombs fusibles qu'elle ne pourra franchir au 
premier accident. Or Ton n'est jamais si bien servi que par soi-même, et 



lA HOUILLE VERTE DANS L'ORNE 



137 



qu'il me soit permis d'ajouter que, si j'ai souvent peiné (sans oublier 
les aides complaisants et improvisés de ma petite commune), j'ai 
aussi joui de quelque satisfaction à l'inauguration de chacun de 
mes petits réseaux. Je n'ai pas l'intention d'introduire le lecteur 
dans mon intérieur; qu'il lui suffise de savoir que, depuis la lampe 
qui permettra de surveiller le rôti jusqudLW lustre du salon, l'électricité 
seule est en usage chez moi. Je viens même cette année de prolon- 
ger ma petite ligne aérienne jusqu'à la grille d'entrée par des fils 
suspendus aux arbres et se distinguant à peine sur le fond de ver- 




FiG. 66. — Dynamo électrique à 2 pôles, 17 ampères, à 120 volts, en usage 
pour Téclairage électrique au château des Masselins, à Chandai (Orne). 



dure du parc. La lampe de la grille esta 300 mètres de la dynamo 
et elle brille comme les autres. 

Ce projet avait cependant trouvé des adversaires et des sceptiques 
et jusque parmi les miens : j'allais, prétendait-on, me vouera l'exter- 
mination infernale de ces foudres réunies, ne laisser aucun repos 
aux pompiers! C'est donc dans ma propre chambre que j'ai lancé le 
premier courant... puis les demandes n'ont pas tardé à se succéder. 

En résumé, grâce à une quantité d'eau suffisante, un trop-plein qui 
déborde pour assurer une marche régulière de la turbine, une trans- 
mission la plus simple, deux courroies, et, avec cela, il m'est arrivé 
en automne de faire mettre la turbine en marche à quatre heures 
et demie, et de la faire arrêter et, par conséquent, d'éteindre d'un 
coup toutes les lampes de l'habitation et dépendances, à neuf heures 
et demie, soit cinq heures d'éclairage consécutif, sans avoir à re- 



138 



LA HOUILLE VERTE 



mettre les pieds dans ma petite usine. Au mois de décembre, nous 
employons même Télectricité le matin pour le réveil ; un coup de 
sonnette, on va ouvrir la vanne et toutes les lampes, restées sur les 
circuits la veille, se rallument pour le lever et le service. 

Entre autres services domestiques ma turbine scie directement le 




FiG. 67. — Tableau de contrôle et résistance dans la cuisine 
[les Masselins, à Chandai (Orne)]. 

bois de chauffage et de cuisine; on aiguise encore les instruments 
tranchants; à Tépoque de faire le cidre, elle actionne un grugeoir 
[fig, 69 et 70). 

5° Putangds, chef-lieu de cantoa (700 habitants), emploie, depuis 
1901, une chute de la rivière de TOrne, répartie autrefois entre trois 
moulins, et qui alimente 20 lampes pour l'éclairage des rues et 
400 lampes privées (Voir encore ce qui a précédé au chapitre ii). 
Installation datant de 1901. 



LA HOUILLE VERTE DANS L'ORNE 



139 



6** Rémalard, chef-lieu de canton (1.500 habitants), arrosé par 
THuisne dont une chute fournit la lumière à 1 .500 lampes électriques 
depuis 190i seulement. La station centrale est située à 2 kilomètres 
du bourg; chute de 1™,70, débit bien régulier, produisant une tren- 




Fio. 68. — Schéma du tableau de contrôle au château des Masselins, à Chandai (Orne). 

A, ampèremètre. — B, voltmètre. — C, interrupteur gpén^ral. — D, rhéostat. — Z, l\ lignes reliant le tableau 
à la dynamo. — f, ligrne reliant le rhéostat à l'excitation de la dynamo. — rf, d\ départ des circuits d'éclai- 
rage. — jî, pôle positif. — n, pôle négatif. 



taine de chevaux, THuisne étant renommée pour ses eaux claires, 
fraîches et constantes, dans lesquelles se plaisent les truites, qualité 
dont les papeteries subsistantes témoignent encore. Les trois étages 
du Moulin-Neuf, usine hydro-électrique de Rémalard, ont subi de 
curieuses transformations : en bas, la transmission aux deux dyna- 
mos couplées sur le même arbre; au premier, le tableau de con- 
trôle, très surpris sans doute d'avoir en face de lui les deux paires 



i40 



LA HOUILLE VERTE 




FiG. 69. — Sciage par la turbine, du bois de cuisine et de chauffage 
[les Masselins, à Chandai (Orne)]. 




FiG. 70 — Meule à aiguiser, actionnée par la turbine 
[les Masselins, à Chandai (Orne)]. 



LA HOUILLE VERTE DANS L'ORNE i41 

de meules qu'on ne s'est pas donné la peine de descendre ; au- 
dessus, une des plus belles batteries d'accumulateurs que j'aie 
jamais vue (276 bacs, puisqu'elle doit monter à 500 volts); la dis- 
tribution est à 3 fils et les lampes à 250 volts. Bien que ce moulin 
soit situé sur la rive droite, la rive gauche, étant longée d'une belle 
route toute droite, était préférable pour planter les poteaux, et la 
ligne n'était pas gênée pour passer la rivière. 

Juste en face, la ligne rencontrait une grosse ferme, appelée 
ferme Reil^ et commençait par lui céder 15 lampes et un moteur 
électrique de 2 chevaux pour actionner un aplatisseur d'avoine 
et le [grugeoir à pommes à l'époque du cidre. On se rendra trop 
bien compte du grand avantage qui résuite de la profusion 
d'éclairage et de force dans toute exploitation agricole, pour que 
j'insiste, et ce n'est pas sans fierté que le fermier mettait ins- 
tantanément le moteur en marche devant moi et allumait les 
lampes. Après avoir gagné Rémalard, la ligne aérienne dépasse 
môme de 2 kilomètres cette ville dans la direction de Dorceau pour 
gagner encore une grande ferme, qui dispose de 35 lampes et d'un 
moteur. En plus des usages précédents, l'électricité met en mouve- 
ment un appareil pour nettoyer le grain et une pompe pour élever 
Teau, car à la Ferme Neuve les besoins d'eau sont d'autant plus 
grands qu'on fait de l'élevage de chevaux. Un détail qui a son im- 
portance pour permettre de rapporter de. bons témoignages photo- 
graphiques de Rémalard, l'hôtel (je ne le nomme pas !) a un cabinet 
noir pourvu... d'une lampe électrique. Est-ce assez moderne! 

7° Boucé, gros bourg de 900 habitants, à 12 kilomètres d'Argentan, 
possède une scierie mue par l'eau de la rivière la Cance et s'éclaire 
électriquement depuis 1904. 

Lors de ma visite, l'exploitant voulait bien m'apprendre qu'il 
avait existé là, il y a quelque quarante-cinq di.ns, d'anciennes forges ; 
depuis cette époque, de gros arbres avaient poussé un peu partout, 
et il n'y restait plus trace de l'ancien barrage ; toutefois, un canal 
d'écoulement souterrain avait résisté à Taction destructive du temps. 
La chute était bonne, 4", 25, et surtout à l'amont, un grand étang de 
près de 2 hectares emmagasinait une certaine quantité d'eau, de telle 
sorte que la marche ou l'arrêt des petits moulins de la haute vallée 
subsistants, au nombre de 4 sur 8, restait sans grande influence. Je 



142 LA HOUILLE VERTE 

commençais à comprendre comment le faible débit de la Cance, 
presque un ruisseau, que j'avais vu, lors d'une excursion antérieure, 
contourner les gares ou dépôts de pierres d'un chemin, avait pu 
cependant permettre une installation hydro-électrique. C'était une 
véritable résurrection hydraulique! Une roue fut d'abord établie, il 
y a quatre ans, pour la scierie, et cette roue est si curieusement 
enfouie qu'on n'en aperçoit que le sommet; puis elle fut renforcée 
par une turbine bien plus puissante quand on songea à l'électricité. 
On se sert actuellement de l'une ou de l'autre selon les débits de 
la rivière et selon les besoins d'éclairage (la roue en été, la tur- 
bine plus gloutonne en hiver). 

Comme partout, on a rencontré le meilleur vouloir des habitants 
pour permettre d'attacher les fils de cuivre qui sont supportés 
presque uniquement le long des maisons ou sur le faite des toits. 
Depuis le début, bien que tout récent, le nombre des lampes avait 
déjà sensiblement augmenté, et lors de ma visite en 1905 l'on ins- 
tallait devant moi une nouvelle lampe au fond d'un jardin dans un 
vide-bouteille ; quel luxe ! J'allais avoir une plus forte surprise : 
un moteur fonctionnait depuis peu. Un des boulangers de l'endroit, 
converti au progrès du transport d'énergie, avait établi un pétrin 
mécanique et l'actionnait par une dynamo, très drôlement placée... 
dans une chambre au-dessus, pour donner assez de longueur à la 
courroie de transmission; une sonnerie électrique lui permet de 
demander le courant dans la journée, et on lui en envoie de 
300 mètres de distance sans arrêter la scierie. La lampe la plus 
éloignée de l'usine est à 600 mètres ; il n'y a pas de compteurs ; les 
* lampes, à 110 volts, sont toutes à forfait par période de trois années. 

Tout cela est simple et fonctionne à la satisfaction générale; c'est 
donc un bon témoignage de plus de la souplesse et de la sûreté de 
l'électricité. 

8* Torchamp, non loin de Domfront; encore une installation 
hydro-électrique toute récente, 1904. Cette installation comporte 
un transport de force sur une longueur de 320 mètres, depuis le 
barrage établi sur la Varenne jusqu'au château de Torchamp. Sur 
son parcours, la conduite actionne des scieries (15 chevaux), des 
batteuses (9 chevaux), un appareil frigorifique (8 chevaux), un 
moulin agricole (12 chevaux), et alimente de nombreuses lampes 



LA HOUILLE VERTE DANS L'ORNE 



143 



électriques à 110 volts. Cette intéressante entreprise a reçu Tappui 
du Gouvernement sous forme d'une subvention. 

9** Moulins-la-Marche. — Les progrès de Thydro-électricité 
deviennent si rapides dans le déparlement que j'ai du mal à les 




FiG. 71. — Plan du moulin à tan et usine électrique de Moulins-la-Marche (Orne). 

Af moulin à Un. — B, nouvelle usine électrique. — C, couloir d'isolement, à cause des poussières du tan. — 
D, salle des accumulateurs. — E, dynamo. — F, groupe électrogéne de secours à pétrole (moteur et dynamo). 
— G, roue. — H, déversoir et canal de fuite. — a, a', a", pilons à tan. 

suivre; le chapitre de l'Orne était au complet, il a fallu le rouvrir 
pour ce chef-lieu de canton. Nous nous trouvons ici en présence 
du désir très accentué d'une municipalité vers ce progrès; les 
pourparlers avec le concessionnaire commencèrent en juillet 1905, 



144 LA HOUILI^ VERTE 

les travaux le 15 octobre, et la mise en raarche date du mois de 
décembre dernier. 

L'usine électrique est établie à 1.800 mètres du centre de cette 
petite ville de 1.022 habitants, située, comme Domfront et Mor- 
tagne, sur une butte élevée; ce n'était pas un obstacle à l'escalade 
des poteaux de la ligne électrique. Appelé Moulin-de-Sarthe^ et le 
tout premier après la source de cette rivière, cet établissement se 
consacrait de temps à autre à piler du tan, et il n'y a pas renoncé, 
puisque, trois fois par semaine, on a recours, dans ce but, à l'an- 
cienne roue qui sert aussi de moteur hydraulique pour entraîner 
la dynamo au moment de l'éclairage ou, le jour, pour charger les 
accumulateurs. La chute de 4", 80, donnant pratiquement 7 che- 
vaux, ne pouvait suffire en toute saison et a été secondée par un 
moteur à essence de 12 chevaux. L'éclairage (à 220 volts) comporte 
30 lampes publiques et 500 lampes souscrites par 83 abonnés. 

La carte de l'Orne qui suit est la plus ancienne en date, 1902; 
elle a dû être remise à jour au point de vue des installations élec- 
triques qui, dans l'intervalle des quatre années écoulées de 19Ô2 à 
maintenant, sont passées de 3 à 9. Toutefois la comparaison entre 
les usines d'industries diverses en activité et celles fermées est 
restée celle entre 1880 et 1900, seuls états permettant cette com- 
paraison dans l'Orne. Ce n'est donc qu'après les résultats donnés 
par le futur recensement de 1906 que des modifications utiles à 
ce point de vue pourraient être entreprises sur la carte de l'Orne, 
comme sur celle des départements qui vont suivre. 



II. — LES RESSOURCES HYDRAULIQUES DISPONIBLES 

La force moyenne totale utilisable des usines hydrauliques du 
département de l'Orne peut se chiffrer par 10.200 chevaux. Ce chiffre 
est celui qu'auraient pu utiliser le maxinaum d'usines ayant existé, 
et ne comprend pas, par suite, les portions des rivières susceptibles 
de nouveaux aménagements. Ceci est dit également une fois pour 
toutes pour les déparlements qui vont suivre. Toutefois il y a lieu 
de faire remarquer que, dans cette partie de la France riche et 



LA HOUILLE VERTE DANS L'ORNE 



i45 



peuplée, on avait déjà tiré parti de toutes les ressources dispo- 
nibles ou méritant de l'être avantageusement. 




Mais, entre ce chiffre de 10.200 chevaux et celui utilisé réelle- 
ment, à diverses époques, nous allons trouver de bien fortes diffé- 

10 



146 



LA. HOUILLE VERTE 



rences; ainsi, en 1900, on n'utilisait guère plus de 2.460 chevaux, 
et antérieurement, en 1880, 3.480 chevaux, soit une diminution 
de 1.000 chevaux environ pour vingt années. Si nous recherchons le 
motif qui a pu provoquer le chômage de ces usines, dont la grande 
majorité étaient des moulins à blé, nous en trouvons une explication 
vraisemblable dans le fait de la concurrence des minoteries impor- 
tantes qui, en substituant le cylindre à la meule et employant de 
nombreuses machines pour le nettoyage, le triage, le classement 
des produits, sont devenus de véritables usines exigeant des forces 
motrices considérables, pour lesquelles la production de la vapeur 
par le charbon est souvent indispensable. 

Cette remarque pourrait être répétée sept fois dans les départe- 
ments suivants, mais sept fois aussi nous allons constater un fait 
tout nouveau et voir des dynamos venir prendre près d'un moteur 
hydraulique la place des anciennes meules, et ceci aussi bien au 
sud qu'au nord, à l'est qu'à Touest de l'Orne! 

Avant de passer à l'énumération des emplois divers de ces usines 
hydrauliques, n'oublions pas de dire qu'il est toujours impossible 
d'arriver absolument à l'emploi complet de la force utilisable, mais 
on peut en approcher davantage, comme il a été dit au chapitre viu, 
en gagnant sur le rendement des moteurs hydrauliques, en ajou- 
tant môme des moteurs de secours au charbon ou autres, qui 
chôment dans les périodes des débits suffisants, ou enfin en faisant 
de l'éclairage électrique, comme il vient de l'être expliqué [indus- 
trie favorisée par la houille verte (Voir chap. i)]. Aux dates pré- 
citées, l'utilisation des usines hydrauliques de l'Orne se répartit 
comme suit : 



Moulins à blé 


1880 


1900 


630 
49 
7 
20 
20 
43 
10 


342 
24 

5 
i8 

6 
32 
27 


Industries textiles 


Papeteries .... 


Scieries de bois 


Moulins à tan 


Traitement des métaux 


Divers . . 


Totaux 


779 


454 





LA HOUILLE VERTE DANS L'ORNE i47 

Notons au passage qu'en 1900 une trentaine de ces usines ont déjà 
des dynamos pour leur éclairage particulier, qu'elles aient ou non 
des moteurs de secours au charbon, et le nombre en va sans cesse 
en augmentant. La raison a à peine besoin d'en être donnée : subs- 
tituer par la manœuvre d'un simple interrupteur, dans des ateliers 
toujours resserrés et encombrés, une clarté équivalente à celle du 
jour et sans danger. Cet éclairage est môme de première nécessité 
dans les filatures et autres industries analogues; en outre, tous ces 
établissements seront mieux armés pour continuer un bon travail 
après le coucher du soleil et tenir avantageusement leur place dans 
la lutte économique. 

Bien que le chapitre iv ait été tout spécialement affecté à donner 
pour l'ensemble des 8 départements quelques éléments de géogra- 
phie hydrographique nécessaires pour la compréhension des faits 
naturels dont nous venons de présenter les résultats pour l'Orne, 
certaines remarques, plus liées en quelque sorte aux motifs qui ont 
déterminé tel ou tel emploi des forces hydrauliques, sont néces- 
saires ici, ainsi que dans les départements suivants, et s'explique- 
ront mieux avec notre carte {fig. 72) sous les yeux. 

On remarque tout d abord que ce département est traversé de 
l'est à l'ouest par la ligne de faîte séparant le bassin de la Loire et, 
par conséquent, l'Atlantique de celui de la Seine, tributaire de la 
Manche (on la voit sur la carte représentée par ). 

Sur un versant comme sur l'autre, aucun des cours d'eau de 
l'Orne n'est navigable ni flottable ; tous ont môme des barrages 
encore au-delà de la limite du département. On peut donc se les 
représenter comme autant d'escaliers dont toutes les marches 
seraient occupées par un moulin ou une usine, et cela depuis les 
temps les plus reculés. 

Tandis que le. versant sud s'incline en pentes relativement douces 
et fertiles, celui du nord tombe brusquement; les chutes aména- 
gées y sont meilleures, et l'on remarque sur la Verre, près de Tin- 
chebray, la chute la plus élevée du département, 12 mètres, produi- 
sant 77 chevaux utilisables ; la plus faible, au contraire, se trouve 
sur la Galabrière, petit affluent du Môme, ne dépassant pas un cin- 
quième de cheval, où il existait cependant un petit moulin à blé. 

L'exposition favorable du versant sud devait y développer la cul- 
ture des céréales, et la presque totalité des moulins est consacrée à 



148 LA HOUILLE VERTE 

une clientèle agricole ; les vallées y sont larges et les établisse- 
ments forcément plus espacés, ces rivières offrant moins de pente; 
l'autre versant, celui du nord, présente un contraste absolu avec 
le premier; les vallées y sont plus étroites, souvent de nature 
rocheuse; les chutes aménagées plus rapprochées se sont adonnées 
àTindustrie : les filatures, tréfîleries, clouteries, fabriques d'épingles 
y abondent depuis longtemps et semblent avoir mieux résisté que 
les moulins à blé au mouvement qui tendait à faire délaisser les 
forces hydrauliques. 

Mais on m'objectera peut-être : « Etes-vous bien sûr de ces 
chiffres? Connaissez-vous seulement cette multitude de mou- 
lins? » Certes je les ai eus sous les yeux, du plus petit au plus 
grand ; j'ai visité beaucoup de ces usines hydrauliques, enfin presque 
tous encore figurent sur la carte dite de l'Intérieur à l'échelle de 
1/100 000% et j'ai toujours pris soin d'établir mes comparaisons, sur 
ces cartes, avant d'en produire la carte muette que l'on a vue. 

Je vais, du reste, ici même donner une preuve certaine de mon 
étude détaillée de ces nombreux moulins : le Grand Moulin ou 
le Petit Moulin^ très fréquents, n'ont pas demandé a leur parrain i 
un grand effort d'imagination; on trouve même \q Moulin du Mou- \ 
linet! Les Moulins-Neufs ne leur cèdent pas en nombre, exemple i 
de la fatuité humaine (j'en compte 15 sur ma carte); mais il ' 
est à craindre qu'ils ne justifient plus tous, à l'heure actuelle, leur j 
significatif surnom, ni le Moulin de rOrgueil. Quand ils sont seu- | 
lement deux sur une petite rivière, Moulin du Bas et Moulin du 
Haut s'expliquent facilement, mais que viennent faire loW^Moidin 
de la Bernoise llerie ou celui de la Rosière ? La litanie des saints 
y est trop nombreuse pour l'entamer. La botanique nous donne 
desPo?nmiers, des Pins, des Tilleuls; on y trouve le Chêne, le Chêne- 
Sec et le Chêne-aux-Fées. La Foulerie pour la farine, la Forge et 
la Fonte se comprennent aisément, et les nombreux Moulins à Tan 
confirment encore l'importance des forêts, même lorsqu'ils ont à 
présent d'autre besogne. Heureusement qu'il n'y a qu'un seul Mou- 
lin de la Folle-Entreprise! Si le plus long s'appelle le Moidin de 
la Chapelle-des-Tourailles, le plus court est incontestablement le 
Moulin d'O, 



CHAPITRE XIV 
LA HOUILLE VERTE DANS L'EURE-ET-LOIR 



I. — LES EXEMPLES HYDRO-ÉLECTRIQUES 

Configuration du sol bien peu favorable aux usines hydrauliques; 
il suffit d'un coup d'oeil sur la carte pour s'en rendre compte. Nous 
commençons donc par les départements les plus ingrats de cette 
région, mais la suite nous ménage des surprises ; cependant nous 
relevons encore dans ce département quelques exemples intéres- 
sants : 

1° Dans la commune de Saussay, à 20 kilomètres de Dreux, 
l'utilisation du moulin dit de Saussay, sur TEure, à la production 
de l'électricité, remonte à 1898. L'usine, qui compte une moyenne 
de 70 chevaux utilisables et se consacrait à la tréfilerie des métaux 
fins, ainsi qu'à Vélectrôlyse^ c'est-à-dire au dépôt de l'or, de l'ar- 
gent, etc., sur d'autres métaux par le moyen du courant électrique, 
venait en 1903 de passer des mains d'une grande maison de banque 
qui s'adonne plus particulièrement au commerce de ces matières 
précieuses, entre celles d'un industriel, qui espérait, par des trans- 
ports d'énergie joints à l'éclairage électrique, ressusciter l'ancien 
atelier familial dans lequel l'artisan continue son travail, quand 
le jour a cessé, au milieu et aidé des siens. Ce projet a parfaite- 
ment été réalisé ; nous le retrouvons au chapitre xx, puisque toute 
l'énergie produite est employée dans le département de l'Eure, bien 
que l'usine soit située dans celui d'Eure-et-Loir. 

2"* Un peu en amont, également sur l'Eure, la force de Tancien 
moulin de Sorel est transportée par l'électricité à une distance de 



150 LA HOUILLE VEBTE 

1.200 mètres, à Tusine de Saint-Roch^ la première en aval, et ces 
deux forces ainsi réunies continuent l'industrie du papier. L'éclai- 
rage des ateliers est assuré du même coup. Cette installation date 
de 1893; ce transport est à 500 volts. 

3' Au Sud du département, à Tembouchure de TAigre, der- 
nier affluent du Loir avant sa sortie du département, le proprié- 
taire du château de Bouche- d'Aigre a établi depuis 1897, avec 
un moulin de 13 chevaux, qui était cependant porté comme détruit 




Cliché Foucault^ à Dreux. 
FiG. 73. — Usine de Sorel. transport d'énergie électrique à la papeterie, 
en aval de Moussel, sur l'Avre (Eure-et-Loir). 

sur les états statistiques de 1885, l'éclairage électrique de sa pro- 
priété, à 110 volts, n'ayant recours qu'à la puissance de la chute, 
qui n'est cependant que de 1°',20 ; il a complété son installation 
par un poste d'accumulateurs qui lui rend à tout instant des services 
domestiques fort appréciables ; qu'il s agisse de chauffer de l'eau 
dans un cabinet de toilette ou môme un fer à repasser, le courant 
électrique emmagasiné s'en acquitte à bref délai. 11 chargerait aussi 
facilement la batterie d'une voiture électromobile. Il ne serait 
guère plus embarrassé quelques instants après pour produire de la 
glace artificielle qui, depuis les progrès des applications indus- 
trielles, ne nécessite aucune autre dépense que celle de la force 
motrice. 



LA HOUILLE VERTE DANS L'EURE-ET-LOIR 151 

Mais depuis la confection de la carte, dressée en 1903, il y a lieu 
d'ajouter les installations échappées au dernier recensement : 

i"" Le château de Marmousse, à quelques kilomètres de Dreux, 
dispose depuis 1903, grâce à une turbine sous une chute de 1",50 
sur la Biaise, de 175 lampes à 110 volts pour lesquelles la présence 
d'accumulateurs est d'une nécessité absolue, puisque des règlements 
draconiens empêchent tout usage de l'eau autre que celui des irri- 
gations pour un temps durant lequel on ne peut se priver d'éclai- 
rage. Ce fait ne se produit que dans les vallées très productrices de 
foin. 

5* Le château de Memillon, non loin de celui de Bouche-d'Aigre, 
précédemment cité. Remarquons encore un effet de la contagion, 
si Ton peut dire, qui sera fréquent. Ici, l'électricité, outre les 
120 lampes à 160 volts, actionne deux moteurs agricoles, et ce 
depuis 1*901 ; on a roue, turbine et, en plus des accumulateurs, un 
moteur de secours. 

6° Dans la commune de Saint-Lubin-des-Joncherets, près Nonan- 
court, l'exemple donné par la réunion de chutes, grâce à l'électricité, 
dans les papeteries ci-dessus (p. 149), a été suivi dans la tannerie 
dite de Vriseuil, et c'est une simple roue, donnant 12 chevaux, 
qui actionne une dynamo. Celle-ci transmet l'énergie à une récep- 
trice, à 800 mètres de distance, sous la tension de 250 volts; 
bien que cette installation remonte à 1897 (à rapprocher de la date 
de 1893 desdites papeteries), on ne semble pas avoir encore songé 
à utiliser l'électricité pour l'éclairage. 

Qu'on me passe encore un détail sur une question hydraulique ; 
il y avait, sur un des biefs importants de la rivière d'Eure, trois 
usines employant l'eau d'une môme retenue, non compris les douves 
du célèbre château d'Anet, résidence de la non moins célèbre Diane 
de Poitiers. Chacun de ces trois usiniers faisait marcher ses chevaux 
hydrauliques à hue et à dia; les douves dudit château, qui ne rece- 
vaient l'eau que par un trop-plein, s'envasaient, inconvénient aussi 
désagréable à l'œil qu'insalubre. D'où, procès continuels entre les 
intéressés. Un expert consciencieux vint et tint aux plaideurs ce lan- 
gage digne du bon La Fontaine : « Gardez donc l'huître pour... vous; 
je vais vous mettre d'accord par l'électricité ! » Sa parole fut réa- 



152 LA HOUILLE VERTE 

lisée ; il fit établir un régulateur électrique {fig.-li) manœuvrant auto- 



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matiquement, pour les trois usines, l'ouverture des trois vannes 



LA HOUILLE VERTE DANS L'EURE-ET-LOIR 



153 



d'admission des moteurs : roues et turbines. C'est ensuite aux 
exploitants, fort équitablement partagés, à utiliser au mieux la 
force dont ils disposent. Ainsi tout le monde est d'accord ; voici 
donc l'électricité passée à Tétat d'arbitre infaillible. 

Pour faire saisir le schéma {fig, 74), je puis ajouter que l'appa- 
reil repose sur la combinaison suivante : un flotteur est surmonté 
d'une tige; celle-ci porte une pièce B avec deux contacts qui, sui- 
vant sa position par rapport aux plots de droite et de gauche, envoie 
le courant d'une dynamo d'un des établissements, tantôt dans un 
sens, tantôt dans l'autre, à une petite dynamo réceptrice représentée 
à droite (D). Toutefois, le mouvement ascensionnel ou descendant 
des contacts qui a été produit par la vis sans fin de la tige du flot- 
teur, cesse assez rapidement, et la pièce B revient à la position 
neutre^ ne laisse passer aucun courant et, par conséquent, est tou- 
jours prête à recommencer. L'action du courant sur la petite récep- 
trice (D) a naturellement eu pour efl'et de la mettre en mouvement, 
soit dans un sens, soit dans l'autre, ce qui provoque, grâce à une 
transmission par courroie et engrenages, la fermeture ou l'ouver- 
ture des vannes approvisionnant d'eau les moteurs hydrauliques 
des trois usines. Le tout fonctionne à la satisfaction générale depuis 
six ans. 



II. — LES RESSOURCES HYDRAULIQUES DISPONIBLES 

La force moyenne totale utilisable des usines hydrauliques de ce 
département peut être évaluée à 4.160 chevaux; voici un tableau 
donnant une idée exacte de leur utilisation : 



Moulins à blé 


1885 


1900 


405 
8 
4 
7 

10 
7 

24 


287 
4 
1 
4 
5 
3 
78 


Industries textiles 


Papeteries 


Scieries de bois 


Moulins à tan 


Traitement des métaux 


Divers 


Totaux 


465 


382 





154 



LA HOUILLE VERTE 



On voit par là que d'une date à l'autre le nombre des industries 
diverses s'est accru, compensant quelque peu la diminution con- 



ETAT COMPARATIF 

DES 

FORCES HYDRAUUQUES 

DE 

lECREetLOIR 

I885ltl900ri 






Foroe utiliaèc 

«niaw 

_roro« utiliaèa 




Henri Bnesson en I903. \ 

d'apréa /es documents OflOctets. 

(Reproduction 



J. Foreat. Géogr-aphe. Pairi». 



FiG. 75. 



sidérable de 118 moulins à blé, et ce, pour les mêmes raisons que 
dans rOrne. Parmi ces nouvelles industries, quelques-unes sont si 
curieuses et inattendues qu'elles méritent d'être citées. Telles sont : 



LA HOUILLE VERTE DANS L'EURE-ET-LOIR 



l-Ui 



1 imprimerie lithographique, 1 tréfilerie-bijouterie, 1 atelier de 
confections pour dames et 1 fabrique d'une liqueur très connue h 
Paris. Voilà certes de bien curieux emplois de la houille verte, et, 
comme ce sont des industries très modernes, elles n'ont pas manqué 
de s'éclairer à Télectricité et d'employer, dans ce but, leur force 
hydraulique. 

A ces deux époques de 1880 et 1900, les puissances effectivement 
demandées aux chutes d'eau étaient respectivement de 2.400 et 




Cliché Foucault, Dreux. 
FiG. 76. — Le moulin de Bourray (minoterie) sur l'Eure, commune de Villiers- 
le-Morhier, chute de 2"*, 36 et 4.200 litres par seconde (Eure-et-Loir). 



1.930 chevaux; en rapprochant ces nombres des chiffres de la 
rtioyenne utilisable, on constate des différences de 1.760 et 2.230 che- 
vaux, soit à cette dernière date une diminution de 470 chevaux. 

Signalons la division apparente entre les deux bassins de la Seine 
et de la Loire, par la ligne de partage des eaux issue du massif 
accidenté de l'Orne, et venant se perdre dans les plaines de la 
Beauce. A-t-on renoncé, malgré le peu de chute d'eau, à avoir 
recours à des forces naturelles au profit de la houille noire? La 
réponse est donnée par la carte [fiff, 75) : la première des statis- 
tiques industrielles de la France, dont il a été question au cha- 
pitre x, celle élaborée en 1850, nous apprend qu'il existait alors 



156 



LA HOUILLE VERTE 



174 moulins à vent, dont un actionnant même une briqueterie et 
une poterie réunies. Les grandes étendues de plaines de la Beauce 
permettent au vent des vitesses qui atteignent 22 kilomètres à 
rheure et encore ne s'appelle-t-il alors que : bon frais! Le charbon, 
mieux que Don Qtiichotte sans doute, leur a porté un coup mortel. 
Cependant j'en ai encore vu récemment beaucoup en activité, mais 
à Tépoque de la poutrelle d'acier et de béton armé que nous traver- 
sons, les anciens et lourds moulins se sont transformés en légères 




Cliché Foucault, Dreux. 

Fio. 77. — La minoterie du Moulin-du-Roi, à Nogent-le-Roi, sur l'Eure ; 
chute de O^ïSS et 984 litres par seconde (Eure-et-Loir). 



et rapides éoliénnes (ces turbines de Tair) perchées tout en haut de 
leur échafaudage. Le dernier recensement, je Tai déjà fait observer, 
est muet à cet égard. 

Revenons à nos moulins à eau et, pour changer cette fois-ci, 
voyons comment on a su baptiser ici les cours d'eaux. L'étymolo- 
gie de ces noms sera sans doute mal aisée à retrouver; en tout cas, 
il ne faudrait pas chercher celle du Loir, parmi les noms des ron- 
geurs, car il n'a pas, vu le bon nombre d'usines portées sur la 
carte, la paresse proverbiale de son patron. Un de ses affluents était 
tout désigné : le Trompe-Sovris ! Non loin est la Sonnette^ et ce 
nom charmant ne semble-t-il pas éveiller Técho du frais tintement 



LA HOUILLE VERTE DANS L'EURE-ET-LOIR i57 

de son cours parmi les graviers? La Cloche sera en effet plus im- 
portante, mais je crains que le Rhône, dans cette cpntrée, ne soit 
un peu déplacé, en comparaison de son puissant rival du Midi de 
la France. La rivière des Fontaines-Blanches est, au contraire,, un 
nom tout à fait de circonstance. Toujours bon nombre de saints et 
de saintes, dont le plus inattendu est le Saint-Ulphace ! 



CHAPITRE XV 
LA HOUILLE VERTE DANS LA SARTHE 



I. - LES EXEMPLES HYDRO-ÉLECTRIQUES 

Ces exemples vont déjà devenir ici plus nombreux et plus inté- 
ressants que dans les départements précédents ; ils difiFèrent encore 
de ceux du département précédent par deux côtés : au lieu de pro- 
priétés particulières, ce sont des chefs-lieux de canton ou des 
communes qui utilisent Ténergie hydraulique pour l'éclairage et 
même pour de petits moteurs industriels ou agricoles ; puis, 
deuxième différence, ces exemples sont presque uniquement sur les 
rivières navigables avec lesquelles nous allons faire connaissance. 

V Le Lude, chef-lieu de canton de 3.700 habitants, offre un 
exemple, des plus intéressants à citer, du développement pris par 
Télectricité produite par une puissante rivière. Cet établissement, 
datant déjà de dix ans, emploie sur le Loir (partie navigable, mais 
peu naviguée depuis vingt-cinq ans) une force hydraulique située 
à 2 kilomètres environ du lieu d'utilisation; c'est précisément une 
de ces chutes voisines des écluses dont j'ai signalé les grands 
avantages (chap. vu). Nous relevons, pour l'éclairage municipal 
des rues 86 lampes de 16 bougies, puis environ 1.500 lampes chez 
les abonnés; mais ce qui retiendra surtout notre attention, c'est 
l'emploi de jour de Thydro-électricité pour la force motrice, fait 
inattendu dans une région de la France, considérée comme peu 
propre aux transports d'énergie. 



LA HOUILLE VERTE DANS LA SARTHE 



159 



Cette entreprise avait eu des débuts pénibles. Vers 1893, la chute 
utilisée par un matériel électrique peu approprié au but recherché 
ne servait en quelque sorte que de secours à l'usine à vapeur ins- 
tallée tout d'abord. Par le remplacement de ses dynamos et Tamé- 
lioration du système de distribution aérienne, le directeur actuel est 
parvenu à réaliser une importante économie de charbon, combus- 
tible nécessaire à toute, utilisation sérieuse. Celte augmentation de 
rendement lui a permis d'actionner, au Lude même et dans un 




FiG. 78. — Intérieur de l'usine hydro-électrique du Lude (Sarlhe). 



périmètre ne dépassant pas 2 kilomètres, 32 moteiii^s électriques^ 
recevant le mouvement de l'usine génératrice par des fils rigides 
cependant. Commençons notre description par une visite à Tusine 
génératrice, l'ancien moulin de Malidor, 

Puisque le but principal de cet ouvrage est de faire connaître, de 
vulgariser en un mot, toutes les nouveautés que nous trouverons 
sur notre chemin seront bonnes à enregistrer. Or, si nous avons 
déjà vu des distributions à 3 fils, à Domfront et à Rémalard, dans 
rOrne, nous allons faire connaissance ici avec un perfectionnement 
très ingénieux introduit dans ce mode de distribution, et ce, grâce 
à des égalisatrices, c'est-à-dire une disposition permettant de main- 



160 LA HOUILLE VERTE 

tenir un voltage constant sur chacun des deux circuits, conséquence 
obligée de toute distribution à 3 fils. On sait, en effet, que lorsqu'on 
éteint ou allume des lampes ou groupes de lampes, sur un des cir- 
cuits, on provoque entre les deux circuits une inégalité à laquelle 
il n'est possible de remédier que grâce au secours des rhéostats et 
par conséquent avec une perte d'énergie. Autrement on grille les 
lampes sur un des circuits; ou bien, en réglant la marche du circuit 
primaire sur le circuit secondaire qui a le moins de lampes, l'autre 
gardant un plus grand nombre de lampes allumées, on n'a plus en 
partage que de la triste lumière jaiine^ ce qu'il faut savoir éviter. 

On peut comparer ce qui précède à ce qui se produit quand une 
seconde personne s'approvisionne d'eau dans une maison sur une 
conduite : la première s'en aperçoit aussitôt, car le robinet fournit 
moins; pression hydraulique et tension électrique sont ici sensible- 
ment faits analogues, bien que la seconde expression soit plus dif- 
ficile à saisir quand on n'est pas habitué à Tusage de l'électricité. 

De toutes façons c'est mécontenter les clients. Bien souvent, en 
province, le concessionnaire fournit les lampes et les remplace 
avant leur usure, très préjudiciable à la bonne lumière; cependant 
cet avantage ne suffit pas pour remédier à la baisse du voltage; 
toutes ces petites questions présentent un intérêt sérieux, créant à 
l'éclairage électrique des amis ou des ennemis, je l'ai déjà dit cha- 
pitre IX, et je ne crains pas de le répéter. 

Or, qui va nous rendre cet excellent service de répartir également 
le courant primaire entre les deux circuits et de le maintenir inva- 
riable? Encore et toujours l'ingénieuse dynamo! Ici le courant ini- 
tial venant de 2 kilomètres, le transport peut se faire tout de même, 
grâce à 2 fils seulement, et c'est déjà un avantage. Dès son arrivée au 
centre du Lude, les 220 volts vont traverser deux dynamos, dont 
les axes sont couplés [fig, 79), et celles-ci distribueront du 110 volts 
par une distribution à 3 fils. Ce n'est, après tout, qu'une transfor- 
mation par rotation (si vous le préférez, une dynamo réceptrice à 
un voltage donné en entraînant une autre d'un voltage différent) ; 
mais la conséquence de la liaison des axes va être intéressante. En 
effet, admettons que l'on éteigne une assez forte proportion de 
lampes sur le circuit de la dynamo de droite, le voltage monte 
inévitablement sur ce circuit, mais la dynamo elle-même se met à 
tourner plus vite, et par conséquent entraîne, pousse pour ainsi 



LA HOUILLE VERTE DANS LA SARTHE 



161 



dire sa voisine; de ce fait, elles restent donc toujours d'accord, 
distribuant sur les deux circuits un voltage égal. C'est alors à 
l'usine principale, qui ne peut agir que sur l'ensemble des deux 
circuits, à régler sa marche, et elle ne manque pas de modifier la 
force électro-motrice. L'inverse 



220: 



reste vrai, pour la dynamo de 
gauche, soit qu'on éteigne, soit 
qu'on allume des lampes. 

Ce ne sont pas des forces insi- 
gnifiantes que celle des 32 mo- 
teurs signalés précédemment, 
puisqu'une scierie emploie un 
moteur de 18 chevaux à débiter 
du bois en grume, avec une scie 
à ruban, et un autre de 12 che- 
vaux pour une scie circulaire, 
sans oublier une affùleuse de scie 
automatique; bien des locomo- 
biles en usage dans cette indus- 
trie sont loin d'atteindre le total 
des 30 chevaux de la scierie. 
Puis viennent un menuisier avec 
2 moteurs de 7 et 4 chevaux, 
2 mécaniciens, 1 charron, 1 tour- 
neur en bois, 1 coutelier, 2 hui- 
liers, 1 grainetier (avec éléva- 
teur de fourrage automatique), 
1 laiterie-beurre rie, 1 grand ate- 
lier de confection de vêtements, 
et jusqu'à 1 fabrique d'eau ga- 
zeuse, fonctionnant par Veau. 

L'emploi le plus original des plus petites forces est, outre quelques 
machines à coudre isolées, un tourne-broche;. La Flèche n'est pas 
loin de là, et les poulardes, comme le homard qui « aime à être 
cuit vivant », doivent se sentir bien honorées d'être rôties à Télec- 
tricité ! Plus nécessaire est l'usage qu'en font les bouchers et charcu- 
tiers en été, puisqu'ils évitent, par des ventilateurs et avec avantage 
pour la conservation des denrées alimentaires, les frais coûteux de 

11 



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Fio. 79. — Distribution à 3 fils par dynamos 
égalisatrices, au Lude (Sarthej. 

A, dynamo à 220 volts et circuit primaire. — B et B', 
dynamos ditvs égalisatrices couplées sur un arbre 
commun. — C et C, circuits secondaires à 110 volts. 



162 LA HOUILLE TERTK 

la glace. Les 2 derniers moteurs servent à Tirrigation d'une prairie 
et à l'entretien d'un parc ; 4 enfin sont en usage pour des pompes 
chez des particuliers. 

L'eau à tous les étages et par Teau elle-même, en tournant un 
simple bouton! Voilà une ville « modem style », ou je ne m'y connais 
pas. 

Admettrait-on que ces travaux d'ordre si différent eussent pu 
être produits par des moteurs séparés au charbon, voire même au 
pétrole ou à l'alcool? Les frais n'en eussent certainement pas valu... 
la chandelle ; sans compter qu'en même temps on a mieux que des 
chandelles pour s'éclairer. Et c'est surtout cette disponibilité conti- 
nuelle de l'électricité qui en fait le charme et représente aussi une 
économie de temps non négligeable, par rapport aux autres modes 
de production d'énergie. 

La transformation de l'ancien moulin à tan et à blé en station 
centrale n'est donc pas trop regrettable. 

^ Notez que le directeur de l'usine du Lude n'a pas arrêté là ses 
applications : il a loué, depuis 1899, pour l'éclairage électrique à 
125 volts de La Chartre-sur-le-Loir (1.600 habitants) la force mo- 
trice hydraulique d'une grande filature, à partir de sept heures du 
soir (heure d'arrêt du travail). Qu'en ferait-il avant la nuit dans les 
longs jours d'été? Puis, quand la saison l'exigera, il emploiera fort 
bien le restant de la nuit (ce n'est pas tous les soirs réveillon) à 
charger des accumulateurs qu'il retrouvera utilement le lendemain, 
à l'approche de l'obscurité, pour attendre patiemment sept heures 
et la sortie des ouvriers. A cette saison, il disposera du reste de la 
force maxima d'hiver, cependant il a aussi une machine à vapeur 
de secours. 

3° Sur le Loir encore, mais navigable, et entre les deux stations 
précédentes, Vaas, chef-lieu de canton de 1.600 habitants, avait 
fait depuis 1894 l'acquisition d'un ancien moulin à tan et commencé 
l'éclairage de la localité, des bâtiments communaux ainsi que des 
particuliers. Aujourd'hui on y compte 150 lampes à 110 volts, dont 
110 chez les abonnés; pour satisfaire aux. demandes nombreuses, 
on va renforcer l'installation hydraulique par une machine de 
secours, sous la forme d'un gazogène de 24 chevaux (usine à gaz 



LA HOUILLE VERTE DANS LA SARTHE 163 

et moteur en miniature), parant également aux inconvénients des 
basses eaux ou des crues. 

4** Sur la Sarthe, nous trouverons la ville de Sablé (6.100 habi- 
tants) qui jouit, en plus d'une usine à gaz, de Téclairage hydro-élec- 
trique, depuis 1898. C'est un ancien moulin à céréales à proximité 
d'une écluse, et il est distant de 400 mètres du centre de la ville. 
Il fut d'abord transformé, en 1895, en usine élévatoire pour le ser- 




Fio. 80. — Roue de l'usine hydro-électrique de Vaas, 
sur le Loir navigable (Sarthe). 



vice d'eau, puis en station centrale. Toutefois, l'exploitant ne dis- 
pose de la force hydraulique qu'au moment du coucher du soleil. 
Étant également concessionnaire de l'usine à gaz, par une sage 
entente avec la municipalité, il a pu utiliser un moteur à gaz établi 
précédemment pour renforcer l'installation hydraulique. Celui-ci 
est toujours prêt à venir en aide à la turbine, si son rendement 
faiblit; mais, si la pénurie d'eau est prévue, un moteur vertical 
au charbon et à grande vitesse entre à son tour en jeu. 

Il y a dans cette entente entre l'eau et le charbon, entre l'élec- 
tricité et le gaz sous la main habile du directeur de cette usine, un 
fait à retenir : toute l'eau est toujours employée. Le résultat de cette 



464 LA HOUILLE VERTE 

intelligente combinaison se chiffre par 17 lampes à arc et environ 
140 lampes à incandescence (à 110 volls) chez les abonnés, car il 
ne faut pas oublier que le gaz était établi anlérieurement à l'élec- 
tricité. Remarquons encore que la puissance totale du barrage est 
répartie entre cette usine, une minoterie et un atelier pour scier le 
marbre. 

5° A Malicome (1.500 habitants), également sur la Sarthe, l'an- 
cien moulin à céréales, utilisant 3 roues de 10 chevaux chacune, 
continue le jour son utilisation agricole, ne se transformant en usine 
hydro-électrique qu'à l'approche de l'obscurité; ici l'expression 
hydro-électricité est des plus justes, car la force hydraulique seule 
suffit ; il n'y a ni accumulateurs, ni machine de secours. La distance 
au centre de la localité est d'environ 500 mètres : on y relève, 
depuis 1898, 30 lampes à 110 volls pour l'éclairage public et 
200 lampes chez les abonnés. 

Depuis l'établissement de la carte, établie comme la précédente, 
en 1903, il y a lieu d'ajouter, sans oublier la remarque faite 
page 151 : 

6° Connéré, gros bourg, qui, malgré ses 2.250 habitants, n'a pas 
le rang de chef-lieu de canton ; le chiffre relativement élevé de la 
population est dû à la présence d'une fabrique importante de 
bâches, tentes, stores et sacs ; grâce à la chute d'un petit affluent 
de l'Huisne, le Due, renforcée d'une machine à vapeur de 35 che- 
vaux, on y jouit de 40 lampes dans les rues et de 1.200 lampes 
particulières à 120 volts. En rentrant chez lui, l'ouvrier retrouve 
donc l'ampoule électrique qu'il vient de quitter à l'usine. L'éta- 
blissement de l'électricité date de 1899. 

7° L'exemple d'un transport d'énergie réunissant deux chutes voi- 
sine s dans une seule et même usine, déjà relevé dans Eure-et-Loir, 
va se reproduire ici sur la Sarthe, au moulin dit des Calots, com- 
mune de La Ferté-Bernard, mais tout simplement pour une minote- 
rie. La force ainsi transportée à 900 mètres depuis 1900 est d'en- 
viron 35 chevaux; le voltage adopté est de 440 volts, et l'on n'a pas 
songé encore à l'éclairage de bâtiments et dépendances, ce qui ne 
tardera sans doute pas. 



LA HOUILLE VERTE DANS LA SARTHE 



165 



II. 



LES RESSOURCES HYDRAULIQUES DISPONIBLES 



La puissance moyenne utilisable des usines hydrauliques du 
département de la Sarthe atteint 13.900 chevaux, dont 5.400 sur les 
rivières navigables et 8.500 sur les rivières non navigables. 

Au point de vue de leur utilisation, le classement par industries 
n'a pas été fait d'une façon assez précise pour permettre d'établir 
une comparaison utile entre diverses dates ; nous donnons Tutilisa- 
tion à la date de 1900 sur les cours d'eau non navigables. 



Moulins à blé 

Industries textiles 

Papeteries 

Scieries de bois 

Moulins à tan 

Traitement des métaux . 
Divers 

Total 



1900 



607 
8 
7 

22 
6 
7 

21 



678 



A cette même époque, 45 industries se partageaient la puissance 
des 38 barrages écluses de la Sarthe et du Loir; 3 seulement étaient 
alors en chômage. La chute la plus élevée de ces derniers barrages 
est à la Suze, 1",45, et la plus faible, à l'extrémité aval du Loir, 
n'atteint que 0"", ^2 donnant cependant 28 chevaux à une minoterie. 
La force brute des 4 barrages sur lesquels il n'a jamais existé 
d'usines est évaluée h 650 chevaux. Les deux barrages les plus rap- 
prochés ne sont qu'à 1 kilomètre l'un de l'autre et les deux plus 
éloignés à 14 kilomètres. 

Je regrette que l'échelle restreinte de la carte {fig. 81) ne per- 
mette d'y faire mieux sentir l'importance des forces hydrauliques 
de la rivière de la Sarthe, même non navigable, et surtout de 
l'Huisne : sur la première on constate une succession de 20 usines 
variant entre 50 et 150 chevaux, et sur la seconde 28 de 70 à 
160 chevaux. 



166 



LA HOUILLE VERTE 



Ce département occupe le centre du versant sud du massif monta- 
gneux; la culture, plus avantagée par le climat, l'emporte sur Tin- 
dustrie proprement dite, et la transformation des anciens moulins 
à blé en usines électriques ou autres y est lente. On n'y est pas 



^^<h^-^ 



ETAT COMPARATIF 

DES 

FORCES HYDRAUUQUB 
SARTHE 

vers 1900. 



Carte dressée 
par Henri Bresson 

en 1903. 
T^^rodacUon riaervée 



Force utilisable 
RMArwUbugab Riv.non Ncv^aUe* 



LEGENDE • 

• tism€S CMACTivnt 




J.Forest. Géographe. 



Fio. 81. 



hardi comme on le sera dans la Manche : le courant à 500 volts est 
une limite que Ton redoute déjà; toutefois, pour ces usagers timides, 
les exemples précédents prouvent, tout au moins, qu'avec 25 che- 
vaux, secondés par des accumulateurs, on peut avantageusement 
entreprendre l'éclairage d'une localité d'environ 1.000 habitants, 
située à 1 kilomètre au plus de l'usine hydraulique, et où le gaz 



LA HOUILLE VERTE DANS LA SARTHE 167 

n'a généralement pas fait son apparition, et y ajouter même les 
transports d'énergie pour les usages du jour. C'est le développement 
presque certain d une nouvelle catégorie de centres de moyenne 
importance et dans des conditions d'hygiène et de moralité qui 
tendent à se perdre dans les grandes villes déjà trop chargées de 
population. Ces centres se mettraient ainsi à l'abri des conséquences 
d'une grève générale des mines de charbons ou des transports. 

Cette timidité, dans une certaine mesure, se manifeste encore 
par le chiffre le moins élevé dans les usages hydro-électriques 
des six départements entourant l'Orne, pour les usines qui se sont 
pourvues d'une dynamo en vue de leur éclairage particulier : 18, 
c'est fort peu. 

J'ai à citer quelques noms de moulins bizarres : appeler Coupe- 
scie un moulin employé à la production de l'huile paraîtra bien 
exagéré, mais la rivière de la Farce est à côté pour nous rensei- 
gner sur cette fantaisie; son voisin le moulin de Trousseloup est 
plus inquiétant. Si j'ai trouvé dans d'autres départements, comme 
dans celui qui nous occupe, de nombreux Moulins-Rouges, ']q n'avais 
vu nulle part de Moulin-Rose ; doit-il être assez charmant dans sa 
fraîche parure de feuillage faisant écumer sa houille verte! Le 
moulin des Deux-Èves doit remonter à la plus haute antiquité. J'aime 
encore bien ces fiers noms de moulins : Prends-son-Droit et Main- 
Ferme, Parmi les noms d'écluses : le Ponton et les Iles étaient tout 
indiqués; Malidor sonne bien, elMalicorne est curieux; enfin, la ga- 
lanterie n'a pas perdu ses droits avec le barrage Aq^ Relies-Ouvrières. 



CHAPITRE XVI 
LA HOUILLE VSBTE DANS LA MATENNE 



Bien plus que dans la Sarthe encore, le gros tribut des forces 
hydrauliques est, dans la Mayenne, à imputer aux cours d'eau 
navigables. Ces forces sont malheureusement jusqu'à présent peu 
recherchées, sans doute parce que les industriels ou propriétaires 
voisins des écluses qui seraient aptes à tirer parti de ces richesses 
les ignorent; une restriction à cet emploi est bien imposée, comme 
nous Pavons déjà dit au chapitre vu, par les besoins de la naviga- 
tion ; toutefois, actuellement, les disponibilités sont bien supérieures 
aux besoins éventuels. Ces industriels et ces propriétaires ignorent 
aussi probablement que dans le département de la Manche, dont 
nous entreprendrons Texamen chapitre xviu, on transporte déjà à 
des 6 et 8 kilomètres de distance des forces qui n'atteignent pas 
le dixième de celles que nous verrons dans le tableau qui suivra; 
ce tableau contribuera peut-être, par la suite, à l'utilisation des 
chutes; en tout cas il expose cette situation au grand jour. 



I. — LES EXEMPLES HYDRO-ÉLECTKIQUES 

Si nous trouvons à peine un exemple important à citer, c'est, 
tout au moins au point de vue hydro-électrique, le plus remarquable 
môme de la région; il est nécessaire de le faire précéder de quelques 
notions de physique rajeunie, modernisée. 

Pour obtenir de la chaleur, on... chauffe, aurait dit M. de la 
Palisse, au bois, au charbon, voire même à la tourbe, mais où rori- 
ginalité commence, c'est de chauffer avec de Teau froide et d'ob- 



LA HOUILLE VERTE DANS LA MAYENNE 



169 



tenir même ainsi des résultats qu'on ne saurait rechercher plus 
économiquement. Tel est le but de V électro-métallurgie^ science 
née d'hier. 

L'électricité était connue des Anciens, puisque Thaïes, 700 ans 
avant Jésus-Christ, entrevit sa présence dans l'ambre (en grec 
élektron) ; mais on n'est arrivé à, tirer de l'électricité des profits tout 
à fait inattendus que depuis trente ans à peine. On connaît la foudre 
(celte électricité des nuages) et ses effets dangereux; tout le monde 




Cliché Hamel-Jalier. Laval. 



FiG. 82. — Usines de Rochefort. — La Fourmondière-Inférieure. — Fours électriques 
de la Société La Néo-Métallurgique, près Laval (Mayenne). 



sait qu'elle brûle, car on constate la trace noircie de son passage 
sur l'arbre qu'elle atteint. Sans entrer dans des détails étrangers à 
cette étude, qu'il suffise de savoir que certains courants électriques 
peuvent développer rapidement des foyers de températures de 
3.000 à 3.500° et les faire cesser de même par la manœuvre d'un 
simple interrupteur. Cette découverte a donné lieu à de nouvelles 
applications, notamment le traitement des métaux par le four élec- 
trique; c'est la néo-métallurgie qui, grâce à l'électricité, a développé 
l'emploi industriel des corps réputés jusqu'alors réfractaires^ tels 
que les chrome, tungstène, molybdène, titane, vanadium, etc.. 



470 



LA HOUILLE VERTE 



Ce sont, du reste, des métaux qui, introduits dans la composition de 
Facier, lui donnent des qualités précieuses de résistance, le faisant 
alors rechercher pour les armes de guerre et de la marine, ainsi 
que comme acier à outils. 

Or, je le répète, Ton peut employer la puissance hydraulique à 
produire le courant électrique en faisant tourner une dynamo. Il 
est vrai que, pour obtenir des courants aussi puissants, il ne faut 




Cliché Hamel-Jalier, Laval. 
FiG. 83. — Usines de Rochefort. — La Fourmondière-Supérieure. — Tiss âge d'amiante 
et transport d énergie, près Laval (Mayenne). 



pas lâcher moins de 200 à 300 chevaux d'un coup, et cependant 
nous allons les trouver dans le département de la Mayenne. 

V Les usines de Rochefort, dans la commune d'Andouillé, près 
de Laval, appartenant à la Compagaie la Néo-Métallurgie, sont 
situées sur la partie navigable de la Mayenne, et les trois chutes 
qui leur fournissent d'importantes forces sont comprises dans un 
espace de moins d'un kilomètre (barrage de la Richardière, des 
Fourmondières inférieure et supérieure). Ces trois chutes de 2",75 
de hauteur, provoquées par Jes écluses nécessaires à la navigation, 
comportent : la première^ deux turbines de 150 chevaux chacune. 



LA HOUIU.E VERTE DANS LA MAYENNE 



171 



soit un total de 300 chevaux; la seconde, une seule turbine de 
200 chevaux; enfin, la troisième, absolument comme la première 
chute, dispose de 300 chevaux, grâce à deux turbines de 150 che- 
vaux chacune; total, 800 chevaux utilisables. Cet ensemble est 
presque digne de la fameuse dénomination de houille blanche, ré- 
servée, jusqu'à présent, comme on le sait, aux hautes chutes des 
pays de montagnes. Les effets des turbines de Rochefort, traduits 
sous forme de courant électrique, h 2.000 volts, se concentrent 



1 




Communiqué par M, Chaplet, ingénieur, usines de Hochefort. 

FiG. 84. — Usines de Rochefort. — La Blinière. — Transport d'énergie 
et formation d'accumulateurs. 



OU se répartissent, grâce à 3 fils très fins, suivant les produits plus ou 
moins réfractaires à obtenir dans un ou plusieurs creusets des fours 
dits électriques. Les débuts de cette entreprise remontent à 1884. 
C'est bien là, sur une plus grande échelle, la même situatioù 
avantageuse de trois usines se succédant et agissant simultané- 
ment, que j'ai déjà signalée pour l'éclairage électrique deDomfront, 
dans rOrne. Naturellement l'éclairage des trois usines est assuré 
du môme coup. 

2° Le directeur des usines précédentes, qui a su si habilement 
tirer parti de la situation des lieux, devait considérer comme un jeu 



172 



LA HOUILLE VERTE 



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de doter sa commune de 
Téclairage électrique. Il a 
jeté son dévolu sur une 
petite chute de 2 mètres 
sur TErnée, à 700 mètres 
du bourg d'Andouillé, qui 
compte 2.500 habitants, 
et, depuis 1891, l'éclai- 
rage public est assuré par 
100 lampes de 16 bougies 
à 110 volts. Le soir venu, 
le meunier couvre son chef 
de la casquette galonnée 
de Télectricien, embraye la 
dynamo et lance le courant. 

Depuis la carte dressée 
comme les deux précé- 
dentes, en 1903, et pour le 
même motif, on trouve 
encore : 

3** Gorron, un chef-lieu 
de canton de 2.500 habi- 
tants, utilise une chute de 
la rivière le Calmont et 
emploie roue et turbine 
simultanément ou succes- 
sivement selon les besoins, 
pour Téclairage des rues 
par 40 lampes et celui des 
particuliers qui se parta- 
gent 200 lampes à 1 10 volts, 
et ce, depuis 1901. C'est 
une minoterie encore qui 
a cette utile entreprise; 
voici deux fois de suite 
que ce cas de cumul se 
présente, et il se renouvellera plus souvent qu'avec toute autre 




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LA HOUILLE VERTE DANS LA MAYENNE 173 

industrie, car celle-ci nécessite un travail très régulier, sans inter- 
ruption et toujours surveillé. Regarder, de temps à autre, si les 
balais de la dynamo ne donnent pas d'élincelles, si les paliers ne 
chauffent point, c'est un bien faible surcroît d'occupation pour le 
garde-moulin qui, se servant lui-même de cet éclairage, s'aperçoit 
aussitôt de toutes les variations de la lumière et les corrige pour 
tout le monde comme pour lui-même; ni machine de secours, ni 
accumulateurs, le Calmont suffit à tout et, du reste, un sac de blé 
peut, à la rigueur, attendre son tour d'être moulu. 

4** Un autre four électrique fonctionne dans la Mayenne, commune 
du Bas-Coudray, à l'emplacement des mines d'or qui y furent 
récemment découvertes. Des questions d'intérêt, un procès engagé 
m'obligent à me borner à une simple constatation, bien que plu- 
sieurs publications locales ou de Paris se soient occupées de cette 
question ; notre rôle d'enquêteur amateur aussi impartial que désin- 
téressé nous imposera une plus grande réserve. La force hydrau- 
lique sur le Vicoin, consistant encore dans l'ancienne roue renforcée 
d'une nouvelle turbine (car la chute a 7"", 80), est cependant de débit 
minime. Cet établissement s'intitule lui-même un laboratoire d'es- 
sai; cependant cette puissance hydraulique permet le broyage en 
petite quantité du minerai aurifère. 



IL — LES RESSOURCES HYDRAULIQUES DISPONIBLES 

Il faut encore les diviser entre les deux Ministères. Le total est 
de 15.800 chevaux utilisables, et l'on en compte 12.800 sur la seule 
rivière navigable du département, la Mayenne, qui mériterait presque 
le nom de fleuve. Je sais bien qu'on lui reproche d'être capricieuse 
par suite de la nature du sol de son bassin, formé en grande partie 
de roches ou de terrains imperméables, retenant mal les eaux, les 
rendant brusquement sous forme de crues. Il n'y a qu'un remède 
à ce manque de sources pérennes : la création de bassins impor- 
tants dans la partie amont et celles de ses affluents ; la pierre est 
voisine pour élever des digues, l'escarpement des vallées doit en- 
core se prêter facilement à la construction des barrages et retenues. 



174 



LA HOUILLE VERTE 



La nomenclature (p. 176 et 177) donne un état détaillé des barrages 
écluses existant sur la Mayenne h la date très récente de 1904; 
des changements journaliers peuvent toutefois intervenir. On a 
déjà pu relever ces barrages sur la carte d'ensemble du départe- 




ETATCOMRftRATIF 

DES 

RCES HYDRAULIQUES 

.JVIAYENNE 

en 

I89l_et^l900 

Carte dressée 
par Henri Bresson 

en 1903 

( I[eproducUon réservée) 

force totale utilisable 



sur Rivières Navigables 



Fio. 86. 



ment [fig. 86); j'avais alors désigné par un signe conventionnel 
les anciennes usines que les travaux de canalisation avaient dû faire 
jeter bas. Sur la planche [fig. 87), Téchelle est plus grande, ce 
qui nous permet de mieux distinguer les barrages. 

De l'ensemble des cartes et table (p. 176-177), nous conclurons que 
trente et une localités ayant chacune plus de 1.100 habitants sont 



lA HOUILLE VERTE DANS LA MAYENNE 175 

renfermées dans une zone de 14 kilomètres autour des cinq bar- 
rages écluses que nous avons choisis pour centre de nos cercles 
et représentant, ainsi que les cinq chutes intermédiaires (sauf une), 
des forces d'au moins 300 chevaux bruts au barrage même. J'ai 
déjà fait observer, au début de ce chapitre, que des forces bien infé- 
rieures sont déjà employées sur la rivière de TOrne pour des trans- 
ports d'énergie à cette même distance de 14 kilomètres. Je faisais 
alors allusion au cas de Thury-Harcourt, avec une population de 
1.200 habitants, que nous trouverons dans le Calvados (chap. xix, 
p. 214). 

Certains centres, il est vrai, tels que la sous-préfecture de Mayenne, 
sont peut-être trop importants pour les ressources à leur disposi- 
tion; mais ils ont à leur portée jusqu'à deux ou trois barrages, dont 
la réunion pourrait être tentée, comme nous en avons vu l'exemple 
dans le département de l'Orne, pour la sous-préfecture de Dom- 
front. La distance à franchir, m'objectera-t-on, ne pourrait l'être 
que grâce à des voltages élevés, et augmente les risques d'accidents. 
On s'en est fort bien tiré à Thury-Iiarcourt, en adoptant du 
5.000 volts et ce, à la satisfaction générale depuis plus d'un an : 
voilà ma réponse. 

On observe encore, à l'examen du tableau, que les chutes en aval, 
bien que plus basses (il y en a une de 0"',75) sont fort bien 
utilisées par des minoteries qui s'en partagent la puissance, et ceci 
s'expliquera par le voisinage des plateaux plus productifs et mieux 
cultivés que la partie amont du bassin. Celle-ci, au contraire, au 
sol généralement rocailleux, stérile et peu boisé, a commencé à atti- 
rer l'industrie, et ce mouvement continuera sans doute à s'accen- 
tuer, quand on connaîtra les nombreux exemples de transport 
d'énergie déjà pratiqués dans la région Normande. 

Une autre remarque s'impose quand on compare les chiffres des 
trois colonnes 4, 5 et 6 : la différence entre les forces utilisables, 
concédées et utilisées, différence qui paraît disproportionnée; la 
colonne 5 va nous en donner une explication. Les quelques indus- 
tries, autres que les minoteries fidèles aux vieilles roues (fours 
électriques, scierie de marbre dont la présence est un témoignage 
de lanature du sol, bonneterie avec transport à distance), employant, 
au contraire, les turbines modernes se font tout de suite remarquer 
par des emplois bien plus judicieux de la puissance hydraulique. 



476 



LA HOUILLE VERTE 



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178 LA HOUILLE VERTE 

tout en ne disposant que de chutes sensiblement analogues. 
Comme preuve de ce dire, on peut se reporter à la photographie 
de la roue à petites palettes^ que j'ai prise à Tessy, dans la Manche, 
sur la Vire navigable [fig. 39). Ne dirait-on pas un jouet fabriqué 
pour Tamusement d'un enfant! Et quel errement d'employer un 
appareil d'un rendement aussi rudimentaire quand on peut dis- 
poser d'un volume d'eau important ! 

Deux chiffres de la colonne 4 se rapportant aux barrages numéros 2 
et 19 doivent encore étonner, la puissance concédée étant égale à 
celle de la puissance de tout le barrage; cela tient à ce que ces 
usines ont une existence légale (Voir le chap. vu, p. 64). 

Il faut presque s'excuser d'avoir dû employer le terme qualifi- 
catif de minoteries pour quelques-uns de ces moulins qui ne 
dépassent pas des forces utilisées de 8 ou 12 chevaux sur des chutes 
d'une puissance brute de... 253 chevaux! Si les exploitants de ces 
usines n'ont pas demandé des concessions de forces supérieures et 
possibles, ainsi qu'en témoignent les autres industries citées, attei- 
gnant des 100, 150 et 250 chevaux, c'est vraisemblablement qu'ils 
n'en avaient pas Tusage et ne voulaient pas supporter une redevance 
inutile; ils gagneraient probablement, qu'ils aient ou non adopté 
le cylindre de la minoterie moderne, à se borner à une usine 
unique. D'autres emplois, parmi lesquels les transports d'énergie 
semblent tout indiqués, utiliseraient alors plus avantageusement 
les barrages devenus vacants. Ces exploitants y viendront peut-être, 
et ce serait un heureux résultat de la campagne entreprise ici ; 
quatre d'entre eux connaissent tout au moins la dynamo, puisqu'ils 
s'en servent pour leur éclairage particulier. Nous excuserons à 
peine le propriétaire qui utilise 12 chevaux sur 351 pour élever 
de l'eau en vue des irrigations; il s'élèverait probablement encore 
lui-môme dans sa propre estime et dans celle de ses concitoyens en 
donnant le bon exemple d'un emploi hydro-électrique agricole 
analogue à ceux qui nous sont déjà connus ou se révéleront par 
la suite. 

Aux forces hydrauliques importantes de ce cours d'eau navigable, 
nous ne trouvons à opposer que les 3.000 chevaux sur les rivières 
non navigables, dont l'utilisation à différentes dates était la sui- 
vante : 



LA HOUILLE VERTE DANS LA MAYENNE 



479 



Moulins à blé 


1862 


1891 


1900 


504 
3 
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15 
5 
3 
6 
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2 


454 
10 
5 
4 
5 
» 
2 
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1 


340 
10 
5 
7 
8 
3 
4 
2 
4 


Industries textiles 


Scieries de bois 


Moulins à tan 


Moulins à trèfle 


Huileries 


Traitement des métaux 


Scieries de marbre 


Divers 


Totaux 


538 


481 


383 





Je produis trois états, parce que les deux derniers sont fort rap- 
prochés par leurs dates. A signaler l'apparition de scieries hydrau- 
liques de marbre : la nature granitique du terrain se fait sentir 
jusque dans cette statistique. 

Les exemples hydro-électriques d'éclairage ont fait école dans 
les usines d'industries diverses sur les cours d'eau tant navigables 
que non navigables; ils sont au nombre de 21. 

Comme de coutume, un témoignage de ma connaissance des 
dénominations des usines. La Roche-Marie et la Roche-Ménil 
s'adaptent bien à la dénomination d'un barrage; mais le nom de 
Belle-Poule dans un cas semblable paraîtra bien extraordinaire; le 
barrage de VAme conviendra aux natures sensibles, et le malfaiteur 
évitera avec soin celui de Pendu; la Richardière claironnera son 
importante puissance hydraulique de 500 chevaux. 

Parmi les forces plus modestes, citons au hasard : les moulins 
de Gratte-Sac et de la Grenouillère ; le Touchebaron^ le Pic-en-Cap^ 
les Feu-Jean et Feu-Guillaiime sentent leur origine moyen âge; 
les moulins des flocAe^ sont naturellement plus fréquents qu'ailleurs, 
et les nombreux Moulins-du-Roûrg risqueront sans doute de pro- 
voquer quelque confusion; il n'en sera pas de même du Moulin de 
VEtang du Bas-de4a-Bulte^ qui détient en môme temps le record 
de la longueur ! 



CHAPITRE XVII 

LA HOUILLE VEBTE EN MAINE-ET-LOIEE 

(au nord de la loire) 



I. — LES EXEMPLES HYDRO-ÉLECTRIQUES 

Chercher de la houille verte, ne fût-elle que d'un vert très pâle, 
dans un département dans la dénomination duquel entre le nom 
d un des cinq grands fleuves de la France semble être une gageure ; 
en effet, le voisinage de cette large vallée de la Loire éloigne toute 
supposition d'accidents de terrain et de chutes d'eau ; nous voyons 
cependant : 

1*^ A CheffeSy usine d'un barrage de la Sarthe navigable, don- 
nant 200 chevaux utilisables sous une chute de 1"',30, où une fa- 
brique d'accumulateurs s'est établie, en 1902, dans un ancien mou- 
lin fermé depuis quinze ans. La force hydraulique est produite par 
trois roues qui peuvent s'atteler ensemble sur un même arbre de 
transmission, ayant toute la longueur de l'usine. Cette chute étant 
la dernière en aval sur la Sarthe, l'époque la plus favorable au tra- 
vail se trouve être celle de l'étiage ou des faibles débits d'été, époque 
à laquelle il n'y a pas à craindre les crues de la Loire, refoulant la 
rivière la Maine jusqu'en ce point ; on compte alors sur 100 che- 
vaux, et ils suffisent à cette industrie, puisque la machine h vapeur 
de secours existante n'est presque jamais allumée. Naturellement 
l'usine est éclairée h l'électricité, la formation des accumulateurs 
se continuant nuit et jour. 



LA HOUILLB VERTE EN MAINE-ET-LOIRE 181 

Cette fabrication demande une force continue, beaucoup de soin, 
beaucoup de lenteur même ; une fois les plaques de plomb préparées 
(et elles peuvent se présenter sous des formes variées), on les sou- 
met au courant électrique pour obtenir des plaques dites positives 
ou négatives; celles-ci, par la suite, continueront chacune à donner 
des courants de mêmes noms, qui, traversant une lampe, un moteur, 
produiront soit la lumière, soit la force motrice, pendant un temps 
plus ou moins long suivant la capacité de Taccumulateur, autre- 
ment dit du nombre et de la dimension des plaques de plomb con- 
tenues dans un bac plein d'eau acidulée. Pour assurer la bonne 
qualité de ces plaques, tout aussi bien des petites que des grandes, 
il ne faut pas compter moins de cinq cents heures de charge, soit 
trois semaines, et, comme il est nécessaire pour former de bons 
accumulateurs prêts au service, de décharger, puis de recharger 
près de la moitié de l'électricité déjà recueillie, cette formation finit 
par demander un bon mois ; cette lenteur même leur donne en 
quelque sorte la qualité qui fera leur valeur, et on devra toujours 
tenir compte de cette remarque dans leur usage ; les accumulateurs ne 
doivent jamais être brusqués, ni à la charge ni à la décharge. Ils 
s'usent assez rapidement même dans les meilleures conditions, et, 
vu leurs prix, c'est leur plus grand défaut. Cependant, pour les rai- 
sons déjà données, bien des petites stations centrales hydrauliques 
procèdent elles-mêmes à cette fabrication. 

2° Sur le Loir, partie navigable aussi, un exemple bien curieux 
par sa modestie même. La commune de Seiches ne compte que 
270 habitants dans le bourg même de ce nom, 150 dans le village de 
Suette et 250 dans une autre agglomération nommée Matheflon (Voir 
plan spécial, «, fig. 88). L'usine hydro-électrique est dans cette 
dernière localité et ne comporte qu'une roue hydraulique, car la 
chute n'a que 72 centimètres ! L'éclairage public y compte seulement 
5 lampes; de là, la ligne gagne Seiches à 2 kilomètres et y alimente 
15 lampes ; enfin, à 750 mètres plus loin, elle se termine à Suette 
avec 4 lampes. Ajoutons de suite que l'éclairage particulier de ces 
trois petits centres comprend déjà 250 lampes à 110 volts, bien que 
l'installation ne date que de 1902. Dans de pareilles conditions, 
pour assurer un service régulier, l'emploi des accumulateurs était 
tout indiqué, et on les a très intelligemment placés entre Seiches 



482 LA HOUILLE VERTE 

et Suette, dans Thabitation de Texploitant, qui les a ainsi sous sa 
surveillance; ils jouent là, en quelque sorte, le rôle d'un réservoir 
d'équilibre, tel qu'il est pratiqué dans certaines distributions d'eau 
de ville, prenant ou rendant le courant selon que la consommation 
est au-dessous ou au-dessus de l'énergie hydraulique disponible, 
transformée en courant électrique, car il n'y a aucune machine 
de secours. Ce n'est donc pas sans motif que l'on a souvent recherché 
des points de comparaison saisissants entre l'électricité et la pression 
hydraulique. Cet exemple est peu important, j'en conviens, mais 
n^est-ce pas aussi une preuve de la possibilité des emplois hydro- 
électriques dans toutes les régions de la France pourvues de forces 
hydrauliques. 

3° Encore un château : celui de Soucelles, k 1^°*,400 d'un bar- 
rage sur le Loir navigable (toujours la bonne contagion!) est relié par 
2 fils à une grande minoterie qui dépend du château et dispose de 
225 lampes à 110 volts depuis 1898. La chute n'a que 0™,84, mais 
le débit est assez important pour qu'on puisse se passer aussi bien 
d'accumulateurs que de machine de secours. 

La carte du Maine-et-Loire porte la date de 1904. 



II. — LES RESSOURCES HYDRAULIQUES DISPONIBLES 



Elles seront de deux sortes, comme dans les deux départements 
précédemment examinés; il faut encore rappeler que la présente 
étude ne porte que sur une moitié du département. La courte rivière 
la Maine étant l'exutoire des trois bassins supérieurs de la Mayenne, 
de la Sarthe et du Loir, c'est avec les gros volumes d'eau qu'il faut 
compter; ainsi on peut, après le confluent de la Maine, attribuer 
450.000 litres par seconde à la Loire, et 75.000 à la Maine, près 
d'Angers. Dans les mêmes conditions, la Mayenne, la Sarthe, le 
Loiretl'Oudon écoulent respectivement 10.000, 12.000, 10.000 et 
6.000 litres par seconde. Ce sont, bien entendu, des moyennes et 
les grandes crues exceptionnelles ont été exclues de leur évalua- 
tion. 



184 LA HOUILLE VERTE 

On constate pour tout le département 4.600 chevaux utilisables 
sur les rivières navigables et 4.900 sur les rivières non navigables ni 
flottables; pour ces dernières, on trouve encore 1.000 chevaux avec 
206 usines pour la partie au nord de la Loire, ce qui laisse 3.900 che- 
vaux aux 328 usines de Tautre rive. Le dernier fait dénote au sud 
de la Loire des chutes plus élevées et aussi des rivières plus impor- 
tantes ; on rencontre en effet, en remontant vers le Poitou, un 
nouveau groupe montagneux connu sous le nom de Hauteurs de 
Gâtines. Au nord de la Loire je ne compte guère plus d'une dizaine 




Cliché Corairie, à Ckàteau-Gontier. 

Fio. 89. — Minoterie de la Jaille-Yvon (Maine-et-Loire), sur la Mayenne navigable, 
disposant de 2 roues, chute de 0,-80. 



de chutes entre 10 et 20 chevaux; les autres sont toutes inférieures 
à ce chiffre; tous ces petits moulins sont adonnés à la mouture des 
céréales, à part quelques rares exceptions qui sont : 2 moulins à 
tan, 1 huilerie, 1 foulerie, 2 moulins à chanvre et, enfin, 1 haut- 
fourneau. 

A citer, parmi les noms, quelques bizarreries, telles que le ruisseau 
des Robinets, le ruisseau de YAchéron, et celui de la Fontaine-Noire, 
sur lequel par conséquent il est difficile de qualifier la force motrice 
de houille blanche ! Non moins curieux le rapprochement côte à côte 
des moulins de VOnglée et de celui du Beau-Soleil; celui du Sourd 
surprendra aussi à côté de celui d« la Voie. Le nom de Chantemerle 
est bien un peu pastoral, mais le Moulin de la Bonne ne Test guère, 



LA HOUILLE VERTE EN MAINE-ET-LOIRE 



i85 



et celui de V Homme encore moins. Dans l'Orne, j'avais découvert 
un moulin d'O ; ici j'ai relevé celui de VHy! 

J'ai cru intéressant de produire un témoignage {fig. 89) d'une 
usine de la Mayenne, bien que la minoterie de la Jaille-Yvon ne 



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Fio. 90. -- Barrage écluse de la Jaille-Yvon (Maine-et-Loire). 

A, barrage. — B, éclupe. — C, ancienne porte marinière. — D, perluis. — /", chemin de halalge. — g, escaliers. 



puisse être comprise parmi les installations hydro-électriques, ni 
même parmi les usines éclairées à l'électricité (affaire de peu de 
temps, sans doute). Quoi qu'il en soit, grâce à une basse chute de 
0™,80, elle utilise par ses moteurs une force de 40 chevaux sur les 
114 qui lui sont concédés, tandis que la puissance totale du bar- 
rage s'élève à 203 chevaux utilisables. Le petit bateau à vapeur 
que Ton aperçoit se faufilant le long de la rive, après son passage 



i86 L\ HOUILLE VERTE 

dans l'écluse, est encore bien caractéristique. Le plan complet du 
barrage [fig, 90) explique Tamélioration qu'il a subie en 1891 parle 
remplacement de la porte marinière destinée à l'écoulement des 
crues ou la vidange du bief par un perluis à ventellerie ; c'est un 
témoignage de la sollicitude de l'Administration compétente, pour 
les rivières du Domaine public. 

Cependant quelques usines hydrauliques tant sur cours d'eau 
navigables que non navigables assurent déjà leur propre éclairage 
électrique. Elles sont au nombre de 6 dont une fabrique très moderne 
de canots automobiles. La présence de ces importants cours d'eau, 
aptes à la navigation de plaisance, se révèle aussi dans ce simple 
détail. 



CHAPITRE XVIII 
LA HOUILLE VERTE DANS LA MANCHE 



I. — LES EXEMPLES HYDRO-ÉLECTRIQUES 

Ils vont être plus nombreux encore que dans les départements 
précédents, et surtout nous donner une leçon de choses aussi inté- 
ressante qu'inattendue. La « houille verte » qui, bien plus que la 
«grande sœur des Alpes», semblait avoir, selon Texpression de 
M. Gabriel Hanoteaux [Revue des Deux Mondes, 1" avril 1901, la 
Houille blanche), le fil à la patte, va s'émanciper. 

C'est dans ce département, en effet, que j'ai appris à faire con- 
naissance avec les voltages élevés ; sur 9 installations, toutes dis- 
tribuant Téclairage électrique, et la plupart dans des chefs-lieux 
de canton, 5 pratiquent les tensions de 500 et 5.000 volts ; dans 
ces cas, le courant, généralement alternatif, se contente de fils 
fort minces, ce qui n'est pas une petite économie de premier établis- 
sement, pour franchir des kilomètres avec des pertes en ligne insi- 
gnifiantes en comparaison de la force électromotrice nécessaire. 
Nous sommes donc en progrès sensible sur les exemples relevés 
dans la Sarthe : 1.200 habitants à 1 kilomètre seulement (Voir 
page 166). On a essayé, pour les voltages élevés, des fils à âme 
d'acier et à revêtement de cuivre, car on sait que plus le voltage 
est élevé, plus le courant tend à suivre la surface des conducteurs. 

L'inconvénient de l'application des voltages élevés, outre les 
grands dangers d'accidents sur les routes en cas de rupture des fils, 
est de rendre peu facile l'usage des petits moteurs, car tous les 



188 LA HOUILLE VERTE 

exploitants des petites stations centrales que je vais décrire se 
sont bornés à du courant monophasé et ne font que de Téclairage 
seulement. Certains types de dynamos permettent bien le démar- 
rage ou la mise en marche malgré le courant monophasé, mais, en 
pratique, on n'a guère recours à ces dynamos, et même on consi- 
dère comme impossible de charger des accumulateurs toujours dési- 
rables pour la régularité d'un bon service d'éclairage. On verra 
cependant, au sujet de la station centrale de Torigni, comment on 
a pu, avec un peu d'ingéniosité, tourner cette difficulté, en consti- 
tuant à distance une réserve d'électricité, tout aussi bien qu'avec 
du courant continu. 

En présence du pombre des installations hydro-électriques, nous 
en ferons trois groupes et nous commencerons par la partie sud du 
département, pour remonter au centre et terminer par le nord. 



I. — GROUPE SUD 

1° Saint-Hilaire-du-Harcouëty chef-lieu de canton de 3.700 ha- 
bitants, a son usine à 2^°',500, sur le territoire de la commune de 
Saint-Brice-de-Landelles. Quand on arrive à Satnt-Hilaire, on est 
étonné de voir toutes les rues traversées par un fil supportant 
au milieu lampe et abat-jour; cela donne un petit air de fête per- 
pétuelle, et l'on cherche presque des yeux les drapeaux et les lan- 
ternes vénitiennes. Par un dispositif ingénieux, ce sont ces mêmes 
fils, supportant les lampes, qui leur amènent le courant électrique. 
C'est, du reste, une amélioration toute récente, bien plus avanta- 
geuse pour l'éclairage de la rue, rappelant beaucoup, sauf réclat 
en plus... l'ancien réverbère qu'il fallait allumer avant de le hisser. 
Actuellement, il suffit de tourner un interrupteur à l'usine. Cet 
éclairage public, composé de 100 lampes de 10 et 16 bougies, 
a commencé en 1889; les particuliers se partagent environ 
1.400 lampes. La distribution est à 3 fils et 220 volts sur chaque 
pont. C'est une société anonyme qui dirige cette entreprise. 

Mais il faut aussi rendre une visite à l'usine productrice de l'élec- 
tricité ; elle est située sur le Vauroux ou Val-Roux, probablement 
ainsi dénommé à cause de la profusion de bruyères qui pare cette 
petite vallée. On ne compte que deux chutes sur ce faible ruisseau, 



LA HOUILLE VERTE DANS LA MANCHE 189 

et celle d'aval est encore utilisée par un moulin à blé avec roues 
superposées, ce qui veut dire que la chute est assez élevée pour 
pouvoir être divisée en deux et servir, dans le môme établissement, 
par deux moteurs que Teau actionne successivement. L'usine 
hydro-électrique, ayant au contraire une turbine, emploie, par une 
conduite forcée, la chute amont tout entière de 10™,50. Le courant 
électrique produit à 500 volts par la dynamo est envoyé à Saint- 
Hilaire par deux fils, et de jour y charge des accumulateurs ou 
actionne trois moteurs, chez un imprimeur, chez un charcutier, et 
enfin un dernier chez un menuisier. Une machine de secours au 
charbon vient en aide à la force hydraulique pendant quatre mois 
environ, de septembre à janvier. 

2*" Mortain, sous-préfecture de 2.800 habitants. En suivant la 
route qui conduit de la gare à la ville, à mi-coteau, on aperçoit, à 
150 mètres avant d'arriver en ville, un bâtiment n'ayant qu'un rez- 
de-chaussée et derrière les ruines d'une filature incendiée il y a dix 
ans, dont il reste encore la haute cheminée d'usine. A peu de dis- 
tance s'élève un solide mur de 5 mètres de hauteur, et, lorsqu'on 
a atteint la crête de ce mur par un petit escalier, on voit qu'il 
provoque une petite retenue adossée à un rocher de la rivière la 
Gance {fig, 91) ; à cet endroit, elle s'étageait pour rejoindre le fond 
de la vallée en une suite de cascades, citées dans tous les guides 
comme une curiosité de la contrée. Puisque l'usine ne marche 
guère que la nuit, il reste bien assez d'eau pour les amateurs de 
pittoresque. Mais pénétrons dans le bâtiment : nous y trouvons une 
belle salle claire et propre, contenant en plus des poulies horizon- 
tales et supérieures de deux turbines de 49 et 68 chevaux [fig. 92), 
une seule, mais forte dynamo. Cet accouplement se rencontre déjà 
quelquefois dans notre contrée, bien que trop rarement, et jusqu'à 
présent rien d'étonnant. Je me trouvais là au moment de la mise 
en marche de l'usine, et j'ai vu le contremaître soulever une trappe 
et découvrir un trou noir, puis tourner un bouton, et l'éclat subit 
de nombreuses lampes me révéla une cave... de 10 mètres de pro- 
fondeur! Une échelle en fer y plongeait, permettant d'aller grais- 
ser les trois paliers intermédiaires des longues tiges des turbines. 
Celles-ci sont au fond de cette écurie humide [fig, 93) d'où s'élan- 
cèrent peu après les chevaux hydrauliques nécessaires à tout l'éclai- 



190 



LA HOUILLE VERTE 




43 



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2 



LA HOUILLE VERTE DANS LA MANCHE 



l9i 




FiG. 92. — Usine hydro-électrique de Mortain (Manche). 

A, turbine de G8 chevaux. — A', turbine de 49 chevaux. — Canal de fuite. 





FiG. 93. — Usine hydro-électrique de Mortain (Manche). 
A, prise d'tau. — B, siphon. — C et C, turbines. — D, canal de fuite. 



192 



LA HOUILLE VERTE 



rage de Mortain. Après avoir agi sur les turbines grâce à cette 
chute totale de 15 mètres, l'eau regagne la rivière par un tunnel 
de 12 mètres creusé dans le rocher. Aucune machine à vapeur, et 
la laide cheminée subsistante n'est donc plus là que pour déparer 
le paysage. N'est-ce pas un cas de revanche de la houille verte sur 
le charbon? Ne manquant jamais d'eau, un groupe assez faible 
d'accumulateurs pare aux arrêts momentanés ou entre en service 
pour la fin de la nuit. L'usage de l'éclairage électrique est des 
plus répandus depuis sept ans chez les habitants de Mortain, qui 




FiG. 94. — L'usine hydro-électrique de Ducey; chute, sur la Selune, 
de 1",50 (Manche). 

allument environ de 1.000 à 1.500 lampes (y compris celles d'un 
grand séminaire), auxquelles il convient d'ajouter encore les 
60 lampes de l'éclairage public ; encore distribution à 3 fils et 
120 volts sur chaque pont. 

3"* Ducey, chef-lieu de canton de 1.800 habitants, jouit de Téclai- 
rage électrique depuis sept ans (1899), et l'usine est peut-être 
encore plus curieuse, car nous allons y trouver pour la première 
fois l'application des courants triphasés et des hauts voltages. Elle 
est située à 3^°", 500 de la localité et ses apparences sont encore plus 
modestes; c'est tout à fait le vieux petit moulin, rez-de-chaussée 



LA HOUILLE VERTE DANS LA MANCHE 



i93 



très bas, et c'est aussi une roue hydraulique, type Poncelet, ayant 
5°',60 de diamètre [fig, 94). La chute n'a que 1°',50 en basses eaux, 
mais la Selune offre un fort débit 1res constant, un écoulement 
régulier et une évacuation rapide des eaux d'hiver. Le courant 
provenant de la dynamo est à 125 volts, il traverse les bobines d'un 
transformateur pour s'élever à 2.000 volts et gagner presque sans 
déperdition, par des fils de 3 millimètres [fig, 95), le second trans- 
formateur situé au centre de la ville, à plus de 3 kilomètres, qui 




FiG. 93. — Sortie de poste de Tusine de Ducey (Manche). 

le convertit à son tour en courant inoffensif à 120 volts. II ne reslc 
plus qu'à le distribuer aux 28 lampes de l'éclairage municipal et aux 
300 lampes des abonnés. Par précaution on n'approche de ce> 
transformateurs que sur une estrade isolée de la terre par des sup- 
ports en verre. 



4° Sourdeval, chef-lieu de canton de 3.000 habitants. L'éclairage 
électrique y est tout récent, ne datant que de 1903. C'est encore un 
exemple de transport d'énergie plus lointain que le précédent : 
5'*'",500 et du voltage à 3.000! L'usine, dite le Moulin-Tremussol. 
ancienne papeterie, est située dans la commune de Brouains, sur h\ 

13 



i94 LA HOUILLE VERTE 

rivière la Sée. On compte 31 lampes pour l'éclairage de la ville et 
seulement 350 pour les particuliers ; mais cette station centrale n'en 
est qu'à ses débuts. Ici encore ni machine à vapeur, ni accumula- 
teurs; l'eau qui passe, et c'est tout! 

C'est en compagnie d'un groupe d'électriciens de la contrée que 
j'ai visité l'usine de Sourdeval, comme je l'ai dit au chapitre ii. A 
notre arrivée, elle était en pleine activité et j'approchais pour la 
première fois d'un alternateur (dynamo produisant directement le 
courant à 3.000 volts dans le cas présent). On ne saurait trop prendre 
de précautions, et l'on m'engageait même à ne pas montrer les 
appareils du doigt, qui, semblable à un parafoudre, par un mouve- 
ment involontaire, peut faire jaillir l'étincelle mortelle. 

Le surveillant lui-même, toujours sur le qui-vive, sans objet 
métallique sur lui, se tenait silencieux, car ce voisinage constant 
d'une électrocution possible rend soucieux. J'ai même appris depuis 
que, dans certaines contrées, on lie un des bras du surveillant 
contre son corps dès son entrée dans le poste, diminuant ainsi toute 
possibilité d'imprudence. 

Un tout petit transformateur, à peine gros comme une petite 
caisse à chapeaux, abaissait le voltage à HO volts pour les besoins 
d'éclairage de l'usine; celle-ci n'est qu'un petit pavillon flambant 
neuf et surgissant des ruines d'une ancienne et importante papete- 
rie, ruines sur lesquelles on laisse le temps accomplir son œuvre 
lente de démolisseur économique. La turbine est à mi-hauteur de 
la chute de 5 mètres et est enfermée dans une huche, travaillant 
en partie par aspiration. 

Tout est admirablement soigné dans cette installation : pour 
parer à tout arrêt pouvant provenir fortuitement de la ruplure 
d'un fil, résultant par exemple de la chute d'une branche, deux 
employés, l'un à l'usine, l'autre en ville, sont toujours prêts à se 
mettre h bicyclette, marchent aussitôt à la rencontre l'un de l'autre 
jusqu'à la découverte de l'accident, s'emploient à le réparer et 
regagnent ensuite chacun leur poste ; le service de reprendre aus- 
sitôt. Le cas s'était déjà produit une fois, et ce n'est pas surprenant 
si l'on songe que la route suivie durant 3 kilomètres est presque 
tout le temps en lacets et en forêt, ce qui augmente la difficulté 
pour tendre les fils et les expose à la chute des branches. 



LA HOUILLE VERTE DANS LA MANCHE 



195 



II. — GROUPE DU CENTRE 

5° Torigni-sur-Vire (2.000 habitants, également chef-lieu de 
canton) va chercher depuis 1902 (donc encore une création toute 
récente) à 7^"", 500 sur la Vire navigable, à Técluse de Laroque, le 
courant nécessaire aux 90 lampes municipales et aux 600 lampes 
des abonnés. On voit que le succès ne s'est pas fait attendre et, pour 




FiG. 96. — AUcFnateur produisant le courant alternatif à iOO volts, qui sera transformé 
en 5.000 volts, pour Téclairage de Torigni, à 7 kilomètres (Manche). 



ce joli petit miracle, il suffit de fils de 2 millimètres et demi! Mais 
le xîourant est à 5.000 volts, et qui s'y frotterait s'y piquerait mor- 
tellement. 

Jusqu'à présent le gros volume d'eau de la Vire n'avait nécessite 
ni machine de secours, ni accumulateurs; cependant le nombre 
des lampes venant encore à augmenter, on vient tout récemment 
d'avoir recours aux accumulateurs, et c'est précisément ce cas des 
plus ingénieux que j'avais cité au début de ce chapitre. Après avoir 
abaissé le courant initial de 5.000 volts à dlO par un transforma- 
teur statique {fig, 97), où le dirige sur un transformateur rotatif 



196 



LA HOUILLE VERTE 



de courant alternatif en continu, c'est-à-dire une dynamo récep- 
trice 6, accouplée à une dynamo génératrice b' et axe à axe; mais, 
la dynamo réceptrice ne prenant pas son mouvement sous Tin- 
fluence du courant alternatif, il serait impossible de l'amener à la 
main à la vitesse voulue. On a eu recours aux accumulateurs, qui 
sont toujours disposés à actionner une dynamo, et c'est la future 
génératrice 6, qui, sous Faction du courant continu, se met à tour- 




Communiqué par M. Lecomte, Briquebec. 

FiG. 97. — Schéma du transformateur pour charge d'accumulateurs, 
à l'usine électrique de Torigni (Manche). 

A, transformateur statique du courant de 5.000 volts en 110 volts. — B, transformateur rotatif. — 6, récep- 
trice du courant alternatif k 110 volts. — 6', génératrice du courant continu à 110 volts. — C, batterie 
d'accumulateurs. — / et T, lampes témoins. — m, lampes sur le circuit. 

ner, entraînant l'autre b' \ lorsque la vitesse est suffisante, ce dont 
témoigne Tallumage des deux lampes / et / , il n'y a plus qu'à éta- 
blir le courant initial venant de l'usine de Laroque (reliée par télé- 
phone direct), qui commence la charge des accumulateurs. 



6° Bien curieuse encore cette toute récente (de Tannée 1901) ins- 
tallation, YElectricité rurale (ainsi qu'elle s'intitule elle-même), 
qui éclaire le fort bourg de 1.300 habitants de Cérences, et curieux 
aussi son rapide succès. 11 ne s'agit cependant que d'un simple 
ruisseau, le Ghanteloup, qui ne compte que deux usines sur son 



JJ^ HOUILLE VERTE DANS LA MANCHE 197 

cours; mais la chute est de 7 mètres, et Ton n'a rien négligé pour 
en tirer le meilleur parti : turbine de première marque, distribu- 
tion à 3 fils pour atteindre le point central du bourg à 500 mètres, 
double batterie d'accumulateurs, enfin machine à vapeur de force 
égale à celle de la puissance hydraulique, tout a été établi selon 
les derniers progrès de la science. Aussi ne faut-il pas s'étonner 
de compter 50 lampes pour l'éclairage public et des écoles et même 
500 lampes chez les particuliers; eu égard à la population, c'est 
beaucoup. Notons au passage qu'à cette usine électrique les voitures 
électromobiles peuvent venir demander la pitance de leurs che- 
vaux; il serait donc possible un jour de poser la formule suivante : 
plus un pays est accidenté, plus facilement on trouvera l'énergie 
électrique nécessaire pour gravir la côte. 

T Tessy-sur-Vire emploie naturellement la Vire (partie navi- 
gable) et depuis 1903 seulement, mais n'a pas eu recours aux hauts 
voltages, l'usine hydraulique étant si bien située que la lampe la 
plus éloignée est à peine à 300 mètres de l'usine; bien mieux, le 
propriétaire et exploitant de cette station centrale, habitant à 
30 mètres de l'ancien moulin, a mis chez lui les accumulateurs, 
surveille avec son propre éclairage celui des 36 lampes des réver- 
bères publics et des 400 lampes (à 110 volts) des abonnés de ce chef- 
lieu de canton, dont l'agglomération principale compte 800 habi- 
tants (soit 1 lampe pour 2 habitants) ; en un an, cela s'appelle 
marcher vite! En faveur de la Vire, il faut ajouter qu'il n'y a 
aucune machine à vapeur de secours et que, dans le même établis- 
sement, deux roues font de la mouture, tandis qu'une turbine 
moud... de l'électricité! Tout ce travail s'accommode fort bien de 
la surveillance unique du garde-moulin, et, un arrêt étant survenu 
pour une cause fortuite à la dynamo, les accumulateurs parèrent 
instantanément à l'imprévu et personne ne s'aperçut de rien. Ce- 
pendant, depuis, la prudence a engagé à avoir une dynamo de 
rechange, c'est fort sage. 11 ne faut pas oublier d'ajouter que, pour 
utiliser pendant le jour le mouvement rapide de la turbine, on lui 
a confié la marche d'une scie circulaire et d'une grande scie à ruban 
débitant les arbres en grume. 



198 LA HOUILLE VERTE 



III. — GROUPE DU NORD 

8° Entre Briquebec et Tancien moulin de T Etang-Bertrand, qui 
est situé sur la Douves, dans la commune de TEtang-Bertrand, il 
n'y a pas moins de 6 kilomètres; donc encore voltage élevé, et il 
atteint 5.000 volts comme à Torigni-sur-Vire. Ces deux stations 
centrales dépendent, en effet, du même directeur. L'installation 
actuelle remonte à 1898. Cette entreprise comptait, en 1900, outre 
les 50 lampes de Téclairage public de ce chef-lieu de canton de 
3.600 habitants, 400 lampes chez les abonnés. Bien entendu, pour 
celte distribution, le courant est abaissé par un transformateur à 
110 volts, comme nous l'avons vu au sujet de Ducey, au paragraphe 3 
du présent chapitre. 

9" Également en 1898, S aint-Sauveur-le- Vicomte, chef-lieu de 
canton de 2.500 habitants, demandait à la minoterie de Saint-Sau- 
veur-le-Vicomte de cumuler, avec la fabrication de la farine, l'éclai- 
rage électrique de ses rues, s'élevant h 32 lampes, et celui des 
abonnés atteignant déjà 425 lampes; gros débit de la Douves, bonne 
chute, la turbine hydraulique suffit presque à tout. Mais, comme 
on ne veut jamais se trouver à court, une machine à vapeur est 
prête à venir en aide pour les cas de sécheresse extrôme ou pour 
les crues subites. L'usine est en ville, c'est donc du bon 110 volts; 
ce cas fait exception dans la Manche. 

10° Le château de TourlaviUe, près de Cherbourg, fait remonter 
son installation électrique à 1883 et, depuis vingt-ti^ois ans^ elle n'a 
jamais eu le moindre accroc! ai-je besoin d'ajouter : à la grande sa- 
tisfaction de son propriétaire. La chute, distante de 25 mètres du 
château, est de 7 mètres sur le Trottebec et de très ancienne créa- 
tion; mais cette situation, déjà très avantageuse, a encore été amé- 
liorée par un étang de réserve ; puis, par une disposition ingénieuse, 
un appareil hydraulique agissant automatiquement, appelé papil- 
lon, restitue au cours d'eau, au moment voulu, l'eau soigneuse- 
ment emmagasinée dans Tétang. On peut atteindre ainsi le chiffre 
fort gentil de 140 lampes à 110 volts allumées tous les soirs, sans 
avoir recours même à des accumulateurs. 



LA HOUILLE VERTE DANS LA MANCHE i99 

Deux chefs-lieux de canton encore pour compléter la carte dres- 
sée en 1904; décidément c'est... épidémique en ce département : 

iV Saint-James, avec une population de 3.000 habitants, situé 
sur un confluent du Beuvron, affluent de la Sélune (groupe sud), 
s'est rapidement converti au progrès de Télectricité ; rétablisse- 
ment qui a cette entreprise depuis 1904 est un moulin à blé, dont 
la force hydraulique (une roue) de 34 chevaux est soutenue par 
une batterie d'accumulateurs. Ce courant à 220 volts alimente 
50 lampes publiques et 400 chez les particuliers; quelques moteurs 
industriels sont en cours d'installation. 

12"* Anneville-en-Saire serait, au contraire, à classer dans le 
groupe nord et sur la Saire naturellement. C'est un des exemples 
qui ont échappé au recensement de 1900, puisque la distribution 
de Télectricité y fonctionne depuis 1898, et vraisemblablement 
parce que, l'industrie principale étant la mouture du blé, on n'a 
pu répondre qu'à cette première demande d'un questionnaire in- 
complètement rédigé, ainsi que je l'ai déjà expliqué. La popula- 
tion ne comptant que 580 habitants, il y a seulement : 20 lampes 
entre des particuliers et 3 lampes publiques en plus de l'éclairage à 
110 volts du moulin. C'est bien modeste, mais toujours une preuve 
de plus de la possibilité des petits emplois. 

On connaît le vieux dicton normand : Pour une année où il n'y 
a pas de pommes,,, eh bien! pour une contrée oii il semblait ne pas 
y avoir de rivières, voilà tout de même pas mal d'eau et dont une 
partie au moins est fort bien utilisée. 



II. — LES RESSOURCES HYDRAULIQUES DISPONIBLES 



La puissance moyenne utilisable des usines hydrauliques du 
département de la Manche est plus difficile à préciser que celle des 
autres départements, à cause du très grand nombre de fort petits 
moulins: 1.300 et quelques. Elle serait d'environ 11.000 chevaux; 
sur ce chiffre 2.982 étaient utilisés en 1900. La seule rivière navi- 



200 LA HOUILLE VERTE 

gable du département, la Vire, comptait pour 600 chevaux dans ! 

la force utilisable, et pour 188 dans la force utilisée. Comme motif 
de ces faibles utilisations, nous pouvons faire entrer en ligne de 
compte le peu de longueur des rivières, puisqu'un des rameaux de 
la ligne de partage des eaux qui traverse TOrne de part en part se 
prolonge au nord jusqu'à la mer, servant en quelque sorte d'ossa- 
ture à la presqu'île du Gotentin. 

Les chutes y sont plus élevées que dans les départements voisins, 
et les hauteurs de 4 et 5 mètres ne sont pas rares. La carte porte 
deux cotes d'altitude assez surprenantes, surtout la seconde, dans le 1 

voisinage immédiat de la mer. Celle de 368 mètres au sud est près 
de Sourdeval, et celle de 179 mètres près de Cherbourg. Par contre, 
le centre du département est plat, marécageux même. 

C'est tout particulièrement la région du Bocage (environs de Mor- 
tain) qui a valu à cette contrée fort pittoresque le surnom de 
Suisse normande, et je puis en parler en connaissance de cause. Dès | 

l'automne 1903, je parcourais en amateur la région sud du dépar- 
tement de la Manche [fig. 98), me rendant à Mortain pour visiter 
Saint-Hilaire-du-Harcouët et Ducey. Cela me faisait connaître d'un 
coup trois stations centrales d'électricité et me valait les souvenirs 
d'une fort belle excursion (62 kilomètres à bicyclette dans la jour- 
née) se terminant à Avranches, car comment sentir si près le 
mont Saint-Michel et résister à la tentation de Tadmirer une fois 
de plus? Je puis même recommander certain point de la falaise, 
nommé la Buvette, à 4 kilomètres environ de Ducey, d'où, au cou- 
cher de soleil orangé d'une resplendissante fin de journée, on jouit 
sur cette incomparable baie d'une vue bien plus belle encore que 
celle que l'on a eue en atteignant Avranches, puisqu'on est sensible- 
ment plus rapproché du mont Saint-Michel. Mortain, lui-même, 
avec ses grandes coupures de rochers, Saint-Hilaire avec son air 
coquet, les paysages presque alpestres de la vallée de la Sélune, 
méritent bien la peine que l'on a prise de les visiter. 

Ajoutons, à titre de renseignements complémentaires, et pour 
donner une impression du caractère accidenté de la contrée, que 
sur les 79 kilomètres de son cours, la Sélune offre une pente totale 
de 140 mètres : la Sée atteint même 211 mètres sur 57 kilomètres 
de longueur seulement. Les états qui nous documentent sur l'uti- 
lisation des forces hydrauliques portent les dates de 1863 et 1900; 



ETAT COMPARATIF 
DES 



% ' TORCES HYDRAUUQUES 



MANCHE 



1863 et 1900. 

Carte dressée 

par Henri Bresson 

en 2901». 

Reproduction r-éservée 




J.Forest. Géographe Pans 



FlO. 98. 



202 



LA HOUILLE VERTE 



ils donnent la répartition suivante, sur les cours d'eau non navi- 
gables ni flottables. 



Moulins à blé 


1803 


1900 


1.122 
67 
31 

4- 
18 
95 
24 

6 


569 

39 

2 

18 

9 

3 

27 

38 


Industries textiles 


Papeteries 


Scieries de bois 


Moulins à tan 


Huileries 


Traitement des métaux. 


Divers 


Totaux 


1.367 


705 





Quelques conséquences sont à tirer de ces chiffres. On voit et 
Ton comprend cette différence excessive de 553 (donc presque 
moitié) pour la petite meunerie. La meule tuée par le cylindre, 
j'ai déjà, antérieurement, assez insisté sur ce fait et sur l'inutilité 
de la lutte entre le pot de terre et le pot de fer. Les papeteries sont 
dans le môme cas ; il leur faut maintenant 100 chevaux au moins 
ou elles se voient obligées de fermer. L'augmentation de 14 scieries 
peut sans doute être attribuée aux importations des bois dits du 
Nord (Suède, Norvège ou Amérique) ; quant aux trois nouveaux et 
peu attendus établissements travaillant les métaux, il faut en 
rechercher la cause dans le développement pris par la coutellerie 
dans le Mortainais. Mais la disparition de 92 huileries avec les con- 
séquences agricoles des modifications introduites par la suppression 
de ces usines dans la culture peut être expliquée, sans pour cela 
qu'il soit besoin d'être grand devin pour découvrir le coupable. : 
le pétrole! (Tout le monde sait qu'il est d'origine étrangère.) Fait 
curieux et positif, c'est que, dans 46 de ces établissements, on 
cumulait, en 1863, la meunerie et le pilage des plantes oléagi- 
neuses, employant vraisemblablement, en vue de l'époque de 
l'année oii l'on a besoin de plus de lumière, l'augmentation des 
débits grossis des eaux d'hiver, pour cette seconde opération. Fait 
tout aussi probable et non moins curieux, nous avons trouvé dans 
les départements précédents et nous trouvons également dans la 
Manche, nombre de fois réunis sous le même toit, le nouveau 



LA HOUILLE VERTE DANS LA MANCHE 203 

cylindre de la rainoterie et la toute récente dynamo pour Téclairage 
électrique et pour les mêmes raisons : surabondance d'eau. 

Relativement peu d'usines hydrauliques ont songé à s'éclairer 
elles-mêmes, grâce à une dynamo; on n'en compte que 20. 

Pour les forces encore plus faibles, incapables des utilisations 
d'ordre général, je veux cependant émettre une supposition, fût- 
elle un peu risquée : je songe à la résurrection de Tatelier fami- 
lial. N'en ai-je pas cité un exemple dans les Vosges. A cause de 
son originalité, je me permets encore de le rappeler ici : un cul- 
tivateur s'est créé une chute de 12 mètres, régularisée par un 
minuscule étang; il a forgé sa petite roue Pelton. 11 a scie méca- 
nique, tour, etc.. ; il fait du meuble, car c'est l'industrie locale, 
quand ses prés lui laissent de longs loisirs; enfin il a même sa 
petite dynamo pour son éclairage électrique ! (Chap. vi, p. 50.) 

Une hauteur de 12 mètres peut se trouver assez facilement dans 
la Manche, en réunissant 2 ou 3 chutes; mais leur réunion n'avait 
aucune utilité pratique avant l'introduction des turbines dans les 
applications hydrauliques; à Theure actuelle, un tuyai: sul'tit pour 
en permettre l'usage. Voyez alors les conséquences de ce change- 
ment de vie et d'habitudes. Prenez un ouvrier à lamine hâve des 
ateliers d'usine, voué aux ravages des maladies courantes, quand 
il échappe à la contagion du vice ; transportez-le avec femme et 
enfants dans cette saine et vivifiante nature, au grand air, à la 
grande lumière, et revenez les visiter quelques années après. Cet 
atelier familial serait en quelque sorte la suite la plus logique du 
sanatorium, évitant la rechute du convalescent et aussi, dans bien 
des cas, certains dangers de contagion : alcoolisme et tuberculose, 
deux grands fléaux de la concentration à outrance! C'est ici que les 
idées syndicales trouveraient une heureuse application. 

Quelques noms maintenant pour terminer, puisque nous en 
avons pris l'habitude : les moulins de la Haute-Roue, de la Belle- 
Fontaine on des Cuves sont bien dénommés, et celui de la Roche- 
qui-Pend s'explique encore fort bien en cette pittoresque contrée ; 
une des grandes époques de l'histoire a laissé des traces avec ceux 
de la Nation et de la République ; mais ceux de Y Habit et du 
Chausson manquent bien un peu de distinction. 11 y a des cas où 
Ton ne s'est pas effrayé d'employer une môme dénomination ; 
ainsi on ne cherchera pas loin l'un de l'autre les trois mou- 



204 LA HOUILLE VERTE 

lins s'appelanl : Vivier du Hatitj Vivier du Milieu et Vivier du Bas, 
Pourquoi aime-t-on en Normandie le nom de Quicampoix? On en 
trouve presque autant d'exemples que de Motdins Neufs, Les Mou- 
tons ou la Biche évoquent Tidée du gué voisin où ces animaux vien- 
dront s'abreuver; mais appeler Plate-Eau une huilerie hydraulique, 
cela dépasse bien un peu les bornes des fantaisies admises, pas 
autant cependant que le nom de Catz-de-Ça^ dont l'étymologie me 
parait des plus obscures. 



CHAPITRE XIX 
LA HOUILLE VERTE DANS LE CALVADOS 



I. — LES EXEMPLES HYDRO-ÉLECTRIQUES 

Ils sont au nombre de huit et vont présenter certaines analogies, 
les uns avec ceux que nous venons de relever dans la Manche, les 
autres avec ceux que nous allons trouver dans TEure ; d'autres enfin 
seront tout à fait inédits. J'ai déjà dit qu'il y avait souvent là une 
question de mode^ et le Calvados, se trouvant entre les deux dépar- 
tements précités, va nous offrir le cas bien curieux, à Thury-Har- 
court, de l'application dans le même établissement d'une simple 
distribution locale à HO volts et d'un transport à 14 kilomètres à 
5.000 volts. Enfin, par l'emploi des nombreux petits moteurs indus- 
triels, Vire nous rappellera le chef-lieu de canton du Lude, décrit 
dans la Sarthe, et c'est par cette sous-préfecture que nous allons 
commencer : 

1° Vire, sous-préfecture de 6.600 habitants, a vu l'électricité 
tout doucement et très adroitement s'implanter à côté de l'emploi 
du gaz, d'abord au centre pour l'éclairage des appartements, puis 
rayonner ensuite dans les faubourgs. Commençons par une visite à 
l'usine productrice de l'énergie électrique. Les chutes d'eau du 
cours accidenté de la Vire sont nombreuses en ce site pittoresque 
de la Normandie. Trois d'entre elles, plus voisines de la ville, 
furent réunies en une chute totale de 12 mètres, dont l'eau fut 
amenée directement sur la turbine par un tuyau de 80 mètres 



206 



LA HOUILLE VERTE 



de longueur; cette turbine est pourvue d'un régulateur automa- 
tique corrigeant, le jour, les irrégularités brusques produites par 
le démarrage des moteurs dont il sera question par la suite, car, 
pour Téclairage, des accumulateurs, qui profitent également le 
jour de l'excédent de force, maintiennent, le soir venu, un voltage 
constant. 

L'extension de l'éclairage électrique s'est très rapidement déve- 
loppée depuis 1893 (il n'y a pas moins de 9.000 lampes posées!) 




FiG. 99. — Tableau avec compteur, rhéostat, ploaibs fusibles, pour moteur 
et éclairage chez un charpentier, à Vire (Calvados). 

et une forte machine à vapeur de secours fut alors établie, le 
régime de la Vire étant assez torrentiel; mais il se passe des 
hivers complets sans qu'elle soit allumée pour une moyenne de 
3.000 lampes en service. Puis on a été chercher une deuxième 
chute à 1 kilomètre en aval, sur la Virène. Cette usine, presque au 
confluent des deux rivières, est cependant séparée de la première 
par six autres usines; elle lui envoie directement tout le courant 
produit à 300 volts. La distrit)ution se fait ensuite à trois lils sur 
deux ponts à 130 volts environ, avec deux feeders simulant un cœur, 
forme qui est approximativement celle de cette ville. 

Je viens de dire que le gaz existait antérieurement, et il a bien 



LA HOUILLE VERTE DANS IJS CALVADOS 



207 



gardé Téclairage du centre; maïs, comme Une s'était pas étendu aux 
faubourgs importants, Télectricité était alors libre de s'y déve- 
lopper et, grâce à 50 lampes, y répandait un éclairage abondant ; 
dans Vire même, l'église principale illumine ses lustres de 250 lampes 
et une seconde église en compte encore 150; 500 lampes sont affec- 




Fio. 100. — Coupe des deux étages de Tatelier de charpentier actionné par Télectricité, 

à Vire (Calvados). 



Af réceptrice au secoDd plan. - 
circulaire. - 



B, transmission. — C, scies à ruban. — D et D', petite et grande scie 
■ E, tableau avec rhéostat pour Ja mise en marche. 



tées au service du collège, du séminaire et des hôpitaux; enfin, 
certain pensionnat atteint le chiffre de 250 lampes à lui seul. • 

Bien mieux, pour utiliser l'énergie du jour, on a commencé par 
employer, dans le voisinage de l'usine ou aux extrémités des 
feeders, des moteurs électriques empruntant le courant complet de 
deux ponts, soit 260 volts. Parmi ceux-ci, 2 de 6 chevaux servent 
chez un charpentier et chez un menuisier (ce dernier a môme 



208 



LA HOUILLE VERTE 



<-jj m... 



^ 



^ 



....iO..,., 




Communiqué par M. Marie, Vire. 
FiG. 101. — Plan de Tatelier de charpentier actionné par Télectricité, à Vire (Calvados). 

A, tableau de mise en marche, — C, scie à ruban. — D et D', petite et grande scie circulaire 
F, rouleaux de soutien pour débiter. — a, conducteurs du transport électrique. 



qM 



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i* 



FiG. 102. — Plan du sous-sol de Tatelier de charpentier actionné par Télectricité, 

à Vire (Calvados). 

A, réceptrice électrique. — B, transmission avec poulies folles. 



LA HOUILLE VERTE DANS LE CALVADOS 209 

dégauchisseuse et raboteuse mécaniques). Les figures 99 à 102 
permettent des rapprochements intéressants, des témoignages vi- 
suels : c'est ainsi que le tableau des appareils électriques se voit 
sur la photographie et se retrouve sur les schémas. Ensuite on 
trouve à Vire 2 moteurs de 3 chevaux chez un carrossier et chez 
un fondeur de cuivre (pour actionner la soufflerie) ; les autres, de 
1 cheval au moins, sont chez un imprimeur, chez deux couteliers, 
chez unfabricant de parapluies, dans une fabriqued'eau de Sellz, etc. . . ; 
celui du pâtissier, qui permet de battre jusqu'à 80 œufs d'un coup, 
n'est pas à oublier; mais le plus divertissant est celui auquel est 
attribué chez un pharmacien le rôle de vider une cave dans laquelle 
les infiltrations d'eau étaient restées réfractaires à toutes les tenta- 
tives de les faire disparaître. On comprendra qu'il était dur, sur- 
tout en été, d'épuiser l'eau un quart d'heure avant d'aller tirer im 
verre de cidre; au lieu de cela, /ai vu tourner un bouton^ le minus- 
cule moteur et sa petite pompe rotative se mettre en marche, et 
un simple tuyau de caoutchouc déverser l'eau pompée sur l'évier 
de la cuisine. C'est simple ! 

2° Environs de Vire. — Autour de ce noyau d'électricité, les 
applications des emplois hydro-électriques ne pouvaient être que 
nombreuses et, en effet, les installations d'éclairage électrique par- 
ticulières, dues en grande partie à l'initiative du directeur de la 
Station centrale précédente, s'élèvent au nombre de 7 et toutes 
dans des usines employant des chutes d'eau; nous ne retiendrons 
que les cas les plus curieux et à cause des transports d'énergie tout 
à fait ingénieux, dont ils nous donnent l'exemple. 

En 1895, trois de ces usines hydrauliques, trois filatures de laine 
réunies sous la môme direction et se succédant sur la Virène dont 
il vient d'être question, prirent le parti d'établir un transport 
d'énergie électrique; l'usine principale se trouve entre ses deux 
annexes. Or, en hiver, lorsque les débits sont importants, elle est 
outillée de façon à utiliser toute l'énergie de son moteur hydrau- 
lique et même plus, tandis que ses voisines disposent alors d'un 
excédent de*force motrice dont elles n'ont pas l'emploi. Que faire? 
Perdre de Teau d'un côté et dépenser du charbon de l'autre? C'est 
de mauvaise besogne ; l'électricité était toute disposée à arranger 
les choses au mieux; des fils de cuivre partent des usines extrêmes 

14 



210 LA HOUILLE VERTE 

et, traversés par le courant des dynamos installées dans les deux 
annexes, apportent leur excédent d'énergie inutilisée àTusine cen- 
trale. Cependant, à Tépoque des basses eaux d'été, les trois usines 
se trouvent un peu à court ; il eût donc fallu établir finalement à 
chacune d'elles une machine à vapeur de secours et ses impedi- 
menta^ y compris un chauffeur. Mais fils et dynamos ne sont-ils 
pas restés en place? A l'usine centrale existait une machine à 
vapeur puissante, établie comme partout, au-delà des besoins 
prévus ; elle va donc à son tour actionner sa propre dynamo qui, de 
réceptrice de force, deviendra génératrice; le courant rebroussera 
chemin, et ce seront à, leur tour les deux annexes qui recevront, par 
leurs dynamos, les chevaux de renfort attendus. N'est-ce pas mer- 
veilleux I (Désigné aux tables comme Usine Jiissaud,) 

Nous pouvons donc, en présence de ce résultat, répéter les paroles 
si clairvoyantes de M. Paul Leroy-Beaulieu, dans rÉconomiste 
français du 2 mars 1901 : « 11 est probable que la souplesse 
« extrême de l'électricité, la facilité avec laquelle elle se prête à la 
« division et à la distribution de la force, tendront à faire renaître 
« la petite industrie » En plus de la division et de la distribu- 
tion, cette souplesse va donc, pour ainsi dire, jusqu'à la reconsti- 
tution de la force complète, évitant un gaspillage malencontreux. 

Passons au second cas : on représente volontiers lo Normand 
coiffé^ comme Janeton^ d'un simple bonnet de coton; cette indus- 
trie devait donc être florissante dans la contrée, et deux chutes 
réunies encore par l'électricité dans un même établissement 
s'adonnent à la bonneterie en général. Mais, dans le cas précédent 
et comme dans la région, l'eau est quelquefois trop juste en été, 
surtout au commencement de l'automne, lorsque, les jours étant 
déjà courts, l'eau fait encore défaut. Car, dans le cas présent, on 
emploie l'électricité non seulement à l'éclairage, mais encore au 
chauffage de dix fers à repasser (résultat obtenu cependant avec 
de l'eau froide de la chute), puisqu'il n'y a là aucune machine à 
vapeur. Ces fers sont destinés à donner un apprêt, pour employer le 
mot du métier, aux bas, gilets, chaussettes qui font partie du tra- 
vail de bonneterie. Les accumulateurs étaient donc bien commodes 
et rendent de bons services. Mais, autre détail à noter, si, pour 
une cause ou pour une autre, tel coup de feu d'une commande, 
une extrême disette d'eau font craindre de voir les accumulateurs 



LA HOUILLE VERTE DANS LE CALVADOS 2U 

descendre au-dessous d'une limite de décharge qu'ils ne doivent 
jamais dépasser sous peine d'être gravement compromis, le bon 
courant réconfortant arrivera de la station centrale de Vire que 
nous venons de visiter et qui est montée pour le prodiguer en tout 
temps. Ainsi toute la puissance de la chute d'eau de la bonneterie 
est fort bien utilisée et l'on a évité l'installation coûteuse d'une 
machine à vapeur et de son entretien. 

Ne quittons pas cette terre promise de l'Électricité, sans ajouter 
que sur 21 chutes utilisées actuellement sur les 25 du seul terri- 
toire de Vire et de ses faubourgs (toutes sur la Vire et la Virène) 
. 19 emploient des turbines. Deux simples roues suffisent pour pro- 
duire de l'électricité parmi les établissements qui sont éclairés, 
au nombre de 7, grâce à une dynamo. 

3*" Pontfarcy. — L'électricité, comme les bonnes fées des temps 
jadis, se déguise aussi volontiers en modeste paysanne qu'en riche 
princesse, pour passer d'une agglomération de 6.600 habitants dans 
une autre de 400; il peut paraître étonnant d'y trouver la lampe 
électrique d'un uçage tout aussi répandu, et ceci depuis 1903. C'est 
cependant le cas de la commune qui nous occupe, à 17 kilomètres 
de Vire. 

La force hydraulique est tout aussi modeste que la localité ; 
49 chevaux seulement sur un petit affluent de laVire, le ruisseau de 
Gouvets, mais donnant bien du collier, car, le jour, ils sont fort 
bien utilisés dans un moulin à blé et, le soir venu, à l'éclairage 
des 14 lampes à 110 volts de la municipalité, auxquelles viennent 
s'ajouter 350 lampes pour les particuliers. Ces braves chevaux 
hydrauliques ont du reste comme appui un bon posle d'accumula- 
teurs bien nécessaire, puisque, pour les grandes cérémonies, on 
allume jusqu'à 200 lampes de 5 bougies dans l'unique église parois- 
siale. C'est un fort grand luxe pour un si petit endroit. 

4'' On sait que Mézidon est un point important de transit de la 
ligne des chemins de fer de l'Ouest, bifurcation à laquelle aboutit 
une ligne transversale aux trois grandes artères Paris à Cherbourg, 
à Granville ou vers la Bretagne, et qui se termine au Mans. Ce chef- 
lieu de canton, voisin de Caen, joue un certain rôle dans la con- 
trée par les exportations en Angleterre des produits agricoles de la 



2!? LA HOUILLE VERTE 

région, ou facilite Tiinportation des matières premières qui ali- 
mentent les filatures et les tréfileries de la contrée ; voisin encore 
de Lisieux et de toutes les plages que desservent, l'été, de nombreux 
express, Mézidon devait avoir un important dépôt de locomo- 
tives pour lesquelles Teau de bonne qualité est une nécessité. Un 
premier réservoir alimenté par une locomobile et un puits ne tar- 
dèrent pas à devenir insuffisants. On eut alors la bonne fortune de 
trouver, à 1.800 mètres de la gave, une force hydraulique disponible 
ayant actionné Tancienne tréfilerie de Mézidon, fermée depuis 
environ vingt-cinq années. Le propriétaire du barrage n'eut qu'à 
remettre en service une bonne turbine de 24 chevaux sur la Dives. 
Mais, une fois les réservoirs pleins, — et rien n'empêchait de 
choisir les heures les plus commodes pour les remplir, — il eut 
l'heureuse inspiration de chercher un autre emploi pour l'excédent 
de force inutilisée et de donner le choix à la production de l'élec- 
tricité pour l'éclairage. C'est donc un des rares cas où le chemin 
de fer aura provoqué la rentrée en activité d'une force hydrau- 
lique. 

Ce chef-lieu de canton ne comptant que 1.200 habitants, 
35 lampes suffisent pour l'éclairage public, qui commençait en 1895; 
mais petit à petit on arrivait à y ajouter 270 lampes chez les abon- 
nés, car, lorsqu'on voit les avantages de la lumière électrique, la 
tentation est toujours grande. Vu la distance de 2 kilomètres de la 
lampe la plus éloignée à l'usine, on a eu recours à la dislribution 
à 3 fils et à 125 volts, sauf pour le voisinage immédiat de l'usine 
(Voir chap. ix, p. 95). Pas d'accumulateurs, mais, pour secours et 
parera l'imprévu, un moteur à pétrole de 18 chevaux, fait intéres- 
sant à noter au passage, car il faut faire remarquer que cet auxi- 
liaire, nécessaire ici comme ailleurs, pour traverser sans difficulté 
les pénuries d'eau de l'été ou, du moins, des étés secs, se détériore 
bien moins que les machines à vapeur, quand on le laisse long- 
temps sans s'en servir et entre plus rapidement en marche que la 
machine à vapeur. 

- 5° Falaise, une. autre sous-préfecture du Calvados, devrait beau- 
coup mieux figurer dans un inventaire de l'industrie électrique 
attribué à la houille noire, puisque la plus grande partie de Téiier- 
gie produite à l'ancien moulin Dalibon, à 600 mètres de la ville, 



LA HOUILLE VERTE DANS LE CALVADOS 2i3 

est fournie par une importante machine h vapeur de 150 chevaux. 
On peut même être étonné de constater que Tusine productrice 
d'électricité soit venue se fixer là, mais c'est qu'outre un local favo- 
rable et économique elle trouve, dans le faible cours de TAnte, 
Falimentation en eau de sa chaudière qui lui eût fait défaut sur 
Féminence dominée par le vieux château de Guillaume le Conqué- 
rant, centré de la ville. Si le débit de cette rivière se ressent du 
voisinage de sa source, les chutes sont assez élevées sur son cours, 
et Fancienne filature en utilisait une de 4°", 70. Il était donc tout 
indiqué de placer là une petite turbine et de lui confier une dynamo 
à entraîner; celle-ci, presque perdue au milieu de la grande salle 
des accumulateurs, s'acquitte fort bien de sa tâche depuis 1896, 
chargeant jour et nuit, sans interruption, une des batteries. 

Comme à Domfront, etc., où la distribution est à 3 fils, il fallait 
une seconde batterie d'accumulateurs à 110 volts comme la pre- 
mière, et c'est à un autre petit moulin dénommé Saint-Laurent, à 
400 mètres immédiatement en aval du premier, que l'on demandait 
ce service. Le site est pittoresque en cet endroit : l'Anté tombe 
d'une hauteur de 4 mètres sur une paroi de rocher, tout enfermée 
entre les maisons voisines. On y établissait, en 1900, un siphon, 
une deuxième petite turbine et une deuxième dynamo ; aucune sur- 
veillance continuelle n'est même nécessaire, et, en passant, on jette 
de temps à autre un coup d'œil, laissant tourner continuellement 
petite turbine et petite dynamo, car cet ancien ynodeste moulin 
est sur le chemin de la ville. N'est-ce pas aussi original que pra- 
tique? 

Toutefois, les habitants de Falaise ont mieux à montrer que le 
résultat assez mince des deux chutes d'eau de l'Ante. On connaît 
l'histoire du légendaire bourgeois : Gars de Falaise ^ ta lanterne? — 
La vHà! Aujourd'hui, plus modernisé, il vous répondrait : voyez ces 
4.000 lampes électriques dont l'installation remonte à 1892 et 
donnez-vous la peine de visiter nos moteurs. En effet, ils sont pour 
rinstant au nombre de sept, et leur énumération offre encore un 
réel intérêt : le premier, chez un coutelier, date de 1899; ce moteur 
remplaçait alors les deux bourriques condamnées à tourner dans un 

manège, et le nouveau cheval et demi lâché dans la dynamo 

réceptrice se mettait à y tourner comme des écureuils dans une 
cage, mais il est moins encombrant et toujours plus dispos que les 



214 LA HOUILLE VERTE 

deux anciennes bêtes. Deux boulangers emploient environ chacun 
un cheval pour leur pétrin mécanique; 2 moteurs plus faibles 
actionnent des appareils à eaux gazeuses; 2 autres enfin, pour une 
pompe à eau et, chez un armurier, pour sertir les cartouches, 
prennent également du courant électrique. 

6** Orbec n'est qu'un fort chef-lieu de canton, dans lequel le gaz 
était établi depuis plusieurs années, lorsque, en 1902, on manifesta 
un vif désir de l'établissement de l'électricité. Pour y décider la 
société concessionnaire de Tusine à gaz, la municipalité mit k 
sa disposition une petite force hydraulique employée le jour dans 
une scierie; le courant ainsi produit de sept heures du soir k sept 
heures du matin est envoyé dans une batterie d'accumulateurs, 
et, comme il n'est pas toujours suffisant, un moteur à gaz, à l'usine 
même, commandant une autre dynamo, complète la charge. La 
distribution est à 3 fils et à 110 volts sur chaque pont, pour environ 
100 lampes de l'éclairage public et une trentaine d'abonnés qui se 
partagent 250 lampes. N'oublions pas un moteur électrique à l'usine 
même, pour le calibrage du coke. 

Et maintenant, pour terminer la houille verte dans le Calvados, 
le... bouquet! 

T Avec Thury-Harcourt, nous allons trouver une station cen- 
trale d'électricité double. Lorsque j'y étais venu pour la première fois 
en l'année 1902, elle se composait d'une bonne roue Sagebien, 
utilisant le courant de l'Orne, pouvant donner 30 chevaux; cette 
roue de 2 mètres de largeur, par un système un peu encombrant 
de poulies et courroies, conduisait 2 dynamos donnant du courant 
à 110 volts; batterie d'accumulateurs et distribution à 3 fils pour 
l'éclairage public et particulier {/ig. 103). 

L'installation datait déjà de douze ans; l'essai d'un seul moteur 
en ville avait été très heureux. 

En 1904, donc deux ans après, j'en trouvais déjà 6 : 3 dans des 
beurreries, entre 3 et 12 chevaux, actionnant écrémeuses, barattes, 
malaxeurs; 2 dans un petit atelier bien original, pour une scie 
circulaire, un tour, et donnant encore le mouvement à une machine, 
de provenance américaine, faisant le tire-bouchon à bon marché, 
en fil d'acier, du genre de ceux que l'on trouve, par exemple, dans 



LA HOUILLE VERTE DANS LE CALVADOS 



215 




FiG. 103. — Intérieur de l'usine hydro-électrique de Thury-Harcourt (Calvados). 
État en 1902 [vue prise dans le sens de la flèche f[1ig. 106)]. 



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FiG. 104. — Intérieur de Tusine hydro-électrique de Thury-Harcourt. 

État en 1904. — Dynamo à 4 pôles et transmission simplifiée [vue prise dans le sens 

de la flèche f {fig. 106)]. 



216 



LA HOUILLE VERTE 



les paniers de provisions des chemins de fer (cette machine peut 
livrer jusqu'à 5.000 tire-bouchons par jour); dans d'autres cas, 
elle enroule le fil d'acier sur la tête en bois du tire-bouchon et 
livre le tout prêt pour Texpédition. Enfin un dernier moteur 
actionne encore à Thury-Harcourt un pétrin mécanique chez un 
boulanger. L'éclairage comporte actuellement 40 lampes dans les 
réverbères publics et 230 chez les particuliers. 

Puis une autre transformation s'était produite dans l'usine même, 




Fio. 105. — L'alternateur produisant le courant à 5.000 volts pour Aunay-sur-Odon, 
à 14 kilomètres de l'usine de Thury-Harcourt (Calvados). 

ainsi qu'en témoigne la figure 104 : une djTiamo à 4 pôles avait 
remplacé les deux anciennes, et l'on avait gagné ainsi assez de place 
dans l'usine même, pour permettre un dédoublement curieux qui 
fait l'objet du paragraphe suivant. La figure 106 indique même d'où 
sont prises les photographies [fig, 103 et 104). 



8° Ayant débuté en 1883, cette usine avait déjà un bon actif; 
mais le débit de TOrne permettait mieux et, grâce au caractère en- 
treprenant du directeur de cette usine, un second coursier recevait 
une nouvelle roue du môme genre que la première [fig. 107), un 
peu plus forte même, 35 chevaux; à celle-ci, il confiait, en 1904, 



LA HOUILLE VERTE DANS LE CALVADOS 



217 



la conduite d'un alternateur à 5.000 volts [fig. 105) ; il plantait 
235 poteaux sur une route presque en ligne droite et, à Taide d'un 
transformateur abaissant le courant à 120 volts, installé tout bon- 
nement dans le grenier des halles, Aunay-sur-Odon, autre chef- 







Cùmmimiqiîé ^mr M^ Fovtin. TfiUf tj-fiiitT'mj't. 



FiG. 106. — Usine électrique de Thury-Harcourt et de Aunay-sur-Odon (Calvados). 

A, roue de Thury-Harcourt. — B, roue de Aunay-sur-Odon (toutes deux 3 1/2 tours par minute). — a, 
dynamo à 4 pôles de Thury-Harcourt, 450 tours par minute. — a'a'a\ transmission pour Thury-Harcourt. — 
b, alternateur monophasé de Aunay-sur-Odon (1.000 tours par minute). — b'b'b\ transmission* pour Aunay- 
sur-Odon. — c, tableau de Thury-Harcourt. — <?', tableau de Aunay-sur-Odon. — rf, vannage de Thury- 
Harcourt. — d\ vannage de Aunay-sur Odon. — e, accumulateurs. — /", passerelle. — g^ grille. 



lieu de canton à 14 kilomètres de Thury-Harcourt, jouit depuis 1904 
des bienfaits de l'éclairage électrique. Le succès arrivait dès le 
début, puisque l'on compte 32 lampes pour les rues et 150 chez 
les abonnés. 

Ce dédoublement de l'usine hydro-électrique n'apporte-t-il pas la 
preuve la plus concluante de ce que j'avais avancé au début de cet 
ouvrage, en faisant remarquer l'heureuse relation entre l'importance 



218 



LA HOUILLE VERTE 



des débits et la longueur des nuits. En effet, on est arrivé ici à 
atteindre presque absolument le maximum de la force utilisable et, 
en tout cas, sensiblement plus que dans toute autre industrie. 

Nous ne pouvons quitter cette pittoresque petite ville de Thury- 
Harcourt sans rendre visite à une des plus importantes beurreries, 
puisque sa production atteint parfois 2 tonnes par jour, le tout étant 
presque entièrement exporté en Angleterre. Elle employait aupa- 
ravant un des moteurs signalés plus haut; mais, comme le courant 
cesse d'être distribué aux moteurs quand l'éclairage commence, 




FiG. 107. — Une des deux roues Sagebien de Thury-Harcourt (Calvados) faisant 
3 1/2 tours par minute. 

A, vanne plongeante. — B, vanne de garde. — C, grille. — D, passerelle. 

notre beurrerie se trouvait exposée à un arrêt dans un travail qui 
n'en supporte pas. Que fit-elle? Elle utilisait déjà pour ses appareils 
frigorifiques une petite force hydraulique sur le Vieux-Honnier, très 
modeste affluent de TOrne; une dynamo y fut installée, une cana- 
lisation de 100 mètres établie et, par la manœuvre d'un simple 
commutateur, le courant bienfaisant se substituait à celui qui fai- 
sait défaut, ou plutôt qui brillait alors dans les lampes. A quelles 
combinaisons l'électricité ne se prôte-t-elle pas, quand on a une 
chute d'eau à sa portée! 

Je n'ai jusqu'à présent fait entrer aucun projet dans cette étude. 
Mais le suivant offre des garanties telles d'exécution prochaine qu'il 



LA HOUILLE VERTE DANS LE CALVADOS 



219 



m'est presque impossible de le taire. Il s'agit encore de Thiiry- 
Harcourt : le directeur de cette station centrale, confiant dans le 
débit de l'Orne et jugeant que son alternateur à 5.000 volts n'at- 
teignait pas du côté de Aunay-sur-Odon la charge qu'il pouvait lui 




DE TRANSPORT ELECTRIQUE 

DANS LE CALVADOS 

PLAN DE SITUATION 



. Transport daâant de 1903 
^Projet en. cours {jj'exécutiow en^lSOÔ 
^Ckemin- dejer 

Echelle 



100 ooo 



FiG. 108. — Plan de situation du développement progressif de la station centrale 
de Thury-Harcourt Calvados). 

demander, s'est dit que ce qui avait réussi au nord pouvait égale- 
ment réussir au sud. Les 5 kilomètres de ligne pour atteindre 
Saint-Rémy et Cléey semblaient un enfantillage à côté des 14 kilo- 
mètres précédents, et les... travaux sont commencés. Le plan 
{fig. 108) expliquera cette situation. 



220 LA HOUILLE VERTE 

Toutefois, comme toute chose a une limite qu'il faut savoir ne 
pas dépasser, il entre cette fois-ci dans les projets du directeur de 
s'assurer Je secours d'une machine à vapeur. Mais alors sa confiance 
en l'œuvre augmente en proportion, et le voici en pourparlers pour 
des moteurs à établir pour treuils et pompes dans les mines de fer de 
Saint-Rémy. De plus en plus fort, ses chevaux hydrauliques iront, à 
5 kilomètres de distance, remplacer les pauvres bêtes qui sortent 
des mines de fer sur un Decauville les wagonnets chargés de mine- 
rais. Je regrette que le cadre de cette étude m'arrête au seuil de ces 
mines de fer que j'ai aussi visitées. Exploitées plus activement de- 
puis une dizaine d années, grâce à la ligne de chemin de fer de Fiers 
à Caen, ces mines envoient leurs produits se faire traiter presque 
entièrement dans les bassins houillers du Nord ; le minerai, recher- 
ché pour sa finesse, est destiné aux aciers de premier choix et 
souvent aux armes de guerre. 

J'avais connu avant sa réalisation le projet de Aunay-sur-Odon ; 
je ne doute pas plus de l'exécution de celui-ci. Il ne manque donc 
à cet intéressant centre de distribution que des emplois agricoles ; 
espérons que ceux-ci viendront à leur tour, des pourparlers ayant 
été aussi engagés dans cette voie pour de grosses fermes à proxi- 
mité de la ligne de Aunay-sur-Odon. Nous devons encore faire 
remarquer que plusieurs barrages de puissance semblable sont voi- 
sins sur cette rivière de l'Orne et sans emploi à l'heure actuelle. 
Le côté pittoresque de cetle vallée, qui rappelle par plusieurs côtés 
celle de la Vire, est visible dans la figure 17 que nous avons repro- 
duite (chap. IV, p. 31). 

Une seule adjonction à faire à la carte {fig, 109), mais cette carte 
fut dressée en 1905, et j'ai déjà dit que, pour les emplois hydro-élec- 
triques, j'avais pu, grâce à des documents certains, tenir à jour 
leur statistique : 

9"" Le château de Saint-André, commune du même nom, utilise 
depuis 1901 une faible partie du gros débit de l'Orne, sous une 
chute de 60 centimètres (on sent le voisinage de la plaine de Caen). 
C'est tout simplement Tancienne roue qui, par l'intermédiaire 
d'une dynamo à 110 volts, assure sans grande difficulté le service 
de 50 lampes. 



LA HOUILLE VERTE DANS LE CALVADOS 



221 




LA HOUILLE VERTE 



IL — LES RESSOURCES DISPONIBLES 

Constatons tout d'abord une analogie entre ce département et celui 
de la Mayenne qui lui fait pendant au sud, de l'autre côté du dépar- 
tement de l'Orne. Le Calvados fut même appelé au début: départe- 
ment de i'Ome-Inférieure. Cette rivière ne peut avoir les mêmes 
prétentions que la Mayenne et, si elle est aussi navigable dans son 
cours inférieur, à partir de Caen, c'est sans aucune écluse ; le voi- 
sinage de la mer éloignait môme, semble-t-il, toute idée d'emplois 
hydrauliques pour ce département. En joignant à la puissance de 
rOrne celle des autres rivières de ce bassin côtier, on trouve une 
force moyenne utilisable de 9.500 chevaux ; contrairement au dé- 
partement de la Mayenne encore, ils sont tous sur les cours d'eau 
non navigables, sauf pour une usine. On croira facilement que, 
malgré certaines difficultés de statistique, que je vais signaler à la 
fin de ce chapitre, je n'ai pas eu de mal à la découvrir! 

A part l'Eure-el-Loir, c'est donc le département de la région qui 
nous occupe, le plus faible au point de vue de la puissance totale 
des barrages. Nous en trouverons le motif plausible dans un aperçu 
rapide de la composition géologique du sol, puisque c'est le tapis 
sur lequel s'épandent les Qours d'eau qui sont très différemment 
influencés selon cette composition ; on doit à cet égard diviser le 
Calvados en trois régions : la première, entre TEure et la Dives, 
à l'est, présente des plateaux crayeux, coupés par de profondes 
vallées argileuses, c'est le pays d'Auge, et les affluents des rivières 
principales seront plus rares, à part quelques eaux courantes, abon- 
dantes et limpides, telles les sources qui donnent naissance à la 
Calonne et à l'Orbec. La deuxième région embrasse la plaine de 
Caen, où domine le calcaire; le pays est peu accidenté, peu de val- 
lées, point de chutes; l'Orne seule y déroule ses lacets dans de 
riches prairies. Tout au contraire, la partie ouest du département, 
connue sous le nom de Bocage^ emprunte son caractère particulier 
aux granits, grès rouges, schistes, d'où émergent jusqu'à la surface 
du sol de grands rochers dans lesquels les cours d'eau ont fini par 
s'ouvrir des passages ; c'est là aussi que nous relevons les chutes 
d'eau les plus élevées. 



LA HOUILLE VERTE DANS LE CALVADOS 223 

On remarquera encore que le cours deTAure obéit bien, au début, 
à rinclinaison générale du sol, sud-nord ; mais, rencontrant sur sa 
route des falaises élevées, il n'a pu percer jusqu'à la mer, a pris 
son parti d'obliquer à gauche, et, longeant un certain temps lacôte, 
de rejoindre l'estuaire de la Vire. Celle-ci, du reste, a éprouvé les 
mêmes difficultés à creuser son lit : les contreforts du mont Pinçon, 
dans le voisinage de Thury*Harcourt, à l'altitude de 359 mètres et 
point le plus élevé du département, sont sans doute le motif de ce 
changement de direction, et j'ai cru intéressant de rappeler sur la 
carte [fig. 109) les nombreuses écluses de la Vire navigable, bien 
qu'étant dans le département de la Manche. Elles sont appelées à 
racheter, pour ainsi dire, le phénomène dont la cause est dans le 
Calvados, la Vire devant de ce fait gagner la mer sur une plus courte 
étendue. On trouve encore là une confirmation des motifs invoqués 
précédemment de ne pas se borner à l'étude abstraite d'un seul 
département. 

Il est temps de considérer les bases sur lesquelles est établie la 
carte ci-dessus : les usines fermées, en activité, ou hydro-électriques, 
sont groupées par communes le long des cours d'eau au lieu d'être 
dans leur ordre de succession; je n'ai pu arriver à une interprétation 
aussi exacte que de coutume des emplacements mômes des chutes 
d'eau, par suite de l'absence des noms des usines sur les documents 
à consulter pour l'année 1900. Ce recensement était nominatif et 
individuel et, d'un autre côté, le propriétaire ou exploitant d'une 
force hydraulique peut changer. Les comparaisons exactes de- 
viennent impossibles entre ce recensement uniquement nominatif 
et les deux précédents en date qui ne portent que des noms d'usines ; 
ces noms, du moins, sont immuables. Dans les départements précé- 
dents, on avait remédié spontanément à cette lacune. Toutefois les 
signes conventionnels sont restés les mêmes que dans mes cartes 
précédentes, et l'aspect général ne saurait en être que très faible- 
ment altéré; car, en effet, dans le Calvados, 246 communes n'ont 
qu'une usine hydraulique; ici le doute n'est pas permis; 22 en 
ont 2; 47 en ont 3, 4 ou 5; et 6 seulement dépassent 6; parmi 
celles-ci, la commune de Vire l'emporte encore avec 21 chutes 
d'eau utilisées, comme on l'a vu page 211. 

Les trois recensements dont il vient d'être question, aux dates 
de 1863, 1897 et 1900, permettent cependant de fixer le plus claire- 



224 



LA HOUILLE VERTE 



ment possible les utilisations sous la forme du petit tableau ci-après. 
Disons encore que cette omission des noms des usines hydrau- 
liques dans la statistique de 1900 a eu pour résultat de m'empêcher 
de donner pour ce département, ainsi que pour celui de l'Eure qui 
se trouve dans le même cas, un chiffre exact des forces utilisées. En 
effet, je n'ai pu distinguer dans une même commune les usines en 
activité de celles qui étaient en chômage, tandis que je pouvais 
affirmer tout de même la proportion des usines fermées ou en acti- 
vité dans cette même commune. Or la consistance d'une usine peut 
être très variable entre deux usines consécutives sur une même rivière 
(différence de hauteur de chute, proportion inégale du canal d'ame- 
née). Les chiffres des forces utilisées à ces diverses époques n'au- 
raient été que très approximatifs. 



Moulins à blé 


1863 


1897 


1900 


139 
14 
5 
16 
37 
67 


436 
93 
8 
26 
31 
11 
42 


316 
28 
3 
22 
23 
» 
51 


Industries textiles 


Papeteries 


Scieries de bois 


Moulins à tan 


Huileries 


Divers 


Totaux 


855 


647 


443 





11 résulte de ces chiffres que les scieries et les moulins à tan ont 
eu, de 1863 à 1897, une progression qui ne s'est pas maintenue : les 
filatures décroissent toujours de plus en plus et finissent par être 
réduites au cinquième de leur nombre primitif : les papeteries 
passent de 14 à 3, et les huileries tombent à 0. C'était inévitable et 
pour les mêmes motifs que dans le département voisin de la 
Manche. 

Progrès très sensible ici pour les usines hydrauliques d'indus- 
tries diverses qui ont compris le bon parti à tirer de la houille verte, 
en assurant leur propre éclairage pendant l'hiver; c'était à prévoir 
en tenant compte de la proportion plus forte qu'ailleurs des filatures 
subsistantes, pour lesquelles les dangers d'incendie sont toujours 
fort grands : ce total est 41 usines. 



LA HOUILLE VERTE DANS LE CALVADOS 225 

J*aurais désiré citer, comme toujours, quelques noms humoris- 
tiques de cette constellation de moulins; le motif qui a dû me 
faire modifier la représentation sur la carte va encore trouver une 
confirmation. On a pris Thabitude, lors des recensements de cette 
contrée, de désigner presque toujours les usines par le nom de 
leurs propriétaires. Ainsi, sur la Touques, je trouve la succession 
suivante : usines de M. Dulong^ de M. Pèlerin, de M""' Duchesne^de 
M. Dumoulin^ etc.; à part ce dernier, dont on ne peut nier l'oppor- 
tunité, aucun sel. Ceci se passait en 1863 ; vingt-quatre ans plus 
tard, je trouve toujours bien M. Dulong, mais il est flanqué de 
M. Diibos et de M. Longeon! Est-il besoin d'une autre preuve 
pour faire saisir les difficultés d'un état comparatif entre ces dates 
de 1863 et 1897? 11 faut espérer qu'on arrivera à un mode de recen- 
sement plus précis et plus clair. J'aime encore mieux la kyrielle 
des noms de saints : Saint-Hippolyte, Saint-Jean, Saint-Germain 
ou Saint-Martin ; ils se répéteront fréquemment, mais au moins ils 
ne permuteront pas! Quelques noms de rivières sont agréables et 
suggestifs : la Cressonnière, la Dore t te, la Crème, la Seulline 
(affluent de la Seulles), la Virène (affluent de la Vire) ; mais, pour 
un simple ruisseau, le Rhin est tout à fait déplacé. 



15 



CHAPITRE XX 
LA HOUILLE VERTE DANS L'EURE 



I. — LES EXEMPLES HYDRO-ÉLECTRIQUES 

Nous voici arrivés au dernier département à examiner du groupe 
entourant TOrne comme d'un anneau que nous aurions soudé élec- 
triquement. Ce département peut, par extension, faire partie de la 
région normande jusque dans ses parties au-delà de la Seine. 

Si les exemples vont être les plus nombreux que nous ayons eus 
à relever pour un seul département, on en trouvera Texplication 
dans ce fait que c'est la dernière carte que je viens de terminer 
en 1905; elle a donc bénéficié des toutes récentes installations; le 
supplément que j'avais Thabitude de donner à la suite des installa- 
tions portées sur mes cartes, va donc se trouver très réduit. 

Une autre remarque s'impose avant d'aborder cette longue suite 
de monographies : toutes les installations, sauf deux (l'exception 
confirme ici la règle), ne dépassent pas le courant à 130 volts; 
aucune de ces entreprises hardies, franchissant des kilomètres à 
5.000 volts, ne se présentera, comme dans la Manche ou le Calvados. 
Pourquoi? Question de mode et d'imitation; peut-être aussi densité 
de la population favorisant les emplois dans un voisinage restreint. 

Quoi qu'il en soit, en présence du nombre considérable de ces 
utilisations fort variées, m'obligeant même à m'excuser d'un cha- 
pitre aussi long, j'ai dû adopter le classement par rivière et suivre 
ensuite l'ordre successif descendant vers l'embouchure. 



LA HOUILLE VERTE DANS L'EURE 227 

PREMIER GROUPE. — LA RILLE ET AFFLUENTS 

1* Buglss. — Pour commencer la Rille en amont, non à sa 
source, mais à son entrée dans le département qui nous occupe, 
nous allons trouver un chef-lieu de canton do 1.800 habitants dans 
lequel l'éclairage électrique est en usage depuis 1895. La situation 
de cette petite ville au fond d'une vallée, resserrée entre deux lon- 
gueurs de collines escarpées et sensiblement parallèles, se retrou- 
vera fréquemment dans cette contrée. Comme plusieurs rivières 
de TEure, la Rille a des pertes ou bétoires, qui affaiblissent son 
cours et commencent à se manifester aussitôt après Rugles ; toute- 
fois, la rivière voisine, l'Iton, disparaissant même complètement, 
nous renvoyons le lecteur, pour cette dernière et les conséquences 
qui en résultent, au chapitre iv, et au présent chapitre, para- 
graphe 12. A Rugles, c'est une fabrique de dés et de roulettes de 
meubles, pourvue d'une roue d'une force de 15 chevaux, qui assure 
le service d'éclairage électrique, au régime de 110 volts, des 52 réver- 
bères et des 300 lampes installées chez les particuliers; quoiqu'il 
y ait une machine à vapeur de 30 chevaux, une batterie d'accumu- 
lateurs assure les besoins du milieu de la nuit. 

2** Rien intéressante la toute récente installation de la Ferrière- 
sur-Rille; ce n'est même pas un chef-lieu de canton, mais une 
bourgade dont la population ne dépasse pas 360 habitants. C'est 
en 1904 que l'on entreprit Téclairage électrique, grâce à la roue 
d'un ancien moulin et à une chute de 4 mètres; le succès ne 
se fit pas attendre et, outre les 20 lampes publiques. Ton compte 
800 lampes d'abonnés! Deux tanneries ont établi des moteurs 
actionnant les pompes nécessaires pour envoyer l'eau dans les cuves 
ou l'en épuiser; d'autres sont utilisés pour une beurrerie, une cor- 
derie et des meules à aiguiser. Courant à 110 volts et batterie d'ac- 
cumulateurs qu'il va falloir renforcer d'un moteur de secours. 

3° Beaumont-le-Roger. — J'ai visité ce chef-lieu de canton de 
1.900 habitants à deux reprises; j'y ai même couché les deux foiSj 
car, pour juger d'un éclairage, il faut voir... cela la nuit, ne man- 
querait pas d'ajouter le légendaire M. de la Palisse! Lors de ma 



228 



LA HOUILLE VERTE 



première visite en 1901, j'avais déjà été frappé par laspect imposant 
de la grande minoterie du Moulin-du-Parc, à 500 mètres de la ville; 
cet aspect est encore pins séduisant lorsqu'on s'y présente le soir et 
que de loin les quatre étages apparaissent illuminés comme autant 
de salles de fête grâce à l'électricité, sans oublier quelques lampes 
extérieures à arc. La distribution est à 3 fils et avec HO volts sur 
chaque pont. 
Le moteur hydraulique établi sur la Rille est une belle roue de 




FiG. 110. — Minoterie du Parc et usine hydro-électrique 
de Beaumont-le-Roger (Eure). 



S'^^bO de largeur et, afin d'employer plus complètement les grandes 
eaux d'hiver, le trop-plein du bief en remplit dans ce cas un second 
recevant aussi un petit aflluent de la Rille ; cette seconde chute, 
plus faible, est utilisée cependant par une seconde roue, et on 
arrive ainsi à un total moyen de 40 chevaux. Le travail de la mino- 
terie {/ig. HO) étant très important, on a renforcé les deux roues d'une 
forte machine à vapeur de 50 chevaux. Comme la lumière appelle 
la lumière, les 1.000 lampes établies lors de ma première visite, 
en 1901, s'étaient augmentées de 300 nouvelles, trois ans après; 
les dynamos devenaient impuissantes à satisfaire une si nombreuse 
clientèle, il fallait avoir recours aux accumulateurs : ils sont d'une 



LA HOUILLE VERTE DANS L'EURE 229 

grande capacité et établis luxueusement [fig. 53). N'oublions pas 
de mentionner les 52 lampes de Téclairage public. L'installation 
fonctionne depuis 1893. 

4* Pont-Authou est une localité sur la Rille qui ne compte que 
448 habitants, et une chute d'eau a permis l'établissement de trois tur- 
bines pouvant développer une force de 90 chevaux, car, la Rille 
ayant repris toutes ses forces après les pertes, on dispose là d'un 
fort débit. On pourrait dire que, dans un cas pareil, l'éclairage élec- 
trique marche tout seul; on a plus à craindre... de brûler les 
lampes que de voir le voltage baisser, et à Pont-Authou la lumière 
n'est jamais /aî/n^.' Ni accumulateurs, ni machine de secours pour 
les 10 lampes publiques et les 30 lampes particulières à 115 volts. 

Une industrie utilisant la force du barrage avait précédé Téclai- 
rage électrique, qui ne date que de 1903 : c'était une fihrerie. 
On entend par fibres de bois ces copeaux frisés dont on fait actuelle- 
ment fort grand usage pour l'emballage des objets délicats et même 
des fruits. Le travail de l'usine se poursuit jour et nuit sous 
l'unique surveillance de 5 ouvriers; quant à la matière première, 
les forêts voisines y pourvoient et les essences préférées sont les 
sapins, les peupliers et autres bois blancs. 

5* Montfort-sur-Bille est un chef-lieu de canton de 600 habi- 
tants; la commune voisine de Saint-Philbert-sur-Rille^ à 2 kilo- 
mètres à peine, en compte 1.000. Ces deux localités, séparées par 
la Rille, se sont mises d'accord pour en faire un bon usage pour 
l'électricité depuis 1884 : vingt années, voilà une bonne constata- 
tion et une entente qui a grande chance de n'être plus troublée. 
C'est dans la commune de Saint-Philbert que se trouve l'usine 
électrique comportant une roue Sagebien de 12 chevaux et une 
turbine de 8 chevaux faisant encore toutes deux fort bon ménage. 
Il n'y a, en effet, qu'une petite question de multiplication dans les 
transmissions à trancher pour réunir leur énergie, en vue d'arriver 
à une vitesse convenant à Tutilisation voulue : or, celle-ci com- 
porte, le jour, différentes lames d'une scierie et, le soir, une 
dynamo, donc deux usages exigeant de grandes vitesses. La chute 
de 2 mètres serait bonne, si une grande filature sur le même bief 
n'avait droit aux trois quarts du débit. Pour éviter toute perte de 



2J0 LA HOUILLE VERTE 

force hydraulique par la manœuvre inconsîdére'e d'un vannage, 
une très curieuse vanne automatique maintient un niveau constant 
{fig. \i\). C'est le même système que celui expliqué chapitre yui 
[fig, 43), et appliqué chez lïnventeur. En chargeant une batterie 
d'accumulateurs, on arrive facilement, sans autre moteur de secours, 
à fournir le courant aux 12 lampes de l'éclairage public ainsi qu'aux 
400 lampes des particuliers. Le courant est à 110 volts. 




FiG. 111. — Barrage de l'usine hydro-électrique de Montfort, sur la Rille (Eure) ; 
à droite, vanne régulatrice. 



6** Pont-Audemer, sous-préfecture de près de 6.000 habitants. 
C'est la dernière des stations centrales sur la Rille; elle utilise 
Tavant-dernière chute avant le commencement de la partie navi- 
gable. 

La chute n'a que 1 mètre; c'est donc tout à fait la houille verte, 
mais on profite d'un volume d'eau considérable et forcément amé- 
lioré par le nombre même des affluents et la longueur du cours 
d'eau. Comme à Thury-Harcourt, dans le Calvados, les moteurs 
hydrauliques en usage sont deux roues Sagebien, et elles ont 
respectivement 8 et 4 mètres de largeur; mais, afin d'arriver à la 
vitesse exigée par les trois dynamos et un survolteur en vue 
d'achever la charge de la batterie d'accumulateurs, il faut toujours, 



LA HOUILLE VERTE DANS L'EURE 231 

en pareil cas, une multiplicalion assez compliquée et qui n'est pas 
sans absorber quelque force. 

Malgré les accumulateurs de capacité importante, on a dû, pour 
les six mois d'hiver, établir un moteur auxiliaire au gaz pauvre, 
car, ici, c'est le trop d'eau^ diminuant la chute, qui est nuisible. Du 
reste, depuis 1903, la vogue de ce bel éclairage n'a pas diminué, 
puisque, outre 500 lampes éclairant les rues et les bâtiments com- 
munaux, il faut en compter 4.000 pour le service moyen des par- 
ticuliers ; voltage U HO, la lampe la plus éloignée n'étant qu'à 
800 mètres. 11 existe trois circuits distincts : un pour la municipa- 
lité, un pour les abonnés à forfait, un pour les abonnés au 
compteur. 

Il est très intéressant de signaler les moteurs électriques, qui 
sont au nombre de 16; des conventions établissent que les trans- 
ports d'énergie doivent cesser au coucher du soleil et ne reprendre 
qu'après le lever. Cet emploi de jour coïncidant avec la charge des 
accumulateurs, l'eau suffit souvent à tout. Le plus important de 
ces moteurs, dont la puissance est 8 chevaux, est chez un meunier 
dont il renforce la force hydraulique; 3 tanneries emploient 
4 moteurs entre 3 et 7 chevaux pour des pompes d'usages divers; 
puis viennent un moteur dans une cidrerie, 3 dans des fabriques de 
colle, de chaux et d'agglomérés de ciment ; 3 autres encore, de 
plus faible force, servent chez un charcutier, à un café et chez 
un entrepreneur de transports, pour l'aplatissage de l'avoine; 
enfin, nous ne saurions omettre les imprimeurs, qui utilisent 
3 moteurs. 

7* et 8° Deux propriétaires, près de Pont-Audemer, utilisent des 
forces hydrauliques dans des situations assez différentes. Au châ- 
teau de Tourville, on a pu, par un canal de dérivation, provoquer 
une chute de 11 mètres sur la Sébec; la hauteur de cette chute 
résultant d'un état de choses que j'ai déjà signalé au sujet des coteaux 
escarpés près de Rugles, peut paraître encore plus étonnante, vu le 
voisinage du littoral. Le résultat de cette chute est 250 lampes 
dans le château, les dépendances et la ferme voisine, qui a même 
deux moteurs électriques de 4 et 6 chevaux pour laiterie, coupe- 
racines, hache-paille,. etc. ; le tout, y compris une batterie d'accu- 
mulateurs, fonctionne heureusement depuis 1898. Non loin, et 



2 i2 LA HOUILLE VERTE 

depuis 1892, le château de Toutainville, bien que ne disposant 
que d'une chute de l'^,50 sur laCorbie, en tire parti, grâce à des 
accumulateurs et utilise les 7 chevaux qui en résultent pour 
l'entretien des 60 lampes installées. Tous deux n'ont recours qu'au 
voltage de HO. 

9* Cormeilleç est un chef-lieu de canton de 1.200 habitants, et 
l'éclairage électrique y fut établi dès Tannée 1890 par un des associés 




FiG. 112. — Usine hydro-électrique de Cormeilles (Eure). 
Exemple de roues à palettes. 



delà petite société qui comprend Pont-Audemer etMontfort. L'an- 
cien moulin à blé, sur la Galonné, rivière modeste, mais fort cons- 
tante, est en plein centre de la localité. Courant à 110 volts pour 
les 500 lampes des particuliers, tandis qu'un troisième fil alimente 
les 45 réverbères ; bonne batterie d'accumulateurs pour le service 
de nuit commençant au coucher du soleil et cessant à onze heures 
du soir. En hiver, on allume le matin, de six heures jusqu'au 
jour. Cette usine {fiff, 112) actionne encore sur place une pompe 
pour alimenter le réservoir d'eau de la station voisine d'un che- 
min de fer économique reliant Cormeilles à la ligne de l'Ouest. 



LA HOUILLE VERTE DANS L'EURE 233 

DEUXIÈME GROUPE. — l'eURE ET L*ITON 

10° Le Vaudreuil est à la fois le nom de la localité et d'un des 
trois barrages écluses de TEure navigable, dont la chute de i'^Jb 
est utilisée par une fabrique de drap. La force moyenne de 30 che- 
vaux de Tunique roue dépassait les besoins de l'éclairage électrique 
établi dès 1892 pour l'usine môme, dont le travail de nuit se borne 
au foulage et au dégraissage du drap ; aussi, dès 1895, cet établis- 
sement pourvoyait-il à l'éclairage municipal de 15 lampes à 110 volts 
dans la commune du même nom et celle voisine de Saint-Cyr-dii- 
VaudreuiL Deux usines voisines proGtent en même temps du tiers 
du débit de TEure. 

H** Léry occupe la dernière chute avant Tembouchure de l'Eure 
dans la Seine ; trois moulins existaient dans le voisinage de l'écluse 
et, dès 1888, l'un d'eux se convertissait en usine électrique. Depuis 
quatre ans, des travaux d'une certaine importance, ont permis de 
rapprocher l'usine de Técluse et ont augmenté sa puissance hydrau- 
lique, élevant la chute de 2",05 à 2™,90, et une importante fabrique 
de pâte de papier, disposant de trois turbines pouvant atteindre 
chacune 150 chevaux, utilise tout le débit. La pâte de papier est pro- 
duite uniquement avec du bois de tremble et acquiert dans ce cas une 
supériorité sur celle produite avec d'autres essences; elle est expé- 
diée dans cet état de pâte aux papeteries hydrauliques et à vapeur 
encore nombreuses des environs, et elle est si appréciée pour la fa- 
brication des papiers de choix qu'on ne peut suffire aux demandes. 

Ce développement industriel ne pouvait nuire à l'éclairage élec- 
trique des 325 lampes de Léry, puisque, pour la régularité du 
service de l'usine, on y a établi un poste d'accumulateurs, dont 
le courant, toujours maintenu à 125 volts, alimente les 25 lampes 
publiques et les 300 lampes des particuliers. 

12** Sur les bords de l'Iton s'élève l'ancienne demeure des évêques 
d'Evreux : le château de Condé-sur-Iton. Un grand étang ali- 
mente une roue [hydraulique, tandis qu'une seconde reçoit sa force 
directement de la rivière. Cet ensemble de forces hydrauliques a une 
curieuse origine : anciennement l'Iton tout entier passait à Condé ; 



23i LA HOUILLE VERTE 

vers 1100, Verneuil, devenue un point d'arrêt de l'invasion anglo- 
saxonne, manquait d'eau pour les fossés de ses remparts, par suite 
de sa position élevée au-dessus de TAvre. D'accord avec Breteuil, 
les deux villes se partagèrent Tlton, et cet ouvrage important pour 
Tépoque, entrepris et achevé par les troupes de Guillaume le Con- 
quérant, existe encore de nos jours, un peu au-dessous de Bourth, 
au lieu dit le Becquet-de-Cheraiimont^fig, 16). Mais les riverains, 
absolument mis à sec (on n'y allait pas alors par quatre chemins), 
obtinrent, dès cette époque, de percer dans la digue deux ouver- 
tures rendant une portion de Tlton à son ancien lit; ces deux prises 
d'eau sont actuellement sous la garde du Syndicat, fort bien cons- 
titué, de riton dans l'Eure, dont il a déjà été question au chapitre xi; 
l'une de ces prises s'appelle Trou-de-Corne, car l'ouverture en est 
assez petite pour ôlre bouchée par la corne d'un bœuf; l'autre. Trou- 
de-Botte, car la tige dune botte suffirait pour la boucher. 

Cette restitution élait de toute justice! N'est-il pas au moins 
curieux de remarquer que, huit cents ans après, la ville de Paris, 
prônant à son tour la rivière de l'Avre, n'ait pu se débarrasser 
des réclamations de Nonancourt (le ressentiment y fut tel que l'on 
menaça les ingénieurs d'un bain gratuit... et obligatoire) qu'en 
lui cédant au passage, pour son service d'eau particulier, une 
partie de l'eau des sources dérivées. 

Mais revenons à l'iton, au château de Condé et à l'usage qu'en 
fait son propriétaire actuel depuis 1880. L'une des roues, la plus 
rapprochée du château, est employée à élever l'eau pour les besoins 
domestiques et ceux du potager; la seconde, autrefois à l'usage des 
hauts fourneaux de Condé, remontant à l'époque romaine, sert à 
la production de l'électricité ; quoique distante de 800 mètres du 
château, une dynamo envoie un courant à 110 volts suffisant à 
l'éclairage de 180 lampes, ou charge des accumulateurs qui per- 
mettent d'atteindre le nombre de 400 lampes. 

Une machine à vapeur de secours est établie près cette seconde 
roue et, par un transport d'énergie, vient en aide à la première 
roue employée à élever l'eau, comme je viens de le dire, quand 
les besoins intenses d'arrosage du milieu de l'été di^passent la 
force disponible des deux roues déjà utilisées (l'une par Tékctricité) 
pour actionner la pompe. 

Entre ces usines et la suivante, nous avons à relever un des 



LA HOUILLE VERTE DANS L'EURE 235 

curieux ph(^nomènes de la contrée (Voir aussi chap. iv) : les pertes de 
rivière. Le lit de Tlton subsiste bien à la surface; mais petit à petit 
les eaux de ce cours d'eau se sont infiltrées par les rives dans le 
sous-sol ou perdues par des fissures du fond et, en été, il n'y a 
plus un filet d'eau sur un parcours de plus de 6 kilomètres, tandis 
que les grandes eaux de Thiver ulilisent à la fois le canal souter- 
rain qui se trouve rempli et le lit de surface. J'ai parcouru cette 
contrée, ainsi que le point, intéressant en été, de la réapparition 
de la rivière ; celle-ci se fait, contrairement à la disparition, en une 
fois : au pied d'un hêtre séculaire, une vaste source jaillit du sol, 
et, fait encore plus curieux, l'Iton, outre l'augmentation naturelle 
due à la nappe souterraine, a dû recevoir un affluent souterrain 
important, car son débit est alors toujours très supérieur à celui 
observé à l'usine précédant ses premières pertes. On trouvera sur 
la carte [fig, 121), en pointillé, le sec Ifon, ainsi que les pertes des 
rivières voisines : l'Avre, la Rille, le Sommaire. Les dérivations 
de Verneuil et de Breteuil y sont également visibles. 

13° Les usines de Navarre : aux portes d'Évreux, ces impor- 
tantes usines n'occupent pas moins de 300 ouvriers et ouvrières, 
mais ce qui leur mérite notre attention, c'est avant tout l'usage 
fort judicieux qu'elles font du cours de l'Iton. Les machines des 
ateliers de ces établissements sont actionnées par deux moteurs 
hydrauliques utilisant une chute de l"',3o, auxquels il a fallu 
ajouter deux puissantes machines à vapeur, ce qui entraînait une 
consommation importante de houille noire ; cependant l'adminis- 
trateur délégué de ces établissements, ayant le pressentiment des 
progrès qui se dessinaient dans le domaine hydro-électrique des 
transports à distance, profitant des exemples qu'il avait vus dans 
ses voyages et, de plus, sachant que, dans notre contrée, le char- 
bon est presque toujours de provenance étrangère, et généralement 
anglaise, prenait le parti, il y a quatre ans, d'utiliser la force 
d'une ancienne papeterie, immédiatement en amont, à 500 mètres, 
fermée depuis plus de quinze ans. Une partie des bâtiments 
était restaurée, et à l'emplacement même où il avait vu fonctionner 
trois roues du rendement dérisoire de 20 à 25 0/0 (soit des dili- 
gences comparées à des automobiles), il installa deux turbines pou- 
vant développer ensemble une force de 115 chevaux sous une chute 



236 



LA. HOUILLE VERTE 



de 3", 15, dont le travail moyen est de 65 chevaux. Ces turbines 
actionnent un important alternateur triphasé de 120 ampères à 
500 volts ; une ligne soigneusement établie {fig, 114) apporte ce 
courant à la réceptrice de Tusine principale {fig, 115). 

Pour réclairage des ateliers, des bureaux, de Thabitation du 
directeur, on a installé 400 lampes, plus quelques lampes à arc, 
mais c'est une autre simple dynamo à 110 volts qui les alimente, 
empruntant son énergie à cette triple combinaison : roue, machine 




Fie. 113. — L'alternateur à 500 volts du transport des usines de Navarre, 
près Évreux (Eure). 

à vapeur et réceptrice électrique. Tout cela marche nuit et jour et, 
grâce à un bon régulateur de la machine à vapeur, c'est celle-ci qui 
se modère ou donne du collier selon les besoins. Est-ce tout ce que 
nous avons à apprendre ici ? Non, car l'expérience a prouvé que 
dans une usine moderne les engrenages d'angle font perdre de la 
force et, pour supprimer cette perte dans les transmissions, on va 
remplacer Taucienne réceptrice par des moteurs séparés qui atta- 
queront directement chaque atelier. 

14^ Dans la commune de Saint-Élier, à 2 kilomètres de Conches, 
daus un site accidenté de la vallée du Rouloir, petit affluent de 



LA HOUILLE VERTE DANS L EURE 



237 




Fio. 114. — Le tableau du transport des usines de Navarre. 



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FiG. H5. — La réceptrice du transport dans les usines de Navarre, 
près Évreux (Eure). 



238 LA HOUILLE VERTE 

riton, mais entretenu dans une régularité satisfaisante par des 
versants boisés, un simple moulin à blé de 8 chevaux avait subsisté 
parmi plusieurs autres fermés ou tombés en ruines {fig, H6). Qui 
songe aujourd'hui à utiliser des forces si minimes! Cependant, son 
propriétaire, homme d'initiative, avait lu à droite et à gauche que 
le Ministère de TAgriculture encourageait les emplois hydro-élec- 
triques, puis surtout il avait vu le transport (Téaergie des usines 
de Navarre; Tidée lui vint en 1902, aussi, d'en faire autant, et il 




FiG. 116. — Le moulin à blé de Saint-Élier, près Conches (Eure). 

commençait par acquérir le moulin en aval du sien, à 480 mètres, 
dit de Berville, ayant une roue d'une force de 7 chevaux : donc 
peu dilférentc de la sienne; puis il achetait dynamo génératrice 
[fig. HT), dynamo réceptrice, fils et poteaux, tout, en un mot, 
comme son puissant voisin d'Évrcux. Ce serait vraiment le cas 
de paraphraser ainsi certain proverbe : le courage n'attend pas le 
nombre,,, des chevaux hydrauliques l 

Il est, je crois, du plus haut intérêt de citer l'originalité, la rus- 
ticité même de cet exemple : dans un coin de l'ancien moulin, 
entre la couchetle du garde-moulin et les organes de transmission 
de la roue aux cylindres (on a trois cylindres maintenant), on est 



LA. HOUILLE VERTE DANS L'EURE 



239 



parvenu à loger tout juste le moteur et le tableau de contrôle; ce 
dernier comporte une résistance de démarrage et aussi, grâce à un 
troisième fil de la ligne, la résistance d'excitation de la dynamo 
qui envoie le courant des 480 mèlres de là : on peut donc en régler 
la marche sans se déranger et, comme la roue du moulin de Ber- 
ville est pourvue d'un très bon régulateur de vitesse, on va sans 
arrêt du lundi matin au samedi soir. Le voltage est à 210 volts, et la 





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FiG. 117. — La génératrice de 5 chevaux du transport agricole 
de Saint-Élier (Eure). 

perte du transport de 2 chevaux environ. Enfin, comme en hiver 
Teau est assez abondante, on vient d'installer 28 lampes élec- 
triques. 

TROISIÈME GROUPE. — LA SEINE ET AFFLUENTS 



13° Poses. — Puisqti'il s'agit d'une statistique et tout spécia- 
lement des emplois de Teau à la production de Ténergie électrique, 
Tusage si heureux qui a été fait, depuis 1894, de la chute de la 
Seine provoquée par l'établissement du barrage de Poses près 
d'Amfreville, lui attribue tout naturellement une place ici. On ne 
se douté pas assez des beaux et imposants spectacles que la nature 



240 LA HOUILLE VERTE 

met à notre portée, pour des excursions dans notre propre pays. Il 
ne faut certainement pas chercher des points de comparaison avec 
les chutes du Rhin ou du Niagara; mais, si Ton ajoute à la vue de 
l'impressionnant spectacle d'un fleuve tel que la Seine se déversant 
en une cascade de 4",50de hauteur, une visite aux Andelys, si Ton 
fait la petite ascension des collines qui dominent les imposantes 
ruines de l'historique Château-Gaillard, d'où la vue s'étend sur 
une des vastes boucles de la Seine, permettant même d'apercevoir 



1 




Fio. 118. — Le barrage de Poses, sur la Seine, près d'Amfreville (Eure). 

jusqu'à 72 clochers, il faut reconnaître que l'on a, à proximité de la 
capitale, un but de tourisme des plus intéressants [fig, 118). 

On sait que le barrage de Poses a été édifié en vue de l'amélio- 
ration de la navigation de la Seine ; il se distingue de nombre d'autres 
barrages par ce fait qu'il opère lui-même toutes les manœuvres néces- 
saires en pareil cas ^ipar l'électricité. Un tout petit pavillon {fig, 119) 
élevé à l'extrémité de la séparation de deux des trois grandes écluses 
existantes abrite une turbine et deux dynamos à 280 volts. Le courant 
ainsi produit sert, en premier lieu, comme je viens de le dire, à 
actionner les dynamos motrices pour ouvrir et fermer les écluses, 
pour lever les vannes de celles-ci, puis encore à relever les rideaux 



LA. HOUILLE VERTE DANS L'EURE 



241 



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; FiG. 119. — Le pavillon hydro-électrique de Poses, produisant le courant nécessaire 
à toutes les manœuvres et à Téclairage. 




N. B. — En produisant Id dernière des 49 photographies prises 
au cours de ses quatre années d'excursion^ Vauteur tient à témoigner à 
AtM. Cueille et Bouché sa satisfaction pour le soin apporté à l'exécution 
des photogravures. 



FiG. 120. — Une des cinq travées du barrage de Poses (Eure). 



16 



242 LA HOUILLE VERTE 

articulés qui constituent le vannage du .grand barrage, quand les 
crues se produisent, et ce ne sont pas de petites pièces que ces 
cadres en fer qui mesurent 12 mètres de hauteur [fig, 120). Enfin, le 
surplus du courant est emmagasiné dans de puissants accumula- 
teurs, de telle sorte que ces diverses manœuvres peuvent se faire 
à tout moment, l'éclairage étant encore assuré par une distri- 
bution à 3 fils pouvant alimenter 60 lampes à 110 volts. 

Il est très intéressant de traverser les 250 mètres de largeur du 
fleuve sur cette passerelle à deux étages supportée par six piles 
massives et parcourue par les trois voies d'un Decauville; celles-ci 
servent à déplacer rapidement tous les treuils de manœuvres qui 
reçoivent le courant électrique dans leurs moteurs à l'aide de simples 
prises de courant et en un point quelconque de leur trajet. Grâce 
à ces dispositions, un personnel réduit à six hommes suffit pour 
les opérations, tout en en augmentant encore la rapidité. En présence 
de ces résultats, on est frappé de la puissance.de l'énergie élec- 
trique, cachée, pour ainsi dire, sous des apparences aussi modestes, 
ainsi que des dimensions du minime bâtiment abritant turbine et 
dynamo, qui provoquera tous ces effets. 

16° Les Andelys. — Nous avons déjà eu l'occasion de rencontrer 
assez souvent réunis sous le même toit le cylindre de la meunerie 
et la dynamo électrique ; dans le cas présent, c'est une tannerie qui 
a entrepris avec succès l'éclairage d'une sous-préfecture de 5.700 ha- 
bitants, et les deux industries s'accordent encore fort bien ensemble, 
les déchets de la tannerie servant à aider au chauffage, ou plutôt à 
mettre rapidement la machine à vapeur sous pression. Comme il 
existait déjà une usine à gaz, l'électricité ne pouvait prétendre qu'aux 
usages d'intérieur, mais, depuis 1897, elle pourvoit à Tentretien 
de 1.200 lampes à 110 volts en service, sur 2.500 posées; puis elle 
gagnait à sa cause quelques petites industries. 

La force hydraulique sur le mince cours d'eau du Gambon était 
déjà faible pour la tannerie, et il fallait alors adjoindre une machine 
à vapeur que l'on maintenait sous pression môme pendant les 
arrêts du travail, tandis que l'eau coulait bien inutilement. Depuis 
l'établissement de l'électricité et des accumulateurs, la toute simple 
roue Sagebien ne chôme plus jamais ni la dynamo qu'elle actionne 
toujours. L'heure du travail vient-elle à sonner, moulin à tan, 



LA HOUILLE VERTE DANS L'EURE 243 

presses destinées aux travaux des peaux, rentrent en activité et 
dépassent par à-coups la force de la roue sans inconvénient, car la 
bonne dynamo génératrice devient réceptrice du courant de réserve 
provenant des accumulateurs, et cela juste pour le temps voulu. 
L'énergie semble, en quelque sorte, rebrousser chemin, aller au- 
devant de la besogne ! 

Et ce n'est pas tout, car ce qui se produisait ici sous mes yeux 
se répétait avec la môme facilité pour les moteurs installés en ville, 
qui sont au nombre de cinq : un de 8 chevaux chez un menuisier, 
ayant toutes les machines-outils jusqu'à une mortaiseuse. Un 
coutelier utilise un autre moteur ; deux trouvent des emplois chez 
un charcutier; enfin, le dernier, plus important, actionne des 
pompes élévatoires pour l'eau du grand hospice aux Petits- Andely s ^ 
à 800 mètres de la sous-préfecture. Un moulin à blé, fermé depuis 
longtemps, y avait été en premier lieu transformé en usine élec- 
trique, munie de sa batterie d'accumulateurs. On a trouvé plus 
simple et plus pratique de réunir les deux réseaux en un seul. 
Jour et nuit, la roue de cette seconde usine tourne, entraîne sa 
dynamo, dont le courant trouve toujours à s'employer, et jusque 
dans les accumulateurs de la station centrale; celle-ci n'allume 
donc plus sa machine à vapeur que le soir venu. Le concours de 
tant de petites ressources n'est-il pas surprenant, et qui saurait 
mieux s'en acquitter que l'électricité? 

17** Lyons-la-Forêt n'est qu'un modeste chef-lieu de canton de 
1.150 habitants, à 7 kilomètres du chemin de fer; mais il a son 
usine hydro-électrique depuis 1897. C'est la chute d'un ancien moulin 
à blé, fermé depuis plus de vingt ans, dans lequel l'ancienne roue 
est encore en usage. Avec une chute de 3", 25 sur la Lieurre, la force 
hydraulique de 12 chevaux environ avait besoin d'être renforcée, 
et ce sont encore des accumulateurs qui lui rendent ce bon service: 
on atteint ainsi facilement le courant nécessité par les 17 lampes 
de l'éclairage public et les 400 lampes des abonnés; voltage 
à 110 aussi. 

18° Gisors. — Ce n'est certes pas avec une chute de 0",80 sur 
l'Epte, même avec fort débit, que l'on peut suffire à une moyenne 
de 2.500 lampes nécessaires pour une population de 5.000 habitants. 



244 LA HOUILLE VERTE 

C'»l exemple figure ici plutôt à un double titre de curiosité : d'abord, 
c*e>l l'usine à gaz elle-même, donc une bonne cliente du charbon, 
qui a entrepris Téclairage électrique à 110 volts et a songé à utiliser 
cette faible chute de 20 chevaux pour remplacer la batterie d'accu- 
mulateurs, et l'on s'en trouve bien pendant les arrêts de la puis- 
sante machine de 120 chevaux. Puis, autre originalité, ce moulin 
à blé, à 150 mètres de Tusine, était fermé depuis 1824, soit depuis 
quatre-vingt-deux ans! Ceci ne prouve-t-il pas que les forces hydrau- 
liques minimes, mais bien situées, peuvent ainsi rendre de bons 
services. 

19° Environs de Gisorç. — Bien qu'à classer plutôt dans la 
catégorie des usines propres, nous ne pouvons omettre, près de 
Gisors, une fabrique de cafetières, qui non seulement se contente 
de la force hydraulique de 6 chevaux pour transformer les feuilles 
de cuivre qu'elle reçoit en cet appareil domestique indispensable, 
mais encore Tutilise pour en faire le nickelage ; cette opération se 
fait dans un bain par Télectrolyse, et c'est encore la dynamo 
actionnée par la roue qui fournit le courant nécessaire, sans oublier 
l'éclairage complet de l'usine. On savait généralement que Ton 
employait de l'eau pour faire le café, mais on ignorait sans doute 
que l'on pouvait faire également des cafetières avec de l'eau l 
C'est bon à retenir. 

.20° Non loin de Gisors encore, dans la commune de Chàuvâin- 
court, nous relevons un cas qui offre beaucoup d'analogie avec 
celui de Saint-ÉIier, mais est plus spécialement agricole. En 1897, un 
propriétaire eut l'heureuse idée d'utiliser un moulin à blé fermé 
depuis dix années et situé à 500 mètres de sa ferme, pour les 
besoins de son exploitation. La vieille roue put suffire à entraîner 
une dynamo produisant du courant à 110 volts qui, outre un brillant 
éclairage de 30 lampes, actionne par l'intermédiaire de trois 
moteurs électriques une machine à battre le grain, un coupe-bette- 
raves, un brise-tourteau, un aplatisseur de graines et un grugeoir. 
Tous ces appareils, dont le premier à lui seul absorbe une force de 
3 chevaux, n'ont pas besoin d'être mis en marche simultanément 
et cessent le travail généralement avant l'éclairage, ou bien celui-ci 
ne devient désirable qu'à une époque à laquelle le petit cours d'eau 



LA. HOUILLE VERTE DANS L'EURE 245 

de la Bonde, avec une chute de 2", 40, peut y suffire. Donc, ni accu- 
mulateurs, ni machine de secours et installation très profitable, 
puisqu'il n'y a aucun personnel spécial attaché à la surveillance de 
la petite usine. 

Notre carte terminée en 1905 nous montre encore un : 



QUATRIÈME GKOUPE. ÉTABLISSEMENTS COMMUNS A DECX DÉPARTEMENTS 

21" Pour Saussay, l'usine hydraulique sur TEure, limite com- 
mune à deux départements, est sur la rive attribuée à l'Eure-et-Loir, 
mais, par le fait du barrage qui a droit d'appui dans le département 
qui nous occupe et toute l'énergie y étant utilisée, elle est bien à sa 
place ici. Le terme d'usine hydro-électrique reste propre, mais la 
turbine hytlraulique de 75 chevaux a été renforcée par trois mo- 
teurs au gaz pauvre de 100 chevaux chacun, ^car nous nous trou- 
vons en présence d'une vaste distribution d'énergie offrant une 
lointaine analogie avec celles des pays de la houille blanche. 

Deux alternateurs triphasés à 5.600 volts desservent par l'inter- 
médiaire de transformateurs statiques, abaissant le courant à 
220 volts, les communes suivantes : Ivry-la-Bataille, 1.000 habi- 
tants (à 6 kilomètres), 23 moteurs de petites industries de 1 à 11 clie- 
vaux, 60 lampes publiques et 2.500 lampes particulières ou dans 
de nombreux ateliers; la Couture-Boussey, 800 habitants (à5*"°,500), 
25 moteurs de 1 à 5 chevaux, 30 lampes publiques et 1.000 parti- 
culières ; l'Habit, 280 habitants (à i^'^'jSOO), 25 moteurs et 1 .000 lampes 
particulières; enfin, Bois-le-Roy^ 470 habitants, et Crolh, 503 habi- 
tants, sont en cours d'installation. C'est bien là une heureuse tenta- 
tive de résurrection de l'atelier familial, avec toutes ses conséquences 
économiques et sociales ; l'artisan, bien et régulièrement éclairé, 
au lieu du bout de chandelle ou des lampes du genre Pigeon qui 
l'ont remplacé, travaille mieux et plus longuement, aidé et entouré 
des siens, dans la saine et morale atmosphère des campagnes; une 
fois le travail terminé, il sera à même de cultiver son esprit et 
d'éviter sans doute le cabaret voisin et son cortège de vices, attiré, 
comme il l'était jadis, par le phare au pi3trole, le seul point lumi- 
neux du village. Je l'ai dit, je le répète! 

La carte de l'Eure signale encore une distribution électrique sor- 



246 LA HOUILLE VERTE 

tant du département (le cas s'est présenté entre deux États voisins, 
et les douaniers étaient fort embarrassés pour imposer cette nou- 
velle houille... volante!). Une chute de 28 mètres, toute voisine de 
Testuaire de la Seine, sur la Jobbes, éclairait Saint-Sauveur-la- 
Rivière^ chef-lieu de canton dans le Calvados. On a voulu demander à 
la chute d'eau plus qu'elle ne pouvait donner de force sans vouloir 
créer un bassin de réserve facile à établir dans cette gorge rocheuse 
et resserrée ou sans vouloir recourir aux accumulateurs ni à un 
moteur de secours auxiliaire, de sorte qu'après trois ans (1899- 
1902) de fonctionnement cette entreprise a périclité, et j'ai vu cette 
belle chute jaillir inutilement de la conduite. C'est aussi une leçon 
à retenir. 

Nous avons relativement fort peu à ajouter aux exemples i^précé- 
dents, comme je l'ai dit au début de ce long chapitre, pour com- 
pléter la carte : trois hameaux et deux châteaux ; donc des 
exemples extrêmes. Tous petits et grands sont convertis ici à 
l'hydro-électricité; tous les cinq sont sur la rive droite de la Seine. 

L'Epte et l'Andelle, qui cèdent leur puissance hydraulique aux 
5 installations suivantes, sont de puissantes rivières actionnant, en 
amont des usines qui vont suivre, plusieurs papeteries, verreries, 
ferronneries, etc.. 

22° Sainte-Geneviève-les-Gasny est situé sur TEpte et ne 
compte que 185 habitants, mais il y a là une tentative dans le genre 
de Saussay, puisque l'ancienne roue d'une usine, située à 6 kilo- 
mètres en aval, parvient à produire depuis peu (1904) du courant 
à 4.200 volts pour alimenter, après transformation à 110 volts, 
outre 500 lampes particulières, 4 moteurs, tant industriels qu'agri- 
coles (élévation d'eau, menuisier, charron, batteuse et instruments 
agricoles). La chute n'a que 1",30, mais on prévoyait déjà l'ins- 
tallation prochaine d'un moteur de secours. 

23° Douville, avec 471 habitants, va nous montrer une usine qui 
a bien une existence légale^ puisque, au xiv*" siècle, les seigneurs 
de Douville et de Bacqueville se disputaient déjà le moulin de 
Bacqueville; la machine à vapeur était inconnue, la houille 
noire peu transportable, et ces braves gentilshommes eussent été 



LA. HOUILLE VERTE DANS L'EURE 247 

sans doute très étonnés de se quereller pour de la houille blanche, 
voire môme de la houille verte ! Actuellement et depuis 189t5, le 
moulin à foulon, qui a sans doute subi plus d'une transformation 
depuis le xiv*" siècle, cède une partie de sa force hydraulique à ce 
même industriel dont les efforts tendent à la résurrection de l'atelier 
familial, parmi la population de Saussay; désirant se rendre la 
municipalité favorable, il cède à son tour une lampe gratuite à la 
mairie, mais se borne à faire ici du 55 volts, ne dépassant pas 
250 mètres autour de Tusine, pour 35 lampes particulières et aussi 
un moteur agricole dans une beurrerie. 11 y a des accumulateurs 
à 65 volts. On peut juger, par cet exemple, que cet industriel très 
moderne tâte successivement de tous les courants, passant de 
5.600 à 55 volts. 

24° Saint-Nicolas-de-Pont-Saint-Pierre (si l'électricité y 
cause jamais des ravages, ce ne sera certes pas faute... d assurances 
célestes!) est situé sur TEpte, affluent direct de la Seine, comme 
TAndelle, mais moins bien utilisé, semble-t-il; les chutes y sont 
plus basses, la contrée est sensiblement plus plate; cependant nous 
venons de voir le parti que Ton en sait tirer à Gisors môme. Ici, 
depuis 1898, la roue alimente 80 lampes particulières dont la plus 
éloignée est à 1*''",800, et quelques lampes publiques au régime de 
250 volts ; un industriel dispose d'un moteur pour la fabrication de 
l'eau de Seltz; on remarquera, une dernière fois, que ce petit 
emploi s'est répété maintes fois. Il n'y a non plus aucun moteur de 
secours dans cette usine. 

25° Le château de Radepont, ainsi que le suivant, se servent 
tous les deux des chutes d'eau de l'Andelle; le premier depuis 1900, 
grâce à une turbine et sans accumulateurs ni moteur de secours, 
atteint le joli total de 500 lampes à 110 volts; il n'est qu'à 200 mètres 
de sa petite usine. 

26° L'autre château, dit de l'Ile de Sainte-Hélène, emploie éga- 
lement une turbine depuis 1901 et offre cette particularité que, sur 
l'autre rive du même barrage, une minoterie s'éclaire aussi à l'élec- 
tricité et dispose de 80 lampes utilisant une simple roue à palettes. 
Dans le château on compte 60 lampes à 120 volts ; la distance du 



248 



LA HOUILLE VERTE 



transport n'est encore que de 150 mètres. L'aspect des deux rives 
doit être séduisant, le soir venu...! 

J'ai bien fini cette fois-ci et, si je n'avais pu émailler d'un en- 
semble de photographies recueillies au cours de mes excursions 
cette encyclopédie des nouvelles utilisations de l'eau dans cet inté- 
ressant département de l'Eure, j'aurais à renouveler les excuses 
produites au début de ce chapitre; j'espère que ces témoignages 
vus par Vobjectif me vaudront l'indulgence du lecteur. 



II. — LES RESSOURCES DISPONIBLES 

En resle-t-il encore des ressources disponibles? Mais certaine- 
ment, puisque le département de l'Eure arrive le premier en tète 
de la région dont nous nous occupons, avec 18.000 chevaux utili- 
sables. Parmi ceux-ci, 1.100 sur la très courte partie de l'Eure com- 
posée seulement de trois barrages écluses entre l'origine de la navi- 
gation et son embouchure dans la Seine, sont à imputer aux cours 
d'eau navigables. 

Pour les autres et aux dates suivantes, nous trouvons les utilisa- 
tions que voici : 



Moulins à blé 


1869 


1892 


1900 


325 
475 
14 
19 
28 
15 
50 
43 


345 
160 
13 
35 
18 
6 
67 
85 


210 
80 

6 
23 
10 

1 
43 
65 


Industries textiles 


Papeteries 


Scieries de bois 


Moulins à tan 


Huileries 


Traitement des métaux 


Divers 


Totaux 


669 


729 


438 





La carte ci-après est basée sur les comparaisons des étals de 
1892 et 1900. J'éprouve la même difficulté que dans le Calvados 
pour donner un chiffre certain de la puissance effectivement utili- 
sée, et je renvoie pour cette explication à la raison que j'en ai fournie 



LA HOUILLE VERTE DANS LEUUE 249 

alors (p. 223); mais ici elle a plus d'importance, puisque les usines 




2 



hydravliques sont bien plus serrées dans une môme commune ; des 



250 LA HOUILLE VERTE 

chiffres viennent confirmer ce que Ton peut également constater 
sur la carte [fig. 121) : en 1892, on trouve sur les 700 communes 
du département seulement 88 communes ayant 1 usine; 43 avec 2; 
80 de 3, 4 ou 5; 15 avec 6, 7, 8 ou 9; enfin 7 à partir de 10. Le 
maximum est atteint avec 21 à Louviers. Je sais toutefois, par 
expérience personnelle, que, sur la Rille, par exemple, dans la com- 
mune de Saint- Paul, pour préciser, certaine force de 97 chevaux 
utilisables, qui actionnaient encore récemment jusqu'à trois roues, 
était en chômage en 1904 et que le gardien de l'usine s'éclairait tout 
seul, faute de mieux, avec une dynamo subsistante. Sur la Gha- 
rentonne, des puissances vaillant entre 100 et 40 chevaux n'avaient 
non plus aucun emploi, et le peu de vitres subsistant aux fenêtres 
des anciennes filatures témoignaient de l'exode vers les centres 
pourvus de charbon grâce à la proximité des voies ferrées. 

Cependant les usines hydrauliques s'éclairantà l'électricité, pour 
leur seul compte, sont nombreuses, comme les exemples spéciale- 
ment électriques que nous venons de relever au paragraphe 1", et 
indiquent un grand progrès; elles sont au nombre de 97 et, comme 
pour le département de l'Eure-et-Loir, la nomenclature, donnant 
en même temps un aperçu des florissantes industries exercées dans 
ce département, puisqu'elles ont pris cette utile initiative de l'éclai- 
rage électrique particulier, m'en paraît intéressante : 25 moulins 
à céréales; 2 laiteries-beurreries; 1 fabrique pâte pour oiseaux; 
18 filatures et tissages ; 10 fabriques de drap, 3 filatures de mèches, 
1 fabrique de toiles cirées, 1 fabrique de feutre; 1 bonneterie, 1 fa- 
brique de ouate, 2 fabriques de lacets de chaussures, 1 fabrique de 
peignes; 1 fabrique d'instruments de musique; 1 fabrique de jouets 
d'enfants ; 3 papeteries, 1 imprimerie-lithographie, 3 scieries, 
1 moulin à tan, 2 tanneries, 1 fabrique de fibres de bois pour em- 
ballage, 1 verrerie, 5 fonderies et tréfileries, 1 fonderie de cloches, 
3 quincailleries ; 1 tréfilerie or et argent, 1 fabrique de jantes de 
bicyclettes, 1 fabrique de cafetières et nickelage, 1 fabrique d'ins- 
truments agricoles, 1 fabrique de métiers de dentelles. Ces établis- 
sements sont situés aussi bien sur les cours d'eau navigables que 
non navigables. 

Le point culminant du département, 241 mètres d'altitude, se 
trouve à proximité de l'entrée de la Charentonne dans le départe- 
ment ; cependant notre carte nous signale encore des hauteurs dé- 



LA HOUILLE VERTE DANS L'EURE 251 

passant 100 mètres assez près de l'estuaire de la Seine et sur les 
rives de celle-ci à Poses. 

A part la Rille, qui gagne directement la mer, toutes les autres 
rivières du département sont tributaires du bassin de la Seine. Ce 
fleuve ne présente, pour ainsi dire, pas de ressources hydrauliques; 
les basses eaux de Tété et les crues de Thiver, tout aussi nuisibles 
aux chutes, en sont, indépendamment de la faible pente, les prin- 
cipales causes. Des deux barrages avec écluses établis sur la Seine, 
dans le département de PEure, en vue d'améliorer la navi- 
gation, l'un d'eux a présenté, on Ta vu page 239, un exemple 
hydro-électrique d'un grand intérêt; l'autre, le barrage de Notre- 
Dame-de-la-Garenne, avec une chute de 2°", 50, n'a jamais eu d'em- 
ploi. Par contre, la courte partie de l'Eure navigable entre Lou- 
viers et la Seine, sur 10 kilomètres, ne compte pas moins de 
26 usines hydrauliques. Elles sont réparties entre les trois barrages 
et surtout groupées autour de Louviers traversé par plusieurs bras 
de cette rivière. 

Veut-on quelques spécimens de la dénomination de ces nombreux 
moulins? Il y en a pour tous les goûts : on ne discutera pas une 
étymologie très ancienne au Moulin-du-Prey (pour Pré) ou encore 
au Moulin-du-Vicomte qui trouve un pendant dans celui an Paysan; 
ceux des Murailles et de \dL Prison^ ceux dç YHermite et aux Prêtres 
ont encore d'anciennes origines sans doute. Bon choix d'animaux 
avec les MoulinS'dU'Mulot, du Coq et du Merle-Blanc. Évitons sur- 
tout le Moulin-auX'Malades et ne doutons pas que le Moiilin-des- 
Câbles ne se soit converti aux progrès de l'hydro-électricité. 11 y a 
tout aussi bien les Moulins-des-Jumeaux que ceux des Jumelles éta- 
blis sur un même bief et bons voisins, espérons-le. D'autres noms 
sont fort appropriés, tels ceux des Mares^ de la Porte-à-Bateau, du 
Goulet^ de la Bonde, des Baquets, etc. 



SUPPLÉMENT 



AU 



DÉPARTEMENT DE L'EURE 



Je n'aime ni les notes, ni les annexes, — on a pu s'en aperce- 
voir, — car bien souvent elles ne sont pas lues; d'un autre côté. 






llJUi. 




"CLE^TRIQUE DE FORCE 

FiG. 122. — Fac-similé du papier à lettre du propriétaire Dieunier du transport 
d'énergie agricole de Saint-Élier. 

certains documents trop étendus, pour être contenus dans le texte 
même méritent bien cependant une reproduction plus complète 
qu'un résumé ; enfin ce qui va suivre peut iMre considéré comme 
un dernier coup de marteau sur... la tête du cloua enfoncer! 

Voici, dans toute sa naïveté, Ten-tête du papier à lettre de notre 
meunier Sans-Souci du département de TEure, celui dont je viensde 
décrire Tinstallation électrique à Saint-Élier (p. 238) ; cet eh-têle 



SUPPLÉMENT AU DÉPARTEMENT DE L'EURE 253 

montre le transport de 7 chevaux entre deux moulins, dont il 
s'enorgueillit à juste titre, et n'est-il pas déjà des plus suggestifs? 

Eh bien, comme témoignage àe vulgarisation, j'ai mieux que cela 
à produire ; voici ce qu'il m'advint en 1903. Un écho de la Houille 
verte et de ma mission avait été reproduit dans un journal du dépar- 
tement de la Marne, et un meunier, féru de la même pensée de 
réunir deux chutes d'eau par l'électricité pour s'éviter l'acquisition 
d'une machine à vapeur de secours, vint me trouver à Paris et me 
demander mon avis. J'étais bien un peu pris au dépourvu, mais 
je venais d'avoir connaissance peu avant du cas de Saint-Élier et le 
lui signalais. Six mois après, j'allais prendre les photos que Ton a 
vues {fig. 116 etll7),et quelle ne fut pas ma surprise en apprenant 
que mon client hydro-électricien avait fait avant moi le voyage de 
Saint-Elier; qu'il était rentré chez lui enchanté et, ce qui était 
encore mieux, convaincu ! Il m'écrivait en effet, peu après, qu'il 
avait vu par lui-même, qu'il venait de louer pour vingt-cinq ans, 
avec promesse de vente, le moulin de 6 chevaux en aval du sien 
et qu'il allait commander son matériel hydraulique et électrique. 

Je pense que l'étonnement du lecteur ne diminuera pas en lisant 
ce qui suit, car je passe la plume à mon correspondant : 

Mareuil-le-Port, le 20 janvier 1906. 
Monsieur Bresson, — Paris. 

J'attendais que mon moteur marche pour vous donner des renseignements 
sur mon installation. Voici quelques détails ; si vous ne les jugez pas suffisants, 
vous pourrez me poser quelques questions. 

J'ai fait installer au moulin d'en dessous de chez moi une turbine qui me fournit 
6 chevaux de force sous une chute de 2°»,50. Elle pourrait marcher en ce moment 
en pleine admission, mais, mon moteur n'étant pas encore installé, je ne me sers 
que du tiers de ma force pour l'éclairage. Une génératrice de 6 chevaux envoie 
du courant à 220 volts à mon moulin par une double ligne de cuivre supportée 
par 4 poteaux de 9 mètres de hauteur et séparés par une distance de 25 mètres 
chacun ; puis le reste est fixé aux bâtiments, car la distance entre les deux 
moulins est de 300 mètres. Un petit fil d'excitation sert à varier le voltage de 
mon moulin à l'autre usine au moyen d'un rhéostat. Un voltmètre de 250 volts, 
un ampèremètre de 25 ampères, 2 coupe-circuit, une lampe témoin et un inter- 
rupteur général de lumière complètent les accessoires du tableau. Trois lignes 
de fils fortement isolés partent du tableau pour distribuer : 

4° La lumière à l'habitation située en face du moulin; 

2® La lumière aux écuries ; 

3° La lumière au moulin. 

L'installation du moulin est disposée de façon que, lorsqu'un étage se trouve 
allumé, l'étage précédent est éteint, et ainsi il n'y a guère que 4 lampes conti- 



254 LA HOUILLE VERTE 

nuellement allumées; 18 lampes assurent donc le service des trois étages 
et des annexes du moulin, 8 lampes assurent également le service des écuries. 
Deux diffuseurs éclairent la cour aussi bien que la lumière du jour. 

Quant à l'installation de Thabitation, elle est la suivante : les cuisines, les 
fourneaux sont éclairés avec des lampes à contrepoids; la salle à manger, par 
un petit lustre de 3 lampes à double allumage ; le bureau, les couloirs, les 
chambres, les cabinets de toilette, les mansardes sont éclaîrés électriquement. 
Une partie du courant aété ménagée proche du bureau pour faire cuire à Tocca- 
sion unpouletàlarôtissoireélectrique, pour repasser, pour faire le thé ou encore, 
ce qui est plus pratique, pour faire chauffer le lait ou la tisane pour le petit bébé 
dans la nuit, A la maison, en tout 21 lampes. L'installation complète est donc 
de 50 lampes; chacune est munie d'un coupe-circuit, ce qui fait que, lorsqu'une 
lampe vient à s'éteindre, il ne faut pas longtemps pour trouver la maladie, La 
lumière est toujours blanche, sans une seule variation, la turbine marchant 
très bien et sans secousse; il ne se produit pas de sauts à la lumière. 

Dès que le moteur qui doit être posé incessamment sera en marche, je vous 
donnerai des renseignements; et cela ne sera pas long, puisqu'il est arrivé chez 
moi, n'attendant que le monteur. Je me tiens à votre entière disposition et, si 
▼ons êle& désireux de voir par vous-même et de prendre des photographies, je 
me ferai «d plaisir de vous recevoir en me prévenant quelques jours à 
l'avance. 

Je vous prie d'agréer, Monsieur, ete. 

P,-S. — J'oubliais de vous dire que j'ai riatenlion de battre mes récoltes 
électriquement. Je ferai mes meules de grains toai proche de ma ligne élec- 
trique , en installant mon moteur sur mon gros chariot à farine et en reliant 
les pôles du moteur aux pôles de la ligne, je ferai marcher mon moteur ; 
une courroie reliant celui-ci à la batteuse, et voilà tout installé gtû$$Q modo. 

Pour copie conforme : 

Henri Bresson. 

Constatons d'abord que notre meunier de la Marne est déjà en 
progrès sensible sur son collègue de l'Eure, ainsi qu'en témoigne le 
post-scriptum de plus en plus suggestif de sa lettre; souhaitons-lui 
encore de faire rôtir plus de poulets a Télectricité que de chauffer 
de tisane pour son bébé la nuit ! Ce petit détail d'un intérieur 
paisible et heureux n'est-il pas touchant au possible! Mais oui, 
petits meuniers hydro-électriciens champenois et normands, crois- 
sez en paix et multipliez en nombre pour le plus grand bien de la 
France, c'est le vœu le plus sincère de l'auteur, qui pourra sans 
doute clore cette seconde partie par le : Qicod est démons trandum, 

P. -S. — Pourvu que mon meunier de Saint-Elier n'aille pas faire 
des photos à Mareuil-le-Port avant moi ! 



TROISIÈME PARTIE 
GRAPHIQUES ET TABLEAUX. - CONCLUSIONS 



I. — GRAPHIQUES ET TABLEAUX 



Cette troisième et dernière partie contiendra plus de traits et de 
chiffres que de caractères d'imprimerie ; la méthode graphique per- 
met, en effet, de présenter un ensemble de faits sous une forme 
aussi abrégée que persuasive. Quelques tableaux classeront ensuite 
synthétiquement les faits accomplis^ dont Ténumération a été si lon- 
guement poursuivie dans la deuxième partie. Enfin, des tables per- 
mettront au lecteur, que j'ai Tespoir d'avoir converti à Thydro-élec- 
tricité, de rechercher les éléments de cette nouvelle science se 
dédoublant en deux parties distinctes (Hydraulique et Électricité), 
présentant cependant tant de côtés communs, s'alliant surtout si 
bien ensemble et depuis peu seulement. 

Le langage des dates, données absolument certaines, recueillies 
avec le plus grand soin, y sera la plupart du temps employé. 
Je commencerai par quelques données détaillées bien qu'anciennes 
déjà, mais toujours opportunes, sur l'élément le plus essentiel de 
la puissance hydraulique : \di pluviométrie ; la carte de l'Orne {fig. 123) 
est suivie d'une table contenant des observations de débit des 
principales rivières de ce département. Elle sera suivie de trois gra- 
phiques (graphiques I, II et 111) montrant clairement, parmi les ins- 
tallations hydro-électriques décrites, toujours dans les huit dépar- 



2o6 lA HOUILLE VERTE 

tements envisagés, le développement chronologique continu, avec 
des progressions semblables dans les trois groupes adoptés. 

Le tableau synthétique qui les suivra (p. 264-267) groupera ces 
installations dans un ordre d'idées différent; le rapprochement entre 
les dates de leur établissement dans chaque département confirmera 
la loi des... moutons de Panurge; ce groupement est aussi mis en 
évidence sur les cartes des huit départements. La dynamo, avec sa 
disposition à Taimantation, ne peut manquer d'attirer auprès d'elle 
d'autres dynamos encore, et, lorsqu'elle aura pris racine auprès 
d'une rivière, semblable au peuplier, dont les rejetons tenaces 
surgissent de tous côtés dans les prairies, ce sera pour longtemps, 
bien longtemps, le mot toujours ne pouvant être employé dans 
une élude positive. Que Texemple soit donné par une ville, un châ- 
teau ou une usine quelconque, la lampe électrique perce de loin 
dans l'obscurité, le soir venu, et la démonstration des avantages 
de l'éclairage hydro-électrique est faile ipso facto. 

Les graphiques et tableaux trouveront un complément tout 
indiqué dans les huit relevés correspondant aux huit départements 
(p. 268 et 269), énumérant brièvement les usines hydrauliques des 
industries les plus variées ayant recours à la dynamo pour leur 
éclairage électrique particulier; ce dernier fait n'étant qu'acces- 
soire pour celles-ci, je n'ai pu les comprendre dans la liste déjà 
bien assez étendue des installations hydro-électriques proprement 
dites; j'ai maintes fois exprimé l'opinion qu'elles se sont placées 
ainsi dans des conditions très avantageuses au bon travail. Le total 
de 252 usines hydrauliques (p. 270) sur les 3.609 en activité, en 1900, 
de la région est encore assez faible, mais c'est sans doute dans la 
voie de cet usage accessoire d'une dynamo que les recensements 
de l'avenir nous ménagent des surprises. H sera d'autant plus facile 
de s'assurer de ces progrès que le recensement auquel il va être pro- 
cédé, en 1906, maintiendra, dans le questionnaire, la demande sui- 
vante de renseignements introduite, pour la première fois, en 1903, 
lors d'un recensement des forces hydrauliques des huit départe- 
ments de la région Normande, exécuté par les soins du service de 
la Direction de l'hydraulique et des améliorations agricoles. Cette 
question était ainsi conçue : 

« La force motrice hydraulique est-elle utilisée, même accessoi- 
« rement, à la production de l'énergie électrique?... 



GRAPHIQUES ET TABLEAUX 257 

<( Quel usage est-il fait de cette éuergie électrique?... » 

C'est grâce à ces éléments certains, au lieu de pénibles et longues 
recherches personnelles, que j'ai pu établir, sous le contrôle de la 
Direction de l'hydraulique et des améliorations agricoles, une carte 
murale à grande échelle, qui figurait à l'Exposition internationale 
de Liège, en 1905. La reconnaissance que j'ai déjà tenté d'exprimer 
à M. le Ministre de l'Agriculture, et dont la dédicace n'est qu'un 
bien faible témoignage, est donc des plus réelles de ma part. Cette 
Direction, tout particulièrement en la personne de son actif et 
accueillant directeur, M. Léon Dabat, m'a donné en cette occasion 
un appui sans lequel mes efforts fussent restés impuissants ; les 
meilleurs conseils d'un ingénieur des constructions civiles des plus 
distingués, chargé du service technique, M. Paul Lévy-Salvador, 
ne m'ont non plus jamais fait défaut et m'ont souvent permis de 
faire appel aux archives du service hydraulique, dans les dépar- 
tements de la région Normande. 

La proportion entre les rivières navigables ou flottables et 
celles qui ne le sont pas est tout à l'avantage de ces dernières 
pour la contrée dans laquelle je me suis tracé des limites natu- 
relles; toutefois le bon sens dit qu'il n'est pas possible d'omettre 
les cours d'eau navigables dans l'inventaire des ressources hydrau- 
liques d'un département, lorsque l'on prend pour base d'une étude 
cette unité administrative; or, j'ai expliqué qu'il n'en est pas 
d'autre à l'heure actuelle. 

Il me fallait donc prendre également connaissance de certains 
documents dont la garde est confiée au Ministère des Travaux publics, 
et je serais impardonnable de ne pas me souvenir de l'accueil tout 
aussi gracieux qui m'attendait à la Direction de la Navigation, des 
Routes et des Mines. Dans le cas présent, le service particulier avec 
lequel je dus entrer en rapport était dirigé par M. Louis Tisserant, 
chef de bureau, d'une compétence toute spéciale en matière admi-. 
nistrative. 

J'ai parlé antérieurement du service de la statistique générale ; 
il a à sa tête un ingénieur d'un grand savoir. M. Lucien March a su 
unir à la rigueur professionnelle imposée par la possession de docu- 
ments aussi intimes la confiance qu'a su lui inspirer la persé- 
vérante patience d'un amateur épris de statistique. 

17 



258 



LA HOUILLE VERTE 




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GRAPHIQUES ET TABLEAUX 



259 



DÉBITS DES PRINCIPALES RIVIÈRES DE L'ORNE 



COURS D'EAU 


SUPERFICIE 


NATURE GÉOLOGIQUE 


CARACTÈRE DU SOL 


DÉBIT 

MOYEN 

de janvier 
à décembre 


Noireau 

Rouvre 

Mayenne 

Varenne 

Orne 


hectares 
10.255 
33.786 
52.774 
60.924 
116.275 
22.287 
19.942 

9.782 
23.245 
16.479 

8,414 
69.709 
71.995 


Terrain primitif et schisteux. 

Terrain primitif et odlithique. 

Terrain oolithique. 
Terrain oolithique et crétacé. 

Terrain tertiaire. 
Terrain crétacé et tertiaire. 

Terrain tertiaire. 
Terrain crétacé et tertiaire. 
-> Terrain crétacé. 
Terrain oolithique et crétacé. 


Imperméable. 

Peu perméable. 

Perméable. 

Perméable. 
Assez perméable. 

Perméable. 

Très perméable. 

Peu perméable. 

Perméable. 
Peu perméable. 


m. c. 

3.634 

4.578 

10.094 

10.784 

12.723 

0.696 

2.008 

0,545 

^804 

0.843 

0.403 

5.828 

4.321 


Dives 


Touques 

Charenlonne. . 
RiUe 


Iton 


Avre 


Huisne 

Sarthe 



Les observations relatives aux années suivantes se retrouvent au 
complet, au Bureau central météorologique de France. Elles m'ont 
fourni les éléments du tableau ci-après (p. 260). 

C'est d après celles-ci que j'ai établi les moyennes des débits 
de la Rille, et ensuite la courbe qui a été comparée à celle de Tlton 
{fig. 13); du reste, les observations portaient sur 13 rivières de 
rOrne, et si j'ai choisi, comme type, la rivière de l'Iton, c'est 
que la tréfilerie de Chandai, dont il a été maintes fois question,- 
était précisément un de ces postes d'observations, étant la dernière 
en aval sur ce cours d'eau dans le département de l'Orne. 

Les deux tableaux concernant les débits des rivières du dépar- 
tement de l'Orne sont extraits d'une notice sur la Météorologie géné- 
rale et les observations météorologiques dans le département de 
rOrne, parue en 1871 (Bibliothèque nationale de Paris, inventaire 
N° 47.928 V.) II serait à désirer que ces observations, dont l'intérêt 
ne saurait être méconnu, fussent reprises par l'Administration, 



260 



LA HOUILLE VERTE 



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GRAPHIQUES ET TABLEAUX 



261 



PROGRESSION DES INSTALLATIONS HYDRO-ÉLECTRIQUES DANS LA RÉGION 
NORMANDE PAR PÉRIODES QUINQUENNALES 

PREMIER GRAPHIQUE 

LES STATIONS CENTRALES 

De 4880 à 1884: 

Domfront (Orne); Thury-Harcourt (Calvados); Mtnjlfurt-Saînt- 
Philbert (Eure) ; total, 3. 

De 1885 à 4889 : 

Lery, Cormeilles (Eure) ; total, 2. 

De 1890 à 1894 : 

Le Lude, Vaas (Sarthe); Mortain (Manche); Virr i Calva- 
dos); Pont-Saint-Pierre, Pont-Audemer, Beaunioiil-li'-Itog<«r 
(Eure); total, 7. 

De 1895 à 1899 : 

Sablé, Malicorne, La Chartre-sur-le-Loir,'Gorinéi-r i Sarlhi'l; 
Andouillé (Mayenne) ; Briquebec, Saint-Sauveur-le-VLomli:!, 
Saint-Hilaire-du-Harcouët, Ducey (Man- 
che); Mezidon, Falaise (Calvados); Le 
Vaudreuil, Rugles, Douville, Lyons-la-Fo- 
rêt, les Andelys (Eure); Anneville-en- 
Saire (Manche) : total, 17. 

De 1900 à 1904 : 

Putanges, Rémalard, Boucé (Orne); 
Gorron (Mayenne); Carences, Torigni-sur- 
Vire, Tessy-sur-Vire, Sourdeval-la-Barre, 

Saint-James (Manche); Orbec, Pontfarcy „ ^ï 1? ?ft 44» 

(Calvados); Pont-Authou, La Ferrière- 
sur-Rille, Sainte-Geneviève-les-Gasny (Eure); Seiches (Maine-et-Loire); total, 15. 




262 



LA HOUILLE VERTE 



PROGRESSION DES INSTALLATIONS HYDRO-ÉLECTRIQUES 
DANS LA RÉGION NORMANDE PAR PÉRIODES QUINQUENNALES 



DEUXIEME GRAPHIQUE 

LES INSTALLATIONS PARTICULIERKS 



De 1880 à 4884: 

Condé-sur-Iton, près Breteuil (Eure); 
Tourlaville, près Cherbourg (Manche); 
total, 2. 
De 1885 à 1889 : 
Néant. 

De 1890 à 1894 : 

Mesnil-Glaise, près Argentan (Orne) ; 
Toutainville , près Pont-Audemer 
(Eure) ; total, 2. 
De 1895 à 1899 : 

Bouche -d'Aigre, près Châteaudun 
(Eure-et-Loir); Soucelles,surla Sarthe, 
au-dessus d'Angers (Maine-et-Loire); 
Tourville, près Pont-Audemer (Eure) ; 
total, 3. 
De 1900 à, 1904 : 

Les Masselins, près Laigle, et Tor- 
champ, près Domfront (Orne) ; Mar- 
mousse, près Dreux, et Mémillon, près 
Châteaudun (Eure-et-Loir) ; Saint-An- 
dré, non loin de Caen (Calvados); Sainte-Hélène et Radepont, dans la vallée de 
TAndelle, en face de Louviers, puis Giverny, à l'embouchure de TEpte dans la 
Seine, tous trois dans l'Eure; total, 8. 

(Giverny est actuellement en chômage pour modification de Tusine élec- 
trique.) 
Enfin, total général : 15. 




GRAPHIQUES ET TABLEAUX 



263 



PROGRESSIOiN DES INSTALLATIONS HYDRO-ÉLECTRIQUES 
DANS LA RÉGION NORMANDE PAR PÉRIODES QUINQUENNALES 



TROISIÈME GRAPHIQUE 

LES TRANSPORTS d'ÉNERGIE INDUSTRIELS ET LES APPLICATIONS DIVERSES 

DE l'Électricité même 



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De 1880 à 1884 : L'usine de Rochefort (prèi> Laval) réuîiiL trois 
chutes sur la Mayenne et peut atteindre 800 cïn.naux ; tis^ng^ 
d'amiante et fours électriques. 

De 1885 à 1889 : néant. 

De 1890 à 1894 : Transport de la force hydraulique de Sorei h la 
papeterie de Saint-Roch. Transport des usinr^ Jiissavid, prèB de Vhv 
(Calvados), offrant un grand et nouvel intérèl. Uni! iilaturr^ t^t \h* 
sage occupent l'usine" centrale et les annex?^s des chutes amont 
et aval ; toutes trois sont réunies par 
.l'électricité : la première a une machine 
à vapeur et aux époques de sécheresse 
vient ainsi en aide aux deux autres; en 
hiver, au contraire, la force hydraulique 
dépassant les besoins des deux annexes, 
celles-ci envoient à l'usine centrale l'éner- 
gie nécessaire, éteignant en quelque sorte 
la machine à vapeur pour de longs mois. 
Le beau travail de l'État pour l'éclairage 
et les manœuvres des écluses de Poses, 
sur la Seine (Eure). Total, 3. 

De 1895 à 1899: Nous avons vu l'éta- 
blissement de La Chapelle-Montligeon avec 
la carte de l'Orne. Dans l'Eure-et-Loir, la 
tannerie de Vriseuil utilise, en même 

temps que sa force hydraulique, la chute voisine à 500 mètres, par un trans- 
port électrique. 

De 1900 à i904 : Saussay dans l'Eure-et-Loir. Nous avons ensuite le cas d'un 
transport pour une meunerie, dans la Sarthe ; la distance entre le moulin des 
Calots et l'ancien moulin fermé (dit Grand-Moulin) est de 800 mètres; les 
deux forces, de 25 et 50 chevaux, sont aujourd'hui réunies pour la même 
industrie. A Saint-Elier, près de Couches, nouveau transport pour 8 chevaux. 
Ls usines de Navarre, également dans l'Eure, en transportent 60. Dans la 
Mayenne, à l'emplacement des nouvelles mines d'or (le Bas-Coudray), une force 
hydraulique sert aussi pour des fours électriques. A Cheffes (Maine-et-Loire), 
une fabrique d'accumulateurs électriques ; en ajoutant la bonneterie du Petit- 
Mirvault, dans la Mayenne, où tous les métiers sont actionnés par l'électricité, 
et la fabrique de Moincourt, dans l'Eure, où l'on fait des cafetières en cuivre 
nickelées par l'électrolyse, nous arrivons, pour cette période de cinq années, 
au total de 8. Le total général est de J5. 




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264 

ABRÉVIATIONS 

(V.) = ville; 
(Gh.) = château; 
(T.) = transport. 



LA HOUILLE VERTE 



TABLEAU SYNTHÉTIQUE DES INSTALLATIONS 



DATES 


ORNE 


EURE-ET-LOIR 


SARTHE 


MAYENNE 




1880 


Dom front (V.) 


— 


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— 




1883 


— 


— 


— 


— 




1884 


— 


— 


— 


Rochefort (T.) 




1888 
1889 
1890 


— 


— 





— 




1892 


— 


— 


— 


— 




1893 


* 


— 


Le Lude (V.) 
Vaas(V.) 


— 






— 


Sorel-Moussel (T.) 


— 


— 




1894 


Mesnil-Glaize (Ch.) 


— 


— 


— 




1895 


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1897 


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Bouche-d' Aigre (Gh.) 
Vriseuil (T.) 


— 







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Montligeon (T.) 


— 


Sablé (V.) 







1898 


— 


— 


— 


— 






— 


— 


Malicorne (V.) 


— 





GRAPHIQUES ET TABLEAUX 



265 



HYDRO-ÉLECTRIQUES DE LA RÉGION NORMANDE 





MAINE-ET-LOIRE 


MANCHE 


CALVADOS 


EURE 




(partiel) 










— 


— 


— 


Condé-sur-Iton (Gh.) 







Tourlaville(Gh.) 


Thury-Harcourt (V.) 


— 




— 


— 


— 


Montfort-sur-Rille (V.) 




— 


St-Hilaire-du-Harcouët (V.) 


— 


Léry (V.) 
Cormeilles (V.) 




— 




— 


Toutainville (Ch.) 
Le Vaudreuil (Y.) 




— 


Mortain (V.) 


Vire (V.) 


Pont-Audemer (V.) 
Beaumont-le-Roger (V.) 




— 


— 


— 


Poses (T.) 




— 


— 


Jussaud (T.) 
Mézidon (V.) 


Rugles (V.) 




— 


— 


— 


Les Andelys (V.) 
Lyons-la-Forêt (V.) 




— 


— 


— 


Chauvaincourt (T.) 




Soucelles (Ch.) 


Briquebec (V.) 

S'-Sauveur-le-Vicomte (V.) 

Anneville-en-Saire (V.) 


— 


Pont-Saint-Pierre (V.) 
Tourville (V.) 



266 



LA HOUILLE VERTE 



DATES 



OKNE 



1899 



1900 



1901 



Les Masselins (Ch.) 



Putanges (V.) 



1902 



1903 



Boucé (V.) 
Rémalard (V.) 
Torchamp (Gh.) 



1904 



1905 



Moulins-la-Marche (V. 



EURE-ET-LOm 



Mémillon (Ch.) 



Marmousse (Ch.) 



SARTHE 



La Chartre-s.-Loir (V.) 
Connéré (V.) 



Les Calots (T.) 



MAYENNE 



Andouillé (V. 
Gorron (V.) 
Bas-Coudray (T. 



GRAPHIQUES ET TABLEAUX 



267 



MAINE-ET-LOIRE 

(partiel) 



Seiches (V.) 
Cheffes (T.) 



MANCHE 



Ducey (V.) 



Cérences (V. 



Torigni (V.) 



Sourdeval (V. 
Tessy (V.) 



Saint-James (V.) 



CALVADOS 



Orbec (V.) 

Falaise (V.) 

Saint- André (Gh. 



Pontfarcy (V.) 



Aunay-s.-Odon (V.) 



EURE 



Radepont (Ch.) 



Sainte-Hélène (Ch.) 



Douville (V.) 

Navarre (T.) 

Saint-Elier (T.) 



Pont-Authou (V.) 



La Ferrière-sur-Rille (V.) 

S^«-Geneviève-les-Gazny (V.) 

Saussay (T.) 

Gisors (V.) 



268 



LA HOUILLE VERTE 



éncmération par département des usines hydrauliques 
d'industries diverses 

S^ÉCLAIRANT A LA LUlllÈRE ÉLECTRIQUE 



DANS LORNR 

Moulins à céréales 11 

F ilalures et tissages 12 

Papeteries 2 

Tréfilerie 1 

Scierie 1 

Fabrique de perles 1 

Total 28 

DANS l'eURE-ET-LOIR 

Moulins à céréales 11 

Laiteries 2 

Fabrique de liqueurs 

Scierie 

Moulin à tan 

Fabrique de chaux et ciment 

Fabriques de peignes 

Atelier de confections pour dames. 

Tréfilerie-bijouterie 

Imprimerie-lithographie 

Total 21 

dans la sarthe 

Moulins à céréales 10 

Papeteries 4 

Filatures et tissages 2 

Tannerie 1 

Fonderie et tréfilerie de cuivre et 

d'acier 1 

Total 18 

dans la mayenne 

Moulins à céréales 8 

Tréfileries et tissages 3 

1 
1 
2 
1 
2 



Bonneterie 

Fabrique de tissus élastiques... 

Scieries 

Tannerie 

Fonderies 



A reporter 18 



Report 18 

Tissage d'amiante 1 

Laboratoires industriels avec fours 

électriques 2 

Total 21 

dans le maine-et-loire 

Moulins à céréales 4 

Papeterie 1 

Fabrique d'accumulateurs 1 

Fabrique de moteurs pour auto- 
mobiles 1 

Fabrique de canots automobiles. . 1 

Total 8 

dans la manche 

Moulins à céréales 11 

Filatures et tissages 4 

Moulin à foulon 1 

Scieries 2 

Fabrique de lanternes vénitiennes 1 

Fabrique de couverts 1 

Total 20 

dans le calvados 

Moulins à céréales 7 

Filatures (l'industrie l'emporte 

donc sur l'agriculture) 16 

Fabriques de drap 2 

Bonneteries 2 

Cidreries (exemple inédit jus- 
qu'alors) 3 

Laiteries-fromageries 2 

Scieries 3 

Scierie de granit 1 

Papeterie 1 

Fabrique de produits caoutchou- 
tés 1 

Ferronneries 3 

Total 41 



GRAPHIQUES ET TABLEAUX 



DANS LEURE 

Moulins à céréales 

Laiteries-beurreries 

Fabrique de pâte pour oiseaux 

Filatures et tissages 

Fabriques de drap 

Filatures de mèches 

Fabrique de toiles cirées 

Fabrique de feutre 

Bonneterie 

Fabrique de caoutchouc 

Fabriquesdelacets de chaussures . 

Fabriques de peignes 

Fabrique d'instruments de mu- 
sique 

Fabrique de jouets d'enfants 

Papeteries 



Report. 



chromo - lithogra ■ 



74 



Imprimerie 

phique 1 

Scieries 3 

Moulin à tan i 

Tanneries 2 

Fabrique de fibres de bois pour 

emballage 1 

Verrerie 1 

Fonderies et tréfileries 5 

Fonderie de cloches 1 

Quincailleries 3 

ïréfilerie or et argent. 1 

Fabrique de jantes de bicyclette. . 1 

Fabrique de cafetières et nickelage 1 

Fabrique d'instruments agricoles. 1 

Fabrique de métiers pour dentelle. 1 

Total 97 



TABLEAU RÉCAPITULATIF 
PREMIÈRE CATÉGORIE. — USINES HYDRAULIQUES PRODUISANT L*ÉLECTRICITÉ 

POUR l'Éclairage et le transport de la force 



Villes 4 i 

Propriétés 11 

Distribution d'énergie 3 

A reporter 57 



Report 57 

Réunions de chutes 9 

Transports à distance 8 

Total 74 



DEUXIÈME CATÉGORIE. — USINES HYDRAULIQUES PRODUISANT l'ÉLECTRICITÉ 
POUR LEUR ÉCLAIRAGE 



Moulins à céréales 87 

Filatures et tissages 55 

Fabriques de draps i3 

Scieries 12 

Papeteries 10 

Fonderies 8 

Ferronneries 6 

Laiteries-fromageries 6 

Fabriques de peignes 5 

Tanneries 4 

Bonneteries 4 

Filatures de mèches 3 

Cidreries 3 

Tréfileries 2 

A reporter 218 



Report 218 

Moulins à tan 2 

Imprimeries lithographiques 2 

Fours électriques 2 

Fabrique de feutre 

Fabrique de ouate 

Fabrique d'instruments de mu- 
sique 

Fabrique de jouets d'enfants 

Fabrique de fibres de bois 

Verrerie 

Fabrique de perles 

Fabrique de liqueurs 

A reporter 232 



270 



LA HOUILLE VERTE 



Report. 



232 



Fabrique de chaux et ciment 

Confection pour dames 

Fabrique de lacets de chaussures. 

Fabrique de tissus élastiques 

Fabrique de produits caoutchou- 
tés 

Fabrique de toiles cirées 

Tissage d'amiante 

Fabrique d'accumulateurs 

Fabrique de moteurs automobiles. 
Fabrique de canots automobiles. . 

A reporter 242 



Report. 



242 



Fabrique de jantes de bicyclettes. 
Fabrique de lanternes vénitiennes. 

Fabrique de couverts 

Scierie de granit 

Fabrique de pâte pour oiseaux. . . 

Fonderie de cloches 

Tréflleries or et argent 

Fabrique de cafetières 

Fabrique d'instruments agricoles. 
Fabrique de métiers de dentelle. 

Total ^ 



II. — CONGLUÇION 



Je pourrais être étonné moi-même du succès obtenu dans ma 
tentative de vulgarisation et de propagande aussi bien dans les milieux 
officiels que dans le monde de la presse, si je ne savais en reporter 
la majeure partie à la bonté de la cause que je sers : la houille 
verte. Mon modeste mérite aura été de faire connaître mon instal- 
lation hydro-électrique et de ne pas mettre ma bougie... électrique 
sous le boisseau. J'ai voulu surtout inspirer confiance dans la bonne 
fée Électricité, et encore stimuler Tarde ur, engourdie seulement, 
des nombreux propriétaires de barrages. 

A ce dernier point de vue, je puis encore demander : pourquoi 
l'électricité a-t-elle plutôt triomphé en certains endroits que dans 
d'autres placés dans des circonstances tout aussi favorables? Com- 
ment persuader que l'établissement d'une usine hydro-électrique, 
même minime, est précieuse et même assez facile? 

On craint l'électricité, on a cependant bien tort. Je puis rappeler 
ici le chapitre intitulé De fil en aiguille, de la première partie de 
ce livre, chapitre, qui, sans cacher mon peu de préparation à la 
tâche entreprise, a dévoilé les motifs des nombreuses monographies 
de la région Normande. Je puis même renvoyer au passage relatant 
les inquiétudes soulevées autour de moi, par mes projets, jugés alors 
bien téméraires, d'établissement d'électricité à la campagne. 

Enfin, évoquant tous ces témoignages, je n'hésite plus à affirmer 



CONCLUSION 271 

que la pratique de rélectricité, aussi bien pour Téclairage que pour 
actionner divers moteurs, est bien moins dangereuse qu'on ne peut 
supposer, surtout lorsqu'elle est produite par une chute d'eau. La 
mise en marche si simple de ma turbine ne peut être comparée aux 
soucis que m'aurait donnés une machine à vapeur, voire même ua 
moteur au pétrole. Si les dangers d'explosion sont rares, ils n'en 
subsistent pas moins; dans le cas des moteurs hydrauliques ils sont 
même inconnus. Malgré tous ses avantages, l'emploi de l'électri- 
cité, surtout dans les campagnes, ne se répand qu'avec une grande 
lenteur. Mais n'en a-t-il pas été de même de tous les progrès à leur 
début? 

J'aurais souhaité que la plaque photographique gardât l'impres- 
sion des traits, que le phonographe enregistrât les paroles du 
premier tailleur en présence d'une petite machine qui cousait 
toute seule et grâce au mouvement des pieds encore ! Plus d'une 
ménagère dut ensuite l'envier, et cependant aujourd'hui la machine 
à coudre est partout, chez le grand couturier comme dans le petit 
ménage. Cette autre utopie du passé de se promener sur les routes, 
à cheval sur deux roues, est-elle bien ancienne? Quel progrès entre 
la bicyclette actuelle et son ancêtre la scelerette. Et l'automobile...? 
Et la machine à écrire et à calculer...! Et la machine à sténo- 
graphier pour gagner toujours du temps...! La liste serait longue 
et cependant loin d'être close sans doute. 

Je sais bien que nombre de gens diront : Que voulez-vous que 
tout cela me fasse ^ puisque je n'ai pas de barrage? Belle raison! 
D'autres en ont et je me suis adressé de préférence à eux. Ceux qui 
n'en possèdent pas actuellement peuvent encore en acquérir des 
propriétaires qui délaissent une ressource cependant si certaine. Le 
Supplément du département de VEure (chap. xx, p. 253) ne témoigne- 
t-il pas que \ œuvre des petits moulins de la houille verte française 
peut porter des fruits. Puis, je m'adresse également aux gens qui 
n'ont pas d'idées arrêtées là-dessus, à ceux qui penseront : « Je ne 
vois pas le parti que je puis tirer de la houille verte^ mais un tel 
en a et je vais lui conseiller d'y songer sérieusement. » Mon but 
sera atteint. 

Je ne puis omettre d'exprimer ici, en terminant, mes remercie- 
ments à tous mes correspondants improvisés de la région Normande, 
à tous ces électriciens, dont l'obligeance m'a permis de me docu- 



272 LA HOUILLE VERTE 

menter jusqu'à prendre des vues photographiques dans l'intérieur 
de leurs usines ou même à me fournir des plans* 

Je n'ai plus qu'un souhait à exprimer, celui que le lecteur puisse ^ 
en lisant ces pages, vécues pour la plupart, lors de mes excursions 
dans la région Normande, ressentir un peu de ce que j'ai éprouvé 
moi-môme de surprise en prenant toutes ces photographies qui 
ont encore témoigné de ma présence dans ces lieux, et en constatant 
une si grande variété dans le domaine des applications de l'Elec- 
tricité. Puisse-t-il dire du livre qu'il est plein d'air et de gra?ide 
lumière, et penser de l'auteur que c'était un Français bien inten- 
tionné. 



TABLE ÀPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 



N. B. — Les noms en italique sont ceux des installations hydro-électriques 



A 

Pages. 

Accumulateurs (Généralités sur 

les) ". 91, 180 

Accumulateurs (Liste des installations 
hydro-électriques disposant d') : 

Les Andelys 242 

Beaumont 221 

Bouche-d'Aigre 1 50 

Cérences 1 96 

Chartre-sur-le-Loir (La) 1 62 

Condé-sur-Iton 233 

Cormeilles 232 

Domfront 131 

Douville 246 

Falaise 212 

Perrière (La) 227 

Gisors 243 

Lude (Le) 158 

Lyons-la-Forêt 243 

Marmousse 151 

Mémillon 151 

Montfort-sur-Rille 229 

Mortain 189 

Moulins-la-Marche 143 

Orbec 214 

Pont-Audemer 230 

Pontfarcy 211 

Poses 239 

Radepont 247 

Rémalard 1 39 

Rugles 227 

Saint-Hilaire 188 

Saint-James 199 

Seiches 182 

Tessy 197 

Thury-Harcourt 214 

Torigni 195 

Toutainville 232 

Tourville 231 

Vire 205 



Pag-es. 

Aix-la-Chapelle (Conférence faite à) . 5, 113 
Altitudes principales de la région 

Normande 24 

Amateur hydro-électricien dans les 

Vosges 50 

Amateur hydro-électricien à Saint- 
Denis 51 

Ampèremètre 35, 139 

Andelys (Les) 242 

Andouillé 172 

Anneville-en-Saire ; . 199 

Assemblage des cartes de la région 

Normande 18 

Atelier familial J27, 203 

Aunay-sur-Odon , 216 

B 

Bacs d'accumulateurs 90 

Balaisdesdynamosau charbon. . 44, 137 

Bandes souples conductrices 38 

Bas-Coudray 173 

Batterie d'accumulateurs 46, 94 

Beaumont-le-Roger 227 

Boucé 141 

Bouche-d' Aigre 150 

Briquebec 1 9S 

C 

Calots (Les) ' 164 

Carte du Calvados 220 

— de l'Eure 249 

— de l'Eure-et-Loir 154 

— du Maine-et-Loire 183 

— - de la Manche 201 

— de la Mayenne 174 

— de l'Orne 145 

— delaSarthe 166 

Cérences I99 

Chandai (Ancienne tréfilerie de) . 14, l'J 

18 



274 



LA HOUILLE VERTE 



Page». 

Chartre-sur-le-Loir {La) 162 

Chauffage électrique 53 

Chauffage avec déchets 103, 106 

Chauvaincourt 244 

Cheffes 1 80 

Cheval-vapeur 33 

Chevaux permanents 3 

— périodiques 3 

Concours de petits moteurs à Lyon. 128 

Condé-sur-Iton 233 

Conducteurs 40 

Connéré 164 

Consistance d'une usine 19 

Consommation du charbon dans le 

monde 81 

Consommation du charbon en Nor- 
mandie 83 

Composition de l'eau 22 

Composition géologique du sol de la 

région Normande 24 

Cormeilles 232 

Coupe-circuit. ^ 41 

Courbe relative à Téclairage élec- 
trique 27 

Courbe des débits d'une rivière avec 

étang 26 

Courbe des débits d'une rivière sans 

étang 26 

Court-circuit 41 

Creux de la sécheresse 3, 105 

Cylindre(Avantagedes moulins à) 146, 178 



Débits de Tlton (douze années) 260 

Débits des principales rivières de 

l'Orne 259 

Densité forestière dans la région Nor- 
mande 23 

Dérivation (Couplage en) 39 

Direction du travail 99 

— de l'hydraulique et des amé- 

liorations agricoles . 17, 65 

— des routes, des mines et de 

la navigation 63, 257 

Distinction des usines situées sur ri- 
vières navigables ou non navigables. 61 
Distribution électrique (Principes gé- 
néraux de la) 41, 132 

Distribution à 3 fils (Principes de la). 132 
— par dynamos égalisa- 

trices 161 

Distribution par courant continu à : 

55 volts, à Douville 246 

110 — aux Andelys 242 

— — à Andouillé 172 

— — à Anneville 199 

— — à Boucé 141 

— — à Bouche-d'Aigre 150 

— — à Chauvaincourt 244 



Psg-es. 

110 volts à Condé 233 

— — à Cormeilles 232 

— — à la Perrière 229 

— — à Gisors 243 

— à Gorron ^. 172 

— — à Lyons-la-Forêt . . 243 

— — à Malicorne 164 

— — à .Marmousse 151 

— — à Mesnil-G laize 133 

— — à Montligeon 135 

— - àMontfort 229 

— — à Pont-Audemer 231 

— — à Pont-Farcy 211 

— — à Radepont 247 

— — àRugles 227 

— — à Sablé 163 

— — à Seiches 182 

— — à Soucelles 181 

— — à Saint- André 221 

— — à Saint-Sauveur 198 

— — àTessy 197 

— — à Thury-Harcourt 214 

— — à Torchamp 142 

— — àTourlaville 198 

— — à Tourville 231 

— — à Toutainville 232 

— — à Vaas 162 

115 volts, à Pont-Authou 229 

120 volts, à Connéré 164 

— — à Sainte-Hélène 247 

— — aux Masselins 135 

— — au Vaudreuil 233 

à la Chartre-s.-l.-Loir. , 162 

à Lévy 233 

à Mémillon 151 

à Saint-Elier 236 

à Jussaud 210 

à Moulins-la-Marche ... 1 43 

à Saint-James 199 

aux Calots 164 

à Saint-Nicolas 247 

à Vriseuil 151 

à Poses 239 

à Sorel 147 

Distribution par courant continu à 
3 fils : 

sec, 110 



125 
160 

210 
220 



240 
250 

280 
500 



Prim., 220' 



120 
110 



— 240 — 

— 250 — 

— 300 — 

— 500 — 

Distribution par 
mixte à 120 volts et 3 fils 



à Beaumont. 

à Cérences.. 

à Falaise... 

VL Mortain.. 

à Orbec... 

à Poses 

à Putanges. 

à Domfront. 

au Lude 

125 à Vire 

220 à Rémalard. 

— àSt-Hilaire.. 

courant continu 

pri- 



277 

196 

189 
214 
239 
138 
131 
158 
205 
139 
188 



TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 



Pages. 

maire 240 volts, secondaire 120 

volts, à Mézidon 211 

Distribution par courants alternatifs 
monophasés : 

Prim., 3.000'; sec, 110% à Sourdeval. 193 

— 4.200 — 110 à Sainte-Ge- 

neviève. 246 

— 5.000';sec.,110%àBriquebec. 198 

— — — '— àTorigni... 195 
—• — — 120 àAunay.. .. 216 

— 5.600 — 220 àSaussay.. 149 
Distribution parcourants alternatifs 

triphasés : 

A 500 volts, à Navarre 235 

Prim., 2.000' ; sec, 125% à Ducey. 192 
Distribution à voltage variable : 

Au Bas-Coudray 173 

A Cheflfes 180 

A Rochefort 170 

Déversoirs (Conseils sur les) 76 

Documents statistiques de la France 

en 1850 99 

Domaine public (Rivières du ) . . . 61 

Domfront 131 

Double transport d'énergie 210 

Douville 246 

Ducey 192 

Dynamos (des) 43, 137 

£ 

Eaux surabondantes 105 

Economiste français {L) 6,110, 128 

Electromobiles (Voitures) 15, 123 

Electrolyse 149, 244 

Eléments d'accumulateurs 46 

Enumération des usines diverses 

éclairées à l'électricité 268 

Erg (L'j 47 

Essai de formation d'un syndicat 

d'électriciens. 112 

Essais de statistique (premiers) 98 

Evaluation de la quantité de charbon 

restant en Angleterre 81 

Existence légale d'une usine sur ri- 
vière navigable 64 

Existence légale d'une usine sur ri- 
vière non navigable 19 

Expérience de Branly 117 

Expérience de train Renard en Nor- 
mandie 104, 119 

Extraction annnuelle du charbon en 

France 80 



Fabrique d'accumulateurs 181 

Facilité d'utiliser une chute d'eau 

pour la production de l'électricité. 60 

Falaise 212 



Pages. 

Ferrière-sur-Rille (La) 229 

Fibres de bois 229 

Figaro [Le) llO 

Fil de cuivre creux 117 

Fers à repasser électriques 150, 210 

Fours électriques 171 



Gaz pauvre (Moteur au) 162 

Génératrice électrique 45 

Gisors 243 

Gorron 172 

Grande calorie 47 

Grilles d'arrêt des turbines : 72 



Hectowatt 

Ilecto watt-heure. 

Houille blanche. . 

— verte 



37 

37 

1 

1 



Hydro-électricité 13 



Inducteurs 43 

Induits 44 

Instructions pour la conduite des dy- 
namos 15 

Isolants 41 

Iton (Utilisation de 1') 48, 118 



Jusseaud (Usines) 210 



Lampes à vapeur de mercure 12ô 

— des mineurs 125 

— électriques(soinàdonneraux) 94 

— — poussées 94 

Léry 233 

Lude {Le) 158 

Loi sur le régime des eaux 56 

Loire navigable (La) 114 

Longueur des principales rivières de 

la région Normande 30 

Lyons-la-Forêt 243 



M 



Machines à vapeur dans l'Orne, en 

1850 87 

Machines à vapeur dans l'Orne, en 

1900 83 

Malicorne 164 

Manœuvre des vannes 77 

Mai^mousse 151 

Masselins {Les) 135 



276 



LA HOUILLE VERTE . 



Pagres. I 

Mayenne navigable (Utilisation de la) 176 

Memillon 151 | 

Mesnil-Glaize 133 

Mézidon 211 

Mines de Ter de Thury-Harcourt 221 

— d'or de la Mayenne 173 

Mode de recensement des mines hy- 
drauliques 102 

Montligeon (ïm Chapelle-) 135 

Monlfort-sur-Rille 229 

Mont Saint-Michel 200 

Mortain 189 

Moteur à alcool (Généralités sur le).. 125 

— à pétrole ( — ). 88 
Moteurs à pétrole (Liste des usines 
hydro-électriques utilisant des) : 

Mézidon 211 

Moulins-la-Marche 143 

Moteurs électriques (Liste des emplois 
des): 

A platisseur d'avoine. . . 141,231, 244 

Appareil frigorifique 142 

Armurier 214 

Batteuse 142,244, 246 

Beurrerie 161,214, 227, 231, 247 

Brise-tourteau 244 

Carrossier 209 

Calibrage de coke 214 

Charcutier 189,231, 243 

Charpentier* 207 

Charron 161, 246 

Confection vêtements 161 

Coupe-racines 231, 243 

Corderie 227 

Coutellier 161, 209, 213, 243 

Eau gazeuse 161, 209, 213, 247 

Fabrique d'agglomérés ciments . 231 

Fabrique de colle 231 

Fabrique de parapluies 209 

Fondeur de cuivre 209 

Grainetier 161 

Grugeoir 141, 231, 244 

Hache-paille 231 

Huilerie 161 

Imprimeur 133, 189, 209, 231 

Irrigation 162, 234, 243, 246 

Meule à aiguiser 227 

Menuisier. ... 161, 189, 214, 243, 246 

Meunerie 141, 142, 207, 231 

Pâtissier 209 

Pétrin mécanique 142, 213, 214 

Rôtissoir 161 

Scierie 142, 161 

Tannerie 227, 231 

Tourneur en bois 161 

Ventilateur boucherie 161 

Moulins à vent de la région Nor- 
mande en 1850 87 

Moulins-la-Marche 143 



N 

Pagres. 

Savarve Usines de) 235 

Néo-métallurgie (La) 169 

Niveau de retenue provisoirement 

abaissé 76 

Nivellement universel 48 



Orbec 214 



Pâte de papier de bois 233 

Parallèle (Couplage en) 39 

Partiteur hydraulique 29 

Pêche extraordinaire 66 

— exceptionnelle 66 

Petit-Temps (Le) 82, 108 

Petite calorie 47 

Pétrole (origine du) 89 

Plaques d'accumulateur 91, 92 

Plombs fusibles 42, 136 

Pluviométrique Carte) 258 

Poids des dynamos 43 

Poncelet ' Unité) 33 

Pont-Audemer 230 

Pont-Authou 229 

Pontfarcy 211 

Poses 239 

Précautions à prendre pour les vol- 
tages élevés 194 

Pression sur le fond des rivières 102 

Prix du charbon de 1883 à 1902 81 

Projet de tramway électrique dans 

l'Orne 119 

' Progression des installations hydro- 

I électriques 261, 263 

Puissance hydraulique totale de la 

I France 105 

Putanges 138 



Radepont 247 

Recensement (Le) 99 

Récepteur de turbine 68 

Réceptrice électrique 45 

Régulateur électrique de vannage 151 

— de vitesse des moteurs 

hydrauliques 53, 239 

Relation entre le watt et le cheval- 
vapeur 34 

Rémalard 139 

Répartition des moteurs à vapeur 

dans rOme 82 

Réserves sur les débits des rivières. . 32 

Réversibilité des dynamos 45 

Rhéostat 42, 134 



TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 



277 



Pages. 

Rochefort 170 

Rôle de Télectricité dans la société 

moderne 106, 116 

Roue à au^ets 72 

— à cuiller 67 

— à palettes 71 

— Pelton 51 

— Poncelet 193 

— Sagebien 70 

Roues superposées 71 

Rugles 227 



S 



Sablé 163 

Saint-André 221 

Saint-Elier : . . . 236 

Sainte-Geneviève 246 

Sainte-Hélène 247 

Saint-Hilaire-du-Harcouët 188 

Saint-James 199 

Saint-Nicolas du Pont-Saint-Pierre . . . 247 

Saint-Sauveur-le-Vicomte 198 

Saussay 149 

Seiches , . . 182 

Série (Couplage en) 39 

Service de la houille blanche dans les 

Alpes 104 

Signal de la Forêt d'Ecouves 19 

Sorel-Moussel 1 49 

Soucelles 181 

Sourdeval 193 

Statistique du charbon (Carte de la). 85 
Succession de chutes utilisées par 

un même exploitant 9, 

132, 148, 151, 164, 171, 210, 213, 238 
Suppression des huileries (Consé- 
quences de la) 202 

Survolteur 230 

Syndicats administratifs 111 



Tableau comparatif des usines hydrau- 
liques en 1850 et 1900 100 

Tableau des usines de la Mayenne na- 
vigable 175 

Tableau de contrôle électrique 138 

Tableau de charge d'accumula- 
teurs 45, 93 

Tableau récapitulatif 269 

Tableau synthétique des installa- 
lions hydro-électriques 264, 267 

Tan (Moulin à) 143 

Téléphérage 122 

Tension (Couplage en) 36, 39 

Tessy-sur-Vire • 197 

Thalweg 23 



Papes. 

Thury-Harcourl 214 

Tissage d'amiante 170 

Topinambour (Alcool de) 125 

Torchamp 142 

Torigni-sur-Vire 195 

Tourlaville 198 

Tourville 231 

Toutainville 232 

Transformateur rotatif 196 

— statique.. 193,198, 216 

Transport d'énergie agricole 238 

Transport d'accumulateurs de Nor- 

wège en Europe 123 

Trappe (Etangs de la) 28 

Trolley-automoteur (Tramway à) 119 

Turbines (Généralités sur les). . . 55, 68 

Tubœuf (anciennes tréfileries de) 49, 127 
Turbines (Liste des usines hydro-élec- 
triques utilisant des) : 

Bas-Coudray 173 

Boucé 141 

Briquebec 198 

Cérences 196 

Domfront 131 

Falaise 212 

Lude (Le) 158 

Marmousse 151 

Masselins (Les) 135 

Mémillon. 151 

Mesnil-Glaize 133 

Mézidon 211 

Montligeon 135 

Montfort 229 

Mortain 1 89 

Pont-Authou 229 

Poses 239 

Putanges 138 

Radepont 247 

Rochefort 170 

Sainte-Hélène 247 

Saint-Hilaire 188 

Saint-Sauveur 198 

Saussay 149 

Sorel 149 

Sourdeval 193 

Tessy 197 

Torchamp 142 

Torigni 195 

Tourlaville 198 

Toutainville 232 

Vire 205 



Uni tés hydro-électriques 33 

Utilisation des forces hydrauliques : 

Du Calvados 224 

De l'Eure 248 

De lEure-et-Loir 153 



278 



LA HOUILLE VERTE 



De la Manche 202 

De la Mayenne i79 

DelOrne 146 

De la Sarthe 165 



r««* 

Vannes régulatrices. 
Vau'/reuil (Le) 



!62 

75 

233 



p*gr€». 

Voltage 35 

Voltmètre 35 

Vire 205 

Vriseuil 151 



W 



Watt 

Watt-heure. 
Wattman.. . 



34 
37 
34 



ÏOUHS, IMPRIMERIE DESLIS FRÈRES, 6, RUE GAMBETTA. 



Librairie H. DUKOD et B. PINAT, 49, qaai des Grands- Angnstins, PARIS 



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l'enseignement électrotechnique à l'Université de Lille. In-8<> 16 X 26 de xvi- 
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ingénieur électricien, traduit sur la 3« édition américaine, revue et aug- 
mentée, par A. Lehmann, ingénieur. In-8° 16 X 25 de 735 pages avec figures 
et planches. Broché, 25 francs ; cartonné 26 fr. 50 

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Traduit de l'allemand par Halphen, ingénieur-électricien. In-i6 de 92 pages, 
avec 42 figures, cartonné 2 fr. 50 

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Berlin, traduit de l'allemand par Em. Samitga, ingénieur. 
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Les deux volumes pris ensemble. Broché, 15 francs ; cartonné 18 fr. 

Les Automobiles électriques, par Gaston Sencier, ingénieur des Arts et 
Manufactures, et A. Delasalle, ingénieur, ancien élève de l'École de physique 
et de chimie. Grand in-8° 1 5 fr. 

Les Fours électriques et leurs applications industrielles, par J. Escard, 
ingénieur avec préface de H. Moissan, membre de l'Institut. In-8° 16 X 24 de 
535 pages avec 221 figures et planche en couleurs. Broché, 18 francs; car- 
tonné 19 fr. 50 

Traité pratique de télécommunication électrique (Télégraphie-téléphonie), 
par Ed. Estaunié, ancien élève de l'École polytechnique, ingénieur en chef 
des Télégraphies. Grand in-8° de 670 pages, avec 528 figures. Broché, 20 francs ; 
cartonné 21 fr. 50