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Full text of "La jeunesse de Balzac; Balzac imprimeur; Balzac et madame de Berny [par] Gabriel Hanotaux et Georges Vicaire. Nouv. éd., augm. de la correspondance de Balzac et madame de Berny"

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GABRIEL  HANOTAUX   1;  i   GEORGES  VICAIRE 


LA 


JEUNESSE  DE  BALZAC 


BALZAC   IMPRIMEUR 
BALZAC  ET   MADAME   DE   BERNY, 


NOUVELLE     EDITION     AUGMENTÉE 

DE  LA  CORRESPONDANCE 

DE    BALZAC    ET    DE     MADAME    DE    BERNY 


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PARIS 

LIBRAIRIE   DES   AMATEURS 
A.  FERROUD.  —   F.  FERROUD,    Successeur 

127,     BOULEVARD     SAINT-GERMAIN,      I  2  7 

MCMXXI 


LA 

JEUNESSE  DE  BALZAC 


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Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Toronto 


http://www.archive.org/details/lajeunessedebalOOhano 


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(h. -2 


GABRIEL  IIANOTAUX  et  GEORGES  VICAIRE 


LA 


JEUNESSE  DE  BALZAC 

BALZAC  IMPBIMEUB 
BALZAC  ET  MADAME  DE  BBRNY 


NOUVELLE     EDITION     AUGMENTEE 

DE  LA  CORRESPONDANCE 

DE    BALZAC    ET    DE    MADAME    DE    BERNY 


PARIS 

LIBRAIRIE   DES   AMATEURS 
A.  FERROUD.  ~  F.  FERROUD,    Successeur 

127,      BOULEVARD     SAINT-GERMAIN,      I  1"j 

M  C  M  X  X  I 


* 


Tous  droit!  de  traduction,  de  îeproduction  et  d'adaptatioa 

.  éserrés  pour  tou- 
Cop  .     _  -     Hanotaux  rt  Geor.^  \ 


LA     MEMOIRE 

1)1: 

Vicomte  de  Spoelbekch   de  Lovenjoul 


AVIS 

SUR    LA    PRÉSENTE    ÉDITION 


Il  y  a  dix-huit  ans,  LaJeunessede  Balzac  parais- 
sait pour  la  première  fois  avec  le  sous-titre  de 
«  Balzac  imprimeur  ».  L'édition  était  totalement 
épuisée  depuis  un  certain  temps  déjà,  l'éditeur 
nous  pressait  d'en  donner  une  nouvelle  et  nous 
allions  satisfaire  son  désir,  lorsque  la  guerre 
éclata. 

Ce  projet,  interrompu  pendant  plusieurs 
années,  nous  le  reprenons  aujourd'hui. 

Que  notre  première  pensée,  en  publiant  ce 
nouveau  livre,  aille  à  celui  que  la  mort  a  trop 
tôt  ravi  aux  Lettres  françaises,  au  vicomte 
de  Spoelberch  de  Lovenjoul  !  Notre  ami  très 
regretté  avait  apporté  à  notre  travail  une  pré- 
cieuse contribution.  Il  a  fait  plus  encore  :  il  a 
légué  à  l'Institut  de  France  les  trésors  de  sa 
merveilleuse  collection. 


2  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Pour  rond  ri4  à  la  mémoire  du  savant  collec- 
tionneur et  du  maître  balzacien  l'hommage  qui 
lui  est  dû,  nous  avons  pensé  que  nous  ne 
pouvions  rien  faire  de  mieux  que  de  joindre  à 
notre  livre,  comme  il  le  désirait  vivement,  les 
lettres  de  Balzac  à  Madame  de  Berny  et  celles 
de  Madame  de  Berny  à  Balzac,  qui  faisaient 
partie  de  sa  collection.  L'intérêt  de  cette  impor- 
tante et  précieuse  addition  n'échappera  pas  au 
lecteur.  Elle  fait  l'objet  d'un  nouveau  chapitre 
ajouté  à  ceux  de  l'édition  originale  de  La  Jeunesse 
de  Balzac. 

Lorsque  parut  notre  première  édition,  nous 
avons  dû  emprunter  les  extraits  des  lettres  de 
Balzac  à  Madame  Hanska,  à  sa  sœur,  à  des  tiers, 
aux  Lettres  à  l'Étrangère  et  à  la  Correspondance, 
publiée,  en  1876,  par  la  maison  Michel  Lévy. 
Nous  n'avions  pas  alors  les  autographes  sous 
les  yeux;  nous  les  avons  aujourd'hui,  et,  après 
avoir  conféré  les  textes  originaux  avec  les  textes 
imprimés,  il  nous  est  apparu  qu'ils  avaient  été 
mis  au  jour  avec  de  regrettables  inexactitudes. 
Si  Ton  rapproche  les  deux  textes,  on  constate 
avec  stupeur  les  déformations  graves  qu'ont 
subies  les  lettres  de  l'illustre  écrivain.  Cer- 
taines sont  devenues,  à  l'impression,  mécon- 
naissables, tellement  elles  ont  été  arrangées, 


AVIS  SUR  LA  PRÉSENTE  ÉDITION. 

altérées,  dénaturées  et,  pourquoi  ne  pas  dire 
le  mol  :  truquées. 

Nous  avons  donc,  rétabli,  dans  cette  nouvelle 
édition,  ainsi  que  nous  l'avait  conseillé  le  vi- 
comte de  Lovenjoul,  les  textes  authentiqués  de 
Balzac;  aux  références  primitives,  soit  aux 
Lettres  à  l'Etrangère,  soit  à  la  Correspondance, 
nous  avons  joint  l'indication  des  cotes  sous 
lesquelles  ces  lettres  autographes  sont  conser- 
vées dans  la  Collection  Lovenjoul,  ce  qui  per- 
mettra aux  travailleurs  de  se  rendre  compte  des 
notables  différences  existant  entre  les  textes 
originaux  et  les  textes  imprimés. 

Cette  nouvelle  édition  de  La  Jeunesse  de  Balzac, 
imprimée  par  la  maison  Lahure,  est  ornée  des 
portraits  de  Balzac,  d'après  la  sépia  de  Devéria, 
et  de  Madame  de  Berny,  d'après  une  peinture  h 
lhuile,  tous  deux  gravés  par  l'excellent  artiste 
Clément.  Nous  donnons  aussi  deux  fac-similé 
des  écritures  de  Balzac  et  de  Madame  de  Bernv. 


AVERTISSEMENT 

DE     LA      PREMIÈRE     ÉDITION 


Ce  livre,  consacré  à  la  jeunesse  d'Honoré  de 
Balzac,  est  annoncé  depuis  longtemps.  Le 
retard,  que  des  circonstances  indépendantes  de 
notre  volonté  ontapporté  à  sa  publication,  n'aura 
pas  été  sans  quelque  profit  pour  le  lecteur.  Une 
élaboration  plus  lente  nous  a  permis  d'être  à  la 
fois  plus  exacts  et  plus  complets;  les  documents 
réunis  dans  les  Appendices  éclairent  d'une  façon 
précise  et  qui  nous  paraît  indiscutable  une  des 
périodes  les  plus  obscures  et  les  plus  intéres- 
santes de  la  vie  du  grand  écrivain,  celle  des 
débuts,  ainsi  que  la  genèse  de  l'œuvre  et  la 
première  évolution  de  la  pensée. 

Le  présent  ouvrage  est  surtout  documentaire; 
mais  quand  il  s'agit  de  Balzac,  le  document 
prend  une  valeur  singulière.  Il  n'était  pas 
homme  à  s'attarder  dans  la  banalité  :  son  ima- 
gination animait  et  amplifiait  tout.  Ainsi  la  bio- 


G  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

graphie  d'un  imprimeur  de  l'époque  roman- 
tique devient,  rien  que  par  l'exposé  des  faits, 
un  véritable  roman. 

Le  roman  des  premières  amours  de  Balzac 
s'est  rattaché,  sans  que  nous  l'ayons  voulu  ni 
cherché,  à  l'histoire  de  Balzac  imprimeur  et 
fondeur  de  caractères.  Dans  l'encre  nous  avons 
trouvé  de  l'azur.  Un  nom  de  femme,  cité  dans 
un  acte  notarié,  nous  a  permis  de  préciser  ce 
que  la  publication  de  la  Correspondance  avait 
déjà  dévoilé.  L'inspiration  de  l'écrivain,  la  for- 
mation de  son  esprit,  l'origine  de  certaines 
idées,  le  sens  profond  de  certaines  œuvres  capi- 
tales se  sont  expliqués  soudain.  Une  femme 
distinguée,  filleule  de  Louis  XVI  et  de  Marie- 
Antoinette,  est  apparue  comme  l'éducatrice  de 
Balzac.  On  comprendra,  maintenant,  bien  des 
pages  énigmatiques,  bien  des  allusions  mysté- 
rieuses, semées  dans  l'œuvre  du  romancier. 
Notre  livre  découvre  un  peu  l'envers  de  La  Comé- 
die humaine.  Le  prototype  du  Lys  dans  la  Vallée 
est  connu  désormais. 

L'épisode  de  ces  amours  singulières  anime 
fort  heureusement  le  récit  que  nous  avons  entre- 
pris de  l'équipée  juvénile  qui  fit  de  Balzac, 
apprenti  écrivain,  un  négociant  aussi  éphémère 
que  malchanceux.  Malgré  la  minutie  de  certains 
détails,  nous  n'avons  pas  hésité  à  donner  tout 


AVERTISSEMENT  DE  LA  PREMIÈRE  ÉDITION.  7 

l'historique  des  maisons  Balzac  et  Barbier,  Balzac, 
Barbier  et  Laurent  qui,  en  1826,  1827,  1828, 
s'étaient  installées  dans  la  rue  des  Marais-Saint- 
Germain,  Les  bibliophiles  nous  sauront  gré, 
peut-être,  d'avoir  dresse  une  première  liste  des 
impressions  dues  à  une  maison  qui  porta  obs- 
curément un  nom  glorieux. 

Nous  nous  sommes  appliqués  aussi  à  faire 
connaître,  par  le  détail,  les  conditions  d'exis- 
tence d'une  imprimerie  et  d'une  fonderie  de 
caractères  au  temps  des  Renduel  et  des  Urbain 
Canel. 

Les  recherches  et  le  travail  dont  nous  don- 
nons le  résultat  au  public  eussent  été  impos- 
sibles si  nous  n'avions  rencontré,  de  toutes 
parts,  les  plus  utiles  concours.  Nos  remercie- 
ments réuniront,  d'abord,  dans  l'expression 
d'une  même  gratitude,  M.  le  vicomte  de  Spoel- 
berch  de  Lovenjoul,  qui  nous  a  ouvert  ses  admi- 
rables archives  littéraires,  et  le  directeur  actuel 
de  l'ancienne  maison  Balzac  et  de  Berny, 
M.  Charles  Tuleu,  qui  nous  a  ouvert  celles  de 
cette  maison.  Nous  devons  aussi  à  M.  Tuleu  la 
communication  du  beau  portrait  de  Balzac  que 
nous  publions,  ainsi  que  nombre  de  détails  qui 
tiennent  à  une  parfaite  connaissance  de  tout  ce 
qui  se  rapporte  à  Balzac.  Nous  lui  devons  plus 
encore,  c'est  à  savoir  l'indication  exacte  et  judi- 


s  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

cieuse  dos  précisions  et  des  convenances  dans 
un  sujet  à  la  fois  captivant  et  délicat. 

Quant  à  M.  de  Spoelberch  deLovenjoul,  nous 
n'avons  qu'un  mot  à  dire  en  lui  soumettant 
ce  livre  :  tuus  est.  C'est  une  gratitude  nouvelle 
parmi  celles  que  lui  doivent  les  lettres  fran- 
çaises. Il  est  le  maître  incontesté  et,  comme  on 
disait  autrefois,  la  source  désormais  consacrée 
d'une  partie  bien  précieuse  de  l'histoire  litté- 
raire, au  dix-neuvième  siècle. 

Il  faudrait  une  énumération  homérique  pour 
rappeler  toutes  les  bienveillances  que  nous 
avons  rencontrées.  La  publication,  dans  Le 
Journal,  de  l'étude  qui  mettait  en  œuvre  les  pre- 
miers documents,  nous  a  valu  de  toutes  parts 
des  communications  intéressantes.  M.  Arthur 
Rhoné,  M.  Sédillot,  M.  Moussard,  employé  de 
la  maison  Tuleu,  qui  ont  tout  su  de  Balzac,  ont 
répondu  sans  se  lasser  à  nos  questions.  MM.  Fré- 
déric Masson,  P.  de  Nolhac,  Georges  Cain 
nous  ont  aidé  de  leurs  lumières  et  de  leur  obli- 
geance. Sur  des  points  spéciaux  nous  avons 
reçu  les  communications  les  plus  intéressantes 
de  MM.  Dumaine,  ministre  plénipotentiaire,  et 
Gérard,  ministre  de  France  à  Bruxelles,  de 
M.  Alfred  Caraven-Cachin,  de  M.  l'abbé  Genty, 
deM.Ed.Gachot,  de  M.  Coùard-Luys,  archiviste 
de  Seine-et-Oise,  de  M.  Maurice  Tourneux,  de 


AVERTISSEMENT  DE  LA  PREMIÈRE  ÉDITION.         9 

M.  Paul  Lacombe,  parisien.  Partout,  à  la 
Bibliothèque  nationale,  aux  Archives  nationales, 

aux    archives    du    tribunal    de  commerce,  dans 

les  archives  de  province  el  les  archives  parti- 
culières, môme  obligeance  el  même  empresse- 
ment. Le  nom  de  Balzac  ouvrait  toutes  les 
portes;  MM.  Mortreuil,  Henri  Omont,  Marchai, 
Viennot,  Pillon-Dufresnes,  Marins  Barroux, 
Mmc  Deprct,  M.  Bixio,  M.  Bourguignon  el  tanl 
d'autres  nous  ont  aidés.  Qu'ils  reçoivent  ici 
l'expression  de  tous  nos  remerciements. 

Esl-il  nécessaire  d'attirer  l'attention  du  lec- 
teur sur  la  collaboration  de  notre  éminent  ami, 
M.  Lepère,  dont  les  belles  gravures  sur  bois 
ornent  si  précieusement  le  présent  volume?  La 
vignette  qui  sert  d'encadrement  aux  pages  du 
texte  est  empruntée  à  l'ancien  fonds  de  l'impri- 
merie de  Balzac;  les  caractères  avec  lesquels  le 
livre  a  été  imprimé,  par  la  maison  Hérissey 
d'Evreux,  ont  été  fondus  spécialement  par  la 
maison  Tuleu,  58,  rue  d'Hauteville,  c'est-à-dire 
précisément  par  la  maison  qui  eut  à  sa  tête 
Honoré  de  Balzac  et  Alexandre  de  Berny. 

Ainsi,  après  soixante-quinze  ans,  Balzac 
imprimeur  se  retrouve  chez  lui  :  peut-être  ce 
retour  des  choses  n'eût  pas  déplu  à  ce  grand 
amoureux  de  la  gloire  que  fut  Honoré  de  Balzac, 
romancier. 


LA 

JEUNESSE   DE   BALZAC 


PREMIÈRES  ARMES 

Balzac  discutait  avec  Vidocq.  Celui-ci  soute- 
nait que  la  réalité  était  parfois  plus  dramatique 
que  le  roman.  Le  romancier  était  naturellement 
d'un  avis  contraire  :  «  Ah!  vous  croyez  à  la 
réalité,  mon  cher  Vidocq,  disait-il.  Vous  me 
charmez.  Je  ne  vous  aurais  pas  supposé  si  naïf. 
La  réalité  !  Parlez-m'en.  Vous  revenez  de  ce  beau 
pays.  Allons  donc!  C'est  nous  qui  la  faisons,  la 
réalité1!  » 

Or,  voilà  que  la  vie  réelle  de  Balzac  apparaît, 
au  fur  et  à  mesure  qu'elle  se  découvre,  comme 
un  prestigieux  roman. 

Nous  avons  les  Confessions  de  Jean-Jacques  et 
les  Mémoires  de  George  Sand2.  Nous  n'avons 

1.  Balzac  chez   lui.  Souvenirs  des  Jardies,  par  Léon  Gozlan. 
Paris,  Michel  Lévy  frères,  1862,  in-18,  p.  214. 

2.  Sous  le  titre  :   Histoire  de  ma   Vie.  Paris,  Cadot,  1854-1855, 
i  vol.  in-8. 


12  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

pas  l'autobiographie  de  Balzac.  S'il  l'eût  écrite, 
les  lettres  françaises  se  fussent  enrichies  du 
plus  précieux  des  documents  humains.  On  eût 
suivi,  avec  un  intérêt  passionné,  toute  la  car- 
rière de  l'homme  qui  fut,  peut-être,  le  plus 
grand  semeur  d'idées  du  siècle  et  qui  avait 
inscrit  au  socle  de  la  statue  de  Napoléon,  posée 
sur  la  cheminée  de  son  cabinet  de  travail  : 
«  Achever  par  la  plume  ce  qu'il  a  commencé 
par  l'épée1.  » 

Il  est  vrai  que  la  biographie  de  Balzac  est 
comme  éparse  dans  son  œuvre.  Ce  qu'il  a  dit, 
il  l'avait  vu,  il  l'avait  vécu.  Poussé  par  le  besoin, 
emporté  par  cette  fureur  d'écrire  qui  fut  le 
tourment  de  sa  vie,  il  a  jeté* sa  propre  chair  en 
pâture  au  public.  Mais  ce  ne  sont  que  des  lam- 
beaux :  disjecti  membra  poetx. 

Il  faudrait  lire  entre  les  lignes,  il  faudrait 
deviner  beaucoup;  surtout,  il  faudrait  connaître 
le  détail  précis.  La  vie  de  l'auteur  expliquerait, 
souvent,  l'inspiration  et  la  genèse  de  l'œuvre. 

Un  travail  complet  sur  Balzac  n'a  pas  encore 
été  publié2.  Sa  sœur,  Mme  Laure  Surville,  a  écrit 

1.  Balzac  chez  lui,  p.  5(5. 

2.  Il  a  paru,  sur  Balzac,  un  grand  nombre  de  livres,  de  bro- 
chures et  surtout  d'articles  de  revues  et  de  journaux.  La  plu- 
part concernent  spécialement  l'œuvre  littéraire  du  célèbre 
romancier.  Nous  citerons,  particulièrement,  la  magistrale  His- 
toire des  Œuvres  de  H.  de  Balzac,  par  le  vicomte  de  Spoelberch 
de  Lovenjoul,  dont  la  «  troisième  édition  entièrement  revue  et 


phkmikuks  ai;mi:s.  13 

mi  livre  intéressant,  (in,  délicat  ci  attendri  : 
c'esl  un  pastel  exquis.  Mais  la  grâce  ne  suffit 

pas  pour  peindre  les  lions. 

M"""  Surville  n'a  pas  montré  son  frère,  parce 
qu'elle  ne  l'a  pas  vu.  Elle  l'aimait  trop. 

corrigée  à  nouveau  »  parut  chez  Calmann  Lévy,  on  1886,  in-8°  ; 
elle  forme  le  complément  de  l'édition  des  Œuvres  complètes  de 
II.  de  Balzac,  publiée  en  24  volumes  chez  le  même  éditeur,  de 
1809  à  1870.  Au  point  de  vue  biographique,  voiei,  par  ordre 
chronologique,  la  liste  des  principaux  ouvrages  écrits  sur 
l'auteur  de  la  Comédie  humaine: 

—  La  Canne  de  M.  de  Balzac,  par  Mœo  Emile  de  Girardin. 
Paris,  Dumont,  1830,  in-8.  —  Galerie  des  contemporains  illustres, 
par  un  homme  de  rien  [Louis  de  Loménie].  Paris,  au  bureau  cen- 
trât, rue  des  Beaux-Arts,  13,  1841,  in-18.  —  M.  de  Balzac,  par 
Gustave  Desnoiresterres.  Paris,  Paul  Permain  et  Cie,  1851, 
in-10.  —  Les  Physionomies  littéraires  de  ce  temps.  Honoré  de 
Balzae.  Essai  sur  l'homme  et  sur  l'œuvre,  par  Armand  Bas- 
ciiet,  avec  notes  historiques  par  Champfleury.  Paris,  D.  Giraud 
et  J.  Dagneau,  1852,  in-12.  —  Les  Contemporains.  Balzac,  par 
Eugène  de  Mirecourt.  Paris,  J.-J.  Roret  et  Cie,  1854,  in-18.  — 
Célébrités  européennes,  par  J.-M.  Cayla.  Paris,  IlippoUjte  Bois- 
gard,  1855,  gr.  in-8  (pp.  59-04,  avec  un  portrait).  —  Collection 
Hetzel.  Balzac  en  pantoufles,  par  Léon  Gozlan.  Bruxelles,  1850, 
in-32.  —  Honoré  de  Balzac,  sa  vie  et  ses  œuvres  :  Biographie 
par  Théophile  Gautier.  Analyse  de  la  Comédie  humaine  par 
H.  Taine.  Bruxelles,  H.  Dumont,  1858,  in-12  (avec  un  portrait 
lithographie  et  un  fac-similé  de  signature).  La  première  édition 
française  a  paru,  en  1859,  chez  Poulet-Malassis,  in-12  (avec  un 
portrait  gravé  à  l'eau-forte  par  E.  Hedouin  et  un  fac-similé 
d'autographe).  —  Balzac,  sa  vie  et  ses  œuvres,  d'après  sa  cor- 
respondance, par  Mm8  Laure  Surville,  née  de  Balzac.  Paris, 
Librairie  nouvelle,  1858,  in-12.  Une  nouvelle  édition  a  paru,  en 
1878,  chez  Calmann  Lévy,  in-18.  (C'est  à  cette  édition  que  nous 
renverrons  le  lecteur,  chaque  fois  qu'elle  sera  citée.)  —  Por- 
trait intime  de  Balzac.  Sa  vie,  son  humeur  et  son  caractère, 
par  Edmond  Werdet,  son  ancien  libraire.  Paris,  A.  Silvestre, 
1859,  in-12.  —  OEuvres  illustrées  de  Champfleury.  Grandes 
figures  d'hier  et  d'aujourd'hui.  Balzac,  Gérard  de  Nerval,  avec 
quatre  portraits  gravés  à  l'eau-forte  par  Bracquemond.  Paris, 
Poulet-Malassis   et  De  Broise,    1801,   in-12.    —  Balzac  chez   lui. 


14  LA  JLl'NLSSL  DE  BALZAC. 

D'autres  écrivains  ont  raconte  le  Balzac  exté- 
rieur qui  encombrait,  de  son  exubérance  affairée, 
les  dernières  années  du  règne  de  Louis-Phi- 
lippe  :  le  Balzac  des  libraires  et  des  imprimeurs, 
le  Balzac  des  gazetiers  et  des  huissiers,  le  Balzac 

Souvenirs  des  Jardies,  par  Léon  Gozl.yn.  Paris,  Michel  Lcvy 
frères,  I86v2.  in-12.  —  Champfleury.  Documents  pour  servir  à  la 
biographie  de  Balzac.  I.  Balzac  propriétaire,  avec  plan  des 
Jardies  et  autographe.  Paris,  1875,  in-18. —  Champfleury.  Docu- 
ments pour  servira  la  biographie  de  Balzac.  Balzac  au  collège, 
avec  une  vue  dessinée  d'après  nature  par  A.  Queyroy.  Paris, 
A.  Palay,  1878,  in-18.  — -  Champfleury.  Documents  pour  servir  à 
la  biographie  de  Balzac.  Balzac,  sa  méthode  de  travail,  élude 
d'après  des  manuscrits.  Parts,  A.  Patay,  1879,  in-18.  —  Balzac 
by  Edgar  Evertson  Saltus.  Boston,  Hougton,  Mifflin  and  Com- 
pany, 1884,  pet.  in-8.  —  R.  du  Pontavice  de  Heussey.  Balzac  en 
Bretagne.  Cinq  lettres  inédites  de  l'auteur  des  Chouans. 
Rennes,  Hlhe  Caillière,  1885,  in-lG  carré.  —  Le  Tiroir  aux  souve- 
nirs, par  Albéric  Second.  Paris,  E.Dentu,  1886,  in-18.  Pp.  3  à  19  : 
Balzac  à  Angoulème  ;  pp.  21  à  55  :  Balzac  à  Paris  ;  pp.  57  à  52  : 
Balzac  à  la  campagne.  —  Balzac  et  ses  amies,  par  Gabriel 
Ferry.  Paris,  Calmann  Léoy,  1888,  in-18.  —  Comte  G.  de  Con- 
tades.  Balzac  alençonnais.  Alençon.  E.  Renaut-De  Broise,  1888, 
in-8.  —  L'Œuvre  de  H.  de  Balzac,  étude  littéraire  et  philoso- 
phique sur  la  Comédie  humaine,  par  Marcel  Barrière.  Paris,  Cal- 
mann Lévy,  1890,  in-8.—  Julien  Lemer.  Balzac,  sa  vie,  son  œuvre. 
Lettre  adressée  à  l'auteur  par  Ernest  Renan,  de  l'Académie 
française.  Paris,  R.  Sauvaître,  1892,  in-18.  —  Paul  Flat.  Essais 
sur  Balzac.  Paris,  E.  Pion,  Nourrit  et  Cie,  1895,  in-18.  —  Paul 
Flat.  Seconds  essais  sur  Balzac.  Parts,  E.  Pion,  Nourrit  et  £>, 
1894,  in-18.  —  Edmond  Biré.  Honoré  de  Balzac.  Paris,  Honoré 
Champion,  1897,  in-8.  —  A.  Fray-Fournier.  Balzac  à  Limoges . 
Limoges,  Ve  H.  Ducourticux,  1898,  in-8.  —  Balzac  ignoré,  par  le 
docteur  Cabanes.  Paris,  A.  Charles,  1899,  in-4°  (avec  portraits). 
—  La  médecine  et  les  médecins  dans  l'œuvre  de  H.  de  Balzac 
(thèse),  par  le  Dr  P.  Caujole.  Lijon,  Slorck,  1900,  in-8.  —  Balzac 
à  vingt  ans,  par  Eugène  Gilbert.  Bruxelles,  Société  belge  de 
librairie,  1904,  in-12.  —  Balzac  dans  l'intimité  et  les  types  de  la 
Comédie  humaine,  par  J.  Lhomer.  Paris,  Lemasle,  190 i,  in-8.  — 
Balzac,  l'homme  et  l'œuvre,  par  André  Le  Breton.  Port*, 
Armand  Colin  et  6>,  1905,  in-12.  —  Honoré  de  Balzac,  1799-1850. 


PREMIÈRES  \RMES.  '"■ 

garde-national1  et  I»'  Balzac  rabelaisien,  le 
Balzac  en  robe  <l<*  chambre  el  le  Balzac  en 
pantoufles,  môme  le  Balzac  à  la  canne,  le  Balzac 
des  Jardies*. 

Tout  ce  qui,  dans  cette  vie,  prêtait  à  l'anec- 
dote ou  à  la  caricature,  tout  cela  nous  a  été 
exposé  dans  un  Musée-Balzac  qui  commence  à 
prendre  les  proportions  de  ce  Musée-Gœthe  el 
de  ce  .Musée-Shakespeare  que  les  Allemands  et 
les  Anglais  ont  consacrés  à  la  mémoire  de  leurs 
plus  illustres  poêles. 

Mais  l'extérieur  n'est  pas  tout  l'homme.  Et, 
sous  celle  averse  d'observations  et  d'indiscré- 
tions, parfois  amusantes,  le  plus  souvent  super- 
ficielles, le  fond  se  dérobe. 

Balzac  a  écrit  :  «  Je  suis  inexplicable  pour 

par  Ferdinand  Brunetière.  Paris,  1905,  in-8.  —  Balzac  juriscon- 
sulte et  criminaliste,  par  Fernand  Roux.  Paris,  Dajarric,  1006, 
in-12.  —  Balzac  peint  par  lui-même,  par  Eugène  Gilbert.  Bru- 
xelles, J.  Goemare,  1906,  in-8.  —  Balzac,  ses  idées  sociales,  par 
l'abbé  Charles  Calippe.  [Reims,]  Lecoffre,  1006,  in-12.  —  La 
Dilecta  de  Balzac,  Balzac  et  Mm8  de  Berny,  1820-1836,  par 
G.  Ruxton.  Préface  de  M.  Jules  Lemaitre.  Paris,  Pion,  Nourrit, 
et  O,  1909,  in-12.  —  H.  de  Balzac.  Pensées,  sujets,  fragmens... 
avec  une  préface  et  des  notes  de  Jacques  Crépet.  Paris,  A. 
Blaizot,  1910,  in-8.  —  Louis  Lumet.  Honoré  de  Balzac,  cri- 
tique littéraire.  Paris,  Albert  Messein,  1912,  in-8.  —  Balzac,  par 
Emile  Faguet.  Paris,  Hachette  et  Cip,  1913,  in-16. 

Pour  les  autres  ouvrages,  brochures  ou  articles,  consulter 
Y  Histoire  des  Œuvres  de  H.  de  Balzac,  par  le  vicomte  de  Spoel- 
berch  de  Lovenjoul,  3e  édit.,  pp.  551-406  et  471-496.  Voir  aussi 
Manuel  de  l'amateur  de  livres  du  XIX'  siècle,  par  Georges  Vicaire. 
Paris,  Rouquette,  1894,  t.  I,  col.  171-256. 

1.  Collection  Lovenjoul,  ms.  A  547. 

2.  Collection  Lovenjoul,  mss.  A  523-524. 


16  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

tous,  nul  n'a  le  secret  de  ma  vie,  et  je  ne  veux 
le  livrera  personne1.  » 

Cependant,  depuis  qu'ont  paru  les  Lettres  à 
l'Étrangère,  un  coin  du  voile  se  soulève.  L'homme 
qui  a  le  plus  fait  pour  la  mémoire  de  Balzac,  le 
maître  érudit  et  l'heureux  collectionneur  qui  a 
su  arrachera  la  destruction  les  précieuses  épaves 
de  la  vie  privée  et  de  la  vie  littéraire  de  l'écri- 
vain, le  vicomte  de  Spoelberch  de  Lovenjoul, 
aurait  pu  seul  tout  raconter,  parce  que,  seul,  il 
savait  tout.  Il  nous  devait  une  vie  de  Balzac2. 

1.  Lettres  à  V Étrangère  (1833-1842).  Paris,  Calmann  Lévy,  1809, 
in-8,  p.  418  (lettre  CXXVI,  19  juillet  1837). 

'2.  Le  nom  du  vicomte  de  Spoelberch  de  Lovenjoul  est  tel- 
lement uni  à  la  mémoire  littéraire  de  Balzac  qu'il  suffît  de 
le  citer.  Le  travail  du  collectionneur,  de  l'érudit,  du  critique  a 
éclairé  d'un  jour  entièrement  nouveau  l'œuvre  énorme  mais 
confuse  du  puissant  romancier.  Voici  les  titres  des  principaux 
ouvrages  balzaciens  du  vicomte  de  Spoelberch  de  Lovenjoul  : 

—  Histoire  des  Œuvres  de  H.  de  Balzac,  par  Charles  de 
Lovenjoul.  Paris,  Calmann  Lévy,  1879,  in-8.  Une  «  troisième 
édition  entièrement  revue  et  corrigée  à  nouveau  »  a  paru  chez 
le  même  éditeur,  en  1886,  un  vol.  in-8.  —  Un  dernier  chapitre 
de  l'Histoire  des  OEuvres  de  H.  de  Balzac,  par  Charles  de 
Lovenjoul.  Paris,  Denlu,  1880,  in-8.  —  Les  Avatars  d'une  œuvre 
de  Balzac,  par  M.  le  Ve  de  Spoelberch  de  Lovenjoul.  Extrait 
de  la  «  Revue  rétrospective  ».  Paris,  aux  bureaux  de  la  Revue 
rétrospective,  55,  rue  de  Rivoli,  55,  1892,  in-12.  —  Notules  sur 
Honoré  de  Balzac,  par  un  de  ses  amis,  publiées  par  le  vicomte 
de  Spoelberch  de  Lovenjoul.  Paris,  Techener,  1896,  in-8.  — 
Vicomte  de  Spoelberch  de  Lovenjoul.  Études  balzaciennes. 
Un  roman  d'amour.  Pains,  Calmann  Lévy,  1896,  in-18.  — 
Vicomte  de  Spoelberch  de  Lovenjoul.  Études  balzaciennes. 
Autour  de  Honoré  de  Balzac.  Paris,  Calmann  Lévy,  1897,  in-18. 
—  V,e  de  Spoelberch  de  Lovenjoul.  La  Genèse  d'un  roman  de 
Balzac:  Les  Paysans.  Lettres  et  fragments  inédits.  Paris.  Paul 
Otlendorff,  1901,  in-18. —  V*  de  Spoelberch  de  Lovenjoul.  Une 
Page  perdue  de  II.  de  Balzac.  Paris,  Paul  Ollendorjf]  1903.  in-18. 


PREMIÈRES  \i;mi:s.  it 

Aucune  convenance  n'empêche  d'aborder, 
aujourd'hui,  ce  sujet.  Emporté  souveni  par  son 
tempérament,  par  ses  besoins,  par  sn  fougue, 
Balzac  n'en  fui  pas  moins,  toute  sa  vie,  labo- 
rieux, généreux  et  probe.  Il  a  été  entouré  des 
pins  nobles  el  des  plus  délicates  affections.  La 
vérité  ne  diminuerait  personne.  Elle  laisserai 
entrevoiries  faiblesses  el  les  misères  humaines, 
sans  rabaisser  l'humanité. 

Parlant  de  lui-même  avec  cet  orgueil  hou 
enfant  qui  le  soutint  toujours,  Balzac  écrivait, 
en  1837,  à  Mme  Hanska  :  «  Si  vous  n'admirez  pas 
un  homme,  qui,  portant  le  faix  d'une  dette 
pareille,  écrivant  d'une  main,  se  battant  de  l'au- 
tre, ne  commettant  jamais  de  lâcheté,  ne  pliant  ni 
sous  l'usurier,  ni  sous  le  journalisme,  n'implo- 
rant personne,  ni  son  créancier,  ni  son  ami, 
n'a  pas  chancelé  dans  le  pays  le  plus  soupçon- 
neux, le  plus  égoïste,  le  plus  avare  du  monde  et 
où  Ion  ne  prête  qu'aux  riches,  que  la  calomnie 
a  poursuivi,  poursuit  encore,  que  l'on  a  mis  à 
Ste-Pélagie  quand  il  était  auprès  de  vous,  à 
Vienne,  vous  ne  savez  rien  de  ce  monde1  !  » 

Cette  existence  du  Titan  moderne,  cloué  au 
rocher,  assailli  par  une  nuée  de  vautours  et  par 
une  marée  montante  d'encre  et  de  papier,  cette 

1.  Collection  Lovenjoul,  ms.  A  301,  fol.  425.  —  Lettres  à  V Étran- 
gère..., p.  416  (lettre  CXXVI,  19  juillet  1857). 


IN  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

existence,    la    voilà    résumée    en    dix   lignes. 

11  y  eut  aussi  des  heures  de  détente,  d'apaise- 
ment et  de  consolation,  des  heures  intimes 
et  douces.  Elles  sont  rappelées  par  Balzac 
dans  cette  même  lettre,  qui  est  comme  une 
courte  confession  :  «  Je  serais  bien  injuste  si  je 
ne  disais  pas  que,  de  1823  à  1833  \  un  ange 
m'a  soutenu  dans  cette  horrible  guerre.  Madame 
de  B...,  quoique  mariée,  a  été  comme  un  dieu 
pour  moi,  elle  a  été  une  mère,  une  amie,  une 
famille,  un  ami,  un  conseil;  elle  a  fait  l'écrivain, 
elle  a  consolé  le  jeune  homme,  elle  a  créé  le 
goût,  elle  a  pleuré  comme  une  sœur,  elle  a  ri, 
elle  est  venue  tous  les  jours,  comme  un  bienfai- 
sant sommeil,  endormir  les  douleurs2.  » 

De  1823  à  1833,  ce  sont  les  années  de  jeunesse 
et  de  formation  (Balzac  était  né  en  1799;  il  avait 
donc  vingt-quatre  ans  en  1823  et  trente-quatre 
ans  en  1833)3.  Ce  sont  aussi  les  premières 
années  de  lutte  ;  c'est  le  premier  contact  avec  la 

1.  Balzac,  dans  sa  lettre  du  19  juillet  1837  à  Mmo  Hanska, 
écrit  bien  1823  :  mais  c'est  1822  qu'il  faudrait  lire,  si  l'on  s'en 
rapporte  à  la  dédicace  de  Louis  Lambert,  datée  de  1822-1832. 

2.  Collection  Lovenjoul,  ms.  A  501,  fol.  427. —  Lettres  à  l'Étran- 
gère... p.  418  (lettre  CXXVI,  19  juillet  1837). 

5.  Voir  Appendice  I,  pièce  n°6.  Né  à  Tours,  Balzac  était  albi- 
geois d'origine.  M.  Alfred  Caraven-Cachin.  de  Salvagnac  (Tarn), 
a  bien  voulu  faire,  à  notre  intention,  quelques  recherches  sur 
les  origines  de  la  famille  de  l'illustre  écrivain.  On  trouvera  des 
extraits  de  la  notice  qu'il  nous  a  aimablement  communiquée 
au  chapitre  dans  lequel  il  est  plus  particulièrement  parlé  du 
père  de  Balzac,  p.  122. 


PREMIÈRES  ARMES.  19 

vie.  Balzac  <isi  encore  incertain  sur  la  carrière 
qu'il  va  suivre.  Son  père  voudrait  le  détourner 
des  lettres.  Sa  mère,  sa  sœur  surveillent  avec 
anxiété  ses  premiers  battements  d'aile,  alors 
qu'il  est  encore  en  cage  clans  la  mansarde  de  la 
rue  Lesdiguières,  non  loin-de  la  Bibliothèque  de 
l'Arsenal  \ 

C'est  alors  qu'il  écrit  ses  premières  œuvres, 
une  tragédie  (Cromwell),  qui  fait  hausser  les 
épaules  aux  Aristarques  de  la  famille,  des  arti- 
cles de  journaux,  des  nouvelles,  des  romans 
sans  nombre2. 


1.  Le  vicomte  de  Spoelberch  de  Lovenjoul  a  publié,  dans  le 
Bulletin  du  Bibliophile  (année  1896,  pp.  601-614),  des  Notules  sur 
Honoré  de  Balzac  par  un  de  ses  amis.  Ces  «  notules  »  ont  été 
réimprimées  dans  Une  page  perdue  de  H.  de  Balzac.  Notes  et 
documents.  Paris,  Paul  Ollendorff,  1903,  in-18;  pp.  111-134.  C'est 
à  ce  dernier  ouvrage  que  nous  renverrons  chaque  fois  que 
nous  aurons  l'occasion  de  citer  les  Notules.  L'ami  de  Balzac 
dont  il  est  ici  question  est  M.  Auguste  Fessart.  Quand,  en 
1858,  parut,  pour  la  première  fois,  le  livre  de  Mme  Surville,  née 
de  Balzac,  intitulé  Balzac,  sa  vie  et  ses  œuvres  d'après  sa  corres- 
pondance, Paris,  Librairie  nouvelle,  1838,  in-12,  M.  Fessart  s'em- 
pressa d'annoter  son  exemplaire  ;  ce  sont  ces  notes  qu'a 
publiées  le  vicomte  de  Spoelberch  de  Lovenjoul. 

A  propos  de  l'installation  de  Balzac,  rue  Lesdiguières,  par 
ses  parents,  M.  Fessart  écrit  :  «  Il  fallait  entendre  [MJ  de  Balzac 
parler  de  sa  position  d'alors,  et  [dej  la  dureté  de  ses  parents 
à  son  égard  !  » 

2.  Dans  une  lettre  à  sa  sœur,  écrite  de  Paris  en  septembre 
1819  (et  non  1820,  comme  il  est  imprimé  par  erreur  dans  la  Cor- 
respondance), Balzac  lui  envoie  le  plan  de  son  Cromwell.  «  Ce 
n'est  pas  un  médiocre  cadeau,  écrit-il,  et  une  petite  preuve 
d'amitié  que  je  te  donne  en  te  fesant  assister  à  l'accouche- 
ment et  à  toutes  les  opérations  lentes  et  préparatoires  du 
Génie  (mocque-toi).  Comme  ce  n'est  qu'un  croquis  (où  il  y  aura 


'20  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Tout  à  coup,  il  prend  un  parti  héroïque.  Il 
renonce  à  la  carrière  des  lettres.  Il  rêve  d'une 
fortune  rapide.  Il  se  juge  apte  aux  affaires.  Il 
achète  un  brevet  d'imprimeur  et  il  se  consacre 
à  une  entreprise  qui  absorbera  les  années  de  sa 
jeunesse  et  qui  accablera  son  avenir  du  poids 
de  cette  fameuse  dette  qu'il  ne  parviendra  jamais 
à  soulever. 

Dans  cette  phase  décisive,  l'amie  douce  et 
maternelle  était  auprès  de  lui.  Elle  souffrit  de 
ses  peines  et  ses  frêles  mains  de  femme  s'effor- 
cèrent de  soutenir  le  fardeau  :  u  Sans  elle, 
certes,  je  serais  mort1  »,  s'écrie-t-il  encore, 
et  il  n'oubliera  jamais  ce  qu'elle  avait  fait 
pour  lui. 

Or,  c'est  précisément  cet  épisode  de  la  vie  du 
romancier,  que  des  documents  inédits  nous  ont 
permis  d'étudier,  que  l'obligeance  inépuisable 
du  vicomte  de  Lovenjoul  a  éclairé  à  nos  yeux 
d'une  façon  presque  complète  et  que  nous 
allons  essayer  de  raconter. 

A  vrai  dire,  Balzac  l'a  raconté  lui-même.  Il  l'a 


cepend'  quelques  morceaux  perfectionnés,  çà  et  là),  je  te 
laisserai  une  grande  marge  où  tu  pourras  graver  tes  sublimes 
observations.  »  Collection  Lovenjoul,  ms.  A  276,  fol.  14.  —  Œuvres 
complètes  de  H.  de  Bahac,  t.  XXIV.  Correspondance.  1819-1850. 
Avec  portrait  et  fac-similé.  Paris,  Calmann  Lévy,  1876,  in-8,  p.  20. 
Voir  aussi  Une  Page  perdue  de  H.  de  Balzac,  p.  125. 

1.  Collection  Lovenjoul,  ms.  A  301,  fol.  427.  —  Lettres  à  l'Étran- 
gère..., p.  418  (lettre  CXXVI,  19  juillet  1837). 


PREMIERES  ARMES.  21 

raconté  dans  les  Illusions  perdues* ;  il  l'a  raconté 
dans  César  Birotteau*;  il  l'a  raconté  dans  Le  Curé 
de  village*;  il  l'a  raconté  <mi  cent  endroits  de  la 
Comédie  humaine. 

Le  premier,  Balzac  a  entouré  la  vie  du  maté- 
riel de  la  vie.  L'histoire  d<*  l'imprimerie  dos 
Séchard,  dans  Illusions  perdues,  c'est  celle  de 
l'imprimerie  de  Balzac  et  Barbier,  rue  des  Ma- 
rais-Saint-Germain. La  faillite  de  l'illustre  César, 
c'est  la  déconfiture  de  Balzac  et  de  ses  associés. 
Ce  sont  les  mômes  figures,  les  mômes  faits,  les 
mêmes  événements,  les  mêmes  sentiments,  par- 
fois les  mêmes  noms4. 

Et  c'est  par  là  que  l'œuvre  de  Balzac  vous 
prend  aux  moelles  ;  car  ce  grand  imaginatif  n'a 
fait  que  revivre  et  recréer  la  réalité. 

Balzac,  donc, en  1822,  avait  vingt-trois  ans.  11 
avait  fait  ses  classes  au  collège  de  Vendôme  et 
s'étaitplongé,  dès  lors,  dans  des  lectures  infinies, 
trop  fortes  pour  son  âge,  qui,  un  moment,  avaient 

1.  Œuvres  complètes  de  H.  de  Balzac,  édition  Lévy,  t.  VII. 
pp.  133-738. 

2.  Œuvres  complètes  de  H.  de  Balzac,  édition  Lévy,  t.  VIII, 
pp.  321-593. 

3.  Œuvres  complètes  de  H.  de  Balzac,  édition  Lévy,  t.  XIV, 
pp.  1-232. 

4.  On  retrouve,  dans  Illusions  perdues,  le  nom  de  plusieurs 
personnes  avec  lesquelles  Balzac  fut  en  relation  comme  impri- 
meur: Gillé,  Didot,  etc.  Voir  Appendices  VII  et  VIII,  pièces 
nos  65,  69  et  80. 


M  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

accanlé  son  intelligence  et  menacé  sa  robuste 
santé1.  Ayant  terminé  ses  classes  dans  deux 
institutions  de  Paris,  il  avait  pris  ses  inscrip- 
tions et  commencé  ses  études  de  droit2.  Pour- 
tant, contrairement  à  ce  qu'a  écrit  Mme  Surville, 
il  n'avait  pas  poussé  jusqu'à  la  licence.  N'ayant 
passé  que  le  premier  examen  de  baccalauréat 
en  droit,  il  était  entré  d'abord  chez  l'avoué 
M.  de  Merville,  puis  chez  le  notaire  M.  Passez3. 


1.  «  ...  Ma  mère,  alarmée  d'une  fièvre  qui,  depuis  quelque 
temps,  ne  me  quittait  pas,  et  à  laquelle  mon  inaction  corpo- 
relle donnait  les  symptômes  du  coma,  m'enleva  du  collège  en 
quatre  ou  cinq  heures.  »  Voir  Louis  Lambert,  Œuvres  complètes, 
t.  XVII,  p.  49.  —  Voir  aussi  Balzac,  sa  vie  et  ses  œuvres,  par 
Laure  Surville,  pp.  20-21,  et  Champleury,  Balzac  au  collège, 
pp.  10-13. 

2.  Voici,  d'après  la  fiche  conservée  dans  les  archives  de  la 
Faculté  de  droit  de  Paris,  que  nous  a  obligeamment  commu- 
niquée M.  Petit,  secrétaire,  les  dates  auxquelles  Balzac  prit 
ses  inscriptions  et  passa  un  examen:  lre  Inscription,  4  no- 
vembre 1816  —  2%  14  avril  1817  —  3%  11  juillet  1817  —  4%  11  no- 
vembre, 1817  —  5e,  3  janvier  1818  —  6e,  3  avril  1818  —  7%  3  juil- 
let 1818  —  8e,  10  novembre  1818  —  9%  4  janvier  1819  —  10e, 
9  avril  1819.  La  fiche  mentionne,  en  outre,  que  Balzac  a  passé 
son  premier  examen  de  baccalauréat  en  droit  le  4  janvier  1819  ; 
elle  indique  les  noms  des  professeurs  dont  il  a  suivi  les  cours. 
En  première  année,  MM.  Boulage  (Code  civil)  et  Blondeau, 
alors  suppléant,  sans  indication  du  cours  qu'il  professait  ;  en 
deuxième  année,  MM.  Boulage  (Code  civil)  et  Pigeau (Procédure 
civile);  en  troisième  année,  MM.  Boulage  (Code  civil)  et  Cotelle 
(Code  civil  approfondi). 

3.  «  Honoré,  écrit  Mme  Surville,  entra  dans  l'étude  de  M.  de 
Merville,  notre  ami.  M.  Scribe  venait  de  la  quitter.  Après  dix- 
huit  mois  de  séjour  chez  cet  avoué,  il  fut  reçu  chez  M.  Passez, 
notaire,  où  il  resta  le  même  temps.  M.  Passez  habitait  la  mai- 
son où  nous  demeurions  et  était  aussi  l'un  de  nos  amis 
intimes.  »  Balzac,  sa  vie  et  ses  œuvres,  par  L.  Surville,  p.  51. 

C'est  à  M.   Guyonnet-Merville  que  Balzac  dédia  Un  Épisode 


PREMIÈRES  ARMES.  23 

Son  père,  directeur  des  vivres  h  la  première 
division  militaire  de  Paris,  et,  d'ailleurs,  un 
assez  singulier  original,  voyait  en  lui  un  futur 
notaire*.  Balzac  ne  songeait  qu'aux  lettres. 

Le  père  transigea;  il  consentit  à  faire  l'essai 
de  la  vocation  littéraire  de  son  iils  et  le  laissa 
s'installer,  hors  de  la  maison  paternelle,  en  lui 
assurant  une  rente  annuelle  de  1500  francs2. 

Les  premiers  essais  littéraires  de  Balzac  ne 
furent  encourageants  ni  pour  lui-même,  ni  pour 
les  siens.  Les  romans  que  Balzac  parvint  à 
publier,    sous  des  pseudonymes  divers",  n'eu- 


sous  la  Terreur,  paru  en  1831.  C'est  le  Derville  de  la  Comédie 
humaine.  Voir  Répertoire  de  la  Comédie  humaine  de  H.  de  Balzac, 
par  Anatole  Cerfbeer  et  Jules  Christophe...  Paris,  Calmann 
Lcvij,  1887,  in-8,  p.  133. 

L'étude  de  M.  Guillonnet  de  Merville  est  actuellement  celle 
de  Me  L.  Bertrand,  successeur  de  Me*  Desgranges  et  Paul  Poto- 
nié,  15,  rue  du  Louvre. 

M.  Edouard-Victor  Passez  fut  notaire  du  15  juin  1819  au 
22  janvier  1825  ;  à  cette  date,  son  étude  passa  à  M.  Jean- 
Baptiste  Guiffrey,  puis,  le  25  août  1831,  à  M.  Eugène  Olagnier, 
qui  eut  comme  successeur  M.  Jules-Charles  Desforges 
(20  décembre  1856-25  août  1876).  Le  titulaire  actuel  de  l'étude, 
1,  rue  d'IIauteville,  est  Me  Marcel  Plocque,  successeur  de 
Me  Jules  Plocque. 

1.  Voir  p.  124,  note  2. 

2.  Voir  Balzac,  sa  vie  et  ses  œuvres,  par  L.  Surville,  pp.  56-37, 
et  Une  Page  perdue  de  H.  de  Balzac,  par  le  Vle  de  Spoelberch 
de  Lovenjoul,  p.  128. 

3.  Voici  les  titres  de  ses  premières  œuvres  : 

—  L'Héritière  de  Birague,  histoire  tirée  des  manuscrits  de 
Dom  Rago,  ex-prieur  des  Bénédictins,  mise  au  jour  par  ses 
deux  neveux,  M.  A  de  Viellerglé,  auteur  des  Deux  Hector  et 
de  Charles  Pointel,  et  Lord  R'Hoone.  Paris,  Hubert,  1822,  4  vol. 
in-12.   (Dom  Rago  est  le  pseudonyme   d'Etienne  Arago  ;  A.  de 


U  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

rent  pas  de  succès.  Après  deux  ans,  on  lui 
coupa  les  vivres  et  il  dut  rentrer  sous  le  toit 
paternel1. 

Le  jeune  homme  se  désespère.  L'avenir  est 
bien  noir  devant  lui.  Il  voudrait  être  riche,  il 
voudrait  être  célèbre,  il  voudrait  être  aimé2. 


Viellerglé,  celui  de  M.  Le  Poitevin  Saint-Alme  ;  et  Lor<? 
R'Hoone,  l'anagramme  d'Honoré  [de  Balzac].)  —  Jean-Louis  ou 
la  fille  trouvée,  par  A.  de  Viellerglé  et  Lord  RHoone,  auteur 
de   l'Héritière   de   Birague.   Paris,    Hubert,   1822,    4    vol.    in-12. 

—  Clotilde  de  Lusignan,  ou  le  Beau  Juif  ;  manuscrit  trouvé 
dans  les  archives  de  Provence  et  publié  par  Lord  R'Hoone. 
Paris,  Hubert,  1822,  4  vol.  in-12.  (Réimprimé  en  1840,  sous  le 
titre  de  UIsraélite  dans  les  Œuvres  complètes  d'Horace  de  Saint- 
Aubin,  tomes  XI  et  XII.  Horace  de  Saint-Aubin  est  un  pseudo- 
nyme de  Balzac).  —  Le  Centenaire,  ou  les  deux  Béringheld, 
publié  par  M.  Horace  de  Saint-Aubin,  auteur  du  Vicaire  des 
Ardennes.  Paris,  Pollet,  1822,  4  vol.  in-12.  —  Le  Vicaire  des 
Ardennes  ;  publié  par  M.  Horace  de  Saint-Aubin,  bachelier 
es  lettres,  auteur  du  Centenaire.  Paris,  Pollet,  1822,  4  vol.  in-12. 

—  La  Dernière  fée,  ou  la  nouvelle  lampe  merveilleuse,  par 
M.  Horace  de  Saint-Aubin.  Paris.  J.  N.  Barba;  G.  C.  Hubert; 
B.  Mondor  ;  A.  Bobée,  1823,  2  vol.  in-12.  —  Annette  et  le  Crimi- 
nel, ou  suite  du  Vicaire  des  Ardennes.  Paris,  Emile  Buissot, 
1824,  4  vol.  in-12.  —  Du  Droit  d'aînesse,  par  M.  D*"*.  Paris, 
Delongckamps  ;  Dcntu  ;  Petit,  1824,  in-8.  —  Histoire  impartiale 
des  Jésuites.  Paris,  Delongchamps  ;  Maze,  1824,  in-16.  'Anonyme.' 

—  Wann-Chlore  Paris,  Urbain  Canel  ;  Delongchamps,  1825,  4  vol. 
in-12.  (Anonyme.  Réimprimé  sous  le  titre  de  Jane  la  Pâle  dans 
les  Œuvres  complètes  d'Horace  de  Saint-Aubin,  tomes  IX  et  X). 

—  Code  des  gens  honnêtes  ou  l'art  de  ne  pas  être  dupe  des 
fripons.  Paris,  J.  N.  Barba,  1825,  in-18.  (Anonyme.  Réimprimé, 
en  1854,  avec  le  nom  de  l'auteur.)  —  Petit  Dictionnaire  critique 
et  anecdotique  des  enseignes  de  Paris  par  un  batteur  de  pavé. 
Paris,  chez  les  marchands  de  nouveautés,  1826,  in-16.  [Un  batteur 
de  pavé  est  le  pseudonyme  de  Balzac.) 

1.  Voir  Une  Page  perdue  de  H.  de  Balzac,  pp.  135-128. 

2.  «  Et  l'on  appelle  vivre  cette  rotation  de  meule  de  moulin,  ce 
perpétuel  retour  des  mêmes  choses  !  Encore  si  quelqu'un 
;etiait  sur  cette  froide  existence  un  charme  quelconque.  Je  n'ai 


PREMIÈRES  A.RMES. 


Il  était  alors  dans  tout  l'éclat  de  La  plus  magni- 
fique jeunesse.  Nous  publions  un  portrait  qu'a 
fait  de  lui,  vers  ce  temps-là,  son  ami  Devéria1. 


point  encore  eu  les  (leurs  de  la  vie  et  je  suis  dans  la  Beule 
saison  où  elles  s'épanouissent.  Qu'ais-je  besoin  delà  fortune  e1 
de  ses  jouissances?  Quand  j'aurai  60  ans,  quand  od  ne  fait  plus 
que  d'assister  à  la  vie  «les  autres  et  que  l'on  a  plus  que  sa 
place  à  payer,  qu'il  est  nécessaire  d'avoir  les  babits  des 
acteurs!  Un  vieillard  est  un  homme  qui  a  dîné  et  qui  regarde 
ceux  qui  arrivent  en  faire  autant.  Or,  mon  assiette  est  vuide, 
elle  n'est  pas  dorée,  la  nappe  est  terne,  les  mets  insipides. 
J'ai  faim  et  [rien]  ne  s'offre  à  mon  avidité.  Que  me  faut-il?., 
des  ortolans,  car  je  n'ai  que  deux  passions  l'amour  et  la  gloire, 
et  rien  n'est  encore  satisfait,  rien  ne  le  sera  jamais.  »  (Collection 
Lovenjoul,  ms.  A  276,  fol.  -i5  v°.  — Œuvres  complètes,  t.  XXIV,  Cor- 
respondance, p.  35  (lettre  à  sa  sœur,  datée  de  Villeparisis,  1821.) 
1.  Le  portrait,  non  signé,  que  nous  avons  publié  dans  notre 
première  édition,  gravé  sur  bois  par  Lepère,  est  toujours  resté 
dans  la  famille  deBerny;  généreusement  offert  par  M.  Charles 
Tuleu  à  la  Collection  Lovenjoul,  il  en  fait  aujourd'hui  partie  ; 
c'est  ce  même  portrait  que  nous  donnons  dans  notre  nouvelle 
édition,  gravé  par  Clément.  D'après  les  traditions  que  nous 
avons  recueillies,  il  est  attribué  à  Achille  Devéria,  à  qui  Balzac, 
en  18  i3,  dédia  l'un  de  ses  romans,  Honorine.  L'original  est  exé- 
cuté à  la  sépia.  On  voit  dans  la  Correspondance  publiée  par 
Mme  Surville  (Œuvres  complètes,  t.  XXIV,  p.  50)  que,  dès  1825, 
époque  à  laquelle  Balzac  entreprit  la  publication  du  Molière 
et  du  La  Fontaine,  des  relations  d'amitié  s'établirent  entré 
l'artiste  et  l'écrivain.  Il  est  donc  possible  que  la  lettre  suivante 
(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  286,  fol.  200)  se  rapporte  au  portrait 
que  nous  donnons  : 

Mon  bon  Achille, 

Il  me  faut  à  l'instant  une  seppia  (sic)  de  ma  flgoure  ;  je  viens  ; 
donnez-moi  trois  heures  de  votre  tems.  Mais  trois  heures  sont 
un  immense  sacrifice,  vu  que  je  suis  traqué  par  le  travail. 
Brûlez  ce  petit  mot,  et  dites  oui  ou  non. 

Mille  gracieusetés. 

de  B[al]z[ac]. 

Le  billet  n'est,  malheureusement,  pas  daté  et  le  vicomte  de 
Lovenjoul  nous  écrivait  à  ce  sujet  :  «  A  mon  avis,  la  lettre  est  de 


26  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

La  (igure  et  le  corps  n'étaient  pas  empâtés 
et  alourdis;  Balzac  ne  portait  pas  encore  les 
cheveux  longs  ;  ils  étaient  coupés  courts  et  se 
dressaient  en  touffes  épaisses  sur  un  front  su- 
perbe; il  ne  portait  pas  non  plus  la  moustache; 
le  contour  de  la  physionomie  était  d'un  galbe 
extrêmement  pur  et  plein  sans  rondeur;  le  dou- 
ble menton  s'esquissait  à  peine  ;  la  bouche  abon- 
dante, fraîche,  voluptueuse  et  mobile  disait 
toutes  les  ardeurs  d'une  nature  puissante  et 
tendre;  le  nez,  aux  narines  frémissantes,  dessi- 
nait le  méplat  du  bout  qui  révélait  en  lui,  d'après 
lui-même,  le  flair  du  chien  de  chasse.  Le  tout, 
enfin,  était  animé,  éclairé,  enflammé  par  le 
magnifique  regard  de  ces  yeux  bruns,  «  pailletés 
d'or  »,  que  toutes  les  femmes  qui  l'ont  vu  ont 
signalé  :  regard  droit,  regard  pénétrant,  regard 
sincère,  regard  gai,  regard  mutin,  regard  en- 
chanteur, qui  paraîtrait  presque  féminin,  s'il 
n'était  soutenu  par  la  solidité  de  l'arcade  sour- 
cilière  et  par  l'autorité  du  front. 

la  fin  de  1834,  ou  de  1855  ;  car  elle  est  écrite  à  l'encre  rouge, 
encre  dont  Balzac  s'est  servi  pendant  fort  peu  de  temps.  Cer- 
taines parties  de  ses  manuscrits,  datant  de  cette  époque,  tels 
que  ceux  de  Séraphita,  du  Père  Goriot,  etc.,  sont  seules  écrites 
avec  cette  encre.  » 

Cependant  la  dédicace,  écrite  par  Balzac  au-dessous  du  por- 
trait et  qui  est,  en  partie,  celle  de  Louis  Lambert,  dédié  à  M™"  de 
Berny,  et,  d'autre  part,  l'existence  des  relations  entre  Devéria 
et  Balzac,  dès  1825,  permettent  de  penser  que  le  billet  se  rap- 
porte bien  à  l'exécution  du  portrait. 


PREMIÈRES  ARMES.  27 

A  cet  âge,  Balzac,  qui  fui  si  vite  déformé  j>;ir 
la  vie,  étail  beau, —  beau  d'une  beauté  ardente, 
expansive  el  rayonnante;  c'était  un  gars  noir, 
au  teintcoloré,  rond,  le  corps  plein,  «  les  mollets 
énormes  »,  robuste  et  bien  portant,  avec  l'éclair 
de  la  bonne  humeur,  le  charme  du  sourire  et  la 
Qamme  du  génie. 

M™6  de  Pommereul,  qui  le  reçut  dans  son  châ- 
teau  de  Fougères,  quelques  années  plus  tard, 
après  la  débâcle,  alors  que,  ruiné,  amaigri,  déjà 
changé,  il  cherchait  en  Bretagne  un  refuge  pour 
écrire  Les  Chouans,  Mœe  de  Pommereul  Ta  peint 
en  quelques  traits  précis  où  Ton  sent  toute 
l'acuité  de  l'observation  féminine  :  «  C'était  un 
petit  homme  avec  une  grosse  taille,  qu'un  vête- 
ment mal  fait  rendait  encore  plus  grossière  ;  ses 
mains  étaient  magnifiques  ;  il  avait  un  bien 
vilain  chapeau;  mais,  aussitôt  qu'il  se  découvrit 
tout  le  reste  s'effaça.  Je  ne  regardai  plus  que  sa 
tête...  ;  vous  ne  pouvez  pas  comprendre  ce  front 
et  ces  yeux-là,  vous  qui  ne  les  avez  pas  vus  :  un 
grand  front,  où  il  y  avait  comme  un  reflet  de 
lampe,  et  des  yeux  bruns  remplis  d'or,  qui  expri- 
maient tout,  avec  autant  de  netteté  que  la 
parole...  Que  vous  dirai-je?  Il  y  avait,  dans  tout 
son  ensemble,  dans  ses  gestes,  dans  sa  manière 
de  parler,  de  se  tenir,  tant  de  confiance,  tant  de 
bonté,  tant  de  naïveté,  tant  de  franchise  qu'il 


38  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

était  impossible  de  le  connaître  sans  l'aimer... 
une  bonne  humeur  tellement  exubérante  qu'elle 
devenait  contagieuse.  En  dépit  des  malheurs 
qu'il  venait  de  subir,  il  n'avait  pas  été  un  quart 
d'heure  au  milieu  de  nous,  nous  ne  lui  avions 
pas  encore  montré  sa  chambre,  et  déjà  il  nous 
avait  fait  rire  aux  larmes,  le  général  et  moi1...  » 
Tel  était  l'homme,  en  septembre  1828,  quand 
il  alla  chercher  un  refuge  chez  le  général  de 
Pommereul.  On  peut  deviner  de  quelle  allure 
large  et  vigoureuse  il  abordait  la  vie,  quand,  en 
1822  et  1823,  il  se  décidait  à  engager  la  lutte  et 
se  jetait  dans  la  mêlée. 

11  est  difficile  de  préciser  les  motifs  qui  déci- 
dèrent Balzac  à  se  faire  éditeur  d'abord,  et  bientôt 
imprimeur.  Il  y  a,  dans  tout  cela,  quelque  mys- 
tère. 

Ses  parents  vivaient  à  la  campagne.  Mme  Sur- 
ville raconte  que,  quand  Honoré  venait  à  Paris, 
il  descendait  dans  l'appartement  de  son  père  et 
qu'il  fit  ainsi  la  connaissance  «  d'un  voisin, 
homme  d'affaires,  qui  lui  conseilla  de  chercher, 
pour  se  faire  libre,  une  bonne  spéculation,  et  qui 
lui  fournit  les  moyens  de  l'entreprendre2  ». 

1.  Voir  Balzac  en  Bretagne,  par  R.  du  Pontavice  de  Heussey, 
pp.  21-22. 

2.  Voir  Balzac,  sa  vie  et  ses  œuvres,  par  Mme  Laure   Surville, 
p.  77. 


PREMIÈRES  ARMES.  29 

On  a  <lil  aussi  que  Balzac  eut,  le  premier, 
l'idée  des  éditions  compactés,  et  que  c'esl  lui 
qui  songea,  d'abord,  à  publier  en  un  seul  volume, 
les  œuvres  de  Molière  el  celles  de  La  Fontaine. 

Il  peut  y  avoir  du  vrai  dans  loul  cela,  mais 
c'esl  une  vérité  un  peu  arrangée.  L'idée  des 
éditions  compactes  n'appartient  pas  à  Balzac. 
11  ne  fit  que  reprendre  à  son  compte  des  projets 
déjà  en  cours  d'exécution. 

Quant  au  «  voisin  homme  d'affaires  »,  nous 
le  connaissons,  c'est  M.  d'Assonvillez.  11  paraît 
avoir  eu  quelque  liaison  avec  la  famille  de  Berny, 
qui  allait  jouer  un  si  grand  rôle  dans  la  vie  de 
Balzac. 

M.  d'Assonvillez  explique  lui-même  en  termes 
précis,  dans  une  lettre  adressée  à  Balzac,  le  rôle 
qu'il  a  joué  dans  cette  phase  de  la  carrière  de 
son  jeune  ami  :  «  Mon  cher  Honoré...  vous  savez 
que  je  n'ai  jamais  connu  M.  Urbain  Canel,  que 
je  n'ai  jamais  eu  confiance  en  lui,  que  je  n'ai 
jamais  fait  d'affaires  avec  lui  et,  dès  lors,  que 
jamais  je  n'ai  été  à  même  de  faire  avec  lui  des 
gains,  qui  pourraient  aujourd'hui  me  consoler 
de  la  perte  énorme  que  l'on  me  propose.  Dans 
cette  affaire,  c'est  vous  seul  que  j'ai  désiré 
obliger;  c'est  une  entrée  dans  les  affaires  que  je 
voulais  vous  procurer,  etc...1  ». 

1.  Voir  Appendice  V,  pièce  n°  28. 


30  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Balzac  donne  une  autre  explication  :  il  assure 
que  c'est  pour  avoir  voulu  s'intéresser  au  sort 
d'un  ouvrier  imprimeur  qui  lui  parut  avoir  du 
mérite,  et  qui  devint  son  associé,  qu'il  se  lança 
dans  ces  affaires  malheureuses1. 

Ce  qui  résulte  des  documents  que  nous  avons 
sous  les  yeux,  c'est  que,  antérieurement  au  mois 
d'avril  1 825,  lecélèbre  éditeur  romantique  Urbain 
Canel  avait  entrepris  de  publier  un  Molière  et  un 

1.  «  Pendant  huit  jours,  Latouche  courut  tout  Paris  pour 
découvrir  son  Balzac  ;  à  la  fin,  il  apprit  que  son  butor  de  génie 
s'était  fait  imprimeur  rue  des  Marais-Saint-Germain,  avec  un 
prote  de  l'imprimerie  Tastu  pour  associé.  Ce  prote  se  nommait 
Barbier  »  Voir  Henri  Monnier,  Mémoires  de  Monsieur  Joseph  Prud- 
homme.  Paris,  Librairie  nouvelle,  1857,  2  vol.  in-12,  t.  II,  p.  100. 

«  ....  Ainsi,  pour  avoir  3  fois  dans  ma  vie,  voulu,  moi  faible, 
m'intéresser  à  des  malheureux  et  les  prendre  en  croupe  sur 
mon  cheval  ou  dans  ma  barque,  trois  fois,  l'ouvrier  impri- 
meur, Jules  Sandeau  et  Werdet,  ont  brisé  le  gouvernail,  fait 
sombrer  la  barque,  m'ont  jette  à  l'eau  tout  nu...  »  Collection 
Lovenjoul,  ms.  A  301,  fol.  373  v°.  —  Lettres  à  l'Étrangère,  p.  555 
(lettre  CXV,  22  octobre  1836). 

Le  peintre  Boulanger  venait  de  terminer  le  portrait  du  roman- 
cier. Balzac  écrit  à  Mme  Hanska  que  ce  portrait  sera  bientôt  en 
route  (car  on  l'emballe  cette  semaine)  et,  de  la  lettre  qu'il  lui 
adresse  à  ce  sujet,  nous  extrayons  le  passage  suivant  : 

«  ...  Boulanger  a  vu  l'écrivain  et  non  la  tendresse  de  l'imbé- 
cile que  l'on  attrapera  toujours,  et -non  la  mollesse  devant  les 
douleurs  d'autrui,  qui  fait  que  tous  mes  malheurs  viennent 
d'avoir  tendu  la  main  à  des  faibles  qui  tombaient  dans  l'or- 
nière du  malheur.  En  1827,  pour  rendre  service  à  un  ouvrier 
imprimeur,  je  me  vois,  en  1829,  accablé  de  150.000  f.  de  dettes 
et  jette,  sans  pain,  dans  un  grenier...  »  Collection  Lovenjoul, 
ms.  A  301,  fol.  ,414  v°.  —  Lettres  à  l'Étrangère,  p.  404  (lettre 
CXX1V,  31  mar-3  juin  1857). 

Voir  aussi  Balzac,  sa  vie  et  ses  œuvres,  par  Mmr  L.  Suryille, 
p.  80. 


PREMIÈRES  ARMES.  31 

La  Fontaine  compacts,  chacun  en  un  seul  volume 
in-octavo*. 

Le  La  Fontaine  devait  être  «  imprimé  à  deux 
colonnes,  en  caractère  dit  mignone,  tiré  sur 
papier  cavalier  vélin  de  la  fabrique  do  M.  Mont- 
golfier,  d'Annonay,  orne  de  trente  vignettes 
environ,  dessinées  par  Devéria  et  gravées 
par  Thompson  »,  et  ladite  édition  devait  être 
tirée  à  trois  mille  exemplaires,  et  vendue  par 
livraisons. 

Le  prospectus  du  Molière  fut  annoncé  dans  le 
numéro  de  la  Bibliographie  de  la  France  du 
23  avril  1825  ;  celui  du  La  Fontaine  dans  le  numéro 
du  14  mai  1825. 

Ce  qui  est  certain  également,  c'est  qu'à  cette 
même  époque,  c'est-à-dire  vers  le  milieu  d'avril 
1825,  il  se  constitua,  spécialement  pour  l'entre- 
prise des  œuvres  de  La  Fontaine,  une  société 
entre  le  libraire  Urbain  Canel,  M.  Charles 
Carron,  médecin,  demeurant  à  Paris,  rue  de 
l'Odéon,  n°  17,  Honoré  Balzac,  homme  de  lettres, 
demeurant  à  Paris,  rue  de  Berry,  n°  7,  et  M.  Jac- 
ques-Edouard Benêt  de  Montcarville,  officier  en 
réforme,  demeurant  à  Paris,  rue  Meslay,  n°41. 
Disons,  tout  de  suite,  que  cette  société  fut 
déclarée  dissoute  le  1er  mai  1826  et  que  Urbain 

1.  Voir  Appendice  V. 


32  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Canel,  Charles  Carron  el  de  Montcarville  cédè- 
rent, à  Honoré  Balzac  seul,  tous  les  droits  de 
propriété  sur  le  La  Fontaine  et  sur  le  travail  exé- 
cuté1. 

Cette  cession  fut  faite  par  Canel  et  consorts  à 
Balzac  pour  indemniser  celui-ci  des  sommes 
qu'il  avait  servies  à  Canel  en  vue  de  l'entreprise 
desdiles  œuvres  de  La  Fontaine,  «  que  le  sieur 
Urbain  Canel  est  dans  l'impossibilité  de  conti- 
nuer ». 

A  l'enregistrement,  Balzac  déclara  ces  som- 
mes comme  montant  à  cinq  mille  francs.  Mais 
un  document  plus  précis  et  plus  précieux  nous 
renseigne  exactement.  Car,  par  un  acte  du 
9  mai  1826,  Urbain  Canel  déclare  qu'il  s'est 
couvert  par  trois  billets,  l'un  de  2250  francs, 
l'autre  de  3000  francs,  l'autre  de  4  000  francs, 
tirés  du  15  mai  1825  au  31  août  1826,  sur 
Mmc  Berny  (sic).  Ce  qui  donne  le  chiffre  de 
9  250  francs  comme  prix  de  la  vente  du  La  Fon- 
taine*. 

Voilà  donc  que  nous  est  révélée,  dès  le  début, 
dans  les  affaires  de  Balzac,  l'intervention  de 
l'amie  chère  qui  s'était  attachée  à  lui  d'une 
affection  tendre  et  maternelle  ;  elle  lui  assurait 
le  moyen  «  de  sefairelibre  »  et  d'être  un  homme 

1.  Voir  Appendice  V,  pièces  nos  19  et  20. 

2.  Voir  Appendice  V,  pièce  n°  25. 


PREMIERES  ARMES.  "> 

maître  de  sa  vie  el  n'en  répondant  pins  quà 
lui-même  '. 

La  préface  du  La  Fontaine  <isi  écrite  par  Bal- 
zac, On  peut  supposer  qu'il  fut  mis  en  contact 
avec  Urbain  Cane!  par  la  commando  de  cette 
préface;  qu'il  fut,  ainsi,  amené  à  s'occuper  de 
Ta  (Taire  avec  ses  deux  premiers  associés, 
MM.  Carron  et  de  Montcarville*. 

L'association  fut  orageuse.  Nous  avons  une 
lettre  du  docteur  Carron,  où  il  s'excuse  auprès 
de  Balzac  de  lavoir  appelé  menteur  :  «  Si,  dans 
la  vive  discussion  que  nous  avons  eue,  mercredi 
dernier,  je  me  suis  écarté  des  règles  de  la  poli- 
tesse, j'y  ai  été  poussé  et  par  le  bon  droit  de  ma 
réclamation  et  surtout  par  le  ton  hautain  que 
vous  avez  pris  avec  moi  et  auquel  je  ne  suis 
point  habitué.  L'expression  de  menteur  dont  je 
me  suis  servi  est,  je  l'avoue,  trop  énergique  et 
doit  être  réprouvée  par  la  bienséance...  Bien 
qu'il  me  soit  pennible  (sic)  d'être  en  guerre 
ouverte  avec  un  homme  dont  j'ai  toujours  estimé 
le  caractère,  je  ne  puis,  vu  la  justice  de  ma 
cause,  vous  donner  une  plus  ample  rétrac- 
tation3. » 

C'était  suffisant.  Mais  les  rapports  n'étaient 

1.  Voir  Appendice  V,  pièce  n°  25. 

2.  Voir  Appendice  V,  pièces  n09  19  et  20. 

5.  Voir  le  texte  in  extenso  de  cette  lettre,  Appendice  V,  pièce 
n°  27. 


54  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

plus  possibles.  La  société  fut  dissoute,  et  Balzac 
recueillit  seul  toute  la  charge  d'une  entreprise 
qu'Urbain  Canel,  tombé  en  déconfiture,  se 
déclarait  «  dans  l'impossibilité  de  continuer  ». 

Mauvais  début!  Associés  véreux  ou  quinteux; 
entreprise  mal  conçue  et  mal  engagée;  à  peine 
Balzac  entre-t-il  dans  les  affaires  qu'il  voit  la 
faillite  à  ses  côtés. 

Mais  le  jeune  homme,  pour  des  raisons  trop 
faciles  à  comprendre,  a  voulu  quitter  le  domicile 
paternel;  il  est  libre;  son  imagination  puissante 
voit  les  perspectives  immenses  de  la  fortune  et 
de  l'avenir  s'ouvrir  devant  lui. 


BALZAC   IMPRIMEUR 


Balzac  ne  s'en  lient  pas  à  l'affaire  du  La  Fon- 
taine. Pour  lui  et  pour  ses  associés,  il  s'agit  de 
toute  une  collection  des  classiques  français  :  La 
Fontaine,  Molière,  Racine,  Corneille.  Les  pre- 
miers actes  sont  à  peine  signés  que  Balzac  se 
rend  à  Alençon  et  traite,  le  17  avril,  avec  le  gra- 
veur Godard  '  ;  celui-ci  doit  travailler  sans  retard 
aux  vignettes  d'après  les  dessins  de  Devéria. 

De  retour  à  Paris,  Balzac  se  consacre  à  plu- 
sieurs entreprises  qui,  tout  en  restant  dis- 
tinctes, se  rapportent  cependant  à  la  même 
idée  initiale. 

La  publication  d'un  Molière  fait  l'objet  d'un 
contrat  analogue  à  celui  du  La  Fontaine.  Il  est 
daté  du  14  avril  1825  \  On  ne  voit  pas  figurer, 
ici,  les  deux  associés,  Carron  et  Montcarville, 
qui  apparaissent  dans  l'autre  combinaison. 

Urbain  Canel  s'engage  à  partager  avec  Balzac 

1.  Voir  Appendice  V,  pièce  n°  18. 

2.  Voir  Appendice  V,  pièce  n°  43. 


M  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

les  profits,  bénéfices,  charges  et  périls  d'une 
édition  de  Molière  en  un  volume  in-octavo  entre- 
prise, jusque-là,  par  Delongchamps  et  Canel. 
L'ensemble  de  l'opération  devait  coûter  dix  mille 
cent  vingt-deux  francs,  y  compris  des  intérêts 
très  lourds,  qu'il  fut  nécessaire  de  verser 
d'avance  pour  obtenir  de  l'argent  de  M.  d'As- 
sonvillez1. 

Celui-ci  est,  à  la  fois,  l'initiateur  et  le  bailleur 
de  fonds.  Les  documents  publiés  à  l'appendice 
le   montrent    avançant   l'argent   dès   le  début, 

1.  Voir  Appendice  VI,  pièces  n09  45  à  40.  Nous  avons  rencontré, 
dans  divers  actes,  le  nom  de  ce  personnage  écrit  tantôt  (et  le 
plus  souvent)  d'Assonvillez,  tantôt  Dassonvillez.  De  quelques 
documents  conservés  dans  les  archives  de  la  mairie  de  Cer- 
neux,  près  Provins  (Seine-et-Marne),  qu'a  bien  voulu  nous  indi- 
quer l'instituteur  de  cette  commune,  M.  G.  Ravione,  il  résulte 
que  l'ami  de  Balzac,  qui  habitait  le  château  de  Montglas, 
s'appelait  Dassonvillez  de  Kougemont. 

C'est  évidemment  à  M.  d'Assonvillez  que  fait  allusion 
Mme  Surville  (Balzac,  sa  vie  et  ses  œuvres,  p.  79)  lorsqu'elle  écrit  : 
«  Le  bailleur  de  fonds,  qui  avait  ainsi  perdu  le  gage  de  sa 
créance,  intéressé  à  voir  prendre  à  mon  frère  une  profession 
qui  lui  donnât  la  chance  de  s'acquitter  avec  lui,  le  conduisit 
chez  un  de  ses  parents  qui  faisait  une  belle  fortune  dans  l'im- 
primerie... »  «  Le  créancier  de  mon  frère,  satisfait  de  cette 
résolution,  l'encourage,  se  charge  d'obtenir  le  consentement 
de  nos  parents  et  l'argent  nécessaire  à  cette  nouvelle  entre- 
prise ;  il  réussit;  mon  père  accorde  à  Honoré,  à  titre  de  dot,  le 
capital  de  la  rente  qu'il  avait  désirée  pour  ne  s'occuper  que 
de  littérature.  » 

C'est  également  ce  M.  d'Assonvillez  qui  est  visé  par  Balzac 
quand,  en  juin  1833,  il  écrit  à  sa  sœur  :  «  ...  Que  diable  allez- 
vous  faire  à  Montglat?...  Enfin,  vous  êtes  libres,  et  ce  n'est  pas 
un  reproche,  c'est  une  curiosité  ;  entre  frère  et  sœur,  cela 
se  pardonne.  »  (Œuvres  complètes,  t.  XXIV,  Correspondance. 
p.  177,  (lettre  CIX.) 


BALZAC  IMPRIMEUR.  51 

poursuivant  le  remboursemenl  de  sa  créance  à 
travers  les  différents  avatars  par  lesquels  passe 

Balzac,  prenant  ses  sécurités,  intervenant  à  la 
faillite  d'Urbain  Canel,  mettani  la  main  sur  le 
matériel  de   l'imprimerie,  dont  Balzac  et  son 

associe,  Barbier,  ne  seront  pins  que  de  simples 
locataires,  enfin,  agissant,  an  moment  de  la 
liquidation,  pour  tirer  son  épingle  du  jeu,  tout 
en  écrivant  à  Balzac  :  «  Ma  sécurité  ne  peut 
résulter  que  de  la  connaissance  que  j'ai  de  votre 
extrême  délicatesse.  » 

A  travers  les  réticences  de  Mme  Surville,  on 
sent  bien  que  la  famille  Balzac  a  toujours,  à  tort 
ou  à  raison,  gardé  rancune  à  cet  ami  trop  zélé 
qui  se  montrait,  en  même  temps,  un  homme 
d'affaires  si  pointilleux. 

Sur  la  somme  de  dix  mille  cent  vingt-deux 
francs,  avancée  par  M.  d'Assonvillez,  les  deux 
participants,  Canel  et  Balzac,  s'engagent  au  pro- 
rata de  leur  prise  de  fonds,  c'est-à-dire  chacun 
pour  cinq  mille  soixante  et  un  francs. 

Ainsi,  Balzac,  du  fait  de  sa  spéculation  sur 
les  deux  ouvrages,  se  trouvait  débiteur  d'au 
moins  quatorze  mille  soixante  et  un  francs.  En 
plus,  il  fallait  vivre. 

Il  est  vrai  que  l'on  comptait  sur  le  produit 
prochain  de  la  vente  par  livraisons.  Les  livrai- 
sons du  Molière  et  bientôt  celles  du  La  Fontaine 


M  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

parurent,  en  effet,  régulièrement,  dès  le  mois  de 
mai  de  l'année  1825.  Elles  se  vendaient,  chacune, 
cinq  francs.  L'un  ou  l'autre  des  deux  ouvrages, 
complet,  devait  valoir  vingt  francs.  On  le  cédait 
aux  libraires  au  prix  de  treize  francs,  sans 
compter  le  treizième.  On  l'offrit  même  à  huit 
francs1. 

Il  est  démontré,  maintenant,  que  l'idée  des 
éditions  compactes  n'appartient  pas  à  Balzac. 
L'affaire  était  décidée  avant  qu'il  s'en  occupât. 
D'ailleurs,  s'il  s'agit  d'un  type  analogue  à  celui 
du  La  Fontaine  et  du  Molière,  la  conception,  assez 
banale,  est,  en  même  temps,  des  plus  médiocres. 
La  non  réussite  de  l'opération  s'explique,  sans 
qu'on  s'en  prenne,  comme  l'a  fait  Mme  Surville, 
à  la  jalousie  «  des  confrères  patentés  ». 

Le  La  Fontaine  et  le  Molière  sont  imprimés  en 
caractères  trop  fins;  les  gravures  sont  exécra- 
bles2. En  outre,  le  prix  de  l'ouvrage  était  trop 
élevé.  L'édition  compacte  n'eût    pu  avoir    de 

1.  Voir  Appendice  V,  pièce  n°  21. 

2.  «  J'ai  fait  voir  aujourd'hui  même  vos  gravures  à  Devéria. 
qui  en  a  été  très  content,  et  il  nous  a  témoigné  sa  satisfac- 
tion d'avoir  su  trouver  en  vous  un  digne  traducteur  de  ses 
dessins.  Il  m'a  dit  qu'il  lui  était  impossible  de  vous  donner 
d'avis  sur  les  gravures  que  je  lui  soumettais,  parce  qu'il  n'en 
connaissait  pas  le  dessin  primitif;  mais  il  est  persuadé  qu'en 
travaillant  vous  deviendrez,  au  bout  de  deux  ou  trois  de  nos 
gravures,  le  plus  redoutable  adversaire  de  Thompson  et  des 
Anglais.  »  Collection  Lovenjoul,  ms.  A  258,  fol.  C^aîn'ï,liem. —  Œuvres 
complètes,  t.XXIV,  Correspondance,  p.  50 (lettre  XXII.  à  M.  Godard 
fils,  à  Alençon,  19  avril  1825).  Voir  aussi  Appendice  V,  pièce  n°  18. 


BALZAC  IMPRIMEUR.  59 

BUCCès  que  si  son  prix  lVù!  niisr  ;i  la  portée  des 

bourses  modestes;  cVsi  ce  que  comprirent  plus 
tard,  pour  réaliser  des  conceptions  analogues, 
les  Lefèvre  el  les  Charpentier. 

Balzac  n'était  pas  homme  à  faire  tant  de 
réflexions.  Le  conseil  qui  lui  était  donné,  le 
secours  qui  lui  élait  offert,  la  main  amie  qui  lui 
était  tendue,  tout  devait  l'engager  dans  cette 
spéculation. 

Les  hommes  d'affaires  se  jouaient  assez  aisé- 
ment de  ces  deux  impatiences  unies  s'excitant 
lune  l'autre.  On  livrait  à  Balzac  du  papier  noirci, 
des  livraisons  en  feuilles,  une  chance  douteuse 
de  gain  en  échange  d'argent  versé  ou  d'enga- 
gements fermes.  L'affaire  était  plus  que  médio- 
cre :  mais  Balzac,  novice,  ne  vit  que  les  brillants 
côtés  de  l'opération  :  il  fut  toujours  l'esclave 
de  son  imagination  ;  et,  en  ces  temps-là,  il  l'était 
deux  fois. 

L'insuccès  du  La  Fontaine  et  du  Molière  fut 
complet.  En  un  an,  on  ne  vendit  pas  vingt  exem- 
plaires l.  Cette  première  erreur,  au  lieu  d'avertir 

1.  «  Ces  éditions  restèrent  donc  parfaitement  inconnues  :  à 
une  année  de  leur  publication,  mon  frère  n'en  avait  pas  vendu 
vingt  exemplaires,  et  pour  ne  plus  payer  le  loyer  du  magasin 
où  elles  étaient  entassées  et  se  perdaient  il  s'en  défit  au  prix 
du  poids  brut  de  ce  beau  papier  qui  avait  coûté  si  cher  à 
noircir.  »  [Voir  l'affaire  Frémeau,  à  I'Appendice  V.]  Balzac,  sa  vie 
et  ses  œuvres,  par  Mme  Laure  Surville,  p.  78. 


40  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Balzac,  l'engagea  dans  une  série  d'autres.  Il  ne 
lui  suffit  plus  d'être  éditeur  :  il  veut  devenir 
imprimeur.  En  fréquentant  les  imprimeries, 
Balzac  avait  rencontré,  soit  chez  Rignoux, 
soit  chez  Baudouin,  un  prote  habile,  nommé 
A.  Barbier1.  Cet  homme  connaissait  bien  la 
partie  technique  du  métier.  Il  était  chargé 
de  famille.  Balzac  s'intéressa  à  lui.  Il  résolut 
de  le  prendre  pour  associé.  La  même  per- 
sonne qui  avait  conseillé  la  première  entreprise 
l'engagea  à  «  s'établir  »  définitivement  et  à 
acheter  un  fonds  d'imprimerie.  Mais,  pour 
cela,  il  fallait  de  l'argent,  beaucoup  d'argent2. 

1.  Rignoux,  devenu  imprimeur  en  1820,  était  imprimeur  de 
l'Ecole  de  médecine.  M.  Paul  Delalain  a  bien  voulu  nous 
fournir,  à  son  sujet,  quelques  renseignements  extraits  de  YAn- 
nuaire  de  V Imprimerie  et  de  la  Presse,  par  V.  Eugène  Gauthier, 
ouvrier  typographe  : 

«  M.  Rignoux  est  un  vieillard  actif  et  respectable,  luttant 
virilement  contre  le  flot  qui  tend  à  submerger  l'imprimerie  et 
la  librairie...  Une  fonderie  occupant  quatre  ouvriers  est  an- 
nexée à  cet  établissement...  »  (Annuaire  de  1854).  —  «  En  1831, 
M.  Rignoux,  qui  eut  longtemps  la  renommée  d'habile  impri- 
meur, essaya,  je  crois,  le  premier,  d'initier  les  femmes  à  l'art 
typographique  dans  un  établissement  qu'il  ouvrit  à  Montbar, 
dans  la  Côte-d'Or,  et  dont  il  confia  la  direction  à  M.  Théotiste 
Lefèvre...  »  (Annuaire  de  1855-1856). 

On  a  vu  que  Balzac  avait  été  en  relations  avec  les  Baudouin. 
Ce  serait  plus  vraisemblablement  à  leur  imprimerie  qu'il  aurait 
connu  André  Barbier.  Joseph  Tastu,  en  effet,  acquit,  le 
12  août  1822,  le  brevet  d'imprimeur  de  François-Jean-Charles 
Baudouin  qui,  lui-même,  le  tenait  de  son  père  François-Jean 
Baudouin  (1er  avril  1811).  Cf.  Paul  Delalain,  Liste  des  imprimeurs 
typographes  de  Paris  du  1"  avril  181 J  au  10  septembre  1870... 
(Paris,  impr.  D.  Dumoulin,  1899),  gr.  in-8,  p.  9. 

2.  Voir  ci-dessus  la  note  1  de  la  page  36. 


BALZAC  IMPRIME1  i;.  il 

On  (il  le  siège  du  père.  Séduit  j > ; 1 1 *  ridée  de  voir 
son  (ils  prendre  «  une  position  »,  un  «  étal  », 
poussé  par  les  mêmes  personnes,  il  se  décida  ;» 
engager,  à  titre  de  dot,  le  capital  de  la  renie  de 
quinze  cents  Francs  qu'il  allouait  antérieurement 
h  Balzac,  et  celui-ci  se  trouva  en  mesured'ache- 
tcr,  à  un  sieur  Laurens  aîné,  son  fonds  d'impri- 
merie, situé  rue  des  Marais-Saint-Germain 
(actuellement  rue  Visconti),  numéro  17l. 

Le  prix  d'acquisition  fut  probablement  de 
30  000  francs:  c'est  la  somme  que  Balzac  devait 
encore  à  Laurens  aîné,  au  moment  de  la  liqui- 
dation de  l'affaire,  le  16  août  1828;  et  cette  liqui- 
dation signale,  en  outre,  une  somme  de 
12000  francs  due  par  Balzac  à  son  futur  associé 
Barbier,  somme  que  celui-ci,  probablement, 
avait  demandée,  avant  tout,  pour  quitter  la 
situation  qu'il  occupait  dans  la  maison  où  il 
travaillait. 

Ainsi  les  dettes  de  Balzac  s'accroissent  en- 
core :  15000  francs  l'opération   du  La  Fontaine 

1.  Voir  Appendice  VI,  pièce  n°50.  Nous  n'avons  malheureuse- 
ment pu  trouver  l'acte  de  vente  passé  entre  Laurens  et  Balzac- 
—  Laurens  aîné  (qui  s'appelait,  en  réalité,  Laurens  de  Péri- 
gnac  et  qui  avait  supprimé  de  Pérignac  depuis  la  Révolution) 
avait  marié  sa  fille  cadette,  Mlle  Rose-Céleste  Laurens,  à  Eu- 
gène Renduel,  l'éditeur  des  Romantiques.  Cf.  Adolphe  Jullien, 
Le  Romantisme  et  l'éditeur  Renduel.  Souvenirs  et  documents  sur 
les  Écrivains  de  VÊcole  romantique,  avec  lettres  inédites  adressées 
par  eux  à  Renduel,  Paris,  Charpentier  et  Fasquelle,  1897,  in-18, 
pp.  16  et  17. 


U  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

et  du  Molière;  30000  à  Laurens,  12000  à  Bar- 
bier. En  plus,  une  quinzaine  de  mille  francs 
pour  l'acquisition  du  matériel1. 

On  peut  admettre  que,  dans  la  somme  de 
30000  francs,  due  à  Laurens,  se  trouvent  com- 
pris 22000  francs  nécessaires  pour  Tachât  du 
brevet  d'imprimeur. 

A  cette  époque,  ne  s'établissait  pas  imprimeur 
qui  voulait;  il  fallait  une  autorisation  royale*. 

La  demande  d'autorisation  adressée  par  Bal- 
zac au  ministre  de  l'Intérieur  a  été  publiée  par 
M.  Auguste  Descauriet,  avec  le  dossier  admi- 
nistratif se  référant  à  cette  demande.  La  péti- 

1.  «  Mon  frère,  ayant  la  faillite  en  perspective,  passa  alors 
par  des  angoisses  qu'il  n'oublia  jamais  et  qui  le  forcèrent  à 
recourir  de  nouveau  à  sa  famille.  Mon  père  et  ma  mère  com- 
prirent la  gravité  des  circonstances  et  vinrent  à  son  secours, 
mais  après  quelques  mois  de  continuels  sacrifices,  ils  se  refu- 
sèrent à  fournir  de  l'argent  le  jour  où  la  prospérité  arrivait 
peut-être  !  »  Balzac,  sa  vie  et  ses  œuvres,  par  Minc  Laure  Sur- 
ville,  p.  81.  Voir  aussi  Appendice  VIII,  pièces  n0'  78,  79  et  81; 
cf.,  ci-dessous,  p.  105. 

2.  Voir  Appendice  VI.  Le  5  février  1810,  un  décret  «  institua 
une  direction  de  l'imprimerie  et  de  la  librairie  placée  sous 
l'autorité  du  ministre  de  l'Intérieur...;  il  décida  (art.  5)  que  les 
imprimeurs  et  les  libraires  seraient  désormais  brevetés  et 
assermentés,  et  réserva  au  ministre  de  l'Intérieur  le  droit  de 
retirer  le  brevet  à  tout  imprimeur  pris  en  contravention... 
L'article  3  limita  le  nombre  des  titulaires.  Les  quatre  cents 
imprimeurs  qui  exerçaient  dans  la  capitale,  sans  règlement 
particulier,  sans  discipline,  furent  réduits  à  soixante...  Un  dé- 
cret du  11  février  1811  porta  leur  nombre,  à  quatre-vingts  ». 
(Histoire  de  l'imprimerie,  par  Paul  Dupont.  Paris,  chez  tous  les 
libraires,  1854,  2  vol.  in-12,  t.  II,  p.  26G.) 

Laurens  aine  fut  l'un  des  vingt  nouveaux  imprimeurs  de 
Paris,  nommés  par  décret  du  2  mars  1811. 


BALZAC  IMPRIME!  R.  43 

lion  esl  du  I2avril  1826;  elle  esl  signée  Honoré 
Balzac,  rue  de  Tournon,  n°  i'. 

L'affaire  suivit  son  cours,  pendant  1rs  mois 
d'avril  ei  de  mai  182(5,  dans  1rs  bureaux  <lu 
ministère  de  l'Intérieur  et  à  la  Préfecture  de 
police.  Celle-ci, notamment,  fournit,  sur  le  péti- 
tionnaire, des  renseignements  satisfaisants, 
quoique  d'une  exactitude  douteuse,  puisqu'on  le 
fait  naître  à  Paris,  tandis  qu'il  était  né  à  Tours. 
La  police  reconnaît  d'ailleurs  que  le  postula  ni 
«  appartient  à  une  famille  estimable  et  très  aisée 
de  la  capitale  »  ;  elle  déclare  «  que  sa  conduite 
est  régulière  et  qu'il  professe  de  bons  principes». 

Le  préfet  de  police  a  rencontré  un  sûr  garant  : 
c'est  un  magistrat  d'un  rangélevé,  M.  de  Berny, 
conseiller  à  la  cour  royale  de  Paris,  le  mari  de 
l'amie  qui  veille  sur  les  débuts  si  difficiles  du 
jeune  Balzac. 

M.  de  Berny,  dans  sa  lettre  de  recommanda- 
tion  au  ministre  de  l'Intérieur,  s'exprime  ainsi  : 
«  Je  connais  depuis  longtemps  ce  jeune  homme; 
la  droiture  de  son  cœur,  ses  connaissances  en 
littérature  me  persuadent  qu'il  s'est  convaincu 
préalablement  des  devoirs  qu'impose  une  pa- 
reille profession.  La  sévérité  de  mes  fonctions 
ne  me  permettrait  pas  d'élever  la  voix  en  faveur 

1.  Voir  Appendice  VI,  pièce  n°  50. 


M  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

de  M.H.Balzac,  si  je  n'avais  une  intime  convic- 
tion que  Votre  Excellence  n'aura  jamais  à  se 
repentir  d'avoir  favorablement  accueilli  sa  de- 
mande1.  » 

L'excellent  magistrat  insiste  bientôt  auprès 
du  Directeur  général  de  la  police  :  «  Permettez- 
moi  de  rappeler  à  vos  souvenirs  mon  jeune 
protégé,  Honoré  Balzac.  Ce  n'est  pas  à  lui  que 
son  tems  d'épreuve  paraît  long;  je  l'apprends  à 
se  soumettre  à  tout  et  à  s'y  soumettre  avec 
reconnaissance.  S'il  y  a  un  impatient  dans  l'af- 
faire..., c'est  un  vieux  conseiller  qui  désire  vive- 
ment le  bonheur  de  ceux  auxquels  il  s'intéresse 
et  qui  ne  cesse  de  le  faire  que  lorsqu'il  lui  est 
démontré  qu'ils  n'en  sont  pas  dignes.  » 

Une  autorité  si  indiscutable  et  une  recomman- 
dation si  pressante  l'emportèrent  sur  les  len- 
teurs ordinaires  des  bureaux,  et,  le  1er  juin  1826, 
Balzac  obtint  son  brevet,  en  remplacement  du 
sieur  Jean-Joseph  Laurens,  démissionnaire.  Le 
4  juin,  il  transportait  son  domicile  au  local  de 
l'imprimerie,  17,  rue  des  Marais,  au  faubourg 
Saint-Germain. 

La  rue  des  Marais  était  et  est  encore  une  des 
rues  les  plus  curieuses  de  Paris.   Elle    s'est 

1.  Voir  Appendice  VI,  pièce  n°  51. 


BALZAC  IMPRIMEUR.  45 

élevée,  peu  à  peu,  au  seizième  el  au  dix-septième 

siècles,  sur  les  terrains  vagues  <j u i  s'étendaient 
entre  l'abbaye  Saint-Germain-des-Prés  H  le 
quai  Malaquais.  De  vastes  jardins,  des  potagers, 
lès  communs  des  hôlels  qui  avaient  leur  façade 

sur  la  rue  du  Colombier  (maintenant  rue  Jacob) 
l'occupaient  autrefois;  la  population  s'étant 
accrue,  les  maisons  hautes  et  plates  du  Paris 
d'autrefois  s'élevèrent  en  bordure  de  l'étroite 
venelle  et  la  plongèrent,  pour  toujours,  dans 
l'obscurité. 

La  rue  subsiste,  telle  quelle,  aujourd'hui  : 
c'est  la  rue  Visconti.  Elle  est  si  étroite  que  deux 
voitures  ne  pourraient  s'y  croiser.  Son  pavé, 
gras  et  glissant,  ne  voit  pour  ainsi  dire  jamais 
le  soleil. 

En  entrant  dans  la  rue  Visconti,  on  est  frappé 
de  l'aspect  antique  et  sombre  des  constructions 
qui  la  bordent;  de  larges  portes  cochères  s'ou- 
vrent au  fond  de  baies  profondes,  destinées  à 
permettre  aux  carrosses  de  tourner. 

Si  on  jette  un  coup  d'œil  par  les  portes 
entr'ouvertes,  on  aperçoit  des  cours,  des  jar- 
dins, et  l'on  s'étonne  de  trouver,  au  milieu  de 
Paris,  ces  vestiges  survivants  de  la  vie  large  et 
discrète  de  nos  aïeux. 

Au  numéro  19,  une  plaque  fixée  sur  la  muraille 
évoque  l'es  gloires  de  l'ancien  théâtre  :  «  Hôtel 


W  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

de  Ranes,  bâti  sur  l'emplacement  du  Petit  Pré 
aux  Clercs.  Jean  Racine  v  mourut,  le  22  avril 
1699,  Adrienne  Lecouvreur,  en  1730.  Il  a  été 
habité  aussi  par  la  Champmeslé  et  Hippolyte 
Clairon1.   » 

Or,  c'est  dans  la  maison  voisine,  celle  qui 
porte  le  numéro  17,  que  Balzac  exerça  la  pro- 
fession d'imprimeur.  Seule  peut-être  de  toutes 
les  constructions  élevées  sur  la  rue  Visconti, 
la  maison  numéro  17  est  relativement  moderne. 

Elle  est  de  plusieurs  mètres  en  retrait;  ce  dé- 
tail semble  indiquer  qu'elle  fut  élevée  postérieu- 
rement à  un  projet  général  d'alignement  de  la 
rue  qui  pouvait  dater  du  premier  Empire.  L'as- 
pect de  la  bâtisse  confirme  la  date  de  la  cons- 
truction, qui  paraît  être  1826. 

Il  est  probable  que  la  maison  occupe,  en 
partie,  l'emplacement  des  beaux  jardins  de  Ni- 
colas Vauquelin  des  Yveteaux,  où  celui-ci,  au 
dire  de  Tallemant  des  Réaux,  recevait  Ninon  et 
menait  une  vie  «  voluptueuse  et  cachée,  comme 
une  espèce  de  grand  seigneur  dans  son  sérail '  ». 
Le  terrain  ne  fait  qu'un  seul  tout  avec  l'immeuble 
qui  a  son  entrée  principale  sur  la  rue  Jacob,  et 
où  est  installée  actuellement  la  Librairie  agricole. 


1.  Voir  Appendice  X. 

ï.  Cf.    Les   Historiettes  de  Tallemant  des   Réaux.  3e  édition. 
Paris,  Tcchener,  1862,  in-12,  t.  I,  p.  236. 


BALZAC  IMPRIMEUR.  47 

(  Jette  demeure,  où  Balzac  a  passé  deux  années 
de  son  existence,  es!  moins  une  maison  d'habita- 
tion qu'un  vaste  atelier.  Sur  la  rue,  Hlr  présente 
deux  corps  de  bâtiment  construits  en  moellons 
et  <mi  plâtras.  La  patine  du  temps  n'a  pn  ennoblir 
la  banalité  plate  de  la  façade.  L'un  des  corps  de 
bâtiment,  élevé  de  quatre  étages  au-dessus  du 
rez-de-chaussée,  est  surmonté  de  la  large  baie 
d'un  atelier.  L'autre  partie  de  la  construction 
if  a  que  deux  étages  au-dessus  du  rez-de-chaus- 
sée. Les  murs  sont  percés  d'étroites  fenêtres  à 
persiennes  grises  ou  à  demi-persiennes  dor- 
mantes. Le  rez-de-chaussée  des  deux  maisons 
est  occupé  par  un  long  vitrage  qui  se  continue 
d'un  bout  à  l'autre  des  deux  corps  de  bâtiment 
et  leur  donne  ainsi  une  certaine  unité. 

Devant  la  porte,  aujourd'hui  comme  il  y  a 
soixante-dix  ans,  des  voitures  à  bras,  des  colis 
de  papiers  ficelés  dans  des  emballages  de  plan- 
ches. La  maison  n'a  pas  changé  de  destination, 
et  sur  l'imposte  on  lit  :  A.  Herment,  successeur  de 
Garnier.  Cahiers  d'école.  Fabriqtw  de  registres.  Sur 
la  porte  bâtarde  qui  ouvre  à  droite,  on  lit  encore  : 
A.  Herment.  Magasins  et  bureaux  au  1er  étage.  La 
porte  est  épaisse,  à  un  seul  vantail  ;  elle  a 
conservé  le  heurtoir  d'anlan,  mais,  inutile  main- 
tenant, il  est  fixé  par  un  clou. 

Un  couloir  sombre;   une  loge  de  concierge 


48  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

s'ouvrant  comme  une  grotte  obscure,  à  mi-hau- 
teur de  l'entresol;  un  escalier  avec  rampe  de 
fer,  marches  de  bois  et  paliers  carrelés;  à  gau- 
che, une  porte.  On  entre,  et  l'on  se  trouve  au 
milieu  d'un  vaste  atelier  rempli,  du  plancher  au 
plafond,  de  piles  énormes  de  papiers,  de  car- 
tons et  de  registres. 

L'obligeance  des  locataires  actuels  nous  per- 
met de  visiter  la  maison. 

L'imprimerie  était  installée  dans  les  ateliers 
du  rez-de-chaussée  :  «  Le  rez-de-chaussée  for- 
mait une  immense  pièce  éclairée  sur  la  rue  par 
un  vieux  vitrage  et  par  un  grand  châssis  sur  une 
cour  intérieure...  »  La  phrase  est  prise  dans  les 
Illusions  perdues;  elle  s'applique  exactement  à  la 
maison  de  la  rue  des  Marais  :  «  On  pouvait, 
d'ailleurs,  arriver  au  bureau  du  maître  par  une 
allée.  »  L'allée  subsiste  aussi  et  la  porte  du 
couloir  est  découpée  par  une  sorte  de  galerie 
en  style  ogival  qui  indique  le  goût  romantique. 

Au  premier  étage,  une  pièce,  non  moins  vaste 
que  celle  d'en  bas,  occupe  toute  la  largeur  des 
deux  maisons.  11  n'est  pas  difficile  de  reconnaître 
les  restes  d'un  ancien  appartement  qui  est  au- 
jourd'hui comme  englobé  dans  le  vaste  atelier. 

Du  temps  de  Balzac,  cet  appartement  faisait 
logis  à  part,  et  la  plus  grande  partie  de  l'étage 
était  habitée  par  un  autre  locataire. 


BALZAC  IMPRIME!  R.  '.'.» 

Voici  (loue  les  pièces  du  petit  appartement 

(jui  lui  le  sien  :  voici  la  cuisine  obscure;  voici 
l'antichambre  assez  \;<sie;  voici  la  salle  à  man- 
ger qui,  seule,  conserve  encore  sa  cheminée  en 
marbre  noir,  assez  belle  et  de  style  Empire. 

Voici,  enfin,  la  chambre  que  la  tradition  dési- 
gne comme  «  la  chambre  de  Balzac  »  :  c'est  le 
bureau  actuel  du  patron.  Haute  et  carrée,  elle 
prend  jour,  sur  la  rue,  par  une  seule  fenêtre.  En 
face  de  la  fenêtre,  il  y  avait  une  alcôve,  aujour- 
d'hui démolie,  et,  de  chaque  côté  de  la  cheminée, 
deux  grands  placards.  Il  ne  reste  rien  que  les 
quatre  murs  et  une  cheminée  du  style  le  plus 
banal.  Le  lambris  paraît  avoir  été  refait  lorsqu'on 
a  tendu  le  papier  actuel,  où  alternent  des  lignes 
verticales  vertes  et  jaunes. 

L'aspect  de  la  chambre  devait  être  tout  autre 
quand  Balzac  l'habitait.  Car  il  avait  cloué  sur 
les  murs,  «  à  la  place  d'un  affreux  papier,  une 
tenture  de  percale  bleue1  »;  il  avait  meublé  la 

1.  Cette  tenture  fut  déclouée  par  Balzac  et  reportée  ensuite 
dans  l'appartement  qu'il  occupa  rue  Cassini,  où  son  ami  La- 
louche,  l'éditeur  d'André  Chénier  et  l'amant  de  Mme  Desbordes- 
Yalmore,  l'aida  à  la  reclouer. 

«  On  me  reproche,  écrit  Balzac  à  sa  sœur,  l'arrangement  de 
ma  chambre;  mais  les  meubles  qui  y  sont  m'appartenaient 
avant  ma  catastrophe.  Je  n'en  ai  pas  acheté  un  seul!  Cette  ten- 
ture de  percale  bleue  qui  fait  tant  crier  était  dans  ma  chambre 
à  l'imprimerie.  C'est  Latouche  et  moi  qui  l'avons  clouée  sur 
un  affreux  papier  qu'il  eût  fallu  changer...  »  Œuvres  complètes, 
t.  XXIV.  Correspondance,  p.  52  (lettre  XXIII,  datée  de  Paris  1827). 
—  Ce  texte  diffère  absolument  de  celui  de  la  lettre  autographe 

4 


50  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

pièce  avec  quelque  recherche;  ses  livres,  reliés 
par  Thouvenin,  y  étaient  réunis1. 

de  Balzac  (Collection  Lovenjoul,  ms.  A  276,  fol.  76).  Elle  est  datée 
du  samedi  14  février  [1829]  et  non  de  1827,  comme  il  est  imprimé, 
par  erreur,  dans  la  Correspondance.  Le  passage  correspondant, 
dans  l'original,  est  le  suivant  :  «  ma  pauvre  mère  accuse  mon 
luxe.  Tous  les  meubles  que  j'ai  m'appartenaient  avant  ma  ca- 
tastrophe, à  l'exception  du  corps  de  bibliothèque  et  de  la  re- 
liure des  livres...  Mais  ne  parlons  pas  des  meubles,  il  reste  les 
tentures.  Le  papier  à  mettre  aurait  coûté  en  tout  80  francs. 
J'ai  cent  et  quelques  aunes  à  20  sous  qui  me  resteront,  que 
Latouche  m'a  posées,  et  quelques  bouts  de  franges...  » 

Plusieurs  historiographes  de  Balzac,  M.  Gabriel  Ferry  no- 
tamment, dans  une  étude  intitulée  Les  Habitations  de  Balzac, 
insérée  dans  le  Monde  moderne  de  juin  1897,  pp.  857-850,  ont 
avancé  que  Balzac,  en  quittant  l'imprimerie  de  la  rue  des 
Marais-Saint-Germain,  avait  été  habiter  au  n°  2  de  la  rue  de 
Tournon.  Ce  domicile  était  celui  qu'il  occupait  avant  d'être  im- 
primeur ;  c'est  l'adresse  qu'il  donne  au  bas  de  sa  letlre  au  mi- 
nistre de  l'Intérieur,  quand  il  sollicite  l'obtention  d'un  brevet 
(Voir  Appendice  VI,  pièce  n°  50). 

En  quittant  la  rue  des  Marais,  après  sa  déconfiture,  c'est  rue 
Cassini  que  va  demeurer  le  futur  auteur  de  la  Comédie  humaine. 
Il  le  dit  lui-même,  dans  une  de  ses  Lettres  à  l'Étrangère  (p.  414). 
«  En  1828,  j'ai  été  jeté  dans  cette  pauvre  rue  Cassini,  sans  que 
ma  famille  voulût  me  donner  du  pain,  par  suite  de  la  liqui- 
dation à  laquelle  on  m'avait  contraint,  devant  100  000  francs,  et 
n'ayant  pas  un  sou.  » 

Henry  Monnier,  dans  les  Mémoires  de  Monsieur  Joseph  Prud- 
homme,  t.  II,  p.  101,  confirme  le  fait  :  «  Balzac,  écrit-il,  venait 
de  quitter  le  métier  d'imprimeur  dans  lequel  il  n'avait  pas  fait 
de  brillantes  affaires.  L'abandon  du  matériel  de  l'imprimerie  à 
ses  créanciers,  quarante  mille  francs  de  billets  qu'il  fallut  ac- 
quitter avec  le  produit  de  ses  livres,  capital  et  intérêts  :  tels 
furent  les  résultats  de  sa  tentative  industrielle.  Ses  affaires 
terminées,  Latouche  se  chargea  d'installer  Balzac  dans  son 
appartement  de  la  rue  Cassini,  près  de  l'Observatoire.  In 
matin,  Latouche,  monté  sur  une  échelle,  un  tablier  devant  lui. 
se  livrait  avec  délice  à  sa  passion  pour  le  collage  du  pa- 
pier... » 

Pour  les  différents  logements  occupés  par  Balzac,  voir  Col 
lection  Lovenjoul,  mss.  A  522,  525.  527  et  328. 

1.  Voir  Appendices  V  et  VIII,  pièces  n09  44,  94  et  95. 


BALZAC  IMPRIMEUR.  M 

En  un  mol,  le  jeune  homme,  à  peine  éman- 
cipé,avait  fait,  de  l'appartemeni  obscur  M  I  riste, 
un  nid  doux  et  chaud.  Il  avait  cru  s'installer 
pour  toujours,  en  maître,  dans  la  laide  et  banale 

maison  qui  lui  devenait  chère;  son  goût  Pavai! 
modifiée  selon  son  rêve. 

C'est  là  que,  pendant  deux  années,  il  reçut 
tous  les  jours1,  comme  il  le  dit  lui-même,  la 
visite  de  l'amie  dont  la  présence  l'aidait  à  sup- 
porter les  difficultés  et  bientôt  les  déboires  de 
sa  nouvelle  existence. 

I.  Lettres  à  VÉtrangère,  p.  418  (lettre  CXXVI,  19  juillet  1837;. 


RUE   DES   MARAIS 


Les  courtes  années  que  Balzac  passa  rue  des 
Marais-Saint-Germain  furent  décisives  pour  la 
formation  de  son  génie.  Il  vivait  là,  au  plein 
cœur  du  vieux  Paris,  sur  ce  sol  où  la  vie  et  la 
mort  accumulent  leurs  énergies  depuis  des 
siècles. 

Parmi  les  industries  parisiennes,  celle  qu'il  a 
choisie  a  encore  quelque  partie  intellectuelle. 
Dans  la  crasse  de  l'encre,  de  la  fumée  et  du 
papier  noirci,  elle  sent  rôder  autour  d'elle  le  vol 
de  la  pensée  qui  cherche  à  se  poser.  Mais,  aléa- 
toire plus  qu'aucune  autre  —  étant  le  thermo- 
mètre de  la  culture  et,  ainsi,  de  la  prospérité 
publiques  —  au  moindre  trouble,  au  moindre 
recul,  elle  est  en  péril. 

L'expérience  des  affaires,  avec  tout  ce  qu'elle 
a  de  brutal  et  de  dur,  va  donc  former  ce  jeune 
homme  qui  s'offre  à  la  vie.  La  nécessité  maté- 
rielle, maîtresse  des  âmes  et  des  mœurs,  va 


RUE  1  > i: S  MARAIS. 

devenir  l'institutrice  de  ce!   investigateur  des 

mœurs  et  clos  âmes.  Kl  le  vient  vers  lui  dans  sa 
forme  ordinaire  et  banale,  dont  il  sera  le  pre- 
mier à  saisir  l'étrange  poésie. 

C'est  l'atelier  noir  et  bas,  où  la  lumière  du 
dehors  laisse  à  peine  pénétrer,  aux  heures  enso- 
leillées, un  terne  rayon  ;  ce  sont  les  têtes  pales  el 
sincères  des  ouvriers  qui  surgissent  de  l'ombre, 
apparaissant  et  disparaissant,  selon  le  travail 
mécanique  qui  les  astreint;  c'est  la  ligure  de 
Vours  «  avec  ce  mouvement  de  va-et-vient,  qui 
ressemble  assez  a  celui  d'un  ours  en  cage,  par 
lequel  les  pressiers  se  portent  de  l'encrier  à  la 
presse  et  de  la  presse  à  l'encrier  »  (Mimons  per- 
dues); et  c'est  la  rangée  «  des  singes  »,  qui  sont 
ainsi  nommés  «  à  cause  du  continuel  exercice 
que  font  ces  messieurs  pour  attraper  les  lettres 
dans  les  cent  cinquante-deux  petites  cases  où 
elles  sont  contenues  »  (Illusions  perdues)1. 

Ce  sont  les  ballots  de  papier  qui  arrivent;  ce 
sont  les  gens  affairés  et  indifférents  qui  entrent 
et  sortent;  c'est  le  bureau  du  patron,  noir  et 
sombre,  au  fond  de  l'atelier,  avec  ses  papiers, 
ses  cartons,  ses  abat-jour  verts,  ses  chiffres 
obscurs,  ses  rubriques  incompréhensibles  au 
public,  et   le  branle-bas  de  combat,  deux  fois 

1.  Voir  Appendice  VIII,  pièces  n0,83  et  84,  et  Œuvres  complètes, 
édition  Lévy,  t.  VI,  p.  134. 


54  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

par  an,  le  jour   de  l'inventaire  (La  Maison  du 
Chat-qui-pelote)\ 

Puis,  c'est  la  difficulté  des  affaires  elles- 
mêmes  ;  c'est  le  client  attendu  qui  ne  se  presse 
pas,  et  dont  la  tactique  sournoise  se  devine 
dans  les  détours  d'une  conversation  indifférente  ; 
c'est  le  fournisseur  impatient,  dont  la  voix,  douce 
le  jour  de  l'achat,  devient  rude,  au  moindre 
retard,  le  jour  du  paiement. 

Ce  sont  les  fins  de  semaines  et  les  fins  de  mois, 
avec  l'exigence  de  la  main-d'œuvre  qui  attend 
sa  paie  pour  vivre  et  qui  ne  connaît  pas  d'autre 
raison  que  l'argent;  ce  sont  les  tours  de  force 
et  les  tours  de  passe-passe  pour  trouver  cet 
argent,  pour  gagner  huit  jours,  pour  obtenir  un 
délai;  c'est  l'émotion  de  l'attente  et  le  soupir 
momentané  de  la  délivrance. 

Voici,  maintenant,  grouillant  dans  la  détresse 
qui  grandit,  les  figures  redoutables  des  hommes 
d'affaires,  de  tous  les  vautours  que  l'odeur  de  la 
misère  appelle  :  l'huissier  avec  son  grimoire, 
l'avoué  rose  et  gras,  le  juge  sceptique  et  indif- 
férent qui  laisse  tomber,  sur  tous  ces  cous  ten- 
dus, le  couperet  de  la  loi. 

Puis,  l'armée  des  prêteurs,  depuis  l'horrible 
usurier  du  coin  —  Cerizet  ou  Gigonnet  —  jus- 

1.  Œuvres  complètes,  édition  Lévy,  t.  I,  p.  37. 


RUE  DES  M  IRAIS. 

qu'à  la  grande  banque,  maîtresse  de  la  place, 
remuant  les  capitaux  internationaux,  formulant 
l'étonnante  maxime  du  vieux  baron  :  «  11  n'y  a 
qu'un  argent  »,  embrassant  d'un  coup  d'œil  les 
affaires  du  monde,  et,  jouant  pourtant  aussi 
sriré  dans  les  petites  affaires  que  le  dernier  des 
Gobseck,  parce  qu'elle  est  convaincue  que,  si 
elle  se  laissait  prendre  par  la  pitié,  elle  se  lais- 
serait saisir,  en  môme  temps,  par  la  ruine. 

Voilà  ce  que  cette  vieille  rue  des  Marais 
raconte  à  l'ardent  et  attentif  jeune  homme, 
tandis  qu'il  rentre,  le  soir,  et  que  la  lanterne  du 
coin  grandit  son  ombre  allongée  sur  le  pavé.  Au 
dehors,  ce  fut,  toute  la  journée,  la  course  enfié- 
vrée avec  la  quête  ardente;  au  dedans,  ce  sont 
les  soucis  grandissants  et  la  faillite  menaçante. 

Avant  Balzac,  rien  de  tout  cela  n'avait  été 
aperçu  par  les  faiseurs  de  romans,  narrateurs 
des  passions  humaines.  Les  héros  des  livres 
qui  charmaient  ou  divertissaient  l'humanité 
vivaient  dans  une  atmosphère  irréelle  et  se 
nourrissaient,  comme  on  dit,  «  de  l'air  du  temps  » . 
L'école  des  mœurs  et  de  la  vie  était  en  dehors  de 
la  vie  et  des  mœurs. 

Ames  éthérées,  princesse  de  Clèves  ou  prin- 
cesse de  Montpensier,  Paméla  ou  Julie,  vous 
vous  teniez  bien  loin  au-dessus  du  tracas  mé- 
diocre des  nécessités  humaines!  Oui  eût  songé 


56  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

à  faire  l'inventaire  de  vos  moyens  d'existence? 
Et,  si  cette  coquine  de  Manon  posait,  en  riant, 
le  problème,  c'est  encore  par  l'amour  qu'elle  se 
chargeait  de  le  résoudre. 

Balzac  arrache  le  roman  au  rêve.  11  le  décroche 
du  ciel  et  le  ramène  sur  la  terre.  On  sait,  main- 
tenant, de  quoi  vit  la  Nouvelle  Héloïse;  on  tient 
les  comptes  de  Saint-Preux  ;  autour  d'eux,  les 
misères  de  la  vie  s'agitent  et  ajoutent  leurs 
angoisses  et  leurs  tares  aux  tares  et  aux  angoisses 
de  l'amour. 

La  Comédie  humaine,  c'est  l'économie  poli- 
tique des  passions  humaines.  Voilà  ce  qu'elles 
coûtent  en  livres,  sols  et  deniers.  Dans  la  fic- 
tion, comme  dans  la  réalité,  le  compte  par 
doit  et  avoir  est  ouvert,  et  viendra  l'heure  des 
échéances. 

Cette  révolution  dans  l'art,  qui  eut  pour  con- 
séquence une  révolution  non  moindre  dans 
l'éducation  littéraire  de  l'humanité,  fut  conçue 
par  Balzac  durant  son  séjour  dans  la  rue  des 
Marais.  C'est  là  qu'il  respira  l'acre  senteur  de 
la  vie  et  son  œuvre  en  resta,  pour  toujours, 
imprégnée. 

Et  c'est  là  qu'un  autre  enseignement  lui  dévoila 
l'autre  énigme  :  la  Femme.  «  Elle  est  venue,  tous 
les    jours,    comme    un    bienfaisant    sommeil 


RUE  DES  MARAIS.  M 

endormir  les  douleurs.  »  Tel  esl  !<■  mystère 
de  la  chambre  lendue  de  percale  bleue! 

Laissons-le  parler  encore;  il  va  Loul  dire  : 
«  Depuis  quej'ai  eu  des  idées  et  des  sentiments, 
j'ai  été  tout  entier  à  l'amour,  et  '«»  première  per- 
sonne que  j'ai  rencontrée  était  une  héroïne 
accomplie, un  cœur  angélique,  l'esprit  le  plus  (in, 
l'instruction  la  plus  étendue,  les  grâces  et  les 
manières  parfaites.  La  nature  diabolique  y  avait 
mis  son  fatal  mais!  Mais  elle  avait  vingt-deux  ans 
déplus  que  moi,  en  sorte  que  si  l'idéal  était  dépassé 
moralement,  le  matériel,  qui  est  beaucoup, posait 
des  bornes  infranchissables.  Cette  passion  sans 
limites  que  j'ai  dans  l'âme  n'a  donc  pas  rencontré 
toute  sa  pâture.  Il  m'a  manqué  la  moitié  du 
tout1.  » 

Voilà  donc  le  secret  de  ces  angoisses;  voilà 
donc  cette  énigme  que  personne  ne  devait  devi- 
ner; voilà  la  clef  de  cette  vie  si  peu  connue  et  si 
méconnue!  «  Elle  avait  vingt-deux  ans  de  plus 
que  moi!...  des  bornes  infranchissables!...  il 
m'a  manqué  la  moitié  du  tout!  » 

Balzac  ne  s'entendait  pas,  alors,  avec  sa  mère2. 
Il  rencontra  en  Madame  de  Berny  une  seconde 

1.  Collection  Lovenjoul,  ms.  A  301,  fol.  494. —  Lettres  à  l'Etran- 
gère, p.  500  (lettre  CXL,  15  novembre  1838). 

2.  M.  Fessart  a  noté,  sur  son  exemplaire  de  la  Vie  de  Balzac 
par  Mmo  Surville  (p.  26),  la  fermeté  de  la  mère  à  l'égard  du  fils  : 
«  M""  de  Balzac  était  très  sévère  avec  ses  enfants,  et  surtout 


58  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

mère,  une  mère  plus  douce,  plus  tendre;  une 
femme  attentive,  caressante,  grave,  une  maî- 
tresse, une  éducatrice,  une  femme  supérieure, 
prévenante  et  prévoyante  qui  conçut,  nourrit  et 
développa  son  génie,  la  mère  de  l'intelligence  et 
la  mère  du  cœur,  dont  l'affection  inquiète  et 
ardente  enveloppa  et  domina  toute  sa  jeunesse, 
et,  en  leprécipitant  sur  la  vie,  lui  dévoila  d'avance 
la  leçon  de  la  vie. 

«  Vingt-deux  ans  de  plus  que  moi!...  »  La 
connaissance  remontait,  dit-on,  à  l'époque  où 
Balzac  habitait  avec  ses  parents  à  Villeparisis, 
où  ils  avaient  pour  voisins  le  ménage  de  Berny. 
Balzac  paraît  indiquer  une  époque  plus  ancienne, 
si  on  applique  à  sa  propre  vie  le  court  fragment 
inséré  dans  les  «  Œuvres  diverses  »  :  Une  Passion 
cm  collège1  :  «  Nuit  capricieuse  et  pleine  de  sua- 
vité! nuit  dont  nepeut  jouir  qu'une  fois  l'homme- 
enfant  assez  heureux  pour  la  rencontrer  dans 
la  vie  !...  »  etc. 

Quoi  qu'il  en  soit,  c'est  bien  à  Madame  de 
Berny  qu'il  faut  rapporter  certains  propos  amu- 
sants des  lettres  de  1822,  datées  de  Villeparisis. 
a  Madame  de  B...  s'est  fait  marchande  d'avoine, 


avec  Honoré.   »  A  la  page  38  du  même  livre,  M.  Fessart  note 
que  Balzac,  demandant  de  l'argent  à  sa  mère,   «  elle  ne  lui 
répondait  pas;  elle  le  laissait  mourir  de  faim  ».  Voir  Une  Page 
perdue  de  H.  de  Balzac,  pp.  121  et  126. 
1.  Œuvres  complètes,  édition  Lévy,  t.  XX,  pp.  259-262. 


RUE  Di:s  MARAIS. 

de  son  et  de  blé  et  d<*  fourrages,  parce  qu'elle 
sVsi  apperçue  après  quarante  ans  de  réflexions,  que 
l'argent  est  toul  »  ;  Balzac  ajoute  :  «  M.  de  Berny 
n'y  voit  pas  plus  cette  année-ci  que  l'autre  '.  » 

Ce  serait  donc  là  l'origine. 

Nous  ne  savons,  de  pins,  que  ce  qu'il  a  dit 
lui-même:  «  ...  Au  début  de  ma  vie,  elle  a  été 
une  mère  véritable...  Mon  Dieu,  je  n'ai  pas  une 
âme  qui  me  connaisse;  il  n'y  en  a  eu  qu'une.  La 
pauvre  et  chère  Mme  de  B...y  me  venait  voir  tous 
les  jours,  et,  dans  ce  temps-là,  elle  croyait  que 
je  périrais  sous  le  fardeau.  Que  dirait-elle  en 
le  voyant  décuplé!  Oui,  je  travaille  dix  fois 
plus  en  1838  qu'en  28,  en  30  et  31,  32  et  33. 
Dans  ce  temps-là,  je  croyais  à  la  fortune,  et 
aujourd'hui  je  crois  à  la  misère1...  Elle  a  fail 
plus;  quoique  en  puissance  de  mari,  elle  a 
trouvé  moyen  de  me  prêter  jusqu'à  45.000  francs 
et  j'ai  rendu  les  derniers  6.000  francs  en  1836, 
avec  les  intérêts  à  5  p.  °/0  bien  entendu.  Mais 
elle  ne  m'a  jamais  parlé  de  ma  dette  que  peu  à 
peu;  sans  elle,  certes,  je  serais  mort.  Elle  a 
souvent  deviné  que  je  n'avais  pas  mangé  depuis 
quelques  jours;  elle  a  pourvu  à  tout  avec  une 
angélique  bonté;  elle  a  encouragé  cette  fierté 


1.  Œuvres  complètes,  édition  Lévv,  t.  XXIV,  Correspondance,  p.  41. 

2.  Collection  Lovenjoul,  ms.  A  301,  fol.  491  v°.  —  Lettres  à  l'Étran- 
gère, p.  496  (lettre  CXXXIX,  17  septembre-16  octobre  1838). 


60  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

qui  préserve  un  homme  de  toute  bassesse,  et 
qu'aujourd'hui  mes  ennemis  me  reprochent 
comme  un  sot  contentement  de  moi-même,  cette 
fierté  que  Boulanger  a  peut-être  un  peu  trop 
poussée  à  l'excès  dans  mon  portrait.  Aussi,  ce 
souvenir  est-il  pour  beaucoup  dans  ma  vie;  il 
est  ineffaçable;  car  il  se  mêle  à  tout1...  Elle 
était  crime  bonté  infinie  et  d'un  dévouement 
absolu.  » 

En  1834,  quand  commence  la  maladie  qui  doit 
emporter  son  amie,  Balzac  écrit  :  «  Hélas  !  je  suis 
atteint  d'une  douleur  qui  s'étendra  sur  toute  ma 
vie.  Je  suis  allé  voir,  pour  deux  jours  (compre- 

1.  Lettres  à  V Étrangère,  p.  418  (lettre  CXXVI,  19  juillet  1837). 
—  Il  est  très  difficile  de  savoir  si  Balzac  a  rendu  effectivement, 
avec  intérêts  à  5  p.  100,  la  somme  que  lui  avait  prêtée  Mme  de 
Berny.  On  verra,  dans  le  chapitre  suivant  et  dans  les  appen- 
dices qui  s'y  rapportent,  que,  lors  de  la  liquidation  de  l'en- 
treprise Balzac  et  Cia,  Alexandre  de  Berny,  fils  de  Mme  de 
Berny,  reprit  la  part  de  Balzac  dans  la  maison  de  fonderie.  Il  y 
eut  là,  probablement,  une  première  compensation.  Cependant, 
Balzac  dut  rester  débiteur  pour  une  somme  importante  à 
l'égard  de  Mmu  de  Berny  et  de  ses  héritiers.  Voici,  en  effet, 
l'anecdote  qui  nous  est  contée  par  un  vieil  ami  de  la  famille, 
M.  Arthur  Rhoné  : 

«  Étant  tout  enfant,  j'allais  souvent  chez  Alexandre  de 
Berny,  le  camarade  de  collège  de  mon  père,  qui,  depuis  la 
mort  de  celui-ci,  était  resté  l'ami  intime  de  ma  famille.  Sur  la 
cheminée  de  son  bureau,  rue  des  Marais-Saint-Germain,  je 
voyais  un  joli  buste  de  Flore,  et  mes  yeux  ne  se  détachaient 
pas  de  ce  bronze  signé  Marin.  Marin,  né  en  1773,  mort  en  1834, 
avait  obtenu  le  premier  grand  prix  de  sculpture  en  1812. 

«  Un  jour,  M.  de  Berny  me  dit  tout  à  coup  :  «  Sais-tu  ce  que 
«  me  coûte  ce  buste  ?  »  —  Je  ne  savais  que  répondre  ;  il  ajouta  : 
«  Il  me  coûte  quinze  mille  francs.  »  Comme  je  semblais  un 


KUE  DE8  MARAIS.  (il 

nez-vous  quelle  est  la  furie  de  mes  travaux?), 
madame  de  B...7  qui  est  à  dix-huit  lieues  de 
moi1.  .r«*ii  élé  témoin  d'une  crise  affreuse.  Je 
n'en  puis  plus  douter,  elle  est  atteinte  d'un  ané- 

vrisme  au  cœur.  Cette  vie  si  précieuse  es!  per- 
due. A  tout  moment  la  mort  peut  m'enlever  un 
ange  qui  a  veillé  sur  moi  pendant  14  ans,  une 
fleur  de  solitude  aussi,  que  jamais  le  monde  n'a 
touchée  et  qui  était  mon  étoile...  Elle  pousse 
l'amitié  jusqu'à  me  cacher  ses  souffrances;  elle 
veut  être  bien  portante  pour  moi.  Vous  com- 
prenez que  je  n'ai  pas  tracé  Claës  pour  faire 
comme  lui.  Grand  Dieu  !  quels  changements  se 
sont  faits  en  deux  mois  chez  elle!  J'en  ai  été 
al  terré.  Se  trouver  presque  fou  de  chagrin  et  se 
voir  condamné  au  travail!  Perdre  cette  noble  et 


peu  abasourdi  de  ce  gros  prix  pour  un  si  petit  objet  (j'avais 
alors  une  quinzaine  d'années  environ),  M.  de  Berny  reprit  : 
«  En  ce  temps-là,  Balzac  me  devait  beaucoup  d'argent.  Un  jour 
que  j'étais  chez  lui  :  «  —  Puisque  je  ne  peux  pas  te  payer,  me 
dit-il,  prends  ici  ce  que  tu  voudras  pour  te  rembourser  ». 

«  La  scène  se  passait  probablement  dans  la  maison  de 
Passy.  Or,  on  sait  que  Balzac  avait  le  goût  des  belles  œuvres 
et  que  sa  maison  était  remplie  d'objets  d'art.  M.  de  Berny,  très 
fier  et  très  délicat,  prit,  sans  doute,  une  des  moindres  choses. 

«  Après  sa  mort,  M.  Charles  Tuleu,  sachant  l'intérêt  que  je 
portais  à  ce  buste  de  Flore,  me  l'apporta  lui-même  comme 
souvenir  de  notre  ami  commun. 

«  Peut-être  est-ce  pour  une  raison  analogue  que  M.  de  Berny 
était  resté  possesseur  d'une  superbe  pendule  de  style 
Louis  XVI  en  bronze  doré,  accompagnée  de  ses  deux  candé- 
labres, provenant  de  Balzac  et  aujourd'hui  la  propriété  de 
M.  Tuleu.  » 

1.  A  la  Bouleaunière,  canton  de  Nemours  (Seine-et-Marne). 


68  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

grande  partie  de  ma  vie  et  vous  savoir  si  loin, 
c'esl  à  se  jetter  dans  la  Seine  l  !  » 

Un  mot  encore,  une  précision:  «  Demain, 
écrit-il,  en  août  1832,  à  Mme  Hanska,  demain  je 
briserais  ma  plume,  si  vous  le  vouliez;  demain, 
nulle  femme  n'entendrait  ma  voix.  Je  deman- 
derais grâce  pour  la  Dilecta,  qui  est  ma  mère2; 
elle  a  bientôt  58  ans,  vous  ne  sauriez  en  être 
jalouse,  vous  si  jeune  !  » 

Et  c'est  tout.  Balzac  n'en  a  pas  dit  davantage 
sur  cette  autre  Madame  de  Warens  qui  resta 
pour  lui,  toute  la  vie,  l'étoile,  l'ange,  la  Dilecta. 

La  Dilecta!  c'est  à  elle  qu'il  donnait  le  beau 
portrait  de  Devéria,  où  nous  l'avons  vu  resplen- 
dissant de  force  et  de  jeunesse,  avec  la  dédicace 
écrite  de  sa  main  :  «  Etnunc  et  semper.  » 

C'est  à  elle  qu'il  dédiait,  en  1832,  Louis  Lambert, 
—  qui  n'est  autre  chose  que  le  récit  de  sa  jeu- 
nesse—  avec  cette  dédicace,  toujours  la  même  : 
«  Et  mine  et  semper,  Dilecix  dicatum3.  » 

C'est  elle  qui  est  debout  devant  lui,  quand  il 
écrit  Le  Lys  dans  la  Vallée,  et  qu'il  crée  ce  type  de 
Mrae  de  xMortsauf,  le  plus  étrange,  le  plus  fasci- 

1.  Collection  Lovenjoul,  ras.  A  501,  fol.  '256  v°.  —  Lettres  à  V Étran- 
gère, p.  220  (lettre  LXXV,  22  décembre|  1854).  M-  de  Berny 
est  morte  le  27  juillet  1856;  elle  est  inhumée  à  Gretz,  près  Ne- 
mours.  Voir  Appendice  III,  pièce  n°  15. 

2.  Collection  Lovenjoul,  ras.  A  501,  fol.  27  v°.  —  Lettres  à  l'Étran- 
gère, p.  55  (lettre  VII,  19  août  1855). 

5.  «  Et  maintenant  et  toujours,  dédié  à  la  très  chère.  » 


RUE  DES  MARAIS.  65 

nant  et  le  plus  énigmatique  de  tous  ceux  qui 

aient  hanté  le  rêve  de  son  cerveau  visionnaire1. 

C'est  à  elle  qu'il  pensait  quand  il  racontait, 

dans  Le  Curé  de  Village,  l'histoire  tragique  du 
jeune  ouvrier  qui  meurt  d'amour  sans  desser- 
rer les  lèvres. 

C'est  à  elle  qu'il  pensait  encore  quand  il  ré- 
digeait les  dernières  lignes  du  sombre  drame 
où  il  toucha  le  Fond  de  la  passion  humaine, 
La  Duchesse  de  Langeais  :  «  Il  n'y  a  que  le  dernier 
amour  d'une  femme  qui  satisfasse  le  premier 
d'un  homme.  » 

Nous  en  savons  maintenant  assez  pour  devi- 
ner que  cette  femme  lui  apprit  la  Femme. 

Toutes  les  autres,  les  Abrantès,  les  Castries, 
les  Zulma  Carraud,  même  cette  noire  Polonaise 
qui  dévora  les  quinze  dernières  années  de  sa 

1.  «  ...  J'ai  repris  mes  travaux  ce  matin;  et  ça  a  été  pour 
obéir  au  dernier  mot  que  m'ait  écrit  Mmede  B...y.  Elle  a  trouvé 
que,  dans  cet  ouvrage,  qui  lui  a  fait  m'écrire  :  «  Je  puis  mourir, 
je  suis  sûre  que  vous  aurez  sur  le  front  la  couronne  que  je  voulais 
y  voir.  Le  Lys  est  un  sublime  ouvrage,  sans  tache  ni  faute.  Seule- 
ment, la  mort  de  Mme  de  Mortsauf  n'a  pas  besoin  de  ses  horribles 
regrets;  ils  nuisent  à  la  belle  lettre  qu'elle  écrit  ».  Alors,  aujour- 
d'hui, j'ai  pieusement  effacé  les  cent  lignes  environ  qui,  selon 
beaucoup  de  gens,  déparaient  cette  création.  Je  n'en  ai  pas 
regretté  une  seule,  et,  chaque  fois  que  ma  plume  a  passé  sur 
l'une  d'elles,  jamais  cœur  d'homme  n'a  été  plus  fortement 
ému.  Je  croyais  voir  cette  grande  et  sublime  femme,  cet  ange 
d'amitié,  devant  moi,  me  souriant  comme  elle  me  souriait 
quand  j'usais  de  cette  force  si  rare,  qui  consiste  à  se  couper 
un  membre,  à  ne  sentir  ni  douleur,  ni  regret,  à  se  corriger,  à 
se  vaincre  !  »  Collection  Lovenjoul,  ms.  A  301,  fol.  394.  —  Lettres 
à  l'Étrangère,  p.  376  (lettre  CXIX,  15  janvier  1837). 


64  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

vie,  n'ont  pas  eu  sur  lui  une  pareille  influence. 
Il  était  déjà  formé,  et  on  n'apprend  plus  rien, 
en  cette  matière,  passé  trente-cinq  ans.  Toute 
sa  vie,  il  eut  le  regret  de  cette  «  moitié  du  tout  » 
el  il  eut  toujours  la  soif  de  ce  qui  avait  man- 
qué à  sa  jeunesse. 

Lidée  qu'il  se  fit  de  la  femme,  en  bien  et  en 
mal,  cette  idée,  il  l'a  prise  dans  les  conversa- 
tions de  la  chambre  tendue  de  percale  bleue, 
tandis  qu'il  était,  —  si  jeune  encore,  —  aux 
pieds  de  l'éducatrice  clairvoyante  et  expéri- 
mentée. 

On  retrouve  partout  Yempr*einte.  On  la  relève 
à  chaque  page  de  ces  Lettres  à  l'Etrangère  qui  ne 
sont  souvent  qu'une  involontaire  confession. 
«  Pour  moi,  dit-il,  j'ai  en  détestation  profonde 
les  jeunes  personnes  et  je  tiens  plus  compte  de 
la  beauté  développée  que  de  celles  qui  se  déve- 
lopperont1. » 

Balzac  a  rendu  aux  femmes  un  service 
immense,  dont  elles  ne  lui  seront  jamais  assez 
reconnaissantes  :  il  a  doublé,  pour  elles,  le 
temps  de  l'amour.  Avant  lui,  toutes  les  amou- 
reuses de  roman  avaient  vingt  ans.  Il  a  pro- 
longé jusqu'à  trente  ans,  jusqu'à  quarante  ans, 
leur  vie  active;  il  a  plaidé,  pour  elles,  la  cause 
de  la  nature  et  de  la  vérité. 

1.  Lettres  à  l'Étrangère,  p.  501  (lettre  CXL.  là  novembre  1838). 


RUE  DES  MARAIS.  65 

Il  a  guéri  l'amour  du  [préjugé  de  la  jeunesse. 
1!  a  montré  le  charme  prolongé  d'une  beauté 
déclinante,  d'un  port  alangui,  d'un  automne 
ardent  et  animé.  «  Vienne  le  temps,  dit-il  quel- 
que part,  et  je  n'épouserais  qu'une  veuve  !  »  Et 
il  devait  l'aire,  dix-sept  ans  plus  tard,  comme  il 
Tavaildit  dès  Tannée  1833. 

Voilà  le  don  immortel  que,  dans  sa  largesse, 
le  génie  de  Balzac  a  fait  aux  femmes  et  à  l'hu- 
manité. Il  a  multiplié,  sinon  la  joie  humaine,  du 
moins  la  conscience  de  cette  joie.  Il  a  osé 
affranchir  un  sentiment  qui  doutait  de  lui-même. 
Il  a  célébré,  ennobli,  excusé  si  l'on  veut,  bien 
des  heures  chères,  celles  où  les  rayons  du  soleil 
couchant  prolongent  la  chute  exquise  du  jour. 

Cette  leçon,  c'est  encore  dans  la  rue  des 
Marais-Saint-Germain  qu'il  la  recueillit. 

Il  la  recueillit  de  la  bouche  et  des  lèvres  de  la 
femme  qui,  dans  le  silence  de  la  nuit,  dans  la 
solitude  des  jardins  environnants,  quand  l'ate- 
lier s'était  tu,  confiait  au  jeune  homme  attentif 
et  inapaisé  le  secret  de  la  vie,  et  lui  versait, 
goutte  à  goutte,  le  philtre  dont  elle  voulait  sa- 
vourer encore  les  suprêmes  délices. 


D1LECTA 


Cette  femme  qui  eut  une  si  grande  influence 
sur  les  premières  années  de  Balzac,  cette  Ma- 
dame de  Berny  dont  la  figure  nous  apparut, 
pour  la  première  fois,  dans  l'ombre  de  l'atelier 
d'imprimerie,  qui  était-elle?  d'où  venait-elle? 
quelles  leçons,  quels  exemples,  quels  sentiments 
sa  maturité  attentive  devait-elle  déposer  dans 
l'âme  neuve  de  son  jeune  ami? 

Nous  sommes  en  mesure  de  répondre  à  ces 
questions.  Une  ligne,  inscrite  dans  le  grimoire 
du  dossier  de  Balzac  imprimeur,  nous  a  mis  sur 
la  voie.  Peu  à  peu,  toute  une  suite  d'événements 
et  de  circonstances  inattendues  et  vraiment 
extraordinaires  s'est  développée  devant  nous. 

Dans  un  des  actes  où  Mme  de  Berny  intervient 
pour  essayer  de  sauver  Balzac  en  train  de  se 
ruiner,  son  nom  de  jeune  fille  est  donné  tout 
entier.  Elle  s'appelait  Laure-Louise-Antoinette 
Ilinner1. 

1.  Voir  Appendice  VII  pièce  n°  73. 


DILECTA.  07 

Le  rapprochement  de  ces  deux  prénoms, 
Louise,  Antoinette,  ne  peut  passer  inaperçu,  sur- 
tout si  ou  se  souvient  que  Paul  Lacroix  a 
raconté  dans  ses  «  Mémoires  »!  que  Madame  de 
Berny  avait,  dans  sa  jeunesse,  assisté  à  la  repré- 
sentation d'une  pièce  de  Vivant  Denon,  jouée  à 
la  cour. 

Un  souvenir  venu,  par  hasard,  sur  les  lèvres 

1.  Nous  résumons  l'anecdote  si  curieuse  rapportée  par  Paul 
Lacroix  :  Dans  une  soirée  chez  le  baron  Dubois,  à  laquelle 
assistaient  Paul  Lacroix  et  M»e  de  Berny,  on  reprochait  à 
Balzac  d'avoir  réimprimé  sans  façon,  dans  sa  Physiologie  du 
Mariage,  le  Point  de  lendemain  du  baron  Vivant  Denon.  Mraa  de 
Berny,  qui  avait  connu  le  baron  Denon  à  la  cour  de  Marie- 
Antoinette,  prit  la  défense  de  Balzac  :  «  J'étais  bien  jeune, 
presque  enfant,  à  cette  époque-là,  dit  Mme  de  B*"*  en  rougis- 
sant. M.  Denon,  ancien  gentilhomme  ordinaire  de  Louis  XV, 
avait  composé  une  fort  jolie  comédie,  Julie  ou  le  bon  père,  qui 
fut  représentée  sur  le  théâtre  de  la  Cour,  dix  ou  douze  ans 
avant  la  naissance  de  la  princesse  Pauline... 

—  En  1769  ou  1770,  ajouta  Paul  Lacroix,  pour  venir  en  aide  à 
l'embarras  de  Mrae  de  B***,  forcée  d'accuser  son  âge.  C'est  à  peu 
près  vers  la  même  époque  que  Dorât  publiait,  dans  le  Journal 
des  Dames,  sa  charmante  historiette  intitulée  :  Point  de  lende- 
main... » 

«  On  passa  dans  la  salle  à  manger.  Mme  de  B*"',  qui  était  visi- 
blement mal  à  l'aise,  me  prit  le  bras  avant  que  je  le  lui  offrisse 
et  me  dit  à  voix  basse,  avec  émotion  : 

*  Je  vous  prie  instamment,  Monsieur,  de  ne  pas  répéter  à 
M.  de  Balzac  la  discussion  qui  vient  d'avoir  lieu;  il  en  serait 
très  troublé.  Ainsi  vous  êtes  bien  sûr  que  la  nouvelle  de  Point 
de  lendemain  est  de  Dorât  et  non  du  baron  Denon?...  N'importe, 
j'avertirai  M.  de  Balzac  qui  fera  un  changement  dans  la  seconde 
édition  de  la  Physiologie.  »  —  Voir  dans  Le  Livre,  Revue  du  monde 
littéraire...  Bibliographie  rétrospective,  Troisième  année.  Paris, 
A.  Quantin,  1882,  gr.  in-8,  un  extrait  abrégé  des  Mémoires  iné- 
dits de  Paul  Lacroix,  sous  le  titre  de  Simple  histoire  de  mes  re- 
lations littéraires  avec  Honoré  de  Balzac,  pp.  271-272. 


68  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

d'un  ancien  familier  de  la  maison,  M.  Mous- 
sard,  donnait  encore  quelque  précision  à  ces 
indices  ;  Mme  de  Berny,  disait-on,  avec  une  légère 
erreur,  était  d'origine  autrichienne.  On  pouvait 
donc  chercher  dans  l'entourage  de  Marie-Antoi- 
nette. 

M.  de  Nolhac,  le  délicat  historien  de  la  reine, 
l'homme  qui  vit  dans  le  Versailles  d'aujour- 
d'hui comme  si  c'était  encore  le  Versailles  du 
grand  roi,  voulut  bien  se  charger  de  cette  recher- 
che. Elle  ne  fut  pas  longue  :  «  Il  y  avait,  nous 
écrivit-il,  dans  l'entourage  de  Marie-Antoinette, 
un  harpiste  allemand  du  nom  de  Hinner.  »  Et, 
pris  lui-même  par  l'intérêt  de  l'énigme,  secondé 
par  M.  Coùard-Luys,  l'érudit  archiviste  du 
département  de  Seine-et-Oise,  M.  de  Nolhac 
nous  transmit,  bientôt,  les  renseignements  sui- 
ants  sur  les  origines  de  l'amie  du  romancier. 

Mme  de  Genlis  écrit  dans  ses  Mémoires  :  «  La 
reine  [de  Naples]  me  chargea  de  lui  envoyer,  de 
Paris,  un  joueur  de  harpe  et  je  lui  envoyai  le 
jeune  Hinner  qui  avait  un  joli  petit  talent  »\ 
Cela  se  passait  en  1777  ou  1778.  Or,  la  vie  de  ce 
Hinner  n'est  pas  inconnue.  Fétis  lui  a  consacré 
une  notice  dans  son  «  Dictionnaire  des  musi- 


1.  Voir  Mémoires  de  Madame  de  Genlis...  avec  avant-propos  et 
notes  par  M.  F.  Barrière.  Paris.  Firmin-Didot  et  O,  1885,  in-l\ 
p.  175. 


DILECTA.  M 

(•ions  »f  el  la  notice  a  été  L'objet  d'une  rectifica 
fcion  émanant  précisément  de  M.  Coûard-Luys*. 

Philippe-Joseph  I limier  était  né  en  1754, 
à  Wetzlar,  d'un  père  musicien  qui  avait  <in 
l'idée  singulière  d'aller,  avec  son  talent  de  har- 
piste, chercher  Fortune  à  la  Guyane.  Le  père 
y  était  mort  dans  la  dernière  des  misères  en 
1765;  mais  le  fils,  âgé  de  onze  ans,  avait  inté- 
ressé le  chevalier  Turgot,  qui  le  ramena  en 
France  et  qui,  probablement  à  la  faveur  de  ses 
origines  allemandes,  le  présenta  à  la  reine  et  le 
mit  en  état  de  devenir  musicien  ordinaire  du  roi 
et  harpiste  de  la  reine. 

Il  est  donc  introduit  dans  ces  petits  cercles 
de  musique  où  la  reine  se  plaisait  tant.  La  mu- 
sique «  était  le  seul  art  qu'elle  ait  vraiment 
aimé,  dit  l'historien  de  Marie-Antoinette;  elle 
chantait  de  sa  voix  mal  assurée,  mais  agréable  ; 
elle  jouait  ses  musiciens  préférés...  Les  musi- 
ciens d'Allemagne  étaient  tout  particulièrement 


1.  Biographie  universelle  des  musiciens  et  bibliographie  générale 
de  la  musique.  Deuxième  édition  entièrement  refondue  et  aug- 
mentée de  plus  de  moitié  par  F.-J.  Fétis,  maître  de  chapelle 
du  roi  des  Belges,  directeur  du  Conservatoire  royal  de  musique 
de  Bruxelles,  etc.  Paris,  Firmin  Didot  frères,  fils  et  Cie,  tome  IV, 
pp.  356-357. 

2.  Voir  dans  Archives  historiques,  artistiques  et  littéraires,  Recueil 
mensuel  de  documents  curieux  et  inédits...,  tome  II  (1890-1891), 
Paris,  Etienne  Charavay,  in-8,  pp.  376-378,  un  article  de 
M.  E.  Couard-Luys,  intitulé  :  Le  Maître  de  harpe  de  Marie- 
Antoinette. 


70  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

reçus  par  Marie-Antoinette;  c'était  le  seul  goût 
qu'elle  eût  gardé  de  son  pays...  Le  harpiste  qui 
raccompagnait  était  un  Allemand,  un  certain 
Hinner1...  »  Voilà  notre  homme. 

Bientôt,  la  reine  prend  la  peine  de  le  marier  à 
une  de  ses  femmes  de  chambre,  une  demoiselle 
de  bonne  famille,  Louise-xMarguerite-Emélie 
Ouelpée  de  Laborde*.  Le  mariage  a  lieu  en  1775, 
à  l'église  Saint-Louis  de  Versailles3;  il  est  béni 
par  l'évêque  de  Saintes. 

Au  bout  de  deux  ans,  il  naît  de  ce  mariage 
une  Fille,  et  voici  maintenant  l'extrait  des  regis- 
tres de  baptême  de  la  paroisse  Saint-Louis  : 
«  L'an  mil  sept  cent  soixante-dix-sept,  le  vingt- 
quatre  may,  Louise-Antoinette-Laure,  née  hier, 
fille  légitime  de  Philippe-Joseph  Hinner,  musi- 
cien ordinaire  du  Roy  et  de  la  chambre  de  la 
Reine,  etdeMarguerite-Louise-Émélie  Ouetpée 
(sic)  de  Laborde,  a  été  baptisée  par  nous,  prêtre 
curé  de  cette  paroisse;  Le  Parein,  très  haut, 
très  puissant,  très  illustre  Prince  Louis  Seize,  roy 
de  France,  et   la   Mareine,  très  haute,  très  puis- 

i.  Études  sur  la  Cour  de  France.  La  Reine  Marie-Antoinette,  par 
Pierre  de  Nolhac.  Neuvième  édition  revue  d'après  de  nou- 
veaux documents.  Paris,  Calmann  Lévy,  1889,  in-18.  pp.  188-189. 

2.  Voir  Biographie  universelle  (Michaud)  ancienne  et  moderne.... 
nouvelle  édition,  t.  XX,  Paris,  Mme  C.  Desplaces,  s.  d.,  gr.  in-S. 
p.  572  (à  la  suite  de  l'article  Jarjayes  (François-Augustin  Rei- 
nier  de). 

3.  Voir  Appendice  III,  pièce  n°  12. 


DILECTA.  71 

tante,  très  illustre  Princesse,  la  Heine  de  France, 
le  Parein  représenté  par  très  haut,  très  puis- 
sanl  seigneur  Louis-Sophie-Antoine  Duplessis 
de  Richelieu,  duc  de  Pronsac,  pair  de  France, 
premier  gentilhomme  de  la  chambre  du  Roy, 
maréchal  des  camps  cl  armées  de  Sa  Majesté, 
noble  génois;  la  Mareine  représentée  par  très 
haute,  très  puissante  dame  Laure-Augusle  de 
Fitz-James,  princesse  de  Chimay  et  du  Saint- 
Empire  romain,  grande  d'Espagne  de  la  pre- 
mière classe  et  dame  d'honneur  de  la  Heine, 
lesquels  et  le  père  ont  signé  avec  nous.  Le  duc 
de  Fronsac;  Fitz-James,  princesse  de  Chimay;  Hin- 
ner;  Jacob,  curé1.  » 

Le  Roi,  la  Reine,  les  Fitz-James-Chimay,  les 
Richelieu,  quel  cortège!  —-Or,  l'enfant  qui 
entrait,  ainsi  entourée,  dans  la  vie,  c'était  notre 
Louise-Antoinette-Laure,  la  future  Mmede  Berny. 

Hinner,  le  harpiste,  meurt,  le  13  avril  1784,  à 
l'âge  de  trente  ans5.  Mais  Madame  Hinner  est 
trop  jeune  pour  rester  veuve.  Trois  ans  après, 
en  1787,  elle  se  remarie;  et  elle  épouse,  dans 
l'église  de  Livry,  François-Augustin  Reinier  de 
Jarjayes,  aide-major  général  de  l'armée.  Le 
mariage  à  Livry  s'explique  par  le  fait  que  le 
château    était    habité,    conjointement   avec    le 

1.  Voir  Appendice  III,  pièce  n°  13. 

2.  Voir  Appendice  IV,  pièce  n°  16. 


:-  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

président  de  Bésigny,  qui  signa  au  mariage, 
par  .Mathieu  Ouelpée  de  La  Borde,  père  de 
M™  Hinner,  devenue,  par  son  second  ma- 
riage, la  femme  du  chevalier  de  Jarjayes1. 

Faut-il  insister  maintenant  sur  le  chevalier  de 
Jarjayes?  C'est,  assurément,  un  des  person- 
nages du  parti  royaliste  les  plus  connus  pen- 
dant la  Révolution.  Lisez  Eckart,  Concourt, 
Gaulot,  Campardon,  Lenôtre,  Funck-Brentano 

1.  Voici  ce  que  nous  écrit  à  ce  sujet  M.  l'abbé  Genty,  ancien 
curé  de  Livry  (Seine-et-Oise),  auteur  d'une  histoire  'de  cette 
paroisse,  actuellement  vicaire  général  à  Versailles  :  «  Le  5  no- 
vembre 1781,  par  devant  Maret,  notaire  à  Paris,  Louis-Mathieu 
Ouelpée  de  La  Borde,  écuyer,  huissier  ordinaire  du  cabinet  de 
la  Reine,  ancien  officier  du  Roi,  agissant  en  son  nom  et  en 
celui  de  dame  Marie-Louise  Pecquet,  son  épouse,  acquit  le 
château  de  Livry,  situé  à  côté  de  l'église,  du  sieur  Alexandre- 
François-Jérôme  Dargouges,  héritier  de  Madame  la  duchesse 
de  Beauvilliers.  Il  habita  cette  propriété  jusqu'au  26  floréal  de 
l'an  III  de  la  République  [15  avril  1795].  A  cette  date,  il  vendit 
son  domaine  au  citoyen  René  Chopin  d'Arnouville.  Avec 
Mathieu  Quelpée  de  La  Borde  vivait,  au  château  de  Livry, 
dès  l'année  1784,  Jules-Adrien  Gaultier  de  Bésigny,  conseiller 
du  roi  en  ses  conseils  et  président  honoraire  du  Parlement  de 
Paris.  Le  premier  se  disait  propriétaire  de  l'immeuble,  le 
second  s'en  disait  usufruitier.  Ils  en  habitaient  probablement 
chacun  une  partie  et  cette  habitation  fut  constante,  car  chaque 
année,  les  registres  paroissiaux,  soit  à  l'occasion  d'un  mariage, 
soit  à  l'occasion  d'un  baptême  ou  d'une  inhumation,  portent 
les  signatures  des  La  Borde  et  des  Bésigny.  Louis-Mathieu 
Quelpée  de  La  Borde  eut  deux  filles,  l'une,  qui  vécut  dans  le 
célibat,  s'appelait  Claude-Pierre-Mélanie  (son  nom  est  cité  dans 
un  acte  du  9  septembre  1784);  l'autre  portait  les  prénoms  de 
Louise-Marguerite-Émélie.  Mention  de  cette  dernière  est  faite, 
pour  la  première  fois,  dans  les  registres  de  la  paroisse  de 
Livry,  à  la  date  du  26  septembre  1787.  En  ce  jour,  elle  contrac- 
tait mariage  dans  l'église  de  ce  lieu  avec  Régnier  de  Jarjaye...  - 
Voir  à  I'Appendice  IV,  l'acte  de  mariage  que  nous  publions 
in  extenso. 


DILECTA.  77, 

el  notammenl  l'abbé  Allemand',  et  vous  con- 
naîtrez, par  !<'  menu,  l'histoire  du  vaillant  cham- 
pion de  la  reine,  <!<>  l'homme  <jui  lit  toul  pour 
essayer  de  la  délivrer.  Il  est,  beaucoup  plus 
que  I<4  douteux  Rougeville,  digne  de  servir  de 
prototype  au  chevalier  de  Maison-Rouge. 

Son  mariage  avec  une  des  femmes  de  chambre 
de  la  reine  (la  treizième,  d'après  YÉtal  Général 
de  Warroquier8)  l'introduit  dans  la  petite  inti- 


1.  Voir  Biographie  universelle  {Michaud),  nouvelle  édition,  t.  XX, 
pp.  569-572.  —  E.  et  J.  de  Goncourt.  Histoire  de  Marie-Antoi- 
nette. Édition  ornée  d'encadrements  à  chaque  page  par  Giaco- 
melli,  et  de  douze  planches  hors  texte,  reproductions  d'origi- 
naux du  xvin*  siècle.  Paris,  G.  Charpentier,  1878,  in-4.  —  Paul 
Gaulot.  Un  complot  sous  la  Terreur.  Marie-Antoinette  —  Toula n 
—  Jarjayes.  Avec  six  portraits  et  fac-similé.  Paris,  Paul  Ollen- 
dorff,  1889,  in-18.  —  Le  Tribunal  révolutionnaire  de  Paris.  Ou- 
vrage composé  d'après  les  documents  originaux  conservés  aux 
Archives  de  l'Empire,  suivi  de  la  liste  complète  des  personnes 
qui  ont  comparu  devant  le  Tribunal,  et  enrichi  d'une  gravure 
et  de  fac-similés,  par  Emile  Campardon,  archiviste  aux  Archives 
de  l'Empire.  Paris,  Henri  Pion,  1866,  2  vol.  in-8.  —  La  Captivité 
et  la  mort  de  Marie-Antoinette.  Les  Feuillants,  la  Conciergerie 
d'après  des  relations  de  témoins  oculaires  et  des  documents 
inédits  par  G.  Lenôtre.  Paris,  Perrin  et  Cio,  1897,  in-8.  —  Frantz 
Funck-Brentano.  La  Mort  de  la  Reine  (Les  suites  de  l'affaire 
du  collier),  d'après  de  nouveaux  documents  recueillis  en  partie 
par  A.  Bégis...  Paris,  Hachette  et  C[",  1901,  in-18.  —  Le  Chevalier 
de  Jarjaves,  par  M.  l'abbé  F.  Allemand.  Gap,  E.  Jouglard,  1896, 
in-8. 

2.  «  Le  service  de  la  Chambre  se  composait  de  deux  pre- 
mières femmes  et  de  douze  autres,  d'huissiers  de  la  Chambre, 
du  Cabinet  et  de  l'antichambre,  de  valets  et  garçons  de  la 
Chambre,  et  autres  gens  du  service  intérieur.  » 

Sur  l'administration  de  la  maison  de  la  Reine,  voir  Mémoires 
sur  la  vie  privée  de  Marie-Antoinette,  par  Mme  Campan,  première 
femme  de  chambre  de  la  Reine,  2e  édition,  Paris,  1823,  3  vol. 
in-8,  t.  II,  p.  339. 


:;  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

mité  du  palais,  à  la  veille  des  graves  événements. 
Il  se  dévoue  corps  et  âme.  Ce  n'est  ni  un  vio- 
lent, ni  un  exalté.  C'est  un  homme  froid,  réflé- 
chi. On  lui  reproche  même  quelque  tiédeur  appa- 
rente. Il  conseille  la  prudence.  Mais  quand  il 
faut  agir,  il  est  là. 

Il  est  l'homme  des  grands  services  occultes, 
peu  connus  et  parfois  méconnus.  C'est  lui,  dit- 
on,  qui  fut  le  premier  intermédiaire  des  rela- 
tions entre  Marie-Antoinette  et  Barnave,  Duport, 
Alexandre  de  Lameth.  Au  10  août,  il  était  près 
du  roi;  il  accompagna  Louis  XVI  jusque  dans 
la  loge  du  logographe  et  reçut  les  derniers  ordres 
de  la  bouche  royale.  Il  se  cache  dans  Paris, 
mais  reste  à  la  disposition  de  ses  maîtres. 

C'est  alors  que  Toulan,  avec  Turgy  et  Cléry, 
conçoivent  le  projet  de  faire  évader  Louis  XVII 
et  les  princesses.  La  reine  ne  veut  se  confier 
qu'à  Jarjayes.  Elle  engage  avec  lui  une  corres- 
pondance secrète;  tout  est  préparé.  Jarjayes 
avance  les  sommes  nécessaires.  Leprojet  échoue 
par  la  pusillanimité  d'un  des  affiliés,  Lepître. 
On  eût  pu  sauver  peut-être  la  reine  seule;  mais 
elle  ne  voulut  pas  se  séparer  de  ses  enfants. 

Elle  écrit  au  chevalier  de  Jarjayes  :  «  Nous 
avons  fait  un  beau  rêve,  voilà  tout;  mais  nousy 
avons  beaucoup  gagné  en  trouvant  encore  dans 
cette   occasion   une   nouvelle   preuve  de  votre 


DILECTA.  "o 

entier  dévouement  pour  moi.  Ma  confiance  en 
vous  est  sans  homes;  vous  trouverez  toujours, 
dans  toutes  les  occasions,  on  moi,  du  caractère 
et  dn  courage;  niais  l'intérêt  de  mon  (ils  est  le 
s(Mil  qui  me  guide,  et,  quelque  bonheur  que 
j'eusse  éprouvé  à  être  hors  d'ici,  je  ne  peux  pas 
consentir  à  me  séparer  de  lui...  '.  » 

Le  chevalier  de  Jarjayes  fut  chargé  de  trans- 
mettre à  «  Monsieur  »  et  au  comte  d'Artois  le 
cachet,  l'anneau  et  le  paquet  renfermant  les 
cheveux  de  la  famille  royale  que  Louis  XVI 
avait  remis  à  Cléry  pour  les  porter  à  la  reine. 
Il  rejoignit  les  princes  et  se  fixa  à  Turin. 
Nommé  lieutenant-général  par  Louis  XVIII, 
il  mourut,  âgé  de  soixante-dix-sept  ans,  à 
Fontenay-aux-Roses,  en  1822*. 

Madame  de  Jarjayes  avait  été  mêlée  à  toute 
l'histoire  du  complot.  La  reine  l'aimait.  Avant 
de  mourir,  elle  lui  avait  envoyé,  par  l'avocat 
Tronson  du  Coudray,  une  mèche  de  ses  cheveux 
et  les  deux  anneaux  d'or  qui  lui  servaient  de 
pendants  d'oreilles  (octobre  1793) 3. 

1.  Lettres  de  Marie-Antoinette.  Recueil  de  Lettres  authentiques 
de  la  Reine,  publié  par  la  Société  d'histoire  contemporaine,  par 
Maxime  de  La  Rocheterie  et  le  marquis  de  Beaucourt,  Paris. 
Alphonse  Picard  et  fils,  1895-1896,  2  vol.  in-8,  t.  II,  p.  433 
(lettre  CCCLXXX,  [1793,  février  ou  mars]). 

2.  Voir  Biographie  universelle  {Michiud),  nouvelle  édition,  t.  XX. 
p.  572. 

3.  Voir  B iographie  universelle  {Mie) iaud),  nouvelle  édition, t.  XX, 
p.  372,  et  Frantz  Funck-Brentano,  La  Mort  de  la  Reine,  p.  207. 


70  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Ainsi  désignée  à  l'attention  du  tribunal  révo- 
lutionnaire, Mme  de  Jarjayes  fut  arrêtée  à  Livry 
et  incarcérée1,  une  première  fois,  aux  Madelon- 
nettes.  Délivrée  au  bout  de  six  semaines,  elle 
fut,  de  nouveau,  emprisonnée  avec  sa  famille, 
en  février  1794.  Sa  fille,  Laure  Hinner,  était 
déjà  mariée  à  cette  époque.  En  effet,  elle  avait 
épousé,  le  8  avril  1793,  à  la  mairie  de  Livry,  en 
présence  de  sa  mère,  un  homme  appartenant  à 
une  excellente  famille,  Gabriel  de  Berny2.  Le 
marié  avait  vingt-quatre  ans  et  quatre  mois,  la 
mariée  quinze  ans  et  dix  mois.  Moins  d'un 
an  après,  le  beau-père,  la  mère,  le  marié,  la 
mariée,  les  témoins,  tout  le  monde  était  en 
prison.  La  délivrance  ne  vint  qu'au  bout  de 
neuf  mois,  après  la  chute  de  Robespierre  \ 

1.  Voir  Biographie  universelle  (Michaud),  nouvelle  édition,  t.  XX, 
p.  572. 

2.  M.  de  Berny  était  de  la  plus  ancienne  noblesse.  «  Sa 
famille  primitive,  les  de  Bernez,  nous  écrit  M.  Arthur  Rhoné,  est 
originaire  de  Vigon,  en  Piémont,  et  remonte  au  xia  siècle.  Une 
branche  de  cette  famille  émigra  en  Picardie  où  le  nom  se 
transforma  en  de  Berny.  Au  commencement  du  xvie  siècle,  les 
deux  branches  se  fondirent  par  un  mariage  et  désormais  la 
famille  prit  le  nom  de  Bernez  de  Berny,  avec  le  titre  de  comte 
et  les  armoiries  réunies  des  deux  branches. 

«  Je  possède  ces  armoiries  dorées  et  enluminées  par  les  des- 
sinateurs de  la  fonderie.  Alexandre  [de  Berny]  m'a  prêté  pen- 
dant assez  longtemps  ses  titres  de  noblesse.  A  sa  mort,  je  les 
ai  fait  réunir  et  porter  au  Cabinet  des  titres  de  la  Bibliothèque 
nationale  où  on  peut  les  consulter.  » 

Les  armes  de  Bernez  de  Berny  sont  :  D'azur  à  tro's  bandes  de 
gueules,  celle  du  milieu  chargée  de  trois  roses  d'or,  et  les  deux 
autres  de  deux  roses  du  même. 

3.  Voir  Appendice  II,  pièces  not  8  et  9. 


DILECTA.  77 

De  ce  mariage,  M"""  de  Berny  n'eul  pas  moins 
de  neuf  enfants1.  Cependant,  1<*  ménage  ne  fui 
pas  toujours  heureux.  M'n<'  de  Berny  étail  une 
femme  instruite,  intelligente,  sentimentale;  le 
mari  était,  dit-on,  capricieux  et  atrabilaire. 
M"18  de  Berny  paraît  avoir  réalisé  assez  bien  ce 
type,  célèbre  alors,  de  la  «  femme  incomprise  ». 

Une  communication  obligeante  nous  permet 
de  publier  son  portrait;  elle  était  iine,  souple, 
l'air  langoureux  et  volontaire  pourtant.  Quelque 
chose  rappelle,  en  elle,  l'origine  allemande  :  elle 
aussi,  est  une  étrangère.  Gomment  ne  pas  remar- 
quer la  douceur  pressante  du  regard,  et  le  sou- 
rire voluptueux  des  lèvres? 

De  son  enfance  passée  à  la  cour,  elle  tenait 
un  esprit  cultivé,  ouvert,  un  sens  psychologique 
très  fin,  un  art  accompli  dans  la  conduite  de  la 
vie,  de  la  gaieté,  de  la  vivacité,  du  scepticisme. 

1.  Un  <•  Recueil  de  pièces  relatives  à  la  famille  de  Berny 
(xine-xixe  siècles)  »,  conservé  à  la  Bibliothèque  nationale,  Mss. 
Nouv.  acq.  franc,  22362,  nous  fournit  les  dates  de  naissance  de 
ces  enfants  : 

Ie  Emilie-Gabriel  (sic),  née  le  20  janvier  1794,  décédée  après 
le  mois  de  mai  1851.  —  2°  Augustine-Jeannc-Antonette,  née 
le  10  avril  1797,  décédée  le  9  novembre  1850.  —  3°  Louis-Adrien- 
Jules,  né  le  9  septembre  1799,  décédé  le  3  novembre  1814.  — 
4*  Jeanne- Augus Une- Aimée,  née  le  6  mai  1801,  décédée  le 
8  mars  1816.  —  5°  Louise- Emmanuelle,  née  le  28  juin  1800,  dé- 
cédée le  11  juillet  1834.  —  6°  Lucien-Charles  Alexandre,  né  le 
13  février  1809,  décédé  le  15  juin  1882.  —  7°  Armand- Marie,  né 
le  2  octobre  1811,  décédé  le  23  novembre  1835.  —  8°  Laure- 
Alexandrine,  née  en  1813,  décédée  après  le  15  mai  1851.  — 
9°  Antoine-Ange,  né  le  13  février  1815,  décédé  le  4  janvier  1841. 


78  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Les  temps  où  elle  avait  vécu  lui  avaient  appris, 
comme  à  tant  d'autres,  la  morale  du  «  Point  de 
lendemain  ».  Balzac,  tout  enfiévré  d'un  amour 
d'enfant,  nous  révèle,  cependant,  par  ses  fureurs 
jalouses,  qu'elle  avait  eu  avant  lui,  un  amant. 

La  première  jeunesse  était  passée.  L'âge 
venait.  C'est  alors  qu'elle  vit  Balzac,  camarade 
d'un  de  ses  enfants.  Elle  découvrit,  elle  admira 
cette  jeune  et  puissante  nature.  Elle  était  mariée 
depuis  trente  ans;  elle  avait  quarante-cinq  ans, 
lui  vingt-trois.  Malgré  de  tels  obstacles,  les 
deux  existences  se  rapprochèrent,  et  «  la  femme 
de  quarante  ans  »  devint  pour  Balzac,  l'amie  et 
la  compagne  qui  devait  lui  apprendre  la  vie. 

11  est  facile  de  deviner  maintenant  quelle 
influence  dut  exercer,  sur  l'imagination  du 
jeune  romancier,  la  femme,  belle  encore,  qui  se 
présentait  à  lui,  accompagnée  de  l'admirable 
cortège  de  souvenirs  que  nous  venons  de 
rappeler. 

Filleule  du  roi  et  filleule  de  la  reine,  belle-fille 
du  chevalier  de  Jarjayes,  élevée  dans  les  cercles 
intimes,  témoin  des  dernières  fêtes  et  des  pre- 
mières douleurs,  ayant  ressenti  le  choc  de  toutes 
les  grandes  crises,  confidente  des  complots, 
dépositaire  des  secrets,  ayant  eu  dans  les  mains 
les  lettres,  les  anneaux,  les  mèches  de  cheveux. 


DILECÏA.  7!> 

que  d'événements  dans  une  telle  vie!  Que  d'é- 
motions dans  ce  cœur  blessé,  quels  drames  lus 
el  devinés  dans  ee  regard  déjà  lointain!  Quel 
livre  ouvert  que  celle  mémoire  vivante,  el  avec' 
quelle  passion  le  jeune  interrogateur  de  la  vie 
ne  devait-il  pas  le  feuilleter! 

Il  trouvait  la  les  anecdotes  inconnues,  les 
laits  typiques,  les  desseins  ignorés,  les  détails 
révélateurs.  C'était  «  l'envers  de  l'histoire  con- 
temporaine »  ;  c'étaient  les  grands  complots, 
tes  Chouans,  Madame  de  la  Chanterie,  Un  Épisode 
sous  la  Terreur. 

Madame  de  Berny  savait  tout  par  le  menu.  Et 
sa  mère,  la  femme  de  chambre  de  la  reine,  la 
veuve  du  harpiste,  Mmc  de  Jarjayes ,  vivait 
encore,  elle  qui  avait  été  de  tout  !  Elle  ne  mourut 
qu'en  18371. 

C'était  donc  un  monde  qu'on  eût  cru  disparu 
et  qui  était  là,  survivant.  Et  ce  passé  auquel  on 
osait  à  peine  faire  allusion,  tant  son  souvenir 
éveillait  de  cuisantes  douleurs,  il  était  là  !  Ces 
secrets  qu'on  disait  à  voix  basse,  dans  les  tête- 
à-tête  aux  portes  closes  et  en  ces  heures  rares 
où  l'âme  s'ouvre  et  se  livre,  on  allait  les  enten- 
dre, tout  frémissantset  vivants,  sur  cette  bouche 
délicieuse  encore  et  encore  prête  aux  baisers. 

1.  Voir  Mémoires  inédits  de  Paul  Lacroix,  dans  Le  Livre,  1882 , 
p.  271. 


BO  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

De  tout  ce  qui  avait  été  ces  joies,  ces  fêtes,  ce 
deuil,  ces  larmes,  quelque  chose  restait.  Un 
sentiment  avait  plané  au-dessus  des  tempêtes, 
franchi  les  révolutions,  attendu  et  retrouvé  son 
heure  :  c'était  la  fidélité  à  la  cause  royale  ou, 
mieux,  c'était  la  Fidélité  au  petit  groupe  qui 
avait  été  admis,  jadis,  dans  les  intimités  et  qui 
avait  su. 

Après  l'orage,  ceux  qui  avaient  survécu 
s'étaient  recherchés  et  s'étaient  rapprochés. 
Entre  ceux-là  (combien  rares  maintenant!), 
c'était  à  la  vie  à  la  mort. 

Or,  voilà  l'initiation  que  la  fille  de  la  femme 
de  chambre  de  la  reine,  la  belle-fille  du  cheva- 
lier de  Jarjayes,  la  prisonnière  des  Madelon- 
nettes  pouvait  transmettre  à  son  jeune  disciple. 

On  a  cherché  les  origines  du  royalisme  de 
Balzac.  On  s'est  demandé  où  il  avait  connu  ces 
admirables  figures  de  grandes  dames  qui  appa- 
raissent dans  son  œuvre.  On  s'est  demandé  où 
il  avait  recueilli  ces  principes  de  la  pure  doc- 
trine qu'il  développe  si  souvent  et  qui  étonnent 
parfois  sous  la  plume  du  roturier  Baissa,  petit- 
fils  des  paysans  de  Nougarié,  en  Albigeois,  et 
dont  les  tendances  eussent  été,  plutôt,  révolu- 
tionnaires et  bonapartistes. 

Le  secret  est  là.  Le  royalisme  de  Balzac,  ses 


DILECTA.  xi 

prétentions  nobiliaires  ',  ses  relations  avec  un 

monde  où  il  ne  paraissait  pas  appelé  à  vivre, 
ne  les  doit-il  pas,  en  grande  partie,  è  l'affection, 
aux  directions  de  l'amie  qui  veilla  sur  sa 
jeunesse  et  guida  sa  maturité? 

Du  moins,  on  peut  relever  ici  encore  de  pré- 
cieux indices  et  de  curieux  rapprochements. 

Ouel  est  le  grand  patron  politique  du  roman- 
cier, le  chef  dont  il  se  réclame,  l'homme  dont  il 
vante1,  sans  cesse,  l'autorité  et  les  lumières? 
c'est  le  duc  de  Fitz-James.  C'est  avec  le  duc  de 
Fitz-James qu'il  devait  faire  son  voyage  d'Italie, 
en  1833:  «  Et  moi  aussi  j'irai  à  Naples...  Cette 

1.  Le  père  de  Balzac  avait,  avant  son  fils,  des  prétentions  à 
la  noblesse.  Un  document,  que  nous  avons  sous  les  yeux,  en 
fournit  la  preuve.  En  1821,  Bernard-François  Balzac  mariait  sa 
fille  Laurence  ;  pour  annoncer  ce  mariage  à  ses  relations,  il  fit 
imprimer  deux  types  de  billets  de  faire-part.  L'un  est  ainsi 
libellé  : 

.  M 

«  Mr.  de  Balzac,  ancien  Secrétaire  au  Conseil  du  Roi,  ex- 
Directeur  des  vivres  de  la  première  Division  Militaire,  et  Mme  de 
Balzac  ont  l'honneur  de  vous  faire  part  du  Mariage  de  M,,e  Lau- 
rence de  Balzac,  leur  Fille,  avec  Monsieur  Armand-Désiré 
Michaut  de  Saint-Pierre  de  Montzaigle.  » 

L'autre  est  ainsi  rédigé  : 
«  M 

«  Monsieur  Balzac,  ancien  Secrétaire  au  Conseil  du  Roi,  ex- 
Directeur  des  vivres  de  la  première  Division  Militaire,  et  Ma- 
dame Balzac,  ont  l'honneur  de  vous  faire  part  du  mariage  de 
Mademoiselle  Laurence  Balzac,  leur  Fille,  avec  Monsieur 
Armand-Désiré  Michaut  de  Saint-Pierre  de  Montzaigle.  » 

Dans  l'acte  de  mariage,  en  date  du  1er  septembre  1821,  la 
mariée  est  dénommée  :  Laurence  Balzac. 

G 


82  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

année,  vers  le  mois  de  décembre,  il  y  aura  là 
des  âmes  d'élite  qui  doivent  s'y  réunir  et,  si  vous 
parcourez  ce  pays  à  cette  époque,  grande  sera 
ma  joie  de  vous  y  voir.  J'ai  dû  y  aller  avec 
M.  le  duc  de  Fitz-James  et  Mme  la  duchesse 
de  Castries,  mais  les  ennuis  de  la  vie  littéraire 
m'ont  rappelé  dans  le  grand  bagne  de  Paris,  où 
je  suis  trop  souvent  cloué  sur  un  banc  de 
forçat1.  »  Les  «  âmes  d'élite  »,  voilà  le  petit 
groupe  ! 

C'est  le  duc  de  Fitz-James  qui,  en  1832,  avait 
fait  entrer  Balzac  au  Rénovateur,  qui  le  chargea 
d'écrire  une  sorte  de  programme  du  parti 
royaliste  et  qui,  en  1834,  voulut,  avec  Berryer, 
faire  de  Balzac  un  député2.  C'est  pour  complaire 

1.  C'est  d'une  lettre  adressée  par  Balzac  à  M.  le  docteur  Mé- 
nière  qu'est  extrait  ce  passage  sur  le  voyage  projeté  à  Naples. 
Elle  a  été  publiée  dans  La  Captivité  de  Madame  la  duchesse  de 
Berry  à  Blaye,  1833.  Journal  du  docteur  P.  Minière,  médecin  en- 
voyé par  le  gouvernement  auprès  de  la  princesse,  publié  par  son 
fils,  le  docteur  E.  Ménière,  avec  deux  lettres  inédites  de.  Balzac  et 
du  maréchal  Bugeaud.  Paris,  Calmann  Lévy,  1882,  2  vol.  in-8,  t.  I, 
p.  531. 

Voir  aussi  Œuvres  complètes,  t.  XXIV.  Correspondance,  p.  1  \'l 
(lettre  LXXXVII,  à  Mme  Laure  Surville,  datée  d'Aix,  15  septembre 
1832);p.l40(lettreLXXXIX,à  M™  de  Balzac,  datée  d'Aix,  23  sep- 
tembre 1832)  ;  p.  158  (lettre  XCIV,  à  M»e  de  Balzac,  datée  île 
Genève,  octobre  1832).  —  Le  duc  Edouard  de  Fitz-James,  né  A 
Versailles,  en  1770,  et  mort  en  novembre  1838.  était  le  petit-fils 
du  maréchal.  Ancien  aide  de  camp  du  maréchal  de  Castries, 
pair  de  France  après  la  Bévolution  de  1830.  il  fut  élu  député  de 
Toulouse  en  1834.  Cf.  Biographie  universelle  [Michaud),  XIV,  p.  17 1 . 

2.  «  MM.  Berryer  et  Fitz-James  veulent  me  faire  nommer 
député  ;  mais  ils  échoueront.  Ce  sera  une  question  décidée 
dans  un  mois;  vous  saurez  cela  sans  doute  à  Trieste.  Mais,  si 


DILEC1  \.  83 

à  «  ces  amis  »  que  Balzac  publie  une  admirable 
page  sur  la  duchesse  d'Angouléme  où  l'on 
dirait  que  l'on  sent  l'inspiration  directe  d<> 
«  l'amié  »  pins  intime  encore1.  Enfin,  c'est  à 
propos  d'un  discours  où  le  duc  de  Fi tz- James, 
dès  1836,  céclame  l'alliance  russe,  que  Balzac 
écrit  c<4s  lignes  :  «  Depuis  longtemps,  la  tri- 
hune  n'avait  entendu  de  discours  plus  complet 
que  ne  Ta  été  celui  du  duc  de  Fitz-James.  Ce 
sont  de  ces  grands  jalons  posés  parles  hommes 
supérieurs,  auxquels  il  faut  un  jour  revenir  et 
dont  on  se  repent  de  n'avoir  pas  suivi  les 
indications2. 

Ce  chef  du  parti,  ce  patron,  ce  directeur  de 
la  conscience  politique  du  débutant,  ce  duc 
de  Fitz-James  n'est  autre  que  le  neveu  de  la 
marraine  de  Mme  de  Berny. 

Si   Balzac    est   entré    en    relation    avec    de 

j'étais  nommé,  je  me  ferais  ordonner  les  eaux,  car  le  porte- 
feuille de  premier  ministre  ne  me  ferait  pas  renoncer  au  cher 
usage  du  premier  moment  de  liberté  que  j'aurai  su  conquérir 
dans  ma  vie.  Permettez-moi  de  laisser  cela  encore...  »  Collec- 
tion Lovenjovl,  ms.  A  301,  fol.  169  v°.  —  Lettres  à  V Étrangère, 
p.  162  (lettre  LXI,  3  juin  1834). 

1.  Voir  Œuvres  complètes,  t.  XXIII,  pp.  353-358  :  La  vie  d'une 
femme.  Parmi  les  écrits  historiques  et  politiques  d'Honoré  de 
Balzac  recueillis  dans  le  tome  XXIII  des  Œuvres  complètes 
(œuvres  diverses),  nous  citerons  :  Du  droit  d'aînesse,  p.  1  ;  Lne 
famille  politique,  p.  217;  De  l'indifférence  en  matière  politique, 
p.  237  ;  Enquête  sur  la  politique  des  deux  ministères,  p.  241  ;  Sur  la 
situation  du  parti  royaliste,  p.  359;  La  France  et  l'Étranger 
p.  579;  Profession  de  foi  politique,  p.  787,  etc.,  etc. 

2.  Œuvres  complètes,  t.  XXIII,  p.  490. 


s;  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

tels  personnages,  avec  le  prince  Christian  de 
Montmorency  qui  lui  écrivait  en  1832  et  faisait 
des  démarches  pour  soutenir  sa  candidature1, 
avec  les  Duras,  les  Biencourt,  c'est  probable- 
ment à  son  amie  qu'il  dut,  de  si  bonne  heure, 
de  si  hautes  relations2. 

C'est  par  elle  qu'il  eut  une  ouverture  sur  ces 
hautes  demeures  si  fermées  du  faubourg  Saint- 
Germain  et,  pour  hasarder  une  dernière  hypo- 
thèse, c'est  par  elle  que  l'étudiant  besogneux 
du  quartier  de  l'Arsenal  et  le  pauvre  imprimeur 

1.  Sur  les  opinions  royalistes  de  Balzac,  consulter  notam- 
ment l'intéressante  étude  de  M.  Edmond  Biré  :  Honoré  de 
Balzac.  Paris,  H.  Champion,  1897,  in-8,  et  un  article  de  M.  Ga- 
briel Ferry,  intitulé  :  Balzac  candidat  à  la  députation,  ses  idées 
politiques,  1831-1848,  inséré  dans  la  Bévue  politique  et  parlemen- 
taire du  10  décembre  1901.  La  lettre  adressée  à  M.  le  docteur 
Ménière,  que  nous  avons  citée  note  1,  p.  82,  a  aussi  une  grande 
importance  au  point  de  vue  des  convictions  monarchistes  de 
Balzac.  Ajoutons  que  Mme  de  Berny  eut  à  regretter  d'avoir  lancé 
Balzac  dans  ce  monde  quand  il  y  rencontra  des  femmes  qui  de- 
vinrent ses  rivales.  Voir,  p.  '250,  une  leltre  de  M"*  de  Berny. 

2.  M.  Edmond  Biré,  dans  son  Honoré  de  Balzac,  p.  145,  publie 
la  lettre  du  prince  de  Montmorency  qui  lui  a  été  communiquée 
par  le  vicomte  de  Spoelberch  de  Lovenjoul.  Le  prince  de  Mont- 
morency dont  il  est  ici  question  est,  d'après  les  renseigne- 
ments que  nous  donne  obligeamment  M.  Frédéric  Masson. 
Anne-Louis  Christian,  prince  de  Montmorency,  grand  d'Es- 
pagne, né  le  27  mai  1761),  troisième  fds  de  Anne-Léon,  due  de 
Montmorency,  et  de  Anne-Charlotte  de  Montmorency-Luxem- 
bourg, sa  seconde  femme.  Marié  le  6  septembre  1797  à  Marie- 
Henriette  de  Becdelièvre  de  Cany,  maréchal  de  camp  en  1815. 
pair  de  France  en  1827,  il  mourut  le  25  décembre  1844.  De  lui 
viennent  mesdames  de  Cossé-Brissac,  de  la  Châtre  et  de  Bien- 
court.  Son  fds,  mort  en  1853  sans  alliance,  s'est  appelé  le 
prince  de  Robecq.  Lui-même,  bien  que  ne  s'étant  appelé  que 
le  prince  de  Montmorency,  était,  en  réalité,  le  prince  de  Tan- 
carville  et  était,  en  1789,  titré  comte  de  Tancarville. 


DILECTA.  85 

de  la  rue  <l<\s  Marais  put,  dès  sa  jeunesse,  et 
alors  qu'il  n'avait  ni  célébrité,  ni  relations, 
entrevoir  el  dévoiler  au  public,  avec  une  réalité 
si  palpitante,  les  drames  du  grand  monde  et 
«  les  secrets  de  la  princesse  de  Cadignan  ». 

Il  nous  esl  possible  aujourd'hui  de  lever  tous 
les  voiles  grâce  à  notre  ami  regretté  et  nous 
pourrions  presque  dire  notre  collaborateur,  le 
vicomte  de  Spoelberch  de  Lovenjoul.  Il  n'a  pas 
eu  le  loisir  de  publier  lui-môme  les  documents 
si  précieux  qu'il  avait  réunis  sur  cette  page, 
maintenant  ouverte,  de  la  vie  du  grand  roman- 
cier. Nous  les  publions  plus  loin  en  son  nom. 

Ajoutons  auparavant,  car  c'est  là  ce  qui  im- 
porte, que  l'influence  littéraire  de  Mme  de  Berny 
sur  le  génie  de  son  jeune  ami  paraît  avoir  été 
réelle  et  considérable.  Elle  avait  une  large  ins- 
truction, un  lact  sûr,  une  grande  expérience  de 
la  vie.  Balzac  reçut  d'elle  des  leçons  inoubliables. 

Précisons  encore  :  Balzac  dédie  à  Mme  de  Berny 
son  roman  Louis  Lambert,  qui  n'était  qu'une 
sorte  d'autobiographie.  Voici  la  délicieuse  et 
émouvante  lettre  qu'elle  lui  écrivit  à  ce  sujet  : 

[Lundi]  9  [juillet  1832.] 

Quel  lourd  et  pesant  fardeau  tu  me  donnes  à  por- 
ter, ami  chéri  !  Quoi  !  ne  t'en  rapporter  qu'à  moi  pour 


86  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

ton  L[ouis]  L[amberf]1,  pour  une  œuvre  à  laquelle  tu 
mets  tant  de  prix!  Mais  c'est  une  folie,  mon  bien  cher, 
et  si  tu  crois  une  femme  capable  de  t'aider  par  ses 
jugemens,  pourquoi  ne  consultes-tu  pas  Mde  Caraud 
(sic)  ?  Je  te  dis,  en  toute  vérité,  que,  par  les  lettres  que 
tu  m'as  lues  d'elle,  et  par  ce  que  tu  m'en  as  dit,  je  la 
crois  plus  capable  que  moi,  qui  n'ai,  comme  tu  sais,  que 
mon  sentiment,  guidé  par  l'instinct  du  cœur. 

Faut-il  donc,  Mr  Minet,  pour  pouvoir  profitter  des 
conseils  d'une  femme  que  cette  femme  nous  appar- 
tienne? Ce  génie- femme  dont  l 'absence,  dites-vous, 
vous  jette  dans  une  petite  folie,  s'évanouit-il  donc  tout  à 
fait,  quand  les  sens  ne  sont  plus  près  de  lui?  Ah!  mon 
René,  quel  arrêt  pour  ta  nouvelle  Eve1! 

A  propos  de  René,  ne  voilà-t-il  pas  ce  nom  qui  se 
trouve  écrit  par  nous  deux  dans  le  même  moment,  et 
tu  veux  que  le  génie  ne  soit  plus  là?  Oh  oui,  tu  as 
mieux  dit  ailleurs,  nous  sommes  la  même  substance,  et 
voilà  pourquoi  la  plus  légère  parcelle  séparée  entre 
nous  produit  un  si  vif  déchirement.  Oh  !  comme  j'ai 
savouré  ce  bon  et  long  et  voluptueux  bec  que  ttu  m'en- 


1.  La  Notice  biographique  sur  Louis  Lambert,  qui  porte  la  dédi- 
cace :  Et  nunc  et  semper  dilectx  dicatum,  datée  du  château  de 
Sache,  juin-juillet  1832,  parut,  pour  la  première  fois,  datée  et 
dédiée  en  octobre  1832,  dans  les  Nouveaux  Contes  philosophiques 
(Paris,  Gosselin,  1832,  in-8).  En  1833,  le  livre  parut  séparément, 
chez  le  même  éditeur,  en  un  volume  in-18,  intitulé  :  Histoire 
intellectuelle  de  Louis  Lambert.  Réimprimé  dans  Le  Livre  mys- 
tique (Paris,  Werdet,  1835,  2  vol.  in-8),  chez  Charpentier,  en  1842, 
puis  dans  les  Études  philosophiques  (lre  édition  de  la  Comédie 
humaine,  t.  XVI),  Louis  Lambert  a  définitivement  pris  place  dans 
le  tome  XVII  des  Œuvres  complètes  de  H.  de  Balzac  (Paris.  Mi- 
chel Lévy  frères,  1870,  in-8).  Voir  Histoire  des  œuvirs  de  H.  de 
Balzac,  par  le  Ve  de  Spoelberch  de  Lovenjoul,  5e  édition. 
pp.  190-191. 

2.  Peut-être  MBe  Hanska,  dont  Balzac  avait  reçu  la  première 
lettre  le  28  février  1832.  Il  devait,  toutefois,  ignorer  son  pré- 
nom :  Éveline. 


DILECTA.  *1 

voies!  Ami,  à  cette  distance,  l'enivrement  qu'il  cause 
n'est  pas  dangereux,  et  l'on  peut  s'y  livrer;  aussi  je  te 
le  renvoie  doublement  chargé  de  tout  co  que  tu  y  as 

uns. 

Je  veux.  M1,  savoir  ce  que  vous  avez  écrit  après  le 
mol  :  dame,  il  m'a  été  impossible  <le  déchiffrer  ce  mot 
qui  m'intéresse;  vous  le  transcrirez  lisiblement,  s.  v.  p., 

et  me  renverrez  mon  petit  morceau  de  papier,  j'y  tiens, 
attendu  qu'il  fail  partie  d'une  collection  de  laquelle  je 
n'ai  pas  encore  égaré  une  seule  syllabe1. 

Tu  le  vois  bien  que  je  ne  suis  que  femme.  Cette 
lettre  était  destinée  à  ne  te  parler  que  de  ton  L[ouis  L[am- 
bert],  je  voulais  obéir  à  tes  ordres,  et  m'afïubler  du 
masque  de  critique,  bah!  j'ai  enfilé  une  toute  autre 
route,  et  je  m'y  trouvais  bien  mieux  que  sur  le  sol 
rocailleux  où  tu  veux  me  faire  marcher.  Tune  sais  donc 
pas  que  je  m'y  blesserai,  non  les  pieds,  mais  le  cœur, 
car  il  s'agit  de  te  dire  des  vérités  dures,  puisque  tu 
veux  les  entendre;  mais  songe  que  je  puis  ne  pas  avoir 
le  sens  commun,  qu'un  avis  donné  par  sentiment  sur  un 
objet  d'art  peut  ne  pas  avoir  le  sens  commun  et  que  là 
où  ma  vue  débile  n'apperçoit  rien,  un  œil  exercé  y  verra 
d'admirables  beautés  ! 

Je  viens  de  relire  ce  que  j'ai  de  L[ouis]  L[ambert), 
c'est-à-dire  le  tout,  moins  la  3e  et  4e  feuille;  après  avoir 
disséqué  cette  œuvre,  je  viens  de  la  revoir  vivante,  et 
je  crois  que  tu  as  entrepris  une  œuvre  impossible.  Ce 


i.  Il  se  trouve  joint,  à  cette  page,  un  minuscule  fragment  de 
la  lettre  même  de  Balzac  à  laquelle  répond  celle-ci.  Voici  ce 
qu'il  contient  :  «  Faut-il  donc  aller  à  la  dame  d'Aix?  »,  c'est- 
à-dire,  ainsi  qu'il  le  fît  en  effet,  aller  retrouver  la  marquise  de 
Castries  qui  l'attendait  à  Aix-les-Bains.  —  Malgré  la  demande 
de  sa  correspondante,  Balzac  ne  lui  retourna  donc  jamais  cette 
petite  relique  à  laquelle  elle  semblait  attacher  tant  de  prix. 
Il  i»  msa.  probablement,  que  la  fine  mouche,  un  peu  jalouse, 
n'avait  pas  voulu  lire  ou  comprendre.  [S.  L.] 


«8  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

qui  me  console,  c'est  que  le  public  ne  verra  pas  ce  que 
tu  as  espéré  en  faire,  et  ce  qui  est  la  seule  chose  que  je 
trouve  impossible,  tu  veux   faire  le  fait  vrai,  le  saisir 
dans  son  action  même.   Si  le  public  devinait  cela,  tu 
serais  perdu,  car  ce  serait  vouloir  poser  une  borne  qu'il 
n'est  permis  qu'à  Dieu  de  toucher.  Goethe  et  Byronont 
admirablement  peint  les  désirs  d'un  esprit  supérieur; 
en  les  lisant,  on  les  grandit  de  tout  cet  espace  qu'ils 
ont  apperçu  ;  on  admire  la  portée  de  leur  vue  ;  on  vou- 
drait leur  donner  son  âme  pour  aider  la  leur  à  franchir 
la  distance  qui  les  sépare  de  ce   but  où  ils  aspirent. 
Mais,  si  un  auteur  vient  me  dire  qu'il  est  parvenu  à  ce 
but,  tel  grand  qu'il  soit,  je  ne  vois  plus  en  lui  que  le 
présomptueux,  sa  vanité  me  choque  et  je  le  rapetisse 
de  toute  la  hauteur  où  il  a  voulu  s'élever.  La  perfection 
est  pour  l'homme  quelque  chose  d'autant  plus  précieux 
qu'elle  est  toujours  accompagnée  de  Y  espérance;  si  un 
Dieu  venait  la  lui  offrir,  peut-être  n'en  voudrait-il  plus; 
mais  bien  certainement  il  croira  toujours  de  mauvais 
aloi,  ou  mieux  encore  il  ne  croira  pas  à  celle  qu'un 
homme  viendra  lui  offrir,   et  il  jettera  sur  cet  homme 
un  juste  ridicule.  Voilà,    chéri,  mon  avis,    et  d'après 
lequel  je  te  supplierais  de  retrancher  de  ton  L[ambert\ 
tout  ce  qui  pourrait  faire  deviner  ces  singulières  pen- 
sées, dont  je  voudrais  bien  être  seule  dépositaire  (et  que 
j'ai  transcrites  de  tes  lettres).  Ainsi  ces  phrases  :  «  l'ad- 
mirable combat  de  la  pensée,  arrivée  à  sa  plus  grand** 
force,  à  sa  plus  vaste  expression  »...  «  le  monde  moral, 
dont  il  avait  reculé  les  limites  pour  lui...* ne  peuvent 
se  tolérer,  surtout  les  premières,  car,  enfin,  reculer  des 
limites  n'est  pas  atteindre  un  but,  et  celle-ci  peut  à  la 
rigueur  passer. 

Oui,  bien  certainement,  je  blâme  la  collusion,  car 
elle  serait  à  ton  préjudice;  fais,  mon  chéri,  que  toute  la 
foule  t'apperçoive  de  partout,  par  la  hauteur  où  tu  te 
seras  placé,  mais  ne  lui  crie  pas  de  t'admirer,  car,  de 


DILECTA.  *'■' 


toutes  |>;iris,  les  verres  les  plus  grossissants  seraient  à 
l'instant  dirigés  sur  toi,  et  <|n<^  devient  le  j>Ius  délicieux 
<>l>jH  vu  au  microscope 


i  v 


Si  l'on  se  souvient  <Ie  la  confuse  philosophie 
et  du  prétentieux  grossissement  qui  gâtent  cer- 
taines pages  de  Louis  Lambert,  tel  qu'il  a  été  pu- 
blié, même  après  les  critiques  de  M™6  de  Berny, 
celles-ci  paraissent  singulièrement  sages,  har- 
dies et  justes. 

Mais  avec  quel  art,  cette  femme  qui  adorait  ce 
o  Monsieur  Minet  »  glisse,  dans  ses  caresses, 
cette  forte  leçon!  Avec  quelle  prudence  elle  pro- 
cède !  Comme  elle  soigne  ses  travaux  d'approche  ! 

Elle  arrive  au  but,  cependant,  et  elle  dit  ce 
qu'elle  pense.  Elle  avertit,  en  femme  avisée  et  en 
penseur  éclairé,  le  jeune  orgueilleux.  Elle  lui 
signale  les  écueils  où,  plus  d'une  fois,  il  faillit 
sombrer  :  la  vanité  littéraire,  l'essoufflante  pré- 
tention philosophique,  l'ambition  maladive  de 
«  faire  le  Dieu  ». 

Qu'une  femme  de  sens  et  de  tact  ait  pu  voir 
ainsi  jusqu'au  fond  de  l'âme  qui  s'ouvrait  devant 
elle,  à  cela  rien  détonnant;  mais  le  miracle  est 
dans  le  fait  qu'ayant  vu,  elle  ait  parlé. 

Franchise,     courage     singuliers     chez    une 

1.  Cette  lettre  ne  porte  pas  d'adresse,  niais  au  moment  où 
elle  a  été  écrite,  Balzac  se  trouvait  chez  Mme  Zulma  Carraud,  à 
Angoulème.  {Collection  Spoelberch  de  Lovevjoul,  ms.  A  291 , 
fol.  2'.).) 


90  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

femme  que  tout  menace  et  qui  ne  craint  pas, 
pour  corriger  et  grandir  l'objet  de  l'amour,  de 
risquer  l'amour  lui-même. 

Ici,  le  sentiment  complexe  et  parfois  inquié- 
tant s'élargit  et  s'ennoblit  jusqu'à  devenir  ma- 
ternel. 

Et  comme  il  s'élève  encore  dans  la  phrase 
triomphale  de  la  fin  :  «  Fais,  mon  chéri,  que 
toute  la  foule  t'apperçoive  de  partout,  par  la 
hauteur  où  tu  te  seras  placé!  » 

Cette  page  est  décisive,  Madame  de  Berny  fut 
une  éducatrice1. 


1.  Voir  plus  loin  les  lettres  de  Balzac  et  celles  de  Mme  de 
Berny,  publiées,  pour  la  première  fois,  dans  le  présent  vo- 
lume. 


LES  AFFAIRES 


L'association  entre  Balzac  et  Barbier  pour 
l'exploitation  du  fonds  d'imprimerie  de  la  rue 
des  Marais- Saint- Germain  dura  depuis  le 
1er  juin  1826  jusqu'au  3  février  1828\ 

M.  d'Àssonvillez,  à  qui  Balzac  devait  déjà  une 
somme  assez  ronde,  avait  pris  ses  précautions. 
Par  acte  passé  le  16  mars  1826,  quelques 
semaines  avant  la  prise  de  possession  de  la 
maison  par  les  deux  associés,  il  s'était  fait  céder 
par  eux,  à  titre  de  nantissement,  la  propriété 
du  fonds  et  de  tout  le  matériel.  Si  bien  que 
Balzac  et  Barbier  étaient,  tout  simplement,  les 
locataires  de  M.  d'Assonvillez.  Ils  lui  devaient, 
de  ce  chef,  un  loyer  annuel  de  cinq  cent  vingt- 
huit  francs  quatre-vingt-huit  centimes.  Nou- 
velle charge  !  On  peut  se  demander  comment 
des  gens  raisonnables,  couverts  de  dettes  par 
ailleurs,  avaient  pu  l'assumer. 

1.  Voir  Appendice  VI,  pièces  n0i  62  et  66. 


92  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Dans  l'association,  Barbier  s'occupait  de  la 
partie  technique;  Balzac  avait  gardé  la  signa- 
ture ;  en  outre,  il  s'était  réservé  toute  la  partie 
commerciale,  la  tenue  de  la  caisse  et  la  compta- 
bilité. 

Quoique  Balzac  eût  alors  vingt-sept  ans,  qu'il 
eût  passé  plusieurs  années  chez  un  notaire  et 
un  avoué,  l'examen  des  papiers  de  la  maison 
d'imprimerie  suffit  pour  prouver  qu'il  fut,  dans 
cette  circonstance,  ce  qu'il  demeura  toute  sa 
vie,  le  plus  déplorable  des  hommes  d'affaires. 
Dans  ses  romans,  il  jouait  admirablement  avec 
les  chiffres:  dans  la  réalité,  il  était  incapable  de 
tenir  un  compte. 

Les  faits  parlent  trop  haut  :  en  moins  de  deux 
ans,  la  maison  se  trouva  débitrice  d'une  somme 
d'environ  113  000  francs,  en  présence  d'un  actif 
évalué  à  67000  francs. 

La  légèreté  qui  avait  présidé  à  l'installation 
de  la  maison  se  manifesta  dans  l'exploitation. 
Elle  se  résume  endeuxmots  :  désordre,  coulage. 

Les  associés  s'étaient  établis  avec  des  dettes. 
Balzac  avait  déjà  des  engagements  pour  plus  de 
70  000  francs  '  quand  il  vint  s'installer  rue  des 
Marais.  Son  père,  il  est  vrai,  lui  aurait  avancé, 
d'après  ce  que  dit  Mmc  Surville,  une  somme  de 

i.  Voir  ci-dessus,  p.  41. 


LES  AFF AIRES.  W 

30000  francs.  Mais  il  ne  semble  p;is  que  cette 
somme  ail  été  réellement  versée;  car,  nous 
voyons   que,    le   c2.'l   août    1826,    Balzac    père 

répond,  pour  son  fils,  auprès  dune  amie  de  la 
famille,  Mmo  Delannoy:  «  Balzac  (il  s'agil  du 
père)  répond  à  Mmc  de  Lanoy  (sic)  de  tout  ce 
qu'elle  pourra  faire  pour  son  (ils,  à  quelle 
somme  que  cela  puisse  se  monter,  et  de  la  rem- 
bourser si  l'emprunteur  ne  satisfait  pas  à  ses 
engagements.  Elle  comprendra  mieux  que  je 
pourais  (sic)  l'écrire  que  ceci  doit  rester  dans 
le  plus  absolu  secret.  —  Versailles,  23  août 
1826\  » 

Donc,  de  ce  côté,  Balzac,  le  fils,  devait 
encore.  Il  n'avait  pas  reçu  de  l'argent  comptant, 
et  son  père  ne  lui  avait  donné  rien  autre  chose 
que  sa  garantie. 

Cependant,  l'affaire  du  Molière  et  du  La  Fon- 
taine était  une  perte  sèche.  Les  livraisons  ne  se 
vendaient  pas.  On  devait  de  l'argent  à  Canel. 


1.  Madame  Joséphine  Delannoy,  née  Doumerc.  C'est  à  elle 
que  Balzac  a  dédié  La  Recherche  de  l'absolu  (juin-septembre  1834). 
M.  Hanotaux  possède  un  exemplaire  des  Romans  et  contes  philo- 
sophiques, seconde  édition.  Paris,  Charles  Gosselin,  1851,  in-8°, 
qui  porte,  sur  le  faux-titre  du  deuxième  volume,  la  dédicace 
suivante  :  Offert  à  Madame  Delannoy  comme  témoignage  de  recon- 
naissance de  l'auteur:  Balzac.  —  Balzac  écrit  à  sa  sœur,  en  sep- 
tembre 1835  :  «  Dablin  a  été  récemment  gracieux,  obligeant  et 
ami,  comme  l'est  Mm*  Delannoy,  Borget,  madame  Carraud  ou 
Y  Aima  soror.  »  (Collection  Lovenjoul,  ms.  A  276,  fol.  221.  — 
Œuvres  complètes,  t.  XXIV,  Correspondance,  p.  224.) 


94  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Celui-ci,  qui  était  sur  le  point  de  tomber  en 
faillite,  devenaitexigeant.  Peut-être  Mmede  Berny 
avait-elle  souscrit  les  billets  sans  l'aveu  de  son 
mari.  Il  fallait  de  l'argent  à  tout  prix. 

Balzac  croit  se  tirer  d'affaire  en  cédant  tout  le 
La  Fontaine  h  un  librairenommé  Alexandre  Bau- 
douin. Il  devient,  alors,  la  victime  d'une  de  ces 
manœuvres  que,  par  la  suite,  il  s'entendra  si 
bien  à  raconter,  et  qui  font  tout  le  drame  de 
César  Birotteau. 

Balzac,  on  s'en  souvient,  avait  acheté,  en  1825, 
à  Canel  le  La  Fontaine  en  feuilles,  et,  comme 
nous  l'avons  vu,  il  avait  payé  Urbain  Canel  en 
argent  ou  en  billets  souscrits  par  Mme  de  Berny. 
Or,  maintenant,  que  fait-il  ?  Il  cède  toute  l'édition 
du  La  Fontaine,  en  feuilles,  non  encore  achevé, 
à  Alexandre  Baudouin,  en  prenant  l'engage- 
ment de  livrer  l'ouvrage  complet  dans  les  deux 
mois. 

En  échange,  que  va-t-il  recevoir  de  Bau- 
douin? D'abord,  2000  francs  versés  à  Urbain 
Canel.  Et,  pour  le  surplus,  c'est-à-dire  pour  les 
20000  fr.  environ  que  représentent  2500  exem- 
plaires à  8  francs  le  volume,  Alexandre  Bau- 
douin lui  écoule  (sans  garantie  d'aucune  sorte)  : 
1°  une  créance  sur  le  sieur  Frémeau,  libraire  à 
Reims,  actuellement  en  état  de  faillite,  créance 
montant  à  la  somme  de  28840  francs;  2°  une 


LES  AFFAIRES.  M 

autre  créance  de  1  650  francs  sur  le  sieur  Dabo 

jeune,  également  en  état  de  faillite;  3°  une  autre 
créance  de  1  335  francs  sur  une  maison  Bou- 
land  el  Tardieu  qui  ne  paraît  pas  valoir  beau- 
coup plus  '. 

Nanti  de  ces  rossignols,  le  pauvre  Balzac  se 
met  en  chasse  pour  obtenir  pied  ou  aile  des 
débiteurs  du  compère  Alexandre  Baudouin. 
Finalement,  après  des  frais  sans  nombre  et  un 
échange  de  papiers  —  où  le  papier  timbré 
domine,  —  le  libraire  de  Reims,  Frémcau,  s'ar- 
range pour  glisser  à  Balzac,  en  paiement  de 
ses  28 000  francs,  tout  un  stock  de  livres 
faisant  le  fonds  de  boutique  de  sa  librairie  de 
province  :  c'est-à-dire  les  Œuvres  complètes  de 
Gesmer  en  nombre,  les  Œuvres  complètes  de  Flo- 
rian,  les  Œuvres  de  Gilbert,  et  puis  des  Molière, 
des  Fénelon,  des  Condillac,  des  Pausanias,  des 
Colardeau,  des  Colin  d'Harleville  et  des  Parny  ! 
Trop  heureux  que,  dans  cette  étonnante  nomen- 
clature, il  ne  se  trouve  pas  des  squelettes 
anatomiques  ou  des  lézards  empaillés  ! 

Balzac  accepte  tout,  et,  après  ce  détour  aussi 
imprévu  que  compliqué,  il  se  trouve  à  la  tête 
d'un  lot  de  vieux  papier  noirci,  alors  qu'au 
début  de  l'affaire,  pour  un  premier  lot  de  papier 

1.  Voir  Appendice  V,  pièce  n°  36. 


96  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

noirci,  il  avait  déjà  donné  sa  signature  et  son 
bel  argent  comptant1. 

Ainsi  menée,  la  maison  était  vouée  à  une 
ruine  prochaine.  La  clientèle  ne  venait  pas.  Une 
maison  d'imprimerie  ne  s'achalande  pas  du  jour 
au  lendemain.  L'affaire  Laurens  aîné  était  bien 
peu  de  chose  quand  celui-ci  cédait  son  fonds. 
Balzac  comptait  sur  ses  propres  relations.  Il 
dut  en  rabattre. 

L'un  de  nous,  M.  Georges  yicaire,  a  pris  la 
peine  de  dresser  la  liste  des  impressions  de 
Balzac  mentionnées  au  Journal  de  la  Librairie 
et  ailleurs.  Nous  avons  réuni  un  assez  grand 
nombre  de  ces  épaves.  Tout  compte  fait,  on 
arrive  à  un  total  d'environ  cent  cinquante  arti- 
cles, ce  qui  n'est  guère,  en  deux  ans,  si  l'on  fait 
remarquer  que,  parmi  ces  travaux,  il  y  en  a  la 
moitié  au  moins  qui  sont  de  très  peu  d'impor- 
tance :  de  simples  placards,  des  brochures,  des 
factums,  des  livraisons2. 

La  première  des  productions  qui  sort  des 
presses  de  Balzac  est  un  prospectus  de  phar- 
macie :  Pilules  anti-glaireuses  de  longue  vie.  ou 
Grains  de  vie,  de  Cure,  pharmacien  à  Paris,  rue 
Saint-Antoine,  n°  77,  in-8  d'un  quart  de  feuille, 
daté  du  29  juillet  1826.  C'est  sur  ce  frêle  esquif 

1.  Voir  Appendice  V,  pièces  nM  39  à  42. 

2.  Voir  Appendice  IX. 


LES  AFFAIRES.  W 

que  s*embarque  la  gloire  future  <ln  rival  imagi- 
naire desEstienne  et  des  Didot.  Et,  sauf  erreur, 
la  dernière  cartouche  est  tirée,  le  1  octobre  i  828 
avec  la  Princesse  Christine,  de  Henri  Zschokke. 

Cependant,  dans  l'intervalle,  quelques  livres 
intéressants  et  curieux  onl  étélivréspar  la  mai- 
son Balzac  : 

Pour  Baudouin,  Balzac  entreprit  une  série  de 
petits  classiques  in-32,  imprimés  dans  son 
fameux  caractère  Mignone,  si  lin  qu'il  casse  les 
yeux  ;  il  est  vrai  qu'en  raison  de  leur  pelilformat, 
ces  livrets  minuscules  peuvent  se  glisser  dans 
la  poche  :  ce  sont  les  œuvres  de  Volney,  de 
Ducis,  de  La  Harpe,  de  Colardeau,  les  contes  de 
La  Fontaine  :  on  entreprend  même  les  «  Chan- 
sons de  Béranger1  ». 

Ganel  fait  imprimer,  par  Balzac,  nombre  de 
livres  dont  les  titres  évoquent  toute  l'époque 
romantique  :  Leduc  de  Guise  à  Naples,  La  Prin- 
cesse Christine,  Le  Grison  ou  la  Côte-aux-Fées, 
Myriologies  ou  chants  funèbres  et  élégiaques  d'un 

1.  Chansons  de  P.-J.  de  Béranger.  Paris,  Baudouin  frères,  rue 
de  Vaugirard,  n°  17,  1829.  In-32  de  2  ff  et  484  pp. 

Cette  édition,  bien  que  datée  de  1829,  est  enregistrée  dans  la 
Bibliographie  de  la  France  du  22  novembre  1828,  n°  6773  ;  elle 
porte  comme  nom  d'imprimeur  celui  de  Barbier  seul.  La  com- 
position en  caractères  Mignone,  de  près  de  300  pages,  a 
dû  exiger  beaucoup  de  temps  et,  par  conséquent,  commencer 
avant  que  Balzac  eût  quitté  son  imprimerie.  Or,  un  ouvrage 
enregistré  dans  la  Bibliographie  de  la  France  du  4  octobre  1828. 
La  Princesse  Christine,  porte  encore  le  nom  de  Balzac. 

7 


98  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Épirote,  Tableaux  poétiques  par  le  comte  Jules  de 
Rességuier,  les  Annales  romantiques  pour  1828, 
et  surtout  un  charmant  et  précieux  livre,  fort 
bien  imprimé,  en  vérité,  et  orné  de  deux  gra- 
vures en  couleur  par  Henry  Monnier  :  Scènes  con- 
temporaines laissées  par  feue  Madame  la  vicomtesse 
de  Chamilly  ;  seconde  édition  augmentée  du  Dix-huit 
brumaire.  Paris,  Urbain  Canel,  1828. 

Voici  encore  les  Proverbes  romantiques  par 
Romieu,  imprimés  pour Ladvocat;  voici  un  gros 
livre  imprimé  pour  Baudouin  :  Manuel  géographi- 
que, historique  et  statistique  des  départements  de  la 
France  et  de  ses  colonies;  voici  des  actualités  : 
La  Petite  Dragonnade  du  quai  des  Orfèvres,  Le 
Féroce  à  Montrouge,  le  Testament  des  Ministres, 
le  Discours  de  la  Girafe  au  chef  des  six  Osages  [ou 
Indiens),  YOde  sur  la  nouvelle  loi  contre  la  liberté 
de  la  Presse. 

Marco  de  Saint-Hilaire  fait  imprimer  par 
Balzac  une  série  de  ses  fantaisies  dans  le  goût 
du  temps  :  L'Art  de  mettre  sa  cravate,  L'Art  de 
payer  ses  dettes  et  de  satisfaire  ses  créanciers  sans 
débourser  un  sou;  on  réimprime,  de  Mme  de  Genlis, 
le  La  Bruyère  des  domestiques. 

Dans  ce  même  genre,  Balzac  lui-même  porto 
de  l'eau  au  moulin  et  on  lui  attribue  le  Petit 
dictionnaire  critique  et  anecdotique  des  enseignes  de 
Paris,  par  un  Batteur  de  paré. 


LES  AFFAIRES.  99 

Voici  deux  livres  dignes  de  survivre  :  les 
Mélanges  historiques  et  littéraires  de  .1/.  Villemain, 
imprimés  pour  Ladvocat;  et  La  Jaquerie,  scènes 
féodales,  suivies  de  la  Famille  de  Carvajal,  drame, 
par  l'auteur  du  Théâtre  de  Clara  Gazul  (c'est-à- 
dire  Mérimée),  imprimée  très  élégamment  pour 
Brissot-Thivars,  en  1828. 

Deux  entreprises  purement  commerciales 
mais  plus  importantes  fournissent  un  fonds 
de  travail  courant  à  l'imprimerie  :  c'est  la  col- 
lection des  Mémoires  sur  la  Révolution,  de  Bar- 
rière, pour  laquelle  Balzac  et  Barbier  im- 
priment :  les  Mémoires  du  baron  de  Besenval, 
les  Mémoires  de  Madame  Roland,  les  Mémoires  du 
marquis  de  Bouille,  les  Mémoires  de  Charles  Bar- 
baroux  ;  et,  d'autre  part,  le  vaste  recueil  du 
Corps  du  droit  français,  pour  Mal  lier  et  Gie,  dont 
Balzac  livre  dix-neuf  livraisons,  du  9  février  au 
SOaoût  18281. 

Malgré  ces  efforts  constants,  les  affaires  vont 
mal.  L'argent  ne  rentre  pas.  On  est  en  discus- 
sion avec  les  clients.  Balzac  ne  connaît  pas,  lui- 
même,  exactement,  les  conditions  dans  les- 
quelles il  travaille.  Il  consent  des  réductions 
impossibles.  Les  clients  se  renseignent,  les 
uns  les  autres,  et  refusent  de  payer  si  on  ne 

1.  Voir  Appendice  IX. 


100  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

leur  accorde  pas  sur  les  factures  des  diminu- 
tions énormes.  C'est  le  gâchis1. 

Qu'est-ce  que  fait  Balzac?  Déjà  empêtré 
dans  la  direction  d'une  affaire  restreinte  qui 
tourne  mal,  il  ne  trouve  rien  de  mieux  que  de 
s'enfoncer  davantage;  il  ne  lui  suffit  plus 
d'être  éditeur  et  imprimeur  :  il  devient  main- 
tenant fondeur  de  caractères.  Au  moment  où 
la  ruine  menace,  Balzac,  comme  César  Birot- 
teau,  croit  que  c'est  le  moment  de  frapper 
un  grand  coup,  et  il  ne  songe  qu'à  entrer, 
toute  voile  dehors,  «  dans  la  grande  industrie 
parisienne  »\ 

Le  feuilleton  de  la  Bibliographie  de  la  France 
du  8  septembre  1827  avait  annoncé  la  mise  en 
vente,  après  faillite  et  décès  du  sieur  Gillé  fils, 
du  fonds  d'imprimeur-fondeur  de  caractères 
exploité  par  lui,  rue  Garancière,  n°  4.  C'est  tout 
un  attirail  de  matrices,  de  lettres,  de  carac- 
tères, de  moules,  de  gravures,  etc.  Le  liquida- 
teur de  la  faillite  est  un  certain  Laurent  qui  se 
déclare  domicilié  rue  des  Marais-Saint-Ger- 
main, n°  17,  c'est-à-dire  dans  la  même  maison 
que  Balzac.  En  effet,  dès  le  mois  de  juillet,  ce 
Laurent  (Jean-François)  s'était  associé  à  Balzac 

1.  Voir  Appendice  VIII,  pièce  n°  80. 

2.  Voir  Appendice  VIL 


LES  AFFAIRES.  1<M 

cl  Barbier,  en  vue  de  se  porter  acquéreur  de 
l'entreprise  (lillé1. 

C'est  ce  qu'ils  font  le  18  et  1!)  septembre.  Ils 
annoncent,  le  '2\)  septembre  1827,  par  des  avis 
insérés  au  Journal  de  la  Librairie,  qu'ils  ont 
acquis,  conjointement  avec  M.  Dumont,  pro- 
priétaire-directeur de  la  fonderie  typographique 
royale  de  Bruxelles,  le  Couds  de  feu  Gillé  fils. 
On  va  donc  pouvoir  faire  des  affaires  en 
grand. 

En  effet,  le  6  décembre  1827,  par  une  circu- 
laire envoyéeà  tous  leurs  clients,  Laurent,  Balzac 
et  Barbier  annoncent  qu'ils  ont  constitué  une 
société  de  douze  années  pour  l'exploitation  de  la 
fonderie  de  caractères  d'imprimerie,  la  gravure 
sur  acier,  sur  cuivre  et  sur  bois,  la  polytypie,  etc. 
A  cette  circulaire,  ils  joignent  le  curieux  post- 
scriptum  suivant  :  «  MM.  Balzac  et  Barbier  sai- 
sissent cette  occasion  pour  vous  prévenir  qu'ils 
ont  acheté  de  M.  Pierre  Durouchail  la  commu- 
nication de  ses  procédés  de  Fontéréotypie*.  La 
Fontéréotypie  est  l'art  d'obtenir  les  résultats  de 
la  stéréotypie  sans  avoir  besoin  de  la  chaudière 
à  plonger  les  matrices  ni  de  tourner,  bizoter  (sic) 
et  corriger  les  pages.  »  Cette  notice  particulière 
paraît  être  l'explication  de  l'opinion  générale- 

1.  Voir  Appendice  VII,  pièce  n°  07. 
-.  Voir  Appendice  VII,  pièce  n°  71. 


102  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

ment  répandue  que  Balzac  fut  l'inventeur  d'un 
procédé  de  clicherie. 

Ceci  donc  se  passe  en  décembre  1827.  On 
prépare  un  magnifique  album  in-folio  oblong, 
devant  contenir  le  spécimen  de  tous  les  carac- 
tères, vignettes  et  ornements  typographiques  de 
la  maison,  les  caractères  depuis  la  fameuse 
«  Mignone  »  jusqu'au  «  Gros-Canon  »,  les 
Vignettes,  les  Tarots,  les  «  Culs-de-Lampe  du 
Berquin1  »,  les  sujets  de  mort,  les  signes  du 
Zodiaque  et  sujets  mythologiques  gravés  au 
trait.  C'est  là  que  le  goût  étriqué  de  l'époque  se 
révèle  dans  sa  mièvre  et  courte  invention. 

Cet  album  si  précieux  et  annoncé  si  solennel- 
lement, on  n'a  même  pas  le  temps  de  le  finir. 
Trois  mois  ne  sont  pas  écoulés  (trois  mois  alors 
que  l'on  prévoyait  douze  années!),  qu'un  des 
associés,  Barbier,  sentant  probablement  que  la 
barque  fait  eau  de  toutes  parts,  se  retire. 

C'est  le  prodrome  de  la  débâcle.  Peut-on 
encore  sauver  la  maison?  A  qui  s'adresser? 

Balzac  n'a-t-il  pas  là,  près  de  lui,  l'amie  qui 

1.  Voir  Appendice  IX,  n°  158.  —  Le  «  Gros-Canon  » 
comme  le  «  Petit-Canon  »  et  le  «  Double-Canon  »  sont  des 
caractères  pour  affiches.  —  Voir  Spécimen  des  divers  caractères, 
vignettes...  de  la  fonderie  de  Laurent  et  de  Berny...  Paris,  1828. 
in-fol.  oblong,  lre  partie,  pp.  19  à  25.  Ce  spécimen  sort  des 
presses  de  Balzac.  Voir  dans  ce  spécimen,  lre  partie,  les  «  Vi- 
gnettes »  de  toutes  sortes,  pp.  76  à  85,  et  les  «  Tarots  »,  pp.  86 
et  87.  Pour  les  «  Culs-de-lampe  du  Berquin  »,  les  sujets  de 
mort,  etc.,  voir  le  même  ouvrage,  2*  partie,   pp.  1  à  86. 


Li:s  AFFAIRES.  !°7' 

l'a  engagé,  encouragé,  soutenu? Elle  veille;  elle 
sedévoue;  et,  par  un  acted'une  hardiesse  inouïe 
après  s'être  fait  donner  une  procuration  géné- 
rale par  son  mari,  elle  entre  en  nom,  le  3  février 
1828,  dans  l'association  de  Laurent  et  Balzac 
pour  la  fonderie  de  caractères. 

Ce  sont  encore  les  actes  notariés  qui  nous 
révèlent  cette  péripétie  du  drame  intime  :  «  Il  y 
a  société  entre  les  sieurs  Jean-François  Lau- 
rent, Honoré  Balzac  et  Madame  de  Berny  pour 
l'exploitation  de  la  fonderie  des  caractères  d'im- 
primerie et  de  tout  ce  qui  dépend  de  cette  branche 
de  commerce.  La  société  sera  en  nom  collectif 
à  l'égard  de  MM.  Laurent  et  Balzac  et  en  com- 
mandite seulement  à  l'égard  de  Madame  de  Ber- 
ny. La  durée  de  la  société  sera  de  douze  ans1.  » 

Si  Pergame  eût  pu  être  sauvée,  c'est  par  cette 
intervention  suprême  qu'elle  l'eût  été!  L'apport 
de  Laurent,  tout  en  matériel,  est  estimé  18000 
francs.  Balzac  et  Mme  de  Berny  ont  le  leur, 
<(  tous  deux  ensemble  »,  montant  à  la  même 
somme.  La  maison  nouvelle  représente  donc  un 
capital  de  36000  francs,  où  Mme  de  Berny 
se  trouve  engagée  pour  9000  francs.  Balzac, 
seul,  garde  encore  la  signature  sociale. 


1.  Voir  Appendice  VII,  pièce  n°  73.  C'est  cet  acte,  dans  lequel 
figure  Mrao  de  Berny  (qui  signe  Hinner  de  Berny),  qui  nous  a 
mis  sur  la  trace  des  relations  de  Balzac  avec  elle. 


104  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Nouvelle  insertion  au  Journal  de  la  Librairie. 
Dépôt  légal  des  pièces  de  la  société  au  greffe 
du  tribunal  de  commerce  le  15  février  1828. 
Ya-t-on  marcher,  cette  fois? 

Hélas  non!  tous  les  sacrifices  ont  été  vains. 
Les  clients  ne  sont  pas  venus.  Les  affaires  ne 
vont  plus  du  tout.  Les  ouvriers  ne  sont  pas  payés 
et  envoient  du  papier  timbré.  Les  créanciers 
assiègent  la  maison;  et,  avant  même  qu'on  ait 
pu  tendre  la  voile,  la  fortune  de  Balzac,  fondeur 
de  caractères,  chavire  comme  celle  de  Balzac 
éditeur  et  de  Balzac  imprimeur. 

Le  16  avril  1828,  c'est-à-dire  après  un  nou- 
veau laps  de  trois  mois,  la  société  Laurent  et 
Balzac  est  déclarée  dissoute,  et  Laurent  est 
chargé  de  la  liquidation. 

En  présence  du  gouffre,  l'homme  d'affaires 
improvisé  qu'est  Balzac  se  sent  pris  de  ver- 
tige. Il  crie  au  secours;  la  faillite  le  menace; 
l'honneur  du  nom  peut  être  compromis. 

Il  se  retourne  alors  vers  les  siens;  sa  mère 
supplie  un  cousin,  M.  Sédillot,  de  se  mettre  à  la 
tête  de  la  manœuvre,  de  sauver,  du  moins,  l'hon- 
neur :  «  Je  vous  autorise,  mon  cher  cousin, 

à  prendre  tous  les  engagements  qui  vous  paraî- 
tront nécessaires  pour  terminer  l'affaire  de  mon 
fils  aîné,  comme  vous  le  feriez  pour  vous-même  ; 
m'engageant  à    reconnaître  tout  ce  que  vous 


LES  AFFAIRES.  Ut> 

ferez,  m'en  rapportant  entièrement  à  vous... etc.; 
faites  toul  voire  possible  pour  que  nous  évitions 
que  l'affaire  arrive  à  la  connaissance  de  mon 
pauvre  mari,  faites  valoir  ses  quatre-vingt-trois 
ans,  qu'il  ne  peut  se  déplacer,  etc.,  etc.;  j'ai  une 
procuration  générale  un  peu  ancienne,  mais  je 
puis  encore  m'en  servir  pour  signer,  dans  le  cas, 
comme  autorisée.  Evitons  à  ce  bon  père  le 
chagrin  qu'il  ressentirait  de  tout  cela...  Je  m'en 
rapporte  à  vous  sur  tout  ce  que  vous  ferez,  je 
vous  le  répète'.  » 

Cet  appel  est  entendu  et  M.  Sédillot, — homme 
expérimenté  et  parent  dévoué  —  opère,  au 
milieu  des  plus  grandes  difficultés,  un  véritable 
sauvetage,  en  procédant  à  une  liquidation  qui 
pèsera,  cependant,  sur  toute  la  vie  du  fécond 
romancier. 

1.  Voir  Appendice  VIII,  pièces  nos  78  et  79. 


LA  CATASTROPHE 


M.  Sédillot,  sur  la  prière  de  Mrae  Balzac  mère, 
se  décide  à  prendre  en  mains  la  liquidation  des 
affaires  de  l'imprudent  jeune  homme.  Tout  d'a- 
bord il  obtient,  de  Mme  Balzac,  l'engagement  de 
faire  les  sacrifices  nécessaires  pour  désinté- 
resser les  créanciers.  Ensuite,  il  dresse  un  état 
aussi  complet  que  possible  de  la  situation. 

La  troisième  partie  de  l'opération  consistera 
à  détacher  Balzac  des  deux  affaires  distinctes 
où  il  est  engagé,  celle  de  l'imprimerie  et  celle 
de  la  fonderie  de  caractères,  sans  toutefois  ame- 
ner la  ruine  totale  des  deux  entreprises. 

Sur  le  premier  point,  on  peut  dire  que  l'inter- 
vention de  Mme  Balzac  dégage  le  présent  et 
sauve  l'avenir. 

La  mère  de  Balzac,  née  Sallambier,  pari- 
sienne, était  une  femme  de  tête.  Sa  ferme  rai- 
son, son  bon  sens  un  peu  sec  se  heurtèrent, 
souvent,  à  l'imagination  débordante  que  le  fils 
tenait  de  ses  ancêtres  gascons.  Entre  les  deux 


LA  CATASTROPHE.  107 

originaux,  le  père  et  le  fils,  elle  eut  à  souffrir. 

Dans  la  Correspondance  de  Balzac,  on  voit 
qu'elle  reçut  de  celui-ci,  parmi  des  marques  de 
tendresse  toutes  filiales,  plus  d'un  coup  de  bou- 
toir. Elle  savait  les  rendre  à  sa  façon.  M'r,L  Laure 
Surville  exprime  les  choses  finement  quoique  à 
mots  couverts,  dans  un  passage  de  la  biogra- 
phie de  Balzac  :  «  Ma  mère  riche,  belle  et  beau- 
coup plus  jeune  que  son  mari,  avait  une  rare 
vivacité  d'esprit  et  d'imagination,  une  activité 
infatigable,  une  grande  fermeté  de  décision  et 
un  dévouement  sans  bornes  pour  les  siens.  Son 
amour  pour  ses  enfants  planait  sans  cesse  sur 
eux,  mais  elle  l'exprimait  plutôt  par  des  actions 
que  par  des  paroles1.  » 

Donc,  femme  d'action,  elleagit;mèredévouée, 
elle  se  dévoua.  Elle  offrit  tout  son  bien  et  donna, 
sans  hésiter,  son  nom  et  sa  fortune  pour  sauver 
son  fils. 

Parmi  ses  angoisses,  elle  n'avait  qu'un  désir, 
c'était  d'éviter  à  son  mari,  âgé  maintenant  de 
quatre-vingt-trois  ans,  les  tracas  etles  douleurs 
d'une  telle  catastrophe.  Mais  le  secret  ne  put 
être  gardé  longtemps;  en  effet,  dans  une  lettre 
adressée  à  M.  Sédillot,  le  18  août  1828,  Balzac 
père  s'exprime   en  ces  termes    :  «    Mon   cher 

1.  Balzac,  sa  vie  et  ses  œuvres,  par  Mme  L.  Surville,  p.  13. 


108  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

parent,  Mnu>  Balzac  ne  m'a  rien  laissé  ignorer  de 
tout  ce  que  vous  avez  bien  voulu  faire  pour 
nous;  je  vous  en  remercie  bien  sincèrement. 
J'approuve  tout  ce  que  vous  avez  fait  et  ferez 
pour  le  complément  de  votre  œuvre.  Vous  avez 
cicatrisé  la  plus  grande  de  nos  plaies,  et  je  serai 
bien  heureux,  lorsque  je  trouverai  l'occasion  de 
vous  en  témoigner,  ou  aux  vôtres,  la  profonde 
reconnaissance  dont  je  suis  pénétré1.  » 

Le  coup  fut  terrible  pour  le  vieillard.  Malgré 
la  théorie  qu'il  professait,  à  savoir  qu'on  vit 
tant  qu'on  a  la  volonté  de  vivre,  malgré  la 
conviction  où  il  était  qu'il  atteindrait  cent  ans, 
ses  forces  commencèrent  à  décliner.  Sept  mois 
après,  en  avril  1829,  Honoré  Balzac  écrit  au 
même  M.  Sédillot:  «  Mon  père  est  décidément 
entre  la  vie  et  la  mort...  Il  faut  nécessairement 
et  sous  peine  de  mort,  lui  ouvrir  le  côté.  La 
crise  commence2.  »  Le  vieillard  mourait  le 
19  juin  suivant. 

Pour  ce  qui  concerne  les  comptes,  M.  Sédil- 
lot dut  s'en  rapporter  souvent  à  la  mémoire  de 
Balzac.  Celui-ci  était,  en  effet,  un  pauvre  comp- 
table. Il  se  trouvait  en  désaccord  avec  la  plupart 
de  ceux  à  qui  il  avait  eu  affaire. 

1.  L'autographe  de  cette  lettre,  dont  la  Collection  Lovenjoul 
ne  possède  qu'une  copie  (ms.  A  259,  2e  partie,  fol.  15),  appar- 
tient à  la  famille  Sédillot.  —  Voir  Appendice  VIII,  pièce  n°  85. 

2.  Voir  Appendice  VIII,  pièce  n°  100. 


LA  CATASTROPHE.  109 

Il  aida  M.  Sédillot  par  une  correspondance 
où  respirent  à  la  fois  l'honnêteté  el  la  lassitude1. 
Déjà,  il  ne  songeait  plus  qu'à  ses  travaux  litlé- 
raires.  II  comptai!  sur  sa  plume  pour  réparer  le 
désastre  el  combler  les  vides.  Les  embarras 
d'une  affaire  manquée  lui  devenaient  odieux. 
M.  Sédillot  dut  donc  se  tirer  d'affaire  tout  seul, 
ou  peu  s'en  faut. 

11  commença  par  distinguer  entre  les  deux 
entreprises,  l'imprimerie  et  la  fonderie  de  carac- 
tères; de  Tune  et  de  l'autre,  il  travailla  à  élimi- 
ner Balzac,  comme  s'il  avait  le  sentiment  que  la 
présence  de  celui-ci  était  le  seul  obstacle  à  leur 
prospérité. 

Il  traita,  d'une  part,  la  question  de  l'impri- 
merie avec  l'associé  A.  Barbier.  Dans  la  col- 
lection Lovenjoul  se  trouve  le  compte  de  liqui- 
dation qui  se  rapporte  à  la  maison  d'imprimerie. 
Ce  document  est  intitulé  :  «  Etat  de  la  situa- 
tion du  sieur  Honoré  Balzac,  imprimeur, 
demeurant  à  Paris,  rue  du  (sic)  Marais  n°  17, 
faubourg  S'-Germain*.  » 

Le  passif,  au  16  août  1828,  monte  à  un  total 
de  113081  fr.  92  qui  se  décompose  ainsi  :  dus 
par  billets  et  obligations,  71659  fr.  82;  dus  sur 

1.  Voir  Appendice  VIII,  pièces  n0f  86  à  92  et  100  à  108. 

2.  Collection  Lovenjoul,  ms.  A  259,  2e  partie,  fol.  2. 


410  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

factures,  3822fr.  10;  avancés  par  Mme  Balzac 
mère,  37  G00  francs.  Ce  dernier  chiffre  indique 
le  montant  des  sacrifices  qu'avait  dû  faire  la 
famille  pour  répondre  aux  réclamations  les  plus 
pressantes.  Il  résulte  d'un  compte  à  part  que 
Balzac  devait  en  outre,  à  ses  ouvriers,  la  somme 
relativement  considérable  de  4895  fr.  30.  On  se 
demande  vraiment  où  avait  passé  l'argent1. 

Les  principaux  créanciers  étaient  le  proprié- 
taire de  la  maison,  M.  Henri  Prestat,  Laurens 
aîné,  prédécesseur  de  Balzac,  Barbier  l'asso- 
cié, et,  en  outre,  des  fournisseurs  :  papetiers, 
marchands  de  métal  et  de  plâtre,  d'autres  impri- 
meurs comme  Didot,  des  serruriers,  des  méca- 
niciens. M.  Sédillot  entreprit  de  leur  faire 
comprendre  qu'ils  n'avaient  pas  intérêt  à  ruiner 
complètement  la  maison.  Il  leur  démontra  que 
Barbier  avait  toute  compétence  pour  continuer 
à  la  gérer.  La  plupart  d'entre  eux  adhérèrent  à 
un  arrangement  dont  il  suffit  d'indiquer  les 
grandes  lignes2. 

Barbier  reprenait,  pour  lui  seul,  la  maison 
Balzac  et  Barbier,  au  prix  auquel  on  estimait 
l'actif  (brevet,  pas  de  porte,  matériel,  etc.),  le 
tout  montant  à  la  somme  de  67000  francs. 
Moyennant  quoi,  Barbier  s'engageait  à  désin- 

1.  Voir  Appendice  VIII,  pièces  not  83  et  84. 

2.  Voir  Appendice  VIII,  pièce  n°  81. 


LA  CATASTROPHE.  111 

téresser  les  créanciers  de  I imprimerie  jusqu'à 
concurrence  de  la  môme  somme.  Il  s'engageait, 
en  outre,  h  solder  le  retard  des  ouvriers  contre 
l'abandon  qui  lui  était  fait  des  sommes  dues  à 
l'imprimerie. 

D'autre  pari,  M.  et  Mme  Balzac  père  et  mère 
désintéressaient  les  créanciers  pour  le  surplus, 
c'est-à-dire  pour  37600  francs,  et  en  outre,  sur 
la  somme  de  30000  francs  due  à  Laurens  pour 
l'achat  de  l'imprimerie  et  du  brevet,  ils  s'enga- 
geaient encore  jusqu'à  concurrence  de  7200  fr. ! 

En  un  mot,  Balzac  subissait,  rien  que  dans 
l'affaire  de  l'imprimerie,  une  perte  sèche  de 
45  000  francs  payée  par  sa  mère,  et  l'associé 
qu'il  avait  appelé  devenait  seul  maître  de  la 
maison  qui,  d'ailleurs,  à  partir  de  ce  moment 
prospéra. 

En  ce  qui  concerne  l'affaire  de  la  fonderie, 
nous  sommes  moins  bien  renseignés.  Dans  sa 
courte  durée  du  1er  août  1827  au  16  avril  1828, 
l'établissement  avait  subi  deux  ou  trois  trans- 
formations. Il  y  avait  d'abord  eu  la  maison  Lau- 
rent seul,  puis  la  maison  Laurent,  Balzac  et 
Barbier,  puis  la  maison  Laurent,  Balzac  et 
Mme  de  Berny.  A  la  fin,  Laurent  avait  encore 
repris,   seul,  l'affaire,  du  moins  en  qualité  de 

1.  Voir  Appendice  VIII,  pièce  n°  81. 


142  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

liquidateur.  L'apport  social  était  estimé  36  000  fr., 
la  part  de  Laurent  étant  de  18000  et  celle  de 
Balzac  et  de  Mme  de  Berny,  ensemble,  étant  éga- 
lement de  18000  francs  '. 

Ici  encore,  M.  Sédillot  paraît  s'être  appliqué 
uniquement  à  dégager  et  à  éliminer  Balzac.  Ce 
qui  est  certain,  c'est  que,  au  bout  de  quelques 
mois,  la  maison  apparaît  sous  la  raison  sociale  : 
Laurent  et  Alexandre  de  Berny.  Or,  cet  Alexan- 
dre de  Berny  est  le  fils  de  Mme  de  Berny.  Agé 
seulement,  de  dix-neuf  ans,  il  entre  en  nom 
dans  l'affaire;  un  fondé  de  pouvoirs  tient  sa 
place  jusqu'à  ce  qu'il  ait  atteint  la  majorité.  11 
est  facile  de  reconstituer  cette  phase  de  l'opé- 
ration2. Nous  savons,  par  divers  renseigne- 
ments, que  Mme  de  Berny  avait  avancé  à  Bal- 
zac 45000  francs.  Il  était  hors  d'état  de  les 
payer.  La  famille  Balzac  avait  fait  de  grands 
sacrifices  pour  liquider  l'affaire  de  l'imprimerie. 
Elle  était  aussi  dans  l'impossibilité  de  désinté- 
resser Mme  de  Berny.  Celle-ci  eut  donc  l'idée 
d'établir  son  fils  dans  la  maison  où  Balzac  avait 
échoué  et  de  le  substituer,  en  quelque  sorte,  à 
celui-ci.  Alexandre  de  Berny  devint  en  consé- 
quence l'associé  de  Laurent,  et  l'affaire  continua 
à  marcher  comme  auparavant. 

1.  Voir  ci-dessus,  p.  103. 

2.  Voir  Appendice  VII,  pièce  n°  76. 


LA  CATASTROPHE.  1ir. 

Elle  marcha  beaucoup  mieux;  car  le  jeune 
associé  de  Laurent  devint  un  négociant  des 
plus  distingués.  C'était  un  homme  actif,  vigi- 
lant, ingénieux,  élève  pratique  du  Saint-Sirno- 
nisme.  Il  s'installa  rue  Visconti  et  donna  à  la 
fonderie  de  caractères  une  vive  impulsion. 
En  1840  (le  12  avril),  il  racheta  la  part  de 
Laurent  et  étendit  encore  ses  affaires. 

L'ancienne  fonderie  de  Balzac  devint  ainsi, 
assez  rapidement,  un  des  établissements  les 
plus  importants  de  Paris.  Alexandre  de  Berny 
fut  un  des  organisateurs  des  caisses  de  re- 
traite ouvrière  et  il  institua,  l'un  des  premiers, 
après  Leclaire,  la  participation  du  personnel 
aux  bénéfices.  Il  mérita  le  beau  nom  de  philan- 
thrope. Il  mourut  en  1882,  entouré  de  l'estime 
universelle1. 

La  maison  existe  toujours;  elle  est  dirigée, 
actuellement,  par  un  homme  de  haute  distinc- 
tion, M.  Charles  Tuleu,  «  enfant  d'élection  » 
d'Alexandre   de    Berny,  d'après    les   principes 

4.  Voir  la  notice  intitulée  :  De  Berny.  Appréciation  de  son  œuvre. 
Paris,  rue  Visconti,  17,  près  le  Palais  des  Beaux-Arts,  1882, 
in-4°  (avec  un  portrait  d'Alexandre  de  Berny,  gravé  sur  bois  par 
Huyot  d'après  Petot).  Cette  notice,  dédiée  «  A  la  mémoire 
d'Alexandre  de  Berny  »  et  signée  «  son  enfant  d'élection, 
Ch.  Tuleu  »,  contient,  après  un  avertissement  signé  :  Les  Colla- 
borateurs de  M.  de  Berny,  une  introduction  signée  de  même,  des 
renseignements  sur  la  caisse  et  les  comptes  de  l'atelier,  et  des 
«  Jugements  portés  sur  l'œuvre  de  M.  de  Berny  »,  extraits  de 
divers  journaux. 

8 


H4  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

de  celui  qui  a  déterminé  son  succès;  elle  est  en 
pleine  prospérité. 

Balzac  la  quittait  l'oreille  basse,  accablé  du 
fardeau  de  ses  dettes  où  figurent,  en  première 
ligne,  les  45000  francs  avancés  par  les  siens  et 
les  autres  45000  francs  dus  à  Mme  de  Berny. 

Sa  sœur,  Mme  Surville,  dit  que  la  famille  de 
Balzac  eut  tort  de  ne  pas  le  soutenir  plus  long- 
temps et  que,  si  Ton  eût  persévéré,  il  se  fût 
enrichi  comme  le  firent  ses  successeurs.  Rien 
n'est  plus  douteux.  Il  n'avait  pas  l'esprit  des 
affaires...  Quoi  qu'il  en  soit,  pour  avoir  un 
riche  imprimeur  de  plus,  nous  aurions  eu  un 
admirable  romancier  de  moins.  La  destinée 
était  plus  sage  que  tous  les  calculs. 

Balzac,  après  cette  courte  expérience,  se  sen- 
tait libéré.  Aussitôt  qu'il  le  put,  —  c'est-à-dire 
bien  avant  l'arrangement  définitif  de  février  1829, 
—  il  s'enfuit. 

Dès  le  1er  septembre,  —  quinze  jours  après  la 
crise,  —  il  écrivait  au  général  baron  de  Pom- 
mereul,  vieil  ami  de  la  famille:  «  Ce  que  beau- 
coup de  personnes  pouvaient  prévoir  et  ce  que 
j'ai  craint  moi-même  en  commençant  et  soute- 
nant avec  courage  un  établissement  dont  les 
proportions  avaient  quelque  chose  de  colossal  (voilà 
bien  l'imaginatif  !)  est  enfin  arrivé.  J'ai  été 
précipité,  non  sans  les  prévisions  de  ma  cou- 


LA  CATASTROPHE.  il'. 

science,  de  niii  petite  fortune...  Depuis  un  mois, 
je  travaille  à  <l<\s  ouvrages  historiques  du  plus 
haut  intérêt  el  j'espère,  qu'à  défaut  d'un  talent 
tout  à  fail  problématique  chez  moi,  les  mœurs 
nationales  me  porteront  peut-être  honneur 
(il  avait  conçu  le  plan  des  Chouans.)  Ma  pre- 
mière pensée  a  été  pour  vous  et  j'avais  résolu 
d'aller  vous  demander  asile  pour  une  vingtaine 
de  jours...  Un  lit  de  sangle  et  un  seul  matelas, 
une  table,  pourvu  qu'elle  soit  comme  les 
quadrupèdes  et  non  invalide,  une  chaise  et  un 
toit  sont  tout  ce  que  je  réclame1. . .  »  Le  général 

1.  Voir  Balzac  en  Bretagne,  pp.  10-12.  —Voici  une  autre  lettre  de 
Balzac  au  général  de  Pommereul  que  nous  a  communiquée 
M.  Th.  Janvrais  : 

Fonderie  de  Laurent,  Balzac  et  Barbier,  rue  des  Marais-S.-G., 

n.  17. 

Politypie.  Paris,  ce  23  octobre  1827. 

Gravure. 

sur  acier,  cuivre, 

bois,  etc. 

Général,  j'ai  recours  à  vous  pour  l'affaire  dont  j'ai  eu 
l'honneur  de  vous  parler  pendant  votre  séjour  à  Paris. 

J'avais  cru  un  moment  avoir  placé  les  2  750  fr.  dont  je  vous 
avais  parlé  ;  mais  la  personne  est  tombée  très  dangereusement 
malade  et  je  n'irai  pas  lui  parler  de  longtemps  de  ce  placement 
bien  qu'elle  me  l'ait  promis  avant  sa  maladie. 

L'affaire  dont  il  s'agit  est  toute  simple,  c'est  le  placement  de 
la  somme  de  2750  fr.  à  6  0/0  pour  le  terme  moyen  de  deux 
années  —  et  cette  somme  est  représentée  entre  les  mains  du 
prêteur  par  des  effets  de  portefeuille  de  pareille  somme,  garan- 
tis par  5  signatures  dont  la  mienne. 

Et  pour  plus  grande   sûreté,  lorsque  les  effets  seront  à  trois 


lit.  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

lui  répondit  :  «  Voire  chambre  vous  attend  ; 
venez  vite.  » 

Et  c'est  alors  que  les  Pommereul  virent  arri- 
ver, dans  le  vieux  château  de  Fougères,  le  gros 
garçon  joufflu  et  jovial,  qui,  à  peine  débarqué, 
illumina  la  maison  de  son  rire  opulent  et  de  ses 
prodigieuses  gasconnades. 

Il  avait  laissé  Paris  et  la  débâcle  derrière  lui; 
il  n'y  pensait  plus.  Il  était  tout  à  la  rédaction  de 

mois  de  leur  échéance,  je  les  reprendrai  moi-même  comme  argent 
escompte  balancé. 

Si  vous  pouviez  me  trouver  dans  le  pays  de  Fougères  quel- 
qu'un à  qui  ce  placement  pourrait  convenir,  vous  me  rendriez 
un  très  grand  service,  car  cet  argent  ne  sera  pas  de  trop  pour 
ma  fin  d'année.  Je  ne  sais,  mais  je  me  figure  que  Madame 
votre  mère  pourra  peut-être  me  rendre  ce  service,  il  serait,  je 
vous  assure,  sans  péril,  et  serait  immense  pour  moi. 

Au  surplus,  je  me  repose  entièrement  sur  l'intérêt  que  vous 
avez  la  bonté  de  me  porter  et  dont  je  suis  sincèrement  recon- 
naissant, pour  essayer  de  me  mener  cette  négociation  à  bien. 

Vous  excuserez,  j'espère,  Général,  la  franchise  avec  laquelle 
je  ne  crains  pas  de  vous  demander  ce  service. 

Quant  aux  livres  que  vous  avez  confiés  à  ma  garde,  et  sur  la 
vente  desquels  vous  vous  en  êtes  remis  à  mes  soins,  je  vous 
dirai  que  j'ai  déjà  vu  bien  des  libraires  et  que  tous  m'ont  pro- 
mis de  venir  chez  moi  ;  mais  aucun  n'est  encore  venu. 

Je  ne  doute  pas  que  chacun  d'entr'eux  qui  tiennent  ce  genre 
de  livres  n'attende  le  placement  certain  avant  de  venir  les 
chercher  chez  moi  —  si  ceci  nous  mène  un  peu  loin,  d'un  autre 
côté  ils  seront  achetés  plus  cher. 

Voulez-vous  avoir  la  bonté  de  présenter  mes  respects  à 
Madame  votre  mère  et  mes  hommages  à  Madame  de  Pomme- 
reul, et  garder  pour  vous,  Général,  les  témoignages  de  ma 
sincère  et  amicale  reconnaissance. 

Je  suis,  avec  respect,  votre  dévoué  serviteur. 

H.  Balzac. 

Suscription  de  la  lettre  :  Monsieur  le  Général,  baron  de  Pom- 
mereul, Fougères  (Ille-et-Vilaine). 


LA  CATASTROPHE.  "7 

ce  romandes  Chouans,  la  première  assise  de  1<» 
Comédie  humaine,  et  où  il  peignait  d'abord  ces 
soldats  de  la  cause  royaliste,  dont  I«is  confi- 
dences de  l'amie  lui  avaient  appris  à  connaître 
la  grandeur. 

Mais,  s'il  essayaitde  se  détacher  du  passé,  le 
passé  s'attachait  à  lui.  Partout,  à  Fougères 
d'abord  et  ensuite  à  Paris,  au  milieu  de  ses 
travaux,  tout  le  long  d'une  vie  désormais  serve, 
le  poids  mort  du  passé  l'entrava.  Ces  deux 
années  s'imposèrent  à  son  existence.  Jusqu'à  la 
tin,  sa  dette  le  tint  à  la  gorge. 

C'est  un  drame  poignant,  —  qui  contient  une 
terrible  leçon  :  «  Du  travail,  toujours  du  travail, 
écrit-il  dix  ans  après,  quand  il  est  déjà  devenu, 
comme  il  le  disait,  un  «  maréchal  des  lettres  »  ; 
des  nuits  embrasées  succèdent  à  des  nuits 
embrasées l  ! ...  De  quelque  côté  quej e  me  tourne, 
je  ne  vois  que  difiicultés,  travaux,  espoir  inu- 
tile. Je  n'ai  même  pas  la  ressource  des  deux  ans 
à  Diodati2  sur  le  lac  de  Genève,  car  je  suis, 
maintenant,  trop  vieilli  dans  le  travail  pour  en 
mourir  et  qui  voudrait  m'y  aider?  Je  suis 
comme  un  oiseau  en  cage,  qui  s'est  heurté  à 
tous  les   barreaux;   il  reste  immobile   sur  un 


i.  Lettres  à  l'Étrangère,  p.  269  (lettre  XCVII,  H  août  1855). 
2.  La  villa  Diodati,  habitée  jadis  par  lord  Byron,  est  située  à 
Cologny,  sur  le  lac  de  Genève,  non  loin  du  Pré-1'Evèque. 


118  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

bâton  et  une  main  blanche  a  étendu  au-dessus 
le  réseau  vert  qui  lui  défend  de  se  casser  la 
tête...1.  » 

Et  toujours,  toujours  cette  plainte,  ce  cri  de 
détresse.  Toujours  la  dette.  Toujours  l'argent, 
toujours  la  lutte.  Il  fut,  toute  sa  vie,  le  forçat 
évadé  de  la  rue  des  Marais;  il  traîna  le  boulet 
jusqu'à  la  fin. 

Il  avait  eu  un  faux  départ;  il  avait  mal  pris 
et  mal  appris  la  vie  :  «  il  n'avait  jamais  eu  que 
la  moitié  du  tout.  »  Il  chercha  toujours  l'autre 
moitié  qui  lui  échappa  toujours. 

Passionné  de  la  femme,  il  manqua  la  femme. 
La  première  gorgée  qu'il  avait  savourée,  avec 
ses  troublantes  délices,  lui  laissa  l'amertume  à 
la  gorge.  Il  ne  fut  jamais  jeune.  Il  garda  tou- 
jours la  blessure  secrète.  L'expérience  lui  était 
venue  trop  tôt.  Il  l'avait  subie  trop  tôt...  Trop 
tôt  pour  son  bonheur,  sinon  pour  son  génie. 
Car,  ici  encore,  la  leçon  de  la  vie,  désastreuse 
pour  l'homme,  fut  féconde  pour  l'écrivain. 

«  Il  faut  blesser  la  vigne  pour  qu'elle  pro- 
duise, »  disait,  un  jour,  un  vieux  vigneron  du 
Médoc  qui  taillait  le  bois,  le  rognait  de  près  et 
maniait  le  sécateur  avec  rudesse.  Balzac  répan- 

1.    Collection    Lovenjout,    ms.  A    30i,  fol.  479  v°.  —  Lettres  à 
l'Étrangère,  p.  478  (lettre  CXXXVII,  20  mai  1838). 


LA  CATASTROPHE.  11» 

(lit,  loul  le  long  de  son  œuvre,  la  sève  de  sa 
jeunesse  navrée. 

Lui  qui  avait  tant  besoin  de  luxe,  d'amour  el 
<le  gloire,  il  courut  en  désespéré  après  la  for- 
lune,  la  femme  et  la  renommée.  Tout  lui  fui 
disputé. 

Après  les  quatorze  années  de  la  première 
intimité,  il  ne  rencontra  plus,  sur  sa  route,  que 
ces  passions  littéraires  où  la  vanité  insinue  son 
froid  calcul.  Il  éparpilla  sa  vie  entre  les  diverses 
«  inconnues  »  qui  se  prirent  à  l'hameçon  de  sa 
gloire.  Il  partagea  l'illusion  de  ces  fils  de  leurs 
œuvres  qui  cherchent,  dans  la  femme,  un  enno- 
blissement. Il  se  consuma  dans  cette  autre 
recherche. 

Enfin,  il  crut  avoir  trouvé.  Mme  de  Berny 
déclinait.  Elle  allait  bientôt  mourir.  Il  fit  alors, 
par  correspondance  d'abord,  la  connaissance  de 
cette  Polonaise,  noble,  jeune,  belle,  qui  devint 
la  Béatrice  lointaine  de  ce  grand  Imaginatif 
d'amour.  Il  l'attendit  dix-sept  ans,  traversant 
l'Europe  pour  la  rencontrer  un  jour.  Au  bout 
de  huit  ans,  le  mari  mourut. 

Balzac  avait  eu,  alors,  un  de  ces  avertisse- 
ments qui  bouleversaient  son  âme  supersti- 
tieuse :  «  Laissez-moi  vous  dire,  écrit-il  à 
Mme  Hanska,  une  petite  superstition  qui  a  fait  sur 
moi  la  plus  grande  impression.  Le  1er  novem- 


120  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC 

bre  [1841],  j'ai  perdu  l'un  des  deux  boutons 
de  chemise  que  m'avait  donnés  madame  de 
Berny  et  que  je  mettais  un  jour,  et  les  vôtres  le 
lendemain.  Ayant  perdu  cela,  je  n'ai  plus  mis 
que  les  vôtres,  et  cette  petite  chose  de  hazard 
m'a  troublé  à  un  point  que  vous  imaginerez 
quand  je  vous  dirai  que  ma  mère  et  tous  ceux 
qui  me  connaissent  s'en  sont  aperçus.  J'ai  dit  : 
«  Il  y  a  là  quelque  avis  du  ciel*  !  » 

Le  10  novembre,  le  mari  de  «  l'Etrangère  » 
mourut. 

Mme  Hanska  était  libre.  Pour  Balzac,  c'était 
tout  le  passé  enterré,  le  bonheur  possible,  le 
repos  entrevu.  C'était  l'amour  avec  la  fortune  et 
la  gloire.  La  vie  lui  devenait-elle  indulgente"? 

La  destinée  se  joua,  une  fois  de  plus,  de  son 
rêve.  Par  une  intuition  vraiment  extraordinaire, 
il  avait  eu  la  vision  de  ce  que  devait  être  sa  lin. . . , 
si  triste. 

En  1845,  cinq  ans  avant  sa  mort,  il  terminait 
les  Petites  Misères  de  la  Vie  Conjiigale\yav  ces  paroles 
prophétiques  :  «  Qui  n'a  pas  entendu,  dans  sa 


i.  Collection  Lovenjoul,  ms.  A  301,  fol.  553  v°.  —  Lettres  à  l'Étran- 
gère, p.  573  (lettre  CLVI,  5  janvier  1842). 

2.  Le  mariage  d'Honoré  de  Balzac  avec  Mme  de  Hanska  fut 
célébré,  dans  l'église  Sainte-Barbe  de  Berditchef.  le  14  mars 
1850.  Voir  Œuvres  complètes,  t.  XXIV,  Correspondance,  p.  050-651 
(lettres  CCCLXXVI  et  CCCLXXVII  à  M™  de  Balzac  mère  et  à 
Mme  Laure  Surville).  M  de  Hanski  était  mort  le  10  novembre 
1841. 


LA  CATASTROPHE.  121 

vie,  un  opéra  italien  quelconque?...  Vous  avez 
dû,  dès  lors,  remarquer  l'abus  musical  du  mol 
felichittà  prodigué  par  le  poète  et  par  les 
chœurs,  à  l'heure  où  tout  le  monde  s'élance 
hors  de  sa  loge  ou  quitte  sa  stalle.  Affreuse 
image  de  la  vie.  On  en  sort  au  moment  où  Ton 
entend  la  felichittà... \  » 

Après  tant  de  peines,  il  croyait  trouver  le 
bonheur.  Il  ne  trouva  que  le  dégoût  et  la  mort. 
Il  partit  et  quitta  la  salle,  au  moment  où,  autour 
de  lui,  le  chœur  entonnait  à  tue-tête  :  felichittà. 

1.  Œuvre»  complètes,  t.  XVII,  p.  697. 


CONCLUSION 


On  sait,  maintenant,  que  Balzac,  quoique 
né  à  Tours,  n'est  pas  Tourangeau.  Son  père 
qui,  d'après  l'acte  de  naissance,  relevé  sur  les 
registres  de  la  paroisse  de  Canezac  (hameau  de 
la  Nougarié),  Tarn,  s'appelait  Bernard-François 
Baissa,  fils  de  Bernard  Baissa,  laboureur,  était 
originaire  du  Languedoc;  sa  mère,  Anne-Char- 
lotte-Laure  Sallambier,  était  née  à  Paris  et 
appartenait  à  une  famille  parisienne1. 

1.  Nous  avons  reçu  de  M.  Alfred  Caraven-Cachin,  de  Salva- 
gnac  (Tarn),  de  très  intéressants  détails  sur  les  origines  du 
père  de  Balzac  : 

«  J'ai  été  à  Castres,  nous  écrit  notre  obligeant  correspon- 
dant, où  l'on  croyait  qu'un  descendant  de  Balzac  avait  été  ser- 
gent de  ville  et,  après  quelques  jours  d'enquête  à  la  police  et 
au  greffe  du  tribunal  civil,  il  m'a  fallu  abandonner  cette  piste. 
De  là,  j'ai  été  à  Montirat  étudier  les  minutes  du  notaire  Bal- 
zac. M.  Camors,  aujourd'hui  notaire  de  cette  localité,  a  bien 
voulu  m'aider  dans  cette  tâche  ;  nous  n'avons  rien  trouvé 
d'intéressant  pour  vos  études. 

«  Alors,  on  m'a  indiqué  une  famille  Balzac  qui  habite  Gra- 
nette,  par  Auvillars  (Tarn-et-Garonne).  Je  suis  parti  pour  Gra- 
nette  où  j'ai  trouvé,  en  effet,  Mm'  Georges  Balsac,  veuve  d'uo 
ancien  magistrat,   mais  qui  ignore    si  elle  est  parente  avec  le 


CONCLUSION.  vi: 


Le  père  <lc  Balzac,  homme  de  loi,  commis- 
saire aux  vivres,  royaliste  déclaré,  fonctionnaire 
de  Bonaparte,  Méridional,  Tourangeau,  Pari- 
sien, propriétaire,  avocat,  militaire,  intendant, 


génial  romancier...  Le  père  de  Balzac,  ayanl  quitté  son  paya  à 
l'âge  de  li  ans,  ancien  avoc.il  aux  Conseils  du  Roi,  lié  avec  «les 
notabilités  que  la  Révolution  fit  surgir  tout  à  coup,  écrit  Champ 
fleury,  avait  été  envoyé,  en  1792,  dans  le  nord  de  la  France 
pour  organiser  le  service  des  vivres  de  l'armée.  Il  se  tira  de 
ses  fonctions  avec  assez  d'habileté  pour  être  envoyé,  en  1799, 
à  Tours,  en  (pial il é  de  directeur  de  la  régie,  chargé  en  même 
lemps  de  l'administration  du  grand  hôpital  de  celte  ville.  Bal- 
zac le  père  était  un  réformateur  de  la  classe  de  ceux  qui, 
dans  les  époques  suivantes,  furent  appelés  économistes. 
Entre  1807  et  1809,  le  fonctionnaire  publia  deux  brochures  qui 
indiquent  un  administrateur  préoccupé  de  philanthropie.  L'une 
a  pour  titre  :  Mémoire  sur  le  scandaleux  désordre  causé  par  les 
jeunes  filles  trompées  et  abandonnées  dans  un  complet  dénuement 
et  sur  les  moyens  d'utiliser  une  portion  de  la  population  perdue 
par  l'Etat  et  très  funeste  à  l'ordre  social.  L'autre  est  intitulée  : 
Mémoire  sur  les  moyens  de  prévenir  les  vols  et  les  assassinats  et 
de  ramener  les  hommes  qui  les  commettent  aux  travaux  de  la 
Société  et  sur  les  moyens  de  simplifier  l'ordre  judiciaire.  Le  père 
de  Balzac  lit  encore  imprimer,  chez  Marne,  en  1809,  un  Mémoire 
but  deux  grandes  obligations  à  remplir  par  les  Français,  et,  à  en 
croire  une  note  de  M.  de  Monmerqué,  l'idée  première  de  l'érec- 
tion de  l'Arc  de  Triomphe  de  l'Étoile  serait  due  à  M.  de  Bal- 
zac père.  Quand  nous  aurons  mentionné  une  Histoire  de  la  rage 
et  moyens  d'en  préserver  comme  autrefois  les  hommes,  et  de  les 
délivrer  de  plusieurs  autres  malheurs  qui  attaquent  leur  existence, 
édition  faite  par  le  Gouvernement,  nous  aurons  à  peu  près 
catalogué  la  série  de  brochures  de  cet  homme  bizarre  dont 
on  retrouve  tant  de  traits  dans  l'esprit  de  son  illustre  fils.  Si 
Balzac  est  languedocien  par  son  père,  il  demeure  parisien 
par  sa  mère,  Laure  Sallambier,  née  à  Paris  d'un  vieux  pari- 
sien d'origine. 

«  La  famille  de  Balzac  n'est  pas  encore  éteinte  dans  nos  con- 
trées. M.  Jean  Delmas,  propriétaire  à  Carmaux  (Tarn),  possède 
un  acte  daté  du  28  août  1840,  prouvant  qu'il  existait  à  cette 
époque  deux  Balzac.  Voici,  en  effet,  les  deux  premières  lignes 
de    ce    grimoire  :    Pour    Jean-Pierre   Balzac,   propriétaire   de    la 


134  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

riche  et  ruiné,  est  surtout  un  original.  C'est  sa 
propre  fille  qui  dit  de  lui  :  «  Il  ne  faisait  et  ne 
disait  rien  comme  un  autre;  Hoffmann  en  eût 
fait  un  personnage  de  ses  Créations  fantastiques* .  » 
Il  avait  conçu  un  rêve  —  parmi  tant  d'autres, 
—  celui  de  survivre  à  toute  sa  génération;  il 
était  convaincu  qu'il  serait  le  seul  et  unique 
bénéficiaire  de  la  fameuse  tontine  Lafarge.  Il 
affirmait  qu'un  homme  pouvait,  s'il  le  voulait, 
vivrecentans.il  mourut  à  quatre-vingt  trois  ans, 
contrairement  à  son  système  et  à  ses  principes8. 

Rigaudié,  contre  maître  Jean-François  Balzac,  notaire  habitant  de 
Montirat,  etc. 

«  Balzac  était  donc  le  fils  d'un  modeste  paysan  qui  n'avait 
aucune  prétention  aristocratique.  Le  véritable  nom  de  la  famille 
semble  avoir  été  Baissa,  nom  très  commun  dans  notre  région  ; 
mais  je  dois  dire  aussi  qu'on  trouve  des  Balsa,  des  Balsac  et 
enfin  un  Balzac.  Balzac,  le  notaire  de  Montirat,  qui  a  dû  mou- 
rir peu  de  temps  après  1859,  avait-il  modifié  l'orthographe  de 
son  nom  après  que  son  glorieux  cousin  fut  arrivé  à  la  celé 
brité?  Je  ne  saurais  le  dire,  mais  ce  que  je  puis  affirmer,  c'est 
qu'aucun  membre  de  la  famille,  y  compris  l'ancien  notaire,  n'a 
jamais  prétendu  à  la  particule...  » 

1.  Balzac,  sa  vie  et  ses  œuvres,  par  Mme  L.  Surville,  p.  9. 

2.  «  Le  père  de  Balzac  avait  calculé,  d'après  les  années  qu'il 
faut  à  l'homme  pour  arriver  à  l'état  parfait,  que  sa  vie  devait 
aller  à  cent  ans  et  plus  ;  pour  atteindre  le  plus,  il  prenait  des 
soins  extraordinaires  et  veillait  sans  cesse  à  établir  ce  qu'il 
appelait  l'équilibre  des  forces  vitales...  A  quarante-cinq  ans, 
n'étant  pas  marié  et  ne  comptant  pas  se  marier,  il  avait  placé 
une  bonne  partie  de  sa  fortune  en  viager,  moitié  sur  le  grand 
livre,  moitié  sur  la  caisse  Lafarge,  qu'on  fondait  alors  et  dont 
il  était  un  des  plus  forts  actionnaires  (il  touchait,  en  1829, 
quand  il  mourut  par  accident,  à  l'âge  de  quatre-vingt-trois  ans, 
douze  mille  francs  d'intérêt).  La  réduction  des  rentes,  les  gas- 
pillages, qui  eurent  lieu  dans  l'administration  de  la  tontine, 
diminuèrent  ses  revenus  :  mais  sa  belle  et  verte  vieillesse  lui 


CONCLUSION.  !25 

La  mère  de  Balzac  était  une  femme  beaucoup 
plus  jeune  que  son  mari,  une,  un  peu  sèche, 
serrée  <in  affaires,  active  plutôt  que  tendre, 
dévouée  plutôt  qu'aimante,  pratique,  comme 
on  dit,  ayant  le  sens  des  chiffres  et  passant  sa 
vie  à  remettre  de  Tordre  dans  le  ménage  que  les 
fantaisies  du  père  et  des  enfants  ne  cessaient 
de  troubler  :  c'est  la  fourmi  silencieuse  parmi 
les  bruyantes  cigales. 

La  mère  et  le  fils  se  heurtaient  souvent.  Dans 
les  «  notules  »  précieuses  qu'a  publiées  M.  de 
Lovenjoul,  Fessart,  un  ami  de  la  famille,  apporte 
ce  témoignage  :  «  M.  de  Balzac  disait  qu'il  n'avait 
jamais  pu  entendre  parler  sa  mère,  sans  éprouver 
un  certain  tremblement,  qui  lui  ôtait  toutes  ses 
facultés  lorsqu'il  était  en  sa  présence*.  »  Pour- 
tant, la  mère  et  le  fils  sont  toujours  restés  étroi- 
tement unis.  Dans  toutes  les  crises,  Balzac  s'est 
retourné  vers  elle.  Elle  a  été,  pour  lui,  le  sou- 
tien, le  refuge,  le  réconfort  :  femme  de  charge 
ou  homme  d'affaires  souvent,  —  mère  dévouée 
toujours. 

Voilà  donc  la  double  origine  :  le  Nord  et  le 
Midi,  la  province  et  Paris;  et  la  double  nature  : 

donna  l'espoir  de  partager  un  jour  avec  l'État,  à  l'extinction 
des  concurrents  de  sa  classe,  l'immense  capital  de  la  ton- 
tine... «  Bahac,  sa  vie  et  ses  œuvres,  par  Mme  L.  Surville, 
p.  8. 

1.  Une  page  perdue  de  H.  de  Balzac,  p.  118. 


126  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

la  fougue  et  la  mesure,  l'imagination  et  la 
réflexion.  Le  père  et  la  mère  prolongent  les  dis- 
parates du  ménage  dans  le  cerveau  contrasté  de 
leur  prodigieux  enfant. 

Balzac  lit  ses  études  au  collège  de  Vendôme  : 
il  est  d'abord  un  écolier  très  ordinaire,  ne  se 
distinguant  de  ses  camarades  que  par  la  splen- 
deur des  joues  et  la  grosseur  des  mollets. 

Tout  à  coup,  il  pâlit,  il  maigrit;  le  front  se 
bombe,  les  yeux  se  cernent.  Sa  mère,  inquiète, 
s'écrie  :  «  Voilà  comme  le  collège  nous  renvoie 
les  jolis  enfants  que  nous  lui  envoyons1  !  »  Il  est 
plongé  dans  une  sorte  de  coma  :  c'est  que,  dans 
le  gros  garçon  insouciant,  la  maturité  a  surgi 
tout  à  coup. 

Sans  que  les  autres  le  remarquassent,  la  per- 
sonnalité s'est  formée  par  un  travail  intime;  elle 
apparaît,  spontanée  et  autodidacte;  le  choc  des 
deux  natures  s'est  produit  à  la  première  étin- 
celle de  l'intellectualité  éveillée'.  L'enfant  a 
dévoré  toute  la  bibliothèque  du  collège  ;  il  a 
pensé  par  lui-même;  il  a  pris  une  plume;  il  a 
écrit  son  premier  ouvrage,  et  c'est  —  admirez 
le  titre  —  une  «  Théorie  de  la  volonté  ». 

1.  Voir  Balzac,  sa  vie  et  ses  œuvres,  par  Mme  Laure  Surville. 
p.  22. 

2.  Il  est  inutile  de  rappeler  que  c'est  là  tout  le  sujet  de  l'auto- 
biographie que  Balzac  a  intitulée  Luuis  Lambert. 


conclusion.  vn 

Son  génie  naissant  brise  déjà  les  lisières;  il 
est  un  grand  homme  avant  d'être  un  homme. 

Son  imagination  puissante  l'accable.  A  ces 
heures  de  formation,  la  lutte  entre  les  deux 
natures  juxtaposées,  non  combinées,  déchire 
l'adolescence  jusqu'à  mettre  l'existence  elle- 
même  en  péril. 

La  vie,  maintenant.  Nous  sommes  en  1822. 
La  vigueur  native  Ta  emporté.  Balzac  est  un 
garçon  à  la  figure  ronde,  au  corps  un  peu  bas, 
mais  souple  et  plein.  L'œil  est  admirable,  tout 
rempli  d'étoiles  d'or;  l'entrain,  la  gaieté,  la 
verve,  la  bonne  humeur  éclatent  dans  les  mou- 
vements et  les  gestes  ;  une  vie  exubérante  et 
conquérante  émane  de  lui.  Il  aime  déjà;  il  est 
aimé. 

Dans  le  jeune  homme,  l'homme  apparaît. 
Celui-ci  veut  être  libre;  il  veut  agir,  il  veut  être 
lui.  L'imagination  caresse  et  transforme  un 
projet  que  l'esprit  réaliste  a  conçu.  Balzac  se 
croit  né  pour  les  affaires.  Il  se  propose,  d'abord, 
la  plus  prompte  de  toutes  les  conquêtes  :  celle 
de  la  fortune.  11  devient  éditeur,  imprimeur, 
fondeur  de  caractères.  Précis  et  imaginaire,  il 
recherche  des  formats,  des  types,  des  procédés 
nouveaux.  Il  prétend  révolutionner  la  librairie 
et  l'imprimerie. 


128  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Le  tourbillon  des  affaires  le  saisit.  11  s'y  jette 
à  corps  perdu.  Mais  les  tristes  réalités  se  dres- 
sent devant  lui.  La  lutte  est  âpre,  journalière, 
laide,  fastidieuse,  pénible  ou  dégoûtante;  le 
travail  est  rare,  la  main-d'œuvre  exigeante  ; 
l'argent  manque.  Bientôt  ce  sont  les  billets,  les 
renouvellements, les  protêts  :  ce  sont  les  courses 
désespérées  pour  faire  face  aux  échéances,  la 
rencontre  des  créanciers,  les  attentes  chez  l'usu- 
rier, les  contacts  douteux,  les  compromissions, 
les  mensonges,  enfin,  la  rentrée,  le  soir,  dans 
l'atelier  muet  et  vide. 

Mais,  là,  le  rêve  renaît.  Dans  la  chambre 
étroite,  l'amie,  Mme  de  Berny,  attend,  le  sou- 
rire sur  les  lèvres  et  les  bras  ouverts.  D'un 
mot,  d'un  geste,  elle  écarte  le  souci,  ramène  la 
confiance  et  la  sérénité.  Elle  a  tant  souffert, 
elle  a  vu  des  choses  si  cruelles  !  Elle  a  des 
consolations  pour  toutes  les  peines,  des  paroles 
douces  pour  toutes  les  tristesses,  des  caresses 
pour  toutes  les  douleurs.  Comme  Schahrazade, 
elle  parle;  son  récit  met  l'âme  apaisée  à  la  porte 
du  palais  des  songes. 

Elle  raconte  sa  jeunesse,  les  temps  qui  sont 
passés,  et  dont  elle  a  gardé  le  tendre  et  harmo- 
nieux secret  :  la  cour,  la  reine,  les  fêtes,  les 
joies,  les  musiques,  Trianon,  les  bergerades, 
les  bals  champêtres,  les  fantaisies,  les  caprices. 


CONCLUSION.  129 

le  mouvement  brillant  et  fastueux  d'une  foule 
qui  ne  connaissait  de  la  vie  que  la  «  douceur  de 
vivre  ». 

Elle  raconte  aussi  les  heures  terribles,  les 
foules  hideuses,  les  sans-culottes,  le  bonnet 
rouge,  les  palais  envahis,  le  sang  coulant  à  flot, 
la  fusillade  à  bout  portant,  la  guillotine,  et  elle 
dit  la  longue  liste  des  morts. 

Elle  dit  les  fuites  la  nuit,  les  rencontres  sus- 
pectes, l'apparition  des  falots,  les  réquisitions, 
les  arrestations,  les  prisons,  l'appel  des  vic- 
times, l'habitude  du  péril  et  la  familiarité  prise 
avec  le  bourreau.  Sa  parole  est  une  évocation  où 
tous  les  drames  se  succèdent,  où  les  ressorts 
de  toutes  les  passions  sont  en  jeu,  où  la  réalité, 
elle-même,  apparaîtcommeun  rêve;  et  le  regard 
du  jeune  homme  avide  plonge  dans  les  prunelles 
qui  ont  vu  ces  choses  et  qui,  pour  les  revivre, 
se  posent  sur  le  cher  enfant. 

L'œuvre  naît  de  cette  double  et  antinomique 
préparation.  Un  monde  disparu,  un  siècle  qui 
commence.  D'une  part,  le  passé  auguste  de  la 
vieille  France,  la  stabilité  des  cadres  anciens, 
l'harmonie  sociale;  la  religion,  la  monarchie, 
l'aristocratie,  la  famille,  s'étageant  comme  les 
assises  nécessaires  de  la  société;  l'onction  des 
prêtres,  le  courage  des  soldats,  l'autorité  des 
magistrats,   une  majesté  historique  qui  va  de 

9 


*W  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Catherine  de  Médicis  à  Bonaparte  et  qui  met 
les  Chouans  en  face  de  Robespierre. 

A  côté  de  cette  légende  et  de  cette  épopée, 
voici,  par  un  contraste  inouï,  l'activité  mesquine 
de  la  vie  journalière,  le  profil  exact  de  chaque 
métier,  les  nuances  psychologiques  de  chaque 
caractère,  le  détail  précis  de  chaque  affaire  et  de 
chaque  dossier,  le  pli  professionnel,  le  geste 
habituel,  le  tic  familier. 

Le  temps  où  vit  Balzac  est  l'aboutissant  des 
grandes  époques  et  des  divers  régimes  qui  se 
sont  succédé  si  rapidement  dans  l'histoire  de 
France  :  monarchie,  république,  empire,  res- 
tauration. Ce  temps  se  mire  dans  l'œuvre  du 
romancier,  et  ici  encore,  et  surtout,  le  roman- 
cier est  un  historien.  Callot  n'a  été  ni  plus  abon- 
dant, ni  plus  pittoresque,  ni  plus  exact.  La  foule 
contemporaine  —  grands  du  monde  ou  misé- 
reux —  grouille  dans  son  œuvre.  C'est  par  là 
qu'elle  survivra. 

Voici  les  grandes  dames  et  les  lorettes,  le 
faubourg  Saint-Germain  et  le  faubourg  Saint- 
Honoré,  le  Palais-Royal  et  la  rue  Saint-Denis, 
le  journalisme  et  la  bourse,  la  pairie  et  la 
Chambre,  Véfour  et  Flicotaux.  D'une  page  à 
l'autre,  la  France  ancienne,  la  France  moderne. 

Cet  homme  qui  se  perd  dans  l'Empyrée  à  la 
suite  du  «  Philosophe  inconnu  »  et  de  Sweden- 


CONCLUSION.  131 

borg,  l'hagiographe  de  Seraphitm-Scraphila, 
écrit,  aussi,  la  Physiologie  du  Mariage,  les  Contes 
Drolatiques  et  s'attarde  aux  passions  séniles  du 

baron  Hulot  :  poète  pour  Eugénie  Grandet, 
avoué  pour  César  Hirolteau,  collectionneur  et 
«  chineur  »l  avec  le  cousin  Pons,  naturaliste 
pour  le  bouquet  de  M,nfi  de  Mortsauf,  couturier 
pour  habiller  Mu,e  Marneffe  et  amoureux,  au 
besoin,  pour  la  déshabiller. 

Il  vit  en  plein  romantisme,  et  rien  n'est  moins 
romantique  que  son  œuvre;  il  rejette  tout  le 
bric-à-brac  sentimental  et  moyen-âgeux  de 
l'École. 

Il  échappe  à  l'hypocrisie  ambiante.  Les  fem- 
mes, autour  de  lui,  baissent  les  yeux  :  chez  lui, 
elles  les  lèvent  et  regardent  en  face.  Elles  sont 
franches  et  saines  ;  elles  avouent  leurs  passions, 
leurs  vertus,  même  leur  âge.  «  Nous  voilà, 
disent-elles  ;  prenez-nous  telles  que  nous  som- 
mes. »  Et  quel  gré  elles  lui  sauront,  toujours, 
d'avoir  dépeint,  en  elles,  des  êtres  vivants,  non 
des  poncifs  inanimés  :  vierges  inconscientes, 
poupées  fragiles,  oies  effarouchées.  Il  raye 
Indiana,  Amélie,   même  Julie;  il  remonte  jus- 

i.  M.  Fessart  rapporte  que  «  M.  de  Balzac  était  connu  pour 
un  chineur  et  un  bibloteur  de  première  classe.  Par  trop  d'en- 
thousiasme pour  les  Antiquités,  il  se  faisait  parfaitement  attra- 
per, et  il  ne  voulait  pas  en  convenir  «.Voir  Une  page  perdue  de 
H.  de  Baliac,  pp.  121-122. 


152  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

qu'à  Manon  et  jusqu'à  la  princesse  de  Glèves. 

Comme  Balzac  sait,  par  une  trop  dure  expé- 
rience, que  l'argent  est  le  grand  ressort  de  la 
vie  moderne  —  étant  la  mesure  des  efforts 
humains  —  il  fait,  de  la  question  d'argent,  la 
trame  solide  de  son  épopée. 

Ses  personnages  vivent,  et  ils  comptent.  Il  y 
a  des  âmes  pures,  mais  il  y  a  des  courtisanes. 
Les  pistolets  qui  arrêtent  les  diligences  sur  les 
grand'routes  ne  sont  pas  plus  dangereux  que 
les  beaux  yeux  qui  subtilisent  les  portefeuilles 
et  défoncent  les  coffres-forts. 

On  voit,  pour  la  première  fois,  apparaître, 
dans  son  œuvre,  le  chaos  immense,  grouillant, 
agité,  fécond,  stérile,  âpre,  délicieux,  et,  somme 
toute,  incompréhensible,  qu'est  la  vie. 

Est-ce  bien  la  vie?  C'est  plutôt  le  raccourci 
puissant  de  la  vie.  Le  génie  de  Balzac  tient  à  sa 
double  nature.  Son  imagination  est  un  verre 
grossissant.  Les  objets  ont,  pour  elle,  des  pro- 
portions énormes.  Elle  ne  saisit  pas  seulement 
les  circonstances,  mais  les  lois,  non  seulement 
les  individus,  mais  les  types. 

Tout  être  vivant  sur  lequel  l'attention  de  Bal- 
zac s'est  portée  devient  un  objet  exceptionnel, 
un  phénomène,  et,  comme  disait  la  philosophie 
ancienne,  un  «  monstre  ».  Celui-ci  est  l'Usurier, 
celui-ci  le  Soldat,  celui-ci  le  Banquiste,  celui-ci 


CONCLUSION.  133 

le  Criminel,  celui-ci  le  Satyre.  Celle,  déforma- 
tion prodigieuse  impose  ces  types  à  l'esprit  et 
les  enfonce  dans  la  mémoire. 

Mais  l'abus  du  procédé  conduirait  à  l'invrai- 
semblance et  à  l'outrance.  Ce  sonl  les  défauts 
habituels  du  temps  où  vit  Balzac.  Il  y  échappe,  et 
comment?  Par  le  contrôle  qu'exerce,  sur  lui,  la 
qualité  complémentaire  de  son  génie,  la  finesse, 
la  justesse,  le  tact,  ou,  pour  tout  dire  en  un  mot, 
le  sens  des  réalités. 

Le  Méridional  est  corrigé  par  le  Parisien.  Ce 
Bonaparte  des  Lettres  trouve,  en  lui-même, 
son  Sieyès.  Le  verre  grossissant,  monté  en 
lunette,  devient  un  instrument  de  précision. 

Dans  la  vie  de  Balzac,  ce  contraste  singulier, 
cette  antinomie,  qui  fait  sa  gloire  et  son  tour- 
ment, se  retrouve  jusqu'à  la  fin.  Homme  simple, 
droit,  laborieux  et  chaste,  il  laisse  s'exercer  sur 
lui  la  fascination  de  tous  les  prestiges.  Il  galope 
à  la  recherche  de  tous  les  absolus.  Il  a  convoité 
la  fortune,  la  renommée,  le  pouvoir,  l'amour.  Il 
ne  trouve  que  la  désillusion  ;  mais  sa  vigou- 
reuse nature  se  relève  toujours  par  le  goût  du 
travail,  la  franchise  du  caractère  et  la  probité 
des  mœurs. 

La  sage  vigilance  de  la  mère  veille  sur  le  fils. 
Un  suprême  essor  de  son  imagination  l'avait 
emporté,  à  travers  l'Europe,  à  la  suite  de  VÉtran- 


154  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

gère.  Il  revient,  marié;  heureux  d'abord,  mais 
bientôt  cruellement  meurtri.  Quand  l'heure 
dernière  fut  arrivée,  la  mère  était  seule,  près  de 
son  fils,  dans  la  maison  abandonnée.  De  ses 
vieilles  mains  tremblantes,  elle  éteignit  les 
étoiles  d'or  en  lui  fermant  les  yeux. 


CORRESPONDANCE 

D'HONORÉ    DE    BALZAC    ET    DE    I.AURE    DE    BERNY 

4  822...  1832 


Quand,  dans  une  série  d'articles  parus  au 
Journal  et  qui  sont  comme  une  première  rédac- 
tion du  présent  ouvrage,  nous  eûmes  apporté 
un  élément  nouveau  à  la  biographie  du  grand 
romancier,  à  savoir  la  révélation  du  nom  et  des 
amours  de  la  Dilecta,  notre  ami  M.  de  Spoel- 
berch  de  Lovenjoul  nous  écrivait,  dans  la  joie 
de  voir  révélé  le  secret  de  l'énigme  balza- 
cienne : 

Ah,  cher  ami,  que  votre  quatrième  article  m'a  donc 
transporté  !  Vous  m'avez  appris  là  ce  que  je  cherchais 
depuis  trente  msî  Cette  fois,  nous  la  tenons,  et  l'amon- 
cellement d'eneurs,  de  nuages,  de  légendes  qui  entou- 
raient la  dame,  s'est  évanoui  pour  toujours.  A  la  lettre, 
j'ai  bu  votre  enre  par  les  yeux,  et  je  vous  réponds  que 
pas  un  de  vos  acteurs  n'aura  savouré  aussi  profondé- 
ment que  moi,  ni  ne  se  sera  aussi  gloutonnement  gavé 
du  régal  unique  que  vous  avez  servi  là  aux  Balzaciens. 
Plus  que  jamais  je  vous  dis  :  Venez,  Venez!  » 


136  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

En  nous  communiquant  en  même  temps  la 
belle  lettre  de  Madame  de  Berny  à  Balzac  rela- 
tive à  Louis  Lambert,  M.  de  Lovenjoul  nous  priait 
instamment  de  venir  à  Bruxelles  prendre  con- 
naissance de  la  correspondance  de  Balzac  et  de 
Madame  de  Berny,  qu'il  avait  en  sa  possession. 

Nous  voulions  répondre  immédiatement  à 
son  appel;  les  circonstances  nous  en  ont  empê- 
chés; le  temps  passa,  les  années  s'écoulèrent. 
Notre  illustre  ami  mourut.  Toutefois,  en  léguant 
la  collection  de  ses  manuscrits  à  l'Institut  de 
France,  il  nous  confiait  le  soin  de  publier  cette 
correspondance  échangée  entre  les  deux  amants 
à  l'heure  où  le  jeune  homme,  entrant  tout  à  la 
fois  dans  la  vie  et  dans  l'infortune,  ne  trouvait 
autour  de  lui  d'autre  appui  que  l'affection  pas- 
sionnément maternelle  de  sa  vaillante  amie. 

Voici  donc  ces  deux  séries  de  lettres  :  leur 
apparition  donnera  son  sens  psychologique 
profond  à  cet  épisode  initiateur  de  la  vie  de 
Balzac. 

Ce  que  cette  correspondance  nous  révèle, 
ce  n'est  plus  l'homme  d'affaires  improvisé, 
le  jeune  téméraire  qui,  par  una  résolution 
funeste,  s'accable  lui-même  d'une  dette  dont  il 
subira  le  fardeau  jusqu'à  son  derrier  jour,  c'est 
l'homme  lui-même.  Elle  nous  montre  l'homme 
et  elle  nous  montre  la  femme.  Voici  Honoré  et 


LA  CORRESPONDANCE.  151 

voici  La ure.  Les  deux  amants  sont  devant  nous, 
m  pleine  lumière. 

Et,  malgré  la  cruelle  différence  des  âges, 
malgré  les  borne*  infranchissables,  malgré  la  con- 
trainte des  lois  de  la  nature  et  de  la  société 
(jui  les  excite  et  qui  les  torture  à  la  fois,  ils  se 
découvrent  à  nous,  tels  qu'il  furent,  dans  la 
candeur  et  la  sincérité  de  leur  passion. 

Une  courte  note,  rédigée  par  le  vicomte  de 
Spoelberch  de  Lovenjoul  et  placée  par  lui  en 
tête  des  brouillons  des  lettres  adressées  par 
Balzac  à  Madame  de  Bernv,  établit  l'authen- 
ticité  de  ces  documents  que  le  pieux  collec- 
tionneur a  sauvés  du  naufrage. 

La  lettre  d'Alexandre  de  Berny  \  écrite  le  soir 


1.  «  Voici  une  lettre  de  deuil,  cher  Honoré  ;  après  dix  jours 
de  souffrances  nerveuses  très  aiguës,  d'étouffemens  et  d'hy- 
dropisie,  notre  mère  a  succombé  ce  matin  à  neuf  heures. 

«  Sa  vie  était  bien  remplie,  à  cette  bonne  mère,  elle  est  sans 
doute  bien  calme  à  présent.  Demain,  à  dix  heures,  elle  sera 
déposée  en  terre  à  côté  de  son  Armand,  dans  le  cimetière  de 
Grès. 

«  Avant  sa  maladie,  elle  classa  ses  lettres  et  en  fit  trois 
paquets  ;  un  de  ces  paquets  contient  toute  votre  correspon- 
dance avec  elle  depuis  qu'elle  vous  connaissait.  Ce  paquet, 
ficelé  avec  de  la  laine  et  entièrement  clos,  j'ai  l'ordre  forme! 
de  l'incendier  aussitôt  après  sa  mort.  Dans  une  heure,  j'y  met- 
trai le  feu. 

«  Il  se  trouve  ici  beaucoup  de  papiers  de  votre  écriture, 
classés  dans  des  feuilles  qui  portent  le  titre  de  manuscrits  : 
dans  quelques  jours,  je  vous  en  donnerai  le  détail. 

«  Adieu,  cher  Honoré,  je  ne  puis  rien  vous  dire,  vous  le 
savez.  —  27  juillet  1836.  Alexandre.  •  (Collection  Spoelberch  de 
lovenjoul.  ms.  A  ."12,  fol.  115.) 


138  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

même  de  la  mort  de  Madame  de  Berny,  établit 
que  l'ensemble  de  la  correspondance  de  Balzac 
conservée  par  la  Dilecta  a  été  brûlée.  Elle  s'ex- 
plique elle-même,  dans  une  des  lettres  que  nous 
publions,  sur  ce  qu'elle  pensait  de  la  conservation 
des  lettres  d'amour  :  ou  le  tout  ou  le  feu. 

Quant  aux  dernières  lettres  de  Madame  de 
Berny,  Balzac  les  a  conservées,  sans  doute 
parce  qu'elles  étaient,  à  ses  yeux,  la  relique 
suprême  du  drame  de  cœur  qui  s'était  joué 
entre  lui  et  l'amie,  alors  que  la  séparation 
allait  s'accomplir. 

Voici  donc  tout  ce  qui  reste  :  quelques  brouil- 
lons de  lettres  de  Balzac  adolescent,  quelques 
lettres  de  l'aimée  vieillissante.  Car,  par  un  autre 
caprice  du  sort,  les  lettres  de  Balzac  ne  sont 
pas  contemporaines  de  celles  de  Madame  de 
Berny;  les  unes  ne  répondent  pas  aux  autres; 
celles  de  Balzac  sont  de  1822,  celles  de  Madame 
de  Berny  sont,  du  moins  les  dernières,  de 
1832.  Dix  ans  d'intervalle!...  Le  drame  n'est 
pas  lié...  Mais,  il  n'en  paraîtra  que  plus  pathé- 
tique peut-être.  Caries  lettres  de  l'amant  sont  de 
l'époque  où  l'amour  naît,  celles  de  l'aimée  du 
temps  où  l'amour  se  meurt.  Ardeur  et  enthou- 
siasme au  début;  et,  à  la  lin,  palpitations  de 
l'agonie,  dernières  étincelles,  cendres  brû- 
lantes, étouffement,  silence  ! 


LA  CORRESPONDANCE.  1™ 

Celte  passion  partagée,  où  l'homme  de  vingt- 
trois  ans  étreint  la  femme  de  quarante-cinq 
ans,  n'est-elle  pas  un  des  drames  les  plus 
singuliers  qu'ait  connus  l'histoire?  La  filleule 
de  Marie-Antoinette  berçant  sur  ses  genoux  le 
peintre  des  mœurs  bourgeoises,  la  belle-fille  du 
chevalier  de  Jarjayes,  qui  a  vu  Versailles, 
Trianon,  la  Conciergerie,  la  cour  des  Tuileries, 
couvant,  dans  l'étroite  chambre  tendue  de  per- 
cale bleue,  le  génie  du  grand  investigateur  de 
«  l'âge  industriel  »,  une  Béatrice  déjà  fanée 
apprenant  la  vie  et  l'amour  à  cet  enfant  qui 
croyait  les  connaître  et  qui  ne  savait  encore 
que  les  deviner.  Balzac,  qui  n'a  cessé  de  trans- 
poser ce  roman  dans  tous  ses  romans,  n'a 
rien  combiné  de  plus  imprévu  et  de  plus  dra- 
matique. 

Il  faut  donc  prendre  les  lettres  de  Balzac  à 
part  et  les  lettres  de  Madame  de  Berny  à  part. 
Mais,  en  même  temps,  il  faut,  quand  on  lit 
les  unes  et  les  autres,  avoir  toujours  dans 
l'esprit  la  réplique  absente;  il  faut  deviner;  il 
faut  sentir  comme  sentait  l'autre,  invisible  et 
présent. 

Ne  pas  manquer  aussi  de  se  représenter  le 
temps,  les  circonstances,  les  entourages,  les 
familles,  les  affaires;  la  grande  maison  de  Ville- 
parisis  où   la  passion  naît  dans   les    sourires 


140  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

pour  s'épanouir  bientôt  dans  les  larmes,  la 
chambre  «  tendue  de  percale  bleue  »,  les  châ- 
teaux de  la  Touraine  et  de  l'Angoumois,  Sache 
et  la  Grenadière;  et  puis,  auprès  des  acteurs, 
les  comparses,  les  surveillants  et  les  malveil- 
lants, ces  jeunes  filles  à  l'œil  perçant  que 
signale  l'amoureux  un  peu  gêné  de  son  rôle,  et, 
(drame  dans  le  drame)  les  rivaux  et  les  rivales  : 
car  cette  femme  a  un  mari  et  un  amant  délaissé 
peut-être;  et  ce  jeune  homme  est  entouré  de 
dames  et  de  grandes  dames  qui  voudraient  bien 
s'emparer  de  son  génie  deviné,  les  d'Abrantès, 
les  de  Castries,  les  Zulma  Carraud,  et  même 
déjà  cette  Polonaise  lointaine  qui  le  prend  par 
la  vanité  des  admirations  fabuleuses  et  de 
l'Europe  remplie  de  son  nom.  Toutes  accablent 
des  traits  de  la  jalousie  la  pauvre  femme  qui 
n'a  plus  déjeune  que  le  cœur. 


Ce  fond  de  tapisserie  une  fois  tendu,  voyons 
les  deux  héros  s'avancer  sur  la  scène,  et  creu- 
sons les  caractères  :  car,  c'est  ce  qui  importe; 
il  s'agit  de  connaître  les  âmes. 

Balzac,  au  moment  où  il  écrit  les  lettres  qui 
allument  l'incendie,  n'a  que  vingt-trois  ans  ;  il 
achève  ses  études  ;  il  se  lance  dans  la  vie  ;  il 
touche  aux  affaires. 


l.A  CORRESPONDANCE.  m 

A  celte  heure  critique,  il  se  connaîl  déjà  lui- 
même  à  fond  et,  en  psychologue  prédestiné,  il 
se  peint  admirablement.  Il  regarde  aussi  les 
hommes  en  lui  et  se  contemple,  eux  et  lui,  dans 
un  même  reflet. 

Mais  ce  qui  frappe  d'abord  c'est  que,  dans 
cet  adolescent,  si  extraordinairement  doué, 
tout  est  «  littérature  ».  L'homme  de  lettres  aime 
en  homme  de  lettres.  Sa  première  passion, 
lui  est  un  sujet.  Se  regardant,  s'observant,  s'ana- 
lysant,  il  institue  d'avance  l'expérience  de  labo- 
ratoire d'où  s'élèvera  la  création  grouillante  de 
la  Comédie  humaine.  Cette  goutte  d'eau  de  Ville- 
parisis  et  de  la  rue  des  Marais-Saint-Germain 
lui  est  un  microcosme.  Son  génie,  qui  grandit 
en  ce  vase  clos,  grandit  ce  qui  l'entoure  jus- 
qu'aux proportions  de  l'universel.  Cet  amour, 
qui  naît  au  seuil  de  la  jeunesse,  finira  par  abriter 
son  œuvre  et  son  génie.  Et,  penché  sur  cette 
plante  fragile,  il  y  découvre  déjà  ce  qu'il  cherche 
et  cherchera  toujours  :  la  science  des  hommes. 

L'expérimentateur  coupe,  taille,  tranche, dût-il 
blesser.  Ce  n'est  ni  par  la  douceur  ni  par  le 
tact  qu'il  brille,  l'acharné.  Tel  un  carabin,  il 
enfonce  son  scalpel  et  scrute  à  fond  toutes  les 
fibres.  A  peine  née,  la  passion  douloureuse  est 
sur  la  table  de  dissection. 

Quelque  chose   atténue,   adoucit  cette  âpre 


142  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

brutalité,  c'est  l'entière  bonne  foi,  et,  selon  une 
expression  qui  revient  souvent  sous  la  plume 
de  l'écrivain,  parmi  les  délices    des  sens,  «  la 
chasteté  ».  Psychologue   impassible,   analyste 
sans  pitié,  Balzac  reste,  malgré  tout,  un  brave 
garçon,  un  honnête   homme.  Son  imagination 
errante  ne  l'égaré  pas,  ses  fautes  ne  l'aveuglent 
pas,  son  orgueil  ne  l'enivre  pas.  Il  sait  ce  qu'il 
doit  à   cette  femme,    savante   en   la   vie,    qui, 
sciemment,  lui  a  tout  appris.  Et,  à  l'heure  de  la 
supplication,  quand  il  implore  et  qu'il  est  à  ses 
pieds,  et  plus  tard,  à  l'heure  des  séparations, 
quand  il  la  laisse  seule,  loin  de  lui,  désolée,  il  la 
respecte  et  s'incline  devant  elle  d'âme  à  âme. 
Ayant  toujours  sur  les  lèvres  l'illusion  amère 
et  le  sucre  de  ce  faux  essai  de  l'amour,  touché 
au  cœur  et  écœuré  en  même  temps,  il  parlera 
jusqu'à  la   fin  de  cette  femme,  comme   d'une 
«  maîtresse  »,  comme  d'un  «  maître  »,  comme 
d'une  amie  souveraine,  éducatrice  de  son  intel- 
ligence et  de  son  génie. 

Les  rivales  elles-mêmes  ont  dû  accepter 
l'étrange  confession  qu'il  leur  fit  sans  cesse 
de  ce  durable  envoûtement  :  elles  ont  dû  y 
consentir.  Balzac  amoureux  ne  sera,  pour  l'his- 
toire des  mœurs,  ni  le  courtisan  de  la  duchesse 
de  Castries,  ni  le  galant  de  la  duchesse 
d'Abrantès,  ni  même  l'amant  ni  le  mari  de  la 


LA  CORRESPONDANCE.  14T» 

Hanska,  il  sera  à  jamais  l'ami  de  Madame  de 
Bemy,  le  disciple  passionné  de  la  fHlecta.  (Tesl 
de  celle-ci  qu'il  a  reçu  l'empreinte. 

Le  lecteur  cherchera  et  trouvera,  dans  les 
lettres  écrites  par  le  jeune  homme  de  vingt- 
Irois  ans,  les  traits  de  cet  étonnant  amour  et 
les  traits  de  ce  singulier  caractère.  Gomment 
ne  pas  lui  signaler  le  portrait  qu'Honoré  trace 
de  lui-même  en  s'y  reprenant  par  touches  et 
retouches  successives,  dans  cette  correspon- 
dance qui  n'est,  au  fond,  qu'une  «  confession  » 
à  la  Jean-Jacques  : 

...  Tel  je  suis  el  tel  je  serai  toujours,  timide  à 
l'excès,  amoureux  jusqu'au  délire,  et  chaste  au  point 
de  n'oser  dire  :  j'aime....  Je  conviens  que  la  dernière 
chose  à  laquelle  je  ressemble  c'est  à  un  amoureux,  je 
n'en  ai  ni  le  ton,  ni  les  manières,  je  n'ai  ni  grâces  ni 
hardiesse,  rien  d'agressif;  en  un  mot,  je  suis  comme 
ces  jeunes  filles  qui  paraissent  gauches,  sottes,  timides, 
douces  et  qui  cachent  sous  ce  voile  un  feu  qui,  une  fois 
qu'il  aura  franchi  les  cendres  qui  le  couvrent,  dévorera 
le  foyer  et  la  maison,  et  tout. 

Jean-Jacques  est  derrière  cette  image  et 
Balzac  lui-même  le  dit  : 

Au  surplus,  jamais  je  ne  peindrai  mieux  mon  carac- 
tère qu'il  n'a  été  dépeint  par  un  grand  homme.  Relisez 
les  Confessions  et  vous  l'y  trouverez  tout  au  long1. 

1.  Quelques  années  plus  tard,  Balzac  refaisait  le  même  por- 
trait pour  Madame  d'Abrantès,  niais  d'un  burin  à  la  fois  plus 


144  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Rousseau  était  le  grand  homme  de  la  géné- 
ration révolutionnaire.  Toutes  les  âmes  sensi- 
bles se  tournaient  vers  lui  comme  vers  leur 
soleil.  Laure  Hinner  était,  comme  tant  d'autres, 
une  Héloïse.  Comment  eût-elle  dédaigné  cet 
hymne  à  l'amour  que  son  éclatante  maturité 
inspirait  au  disciple  exalté  du  maître  : 

Aimer,  c'est  sentir  autrement  que  tous  les  autres 
hommes,  c'est  vivre  dans  un  monde  idéal,  magnifique 
et  splendidede  toutes  les  splendeurs;  c'est  ne  connaître 
ni  le  tems,  ni  ses  divisions,  ni  le  jour,  ni  la  nuit,  ni 
hiver  ni  printems;  le  jour  et  le  printems  sont  la  pré- 
sence de  l'objet  aimé;  il  n'y  a  dans  la  nature  qu'un 
seul  endroit,  c'est  le  lieu  où  l'on  se  voit,  un  seul  indi- 
vidu, celui  que  l'on  aime,  le  reste  n'est  rien! 

Aimer,  c'est  quitter  son  existence  passée  et  future  et 

ferme  et  plus  dégagé;  il  affirmait,  dans  l'homme,  l'homme  de 
lettres  :  «  Je  m'étudie  moi-même  comme  je  pourrais  le  faire  pour 
un  autre,  je  renferme  dans  mes  deux  pieds  cinq  pouces  toutes 
les  incohérences, tous  les  contrastes  possibles;  et  ceux  qui  me 
croiront  vain,  prodigue,  entêté,  léger,  sans  suite  dans  les  idées, 
fat,  négligent,  paresseux,  inappliqué,  sans  réflexion,  sans  aucune 
constance,  bavard,  sans  tact,  mal-appris,  impoli,  quinteux,  iné- 
gal d'humeur,  auront  tout  autant  raison  que  ceux  qui  pour- 
raient dire  que  je  suis  économe,  modeste,  courageux,  tenace, 
énergique,  négligé,  travailleur,  constant,  taciturne,  plein  de 
finesse,  poli,  toujours  gai  ;  celui  qui  dira  que  je  suis  poltron 
n'aura  pas  plus  tort  que  celui  qui  dira  que  je  suis  extrême- 
ment brave,  enfin  savant  ou  ignorant,  plein  de  talents  ou 
inepte,  rien  ne  m'étonne  plus  de  moi-même...  Ce  Kaléidoscope- 
là  vient-il  de  ce  que,  dans  l'âme  de  ceux  qui  prétendent  vou- 
loir peindre  toutes  les  affections  et  le  cœur  humain,  le  hazard 
jette  toutes  ces  affections  mêmes,  afin  qu'ils  puissent  par  la  force 
de  l'imagination  ressentir  ce  qu'ils  peignent?  Et  l'observation  ne 
serait-elle  qu'une  note  de  mémoire  propre  à  aider  à  cette  mobile 
imagination,  je  commence  à  le  croire.  •  (Œuvres  complètes,  t.  XXIV, 
Correspondance,  p.  56.) 


LA  CORRESPONDANCE,  145 

présente  pour  en  adopter  une  nouvelle  :  c'est  la  sienne. 
Penser  comme  elle  pense,  avoir  des  milliers  d'idées 
quand  nous  sommes  loin  délie,  et,  quand  on  la  voit, 
n'en  pouvoir  exprimer  une  seule;  mettre  de  l'éloquence 
dans  tout,  dans  un  geste,  un  regard,  un  mot.  C'est  être 
transporté  de  bonheur  d'une  niaiserie,  accablé  de  cha- 
grin d'un  signe  équivoque. 

Aimer,  c'est  se  confondre  tellement  qu'il  n'y  ait  pas 
trace  d'individualité;  c'est  vivre  de  la  vie  d'un  autre, 
ne  rien  négliger  pour  embellir  cette  vie,  trouver  de  la 
douceur  dans  les  larmes,  dans  l'abaissement,  et  abjurer 
même  sa  croyance,  mourir  même.  Il  en  est  qui  trouvent 
ces  sacrifices  trop  faibles  et  qui  vont  jusqu'à  croire  que 
celui  de  l'honneur  n'est  pas  assez.... 

Aimer,  c'est  faire  croire  en  soi  et  se  rendre  digne  l'un 
de  l'autre  par  les  plus  nobles  efforts;  c'est,  quand  on  a 
tout  fait,  croire  n'avoir  encore  rien  fait;  rendre  sa 
bonté,  sa  foi,  et  les  marques  de  son  amour  aussi  innom- 
brables que  les  graviers  de  la  mer,  faire  que  chaque 
sentiment  soit  une  goutte  d'une  mer  inépuisable. 

Aimer,  c'est  l'exaltation  de  tout  notre  être,  l'inspira- 
tion constante  d'un  poëte,  en  la  portant  dans  le  cœur 
et  dans  la  vie;  c'est  nager  dans  l'univers,  voir  la  nature 
autre  qu'elle  est,  être  en  contradiction  perpétuelle  avec 
toutes  les  idées  reçues  et  trouver  un  ciel  affreux  lorsque 
tout  le  monde  le  trouve  sans  nuages;  se  plaire  dans  une 
tempête,  quand  chacun  tremble  ;  alors  les  sentiments 
de  l'homme  ont  une  espèce  de  majesté  et  jettent  sur  lui 
quelque  vestige  de  ce  qu'on  se  figure  de  la  création. 

Une  telle  page,  à  elle  seule,  justifie  tous  les 
abandons  :  Laure  Hinner  devait  succomber. 
Comment  ne  pas  aimer  celui  qui  parle  ainsi  de 
l'amour?  Succomber,  c'est  triompher  encore, 
dût  la  femme,  la  pécheresse,  se  sacrifier  dans 

10 


i ici  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

son  triomphe  et  mourir  sur  le  bûcher  que  de 
telles  flammes  ont  allumé. 

Elle  succomba;  elle  fut  sacrifiée. 

Dix  ans  s'écoulent1....  Durant  ce  long  espace 
de  la  vie  humaine,  quelques  rares  lettres,  au 
hasard  des  séparations.  L'amoureuseétait  mûre  ; 
elle  vieillit.  Le  jeune  homme  mûrit,  grandit, 
remplit  le  cadre  de  sa  destinée.  La  gloire  l'a 
touché.  De  lui  rayonne  une  force,  une  confiance, 
une  puissance.  Tenant  son  époque,  il  commence 
à  sentir  qu'il  tient  l'avenir.  S'il  se  mesure,  c'est 
à  Napoléon  :  «  J'achèverai  par  la  plume  ce  qu'il 
a  fait  par  l'épée.  » 

Les  femmes  se  pressent  autour  de  lui.  Elles 
sont  là,  toutes  celles  qui  l'accompagneront  dans 
sa  course  effrénée  :  la  duchesse  d'Abrantès, 
Zulma  Carraud,la  duchesse  de  Castries.  Adulé, 
caressé,  jeté  dans  la  politique  par  ce  même 
parti  royaliste  qui  tourne  autour  du  duc  de 
Fitz-James  et  auquel  Laure  peut-être,  l'impru- 


1.  Voici  le  portrait  de  Balzac,  à  cette  date,  de  la  main  d'un 
peintre,  s'il  en  fut,  Eugène  Delacroix  :  «  C'est  chez  Madame  O'Reilly 
et  chez  Nodier  (vers  1832  ou  33)  que  j'ai  vu  pour  la  première 
fois  Balzac  qui  était  alors  un  jeune  homme  svelte,  en  habit  bleu 
avec,  je  crois,  gilet  de  soie  noire,  enfin  quelque  chose  de  dis- 
cordant dans  la  toilette  et  déjà  brèche-dent,  Il  préludait  à  son 
succès....  »  Journal,  II,  p.  80. —  Dix  ans  après,  Delacroix  écrivait 
de  Nohant,  chez  George  Sand  :  «  Nous  attendions  Balzac  qui 
n'est  pas  venu  et  je  n'en  suis  pas  fâché  :  c'est  un  bavard  qui 
eût  rompu  cet  accord  de  nonchalance  dans  lequel  je  me  berce 
avec  un  grand  plaisir.  »  Correspondance,  t,  I,  p.  k2i>2. 


LA  CORRESPONDANCE.  147 

dente,  l'a  présenté,  il  tire  sur  sa   chaîne,  sa 
vieille  chaîne.  Il  s'est  éloigné,  il  s'attarde  dans 

les  châteaux  de  la  Tou raine,  et  dans  cette  Grena- 
dière  où  il  se  vante  lui-mOmc  d'avoir  emmené 

«  une  esclave  ». 

L'amie  sait  tout  cela.  Elle  accepte,  elle  subil 
et  si,  parfois,  la  jalousie  la  point,  si  elle  crie  d<- 
douleur,  c'est  pour  s'incliner  encore  à  la  fin  et 
pour  souffrir;  elle  consent  à  gravir  le  calvaire 
pourvu  que  l'ami,  l'enfant  adoré  devenu  homme, 
homme  de  lettres,  grand  homme,  apparaisse 
sur  la  cime  illuminée  : 

Une  crainte  mortelle  vient  quelquefois  faire  bondir 
mon  cœur  :  je  pense  que  si  certaine  dame  t'écrivait  de 
la  venir  trouver,  tu  serais  assez  bon  pour  y  aller.  Une 
autre  dame  ne  t'a-t-elle  pas  fait  revenir  jadis  de  Tours  à 
Versailles  pour  la  consoler  de  chagrins  que  son  égoïsme 
lui  faisait  te  grossir?  Ici,  la  circonstance  est  bien  plus 
grave  et  malheureusement  ta  vanité  est  toujours 
éveillée,  active,  et  a  sur  toi  une  prise  d'autant  plus 
réelle  que  tu  en  ignores  la  force....  Jamais  tu  ne 
sauras,  ami,  jusqu'à  quel  point  j'ai  placé  mon  orgueil 
en  toi. 

Tu  me  dis  que  l'intérieur  de  mon  fils  sera  ma  justifi- 
cation. Mon  chéri,  elle  ne  sera  pas  là;  je  l'ai  placée  tout 
entière  en  toi....  La  nature  ni  la  société  ne  pardonnenl 
jamais  à  celui  qui  transgresse  ses  loix;  je  me  trouvais 
nécessairement  rebelle  envers  l'une  ou  l'autre;  il  nui 
fallu  offenser  cette  dernière;  je  sais  ce  qu'elle  me 
réserve.  Mais  si  je  peux  te  voir  dans  le  lointain  grand 
et  honoré  (et  tu  dois  savoir  quel  est  pour  moi  le  sens  de 
ces  deux  mots),  eh  bien  je  serai  contente  sinon  heu- 


148  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

reuse;  car  je  suis  fière  de  toi.  Il  me  semble  que  ni  ma 
conscience  ni  le  monde  ne  pourront  me  rien  repro- 
cher. 

Le  poignard  est  dans  le  sein.  Ce  que  cette 
femme,  âgée  de  cinquante-quatre  ans,  frap- 
pée de  l'anévrisme  qui  devait  la  tuer  quatre 
ans  plus  tard,  ce  que  cette  femme  fit  pour 
défendre  son  amour,  pour  garder  son  amant, 
—  son  enfant, — il  faut  le  voir  dans  les  dernières 
pages  de  cette  correspondance,  si  fière  et  si 
humble  à  la  fois.  Elle  l'a  sauvé  au  penchant  de 
la  ruine,  elle  l'a  réconforté,  rasséréné,  instruit, 
façonné,  achevé,  et  il  lui  échappe.  Elle  continue  : 
c'est  elle  qui  fait  ses  courses,  corrige  les  épreu- 
ves, porte  les  lettres,  parfois  celles  qu'elle  vou- 
drait ouvrir.  Elle  lit  ligne  à  ligne  tous  ses 
ouvrages,  revise  ses  marchés,  le  tire  d'embarras 
aux  heures  de  la  copie  inachevée  ou  des  dettes 
trop  criardes.  Elle  accepte  tout,  la  séparation, 
les  erreurs,  l'abandon.  Mais  il  y  a  un  point  sur 
lequel  elle  ne  transige  pas  :  c'est  quand  ce  qui 
est  en  question,  c'est  son  travail,  sa  gloire, 
tranchons  le  mot,  son  génie.  Quoi  qu'il  arrive, 
elle  reste  en  sentinelle,  là.  Elle  est  et  restera  la 
gardienne  et  l'éducatrice;  car,  c'est  son  lot, 
celui  qu'elle  a  choisi  et  qu'on  ne  lui  arrachera 
pas. 

S'il  se  trompe,  s'il  s'affole,  s'il  s'exalte,  s'il 


LA  CORRESPONDANCE.  14'J 

s'égare,  elle  esl  là.  Kilo  rappelle4  la  fougueuse 
nature  au  bon  sens,  à  la  sagesse,  à  l'équilibre. 
D'une  main  ferme,  elle  rabaisse  le  terrible 
orgueil. 

On  a  lu  déjà  la  lettre  si  haute  écrite  au  sujet 
de  ljOim  Lambert  et  qui  dévoilait  la  fière  et  noble 
autorité  de  femme  qui  ne  fléchit  pas. 

Et  c'est  pourquoi,  précisément,  elle  fut,  jus- 
qu'à la  fin,  la  Dilecta. 

Ainsi,  ces  deux  courtes  correspondances 
expliquent  tout.  Le  génie  restait  fidèle  à  la  nour- 
rice du  génie.  Jusqu'à  la  fin,  lui  aussi,  l'enfant 
se  retournera  vers  la  maternité  créatrice.  Balzac 
revint,  toute  sa  vie,  vers  l'image  de  la  femme 
dont  le  vigoureux  esprit  avait  emprunté  tous  les 
délices  des  sens  et  de  l'âme  pour  le  former  en 
esprit.  Finalement,  le  psychologue  impeccable 
achève,  pour  lui-même,  la  figure  de  la  maîtresse 
de  ses  jeunes  ans  par  un  portrait  où  les  traits 
de  l'intelligence  dominent  et  effacent  tous  les 
autres.  Il  écrit  à  Madame  ZulmaCarraud,  en  sep- 
tembre 1833,  à  l'heure  même  où  les  liens  se 
dénouent  :  «  Vous  avez  bien  raison,  chère  belle 
âme,  d'aimer  Mme  de  Bferny];  vous  êtes  la  seule 
dont  elle  ne  soit  pas  jalouse,  vous  avez  dans  la 
pensée  des  ressemblances  frappantes  :  même 
amour  du  bien,  même  libéralisme  éclairé,  même 
amour  du  progrès,  mêmes  vœux  pour  la  masse, 


150  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

même  élévation  d'âme,  de  pensées,  même  déli- 
ratesse  de  cœur1.  » 

N'ajoutons  rien.  Telle  fut  celle  qui  restera 
pour  l'histoire  comme  pour  Balzac  lui-même  : 
I'éducatrice. 


i.  Collection  Lovenjoul,  ms.  A  '293,  fol.  58.  Voir  aussi  Œuvres 
complètes,  t.  XXIV,  Correspondance,  p.  178,  où  cette  lettre 
est  incomplète  d'un  membre  de  phrase  et  inexactement  datée 
du  2  août,  alors  que,  dans  l'original,  elle  porte  la  date  du 
2  septembre. 


LETTRES 

D'HONORÉ  DE   BALZAC  A  MADAME  DE  BERNY 

(brouillons) 

1822 


NOTE    EXPLICATIVE 


Les  lettres  que  nous  publions  ici  pour  la  pre- 
mière fois  —  sauf  une  lettre  de  Madame  de 
Berny,  déjà  imprimée  dans  l'édition  originale 
de  notre  ouvrage  —  font  aujourd'hui  partie  de 
la  Collection  généreusement  léguée  à  l'Institut 
de  France  par  M.  le  vicomte  de  Spoelberch  de 
Lovenjoul.  Elles  y  sont  conservées,  les  lettres 
de  Balzac  sous  la  cote  Ms.  A  290,  celles  de 
Madame  de  Berny  sous  la  cote  Ms.  A  291 . 

Sur  la  chemise  renfermant  les  brouillons  de 
Balzac,  M.  de  Lovenjoul  avait  inscrit  la  note 
suivante  : 

HONORÉ  DE  BALZAC 

Important  dossier.  —  Contient  les  brouillons,  gardés 
précieusement  par  le  grand  écrivain,  de  sa  première 
correspondance  d'amour.  Il  s'agit  des  lettres  écrites  en 
1822  à  Mme  de  Berny,  et  qui  furent  le  point  de  départ 


154  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

d'une  liaison  qui  dura  de  1822  à  1836.  Balzac  avait  alors 
23  ans  et  elle  45. 

Ces  lettres  qui  sont,  sans  doute,  les  premières  mani- 
festations amoureuses  tombées  de  la  plume  de  Balzac, 
sont  remarquables  de  netteté  et  de  franchise.  En 
revanche,  elles  manquent  un  peu  de  grâce  et  de  charme. 
Ce  sont  bien  là  les  côtés  que  Balzac  reconnaissait 
devoir  à  Mme  de  Berny  qui,  plus  tard,  l'avait  absolument 
policé,  adouci  et  formé  aux  nuances  du  cœur. 

Par  malheur,  ces  brouillons  sont  presque  illisibles  et 
certains  mots  tout  à  fait  indéchiffrables.  C'est  d'autant 
plus  fâcheux  que  les  autographes  de  toute  la  corres- 
pondance de  Balzac  avec  sa  première  amie,  embrassant 
une  période  de  quatorze  ans  et  contenant  forcément  des 
détails  précieux  sur  les  débuts  si  peu  connus  de  sa  car- 
rière (1822-1830)  sont,  paraît-il,  brûlés.  Voir  à  ce  sujet 
la  lettre  d'Alexandre  de  Berny  à  Balzac,  datée  du 
27  juillet  1836  [Dans  mes  papiers.  S.  L.  15  septembre 
1894*]. 

Ces  brouillons  de  lettres  sont,  en  effet,  pour 
la  plupart,  selon  l'expression  de  Balzac  lui- 
même,  de  véritables  hiéroglyphes8.  Nous  avons 

1.  Voir  ci-dessus  p.  137. 

2.  Le  passage  suivant  de  Louis  Lambert,  relatif  aux  brouillons 
de  ses  lettres  d'amour,  trouve  ici  sa  place  : 

« Lorsque  le  hasard  me  mit  en  relation  avec  son  oncle,  le 

bonhomme  m'introduisit  dans  la  chambre  habitée  à  cette  époque 
par  Lambert.  Je  voulais  y  chercher  quelques  traces  de  ses 
œuvres,  s'il  en  avait  laissé.  Là,  parmi  des  papiers  dont  le 
désordre  était  respecté  par  ce  vieillard,  avec  cet  exquis  senti- 
ment des  douleurs  qui  distingue  les  vieilles  gens,  je  trouvai 
plusieurs  lettres  trop  illisibles  pour  avoir  été  remises  à  Made- 
moiselle de  Villenoix.  La  connaissance  que  je  possédais  de 
l'écriture  de  Lambert  me  permit,  à  l'aide  du  temps,  de  déchiffrer 
les  hiéroglyphes  de  cette  sténographie  créée  par  l'impatience 
et  par  la  frénésie  de  la  passion.  Emporté  par  ses  sentiments,  il 


NOTE  EXPLICATIVE.  ,r,:» 

pu,  néanmoins,  en  déchiffrer  la  plus  grande 
partie.  Seuls,  quelques  mots  ou  bribes  de  phrases 

ont  résisté  h  notre  lecture,  si  attentive  qu'elle 
ait  été;  nous  les  avons  remplacés  par  des  points, 
mais  en  ayant  soin  d'indiquer  en  note  que  ces 
points  étaient  substitués  aux  mots  qu'il  nous  a 
été  impossible  de  lire. 

D'autres  points  se  rencontrent, çà  et  là,  dans 


écrivait  sans  s'apercevoir  de  l'imperfection  des  lignes  trop  lentes 
à  formuler  sa  pensée.  Il  avait  dû  être  obligé  de  recopier  ses 
essais  informes  où  souvent  les  lignes  se  confondaient;  mais 
peut-être  aussi  craignait-il  de  ne  pas  donner  à  ses  idées  des 
formes  assez  décevantes,  et,  dans  le  commencement  s'y  pre- 
nait-il à  deux  fois  pour  ses  lettres  d'amour.  Quoi  qu'il  en  soit,  il 
a  fallu  toute  l'ardeur  de  mon  culte  pour  sa  mémoire,  et  l'espèce 
de  fanatisme  que  donne  une  entreprise  de  ce  genre  pour  deviner 
et  rétablir  le  sens  des  cinq  lettres  qui  suivent.  Ces  papiers, 
que  je  conserve  avec  une  sorte  de  piété,  sont  les  seuls  témoi- 
gnages matériels  de  son  ardente  passion.  Mademoiselle  de 
Villenoix  a  sans  doute  détruit  les  véritables  lettres  qui  lui  furent 
adressées,  fastes  éloquents  du  délire  qu'elle  causa.  La  première 
de  ces  lettres,  qui  était  évidemment  ce  qu'on  nomme  un  brouil- 
lon, attestait  par  sa  forme  et  par  son  ampleur,  ces  hésitations, 
ces  troubles  du  cœur,  ces  craintes  sans  nombre  éveillées  par 
l'envie  de  plaire,  ces  changements  d'expression  et  ces  incerti- 
tudes entre  toutes  les  pensées  qui  assaillent  un  jeune  homme 
écrivant  sa  première  lettre  d'amour  :  lettre  dont  on  se  souvient 
toujours,  dont  chaque  phrase  est  le  fruit  d'une  rêverie,  dont 
chaque  mot  excite  de  longues  contemplations,  où  le  sentiment 
le  plus  effréné  de  tous  comprend  la  nécessité  des  tournures  les 
plus  modestes  et,  comme  un  géant  qui  se  courbe  pour  entrer 
dans  une  chaumière,  se  fait  humble  et  petit  pour  ne  pas 
effrayer  une  âme  de  jeune  fille.  Jamais  antiquaire  n'a  manié 
des  palimpsestes  avec  plus  de  respect  que  je  n'en  eus  à  étu- 
dier, à  reconstruire  ces  monuments  mutilés  d'une  soufliance 
et  d'une  joie  si  sacrées  pour  ceux  qui  ont  connu  la  même 
souffrance  et  la  même  joie.  »  (Œuvres  complètes,  t.  XVII,  1870, 
p.  71.) 


156  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

le  texte  des  lettres,  ils  sont  du  fait  de  Balzac  et 
nous  les  avons,  naturellement,  maintenus. 

Quant  au  lieu  d'origine  et  aux  dates  assignées 
par  le  vicomte  de  Lovenjoul,  nous  les  avons 
placés  entre  crochets  en  tête  de  chacune  des 
lettres;  car,  bien  que  nul  de  ces  brouillons 
ne  soit  daté,  il  n'est  pas  douteux  qu'ils  ont  été 
écrits  au  cours  de  l'année  1822. 

Certains  faits  en  fournissent  la  preuve,  telle 
l'apparition  de  Jean-Louis  dont  il  est  question 
dans  la  lettre XVI,  tels  aussi  le  voyage  à  Bayeux 
et  la  correspondance  échangée,  à  cette  époque, 
entre  Balzac  et  sa  sœur,  Mme  Surville,  ou  bien 
encore  la  lettre  écrite,  le  5  août  1822,  par  Mme  de 
Balzac  mère  à  sa  fille  Laure. 

Le  fac-similé  que  nous  donnons  ci-contre 
mettra  le  lecteur  à  même  de  se  rendre  compte 
que  Balzac  n'exagérait  pas  en  qualifiant  ses 
brouillons  d'hiéroglyphes. 

Nous  avons  fidèlement  respecté  l'orthographe, 
parfois  un  peu  désuète,  de  Balzac  ;  mais  la  ponc- 
tuation étant  souvent  absente  dans  ces  pages 
écrites  hâtivement,  nous  avons  cru  devoir,  pour 
faciliter  la  lecture,  la  rétablir.  Une  raison  ana- 
logue nous  a  conduits  à  placer  entre  crochets 
certains  mots  qui  nous  ont  paru  éclaircir  le  texte. 


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FAC-SIMILE   DE   L'ÉCRITURE   DE    BALZ.' 


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LETTRES   DE   BALZAC 

(  brouillons) 


[Villeparisis,]  1822. 

Vous  êtes  malheureuse,  je  le  sais,  mais  vous  avez 
dans  l'âme  des  richesses  qui  vous  sont  inconnues, 
et  qui  peuvent  encore  vous  rattacher  à  l'existence. 

Quand  vous  m'êtes  apparue,  ce  fut  avec  cette 
grâce  qui  environne  tous  les  êtres  dont  l'infortune 
vient  du  cœur,  j'aime  d'avance  ceux  qui  souffrent. 
Ainsi,  pour  moi,  votre  mélancolie  fut  un  charme, 
vos  malheurs  un  attrait,  et,  du  moment  que  vous 
avez  déployé  les  agrémens  de  votre  esprit,  toutes 
mes  pensées  se  sont  involontairement  rattachées 
aux  doux  souvenirs  que  j'ai  conservés  de  vous. 

Depuis  le  tems  de  ma  séparation,  vous  écrirais-je, 
n'écrirais-je  pas,  telle  a  été  l'histoire  fidèle  de  mes 
idées,  l'ohjet  de  toutes  mes  méditations,  et,  si  je 
vous  dis  qu'il  y  a  longtems  que  je  ne  vous  vois 
plus  des  yeux,  vous  serez  surprise  qu'une  jeune 
âme,  ordinairement  remplie  de  sentimens  pré- 
somptueux, ait  pu  concevoir,  garder  et  nourrir  une 
passion,  sans  chercher  plutôt  à  l'embellir  des  trésors 
de  l'espérance.  Mais  tel  je  suis  et  tel  je  serai  tou- 
jours, timide  à  l'excès,  amoureux  jusqu'au  délire, 
et  chaste  au  point  de  n'oser  dire  :  j'aime.  Il  entre 
bien  dans  cette  chasteté,  dans  cette  pudeur  de  sen- 


160  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

timent,  toute  la  crainte  et  la  honte  que  me  causent 
les  refus.  Aussi,  n'en  ais-je  jamais  essuyé,  puisque 
je  ne  m'y  suis  jamais  exposé  et  c'est  aujourd'hui 
pour  la  première  fois  que  je  me  hazarde  à  dépeindre 
ce  que  je  ressens. 

Oui,  Madame,  je  l'ose,  mais  ce  n'est  pas  sans 
m'être  retiré  dans  le  dernier  espace  que  ma  raison 
s'est  conservé  pour  y  calculer  toutes  les  consé- 
quences de  cette  lettre. 

Ne  croyez  donc  pas  que  j'ignore  la  moindre  des 
pensées  que  vous  aurez  en  la  lisant,  si  toutes  fois 
vous  la  lisez.  D'abord,  vous  y  verrez  la  matière  d'une 
des  meilleures  railleries  qui  soit  au  monde,  ou  un 
amusement  tel  que  le  comporte  votre  genre  d'esprit. 
L'ironie,  les  plaisanteries  ne  manqueront  pas,  et 
elles  seront  d'autant  plus  sardoniques  et  piquantes 
que  l'auteur  de  l'épître  est  inconnu,  c'est-à-dire  que 
la  considération  qui  devrait  lui  valoir  votre  silence 
et  votre  protection  sera  la  raison  suprême,  et  l'abso- 
lution de  vos  mocqueries.  Restera  à  savoir  si  je  n'ai 
pas  pris  mes  précautions. 

Qu'ais-je  dit!  Ce  mot  peut-être  va  vous  inquiéter, 
et  vous  chercherez  à  l'expliquer  en  regardant  en 
arrière  sur  le  chemin  que  vous  avez  déjà  parcouru 
dans  la  vie.  Ah!  rassurez-vous,  Madame,  je  vous 
jure  que  ce  qui  dicte  cette  lettre  est  un  des  sentimens 
les  plus  purs  que  le  cœur  d'un  [être  de]  20  ans  ait 
jamais  enfanté,  un  sentiment  qui,  j'ai  l'orgueil  de  le 
croire,  vous  serait  agréable,  si  vous  voulez  en  con- 
naître l'étendue. 

Ainsi  sachez,  Madame,  que  cette  lettre  n'est 
point  un  jeu,  c'est  l'expression  franche  d'une  jeune 


I  I  TTRES  DE  BALZAC.  161 

âme,  qui  se  trouve  dans  la  même  position  que  vous. 

Elle  es!  gaie,  parfois  elle  s'abandonne  à  la  mélan- 
colie, et  c'est  dans  un  de  ces  momens  où  tout 
semble  peine  qu'elle  s'esl  adressée  à  vous  pour 
vous  faire  la  confidente  de  ses  pensées  dont  vous 
êtes  le  centre. 

Vous  êtes  triste,  et  souvent  dans  la  solitude,  cette 
lettre  vous  donnera,  je  pense,  un  instant  de  dis- 
traction et,  à  votre  place,  je  trouverais  je  ne  sais  quoi 
d'original  dans  cette  correspondance.  Et  n'est-ce 
pas  une  chose  hardie  que  de  chercher  à  ne  se  faire 
connaître  que  par  les  espèces  de  portraits  de  l'âme 
qu'offrent  les  lettres?  N'est-ce  pas  là  quelque  chose 
de  pur,  et  où  est  le  danger? 

Mais,  j'ai  tout  calculé,  vous  ai-je  dit,  et  si  j'ob- 
tiens la  laveur  d'une  réponse,  mon  esprit  ombra- 
geux m'a  déjà  suggéré  que  ce  serait  peut-être  un 
piège  pour  chercher  à  me  connaître  et  vous  mocquer 
de  moi,  enfin  imiter  les  feux  follets  qui  donnent 
au  voyageur  un  instant  d'espoir,  pour  le  plonger 
ensuite  dans  un  abîme. 

Mais  non,  je  n'ai  point  cela  à  craindre,  car  vous 
ne  me  répondrez  pas.  Il  y  a  mille  raisons  qui  vous 
retiendront  et  dont  vous  n'aurez  pas  le  courage  de 
secouer  le  joug. 

Quoi  qu'il  en  soit,  je  ne  me  lasserai  point  de 
continuer  à  penser  à  vous  avec  délices.  Songez, 
Madame,  que,  loin  de  vous,  il  existe  un  être  dont 
l'âme,  par  un  admirable  privilège,  franchit  les  dis- 
tances, suit  dans  les  airs  un  chemin  idéal,  et  court 
avec  ivresse  vous  entourer  sans  cesse,  qui  se  plaît 
à  assister  à  votre  vie,  à  vos  sentimens,  qui  tantôt 

n 


16*  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

vous  plaint,  et  tantôt  vous  souhaite,  mais  qui  vous 
aime  avec  cette  chaleur  de  sentiment  et  cette  fran- 
chise d'amour  qui  n'a  fleuri  que  dans  le  jeune  âge, 
un  être  pour  qui  vous  êtes  plus  qu'une  amie,  plus 
qu'une  sœur,  presqu'une  mère,  et  même  plus  que 
tout  cela,  une  espèce  de  divinité  visible  à  laquelle 
il  rapporte  toutes  ses  actions.  En  effet,  si  je  rêve 
grandeur  et  gloire,  c'est  pour  en  faire  un  marche- 
pied qui  me  conduise  à  vous,  et  si  je  commence  une 
chose  importante,  c'est  en  votre  nom.  Vous  m'êtes, 
sans  le  savoir,  une  véritable  protectrice.  Enfin, 
imaginez  tout  ce  qu'il  y  a  de  tendre,  d'affectueux, 
de  gracieux,  d'expansif  dans  le  cœur  humain,  et  je 
crois  l'avoir  dans  le  mien  lorsque  je  pense  à  vous! 
Vous  riez  peut-être  et  vous  dédaignerez  ce  silen- 
cieux hommage,  cette  adoration  pure  et  désinté- 
ressée, sans  seulement  essayer  à  répondre.  Alors, 
Madame,  je  me  contenterai  de  vivre  de  mon  sen- 
timent lui-même,  et  j'aurai  du  moins  pendant 
quelque  tems  une  chimère  à  caresser,  en  m'ima- 
ginant  qu'une  lettre  est  en  chemin,  et,  si  elle  ne 
vient  pas,  mon  chagrin  aura  une  cause;  jusqu'ici  je 
me  créais  moi-même  mes  biens  et  mes  maux;  main- 
tenant, vous  en  êtes  la  source.  Quoi  qu'il  arrive,  je 
vous  aimerai  toujours,  et  je  vous  le  dis  avec  cette 
simplicité,  cette  candeur  qui  n'appartient  qu'aux 
sentimens  [jeunes]  et  aux   sensations  premières  '. 


1.  Le  passage  qui  suit  a  été  supprimé  par  Balzac  : 
.  «  Il  y  a  une  chose  que  je  ne  puis  me  risquer  de  dire,  c'est 
qu'une  de  vos  phrases  m'a  révélé  tout  votre  caractère  et  que 
je  crois  savoir  ce  qu'il  faudrait  écrire  pour  vous  plaire  avec 
constance  » 


LETTRES  !)!•:  BALZAC.  163 

Si  vous  avez  espoir  en  un  état  inouï  dans  lequel 
on  ne  peut  rester  longtems,  être  aimé  serait  pins 
inouï  encore,  et1  ee  n'est  pas  l'effet  que  doit  pro- 
duire ce  premier  cri  d'un  malheureux. 

Je  n'en  attends  de  votre  part  ni  l'amour,  ni  l'éton- 
nement,  ni  la  moquerie,  ni  le  dédain,  encore  moins 
le  mépris.  Mais  j'ai  toujours  soupçonné  qu'il  y  avait 
dans  le  cœur  de  toutes  les  femmes  un  sentiment  qui 
se  trouve  sur  les  confins  de  la  tendresse  et  de 
l'amitié;  c'est  la  compassion,  la  pitié  généreuse  qui 
tend  la  main  aux  fous  comme  aux  malheureux. 

Adieu,  Madame,  adieu,  et  permettez  qu'au  lieu 
des  phrases  banales  par  lesquelles  l'on  termine,  je 
dépose  ici,  à  cette  place,  mon  âme  toute  entière, 
une  âme  sans  souillure,  irréprochable,  que  j'ose 
vous  offrir  comme  un  des  plus  purs  présens  que 
l'on  puisse  recevoir.  —  Adieu. 

Répondre  à  Mr.  ...  Manfredi*. 

II 


[Villeparisis,  23  mars  1822.] 


Madame, 


Quand  on  a  fait  un  thème  pour  sa  vie,  il  est  cruel 
de  le  reconnaître  impossible  à  suivre. 

1.  Phrase  rayée  :  «  je  ne  sais  si  le  passage...  ainsi  l'un  à  l'autre 
ne  me  ferait...  mais  être  consolé  dans  mes  peines,  dont...  ce  n'est 
pas  encore  aussi  .» 

2.  Nous  avons  remplacé  par  quelques  points  trois  mots  ratu- 
rés par  Balzac  et  qui  semblent  être  :  Delan,  Varvi,  André. 


164  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Quand,  égaré  par  V imagination,  on  l'a  construit 
brillant  et  plein  de  charme,  on  peut  se  trouver  dé- 
sespéré. 

Quand  il  est  impossible  d'en  suivre  un  autre,  la 
vie  n'est  plus  rien. 

Que  Ton  suppose  une  jeune  âme  naïve,  quoi- 
qu'elle se  soit  imprudemment  trempée  dans  le  vase 
des  sciences;  ignorante  néanmoins,  puisqu'elle  ne 
fait  que  d'entrer  dans  le  commerce  du  monde;  mais 
pleine  de  sentimens  généreux,  gaye  sans  méchan- 
ceté, aimante  à  l'excès,  partant,  un  peu  friande  de 
mélancolie  et  de  voluptés;  d'abord  exagérée  dans 
tout,  par  suite  de  la  pente  de  l'imagination;  puis, 
ayant  déversé  cette  exagération  dans  les  sentimens; 
présomptueuse,  folle,  inconsidérée,  ayant  enfin  tous 
les  vices  comme  toutes  les  vertus  de  son  âge. 

Cette  jeune  étourdie  a  regardé  un  instant  dans  le 
puits,  elle  crut  appercevoir  la  tête  de  la  déesse  qui 
s'y  cache;  peut-être,  n'a-t-elle  vu  que   la  sienne! 

Mais  enfin,  jeune,  elle  a  osé  juger  la  vie  comme 
le  vieillard  qui  regarde  en  arrière;  elle  a  pensé  que 
le  plaisir  en  était  l'essence  et  elle  a  cherché  le  plus 
grand  des  plaisirs  pour  en  faire  son  texte.  Elle  n'a 
fait  qu'obéir  à  la  nature  des  choses  et  à  son  pen- 
chant, tout  en  s'iinaginant  choisir.  Dirigeant  toutes 
ses  forces  vers  l'amour  et  ses  joies,  elle  s'en  est 
créée  son  unique  perspective,  elle  y  a  tout  subor- 
donné :  elle  s'est  couronnée  de  roses,  et,  dans  la 
fleur  du  printems,  pleine  de  sève  et  d'espérance, 
elle  s'est  élancée,  elle  a  cherché,  elle  a  trouvé... 
Mais  son  élan  fut  arrêté  par  cet  axiome  de  morale 
que  :  il  est  impossible  que  l'on  aime  ceux  qui  donnent 


LETTRES  DE  BALZAC.  165 

prise  soit  (m  ridicule  soit  aux  plaisanteries1.  Alors, 
déshéritée  de  ses  espérances,  en  regardant  l'issue 
de  celle  première  tentative  comme  celle  de  toutes 
les  autres,  elle  n'eut  pus  le  courage  d'en  appeler, 

et  de  surmonter  eetle  pensée... 

Qu'il  soit  permis  de  citer  notre* jeune  poète5?  Ce 
sera  une  grande  preuve  d'humilité  que  de  mettre 
ses  vers  à  côté  de  ceci: 


Au  milieu  d'un  parterre,  un  matin  vit  éclore 
Sur  un  lys  encor  frais  des  larmes  de  l'aurore, 

Un  des  fils  du  printems; 
Par  sos  jeunes  efforts,  par  ses  doux  mouvemens, 

Sa  prison  est  brisée 
Il  marche  sur  la  fleur,  se  nourrit  de  rosée, 

Regarde  le  jardin 
Et  par  un  vol  naïf,  chancelant,  enfantin, 

Interroge  ses  ailes 
Où  resplendit  l'éclat  des  couleurs  les  plus  belles. 

Il  voit  l'honneur  de  Flore,  et,  de  ses  pas  légers 
Lui  destine  l'hommage,  en  rêvant  de  baisers 

Une  abondante  fête  : 
La  rose,  en  détournant  sa  gracieuse  tête, 

1.  Le  5  août  1822,  Mme  Balzac  mère  écrivait  à  sa  fille, 
Mme  L.  Surville,  à  propos  d'Honoré  :  «  Made  de  Berny  fort 
portée  pour  lui,  parce  qu'elle  aurait  un  fils  du  même  âge,  me 
disait  l'autre  jour  que  chez  elle  Honoré  allait  jusqu'au  ridicule, 
qu'il  n'était  pas  aimé,  qu'il  avait  été  jusqu'à  trouver  le  moyen 
de  choquer  et  d'humilier  l'amour-propre  de  Mr  Mich[elin],  son 
gendre,  qu'elle  me  citait  cela  pour  me  donner  la  mesure,  parce 
que  c'était  de  tous  ceux  qui  venaient  chez  elle  le  moins  sus- 
ceptible, jugez  de  tous  les  autres;  je  lui  suis  attaché,  me 
disait-elle,  je  donnerais  beaucoup  pour  qu'il  prît  plus  garde  à 
ses  paroles,  à  son  air,  à  son  ton....  »  (Collection  Lovenjoal, 
ms.  A.  381,  fol.  1l6v°). 

2.  Dans  un  brouillon  de  cette  lettre,  on  lit  ceci  :  «  A[ndré] 
Chénier.  •  Les  vers  qui  suivent  ne  sont,  bien  entendu,  pas  de 
lui,  mais  de  Balzac  en  personne.  [S.  L.] 


106  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Insulte  au  papillon! 
Il  insiste.  Bientôt,  percé  par  l'aiguillon 

D'une  perfide  abeille 
Il  tombe,  et  meurt  au  sein  de  la  rose  vermeille, 

En  caressant  toujours 
Cette  fleur,  son  tombeau,  cette  fleur,  ses  amours! 

Voilà  bien  des 'dernières  lettres,  celle-ci  sera  la 
seule.  Mes  yeux,  je  vous  le  jure,  ne  vous  importu- 
neront plus,  mes  paroles  ne  pourront  plus  impru- 
demment vous  offenser  ou  vous  chagriner.  Adieu. 
J'ai  pris  mon  parti.  Quel  qu'il  soit,  soyez  en 
joyeuse1! 

Suscription:  Madame, 

Madame  de  Berny. 

Cette  suscription  a  été  raturée  par  Balzac  lui-même, 
mais  se  lit  sous  ses  ratures. 

1.  Voici  deux  autres  brouillons  de  cette  lettre.  Les  lignes 
suivantes  sont  écrites  au  verso  de  ce  brouillon  et  sur  le  feuillet 
suivant  : 

Premier  brouillon. 

Quand  on  a  fait  un  thème  pour  sa  vie,  il  est  cruel  de  le 
reconnaître  impossible  à  suivre. 

Quand,  égaré  par  l'imagination,  on  l'a  construit  brillant  et 
plein  de  charme,  on  peut  se  trouver  désespéré,  quand  il  est 
impossible  d'en  suivre  un  autre,  la  vie  n'est  plus  rien...  on  doit 
la  quitter,  car  l'on  ne  vit  que  pour  vivre. 

Que  l'on  suppose,  par  exemple,  une  jeune  âme,  naïve  quoi- 
qu'elle se  soit  imprudemment  trempée  dans  le  vase  des  sciences, 
ignorante  néanmoins,  parce  qu'elle  ne  fait  que  d'entrer  dans  le 
commerce  de  la  vie;  mais  pleine  de  sentimens  généreux,  gave 
sans  méchanceté,  aimante  à  l'excès,  partant  un  peu  friande  de 
mélancolie,  d'abord  exagérée,  par  suite  de  la  pente  de  l'imagi- 
nation, puis  ayant  reporté  cette  exagération  dans  les  sentimens 
quelle  enfante,  cette  jeune  étourdie  a  regardé  un  instant  dans 
le  puits;  elle  a  cru  appercevoir  la  tête  de  la  déesse  qui  s'y 
cache,  peut-être  n'a-t-il  (sic)  vu  que  la  sienne. 

Mais  enfin  il  a,  jeune  encore,  osé  juger  la  vie;  il  a  pensé  que 


LETTRES  DE  BALZAC.  107 

le  plaisir  y  étnit  tout;  il  8  choisi  parmi  les  plaisirs  le  seul  que 

son  organisation  lui  indiquait. 
Elle  a  dirigé  tout  es  ses  forces  vers  l'amour;  elle  <ti  a  l'ait 

tout  son  èlre,  toute  sa  vie  ;  elle  ;•  subordonné  tout  à  cette  unique 
passion. 

Dans  la  fleur  de  l'âge,  pleine  de  vigueur,  elle  essaye  ses  ailes 
comme  le  fils  du  printems,  sans  frayeur.  Alors  il  secoue  ses 
ailes,  essaye  de  voler,  se  dirige  sur  la  première  rose  qui  lui 
plait.  La  rose  détourne  la  tète;  elle  contient  une  abeille  qui  le 
pique,  il  tombe  et  meurt  au  pied  de  la  rose,  en  la  regardant 
toujours. 

Il  voit  l'honneur  de  Flore,  et,  de  ses  pas  légers 
Il  apporte  l'hommage,  en  rêvant  de  baisers 

Une  abondante  fête. 
La  rose,  en  détournant  sa  gracieuse  tète, 

Insulte  au  papillon. 
Il  insiste,  et  bientôt,  percé  par  l'aiguillon 

D'une  perfide  abeille 
Il  tombe  et  meurt  au  pied  de  la  rose  vermeille 

En  regardant  toujours 
Ce  rosier,  son  tombeau,  ce  rosier,  ses  amours1. 

Il  serait  par  trop  extraordinaire  que  l'on  aimât  celui  dont  on 
plaisante.  Aussi,  n'attend-il  plus  rien  de  celle  qu'il  chérira 
toujours. 

Je  vous  prie  de  faire  l'honneur  à  celui  qui  vous  écrit  de  le 
lire  jusqu'au  bout,  avec  le  plus  d'intérêt  que  vous  pourrez 
accorder  à  ce  dernier  feuillet  du  livre,  et  cette  sotte  confiance 
pourrait  peut-être  recevoir  son  salaire,  s'il  ne  se  joignait  à  la 
mocquerie  quelque  chose  de  plus  injuste. 

Je  crois  qu'il  serait  par  trop  extraordinaire  que  l'on  aimât 
celui  dont  on  plaisante. 

Voilà  bien  des  dernières  lettres,  je  pense  que  celle-ci  se 
trouve  la  troisième,  mais  malheureusement  son  titre  est  réel. 

Il  serait  par  trop  extraordinaire  que  l'on  aimât  celui  dont  on 
plaisante;  il  est  encore  plus  extraordinaire  que  le  plaisanté 
chérisse  la  plaisantante. 

extrait  de  la  correspondance] 

S'il  est  un  axiome  de  morale,  c'est  que  l'on  n'aime  jamais 
ceux  qui  donnent  prise  soit  à  la  plaisanterie  soit  au  ridicule 

1.  En  tête  de  ce  brouillon,  on  lit  :  «  Ch.  f  —  Le  pot  cassé  —  J'ai  parlé 
de  Balarouth  et  je  dois  expliquer  ce  qu'est  ce  personnage.  » 


168  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

qui,  chez  nous  est  la  conséquence  de  la1....  Ce  qui  parait 
extraordinaire,  c'est  que  pénétré  de  cette  maxime,  l'on  continue 
d'aimer  lorsqu'on  est  l'objet  plaisanté. 

Néanmoins  cette  bizarrerie  doit  être  la  marque  d'une  véritable 
passion.  Lorsqu'une  àme,  entourée  d'une  foule  de  tissus  qui 
redoublent  sa  chaleur  et  la  rendent  impénétrable,  se  sent  mal 
jugée  sur  quelques  unes  de  ces  enveloppes  et  par  cela  même 
mal  jugée,  elle  se  réfugie  dans  elle-même  et  plus  sévère  que 
le  reste  elle  se  juge2. 

Selon  les  divers  arrêts  que  chacun  porte  sur  soi,  voici  ce  qui 
peut  arriver.  Alors  il  est  des  hommes  qui  se  vengeront  avec 
toute  la  force  des  sentimens  que  l'on  nomme  vengeance;  ils 
haïront,  s'ils  le  peuvent,  et,  comme  ce  payen  mécontent  de  son 
idole,  ils  la  briseront  avec  une  sourde  rage,  et  c'est  ici  le  cas 
d'observer  que  la  nature  n'a  refusé  à  aucun  être  les  moyens 
de  se  venger  cruellement. 

D'autres  useront  d'une  vengeance  plus  magnanime  ;  ils  ras- 
sembleront toute  leur  énergie,  aiguiseront  leurs  volontés,  cher- 
cheront ce  à  quoi  la  nature  les  a  destinés,  ils  s'élèveront,  bril- 
leront, et  mettront  leur  joie   à  se  dire  alors  ?  on  me  regrette. 

Mais  les  caractères  sont  variés  à  l'infini.  Celui  dont  il  est 
question  n'embrassera  pas  le  sentiment  de  la  première  ven- 
geance, parce  qu'il  annoncerait  que  ce  n'est  pas  à  tort  que  l'on 
a  été  dédaigné,  et  que  du  reste  ce  serait  puéril  et  peu  digne. 

Elles  [ces  âmes]  n'embrasseront  pas  le  second,  parce  que  ce 
serait  donner  à  des  grandes  choses  une  trop  petite  cause,  et 
s'il  en  a  la  force,  ce  dont  je  doute,  il  tachera  de  les  accomplir 
dans  un  but  moins  frivole. 

Mais  que  feront-elles,  [ces  âmes?]  Ici  s'ouvre  un  autre  ordre. 
Ces  âmes  ne  prendront  point  le  parti  trop  extrême  de...  elles 
se  regarderont  d'un  air  inquisiteur  [et  songeant  que  si  elles 
n'ont  pu]3. 

En  examinant  sa  singulière  organisation,  voilà  ce  qui  doit 
arriver. 

Une  âme  qui  n'a  jamais  connu  que  les  extrêmes  agit  toujours 
avec  ce  sens,  par  conséquent,  se  voyant  dédaignée,  elle  croira 

1.  Ces  huit  mots  :  qui  jusqu'à  de  la  ont  été  rayés  par  Balzac. 

2.  La  phrase  suivante,  entre  le  mot  et  et  le  mot  plus,  a  été  rayée  sur  le 
brouillon  :  «  -Juge  mal  à  son  tour  l'humanité  et  attend  en  silence  l'occa- 
sion de  réformer  cette  pensée  de  dépit  et  l'occasion  de  se  venger  de... 
réformer  son  propre  jugement  et  les  moyens  de  se  venger...  Mais  la 
vengeance,  quoique  rangée  parmi  les  sentimens  énergiques,  déplaît  à 
certaines  âmes  nourries  de  douces  pensées  quoique  l'on  en  pense  d'après 
certaines  phrases.  » 

3.  La  phrase  :  Mais  que  feront  elles  jusqu'à  n'ont  pu  est  raturée  sur  le 
brouillon. 


LETTRES  DE  BALZAC.  I6fl 

l'être  jugement  et  n'accusera  jamais  personne,  si  elle  •■•  mis 

i  ont  son  espoir  '. 

Deuxième  brouillon. 

Quand  <»n  a  fail  un  thème  pour  sm  vie,  il  est  cruel  de  le 
reconnaître  impossible  à  suivre. 

Quand  égaré  par  l'imagination,  on  l'a  construit  brillant  et 
plein  de  charme,  on  peut  se  trouver  désespéré. 

Quand  il  est  impossible  d'en  suivre  un  autre,  la  vie  n'est  plus 
rien.  Alors  quelques-uns  la  quittent  en  réfléchissant  à  ce  qu'est 
la  vie. 

Que  l'on  suppose,  une  jeune  àme  :  naïve,  quoiqu'elle  se  soit 
imprudemment  trempée  dans  le  vase  des  sciences;  ignorante 
néanmmoins, car  elle  ne  fait  que  d'entrer  dans  le  commerce  du 
monde;  mais  pleine  de  sentimens  généreux,  gave  sans  méchan- 
ceté, aimante  à  l'excès;  partant  un  peu  friande  de  mélancolie 
et  de  voluptés;  d'abord  exagérée  dans  tout,  par  suite  de  la 
pente  de  l'imagination;  puis,  ayant  reporté  cette  exagération 
dans  les  sentimens  qu'elle  enfante;  présomptueuse,  folle,  incon- 
sidérée, ayant  enfin  tous  les  vices  et,  comme  tous,  les  vertus 
de  son  âge! 

Cette  jeune  étourdie  a  regardé  un  instant  dans  le  puits;  elle 
crut  appercevoir  la  tête  de  la  déesse  qui  s'y  cache;  peut-être 
n'a-t-elle  vu  que  la  sienne! 

Mais  enfin,  jeune,  elle  a  osé  juger  la  vie  comme  un  vieillard 
qui  regarde  en  arrière.  Elle  a  pensé  que  le  plaisir  en  était 
l'essence,  et  elle  a  cherché,  choisi  le  plus  grand  des  plaisirs, 
elle  en  a  fait  son  texte....  Elle  n'a  fait  qu'obéir  à  la  nature  et  à 
son  penchant  tout  en  s'imaginant  choisir.  Dirigeant  toutes  ses 
forces  vers  Famour  et  ses  joies,  elle  en  a  fait  tout  son  être,  a 
tout  subordonné  à  cette  unique  passion,  elle  s'est  couronnée 
de  roses  et,  dans  la  fleur  du  printems,  pleine  de  sève  et  d'espé- 
rance, elle  s'est  élancée.  Elle  a  cherché,  elle  a  trouvé.  Mais  son 
élan  fut  arrêté  par  cet  axiome  :  qu'il  est  impossible  que  Von  aime 
celui  dont  on  peut  plaisanter. 

Déshéritée  de  ses  espérances  en  regardant  l'issue  de  cette- 
tentative  comme  celle  de  toutes  les  autres,  elle  n'eut  pas  le 
courage  d'en  appeler,  et  de  surmonter  cette  pensée. 

Qu'il  soit  permis  de  rappeler  A.  Chénier.  Ce  sera  une  preuve 
d'humilité  que  de  l'accoler  à  de  la  vile  prose.  Voici  ses  vers*  : 


1.  Ces  sept  derniers  mots  «  Si  elle  a  mis  tout  son  espoir  »  ont  été  biffés. 

2.  Les  vers  qui  suivent  ne  sont  point  d'André  Chénier,  mais  bien  de 
Balzac  lui-même.  Impossible  de  se  rendre  compte  aujourd'hui  s'il  voulut 
d'abord  réellement  citer  des  vers   de  l'auteur  de  la  Jeune  Captive,  ou 


1T0  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 


Au  milieu  d'un  parterre  un  matin  vit  éclore 
Sur  un  lys  eneor  frais  des  larmes  de  l'aurore 

Un  des  fils  du  printems; 
Par  ses  jeunes  efforts,  par  ses  doux  mouveraens, 

Sa  prison  est  brisée  : 
Il  marche  sur  la  fleur,  se  nourrit1  de  rosée, 

Regarde  le  jardin, 
Et  d'un  vol  chancelant,  naïf,  enfantin, 

Interroge  ses  ailes 
Où  resplendit  l'éclat  des  couleurs  les  plus  belles; 

Il  voit  l'honneur  de  Flore,  el  de  ses  pas  légers 
Lui  destine  l'hommage,  en  rêvant  de  baisers 

Une  abondante  fête. 
La  rose,  en  détournant  sa  gracieuse  tête, 

Insulte  au  papillon; 
Il  insiste.  Bientôt,  percé  par  l'aiguillon 

D'une  perfide  abeille, 
Il  tombe  et  meurt  au  pied  de  la  rose  vermeille, 

En  regardant  toujours 
Ce  rosier  son  tombeau,  ce  rosier  ses  amours. 


III 


[Villeparisis,  ...  1822i] 

Voici  un  passage  de  Théophraste  que  La  Bruyère 

ne  put  pas  traduire,  parce  qu'il  n'a  paru  que  dans 

l'édition  faite  sur  le  dernier  manuscrit  trouvé  dans  le 

, Vatican;  la  lacune  que  laisse  ce  fragment  se  voit  à 

la  page  17  de  l'édition  de  Didot1. 

essayer  d'attribuer    à    ses    propres    strophes  une    paternité    supposée.' 
comme  il  l'a  faij  à  cette  époque  pour  tous  ses  romans  de  jeunesse. 

[S.  L.  8  sept.  189A.1 

1.  Balzac  avait  d'abord  écrit  :  il  en  boit  la  rosée. 

2.  Inutile,  sans  doute,  de  faire  remarquer  que  tout  ceci  n'est 
qu'un  petit  roman  inventé  par  Balzac  pour  essayer  de  changer 


LETTRES  DE  BALZAC.  171 

«  S'il  es!  en  morale  un  précepte  que  l'on  puisse 
regarder  comme  un  axiome,  c'est  que  l'on  n'aime 

jamais  ceux  qui  donnent  prise  soit  à  la  plaisanterie, 
soil  au  ridicule. 

«  Ce  qui  paraît  extraordinaire,  c'est  que  des  gens 
pénétrés  de  celie  maxime  continuent  d'aimer,  bien 
qu'ils  soient  l'objet  plaisanté! 

«  Néanmoins  cette  bizarrerie  est  dans  le  cœur 
humain,  et,  de  plus,  elle  est  la  marque  d'une  passion 
véritable;  et  cette  sotte  constance  peut  quelquefois 
recevoir  un  salaire,  à  moins  qu'il  ne  se  joigne  à  la 
mocqucrie  un  sentiment  plus  injuste. 

«  Il  est  des  âmes  entourées  d'une  foule  de  tissus 
qui  redoublent  leur  chaleur  et  les  rendent  impé- 
nétrables. Il  arrive  qu'on  les  juge  sur  quelques-unes 
de  ces  enveloppes,  et  alors  on  les  juge  mal. 

«  On  les  rebute  en  amour.  Elles  se  réfugient  en 
elles-mêmes,  et1....  » 


IV 


J'entreprends  une  tâche  difficile.  Vous  le  voulez, 
il  le  faut*. 

à  son  égard  les  sentiments  de  sa  moqueuse  amie.  Il  est  bien 
dans  la  note  de  ses  travaux  de  jeunesse  toujours  attribués  à 
des  personnages  morts  ou  inconnus.    [S.  L.] 

1.  Ce  prétendu  passage  de  Théophraste  est  écrit  au  verso  de 
la  lettre  qui  commence  par  ces  mots  :  «  Si  vous  êtes  fidèle  au 
seul  entraînement....  » 

2.  Voici  le  premier  brouillon  de  cette  lettre  : 

«  J'entreprends  une  tâche  difficile?  vous  le  voulez?  il  le  faut, 
mais  n'est-ce  pas  une  cruelle   plaisanterie  que  vous  me  faites 


172  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

N'est-ce  pas  une  cruelle  plaisanterie  que  vous 
me  faites?  et  votre  lettre  n'est-elle  pas  déjà  le  fruit 
amer  d'un  grand  défaut?  Quel  plaisir  une  âme 
généreuse  peut-elle  prendre  à  badiner  un  malheu- 
reux qui  vous  demanderait  de  la  pitié,  afin  d'exciter 
un  sentiment  quelconque,  si  celui-là  avait  quelque 
chose  de  consolant.  Cette  malignité  féminine  n'est- 
elle  pas  un  grand  vice  chez  vous  que  je  ne  croyais 
pas  femme  comme  une  autre?... 

Vrous  êtes  fîère,  très  fière.  Ne  prétendez-vous  pas 
que,  recevant  ce  que  vous  ne  pouvez  pas  donner, 
ce  rabaissement  vous  empêche  de  me  céder? 

Cette  hauteur  de  sentiment  m'a  plus  charmé  que 
tout  le  reste  de  vos  défauts  et  c'est  un  nouveau 
chaînon  que  vous  avez  méchamment  forgé. 

Mais  quel  droit  ais-je  de  vous  déplaire?  Suis-je 
quelque  chose  pour  vous?  Et  du  reste,  que  me 
fait  à  moi  que  vous  soyez  attrayante  dans  le  monde 
par  l'esprit  brillant  et  tant  soit  peu  caustique  que 
vous  y  déployez? 

Si  vous  étiez  parfaite,  vous  aimerais-je?  La  per- 

et  votre  lettre  n'est-elle  pas  déjà  le  fruit  d'un  grand  défaut. 
Quel  plaisir  une  âme  généreuse  peut-elle  prendre  à  badiner  un 
malheureux  qui  demanderait  de  la  pitié,  si  ce  sentiment  avait 
quelque  chose  de  consolant  pour  le  moy  aigri.  Cette  malignité 
féminine  n'est-elle  pas  un  grand  vice  chez  vous  que  je  ne 
croyais  pas  femme  comme  une  autre.  Ainsi  vos  défauts  sont 
d'être  trop  femme,  trop  séduisante1.  Vous  avez  trop  de  fierté, 
beaucoup  trop,  ne  prétendez-vous  pas....  ■ 

Ce  brouillon  est  écrit  au  recto  d'un  feuillet  contenant,  au 
verso,  un  fragment  de  Clotildc  de  Lusignan  (7  lignes)  qui  com- 
mence par:  «  Mes  amis,  croyez-vous  que  le  diable  doive  perdre  • 
et  finit  par  :  «  S'il  vous  faut  un  chef  je  vous  en  servirai  et  je 
promets  que  ». 

1.  Ces  neuf  derniers  mots  ont  été  raturés  par  Balzac 


LETTRES  DE  BALZAC.  17:. 


fection  est  une  divinité  que  l'on  adore.  Kll<k  n'a  que 
des  autels,  et  l'on  se  contente  de  les  encenser. 


V 


Plus  je  vais  et  pius  je  vois  que  vous  ne  m'aimez 
pas,  que  vous  ne  m'aimerez  jamais,  malgré  ma 
constance  et  malgré  les  formes  sous  lesquelles  je 
me  présente  à  vous  et  c'est  vraiment  folie  que  de 
persévérer.  Toutes  fois,  je  persévère1. 

0  comme  je  me  reproche  d'avoir  été  chez  vous 
hier,  mais,  dans  le  dessein  que  j'avais  formé  de  ne 
plus  vous  revoir  il  n'entrait  pas  de  vous  persuader 
que  je  ne  vous  aimais  plus,  et  vous  l'eussiez  pensé 
si  j'avais  mis  de  la  mauvaise  grâce  à  vous  obéir. 

J'ai  préféré  payer  les  frais  de  la  guerre  que  de 
faire  croire  à  l'ennemi  que  je  n'avais  pas  le  courage 
d'entrer  en  campagne.  Il  faut  avouer  cependant  que 
je  suis  mille  fois  plus  gauche  que  le  marquis  du 
Legs,  et  que  tout  autre  à  ma  place,  en  vous  voyant 
hier  vous  aurait  sauté  au  col. 

Mais  toute  autre  que  vous  se  serait  peut-être 
autrement  conduite,  et  je  ne  puis  m'excuser  qu'en 
vous  disant,  et  d'après  ce  que  j'ai  pu  appercevoir 
de  mon  caractère  :  la  seule  appréhension  d'un  refus 
suffît  pour  contrebalancer  toute  la  fougue  des  plus 
violentes  passions. 

Cependant,  voulez-vous  que  je  vous  prouve  d'une 

1.  En  tète  de  ce  brouillon,  trois  lignes  raturées. 


174  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

manière  évidente  que  vous  ne  m'aimez  pas?  et  je 
ne  peux  pas  m'en  plaindre  car  votre  tenue  dérive 
précisément  de  ce  qui  est  en  question,  savoir  que 
vous  ne  m'aimez  pas,  et  il  est  philosophiquement 
impossible  qu'une  femme  qui  n'aime  pas  se  con- 
duise comme  une  femme  qui  aime.  —  Or,  vous 
dites  que  je  ne  vous  trouverais  jamais  qu'entourée 
de  vos  enfans. 

Vous  calculez  si  mon  attachement  pourra  durer 
un  an  ou  plus. 

Vous  croyez  qu'il  est  facile  de  savoir  mon  secret 
et  que  vos  lettres  peuvent  être  lues  par  tout  le 
monde. 

Vous  parlez  des  choses  les  plus  charmantes  avec 
une  négligence  et  vous  y  attachez  aussi  peu  d'im- 
portance que  s'il  s'agissait  du  sultan  Saladin.  Et 
vous  ne  voyez  pas  que  ce  peu  d'importance  serait 
une  raison  pour  ne  pas  faire  le  malheur  d'un  ami 
pour  si  peu  de  chose.  Si  peu  de  chose  vaut  bien 
une  amitié  constante. 

Sont-ce  là  des  griefs,  car  je  ne  veux  vous  rap- 
peler que  ceux-là,  dont  un  seul  suffirait  pour  m'é- 
clairer,  si  je  n'étais  pas  sous  le  charme. 

Grand  Dieu,  si  j'étais  femme,  que  j'eusse  qua- 
rante-cinq ans,  et  que  je  fusse  encore  jolie,  ah, 
comme  je  me  serais  conduite  autrement  que  vous. 

J'aurais  d'abord  tâché  de  deviner  quel  caractère 
avait  l'homme  qui  m'adorait  (songez  qu'il  ne  s'agit 
que  de  moi  femme)  et,  selon  ce  caractère,  j'aurais 
ou  pris  en  plaisantant  tout  ce  qu'il  m'aurait  dit,  et 
s'il  avait  persévéré,  j'aurais  entouré  ma  défaite  de 
tout  le  charme  dune  bonhomie  sans  prétention,  ou 


LETTRES  DE  BALZAC.  175 

plutôt,  je  l'aurais,  je  crois,  sincèrement  aimé,  quand 
ce  n'aurait  été  que  par  reconnaissance,  et  ne  cal- 
culant rien,  parce  que  jamais  l'amour  n'a  connu 
Barème;  je  me  serais  livrée  à  ce  sentiment,  en 
lâchant  d'y  retrouver,  quant  a  moi,  les  délices  du 
premier  âge,  ses  innocentes  illusions,  ses  naïvetés 
et  tous  ses  charmans  privilèges. 

Je  vous  ai  dit  que  j'avais  fait  un  thème  pour  ma 
vie  que  ma  jeune  imagination  a  été  étourdie.  Voyant 
dans  le  puits,  elle  a  cru  y  voir  la  tête  de  la  déesse 
qui  s'y  cache;  peut  être  n'a-t-elle  vu  que  la  sienne 
propre. 

Enfin,  elle  a  cru  que  le  plaisir  était  le  seul  texte 
à  suivre,  le  seul  chanvre  dont  on  doit  faire  sa  toile. 

Elle  a  dirigé  toutes  ses  forces  de  ce  côté,  elle 
y  a  mis  son  bonheur,  et,  à  la  première  tentative, 
elle  échoue,  et  elle  échoue  devant  une  charmante 
personne  qui  pense  comme  elle! 

Quel  triste  gage  pour  l'avenir,  que  d'espérances 
renversées,  surtout  quand  j'ai  la  présomption  de 
croire  qu'auprès  de  la  plus  jolie  et  de  la  plus  fière 
des  femmes  j'en  aurais  assez  fait  pour  être  mille 
fois  plus  heureux. 

Quel  problème  pour  moi  qu'une  femme  qui  re- 
trouve, dans  le  commencement  de  son  automne,  des 
jours  aussi  beaux  que  ceux  de  l'été,  qu'une  femme' 
desprit  qui  juge  le  monde  tel  qu'il  est,  se  refuse  à 
cueillir  la  pomme  qui  perdit  nos  premiers  parens. 

Mais  peut-être  je  m'abuse;  il  se  peut  que  j'aye 
plus  de  torts  que  vous  ;  ayez  moins  de  torts  que  je 

1.  Membre  de  phrase  biffé  :  «  Convaincue  que  le  plaisir  et  les 
amours  sont  les  seules....  » 


170  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

ne  vous  en  donne,  et  que  j'en  aie  plus  de  mon  côté. 
Je  conviens  que  la  dernière  chose  à  laquelle  je 
ressemble,  c'est  à  un  amoureux,  je  n'en  ai  ni  le  ton, 
ni  les  manières,  je  n'ai  ni  grâces,  ni  hardiesse, 
rien  d'agressif,  en  un  mot  je  suis  comme  ces  jeunes 
filles  qui  paraissentgauches,  sottes,  timides,  douces, 
et  qui  cachent  sous  ce  voile  un  feu  qui,  une  fois 
qu'il  aura  franchi  les  cendres  qui  le  couvrent,  dé- 
vorera le  foyer  et  la  maison,  et  tout! 

Au  surplus,  jamais  je  ne  peindrais  mieux  mon 
caractère  qu'il  n'a  été  dépeint  par  un  grand  homme. 
Relisez  les  Confessions  et  vous  l'y  trouvez  tout  au 
long.  Je  ne  vous  dis  pas  cela  par  amour  propre, 
mais  parce  que  cela  est  la  vérité  pure,  et  que  je  ne 
suis  pas  le  seul  placé  dans  la  catégorie  de  ce  carac- 
tère-là. 

Vous  ferez  ce  que  vous  voudrez,  tout  ce  que  vous 
ferez  sera  bien.  Mais  de  grâce,  ne  m'en  voulez  pas 
de  mes  gaucheries,  car  si  je  voulais  vous  détailler 
ce  que  j'aurais  dû  faire,  vous  verriez  que  je  n'ignore 
pas  mes  torts. 


VI 


[Villeparisis,  ...  1822.] 

Il  faut  avouer  que  le  hasard,  que  l'on  est  convenu 
d'appeler  Dieu,  fut  bien  bizarre  quand,  en  me  refu- 
sant le  don  de  la  parole,  il  m'accorda,  par  surcroît, 
une  triple  dose  de  timidité. 


i.i;i  1  lus  DE  BALZAC.  n: 

Ne  serait-ce  pas  plutôt  un  bienfait  que  d'avoir 
posé  tant  de  barrières  autour  d'une  passion  fou- 
gueuse et  qui  règne  en  souveraine,  car  toutes  les 
autres  semblent  lui  l'aire  leur  cour? 

Sans  tout  cela  je  vous  aurais  dit  de  vive  voix  (pie, 
jeune  et  partant  présomptueux,  et  vous  ayant 
observé  qu'un  mot  de  vous  serait  pour  moi  la  plus 
grande  faveur,  j'avais  déjà  regardé  votre  lettre 
comme  un  de  mes  fétiches  et  son  contenu  comme 
un  gage  inespéré  qui  m'entraînait  à  vous  aller 
achever  les  réticences  que  vous  m'avez  reprochées, 
car  j'avoue  à  ma  honte  que  l'amour  propre  m'inter- 
prète ce  passage  de  votre  lettre. 

Vous  me  ferez  plaisir  de  venir  me  voir.  J'ai 
congé.  Je  pourrai  caus[er]  plus  à  l'aise.  Vous  me 
comprendrez. 

Ma  timidité  et  quelque  chose  de  plus  que  la 
mélancolie  m'ont  ressaisi,  lorsque  je  vous  vis 
entourée  de  vos  enfans,  alors  je  vous  ai  comprise, 
j'abdiquai  l'espérance,  la  parole  expira  sur  mes 
lèvres  et  mes  sentimens  se  réfugièrent  dans  le  plus 
profond  de  mon  cœur  en  voyant  que  cette  invita- 
tion ressemblait  aux  feux  follets  qui  égarent  le 
voyageur1. 

1.  Celte  phrase,  rayée  par  Balzac  dans  ce  brouillon  de  lettre, 
a  été  utilisée  en  partie  dans  une  autre.  Voir  p.  179  :  «  Il  doit  donc 
s'arrêter,  mais  avant  de  faire  un  pas  en  arrière,  qu'il  lui  soit 
permis  de  se  faire  comprendre  à  son  tour. 

<•  Entre  deux  personnes  qui  coïncident  dans  leurs  idées  philo- 
sophiques et  qui  s'élèvent  à  une  certaine  hauteur,  je  pense  que 
le  langage  vulgaire  doit  être  banni,  et  sans  parler  de  martyre, 
de  chaînes,  de  feux,  d'ardeurs,  de  flammes,  etc.  >• 

Autre  brouillon  :  «  ...  Entre  deux  personnes  qui  ont  quelque 
coïncidence  dans  les  idées  philosophiques  et  qui  s'élèvent  à 

12 


178  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Il  doit  donc  s'arrêter  mais  avant  de  faire  un  pas 
en  arrière  et  de  quitter  cette  main  pleine  de  fleurs 
qu'il  crut  pr  lui,  qu'il  lui  soit  permis  de  dire  à  son 
compagnon  d'un  instant  : 

Adieu!  ...  Je  t'aimais!...  Mais  ne  me  retournai- 
je  pas  souvent? 

Adieu!...  le  peu  de  route  que  nous  avons  fait 
ensemble  a  fait  naître  en  moi  plus  que  de  l'amour. 
Un  moment  j'ai  cru...  ! 

Si  tu  as  donc  compris  mes  regards,  à  ta  ren- 
contre pourquoi  m'avoir  laissé  thésauriser  d'im- 
menses désirs  inapaisés.  Si  tu  ne  les  vis  pas, 
sache... 

Adieu,  je  t'aimais  et  vais  [continuer]  dans 
la  vie  mais  combien  de  fois  me  retournerais-je 
jusqu'à  ce  que  je  ne  puisse  que  te  perdre  de  vue. 
Adieu  donc!  et  alors  encore  chercherai-je  à  te 
revoir.  Il  fît  quelques  pas,  il  se  retourna  et  dit  :  tu 
ne  réponds  rien? 

Ainsi  je  ne  vous  verrai  plus,  cependant  sachez 
une  chose  que  tel  [le]  soit  la  nature  du  service  que 
vous  réclamiez  de  moi,  hors  de  vous  voir  et  de 
vous  parler,  comptez  que  vous  ne  trouverez  jamais 
de  génie  de  fée  plus  prompt  et  plus  obéissant 
pour  vous,  je  tâcherai  de  reculer  les  limites  de 
mon  pouvoir. 

Il  est  encore  une  chose  qu'il  faut  que  vous  appre- 
niez, c'est  que  votre  plus  grand  charme,  c'est  que 
je  ne  vous  crois  pas  heureuse,  et  que  je  fuis  les 

une  certaine  hauteur,  qu'il  me  soit  permis  de  rejetter  ce  lan- 
gage vulgaire  et  banal  de  flammes,  de  chaînes,  d'ardeurs,  de 
feux  et  pour  vous  dire  tout  simplement  que  je  vous  aime...  •• 


LETTRES  DE  BALZAC.  17fi 

heureux;  mon  âme  a  toujours  eu  un  secrei  penchant 
à  s'épanouir  avec  les  affligés. 
Encore  un  mot.  Je  relis  pour  la  cinquième  fois 

votre  lettre,  vous  y  avez  l'air  embarrassée  et  je  ne 
suppose  pas  (jue  vous  puissiez  l'être.  Soit  que  vous 
teniez  à  moi,  soit  que  vous  n'y  teniez  plus,  à  mon 
tour  je  pourrais  dire:  «  Expliquez-moi  quelles  sont, 
hors  le  mépris,  les  raisons  que  vous  allégueriez 
pour  ne  pas  condescendre  a  mes  désirs. 

Advienne  que  pourra.  Je  dépose  à  cet  endroit  de 
ma   lettre  toute  mon   Ame  et  toutes  mes  pensées, 

que  les  vôtres  s'y 

dont  le  cœur  est  plein 

de  trésors !  mes  sentiments. 

Adieu,  trois  fois  adieu.  Votre  souvenir  sera  pour 
moi  comme  celui  de  la  terre  natale. 


VII 


[Villeparisis,  ...  1822.] 

Vous  voir!  J'y  renonce  à  jamais,  le  voyageur 
s'est  retourné,  c'est  pour  toujours,  il  ne  cherchera 
même  pas  maintenant  à  regardera  la  place  où  vous 
fûtes.  Pourquoi? 

Je  vais  tout  expliquer,  mais  je  parle  pour  la  der- 
nière fois;  et  je  serai  diffus.  Vous  me  pardonnerez 
en  songeant  que  c'est  un  adieu,  et  un  adieu  sem- 
blable à  celui  d'un  mourant  à  ses  amis.  Et  que  de 

1.  Mots  illisibles. 


180  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

choses  à  dire!  Je  pourrais  presque  mettre  là  :  ceci 
est  mon  testament1. 

La  première  fois  que  je  vous  vis,  il  s'est.... 

Entre  deux  personnes  qui  coïncident  dans  leurs 
idées  philosophiques,  et  qui  s'élèvent  à  une  cer- 
taine hauteur,  je  pense  que  l'on  doit  banir  ce 
langage  vulgaire,  destiné  à  combler  le  vuide  des 
idées.  Ainsi  créant  pour  la  morale  une  espèce 
d'algèbre,  je  vais  tâcher  de  vous  rendre  mes  senti- 
mens  sous  une  expression  simple  et  pour  ainsi  dire 
formulique. 

Ainsi,  dédaignant  la  poésie,  le  sentiment,  ce 
genre  dont  on  revêt  ses  paroles,  je  vous  crois  assez 
forte  pour  voir  les  idées  à  nu  ;  traitons  de  l'amour. 
Et  il  n'existe  que  deux  sentimens  qui  méritent 
ce  nom  :  celui  des  mères  pour  leurs  enfans  et  celui 
que  la  nature  a  posé  chez  nous  comme  principe 
conservateur. 

Ainsi,  quand  j'ai  dit  :  je  vous  aime,  voilà  ce  que 
cela  signifie. 

La  première  fois  que  je  vous  vis,  mes  sens  furent 
émus,  et  mon  imagination  s'alluma  jusqu'au  point 
de  vous  croire  une  perfection,  je  ne  sais  laquelle, 
mais  enfin,  imbu  de  cette  idée,  je  fis  abstraction  de 
tout  le  reste,  et  ne  vis  en  vous  que  cette  seule  chose. 


1.  Après  cette  phrase,  les  sept  lignes  suivantes  raturées  par 
Balzac  :  «  Je  commencerai  par  vous  apprendre  à  vous  connaître 
vous-même  et  je  vous  rehausserai  à  vos  propres  yeux,  car 
remarquez  que  je  suis  le  seul  juge  de  l'effet  que  vous  avez 
produit  sur  moi. 

«  Du  premier  moment  que  je  vous  vis,  je  logeai  dans  ma 
tète  l'idée  d'une  certaine  perfection  indépendante  et  des  formes 
et  d....  » 


LETTRES  !>!•:  BALZAC.  1H1 

Cette  idée  première  ;<  reçu  depuis  un  développe- 
ment Immense,  c'est-à-dire  qu'autour  de  ce  désir 
premier  se  son!  groupés  une  foule  d'autres  désirs, 
qui  forment  maintenant  chez  moi   une  masse,  et 

celte  passion  ne  voyant  qu'un  but  y  rattache  tout  et 
justifie  fou!.  Ainsi  vos  4r>  ;ms  n'existent  pas  pour 
moi,  ou  si  je  les  apperçois  un  moment,  je  les  regarde 
comme  une  preuve  de  la  force  de  ma  passion,  puis- 
(ju'à  votre  compfe  ils  devraient  en  rompre  le 
charme.  Semblable  à  l'herbe  avec  laquelle  les 
nègres  cassent  le  fer,  ainsi  votre  esprit,  vos  ma- 
nières, votre  accent,  votre  œil,  votre  pied  enfin, 
que  sais-je?  la  moindre  chose  de  vous  est  pour  moi 
un  phénomène  ! 

Gomment  en  suis-je  venu  à  ce  point?  C'est  par 
l'habitude,  par  le  train  qu'a  pris  ma  pensée  de  tou- 
jours vous  environner,  enfin  parce  que  vous  voyant 
sans  cesse,  sans  cesse  ce  désir  se  réveille  et  a 
pris  une  intensité  qui  me  subjugue,  et  c'est  une 
chose  réelle  puisque  j'ai  vu  depuis  trois  mois  des 
jolies  femmes,  des  jeunes  femmes,  des  femmes 
spirituelles,  enfin  des  Laïs  et  que  rien  de  tout  cela 
ne  m'a  fait  émettre  un  désir  et  que  '  depuis  6  mois 
je  ne  pense  qu'à  vous;  il  ne  dépend  pas  de  moi  de 
ne  pas  le  faire,  parce  que  je  ne  suis  pas  libre. 

Ainsi  votre  âge,  qui  vous  rendrait  ridicule  à  mes 
yeux  si  vraiment  je  ne  vous  aimais  pas,  est  au  con- 
traire un   lien2,    une  chose   piquante  qui,    par  sa 


1 .  Ce  membre  de  phrase  a  été  rayé  sur  le  brouillon  :  vous  ne 
serez  pas  pour  moi  un  passe  tems  puisque  c'est  une  passion  réelle. 

2.  Phrase  supprimée  :  «  Ne  craignez  jamais  que  je  vous  le 
reproche....  » 


182  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

bizarrerie  et  son  contraste  avec  les  idées  ordinaires, 
m'attache. 

Mais  que  vous  soyez  bien  ou  mal,  laide  ou  jolie, 
cela  ne  vous  regarde  pas,  et  ce  sont  les  seuls  rap- 
ports que  vous  n'avez  pas  osé  empêcher  :  la  ten- 
dresse que  vous  pfrisez],  sur  laquelle  vous  basez 
bien  faussement  l'amour,  car  l'amour  n'est  qu'une 
espèce  de  tendresse.  C'est  moi  qui  suis  le  seul  juge 
de  votre  beauté;  telle  chose  que  vous  dira  votre 
miroir,  mon  imagination  le  démentira1  toujours 
parce  que  tant  que  je  vous  aimerai,  et  lorsque, 
devenue  plus  âgée,  cet  amour  aura  cessé,  l'amitié 
qui  lui  succédera  n'a  point  de  visage  et  est  toute 
incorporelle. 

Mais  pour,  dans  ce  moment,  n'avoir  que  de  l'ami- 
tié, je  ne  saurais,  cela  m'est  impossible  et  voilà 
pourquoi  je  ne  puis  plus  vous  voir,  puisque  vous 
rejettez  mon  hommage. 

Mais  j'entends  que  vous  allez  vous  récrier  et 
dire  :  «  la  morale,  les  mœurs,  je  deviendrais  mépri- 
sable! » 

J'ai  honte  de  vous  établir  le  contraire,  car  c'est 
croire  que  vous  n'êtes  pas  capable  de  vous  le  prou- 
ver à  vous-même.  Si  vous  m'aimiez,  ce  serait  déjà 
fait.  Au  total,  raison  de  sage  froid[eur].  Ou  vous 
avez  des  principes  philosophiques,  ou  vous  n'en 
avez  pas! 

Si  vous  les  avez  tels  que  je  les  suppose,  la  con- 
séquence est  que  nous  mourons  tout  entiers,  qu'il 
n'y  a  ni  vice  ni  vertus,  ni  enfer,  ni  paradis,  et  que 

1.  Phrase  biffée  :  <•  Et  je  vous  assure  que  vous  réapparaissez 
toujours  charmante.  » 


LETTRES  DE  BALZAC.  183 

la  seule  chose  qui  doive  nous  intéresser,  c'est  cel 
axiome  :  prends  le  plus  de  plaisirque  bu  pourras. 

Si  tels  ue  soûl,  pas  vos  principes,  je  pourrais 
alors  [nie]  contenter  de  vous  citer  l'exemple  de 
lous  les  tems  passés,  mais  voici  le  seul  raison- 
nement] que  je  vous  expose  :  nuire  à  un  autre  esl 
un  crime.  Ce  crime  est  le  mien.  Mais  cel  autre  ne 
m'étail  pas  ami  primitivement,  ou,  en  d'autres 
termes,  est-ce  ma  faute  si  la  société  est  assise  sui- 
des bases  contraires  à  la  nature?  Au  reste,  la 
preuve  que  l'homme  a  réfléchi  depuis  long  tems  à 
cela,  et  que  je  ne  suis  pas  le  premier,  c'est  qu'il  y 
a  des  moyens  de  ne  nuire  à  personne. 

Et  qu'est-ce  que  je  vous  demande?  Rien,  si  ce 
n'est  la  permission  de  vous  aimer  sans  que  vous 
vous  en  fâchiez. 

Quant  au  mépris,  je  suis,  je  l'avoue,  dans  le  plus 
grand  étonnement  sur  cet  article.  Avez-vous  bien 
pesé  ce  qu'il  voulait  dire?  Il  signifie  que  vous 
m'estimez  bien  peu  en  pensant  qu'en  vous  donnant 
à  moi  vous  seriez  avilie,  tandis  que,  dans  mon 
idée,  je  crois  que  nous  en  serions  en  quelque  sorte 
honorés  l'un  et  l'autre.  Quant  au  reste  de  l'uni- 
vers, je  le  regarde  comme  un  néant.  Si  je  savais 
pouvoir  être  jamais  coupable  du  crime  de  méses- 
timer ce  que  j'aime,  cela  seul  suffirait  pour  abréger 
ma  vie,  déjà  si  chancelante. 

En  vous  disant  ce  que  je  pensais  c'est  me  mettre 
dans  la  nécessité  de  ne  plus  vous  revoir,  car  je 
vous  avoue  que  je  n'ai  pas  été  une  minute  auprès 
de  vous,  sans  en  être  tourmenté,  et  en  avoir  le  cer- 
veau troublé.  Ce  délit  que  vous  me  reprochez  est 


184  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

une  conséquence  de  mon  ivresse.  Vous  trouvez  ces 
termes  trop  forts  peut-être,  ils  ne  le  sont  pas  assez. 
Ce  que  j'ai  ressenti  ce  matin  en  vous  voyant  entrer 
me  l'a  prouvé,  mais  ce  qui  m'a  prouvé  que  je  ne 
dois  plus  vous  voir,  c'est  la  négligence  avec  la- 
quelle vous  m'avez  jeté  votre  lettre! 


VIII 


[Villeparisis,  ...  1822. 


Quand  je  ne  vous  vois  pas,  faut-il  que  je  vous 
écrive?  Telle  est  la  tournure  de  mon  esprit  qu'il 
m'est  impossible  de  ne  plus  penser  à  vous.  11  n'y 
a  plus  pour  moi  dans  le  monde  qu'une  idée,  il  me 
semble,  et  mon  imagination  caresse  cette  idée  avec 
ardeur,  avec  complaisance  même,  il  me  semble 
qu'il  n'y  a  plus  qu'une  chose  qui  s'interpose  entre 
nous,  c'est  que  vous  avez  aimé1. 

En  effet,  je  crois  que,  quant  à  vous  paraître  ri- 
dicule à  vous  même,  vous  seriez  assez  grande,  si 

1.  Le  brouillon  de  cette  lettre  est  écrit  sur  le  revers  d'une 
page  commencée,  et  effacée  du  roman  :  Clotilde  de  Lusignan. 

En  tète  de  ce  brouillon,  onze  lignes  raturées  par  Balzac,  dont 
les  cinq  premières  ne  peuvent  se  lire;  les  six  dernières  sont 
les  suivantes  : 

«  Si  je  ne  vous  vois  pas,  il  faut  que  je  vous  écrive,  car  telle 
est  la  tournure  de  mon  esprit  que  je  ne  puis  pas  m'empècher 
de  penser  à  vous. 

«  Je  songe  sans  cesse  à  ces  murs  d'airain  que  vous  élevez 
entre  nous,  et  mon  imagination  se  plaît  à  les  détruire.  Vous 
avez  aimé,  vous  avez  connu  l'amour,  et  vous  ne  coinpatis[sez 
pas],  n'avez  auc[une  pitié?],  no  voulez  pas  jetter  un  gâteau....  • 


LETTRES  DE  BALZAC.  185 

vous  m'aimiez,  pour  vous  sacrifier.  Quant  à  perdre 
aux  \ <nx  du  monde  votre  lustre  et  n'avoir  plu-» 
le  droit  de  parler  morale,  pour  que  cette  raison 
existât,  il  faudrail  supposer  que  le  secret  de  nos 
cœurs  fut  divulgué.  Et  par  qui?...  Ce  mot  seul 
esl  une  réponse  assez  forte.  .le  ne  vois  plus  que 
voire  fierté  de  prétendre  que,  recevant  ce  que  vous 
ne  pouvez  donner,  vous  vous  trouveriez  rabaissée. 

J'avoue  que  cette  hauteur  de  sentiment,  que  je 
n'ai  découverte  que  récemment,  m'a  plus  encore 
charmé  que  tout  le  reste,  et  je  ne  sais  si  ce  n'est 
pas  un  nouveau  chaînon  que  vous  avez  forgé. 

Mais  qu'ai-je  à  prétendre  sur  ce  qui  n'existe  plus 
que  dans  le  souvenir?  Vous  n'êtes  comptable  que 
du  reste  de  votre  vie,  et  le  passé  n'appartient  à 
personne.  Pour  moi  comme  pour  vous,  vous 
n'existez  que  de  ce  matin.  La  vie  est  un  vaste  po- 
lype qui  meurt  et  se  renouvelle  à  chaque  minute. 

Ainsi,  cet  amour  antérieur  n'est  rien  et,  pour 
peu  que  vous  réfléchissiez,  vous  verrez  mille 
exemples  de  grandes  passions,  de  passions  véri- 
tables, nées  dans  l'automne  de  la  vie  après  la  fou- 
gue de  désirs  qu'amène  le  printemps.  Ainsi,  je  ne 
vois  point  d'obstacles  et  il  est  une  perspective 
sur  laquelle  je  jette  toujours  ma  vue1. 

1.  Les  lignes  qui  suivent  ont  été  biffées  : 
«  Car  il  est  dans  la  nature  qu'un  homme  qui  chemine  triste- 
ment dans  un  champ  regarde  avec  plaisir  un  bocage  enchan- 
teur [qui] 

Négligemment  étale 
De  beaux  tapis  de  fleurs 
Que  l'amante  du  beau  Céphale 
A  couvert  de  ses  pleurs, 

Je    crois    que    toute   éloignée    que   vous    soyez  de    vous   y 


180  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

J'attribue,  Madame,  à  ce  que  j'appelle  vos défaus 
la  manière  bizarre  dont  je  vois  les  choses. 

Quand  on  regarde  à  travers  un  prisme,  il  est 
tout  simple  que  les  couleurs  soient  plus  vives,  les 
rayons  en  sont  séparés,  et  l'on  voit  mille  choses  là 
où  d'autres  ne  voient  qu'une  lumière  tout  unie  l. 

Votre  premier  défaut  est  une  amabilité  pleine 
de  tant  de  g  [race]. 


IX 


[Villeparisis,  ...  1822.] 

Les  deux  lignes  que  vous  m'avez  fait  l'honneur 
d'écrire  sur  l'enveloppe  de  mon  livre  sont  suscep- 
tibles de  trop  d'interprétations  pour  que  je  ne  doive 
pas  choisir  celle  qui  m'est  défavorable  :  vous  en 
avez  agi  comme  avec  les  traîtres,  que  l'on  pend 
après  s'en  être  servis.  On  ne  les  remercie  même 
pas  de  s'être  avilis1. 

Dans  toute  autre  circonstance,  Madame,  deux 
mots  de  vous  m'auraient  paru  la  faveur  la  plus 
précieuse.  M'ayant  presque  entraîné  à  me  donner 
un  tort,  il  eût  été  généreux  de  m'en  consoler.  Mais 
j'ai  le  droit  de  vous  écrire  de  même  que  l'accusé  se 
défend  ;  en  effet,  n'est-ce  pas  se  mépriser  soi-même 

reposer,  n'est-ce  donc  rien  qu'un  ami  fidèle  sur  lequel  on  a  tous 
les  droits  que  la  nature  peut  donner  sur  un  être...  •> 

1.  Autre  passage  rayé  :  «  Il  vous  est  bien  facile  de  plaisanter. 
N'est-ce  pas  votre  premier  défaut.  » 

2.  Ici  quatre  lignes  fortement  raturées. 


LETTRES  DE  BALZAC.  \*~> 

(|ue  de  regarder  des  ouvrages  pareils  comme  des 

moyens  de  que  l'on  s'en   remette  [à  eux]  du 

soin  de  cultiver  cette  masse  de    pensées    divines 
que  l'on  baptise  du  nom  d'amitié,  de  sympathie, 

d'amour,  etc.  et  que  lame  seule  peut  échauffer. 

Ma  position  n'est-elle  pas  celle  d'un  courtisan 
qui  déplut  à  Louis  XIV.  Ils  s'exilaient,  Madame,  et 
l'on  sait  que  la  beauté  pardonne  encore  moins 
que  le    pouvoir1. 


X 


[Villeparisis,  ...  1822.] 

Vous  aurez,  en  un  seul  moment,  empoisonné  toute 
ma  vie.  Rien,  pas  même  vous,  ne  peut  me  sauver 
du  malheur  qui  commence  pour  moi,  car  rien 
n'ôtera  de  mon  souvenir  les  quatres  lignes  de  ce 
matin.  Elles  m'ont  glacé.  J'ignore  ce  qui  m'enlève, 
à  la  fois,  une  amie  et  un  ami  en  espérance. 

Tant  de  réflexions,  tant  de  projets,  tant  d'idées, 
se  pressent  dans  ma  tête  que  je  ne  sais  si  j'existe. 

Ah!  Madame,  que  de  choses  vous  avez  ensevelies 
d'un  trait  de  plume! 

Au  surplus,  je  m'interdis  même  de  m'expliquer 
ce  qui  m'arrive.  A  plus  forte  raison  dois-je  vous  le 
taire.  Quoiqu'il  en  soit,  je  crois  vous  avoir  compris. 

1.  Dans  le  haut  de  ce  brouillon  on  lit  :  «  Que  si  je  n'avais  pas 
qu'à  me  justifier?  —  Que  si  j'osais  continuer? —  Que  ne  dirais- 
je  pas?  —  ou  plutôt  que  dirais-je!  » 


188  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Je  me  suis  prononcé  mon  arrêt;  il  est  sévère  et  j'y 
souscrirai. 
Puisque1. 


XI 


[Villeparisis,  ...  1822.] 

Je  crois  comprendre  votre  lettre.  C'est  un  ulti- 
matum. Adieu,  je  désespère  et  j'aime  mieux  la  souf- 
france de  l'exil  que  celle  de  Tantale.  Pour  vous 
qui  ne  souffrirez  rien,  je  pense  que  ce  qui  peut 
m'advenir  vous  est  indifférent.  Puissiez-vous  croire 
que  je  ne  vous  ai  jamais  aimée!  Adieu2. 

1.  Le  feuillet  est  mutilé  dans  le  bas,  et  la  déchirure  ne  permet 
plus  de  lire  que  :  Je  suis  extrêmement...  c'est  là  ce  que...  et 
au-dessous  :  quelque.  Au  verso,  de  la  main  de  Balzac  :  1515  francs 
et  au-dessous  :  1574. 

2.  Voici  un  premier  brouillon  de  ce  billet  : 

<-■  Adieu!  qu'il  est  facile  aux  riches  de  refuser  l'indigent,  que 
les  gens  sans  désir.... 

«  Adieu,  ce  n'est  pas  vous  qui  souffrirez  et  puissiez-vous 
ignorer  ce  qu'il  m'en  coûte.  J'entends  votre  lettre  :  c'est  un 
ultimatum. 

«  Adieu,  je  désespère  et  j'aime  mieux  la  souffrance  de  l'exil 
que  celle  de  Tantale.  Pour  vous  qui  ne  souffrirez  rien,  je  pense 
que  ce  qui  peut  m'advenir  vous  est  indifférent.  » 
.Au  verso,  Balzac  a  calligraphié  ces  mots  :   «  nuhu  —  habile- 
ment —  Bo  —  hulma  —  Bospliore  —  lui  —  ulémas.  •> 


LETTRES  DE  BALZAC.  iw» 


XII 


[Villeparisis,  ..    1822.] 

Je  retire  ma  parole  daller  vous  voir  sans  vous 
dire  que  je  vous  aime. 

Je  ne  vous  verrai  plus,  et  je  vous  promets  sur 
l'honneur,  de  ne  jamais  dire  un  mot  sur  vous  qui 
ne  soit  à  votre  avantage,  et  même  de  vous  défendre, 
sans  chaleur  toutes  fois,  car  on  pourrait  croire  ce 
qui  n'est  pas  :  je  vous  fais  cette  promesse,  car 
dans  le  nouveau  plan  de  vie  que  j'embrasse,  vous 
auriez  pu  croire  que,  n'épargnant  personne,  vous 
n'auriez  pas  été  épargnée1. 


XIII 

Que  de  choses  j'ai  à  vous  dire...  je  m'expliquerai 
sans  ordre  comme  je  parlerai  sans  flatterie,  vous 
me  l'avez  à  jamais  interdite. 

J'ai  du  vous  paraître  bien  incivil,  quand,  en  vous 
quittant,  je  ne  vous  ai  ni  remerciée  de  votre  obli- 
geance, ni  reconduite  jusque  chez  vous. 

Quand  on  exigera  du  sang-froid  d'un  homme  qui 
perd  tout,  quand  on  décrétera  qu'il  est  beau  de 
négliger  la  réputation  de  ce  qu'on  aime,  et  qu'on 

1.  Dans  le  bas  du  brouillon,  quatre  lignes  très  raturées. 


190  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

sera  convenu  que  les  paroles  sont  tout  en  fait  de 
sentiment,  je  serai  coupable! 

Vous  m'avez  dit  que  vous  m'aimeriez  si  vous 
étiez  jeune  et  sans  amour1.  Il  y  en  a  beaucoup 
qu'une  telle  réponse  satisferait.  Quant  à  moi,  elle 
m'a  condamné  au  silence  et  à  une  solitude  pleine 
de  vous. 

Vous  trouverez  dans  Sterne  la  demande  suivante  : 
«  Si  la  nature,  en  tissant  sa  toile  d'amitié,  a  entre- 
lacé dans  toute  la  pièce  quelques  fils  d'amour  et 
de  désir,  faut-il  déchirer  toute  la  toile  pour  les 
en  arracher?  » 

Vous,  Madame,  vous  voulez  détruire  notre  tissu 
avec  votre  ciseau!  Voyez  tout  ce  que  je  perds!  Une 
amie  fidelle  est  le  vœu  éternel  de  mon  âme;  elle  ne 
peut  exister  sans  cela.  J'ai  besoin  d'un  cœur  dans 
lequel  je  déverse  ce  luxe  de  sensibilité,  sorte  de 
chaleur  qui  finira  par  me  consumer  !  Peut-on  arriver 
à  l'intimité  sans  se  lier  d'une  manière  indissoluble? 
Je  laisse  à  votre  imagination  concevoir  comment 
cela  ne  peut  pas  être  autrement.  Je  vous  avoue  que 
ma  pensée  erre,  en  y  songeant,  dans  un  labyrinthe 
délicieux,  que  vous  parcouriez  aussi  souvent.  Je 
sais  seul  quel  charme  cette  union  aurait  répandu 
sur  une  partie  de  ma  vie,  comme   sur   la  vôtre. 

Enfin,  vos  enfans  arriveront  à  un  âge  où  un 
fidèle  ami  est  le  trésor  le  plus  précieux  que  l'on 
puisse  avoir  pour  les  garantir  d'une  foule  de  pièges, 
il  faudra  qu'on  les  guide  dans  la  vie.  Il  est  des 
pères  que  leur  âge  ou  leur  caractère  rendent  inha- 

1.  Balzac  avait  d'abord  écrit  :  Si  vous  aviez  36  ans,  mai?;  il  a 
biffé  ces  cinq  mots. 


LETTRES  DE  BALZAC.  191 

biles  à  cette  tâche  délicate,  qui  commence  lorsque 
les  mères  ont  fini  la  leur.  Quel  plaisir  j'aurais  eu  h 
remplir  un  devoir,  qui  serait  devenu  pour  moi  un 
plaisir! 

De  quoi  parlé- je?  N'en  aimeriez  vous  pas  un 
autre?... 

Cependanl,  si  vous  redeveniez  libre,  songez, 
songez  à  moi!  Mais  comment  puis-jc  me  flatter  de 
vous  plaire?  J'ignore  l'art  futile  de  ce  qu'on  nomme 
la  galanterie. 

Ce  que  j'appelle  mon  cynisme,  que  vous  m'avez 
reproché,  est  plutôt  un  écart  de  mon  imagination 
qui  se  trompe  et  l'effet  d'une  force  qui,  n'étant  pas 
dirigée,  se  porte  indifféremment  sur  tout.  Je  suis 
la  simplicité  même,  et  je  m'en  glorifie.  Je  rougirais 
d'être  ce  qu'on  nomme  :  fin,  et  j'ai  encore  de  la 
candeur,  plus  qu'on  m'en  accorde1. 

1.  Après  le  mot  candeur,  Balzac  avait  écrit  :  bien  qu'effronté. 
Il  a  rayé  ces  trois  mots. 

Premiers  brouillons. 

1°  Je  me  figure  que  je  suis  à  vos  yeux  un  être  très  ridicule 
et  qui  ne  pourra  jamais  vous  plaire.  Je  me  condamne  au  silence 
et  vous  jugez  si  je  n'ai  pas  d'empire  sur  moi  et.... 

2°  Je  dois  être  à  vos  yeux  un  être  très  ridicule,  et  je  doute 
plus  que  jamais  de  pouvoir  vous  appartenir  par  un  lien  quel- 
conque.... 

3°  Si  la  nature  en  tissant  sa  toile  d'amitié  a  entrelacé  dans 
toute  la  pièce  quelques  fils  d'amour  et  de  désir,  faut-il  déchirer 
toute  la  toile  pour  les  en  arracher?  Vous  trouverez  cette 
demande  dans  Sterne,  et  je  vous  la  soumets  parce  que.... 

Vous  m'aimeriez  si.... 

4°  D'après  ce  que  vous  m'avez  dit  je  ne  dois  plus  vous  faire 
de  complimens,  ni  vous  louanger.  Aussi,  pour  cela,  vous  vous 
en  appercevrez. 

Je  me  figure  être  à  vos  yeux  bien  ridicule,  et  cependant  je 


Ift2  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

C'est  cette  candeur  qui  me  fait  rester,  même  per- 
suadé que  je  suis  que  vous  n'avez  pour  moi  aucun 
sentiment  dans  lequel  il  y  ait  quelque  chose  qui 
admette  la  familiarité  et  la  joyeuserie  de  l'âme,  et 
la  folâtrerie. 

Je  dois  vous  remercier  d'une  chose.  C'est  de 
m' avoir  fait  connaître  Sylla*,  et  combien  il  y  avait 
de  loges  aux  Français,  aux  premières,  aux  secondes, 
et  aux  troisièmes.  J'ai  parcouru  toute  la  salle  sans 
vous  y  trouver. 

Je  vous  envoie  la  lettre  de  mon  libraire  pour 
vous  prouver  que  si  Hérodote  n'est  pas  venu,  il  n'y 
a  pas  de  ma  faute. 


XIV 

Jeudi  [...  1822. J 

Vous  avez  trouvé  une  intention  dans  la  figure 
bizarre  que  j'ai  tracée  pour  indiquer  la  lettre  qui 
vous   était  destinée,  à  mon  tour  je  puis  dire  que 

ne  puis  m'empêcher  de  vous  aimer.  Mais  je  puis  du  moins  me 
vouer  au  silence,  et  me  réfugier  dans  une  solitude  pleine  de  vous. 

Si  je  romps  mon  silence,  c'est  pour  vous  faire  observer  que 
lorsque  je  vous  ai  quittée,  j'ai  semblé  commettre  une  grossiè- 
reté impardonnable,  une  faute  dans  tous  les  sens,  en  ne  vous 
présentant  pas  ma  main  pour  vous  conduire  chez  vous,  et  en 
ne  vous  remerciant  pas  de  votre  obligeance. 

Quand  on  exigera  du  sang-froid  d'un  homme  qui  perd  toute 
espérance,  je  serai  coupable. 

Quand  il  sera  décrété  que  ceux  qui  aimeront  n'auront  aucun 
soin.... 

1.  Sylla,  tragédie  en  cinq  actes  par  M.  de  Jouv,  représentée 
pour  la  première  fois,  sur  le  Théâtre-Français,  le  27  décembre 
1821. 


LETTRES  DE  BALZAC.  193 

vous  n'avez  pas  sous  les  yeux  le  Sterne  et  sou  aven- 
ture avec  Marie....  Vous  ne  m'aimez  plus,  toul  me 
L'annonce.  Je  ne  dois  pas  attendre  de  l'amour  de 

vous. 

Aimer,  c'est  sentir  autrement  que  tous  les  autres 
hommes,  et  sentir  violemment  ;  c'est  vivre  dans  un 
monde  idéal,  magnifique  et  splendide  de  toutes 
les  splendeurs;  c'est  ne  connaître  ni  le  tems  ni  ses 
divisions,  ni  le  jour  ni  la  nuit,  ni  hiver  ni  printems; 
le  jour  et  le  printems  sont  la  présence  de  l'objet 
aimé;  il  n'y  a  dans  la  nature  qu'un  seul  endroit, 
c'est  le  lieu  où  l'on  se  voit,  un  seul  individu  celui 
que  l'on  aime,  le  reste  n'est  rien  ! 

Aimer,  c'est  quitter  son  existence  passée  et 
future  et  présente  pour  en  adopter  une  nouvelle. 
C'est  la  sienne,  penser  comme  il  pense;  avoir  des 
milliers  d'idées  quand  nous  sommes  loin  d'elle,  et, 
quand  on  la  voit,  n'en  pouvoir  exprimer  une  seule; 
mettre  de  l'éloquence  dans  tout,  dans  un  geste,  un  re- 
gard, un  mot.  C'est  être  transporté  de  bonheur  d'une 
niaiserie,  accablé  de  chagrin  d'un  signe  équivoque. 

Aimer,  c'est  se  confondre  tellement  qu'il  n'y  ait 
pas  trace  d'individualité,  c'est  vivre  de  la  vie  d'un 
autre,  ne  rien  négliger  pour  embellir  cette  vie, 
trouver  de  la  douceur  dans  les  larmes,  dans  l'abais- 
sement et  abjurer  même  sa  croyance,  mourir  même  1 

Il  en  est  qui  trouvent  ces  sacrifices  trop  faibles  et 
qui  vont  jusqu'à  croire  que  celui  de  l'honneur  n'est 
pas  assez '. 

Aimer,  c'est  faire  croire  en  soi,  et  se  rendre  digne 

1.  Membre  de  phrase  illisible. 


lOi  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

l'un  de  l'autre  par  les  plus  nobles  efforts;  c'est 
quand  on  a  tout  fait,  croire  n'avoir  encore  rien  fait; 
rendre  sa  bonté,  sa  foi,  et  les  marques  de  son 
ajmour]  aussi  innombrables  que  les  graviers  de  la 
mer,  faire  que  chaque  sentiment  soit  une  goutte 
d'une  mer  inépuisable  ! 

Aimer,  c'est  l'exaltation  de  tout  notre  être,  l'ins- 
piration constante  d'un  poète,  en  la  portant  dans 
le  cœur  et  dans  la  vie,  c'est  nager  dans  l'univers, 
voir  la  nature  autre  qu'elle  est,  être  en  contra- 
diction perpétuelle  avec  toutes  les  idées  reçues,  et 
trouver  un  ciel  affreux  lorsque  tout  le  monde  le 
trouve  sans  nuages,  se  plaire  dans  une  tempête 
quand  chacun  tremble,  alors  les  sentiments  de 
l'homme  ont  une  espèce  de  majesté,  et  jettent  sur  lui 
quelque  vestige  de  ce  qu'on  se  figure  de  la  création. 

Alors  il  se  resserre,  et  se  place  en  dehors  de  la 
création;  il  n'est  plus  un  vil  animal;  alors  on  lui 
pardonne,  alors  on  l'admire  parce  qu'il  est  perdu, 
loin  de  la  terre,  dans  les  cieux,  et  qu'il  est  rare  d'y 
aller;  un  tel  amour  est  une  vie  dans  la  vie.  C'est  le 
chant,  le  premier  désir  de  toute  créature. 

Cet  accord  de  toutes  les  forces  n'arrive  qu'une 
fois,  ainsi  qu'une  seule  fois  l'on  aime  à  vingt  ans, 
ainsi  que  l'on  ne  vit  qu'une  fois,  que  l'on  ne  meurt 
qu'une  fois,  que...  ! 

Je  crois  être  arrivé  à  cet  a[mour]  violent,  idé[al] 
pour  vous,  mon  imagination  s'est  élancée  avec  tout 

ce  que *,  lui  a  don|né]  de  force ' 

que  je  suis  malheureux;  il  le  veut  énergique[ment| 

1.  Mots  illisibles 


LETTRES  DE  BALZAC.  195 

comme  si  le  Destin  des  Anciens  régnait  encore. 
Je  me  sen[tirai]  heureux  si  je  me  suis  trompé, 
heureux  si  je  puis  rencontrer  tout  ce  que  j'ai 
remplacé  en  vous,  avec  tout  ce  que  vous  disiez 
vous  manquer. 

Je  ne  le  crois  pas.  Je  ne  cherche  pas  ;i  savoir. 
Et  puis,  cela  serait;  je  ne  dois  pas  compter  sur 
une  telle  faveur.  Mon  écorce  est  désagréable,  et  ce 
n'est  pas  sur  le  coup  que  l'on  découvrit  que  l'arbre 
de  Java  donnait  du  baume. 

Laure,  voilà  les  derniers  mots  que  je  me  permets; 
ce  dernier  pas  dans  la  vie  de  bonheur  qui  s'offrait 
à  moi,  se  fait  avec  délire?  Cette  lettre  est  sortie 
de  mon  âme  brûlante,  et  la  première  plume  qui  a 
rendu  mes  idées  est  brisée,  le  papier  est  percé. 

Adieu,  désormais  je  ne  t'écrirai  plus  que  comme 
à  une  amie.  Encore,  je  te  cacherai  le  tiers,  la  moitié 
de  mes  sentimens  puisqu'il  te  faudrait  ne  plus  être 
un  ami  !  et  alors  j'en  meurs!... 

Dès  aujourd'hui  je  dis  vous,  je  dis  :  madame, 
pour  toujours,  et  jamais  ma  plume  ni  ma  langue  ne 
diront  une  idée  qui  ne  soit  de  la  plus  sincère 
amitié.  Seulement,  je  supplie  que  l'on  respecte  le 
malheur,  et  qu'on  ne  se  permette  jamais  de  sou- 
lever le  masque  qui  me  couvrira,  puisque  je  le 
garderai  toujours. 

Ainsi,  la  cendre  est  jettée  sur  le  feu;  il  se  cour- 
rouce et  lance  ses  dernières  flammes;  bientôt,  il 
sera  couvert,  mais  alors  il  ne  faudra  pas  le  plaindre 
de  sa  couleur  terne  et  grise,  et  en  voyant  le  lys 
coupé  sur  la  tige,  il  ne  faudra  pas  s'écrier:  quel 
dommage  ! 


190  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 


XV 


[Villeparisis,  ...  1822.1 


Pensez-vous  à  moi,  autant  que  je  pense  à  vous, 
m'aimez-vous  autant  que  vous  le  dites,  je  ne  sais 
pourquoi,  depuis  j'en  doute1. 

Que  vous  étiez  jolie  hier,  bien  des  fois  je  vous  ai 
rêvée  brillante  et  pleine  de  grâces,  mais  j'avoue 
qu'hier  vous  avez  surpassé  votre  rivale,  la  solitaire 
création  de  ma  pensée  et,  le  doux  sourire  que  je 
m'imagine  excepté,  vous  resplendissiez  de  toute  la 
beauté  idéale  que  je  vous  prêtais  si  largement, 
désespérant  vous  y  voir  atteindre!  Ne  me  parlez 
plus  de  votre  âge,  car  j'en  rirais,  mais  ce  serait 
une  mauvaise  plaisanterie,  et  mon  compagnon 
boiteux  me  disait  lui-même  que  vous  ne  paraissez 
pas  30  ans! 

Convenez  que  c'était  là  cette  toilette  qui  fut 
reserrée  dimanche  et  qu'hier  vous  ne  l'avez  mise 
que  parce  qu'elle  ne  pouvait  pas  mètre  imputée, 
et  que  vous  vouliez  m'en  faire  jouir  et  compenser 
par  là  l'injure  des  papillotes. 

Mais,  pour  me  rendre  tout  à  fait  heureux,  il  fallait 
me  dire  lorsque  j'arrivais  un  bonjour  aussi  tendre 
que  le  bonsoir  que  j'entendis. 

Jamais  ce  mot,  ce  simple  mot,  et  votre  accent 

1.  Dans  le  haut  de  ce  brouillon,  trois  lignes  biffées;  Balzac  y 
a  également  calligraphié  ces  mots  :  1  hélas  —  Marg. 


LETTRES  DE  BALZAC.  W7 

ne  sortiront  d<>  ma  mémoire.  .I<v  crois  l'entendre 

encore,  el  vous  me  paraissez  ignorer  à  quel  point 
je  vous  aime  puisque  vous  me'....       i 

0  soyez,  à  jamais. 

Je  ne  pourrai  jamais   assez   vous   voir,   jamais 

assez  vous    parler Je   suis  triste    sans    savoir 

pourquoi,  et  comme  je  suis  triste  même  en  pensant 
à  vous,  il  faut  que  ce  soit  une  maladie. 

Tout  ce  que  je  sais,  c'est  que  depuis  ces  dix  jours 
où  il  ne  s'est  pas  écoulé  une  minute  pendant  la- 
quelle je  n'aie  pensé  à  vous,  je  me  suis  dit  que  je 
ne  pourrais  jamais  assez  vous  voir  au  gré  de  mes 
désirs,  que  vous  ne  m'aimez  pas,  que  vous  ne 
pensez  pas  à  moi  autant  que  je  pense  à  vous,  que 
vous  ne  me  rendrez  jamais  heureux,  et  de  ces 
idées  s'est  formé  un  nuage  qui  s'est  étendu  sur 
mon  imagination  et  l'a  rembrunie. 

1.  Autre  brouillon  de  cette  lettre  : 

«  Que  vous  étiez  jolie  hier! 

«  Ah!  que  vous  étiez  jolie  dimanche.  Souvent  je  vous  ai  rêvée 
brillante,  pleine  de  grâces  et  de  ce  charme  qui  résulte  de 
l'accord  d'une  âme  divine  (?)  et  des  attraits,  mais  j'avoue  que 
vous  avez  surpassé  votre  rivale,  cette  solitaire  création  de  ma 
pensée  amoureuse  et  en  exceptant  le  doux  sourire  que  j'ima- 
gine errer  sur  vos  lèvres,  vous  resplendissiez  de  toute  la  beauté 
idéale  que  je  vous  accorde  si  libéralement  quand  je  songe  à 
vous  en  votre  absence. 

«  Être  là,  vous  voir  ainsi,  et  se  trouver  entouré  de  gens  qui 
surveillent  les  regards  comme  des  commis  des  douanes,  c'est 
vraiment  un  supplice;  j'aurais  donné  de  bon  cœur  une  portion 
de  ma  vie  pour  n'être  pas  troublé  dans  mon  ivresse;  à  peine 
ais-je  punie  reposer  un  moment  dans  mes  propres  sensations. 

«  Convenez  que  cette  toilette  était  la  même  qui  fut  naguère 
resserrée  avec  une  sainte  horreur,  et  que  vous  ne  l'avez  mise 
que  parce  qu'elle  ne  pouvait  pas  m'ètre  imputée. 

«  Pour  me  rendre  tout  à  fait  heureux  il  fallait  me  dire  lorsque 


198  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 


XVI 


[Villeparisis,  1822.] 

Laure  est  un  nom  chéri  pour  moi,  c'est  un  nom 
qui  s'est  offert  à  moi  jusqu'à  présent  comme  la 
réunion,  dans  le  plus  petit  espace  possible,  de  tout 
ce  qu'il  y  a  de  gracieux,  de  charmant,  d'amical, 
de  fraternel,  de  vertueux;  il  renferme  et  l'idée  de 
la  beauté,  non  pas  de  la  beauté  parfaite,  toujours 
froide  et  inanimée,  mais  de  cette  beauté  rendue 
plus  puissante  par  les  qualités  morales  et  les  naïfs 
sourires  de  l'âme  ;  il  renferme  l'idée  d'une  con- 
fiance illimitée  et  l'idée  du  laisser-aller,  de  la 
franchise  et  de  l'amour1. 

j'arrivais  un  «bonjour»  de  la  manière  que  vous  avez  prononcé 
bonsoir(?). 

«  Jamais  ce  mot,  ce  simple  mot  si  court,  si  connu,  si  long  et 
tant  répété,  d'un  usage  si  ordinaire  dans  la  vie,  jamais  ces 
deux  syllabes  et  l'accent  qui  les  accompagna  ne  sortiront  de 
ma  mémoire. 

«  O  ne  consentirez-vous  donc  jamais  à  devenir  la  dispensatrice 
souveraine  de  ma  vie,  à  décider  de  mon  tems,  de  mes  occupa- 
tions, de  mes  plaisirs,  de  mes  espérances,  de  mon  bonheur...? 

«  Je  vous  trouverais  bien  coupable  de  ne  pas  présider  à  ma 
vie,  car  vous  l'aurez  troublée  pour  jamais. 

«  Ah  je  vous  promets  pour  longtems  un  cœur  brûlant  d'amour 
et  pour  toujours  celui  d'un  fils  ou  d'un  ami  véritables.  » 

1.  L'autographe  de  ces  lignes  est  écrit  sur  une  feuille  de 
papier  à  lettre,  commençant  par  ce  début  de  billet  resté  ina- 
chevé, mais  qui  précise  bien  la  date  de  1822  : 

Monsieur 
•<  N'oubliez  pas,  je  vous  en  supplie,  d'envoyer  l'exemplaire 
de  Madame  Surville  à  Bayeux.  ■ 
Il  s'agit  de  l'envoi  parle  libraire  Hubert  de  Jean-Louis.  [S.  I .. 


LETTRES  DE  BALZAC.  199 

Je  parais  devant  Laure  tel  que  je  suis,  et,  sans 
contrainte,  je  nie  vante  et  nie  déprécie,  je  lui  dis 
mes  chagrins  et  mes  joies,  mes  espérances  et  mes 
désappointemens,  je  me  réjouis,  et  toujours  j'ai 
trouvé  le  langage  le  plus  doux  et  le  plus  consolant  ; 
et  je  suis  grondé  parfois  d'un  ton  qui  me  fait  re- 
gretter de  ne  l'être  pas  toujours. 

Dès  aujourd'hui,  ce  nom  m'ofTrira  tout  cela,  mais 
avec  quelque  chose  de  plus  suave  et  de  plus  enchan- 
teur, quelque  chose,  un  je  ne  sais  quoi  que  je  ne 
peux  pas  nommer.  Il  m'est  indifférent  qu'une  de 
ces  Laures  paraisse  ornée,  il  m'est  indifférentqu'elle 
brille  à  tous  les  yeux  ;  qu'au  bal  chacun  la  suive 
des  yeux,  et  dise  :  elle  est  charmante!  Je  ne  désire 
que  son  cœur,  et  quoiqu'un  autre  le  possède  tout 
entier,  je  sais  que  j'y  suis,  que  mon  image  y  est 
gravée,  et  que  telle  chose  que  l'on  entasse  par  des- 
sus cette  impression  elle  y  restera  toujours  la  pre- 
mière. Je  me  tiens  à  elle  par  le  plus  grand  des  sou- 
venirs, celui  de  l'essai  de  la  vie,  celui  des  bégaye- 
mens  et  des  joies  naïves  de  l'enfance.  Enfin,  c'est 
ma  sœur. 

Tel  charmant  que  ce  portrait  me  paraisse,  telle 
grande  que  soit  la  réciprocité  de  mon  cœur  pour 
elle,  cette  Laure  serait  jalouse,  indignée,  si  elle 
apprenait  (et  j'ai  suie  lui  taire  !)  qu'une  autre  Laure 

Jean-Louis  est  enregistré  dans  la  Bibliographie  de  la  France 
du  30  mars  1822. 

Sur  la  chemise  qui  contenait  cette  lettre,  le  vicomte  de  Spoel- 
berch  de  Lovenjoul  a  écrit  la  note  suivante  :  «-  H.  de  Balzac. 
—  Brouillon  d'une  lettre  où  il  est  question  du  nom  de  Laure, 
celui  de  Mme  de  Berny  (porté  par  Mme  Surville,  sa  sœur,  et 
plus  tard,  par  la  duchesse  d'Abrantès).  Elle  est  adressée,  en 
réalité,  à  Mme  de  Berny.  » 


200  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

se  présente  à  mon  imagination  environnée  du 
même  cortège,  en  y  joignant  une  cour  plus  gra- 
cieuse encore. 

Autour  d'elle  se  groupent  toutes  les  espérances  de 
la  vie,  la  troupe  vagabonde  des  désirs,  et  celle,  plus 
friande  encore,  de  toutes  les  voluptés  et  des  amours. 

Oh,  Laure,  ne  croyez  pas  qu'il  soit  possible  que 
vous  soyez  autrement  à  mes  yeux.  Ne  faut-il  pas 
que  le  souvenir,  que  le  lien  qui  me  lie  à  votre  cœur 
soit  remplacé  par  un  autre  ;  il  est  fâcheux  que  ce 
lien  vous  semble  forgé  par  l'égoïsme,  et  qu'il  ne 
soit  pas  construit  par  nos  deux  cœurs  à  la  fois,  et 
cette  idée  qu'il  n'y  a  que  moi  qui  désire,  qu'enfin  à 
vos  yeux  j'ai  l'air  de  ne  chercher  que  mon  bonheur 
propre,  me  fait  saigner  le  cœur1. 


XVII 


[Villeparisis,  ...  1822.] 

Une  fois  pour  toujours  apprenez  que  jamais  je 
n[e  vous]  abordai  le  premier,  Laure,  sans  trouble, 
sans  désirs,  l'âme  reposée  comme  l'eau  du  lac  de 
Genève,  et  que  jamais  je  ne  vous  aborderai  tran- 
quille. 

Voyez  moi  tel  que  je  suis  réellement,  et  tel  que 
je  dois  être.  N'est-ce   pas  un  miracle  que  je  sois 

1.  Au  verso  du  second  feuillet  de  cette  lettre,  on  lit  :  «  rue 
S1  Martin,  hôtel  du  petit  S1  Martin,  voiture  de  Gave.  pr 
M.  Balzac,  à  Villeparisis.  » 


LETTRES  DE  BALZAC.  201 

ainsi  que  vous  me  voyez,  n<v  vous  y  trompez  p;«s; 
jugeant  de  votre  cœur  par  le  mien,  je  crois  vous 
donner  une  très  grande  preuve  d'amour  par  mon 
excessive  réserve  et  par  les  sacrifices  que  je  m'im- 
pose; j'ai  fait  abnégation  de  moi  pour  suivre  les 
mouvemens  que  vous  m'imprimez.  Serait-ce  parce 
que  vous  (Mes  sûre  de  cela  que  vous  êtes  tranquille? 
En  tout  cas,  je  m'en  remets  à  vous;  j'attendrai  tout 
de  la  souffrance  de  contre  coup  que  vous  devrez 
ressentir  à  la  longue. 

Sous  ce  rapport,  le  dernier  mercredi  a  ajouté  à 
la  masse  de  mes  désirs  inexaucés;  mais,  Laure,  je 
vous  en  supplie,  ne  vous  targuez  pas  de  mon  aveu 
pour  être  pour  eux  charmante,  et  surtout  ne  m'é- 
crivez plus  de  ces  lettres  où  vous  me  donnez  des 
vertus  que  je  n'ai  pas.  Il  faudrait  être  un  ange,  et 
vrai,  nul  ne  tient  plus  que  moi  à  l'humanité. 

Que  vous  dirais-je  qui  vaille  votre  bonjour?  Je 
me  tais. 


XVIII 


[Villeparisis,  ...  1822.] 

Laure,  il  faut  nous  dire  adieu.  Je  me  sens  la  force 
de  pratiquer  cette  noble  vertu  qui  agit,  simple- 
ment, sans  bruit  et  sans  éclat.  La  douleur  de  votre 
frère  m'a  fait  faire  de  profondes  réflexions  et  s'il 


202  LA  JEUxNESSE  DE  BALZAC. 

était  un  jeune  homme  ou  qu'il  m'eût  choqué  en  la 
moindre  chose '. 

Surtout,  ma  tendre  amie,  qu'il  ignore  mon  sacri- 
fice. Laissez-le  dans  ses  sentimens  à  mon  égard, 
pour  moi  je  ne  serai  pas  2 ,  je  v.... 

11  se  rencontre  trop  d'âmes  viles  pour  que  l'on 
apprenne;  il  n'y  aura  jamais  que  moi  qui  saurai  ce 
que  j'ai  sacrifié  et  ma  vie  toute  entière  en  sera  peut- 
être  changée.  On  doit  s'interdire  ce  qui  cause  tort 
à  d'autres  et  je.... 

Puisqu'il  est  le  plus  faihle  qu'on  le  protège. 
Hélas  !  devrais-je  écrire  cela  et  n'est-ce  pas  gâter 
mon....  La  vertu  est-elle  sans  indulgence. 

Il  ne  pourra  jamais  croire  à  une  liaison  de  la 
simple  amitié  entre  nous  et,  nous,  devons-nous....5 

Puisque  nous  fesons 4,  fesons  la 

complètement. 

Je  n'oublierai  jamais  que  vous  avez  voulu  vous 
sacrifier  et  choisir  votre  infortune  à  un  des  vôtres, 


mais. nous  serions  2  lâches  de  le  rassurer  et  moi,  je 
ferais  une  indignité  si  j'attendais  à  faire  mon  devoir. 
Gardez  le  souvenir  de  moi,  gardez  surtout  cette 
lettre  et  brûlez  toutes  les  autres;  mais  celle-ci  peut 
représenter  le  tombeau  de  tout  ce  que  la  jeu- 
nesse, le  sentiment  ont  compté  de  plus  beau, 
de  plus  etc.... 

1.  Phrase  inachevée.  Les  mots  suivants  ont  été  biffés  sur  le 
brouillon  :  le  parti  que  je  prends  n'eût  point  eu  lieu. 

2.  Mot  illisible. 

o.  Mots  illisibles. 

4.  Mots  illisibles. 

5.  Mots  illisibles. 


LETTRES  DE  BALZAC.  203 


X  I  X 

Vas,  ma  lettre!  parais  avec  toutes  les  grâces  du 
malin,  compagnes  de  la  rosée! 

(Juc  de  choses  j'ai  à  dire!  Je  commencerai  par 
demander  pardon  d\... 

Malgré  tout  le  charme  du  moment  d'hier,  il  m'en 
reste  un  souvenir  mêlé  de  quelque  peine,  et  la  pre- 
mière c'est  que  vous  avez  pu  penser,  chère  Laure, 
que  n'ayant  pas  prononcé  une  seule  fois  ce  nom 
chéri,  je  méprisais  cette  douce  attention,  cette 
faveur  grande  et  légère  tout  à  la  fois;  une  de  vos 
paroles  me  l'a  faitappercevoir.  Mais  comment  vous 
exprimer  l'espèce  de  crainte  qui  me  retenait?  Vous 
étiez  encore  imposante  pour  moi,  je  n'ose  me  livrer 
à  tout  mon  délire  de  tête  de  peur  de  vous  déplaire, 
et  dire  Laure  sans  dire  :  je  t'aime,  me  semble  une 
hérésie  en  fait  d'amour. 

Cette  crainte  de  déplaire,  cette  ligne  de  respect, 
ce  sont  des  barrières,  et  jamais  cerf  n'a  couru  entre 
deux  grilles! 

0  Laure,  quelle  mauvaise  grâce  l'on  a  à  répéter 
sans  cesse  les  mêmes  vœux  et  les  mêmes  paroles, 
surtout  lorsqu'on  se  voit  refusé  ! 

Un  homme  qui  nous  aurait  apperçus  hier  aurait 
bien  pu  dire  :  «  ou  ce  sont  deux  sots  ou  deux  amou- 
reux «.Puisque  vous  n'avez  pas  honte  de  me  laisser 
mendier,  je  devrais  garder  l'effronterie  des  pauvres; 
mais  je  serai  le  plus  généreux,  et  je  jure  de  rester 


204  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

à  compter  d'aujourd'hui,  huit  jours,  huit  grands 
jours  tout  entiers,  sans  t'exprimer  un  seul  de  mes 
désirs,  puisqu'ils  troublent  ta  tranquillité! 

J'ai  cru  voir,  hier,  que  tu  regardais  comme  un 
grand  sacrifice  que  de  m'écouter  pendant  un  ins- 
tant1! 


XX 


[Villeparisis,  lundi  matin  1822.] 

Que  d'amour!...  J'en  devrais  être  fier:  je  le  suis, 
si  je  veux  être  franc,  mais  j'ai  honte  de  moi.  Jamais 
mon  bonheur,  si  j'en  ai  goûté,  n'a  chagriné  per- 
sonne! Eh,  ce  serait  aujourd'hui  que,  vil  égoïste, 
je  détruirais  celui  d'un  être  dont  la  douleur  vue 
pendant  une  seconde  me  ferait  lui  sauter  au  cou, 
et  lui  dire  :  Pardonnez  moi,  j'étais  un  méchant,  et 
c'est  à  moi  seul  à  souffrir. 

Si  vous  veillez,  si  vous  souffrez,  apprenez  que  je 
souffre  et  que  je  veille,  qu'hier  au  soir  j'ai  été  au 
martyre,  que  j'avais  la  fièvre  comme  toute  la  jour- 
née, qu'enfin  au  comble  du  bonheur,  ce  bonheur 
m'assassine,  parce  qu'il  doit  affliger  un  être  qui 
vaut  mille  fois  plus  que  moi2.  Et  vous  l'auriez 
aimé  à  la  longue. 

1.  Au  verso  de  ce  brouillon,  une  multiplication  et  une  division 
de  la  main  de  Balzac. 

2.  Balzac  avait  d'abord  commencé  cette  lettre  par  ces  divers 
débuts  : 

«  Par  quels  accens  vous  remercier!  Hélas,  ce  ne  sera  ni  de 
joie,  ni  de  chagrin!...  Oli  si,  du  chagrin...  » 


LETTRES  DE  BALZAC.  mr 


XX] 


[Villeparisis,  ...  1*22.1 

Si  vous  êtes  fidèle  au  seul  entraînement  qui  vous 
ait  dominée,  si  vous  n'avez  été  la  conquête  que 
d'un  seul  homme,  vous  n'aurez  rien  à  vous  re- 
procher. Sinon,  je  crois  qu'il  n'y  aurait  pas  de 
terme  pour  qualifier  votre  crime. 

Rayons  de  notre  dictionnaire  le  mot  d'amitié. 
Vous  ne  me  serez  jamais  indifférente,  mais,  aussi, 
vous  ne  pouvez  pas  être  mon  amie  et  je  ne  peux, 
je  ne  dois  pas  être  votre  ami. 

Je  vous  laisse  en  deviner  les  motifs. 

Je  ne  veux  pas  vous  dire  le  parti  que  je  prends 
parmi  les  trois,  les  seuls  à  prendre,  car,  vous  l'ex- 
pliquer serait  une  véritable  vengeance,  et  un  levain 
de  peine  que  je  vous  léguerais. 

Leibnitz  prétend  que  toute  la  masse  idéale  est 
coordonnée  dans  la  nature  et  que  cette  chaîne  com- 
mence au  plus  insensible  jusqu'au  plus  sensible: 
il  dit  que  les  marbres,  par  cela  même  qu'ils  nais- 
sent et  croissent,  ont  des  idées,  mais  extraordinai- 
rement  confuses.  Je  serai  marbre,  passif  dans  la 
vie.  Celui  qui  se  blessera  contre  moi  me  maudira, 

«  J'ai  plus  que.  » 

Par  quels  accens  vous  peindrais-je.  » 
-  Quels  accens  ferais-je  entendre!...  Vous  êtes  navrée  et  je 
le  suis  plus  que  vous....  ■ 
«  J'étais  à....  » 
«  Il  faudrait  être  né  tigre....  » 


206  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

celui  qui,  fatigué,  viendra  s'asseoir  me  bénira.  Si 
l'on  me  polit  et  que  Ton  me  mette  au  haut  d'une 
colonne  pour  ornement,  j'y  resterai;  si  Ton  m'em- 
ploye  à  la  construction  d'une  étable,  j'y  resterai, 
également  insensible  aux  injures  et  aux  bienfaits. 
Adieu,  mon  rôle   commence. 


XXII 

[Villeparisis,  ...  1822.] 

Oui,  Laure,  reste  brillante  !  Je  n'examine  point 
si  l'on  doit  tenir  sa  promesse,  si  de  tels  retards  ne 
sont  pas  des  folies,  si....  Je  n'ai  pas  le  courage  d'en 
écrire  davantage. 

Adieu,  reste  brillante,  te   dis-je. 

Mais  rien  ne  m'empêchera  d'être  à  la  grille  à 
dix  heures  et  d'y  rester  en  mémoire  de  celle  qui 
devait  l'ouvrir,  en  souvenir  des  délices  que  j'y 
devais  trouver. 

Il  sera  beau  d'y  être  sans  espoir. 


XXIII 


[Villeparisis,  ...  1822.] 

0  Laure,  c'est  au  milieu  d'une  nuit  pleine  de 
toi,  au  sein  de  son  silence  et  poursuivi  par  le  sou- 
venir de   tes  baisers   délirans,   que  je   t'écris,  et 


LETTRES  DE  BALZAC.  '2<>7 

quelles  idées  puis-je  avoir?  lu  les  as  toutes  em- 
portées. Oui,  mon  âme  boute  entière  s'est  attachée 
;«  la  tienne,  et  lu  ne  marcheras  désormais  qu'avec 

moi. 

Oh,  je  suis  environné  d'un  prestige  tendrement 
enchanteur  et  magique;  je  ne  vois  que  le  banc,  j<* 

ne  sens  que  ta  douce  pression,  et  les  fleurs  qui  sont 
devant  moi,  toutes  desséchées  qu'elles  soient,  con- 
servent une  odeur  enivrante. 

Tu  témoignes  des  craintes  et  tu  les  exprimes  d'un 
ton  déchirant  pour  mon  cœur.  Hélas  !  je  suis  sûr 
maintenant  de  ce  que  je  jurais,  car  tes  baisers 
n'ont  rien  changé....  Oh,  si,  je  suis  changé,  je 
t'aime  à  la  folie'  ! 


XXIV 

[Villeparisis,  ...  1822.] 
Ma  pauvre  maman, 

La  joie  que  j'avais  en  vous  quittant  était  une  joie 
affectée.  Aussitôt  que  je  vous  ai  perdue  de  vue,  la 
tristesse  m'a  envahi,  et  j'ai  regagné  le  banc  chéri, 
où  je  suis  resté  une  grosse  heure,  veuf,  passif,  mo- 


1.  En  tète  de  ce  brouillon,  Balzac  avait  d'abord  écrit  :  ■  () 
Laure,  c'est  au  sein  de  la  nuit,  du  fonds  de  son  silence  et  p....  » 
Au  verso  du  feuillet  sur  lequel  il  est  écrit,  on  lit  : 
«  Madame  Vaillant,  soyez  à  la  maison  rue  Portefoin  mercredi  ». 
puis,  au-dessous,  également  de  sa  main  :  «  Ce  n'est  pas  l'affaire 
d'un  moment  que  de...  »  et  :  «  Y  a-t-il  au  monde  quelque  chose 
de  plus  ridicule  qu'un....  » 


'208  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

rose.  Heureusement  que  vous  ne  m'avez  pas  vu. 

Il  faut  que  ce  chagrin  soit  quelque  chose  de  réel, 
puisque  le  souvenir  de  tes  tendres  caresses  ne  l'al- 
lège pas.  En  rentrant,  cette  pauvre  Commin1  riait 
à  gorge  déployée,  en  lisant  Jean-Louis,  et  me  dit 
avec  son  franc  sourire  : 

—  «  Ah,  Mr,ce  livre  est  bien  amusant. 

En  tout  autre  moment,  ce  mot  m'aurait  ému  au- 
tant à  cause  du  plaisir  que  je  procurais  à  un  être 
qui  joue  sur  le  bord  de  la  tombe,  que  comme  jouis- 
sance d'amour  propre.  Mon  cœur  était  comme  moi. 
Tout  avait  un  aspect  décoloré,  terne.  Le  sourire 
de  bonne  Ma[man)  m'a  déplu,  la  voix  de  mon  père 
n'avait  plus  d'attrait,  et  j'ai  lu  le  journal  les  larmes 
dans  les  yeux. 


XXV 


[Yilleparisis,  9(?)  mai  1822] 

Oui,  Laure,  je  ne  partirai  d'ici  que  jeudi  soir 
[16  mai],  ce  serait  par  trop  cruel  de  se  refuser  à 
revoir  le  banc  pour  la  dernière  fois.  Mais  j'espère 
que  mercredi  soir  je  te  verrai  à  ton  retour  de  Paris 
et  que  je  te  reconduirai. 

Hélas!  il  est  une  prière  que  j'ose  faire,  si  toutes 
fois,  elle  est  facile  à  exaucer.  Dimanche  12  [mai], 
ma  mère  ne  sera  plus  à  Paris,  j'y  reste  seul,  c'est 

1.  La  mère  Commin,  l'Iris  messagère  de  Balzac  à  sa  sœur  (voir 
la  Correspondance),  qui  lui  portait  les  leltres  de  sa  famille,  en 
1810-1820,  rue  Lesdiguières.  [S.  L.] 


LETTRES  DE  BALZAC.  '200 

la  surveille  de  mon  départ.  Sous  le  prétexte  de 

faire  sortir  tes  enfans,  enfin  que  sais-je?  ne  pourrais- 
lu  l'y  trouver?  Songe,  Laure,  que  ce  n'est  qu'une 
prière,  un  vœu. 

Quant  à  notre  correspondance,  l'asile  dernier  où 
se  réfugieront  mes  pensées,  et  où  se  déployera 
mon  cœur,  je  crois  que  nous  ne  saurions  prendre 
trop  de  précaution.  Ainsi,  j'écrirai  de  Bayeux  de 
manière  à  ce  que  tous  les  mercredis  il  se  trouve  à 
Paris,  au  bureau  restant,  une  lettre  adressée  à 
Madame  Laure  ;  elle  sera  sous  envellope,  pour 
qu'on  ne  puisse  reconnaître  qu'elle  vient  de  Bayeux. 
Et  toi,  Laure,  tu  auras  soin  que  tous  les  mêmes 
mercredis,  il  parte  de  Paris  une  lettre  pour  ton 
fidèle  ami,  qu'elle  ne  soit  jamais  mise  à  la  poste 
d'ici.  Voici  l'adresse  :  M1.  H.  chez  Mr.  S.  rue 
Teinture,  à  Bayeux1.  Si  je  puis  donner  des  ordres, 
je  vous  prescris  que  vous  fassiez  écrire  l'adresse 
de  l'ami,  mais  je  veux  que  les  lettres  soient  écrites 
menu  serré  et  sans  blanc. 

J'espère  que  mercredi  soir  j'aurai  un  flacon, 
celui  que  j'achève,  car  assez  ancien,  reste,  puisqu'il 
ne  peut  me  servir.  Tous  ces  détails,  ces  apprêts 
ressemblent  aux  dernières  dispositions  des  mou- 
rans.  Ah!  si  j'avais  un  testament  à  faire,  il  serait 
contenu  dans  ces  simples  paroles  :  «  Aime  moi 
toujours,  que  je  sois  toujours  présent  à  ta  pensée, 
que,  du  fond  de  mon  exil,  si  cet  espoir  se  fonde,  je 
puisse  me  dire:  Il  est  dans  l'univers,  à  tel  endroit, 
un  être  à  qui  je  suis  cher  et  qui  pense  fidèlement  à 

1.  Monsieur  Honoré,  chez  M.  Surville,  rue  Teinture,  à  Bayeux. 

14 


210  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

moi,  que  ma  pensée  se  rencontre  avec  la  sienne,  de 
même  que  mon  imagination  l'entoure  ».  Ce  lien 
voltige  sur  mes  pas  et  ces  angéliques  douceurs 
n'ont  rien  qui  puisse,  hélas,  faire  rougir  la  vertu. 
Oh  Laure  !  j'aurai  fait  plus  que  bien  des  hommes! 
Sans  être  J.  Ghr.  j'ai  fait  mieux  que  lui.  Que  m'en 
reviendra-t-il?  Plus  de  regrets  que  de  jouissances 
morales.  N'importe,  le  fatal  voyage  est  tellement 
décidé  que  ma  mère  n'en  parle  que  comme  si  j'étais 
déjà  en  route.  Le  moyen  de  reculer?  Grandite1 
mère  m'aurait  mal[me]né,  je  m'y  suis  résolu.  N'im- 
porte, il  le  faut,  je  le  dois,  plutôt  pour  toi  que  pour 
moi,  et  sache,  Laure,  que  ce  n'est  qu'à  cause 
de  toi  que  je  vais  à  Bayeux,  que  si  je  vais  là  préci- 
pitamment, que  j'abandonne  tout  ce  qui  me  retenait 
ici  :  Clotilde*  à  moitié  imprimée,  affaires,  et,  ce  qui 
est  pis,  ta  présence,  ta  douce  présence,  et  les  dou- 
ceurs et  les  plaisirs  suaves  qui  en  découlaient,  il 
faut  dire  adieu  à  tout!  et,  quand  je  reviendrai,  peut- 
être  auras-tu  changé!  Ton  frère  ne  saura  jamais 
l'étendue  de  mon  sacrifice,  non  seulement  par  rap- 
port à  la  violence  de  ma  passion  mais  à  l'avenir 
des  obligations  sacrées  en  jeu  que  je  trahis5. 


1.  M.  de  Lovenjoul  a  écrit  en  note  de  la  copie  de  cette  lettre  : 
Sa  grand'mère. 

2.  Clotilde  de  Lusignan,  ou  le  Beau  juif.  Paris,  Hubert,  1822. 
4  vol.  in-12. 

3.  L'autographe  de  ce  brouillon  fut  écrit  au  moment  où  Balzac 
composait  Wann-Chlore.  Il  porte  la  trace  de  différents  essais 
d'orthographe  pour  ce  nom.  [S.  L.] 

Wann-Chlore,  écrit  en  1822,  n'a  paru  qu'en  1825. 


LETTRES  DE  BALZAC.  211 


XXVI 

[Villeparisis,  ...  1822.] 

Ah,  ma  chère  Laure,  ne  nous  abusons  plus;  les 
pleurs  qui  roulaient  dans  tes  yeux,  la  souffrance 
qui  se  déployait  sur  ton  visage,  et  le  combat  inté- 
rieur dont  les  vestiges  apparaissaient  dans  ta  noble 
conduite,  prouvent  que  je  te  serais  odieux  si  je  ne 
tenais  pas  à  ma  promesse.  De  combien  s'en  est-il 
peu  fallu  que  je  la  violasse,  et  si  la  douleur  infer- 
nale que  je  ressentais  et  que  je  t'ai  cachée  avait 
duré,  je  fusse  devenu  criminel. 

Oh,  maintenant,  je  vais  mettre  autant  de  soins  à 
te  taire  combien  je  t'aime,  que  j'ai  mis  de  recherches 
à  le  faire  voir;  je  couvrirai  mon  âme,  chagrine  et 
navrée,  de  la  robe  brillante  de  la  joie,  j'abaisserai 
mes  paupières,  je  voilerai  ma  pensée,  j'amortirai 
le  feu  de  mes  expressions;  je  tâcherai  d'être  égal, 
simple,  pur,  tranquille  comme  un  ami. 

Voyons,  prenons-en  l'allure,  et  commençons  par 
te  gronder,  te  gronder  toi  seule,  car,  sans  l'indul- 
gence, il  n'est  point  de  vertu,  et,  me  dispensant 
alors  d'interroger  ta  vie  passée,  et  de  jeter  le  blâme 
sur  celui  qui  veut  t'être  toujours  cher,  et  qui,  s'il 
me  connaissait,  ne  m'en  voudrait  jamais,  occupons- 
nous  du  présent  et  de  l'avenir. 

Notre  conscience  ne  nous  reproche  rien,  et  nous 
pouvons  regarder  en  arrière  sans  rougir;  quanta 
l'avenir  il  est  entre  les  mains  du  hazard.  Mais  ce 


219  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

à  quoi  nous  devons  prendre  garde,  Laure,  c'est  aux 
apparences,  qui,  jusqu'ici,  je  dois  le  dire,  nous 
condamment  entièrement  et  réfléchis  que,  vertueux, 
c'est  un  grand  malheur  que  d'être  signalés  comme 
des  criminels  ;  bien  que  notre  propre  cœur  nous 
console,  on  n'en  reste  pas  moins  accablé;  et  crimi- 
nels, c'est  un  devoir,  même  une  sorte  de  vertu,  de 
taire  la  faute  aux  yeux  du  monde.  Il  est  peu  de  ces 
âmes  grandes  et  nobles,  qui  disent  avec  l'Evangile  : 
«  Ce  n'est  pas  à  moi  de  jetter  les  premières  pierres.  » 
On  ne  voit  que  gens  occupés  à  en  ramasser  ! 

Je  crois  que  nous  ne  pouvons  pas  nous  dissi- 
muler que  l'œil  perçant  des  jeunes  filles  nous  devine. 
Je  ne  sais,  mais  jamais  je  ne  puis  regarder  ton  E  ' 
sans  qu'elle  rougisse  et  que  sa  figure  ne  dise  quelque 
chose  que  je  ne  saurais  exprimer.  Quant  à  A1,  le 
dédain  et  une  foule  d'autres  sentimens  percent 
maintenant.  J.3nous  a  depuis  longtems  compris, 
et  toutes  no[us]  entourent  d'une  masse  de  senti- 
mens qu'elles  ne  cachent  plus.  Une  indiscrétion 
qui  leur  révélerait  que  je  viens  en  leur  absence  jus- 
tifierait leurs  soupçons,  et  tout  cela  retomberait 
sur  nos  têtes  chastes  et  pures. 

J'espère  que  dans  ces  observations  tu  ne  verras 
que  l'attention  d'un  ami  qui  ne  craint  que  pour  toi, 
car  rien  de  fâcheux  n'en  résulte  pour  ma  personne. 

Il  y  a  plus.  Le  bruit  court  que  je  ne  suis  si  assidu 

1.  M.  de  Lovenjoul,  dans  la  copie  qu'il  a  faite  de  cette  lettre, 
a  mis  entre  crochets  :  E[lisa].  Aucune  fille  de  Mme  de  Berny  ne 
portant  ce  prénom,  nous  pensons  plutôt  qu'il  s'agit  d'Emma- 
nuelle, née  le  28  juin  1806. 

2.  Louise-Alexandrine  de  Berny. 

3.  Augustine-Jeanne-Antoinette  de  Berny,  née  le  10  avril  1707. 


LETTRES  DE  BALZAC.  v2i:> 

([ue  [jour  l'aire  nia  COlir  à  Ion  E.,  et  déjà  l'on  dit 
qu'un  mariage  se  prépare,  (ferles,  si  j'étais  en  ce 
moment  de  fortune  à  me  marier,  je  n'hésiterais  |>as . 
Mais  si,  par  un  bavardage  commun  entre  les  gens, 
un  mol  en  tombait  dans  l'oreille  d'E.,  bien  que  je 
ne  sois  pas  de  tournure  ni  de  nature  à  rien  faire 
naître  dans  le  cœur,  on  ne  pourrait  pas  s'empêcher 
d'y  penser,  et  ce  serait  déjà  de  trop. 

Il  ne  résulte  pas  de  cela  qu'il  ne  faille  pas  nous 
revoir,  mais  je  veux  venir  peu  à  peu  moins  souvent, 
te  regarder  moins  en  leur  présence,  être  plus  affec- 
tueux avec  elles,  ne  pas  s'enfuir  quand  elles  viennent, 
et,  quant  à  nos  charmans  tête  à  tête,  ah!  Laure,  je 
crois  que  nous  pouvons  bien  les  trouver  sans  que 
personne  n'en  sache  rien.  Ah,  la  jeune  fille  timide 
et  fîère  de  Vevei  savait  trouver  des  chalets  à 
Job,  savoyard;  Héro,  la  nuit,  éclairait  le  détroit 
que  traversait  Léandre  et  les  nombreuses  allégo- 
ries des  métamorphoses  de  la  fable  prouvent  qu'il 
n'existe  point  d'obstacles  pour  ceux  qui  aiment  et 

toujours '  à  faire  de  l'impossible  une 

idée  qui  ne  représente  rien. 

Forte  de  ma  promesse,  ma  mère  ne  cesse  de  parler 
de  mon  voyage  de  Bayeux  comme  d'une  chose  cer- 
taine, oh  pourquoi  la  ligne  que  tu  écriras  le  samedi 
soir  ne  vient-elle  pas  le  matin,  je  n'irais  pas  à 
Bayeux.  Mais,  puis  je  n'irai  pas  là....  ma  vie  est 
ici,  que  dis-je  même,  non  c'est  l'idée  contraire, 
puisque  j'ai  promis  mon  suicide. 

Ne  pourrai-je  encore   vivre  et  vous  écrire  une 

1.  Mots  illisibles. 


_i;  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

lettre  froide  et  sans  vous  dire  que  je  vous  aime  et 
que  vous  êtes  mon  unique  pensée  çt  la  somme 
totale  de  mon  bonheur. 


XXVII 

B[ayeux],  30  jfuillet  1822.] 

Je  n'ose  vous  dire  que  vous  m'attristez  en  ne 
mettant  plus  de  fleurs  dans  vos  lettres.  Mon  eau  de 
Pfortugal]  est  finie,  et  sans  mon  Chénier,  je  serais 
sans  amulette,  je  n'ai  pour  toute  ressource  que  de 
trouver  dans  les  anciennes  fleurs  une  odeur  dis- 
parue. 

Pourquoi  tout  cela?  Je  serais  fort  embarrassé 
d'en  donner  une  raison,  car,  à  présent,  je  ne  veux 
plus  rien  m'expliquer,  je  ne  le  peux  plus.  Je  vais 
revenir,  dans  une  huitaine  je  pars. 

En  vérité,  et  je  vous  écris  dans  la  sincérité  de 
mon  cœur,  je  ne  vois  pas  de  quel  droit  je  trouble- 
rais votre  bonheur  pour  un  reste  d'existence  que  je 
crois  qu'il  n'est  au  pouvoir  de  personne  d'embellir. 
Il  y  a  des  êtres  qui  naissent  malheureusement,  je 
suis  de  ce  nombre.  C'est  persuadé  de  cette  évidence 
que  je  vous  écris. 

J'ai  vu  avec  plaisir  que  vous  avez  reconquis 
votre  libre  arbitre,  j'en  suis  joyeux  plutôt  pour  vous 
que  pour  moi.  Oui,  L[aure],  je  vous  en  supplie, 
maintenant  que  vous  êtes  maîtresse,  persuadez  bien 
à  ceux  qui  me  haïssent  qye  je  ne  mérite  ce  senti- 
ment d'aucune  créature,  car,  maintenant  que  vous 


LETTRES  DE  BALZAC  Mû 

êtes  libre  de  me  voir,  de  me  recevoir,  que  je  le 
suis,  cl   qu'aucune  force   ne  peut  m'empécher  de 

vous  voir,  j'y  renonce  de  plein  gré,  si  ce  sacrifice 
assure  le  bonheur  de  quelqu'un  et  le  vôtre  par  con- 
séquent, 

Il  n'entre  dans  cette  détermination  aucun  motif 
que  l'on  puisse  incriminer,  elle  m'est  dictée  par  le 
sentiment  de  non-valeur  que  j'ai  de  moi-même.  Je 
suis  trop  peu,  ma  vie  intellectuelle  est  trop  peu  de 
chose,  pour  que  je  blesse  seulement  un  insecte 
pour  la  récréer.  Oui,  je  crois  m'etre  abusé  sur  moi- 
même,  je  me  suis  en  outre  abusé  sur  la  vie.  Je  dois 
désormais  rester  dans  l'ombre  et  y  végéter. 

Je  m'applaudis  en  quelque  sorte  d'être  sorti  de 
mon  néant,  puisque  cela  vous  a  fait  connaître  à 
quel  point  vous  êtes  aimée.  Ceux  qui  vous  aiment 
doivent  seuls  connaître  l'étendue  de  ce  sacrifice 
volontaire,  et,  pour  peu  qu'il  y  ait  encore  une  étin- 
celle de  générosité  dans  le  monde,  on  doit  s'en 
étonner  et  m'en  savoir  gré.  Content  désormais  de 
vivre  dans  votre  cœur,  si  j'y  tiens  la  place  que  je 
vous  donne  dans  le  mien,  je  me  nourrirai  de  sou- 
venirs, d'illusions,  de  rêves,  et  ma  vie  sera  toute 
imaginative,  ainsi  qu'elle  l'était  déjà  en  partie. 

S'il  y  a  de  grands  inconvéniens  à  dévorer  l'ave- 
nir en  l'enrichissant  de  tous  les  trésors  de  la  per- 
fection et  du  bonheur,  on  gagne  d'oublier  le  pré- 
sent et  pour  les  momens  de  mélancolie  qui 
arrivent,  lorsque  les  yeux  se  dessillent  et  que  le 
dormeur  casse  les  porcelaines  de  sa  boutique  ou 
que  le  pot  de  lait  tombe,  on  a  eu  des  heures  char- 
mantes où  l'on  vit  double.  C'est  ainsi  que,  riche 


216  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

dans  la  pauvreté,  savant  dans  l'ignorance,  entouré 
de  créations  brillantes,  couronné  de  roses  imagi- 
naires, imitant  Lafontaine  dans  son  insouciance  et 
ses  rêves,  j'espère  compenser  pendant  le  peu  de 
minutes  qui  me  restent,  tout  ce  qui  me  fuit,  tout  ce 
que  mes  mains  débiles  ne  peuvent  pas  saisir.  Heu- 
reux que  je  suis  de  pouvoir  me  dire  que  je  n'ai 
jamais  fait  le  mal  et  que  je  n'ai  nui  à  personne.  Inap- 
perçu  sur  la  terre. et  c'est  un  de  mes  plus  grands 
chagrins,  j'aurai  vécu  comme  les  millions  d'ignorés 
qui  sont  passés  comme  s'ils  n'avaient  jamais  été. 

Au  milieu  de  ces  illusions,  filles  élégantes  d'une 
imagination  trop  mobile,  il  y  aura  une  étoile  fixe, 
toujours  brillante,  qui  me  servira  de  boussole,  ce 
sera  vous,  mon  aimable  amie  ;  sans  cesse  présente, 
jamais  oubliée,  vous  êtes  sûre  de  vivre  autant  que 
moi.  Par  une  bizarrerie  du  sort,  c'est  ainsi  que  prêt 
à  revenir,  je  vous  fais  des  adieux.  Si  vous  avez 
souhaité  de  me  voir  guéri,  j'en  aurai  toute  l'appa- 
rence. Nous  remettrons  donc  à  un  autre  tems 
toutes  les  douceurs  d'une  tendre  amitié,  et  ce  sera 
lorsque  vous  serez  tout  à  fait  comme  Mlle  de  R., 
que  notre  intimité  ne  choquera  plus  personne. 
J'espère  qu'alors  vous  n'aurez  plus  à  souffrir  de 
l'humeur  de  personne  et  j'aurai  la  satisfaction  de 
savoir  que  de  ma  peine  est  sorti  le  bonheur  d' autrui. 

Lorsqu'on  est  médiocre,  qu'on  n'a  pour  tout  bien 
qu'une  âme  sans  fiel  et  sans  levain,  on  doit  se  faire 
justice;  la  médiocrité  de  moyens  ne  donne  point 
de  grandes  jouissances,  et  faute  de  ce  pouvoir  de 
distribuer  les  grandes  émotions  et  de  répandre  les 
trésors  de  la  renommée,  du  talent,  des  grandeurs, 


LETTRES  DE  BALZAC.  ^'7 

c'est  obligation  de  retirer  son  cœur  de  la  scène,  car 
il  ne  faut  leurrer  personne.  Il  y  a  la  même  fripon- 
nerie morale  que  lorsqu'on  vante  une  maison  qui 
croule.  Les  avantages  du  génie  et  les  privilèges  des 
grands  hommes  sont  les  seules  choses  qu'il  soil 
impossible  d'usurper.  Un  nain  ne  peut  pas  lever  la 
massue  d'Hercule. 

J'ai  dit  que  je  mourrais  de  chagrin  le  jour  que  je 
reconnaîtrais  que  mes  espérances  sont  impossibles 
à  réaliser.  Quoique  je  n'aye  encore  rien  fait,  je 
pressens  que  ce  jour  approche.  Je  serai  viclime  de 
ma  propre  imagination.  Aussi,  L[aureJ,  je  vous 
conjure  de  ne  point  vous  attacher  à  moi,  je  vous 
supplie  de  rompre  tout  lien.  Vous  vous  éviterez  des 
peines,  c'est  déjà  beaucoup  trop  que  vous  m'ayez 
vu  et  que  vous  ayez  pris  de  moi  une  idée  avanta- 
geuse. Je  puis  la  mériter  sous  le  rapport  des  quali- 
tés précordiales,  certes,  et  c'est  peut-être  un  reste 
de  présomption  évanouie.  Certes,  je  crois  être  bon, 
mais  voilà  tout.  Croire  autre  chose  et  continuer  à 
me  voir,  c'est  semer  le  chagrin.  Ne  me  devenez  pas 
mère  ;  ce  sera  bien  assez  que  la  mienne  s'afflige. 

Je  vous  ai  dévoilé  l'intérieur  de  ma  pensée;  c'est 
une  fois  pour  toujours.  Ce  que  je  viens  de  pro- 
mettre je  le  tiendrai,  lorsque,  de  votre  part,  vous 
l'aurez  accepté.  Je  ne  vous  reparlerai  plus  de  mon 
chagrin  et  je  tâcherai,  d'ici  au  10  d'août,  de  conqué- 
rir une  écorce  joyeuse  et  une  figure  supportable. 

Ce  ciel  de  la  Normandie  est  froid,  l'azur  en  est 
terne,  je  commence  à  m'y  trouver  mal  à  l'aise  et  je 
me  blase  sur  tout  ce  que  j'y  fais.  Grand  Dieu,  que 
de  mauvaises  choses  j'y  ai  faites  !  C'est  à  reculer. 


218  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Au  surplus,  que  m'importe,  puisque  tout  m'est 
indifférent. 

Vous  ne  me  parlez  pas  de  votre  maison,  de  ce 
que  vous  faites,  dites,  comment  vous  vivez.  Pro- 
menez-vous, allez-vous  dans  cette  prairie,  dans 
ce  potager  que  je  vois  si  souvent?  Comment  ces 
jnes  v0nt_elles?  quelles  parties,  quelles  fêtes? 
S'asseoit-on  sur  ces  bancs,  franchit-on  cette  haie 
normande?  Le  piano,  le  chant  est-il  abandonné. 
Vous  ne  m'avez  pas  seulement  dit  où  l'on  a  placé 
les  deux  sépias  de  Mlle  J.... 

Je  ne  vous  ai  pas  raconté  mon  voyage  de  Cher- 
bourg, qui,  certes,  est  bien  digne  d'une  belle  lettre, 
je  dis  belle,  par  les  travaux  dont  il  serait  parlé.  Ces 
travaux  sont  la  plus  belle  conquête  des  hommes,  le 
nec  plus  ultra  des  constructions  humaines,  et 
jamais  les  Romains  n'ont  rien  fait  d'aussi  étonnant. 
Les  pyramides  d'Egypte  ne  sont  pas  si  colossales, 
pour  l'art  et  pour  l'exécution.  Enfin,  l'esprit  et 
l'œil  sont  tellement  étonnés  des  proportions  gigan- 
tesques de  ces  admirables  projets  que,  lorsqu'on 
revient  de  là,  rien  n'est  plus  saillant.  On  ne  trouve 
plus  de  difficultés,  parce  que  l'on  a  construit  une 
autre  échelle  de  comparaison  pour  l'impossible. 
L'audacieux  génie  qui  a  osé  promettre  au  génie 
d'alors1  de  réaliser  de  pareilles  conceptions,  mourra 
sans  récolter  le  laurier  qui  lui  appartient  :  M.  Ca- 
chin,  l'Homère,  le  Newton,  le  Dante  de  l'architec- 
ture', n'est  connu  que  des  sa  vans  et  ce  nom,  qui 

1.  Napoléon. 

2.  Joseph-Marie-François  Cachin,  ingénieur,  né  à  Castres  en 
1757,  mort  à  Paris  en  1825.  Ce  fut  lui  qui  dirigea  les  travaux  de 
la  digue  et  des  fortifications  de  Cherbourg. 


LETTRES  DE  BALZAC.  219 

devrai!  être  populaire,  est  le  point  de  mire  de  la 
plus  basse  envie.  Quelque  jour  je  vous  ferai  une 

analyse  de  ces  travaux  qui  donneront  une  haute 
idée  de  noire  peuple,  et  vous  concevrez  alors  qu'il 
ne  peut  pas  y  avoir  de  bornes  à  l'enthousiasme 
qu'excitent  de  pareilles  créations. 

Je  compte  partir  le  9  ou  le  10  d'août,  ainsi  vous 
pouvez  m'écrire  encore  une  fois.  Adieu,  je  vous 
serre  toujours  cette  main  dénuée  de  sentiment,  et 
je  vous  prie  de  présenter  à  madame  V[aillant]  les 
tendres  hommages  qui  lui  sont  dus.  Vous  me  devez 
aussi  ces  lettres  brûlées.  L'autre  jour,  Sur[ville] 
chantait  :  «  Que  le  jour  me  dure.  »  Grand  Dieu,  qu'il 
chante  mal  et  que  votre  chant,  que  je  n'appréciais 
pas  jadis,  m'a  paru  charmant!  Readieu. 

P.  S.  —  Ne  dites  pas  chez  nous  que  je  vous  écris, 
cela  fait  mauvais  effet.  Je  vous  envoyé  des  litanies, 
et  à  eux  des  oraisons.  La  comparaison  ne  fait  pas 
plaisir  à  ....  et  c'est  juste.  Il  ne  me  restait  plus  que 
d'être  un  mauvais  fils! 


Suscriplion  :  Madame,  Madame  de  Berny,  à  Villeparisis, 
Seine-et-Oise. 


XXVI11 


4  8fcre  [1822.] 


Plus  nous  allons  et  plus  je  découvre  une  foule 
de  beautés  de  sentiment  dans  toi.  C'est  le  propre 


230  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

de  tout  ce  qui  est  véritablement  beau  d'être  fécond 
à  toujours  de  grandes  choses,  d'abord  inaperçues. 
Laure,  je  te  l'avoue,  la  consécration  du  banc,  cette 
tête  d'un  amour  que  nous  croyons  expirant,  le  ral- 
lume, et  loin  d'y  voir  une  tombe,  ce  lieu  charmant 
ne  m'est  apparu  que  comme  un  autel.  N'est-ce  pas 
trop  soigné  pour  un  sépulcre?  Oh,  non,  qu'il  soit 
à  jamais  ce  qu'il  est  !  Tombe  ou  autel,  peu  importe, 
pourvu  que,  dans  tout  le  reste  de  notre  vie,  lorsque 
nos  regards  tomberont  sur  cet  endroit,  ils  [nos 
cœurs]  battent  un  instant  à  l'unisson.  Le  souvenir 
n'a  rien  de  criminel;  il  embellit  la  vie  présente  de 
tout  ce  qui  charma  dans  la  vie  du  passé,  et  le  don 
de  la  pensée  fait  quelquefois  ainsi  vivre  au  double. 

Ne  t'ais-je  pas  dit  en  voyant  ce  luxe  champêtre  : 
«  Quel  discours!  »  A  en  juger  par  les  émotions 
que  nous  donnent  de  telles  actions  qui  n'ont  rien 
que  de  tendre  et  de  délicat,  que  devons-nous  pen- 
ser du  sentiment  principal  qui  les  dicta?  N'est-ce 
pas  folie  que  de  chercher  à  l'éteindre? 

0  Laure  !  reçois  à  ce  moment  tout  le  témoignage 
brûlant  d'un  véritable  enthousiasme!  Oui!...  je 
crois  que,  dans  tout  le  reste  de  ma  vie,  personne 
ne  me  donnera  une  fête  plus  simple  et  plus  magni- 
fique... 

Ce  muet  et  délicat  hommage  a  flatté  tous  les  sen- 
timent de  mon  cœur.  Et  tu  ne  serais  plus  rien  pour 
moi  !  Celle  qui  aime  tant  n'aurait  plus  en  partage 
que  le  sentiment  d'un  fils?...  Non,  non,  Laure,  tu 
seras  en  tiers  dans  toutes  mes  pensées,  et  ce  sera 
aussi  en  ton  nom  que  je  ferai  tout  ce  qui  me  portera 
à  m'élever  au-dessus   des  autres   hommes.  Je  ne 


LETTRES  DE  BALZAC.  221 

veux  plus  d'autre  devise  que  ton  nom  chéri,  ei  je 
me  sens  un  accroissement  de  désir  de  parvenir  el 
de  l'aire  en  sorte  qu'un  tel  culte  <lr  ta  pari  soit  jus- 
lifié.  J'en  suis  fier,  et  si  les  Croisés  dans  la  mêlée 
s'écriaient:  «  Dieu  le  veut!  »  mon  cri  sera  :  «  Laure 
l'espère!  »  à  chaque  fois  que  je  me  sentirai  au  fort 
des  travaux  qui  pourront  me  donner  quelque  gloire. 

Si  tu  souffres,  Laure,  que  crois-tu  que  je  res- 
sente, surtout  lorsque  de  pareilles  idées  empreintes 
de  toute  la  grâce  des  amours  réveillent  cette  masse 
de  sentimens,  que  je  crois  endormir?  Songe  donc 
que  l'aspect  seul  de  ta  douleur,  une  larme,  empor- 
tent mille  helles  résolutions? 

Il  y  aurait  quelque  grandeur  à  nous  cacher  l'un 
à  l'autre  combien  nous  nous  aimons.  Il  y  aurait 
encore  plus  de  grandeur  à  persister  dans  notre 
amour,  je  te  laisse,  ô  chérie,  cette  décision.  Au- 
jourd'hui, comme  il  y  a  quatre  mois,  je  te  soumets 
tout  mon  sort,  tout  mon  être,  mon  âme,  en  t'avouant 
que  je  n'ai  fait  que  gagner  par  le  contact  de  la 
tienne! 

Hé  quoi,  ma  Laure,  l'âme  éloquente  et  pure  du 
grand  Rousseau  ne  nous  a-t-il  pas  tracé  l'immortel 
tableau  de  deux  femmes  idéales,  aimant  le  même 
homme,  et  as-tu  rien  vu  de  plus  généreux  et  de 
plus  attendrissant  que  Claire?  Oui,  mais  l'amant 
de  Julie  l'ignorait,  et,  s'il  l'eut  su!... 

Je  ne  sais  ce  que  Rousseau  lui  eut  fait  faire. 

Ah  laisse-moi  t'avouer  que  mes  douleurs  me  sont 
douces  et  que  je  suis  heureux,  aussi  heureux  qu'un 
homme  puisse  l'être,  en  me  sentant  aimer  ainsi. 
Enfin,  en  te  dédiant  tout  mon  être  et  t'en  fesant 


SB3  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

souveraine,  je  crois  n'avoir  rien  fait  en  retour.  Je 
te  l'envoyé  ce  baiser  d'âme,  de  cœur,  de  tout,  ce 
baiser  auquel  je  voudrais  rendre  le  domaine  de  la 
pensée!  0  Laure,  je  t'aime  encore  plus  que  le  jour 
de  ce  premier  baiser  du  banc,  et,  pour  être  calme 
en  apparence,  mon  cœur  n'en  est  pas  moins  agité. 

Suscription  :  Madame  Deligny. 

«  Le  nom  de  Berny  effacé  par  Balzac  a  été  remplacé 
par  lui  par  celui  inventé  de  Deligny  ».  [S.  de  L.] 


LETTRES 

DE  MADAME  DE  BERNY  A  HONORÉ  DE  BALZAC 

(originaux) 
1828-1832 


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FAC-SIMILE   DE  L  ECRITURE  DE   MADAME   DE   BERNY 

15 


LETTRES  DE  MADAME  DE  BEIWY 

(originaux) 


Si  vous  aviez  été  gentil,  vous  m'auriez  fait  dire 
hier  en  m'envoyant  la  revue,  que  vous  ne  seriez 
pas  chez  vous  à  3h,  mais.... 

Ne  voulant  pas  encore  aujourd'hui  me  faire  dire 
par  tous  les  gens  de  votre  maison  que  vous  n'y  êtes 
pas,  je  vous  prie  de  me  faire  dire  si  je  peux,  mal- 
gré le  soleil  ou  la  pluie,  m'aventurer  jusqu'à  la  rue 
de  Gassini  à  3  h. 

Adieu  Didi,  on  t'aime  quand  même,  on  t'aime 
avec  tes  colères,  avec  tes  miriades(sic)de  caprices, 
avec  tes  manques  d'usage,  avec  toutes  tes  imper- 
fections qu'on  aime  elles-mêmes,  heureuse  d'avoir 
à  te  les  pardonner  pour  que  tu  en  pardonnes 
d'autres.  On  t'aime  malgré  la  corde  qui  te  manque, 
mais  on  t'adore  pour  toutes  celles  qui  font  vibrer 
ton  gentil  cœur  et  ta  belle  âme.  Adieu,  toi. 

Suscription  de  la  lettre:  Mr  Balzac1. 

1.  Sur  une  copie  de  cette  lettre,  le  vicomte  de  Lovenjoul  a 
ajouté  de  sa  main  l'adresse  :  Rue  de  Cassini,  à  Paris.  Balzac  a 
habité  la  rue  Cassini  du  1er  janvier  1828  à  1855. 


2-28  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 


II 


Vous  me  demandiez  sur  quelle  herbe  j'avais 
marché  ce  matin,  sur  celle,  chéri,  qui  infuse  le 
bonheur  puisqu'elle  me  conduisait  vers  toi. 

Je  suis  si  accoutumée  à  vivre  avec  toi,  non  pas  au 
jour  le  jour,  mais  par  minute,  que  chacune  de  celles 
qui  me  donnent  le  pouvoir  de  jouir  de  ta  douce  pré- 
sence est  pour  moi  toute  une  vie,  elle  absorbe  tout, 
passé,  avenir,  tout  est  en  elle.  Ainsi,  en  courant  ce 
matin  chez  toi,  je  n'avais  d'autre  idée  que  celle-ci, 
te  voir!  tes  projets  de  long  départ,  notre  séparation 
de  quatre  lieu[es],  tout  était  enveloppé  par  cette 
idée  :  te  voir!  oui,  oui,  cette  idée  fera  toujours 
l'office  de  ces  mouches  prévoyantes  qui  enferment 
leur  ennemi,  tel  fort  qu'il  soit,  dans  une  matière 
qui  leur  ôte  à  la  fois  et  la  vie  et  le  pouvoir  de 
nuire.  0  que  mon  âme  était  bien  ce  matin  près  de 
toi,  et  si  cette  disposition  eût  pu  durer  un  an,  un 
an  assise  sur  cette  barre,  mon  regard  sur  le  tien, 
me  livrant  à  toute  la  joyeuseté  de  l'amoureuse  folie, 
un  an  m'eut  paru  à  la  fois  un  siècle  et  une  seconde. 
Chéri,  je  sens  qu'hier  j'ai  été  mise  à  la  diète,  j'ai  ce 
soir  un  impérieux  besoin  de  paroles,  aussi  je  suis 
si  hardie  avec  ma  plume  :  je  suis  certaine  de 
mettre  tout  en  œuvre,  folie,  raison,  sagesse,  délire 
sans  entendre  un  cruel  et  impérieux  ta,  ta,  ta!  pour- 
tant ne  va  pas  croire  que  je  me  plaigne  de  ma 
soirée,  car  déjà,  ce  matin,  sur  une  phrase,  je  ne  sais 


LETTRES  DE  MAI) AMI-:  DE  BERNY.  229 

quelle  guêpe  l 'a  bourdonné  à  L'oreille,  pour  que  tu 
ne  m'aies  pas  toute  comprise!  Toi  ne  pas  me  com- 
prendre! <>  quand  ce  phénomène  arrivera  ou  en 
aura  vu  d'autres.  A  propos,  j'ai  ce  malin  été  fourbe 
et  menteuse,  cl  comme  tous  les  réprouvés  de  In 
nature  j'ai  porté  la  peine.  Je  te  disais  de  brûler 
mes  lettres!  pour  avoirde  toi  une  douceur)  (de  plus) 
et  ne  voilà-t-il  [pas]  mon  félon  qui  me  répond  quil 
me  les  rendra!...  je  n'en  veux  pas,  méchant,  et  je  ne 
veux  plus  entendre  cette  phrase,  car  elle  n'est  pas 
dictée  par  ton  cœur.  Le  serait-elle  parla  prudence? 
0  ami  céleste,  cher,  je  t'en  dispense.  Si  je  savais 
qu'on  put  comprendre  l'amour  que  j'ai  pour  toi,  je 
le  crierais  sur  les  toits,  sur  les  montagnes,  en  tous 
lieux,  certaine  qu'il  me  couvrirait  de  gloire,  qu'il 
m'entourerait  d'une  auréole  dont  chacun  des 
rayons  irait  vivifier  les  cœurs  aimant  et  commu- 
niquer aux  âmes  nobles  et  grandement  tendres  une 
sublime  exaltation. 

Dispense-toi  donc  de  cette  prudence  qui,  dans  ton 
bec  chéri,  me  semblerait  froideur,  si  nous  pouvions 
comprendre  ce  sentiment,  non  tu  ne  me  rendras 
pas  mes  lettres  et  tu  ne  t'en  sépareras  pas;  quand 
leur  volume  te  deviendra  gênant  tu  feras  ce  que  j'ai 
fait  pour  une  partie  des  tiennes,  tu  les  brûleras,  et 
en  garderas  les  cendres.  Le  plus  mince  morceau 
de  papier,  qui  a  eu  avec  toi  quelque  contact,  n'a 
jamais  été  perdu  pour  ta  bien-aimée,  j'ai  dit  une 
partie  de  tes  lettres,  car  pour  les  dernières  il  ne 
m'est  plus  possible  de  ne  les  pas  conserver  intactes. 
La  copie  me  semblerait  faible  et  les  cendres  un 
deuil.  Je  les  lis  et  relis,  elles  sont  devenues  mon 


*2:>0  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC 

manuel,  elles  sont  si  bien  l'expression  de  ta  chère 
et  fidèle  constance,  elles  me  peignent  si  bien  cette 
tendresse  toujours  plus  belle,  plus  active,  plus 
croissante,  que,....  ô  elles  me  sont  plus  chères  que 
je  ne  saurais  dire.  —  Ce  matin  j'ai  écrit  pour  toi  à 
Ernest,  si  tu  pouvais  réussir  à  quelque  chose  ici 
dans  ton  pays!  je  te  l'avoue,  j'en  ai  la  gracieuse 
espérance  qui  vient  soudain  montrer  sa  radieuse 
figure,  quand  la  crainte  de  ton  départ  ose  montrer 
son  hideux  visage,  et,  suivant  ma  gentille  coutume, 
ce  monstre  féminin  se  trouve  aussitôt  repoussé  par 
ma  déesse  favorite.  Que  ne  puis-je  la  placer  près 
de  toi  comme  j'y  suis  moi-même  ?  Je  ne  doute  pas 
que  si  tu  pouvais  lui  donner  la  préférence  sur 
cette  fripone  de  mélancolie  qui  agit  pour  toi  en 
coquette,  elle  te  suggérerait  mille  sentimens  utiles 
qui  lui  servent  de  cortège. 

Mais  ici  le  ta,  ta,  ta,  aurait  beau  jeu  et  serait  de 
belle  mise,  car  en  vérité  je  bavarde  inutilement,  et 
c'est  comme  si  je  te  demandais  de  changer  le  noir 
de  tes  chers  yeux  en  bleu.  Pardon,  mon  doux  maître, 
tenez,  je  me  tais.  Voilà  un  autre  volume  de  Mac- 
kensie,  lisez  et  donnez-moi  seulement  cette  main 
adorée  que  je  ne  me  lasserai  jamais  de  caresser. 
Puis,  n'ai-je  pas  une  autre  douce  occupation,  celle 
de  contempler  ton  bien  aimé  visage?  Quand  Rous- 
seau mourut,  il  demanda  qu'on  le  mit  à  la  fenêtre 
pour  jouir  une  dernière  fois  de  la  nature,  du  soleil; 
à  ma  dernière  heure  je  l'imiterai,  seulement  je  suis 
plus  riche,  mon  soleil  et  ma  nature  sont  à  moi 
seule!  —  Je  quitte  la  place  pour  ne  pas  tomber  dans 
ma  tendresse  accoutumée,  il  faut  finir  la  journée 


LETTRES  DE  MADAME  DE  BERNY.       231 

comme  elle  a  commencé.  Ainsi  je  pense  à  la  gen- 
tille manière  don!  tu  me  disais  «  .!<'  t'aime  »  tout 

en  mettant  1rs  papiers  dans  la  poche,  et  heureuse, 
mille  lois  heureuse,  je  te  quitte  en  Renvoyant  le 

sourire  du  bonheur  qui  erre  en  ce  moment  sur  des 
lèvres  où  In  déposes  souvent  tout  l'amour  et  toi. 
Adieu,  adieu,  gentil,  je  te  verrai  lundi;  ô  demain 
ils  ne  sauraient  ni  m'ennuyer,ni  me  déplaire,  ni  me 
chagriner;  je  te  verrai  lundi! 

Lundi  5  h. 

J'avais  envie  de  ne  pas  t'envoyer  ce  (sic)  rapsodie 
de  redites,  mais  il  doit  être  mis  sous  tes  yeux 
puisqu'il  a  été  écrit  à  cette  intention,  n'aurais-je 
pas  un  plaisir  toujours  nouveau,  toujours  plus  vif 
à  t'entendre,  à  te  lire  sans  cesse,  et  en  tout;  moi, 
n'est-il  pas  toi?  Voilà  5 h.  ne  dois-jeplus  t'attendre? 
ô  doux  et  gentil  espoir,  venez  sur  mon  cœur,  que 
je  vous  caresse,  montrez-moi  mon  chéri,  mon 
maître  adoré,  annoncez-moi  sa  venue.  Si  vous 
voulez  que  je  brûle  l'encens  sur  vos  autels,  je  ne 
vous  fatiguerai  pas  d'une  multitude  de  vœux  indis- 
crets, un  seul  et  je  me  tais.  Lui  et  lui,  voilà  tout. 
Pour  le  reste  donnez  ailleurs  à  pleines  mains,  je  ne 
prétends  rien  de  vous  ni  de  votre  grand  exécuteur, 
la  fortune.  —  Gentil,  le  soleil  semble  d'accord  avec 
mon  cœur,  il  rend  aujourd'hui  la  fraîcheur  à  la 
nature,  comme  notre  amour  à  tout  moi;  quelque 
chose  me  repousse  de  la  terre,  une  région  plus 
noble  semble  m'attendre.  N'entcnds-je  pas  mon 
ange! 


LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 


III 


Mardi  matin. 

Je  voudrais  qu'il  fut  au  pouvoir  de  la  pensée  de 
t'entourer  d'une  atmosphère  de  bonheur,  et  qu'elle 
s'infiltre  dans  toute  ta  vie  avec  cette  force  de  désir 
plein  d'amour  qui  semble  planer  sur  ta  tête  adorée. 
0  toi  !  toi  céleste  cher  !  rester  en  extase,  absorbée  par 
mes  souvenirs,  est  tout  ce  que  je  puis,  comment  te 
dire  mon  bonheur?  il  faudrait  que  tu  te  connusses, 
et  c'est  impossible,  impossible  que  tu  saches  sur- 
tout ce  que  tu  es  pour  moi.  J'aurais  souhaité,  dans 
un  rêve  plein  de  folie,  être  aimée  à  la  manière  du 
ciel,  ce  souhait  aurait  eu  un  entier  accomplis- 
sement, que  je  n'aurais  rien  obtenu,  en  comparant 
ces  bienfaits  aux  tiens.  0  que  puis-je  faire?  où 
trouver  la  force,  le  pouvoir,  tout  ce  que  je  voudrais, 
tout  ce  qu'il  me  faudrait  pour  payer  tant  d'amour  ! 
ma  soirée  d'hier  fait  à  elle  seule  dix  siècles,  et  tu 
pouvais  penser  à  ce  que  je  puis  devenir?  et,  mon 

sort,  quand  un  jour pourrait  être  un  obstacle 

à  tes  projets,  à  tes  désirs,  à  tes  volontés?  Non,  chéri, 
marche,  fort  de  ta  conscience  à  mon  égard,  tu  ne 
me  dois  rien,  tu  ne  me  devras  jamais  rien,  je  serai 
toujours  en  reste.  Mes  souvenirs  seront  plus  beaux, 
plus  riches  que  toutes  les  réalités  de  la  terre!  à  toi 
salut,  honneur,  amour!  Aujourd'hui  comme  tou- 
jours, quelle  que  soit  ta  conduite  à  mon  égard, 
riche  par  mes  trésors  de  jadis,  je  dirai  toujours 
inclinée  devant  toi  :  Salut,  honneur,  amour!  !  Juge 


LETTRES  DE  MADAME  DE  BERNY.  233 

alors  ce  que  doit  éprouver  mon  cœur  aimant,  quand 
je  pense  qu'un  être  ;»  pu  s'interposer  entre  ta  con- 
fiance <4  ce  cœur?  Si  ma  vie  n'était  toute  pris*;  par 
mon  reconnaissant  amour,  je  ne  s;iis  ce  que  je 
pourrais  te  dire,  mais  elle  ue  suffît  pas  à  te  remer- 
cier, comment  saurait-elle  trouver  des  mois  pour 
un  autre  emploi?  Cependant,  je  dis  à  mon  ami  que 
plus  je  m'étonne  de  la  richesse  de  cœur  de  mon 
chéri,  el  plus  aussi  j'ai  peine  à  penser  qu'il  ait  pu 
promettre  de  cacher  quelque  chose  à  celle  qu'il 
adore  avec  une  force  inconnue  à  ce  monde  de 
misère,  car  enfin,  cette  promesse  n'en  détruisait- 
elle  pas  une  plus  sacrée  quoiqu'émise  seulement 
par  le  cœur  d'une  confiance  à  l'épreuve  de  tout? 
Eh  bien,  mon  noble  maître,  je  m'incline  devant 
cette  peine  de  cœur  que  le  sort  nous  a  envoyée 
comme  pour  nous  faire  raser  la  terre  en  passant 
au-dessus  d'elle,  et  je  dis  nous,  car  mon  cœur  ne 
peut  souffrir  seul.  Ne  sommes-nous  pas  à  deux  en 
tout  et  pour  tout,  ou,  bien  mieux,  ne  sommes-nous 
pas  à  un?  Tu  reviendras  jeudi,  je  ne  sortirai  pas, 
dans  l'espoir  de  te  voir.  Te  voir!  soif  inextinguible, 
et  qui  semble  renaître  à  mesure  qu'on  croit  l'ap- 
paiser!  Adieu,  adieu!  ange  de  bonheur  et  d'amour, 
adieu. 


IV 


Si  tu  as  encore  mon  avant  dernière  lettre,  je  te 
prie  de  la  relire.  Si  tu  avais  jamais  éprouvé  dans  ta 
vie  une  minute  des  souffrances  que  j'ai  ressenties 


234  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

depuis  hier,  tu  n'aurais  pas  été  si  durement  et  inu- 
tilement cruel.  Quant  à  ton  exclamation  sur  les 
femmes,  je  la  comprends  à  peine,  mais  si  tu  veux 
un  cœur  qui  puisse  à  la  fois  t'aimer  comme  un 
Dieu,  et  se  séparer  du  tien  sans  souffrir,  c'est  une 
nouvelle  pierre  philosophale,  digne  d'un  injuste 
égoïste. 

Il  faut,  malgré  toutes  tes  rigueurs,  ne  pas  te 
laisser  un  espoir  que  tu  aurais  le  déplaisir  de  voir 
déçu,  la  pauvre  minette  est  recluse. 

Puisque  tu  vois  Janvier  ce  matin,  arrange  notre 
affaire  comme  tu  le  voulais  d'abord,  il  me  sera 
indifférent  d'y  paraître  en  nom.  Cependant,  j'aurais 
eu  du  plaisir  à  ce  que  nos  intérêts  ne  fussent  pas 
séparés,  cela  eut  été  un  brin  ajouté  à  la  gerbe  qu'il 
me  faudra  glaner  bientôt1. 

Suscription  de  la  Lettre  :  Mr  Balzac. 


V 


Dimanche  [1828.] 

Salut  à  mon  chéri  avec  l'aube  matinale,  cette 
aube  qui  aura  pénétré  dans  son  regard  comme  mon 
souvenir  dans  son  âme,  salut  à  mon  doux  maître. 
Source  de  ma  vie,  ô  toi  ange  gracieux,  si  jamais  tu 

1.  Peut-être  s'agit-il  ici  de  l'acte,  daté  du  3  février  1828,  et  où 
Madame  de  Berny  paraît  en  nom,  pour  la  première  fois,  dans 
les  affaires  de  Balzac.  Voir  ci-dessus,  p.  103  et  Appendice  VII, 
pièce  n°  73. 


LETTRES  DE  MADAME  DE  BERNY.       255 

m'as  donné  douleurs,  tu  n'étais  alors  que  l'effet 
d'une  cause  étrangère,  car  tout  ce  qui  me  vient  de 

toi  mVsl    charme   el   bonheur,  ô    reçois  avec  amour 

les  remercîments  que  je  l'envoie  pour  notre  journée 
d'hier.  Celle-là   aussi   tiendra  sa   place  dans  nos 

tendres  annales  ;  me  lever  dans  l'espoir  de  te  voir! 
t'attendre  !  te  voir!',  ô  le  voir,  sentir  notre  chère 
chambre  purifiée  par  ta  douce  présence  des  con- 
tacts  étrangers!  T'y  entendre  dire  que  tu  y  es  heu- 
reux! ô  chère  et  pure  moitié  de  ma  vie,  en  ce 
moment  je  verse  des  larmes,  mais  elles  sont  de 
bonheur.  —  Sortir  pour  aller  te  chercher,  t'attendre, 
te  retrouver,  dans  ces  doux  inslants,  mon  cœur 
équivalait  à  mille.  Notre  dîner,  ces  gracieuses 
actions  du  cœur  qui  se  transforment  en  plaisirs  de 
Ta  me,  tout  est  là,  comme  aussi  tes  souffrances. 
0  parles  m'en,  ne  me  laisse  rien  ignorer,  si  tu  veux 
que  je  vive,  et  ton  dernier  adieu,  ô  chéri,  j'oserai 
dire  qu'il  faut  être  nous,  pour  sentir,  pour  bien  sentir 
ce  que  m'a  fait  éprouver  ce  doux  retour  vers  moi 
dans  un  moment  où  cette  triste  idée  «  Je  vais  être 
longtems  sans  le  voir  »  s'était  déjà  emparée  de 
toute  ma  pensée.  Mes  gants  d'hier  seront  l'objet  de 
mon  culte,  l'un  a  touché  ton  cher  bras,  l'autre  a  reçu 
ce  délicieux  baiser  d'adieu.  —  Pauvre  cher!  faut-il 
te  dire  que  je  t'aime?? 

Lundi. 

Mon  chéri,  la  nature  ne  permet  donc  pas  un  cer- 
tain orgueil,  car  après  des  efforts  au-dessus  d'elle, 
elle  semble  se  retirer  au  loin,  et  vous  abandonnera 


k27»G  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

toute  votre  misère.  En  ce  moment,  ô  mon  bien- 
aimé,  je  suis  toute  foiblesse,  ta  lettre  qui  est  deve- 
nue mon  pain  quotidien,  tous  les  sentimens  qu'elle 
renferme  et  dans  lesquels  je  me  balance  avec  amour 
la  main  sur  lesyeux,  tes  regards  toujours  les  mêmes, 
ton  départ,  et  cet  épuisement  qu'a  dû  causer  le  cruel 
sacrifice  auquel  je  m'étais  condamnée,  tout,  pauvre 
cher,  en  ce  moment  semble  excuser  ma  foiblesse,  et 
je  te  demande  grâce,  puisque  je  suis  obligée  de  me 
l'accorder  moi-même.  Si  tu  étais  ici,  ô  situ  étais  là 
sur  ce  canapé,  à  cette  sainte  place,  j'irais  près  de 
toi,  je  prendrais  ta  main  chérie,  par  un  regard  je 
verserais  toute  mon  âme  sur  la  tienne,  et  je  te 
dirais  :  «  Chère  et  tendre  créature,  rends  à  notre 
amour  chaste  sa  pureté,  rends  la  paix  à  mon  cœur, 
le  calme  à  mon  âme,  à  ma  pensée  toute  sa  noblesse, 
tout  s'est  terni  depuis  trois  mois,  viens,  ami,  te 
retremper  au  feu  de  tant  de  sentimens  que  nous 
seuls  entre  tous,  avons  unis,  fais-en  jaillir  une 
lumière  céleste  ;  bientôt  elle  aura  consumé  de  légers 
fantômes  qui,  nés  du  néant,  retourneront  sans  peine 
à  leur  faible  origine,  puis,  me  rappelant  cette  triste 
phrase  prononcée  par  ta  bouche  chérie  :  «  Gom- 
ment veux-tu,  ma  L[aure],  que  je  me  retire  tout  à 
coup  ?  puis-jene  pas  payer  ma  dette  à  une  personne 
qui  semble  tout  m'ofTrir,  etc.,  etc.?  »  et  décou- 
vrant ainsi  la  crainte  que  tu  as  de  déplaire  à  la 
D[uchesse]*  crainte  que  tu  dois  puiser  dans  la 
bonté  de  ton  cœur,  je  te  demanderais  comment 
cette  même  bonté  de  cœur  ne  te  parle  pas  bien 

1.  La  duchesse  d'Abrant!>s.  [S.  de  L.] 


'LETTRES  DE  MADAME  DE  BERNY.  237 

plus  fortement  en  faveur  de  ta  pauvre  amie?  et  si  la 
crainte  de  V affliger  ne  devrait  pas  faire  taire  toutes 
les  autres?  Alors,  je  verrais  ta  tête  d'amour  se 
pencher  sur  mon  sein,  cl  ton  doux  regard  me  dire  : 
u  o  que  tu  as  raison,  nu»  L[aure]  ».  —  J'ajouterais 
encore,  de  bonne  foi,  mon  doux  cher  :  «  Je  ne  crois 
pas  que  celle  femme  puisse,  ou  veuille  t'être  utile. 
Si  elle  le  pouvait,  il  nie  semble  que  déjà  elle 
aurait  donné  quelques  preuves,  quand  ce  ne  serait, 
comme  dit  Lal]ontaine],  que  pour  t'allécher,  et  elle 
ne  le  voudra  pas,  car  ce  n'est  pas  à  Verfsailles]  que 
In  pourrais  trouver  fortune  et  t'éloigner  d'elle  ne 
serait  pas,  je  pense,  de  son  goût.  »  Enfin,  ta  pauvre 
chérie  employerait  toujours  près  de  toi,  sur  ce  cher 
canapé,  toute  l'éloquence  du  cœur,  pour  t'empecher 
de  courrir  (sic)  après  des  choses  incertaines,  et  te 
persuader  de  conserver  ce  bonheur  tant  réel  dont 
tu  peux  disposer  encore.  O  quelle  joie  du  cœur, 
quelle  fête  du  ciel,  si  je  gagnais  ma  cause,  comme 
je  me  complairais  dans  l'oubli  de  mes  chagrins, 
avec  quel  charme  je  les  verrais  se  dissiper  comme 
un  songe  pénible,  et  que  la  douce  réalité  de  ton 
cher  amour  me  serait  précieuse,  ô  je  ne  t'aimerais 
pas  davantage,  non,  je  ne  le  puis,  mais  je  serais 
d'autant  plus  heureuse  que  j'aurais  craint  le 
malheur.  O  chéri,  l'imagination  est  fille  du  ciel,  je 
te  vois,  je  t'entends,  tu  es  là,  je  me  livre  à  la  joie, 
au  bonheur,  je  t'accable  de  baisers,  de  caresses. 


Î3S  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 


VI 


[Paris]  Mercredi  soir1  [septembre  1828] 

Bonsoir,  Minet  cher,  il  est  bientôt  dix  heures  et 
j'aime  à  croire  que  tu  traces  en  ce  moment  ce 
petit  mot  caressant  :  Min-min,  que  j'aime  tant  à 
entendre  ou  à  lire.  Me  voilà,  mon  doux  chéri, 
entourée  de  tout  mon  monde.  E  .  .  .  .  est  revenu 
d'une  tendresse  presqu'ancienne  ;  ce  méchant 
cœur-là  ne  peut  pas  s'empêcher  d'être  à  moi,  quoi- 
qu'il fasse.  Alex[andre]2  s'est  amusé  à  faire 
150  lieues  qui  ne  lui  ont  servi  qu'à  prendre  du  mou- 
vement, ce  qui  pour  lui  est  beaucoup. 

J'avais  eu  envie,  je  crois  te  l'avoir  dit,  d'aller  à 
S1  Germain  et  à  Merfonds,  je  ne  ferai  rien  de  tout 
cela,  ils  m'ont  mangé  tant  d'argent  dans  leurs 
voyages  que  j'ai  besoin  d'économiser,  et,  en  res- 

1.  Cette  lettre,  quoique  non  datée,  est  sûrement  du  mois  de 
septembre  1828.  Balzac  était  alors,  à  Fougères,  l'hôte  du  géné- 
ral baron  de  Pommereul.  M.  R.  du  Pontavice  de  Heussey,  dans 
son  Bahac  en  Bretagne,  pp.  23-24,  nous  apprend  que  ce  fut  le 
seul  séjour  que  fit  l'auteur  de  la  Comédie  humaine  dans  la  petite 
cité  bretonne.  «  Vingt  fois,  écrit-il,  dans  le  cours  de  son  exis- 
tence si  occupée,  il  forme  le  projet  de  revisiter  ces  vallées 
paisibles....  Peu  de  temps  avant  sa  mort,  il  manifestait  encore 
ce  désir....  Ce  vœu  irréalisé  du  grand  écrivain  n'a  rien  qui  nous 
étonne!...  On  a  vu  plus  haut,  p.  115,  que  Balzac  avait  écrit 
le  1er  septembre  1828  au  général  pour  lui  demander  asile. 
«  — Votre  chambre  vous  attend;  venez  vite  »,  lui  avait  répondu 
M.  de  Pommereul  et  Balzac  accourut. 

2.  Lucien-Charles-Alexandre  de  Berny,  fils  de  M.  et  Mme  de 
Berny,  né  à  Paris,  le  13  février  1809,  décédé  en  sa  propriété  de 
Montmorency,  le  15  juin  1882. 


LETTRES  DE  MADAME  DE  BERNY.       239 

tant  chez  moi,  je  n<i  fais  pas  un  grand  sacrifice. 
Aller  là  ou  là  m'esl  fort  indifférent.  S'il  s'agissait 
d'aller  trouver  le  bonheur,  c'est-à-dire  toi,  c'est 
différent,  on  n'aurait  pas  la  raison,  sans  doute,  de 
faire  un  tel  sacrifice.  Ton  cher  gentil  journal  a  été 
commencé  il  y  a  aujourd'hui  8  jours,  je  l'ai  reçu 
lundi,  et  il  me  semble  qu'il  y  a  déjà  un  siècle.  Je 
suis  comme  les  gourmands  auxquels  l'appétit  vient 
réellement  en  mangeant. 

Chéri  adoré,  reçois  ta  minette  sur  tes  genoux, 
laisse-lui  passer  son  bras  derrière  ton  cou,  penche 
ta  tête  chérie  sur  son  épaule,  ne  t'y  endors  pas 
ah  non  !  et  pour  que  cette  fantaisie  ne  te  prenne 
pas,  je  te  donne  un  de  ces  baisers  que  nous  con- 
naissons si  bien.  —  Quel  gentil  tableau  !  que  la 
réalité  me  serait  en  ce  moment  gracieuse  !  —  J'ai 
peur  que  tu  ne  restes  là-bas  bien  longtemps.  — 
Cependant,  si  tu  y  es  bien  et  que  tu  y  travailles,  je 
devrais  être  contente;  —  Chéri,  ma  raison  fera  ce 
que  tu  voudras,  mais  mon  cœur  est  un  enfant  trop 
gâté  pour  se  prêter  de  bonne  grâce  aux  privations 
qu'on  lui  impose,  il  souffre,  j'ai  beau  lui  dire  que 
l'ami  est  toujours  à  lui,  là-bas  comme  ici,  il  n'en- 
tend rien  à  cela  et  trouve  que  l'ami  serait  beaucoup 
mieux  ici  que  là-bas.  Que  faire  à  cela  ?  lui  donner 
la  liberté  d'errer  à  son  gré,  d'être  plus  à  Fougères 
qu'ici  ?  Oui  sans  doute,  il  y  est  souvent,  eh  bien 
cette  manière  d'y  être  ne  lui  plaît  pas  encore.  — 
Hélas!  chéri,  je  ne  te  dis  pas  que  j'ai  un  petit 
bonheur.  La  grande  Dlle  est  restée  à  Fontainebleau. 


240  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Jeudi. 

Travailles-tu  beaucoup,  cher  bien-aimé?  je  ne 
reçois  pas  de  lettre  et  j'ai  peur  du  découragement; 
s'il  arrivait,  peut-être  craindrais-tu  de  m'en  faire 
part,  et  au  lieu  de  me  répondre:  «  Je  n'ai  rien,  ma 
minette  »,  tu  ne  m'écrirais  pas  non  plus,  parce  que, 
justement,  tu  aurais  beaucoup  à  m'écrire.  —  Oui, 
monsieur  Minet,  quand  on  est  mécontent  on  a 
beaucoup  à  dire  à  l'être  qu'on  aime  ;  on  fait  comme 
le  jour  du  départ,  on  se  plaint,  on  grogne,  puis, 
quand  on  a  bien  grogné,  bien  dit  de  ces  riens  qui 
soulagent  sans  qu'on  sache  trop  pourquoi,  on 
recommence;  voilà  comme  on  agit  avec  son  amie, 
qui,  au  moins,  sait  à  quoi  s'en  tenir,  et  a,  dès  lors, 
toute  la  satisfaction  qu'on  puisse  lui  donner  en 
pareil  cas.  —  Aussi,  écris  donc,  chéri.  —  Eh  bien, 
vas-tu  dire,  les  voilà  bien  les  femmes;  L[aure] 
m'écrit,  il  y  a  quelques  jours,  dans  un  beau  mou- 
vement d'humilité,  qu'elle  ne  s'habituera  pas  au 
doux  plaisir  que  lui  cause  mon  journal,  et  aujour- 
d'hui elle  me  fait  cette  phrase  impérative  :  «  Ecris 
donc»!  —  Pardon,  mon  petit  maître,  ma  phrase  au 
premier  abord  peut  donner  matière  à  la  critique, 
mais  en  analisant  (sic)  la  pensée  qui  Ta  dictée,  on 
peut  y  trouvertoutes  les  formes  possibles,  ainsi  le 
bon  petit  maître  est  prié  de  s'arrêter  à  celle  qui  lui 
plaira  le  plus.  —  Pour  que  tu  saches  tout  ce  que 
fait  ta  chérie  tu  sauras  qu'elle  a  été  toute  la  ma- 
tinée à  pied,  en  cabriolet  et  en  omnibus,  pour  trou- 
ver un  chimiste  fort  habile  et  fort  bonne  personne 
dont  nous  avons  besoin  pour  la  stéréotypie,  et  que 


LETTRES  DE  MADAME  DE  BERNY.  £2H 

toutes  ces  Fatigues  ont  été  prises  en  pure  perte, 
je  ne  l'ai  point  trouvé.  J'ai  vu  sa  femme  qui  doit 
m'engager  à  dtner,  ce  qui  me  sera  Tort  commode 
pour  parler  à  son  mari  tout  à  mon  aise.  —  Un 
petit  mot  sur  vos  hôtes,  mon  chéri.  —  Sont-ils 
heureux?  Je  le  voudrais;  j'ai  toujours  du  plaisir  à 
savoir  qu'il  y  a  dans  le  monde  un  bon  ménage  de 
plus. 

Bonsoir,  petit  minet  d'amour,  si  tous  les  ménages 
ressemblaient  au  nôtre,  il  n'y  aurait  pas  un  seul 
célibataire  —  mais  de  ceux-là  je  ne  pense  pas  qu'il 
y  en  ait  beaucoup  de  mauvais,  quoique  je  sois 
convaincue,  doux,  cher,  adoré,  que  notre  lien  a 
été  tressé  dans  le  ciel,  tandis  que  tant  d'autres  le 
sont  sur  terre.  Un  baiser. 


VII 


Je  ne  pourrai  aller  chez  toi  aujourd'hui,  mon  bon 
chéri,  ou  au  moins  ce  matin;  mais  comme  j'ai  peur 
que  tu  n'exécutes  le  beau  projet  que  tu  avais  conçu 
pour  te  débarrasser  d'Olimpe1  :  je  veux  te  dire  à 
temps  qu'en  cela  encore  tu  passes  à  côté  du  vrai, 
on  ne  doit  tenir  à  une  attention  de  cœur  que  de  la 
part  des  gens  que  l'on  aime  ;  or  Olimpe  en  sa  qua- 
lité de  femme  sentira  bien  vite  qu'elle  est  plus 
honorée  par  toi  que  flétrie  de  ta  querelle. 

—  Mon  Dieu,  mon  pauvre  ami,  que  ma   condi- 

1.  Olympe  Pélissier,  depuis  Mme  Rossini.  [S.  de  L.] 

10 


LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

tion  de  prêcheuse  me  pèse,  et  qu'il  me  serait  doux, 
que  mon  cœur  serait  à  l'aise  si  je  n'avais  qu'à 
admirer.  —  Oui,  chéri,  l'admiration  est  la  seule 
base  du  véritable  amour;  il  faut  que  les  amans  s'en 
créent  une  s'ils  étaient  assez  malheureux  pour  en 
manquer. 

Chéri,  voilà  encore  cette  stupide  lettre  de  la  sotte 
fleur  d'automne  qui  est  venue  me  tourmenter;  lire 
la  même  recommandation  faite  par  ta  chérie  dans 
l'écriture  d'une  autre  femme  !  Fi  !  ! 

Tiens,  cher,  tu  as  beau  dire,  et  j'ai  beau  faire, 
toutes  ces  'poursuites  de  femmes  n'ont  déjà  que 
trop  entaché  notre  amour,  et  une  tache  sur  l'amour, 
c'est  la  goutte  d'huile.  Tu  me  deffends  d'être  jalouse, 
c'est  m'ordonner  de  te  moins  aimer,  oui,  chéri  je 
ne  le  sens  que  trop,  une  concession  en  amour  ne  se 
fait  pas  impunément  :  pour  qu'il  reste  en  son  entier 
il  ne  faut  rien  céder  de  ce  qui  est  lui,  si  on  l'y  force, 
on  l'amoindrit;  pour  qu'il  reste  pur  il  ne  doit  rien 
partager,   car  tout  partage    est  un  mélange  ;   un 
amour  vrai,  vrai,  entends-tu,  veut  tout  à  lui,  esprit, 
cœur,  âme,  puis  le  reste,  mais  le  reste  après  tout, 
et  si  ce  reste  est  la  seule  chose  qui  lui  reste  intacte, 
il  en  blêmit,  il  en  est  honteux,  comme  d'une  pos- 
session mauvaise.  Je  sais  que  j'ai  ton  cœur,  ami, 
oui  je  le  sais,  mais  le  souffle  des  femmes  me  le 
gâte.  Je  t'en  vois  entouré  et  quand  je  te  dis  que  je 
n'en  souffre  plus,  je  te  ments   (sic)  parce   que  je 
cherche  à  me  mentir  à  moi-même;  mais  cette  feinte 
continuelle  est  une  fatigue  attroce.  Oh  oui!  il  faudra 
bientôt  en  finir  et  voir  si  je  pourrai  t'aimer  dune 
tendre  et  belle  amitié. 


LMTTHKS  l)K  MADAMi:  DE  BERNY.  243 


VII] 


[Lundi]  18  [juin  1832]  Bazarnes1. 

À  toi  mon  premier  mot,  ami  cher,  comme  à  toi 
les  premières  pensées  de  mon  réveil.  Après  avoir 
passé  33  heures  dans  d'horribles  voitures,  car  la 
diligence  même,  par  suite  d'un  accident,  touchait 
sur  la  caisse  d'une  manière  infernale,  je  suis  arrivée 
sans  trop  de  fatigue  chez  le  Gal  qui  m'a  reçue  avec 
tant  de  plaisir,  une  cordialité  si  vraie,  une  sensi- 
bilité si  profonde,  que  j'en  ai  été  touchée  aux 
larmes.  Je  suis  ici  aussi  bien  que  je  puis  être  main- 
tenant quelque   part,   l'habitation  est  charmante, 

1.  Le  château  de  Bazarnes  était  situé  dans  la  commune  de 
Courcelles,  canton  de  Varzy,  arrondissement  de  Clamecy.  Il 
appartenait  au  général  Allix.  Jacques-Alexandre-François  Allix, 
lieutenant  général  d'artillerie,  membre  de  la  Légion  d'honneur, 
grand-cordon  de  Saxe,  membre  de  l'Académie  des  sciences  de 
Gôttingue  et  de  plusieurs  autres  sociétés  savantes,  comte  de 
Frienthal,  commandant  de  la  Couronne  de  Westphalie  et  ancien 
gouverneur  de  ce  royaume,  est  décédé,  en  son  château  de 
Bazarnes,  à  l'âge  de  67  ans,  le  26  janvier  1836;  son  acte  de 
décès  a  été  dressé  le  lendemain  27,  par  M.  Vion,  maire  de 
Courcelles,  sur  la  déclaration  de  MM.  Philippe  Brivos,  banquier 
à  Clamecy,  gendre  du  défunt,  et  Jean-Philippe  Guérin,  per- 
cepteur à  Corvol-l'Orgueilleux,  son  ami. 

Sur  la  tombe  du  général  Allix  est  gravée  l'épitaphe  suivante  : 
«  Ici  repose  Jacques- Alexandre-François  Allix,  lieutenant  géné- 
ral d'artillerie,  né  à  Percy  (Manche),  le  22  décembre  1768,  décédé 
à  sa  terre  de  Bazarnes,  le  26  janvier  1856.  Proscrit  trois  fois 
pendant  les  guerres  de  la  Révolution  française  par  les  diverses 
tyrannies,  a  participé  à  quatre-vingt-trois  combats  ou  batailles. 
Blessé  huit  fois.  —  La  vie  est  la  condition  de  la  mort.  L'uni- 
vers a  toujours  été  et  sera  toujours  ce  qu'il  est.  » 


244  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

un  château  féodal,  pas  assez  ancien  pour  que  les 
distributions  intérieures  en  soient  incommodes,  et 
assez  cependant  pour  avoir  une  sorte  de  majesté 
qu'on  a  trop  négligée  dans  nos  jolies  maisonnettes 
d'aujourd'hui.  De  chaque  côté  du  bâtiment,  qui 
n'est  élevé  que  d'un  beau  rez-de-chaussé,  très  élevé 
lui-même,  se  trouvent  deux  tourelles  d'une  belle 
dimension,  et  tu  sais  si  j'aime  les  tourelles;  une 
chambre  spacieuse,  pas  trop  cependant,  décorée 
tout  à  neuf,  meublée  très  proprement,  ornée  même 
d'un  tapis,  et  se  trouvant  à  l'un  des  bouts  du  bâti- 
ment pour  que  le  bruit  n'y  arrive  pas,  est  la  chambre 
qu'occupe  ta  Didi  ; 

l'anti-chambre 

de  ma  chambre  descend  sur  une  jolie  terrasse 
pleine  de  fleurs,  mes  fenêtres  donnent  sur  des 
vergers  qui  embaument.  Enfin,  chéri,  je  suis  si  bien, 
en  comparaison  de  l'idée  que  je  m'étais  faite  de 
mon  séjour  ici,  que  je  crois  rêver.  De  plus,  il  y  a 
pour  la  conversation  un  jeune  médecin  fort  instruit 
et  s'exprimant  très  bien. 

En  voilà  bien  long  sur  moi,  mais  c'est  que  ces 
détails  t'interressent(sic),  n'est-ce  pas?  J'ai  apporté 
les  Contes  Bruns1,  et  vais  y  faire  mes  féroces  cor- 

1.  Contes  bruns,  par  une  [tête  à  l'envers].  Paris,  Urbain  Ca- 
nel  rue  du  Bac,  n°  104,  Adolphe  Guyot,  place  du  Louvre,  n°  18, 
MDCCCXXXII.  In-8. 

Ce  volume  contient  des  nouvelles  de  Balzac,  Philarète  Chasles 
et  Charles  Rabou.  Les  deux  nouvelles  de  Balzac  sont  :  Une 
conversation  entre  onze  heures  et  minuit  (pp.  5-96)  et  Le  Grand 
d'Espagne  (pp.  375-398). 

Elles  devaient  être  réimprimées  dans  un  recueil,  qui  n'a  jamais 
paru,  intitulé  :  Causeries  du  soir. 


LETTRES  DE  MADAME  DE  BERNY.  245 

rections  queje  t'enverrai  aussitôt.  Quant  à  la  Tran- 
saction1, chéri,  je  ne  la  corrigerai  pas,  car  je  crois 
que  lu  as  si^ué  L'engagement  de  ne  pas  la  prendre, 
et  je  ne  pense  pas  que  tu  sois  tenté  de  mettre  tes 
ennemis  dans  leur  droit,  s'ils  venaient  à  crier  contre 
ta  mauvaise  foi.  Plus  tu  es  en  évidence,  ami,  moins 
tu  dois  t' entacher,  plus  tu  as  d'envieux,  moins  tu 
dois  leur  laisser  de  prise  sur  toi.  J'ai  su  samedi, 
avant  mon  départ,  que  ta  mère  n'avait  pas  encore 
fait  partir  un  paquet  dans  lequel  se  trouvait  ma 
p,e  lettre;  hélas!  tu  m'as  indiqué  cette  voie  pour 
économiser  les  ports  de  lettres,  et  d'infernalles 
ennemies  de  mon  repos  t'en  auront  fait  payer  bien 
d'autres.  Que  de  grand  cœur  j'aurais  affranchi  mes 
lettres,  pour  qu'elles  soient  lues  les  premières. 
Didi!  il  n'est  donc  plus  de  bonheur  possible  pour 
moi  !  !  !  Ecoute,  ami,  avant  de  recevoir  la  réponse  à 
la  lettre  que  je  t'ai  écrite  vendredi  dernier,  je  veux 
t'expliquer  ce  que  j'entends  par  un  certain  sacrifice 
que  je  t'ai  demandé.  Ce  n'est  pas  la  connoissance  de 
certaines  dames  dont  je  t'ai  demandé  le  sacrifice, 
non,  car  les  unes  t'amusent,  les  autres  te  sont  ou 
te  seront  peut-être  utiles,  au  moins  tu  l'espères  ; 


1.  La  Transaction  a  paru,  pour  la  première  fois,  dans  L'Artiste 
des  20,27  février,  6  et]13  mars  1832;  elle  reparut  la  même  année, 
dans  le  tome  Ier  du  Salmigondis,  contes  de  toutes  les  couleurs. 
Paris,  H.  Fournier  jeune,  1832,  in-8,  sous  le  titre  de  :  Le  Comte 
Chabert;  en  1835,  elle  devient,  dans  le  tome  IV  de  la  première 
édition  des  Scènes  de  la  vie  parisienne,  Paris,  Mme  Charles 
Béchet,  1855,  in-8  :  La  Comtesse  à  deux  maris;  depuis  elle  a  été 
publiée,  dans  le  tome  II  des  Scènes  de  la  vie  parisienne  (lr*  édi- 
tion de  La  Comédie  humaine),  sous  son  titre  définitif  :  Le  Colonel 
Chabert.  Voir  Spoelbercii  de  Lovenjoul.  Histoire  des  Œuvres  de 
H.  de  Balzac,  5a  édition,  Calmann  Lévy,  1888,  in-8,  p.  29. 


2*6  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

ainsi  ce  serait  alors  un  sacrifice  personnel  à  toi 
que  je  t'aurais  demandé  et  tu  sais  si  je  veux  de  ces 
sortes  de  sacrifices.  Ce  que  je  veux,  c'est  le  secret 
de  ces  dames  et  de  leurs  correspondances,  car  il 
m'appartient  et  m'appartiendra,  tant  que  notre 
position  ne  sera  pas  changée.  Je  dis,  mon  doux 
cher,  tu  m'as  donné  une  profonde  humiliation,  en 
me  refusant  celle  de  la  Dsse  d'Ab1....  Mais,  à  cette 
époque,  j'ai  dû  en  quelque  sorte  respecter  la  déli- 
catesse du  jeune  homme,  telle  fausse  qu'elle  fut, 
car  il  en  manquait  envers  la  femme  qu'il  aimait  et 
la  faisait  grandement  souffrir  dans  l'intérêt  d'une 
personne  qu'il  aurait  du  lui  sacrifier.  Aujourd'hui, 
chéri,  les  mêmes  raisons  n'existent  plus,  je  ne  peux 
plus  envelopper  ton  manque  de  délicatesse  à  mon 
égard  sous  le  manteau  de  ton  inexpérience,  au- 
jourd'hui tu  as  de  l'acquis  plus  qu'il  n'en  faut  pour 
savoir  de  quel  côté  doit  aller  la  victoire  dans  un 
combat  où  il  y  va  de  mon  bonheur,  et  si  mon 
pauvre  cœur  doit  toujours  servir  de  plastron  à  tous 
les  coups  qu'il  plaira  aux  femmes  qui  assaillent  le 
tien  de  lui  porter.  Ami,  si  tu  pouvais  [hésiter]  un 
moment  à  me  faire  connoître  un  secret  qui  est 
bien  moins  à  elles  qu'à  moi,  si  tu  pouvais  leur  gar- 
der ce  prétendu  secret  et  manquer  ainsi  à  tout  ce 
que  tu  me  dois,  oh!  chéri!!!. 

Ce  talent  d'observation,  cette  connoissance  du 
cœur  de  la  femme  dont  chacun,  et  surtout  chacune 
te  complimente,  je  suis  loin  de  le  reconnoître.  Ami, 
oui  tous  les  cœurs  de  femmes  du  monde  dans  les- 

1.  Mme  la  duchesse  d'Abrantès. 


LETTRES  DE  MADAME  DE  BERNY,  U1 

(juels  on  peut  lire  avec  la  vue  ordinaire,  tu  les  sais 
par  cœur,  mais  il  en  est  qui  ne  peuvent  être  bien 
étudiés,   bien'. 


IX 


Mardi  [19  juin  1832.) 

Je  ne  me  mets  pas  à  la  besogne  sans  relire  ta 
cbère  lettre,  ami  chéri,  et  toujours  elle  me  donne 
la  même  émotion,  une  douce  et  suave  reconnois- 
sance  pour  les  vœux  bienveillants  de  ton  gentil 
cœur;  oh  oui,  chéri,  pourquoi  n'avons-nous  pas  été 
assez  favorisés  du  sort  pour  vivre  toujours  ensemble, 
loin  d'un  monde  si  peu  fait  pour  des  âmes  vraies, 
sensibles  et  grandes!  Oh  pourquoi? 

Déjà  j'ai  repris  bien  des  fois  le  doux  bec  que  tu 
as  déposé  sur  la  place  que  tu  m'indiques  dans  ta 
lettre;  je  finirai  par  l'user;  puis  il  n'y  aura  plus 
rien,  que  je  croirai  y  retrouver  encore  l'empreinte 
de  tes  lèvres  adorées  ;  illusion  et  toujours  illu- 
sions! 

—  Je  suis  ici  très  libre;  la  nourriture  y  est  saine, 
le  pays  riche  en  culture,  enfin,  si  tu  y  étais  je  croi- 
rais au  paradis. 


1.  La  fin  de  la  lettre  manque.  —  Balzac  était  alors,  depuis 
quelques  jours,  au  château  de  Sache,  l'hôte  de  M.  de  Margonne, 
il  y  resta  jusqu'au  16  juillet,  date  à  laquelle  il  se  rendit  à 
Angoulême  chez  M.  et  Mme  Carraud  où  il  passa  le  mois  d'août. 
Voir  Œuvres  complètes  de  H.  de  Balzac,  t.  XXIV,  Correspon- 
dance, p.  111. 


248  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

—  Chéri!  j'ai  apporté  les  Scènes1  selon  tes  ordres, 
j'en  ai  prêté  un  v[olume]  à  la  petite  Cornélie2,  son 
père  s'en  est  emparé  et  ne  Ta  pas  quitté  sans  l'avoir 
fini.  Ce  matin  nous  avons,  lui  et  moi,  beaucoup 
causé  sur  toi;  et  il  a  fini  par  me  dire  cette  phrase, 
qui  m'a  fait  trouver  sa  voix  la  plus  douce  possible. 
«  S'il  veut  venir  ici  passer  quelque  temps  avec  vous, 
je  lui  donnerai  sur  la  vie  de  Bonaparte  tous  les  ren- 
seignemens  nécessaires  pour  faire  un  roman  poli- 
tique, qui,  sous  sa  plume,  serait  du  plus  haut  intérêt, 
et  pourrait  initier  les  femmes  même  aux  secrets 
d'une  haute  politique!  »  Ami, je  t'ai  déjà  vu  là,  tra- 
vaillant près  de  moi,  puis  quelques  réflexions  sont 
venues  chasser  ce  doux  espoir. 

Peut-être  ne  te  trouverais-tu  pas  bien  ici,  tu  es 
devenu  dans  la  vie  ordinaire  bien  difficile!  et  je 
souffrirais  beaucoup,  soit  que  tu  te  trouvasses  mal, 
soit  que  les  exigences  de  ta  vie  de  poète  méconten- 
tassent ces  braves  gens. 

Peut-être  aussi  dans  la  circonstance  de  famille 
où  je  me  trouve,  ne  dois-je  pas  me  permettre  le 
bonheur  de  t'avoir  ici,  que  dis-tu  de  tout  cela?  Toi 
qui  t'es  montré  si  sage  dans  ta  dernière  lettre,  pro- 
nonce, maître  à  moi,  et  comme  toujours  fiât  volon- 
tas  tua.  Allons  à  la  besogne  des  Contes  Bruns  p[our] 
te  les  envoyer.  Mille  becs  là....  Pour  le  tien,  il  y 
est,  reprends-le  et  envoie  m'en  toujours  un  dans  tes 
lettres,  mais  dépose-le  tout  de  bon.  Adieu,  toi. 


1.  Scènes  de  la  vie  privée,  par  M.  de  Balzac.  Seconde  édition. 
Paris,  librairie  de  Mame-Delaunay,  rue  Guénégaud.  n°  25,  1852. 
4  vol.  in-8. 

2.  Fille  du  général  Allix. 


LETTRES  DE  MADAME  DE  BERNY.       249 

Mercredi  [20  juin  1832.] 

Je  t'envoie  mes  corrections, pourvu  qu'elles  n'ar- 
rivent pas  trop  tard.  J'ai  vu  hier  dans  le  journal 
certaines  arrestations  qui  m'ont  beaucoup  occupée1  • 
Mr  de  Ch2...  ne  sera  pas  fâché,  je  crois,  de  cette 
circonstance  qui  lui  donne  une  importance  politique 
à  laquelle  il  court  toujours  sans  pouvoir  la  saisir; 
quant  à  l'arrestation  de  Mr  de  F.  J.  \  je  suis  forcée, 
par  ma  Franchise  envers  toi,  de  te  dire  que  je  suis  loin 
d'en  être  peinée.  Car  si  le  parti  de  ces  gens-là  était 
détruit,  il  faudrait  bien  que  tu  en  prisses  un  autre. 
Cependant,  une  crainte  mortelle  vient  quelquefois 
faire  bondir  mon  cœur,  je  pense  que,  si  certaine 
dame  t'écrivait  de  la  venir  trouver,  tu  serais  assez 
bon  pour  y  aller4.  Une  autre  dame  ne  t-a-t'elle  pas 
fait  revenir  jadis  de  Tours  à  Versailles,  pour  la 
consoler  de  chagrins  que  son  égoïsme  lui  faisait  te 
grossir5;  ici  la  circonstance  est  bien  plus  grave  et 
malheureusement  ta  vanité  est  toujours  éveillée, 
active,  et  a  sur  toi  une  prise  d'autant  plus  réelle 
que  tu  en  ignores  la  force.  Cependant,  mon  bien 
aimé  cher,  ami,  fils  d'amour,  si  tu  veux,  écoute  un 
peu  la  raison  qui  emprunte  pour  se  faire  entendre 
la  plus  amicale  de  toutes  les  voix  qui  jamais  frap- 
peront ton  oreille,  songe  bien  que  certains  person- 

1.  Voir  Le  Rénovateur  du  23  juin  1832,  pp.  32-38,  au  sujet  de 
l'arrestation  de  MM.  le  duc  de  Fitz-James,  de  Chateaubriand  et 
Hyde  de  Neuville. 

2.  M.  de  Chateaubriand. 

3.  M.  de  Fitz-James. 

4.  Mmc  la  marquise  de  Castries,  à  Aix-les-Bains.  [S.  de  L.] 

5.  Mme  la  duchesse  d'Abrantès. 


250  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

nages  ne  te  donneraient  pas  un  seul  des  trois  ou 
quatre  mille  écus  dont  tu  as  un  indispensable 
besoin  ;  songe  bien  que,  dussent-ils  être  vainqueurs, 
ils  ont  toujours  été  ingrats  par  principe,  et  ne  chan- 
geront pas  pour  toi  seul,  ami;  ils  ont  tous  les 
défaus  de  l'égoïsme,  toute  l'astuce  et  la  fourberie 
de  la  foiblesse;  un  dédain  qui  va  jusqu'au  mépris 
pour  tous  ceux  issus  d'un  autre  sang  que  le  leur; 
ami  !  par  tout  ce  qui  t'est  cher,  pour  ta  gloire,  pour 
ton  bonheur  à  venir,  pour  mon  repos  (car  tu 
m'aimes)  ne  les  crois  pas,  ne  t'y  fie  pas  ;  emploie  ton 
esprit  à  prendre  avec  eux  le  rôle  qu'ils  jouent  dans 
le  monde  ;  sers-toi  d'eux,  s'ils  peuvent  te  servir,  pour 
suivre  la  route  dans  laquelle  tu  es  entré,  puisque, 
malheureusement,  ton  pied  s'y  est  déjà  posé;  mais 
hélas!  que  de  défaus  il  te  faut  acquérir  pour  les 
imiter;  et  comment  deffendras-tu  ton  âme,  comment 
la  conserveras-tu  pure,  au  milieu  de  tant  de  per- 
versités? Enfin,  chère  créature  adorée,  tire-moi  de 
peine,  enlève-moi  le  poids  qui  m'oppresse  l'âme, 
en  m'assurant  que  tu  ne  seras  pas  ïesclave  de  ces 
gens-là  et  n'obéiras  pas  au  premier  ordre  que  tu 
recevras  d'eux.  Oh,  par  grâce,  réponds  moi  à  ce 
sujet  aussitôt  ma  lettre  reçue.  Ce  qui  me  rassure 
un  peu,  c'est  Y  assurance  que  tu  m'as  donnée  de  ne 
vouloir  parvenir  à  rien  que  par  la  Chambre;  au 
moins  le  moyen  est-il  noble,  et  d'autant  plus  que 
tes  talens  feront  seuls  alors  tous  les  frais  de  ton 
avancement.  Jamais  tu  ne  sauras,  ami,  jusqu'à  quel 
point  j'ai  placé  mon  orgueil  en  toi.  Tu  me  dis  que 
l'intérieur  de  mon  fils  sera  ma  justification.  Mon 
chéri,  elle  ne  sera  pas  là,  je  l'ai  placée  tout  en- 


LETTRES  DE  MADAME  DE  BERNY.       251 

tière  en  toi.  De  ton  avenir  deppend  ou  ma  satisfac- 
tion ouïe  trouble  de  mon  âme.  Tu  ne  sauras  jamais 
ce  que  tu  m'as  donné,  cl  ce  que  lu  me  donnas 
encore  d'inquiétudes;  ce  sont  toutes  mes  dernières 

sollicitudes  qui  ont  épuisé  mon  courage;  mon  ame, 
si  fatiguée  par  elles,  n'a  pu  supporter  le  moindre 
choc  étranger;  et,  incapable  de  livrer  le  plus  léger 
combat,  elle  a  préféré  chercher  un  repos  apparent, 
mais  qui,  je  le  sais,  instruite  par  ma  raison,  ne 
sera  jamais  que  factice.  La  nature  ni  la  société  ne 
pardonnent  jamais  à  celui  qui  transgresse  leurs 
loix;  je  me  trouvais  nécessairement  rebelle  envers 
Tune  ou  l'autre  ;  il  m'a  fallu  offenser  cette  dernière; 
je  sais  ce  qu'elle  me  réserve;  mais  si  je  peux  te 
voir  dans  le  lointain,  grand  et  honoré  (et  tu  dois 
savoir  quel  est  pour  moi  le  sens  de  ces  deux  mots) 
eh,  bien,  je  serai  contente  si  non  heureuse;  car  je 
suis  fière  de  toi,  il  me  semble  que,  ni  ma  conscience 
ni  le  monde  ne  pourront  me  rien  reprocher.  Ami, 
songe  que  tu  dois  quelque  chose  à  ma  tendresse. 

Jeudi  21  [juin  1832.] 

Je  corrige  maintenant  les  Scènes,  et  comme  cha- 
cun ici  s'est  emparé  des  v[olumes]  à  mesure  que  je 
les  coupais,  je  tiens  le  5e.  Oh  !  ami,  je  viens  encore 
de  pleurer  avec  ta  Juliette,  le  morceau  surtout  où 
elle  reçoit  les  cheveux  m'a  fait  une  bien  doulou- 
reuse impression1.  Je  me  demandais  quelle  douleur 
devait  être  la  plus  vive,  entre  celle  de  perdre  son 

1.  Voir  Scènes  de  la  vie  privée,  par  M.  de  Balzac.  Tome  troisième. 
Seconde  édition,  p.  44,  Le  Conseil  (devenu  en  1854,  Le  Message). 


852  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

amant,  mort  ou  vivant,  et  je  n'ose  me  répondre. 
Juliette  possède  un  trésor  dans  des  cheveux  qui  lui 
rappelleront  toujours  de  purs  souvenirs  ;  mais 
qu'aurait-on  pu  lui  offrir  qui  la  consolât  si  son 
amant  l'eut  quittée  pour  une  autre  femme?  —  rien. 
—  Pour  chasser  de  cruelles  pensées  je  relis  quel- 
ques chères  phrases  de  tes  lettres,  et  j'espère  que 
ton  cœur  me  servira  de  tombe  avant  qu'il  appar- 
tienne à  une  autre.  Chéri  adoré,  je  ne  connais  rien 
de  plus  inhumain  que  la  vie  quand  elle  reste  accro- 
chée à  un  être  qui  n'en  veut  plus.  —  Je  ne  suis  pas 
très  gaie,  comme  tu  vois,  et  cependant  ici  je  ris, 
parce  qu'il  est  dans  ma  nature  de  rire  comme 
d'aimer  ;  néanmoins  ce  séjour  est  assez  triste  ; 
beaucoup  plus  que  je  ne  l'ai  cru  d'abord,  je  m'étais 
attendue  à  le  trouver  si  sale,  si  vilain,  que  le  peu 
d'avantages  qu'il  possède  m'ont  paru  immenses, 
mais  cette  infernale  fumée  de  la  pipe  du  gal  me 
fait  mal  au  cœur,  bien  que  le  pauvre  homme  se  gêne 
quelquefois  pour  moi.  Le  peu  de  conversation  que 
l'on  peut  avoir  avec  lui  est  fatigant  en  raison  de  sa 
surdité,  et  son  despotique  rôle  de  père,  de  mari  et 
de  maître  est  assomant  (sic).  Sa  femme  est  une 
bonne  et  excellente  femme  de  ménage,  sa  fille,  une 
gentille  enfant,  pleine  de  bienveillance,  mais  qui 
n'a  encore  aucune  idée;  les  voisins  sont  vieux, 
laids,  bêtes  jusqu'à  l'imbécilité  ;  le  jeune  médecin 
est  mon  seul  amusement  ;  car  il  a  jeté  tout  le  fond  de 
son  sac  dans  une  demi-heure  de  conversation  et, 
comme  beaucoup  de  gens,  il  ne  lui  reste  plus  rien 
du  tout  en  sorte  que  je  m'en  serts  (sic)  pour  amuser 
ces  dames  et  en  rire  moi-même,  voilà  le  seul  parti 


LETTRES  DE  MADAME  DE  BERNY.  253 

que  j'en  puisse  tirer,  ou,  quand  ces  dames  ont  bien 
pi,  je  le  fais  parler  médecine.  —  Je  n'ai  donc 
d'autres  plaisirs  que  celui  de  lire  tes  Scènes  en  les 
corrigeant;  elles  me  donnent  de  chers  souvenirs,  je 
me  rappelle  où  nous  étions  quand  tu  me  lisais  tel 
ou  tel  morceau,  ce  que  tu  m'en  disais,  les  mots 
d'amour  qu'il  faisait  naître,  ami,  je  m'enfouis  alors 
dans  ton  cœur  comme  sur  ton  gentil  corps  quand... 
lu  sais  ?  —  Ah  mon  Dieu  !  pourquoi  ne  peux-tu 
pas  venir?  mais  non,  ne  viens  pas,  cette  habitation 
est  dans  un  fond,  la  vue  y  est  bornée  de  tous  côtés  ; 
tu  y  serais  mal,  ah  !  non,  n'y  viens  pas.  —  Je  ne 
puis  donc  rien  t'offrir,  ni  par  moi,  ni  par  mes  amis  de 
tout  ce  qui  peut  te  charmer  ailleurs!  !  Ah  grand  Dieu! 
quelle  attroce  (sic)  pensée  !  Quel  mauvais  génie  a 
donc  placé  mon  âme  au  milieu  de  tant  d'entraves? 
Chéri,  mon  cœur  te  donne  d'autant  plus  que  je  n'ai 
que  lui  à  t'offrir.  —  Pour  me  soulager  un  peu,  je  te 
presse  dans  mes  bras,  et  je  m'épuise  dans  cette 
étreinte.  —  Une  idée  me  revient,  et  il  me  faut  te  la 
dire,  vois-tu,  me  voilà  encore  nr  effaçant  et  ne  pen- 
sant qu'à  toi  isolément,  en  t'engageant  à  ne  pas 
venir,  car  si  je  me  mêlais  à  toi  comme  je  devrais  le 
faire,  est-ce  que  je  ne  serais  pas  persuadée  que, 
pour  passer  quelque  temps  près  de  moi,  tu  mettrais 
volontiers  de  côté  certains  petits  désagrémens  de 
la  vie?  Je  crois  qu'il  entre  beaucoup  de  vanité  dans 
certains  de  mes  regrets,  mais  vanité  qui  n'est  que 
pour  toi,  entends-tu  ;  savoir  que  tu  trouves  ailleurs 
que  près  de  moi  ou  par  moi  des  choses  qui  te  plai- 
sent est  une  idée  qui  me  causera  toujours  un  amer 
dépit  suivi  de  chagrins. 


LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Samedi  [23  juin  1832.] 

Oh  qu'une  lettre  de  toi  me  sera  douce!  et  comme 
je  l'attends  !  Chéri,  pour  ménager  un  peu  les  ports 
de  lettres  je  ne  t'enverrai  mon  bavardage  de  cœur 
que  tous  les  dimanches,  puisque  toi  aussi  a  (sic) 
choisi  ce  jour.  J'ai  reçu  hier  une  lettre  d'Antoine1 
qui  est  vraiment  extraordinaire,  je  voudrais  bien 
pouvoir  te  la  lire  et  te  parler  de  ce  singulier  garçon. 
Peu  d'hommes  de  30  ans  seraient  capables  d'avoir 
ses  idées  et  de  les  exprimer  aussi  bien.  Et  toi,  chéri, 
que  fais-tu?  où  en  est  la  Bataille'?  Mon  Dieu,  si 
près  de  ton  cœur,  et  si  loin  de  ta  parole,  ne  pas 
t'entendre,  être  forcée  de  te  deviner,  et  parfois  ne 
l'oser  pas,  comme  quand  il  s'agit  de  politique  par 
exemple  ;  une  partie  de  mes  journées  se  passe  à 
désirer  ta  réponse  à  mes  deux  dernières  lettres,  et 
l'autre  en  commentaires  sur  ta  décision  à  une  chose 
qui  m'est  personnelle,  ou,  sur  les  rapports  que 
peuvent  avoir  avec  toi  les  événemens  politiques 
actuels.  Oh  chéri,  où  est  le  temps  où  je  n'attendais 
tes  chères  lettres  que  pour  y  lire,  écrite  en  cent 
manières,  l'assurance  de  ton  jeune  amour  ?  ce  temps 
n'est  plus,  et  ma  raison  plus  foible  que  la  nécessité 
est  accablée  sous  son  énorme   poids  —  et  tant 


1.  Antoine- Ange  de  Berny,  fils  de  M.  et  i\Ime  de  Berny,  né  le 
14  février  1815,  décédé  le  4  janvier  1841. 

2.  Balzac,  dans  ses  lettres  à  sa  mère,  parle  constamment  de 
La  Bataille  [de  Wagram],  parfois  comme  d'une  œuvre  presque 
terminée;  elle  était  destinée  à  entrer  dans  les  Scènes  de  la  vie 
militaire,  mais  n'a  jamais  paru.  Voir,  dans  la  Revue  de  France 
du  15  juillet  1921,  une  étude  de  M.  Bouteron  sur  ce  mystérieux 
roman. 


LETTRES  DE  MADAME  DE  BERNY.       1j.y, 

d'autres  choses  encore  m'accablent  en  ce  moment 
que  j'aurais  bien  besoin  d'un  cœur  bout  à  moi  pour 

m'aider  à  supporter  de  si  lourds  fardeaux.  —  Ne  va 
pas  croire  que  d'après  cette  phrase  je  ne  sais  pas 

tout  ce  (|ue  je  puis  trouver  en  toi,  mais  dans  ta 
lettre  si  pleine  de  raison,  nous  serons,  me  dis-tu 
toi-même,  souvent  séparés  ;  or,  ami,  quand  tu  n'es 
pas  là  je  suis  seule,  et  maintenant,  c'est  bien  sou- 
vent. —  Mille  baisers  —  oh  qu'un  seul  donné  sui- 
tes chères  lèvres  vaudrait  mieux  que  ceux-ci  !  ! 

Dimanche  [24  juin  1832.] 

Je  suis  persuadée  que  je  recevrai  une  lettre  de  toi 
aujourd'hui,  car  j'en  ai  eu  certain  avertissement 
nocturne  qui  ne  me  trompe  jamais.  Chéri,  tant  que 
mon  âme  tiendra  ainsi  à  la  tienne,  par  ces  liens 
invisibles  et  inexplicables,  je  ne  me  croirai  pas  tout 
à  fait  malheureuse  ;  et  cependant  je  ne  ferai  partir 
cette  lettre  que  lorsque  j'aurai  certaine  réponse 
qu'il  me  faut  pour  bien  connaître  la  véritable  situa- 
tion dans  laquelle  tu  me  laisses  près  de  toi,  car  il  me 
faudra  peut-être  bientôt  changer  de  langage,  et  je 
t'avoue  que,  si  tu  ordonnes  à  mon  cœur  de  se  taire, 
le  silence  que  tu  lui  auras  imposé  me  semblera 
moins  pénible  que  celui  auquel  je  veux  inutilement 
le  condamner  moi-même  ;  je  me  suis  mille  fois  tor- 
turée en  vain,  mais  j'ai  dans  ce  combat  reconnu 
comme  toujours  ta  supériorité,  tu  es  encore  mon 
maître,  et  j'attends  l'arrêt  de  ta  volonté  toute  sou- 
veraine. Or,  comme  il  ne  m'est  pas  encore  connu, 
quel  qu'il  soit,  je  me  crois  toujours  ta  chérie,  et  te 


256  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Fais  toutes  nos  caresses  accoutumées.  Je  te  baise 
partout.  Je  suis  toute  à  toi,  toute  ton  Eve. 

Lundi  [25  juin  1832.] 

Oui,  elle  était  en  chemin,  cette  chère  lettre,  mon 
bon  génie  ne  m'a  pas  trompée,  et  je  l'aurais  reçue 
hier  si  tu  me  l'eusses  adressée  ici  directement, 
comme  tu  aurais  du  le  faire,  puisque  tu  avais  mon 
adresse.  —  Tu  m'aimes  !  je  suis  toujours  ta  chérie 
aimée  !  ta  chère  étoile!  ta  Didi  idolâtrée!  —  oh  ami, 
mon  cœur  ne  te  demande  plus  rien,  mais  les  assu- 
rances de  ton  cher  amour  sont  venues  le  tourmenter 
d'une  autre  manière.  Je  t'ai  encore  affligé  de  nou- 
veau! Oh  chéri,  cette  pensée  est  une  souffrance,  et 
quoique  ta  chère  âme  devine  en  ceci  toute  la 
mienne,  et  voye  clairement  que  la  force  de  mon 
amour  soit  la  seule  cause  de  mes  inquiétudes,  et 
par  suite  de  mes  injustices,  que  ta  divine  bonté 
appelle  justice,  je  ne  me  pardonne  pas  comme  tu 
me  pardonnes,  et,  je  suis  forcée  d'admirer  de  nou- 
veau la  tendresse  indulgente  de  ton  cher  cœur,  qui 
pourrait  si  bien,  et  à  juste  titre,  faire  expier  au  mien 
toutes  ses  extravagances  ;  mais  enfin  je  t'adore,  tu 
le  sais,  et  je  comprends  tout  ce  que  la  foi  peut  te 
faire  excuser  ;  tous  mes  torts,  chéri,  viennent  du 
manque  de  cette  foi  si  précieuse  et  si  douce  ;  mais 
ta  dernière  lettre  est  venue  confirmer  toutes  les 
autres  et  toutes  tes  chères  paroles  que  parfois  tes 
actions  semblent  démentir.  Mais  en  ce. moment  je 
suis  toute  confiance,  et  par  suite,  tout  amour,  puis 
tout  bonheur,  ma  vie  est  tout  entière  sous  la  direc- 


LETTRES  DE  MADAME  DE  BERNY.  2M 

lion  de  mon  cœur,  ou  plutôt  de  mon  espoir  en  ton 
amour.  —  Adoré  cher!  que  de  temps  ('coulé  entre 
ma  lettre  et  la  réponse!  10  longs  jours  !  et  j'ignore 
ce  que  lu  fais  maintenant?  travailles-tu?  Auras-tu 
reçu  à  temps  les  corrections  des  Contes  Bruns  ?  Cette 
dame  t'écrira  sur  la  Vendée  et  la  politique  '!!...  Oh  ! 
tu  devrais  d'ici  entendre  les  battemens  de  mon 
cœurl  Ami!  c'est  jouer  avec  ta  tête!  tu  comptes 
sur  les  femmes  pour  qu'elles  te  servent  d'appui  en 
politique!  impossible,  chéri,  ce  n'est  pas  là  ce  que 
tu  veux;  d'abord,  Dieu  merci!  le  temps  où  elles 
étaient  puissantes  dans  ces  sortes  de  matières  est 
bien  loin  de  nous,  et  aujourd'hui,  elles  sont  nulles 
en  affaires  aussi  graves,  ou,  si  elles  sont  influentes, 
c'est  pour  tout  gâter.  La  révolution  a  coupé  les 
lisières  de  l'homme,  et  il  n'est  pas  organisé,  de  nos 
jours,  de  manière  à  les  reprendre  ;  et  puis  mon 
doux  bien-aimé,  je  te  le  répète  et  te  le  rappelle, 
n'est-ce  pas  par  la  Chambre  que  tu  veux  arriver?  Oh 
par  grâce  !  au  nom  de  tout  ton  avenir,  prens-t'y 
avec  toute  l'adresse  possible  pour  faire  cesser  cette 
correspondance  (non  pour  moi,  car  je  suis  trop  heu- 
reuse aujourd'hui  par  ton  cœur,  pour  avoir  des 
inquiétudes  personnelles)  mais  pour  toi,  pour  ta 
sûreté,  il  ne  faut  qu'un  mot  indiscret,  et  il  y  en  aura 
mille,  pour  te  compromettre.  Et  toi,  innocent, 
sera  (sic)  confondu  avec  de  coupables  agitateurs, 
de  monstrueux  égoïstes,  qui,  dansle  seul  but  d'obte- 
nir plus  de  fortune  ou  plus  de  moyen  pour  dominer, 
immolent  de  sang-froid  et  sans  regret  des  myriades 

1.  La  marquise  de  Castries. 

17 


258  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

d'êtres  inoffensifs.  —  Voilà  mon  tourment  d'aujour- 
d'hui, mais  il  est  bien  vif,  outre  la  douleur  de 
craindre  ton  danger;  je  frémis  encore  de  te  voir 
accolé  avec  un  Gh[ateau]B[riand].  Je  méprise  sou- 
verainement cet  homme  et  sa  dernière  lettre  si  spé- 
cieuse1 où  sont  exprimées  des  pensées  si  fausses, 
capables  de  le  faire  chasser  du  territoire  ou  incar- 
cérer à  tout  jamais,  si  le  gt2  était  conséquent,  a 
encore  ajouté  à  la  profondeur  de  mon  mépris.  Ami, 
pour  que  je  vive  j'ai  peut-être  plus  besoin  encore 
du  profond  respect  dont  mon  âme  veut  t'entourer 
que  de  ton  amour.  —  Tu  dois  juger,  par  cette 
phrase,  de  quelle  manière  je  t'aime,  si  tu  pouvais 
l'ignorer  encore.  Tu  m'as  promis  un  journal,  tiens 
ta  parole,  mon  Didi,  serre  tes  lignes  et  tes  mots, 
écris-moi  chaque  jour  quelque  chose  et  envoie-moi 
le  tout  une  fois  ou  deux  par  semaine.  —  Mille 
caresses  et  puis  mille  encore,  mille  pardons,  mille 
becs  d'amour  et  des  vœux  innombrables  pour  ton 
cher  bonheur! 

Puisse  cette  lettre  te  porter  autant  de  bien  que 
m'en  a  fait  la  tienne.  Oh  chéri,  dans  tous  tes  maux, 
repose-toi  sur  mon  cœur  î 

Mercredi  27  [juin  1832.] 

Mon  bien  aimé,  lire  et  relire  tes  lettres,  baiser 
les  chères  places  où  ta  main  a  tracé  les  tendres 
expressions  de  ton  cœur,  voilà,  ici  comme  partout, 
aujourd'hui  comme  toujours,  la  plus  douce  occu- 

1.  Voir  Le  Rénovateur  du  23  juin  1832.  [S.  de  L.] 

2.  Le  gouvernement. 


LETTRE9  DE  MADAME  DE  BERNY.       ÎM 

patioo  de  ma  vie  ;  puis  viennent  les  corrections 

pour  mon  plaisir;  le  reste  du  temps,  celui  que  la 
politesse  m'impose  de  donner  aux  bavardages  du 
G*1,  je  me  crois  dans  un  triste  exil,  à  mille  lieues 
d'un  monde  où  je  serais  dans  ma  sphère  :  avoue  que 
je  suis  malheureuse  en  amis. 

Mde  de  B  et  le  G",  quel  couple!  l'un  et  l'autre 
ne  peuvent  m'offrir  qu'ennui  et  déplaisir.  Mais 
pourquoi  venir  encore  occuper  d'eux  ma  pensée  en 
l'écrivant  ?  parlons  de  toi,  chéri,  toi  dont  je  rêve  le 
bonheur,  toi  que  j'aime  assez  pour  oublier  ma  vie 
en  pensant  à  la  tienne,  toi  dont  l'avenir  est  une  de 
mes  pensées  si  intense  qu'elle  enveloppe  et  fait 
disparoître  toutes  celles  qui  pourraient  avoir  le 
mien  pour  objet.  Ainsi,  quand  je  fais  des  châteaux 
en  Espagne,  je  te  marie  avec  une  femme  pleine  de 
dévouement  et  de  bonté,  assez  spirituelle  pour  te 
comprendre,  pas  assez  pour  viser  au  bel  esprit,  et  je 
te  fais  riche,  assez  pour  que  tu  aies  de  l'aisance,  pas 
assez  pourque  tu  aies  desflatteurs,  mais  pardon,  mon 
petit  maître,  si,  en  ce  que  tu  vas  lire,  mes  châteaux 
en  Espagne  diffèrent  des  tiens,  je  me  garde  bien  de 
te  faire  arriver  au  pouvoir,  bien  certaine  que  là  il 
n'y  a  pas  de  vrai  bonheur  pour  l'homme,  mais, 
pour  te  dédommager,  je  te  donne  les  plus  belles 
palmes  littéraires,  et  une  considération  toujours 
croissante  parmi  tes  concitoyens.  Je  t'entoure  de 
gens  capables  de  t'apprécier  et  d'embellir  ta  vie, 
et  j'éloigne  de  toi  tes  faux  amis  ou  tes  amis  faux. 
Parmi  ceux-ci  se  trouve  la  D8se  d'Abr1.  Oh!  mon 

1.  Mme  la  duchesse  d'Abrantès. 


'200  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

chéri  !  j'ai  lu  ici  une  lettre  de  8  pages  écrite  par  elle 
au  Gal  à  l'occasion  de  la  proposition  qu'il  avait  faite 
à  Mlle  J  de  la  recevoir  chez  lui,  lorsqu'il  la  sût  reli- 
gieuse à  Dijon1.  Mon  chéri,  quel  tissu  de  hardis 
mensonges!  de  cafarderies!  de  vanité  !  d'exagéra- 
tions de  toutes  sortes!  ah,  mon  minet  adoré,  c'est 
ton  bon  ange  qui  t'a  délivré  du  malheur  d'apparte- 
nir à  une  pareille  femme  !  le  Gal  a  trouvé  quelque 
chose  de  si  faux  dans  toute  cette  lettre  qu'il  n'y  a 
pas  répondu  ;  J  aussi  lui  en  a  écrit  une,  mais  la 
vérité  la  plus  simple  en  a  dicté  les  phrases  ;  elle 
fait  honneur  à  son  caractère.  —  Tu  ne  saurais  trop 
te  méfier  des  exagérations  ;  malheureusement  tu  y 
es  trop  habitué  pour  les  reconnoître  tout  d'abord, 
et  il  te  faut  observer  mieux  qu'un  autre.  —  x\dieu 
pour  aujourd'hui,  mon  gentil  aimé,  mille  becs  sur 
tout  toi.  —  Que  fais-tu?  le  saurai-je  donc  bientôt? 

Jeudi  [28  juin  1832.] 

Je  suis  tentée  de  battre  le  piéton  quand  il  ne 
m'apporte  pas  de  lettres,  chéri,  je  me  fais  des 
inquiétudes  de  toutes  les  sortes,  et  je  parcours  le 
champ  des  suppositions  de  la  manière  la  plus  triste. 
Je  ne  puis  t'écrire  la  plus  grande  partie  de  mes 
craintes,  par  prudence,  mais  sache  que  l'idée  la 
moins  effrayante  pour  moi  est  celle  de  te  savoir 
ne  produisant  rien,  et  cependant,  je  vois  de  tous 
mes  yeux  l'énorme  besoin  que  tu  as  de  produire  ; 

1.  M"c  Joséphine  Junot  d'Abrantès.  Mllc  Junot  avait  été 
sœur  de  charité  pendant  quelques  années.  Voir  Coivespondance, 
p.  90,  lettre  XLVIII.  [S.  de  L.J 


LETTRES  DE  MADAME  DE  BERNY.       HH 

oh  mou  gentil,  <ju«*  je  serais  contente  de  savoir 

tous  les  jours  ce  qui  se  passe  dans  ta  pensée!  il 
nie  faut  donc  toujours  souffrir  maintenant!  Quand 

ee  n'est  pas  par  le  cœur,  c'est  par  la  lète.  —  Ami, 
est-ce  donc  un  bonheur  qu'un  attachement  si  vrai? 
Oh  oui,  mille  fois  oui,  jamais  les  souffrances  que 
lu  me  causes  n'égaleront  le  bonheur  que  j'éprouve 
à  t'aimer!  et  une  seule  parcelle  de  ton  amour 
balancerait  les  plus  pesans  malheurs!! 

Vendredi  [29  juin  1832.] 

J'ai  ta  lettre  !  grâces  te  soient  rendues,  je  sais  où 
tu  es,  je  sais  que  tu  travailles  ;  ta  situation,  est-ce 
que  je  ne  la  vois  pas  comme  toi?  il  eut  été  sage  de 
vendre  tes  deux  chevaux,  ils  mangent,  inutilement 
pour  toi,  pendant  ton  absence.  Mais  aujourd'hui, 
ce  n'est  pas  là  ce  qui  m'occupe  le  plus,  car  de  toi, 
la  première  chose  c'est  toi,  et  je  suis  un  peu  ras- 
surée, d'autant  plus  que  la  dame  est  partie1;  que  le 

1.  Il  s'agit,  d'après  une  note  du  vicomte  de  Spoelberch 
de  Lovenjoul,  d'un  projet  de  mariage  avec  Mme  Deur- 
broucq.  Le  13(?)  juin  1832,  Balzac  écrivait  à  sa  mère,  de  Sache  : 
«  Mme  Deurbroucq  doit  venir  —  grande  nouvelle  et  qui 
peut  me  faire  rester  ici  pendant  quelque  tems,  si....  »  Cette 
lettre  est  inédite  (Collection  Lovenjoul,  ms.  A  276,  fol.  93).  Le 
28  juin,  nouvelle  lettre  de  Balzac  à  sa  mère  :  «  On  attend  de 
jour  en  jour  Madame  D....  Aussi  je  ne  puis  pas  courir  les 
champs  et  travailler  autant  que  je  le  voudrais....  Je  voudrais 
pourtant  savoir  à  quoi  m'en  tenir  sur  une  chose  qui  changerait 
si  grandement  ma  situation  et  modifierait  tous  mes  plans.  Le 
travail  souffre  de  cette  attente,  car,  comme  elle  est  attendue 
de  jour  en  jour,  je  vais  trois  fois  par  semaine  à  Mjeré];  or  il 
m'est  impossible  de  concilier  cela  et  le  travail.  Néanmoins, 
Gosselin  satisfait,  — et  il  le  sera  cette  semaine — je  ferai  vive- 
ment La  Bataille  à  moins  que  celle  des  amours  ne  commence 


269  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

sort  la  fasse  rester  où  elle  est  jusqu'à  parfaite  tran- 
quillité, et  que  le  diable  enchaîne  toutes  les  femmes 
qui  se  mêlent  de  ce  qui  ne  les  regarde  pas  !  — 
Que  je  te  remercie  de  tous  les  gentils  cadeaux 
dont  ta  lettre  est  pleine  ;  j'y  répondrai  plus  longue- 
ment, j'envoie  celle-ci  de  suite  pour  que  tu  aies 
mon  adresse;  mais,  Mr  Minet,  je  vous  l'ai  écrite 
dans  ma  dernière  lettre  de  Paris  ;  tu  ne  me  lis  pas, 
méchant.  Mille  becs.  Bazarnes,  par  et  à  Varzi, 
Nièvre. 

Je   ne  veux  pas    voir  la   lettre;   hâte-toi  de   la 
mettre  au  feu. 

Suscriplion  de  la  lettre  :  A  Monsieur  Balzac,  au  château 
de  Sache  par  et  à  Azai-le-Rideau.  Tours.  Indre-et-Loire. 
Le  timbre  de  la  poste  porte  la  date  du  30  juin  1832. 


X 


[Mercredi]  4  juillet  [1832.] 

Je  reçois  à  l'instant  deux  lettres,  l'une  de  mon 
bien  aimé,   l'autre  de  Laure1;  comme  toujours  je 

mais  alors,  je  ne  perdrai  pas  pour  attendre  et  je  pourrai 
bien  faire  la  loi  aux  libraires.  »  (Correspondance,  lettre  LXXII. 
p.  114.)  Enfin,  le  15  juillet,  Balzac  écrit  encore  à  sa  mère  :  «  Ma 
correspondance  et  mes  visites  à  Méré  ont  tout  à  fait  tout  mon 
tems.  Quant  à  Mm«  D...,  elle  m'a  écrit  un  mot  poli  pour  me 
remercier  des  Scènes.  Claire  m'a  dit  en  dernier  lieu  qu'elle  ne 
viendrait  en  Touraine  qu'au  mois  d'8bro;  alors,  je  vais  aller  à 
Angoulème  pour  ne  pas  être  6  mois  chez  M.  de  Margonne.  » 
(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  276,  fol.  98  et  107.  —  Cowespondance, 
lettre  LXXIX,  p.  118.) 
1.  Laure- Alexandrine    de    Berny,    née    le    30    octobre    1813. 


LETTRES  DE  MADAME  DE  BERNY,  263 

garde  la  tienne  pour  la  lin*  la  dernière,  bien  ;i  mon 
aise,  mais  hélas  !  j'avais  presqu'envie  «le  ne  l'ouvrir 
([lie  ee  soir  ;  après  avoir  lu  celle  de  L[aure].  Cette 
lettre  lui  est  dictée  d'un  bout  à  l'autre,  mais  figure- 
toi  mon  angoisse,  lorsque  j'y  vois  que  son  père  ne 
veut  pas  que  son  frère  la  reçoive  des  mains  de 
Mmo  Fabre  mais  des  siennes  et  qu'Alex [andre|  se 
refuse  à  aller  chez  son  père.  Je  connoissais  l'inten- 
tion de  M1  B[erny]  et  j'avais  écrit  à  ce  sujet  à 
Alex[andre],  mais  la  lettre  ne  sera  pas  arrivée  à 
temps.  La  voiture  du  Gal  est  partie  pour  aller 
prendre  mes  enfans  à  la  diligence  de  Clamecy,  je 
ne  sais  si  elle  me  ramènera  au  moins  Alex[andre|. 
Oh!  mon  Dieu,  quelle  terrible  chaîne  est  la  mienne! 
D'un  autre  côté,  Antoine  me  donne  de  vives  inquié- 
tudes, car  le  parti  que  j'ai  pris  pour  lui  semble  ne 
pas  lui  convenir.  —  Je  ne  t'en  avais  pas  parlé, 
parce  que  tu  as  bien  assez  de  tes  chagrins  sans 
prendre  encore  ta  part  des  miens.  Mais  en  ce  mo- 
ment la  mesure  est  si  comble  qu'il  m'a  fallu  en 
déposer  une  petite  partie  sur  ta  chère  et  fidèle  âme. 

—  J'ai  lu  ta  lettre,  ami,  j'y  répondrai  plus  tard.  Tu 
me  reproches  de  ne  pas  t'écrire  et  cependant,  à 
peine  s'il  se  passe  un  seul  jour  sans  que  je  me 
donne  le  doux  plaisir  de  causer  avec  toi.  —  J'at- 
tends le  retour  de  la  voiture  avec  une  anxiété 
fatigante.  —  Vraiment,  ce  n'est  pas  vivre,  que  de 
se  trouver  toujours  ainsi  environnée  de  tourmens. 

—  Je  reçois  tes  caresses  pour  adoucir  l'amertume 
de  ma  situation  présente  —  Quelle  déraison,  faire 
souffrir  Laure  de  la  raideur  de  son  frère  !!...  Je  suis 
brisée! 


264  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

J'ai  voulu  me  mettre  à  corriger,  impossible,  il 
est  2  h.,  je  ne  serai  tirée  de  mon  anxiété  qu'à  6  h., 
c'est  bien  long.  Je  me  mets  à  réfléchir,  les  bras 
croisés,  puis  j'ai  pensé  qu'il  me  serait  peut-être 
moins  pénible  de  causer  avec  toi  que  toute  seule. 
—  On  veut,  je  le  vois,  me  faire  renoncer  à  une 
séparation  qui,  sans  doute,  doit  affliger  beaucoup 
Mr  B[erny].  Mais  voyons  quelles  sont  les  raisons 
qui  peuvent  me  faire  persister  dans  ma  résolution, 
ou  celles  qui  pourraient  m'y  faire  renoncer.  De  ces 
dernières  j'en  vois  bien  peu.  L'affliction  de  MrB[er- 
nyj   est  la   plus  puissante,   sans  doute  ;   il  m'est 
affreux  d'affliger  qui  que  ce  soit,  mais  la  position 
de  mon  cher  Àlex[andre],  si  je  l'abandonne,  est  un 
poids  bien  autrement  pesant  dans  la  balance,  une 
chère  victime  qui  de  sa  vie  ne  m'a  donné  de  cha- 
grin, qui  a  besoin  d'avoir  près  de  lui  un  être  qui 
l'aime  et  qui  adoucisse  l'amertume  que  donne  tou- 
jours à  ses  pensées  le  genre  de  son  caractère.  Lui 
qui  ne  cherche  et  ne  trouve  de  distraction  nulle  part, 
et  qui  avait  pris  la  douce  habitude  de  se  laisser 
aller  à  causer  avec  moi.  Moi  qui  suis  le  seul  être 
qu'il  aime  au  monde  je  l'abandonnerais  ?  impos- 
sible !  or  ce  serait  l'abandonner  que  de  vivre  avec 
Mr  B[erny],  car  je  le  vois,  c'est  fini  à  tout  jamais 
entre  son  père  et  lui.  Je  neveux  pas  juger  cela, 
cette  conduite  de  sa  part  est  une  conséquence  de 
son  caractère  ferme  et  rect.    Il  y  a  partout   des 
conséquences  à  subir,  celles  de  la  fermeté  ne  sont 
pas  à  comparer,  pour  leur  préjudice,  avec  celles  de 
la  foiblesse.  Je  respecte  la  force  et  puis  tout  sup- 
porter d'elle,  je  méprise  la  foiblesse,  et  n'en  puis 


LETTRES  DE  MADAME  DE  BERNY.       265 

rien  supporter  sans  de  grandes  souffrances.  — 
Serait-ce  pour  mes  autres  enfans  que  je  resterais 

près  de  M'  <l<;  B[emy]  ?  il  n'y  en  a  pas  un  d'eux 
maintenant  à  qui  ma  séparation  puisse  être  nuisi- 
ble. Laure  elle-même  y  gagnera  plus  qu'elle  n'y 
perdra,  je  la  marierai  de  cette  manière  moins  diffi- 
cilement, car  je  pourrai  amener  des  jeunes  gens 
chez  moi,  et  certes,  ce  n'est  pas  la  vue  de  son  père 
qui  les  déterminerait  à  entrer  dans  une  famille 
dont  il  est  le  chef;  ce  n'est  pas  non  plus  son  adresse 
qui  les  y  déterminerait,  il  n'a  jamais  su  que  mettre 
les  bâtons  dans  les  roues  que  j'étais  parvenue  à 
faire  mouvoir.  —  Enfin,  si  les  jugemens  du  monde 
pouvaient  entrer  pour  quelque  chose  dans  ma  dé- 
termination, je  sais  ce  que  penseront  toutes  les 
personnes  qui  connoissent  Mr  de  Bjerny]  ;  mes 
filles  elles-même  me  conseillaient  plutôt  le  pour  que 
le  contre  (peut-être  auront-elles  changé  d'avis). 
Quant  à  mes  fils,  je  sais  ce  que  pensera  Ant[oine]. 
Ar[mand] l  ne  désire  rien  autre  chose  en  ce  moment 
que  cette  séparation  ;  ainsi  qui  pourrait  donc  m'y 
faire  renoncer?  Mr  B|erny]  tout  seul,  s'il  lui  prenait 
fantaisie  de  me  retirer  sa  procuration;  mais  j'espère 
qu'il  ne  V osera  pas.  Néanmoins,  cette  pensée  me 
forcera  peut-être  à  retourner  à  Paris  plutôt  (sic)  que 
je  ne  le  croyais,  car  il  faut  être  là  pour  éviter  cela. 
—  Ami,  ce  doux  épanchement  m'a  un  peu  calmée, 
et  m'a  doucement  fait  patienter  une  demi-heure. 

1.  Armand-Marie  de  Berny,   né   à  Paris,  le  2   octobre  1811, 
décédé  le  23  novembre  1835. 


266  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 


Mercredi. 

Mes  enfans  sont  arrivés  tous  deux  hier,  je  t'en- 
voie mon  bavardage  pour  que  tu  sois  au  fait  de 
toutes  mes  pensées.  —  Quant  à  mon  cœur,  tu  sais, 
j'espère,  tout  ce  qu'il  renferme  pour  toi.  —  Reçois 
mille  baisers,  ami,  le  piéton  attend,  à  plutard  (sic) 
tout  ce  que  mon  cœur  peut  te  dire.  —  Adieu1. 


XI 


Vendredi  [6  juillet  1832.] 

Ami  chéri,  gentil,  adoré,  le  Gal  et  Alex[andreJ 
ne  me  laissent  pas  à  eux  deux  le  temps  de  t'écrire  ; 
il  me  faut  ôter  ma  clef,  comme  dans  ce  moment, 
pour  jouir  d'un  quart  d'heure  de  liberté,  encore 
rôdent-ils  dans  mon  corridor;  mais  grâce  à  la  sur- 
dité du  Gal,  je  puis  te  parler  tout  haut  fort  à  mon 
aise  pendant  qu'il  me  débite  ses  histoires,  et  c'est 
un  plaisir  dont  je  me  régale  souvent,  mais  hélas, 
chéri,  elles  ne  vont  pas  jusqu'à  ton  oreille  ces 
paroles  d'amour  ou  ces  confidences,  et  cette  triste 
distance  qui  nous  sépare  les  engloutit,  comme  la 
mer  une  goutte  d'eau.  Chéri,  j'espère  que  tu  ne 
souffres  pas  de  la  chaleur  comme  nous  ici.  Bazarnes 
est  un  entonnoir  et  nous  y  sommes  comme  dans  un 

1.  Balzac,  quand  il  reçut  cette  lettre,  était  à  Sache,  l'hôte  de 
M.  de  Margonne. 


LETTRES  DE  MADAME  DE  BERNY.  26*3 

foui*,  oli  non!  j'espère  «pn-  la  chaleur  ne  t'empêche 
pas  de  produire,  car  tu  as  tant  besoin  des  fruits 
de  ton  Imagination  que  je  frémis  en  pensant  à  ce 
que  tu  deviendrais  s'ils  n'arrivaient  pas  à  une 
pleine  maturité. 

Je  ne  puis  encore  rien  te  dire  sur  mon  allure, 
j'attends  la  réponse  d'Antoine;  je  suis  comme 
l'oiseau  sur  la  branche,  et  cet  état  précaire  n'esl 
pas  beaucoup  de  mon  goût  :  mais  tu  connais  ma 
devise  Patience  et  Courage.  Ce  qui  m'aidera  tou- 
jours à  prendre  ma  part  de  ces  deux  trésors  hu- 
mains, ce  sont  tous  ceux  que  tu  me  conserveras 
dans  ton  cher  et  gentil  cœur,  c'est  ta  douce  ten- 
dresse, ce  sont  tes  expressions  d'amour.  Oh!  Minel 
adoré,  sois  en  prodigue  ;  songe  que  chacune  d'elles 
porte  la  joie  et  le  contentement  dans  un  cœur  dont 
tu  es  si  souverainement  le  maître  que  ses  batte- 
mens  n'ont  d'autres  moteurs  que  ta  volonté.  Mon 
doux  Seigneur  veut-il  prendre  toutes  les  caresses 
que  dépose  ici  son  Eve  aimante? 

Samedi  [7  juillet  1832.] 

Je  n'aime  pas  ce  découragement  dont  ta  dernière 
lettre  est  remplie,  oh!  mon  chéri!  toute  ma  rhéto- 
rique de  cœur  serait  employée  à  le  détruire,  si 
j'étais  près  de  toi,  mais  y  parviendrais-je?  oh!  oui, 
et  je  sais  bien  comment,  Minet  adoré!  la  puissance 
de  nos  caresses  est  bien  grande!  Aussi  je  t'avoue 
que  cette  pensée  m'afflige,  car,  ami,  rien  ne  rem- 
placera leur  douce  influence  sur  nos  existences,  et 
surtout  sur  la  tienne.  Je  ne  puis  m'empecher  de 


268  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

frémir  de  toute  mon  âme,  quand  je  songe  au  mo- 
ment où  il  ne  me  sera  plus  permis  par  un  baiser, 
de  te  jeter  en  dehors  de  tout  ce  qui  t'afflige.  Quelle 
est  la  coquetterie  de  cœur,  d'âme ,  d'esprit  qui 
pourra  remplacer  une  seule  gentillesse  d'amour? 
Et  quand  je  pense  qu'une  autre. . . .  ! 

Oh  mon  Didi  à  moi  !  mon  chéri,  mon  adoré  maître, 
viens  donc  recevoir  encore  le  tribut  d'une  volupté 
créée  par  toi,  les  caresses  d'une  chérie  façonnée  à 
ton  usage!  Oh,  nous  nous  retrouverons  bientôt 
j'espère  ;  il  me  serait  trop  affreux  de  laisser  cueillir 
par  d'autres  ces  belles  fleurs  dont  le  parfum  vient 
encore  jusqu'à  moi  et  m'enivre,  dont  les  vives 
couleurs  me  réjouissent  le  cœur,  et  que  j'effeuille- 
rais avec  tant  d'amour  sur  ton  gentil  corselet! 

Minet  aimé,  à  toi  les  baisers,  à  toi  tous  les  plus 
gracieux  dons  de  ta  Didi  méchante  ! 

Dimanche  [8  juillet  1832.] 

Cette  lettre  va  partir,  et  je  n'en  espère  pas  une 
de  toi,  car  je  n'ai  pas  eu  mon  avertissement  noc- 
turne qui  ne  me  trompe  jamais,  ami  !  Serais-tu 
malade?  Oh  cette  pensée  m'est  insupportable,  et, 
fâcheusement  pour  moi,  elle  entraîne  une  inquié- 
tude pécuniaire,  la  plus  sotie  de  toutes.  Que  de- 
viendrais-tu si  tu  tombais  malade?  Tu  avais  bien 
raison  de  te  comparer  naguère  à  un  manouvrier, 
ton  existence,  comme  la  sienne,  repose  donc  sur  ta 
force  et  ta  santé.  Ami,  courage,  et  si  tu  peux  ne 
laisser  courrir  ton  imagination  qu'au  profit  de  tes 
gentilles,   de    tes    belles  compositions,   arrète-la. 


LETTRES  DE  MADAME  DE  BERNY.       269 

lorsqu'elle   voudrait  s'en   aller  vagabonder  dans 

ccrlaines  rouies  épineuses   où   elle  n'a   nul   besoin 

d'aller  déjà  se  fourrer,  et  d'où  elle  revient  souf- 
frante. Ami,  il  y  a  partout  des  antipathies  et  je  suis 
persuadée  que  la  poésie  et  la  politique  ont  entre 
elles  une  aversion  invincible.  Pourquoi  veux-tu 
faire  un  miracle,  en  cherchant  à  les  accoupler?  es- 
tu  sot  de  ne  pas  jouir  tranquillement  de  tes  belles 
années?  es-tu  fou  de  chercher  à  troubler  la  joie 
qu'elles  sont  si  bien  disposées  à  te  prodiguer?  es- 
tu  imprudent  d'abandonner  les  riches  moissons 
qu'elles  t'offrent  pour  glaner  quelques  mauvaises 
épines?  Ah!  le  temps  ne  viendra  que  trop  tôt,  ami, 
où  tu  en  prendras  ta  grande  part,  tout  comme  un 
autre  —  Sois  poëte,  mon  doux  chéri,  quelques 
années  encore,  et  laisse  couler  l'eau;  —  la  librairie 
va  être  ruinée,  dis-tu,  quand  cela  serait?  Toi  qui 
réfléchis,  pense  donc  aux  besoins  actuels  de  la 
pensée,  et  dis-moi  si  cette  ruine  peut  être  de  longue 
durée?  Pauvre  chéri,  le  temps  que  tu  mettrais  à 
lui  préparer  un  ouvrage  lui  suffîraitpour  se  relever, 
s'il  lui  arrivait  ce  malheur  que  tu  t'affliges  à  pré- 
voir, et  quant  à  ce  qu'elle  te  doit,  je  crois  que  tu 
t'arranges  toujoursde  manière  à  te  laisser  peu  d'in- 
quiétudes sur  ce  point.  Allons,  MrDidi,  du  courage 
et  pas  de  folles  craintes.  Sur  ce  je  vous  baise  le 
bec  pour  vous  empêcher  de  me  répondre,  comme 
aussi  pour  reprendre  à  l'instant  même  tout  ce  que 
j'y  dépose  d'amour. 


270  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 


XII 


[Lundi]  9  [juillet  1832.] 

Quel  lourd  et  pesant  fardeau  tu  me  donnes  à 
porter,  ami  chéri!  quoi!  ne  t'en  rapporter  qu'à  moi 
pour  ton  L[ouis]  L[ambert],  pour  une  œuvre  à  la- 
quelle tu  mets  tant  de  prix!  Mais  c'est  une  folie, 
mon  bien  cher,  et  si  tu  crois  une  femme  capable 
de  t'aider  par  ses  jugemens,  pourquoi  ne  consultes- 
tu  pas  Mde  Caraud  (sic)l  Je  te  dis,  en  toute  vérité, 
que,  par  les  lettres  que  tu  m'as  lues  d'elle,  et  par  ce 
que  tu  m'en  as  dit,  je  la  crois  plus  capable  que  moi, 
qui  n'ai,  comme  tu  sais,  que  mon  sentiment,  guidé 
par  l'instinct  du  cœur. 

Faut-il  donc,  Mr  Minet,  pour  pouvoir  profîtter  des 
conseils  d'une  femme  que  cette  femme  nous  appar- 
tienne? Ce  génie  femme  dont  l'absence,  dites-vous, 
vous  jette  dans  une  petite  folie,  s'évanouit-il  donc 
tout  à  fait,  quand  les  sens  ne  sont  plus  près  de  lui? 
Ah!  mon  René!  quel  arrêt  pour  ta  nouvelle  Eve!  A 
propos  de  René,  ne  voilà-t-il  pas  ce  nom  qui  se 
trouve  écrit  par  nous  deux  dans  le  même  moment, 
et  tu  veux  que  le  génie  ne  soit  plus  là?  Oh  oui,  tu 
as  mieux  dit  ailleurs,  nous  sommes  la  même  sub- 
stance, et  voilà  pourquoi  la  plus  légère  parcelle 
séparée  entre  nous  produit  un  si  vif  déchirement. 
Oh!  comme  j'ai  savouré  ce  bon  et  long  et  volup- 
tueux bec  que  tu  m'envoies!  Ami,  à  cette  distance, 
l'enivrement  qu'il  cause  n'est    pas  dangereux,  et 


LETTRES  DE  MADAME  DE  BERNY.  271 

l'on  peut  s'y  livrer;  aussi  j«'  te  l<i  renvoie  double- 
ment chargé  de  iout  ce  que  tu  y  a  mis.  .Je  veux, 
Mr,  savoir  ce  que  vous  avez  <'crit  après  le  mot: 
dame,  il  m'a  été  impossible  de  déchiffrer  ce  mot 
qui  m'intéresse;  vous  le  transcrirez  lisiblement, 
s.  v.  p.,  et  me  renverrez  mon  pelit  morceau  de 
papier,  j'y  tiens,  attendu  qu'il  fait  partie  d'une 
collection  de  laquelle  je  n'ai  pas  encore  égaré  une 
seule  syllabe1. 

Tu  le  vois  bien  que  je  ne  suis  que  femme.  Cette 
lettre  était  destinée  à  ne  le  parler  que  de  ton  L[ouis] 
L[ambert],  je  voulais  obéir  à  tes  ordres,  et  m'af- 
fublcr  du  masque  de  critique,  bah  !  j'ai  enfilé  une 
toute  autre  route,  et  je  m'y  trouvais  bien  mieux  que 
sur  le  sol  rocailleux  où  tu  veux  me  faire  marcher. 
Tu  ne  sais  donc  pas  que  je  m'y  blesserai,  non  les 
pieds,  mais  le  cœur,  car  il  s'agit  de  te  dire  des 
vérités  dures,  puisque  tu  veux  les  entendre;  mais 
songe  que  je  puis  ne  pas  avoir  le  sens  commun, 
qu'un  avis  donné  par  sentiment  sur  un  objet  d'art 
peut  ne  pas  avoir  le  sens  commun  et  que  là  où  ma 
vue  débile  n'apperçoit  rien,  un  œil  exercé  y  verra 
d'admirables  beautés!  Je  viens  de  relire  ce  que  j'ai 
de  L[ouis\   L[ambert]  c'est-à-dire  le  tout,   moins  la 

1.  Il  se  trouve  joint  à  cette  page  un  minuscule  fragment  de 
la  lettre  même  de  Balzac  à  laquelle  celle-ci  répond  :  voici  ce 
qu'il  contient  :  «  Faut-il  donc  aller  à  la  dame  d'Aix!  »  c'est-à- 
dire,  ainsi  qu'il  le  fit  en  effet,  aller  retrouver  la  marquise  de 
Castries  qui  l'attendait  à  Aix-les-Bains. 

Au  revers  de  la  phrase  que  nous  venons  de  citer  on  peut  lire 
ces  mots  :  «  (oh  toi!  toi!)  c'est  tout  pour...  n'efface....  » 

En  tout  cas,  malgré  la  demande  de  Madame  de  Berny,  Balzac 
ne  lui  retourna  jamais  cette  petite  relique  à  laquelle  elle  sem- 
blait tant  tenir  ! 


'272  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

5e  et  4e  feuille;  après  avoir  disséqué  cette  œuvre,  je 
viens  de  la   revoir  vivante,  et  je    crois  que  tu  as 
entrepris  une  œuvre  impossible.  Ce  qui  me  console, 
c'est  que  le  public  ne  verra  pas  ce  que  tu  as  espéré 
en  faire,  et  ce  qui  est  la  seule  chose  que  je  trouve 
impossible,  tu  veux  faire  le  fait  vrai,  le  saisir  dans 
son  action    même.    Si  le    public   devinait  cela,   tu 
serais  perdu,  car  ce  serait  vouloir  poser  une  borne 
qu'il  n'est  permis  qu'à  Dieu  de  toucher;  Goethe  et 
Byron  ont  admirablement  peint   les    désirs  d'un 
esprit  supérieur;  en  les  lisant,  on  les  grandit  de  tout 
cet  espace  qu'ils  ont  apperçu;  on  admire  la  portée 
de  leur  vue,  on  voudrait  leur  donner  son  âme  pour 
aider  la  leur  à  franchir  la  distance  qui  les  sépare 
de  ce  but  où  ils  aspirent.  Mais  si  un  auteur  vient 
me  dire  qu'il  est  parvenu  à  ce  but,  tel  grand  qu'il 
soit,  je  ne  vois  plus  en  lui  que  le  présomptueux,  sa 
vanité  me  choque  et  je  le  rapetisse  de  toute  la 
hauteur  où   il   a  voulu   s'élever.  La  perfection  est 
pour  l'homme  quelque  chose  d'autant  plus  précieux 
qu'elle  est  toujours  accompagnée  de  V espérance;  si 
un  Dieu  venait  la  lui  offrir,  peut-être  n'en  voudrait- 
il  plus;  mais  bien  certainement  il  croira  toujours 
de  mauvais  aloi,  ou  mieux  encore  il  ne  croira  pas 
à  celle  qu'un  homme  viendra  lui  offrir  et  il  jettera 
sur  cet  homme  un  juste  ridicule.  Voilà,  chéri,  mon 
avis,  et  d'après  lequel  je  te  supplierais  de  retran- 
cher de  ton  L\ouis]  L[ambert]  tout  ce  qui  pourrait 
faire  deviner  ces  singulières  pensées,  dont  je  vou- 
drais bien  être  seule  dépositaire  (et  que  j'ai  trans- 
crites de  tes  lettres).  Ainsi,  ces  phrases  :  «  l'admi- 
rable combat  de  la  pensée,  arrivée  à  sa  plus  grande 


LETTRES  DE  MADAME  DE  BERNY.       273 

force,  à  sa  plus  vaste  eœpresêion?  » «  le  monde 

moral  dont  il  avait  reculé  les  limites  pour  lui.  »  ne 

peuvent  9e  tolérer,  surtout  les  premières,  car,  enfin, 
reculer  des  limites  n'est  pas  atteindre  un  but,  et 
celle-ci  peut  à  la  rigueur  passer. 

Oui,  bien  certainement,  je  blâme  la  collusion, 
car  elle  serait  à  ton  préjudice;  fais  mon  chéri,  que 
toute  la  foule  t'apperçoive  de  partout,  par  la  hau- 
teur où  tu  te  seras  placé,  mais  ne  lui  crie  pas  de 
f  admirer,  car  de  toutes  parts  les  verres  les  plus 
grossissants  seraient  à  l'instant  dirigés  sur  toi,  et 
que  devient  le  plus  délicieux  objet  vu  au  miscro- 
scope? 


XIII 


Mercredi  [11  juillet  1832.] 

Gomment,  chéri  !  pas  un  être  qui  puisse  t'en- 
tendre?  pas  de  conversation,  me  dis-tu,  mais  je 
croyais  Mr  de  M[argonne]  au  moins,  bien  en  état 
de  comprendre  l'exigeante  loquacité  d'un  auteur, 
et  je  lui  croyais  assez  de  savoir-vivre  pour  s'y 
prêter.  —  Tu  es  donc  là  dans  un  désert?  pauvre 
ami  !  je  te  plains  d'autant  plus  que  le  plus  triste  de 
tous  est  celui  qui  est  habité,  et  je  ne  suis  pas  près 
de  toi,  cette  pensée  ressemble  à  un  remords.  —  Mon 
gentil  ami,  et  la  veuve  '?  mets  donc  ton  esprit  à  la 

1.  Voir  la  note  de  la  lettre  IX,  p.  261. 

18 


274  •      LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

voile  pour  la  remorquer.  Oh  oui,  ami,  je  t'aime 
trop  vraiment  pour  ne  pas  désirer  ce  mariage  qui 
assurerait  si  bien  ton  avenir,  et  de  toutes  manières, 
car  il  te  donnerait  la  facilité  de  faire  tes  beaux 
ouvrages  à  ton  aise  ;  et,  chéri,  tant  que  je  verrai  ton 
existence  si  précaire,  je  ne  serai  pas  tranquille, 
l'inquiétude  que  tu  me  donnes  rend  mon  cœur 
presque  docile,  et  cependant  si  tu  étais  là  en  ce 
moment,  oh  chéri  !  par  ce  beau  temps,  par  cette 
chaleur  qui  ne  doit  pas  laisser  facilement  travailler, 
qu'un  petit  brin  d'amour  nous  irait  bien  ?  et  comme 
nous  aurions  l'art  d'en  tirer  un  beau  parti?  Minet, 
il  me  semble  que  tu  es  là,  dans  cette  grande  chambre 
propre  et  commode.  Oh,  comme  je  te  rends  au  cen- 
tuple tous  les  beaux  et  riches  bouquets  que  tu  te 
plais  à  m'envoyer  !  comme  je  les  effeuille  avec 
amour,  que  de  caresses  je  te  prodigue,  pour  une 
seule  de  leurs  parcelles?  Chéri  adoré,  à  quand  donc 
la  belle  réalité  d'un  si  doux  rêve?  Oui,  mon  cœur  a 
bien  vite  répondu  au  tien,  quand  nous  reverrons- 
nous?  il  te  faut  moi,  ange  céleste,  et  toi,  combien  tu 
me  manques.  —  Tiens,  ce  que  je  t'écrivais  l'autre 
jour  sur  la  conversation  est  une  niaiserie,  nous  con- 
versons si  bien  sans  rien  dire!  puis,  tes  contradic- 
tions, telles  grandes  qu'elles  soient  parfois,  vont 
encore  mieux  à  mon  âme  que  l'approbation  des 
autres,  comme  aussi  je  pense  que,  pour  toi,  cette 
àme  compense  pour  toi  de  mille  manières  ce  qui 
peut  manquer  à  mon  esprit. 

Enfin,  c'est  un  fait,  nous  nous  manquons  cruelle- 
ment quand  une  affligeante  distance  vient  se  mettre 
entre  nos  voix,  entre  nos  regards,  entre  nos  doux 


LETTRES  DE  MADAME  DE  BERM  l27:> 

serrements  de  mains  ;  tu  travailles  donc  beaucoup? 
Cependanl ,  par  cette  chaleur,  prends  garde.  Je  dirai 
comme  jadis  un  jeune  el  gracieux  Chéri:  «  Allez, 
porte/,  ma  lettre  et  portez  à  mon  ami  toutes  les  joies 
de  la  terre,  toutes  les  délices  du  cœur!   » 


XIV 


[Mercredi]  18  [juillet  1832.] 

Alex[andre]  vient  de  partir  pour  Clamecy  où  il  a 
affaire,  et  je  l'avais  chargé  d'une  lettre  pour  toi, 
afin  qu'elle  t'arrivât  plutôt  (sic)  ;  je  t'y  exprimais 
toutes  mes  inquiétudes  sur  ton  sort,  elles  ont  été 
vives  et  cruelles;  oh  chéri,  dix  longs  jours  sans  te 
lire  !  c'est  trop  pour  ma  tendresse. 

J'ai  enfin  reçu  ta  lettre  du  13,  et  j'ai  repris  celle 
que  je  t'envoyais  et  dont  plus  de  la  moitié  ne  signi- 
fiait plus  rien. 

Te  voilà  donc  encore  bien  plus  loin  de  moi  V  Oh 
mon  Dieu,  comme  cette  nouvelle  m'attriste;  elle 
me  fait  l'effet  d'une  seconde  séparation  ;  qu'avais-tu 
donc  besoin  de  ce  nouvel  éloignement,  de  ce  sur- 
croit de  dépenses  ?  pauvre  ami  !  ton  imagination  se 
croit  toujours  mieux  là  où  tu  n'es  pas  ;  craignais-tu 
qu'on  ne  courût  jusqu'à  Sache  pour  t'y  arrêter? 
quelle  crainte  chimérique  et  panique  /Enfin,  te  voilà 

1.  Balzac  venait  d'arriver  à  Angoulèmc  chez  M.  et  Mme  Car- 
raud,  lorsqu'il  reçut  cette  lettre.  M.  Carraud  avait  été  nommé, 
en  juillet,  inspecteur  de  la  poudrerie  d'Angoulème. 


276  I  A  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

près  d'une  de  tes  amies  ;  je  l'en  félicite,  dans  le 
nombre  des  aspirantes,  c'en  est  toujours  une  heu- 
reuse. Elle  fera  bien  dejouirpleinement  du  bonheur 
que  lui  donnera  ta  présence,  car  dans  ce  monde  il  est 
rare  et  court  ;  puisses-tu  te  trouver  bien  dans  ce 
nouveau  séjour  ami,  et  y  être  assez  inspiré  pour 
faire  une  belle  œuvre!  —  Je  me  hâtais  de  t'écrire, 
pour  t'informer  de  mon  départ  de  Bazarnes,  car  ton 
silence  me  donnait,  entr'autres  pensées,  celle  de 
t'y  voir  arriver.  Cependant  je  savais  que  ta  gêne 
était  un  obstacle  au  voyage,  mais  je  savais  aussi 
que  notre  tendresse  n'a  pas  toujours  su  calculer 
avec  nos  bourses.  Enfin  après  m'être  bien  fatigué 
l'àme  à  craindre  quelques  malheurs,  je  la  raffrai- 
chissais  par  l'espoir  de  te  voir  arriver.  Maintenant 
je  suis  tranquille,  tu  te  portes  bien  et  tu  voyages, 
oui,  tu  voyages  mais  c'est  au  loin,  et  pourquoi 
faire?  cela,  je  l'ignore,  il  eût  été  bien  difficile  que  tu 
vinsses  ici  c'est  vrai,  tout  ce  qui  touche  à  ma  ten- 
dresse pour  toi  est  hérissé  de  difficultés.  —  Ecoute, 
ami,  puisque  te  voilà  de  nouveau  près  de  Mde  C[ar- 
raud]  je  désire  que  tu  me  réhabilites  dans  son 
esprit,  ce  désir  va  peut-être  te  paraître  une  peti- 
tesse, et  je  ne  chercherai  pas  à  m'expliquer  si  tu 
auras  tort  ou  raison,  mais  ce  que  je  sais,  c'est  que 
je  craindrais  également  et  des  parures  étrangères  et 
des  travestissemens  difformes  ;  par  les  lettres  que 
j'ai  lues  de  Mde  C[arraudJ,  j'ai  jugé  l'opinion  qu'on 
lui  a  donnée  de  moi  ;  dans  toutes  ses  offres  de  ten- 
dresse, il  y  a  plus  que  du  sentiment,  il  y  a  de  la 
pitié.  On  voit  qu'elle  souffre  en  te  croyant  uni  à  un 
être  indigne  de  toi.  Chéri,  sois  certain  que  je  ne  me 


LETTRES  DE  MADAME  DE  BERNY.       277 

trompe  pas,  jamais  pour  juger  (,('s  choses-là,  un 

homme  n'aura  la  vue  d'une  femme.  Cependant, 
c'est  si  visible  que  je  t'ai  souvent  su  mauvais  gré, 

je  te  l'avoue,  d'avoir  Laissé  peser  sur  moi,  sur  ta 
chérie,  un  jugement  indigne  d'elle  et  de  toi,  loi  par- 
fois si  bavard,  toi  si  communicatif.  Rougirais-tu 
donc  d'avouer  ta  tendresse?  Si  tu  avais  pu  avoir 
l'ombre  de  cetle  pensée,  sans  reprendre  à  l'instant 
ta  liberté,  je  ne  t'estimerais  pas.  Ne  viens  pas,  pour 
t'excuser,  me  dire  que  la  délicatesse  te  deffend  de 
me  compromettre,  chéri.  A  cet  égard  toute  ta 
famille  s'est  si  mal  conduite  envers  moi,  qu'elle  ne 
t'a  laissé  d'autre  moyen  pour  mettre  mon  honneur 
à  couvert,  que  celui  d'avouer  noblement  ton  chaste 
et  pur  sentiment,  et  d'inspirer  alors  pour  la  femme 
qui  t'adore  un  genre  de  respect  dont  elle  aurait  été 
plus  fîère  que  de  celui  perdu.  —  Mais  tout  perdre  à 
la  fois,  c'est  trop  ! 

Mon  bien  aimé,  j'ai  eu  plus  d'une  fois  à  souffrir 
par  toi  à  ce  sujet-là;  va,  mon  gentil,  ton  amour  est 
bien  grand,  mais  rappelle-toi  ce  que  je  t'écrivais 
naguère  sur  les  compensations  ;  puis,  serre-moi 
sur  ton  cœur  aimant. 

Je  pars  d'ici  le  24,  c'est-à-dire  mardi  prochain. 
Antoine  me  force  à  partir  plutôt  (sic)  que  je  ne  l'au- 
rais voulu.  Peut-être  laisserai-je  Laure,  et  peut- 
être  la  viendrai-je  reprendre,  mais  ce  ne  sera  pas 
sans  t'avoir  vu,  après  être  restée  à  P[aris]  le  temps 
nécessaire  pour  mes  affaires.  J'irais  passer  à  la 
Boulonière1  le  temps  que  tu  resteras  à  Angoulême. 

1.   La  véritable  orthographe  du  nom  de  cette  propriété  est  : 
La  Bouleaunière.  Ce  pavillon,  qui  appartenait  à  Armand-Marie 


278  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Puis  je  reviendrai  à  P[aris]  quand  tu  y  reviendras, 
car  il  faut  que  je  te  voie,  puis,  je  reviendrai  ici 
prendre  Laure  ;  je  demeurerai  à  Pjaris]  rue  de  Cré- 
bilion  5,  dans  le  petit  appartement  d'Alex[andrej. 
Ainsi  jusqu'à  nouvel  ordre,  envoie-moi  mes  lettres 
à  cette  adresse. 

Sois  tranquille  sur  le  paquet  que  tu  m'envoies.  Si 
j'étais  partie  d'ici  lorsqu'il  arrivera,  on  me  le  fera 
passer  de  suite  à  Paris.  —  Je  serai  contente  de  lire 
et  relire  cette  dernière  œuvre;  m'occuper  de  tout  ce 
qui  est  toi  me  charmera  toujours,  mon  ange  aimé, 
je  suis  si  triste  que  mon  cœur  en  est  muet,  ainsi, 
pour  cette  fois,  fais  ce  qui  t'arrive  souvent,  com- 
prends-le sans  qu'il  s'exprime. — Sais-tu  que  j'aime 
mieux  te  savoir  près  d'une  femme  raisonnable  et  à 
laquelle  je  suppose  une  belle  âme,  que  près  de  cer- 
taines folles,  égoïstes,  et  au  jugement  faux,  qui,  par 
un  malheur  de  ta  destinée,  ont  plus  d'influence  sur 
toi  que  qui  que  ce  soit.  Mais  la  folie  est  plus 
attrayante  que  la  raison,  et,  poëte,  il  faut  que  tu  en 
subisses  toutes  les  conséquences.  Par  exemple,  tes 
opinions  en  politique  n'ont  commencé  à  prendre  un 
autre  port  que  depuis  les  longues  et  interminables 
conversations  de  la  Dssed'Abr|antès].  LeMet[ternich] 
y  assistait  probablement  toujours,  lui  ou  son  om- 
bre. —  Que  ta  vanité  d'homme  ne  s'effarouche  pas 
chéri,  aucun  de  vous,  même  le  plus  supérieur,  ne 
peut  échapper  à  l'influence  féminine,  et  la  plus  heu- 


de  Berny,  est  situé  au  hameau  de  Hulay,  commune  de  Grez- 
sur-Loing,  canton  de  Nemours,  à  environ  4  kilomètres  de  cette 
ville.  Voir  Y  Intermédiaire  des  Chercheurs  et  Curieux,  t.  XXYII. 
col.  486,  701,  et  t.  XXVIII,  col.  600. 


LETTRES  DE  MADAME  DE  BERNY.  279 

reuse  d'entre  nous  à  ce  mauvais  jeu  es!  celle  qui 
attaque  à  dessein  voire  côté  faible.  —  [ci  permets- 
moi  un  hélas!  car  j'aurais  voulu  voir  mon  idole 
placée  sur  un  des  plus  beaux  piédeslals  qui  jamais 
ait  soutenu  grandeur  humaine,  mais  mon  âme 
réprouvera  toujours  celui  sur  lequel  tu  veux  te 
hisser,  mon  pauvre  cher,  cl  cette  aine  ne  se  trompe 
pas  sur  la  valeur  des  choses,  elle  devine  les  lieux 
où  se  trouve  le  beau.  Comme  Cassandre  j'ennuie, 
peut-être,  pannes  répétitions,  quoique  je  m'attende 
à  ce  qu'elles  aient  le  même  sort  que  les  siennes, 
mais  ma  tendresse  vraie  est  aussi  courageuse  que 
sincère. 

En  relisant  ma  lettre,  je  m'apperçois  que  tu  pour- 
rais peut-être  mal  interpréter  la  phrase  à  laquelle 
j'ai  mis  une  croix1,  tu  pourrais  y  voir  un  reproche, 
et  je  ne  veux  pas  que  tu  y  sois  trompé.  Non,  mon 
chéri,  elle  ne  renferme  rien  qu'un  doux  regard  sur 
le  passé  où  tant  de  fois  nous  avons  été  plus  amou- 
reux que  sages 

Mais  à  toi,  ami,  ah!  à  toi  qui  seras  toujours  un 
être  bien-aimé,  à  toi  dont  la  chère  présence  m'ap- 
portera toujours  joie,  plaisir  et  bonheur,  comme 
l'absence  me  donnera  ennui,  tristesse  et  chagrin, 
à  toi  mille  tendresses  d'âme,  le  serrement  de  main 
le  plus  confidentiel,  et  au  chéri,  mille  becs  pleins 
d'amour. 

1.  La  croix  dont  parle  Mme  de  Berny  est  placée  au  milieu  de 
la  phrase  de  cette  lettre  commençant  par  :  «  Cependant,  je 
savais  que  ta  gêne...  »  et  finissant  par  ces  mots:  «  calculer 
avec  nos  bourses  ». 


880  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 


XV 


[Dimanche]  22  [juillet  1832.] 

Je  suis  si  triste,  si  triste,  mon  pauvre  ami,  que 
j'ai  à  peine  le  courage  de  t'écrire,  à  toi,  pauvre 
cher,  qui  ressentiras  bien  un  peu  mes  chagrins,  à 
toi  à  qui  je  ne  voudrais  donner  que  joie  et  bonheur. 

Cependant,  comme  toi,  j'ai  besoin  de  verserdans 
une  âme  amie  les  souffrances  qui  oppressent  la 
mienne,  et  cet  impérieux  besoin  me  rend  égoïste 
pour  un  moment,  oh  oui,  pour  un  seul  moment, 
j'espère,  car  mon  âme  comprimée  reprendra  sans 
doute  plus  tard  son  élasticité  accoutumée,  et  alors, 
ami,  quoi  qu'elle  souffre,  j'aurai  la  force  de  ne  te 
montrer,  comme  par  le  passé,  qu'un  visage  riant. 
Mais  aujourd'hui  je  suis  prise  par  tous  mes  soucis, 
tous  mes  ennuis,  comme  une  mouche  dans  une  toile 
d'araignée  ;  mes  pieds  manquent  de  force  pour  me 
dégager,  et  de  gentilles  ailes  qui  m'ont  si  souvent 
portée  dans  des  régions  éthérées  sont  inhabiles, 
pliées  qu'elles  sont  elles-mêmes  sous  le  poids  de 
mon  cœur  ! 

Ami  !  je  ne  puis  tourner  en  ce  moment  la  vue 
d'aucun  côté  sans  y  voir  une  douleur,  moi  qui  aurais 
mis  mon  bonheur  à  faire  celui  de  tous  les  êtres  qui 
m'entourent,  et  dont  le  sort  est  lié  au  mien,  je  ne 
vois  que  malheureux  autour  de  moi.  Mes  filles  dépé- 
rissent l'une  après  l'autre,  faute  d'une  dot  pour  les 
mariera  temps,  mes  fils,  excepté  Ar[mand],  qui  a 


LETTRES  DE  MADAME  DE  BERNY.  281 

le  hou  esprit  de  se  trouver  content,  sinon  heureux, 
mes  fils  me  reprochent  leur  existence,  chacun  ;>  leur 
manière,  A  lex[andre]  sans  amertume,  et  sans  croire 
m'affecter,  Anl|oinc]  en  me  disant,  avec  la  vérité 
que  j'ai  voulu  leur  inspirer  à  tous,  les  souffrances 
<[ue  son  manque  de  fortune  lui  donne.  Enfin  M1  d<- 
B|erny]  malheureux  aussi.  —  Puis,  pour  le  bou- 
quet, tôt,  chéri,  toi,  qui  n'es  pas  heureux,  toi,  qui 
es  inquiet,  toi  dont  peu  à  peu  la  vie  s'est  détachée 
de  la  mienne,  toi  enfin  duquel  tant  de  circonstances 
réunies  vont  forcer  ma  vie  future  à  se  séparer  de 
la  tienne  à  son  tour.  S'il  n'y  a  pas  là  de  quoi  mettre 
en  poussière  une  âme  telle  que  la  mienne,  un 
cœur  tel  que  le  mien,  je  ne  sais  où  le  sort  peut 
chercher  de  nouvelles  douleurs  pour  ajouter  à 
toutes  celles  dont  il  m'écrase. 

Je  parts  (sic)  d'ici  demain  dans  la  nuit;  m'en 
irai-je  donc  sans  tes  épreuves,  sans  quelques  mots 
consolateurs  qui  raffraîchissent  un  instant  mon 
cœur,  pour  lui  rendre  ensuite  ses  mauxplus  cuisans. 
Je  ne  suis  plus  maîtresse  de  ne  revenir  ici  qu'à 
ma  volonté,  il  a  fallu  me  charger  d'y  ramener  la  2e 
fille  du  gal  à  la  fin  d'aoust;  dans  les  termes  où  j'en 
suis  avec  lui,  je  ne  pouvais,  pas  refuser,  ainsi  tu 
n'auras  certes  pas  fini  la  Bataille  pour  cette  époque, 
et  garde  toi  bien  de  quitter  sans  la  finir,  les  lieux  où 
tu  l'auras  commencée.  Ainsi  nous  ne  nous  reverrons 
sans  doute  que  vers  la  fin  de  7bre.  — 

Aussi  bien  le  sort  nous  force  à  accomplir  un  acte 
qui  ne  l'aurait  été  peut-être,  de  quelque  temps 
encore,    à  cause  de  la  foiblesse  de  notre  raison, 


282  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC 

faut-il  le  remercier  ou  lui  en  vouloir?  Je  l'ignore, 
en  ce  moment  ma  réflexion  est  tout  à  fait  nulle,  je 
ne  sais  que  souffrir.  Si  tu  étais  là,  je  cacherais  ma 
tête  sur  ton  cœur  pour  y  déposer  mes  larmes.  — 
Que  d'égoïsme  à  montrer  ainsi  ses  souffrances  à 
celui  qu'on  aime.  Oh  !  pardonne,  ami,  pardonne 
mon  cœur,  et  ne  t'en  prends  qu'à  ma  faiblesse.  — 
Ami,  je  t'aime! 


XVI 

[Lundi]  23  [juillet  1832.] 

Le  piéton  ne  m'a  rien  apporté  de  toi ,  mon 
chéri,  voilà  sept  jours  que  je  suis  sans  lettre,  ne 
me  laisse  pas  si  longtemps  inquiette.  Je  pars  cette 
nuit  et  demain  je  ne  serai  plus  ici  quand  le  piéton 
emportera  ces  tristes  lignes.  Mon  bon  chéri,  en 
faisant  mon  paquet,  de  cruelles  pensées  sont  encore 
venues  se  mêler  à  toutes  celles  dont  je  te  parlais 
hier,  car  je  viens  de  réempaqueter  une  petite  robe 
coquette,  c'est  te  dire  qu'elle  était  faite  dans  l'in- 
tention de  te  plaire  avec;  je  l'avais  apportée,  espé- 
rant aller  jusqu'à  Orléans,  où  je  comptais  te  donner 
rendez-vous;  car  mon  goût  pour  la  parure  n'est 
mu  que  par  le  désir  de  te  plaire.  Donc  j'ai  serré  ma 
robe  sans  qu'elle  ait  été  portée,  et  cette  toilette 
d'été,  faite  pour  toi,  aura  donc  le  même  sort  que 
celle  de  cet  hiver,  que  j'avais  fait  faire  aussi  avec 
un  plaisir  d'enfant,  espérant  m'en  parer  à  tes  chers 


LETTRES  DE  MADAME  DE  BERNY.  283 

côtés,  aux  Bouffons1  ou  ailleurs  I  Cependant  si  j<i 
m'avisais  de  me  plaindre,  le  sort  ferait  bien  <!<'  me 
rire  au  nez,  car  il  m'a  donné  de  si  beaux  jouis  par 
toi  jadis,  que,  quoiqu'il  m'envoie  maintenant  de 
pénible,  je  serai  toujours  en  reste  avec  lui.  Adieu, 
ami,  je  t'écrirai  de  Paris,  où  je  te  lirai  bientôt  j'es- 
père. Accepte  toutes  les  tendresses  que  mon  cœur 
renferme  pour  le  tien,  accepte  tous  mes  désirs  de 
me  retrouver  près  de  toi,  accepte  tous  mes  envois, 
car,  quoique  couverts  d'un  crêpe,  ils  partent  tous 
d'un  cœur  à  toi  et  d'une  ame  qu'à  bon  droit  tu 
nommes  fraternelle.  Mille  baisers,  mille  caresses, 
et  entre  chacune  d'elles  un  doux  et  puissant  serre- 
ment de  mains. 


XVII 


Mardi  soir  [24  juillet  1832.] 

Pourquoi  faut-il,  chéri,  que  si  heureux  par  nous, 
nous  soyons  si  gênés  parce  qui  nous  entoure?  Quel 
doux  plaisir  j'aurais  eu  à  te  faire  lire  à  Vil[leparisis] 
une  nouvelle  assurance  de  mon  amour,  dans  ces 
lieux  si  chers,  si  riches  en  souvenirs,  loin  du  tu- 
multe, au  sein  d'un  repos  qui  plonge  l'âme  dans 
le  vague  et  la  méditation,  qui  la  rend  si  apte  à  se 


1.  On  donnait  autrefois,  dans  la  société  élégante,  le  nom  de 
Bouffes  au  Théâtre-Italien.  Mme  de  Berny  n'aurait-elle  pas  écrit 
Bouffons  pour  Bouffes  et  ainsi  désigné  le  Théâtre  qui,  plus  tard, 
s'est  appelé  Théâtre-Italien? 


284  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

poser  avec  charme  sur  son  plus  cher  objet;  comme 
je  serais  venue  avec  joie  me  montrer  tout  entière 
aux  regards  de  mon  bien-aimé,  dans  une  lettre 
chérie  en  lui  peignant  avec  la  vive  exaltation  que, 
par  lui  et  pour  lui,  j'éprouve  sans  cesse,  ce  bon- 
heur, cette  vie  pleine,  entière,  réelle,  cette  vie  dont 
parle  Chénier,  cette  vie  qui  en  vaut  mille,  puis 
mille  encore,  et  que  je  tiens  de  lui;  j'aurais  cherché 
à  faire  naître  un  instant,  à  ses  yeux,  les  fleurs 
qu'en  ce  moment  la  nature  refuse  au  vulgaire,  en 
lui  chantant  sous  toutes  les  formes,  dans  toutes  les 
modulations, notre  doux  refrain  d'amour,  je  t'aime! 
0  oui,  je  t'aime!  tu  es  pour  moi  plus  que  l'air  pour 
l'oiseau,  plus  que  l'eau  pour  le  poisson,  plus  que 
le  soleil  pour  la  terre,  plus  que  la  nature  pour  l'âme. 
En  répétant  simplement  après  lui,  chéri,  je  t'aime, 
je  t'adore,  j'aurais  voulu  charmer  son  oreille,  à 
défaut  de  l'oiseau  printanier,  en  lui  demandant  de 
prendre  sa  chérie  sur  son  cœur  et  de  faire  avec 
elle  une  gentille  promenade,  j'aurais  voulu  lui 
faire  croire  aux  plus  beaux  jours  d'été,  mais  cette 
douceur  m'est  refusée,  car  j'aurais  craint  que  ma 
lettre  n'attirât  à  mon  doux  cher  quelques  pau- 
vres débas,  et,  par  cela,  ne  lui  fut  une  gêne  qui 
eût  troublé  son  plaisir.  Mais  sans  lettre,  je  pense 
bien  que  tu  te  seras  occupé  de  celle  qui  te  suit 
partout,  sans  cesse,  ô  chéri.  Tu  ne  peux  faire  un 
mouvement  sans  le  sentir,  car  ma  vie  est  toute 
en  toi,  et  je  respire  encore.  Un  auteur  a  dit  que 
le  bonheur  s'engendre  toujours  et  ne  se  trouve 
jamais;  moi  je  dirais,  mon  divin  Chérubin,  que  tu 
le    produis   sans  cesse;  il   émane   de   toi,    comme 


LETTRES  DE  MADAME  DE  BERNY.       285 

l'odeur  de  la  fleur;  pour  piller  T[homas]  M[oore]  je 
dirai  :  «  Tu  parais,  il  est  là!  »  O  oui,  c'est  ;i  flots 

que  tu  le  verses  sur  cette  tel*'  que  lu  aimes,  merci 
mille  fois  merci.  Tes  dons  sonl  immenses,  mais  ta 
gentille  sait  tous  les  sentir,  les  saisir,  ô  pourquoi 
ne  suis-jc  pas  mille  pour  le  rendre  tout  ce  que  j<i 
voudrais,  et  comme  je  le  voudrais;  mais,  ami,  si 
tout  mon  être,  dans  ses  parties,  dans  son  entier, 
orné  de  tout  ce  que  l'amour  le  plus  parfait  peut  y 
ajouter,  te  suffit,  je  serai  contente,  car  rien  de  moi 
n'est  à  moi. 


XVIII 


[Août  1852,  avant  le  12.] 

Mon  Dieu  chéri,  je  ne  puis  le  croire,  j'en  perds 
la  respiration;  comment  tu  pars  aujourd'hui,  et  je 
puis  être  enlacée  dans  tes  bras  après-demain.  Mon 
Didi,  laisse-moi  respirer,  et  bien  m'assurer  que  je 
veille.  Mais  ton  argent?  Comment  feras-tu?  Mon 
Dieu!  attendrais-tu  ma  réponse?  ou  si  cela  est,  et 
que  je  cause  le  retard  de  ta  venue,  quelle  punition 
j'endurerais,  pour  ma  faute  ;  mais  je  t'ai  dit  qu'Alex 
[andre]  te  prêterait  ce  que  tu  voudrais,  ainsi,  dans 
le  cas  où  tu  ne  serais  pas  parti  pour  ce  mauvais 
motif  d'écus,  écris  vite,  ils  seront  à  la  diligence 
d'Angoulême  le  jour  que  tu  préciseras,  tu  peux 
même  les  demander  là-bas  et  eux  les  reprendraient 
aussitôt  à  la  diligence.  Comment,  Monsieur,  rien  fait  ! 


286  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

oh  je  prendrai  moi  aussi  la  clef  du  coffre  où  seront 
vos  pantalons,  et  point  de  sorties,  jusqu'à  ce  que 
besognes  soient  faites.  En  voilà  bien  assez  comme 
cela  de  repos  et  de  distractions.  Joli!  voilà  ce  que 
c'est  que  d'être  entouré  d'amoureuses;  que  d'exa- 
mens j'aurai  à  faire,  pour  savoir  si  elles  t'ont  bien 
laissé  sain  et  entier 

Viens  donc!  Didi —  Oh!  viens  donc;  je  ne  puis 
que  répéter  ces  mots,  j'en  tremble,  je  n'ai  pas  une 
idée  nette  et  précise,  mon  cœur  envahit  tout,  oui, 
tout  mon  être,  il  m'enlève  les  pensées,  et  ne  me 
laisse  que  mon  amour,  mais  aussi  quel  amour!  Oh 
grâce  à  toi  de  m'avoir  fait  femme  !  se  sentir  vivre 
des  cheveux  aux  pieds!  se  sentir  enserrée  de  par- 
tout par  de  chères  espérances  entées  sur  de  déli- 
cieux souvenirs,  sentir  fondre  son  âme  entière  dans 
un  amour  assez  pur,  assez  sublime  pour  qu'il  fasse 
disparoître  toutes  les  mesquines  conventions  so- 
ciales pour  le  voir  lui,  seul,  planer  grand  et  majes- 
tueux, sur  tous  les  riens  du  monde,  brisés,  pulvé- 
risés, autour  de  lui,  le  voir,  nous  couvrir  tous  deux 
de  ses  ailes  embaumées  et  diaprées.  Oh  chéri  ! 
chéri  adoré!  gloire  à  toi!  dis-moi  comment  peut-on 
éprouver  ce  que  j'éprouve  en  ce  moment  et  vivre 
encore  de  la  vie  commune?  Comment  ne  pas  ren- 
contrer dans  les  lieux  où  mon  âme  s'élève  le  terme 
de  ma  course  terrestre!  Oh!  mon  sublime  poète, 
mon  Seigneur,  mon  Ange,  ton  Eve  en  ce  moment 
est  digne  de  ton  chaste  et  adorable  amour!... 
Viens....  Viens! 

Pauvre  chéri,  j'aurai  peut  être  à  dîner  dimanche 


LETTRES  DE  MADAME  DE  BERNY.  287 

12,  tous  les  Mieh|elin?|  '  sans  pouvoir  faire  autre- 
ment. Je  viens  d'essayer  à  remettre  le  dîner  au  11), 
mais  je  pense  que  cela  sera  difficile;  si  lu  arrives 
le  12,  ah  mon  Dieu,  mon  Dieu,  quelle  attroce 
contrariété! 


XIX 


Fragment. 

...  avons  joui  ensemble,  ce  sera  pour  nous  comme 
des  souvenirs  de  collège,  aussi  purs  au  moins. 

Oui,  deux  ans  en  arrière,  huit  jours  de  la  Grena- 
dière,  et  la  mort  me  vaudrait  mieux  que  toutes  les 
idées  d'un  avenir  froid.  Avant  de  te  connoître,  j 'avais 
déjà  une  certaine  dose  de  chaleur  répandue  dans 
toute  ma  personne,  mais  il  me  semble  qu'elle  n'y 
était  qu'en  germe.  Oui,  chéri,  ce  sont  tes  rayons  vivi- 
fîans  qui  ont  fait  naître  tant  de  choses  qui,  pour  la 
plupart,  seront  désormais  en  trop  chez  moi.  Cepen- 
dant il  ne  se  passe  pas  de  jour  où  je  ne  te  rende 
grâce,  tu  m'as  donné  mille  jouissances  inconnues 
avant  toi,  tu  m'as  appris  à  sentir ,  à  voir;  aussi 
chaque  soir  ce  magnifique  couché  de  soleil  que  je 
vois  de  mes  fenêtres  et  dont  tu  te  rappelles  n'est-ce 
pas?  est  pour  moi  un  spectacle  dont  je  te  remercie. 
J'en  jouis  d'autant  plus  que  bientôt  j'en  serai 
privée...  privée  de  cette  belle  vue  que  nous  avons 

1.  Mme  de  Berny  avait  marié  l'une  de  ses  filles  à  M.  Michelin. 


288  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

tant  de  ibis  admirée  ensemble,  privée  de  ma 
chambre,  privée  de  tout.  Et  pas  de  lien  de  famille, 
pas  de  mère,  pas  de  mari,  pas  d'enfants,  après  tout 
ce  que  j'ai  fait  pour  eux,  après  les  soins,  si  petits 
et  si  larges,  si  bas  et  si  hauts,  et  si  multipliés,  que 
j'ai  pris  de  leur  enfance!  Alex[andre]  seul  me  reste; 
tous  les  autres  ou  ne  me  comprennent  pas  ou  sont 
d'un  égoïsme  effrayant.  Un  mot  sublime  d'Alex 
[andre]  :  je  lui  parlais  de  son  avenir,  et  je  voulais  le 
lui  faire  envisager  pour  lui.  «  Oh!  moi,  ma  mère, 
je  me  moque  de  moi.  »  Tu  reconnaîtras  là  son  élo- 
quent laconisme;  que  de  vertus  exprimées  dans 
cette  phrase.  A  quand  donc  nous  dire  tout  cela  à 
l'oreille?...  A  quand?  et  cependant!  si!  mais?  oh! 
grandes  misères  humaines,  heureux  les  pauvres 
d'esprit,  de  cœur,  d'âme,  heureux  les  pauvres  !  Chéri 
une  lettre  de  toi  me  serait  bien  douce  !  C'est  pour 
demain  j'espère!  voilà  ma  phrase  de  chaque  jour 
quand  l'heure  est  passée.  Adieu,  Mr  Minet,  ma 
pensée  permanente.  Adieu. 


APPENDICES 


APPENDICE    I 


LES    BALZAC 


[IJ    ACTE  DE  NAISSANCE  DU  PÈRE  DE  BALZAC 

n  juillet  1746. 

Bernard  François  Baissa,  fils  de  Bernard  Baissa,  labou  - 
reur,  et  de  Jeanne  Granier,  mariés  de  la  Nougayrié,  pa- 
roisse de  Canezac,  est  né  le  22  juillet  mil  sept  cent  qua- 
rante six,  environ  les  six  heures  du  soir,  et  batisé  le  même 
jour  dans  l'église  dudit  Canezac  :  parrain,  François  Gra- 
nier, ayeul,  et  marraine,  Jeanne  Nouvialle,  ayeule  du 
batisé,  de  la  Pradelle,  illétrés  (sic).  Signé  :  Vialar,  prêtre. 

(Extrait  des  registres  paroissiaux  de  baptêmes  de  la  paroisse 
de  Canezac,  déposés  à  la  Préfecture  du  Tarn.) 


[2]         ACTE  DE  DÉCÈS  DU  PÈRE  DE  BALZAC 

19  juin  1829. 

Extrait  du  registre  des  actes  de  décès  de  l'an  1S°29,  sep- 
tième mairie. 
Du  samedi  vingt  juin,  mil  huit  cent  vingt-neuf,  heure 

1.  Nous  devons  la  communication  de  cette  copie  à  M.  Alfred 
Caraven-Cachin,  de  Salvagnac  (Tarn).  Le  hameau  de  la  Nougarié 
se  compose  de  quatre  maisons  et  compte  vingt-quatre  habi- 
tants. Le  père  de  Balzac  est  mort,  à  Paris,  en  1829,  dans  sa 
83e  année. 


292  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

de  midi,  acte  de  décès  de  Bernard-François  Balzac,  âgé 
de  quatre-vingt  deux  ans,  né  à  Nougairié,  département  du 
Tarn,  décédé  à  Paris  le  dix-neuf  de  ce  mois,  à  quatre 
heures  du  soir,  rue  et  quartier  Ste-Avoie,  n°  47,  et  demeu- 
rant habituellement  à  Versailles,  département  de  Seine- 
et-Oise,  rentier,  marié  à  Anne-Charlotte-Laure  Sallambier, 
demeurant  au  dit  Versailles. 

Sur  la  déclaration  à  moi  faite  par  Henri-François 
Balzac,  âgé  de  vingt  un  ans  révolus,  employé,  demeurant 
audit  Versailles,  de  présent  à  Paris,  fils  du  défunt,  et  par 
Armand-Désiré  Michaut  de  Saint-Pierre  de  Monzaigle, 
âgé  de  quarante-deux  ans,  employé  supérieur  des  octrois 
de  Paris,  y  demeurant,  barrière  de  Ménilmontant,  sixième 
arrondissement,  gendre  du  défunt. 

Constaté  par  moi  faisant  les  fonctions  d'officier  public 
de  l'état  civil,  et  j'ai,  ainsi  que  les  témoins,  signé  le  pré- 
sent acte,  le  tout  après  lecture  à  eux  faite.  Signé  :  Balzac, 
Michaut  de  Saint-Pierre  de  Monzaigle  et  Tournaire, 
adjoint  au  maire. 

Délivré  par  moi,  adjoint  au  maire  du  septième  arron- 
dissement, Paris,  ce  vingt-quatre  juin  mil  huit  cent  vingt- 
neuf.  Signé  :  Tournaire,  adjoint. 


[3]  NAISSANCE  DE  LA  MÈRE  DE  BALZAC 

Anne-Charlotte-Laure  Sallambier,  qui  épousa  Bernard- 
François  Balzac,  est  née,  à  Paris,  le  22  octobre  1778.  Nous 
n'avons  pu  retrouver  son  acte  de  naissance,  détruit  pro- 
bablement dans  les  incendies  de  la  Commune. 


[4]      ACTE  DE  DÉCÈS  DE  LA  MÈRE  DE  BALZAC 

Ier  avril  1854. 

L'an  mil  huit  cent  cinquante  quatre,  le  premier  avril,  à 
midi,  devant  nous  maire  de  la  ville  des  Andelys,  faisant 
les  fonctions  d'officier  de  l'état-civil,   se   sont    présentes 


LES  BALZAC.  H>3 

messieurs  Jean-Charles-Raoul  de  la  Barre,  propriétaire, 
âgé  de  soixante-douze  ans,  el  Pierre  Désiré  Petit,  âgé  de 
soixante-trois  ans,  employé  d'administration,  demeurant 
au  Petit-Andely,  lesquels  nous  on!  déclaré  que  dame 
Anne-Charlotte-Laure  Sallambier,  âgée  «le  soixante  quinze 
ans  cinq  mois,  rentière,  demeurant  au  Petit-Andely, 
grande  rue,  veuve  (le  monsieur  Bernard  François  de 
Balzac,  née  à  Paris,  le  vingt-deux  octobre  mil  sept  eent 
soixante-dix-huit,  fille  de  feu...  Sallambier,  administrateur 
des  hôpitaux  de  Paris  et  président  de  l'administration 
des  vivres  militaires,  et  de  feue  Marie- Barbe-Sophie 
Chauvet,  son  épouse,  est  décédée  en  son  domicile  ce  jour 
d'hui,  à  quatre  heures  du  matin,  et  ont  les  déclarants, 
amis  de  la  décédée,  signé  avec  nous,  maire,  après  lecture. 
Signé  :  Cle  de  la  Barre,  Petit,  et  B.  [Mouton,  maire. 

(Extrait  <lu   Hegistre  des  actes  de   décès  de  la  mairie  des 

Andelys.) 


[5]     ACTE  D'INHUMATION  DE  LA  MÈRE  DE  BALZAC 

ù2  avril  1854. 

L'an  de  Jésus-Christ  mil  huit  cent  cinquante-quatre,  le 
dimanche  deuxième  jour  d'avril,  vu  le  permis  d'inhumer 
après  le  délai  prescrit  par  la  loi,  délivré  hier  par  l'officier 
civil  des  Andelys,  le  corps  de  Laure-Charlotte  Sallambier, 
rentière,  épouse  de  feu  Bernard-François  de  Balzac,  âgée 
de  soixante-quinze  ans  cinq  mois  dix  jours,  née  à  Paris,  le 
vingt-deux  octobre  mil  sept  cent  soixante-dix-huit,  décédée 
hier  à  quatre  heures  du  matin,  en  son  domicile  au  Petit- 
Andely,  munie  des  sacrements  de  l'Église,  a  été  inhumé 
dans  le  cimetière  de  ce  lieu,  par  moi  prêtre  vicaire  de 
cette  paroisse  soussigné,  en  présence  des  témoins  soussi- 
gnés :  Cte  de  la  Barre,  Surville,  Dubois,  vicaire  du 
Petit-Andely. 

(Extrait  des  registres  de  l'église  paroissiale  Saint-Sauveur 
des  Andelys.) 


'294  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

[6]    ACTE  DE  NAISSANCE  D'HONORÉ  DE  BALZAC 

2/  mai  1799. 

Aujourd'huy,  deux  prairial  an  sept  de  la  République 
française,  a  été  présenté  devant  moi,  Pierre-Jacques  Du- 
vivier,  officier  public  soussigné,  un  enfant  mâle,  par  le 
citoyen  Bernard-François  Balzac,  propriétaire,  demeurant 
en  cette  commune,  rue  de  l'Armée  d'Italie,  section  du 
Chardonnet,  n°  25;  lequel  m'a  déclaré  que  ledit  enfant 
s'appelle  Honoré  Balzac,  né  d'hier  à  onze  heures  du 
matin,  au  domicilie  du  déclarant;  qu'il  est  son  fils  et  celui 
de  citoyenne  Anne-Charlotte-Laure  Sallambier,  son 
épouse,  mariés  en  la  commune  de  Paris,  huitième  arron- 
dissement, département  de  la  Seine,  le  onze  pluviôse,  an 
cinq  ;  ce  qui  a  été  enregistré  en  présence  des  citoyennes 
Magdelaine  Robin,  épouse  de  Marc  Bodin  (sic),  employé 
à  l'administration  départementale  d'Indre-et-Loire,  de- 
meurant rue  de  la  Caserne,  n°  13,  section  de  l'Arsenal,  et 
Jeanne  Vaillant,  sage-femme,  veuve  de  Jean  Rougen. 
drapier,  demeurant  rue  de  Loches,  n°  8,  section  de  la 
Belle-Fontaine,  témoins  majeurs,  à  ce  requis. 

Le  déclarant  et  la  femme  Boivin  (sic)  ont  signé  avec 
nous.  La  citoyenne  Rougen  a  déclaré  ne  le  savoir  de  ce 
interpellée. 

Balzac,  femme  Bodoin  (sic),  Duvivier,  officier  public. 

(Extrait  des  Archives  de  la  mairie  de  Tours,  registre  des 
actes  de  naissance  pour  l'an  sept.)  —  Communiqué  par  M.  de 
Grandmaison,  archiviste  du  département  d'Indre-et-Loire. 


APPENDICE  II 


LES   DE   BERNY 


[7]  MARIAGE  DE  M.  GABRIEL  DE  BERNY 

AVEC  M"e  LAURE  HINNER 

8  avril  1793. 

L'an  deuxième  de  la  République  française,  quatre-vingt- 
treize,  le  huit  du  mois  d'avril,  en  la  commune  de  cette 
paroisse,  après  la  publication  d'un  ban  faite  à  la  porte  de 
la  dite  commune  le  trente  et  un  du  mois  de  mars,  après 
avoir  pris  le  consentement  d'Adrien-Jules  Gaultier  de 
Bésigny,  représentant  le  père  de  l'époux  ainsi  qu'il  nous 
a  paru  par  la  procuration  à  lui  adressée  par  les  père  et 
mère  du  dit  époux  passée  à  Gien,  département  du  Loiret, 
par  devant  le  citoyen  Bazin,  notaire,  le  dix-huit  mars 
dernier,  à  l'effet  du  dit  mariage,  et  celui  de  Marguerite- 
Louise-Emélie  Quelpée  de  La  Borde,  mère  de  l'épouse,  en 
présence  des  cy  après  nommés  :  Augustin-Jean-Charles 
Clément,  citoyen,  Pierre-Samson  de  Lagarde,  citoyen, 
Nicolas-Antoine  Alizon,  Louis-Mathieu  Quelpée  de  La 
Borde,  grand-père  de  l'épouse,  tous  les  susdits  témoins 
domiciliés  en  cette  commune  de  Livry,  majeurs,  et  de 
Pierre-Marcel  Cottereau,  homme  de  loi,  résident  à  Noisi- 
le-sec,  district  de  SLDenis,  département  de  Paris,  ont  été 
déclarés  unis  en  mariage    par  nous  Antoine  Clavières, 


296  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

officier  public  de  la  dite  commune  de  Livry,  Étienne- 
Charles-Gabriel  Berny,  citoyen,  âgé  de  vingt-quatre  ans 
et  quatre  mois,  fils  de  Gabriel  Berny  et  de  Jeanne 
Lascases,  domiciliés  au  dit  Gien,  et  Louise-Antoinette- 
Laure  Hinner,  âgée  de  quinze  ans  et  dix  mois,  fille  de 
feu  Philippe -Joseph  Hinner,  et  de  Margueritte  Louise 
Quelpée  de  La  Borde,  maintenant  épouse  d'Augustin 
Renier  Jargayes  {sic),  maréchal  des  camp  et  armées  de 
la  République  française,  qui  ont  tous  signé  les  jours,  mois 
et  an  ci-dessus1  :  Etienne-Charles-Gabriel  Berny,  Louise- 
Antoinette-Laure  Hinner,  Gaultier  de  Bésigny,  Quelpée 
de  La  Borde,  Pecquet-Delarorde,  Clément-Pierre  Samson 
de  Lagarde,  N.-A.Alizon,  Thérèse  Hinner,  Louise  Hinner, 
Mélanie  Quelpée  de  La  Borde,  Cottereau,  Clavières. 

(Extrait  des  Registres  de  l'état-civil  de  la  mairie  de  Livry, 
canton  du  Raincy,  département  de  Seine-et-Oise.) 


[8]     EXTRAIT  DE  L'ÉCROU  DES  NOMMÉS  LABORDE, 
BEZIGNI  ET  BERNY 

ù25  février  1794. 

Le  citoyens  Bertrand,  concierge  de  la  maisons  d'arrêt 
des  Anglaise  de  la  rue  de  Loursine  à  Paris,  recevra  les 
nommés  La  Borde,  Berny,  Bézigni,  lequel  avons  mis  sous 

1.  M.  l'abbé  Genty,  qui  nous  a  communiqué  cette  pièce,  nous 
écrit  :  «  Augustin  Clément  était  prêtre.  Il  avait  acheté  l'abbaye 
de  Livry  vendue  comme  bien  national.  Il  devint  évèque  consti- 
tutionnel de  Seine-et-Oise  vers  1798.  Il  était  intimement  lié  avec 
Grégoire.  Antoine  Clavières  était  curé  de  Livry  et  officier  pu- 
blic. »  Le  contrat  de  mariage  de  M.  de  Berny  avec  Mu*  Hinner 
a  été  passé  le  6  avril  1793  devant  M*  Cottereau,  notaire  à  Noisy- 
le-Sec,  canton  de  Pantin,  arrondissement  de  S'-Denis,  dépar- 
tement de  la  Seine.  Ce  contrat  se  trouve  à  la  Bibliothèque 
nationale,  dép1  des  manuscrits,  dans  le  Recueil  Nouv.  acq.  franc. 
22362,  fol.  193  et  suiv.  Dans  ce  même  Recueil,  fol.  107,  se  trouve 
l'acte  de  baptême,  en  date  du  26  novembre  1768,  de  M.  de  Berny, 
iils  de  messire  Gabriel  de  Berny,  chevalier,  gouverneur  pour  le 
Roi  de  la  ville  de  Marsigny  en  Bourgogne,  et  de  dame  Jeanne, 
marquise  de  Lascases,  son  épouse  ;  il  est  extrait  du  Registre 


LES  DE  BERNY.  207 

la  responsabilité  des  citoyens  Goût,  Henriol  el  Jamais 
lequel  se  sont  chargé,  el  <>ni  signé,  arrêté  par  ordre  «in 
Comité  <lc  sûreté  général  <lc  la  Convention  national,  <l<>ni 
étoieiit  porteurs  les  citoyens  Deschamps,  aide-de-camp 
•  lu  général  de  Larmée  parisiei Preslin,  juré  du  tri- 
bunal révolutionnaire,  et  Dumoutier,  membre  du  Comité 
révolutionnaire  de  la  sections  de  l'Observatoire. 

Fait  à  Livry,  ce  7  ventôse,  l'an  2nae  de  la  République 
française  une  et  indivisible. 

Signé  :  Deschamps,  Preslin,  Dumoutier. 

Bibliothèque  nationale,  département  des  manuscrits.  Papiers 
de  Bernv. 


[9]   CERTIFICAT  DE  MISE  EN  LIBERTÉ  DU  CITOYEN 
GABRIEL  BERNY 

1794,  août  20. 
Je  soussigné  certifie  que  le  Cn  Etc-Charles-Gabriel 
Bcrny,  âgé  de  vingt-cinq  ans,  et  détenu  dans  la  maison 
d'arrêt  des  Anglaises,  rue  de  Loursine,  depuis  le  8  ven- 
tôse par  ordre  du  Comité  de  sûreté  générale  de  la 
Convention  nationale,  je  certifie  aussy  qu'il  a  été  mis  en 
liberté  le  trente  thermidor  par  ordre  du  môme  Comité. 
Fait  en  la  d,e  maison  des  Anglaises,  rue  de  Loursine, 
faubourg  Marceau,  ce  trois  fructidor,  l'an  2ème  de  la  Répu- 
blique une  et  indivisible. 

Brossier  Rivoirk 

concierge  greffier 

Cachet  à  la  cire  portant  autour  :  Maison  d'arrêt  des 
Angloises,  rue  de  Loursinne  et,  dans  le  bas  :  République 
française. 

Bibliothèque  nationale,  département  des  manuscrits.  Papiers 
de  Berny. 

de  l'égiise  paroissiale  de  Saint-Germain-les-Couilly-en-Brie, 
diocèse  de  Meaux.  L'acte  de  décès  de  M.  de  Berny.  décédé  à 
Paris,  rue  Castex,  n°  18,  le  27  mars  1851,  à  5  heures  du  matin, 
âgé  de  82  ans  et  4  mois,  se  trouve  également  dans  ce  Recueil, 
fol.  252. 


298  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

[10]  ÉTATS  DE  SERVICE  DE  M.  GABRIEL  DE  BERNY 
31  décembre  il 99. 

LIBERTÉ,    ÉGALITÉ 

Paris,  le  10  nivôse  an  8  de  la  République  française 
une  et  indivisible. 

Le  Ministre  de  l'Intérieur, 

Nomme  le  citoyen  Berny,  demeurant  à  Issy,  employé 
de  première  classe  dans  le  Bureau  particulier  du  Ministre, 
et  aux  appointements  de  2400  livres. 

Le  C.  Berny  aura  un  logement  dans  la  Maison  Conti. 

Il  entrera  en  fonctions  demain  et  il  se  rendra  à  cet  effet 
chez  le  ministre  à  midi1. 

Lucien  Bonaparte. 

Bibliothèque  nationale,  département  des  manuscrits.  Papiers 
de  Berny. 

1.  Dans  les  Papiers  de  Berny,  conservés  à  la  Bibliothèque 
nationale,  département  des  manuscrits,  une  note,  datée  du 
15  décembre  1826,  fournit,  à  cette  date,  l'état  des  services  de 
M.  Étienne-Chaiies-Gabriel  de  Berny.  Le  10  mai  1799,  il  est 
nommé  chef  de  comptabilité  des  subsistances  dans  la  9e  divi- 
sion militaire  ;  le  1er  janvier  1800,  sous-chef  du  personnel  au 
Ministère  de  l'Intérieur;  le  6  janvier  1811,  conseiller  à  la  Cour 
de  Paris  ;  le  3  décembre  1832,  M.  de  Berny  est  nommé  offi- 
cier de  la  Légion  d'honneur.  —  M.  de  Berny  avait  perdu  la 
vue  après  1830.  Il  rappelait  lui-même  au  conventionnel  Lafiot 
que  celui-ci  avait,  pendant  la  Terreur,  sauvé  sa  mère  «  qui 
gémissait  dans  les  cachots  du  Loiret  ».  Voir  Albert  Tournier. 
Les  Conventionnels  en  exil.  Article  Lafiot,  p.  120. 


APPENDICE   III 


LES    IIINNKIi 


[11]    SENTENCE  DU  BAILLIAGE  DE  VERSAILLES 

relative    au    mariage    de    Philippe-Joseph    Hinner    avec 
Marguerite-Louise-Émélie  Quelpée  de  La  Borde. 

24  décembre  1775. 

Par  sentence  du  Baillage  de  Versailles  du  vingt-trois  dé- 
cembre mil  sept  cent  soixante-quinze,  duement  scellée 
homologative  de  l'avis  des  parents  et  amis  du  sieur  Phi- 
lippe-Joseph Hinner,  ordinaire  de  la  musique  du  Roy,  et 
maître  de  harpe  de  la  Reine,  fils  de  défunts  sieur 
Jean  Hinner,  musicien,  et  de  sa  femme  qui  portoit  le  nom 
de  Catherine,  morts  l'un  et  l'autre  à  Cayenne  : 

Il  paroit  que  sieur  Louis-Charles  Demignaux,  ordinaire 
de  la  musique  du  Roy,  a  été  nommé  tuteur  du  dit  sieur 
Philippe- Joseph  Hinner,  à  l'effet  de  l'assister  à  la  célébra- 
tion de  son  mariage,  avec  demoiselle  Marguerite-Louise- 
Émélie  Quelpée  de  la  Borde,  femme  de  chambre  de  la 
Reine,  fille  de  sieur  Louis-Mathieu  Quelpée-Delaborde, 
écuyer  huissier  du  cabinet  de  la  Reine,  et  chef  du  gobelet 
du  Roy,  et,  à  l'effet  du  dit  mariage,  prêter  tous  consente- 
raens  nécessaires,  et  par  la  même  sentence  le  dit  sieur 
de  Mignaux  a  accepté  la  dite  charge. 

Extrait  par  les  notaires  au  Baillage  royal  de  Versailles 
soussignés,  ce  jourd'hui  vingt-quatre  décembre  mil  sept 


300  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

cent  soixante-quinze,  sur  la  grosse  de  la  dite  sentence 
représentée  et  rendue.  Signé  Ducro,  Raux,  Rauland, 
notaires,  contrôlée  Versailles  ce  vingt-neuf  décembre  1775. 
Reçu  sept  sols.  Signé  :  Liénard. 

(La  copie  de  cette  sentence  a  été  déposée  aux  Mariages 
de  la  paroisse  de  Saint-Louis  de  Versailles.) 

Bibliothèque  nationale,  département  des  manuscrits.  Papiers 
de  Berny.  Nouv.  acq.  franc.  22362,  fol.  181. 


[12]      MARIAGE  DE  PHILIPPE-JOSEPH  HINNER 
AVEC  MARGUERITE-LOUISE-ÉMÉLIE  QUELPÉE 
DE  LA  BORDE 

30  décembre  1715. 

L'an  mil  sept  cent  soixante-quinze,  le  trente  décembre, 
ont  été  unis  en  mariage  par  nous  soussigné  Germain  de  la 
Chateigner  De  la  Chatagneraye,  évêque  de  Saintes,  avons 
du  consentement  de  Monsieur  Baret,  curé  de  cette 
paroisse,  fiancé  et  uni  en  légitime  mariage,  de  leur  mutuel 
consentement  et  de  celui  de  leurs  principaux  parents, 
Philippe-Joseph  Hinner,  musicien  ordinaire  du  Roy  et  de 
la  Chambre  de  la  Reine,  âgé  de  vingt-un  ans,  fils  de 
défunts  Jean  Hinner  et  de  Catherine,  ci-devant  de  fait  et 
de  droit  de  la  paroisse  de  Notre-Dame  de  cette  ville,  rue 
de  la  Pompe,  de  présent  de  fait  et  de  droit  de  cette 
paroisse,  rue  Satory,  d'une  part. 

Et  Marguerite  Louise  Émélie  Quelpée  de  La  Borde, 
femme  de  chambre  de  la  Reine,  âgée  de  quinze  ans,  fille 
de  Louis  Mathieu  Quelpée  de  La  Borde,  écuyer,  huissier 
ordinaire  du  Cabinet  de  la  Reine,  et  chef  du  Gobelet  du 
Roy,  et  de  Marie  Louise  Pecquet,  de  fait  et  de  droit  de 
paroisse,  rue  Satory,  d'autre  part. 

En  présence,  du  côté  de  l'époux  :  de  Mr  Demignaux, 
ordinaire  de  la  musique  du  Roy,  son  tuteur,  de  la  paroisse 
Notre-Dame  de  cette  ville,  rue  de  la  Pompe,  de  Mr  Defou- 
gères,  maréchal  des  camps  et  armées  du  Roy,  comman- 
dant de  la  province  du  Bourbonnais,  et  de  Mr  Marsollier, 
maître  des  comptes  à  Paris  —  ;  du  côté  de  l'épouse,  de 
ses  père  et  mère,  de  Pierre  Louis  Pecquet,  chef  du  Gobelet 


LES  HINNER.  301 

du  Roy,  son  grand'père  el  grand  oncle,  de  maître  Adrien 
Gautier  de  Bésigny,  de  Bellegarde,  Président  du  Parle 
menl  de  Paris,  de  M.  de  Saint-Aubin,  huissier  «lu  cabinet 

de  Monsieur   Darlois,  et  autres  amis  qui   ont   gigné   avec 

les  époux  el  nous  ont  certifié  la  liberté,  I»;  domicile,  <-t  la 
catholicité  des  contractants.  Signé  :  Hinner,  Quelpée  de 
La    Borde,    De    Mignaux,   Defougâres,   de   Marsollier, 

Quelpée    La   Borde,    Pecquët,    de    St-Auiun,    Pecquet, 
Delaborde,  Gautier  de   Bésigny,  Pecquet.  -f-  G.   Ev.  de 
Saintes. 
Délivré  le  présent  extrait  par  moi,  secrétaire  de  la  mairie, 
Versailles,  ce  six  juin  de  l'an  mil  huit  cent  sept 

Guillemot. 

(Extrait  du  Registre  des  actes  de  mariage  de  la  paroisse 
de  Saint-Louis,  de  Versailles.) 

Bibliothèque  nationale,  département  des  manuscrits.  Papiers 
de  Berny. 


[13]  ACTE  DE  BAPTÊME 

DE  LOUISE-ANTOINETTE-LAURE  HINNER 
24  mai  1777. 

L'an  mil  sept  cent  soixante-dix-sept,  le  vingt  quatre  may, 
Louise-Antoinette-Laure,  née  hier,  fille  légitime  de  Phi- 
lippe-Joseph Hinner,  musicien  ordinaire  du  Roy  et  de  la 
Chambre  de  la  Reine,  et  de  Marguerite-Louise-Émélie 
Ouetpée  {sic  pour  Quelpée)  de  Laborde,  a  été  baptisée  par 
nous,  prêtre  curé  de  cette  paroisse;  le  parein  très  haut, 
très  puissant,  très  illustre  Prince,  Louis  Seize,  Roy  de 
France,  et  la  mareine,  très  haute,  très  puissante,  très 
illustre  Princesse  la  Reine  de  France,  le  Parein  repré- 
senté par  très  haut,  très  puissant  seigneur  Louis- 
Sophie-Antoine   Duplessis  de  Richelieu,  duc  de  Fronsac1, 

1.  Le  duc  de  Fronsac,  né  le  4  février  1736,  avait  épousé  en 
premières  noces,  le  25  février  1764,  Adélaïde-Gabrielle  de 
Hautefort.  Veuf  le  3  février  1767,  il  se  remaria,  en  avril  1776, 
avec  demoiselle  N...  de  Galliffet.  Il  était  le  fils  de  Louis 
François-Armand  du  Plessis,  duc  de  Richelieu  en  Poitou  et  de 
Fronsac  en  Guyenne,  maréchal  de  France,  petit  neveu  du  car- 


302  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

pair  de  France,  premier  gentilhomme  de  la  Chambre  du 
Roy,  maréchal  des  camps  et  armées  de  Sa  Majesté,  noble 
génois,  la  mareine  représentée  par  très  haute,  très  puis- 
sante dame  Laure-Auguste  de  Fitz-James,  princesse  de 
Chimay  et  du  Saint-Empire  Romain,  grande  d'Espagne 
delà  première  classe  et  dame  d'honneur  de  la  Reine1, 
lesquels  et  le  père  ont  signé  avec  nous. 

Le  duc  de  Fronsac,   Fitz-James  Pesse  de  Chimay, 
Hinner,  Jacob,  curé. 

(État  civil  de  Versailles,  GG  375,  Registre  des  naissances  de 
la  Paroisse  Saint-Louis.  —  1777,  fol.  35.) 


[14]  ACTE  D'INHUMATION 

DE  PHILIPPE-JOSEPH  HINNER 
14  avril  1784. 

L'an  mil  sept  cent  quatre-vingt-quatre,  le  quatorze  avril. 
s'  Philippe-Joseph  Hinner,  ordinaire  de  la  musique  du 
Roi  et  garçon  de  la  Chambre  de  la  Reine,  décédé  hier, 
âgé  de  trente  ans,  a  été  inhumé  par  nous  soussigné  prêtre 
de  la  Mission,  faisant  les  fonctions  curiales,  en  présence 
de  sr  Charles  de  St-Aubin,  huissier  du  cabinet  de  Monsei- 
gneur, comte  d'Artois,  et  de  messire  Joseph-Paul-Guiol, 
prêtre  chapelain  de  la  Reine  et  de  Madame  Adélaïde  de 
France,  et  autres  qui  ont  signé  avec  nous2  : 

Guiol,  De  St-AuBiN,  Henry,  prêtre. 

(Registre  des  décès  de  la  Paroisse  Saint-Louis  de  Versailles, 
1784,  fol.  18.) 

dinal,  né  à  Paris  le  13  mars  1696,  mort  dans   la  même  ville, 
le  8  août  1788. 

1.  Laure-Auguste  de  Fitz-James,  fille  du  duc  Charles  de  Fitz- 
James,  qui  avait  épousé  la  fille  aînée  du  marquis  de  Matignon, 
était  née  le  7  décembre  1744.  Le  25  septembre  1762,  elle  s'était 
mariée  avec  Philippe-Gabriel-Maurice  d'Alsace-Hennin-Liétard, 
prince  de  Chimay  et  d'Empire,  grand  d'Espagne  de  la  première 
classe.  Elle  fut  nommée  dame  d'honneur  de  la   Reine  en  1775. 

2.  Dans  un  extrait  de  cet  acte  d'inhumation,  délivré  le 
2  juin  1807,  et  qui  se  trouve  à  la  Bibliothèque  nationale,  dans 
les  Papiers  de  Berny,  Philippe-Joseph  Hinner  est  qualifié 
ordinaire  de  la  musique  de  la  chapelle  ». 


LES  HINNER.  303 

[15J  ACTE  DE  DÉCÈS 

DE  LOUISE-ANTOINETTE  LAURK  HINNER, 
ÉPOUSE  DE  BERNY 

97  juillet  1836. 

Lan  mil  huit  cent  trente-six,  le  vingt-sepl  juillet,  une 
heure  du  soir,  devant  nous  adjoint  de  la  commune  de 
Gretz,  officier  de  l'Etat  civil  spécialement  délégué,  sonl 
comparus  les  sieurs  Lucien-Charles-Alcxandre  de  Berny, 
négociant,  âgé  de  vingt-sept  ans,  demeurant  à  Paris,  rue 
des  Marais-Saint-Germain,  n°  17,  et  Louis  Périchon, 
vigneron,  âgé  de  quarante  ans,  demeurant  à  Gretz,  tous 
deux  témoins  majeurs,  lesquels  nous  ont  déclaré  que 
dame  Louise-Antoinette-Laure  Hinner,  âgée  de  cinquante 
neuf  ans,  née  à  Versailles,  département  de  Seine-et-Oise, 
demeurant  momentanément  au  pavillon  de  la  Boulon- 
nière,  hameau  de  cette  commune,  maison  appartenant  à 
son  fils  aîné  déclarant,  fille  de  Philippe-Joseph  Hinner, 
décédé,  et  de  dame  Marguerite-Louise-Émélie  Quelpet 
(sic  pour  Quelpée)  de  Laborde,  sa  femme,  demeurant  à 
Paris,  rue  de  l'Arcade,  n°  38,  épouse  d'Étienne-Charles- 
Gabriel  de  Berny,  âgé  de  soixante-huit  ans,  chevalier, 
conseiller  de  Sa  Majesté  dans  la  Cour  Royale  de  Paris, 
officier  de  l'ordre  royal  de  la  Légion  d'honneur,  demeu- 
rant à  Paris,  rue  de  la  Chaussée  des  Minimes,  n°  2,  décé- 
dée au  pavillon  de  la  dite  Boutonnière  cejourd'hui  à  neuf 
heures  du  matin,  et  ont  les  déclarans  signé  avec  nous  le 
présent  acte,  excepté  le  témoin  Louis  Périchon  qui  a 
déclaré  ne  savoir  signer,  de  ce  requis  après  lecture  faite. 
Signé  au  registre  :  Al.  de  Berny  et  Briard. 

(Extrait  du  Registre  des  actes  de  l'état  civil  de  la  commune 
de  Gretz,  canton  de  Nemours,  année  1836.) 

Bibliothèque  nationale,  département  des  manuscrits.  Papiers 
de  Berny.  Nouv.  acq.  franc.,  22362,  fol.  226. 


APPENDICE   IV 


REINIER  DE  JARJAYES 


[16]  ACTE  DE  MARIAGE  DE  MESSIRE  FRANÇOIS- 
AUGUSTIN  REINIER  DE  JARJAYE  AVEC  LOUISE- 
MARGUERITE-ÉMÉLIE  QUELPÉE  DE  LA  BORDE, 
VEUVE  DE  PHILIPPE-JOSEPH  HINNER. 

36  septembre  1787. 

L'an  1787,  le  26  du  mois  de  septembre,  après  la  publi- 
cation d'un  ban  faite  en  l'église  St-Louis  ainsi  qu'en  celle 
de  Notre-Dame  de  Versailles,  le  '23  de  ce  mois,  ainsi  qu'il 
nous  a  paru  par  les  certificats  des  sieurs  Gruyer  et  Colli- 
gnon,  prêtres  de  la  Mission,  faisant  les  fonctions  curiales 
des  susdites  paroisses,  délivrés  le  24  du  présent;  vu  la 
publication  d'un  ban  faite  en  la  paroisse  du  Paix,  diocèse 
de  Gap,  et  dûment  légalisée,  en  date  du  27  août  dernier, 
signé  Brun,  curé  du  Paix;  pareillement  vu  l'extrait  mor- 
tuaire de  Marie-Anne-Louise  de  Bourcet  de  Lacassagne, 
épouse  de  François-Augustin  de  Jarjaïe,  délivré  par  le 
sieur  Rambaud,  vicaire  de  St-Huguesde  Grenoble,  en  date 
du  1er  septembre  de  cette  année,  légalisé  parle  lieutenant 
général  de  Grenoble,  signé  Sadin,  en  date  duo  septembre 
de  la  présente  année  ;  vu  aussi  l'extrait  mortuaire  de  Phi- 
lippe-Joseph Hinner,  délivré  par  le  sieur  Titeux,  prêtre  de 
la  mission,  de  la  paroisse  St-Louis  de  Versailles  ;  vu  la 


REINIER  DE  JARJAYES.  305 

dispense  accordée  | >;i r  Monseigneur  l'évoque  de  Gap,  (,ii 
date  du  27  aoûl  dernier;  vu  la  dispense  de  deux  l»;ins 
accordée  par  Monseigneur  l'Archevêque  ;  vu  la  permission 
à  nous  adressée  de  célébrer  i<"  mariage  par  le  sieur 
Gruyer,  prêtre  de  la  mission,  faisant  les  fonctions  curiales 
dans  la  paroisse  St-Louis  de  Versailles,  Les  fiançailles 
célébrées  la  veille,  après  avoir  pris  leur  mutuel  consente- 
ment, ont  été  mariés  et  ont  reçu  la  bénédiction  nuptiale 
messire  François-Augustin  Heinier  de  Jarjaye,  aide-major 
général  de  l'armée,  major  d'infanterie,  veuf  majeur  de 
dame  Marie-Anne-Louise  de  Bourcet,  de  la  paroisse 
Notre-Dame  de  Versailles,  rue  Neuve,  l'époux,  et  dame 
Louise-Marguerite-Émélie  Quelpée  de  La  Borde,  femme  de 
chambre  de  la  Reine,  veuve  majeure  de  Philippe -Joseph 
Hinner,  ordinaire  de  la  musique  du  Roi  et  garçon  de 
chambre  de  la  Reine,  de  la  paroisse  St-Louis  de  Ver- 
sailles, rue  Royale,  l'épouse.  Ils  ont  eu  pour  témoins 
Adrien-Jules-Gaultier  de  Bésigny,  conseiller  du  Roi  en  ses 
conseils,  président  honoraire  au  Parlement;  Louis- 
Mathieu  Quelpée  de  La  Borde,  écuyer,  huissier  ordinaire 
du  Cabinet  delà  Reine,  Charles  St-Aubin,  écuyer,  huissier 
de  Mer  le  comte  d'Artois,  Pierre-Jean  de  Bourcet,  premier 
valet  de  chambre  de  Mer  le  Dauphin,  ancien  conseiller  au 
Parlement  de  Grenoble  et  autres  qui  ont  signé  : 

Gaultier  de  Bésigny,  Reinierde  Jarjayes,  Quel- 
pée Delaborde  (sic) y  Quelpée  De  Laborde, 
Pecquet-Delaborde,  de  St-AuBiN,  de  Bourcet. 
Montauban, Monchoreil, Delon, Clavi  ères,  curé. 

(Registres  de  la  paroisse  de  Livry,  année  1787.)  Communiqué 
par  M.  l'abbé  A.  Genty,  vicaire  général  à  Versailles. 


20 


APPENDICE  V 


BALZAC   LIBRAIRE 

LE  LA  FONTAINE  ET  LE  MOLIÈRE 


EDITION  DU  LA  FONTAINE 

BIBLIOGRAPHIE 

Avant  de  publier  les  pièces  relatives  à  l'opération  des 
Œuvres  de  La  Fontaine,  complètes  en  un  volume,  nous  don- 
nons la  description  bibliographique  de  ce  tome  : 

OE livres  complètes  de  La  Fontaine,  ornées  de  trente 
vignettes  dessinées  par  Devéria  et  gravées  par  Thomp- 
son. Paris.  A.  Sautelet  et  Cie,  place  de  la  Bourse.  Impri- 
merie de  Rignoux,  rue  d>s  Francs-Bourgeois-S. -Michel. 
MDCCCXXVI.  In-8°. 

1  f.  (faux-titre  au  v°  duquel  on  lit  :  //.  Balzac,  éditeur-proprié- 
taire,rue  des  Marais-S. -Germain,  n°  17);  1  f.  (titre  orné  d'un  por- 
trait de  La  Fontaine);  2  ff.  (Notice  sur  la  vie  de  La  Fontaine 
par  H.  Balzac)  ;  VIII-493  pp.  ;  et  1  f.  n.  chiffré  (table). 

Nous  n'avons  pas  vu  d'exemplaire  muni  de  sa  couverture. 
M.  le  Ytc  de  Spoelberch  de  Lovenjoul  nous  a  communiqué  la  des- 
cription de  cette  couverture,  telle  que  la  lui  avait  envoyée 
M.  Mathias,  libraire.  La  couverture  porte  comme  adresse  :  Paris, 
If.  Balzac,  éditeur-propriétaire,  rue  des  Marais,  n°  17,  A.  Sauielet 
et  Cu,  place  de  la  Bourse.  Imprimerie  de  Rignoux.  rue  des  Francs- 
Bourgeois-S^Michel,  1826. 


LA  LIBRAIRIE.  r,«»7 

Les  vignettes  Boni  dans  le  texte,  imprimé  sur  deux  colonnes 

-  mi  1,1  Qotice  de  Balzac  qui  est  à  longues  lignes). 

Il  existe  des  exemplaires  portant  sur  le  titre  le  nom  el 
l'adresse  de  Baudouin  frères,  rue  de  Vaugirard,  su  lieu  de  ceux 
de  Sautelet  ei  Cu. 

Le  prospectus  el  Bpecimen  de  cette  édition  'in-8  d'un  quart 
de  feuille),  imprimé  par  Tilliard,  est  enregistré  dans  la  Biblio- 
graphie de  la  France,  du  \i  mai  1825,  n°  2799.  Ce  prospectus 
annonce  l'ouvrage  comme  devant  paraître  chez  Urbain  Cane! 
et  Baudouin  frères,  eu  huit  livraisons  à  2  fr.  50  l'une. 

Toutes  les  livraisons  sont  imprimées  par  Rignoux.  Les  six 
premières,  annoncées  avec  les  noms  d'Urbain  Canel  et  Bau- 
douin tïèivs.  sont  enregistrées  dans  la  Bibliographie  de  la  France 
i\o*  4  juin  1825  (n°  3067),  27  août.  1825  (n°  4795),  1"  octobre  1825 
(n°  5487»).  29  octobre  1825  (n°  5996),  15  mars  1826  (n°  1485), 
5  avril  1826  (n°  1998). 

Les  7e  et  8*  livraisons,  qui  terminent  l'ouvrage,  sont  enregis- 
trées  dans  la  Bibliographie  de  la  France  du  29  juillet  1826 
in°  4901)  de  la  façon  suivante  : 

«  —  Œuvres  complètes  de  La  Fontaine.  VIIe  et  VIIIe  livrai- 
sons. Un  seul  cahier  in-8  de  54  demi-feuilles  avec  vignettes. 
Imp.  de  Rignoux  à  Paris.  —  A  Paris,  chez  H.  Balzac,  rue  des 
Marais,  faubourg  Saint-Germain,  n.  17 ;  chez  Sautelet. 

«  Prix  de  chaque  livraison,  2.50.  L'ouvrage  complet  en  un 
seul  volume  in-8  :  20.00.  » 

Il  a  été  tiré  un  exemplaire  sur  papier  de  Chine,  qui  figure  au 
Catalogue  Pixérécourt,  sous  le  n°  1658. 


[17]  LETTRE  DE  HONORÉ  BALZAC  A  URBAIN  CANEL 

13  mai  1825. 

A  M.  Urbain  Canel,  libraire,  place  St-André-des-Arts, 

n°  50,  à  Paris. 

Villepansis. 
Mon  cher  Monsieur  Urbain, 

J'irai  sans  faute  vous  voir  dimanche  matin  pour  échan- 
ger nos  billets  sur  papier  mort  en  billets  faits  sur  papier 
timbré.  Ayez  la  complaisance,  je  vous  prie,  de  ne  pas  sor- 
tir ou  de  ne  pas  vous  éloigner  avant  que  je  ne  sois  venu, 
et  je  n'arriverai  pas  avant  midi. 

Si  vous  avez  besoin  d'argent  pour  le  Lafonlaine  avant 


308  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

dimanche,   écrivez-moi  ;    mais,   dimanche,  munissez-vous 
de  timbres  pour  terminer  cette  affaire-là  aussi. 

J'ai  rétabli  la  fin  du  3"  volume  de  Wann-Chlore  et  je  suis 
en  train  de  corriger  le  4e  volume.  Lundi,  Rignoux  aura 
toute  la  copie  et  vous  n'aurez  plus  de  reproches  à  me 
faire. 

Attendez-moi  bien  dimanche,  car  le  jeune  homme  qui 
réclame  mes  billets  part  pour  l'Angleterre. 

Mes  complimens  à  vos  dames,  et  recevez,  je  vous  prie, 
l'assurance  de  mon  sincère  attachement, 

H.  Balzac. 
Villeparisis. 

La  lettre  n'est  pas  datée,  mais  le  timbre  de  la  poste  porte  la 
date  du  13  mai  1825. 

(Collection  Lovenjoul,  ras.  A  258,  fol.  7bis.) 


[18]    TRAITÉ  ENTRE  PIERRE-FRANÇOIS  GODARD, 
URBAIN  CANEL  ET  HONORÉ  BALZAC 

Î7  avril  1825. 

Entre  M.  Pierre-François  Godard,  graveur  sur  bois, 
demeurant  à  Alençon,  rue  Aucieux  (sic),  n°  17,  d'une 
part, 

Et  M.  Urbain  Canel,  libraire,  demeurant  à  Paris,  place 
St-André-des-Arcs,  n°  30,  et  M.  Honoré  Balzac,  demeurant 
à  Paris,  rue  de  Tournon,  n°  2, 

Ce  dernier  étant  pour  le  présent  à  Alençon,  fondé  de 
pouvoirs  de  M.  Urbain  Canel  en  ce  qui  le  concerne  et 
permettant  d'envoyer  la  ratification  du  présent  traité  — 
d'autre  part, 

A  été  fait  et  convenu  ce  qui  suit  : 

Article  1.  —  M.  Godard  s'engage  à  graver  sur  bois  un 
certain  nombre  de  vignettes  d'après  les  dessins  de  M.  De- 
véria  ou  tout  a  utre  dessinateur,  destinées  à  une  édition 
in-octavo  en  un  seul  volume  des  œuvres  complètes  de 
Lafontaine  que  Mrs  Urbain  Canel  et  Balzac  se  proposent 
de  publier. 


i.\  LIBRAIRIE.  309 

Article    2.    —    M.    Godard    s'engage    à    travailler   à    ces 

vignettes  préférablement  à  toutes  autres,  à  moins  qu'il  ne 
soil  dérogé  par  écrit,  tel  qu'une  simple  Lettre,  à  la  pré- 
sente convention". 

Article  .lJ.  —  M,s  Urbain  Cane!  H  Balzac  s'engagenl  à 
payer  comptante  Monsieur  Godard  la  somme  de  soixante- 
dix  francs  par  bois  de  vignette  gravé,   e1  ce,  entre  les 

mains  cl  sur  la  quittance  de  M.  Roret,  libraire  à  Paris. 

Néanmoins,  M,s  Urbain  Canel  et  Balzac  se  regarderont 
comme  obligés  à  augmenter  ce  prix  de  dix  francs  en  sus 
si  les  soins  donnés  par  M.  Godard  étaient  tels  que  les 
vignettes  fussent  appréciées  par  M.  Devéria  mériter  cette 
augmentation. 

Article  4.  —  M.  Godard  s'engage,  par  ces  présentes,  à 
faire  les  vignettes  des  éditions  de  Racine  et  de  Corneille 
exclusivement  à  tout  autre  ouvrage,  si,  après  les  vignettes 
de  Lafontaine  exécutées,  Mrs  Urbain  Canel  et  Balzac  entre- 
prenaient les  susdites  éditions  de  Racine  et  de  Corneille 
ou  tout  autre.  « 

Mais  alors,  si  Mrs  Urbain  Canel  et  Balzac  avaient  accordé 
quatre-vingt  francs  par  vignette  du  Lafontaine,  ce  prix 
de  quatre-vingt  francs  serait  alloué  à  M  .  Godard  par 
chaque  vignette  des  éditions  projetée  s  —  sauf  à  Mes- 
sieurs Urbain  Canel  et  Balzac  à  augmenter  encore  de  dix 
francs  ce  nouveau  prix,  si  M.  Godard,  par  son  travail,  et 
au  dire  de  M.  Devéria,  le  méritait  encore. 

Article  5.  —  Si  par  cas  fortuit  et  qu'on  ne  saurait  pré- 
voir, l'édition  de  Lafontaine  n'avait  pas  lieu,  le  présent 
traité  serait  nul  de  plein  droit,  mais  les  parties  contrac- 
tantes seront  engagées  par  la  gravure  d'une  seule 
vignette,  et  il  demeurera  bien  entendu  que  MIS  Urbain  Canel 
et  Balzac  peuvent  seuls  profiter  du  droit  accordé  par  le 
présent  article. 

Article  6.  —  Si  les  deux  premiers  bois  gravés  ne  conve- 
naient pas  à  M's  Urbain  Canel  et  Balzac,  ils  auraient  la 
faculté  de  résilier  le  présent  traité,  en  désintéressant 
M.  Godard  par  une  somme  de  cent  francs  payée  entre  les 
mains  de  M.   Roret,  libraire,  dont  la  quittance  libérera 


MO  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Mrs  Urbain  Canel  et   Balzac  de   toutes  sommes   dues  à 
M.  Godard,  et  ce,  dans  tous  les  cas  du  présent  traité. 

Article  7.  —  Les  vignettes  une  fois  approuvées  de 
Mrs  Urbain  Canel  et  Balzac,  le  présent  traité  aura  son  exé- 
cution pleine  et  entière,  M.  Godard  s'engageant,  dans 
l'intérêt  de  son  talent  même,  à  graver  les  vignettes  sui- 
vantes comme  il  aura  gravé  les  premières. 

Article  8.  —  Les  vignettes  des  éditions  postérieures  à 
celle  du  Lafontaine  devront  avoir  les  mêmes  dimensions 
que  les  vignettes  de  la  susdite  édition  de  Lafontaine, 
sinon,  Mrs  Urbain  Canel  et  Godard  feraient  un  nouveau 
prix  de  gré  à  gré. 

Fait  double  à  Alençon  le  dix-sept  avril  mil  huit  cent 
vingt-cinq. 

Il  est  entendu  par.les  parties  qu'une  simple  lettre  de 
M.  Urbain  Canel  suffira  pour  ratifier  le  présent  traité  et, 
au  refus  de  M.  Urbain  Canel  d'y  donner  sa  ratification, 
M.  Godard  ne  serait  plus  engagé  que  par  M.  Balzac. 

Les  frais  d'envoi  et  de  retour  des  bois  seront  au  compte 
de  Mrs  Urbain  Canel  et  Balzac. 

Alençon,  17  avril  1825. 

Honoré  Balzac 

Godard. 

Si  le  libraire  Delongchamps  demande  à  M.  Godard  des 
vignettes  pour  l'édition  de  Molière,  imprimée  en  un 
volume  in-8°  chez  Rignoux,  à  Paris,  M.  Honoré  Balzac 
consent  par  ces  présentes  à  ce  que  M.  Godard  donne  à 
M1S  Urbain  Canel  et  Delongchamps  une  vignette  pour  le 
Molière  sur  trois  vignettes  exécutées,  à  savoir  deux  pour 
le  Lafontaine  et  une  pour  le  Molière. 

H.  Balzac. 

M.  Balzac  soussigné  s'engage  à  payer  comptant  M.  Go- 
dard par  deux  vignettes  livrées;  ainsi  M.  Roret  recevra 
à  chaque  remise  cent  quarante  francs  pour  le  compte  de 
M.  Godard. 

H.  Balzac. 

Les  parties  contractantes,  afin  d'éviter  toute  conlesta- 
tion  dans  le  précédent  traité,  ajoutent,  pour  expliquer  les 


LA  LIBRAIRIE.  :>I1 

mots  <le  l'article  premier  un  certain  nombre  de  vignettes ^ 
•  lue  M.  Godard  fera  exclusivement  à  toutes  autres  les 
vignettes  <{ u i  lui  Beronl  données  par  MM.  Urbain  Cane!  el 

Balzac    pour    la    collection   des   classiques    français   qu'ils 

entreprennent,    eu    commençant    par    les    éditions    de 

Molière  el  <le  I  .al'onlaine. 
A  Alencoii,  ce  17  avril  1825. 

Approuve'  l'écriture  ci-dessus, 

<  iODARI). 

Honoré  Balzac'. 

Ce  tut  au  numéro  16  tle  la  rue  aux  Sieurs,  alors  habi- 
tuellement orthographiée  rue  aux  Cieux,  que  Balzac  se 
rendit,  à  son  arrivée  à  Alençon.  Là  se  trouvait,  ajoute 
le  comte  G.  de  Contades,  la  librairie  Godard,  à  laquelle 
était  joint  un  cabinet  de  lecture,  où  l'on  venait  chercher 
les  Mystères  a" Udolphe,  d'Anne  Radcliffe,  et  les  Barons  de 
Fels/ieim,  de  Pigault-Lebrun.  Ce  magasin,  à  l'apparence 
vulgaire,  était  la  demeure  de  véritables  artistes,  le  père 
et  le  fils  Godard,  graveurs  sur  bois,  qui  s'étaient  fait  un 
nom  même  en  dehors  de  leur  province.  Voir  Balzac  alen- 
connais,  p.  6. 

Le  séjour  de  Balzac  à  Alençon  ne  fut  que  de  courte 
durée.  Rentré  à  Paris,  Balzac  communique  le  traité  du 
17  avril  à  Urbain  Canel  qui  le  ratifie;  le  19,  il  en  informe 
M.  Godard  par  une  lettre  qui  est  publiée  in-extenso  dans 
la  Correspondance  (t.  XXIV  des  Œuvres  complètes,  p.  50). 

A  cette  lettre  qu'a  également  publiée  M.  le  comte  de 
Contades,  d'après  la  pièce  autographe  conservée  dans  la 
collection  de  M.  de  La  Sicotière,  et  qui  offre  quelques 
variantes  avec  le  texte  imprimé,  était  jointe  l'adhésion 
suivante  d'Urbain  Canel,  également  adressée  à  Godard  : 


1.  Ce  traité,  qui  fait  partie  de  la  collection  de  feu  M.  de  La 
Sicotière,  léguée  par  lui  à  la  ville  d'Alençon,  a  été  publié,  pour 
la  première  fois,  par  M.  le  comte  G.  de  Contades  dans  un 
article  inséré  dans  le  Bulletin  de  la  Société  historique  et  archéo- 
logique de  l'Orne,  intitulé  :  Balzac  alençonnais,  et  tiré  à  part  à 
70  ex.  dont  10  sur  Japon,  sous  ce  titre  :  Balzac  alençonna*. 
Alençon,  E.  Renaut-De  Broise,  1888,  in-8°,  p.  19  à  23. 


312  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Monsieur, 

J'adhère  aux  sentiments  que  vient  de  vous  exprimer 
M.  Balzac  et  je  ratifie  pleinement  et  entièrement  le  mar- 
ché que  vous  avez  conclu  et  arrêté  avec  lui  sous  la  date 
du  dix-sept  de  ce  mois  et,  conformément  à  l'article  spé- 
cial de  ce  traité  concernant  la  ratification,  cette  simple 
lettre  doit  équivaloir  à  ma  signature  sur  le  dit  traité.  Je 
vous  prie,  en  conséquence,  de  m'en  accuser  réception. 

J'ai  vu  les  vignettes  que  vous  avez  confiées  à  M.  Balzac, 
elles  m'ont  paru  fort  bien  et  je  conçois  de  votre  talent  la 
plus  haute  opinion. 

Agréez,  Monsieur,  l'assurance  de  ma  parfaite  considé- 
ration, 

Votre  très  humble  serviteur, 
Urb.  Canel. 

Paris,  19  avril  1825. 


[19]  DISSOLUTION  DE  LA  SOCIÉTÉ  FORMÉE  ENTRE 
MM.  CHARLES  CARRON,  HONORÉ  BALZAC,  BENET 
DE  MONTCARVILLE  ET  URBAIN  CANEL,  POUR 
L'ENTREPRISE  DU  LA  FONTAINE 

1er  mai  1826. 

Entre  les  soussignés  : 

Charles  Carron,  médecin,  demeurant  à  Paris,  rue  de 
l'Odéon,,n°  17,  d'une  part, 

Honoré  Balzac,  homme  de  lettres,  demeurant  à  Paris, 
rue  de  Berry,  n°  7,  d'une  part, 

Jacques-Edouard  Benêt  de  Montcarville,  officier  en 
réforme,  demeurant  à  Paris,  rue  Meslay,  n°  41,  encore 
d'une  part, 

Et  Urbain  Canel,  libraire,  demeurant  à  Paris,  rue  St- 
Germain-des-Prés,  n°  9,  d'autre  part, 

A  été  dit  et  convenu  ce  qui  suit  : 

Art,  1er. 
La  Société  qui  existait  entre  les  soussignés  pour  l'entre- 
prise des  Œuvres  complètes  de  Lafontaine  en  un  volume 


LA  LIBRAIRIE.  ~]:> 

in-octavo  est  e1  demeure  dès  6  présent,  dissoute,  d'un 
consentement  unanime. 

A  HT.     2. 

En  ce  qui  touche  la  liquidation  de  la  < i i t « ^  entreprise, 
les  sieurs  Carron  et  Monte arville  seulement  se  recon- 
naissent satisfaits  ei  quittent  le  sieur  Urbain  Cane!  de 
toute  obligation  envers  eux  quant  à  la  dite  entreprise, 

pour  prix  de  la  renonciation  que  font  les  s,s  Balzac  et  Ur- 
bain Canel  du  droit  qu'ils  auraient  de  les  forcer  à  conti- 
nuer la  publication  des  dites  œuvres  de  Lafontaine. 

Fait  quadruple  à  Paris,  le  premier  mai  mil  huit  cent 
vingt-six. 

II.  Balzac. 

Approuvé  l'écriture        Approuvé  l'écriture  ci-dessus, 
ci-dessus,      U.  Canel.  J.-E.-B.  de  Montcarville. 

Approuvé  l'écriture 
ci-dessus,      Carron. 

En   marge  :  Enregé  à  Paris,  le  cinq   mai   1826,  fol.  8  v.  Re<;u 
cinq  francs  cinquante  c.  plus  cinquante  cent,  pour  le  D.  de  Société. 
{Collection  Lovenjoul,  ras.  A  258,  fol.  79i,er.) 


[20]  CESSION  A  H.  BALZAC  PAR  MM.  URBAIN  CANEL, 
CH.  CARRON  ET  DE  MONTCARVILLE  DE  LA  PRO- 
PRIÉTÉ DU  LA  FONTAINE 

-Ier  mai  18c26. 

Entre  les  soussignés  : 

Charles  Carron,  demeurant  à  Pans,  rue  de  l'Odéon, 
n°  17,  d'une  part, 

Jacques-Edouard  Benêt  de  Montcarville,  officier  en 
réforme,  demeurant  à  Paris,  rue  Meslay,  n°  41,  d'une 
part, 

Urbain  Canel,  libraire,  demeurant  à  Paris,  rue  St-Ger- 
main-des-Prés,  n°  9,  d'une  part. 

Et  Honoré  Balzac,  homme  de  lettres,  demeurant  à 
Paris,  rue  de  Berry,  n°  7,  d'une  autre  part, 

A  été  dit  et  convenu  ce  qui  suit  : 


514  LA  JEUNESSE  DE  BALZA< 

Art.   1. 

Les  s™  Urbain  Canel.  Charles  Carron  et  de  Montear- 
ville  cèdent,  transportent  et  abandonnent  au  s1  Honoré 
Balzac,  ce  acceptant,  tous  leurs  droits  de  propriété  sur: 
Ie  les  six  premières  livraisons  qui  ont  été  faites  d'une 
édition  des  Œuvres  complettes  sic  de  Lafontaine.  en  un 
seul  volume  in-octavo,  imprimé  à  deux  colonnes,  en 
caractère  dit  Mignone,  tiré  sur  papier  cavalier  vélin  de  la 
fabrique  de  M.  Montgolfier.  d'Annonay.  orné  de  trente 
vignettes  environ,  dessinées  par  Devéria.  gravées  par 
Thompson,  la  dite  édition  tirée  à  trois  mille  exemplaires 
et  mains  de  passe.  —  '2°  sur  tous  les  bois  des  vignettes 
dont  il  est  parlé  ci-dessus  ainsi  que  sur  toutes  les  listes  de 
souscripteurs,  sommes  à  recevoir  pour  souscriptions  et 
pour  les  livraisons  futures  et  précédentes  en  tant  que  ce 
jourd'huy  des  souscripteurs  n'auraient  encore  rien  payé 
au  sr  Urbain  Canel.  —  5;  sur  dix-sept  rames  de  papier 
dont  il  a  été  parlé  ci-dessus  et  qui  se  trouvent  chez  le 
sr  Rignoux.  imprimeur  à  Paris,  enfin  sur  les  trois  mille 
exemplaires  qui  ont  été  tirés  de  la  seizième  feuille  du  dit 
volume  et  sur  la  composition  des  formes  qui  suivent  la 
dite  seizième  feuille  jusqu'à  la  fin  du  Théâtre  de  Lafon- 
taine. ainsi  que  le  tout  se  poursuit  et  comporte  sans  en 
rien  réserver  ni  excepter. 

A  la  charçre  par  le  sieur  Balzac  de  terminer  les  dites 
Œuvres  de  Lafontaine,  de  tenir  tous  marchés  faits  avec 
des  tiers,  souscripteurs  et  autres,  quant  à  la  continuation 
de  la  dite  édition.  La  présente  cession  est  faite,  en  outre, 
pour  indemni>er  le  sr  Honoré  Balzac  de  toutes  sommes 
servies  par  lui  au  s*  Urbain  Canel  pour  l'entreprise  des 
dites  œuvres  de  Lafontaine  que  le  s1  Urbain  Canel  est 
dans  l'impossibilité  de  continuer,  sous  tels  noms  qu 
soit  et  à  la  charge  pour  le  sr  Balzac  de  remettre  au 
s1  Urbain  Canel  tous  titres  et  billets  ou  reconnaissanee> 
des  dites  sommes. 

Art.  2. 

Le  sr  Urbain  Canel  ayant  dirigé  l'entreprise  et  les  objets 

sentement   cédés  étant    en  sa  p   ss  --.on.  il  est  seul 

•  hargé  de  leur  livraison  au  sr  Balzac  et  il  est  :?pecialement 

convenu  entre  les  soi.--  gnés  que  les  objets  présentement 


I  A  LIBRAIRIE.  315 

cédés  seront  livrés  au  s1  Balzac  indemnes  de  toutes 
son, mes  à  payer  pour  leur  confection  h  sans  autres 
déductions  que,  quant  aux  exemplaires,  de  ceux  donnés 
aux  journaux  et  livrés  aux  acheteurs  el  souscripteurs. 

Fait  quadruple  à  Paris,  ce  premier  mai  mil  huit  cent 
vingt-six. 

U.  Canel. 

Approuvé  L'écriture      Approuvé  l'écriture  cy-dessus, 
ci-dessus,     H.Balzac.  J.-E.-B.  de Montcarville. 

Approuvé  l'écriture 
ci-dessus,     Carbon. 

Je  déclare,  pour  satisfaire  aux  droits  d'enregistrement, 
que  les  sommes  versées  au  sr  Urbain  Canel  s'élèvent  à  la 
somme  de  cinq  mille  francs,  sauf  erreur  des  comptas 
courans. 

H.  Balzac. 

En  marge  de  ce  traité,  enregistré  le  5  mai  182G,  Rignoux  ;i 
écrit  la  déclaration  suivante  :  Je  déclare  avoir  pris  connaissance 
du  dit  traité.  Paris,  5  mai  1826.  Rignoux. 

(Collection  Lovenjonl.  ms.  A  258,  fol.  8.) 


[21]       TRAITE  ENTRE  ALEXANDRE  BAUDOUIN 
ET  HONORÉ  BALZAC 

3  mai  1826. 

Entre  les  soussignés  : 

Alexandre  Baudouin,  libraire,  demeurant  rue  de  Vaugi- 
rard,  n°  17,  à  Paris,  d'une  part, 

Et  Honoré  Balzac,  demeurant  à  Paris,  rue  de  Berry, 
n°  7,  d'autre  part, 

A  été  dit  et  convenu  ce  qui  suit  : 

Art.  1. 

M.  Honoré  Balzac  vend  à  M.  Alexandre  Baudouin,  ce 
acceptant,  cinq  cents  exemplaires  des  Œuvres  com- 
plètes de  La  Fontaine  en  un  seul  volume   in-8°,  précé- 


546  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

déminent  publié   par    le    s1'    Urbain   Canel,    au   prix   de 
huit  francs  l'exemplaire. 

Art.  2. 

M'  Alexandre  Baudouin  reconnaît  que  moitié  seulement 
des  Œuvres  complètes  de  La  Fontaine  lui  a  été  fournie 
par  le  s1  Urbain  Canel  et  que  moitié  dudit  ouvrage  reste 
à  fournir. 

M.  Honoré  Balzac  reconnaît  de  son  côté  que  deux 
mille  francs  ont  été  payés  par  M.  Alexandre  Baudouin  au 
sr  Urbain  Canel  pour  la  moitié  déjà  publiée  du  dit 
ouvrage. 

Art.  3. 

Mr  Honoré  Balzac  s'engage  à  continuer  les  dites 
OEuvres  de  Lafontaine  et  à  les  achever  au  plus  tard  au 
trente  juillet  prochain  avec  le  même  caractère,  le  même 
papier  et  la  même  justification  employés  jusqu'à  ce  jour. 

Art.  h. 

A  défaut  d'achèvement  du  dit  ouvrage  par  le  sr  Balzac 
au  trente  juillet  prochain,  le  sr  Balzac  s'engage  à  reprendre 
tous  les  exemplaires  complets  ou  incomplets  que  le 
sr  Alexandre  Baudouin  aurait  en  magasin,  sauf  à  lui  tenir 
compte  de  ce  qu'il  aurait  reçu  pour  la  partie  vendue  des 
exemplaires  incomplets. 

Art.  5. 

Mr  Alexandre  Baudouin  continuera  à  tirer  cinq  cents 
exemplaires  in-8  sur  la  composition  du  dit  ouvrage,  en 
payant  à  l'imprimeur  le  tirage  et  fournissant  le  papier, 
sans  que  M.  Honoré  Balzac  puisse  prétendre  à  aucune 
indemnité  pour  la  composition. 

Art.  6. 

Les  bois  des  vignettes  qui  auront  servi  à  l'ornement  de 
la  dite  édition  de  Lafontaine  seront  remis  au  sr  Alexandre 
Baudouin,  sans  aucune  indemnité,  et,  de  son  côté,  le 
sr  Alexandre  Baudouin  renonce  à  toutes  sommes  qu'il 
pourrait  prétendre  pour  le  retard  apporté  par  le  sr  Urbain 
Canel  dans  la  publication  des  dites  OEuvres  de  Lafontaine. 


LA  LIBRAIRIE.  r.n 

Art.  7. 

Le  prix  de  la  moitié  du  volume  in-8  (formant  l<is  OEu\  rea 
de   Lafontaine)  à  fournir  à  M.  Alexandre  Baudouin  par 

M.  il.  Balzac  sera  solde  par  M.  Alexandre  Baudouin  en 
lw2  billets  à  onze  mois  et  M.  II.  Balzac  fournira  le  trei- 
zième. 

A  HT.    8. 

Au  moyen  des  présentes,  toides  conventions  antérieures 
relatives  à  la  dite  édition  des  Œuvres  complètes  de  Lafon 
laine  seront  regardées  comme  nulles  el   non  avenues  et 
M.  Alexandre  Baudouin  s'engage  à  ne  rien  payer  au  sr  Ur- 
bain Canel  pour  cet  objet. 

Fait  à  Paris,  ce  trois   mai   mil  huit   cent  vingt-six,  en 
double  expédition. 

Approuvé  l'écriture  ci-dessus  et  cinq  mots  nuls. 
A.  Baudouin. 
Approuvé  cinq  mots  nuls, 
H.  Balzac. 

{Collection  Lovenjoul,  ms.  A  258,  fol.  9.) 


[22]  LETTRE  DE  RIGNOUX  A  BALZAC 

Paris,  le  6  mai  1826. 
Monsieur  Balsac  (sic), 

J'accepte  les  conditions  spécifiées  dans  votre  lettre  de 
ce  jour  pour  le  transfert  de  l'impression  des  OEuvres  de 
Lafontaine  en  un  seul  volume  in-8°,  tirées  à  trois  mille 
exemplaires  et  la  passe,  dont  Monsieur  Urbain  Canel 
m'avait  chargé  et  ce  aux  mêmes  conditions  que  j'étais 
convenu  envers  le  dit  sieur  Urbain  Canel,  savoir  :  deux 
cent  soixante-quinze  francs  par  feuille  comptant  et  sur 
bonnes  feuilles,  et  je  vous  reconnais  en  même  temps,  à 
dater  de  ce  jour,  propriétaire  de  tout  ce  qui  concerne  le 
dit  ouvrage. 

J'ai  l'honneur  de  vous  saluer, 
Rignoux. 

Suscription  de  la  lettre  :  Monsieur  Balsac  (sic),  homme  de 
lettres,  rue  de  Berry,  n°  7,  au  Murais.  Paris. 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  258,  fol.  10.) 


318  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

[25]  REÇUS  DE  NAUDOT,  ASSEMBLEUR 

7  mai  1826. 

Je  reconnais  avoir  reçu  de  Mons.1  la  quantité  de 

six  livraisons  de  La  Fontaine. 

Savoir  : 

Cent  trente-cinq  exemplaires  de  la  lre  livraison. 
Cent  soixante  et  douze  exemplaires  de  la  2e  livraison. 
Cent  soixante-dix  exemplaires  de  la  5e  livraison. 
Cent  soixante-neuf  exemplaires  de  la  4e  livraison. 
Cent  quatre-vingt  exemplaires  de  la  5e  livraison. 
Deux  cent  quarante-deux  exemplaires  de  la  6e  livraison. 

Paris,  ce  sept  mai  1826. 

Naudot. 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  258,  fol.  12.) 


|24J  11  mai  1826. 

Je  reconnais  avoir  reçu  de  M1  -  deux  mille  exem 

plaires  des  feuilles  1,  2,  5,  4,  5,  6,  7,  8,  9,  10.  11,  12,  13,  14, 
15  des  OEuvres  complètes  de  Lafontaine  en  un  volume 
in-8,  imprimées  par  Rignoux  sur  papier  cavalier  vélin  de 
Montgolfier  et  dont  je  suis  responsable  envers  lui. 

Le  présent   reçu   est   en  outre  de  celui    donné   précé- 
demment pour  les  livraisons  séparées. 

Paris,  ce  onze  mai  1826. 

Deux  mots  rayés  nuls,  approuvé  l'écriture  ci-dessus. 

Naudot. 
(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  258,  fol.  14.) 


[25]      REÇU  D'URBAIN  CANEL  DÉLIVRÉ  A  BALZAC 

9  mal  1826. 

Je  soussigné  reconnais  avoir  reçu  en  exécution  du  traité 

1.  Le  nom  est  resté  en  blanc  dans  l'original. 

2.  Le  nom  est  resté  en  blanc  dans  l'original. 


LA  LIBRAIRIE.  519 

passr  le  premier  mai  couranl   la  somme  <l<"  neuf  mille 
deux  cenl  cinquante  francs  <*u  mes  trois  billets,  savoir  : 

fr.  2250  du  15  mai  1825  0/mad«  Berny.  .  )  au  51 

fp.  5000  du  15  mai  1825  0/mad«  Berny.  .  j    août 

fr.   1000  du  15  mai  1825  0/     -     d°      .  .  )  1826. 

\)  t>;>o 

de  M.  H.  Balzac  h  ce  pour  prix  de  la  vente,  à  lui  faite  par 
le  susdit  traité. 

Paris,  ce  9  mai  1826. 

U.  Canel. 
(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  258,  fol.  13.) 


[26]     VENTE  DE  PAPIER  FAITE  PAR  RIGNOUX 

A  BALZAC 

17  mai  1826. 

Paris,  le  16  mai  1826. 
Imprimerie  de  Rignoux 
rue  <i<>s  Francs- Bourgeois- 

St  Michel,  n0  8. 

Vendu  à  Monsieur  Honoré  Balsac  (sic)  quarante  rames 
de  cavalier  vélin  d'Annonay,  à  38  francs  la  rame  payable 
comptant  en  espèces  pour  la  somme  de  1  520  fr. 

Reçu  le  montant  de  la  facture  ci-dessus  de  quinze  cent 
vingt  francs. 

Paris,  17  mai  1826. 

Au  bas  de  cette  facture,  Rignoux  a  écrit  : 

Je  reconnais  avoir  gardé  les  quarante  rames  de  papier 
ci-dessus  pour  l'impression  des  Œuvres  de  Lafontaine. 
1  vol.  in-8°,  à  dater  de  la  37e  forme. 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  258.  fol.  16.) 


520  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

[27]         LETTRE  DU  Dr  CARRON  A  H.  BALZAC 

me. 

Monsieur, 

Comme  vous,  je  suis  ennemi  des  injures  et  je  n'aime  ni 
en  dire  ni  en  recevoir;  mais  aussi  je  suis  las  de  supporter 
des  injustices.  Si  dans  la  vive  discussion  que  nous  avons 
eue  mercredi  dernier,  je  me  suis  écarté  des  règles  de  la 
politesse,  j'y  ai  été  poussé  et  par  le  bon  droit  de  ma 
réclamation  et  surtout  par  le  ton  hautain  que  vous  avez 
pris  avec  moi,  et  auquel  je  ne  suis  point  habitué.  L'expres- 
sion de  menteur,  dont  je  me  suis  servi,  est,  je  l'avoue,  trop 
énergique,  et  doit  être  réprouvée  par  la  bienséance;  mais 
j'ai  voulu  dire  par  là  que  vous  aviez  avancé  un  fait 
erroné  en  m'annonÇant  que  Mr  Tiercelin,  votre  ancien 
commis,  avoit  les  suites  du  Lafontaine  et  étoit  chargé  de 
me  les  remettre.  Au  surplus,  bien  qu'il  me  soit  pennible 
(sic)  d'être  en  guerre  ouverte  avec  un  homme  dont  j'ai 
toujours  estimé  le  caractère,  je  ne  puis,  vu  la  justice  de 
ma  cause,  vous  donner  une  plus  ample  rétractation. 

Votre  serviteur, 

Dr  Carron. 
(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  258,  fol.  27.) 

Cette  lettre  n'est  pas  datée,  mais  comme  elle  est  adressée  à 
«  Monsieur  Balzac,  imprimeur,  rue  du  (sic)  Marais,  à  Paris  »,  sa 
date  ne  peut  être  antérieure  au  mois  de  mars  1826,  époque  à 
laquelle  un  acte  du  16  de  ce  mois  indique  Balzac  comme  domi- 
cilié rue  des  Marais-St-Germain.  Voir  Appendice  VI,  pièce  n°  45. 


[28J     LETTRE  DE  M.  D'ASSONVILLEZ  A  H.  BALZAC 

21  juin  1826. 

A  Monsieur  Honoré  Balzac,  rue  des  Marais.  n°  17, 
faubourg  St-Germain,  à  Paris. 

Montglas,  ce  21  juin  1826. 

Mon  cher  Honoré, 

Je  vous  avais  demandé  deux  jours  pour  réfléchir  à  la 
proposition  qui  m'a  été  faite  par  le  sieur  Urbain  Canel. 


LA  LIBRAIRIE.  321 

Voici  le  résultat  auquel  je  m'arrête  définitivement.  Je 
signerai  L'acte  que  j'ai  lu,  qui  fait  remise  de  soixante 
quinze  pour  cent,  sous  la  modification  de  quelques 
expressions  qui  no  peuvent  me  convenir,  <ku  ce  sens  que 
n'ayant  jamais  examiné  les  registres  de  mon  débiteur,  il 
me  paraît  un  peu  hasardé  de  certifier  des  faits  et  des 
conséquences  qui,  véritablement,  ne  sont  pas  à  ma 
connaissance.  Vous  voyez  que  ceci  est  peu  de  chose,  et 
qu'un  acte  séparé  pour  moi  répondrait  à  tout. 

Ce  qui  m'embarrasse  le  plus,  c'est  que  je  ne  puis  arriver 
à  Paris,  comme  je  vous  l'avais  promis,  pour  l'exécution 
de  cette  clause,  qui  ne  donne  que  huit  jours  à  notre  débi- 
teur pour  rapporter  toutes  les  signatures.  Les  ouvriers 
que  vous  avez  vus  chez  moi  et  quelques  personnes  qui  me 
sont  arrivées  et  avec  lesquelles  je  serai  obligé  de  voisiner, 
me  retiendront  ici  jusqu'au  cinq  juillet.  Je  ne  puis  donc 
accepter  un  rendez-vous  que  pour  le  six,  le  retard,  jusqu'à 
un  certain  point,  me  sourit  même,  car  ce  serait  une 
consolation  pour  moi  que  vous  réfléchissassiez  mûrement 
à  l'acte  que  vous  me  faites  signer,  et  aux  conséquences 
que  je  vous  soumets. 

Vous  savez  que  je  n'ai  jamais  connu  Mr  Urbain  Canel, 
que  je  n'ai  jamais  eu  confiance  en  lui,  que  je  n'ai  jamais 
fait  d'affaires  avec  lui,  et,  dès  lors,  que  jamais  je  n'ai  été 
à  même  de  faire  avec  lui  des  gains,  qui  pourraient  aujour- 
d'hui me  consoler  de  la  perte  énorme  que  l'on  me  propose. 
Dans  cette  affaire,  c'est  vous  seul  que  j'ai  désiré  obliger; 
c'est  une  entrée  dans  les  affaires  que  je  voulais  vous 
procurer.  C'est  donc  à  vous  que  je  demande  sécurité 
pour  mon  avenir.  Cette  sécurité  ne  peut  plus  résulter 
pour  moi  de  la  connaissance  que  j'ai  de  votre  extrême 
délicatesse;  vos  nouveaux  engagements,  votre  nouvelle 
position  sociale,  vous  font  une  loi  de  me  rassurer 
autrement. 

Je  verrais  aussi  avec  plaisir  que  tous  les  créanciers 
eussent  signé  avant  moi.  Ce  serait  pour  moi  une  espèce 
de  conviction  que  les  affaires  de  votre  ancien  associé  ne 
sont  que  malheureuses. 

J'oubliais  aussi  de  vous  dire  que  je  ne  puis  pas  remettre 
le  titre  de  Urbain  Canel,  mais  seulement  donner  quittance 
du  dividende,  car  ce  titre  porte  votre  endos,  endos  que 

21 


522  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

vous  ne  devez  plus  signer  aujourd'hui  sans  la  participation 
de  votre  associé. 
Je  n'en  suis  pas  moins  votre  ami. 

d'Assonvillez. 

{Collection  Lovenjoul,  ms.  A  259,  lre  part.,  fol.  53.) 


FACTURES  ET  REÇUS  DE  RIGNOUX 
POUR  L'IMPRESSION  DU  LA  FONTAINE 

[29]  12  mai  —  30  juin  1826. 

Reçu  de  Monsieur  Ralsac  (sic)  la  somme  de  cinq  cents 
francs  à  valoir  sur  mes  impressions  du  Lafontaine  in-8\ 
de  la  signature  35  et  suivantes. 

Paris,  12  mai  1826. 

RlGNOUX. 

[30] 

Reçu  de  Monsieur  Ralsac  (sic)  la  somme  de  cinq  cents 
francs  à  valoir  sur  mes  impressions  du  Lafontaine  in-8\ 
Paris,  27  mai  1826. 

RlGNOUX. 

[31] 

Reçu  de  Monsieur  Ralsac  (sic)  la  somme  de  quinze 
cents  francs  à  valoir  sur  mes  impressions  et  fournitures 
de  vingt  rames  de  cavalier  vélin  pour  le  Lafontaine. 

Paris,  10  juin  1826. 

RlGNOUX. 

[32] 

Imprimerie  de  Rignoux 

rue  des  Francs- Bourgeois- 

St-Michel,  n»  8. 

Paris,  le  30  juin  1826 

Doit  Monsieur  H.  Ralzac  fr[ancs]  pour  l'im- 
pression seulement  des  12  feuilles  portant  les 
signatures  33,  34,  55,  36,  57,  58  et  59  des  Œuvres 


LA  LIBRAIRIE.  523 

de    Lafontaine  en    un    seul    volume,    tirées  ;'• 
3000  exempl.  sur  cavalier  vélin  <vt  quatre  feuilles 
de  papier  de  Chine,  à  85  IV.  la  1/2  feuille  ....      595    » 
Composition  et  tirage  au  môme  nombre  des 

1/2  fouilles  portanl  les  signatures  40  à  62  inclusi- 
vement, formant  Il  f",s  1/2  à  275  fr. 3162.50 

Composition  et  tirage  do  la  JVe  d'Ésope  for- 
mant une  1/2  feuille   157.50 

Surcharge  pour  vers  et  préface  en  caractère 
n°  6  1/2 75     » 

fr.     3970     » 

Pour  fourniture  de  quarante-neuf  rames  de  ca- 
valier vélin,  à  raison  de  38  fr.  la  rame  .    .  1862  ) 

Plus  128  fllcs  papier  de  Chine  à  1  fr.  la  £     1900     » 

feuille 128  ) 

Sur  quoi  j'ai  reçu  en  trois  fois 2500     » 

Reste  à  me  solder  ce  jour 3460     » 

fr.     5900 

Reçu   la   somme  de  trois  mille  quatre  cent  soixante 
francs  pour  solde  de  la  présente  facture. 
Paris,  50  juin  1826.  Rignoux. 

[33] 

Imprimerie  de  Rignoux 

rue  des   Francs -Bourgeois- 

St-Michel,  n°  8. 

Paris,  le  30  juin  1826. 

Doit  Monsieur  H.  Balzac  fr[ancs]    pour   l'im- 
pression des  titres  des  OEuvres  complètes   du 
Lafontaine  en  un  seul  volume  in-8°,  formant  un 
quart  de  feuille  d'impression  ...  un  1/4  ) 
plus  la  notice  dudit  ouvrage  for-  >  1/2  fiIe      137.50 

niant un  1/4) 

Tirage  de  mille  couvertures 12.00 

Fourniture  de  quinze  mains  de  papier  de  cou- 
Aerture 33.50 

183.00 


324  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Reçu   comptant   la   somme   de  cent  quatre-vingt-trois 
francs. 
Paris,  30  juin  1826.  Rignoux. 

Rignoux  a  ajouté  au  bas  de  cette  facture  :  Je  garde  les  mains 
de  passe  pour  les  remettre  à  Mr  Balzac.  R. 

Le  30  juin  1826,  Rignoux  signe  encore  la  déclaration  sui- 
vante : 

Je  déclare  avoir  entre  les  mains  les  vignettes  des 
Œuvres  complètes  de  Lafontaine  en  un  volume  in-8°  que 
je  lui  représenterai  soit  en  nature,  soit  en  un  reçu  de 
Monsieur  Alexandre  Raudouin  au  nom  de  Mr  Balzac. 

Paris,  30  juin  1826.  Rignoux. 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  258,  fol.  15, 17,  19,  20,  21  et  22.) 


[34]  LETTRE  DE  BALZAC 

A  UN  IMPRIMEUR-LIBRAIRE  D'AGEN 

2  juillet  1826. 

Imprimerie  Paris,  ce  2  juillet  1826. 

de  H.  Balzac  et  A.  Barbier, 
rue  des  Marais  S.-G.  n.  17. 

Monsieur  Vaubel,  imprimeur-libraire,  à  Agen. 

Monsieur, 

Devenu  propriétaire  du  Lafontaine  in-8°,  que  publiait 
Monsieur  Urbain  Canel  et  sachant  que  vous  êtes  sous- 
cripteur à  cet  ouvrage  pour  1  exemplaire,  je  vous  engage 
à  compléter  votre  douzaine,  ce  qui  serait  d'autant  mieux 
dans  vos  intérêts  que  vous  obtiendriez  double  Treizième. 
Je  désire  que  cette  proposition  puisse  vous  être  agréable. 

Veuillez,  je  vous  prie,  me  faire  connaître  votre  inten- 
tion à  cet  égard.  Comme  je  me  propose  de  publier  plu- 
sieurs autres  ouvrages,  je  vous  les  offrirai  en  temps. 
Disposez  entièrement  de  moi  et  soyez  assuré  de  mon 
entier  dévoûment. 

H.  Balzac. 

P. -S.  —  Si  vous  aviez  besoin  de  caractères,  comme 
confrère  je  me  chargerais  de  vous  en  faire  la  commission. 


LA  LIBRAIRIE 


Si  vous  prenez  la  douzaine,  je  vous  passerai  L'exeni 

plaire  à  13  f.,  ce  qui  esl   un   prix  fort  doux,    dans    le    cas 

contraire,  je  ne  pourrai  vous  donner  l'exemplaire  que 

vous  avez  à  moins  de  15, 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  258,  fol.  ÎÀ.) 


155]       AFFAIRE  BAUDOUIN-FRÉMEAU-BALZAC 
Compte  envoyé  par  Baudouin  en  sa  lettre  du  10  juin  1826. 


1825        Doit  Frémeau. 

Avoir  Frémeau. 

Oct.  26.37/34  Conseils 

Walter  Scott  .   .   . 

171   . 

aux  jeunes  filles 

Nov.    9. 13/12  Histoire  de 

Paris,  17   livon'. 

68  » 

5000  - 

36  » 

60/52  Rousseau  .   . 
40  Voltaire 

936  . 
1680  . 

—    17.  Id.    Gaule    poé- 

Buffon.  .   . 

252  . 

108  » 

Effets  renouvelés. 

2924  . 

Déc.  16.  Facture 

294.75 

10963  • 

—   24.  Id 

2402.90 

168.70 
75 

Remises.  .   .   . 

900  « 

1826 
Fév.    4.  27/24  Buffon.  .   . 
—   16. 1  Annuaire  .   .   . 

11863  » 

—  28.  69/63  Esquisses. 
13/12  Histoire  na- 

141.75 
112  » 

Mars  9.13/12  Molière.   . 

72  » 

Avril  9.  Balot  contesté1. 

33.60 

100  Voltaire.  .   . 

1800  » 

100  Rousseau.   . 

900  » 

6137. 752 

28  285.38 

28  285.38 
11  863  . 

16421.65* 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  258,  fol.  30.) 

1.  Sur  ce  compte,  la  somme  de  33  fr.  60  a  été  barrée  de  deux 
traits  de  plume. 

2.  L'addition  donne,  en  réalité,  la  somme  de  6138.45  et   la 
soustraction  16422.38. 


526  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

[56]         CESSION    PAR   ALEXANDRE    BAUDOUIN    A    BALZAC 
DE    DIVERSES    CBÉANCES 

30  août  1826. 

Entre  les  soussignés  : 

M.  Alexandre  Baudouin,  lib,e,  demeurant  à  Paris,  d'une 
part, 

M.  Honoré  Balzac,  imprimeur,  demeurant  à  Paris,  rue 
des  Marais,  n°  17  (St-Germain),  d'autre  part, 

A  été  dit  et  convenu  ce  qui  suit  : 

1°  M.  Alexandre  Baudouin  vend,  cède  et  transporte  sans 
aucune  garantie  que  celle  des  faits  et  promesses  à 
M.  Balzac  acceptant  : 

1°  Une  créance  sur  le  sr  Frémeau,  libre  à  Bheims,  actuel- 
lement en  état  de  faillite,  la  dite  créance  montant  environ 
à  la  somme  de  vingt  mille  huit  cent  quarante-sept  francs, 
telle  qu'elle  se  poursuit  et  comporte,  sans  en  rien  réserver 
ni  excepter,  entendant  purement  et  simplement  la  mettre 
à  son  lieu  et  place,  sans  entrer  dans  les  discussions  ou 
diminutions  qui  pourraient  résulter  de  la  dite  créance, 
mais  promettant  l'aider  par  tous  les  renseignements  dési- 
rables à  l'effet  de  rentrer  dans  la  dite  créance  ;  2°  une 
autre  créance  sur  le  sr  Dabo  jeune,  en  état  de  faillite, 
montant  à  la  somme  de  seize  cent  cinquante  et  un  francs, 
aux  mêmes  charges  et  conditions  que  celles  stipulées  ci- 
dessus;  3°  une  autre  créance  sur  le  sr  Bouland  et  Tardieu, 
montant  à  treize  cent  cinq  francs,  aux  mêmes  charges  et 
conditions  que  celles  ci-dessus  stipulées. 

2°  Le  présent  transport  est  fait  moyennant  un  transport 
d'égale  somme  en  marchandises  de  librairie,  se  compo- 
sant des  OEuvres  complètes  de  Lafontaine  en  un  volume 
in-8  au  nombre  de  deux  mille  et  quelques  exemplaires 
sans  en  rien  relever  ou  rabattre,  dont  Mr  Baudouin  se 
reconnaît  satisfait  et  dont  le  s.  Balzac  lui  garantit  la  pos- 
session de  tout  trouble  et  évictions  et  payement  sur  le 
pied  de  ce  qu'il  auroit  reçu  sur  le  montant  des  créances 
ci-dessus  transportées. 

Tous  pouvoirs  sont  donnés  au  porteur  des  présentes 
pour  faire  signifier  partout  où  besoin  sera. 


LA  LIBRAIRIE.  327 

Reconnail  M.  Balzac  avoir  reçu  de  M'  Baudoin  ions  les 
titres  de  créances  sus  énoncées  dont  décharge. 

Reconnail  M.  Baudouin  avoir  reçu  de  M.  Balzac  un  bon 
pour  prendre  chez  le  s'  Naudot,  son  assembleur,  tous  les 

exemplaires  existant  de  Lafontaine  et  un  bon   par  M.   Ri 
gnoux  pour  les  mains  de  passe;  son  reçu  de  l'assembleur 
servira  de  décharge. 

Fait  double,  à  Paris,  le  trente  août  mil  huit  eent 
vingt-six. 

Approuvé  l'écriture 

A.  Baudouin.  H.  Balzac. 

Je  déclare  garder  en  ma  possession  les  pièces  relatives 
aux  affaires  Dabo  et  Tardieu  et  Boulland  que  je  remettrai 
à  M.  Balzac  à  sa  première  réquisition. 

Paris,  30  août  1826.  A.  Baudouin. 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  258,  fol.  54.) 

Le  dossier  Baudouin-Frémeau-Balzac,  qui  fait  partie  de 
la  Collection  Lovenjoul  (ms.  A  258,  fol.  30  à  55),  contient 
un  certain  nombre  de  lettres  du  dit  Frémeau,  des  lettres 
de  Balzac  et  diverses  conventions  passées  entre  eux.  La 
plupart  de  ces  lettres,  sauf  celles  de  Balzac  que  nous 
publions  in  extenso,  n'offrent  qu'un  intérêt  très  relatif; 
nous  avons  donc  estimé  qu'il  était  suffisant  d'en  donner 
une  analyse  succincte. 

[37] 

1°  Lettre  de  Frémeau  à  Honoré  Balzac,  datée  de  Beims, 
le  2  septembre  1826.  —  Il  repousse  la  prétention  de 
MM.  Baudouin  frères  qui  lui  réclament  une  somme  de 
16  421  fr.  65  cent.  ;  il  ne  doit,  écrit-il,  que  14553  fr.  30  cent. 
«  sans  préjudice  aux  articles  à  livrer  quoique  réglés  et  à 
ceux  dont  ces  messieurs  se  sont  reconnus  dépositaires  ». 

[38] 

2°  Lettre  de  Frémeau  à  Honoré  Balzac,  datée  de  Reims, 
le  7  novembre  1826.  —  Il  annonce  que  le  traité  aux  débats 
duquel  Balzac  a  pris  «  une  part  de  bienveillance  »  a  été 
homologué  le  30  octobre  dernier  et  il  en  donne  les  clauses 
substantielles  : 


588  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

1°  Je  payerai,  écrit-il,  quarante  pour  cent  des  créances  en 
deux  années,  date  de  mars  prochain,  par  quarts,  de  6  en 
6  mois  et  sans  intérêts.  On  a  refusé  l'abandon  que  j'avais  offert, 
faute  de  savoir  qui  mettre  à  ma  place  pour  la  liquidation,  qui, 
faite  par  des  syndics  étrangers  à  notre  commerce  et  aux  habi- 
tudes de  ma  maison,  n'eût  probablement  pas  amené  vingt-cinq 
pour  cent  en  un  an  ou  deux. 

2°  J'ai  repris  la  suite  de  mes  affaires  sous  la  surveillance  de 
trois  commissaires  qui,  jusqu'après  l'entier  payement  des 
quarante  pour  cent  fixés  par  le  concordat,  contrôleront  mes 
opérations  et  encaisseront  mes  recettes  hebdomadaires  dont 
il  ne  sera  par  moi  distrait  que  ce  qui  sera  strictement  néces- 
saire au  payement  de  la  suite  de  mes  souscriptions,  que  je  ne 
prendrai  qu'au  comptant  et  sans  escompte,  et  à  mes  frais  de 
maison  fixés  à  200  francs  par  mois.  Il  me  sera  loisible  d'avan- 
cer les  termes  du  payement  mais  non  de  les  reculer... 

3°  Pour  ce  qui  vous  regarde  personnellement,  vous  avez  été 
admis  pour  15  037  fr.  30  c.  comme  cessiônnaire  de  la  créance 
de  Mr8  Baudouin  frères  ;  sous  la  réserve  de  la  livraison  à 
effectuer  à  ces  messieurs. 

Frémeau  énumère  la  nature  de  la  livraison  qui  doit  lui 
être  faite;  il  s'agit  de  treizièmes  des  Voltaire  qui  lui 
étaient  acquis  avant  sa  faillitte  et  du  restant  de  ses  Leber. 

«  Bien  certainement,  ajoute-t-il,  on  ne  pourra  payer  de  divi- 
dende à  M"  Baudouin  ou  à  leur  cessionnaire  que  quand  ils 
auront  effectué  livraison  des  articles  dont  l'achat  m'a  rendu 
leur  débiteur,  ou  plutôt  qui  ne  se  trouvent  chez  eux  qu'à  titre 
de  dépôt...  et  la  cession  qu'il  vous  ont  faite  ne  les  affranchit 
envers  moi  d'aucune  des  obligations  inhérentes  au  titre  de 
leur  créance  ». 

Frémeau  tient  à  terminer  cette  affaire  à  l'amiable;  il 
demande  à  Balzac  de  lui  envoyer  un  catalogue  ou  une 
notice  de  ses  livres  de  fonds  ou  en  nombre  pour  faire 
«  une  affaire,  change  ou  même  argent  »,  si  les  articles  et 
les  prix  lui  conviennent; 

[59] 

3°  Lettre  de  Balzac  à  Frémeau.  Nous  la  reproduisons 

in  extenso  : 


F. A  LIBRAIRIE.  529 

Paris,  ce  quatorze  décembre  1826 

I  mprl  merle 

-!-•    il     Balzac   el    A.    Barbier 

nie  des  Marali  s  G.,  a*  it 

Monsieur  Frémeau,  libraire  à  Rheims, 

Je  vous  adresse,  conformément  à  nos  conventions 
faites  à  Rheims,  la  nomenclature  des  livres  dont  vous 
pourriez  me  faire  la  vente  jusqu'à  concurrence  de  mon 
dividende  : 

2  Eyriès 84  fr. 

1  Cervantes,  complet,  gr.  papier  fin,  fig.  avant  la  lettre.      140    — 

2  Poètes  français  jusqu'à  Malherbe 64   — 

1  —  —  gr.   papier.   ...         50    — 

Art.  ajoutés. 

2  Voltaire  (Uenouard),  pap.  ordinaire  à  170  fr 340    — 

2  Voltaire         —        pap.  vélin  à  240  fr 480    — 

3  ex.  de  chaque  résumé  à  1  fr.  50  le  vol. 
70  ex.  Collection  Debure,  in-32  à  1  fr.  50. 

Je  présume  que  ces  deux  articles  monteront  à  la 

somme  de 300    — 

75/80  Gesner  (édition  Renouard,  4  vol.),  8°  vélin, 
49  gravures  dont  on  donnera  20  ex.  avant  la  lettre 
à  36  fr.,  net 2570    — 

6094  » 

il  y  aurait  encore  une  différence  de  fr.  693  que  nous 
pourrions  balancer  ainsi  : 

11   Gessner 396  ) 

1  Voltaire  (Renouard),  pap.   vélin  ....     240  >  676  fr. 

2  Bertin,  pap.  vélin 40  ) 

La  différence  que  j'ai  mise  sur  les  75/80  ex.  de  Gesner 
vient  :  1°  de  ce  qu'il  Taut  en  déposer  7  à  la  Direction, 
faire  des  couvertures,  des  titres,  etc. 

Enfin,  vous  songerez  que  j'ai  à  supporter  le  port,  la 
brochure,  etc.,  que  l'emmagasinage  et  le  temps  à  réaliser 
est  trop  long. 

En  m'expédiant,  répondez-moi,  je  vous  prie,  sur  ces 
points  et  mettez,  je  vous  prie,  l'activité  que  je  vous  con- 

1.  L'addition  donne  seulement  4028  fr.  Nous  ne  comprenons 
pas  comment  compte  Balzac. 


530  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

nais  à  cette  affaire  toute  à  votre  décharge,  vous  voyez 
que  j'ai  tout  concilié. 

[H.  Balzac] 

[40] 

Monsieur  Frémeau,  libraire  à  Reims. 

Suivant  votre  concordat,  ma  créance  a  été  admise  à 
votre  passif  pour  la  somme  de  quinze  mille  trente- 
sept-francs  cinquante  centimes,  vous  m'avez  fait  observer, 
que,  pour  que  la  créance  reconnue  s'élever  par  vous  à 
cette  somme  fût  maintenue,  il  y  avait  entre  vous  et  la 
maison  Baudouin  frères  deux  discussions  à  terminer.  Sur 
la  l,e,  relative  aux  13esde  Voltaire,  une  lettre  de  vous  à  ces 
messieurs,  du  14  novembre  dernier,  a  transigé  à  l'amiable 
cet  art[icle].  Sur  la  2e,  relative  aux  exemplaires]  de  Leber 
que  la  maison  Baudouin  frères  garde  en  ses  magasins, 
elle  se  trouve  résolue  par  mon  fait  en  sa  faveur,  puisque 
je  m'engage  à  vous  envoyer  sous  huitaine  le  récépissé  de 
M.  Ducollet,  aussitôt  que  vous  m'aurez  mandé  par  votre 
réponse  à  cette  lettre  que  vous  l'autorisez  à  les  recevoir 
et  que  son  reçu  me  déchargera  de  cette  obligation.  Ainsi, 
le  dividende  de  ma  créance  sera,  suivant  votre  concordat, 
de  la  somme  de  6767  fr.  50  c.  Je  vous  ai  proposé  à  Rheims 
de  prendre,  à  des  prix  débattus  entre  nous,  des  livres  de 
votre  fonds  pour  ce  dividende  même,  ce  qui  constitue- 
rait une  véritable  vente  très  profitable  à  vos  intérêts,  vous 
avez  accepté  et,  de  mon  côté,  j'ai  mis  la  condition  que 
cette  vente  n'atteindrait  que  mon  dividende  et  que  au  cas 
où  vous  donneriez  un  plus  fort  dividende,  chose  à  laquelle 
vous  n'êtes,  je  le  sais,  engagé  que  d'honneur,  vous  ne  m'oppo- 
seriez pas  cette  transaction. 

2°  Que  je  ne  renoncerais  pas  à  l'obligation  que  vous 
vouliez  aussi  me  souscrire  pour  les  1 300  d'argent  que  vous 
ont  prêté  Messieurs  Baudouin  frères  et  que  vous  restrei- 
gnez à  mille  francs  (cette  restriction  étant  en  dehors  de 
mes  créances,  je  l'accepte  sans  y  rien  trouver  que  de 
louable  pour  vous).  Voici  donc,  en  dernier  lieu,  la  nomen- 
clature des  livres  que  je  consens  à  prendre  avec  leurs 
prix,  elle  est  exacte  sauf  un  dernier  article  que  j'ai  ajouté 
et  deux  observations  dont  vous  jugerez  le  mérite. 


LA  LIBRAIRIE.  331 

7/6  Cambiste  (Bossange,  2  vol.  in-8°) i«o  fr. 

1  choix  de  rapporta  (-1  vol.  avec  portraits) ioo  — 

3  Boileau  (Desoër)  1  vol.  in-8 15 

S  Annuaire  nécrologique  complel 35  — 

3  Thomas  Belin  complet 

3  Barthélémy  complet f 

3  Dalembert  complet 262  fr. 

3  Marmontel  complet \ 

3  Diderot  complet j 

1  Diderot  (Brou?)  complet,  25  vol 88    - 

3  Hamilton  complel   (Renouard) 60   — 

Art.  forcé:  7/6  Florian   complet  (Renouar(l) '200    — 

1  Gilbert  (Dalibon)  gr.  pap.  fin,  avanHa  lettre 20   — 

3  La  Rochefoucault  complet,  de  Ponthieu 15  — 

1  Rabelais  (Dalibon) 70    — 

1  Rotrou    (Desoër) 20   — 

1  Molière  (Desoër)  gr.  pap.  fin,  avant  la  lettre  ....  200   — 

3  Bertin 15   — 

1  Bernard,  gr.   pap.  fin  avant  lettre 8   — 

1  Condillac    complet 45   — 

1  Marmontel  (Verdière) 75    — 

1  Millevoye   de  choix 60   — 

3  J.-B.  Rousseau  complet 00    — 

1  Théâtre  étranger    ) 

1  Schiller                     [    vélin 400    — 

1  Sakespeare  (sic)     ) 

2  Collin  d'Harleville 34   — 

3  Colardeau,  vélin,  fig.  avant  la  lettre 24   — 

Art.  forcé  :  2  Fénelon  complet 50   — 

[FI.  Balzac] 

4°  Lettre  de  Frémeau  fils  à  Balzac,  datée  de  Reims,  le 

31  janvier  1827.  —  C'est  une  réponse  à  la  lettre  de  Balzac, 
datée  du  14  décembre  1826. 


[il]     5°  Traité  entre  Frémeau  fils  et  Honoré  Balzac. 

29  mars  1827. 

Entre  les  soussignés  : 
Charles-François  Frémeau  fils,  libraire,  demeurant  ordi- 
nairement à  Rheims,  de  présent  à  Paris,  rue  S'-Germain 
l'Auxerrois,  n°  84,  d'une  part, 


553  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Et  Honoré  Balzac,  imprimeur,  demeurant  à  Paris,  rue 
des  Marais  S.-Germain,  n°  17,  d'autre  part, 

A  été  dit  et  convenu  ce  qui  suit  : 

Au  mois  d'août  1826,  M.  Alexandre  Baudouin,  libraire 
à  Paris,  créancier  du  sieur  Frémeau  soussigné,  libraire  à 
Rheims,  et  alors  en  faillite,  fît  à  M.  Balzac  le  transport 
des  créances,  comptes  courans,  etc.,  qu'il  pouvait  avoir  à 
répéter  du  sr  Frémeau.  La  somme  à  laquelle  M.  Baudouin 
prétendait  fut  réduite  par  l'examen  des  comptes  et  des 
syndics  de  la  faillite  à  la  somme  de  quinze  mille  trente- 
sept  francs  cinquante* centimes  pour  laquelle  M.  Balzac, 
cessionnaire  de  M.  Baudouin,  fut  admis  au  passif  du  bilan 
de  la  dite  faillite  par  les  syndics  et  le  juge  commissaire  de 
la  faillite. 

Suivant  lettre  de  M.  Baudouin,  adressée  à  M.  Frémeau, 
le  onze  novembre  dernier,  et  postérieurement  au  trans- 
port fait  par  M.  Baudouin  à  M.  Balzac,  M.  Baudouin  recon- 
nut que  sa  créance  ne  se  montait  effectivement  qu'à  la 
somme  de  quatorze  mille  huit  cents  francs. 

Un  concordat  ayant  été  passé  entre  M.  Frémeau  et  ses 
créanciers,  il  fut  fait  par  ces  derniers  remise  au  sr  Fré- 
meau de  soixante  pour  cent  sur  le  montant  de  leurs 
créances,  à  la  charge  par  le  s'  Frémeau  de  payer  les  qua- 
rante pour  cent  restant  dans  l'espace  de  deux  années  qui 
commencent  à  courir  du  présent  mois  et  en  quatre  paie- 
mens  égaux  qui  doivent  s'effectuer  de  six  mois  en  six 
mois. 

Dans  ces  circonstances,  les  soussignés,  dans  le  but  d'ap- 
purer  leurs  comptes  et  pour  faciliter  au  sieur  Frémeau 
l'acquittement  de  ses  dettes,  ont  arrêté  les  conventions 
suivantes  : 

Art.  1. 

M.  Balzac,  bien  que  sa  créance  eût  été  admise  pour  une 
somme  de  15,057,  50  c,  adhère  par  ces  présentes  à  la 
réduction  consentie  par  la  lettre  de  M.  Baudouin;  mais 
toutes  fois  sans  que  cette  adhésion  qui  n'a  de  valeur 
qu'envers  le  sr  Frémeau  puisse  lui  être  opposée  contre  le 
recours  qu'il  doit  exercer  à  l'égard  de  M.  Baudouin  et  au 
cas  où  il  serait,  obligé  d'agir  envers  ce  dernier,  le  sr  Fré- 
meau soussigné  s'engage  par  ces  présentes  à  lui  corn  mu- 


LA  LIBRAIRIE.  533 

aiquer  la  Lettre  écrite  à  lui  par  M.  Baudouin  le  onze  no« 
vembre  dernier,  <■!  ce,  à  sa  première  réquisition. 

Reconnaît  M.  Balzac  que  la  <iit<^  créance  de  14  800  fr. 
est  grevée  de  L'obligation  de  remettre  ans1  Prémeau  les 
exemplaires  par  Lui  déposés  à  MM.  Baudouin  d'un  oui  rage 
intitulé  :  Leber,  Cérémonies  du  sacre,  in-*,  un  volume  avec 
figures,  Lequel  ouvrage  resté  dans  Les  magasins  de 
MM.  Baudouin  devra  être  rendu  dans  Le  nombre  intégral 
désigné  au  reçu  que  MM,  Baudouin  en  ont  donné  à 
MM.  Frémeau,  dont  la  quittance  libérera  M.  Balzac  de 
cette  obligation. 

Art.  2. 

M.  Frémeau  vend,  cède,  transporte  et  abandonne  à 
M.  Balzac  ce  acceptant  :  1°  trente  exemplaires  en  feuille 
des  Œuvres  complexes  de  Gessner,  édition  Renouard, 
avec  les  figures  avant  le  numéro  ;  trois  exemplaires  des 
œuvres  complètes  de  /°  Thomas,  2°  Barthélémy,  3°  d'Alem- 
bert,  4°  Marmontel,  5°  Diderot;  2°  trois  exemplaires  des 
Œuvres  complètes  de  Florian  en  16  volumes,  in- 18,  édition 
Renouard  ;  3°  trois  exemplaires  des  Œuvres  de  Boileau  en 
un  seul  volume  in-8°,  édition  Desoër;  4°  un  exemplaire 
des  Œuvres  de  Gilbert  publiées  par  Dalibon  en  un  volume 
grand  papier  vélin,  figures  avant  la  lettre;  5°  les  Œuvres 
complètes  de  Molière  en  neuf  volumes  in-8,  grand  papier 
vélin,  gravures  avant  la  lettre,  publiés  par  Desoër;  6°  un 
exemplaire  de  la  collection  des  Théâtres  étrangers  publiés 
par  Ladvocat  y  compris  un  exemplaire  des  Œuvres  de 
Schiller  et  un  exemplaire  des  Œuvres  de  Shakespeare, 
grand  papier  vélin,  figures  avant  la  lettre,  dont  moitié 
publiés  par  Belin:  7°  un  exemplaire  des  Œuvres  complètes 
de  Fénélon,  in-8°  ;  8°  deux  exemplaires  du  Supplément  à 
l'Histoire  des  voyages  publiés  par  Eyriès;  9°  deux  exem- 
plaires des  Œuvres  complètes  de  Condillac  en  16  volumes 
in-8;  10°  deux  exemplaires  des  Œuvres  complètes  de  Mar- 
montel, in-8°,  publiées  par  Verdière  ;  11°  trois  exemplaires 
des  Œuvres  complètes  de  J.-Bapt.  Rousseau,  en  3  volumes, 
in-8,  édition  Renouard;  12°  un  exemplaire  de  l'édition  de 
Pausanias,  en  papier  vélin,  publiée  par  Bobée;  13°  trois 
exemplaires  des  Œuvres  de  Colardeau  sur  cavalier  vélin, 
in-8°;  H°  un  exemplaire  des  Œuvres  complètes  de  Collin 


534  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

d'Harleville,  in-8°;  15°  un  exemplaire  des  Œuvres  complètes 
de  Millevoye  sur  grand  papier  vélin,  figures  avant  la 
lettre;  16°  cinq-quatre  exemplaires  du  Cambiste  universel, 
publié  par  Bossange;  17°  deux  exemplaires  de  la  Collec- 
tion des  poètes  français  avant  Malherbe,  in-8,  imprimés 
par  Crapelet;  18°  deux  exemplaires  de  quatre  années  de 
Y  Annuaire  nécrologique  publié  par  Malher  (?);19°  un 
exemplaire  du  choix  de  rapports  publié  par  Eymery  ; 
20°  trois  exemplaires  des  Œuvres  de  Bertin  en  1  vol.  in-8, 
plus  un  exemplaire  des  Œuvres  de  Bernard,  1  vol.  in-8, 
grand  papier,  fîg.  avant  la  lettre;  21°  et  enfin  un  exem- 
plaire du  susdit  Molière  Desoër  en  neuf  volumes,  papier 
carré  vélin. 

La  présente  vente  est  faite  moyennant  la  somme  à  reve- 
nir à  M.  Balzac  pour  le  payement  des  deux  derniers  divi- 
dendes qu'il  doit  toucher  par  suite  du  concordat  passé 
entre  Frémeau  et  ses  créanciers  et  dont  M.  Balzac  donne 
quittance  au  sr  Frémeau,  par  ces  présentes,  entendant  le 
mettre  à  son  lieu  et  place  purement  et  simplement. 

Il  est  bien  entendu  entre  les  soussignés  que  l'on  ne 
pourra,  en  aucun  cas,  opposer  la  présente  vente  à 
M.  Balzac,  lors  du  payement  des  deux  premiers  dividendes 
à  la  délivrance  desquels  il  n'est  rien  changé  par  ces  pré- 
sentes et  le  sr  Frémeau  s'engage  à  faire  ratifier  le  présent 
traité  par  les  commissaires  de  la  faillite,  par  un  simple 
approuvé  sur  la  lettre  d'envoi  des  objets  présentement 
vendus  qu'il  s'engage  à  livrer  à  M.  Balzac  dans  le  courant 
du  mois  d'avril  prochain,  faute  de  quoi  la  présente  vente 
serait  nulle  à  l'égard  de  M.  Balzac  si  bon  lui  semblait. 

Fait  double,  à  Paris,  le  vingt-neuf  mars  mil  huit  cent 
vingt-sept. 

H.  Balzac. 

Approuvé  l'écriture  ci-dessus  et  d'autre  part 
Frémeau  fils. 

6°  Lettre  de  Frémeau  fils  à  Balzac,  datée  de  Vitry-le- 
François,  le  30  mai  1827.  —  Il  réclame  livraison  des 
figures  de  396  exemplaires  du  Leber  qui  «  doit  être  un 
objet  de,  papier  et  tirage,  1  000  francs  au  moins...  ». 

7°  Lettre   de  Frémeau  fils  à  Balzac,  datée  de  Reims,  le 


i.\  LIBRAIRIE. 

23  août  1897.  C'esl  la  réponse  à  une  lettre  de  Balzac, 
datée  du  91  août,  mais  que  nous  ne  connaissons  p;»^  Il 
y  csi  question  d'un  traité  passé  entre  lui  ei  M1  Baudouin 
frères,  le  94  juin  1 8~2.">,  au  sujel  des  exemplaires  du  Leber 
Prémeau  souhaite  un  arrangement  amiable  pour  éviter 
L'intervention  des  tribunaux. 

S"  Lettre  de  Frémeau  fils  à  Balzac,  datée  de  Reims,  le 
18  septembre  1 827.  —  Confirme  sa  précédente  lettre  du 
du  25  aoùl. 

[49] 

9°  Lettre  de  Frémeau  fils  à  Balzac,  datée  de  Reims  le 
4  octobre  1827.  —  Frémeau  déclare  n'être  plus  débiteur 
de  Balzac  que  pour  une  somme  de  3  007  fr.  50  centimes, 
pour  les  deux  derniers  dividendes  dont  Balzac  a  promis 
de  se  «  remplir  en  livres  »,  si  ces  articles  et  prix  lui  con- 
venaient. Il  lui  propose  de  solder  ces  deux  dividendes  par 
l'envoi  des  ouvrages  suivants  : 

33/30  Gessner.   Paris,   1799,    en    feuilles,   figures 

avant  les  numéros  à  72  fr./30  fr 900  fr. 

11/10  Numismatique.  J.-V.  (à  voir  chez  M.  Ducol- 

let).  2  vol.  in-8,  sat,,  pi.  à  15  fr./7  fr.  50 75  fr. 

1  Théâtre  étranger.  25  vol.   in-8  gr.  r.  vélin,  sat. 

portr.,  à  250  fr 250   — 

1  Shakespeare,  13  vol.  in-8,  d°  à  130  fr )  X,.A  c    ,,AA 

7  Schiller^  6  vol.,  d°      d°  à    60  fr {  400  fr-/40°   ~ 

11/10  Cambiste  universel,  2  vol.  in-4°,  cartonnés, 

à  42  fr./21  fr 210   — 

4  Poètes  français,  6  vol.  in-8,  à  48  fr./30  fr.    .    .    .  120   — 

1  Molière  (Desoër),  9  vol.  in-8,   gr.   raisin  vélin, 

cart.,  sat.,  fig.  avant  la  lettre 200   — 

1  Millevoye,  5   vol.    in-8,    gr.   raisin    vélin,    sat., 

portr.,  100   fr 50   — 

10  Lycée  de  Laharpe  (Dupont),  18  vol.  in-8,  sat., 

à  54  f  r 540  — 

20  Boileau,  de   Dupont,  4  vol.  in-8,  sat.  à  12  fr.    .  240   — 

10  La  Fontaine,      d°        6  vol.      d°  à  18  fr.   .  180   — 

Frémeau  estime  que  l'envoi  de  ces  livres  à  Balzac  est 
le  meilleur  moyen  de  régler  sûrement  l'affaire.  C'est  sa 
dernière  proposition  «  qu'il  faut  accepter  ou  rejetter  ». 


336  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

ÉDITION  DU  MOLIÈRE 

BIBLIOGRAPHIE 

Comme  pour  le  «  La  Fontaine  »,  avant  de  publier  les  pièces 
relatives  à  l'opération  des  OEuvres  de  Molière,  complètes  en 
un  volume,  nous  donnons  la  description  bibliographique  de  ce 
tome  : 

OEuvres  complètes  de  Molière,  ornées  de  trente  vignettes 
dessinées  par  Devéria  et  gravées  par  Thompson.  Paris. 
Delongchamps,  boulevard  Bonne-Nouvelle,  Urbain  Cartel, 
rue  Saint- Germain-des-Prés,  Baudouin  frères,  rue  de  Vaugi- 
rard,  MDCCCXXVI.  In-8. 

1  f.  (faux-titre  ;  au  v°  :  Paris.  —  de  l'imprimerie  Rignoux,  rue 
des  Francs-Bourgeois  S.-Michel)  ;  1  f.  (titre,  orné  d'un  portrait  de 
Molière);  IV  pp.  (Vie  de  Molière,  non  signée1);  553  pp.;  1  p. 
blanche  et  1  f.  n.  chiffré  (table). 

Les  vignettes  sont  dans  le  texte,  imprimé  sur  deux  colonnes  ; 
elles  sont  placées  en  tête  de  L'Étourdi,  Le  Dépit  amoureux,  Les 
Précieuses  ridicules,  Sganarelle,  Don  Garcie  de  Navarre,  L'École 
des  maris,  Les  Fâcheux,  L'École  des  femmes,  La  Critique  de 
l'École  des  femmes,  V Impromptu  de  Versailles,  Le  Mariage  forcé. 
La  Princesse  d'Élide,  Don  Juan,  L'Amour  médecin,  Le  Misan- 
thrope, Le  Médecin  malgré  lui,  Mélicerte,  Le  Sicilien,  Le  Tartufe, 
Amphytrion,  L Avare,  George  Dandin,  M.  de  Pourceaugnac,  Les 
Amants  magnifiques,  Le  Bourgeois  gentilhomme,  Psyché,  Les  Four- 
beries de  Scapin,  La  Comtesse  d'Escarbagnas,  Les  Femmes  savantes 
et  Le  Malade  imaginaire. 

Le  prospectus  et  spécimen  de  cette  édition  (in-8°  d'un  quart 
de  feuille),  imprimé  par  Rignoux,  enregistré  dans  la  Bibliogra- 
phie de  la  France  du  23  avril  1823,  n°  2123  annonce  que  «  ce 
volume  paraîtra  en  4  livraisons  de  8  à  9  feuilles  ».  La  lre  livrai- 
son était  promise  pour  le  1er  mai,  les  autres  de  mois  en  mois. 
Elles  sont  enregistrées  dans  la  Bibliographie  de  la  France  des 
28  mai  1825  (n°  2928),  10  septembre  1825  (n°5049),  5  novembre  1825 
(n°  6208)  et  31  décembre  1825  (n°  7524). 

1.  La  notice  sur  la  Vie  de  Molière,  non  signée,  est  de  Balzac. 
Elle  a  été  imprimée  dans  le  tome  XXII  des  Œuvres  complètes  de 
II.  de  Balzac,  p.  1  à  8.  Voir  Histoire  des  Œuvres  de  H.  de  Bahac 
par  le  V,e  de  Spoelberch  de  Lovenjoul,  2e  édition,  p.  245. 


LA  LIBRAIRIE.  331 

[43]  TRAITÉ  ENTRE  URBAIN  CANEL 

ET  HONORÉ  BALZAC 

14  avril  1895. 

Entre  les  soussignés,  i  pbain  Canel,  libraire,  demeurant 
à  Paris,   place  S^André-des-Arts,   n°  -"o,  (rime   part,  el 

Honoré  Balzac,  demeurant  à  Taris,  rue  de  Touiiion.  n"  2, 
d'aulrc  part,  a  été  l'ail  cl  convenu  ce  qui   suit  : 

M.  Urbain  Canel  s'engage  à  partager  avec  M1  Honoré 
Balzac,  ce  acceptant,  les  profits,  bénéfices,  charges  et 

périls,  d'une  édition  de  Molière  en  un  volume  in  OCtavo, 
entreprise  par  Delongchamps  et  Urbain  Canel,  collecti- 
vement chacun  pour  la  moitié,  par  traité  fait  le  trenle  et 
un  mars  mil  huit  cent  vingt-cinq. 

Le  traité  signé  par  M'  Urbain  Canel  et  Delongchamps 
est  accepté  par  M'  Balzac  pour  base  de  la  présente 
convention  et  M.  Balzac  aura  les  mêmes  droits  que 
M.  Urbain  Canel  dans  l'exécution  de  ce  traitté  (sic). 

Si,  par  un  cas  fortuit,  M.  Urbain  Canel  ou  M.  Balzac 
venaient  à  être  représentés  par  des  tiers  ou  ayant  cause, 
Mr  Urbain  Canel  et  M'  Balzac  se  réservent  mutuellement 
le  droit  purement  facultatif  de  rembourser  à  quarante 
pour  cent  des  bénéfices  les  ayant  cause  ou  les  tiers,  de 
manière  cependant  que  ce  droit  ne  soit  exercé  que  par 
celui  des  deux  contractants  qui  restera  seul  dans  l'entre- 
prise, les  tiers  ou  les  ayant  cause  n'ayant  aucune  qualité 
pour  l'y  contraindre. 

Pour  l'exécution  entière  de  cette  convention,  M"  Bal- 
zac et  Urbain  Canel  se  ressaisissent,  même  dès  ce  moment, 
en  tant  que  de  besoin  de  leurs  droits  de  propriété  au  dit 
cas,  en  faisant  l'abandon  pur  et  simple  de  celui  des  deux 
qui  serait  appelé  à  exercer  ce  droit. 

Mr  Urbain  Canel  reconnaît  par  ces  présentes  avoir  reçu 
des  mains  de  M'  Balzac  la  somme  de  six  mille  francs  en 
espèces  ayant  cours,  montant  du  quart  des  dépenses  pré- 
sumées de  la  dite  édition  de  Molière,  s'engageant  à  en 
fournir  le  compte,  dont  quittance. 

Ces  six  mille  francs  proviennent  d'un  prêt  fait  à 
M1  Balzac  par  M.  Jean-Louis-IIenri  Dassonvillez  sur  deux 
lettres  de  change  tirées  par  M.  Balzac  sur  Mr  Urbain  Canel 

28 


538  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

et  acceptées  par  lui.  En  considération  du  présent  traité, 
M1*  Balzac  a  prêté  à  M'  Urbain  Canel,  ce  acceptant,  la 
somme  de  trois  mille  francs  formant  la  moitié  delà  quote 
part  des  dépenses  de  Molière  dont  quittance,  attendu  que 
les  neuf  mille  francs  dont  il  est  question  ont  été  prêtés 
par  M1'  Dassonvillez  à  M1"  Urbain  Canel  et  Balzac,  il 
demeure  bien  attendu  (sic)  que  le  payement  des  lettres  de 
change  qui  se  trouvent  au  nombre  de  trois  plus  un  biliet 
de  cent  vingt-deux  francs  formant  ensemble  dix  mille  cent 
vingt-deux  francs  y  compris  les  intérêts,  sera  fait  parles 
contractants  au  prorata  de  leur  prise  de  fonds. 

Fait  double,  à   Paris,  le  quatorze  avril    mil  huit  cent 
vingt-cinq. 

Approuvé  le  mot  deux  en  surcharge 

U.  Canel. 
Approuvé  l'écriture  ci-dessus 
H.  Balzac. 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  258,  fol.  3.) 


[44]  REÇU  DE  THOUVENIN,  RELIEUR 

1er  septembre  1827. 

Reçu  de  Monsieur  Balsac  (sic)  soixante-quinze  francs  pr 
livraison  d'un  exemplaire  Amours  des  Dieux,  reliure  com- 
prise. 
Paris,  lftr  septembre  1827. 

A  Deltut, 
Commissaire  gérant. 

M.  Thouvenin  s'était  trompé  de  f.  4.  Nous  ne  pouvons 
céder  qu'au  comptant. 

A.  D. 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  258,  fol.  61.) 


APPENDICE  VI 


L'IMPRIMERIE 


[45]         TRAITÉ  ENTRE  MM.   D'ASSONVILLEZ, 
HONORÉ    BALZAC    ET    ANDRÉ    BARBIER 

16  mars  1826. 

Entre  les  soussignés  M.  Jean-Louis-Henri  d'Assonvillez, 
propriétaire,  demeurant  au  château  de  Montglas,  arrond1 
de  la  Ferté-Gaucher,  de  présent  à  Paris,  rue  du  Foin-St- 
Jacques,  n°  15,  d'une  part,  et  MM.  Honoré  Balzac  et 
André  Barbier,  imprimeurs,  demeurant  à  Paris,  rue  des 
Marais-St-Germain,  n°  17,  a  été  dit  et  convenu  ce  qui  suit  : 

Au  15  juillet  dernier,  M.  H.  Balzac  était  débiteur  de 
M.  d'Assonvillez  pour  une  somme  de  dix  mille  francs  due 
par  lettres  de  change  à  M.  d'Assonvillez  par  le  sr  Urbain 
Canel,  libraire,  et  endossées  par  M.  Balzac.  Le  sr 
Urbain  Canel  étant  tombé  en  faillite  et  M.  Balzac  n'ayant 
pu  acquitter  les  lettres  de  change,  elles  furent  protestées 
et  la  dette  totale  de  M.  Balzac  envers  M.  d'Assonvillez  a 
été  depuis  reconnue  par  eux  soussignés  s'élever  à  la 
somme  de  dix  mille  sept  cent  quinze  francs  sur  laquelle 
somme  M.  Honoré  Balzac,  ayant  payé  huit  cent  quatre- 
vingt  francs  quarante-cinq  centimes,  la  somme  dont  il 
restedébiteurestde  neuf  mille  huit  cent  trente-quatre  francs 
cinquante-cinq  centimes. 

M.   Balzac  ayant  formé  avec  M.  A.  Barbier  un  établis- 


540  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

sèment  d'imprimerie  à  Paris  dont  M.  d'Assonvillez  aurait 
pu  entraver  les  opérations  s'il  avait  dirigé  des  poursuites 
contre  M.  Balzac,  à  raison  de  cette  dette,  il  y  renonça 
afin  de  faciliter  cet  établissement  mais  à  la  condition  ver- 
balement acceptée  de  régler  cette  dette  d'une  manière 
satisfaisante. 

A  cet  effet,  M.  A.  Barbier  a  consenti  à  cautionner  cette 
dette  et  à  entrer  dans  le  payement  aux  clauses  et  condi- 
tions suivantes  : 

Art.  1. 

Pour  payer  M.  d'Assonvillez  des  neuf  mille  huit  cent 
trente-quatre  francs  cinquante  cinq  centimes  à  lui  dus 
comme  dit  est  ci-dessus,  MM.  H.  Balzac  et  André  Barbier 
lui  cèdent,  vendent  et  transportent,  ce  qui  est  accepté 
par  lui,  sous  les  réserves  ci-dessous  : 

1°  Sept  presses  à  la  Stanhope  en  fer,  l'une  d'une 
valeur  de  neuf  cent  francs  et  les  six  autres  d'une 
valeur  de  douze  cents  francs  chacune,  ci 8  100  fr. 

2°  Une  presse  à  satiner  d'une  valeur  de  quatre 
cent  francs,  ci 400  fr. 

3°  Et  deux  corps  de  fonte  dont  l'un  pesant  six 
cents  livres,  caractère  dit  cicero,  provenant  de  l'ac- 
quisition faite  par  MM.  Balzac  et  Barbier  du  fonds 
de  M.  Laurens,  leur  prédécesseur,  et  l'autre  pesant 
quatre  cents  livres,  caractère  dit  petit  texte,  venant 
également  de  M.  Laurens,  le  tout  d'une  valeur  de 
quinze  cent  cinquante  francs,  ci 1  550   fr. 

4°  Onze  cents  livres  de  petit  romain  achetées  à 
MM.  Henri   Didot,  Legrand  et  O,  estimées  deux 

mille  quatre-vingt-dix  francs,  ci 2  090  fr. 

formant  en  tout  une  valeur  de  douze  mille  cent 
quarante  francs,  prix  d'acquisition  et  présentement 
vendue  moyennant  la  dite  somme  de  neuf  mille  huit 
cent  trente-quatre  francs  cinquante-cinq  centimes.     12  140  fr. 

Art.  2. 

Cependant,  la  présente  vente  pourra,  pendant  quatre 
années  qui  commenceront  à  courir  de  ce  jour,  être  réso- 
lue de  plein  droit  si  M.  Balzac  rachète  les  droits  de 
M.  d'Assonvillez  en  lui  remboursant  intégralement  les 
neuf  mille  huit  cent  trente-quatre  francs  cinquante-cinq 
centimes  pour  le  paiement  desquels  la  présente  vente  a 


L'IMPRIMERIE.  341 

lieu;  et,  à  cet  effet,  il  suffira  de  la  quittance  de  la  dite 
somme  pour  accomplir  le  réméré. 

A  HT.    ."). 

Attendu  que  les  objets  présentement  vendus  par 
MM.  Balzac  et  Barbier  à  M.  d'Assonvillez  sont  indispen- 
sables à  MM.  Balzac  et  Barbier  pour  l'exploitation  de  leur 

imprimerie,  M.  d'Assonvillez  les  a  donnés,  par  ces  pré- 
sentes, à  bail  à  MM.  Balzac  et  André  Barbier  moyennant 
la  somme  de  cinq  cents  qualre-vingt  huit  francs  quatre- 
vingt  huit  centimes  de  loyer  annuel,  payable  aux  quatre 
ternies  accoutumés  de  l'année  et  qui  commenceront  à 
courir  du  premier  avril  de  la  présente  année  et  dont  le 
premier  terme  écherra  le  premier  juillet  et  sera  de  la 
somme  de  cent  quarante-sept  francs  vingt  centimes. 

Le  présent  bail  est  fait  pour  l'espace  de  quatre  années 
consécutives  qui  commenceront  à  courir  du  premier  avril 
de  cette  année  et  le  bail  des  dits  objets  cessera  de  plein 
droit  du  jour  où  M.  Balzac  aura  satisfait  aux  conditions 
du  réméré  stipulées  en  l'article  précédent. 

Art.  4. 
Il  demeure  convenu  entre  MM.  Balzac  et  Barbier  que 
M.  Balzac  sera  personnellement  chargé  d'acquitter  le 
loyer  des  dits  objets  présentement  donnés  à  bail  et 
M.  d'Assonvillez  consent  par  ces  présentes  à  ne  regarder 
MM.  Balzac  et  Barbier  comme  solidaires  du  paiement  du 
loyer  que  faute  par  M.  Balzac  de  payer  deux  termes  du 
loyer. 

Art.  5. 

Il  n'a  pas  été  fait  plus  ample  désignation  des  objets  pré- 
sentement vendus  à  M.  d'Assonvillez  et  donnés  à  bail  par 
lui  aux  vendeurs,  attendu  l'entière  connaissance  qu'en 
avaient  les  soussignés  et  les  objets  ayant  été  livrés  ce 
jour  à  M.  d'Assonvillez  et  les  a  rendus  aux  preneurs  à 
condition  qu'ils  en  jouiraient  en  bons  pères  de  famille. 

Fait  double,  à  Paris,  le  16  mars  mil  huit  cent  vingt-six. 

H.  Balzac. 

Approuvé  l'écriture  ci-dessus  comme  caution  et  vente, 

A.  Barbier. 
(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  259,  lr»  partie,  fol.  M.) 


548  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

[46]        SUITE  DE  L'AFFAIRE  D'ASSONVILLEZ, 
BALZAC  ET  BARBIER 

16  mars  1827. 

N/S.  Balzac,  S/Cte  particulier 

à   d'Assonvillez.  F.  9834,55. 

pour  ce  qu'il  a  reconnu  devoir  personnellement  à  ce  der- 
nier, par  acte  en  date  de  ce  jour  et  suivant  compte  arrêté 
entre  eux,  pour  raison  de  lettres  de  change  acceptées  par 
Urbain  Canel  endossées  par  n/s.  Balzac  et  impayées  le 
15  juillet  1826,  laquelle  dette,  par  le  susdit  acte,  a  été 
cautionnée  par  n/s.  Barbier  et  réglée  par  la  Société  Balzac 
et  Barbier,  ainsi  qu'il  sera  dit  dans  l'article  ci-après, 
ci F.  9834,55 

Dans  le  haut  de  cette  pièce  on   lit  :  Bon  à  passer  écriture. 
H.  Balzac. 

[«]     foJ58    _ 

Les  suivans  à  matériel  d'imprimerie  d'Assonvillez. 

A  lui  vendu  par  réméré,  en  paiement  de  9834,55  men- 
tionnés dans  l'article  précédent,  les  objets  suivans  avec 
la  faculté  réservée  à  n/s.  Balzac  de  les  racheter  dans  l'es- 
pace de  4  années  en  remboursant  à  M.  d'Assonvillez  la 
susdite  somme,  lesquels  objets  ce  dernier  nous  donne  à 
bail  pendant  l'espace  de  4  années  à  raison  de  588,88  de 
loyer  annuel  qui  seront  payés  par  trimestre  par  n/s.  Bal- 
zac personnellement. 
Désignation  des  objets. 

f.  »»    =  vendus  pour  la  somme  de.     fr.     9  834  55 
12  140 

N/S.  Balzac,  S/Cto  particulier. 

Pour  différence  de  la  susdite  vente  dont 
il  s'engage  à  rendre  la  Société  indemne,     fr.     2  305  45 

fr.   12  140  - 

[Collection  Lovenjoul,  ms.  A  259,  lre  partie,  fol.  57.) 

19  mars  1827. 
Au  vingt  juillet  prochain,  je  paierai  à  M.  d'Assonvillez 


L'IMPRIMERIE.  343 

OU     ordre     la    somme     de     mille     francs'     valeur     reçue 

comptant. 

Paris,  ce   19  mars  1837. 

H.  Balzac. 

H*  Balzac,  imprimeur,  rue  des  Marais  S. -G.,  n°  17,  P>e  Sl-Gain. 


[49]  18  juin  1828. 

Reçu  de  M.  Honoré  Balzac  la  somme  de  dix  mille 
soixante-dix-neuf  francs  pour  solde  en  principal  et  loca- 
tion échue  des  sommes  et  objets  détaillés  au  réméré  ci- 
dessus  dont  quittance,  au  moyen  de  quoi  je  remets  de  ce 
jour  en  la  possession  et  propriété  de  M.  Honoré  Balzac 
les  objets  ci-dessus  détaillés  et  formant  l'objet  delà  vente 
à  réméré  ci-dessus. 

A  Monglas,  ce  treize  juin  mil  huit  cent  vingt  huit. 

D'Assonvillez. 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  259,  lro  partie,  fol.  51  v°.) 


DOSSIER  D'HONORÉ  BALZAC 

RELATIF   A    L'OBTENTION    D'UN    BREVET  D'iMPRIMEUR 

12  avril  i 826-4  juin  18%. 

Ce  dossier,  déposé  au  Ministère  de  l'Intérieur  où  il 
est  resté  jusqu'en  1877,  a  été  versé,  à  cette  époque, 
aux  Archives  Nationales  ;  il  y  est  conservé  sous  la  cote 
F18  71094;  il  renferme  quatorze  pièces  numérotées  au 
crayon.  La  première  de  ces  pièces  est  la  chemise  qui 
recouvre  le  dossier  et  qui  porte  les  indications  sui- 
vantes : 

Se^e  BALZAC  Honoré 

~     .  Imprimeur. 

Pans  ■ 

Breveté  le  Ier  juin  1826,  n°  2554,  en  remplacement  du  sr 
Jean-Joseph  Laurens,  démissionnaire. 


544  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Démissionnaire,  remplacé  le  26  septembre  1828  par  le 
s'  André  Barbier. 


!50]         DEMANDE    DE    BALZAC   A   MONSIEUR   LE    MINISTRE 

DE   L'INTÉRIEUR 

Monseigneur, 
Honoré  Balzac  a  l'honneur  de  faire  connaître  à  Votre 
Excellence  qu'il  vient  de  traiter'  avec  le  s1  J.-J.  Laurens 
aîné  de  son  fonds  d'imprimeur  à  Paris.  Il  supplie  Votre 
Excellence  de  daigner  accorder  sa  sanction  à  ce  traité,  en 
lui  faisant  délivrer  le  brevet  personnel  dont  il  a  besoin 
pour  exercer  cette  profession. 

Il  a  l'honneur  d'être,  avec  un  profond  respect,  Monsei- 
gneur, de  Votre  Excellence  le  très  humble  et  très  obéissant 
serviteur 

Honoré  Balzac. 
Paris,  le  12  avril  1826. 

M.  Honoré  Balzac,  rue  de  Tournon,  n°  2. 

Pièce  n°  10  du  dossier  des  Archives  Nationales. 

1.  C'est  avant  le  16  mars  1826  que  Balzac  a  traité  avec  Lau- 
rens ;  cela  résulte  d'un  arrangement  passé  à  cette  date  entre 
MM.  d'Assonvillez,  Balzac  et  son  associé  André  Barbier  ;  Balzac 
et  Barbier  y  sont  qualifiés  «  imprimeurs  demeurant  à  Paris, 
rue  des  Marais-St-Germain,  n.  17  ».  Malgré  toutes  nos  recher- 
ches, nous  n'avons  pu  jusqu'ici  rencontrer  l'acte  de  vente. 

M.  Paul  Delalain,  dans  sa  Liste  des  imprimeurs  typograplies  de 
Paris  du  1er  avril  1811  au  10  septembre  1870  sous  le  régime  du  Bre- 
vet (extraits  de  la  Bibliographie  de  la  France,  septembre-octobre 
1899),  donne  la  nomenclature  suivante  des  typographes  qui  ont 
précédé  ou  suivi  Balzac:  1er  avril  1811,  Laurens  aîné  (Jean- 
Joseph)  ;  1er  juin  1826,  Balzac  (Honoré  de  [sic])  ;  26  septembre 
1828,  Barbier  (André)  ;  7  octobre  1833,  Joly  (Jacques-Louis)  ; 
3  mai  1834,  Beaulé  (Pierre-François)  ;  20  novembre  1846.  Beaulé 
(Jean-Baptiste-Prosper),  fils  du  précédent.  Jean-Joseph  Laurens 
aîné  exerçait  déjà  en  1798  ;  quand  vint  le  régime  du  brevet,  il 
fut  inscrit  en  1811,  mais  les  brevets  ne  furent  pas  alors  déli- 
vrés aux  titulaires.  L'Empire  s'écroula  et  la  Restauration  crut 
nécessaire  de  renouveler  lesdits  brevets,  et  c'est  pour  cette 
raison  que  celui  du  prédécesseur  de  Balzac  ne  porte  que  la 
date  de  1816,  comme  on  le  verra  plus  loin. 


L'IMPRIMERIE.  545 

[51] 

La  demande  de  Balzac  a  été  remise  au  Directeur 
général  de  la  police  parM.de  Berny,  qui  l'avail  accom- 
pagnée des  deux  lettres  suivantes  destinées  l'une  au 
Minisire  de  l'Intérieur1,  L'autre  au  Directeur  générai  de 

la  Police"  : 

Monseigneur, 

Permettez-moi  de  faire  connaître  à  Votre  Excellence 
l'intérêt  vif  que  je  porte  à  M'  Honoré  Balzac  qui  désire 
obtenir  l'autorisation  nécessaire  pour  exercer  la  profes- 
sion d'imprimeur.  Je  connais  depuis  longtemps  ce  jeune 
homme  :  la  droiture  de  son  cœur,  ses  connaissances  en 
littérature  me  persuadent  qu'il  s'est  convaincu  préalable- 
ment des  devoirs  qu'impose  une  pareille  profession. 

La  sévérité  de  mes  fonctions  ne  me  permettrait  pas 
d'élever  la  voix  en  faveur  de  M1  H.  Balzac  si  je  n'avais 
une  intime  conviction  que  Votre  Excellence  n'aura  jamais 
à  se  repentir  d'avoir  favorablement  accueilli  sa  demande. 

J'ai  l'honneur  d'être,  avec  un  profond  respect,  Monsei- 
gneur, de  Votre  Excellence  le  très  humble  et  très  obéis- 
sant serviteur 

De  Berny, 
Conseiller  à  la  Cour  Royale. 
Paris,  le  12  avril  1826.  rue  d'Enfer,  n°  55. 

Pièce  n°  1 1  du  dossier  des  Archives  Nationales. 

[52] 

Monsieur  le  Directeur  général, 

Pour  ne  pas  vous  ennuyer,  j'aurai  l'honneur  de  vous 
prier  de  jetter  les  yeux  sur  la  lettre  ci-jointe  avant  de  la 
remettre  à  Son  Excellence  et  d'être  persuadé  que  je  vous 
aurai  une  vive  et  personnelle  reconnaissance  si  vous  pou- 
vez, et  promptement,  faire  réussir  la  demande  de  mon 
jeune  protégé. 

J'ai  l'honneur  d'être,  avec  la  plus  haute  considération, 

1.  M.  le  comte  Corbière. 

2.  M.  Franchet-Desperey,  conseiller  d'État,  directeur  général 
de  la  Police. 


546  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

monsieur   le    Directeur  général,    votre    très  humble   et 
très  obéissant  serviteur 

De  Berny, 
Conseiller  à  la  Cour  Royale. 
Paris,  le  12  avril  1826.  rue  d'Enfer,  n°  55. 

Le  Directeur  de  la  police  a  écrit  de  sa  main,  dans  le 
haut  de  la  lettre,  la  note  suivante  :  Presse.  Remis  par 
MT  Berny  (sic),  conseiller,  qui  y  prend  le  plus  vif 
intérêt.  12  avril. 

Pièce  n°  9  du  dossier  des  Archives  Nationales. 


[53]  LETTRE    DE    DÉMISSION    DE    LAURENS 

A  Son  Excellence  le  Ministre  Secrétaire  d'Etat 
au  Département  de  l'Intérieur. 

Monseigneur, 
J'ai  l'honneur  d'annoncer  à  Votre  Excellence  que  je 
donne  ma  démission  dé  mon  brevet  d'imprimeur  à  la  rési- 
dence de  Paris  en  faveur  de  M1  Honoré  Balzac  que  je 
supplie  humblement  Votre  Excellence  d'agréer  comme 
mon  successeur,  lui  ayant  cédé  mon  établissement. 

J'ai  l'honneur  d'être,  avec  respect,  de  Votre  Excellence 
le  très  humble  et  obéissant  serviteur 

Laurens  aîné, 
imprimeur. 

Pièce  n°  12  du  dossier  des  Archives  nationales. 


[54]  CERTIFICAT    DE    CAPACITÉ 

Nous  soussignés,   imprimeurs  à    Paris,    déclarons  que 
M.    Honoré    Balzac    possède    toutes    les    connaissances 
requises  pour  exercer  la  profession  d'imprimeur. 
Paris,  ce  onze  avril  mil  huit  cent  vingt-six. 

Didot  le  jeune,  Gratiot,  Huzard-Courcier. 

Pièce  n°  15  du  dossier  des  Archives  Nationales. 


L'IMPRIMERIE.  541 

[.r).r>        lettre  du  directeur  général  de  la   police 
au  préfkt  de  police 

15  avril  1826. 

A   M.  le  Conseiller  d'Etat,  Préfet  de  police  à  Paris*. 

M.  le  Préfet,  je  vous  prie  de  vouloir  bien  recueillir  et 
me  transmettre  des  renseignemens  sur  la  moralité  et  les 
dispositions  politiques  du  sr  Honoré  Balzac,  domicilié  rue 
de  Tournon,  n°2,  qui  demande  à  remplacer  un  imprimeur 
de  la  Capitale,... 

Pièce  n°  8  du  dossier  des  Archives  Nationales. 


[56]         LETTRE    DE    M.    DE    CASTELBAJAC    AU    DIRECTEUR 

DE    LA    POLICE 

Administration  Paris,  le  22  avril  1826. 

des 

Douanes 

Cabinet 

du 

Directeur  général. 

Un  brevet  d'imprimeur  a  été  promis  à  M.  Honoré  Bal- 
zac. Je  viens  réclamer,  mon  cher  collègue,  votre  inter- 
vention pour  que  ce  brevet  lui  soit  expédié  le  plus  tôt 
possible. 

M.  Balzac  m'est  recommandé  par  une  personne  que  je 
désire  obliger  et  je  serai  très  reconnaissant  si  vous  voulez 
bien  m'en  fournir  les  moyens  en  rendant  à  M.  Balzac  le 
service  que  je  vous  demande  pour  lui. 

Recevez,  mon  cher  collègue,  .la  nouvelle  assurance  de 
ma  considération  très  distinguée  et  de  mon  sincère  atta- 
chement. 

Le  Conseiller  d'État,  directeur  général, 

Castelbajac. 

A  M.  Franchet-Despercy ,  directeur  de  la  police. 
M.  le  vicomte  de  Castelbajac,  qui  était  aussi  membre 

1.  M.  O.  Delavau. 


348  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

de  la  Chambre  des  députés,  a  ajouté  de  sa  main  sur 
cette  lettre  ces  quelques  mots  :  Je  vous  recommande 
instamment  Mr  Balzac,  mon  ami;  je  le  connais  person- 
nellement ainsi  que  sa  famille  qui  mérite  toute  confiance. 
En  marge  de  la  lettre,  M.  Franchet-Desperey  a  écrit 
Librairie.  Qu  est-ce  que  cest  que  cette  demande? 
Pièce  n°  7  du  dossier  des  Archives  Nationales. 


[57]  RÉPONSE    DU    DIRECTEUR    DE    LA    POLICE 

A   M.    DE    CASTELBAJAC 

27  avril  1826. 
A  M.  le  Directeur  gal  des  douanes. 

M.  le  Vicomte,  vous  m'avez  fait  l'honneur  de  me  recom- 
mander le  sr  Balzac,  qui  sollicite  un  brevet  d'imprimeur  à 
Paris,  en  remplacement  du  sr  Laurens,  démissionnaire. 
Le  témoignage  honorable  que  vous  rendez  à  ce  jeune 
homme  et  l'intérêt  que  vous  paraissez  lui  porter  ne  me 
laissent  pas  douter  qu'il  réunisse  les  garanties  que  le  gouvnt 
a  le  droit  d'exiger  d'un  imprimeur.  Mais  la  demande  du 
sr  Balzac  est  très  récente  et  quelques  formalités  indispen- 
sables doivent  précéder  la  délivrance  des  brevets.  Je  ne 
puis  que  vous  promettre  de  hâter  l'instruction  de  cette 
affaire,  et  j'espère  vous  en  annoncer  bientôt  l'heureuse 
expédition. 

Cette  réponse  est,  dans  le  dossier,  à  l'état  de 
brouillon;  elle  porte  beaucoup  de  ratures  et  de  correc- 
tions. 

Pièce  n°  6  du  dossier  des  Archives  Nationales. 


L'IMPRIMERIE.  549 

[58]  LETTRE   Di'    PRÉFET    DE    POLICE   au    MINISTRE 

DE    L'INTÉRIEUR 

Préfecture  de  police  Paris,  1<^  8  m.'ii  [826. 

\"  division 

3—  bureau. 

Monseigneur, 

Votre  Excellence,  par  sa  Lettre  du  1">  avril  dernier,  m'a 
invité  à  recueillir  des  renseignements  sur  la  moralité  et 
les  dispositions  politiques  du  sieur  Balzac  qui  demande  à 
remplacer  un  imprimeur  de  la  Capitale 

J'ai  l'honneur  de  lui  transmettre  le  résultat  des  infor- 
mations que  j'ai  fait  prendre 

Le  sr  Balzac,  âgé  de  vingt-sept  ans,  est  né  à  Paris.  Ce 
jeune  homme  qui  a  fait  ses  études  et  son  droit,  qui  même 
est  homme  de  lettres,  appartient,  suivant  ce  qu'on  rap- 
porte, à  une  famille  estimable  et  très  aisée  de  la  Capitale. 
On  a  reconnu  qu'il  n'a  jamais  fait  aucun  apprentissage, 
ni  travaillé  matériellement  dans  l'imprimerie;  mais  on 
convient  en  même  tems  qu'il  connaît  bien  le  mécanisme 
de  cet  art.  Du  reste,  on  annonce  que  la  conduite  du  sr 
Balzac  est  régulière  et  qu'il  professe  de  bons  principes. 
On  ajoute  qu'il  est  particulièrement  recommandé  par 
M.  De  Berny,  conseiller  à  la  Cour  Royale,  qui  lui  sert  de 
guide  et  de  conseil  et  qui  garantit  l'honnêteté  du  sr  Balzac. 

J'ai  l'honneur  d'être,  avec  respect,  Monseigneur,  votre 
très  humble  et  très  obéissant  serviteur 

Le  Conseiller  d'État,  préfet  de  police, 
0.  Delavau. 

A  S.  Ex.  le  Ministre  secrétaire  d'État  au  Dép'"  de  l'Intérieur. 

Pièce  n°  5  du  dossier  des  Archives  Nationales. 


[59J      LETTRE    DE    M.    DE    BERNY   AU    DIRECTEUR    DE    LA    POLICE 

Monsieur  le  Directeur  général, 
Je   connais   trop    combien   les    momens    d'un    homme 
public  sont  précieux  pour  user  légèrement  de  l'aimable 


550  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

permission  que  vous  m'avez  donnée  de  me  présenter  chez 
vous  à  tout  (sic)  heure,  surtout  lorsqu'il  s'agit  d'une 
affaire  qui  me  devient  personnelle  par  l'intérêt  que  je 
porte  à  celui  qu'elle  concerne.  Malgré  ma  réserve,  si  je 
n'étais  retenu  chez  moi  par  une  indisposition,  heureuse- 
ment peu  grave,  je  ne  me  serais  pas  refusé  au  plaisir 
de  passer  quelques  minutes  avec  vous  pour  avoir  l'hon- 
neur de  rappeler  à  vos  souvenirs  mon  jeune  protégé. 
Honoré  Balzac.  Ce  n'est  pas  à  lui  que  son  tems  d'épreuve 
paraît  long;  je  l'apprends  à  se  soumettre  à  tout  et  à  s'y 
soumettre  avec  reconnaissance.  S'il  y  a  un  impatient  dans 
l'affaire  et  veuillez  me  le  pardonner,  Monsieur  le  Directeur 
général,  c'est  un  vieux  conseiller  qui  désire  vivement  le 
bonheur  de  ceux  auxquels  il  s'intéresse  et  qui  ne  cesse 
de  le  faire  que  lorsqu'il  lui  est  démontré  qu'ils  n'en  sont 
pas  dignes. 

Hâtez  donc,  s'il  vous  est  possible,  Monsieur  le  Directeur 
général,  le  moment  où  je  pourrai  joindre,  pour  vous,  le 
sentiment  de  reconnaissance  à  ceux  de  haute  considéra- 
avec  lesquels  j'ai  l'honneur  d'être,  Monsieur  le  Directeur 
général, 

Votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur 

De  Berny. 
Paris,  27  mai  1826. 

Cette  lettre  est  écrite  de  la  main  de  Balzac,  M.  de 
Berny  n'a  fait  que  la  signer. 

Pièce  n°  4  du  dossier  des  Archives  Nationales. 


[60]       RAPPORT    DU    DIRECTEUR    GÉNÉRAL    DE    LA    POLICE 

Ministère  de  l'Intérieur. 
Direction  de  la  police. 

Librairie. 

Paris,  le  182 

RAPPORT 

Le  s'*  Laurens,  imprimeur  du  Constitutionnel,  s'est  démis 
en  faveur  du  sr  Balzac  (Honoré)  recommandé  comme 
digne  de  toute  confiance  par  M.  le  vicomte  de  Castelba- 


L'IMPRIMERIE.  351 

ja<\  directeur  général  «les  Douanes,  <-t  par  M.  de  Berny, 

conseiller  à  la  Cour  Royale, 

Le  s1  Balzac  b  produit  uncertifical  «le  capacité,  signé  de 
.">  imprimeurs  à  Paris. 
Il  annonce  que  l'impression  <lu  Constitutionnel  ne  sera 

point  faite  par  lui.  Elle  a  passé,  en  effet,  «liez  le  s'  Cliai- 
gnieau  jeune,  qui  en  a  fait  la  déclaration. 

D'après  les  renseignemcns  recueillis  auprès  de  M.  le 
Préfet  de  police,  il  paraît  que  le  s'  Balzac,  natif  de  Paris 
et  Agé  de  "21  ans,  a  fait  sesétudes  etsondroit,  qu'il  appar- 
tient à  une  famille  estimable  et  aisée,  que  sa  conduite  est 
régulière  et  qu'il  professe  de  bons  principes. 

Il  n'a  fait  aucun  apprentissage  dans  l'imprimerie,  mais 
on  convient  qu'il  en  connaît  bien  le  méchanisme  (sic). 

D'après  ces  diverses  considérations,  je  crois  devoir  pré- 
senter à  la  signature  le  brevet  du  s1  Balzac,  en  remplace- 
ment du  s'  Laurens. 

Pièce  n°  3  du  dossier  des  Archives  Nationales. 

Ce  rapport  n'est  ni  signé  ni  daté;  mais  Balzac  obtint 
son  brevet  d'imprimeur  le  1er  juin,  ainsi  que  le  constatent 
deux  mentions,  l'une  ainsi  libellée  et  écrite  sur  le  rap- 
port :  Breveté  le  1er  juin  1826,  n°  2854,  l'autre  insérée 
comme  suit  dans  la  Bibliographie  de  la  France  du 
samedi  12  août  1826  : 

—  M.  Balzac  (Honoré)  a  obtenu,  le  1er  juin  1826,  un  bre- 
vet d'imprimeur  à  la  résidence  de  Paris,  en  remplacement 
de  M.  Laurens  aîné,  démissionnaire. 

Quatre  jours  après  l'obtention  de  son  brevet,  Balzac 
déposait  au  Ministère  de  l'Intérieur  la  déclaration  sui- 
vante : 

[61]  DÉCLARATION    DE    CHANGEMENT    DE    DOMICILE 

Imprimerie  II.  Balzac. 

Je  soussigné,  imprimeur  à  Paris,  déclare  transporter 
mon  domicile  et  mon  établissement  rue  des  Marais,  n°  17, 
faubourg  Saint-Germain. 

Paris,  4  juin  1826.  H.  Balzac 

Pièce  n°  2  du  dossier  des  Archives  Nationales. 


LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

La  quatorzième  et  dernière  pièce  du  dossier  est  le 
brevet  d'imprimeur  de  Jean-Joseph  Laurens,  à  lui 
accordé  le  15  octobre  1816,  et  enregistré  au  greffe  du 
tribunal  de  lrti  instance  de  la  Seine  le  31  décembre  1816. 
Il  est  signé  par  le  comte  de  Gazes,  ministre  secrétaire 
d'État  au  département  de  la  police,  par  M.  Bertin-de- 
Vaux,  secrétaire  général  du  ministre,  et  par  M.  Ville- 
main,  directeur  de  la  division  de  l'Imprimerie  et  de  la 
Librairie. 


[02]      FORMATION  DE  LA  SOCIÉTÉ  H.  BALZAC 

ET  A.  BARBIER 

-Ier  juillet  1826. 

D'un  acte  de  société  passé  sous  signature  privée,  à 
Paris,  le  premier  juillet  mil  huit  cent  vingt-six,  enregistré 
le  quatre  du  même  mois  par  Labouret,  qui  a  reçu  huit 
francs  quatre-vingts  centimes  décimes  compris, 

Il  appert  : 

Que  M'  Honoré  Balzac,  imprimeur,  demeurant  à  Paris, 
rue  des  Marais-Saint-Germain,  numéro  dix-sept,  d'une 
part, 

Et  M1'  André  Barbier,  prote  d'imprimerie,  demeurant  à 
Paris,  rue  de  Vaugirard,  numéro  trente-huit,  d'autre  part, 

Ont  formé,  pour  l'exploitation  d'un  brevet  d'imprimerie, 
une  société  dont  la  durée  sera  de  quinze  années  à  partir 
du  premier  juillet  mil  huit  cent  vingt-six. 

Les  effets  de  commerce,  traites,  obligations  de  toute 
espèce  ne  font  obligation  pour  la  Société  qu'en  tant  qu'ils 
seront  souscrits  de  la  signature  individuelle  de  chacun 
des  associés. 

Le  fonds  social  est  de  soixante  mille  francs. 

La  raison  de  commerce  est  «  Balzac  et  Barbier  ». 

Signé  :  H.  Balzac 

Signé  :  A.  Barbier. 

Le  dit  acte  enregistré,  à  Paris,  le  sept  juillet  mil  huit 
cent  vingt-six,  folio  cent  quatre-vingt-dix-sept  recto,  case 


L'IMPRIMERIE.  553 

quatrième,  par  le  receveur  qui  ;i  perçu  un  franc  dix  cen- 
times décimes  compris,  el  déposé  au  greffe  <l<-  ce  tribunal 
suivant  procès-verbal  en  date,  du  six  juillet  mil  huit  cent 
vingt  six  enregistré. 

[Archives  du  Greffe  du  tribunal  de  commerce  de  la  Seine.) 
Voir  à  l* Appendice  VIII,  pièce  n°  81,  l'acte  de  vente  de  l'im- 
primerie à  André  Barbier. 


[63]  LETTRE  DE  BALZAC  A  M.  GILLÉ 

Paris,  ce  8  août  1826. 
Imprimerie 

de    II.    Balzac    et    A.    Barbier, 
rue  des  Marais  S.  G.  n.  17. 

Monsieur, 

Nous  adhérons  pleinement  aux  propositions  contenues 
dans  votre  lettre,  quant  à  la  transmission  de  votre  brevet 
de  libraire,  sous  la  modification  suivante  : 

La  rente  viagère  que  nous  vous  servirons  sera  de  cent 
quatre-vingts  francs  par  année:  elle  sera  payée  par  tri- 
mestre et  constituée  par  un  acte  sous  seing  privé  qui  vous 
offrira,  outre  la  responsabilité  du  titulaire,  la  nôtre  soli- 
dairement. 

Nous  sommes  dans  l'impossibilité  d'ajouter  aux  sacri- 
fices que  nous  ferions  par  ce  traité. 

Telle  est,  Monsieur,  la  base  de  ce  traité  pour  lequel 
nous  réclamons  de  votre  part  une  célérité  qui  devient 
indispensable  par  le  tems  nécessaire  à  son  accomplisse- 
ment; un  plus  long  retard  compromettrait  nos  opéra- 
tions et  une  fois  que  nous  aurions  été  forcés  de  nous 
servir  du  nom  d'un  libraire,  tout  serait  ajourné  indéfi- 
niment. 

Nous  avons  l'honneur  de  vous  saluer  avec  la  plus  haute 
considération 

H.  Balzac. 
M.  Gillé,  typographe. 

Suscriplion  de  la  lettre  :  Monsieur  Gillé,  rue  Saint- 
Jean-de-Beauvais,  n°  16,  ou  aux  Feuillantines,  rue  S.- 
Jacques, entre  le  n°  261  et  265. 

[Collection  Lovenioul,  ms.  A  259,  1re  partie,  fol.  63.) 

23 


-;>;  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

[64]  LETTRE  DU  PÈRE  DE  RALZAC 

A  MADAME  DELANNOY 

23  août  1826. 

Versailles,  23  août  4826. 

Ralzac  aprend  {sic)  avec  satisfaction  que  Madame  de 
Lanoy  (sic)  vient  au  secours  de  son  fils  Honoré  ;  il  lui  en 
fait  mille  remercîmens  avec  d'autant  plus  de  plaisir  que 
des  changemens  coûteux  et  encore  plus  indispensables  ne 
lui  permettent  pas  de  faire  ce  qui  convient  et  que  d'ail- 
leurs les  secours  auront  plus  d'effet  venant  de  la  simple 
bonté  d'un  tiers,  mais  Ralzac  répond  à  Madame  de  Lanoy 
de  tout  ce  qu'elle  pourra  faire  pour  son  fils,  à  quelle 
somme  que  cela  puisse  se  monter,  et  de  la  rembourser  si 
l'emprunteur  ne  satisfait  pas  à  ses  engagemens.  Elle 
comprendra  mieux  que  je  pourrai  l'écrire  que  ceci  doit 
rester  dans  le  plus  absolu  secret. 

Ralzac  espère  être  assez  heureux  pour  trouver  des  occa 
sions  de  (manifester?]  sa  sensibilité  à  Madame  de  Lanoy. 
elles  ne  sauraient  trop  se  multiplier.  Il  la  prie  d'agréer 
l'hommage  de  son  profond  respect.  Ralzac. 

Suscription  de  la  lettre  :  Madame, 

Madame  de  Lanoy,  rue  Rasse-du-Rempart,  n*  42,  à  Paris 
banlieue. 


[65]     LETTRE  DE  H.  RALZAC  A  M.  DE  LA  PILAYE 

27  août  1827. 

M.  Ralzac  a  l'honneur  de  saluer  Monsieur  de  la  Pilaye 
et  il  le  prévient  afin  d'éviter  toute  surprise, 

1°  Que  des  deux  effets  qu'il  a  à  payer  du  mois,  ven- 
dredi prochain,  Vun  est  de  1437  fr.  20  cent,  et  qu'il  est  cause 
payable  chez  M.  Boulanger. 

2°  Celui  de  1000  fr.  est  au  domicile  de  M.  de  La  Pilaye. 
rue  de  Madame. 

Il  a  l'honneur  de  lui  présenter  ses  affectueuses  civilités. 

H.  R. 

Suscription  de  la  lettre  :  Monsieur  de  la  Pilaye.  impasse 
de  Madame,  n°4,  f.  s.  G. 

[Collection  de  M.  Georges  Coin.) 


L'IMPRIMERIE.  555 


66      DISSOLUTION  DE  LA  SOCIÉTÉ  H.  BALZAC 
ET  A.  BARBIER 

:l  février  1828. 

D'un   acte  sous  signatures   privées   en  <l;ii<-  du    trois 
février  présent    mois,  enregistré  !<•  six  «lu  même  mois. 
folio  cinquante  recto,  case  première,  par  Laboure) 
qui   a   reçu    cinq    francs    cinquante    centimes   décimes 
compris, 

Il  apperl  : 

Que  la  Société  formée  entre  Messieurs  H.  Balzac  et 
A.  Barbier,  demeurant  tous  deux,  rue  des  Marais-Saint- 
Germain,  numéro  dix-sept,  pour  l'exploitation  d'un  brevet 
d'imprimeur,  par  acte  en  date  du  premier  juillet  mil  huit 
cent  vingt-six,  est  dissoute. 

M.  Balzac  est  nommé  liquidateur  et  reste  seul  posses- 
seur de  l'établissement  d'imprimerie. 

Pans,  ce  quatre  février  mil  huit  cent  vingt-huit. 

Signé  :  H.  Balzac. 

Signé  :  Barbier. 

Le  dit  acte  enregistré,  à  Paris,  le  six  février  mil  huit 
cent  vingt-huit,  folio  cinquante,  case  deuxième,  par  le 
receveur  qui  a  perçu  un  franc  dix  centimes  décimes  com- 
pris, et  déposé  au  Greffe  du  tribunal  de  Commerce  de  la 
Seine,  suivant  procès-verbal  en  date  du  quatorze  février 
mil  huit  cent  vingt-huit,  enregistré. 

(Archives  du  Greffe  du  tribunal  de  commerce  de  la  Seine. 


APPENDICE  VII 


LA  FONDERIE   BALZAC  ET  CIEl 


[07]       FORMATION  DE  LA  SOCIÉTÉ  LAURENT, 
BALZAC  ET  BARBIER 

15  juillet  1827. 

D'un  acte  de  société  passé  sous  signature  privée,  à 
Paris,  le  quinze  juillet  mil  huit  cent  vingt-sept,  enregistré 
le  dix-neuf  du  même  mois,  folio  soixante-cinq  recto,  case 
sixième,  par  De  Pilez  qui  a  reçu  cinq  francs  cinquante 
centimes,  subvention  comprise, 

Il  appert  : 

Que  Messieurs  Honoré  Balzac  et  André  Barbier,  impri- 
meurs, demeurant  à  Paris,  rue  des  Marais-Saint-Germain, 
numéro  dix-sept,  et  Monsieur  Jean-François  Laurent, 
fondeur,  demeurant  à  Paris,  rue  des  Fossés-Saint-Germain, 
numéro  onze,  ont  formé,  pour  l'exploitation  de  la  fonderie 
des  caractères  d'imprimerie,   une  Société  dont  la  durée 

1.  Les  pièces  indiquées,  dans  notre  première  édition,  comme 
conservées  dans  les  archives  de  la  fonderie  Deberny  font 
aujourd'hui  —  sauf  la  pièce  110  —  partie  de  la  Collection 
Lovenjoul,  à  laquelle  M.  Charles  Tuleu,  successeur  de 
M.  Alexandre  de  Berny  et  directeur  actuel  de  la  fonderie,  les  a 
très  gracieusement  offertes. 


LA  FONDERIE  BALZAC  ET  <  ".  ""'7 

Bera  <ic  douze  années  à  partir  du  premier  août  mil  huit 
cenl  \  ingt-sept. 

La  raison  sociale  esl  «  Laurent,  Balzac e(  Barbier  ». 

M.  Balzac  aura  seul  la  signature  sociale. 

Neuf  mille  francs  ont  été  fournis  par  un  associé  com- 
manditaire indépendamment  de  L'apport  des  gérants. 

La  Société  sera  gérée  par  Messieurs  Laurent,   Balzac  ''I 
Barbier. 
Pour  extrait.  Paris,  ce  trente  juillet  mil  huit  cent  vingt 

sept. 


Signé  :  Balzac. 


Signé  :  Laurent. 


Signé  :  Barbier. 

Le  dit  acte  enregistré,  à  Paris,  le  trente  juillet  mil  huit 
cent  vingt-sept,  folio  cent  six  recto,  case  cinquième,  par 
le  receveur  qui  a  perçu  un  franc  dix  centimes  décimes 
compris  et  déposé  au  Greffe  de  ce  tribunal  suivant  pro- 
cès-verbal en  date  du  trente  juillet  mil  huit  cent  vingt- 
sept  enregistré. 

(Archives  du  Greffe  du  tribunal  de  commerce   de  la   Seine.) 


[68]         LETTRE  DE  J.-F.  LAURENT  A  BALZAC 

ET  BARBIER 

Fonderie  Paris,  le  16  juillet  1827. 

en  caractères,  gravure 
et  politypage  de  J.-F.  Laurent, 

rue  du  Four, 
faubourg  Saint-Germain,   n.  11. 

Messieurs, 

Je  vous  envoie  la  facture  des  objets  qui  n'ont  pu  être 
compris  dans  les  feuilles  qui  ont  servi  à  évaluer  mon 
apport  social,  vous  la  comparerez  à  ces  feuilles,  en 
faisant  l'inventaire  régulier;  là,  vous  reconnaîtrez 
encore  un  nouvel  abandon  de  ma  part,  d'objets  qui 
seraient  peut-être  évalués  deux  mille  francs,  s'il  1  al- 
laient (sic)  les  acquérir;  par  là  vous  pouvez  juger  de 


358  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

ma  confiance  dans  votre  manière  de  traiter  les  affaires 
futures,  car  les  prérogatives  que  vous  conservez  dans 
l'acte  à  signer,  sont  de  nature  à  effrayer  tout  autre  que 
moi;  j'espère  que  vous  réaliserez  par  la  suite  la  haute 
opinion  que  j'ai  conçu  de  vous. 

J'ai  l'honneur  d'être,  Messieurs,  votre  très  affec- 
tionné. 

J.-F.  Laurent. 

Note  des  objets  qui  n'ont  pas  été  compris  dans  les  18  mille 
francs  : 

158  matrices  justifiées,  gaillarde  rom.  et  ital.  à.  2  fr.  316  fr. 
89        —               —           cicero  romain  (en  acier).  2,50  222,50 
55        —               —              —      italique        —        .2,50  137,50 
32        —               —              —                        (cuivre).  2  »  64  » 
35       —              —          lettres  grasse  3  p.  de  Pa- 
risienne, qui  iront  pas  servi 2,50  90  » 

42  matrices  justifiées,   lettres   ornées  3  p.    de 

Philosophie,  qui  n'ont  pas  servi 3  »  126  » 

11  matrices  justifiées,  vignettes  différents  corps.  5  »  55  » 
1        —              —                —    très  grandes,  s'em- 

ployant  de  quatre  manières 10  »  10  » 

1  matrice  justifiée,  tremblé  nouveau  par  ligne.  3  »  3  •> 

Gravures  sur  cuivre  : 

Petite  bordure  gothique,  avec  son  coin 18  » 

Nœud,  avec  son  coin 15  » 

Bordure  du  bouclier  de  François  Ier 40  » 

Nid  d'amour  dans  des  roses 40  » 

Grand   ceps   de  vigne   en   forme   d'arbre  pour 

passe-partout 20  » 

Un    bœuf 7  » 

Un  bouclier 5  » 

Un  Christ 15  . 

Total 1184  - 

Plus  pour  environ  400  fr.  en  divers  objets,  dont  je  fournirai 
note  détaillée  en  temps  utile,  mes  occupations  présentes  ne 
me  permettant  pas  de  la  donner  en  ce  moment. 

Suscription  de  la  lettre  :  Messieurs,  Messieurs  Balzac 
et  Barbier,  Paris. 

(Collection  Lovenjoul,  ras.  A  260.  fol.  11.) 


LA  FONDERIE  BALZAC  El   O. 

69         VENTE  DE  LA  FONDERIE  GILLÉ  FILS 

IS  septembre  f897. 

Vente  aux  enchères,  après  faillite  el  décès  de  M.  Gillé 
(ils,  imprimeur-fondeur,  rue  Garancière,  n.  '»,  près  Saint 
Sulpice,  à  Paris,  le  mardi  IN  septembre  i<s-;7  el  jours  sui 
vans,  1 1  heures  du  malin. 

Cette  vente  consiste  dans  les  objets  ci  après  détaillés  : 
Matrices  de  caractères  romains  et  italiques  depuis  la 
nompareille  jnsques  et  y  compris  les  grosses  de  fonte;  la 
vente  s'en  fera  par  lots.  —  Matrices  de  vignettes  depuis  la 
parisienne  jusqu'aux  deux  points  de  gros  canon.  —  Col 
lection  de  lettres  ombrées  et  ornées.  —  Caractères  d'écri- 
tures anglaise,  ronde,  coulée  et  bâtarde.  —  Divers  signes 
célestes,  de  géométrie,  algèbre,  médecine,  maçonne- 
rie, etc.  —  Divers  plain-chants.  --  Lettre  de  deux  points 
sur  divers  corps.  —  Caractères  de  l'ancienne  fonderie  de 
Gillé  père,  depuis  la  nompareille  jusqu'au  double  canon. 
—  Collection  de  poinçons  gravés  sur  bois.  —  Collection 
de  gravures  politypées.  —  Moules,  divers  corps.  —  Un 
coupoir  avec  justifîeurs,  rabats,  etc.  —  Collection  de 
composteurs  en  bois.  —  Deux  armoires  typothèques  gar- 
nies de  leurs  tiroirs.  —  Une  grande  table  d'assemblage.  — 
Livres  d'épreuve.  —  Expressément  au  comptant. 

S'adresser,  pour  voir  les  objets,  à  M.  Laurent,  syndic 
de  la  faillite,  rue  des  Marais  Sl-Germain,  n.  17. 

Nota  :  On  vendra  à  l'amiable,  s'il  est   fait  des   offres 
satisfaisantes  avant  le  jour  indiqué. 

Feuilleton  de  la  Bibliographie  de  la  France,  n°  29,  samedi  8  sep- 
tembre 1827. 


[70]  NOTE  DE  H.  BALZAC  A  M.  BEUCHOT 

directeur  de  la  Bibliographie  de  la  France, 
rue  de  l'Abbaye,  à  Paris. 

Imprimerie  Paris,  ce  24  7^  1827. 

de    H.    Balzac    et    A.    Barbier, 
rue  des  Marais  S.  G.  n.  17. 

M.  Balzac  a  l'honneur  de  saluer  Monsieur  Beuchot  et 
de  le  prier  d'insérer,  dans  le  prochain  n°  du  Journal  de 
la  Librairie,  les  deux  avis  qu'il  lui  transmet. 


^ 


560  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Le  n°  1  est  d'autant  plus  utile  que  le  journal  a,  de 
bienveillance,  annoncé  le  changement  de  domicile  de 
M.  Laurent,  sans  annoncer  que  la  fonderie  appartenait 
à  MM.  Balzac  et  Barbier. 

Le  second  avis  est  d'une  grande  utilité  pour  le  com- 
merce. 

Si,  malgré  l'abonnement  de  leur  nouvelle  fonderie, 
il  y  avait  à  payer  pour  cette  insertion,  M.  Balzac  s'em- 
presserait de  satisfaire  au  payement. 

M.  Balzac  prie  Monsieur  Beuchot  d'agréer  ses  compli- 
mens  et  l'assurance  de  sa  considération  très  distinguée. 

H.  B. 
(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  259,  lre  partie,  fol.  152,er.) 

Voici  le  texte  des  deux  avis  rédigés  par  Balzac  et 
insérés  dans  la  Bibliographie  de  la  France  du  samedi 
29  septembre  1827,  feuilleton  n°  21  : 

—  MM.  Balzac  et  Barbier  ont  contracté  le  1er  août  der- 
nier une  société  de  douze  années  avec  M.  J.  F.  Laurent, 
fondeur  en  caractères,  pour  la  fonderie  des  caractères 
d'imprimerie.  Leur  établissement  est  maintenant  situé 
rue  des  Marais-Saint-Germain,  n.  17,  à  l'imprimerie  de 
M.  H.  Balzac. 

—  La  maison  de  fonderie  de  MM.  Laurent,  Balzac  et 
Barbier  a  acquis,  conjointement  avec  celle  de  M.  Dumont, 
propriétaire  de  la  fonderie  typographique  royale  de 
Bruxelles,  le  fonds  de  feu  Joseph  Gillé,  vendu  par  adjudi- 
cation publique  les  18  et  19  septembre  courant.  Ces  deux 
maisons  se  sont  réunies  pour  offrir  les  produits  de  ce 
fonds,  à  Bruxelles,  rue  des  Sablons,  section  première, 
n.  1042;  à  Paris,  rue  des  Marais-Saint-Germain,  n.  17. 

Les  autres  produits  de  la  maison  Laurent,  Balzac  et 
Barbier  se  trouvent  également  à  la  fonderie  royale  de 
Bruxelles,  et  ceux  de  cette  dernière  maison  à  la  fonderie 
Laurent,  Balzac  et  Barbier. 


LA  FONDERIE  BALZAC  ET  O.  561 

71      CIRCULAIRE  I>i:  LA  FONDERIE  LAURENT, 
BALZAC  ET  BARBIER 

Fonderie  Paria,  le  6  décembre  \>^~. 

«le 

.a un  nt,  Baisse  el  Bsrbier, 

Rue  des  Marais  S. -G.,  n.  17. 

Gravure  sur  acier,  cuivre  et  bois,  — 
Polytypie. 

M 

Nous  avons  l'honneur  de  vous  annoncer  que  nous 
avons  formé,  le  Ier  août  dernier,  une  association  de 
douze  années  pour  l'exploitation  de  la  Fonderie  des 
caractères  d'imprimerie,  la  gravure  sur  acier,  sur  cuivre 
et  sur  bois,  la  polytypie,  &c. 

Incessamment,  nous  aurons  l'avantage  de  vous 
adresser  les  cahiers  d'épreuves  de  nos  caractères  et  de 
nos  sujets  polytypés,  vignettes,  fleurons,  &c,  qui  son! 
en  ce  moment  sous  presse. 

Nous  espérons,  M[onsieur],  que  vous  voudrez  bien 
continuer  de  nous  honorer  de  votre  confiance  et  nous 
envoyer  vos  ordres;  M.  Laurent  étant  entièrement 
chargé  de  la  direction  des  ateliers,  nous  sommes 
à  même,  par  les  connaissances  qu'il  possède  en  tout  ce 
qui  concerne  la  fonderie,  de  satisfaire  à  toute  espèce 
de  demande. 

Nous  avons  récemment  acquis  dans  une  adjudication 
publique  tout  le  matériel  de  l'ancienne  Fonderie  de  feu 
Gillé  fils,  imprimeur  et  fondeur,  et  nous  pouvons  faci- 
lement fournir  les  assortimens  et  les  caractères  de  cette 
fonderie  dont  les  types,  bien  qu'ils  soient  différens  des 
nôtres,  seront  conservés  dans  notre  maison. 

Monsieur  Balzac  ayant  seul  la  signature  sociale, 
veuillez  prendre  note  de  celle  apposée  ci-dessous,  pour 
y  ajouter  foi  au  besoin. 


362  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Dans  l'attente  de  vos  ordres,  nous  avons  l'honneur 
d'être,  M[onsieur],  vos  dévoués  serviteurs 

Laurent,  fondeur.     Balzac,  A.  Barbier,  imprimeurs. 
ci-devant  rue  du  Four  S.  G.,  n.  11.  rue  des  Marais  S.  G.,  n.  17. 

Signature  sociale 
Laurent,   Balzac   et   Barbier 

MM.  Balzac  et  Barbier  saisissent  cette  occasion  pour 

vous  prévenir  qu'ils  ont  acheté  de  M.  Pierre  Durouchail 

-^  la  communication  de  ses  procédés  de  Fontéréotypie1. 

La  Fontéréotypie  est  l'art  d'obtenir  les  résultats  de 
la  Stéréotypie,  sans  avoir  besoin  de  la  chaudière  à 
plonger  les  matrices  ni  de  tourner,  bizoter  et  corriger 
les  pages. 

M.  Laurent  ayant  consenti  à  diriger  les  Ateliers  de 
Fontéréotypie,  a  perfectionné  les  procédés  de  M.  Du- 
rouchail de  manière  à  mettre  MM.  Balzac  et  Barbier  à 
même  de  fournir,  dans  le  plus  court  délai  possible,  tel 
nombre  de  feuilles  stéréotypées  que  l'on  pourrait  dé- 
sirer. 

(Collection  Lovenjoul,  ras.  A  260,  fol.  26.) 

La  circulaire  imprimée  porte  :  «<  tout  le  matériel  de  l'ancienne 
Fonderie...  »  Sur  l'exemplaire  que  nous  avons  eu  entre  les 
mains  ces  mots  tout  le  ont  été  rayés  à  la  plume  et  remplacés 
par  les  suivants  :  une  partie  choisie  du... 

1.  Le  billet  suivant  nous  donne  le  prix  d'achat  par  Balzac  et 
Barbier  de  l'indication  de  ce  procédé  : 

Au  quinze  mai  prochaine  année,  nous  paierons  à  Mon- 
sieur Durouchail  ou  ordre  la  somme  de  cinq  cents  francs, 
valeur  reçue  en  l'indication  de  son  procédé  de  fontéréoty- 
page  (sic). 

Paris,  ce  16  novembre  1827. 

H.  Balzac,  A.  Bakbier, 
imprimeurs,  rue  des  Marais  S.  G.,  n°  17. 


I  \  FONDERIE  BALZAC  ET  tX  303 

73      DISSOLUTION  DE  LA  SOCIÉTÉ  LAI  RENT, 
BALZAC  ET  BARBIER 

;{   frrrirr   1898, 

D'un  acte,  sons  signatures  privées  en  date  du  trois  fé- 
vrier présent  mois,  enregistré  le  six  <lu  même  mois,  folio 
cinquante  ivrlo.  rase  troisième,  pur  Labonrey  (sic)  qui  a 
reçu  cinq  francs  cinquante  centimes,  décimes  compris, 

Il  appert  : 

Que  la  Société  formée  entre  Messieurs  Jean-François 
Laurent,  H.  Balzac  et  André  Barbier,  demeurant  tous  trois 
rue  des  Marais-Saint-Germain,  numéro  dix-sept,  pour 
l'exploitation  de  la  fonderie  des  caractères  d'imprimerie. 
est  dissoute. 

Messieurs  Laurent  et  Balzac  sont  nommés  liquidateurs 
et  restent  propriétaires  de  l'établissement  de  fonderie. 

Paris,  ce  quatre  février  mil  huit  cent  vingt-huit. 

Signé  :  Laurent.         «  Signé  :  Balzac. 
Signé  :  Barbier. 

Le  dit  acte  enregistré,  à  Paris,  le  six  février  mil  huit 
cent  vingt-huit,  folio  cinquante  recto,  case  quatrième, 
reçu  un  franc  dix  centimes  décimes  compris,  et  déposé  au 
Greffe  de  ce  tribunal,  suivant  procès-verbal  en  date  du 
quinze  février  mil  huit  cent  vingt-huit  enregistré. 

(Archives  du  Greffe  du  tribunal  de  commerce  de  la  Seine.) 


1 73]  ACTE  DE  SOCIÉTÉ  ENTBE  LAURENT 

ET  BALZAC 

3  février  1828. 

Entre  les  soussignés  Jean-François  Laurent,  fondeur  en 
caractères,  demeurant  à  Paris,  rue  des  Marais  S1  G",  n.17, 
d'une  part,  et  Honoré  Balzac,  imprimeur  en  caractères, 
môme  demeure,  d'autre  part,  et  encore  Madame  Louise 
Antoinette  Laure  Hinner,  stipulant  au  nom  et  comme 
fondée  de  procuration  de  M.  Etienne,  Charles,  Gabriel  de 


364  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Berny,  son  mari,  conseiller  à  la  Cour  Royale  de  Paris,  y 
demeurant,  rue  d'Enfer  n.  55;  la  dite  procuration  passée 
devant  Me  Dubois,  notaire  à  Paris,  le  six  février  mil  huit 
cent  vingt-sept;  aussi  d'autre  part,  il  a  été  dit  ce  qui  suit  : 
Les  soussignés  désirant  continuer  l'association  formée 
entre  eux  par  acte  sous  signatures  privées  en  date  du 
quinze  juillet  dernier,  enregistré  le  19  et  qui  n'a  été  dis- 
soute que  par  suite  de  la  retraite  de  M.  A.  Barbier, 
associé  de  M.  Balzac,  pour  l'exploitation  de  la  fonderie 
des  caractères  d'imprimerie  et  de  tout  ce  qui  dépend  de 
cette  branche  de  commerce,  comme  la  polytypie,  la  gra- 
vure sur  bois,  sur  cuivre,  sur  pierre,  gravure  de  carac- 
tères, &c.  ils  ont  reconstitué  leur  société  sur  les  mêmes 
bases  que  celles  consenties  dans  l'acte  du  quinze  juillet 
sus-mentionné  et  ainsi  qu'il  suit  : 

Article  premier 

Il  y  a  société  entre  les  sieurs  Jean  François  Laurent  et 
Honoré  Balzac  et  Madame  de  Berny  pour  l'exploitation 
de  la  fonderie  des  caractères  d'imprimerie  et  de  tout  ce 
qui  dépend  de  cette  branche  de  commerce.  La  société 
sera  en  nom  collectif  à  l'égard  de  MM.  Laurent  et  Balzac 
et  en  commandite  seulement  à  l'égard  de  Made  de  Berny. 

Article  2 

La  durée  de  la  société  sera  de  douze  années  qui  auront 
commencé  à  partir  du  premier  août  dernier. 

Article  5 

La  mise  de  fonds  social  de  M.  Laurent  se  compose  de 
tous  les  ustensiles,  matrices,  poinçons,  moules,  outils  et 
objets  mobiliers  généralement  quelconques  qui  compo- 
saient la  fonderie  exploitée  par  lui,  rue  du  Four  S1  G", 
n.  11,  lesquels  objets  mobiliers  ont  été  énumérés  dans  un 
inventaire  qui  a  été  fait  quadruple  par  l'ancienne  société; 
cet  inventaire  continuera  à  être  annexé  au  présent  acte 
de  société  pour  servir  et  valoir  ce  que  de  raison;  le  tout 
a  été  estimé  contradictoirement  entre  les  soussignés  la 
somme  de  dix-huit  mille  francs. 

M.  Balzac  ayant,  sur  l'apport  de  sa  mise  de  fonds  social 
et   celle  de  Madame    de  Bernv,   toutes  deux   ensemble. 


LA  hONDERIE  BALZAC  ET  C«.  365 

égales  à  celle  de  M.  Laurent  el  stipulées  dans  l'acte  de 
constitution  de  la  société  dissoute,  versé  la  somme  de 
quinze  mille  quatre  cent  quatre-vingt  francs  •><•  centimes 
el  leur  mise  sociale  restant  la  même,  il  ne  se  trouve  plus 
obligé  que  de  verser  celle  de  deux  mille  cinq  cent  dix* 
oeuf  francs  50  centimes,  d'ici  au  premier  août  prochain 
au  fur  et  à  mesure  des  besoins  de  la  société,  pour  par 
faire  la  somme  de  neuf  mille  francs  qui  constituaient  son 
apport. 

Article  4 

Chacun  des  associés  demeure  chargé  de  ses  dettes  per- 
sonnelles. Si  la  société  jugeait  convenable  de  payer  la 
dette  personnelle  de  l'un  des  associés,  il  perdrait  pendant 
tout  le  teins  qui  s'écoulerait  entre  l'acquittement  de  la 
dette  et  le  rétablissement  de  la  somme  payée,  à  la  caisse, 
une  portion  dans  la  part  de  ses  bénéfices,  au  prorata  de 
la  somme  payée;  cette  réduction  de  sa  part  dans  les  béné- 
fices n'aurait  lieu  qu'autant  qu'il  serait  plus  de  quatre 
vingt-dix  jours  à  rétablir  la  somme  payée  pour  lui. 

Article  5 

Le  siège  de  la  société  continuera  à  être  fixé  rue  des 
Marais  S1  Gn,n.  17,  dans  l'établissement  de  Monsieur  Balzac. 

Article  6 

En  leur  qualité  d'associés  en  nom  collectif,  MM.  Lau- 
rent et  Balzac  auront  des  droits  égaux  à  la  gestion  et  à 
l'administration  de  l'établissement  en  tout  ce  qui  concer- 
nera les  détails  tels  que  marchés,  achats,  fabrication, 
correspondance,  comptabilité,  etc.  Mais  cependant,  M.  Lau- 
rent aura  particulièrement  la  direction  de  la  fabrique  et 
des  ateliers,  achats  en  matière,  ventes,  etc.,  et,  afin  de 
faciliter  la  surveillance  des  ateliers,  la  société  continuera 
à  loger  M.  Laurent  dans  l'établissement. 

M.  Balzac  tiendra  la  caisse,  les  écritures,  la  comptabilité 
et  sera  chargé  de  tous  les  mouvemens  de  fonds,  négo- 
ciations, etc. 

Les  livres  continueront  d'être  tenus  en  parties  doubles. 
M.  Laurent  promet  par  ces  présentes  de  s'occuper  de  la 
direction  des  ateliers  de  la  dite  fonderie,  exclusivement  à 
toute  autre  entreprise  commerciale  du  même  genre  ou  de 


366  LA  JEUNESSE  DL  BALZAC. 

quelque  nature  que  ce  soit;  et  les  effets  de  l'infraction  à 
la  présente  obligation  seront  réglés  ci-après,  article  18. 

Néanmoins,  M.  Laurent  pourra  autoriser  Made  Laurent, 
son  épouse,  ou  ses  enfans  à  entreprendre  le  commerce, 
pourvu  qu'ils  soient  séparés  de  biens  avec  lui,  de  manière 
à  ce  qu'ils  ne  puissent  engager  la  présente  société  et  que 
le  commerce  par  eux  entrepris  ne  soit  pas  du  ressort  de 
la  fonderie  et  de  tout  ce  qui  la  concerne;  ne  seront  pas 
considérés  comme  une  dérogation  au  présent  article,  les 
services  que  M.  Laurent  pourra  rendre  soit  à  ses  amis,  à 
l'étranger  ou  en  province,  lorsqu'ils  seront  purement 
gratuits  et  non  préjudiciables  à  la  présente  société. 

Article  7 
Les  associés  partageront,  aux  époques  qui  seront  déter- 
minées ci-après,  les  bénéfices  par  moitié,  savoir  :  M.  Lau- 
rent, une  moitié  et  M.  Balzac  et  Madame  de  Berny,  l'autre 
moitié  par  portions  égales  ;  ils  subiront  les  charges  et  les 
pertes  dans  les  mêmes  proportions. 

Article  8 

Les  charges  de  la  société  se  composeront  :  1°  du  loyer 
entier  du  local  qui  sera  occupé  par  la  fonderie;  2°  des 
impositions  et  de  la  patente  de  la  fonderie  ;  3°  des  paie- 
mens  à  faire  aux  ouvriers;  4°  de  l'acquittement  de  som- 
mes dues  pour  acquisitions  faites  par  la  Société  et  pour 
les  besoins  de  la  fabrication. 

Article  9 

Indépendamment  des  charges  ci-dessus  stipulées,  les 
associés  gérans  auront  le  droit  de  prélever  la  somme  de 
quatre  mille  huit  cents  francs  par  année  pour  leurs 
besoins  personnels,  à  savoir  :  deux  mille  quatre  cents 
francs  pour  M.  Laurent  et  deux  mille  quatre  cents  francs 
pour  M.  Balzac  ;  lequel  prélèvement  sera  considéré  comme 
une  charge  sociale. 

M.  Laurent  ne  supportera  personnellement  qu'une 
charge  nouvelle  de  quatre  cents  francs  sur  le  prix  du 
logement  qui  lui  est  donné  par  la  société. 

Article  10 

Tous  les  ans,  au  mois  de  septembre,  il  sera  fait  un 
inventaire  régulier  de  l'actif  et  du  passif  de  la  société,  à 


LA  FONDERIE  B  tLZAC  ET  C».  567 

l'effet  de  constater  les  bénéfices  ou  les  pertes.  <>t  mven 
taire  contiendra  I»'  pri\  exact  de  chaque  objet  nouvelle 
menl  acquis  et  les  objets  anciens  seront  portés  au  prix 
fixé  dans  l'apporl  de  Mons.  Laurent.  Les  objets  nouvelle 
ment  acquis  subiront  tous  les  quatre  ;ms  une  dépréciation 
«  i  ■  *  quinze  pour  cent.  Les  objets  qui  périssenl  par  l'usage 
disparaîtront  <l»j  l'inventaire.  L«'s  objets  anciens  subiront 
aussi,   tous  les  quatre  ans,    une  dépréciation   de   cinq 
pour  •■«'ui . 

Les  bénéfices  à  partager  se  composeront  de  toutes  i<>n 
valeurs  pécuniaires  liquides  qui  se  trouveront  en  caisse 
el  dont  un  quarl  au  moins  devra  rester  pour  le  service  de 
l'année  courante. 

Article   1 1 

La  raison  de  commerce  sera  :  Laurent  et  Balzac. 

Article  12 

M.  Balzac,  étant  spécialement  chargé  de  la  caisse  et  du 
maniement  des  fonds,  pour  que  les  effets  de  commerce, 
obligations,  traites,  brefs  engagemens,  endossemens  que 
les  besoins  de  la  société  nécessiteront  soient  obligatoires 
pour  elle,  ils  ne  devront  être  souscrits  que  par  M.  Balzac 
qui  aura  seul  la  signature  sociale;  et  la  société  ne  sera 
engagée  qu'autant  que  les  signatures  auront  été  données 
pour  cause  de  valeurs  à  elle  fournies  et  résulteront  des 
opérations  inscrites  sur  les  registres. 

Article  13 

La  société  sera  dissoute  :  1°  par  l'expiration  du  terme 
de  douze  années;  2°  par  l'infraction  dont  il  a  été  parlé  à 
l'article  6  des  présentes.  La  société  pourra  être  dissoute  : 
1°  par  la  mort  de  M.  Laurent,  mais  sous  les  conditions  qui 
seront  stipulées  dans  les  articles  15  et  16;  2°  par  le  décès 
de  M.  Balzac,  sous  les  conditions  stipulées  dans  l'article  17. 

Article   !  i 

Lors  de  la  dissolution  de  la  société  par  l'expiration  des 
douze  années,  les  associés  s'entendront,  à  cette  époque, 
sur  le  meilleur  mode  de  liquidation  à  intervenir;  mais, 
dans  tous  les  cas,  le  matériel  composant  le  fonds  social 
ne  pourra  jamais  être  partagé  en  nature  que  d'un  consen- 
tement unanime. 


368  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

X 

Article  K> 

Arrivant  le  décès  de  M.  Laurent,   la   dissolution  de  la 
société  n'aura  lieu  que  sous  l'empire  des  clauses  et  condi- 
tions suivantes  :  ses  héritiers  auront  la  faculté  de  conti- 
nuer l'association  sur  les  bases  du  présent  acte  de  société, 
sous  la  condition  du  prélèvement  dont  il   sera   ci-après 
parlé.  Ils  auront  le   délai  d'un  mois  pour  exercer  cette 
faculté.  Le  mois  expiré,  ils  seront  tenus  d'opter  entre  la 
continuation  de  la  société   et  le  remboursement  qui  va 
être  stipulé  ci-dessous  :  ce  délai  d'un  mois  ne  commencera  à 
courir  qu'à  partir  de  la  présentation  par  les  associés  res- 
tant d'un  état  de  situation  de  l'actif  et   du   passif  de  la 
société,    lequel  sera  basé   sur  le    précédent    inventaire. 
M.  Balzac  aura  un  délai  d'un  mois  pour  présenter  cet  état 
de  situation.  Si  les  héritiers   de  M.  Laurent  continuent 
l'association,  ils  n'auront  pas  droit  à  la  portion  du  prélè- 
vement stipulé  dans  l'article  9  et  revenant  à  M.  Laurent 
comme  associé    gérant;   ce  prélèvement  sera  affecté  au 
paiement   de  l'individu  qui   sera   commis  à  son  lieu   et 
place.  Les  héritiers  de  M.  Laurent  seront  tenus  de  n'être 
représentés  que  par  une  seule  personne;  et  dans  le  cas  où 
il  ne  se  trouverait  pas  d'héritiers  du  nom  de  Laurent,  la 
raison  sociale  serait  Balzac  et  Cie.  Les  héritiers  de  M.  Lau- 
rent seront  également  tenus  de  rester  associés  par  moitié 
comme  leur  auteur  et  sous  son  nom,  d'après  les  bases  du 
présent  acte  de  société,   pendant  le  laps  de  temps  qui 
s'écoulerait  entre  le  décès  de  M.  Laurent  et  leur  option 
pour  le  remboursement  qui  va  être  stipulé.  La  société  ne 
sera  dissoute  et  la  liquidation  ne  commencera  qu'à  dater 
du  jour  où  ils  auront  signifié  à  M.  Balzac  qu'ils  n'enten- 
dent pas  continuer  l'association.  Si  les  héritiers  renoncent 
à  la  faculté   qui    leur  est   laissée   de   continuer  la   dite 
société,  ils  ne  pourront  rien  exiger  autre  chose   que  le 
remboursement  intégral  du  capital  représentant  leur  por- 
tion d'intérêt,  lequel  capital  sera  fixé  d'après  un  inven- 
taire qui  sera  fait  dans  la  même  forme  et  par  les  mêmes 
moyens    que   ceux    employés  pour   l'inventaire   annuel, 

prélèvement  fait  du  fonds  nécessaire  à  l'acquittement  dos 

dettes  de  la  société  et  sauf  rencaissement  de  tout  ce  qui 

pourra  lui  être  dû. 


I  A  FONDERIE  BALZAC  Et  <>.  309 

La  liquidation  faite  el  le  capital  Axé,  M.  l^i*!^---!*-  aura  lu 
faculté  de  jouir  d'un  délai  de  quatre  années  pour  effectuer 
le  remboursement  dudil  capital  m  huit  paiements  égaux 

qui  se  feront   <lr   six    mois   en    six   mois    avec    intérêts  à  six 

pour  cenl  par  an,  <|ui  commenceront  à  courir  <ln  jour  on. 
la  liquidation  terminée,  le  capital  aura  été  fixé. 

Article  H> 
Les  clauses  el  conditions  stipulées  dans  l'article  précé- 
dent,  quant  à  la  continuation  de  la  société,  ne  concernent 
que  les  enfans  légitimes  de  M.  Laurent.  Sa  veuve  aura  les 
mêmes  droits  mais  au  cas  seulement  où  elle  ne  convole- 
rait pas  en  secondes  noces.  Les  héritiers  collatéraux, 
créanciers  ou  ayant  cause  autres  que  la  veuve  et  les 
enfans  légitimes  de  M.  Laurent  seront  tenus  d'accepter 
le  remboursement  tel  qu'il  est  stipulé  dans  l'article  précé- 
dent et  d'après  les  mêmes  bases.  Dans  ce  cas,  la  société 
seraitdissouteimmédiatementaprèsledécèsde  M.  Laurent. 

Article  17 

Arrivant  le  décès  de  M.  Balzac,  ses  héritiers  ou  ayant 
cause  seront  soumis  aux  conditions  stipulées  pour  les 
héritiers  Laurent  dans  les  articles  15  et  16,  sous  les  modi- 
fications suivantes  :  Pendant  les  deux  mois  qui  peuvent 
s'écouler  entre  le  décès  de  M.  Balzac  et  l'option  laissée  à 
ses  héritiers,  la  société  sera  gérée  par  M.  Laurent,  sous 
sa  seule  responsabilité;  il  aura  la  signature  sociale  et  ne 
pourra  en  faire  usage  que  pour  les  endossemens.  Dans  le 
cas  où  les  héritiers  de  M.  Balzac  jugeraient  convenable 
de  vendre  son  imprimerie,  M.  Balzac  réserve  spécialement 
à  ses  héritiers,  ce  qui  est  accepté  par  M.  Laurent,  le  droit 
de  vendre  également  leur  portion  d'intérêt  dans  la  pré- 
sente société,  et  M.  Laurent  serait  tenu  d'accepter  les  suc- 
cesseurs de  M.  Balzac  comme  associés  gérans  aux  mêmes 
conditions  et  sur  les  mêmes  bases  que  celles  stipulées 
dans  le  présent  acte  de  société,  sauf  les  modifications 
apportées  à  la  signature  sociale  qui  seront  réglées  à 
l'amiable.  De  son  côté,  M.  Laurent  aura  le  droit  d'arrêter 
l'effet  de  cette  dernière  clause  en  payant  aux  héritiers  de 
M.  Balzac  une  plus-value  qui  ne  pourra,  dans  aucun  cas. 
excéder  le  quart  du  capital  social  qui  leur  reviendra. 

24 


370  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Article  18 

La  dissolution  ayant  lieu  par  l'infraction  dont  il  a  été 
parlé  dans  l'article  six,  M.  Laurent  subirait  la  perte  entière 
de  sa  portion  de  capital. 

Article  19 

Dans  le  cas  où,  dans  l'intérêt  de  la  présente  association, 
les  associés  jugeraient  convenable  d'augmenter  le  fonds 
social,  chacun  desdits  associés,  même  le  commanditaire, 
serait  tenu  de  contribuer,  au  prorata  de  sa  mise  sociale, 
à  ce  versement  qui  sera  simultané  et  fait  en  espèces. 

Fait  en  triple  expédition,  à  Paris,  le  trois  février  mil 
huit  cent  vingt-huit. 

Approuvé  l'écriture  ci-dessus  et  des  autres  parts  : 

L.-A.-L.   HlNNER    DE   BERNY. 

Approuvé  l'écriture  ci-dessus  : 

H.  Balzac 

Approuvé  l'écriture  ci-dessus  : 

Laurent. 

Enregistré,  à  Paris,  le  neuf  février  1828.  f°  96  v°,  c.  .'». 
6,  7  et  8.  Reçu  cinq  francs  50  cent. 

Cette  expédition  porte  en  outre  que  le  dépôt  légal  des  pièces 
de  la  société  a  été  fait  le  vendredi  i5  février  1828  au  greffe  du 
Tribunal  de  commerce. 

L'insertion  concernant  la  formation  de  la  Société  Laurent  et 
Balzac  a  été  enregistrée  le  6  février  1828,  sous  le  n°  3840,  au 
livre  de  caisse  du  Journal  général  d  affiches. 

[Collection  Lovenjoul,  ms.  A  260,  fol.  57.) 


|74]  DÉPÔT  LÉGAL  DES  PIÈCES  DE  LA  SOCIÉTÉ 
LAURENT  ET  BALZAC 

15  février  1828. 

Extrait  des  minutes  du  greffe  du  Tribunal  de  Commerce 
de  la  Seine,  séant  à  Paris. 

Du  vendredy  quinze  février  mil  huit  cent  vingt-huit. 
Aujourd'hui  est  comparu  au  greffe  de  ce   tribunal   le 


LA  FONDERIE  BALZAC  ET  C«.  371 

sieur    Jean-François    Laurent,    fondeur    <vn    caractères, 
demeurant  à  Paris,  rue  des  Marais,  numéro  dix  sept 

Lequel,  en  conformité  des  articles  quarante  deux,  nus 
raille  trois  et  quarante-quatre,  livre  premier,  titre  troi 
sième  du  Code  <!<•  commerce,  requiert  le  dépôt,  l'enregis 
tremenl  et  l'affiche  d'un  acte  de  société  fail  à  Paris,  sous 
seing  privé,  le  trois  février  présent,  enregistré  l<-  neuf  du 

<lil  par  le  sieur  Laboure!  qui  a  reçu  la  soin  m  e  de  cinq  lia  nés 

cinquante  centimes. 

Entre  ledit  compara  ni.  d'une  part,  et  le  sieur  Honoré  Bal 
zac,  demeuranl  à  Paris,  rue  des  Marais,  numéro  dix-sept, 
d'autre  pari  : 

Desquels  dépôt,  enregistrement  el  affiche  à  In  salle 
d'audience  à  l'instant  fait  il  a  été,  audit  sieur  Laurent, 
comparant  ce  requérant,  donné  acte,  pour  servir  el  valoir 
<e  que  de  raison;  sera  ledit  acte  transcrit  en  fin  de  la  pré 
sente  expédition  et  restera  pour  minute  au  greffe  du  dil 
tribunal  et  a  le  dit  sieur  Laurent  signé  avec  nous  greffier 
après  lecture  faite. 

Signé  :  Laurent  et  Ruffin. 

En  marge  de  la  minute  est  écrite  la  mention  d'enregistre- 
ment dont  la  teneur  suit  : 

Enregistré,  à  Paris,  le  vingt-cinquième  jour  du  mois  de 
lévrier  mil  huit  cent  vingt-huit,  reçu  la  somme  de 
quatre  francs  cinquante-cinq  centimes. 

Signé  :  Gobkrt. 

Au  greffier,  douze  centimes. 
Suit  la  teneur  de  l'acte  déposé. 

Extrait  d'un  acte,  sous  signatures  privées,  en  date  du 
troisième  jour  du  mois  de  février  présent,  enregistré  le 
neuvième  jour  du  mois  de  février  mil  huit  cent  vingt- 
huit,  folio  quatre-vingt-seize  verso,  cases  cinquième^ 
sixième,  septième  et  huitième,  par  le  sieur  Labouret  qui 
a  reçu  la  somme  de  cinq  francs  cinquante  centimes. 

11  appert  qu'il  y  a  société  entre  Monsieur  Jean-François 
Laurent,  fondeur  en  caractères,  demeurant  à  Paris,  rue 
des  Marais,  numéro  dix-sept,  et  Monsieur  Honoré  Balzac, 
imprimeur,  même  demeure,  pour  l'exploitation  de  la  fon- 
derie des  caractères  d'imprimerie. 


572  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

La  durée  de  la  société  sera  de  douze  années  à  partir  du 
premier  août  mil  huit  cent  vingt-sept. 

La  raison  sociale  est  Laurent  et  Balzac.  Le  fonds  social 
se  compose  de  trente-six  mille  francs  dont  neuf  mille  francs 
sont  fournis  par  un  associé  commanditaire1. 

Monsieur  Honoré  Balzac  a  seul  la  signature  sociale  et 
la  société  ne  sera  engagée  qu'autant  que  les  effets  de  com- 
merce, obligations,  traites,  engagemens,  endossemens 
souscrits  par  lui  seul  auront  été  contractés  pour  des 
valeurs  fournies  ou  à  fournir  à  la  société  et  résultant 
d'opérations  inscrites  sur  les  livres  de  commerce. 

Paris,  ce  six  février  mil  huit  cent  vingt-huit. 

Pour  extrait,  ainsi  signé  :  Laurent  et  Balzac. 

Au-dessous  est  écrite  la  mention  d'enregistrement  dont  la 
teneur  suit  : 

Enregistré,  à  Paris,  le  neuvième  jour  du  mois  de 
février  mil  huit  cent  vingt-huit,  folio  quatre-vingt-seize 
verso,  case  neuf.  Reçu  un  franc  dix  centimes,  dixième 
compris. 

Signé  :  Labouret. 

Délivré  par  moi,  greffier  soussigné  : 

Pour  extrait  conforme. 
Ruffin. 

Insertion  a  été  faite  clans  le  Constitutionnel  du  vendredi 
15  février  1828,  n°  46,  à  la  dernière  colonne  de  la  quatrième 
page. 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  '260,  fol.  54.) 


[75]  DISSOLUTION  DE  LA  SOCIÉTÉ  LAURENT  ET 

BALZAC 

16  avril  1828. 

Entré  les  soussignés  : 

Jean-François  Laurent,   fondeur  en  caractères,  demeu- 
rant à  Paris,  rue  des  Marais  S1  G",   n°  17,  d'une  part,  et 

1.  M™'  de  Bernv. 


LA  FONDERIE  BALZAC  ET  C«.  573 

Honoré  Balzac,  imprimeur,  môme  demeura,  d'autre  part, 
il  a  été  convenu  ce  qui  suii  : 

Article  l 

La  société  formée  entre  eux  i>;>r  acte  sous  seing  privé 
du  trois  février  dernier,  enregistré  le  neuf  du  <lii  mois 
sous  La  raison  Laurent  et  Balzac  pour  la  fonderie  des 
caractères  d'imprimerie,  esl  el  demeure  dissoute  à 
compter  de  ce  j<m r. 

Article  2 

M.  J.-F.  Laurent  est  nommé  Liquidateur  de  La  dite 
société. 

Article  ."> 

MM.  Laurent  et  Balzac  se  quittent  et  déchargent  réci- 
proquement de  toutes  obligations  l'un  envers  l'autre. 

Fait  double,  à  Paris,  le  seize  avril  mil  huit  cent  vingt- 
huit. 

Approuvé  récriture  ci-dessus  : 

H.  Balzac. 

Approuvé  l'écriture  ci-dessus  : 

Laurent. 

Cet  acte  a  été  enregistré  à  Paris,  le  17  avril  1828,  f°  175  v°, 
c.  9,  5  fr.  50. 

(Collection  Lovenjoul,  m  s.  A  260,  fol.  71.) 

Extrait  des  minutes  du  greffe  du  Tribunal  de  commerce 
du  département  de  la  Seine,  séant  à  Paris. 

Du  jeudy  vingt-quatre  avril  mil  huit  cent  vingt-huit. 

Aujourd'hui  est  comparu  au  greffe  de  ce  tribunal  le 
sieur  Jean-François  Laurent,  fondeur  en  caractères, 
demeurant  à  Paris,  rue  des  Marais,  faubourg  Saint-Ger- 
main, numéro  dix-sept. 

Lequel,  conformément  aux  articles  quarante-deux,  qua- 
rante-trois et  quarante-quatre  et  quarante-six,  livre  pre- 
mier, titre  troisième  du  Code  de  commerce,  requiert  le 
dépôt,  l'enregistrement  et  l'affiche  de  l'extrait  enregistré 
d'un  acte  de  dissolution  de  société  fait,  à  Paris,  sous  seing 
privé,  le  seize  du  courant,  enregistré  le  dix-sept  du  dit 
par  le  sieur  Labouret  qui  a  reçu  la  somme  de  cina  francs 
cinquante  centimes. 


374  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Entre  le  dit  comparant,  d'une  part  :  et  le  sieur 
L.  Honoré  Balzac,  imprimeur,  demeurant  à  Paris,  rue 
des  Marais  Saint-Germain,  numéro  dix-sept,  d'autre  part. 

Desquels  dépôt,  enregistrement  et  affiche  à  la  salle 
d'audience  à  l'instant  faite  il  a  été  audit  sieur  Laurent, 
comparant  ce  requérant,  donné  acte  pour  servir  et  valoir 
ce  que  de  raison  ;  sera  ledit  acte  transcrit  en  fin  de  la  pré- 
sente expédition  et  restera  pour  minute  au  greffe  du  dit 
tribunal  et  a  le  dit  sieur  Laurent  signé  avec  nous  greffier 
après  lecture  faite. 

Signé  :  Laurent  et  Ruffin. 

En  marge  de  la  minute  est  écrite  la  mention  d'enregistrement 
dont  la  teneur  suit  : 

Enregistré,  à  Paris,  le  septième  jour  du  mois  de  mai 
mil  huit  cent  vingt-huit,  reçu  la  somme  de  quatre  francs 
cinquante-cinq  centimes. 

Signé  :  Jamin. 

Au  greffier,  douze  centimes. 

Suit  la  teneur  de  l'acte  déposé  : 

Extrait  d'un  acte,  sous  signatures  privées,  en  date  du 
seize  avril  présent,  enregistré  le  dix-sept  présent  mois, 
folio  cent  soixante-quinze  verso,  case  neuf,  par  le  sieur 
Labouret  qui  a  reçu  la  somme  de  cinq  francs  cin- 
quante centimes. 

Il  appert  que  la  société  formée  entre  les  sieurs  Jean- 
François  Laurent,  fondeur  en  caractères,  demeurant  à 
Paris,  rue  des  Marais,  faubourg  Saint-Germain,  numéro 
dix-sept,  et  Honoré  Balzac,  aussi  imprimeur,  môme 
demeure,  pour  l'exploitation  de  la  fonderie  des  caractères 
d'imprimerie,  par  acte  sous  signatures  privées,  en  date 
du  trois  février  dernier,  enregistré  le  dix-sept  présent 
mois,  folio  cent  soixante-quinze,  est  dissoute  à  compter 
dudit  jour  seize  avril. 

M.  J.  F.  Laurent  est  nommé  liquidateur. 

Fait  double,  à  Paris,  le  dix-septième  jour  du  mois 
d'avril  mil  huit  cent  vingt-huit. 

Au-dessous  est  écrit  ce  qui  suit  : 

Approuvé  l'écriture  ci-dessus  :  Signé  :  Laurent. 

Approuvé  l'écriture  ci-dessus  :  Signé  :  Balzac. 


LA  FONDERIE  BALZAC  El   Cf.  578 

Au-dessous  esl  encore   écrite   la   ntion  d'enregislremenl 

iioni  la  leneur  suii  : 

Enregistré,  à  Paris,  le  vingl  quatre  avril  mil  huit  cenl 
vingt-huit,  f<>li<>  cent  quatre-vingl  six  verso,  case  deux, 
reçu  mi  franc  <li\  centimes;  dixième  compris.  Signé  : 
Labourbt. 

Délivré  par  moi  greffier  soussigné 

Pour  exl  rail  conforme 
Ruffin. 

(Collection  Loveujoul,  ms.  A  860,  fol.  56.) 


|76]       FORMATION  DE  LA  SOCIÉTÉ  LAURENT 

ET  DE  BERNY 

16  avril  1828. 

D'un  acte  en  date  du  seize  avril  présent  mois,  enre- 
gistré le  dix-sept  par  Labourey  {sic)  qui  a  reçu  seize  francs 
six  centimes,  fait  sous  signatures  privées  entre  M.  Jean- 
Prançois  Laurent,  fondeur  en  caractères  d'imprimerie, 
rue  des  Marais-Saint-Germain,  numéro  dix-sept,  et  M.  de 
Berny  (ils,  Lucien-Charles-Alexandre,  mineur,  mais  éman- 
cipé d'Age  suivant  acte  reçu  par  le  juge  de  paix  du  don 
zième  arrondissement  de  Paris,  le  huit  avril  présent 
mois,  enregistré  et  dûment  autorisé  par  son  père  à  LelYet 
de  contracter  la  société  dont  il  va  être  parlé; 

La  dite  autorisation  donnée  suivant  acte  passé  devant 
le  même  juge  de  paix,  le  douze  avril  courant,  enregistré. 

Laquelle  autorisation  est  déposée  au  Tribunal  de  com- 
merce avec  le  présent  extrait  pour  être  affichés  ensemble: 

Le  dit  de  Berny  fils,  demeurant  chez  son  père,  rue 
d'Enfer-Saint-Michel,  numéro  cinquante-cinq. 

Il  appert  : 

Que  les  dits  sieurs  Laurent  et  de  Berny  ont  formé  une 
société  en  nom  collectif  pour  l'exploitation  de  la  fonderie 
de  caractères  d'imprimerie. 

La  durée  de  cette  société  est  de  douze  années  consécu- 
tives è  partir  dudil  jour  seize  avril. 


576  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC 

Le  siège  de  l'établissement  est  rue  des  Marais-Saint- 
Germain,  numéro  dix-sept. 

La  raison  sociale  est  «  Laurent  et  de  Berny  ». 

Mr  de  Berny  a,  seul,  la  signature  sociale,  mais  cepen- 
dant, par  convention  expresse  entre  les  dits  associés. 
M1  de  Berny  ne  devra  faire  usage  de  la  signature  que  dans 
cinq  années  à  partir  du  dit  jour  seize  avril  mil  huit  cent 
vingt-huit,  c'est-à-dire  le  seize  avril  mil  huit  cent  trente- 
trois. 

Par  acte  passé  le  dix-huit  courant,  par-devant  maître 
Mignotte  et  son  collègue,  notaires  royaux  à  Paris,  Mr  de 
Berny  a  délégué  à  Mr  A. -F.  Huet,  employé  dans  leur  éta- 
blissement et  demeurant  à  Paris,  au  faubourg  Saint-Denis, 
numéro  cent  cinq,  l'autorisation  de  signer  le  nom  de  la 
raison  sociale  «  Laurent  et  de  Berny  »  pendant  les  cinq 
susdites  années,  en  le  constituant  son  mandataire  général 
et  spécial  pour  toutes  les  opérations  de  la  société  dont  la 
gestion  lui  était  attribuée  par  l'acte  social. 

Fait  double,  à  Paris,  le  vingt  avril  mil  huit  cent  vingt- 
huit. 

Signé  :  Laurent. 

Signé  :  de  Berny. 

Le  dit  acte  enregistré,  à  Paris,  le  vingt-quatre  avril  mil 
huit  cent  vingt-huit,  folio  cent  quatre-vingt-cinq,  case 
troisième,  par  le  receveur  qui  a  perçu  un  franc  dix  cen- 
times décimes  compris  et  déposé  au  Tribunal  de  com- 
merce de  la  Seine,  suivant  procès-verbal  en  date  du  vingt- 
six  avril  mil  huit  cent  vingt-huit,  enregistré. 

(Archives  du  Greffe  du  tribunal  de  commerce  de  la  Seine.) 


APPENDICE  VIN 


LA   FAILLITE   ET  LES   DETTES 


[77]  BILLET  DE  BALZAC  A  M.  VOISIN 

Imprimerie  Paris,  le  17  juillet  182S. 

de 
H.  Balzac, 

rue  des  Marais  S. -G.,  n°  17. 

M.  Balzac  salue  bien  Monsieur  Voisin,  il  le  prie  d'avoir 
la  complaisance  de  prendre  demain  l'heure  de  midi  pour 
la  saisie  que  Monsieur  Prestat  compte  faire. 

Command' 8,85 

Saisie 12,40 

21,25 

Autre  command' 10,40 

51,65 

Suscription  du  billet  :  Monsieur  Voisin,  huissier,  rue  des 
Lavandières-S'' -Opportune,  n°  24. 

Le  28  octobre  1828,  un  sieur  Martin,  agissant  au  nom  de 
M.  Voisin,  huissier,  donne  reçu  à  M.  Sédillot  des  trente  et 
un  francs  G5  cent,  montant  des  frais  détaillés  ci-dessus. 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  259,  ln  partie,  fol.  218.) 


378  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

I78J  LETTRES  DE  M"'e  BALZAC  MÈRE 

A  M.  SÉDILLOT 

Mon  cher  cousin,  faites  tout  votre  possible  pour  que 
nous  évitions  que  l'affaire  arrive  à  la  connaissance  de 
mon  pauvre  mari,  faites  valoir  ses  83  ans,  qu'il  ne  peut  se 
déplacer,  etc.,  etc.;  j'ai  une  procuration  générale  un  peu 
ancienne,  mais  je  puis  encore  m'en  servir  pour  signer, 
dans  le  cas,  comme  autorisée.  Évitons  à  ce  bon  père  le 
chagrin  qu'il  ressentirait  de  tout  cela. 

Faites  valoir  que  le  bien  est  de  mon  côté,  qu'il  n'y  a  que 
moi  qui  peux  répondre  ou  renoncer;  mon  mari  n'a  que 
des  rentes  viagères.  On  n'a  pas  besoin  de  sa  signature  ; 
dans  sa  convalescence,  épargnons-le,  le  plus  que  nous 
pourrons. 

Je  m'en  rapporte  à  vous  sur  tout  ce  que  vous  ferez,  je 
vous  le  répète.  Dites-moi  quand  il  faudra  aller  à  Paris;  je 
veux  ne  pas  même  faire  faire  ici  la  procuration.  S'il  vous 
en  faut  une,  j'irai  chez  votre  notaire  à  Paris;  je  ne  veux 
pas  même  aller  chez  le  mien. 

Adieu,  cher  cousin,  la  petite  va  un  peu  moins  mal. 

Vous  feriez  peut-être  bien  de  demander  à  Honoré  les 
reçus  de  toutes  les  sommes  que  j'abandonne,  et  dont  je 
réponds;  du  reste,  je  m'en  rapporte  à  vous  sur  tout. 

[Balzac,  née  Sallambier.] 

Lettre  adressée  à  M.  Charles  Sédillot. 

[Arch.  de  M.  Sédillot.) 


[79J    A  Monsieur  Sédillot,  rue  des  Déchargeurs,  n°  10. 
Versailles,  le  20  juillet  à  11  heures  [1828]. 

Mon  cher  cousin,  nous  recevons  à  l'instant  votre  lettre 
et  m'empresse  d'y  répondre.  Votre  amitié  et  votre  inter- 
vention dans  notre  malheureuse  affaire  est  la  seule  conso- 
lation que  je  pouvais  recevoir. 

Je  vous  autorise,  mon  cher  cousin,  à  prendre  tous  les 
engagements  qui  vous  paraîtront  nécessaires  pour  ter- 
miner l'affaire  de  mon  fils  aîné,  comme  vous  le  feriez  pour 


I.A  I  Al  II  1 1  i:  ET  LES  DETTES  579 

vous-même;  m'eng&geani  à  reconnaître  tout  ce  que  vous 
tel»'/.  Dotammenl  pour  la  renonciation  aux  sommes  qui 
peuvent  nous  être  dues,  H  pour  la  garantie  de  ma  pari 
•  lu  règlement  d'ouvrages  qui  restenl  à  faire,  <-i  <jm  * l r »i \ « •  1 1 1 
être  employés  aux  payements  arriérés  des  ouvriers,  M'en 
rapportant  entièrement  à  vous,  j'attendrai  \<>ir<'  avis  pour 
me  rendre  à  Paris  signer  toutes  les  conditions  <|n<>  vous 
aurez  souscrites  pour  moi. 

Recevez,  cher  cousin,  cl  mes  remerclments  h  i  exprès 
sion  de  ma  reconnaissance  pour  vos  lions  offices  dans  cette 
circonstance  malheureuse. 

Toute  à  vous. 

Balzac,  née  Sallambier. 

(Arch.  de   M.  Sédillot.) 


[80]  ÉTAT  DE  LA  SITUATION 

DU  SIEUR  HONORÉ  BALZA<: 

Imprimeur 

demeurant  à  Paris,  rue  des  Marais,  n°  17, 
faubourg  St-Germain1. 

PASSIF 

Créances  par  billets  et  obligations. 

Barbier,  rue  de  Vaugirard,  n°  17.  maison  Baudouin 12000   • 

Laurens,  à  Viilers-Cotteret 50  000  .. 

Tc-plier,  quoi  de  Gévree,  n-  ».  .  .  .  j       «  £■-     j"     %£  j         «,,* 

/  1-  50  juin  —        556,15  \ 

Constant  Chantpie, Palais-Royal,  Ga-  \  :   5^  Juln  52    "  f 

557     »  > 

5; 

\  5°  50  septembre 


lerie  de  bois,  n-  264 ^  3°  50  jllin  ~       357    '  >        2563'13 


/  4"  15  août  -         550    »  \ 

\  5°  50  septembre        1000    »  / 
Auguste  Près  ta  t,  rue  de  la  Poterie.   .  50  juin         1828  525,90 

V-CavaignacrueSt-Julien-le-Pauvre  j   f."  ^î  J""1.        ,~        ',M'    "  j         1096 

'    1    lo  février     1829      <>îb     »  ) 

Lacroix,  rue  du  Cherche-Miiiy   ....  15  juillet      —  150 

De  Berry,  papetier  rue  St-Séverin.  .  15  juillet      —  249,06 

A  reporter 47066,35 

1.  M.  Sédillot  a  annoté  cet  état  à  l'encre  rouge;  ses  annota- 
tions sont  imprimées  ici  en  caractères  italiques. 


580 


LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 


Wadington 

Dupré 

ProsperChaput,papelier,rueSt-André- 
des-Arls. 

D revêt,   papetier,    rue   d'Anjou-Dau-  i 
phine ( 

Firmin  Didot,  rue  Jacob < 

Barbier,  serrurier \ 

Maheu,  Jean * 

Giroudot,  mécanicien,  rue  du  Val-de- 
Grâce 


Montgolfier,  rue  St-Germain,  n°  14.   .  < 

Durouchail,  graveur,  rue  des  Grands-   ( 

Augustins,  n*  25 \ 

Oudot,  rue  de  Vaugirarcl,  n°  122  ..   . 

Cuisin,  rue  de  la  Harpe,  n°  13  .   .   .   . 

Lamothe,    rue    St-Germain-des-Prés,  < 

n°9 \ 

Beaurain,  rue 

Lecœur,  rue 

Malher  et  C",  passage  Dauphine.   .   . 

Henry  Didot,  Legrand  et  Cio,  rue  de  i 
Vaugirard \ 

Henry  Prestat,  rue  des  Bourdonnais,  i 
n°  9. | 

Fauqueux,  rue  de  Richelieu,  n°  18  .    .   ] 

Hanu,  rue 

Hy,  rue  Poupée 

Cabany,  rue  Ste-Avoie  (en  faillite)  .   . 
Delmas,  rue  du  Chemin-  Verd,  n°  2     . 


Report. 

15  juillet      — 
15  juillet      — 
17  juillet      — 
17  août 
17  septembre 
17  octobre 
51  octobre 
25  décembre 
31  mai  — 

31  juillet  — 
15  août  — 
31  juillet      — 

30  septembre       : 
15  novembre 

31  décembre 
31  juillet      — 

30  septembre 

31  juillet      — 
17  septembre 

8  août  — 

31  janvier  — 

28  février  — 

30  avril  — 
15  août  — 
15  septembre 
28  février  — 
15  mars  — 
15  août 

15  octobre    — 
20  août 

31  août 

31  janvier     — 

31  août 

1  octobre  — 

15  octobre  — 

15  octobre  — 

31  octobre  — 

31  octobre     — 

30  novembre 

31  janvier  — 
50  novembre 
31  janvier  — 
28  février  — 
25  décembre 
31  janvier  1828 
28  février    — 


244,80 
629.70 


1000 
661 


400 
400 
733 
601 
932 


»   I 


47  066,35 

196,97 
170  » 


2  915  » 


1 140  >» 

4  048  » 

400» 
400  • 

2  700  »> 

2  690,50 

1000  » 
306,70 
874,50 

156  » 

150  ■ 
157,10 

1661  » 
695,45 
800  » 

2  266  i 

848  » 
123  • 
435,25 
500  • 


;i  659,82 


LA  FAILLITE  i:i    LES  DETTES.  381 

Report 71660,82 

Créancière  par  facture*. 

Oudot,  marchand  <!<■  Imis.  pue  de  Vauglrard,  a*  2 68,60 

Meyé 5oo  khi 

Giroudol 200 

Montgolfler, quai  de  la  Cité ii«.) 

Gagné,  quai  de  Gèvraa,  n*  10 5Jo,o.5    500 

llv.  rue  Poupée M 

Orcaly*,  marchand  de  plâtre 50» 

Cornuault  et  Poret,  rue  du  Four-St-Honoré,  n*  9 170  • 

Lacroix,  rue  du  Cherche-Midy,  nn  20 130 

Preatat  Henry  (frala  de  bail).  Payé  par  Ch.  Séd 269.50 

Joson  et  Chauvet,  rue  Courte-Affaire 1/3, ç5    i  il  » 

Cuiain,  rue  de  la  Harpe,  11°  13 167  ■• 

Montgolfler,  rue  de  Seine 5o8           600  » 

Fradelisy M8  ■ 

75481,92 

M    et  Mad.  Balzac,  à  Versailles 37  000  » 

103081,92* 

Certifié  véritable,  le  seize  août  mil  huit  cent  vingt-huit. 

H.  Balzac.  Meyé.  Barbier.  3822.10 

Actif  estimé  approximativement  ainsi  qu'il  suit  : 

1*  Brevet •       .  22.000 

2«  Matériel  de  l'inventaire  de  1827,  fonte  18  513'  11.  .   • 16.000 

3°  Acquisitions  de  fonte  du  1"  juillet  1827  au  1"  juillet  1828.    Environ 

10000  1,  au  prix  commun  de  2  fr.30 11.000 

i°  Fonte  montée  au  1"  juin  1827 500 

5*  Presses  au  1"  juin  1827 8.000 

6'  Mobilier  industriel  dans  lequel  se  trouve  (sic)  155  châssis  en  fer.  .  .  .  4.000 
7*  Acquisitions  présumées  depuis  le  1"  juillet  1827  jusqu'au  1"  juillet  1828 

dont  80  châssis  environ 3.000 

8*  Compositions  conservées 2.500 

67.000 

Certifié  véritable  comme  [compte?] 

H.  Balzac, 
Meyé,  Barbier. 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  259,  2*  partie,  fol.  2.) 

1.  Ce  nom  est  écrit  ailleurs  Orzali  par  Balzac. 

2.  L'erreur  d'addition   existe  ainsi   dans  l'original.  Le   total 
devrait  être  de  113.081,92. 


382  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

[81]         VENTE  DE  L'IMPRIMERIE  A  BARBIER 

H  août  1828. 

Entre  les  soussignés,  créanciers  sérieux  et  légitimes  du 
s1  Balzac,  d'une  part, 

Et  le  dit  sr  Honoré  Balzac,  imprimeur,  dem1  à  Paris, 
rue  des  Marais,  n°  17,  d'autre  part, 

2°  Le  s1  Barbier,  employé,  dem1  à  Paris,  rue  du  Plàtre- 
S'-Jacques,  n°  24,  encore  d'autre  part, 

5°  Et  le  sr  Balzac,  propriétaire,  dem1  à  Versailles,  et  la 
dame  son  épouse  de  lui  autorisée  à  l'effet  des  présentes 
et,  en  outre,  sa  mandataire  spéciale,  suivant  acte  devant 
Me  Guiiïrey,  notaire  à  Paris,  en  présence  de  témoins,  le 
douze  août  mil  huit  cent  vingt-huit,  enregistrée,  encore 
d'autre  part, 

A  été  dit,  convenu  et  arrêté  ce  qui  suit1  : 

Art.  1er.  —  Mr  Balzac  vend,  cède,  transporte  et  aban- 
donne, du  consentement  de  MM.  les  créanciers  soussi- 
gnés, à  M'  Barbier,  ce  acceptant,  pour  lui,  ses  héritiers  et 
ayant  cause,  son  fonds  de  commerce  d'imprimerie,  maté- 
riel, fonte,  presses,  mobilier  industriel,  marchandises, 
papier  blanc,  ses  droits  au  brevet  d'Imprimeur,  et  enfin 
tout  ce  qui  dépend  du  commerce  de  l'imprimerie.exploité 
par  le  dit  sr  Balzac. 

Art.  2me.  —  La  présente  vente  est  faite  moyennant  la 
somme  de  soixante-sept  mille  francs,  laquelle  sera  payée 
par  M.  Barbier, 

Savoir  :  aux  créanciers  porteurs  de  bil- 
lets relatifs  au  commerce  d'imprimerie  la 
somme  de 29,650  fr.  82 

2°  Aux  créanciers  par  factures  et  comptes 
courants  environ  celle  de 2  500      » 

82  150  fr.  82 

3°  A  M.  Laurence  (sic)  à  valoir  sur  le  mon- 
tant de  sa  créance  vingt-deux  mille  huit 
cent  quarante-neuf  francs  12  c.  mais  avec 

t.  Les  annotations  faites  à  l'encre  rouge  par  M.  Sédillol  sili- 
ce traité  sont  imprimées  ici  en  caractères  italiques. 


LA  FAILLITE  ET  LES  DETTES.  583 

intérêts  des  dits  22  849  r.  12,  le  toul  dans  le 

terme    des    conventions    prises  avec    lui    le 

quatre  avril  1826 22  <Si(.)  IV.  l£ 

i°  El  la  somme  «le  douze  mille  francs  qui 
servira  à  éteindre  1rs  obligations  souscrites 
par  ledit  sr  Balzac,  au  profil  <lu  sr  Barbier  .     12  000      » 

Somme  égale  ...    07  000  fr.  M 

Art.  .>"'.  La  somme  de  vingt-neuf  mille  six  cenl  cin 
quante  francs  82  cent,  et  deux  mille  cinq  cents,  au  total 
trente-deux  mille  cent  cinquante  francs  82  cent.,  néces- 
saire pour  payer  les  créanciers  porteurs  de  billets,  fac- 
tures et  comptes  courants,  sera  payée  par  M.  Barbier  à 
MM.  les  créanciers,  acceptant,  en  six  paiements,  savoir  : 
le  premier  qui  sera  d'un  sixième  dans  six  mois  à  compter 
«lu  jour  où  tous  les  créanciers  auront  signé  les  présentes, 
le  second  qui  sera  d'un  sixième,  six  mois  après  le  premier 
paiement  et  ainsi  de  suite  de  six  mois  en  six  mois,  le  tout 
sans  intérêts.  Les  fonds  seront  versés  entre  les  mains  des 
commissaires  ci-après  nommés  qui  les  répartiront  aux 
créanciers. 

Comme  la  somme  de  trente-deux  mille  cent  cinquante 
francs  82  cent,  ci-dessus  sera  insuffisante  pour  désinté- 
resser les  créanciers  porteurs  de  titres,  factures  et 
comptes  courants,  M1  Balzac  s'engage  à  parfaire  la  somme 
qui  sera  nécessaire  pour  payer  le  surplus  qui  est  fixé  à  la 
somme  de  deux  mille  deux  cent  vingt-neuf  francs,  c'est-à- 
dire  que  le  s'  Balzac  se  charge  du  paiement  des  créances 
ci-après,  savoir  : 

Aux  sieurs  Buisson Payé  à  ce  500  800 

Déro Vayé  350 

Fleuriet 86 

(  payé  150  ) 

Chaumont —    150  [  500 {sic) 

[    -     100) 

Sédillot débité  187 

Chanu payé  500 

Nacquart payé  206 

Fr.      2  229 


584  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Lesquels  créanciers  ont  déclaré  conserver  M'  Balzac 
seul  pour  débiteur  et  renoncent  à  exercer  toute  espèce 
de  droits  contre  le  s1'  Barbier. 

Art.  4mc.  —  Mr  et  Mde  Balzac,  père  et  mère  du  s1  Balzac, 
renoncent  à  jamais  à  exercer  aucune  répétition  contre  le 
s'  Barbier,  ni  sur  l'actif  qui  lui  est  vendu  à  raison  de  leur 
créance  contre  leur  fils  s'élevant  à  trente-sept  mille  six 
cents  francs,  réservant  néanmoins  tous  leurs  droits  contre 
ce  dernier,  lesquels  ils  exerceront  comme  bon  leur  sem- 
blera. 

Art.  5me.  —  A  l'égard  du  remboursement  des  créances 
diverses,  Mr  Balzac  les  abandonne  à  Mr  Barbier,  à  la 
charge  par  lui  de  payer  ce  qui  est  dû  aux  ouvriers,  mais, 
à  cet  égard,  il  sera  pris  des  arrangements  particuliers  à 
l'effet  d'assurer  au  premier  la  rentrée  de  la  dite  créance 
et  au  second  qu'il  ne  sera  pas  inquiété  ultérieurement 
par  les  dits  ouvriers.  Mr  Barbier  prendra  avec  les  dits 
ouvriers  tels  arrangements  que  bon  lui  semblera  pour  le 
paiement  qu'il  s'engage  de  leur  faire. 

Art.  6me.  —  M1  Balzac  s'engage  à  payer  à  M1  Laurence 
{sic)  tout  ce  qui  lui  restera  dû  après  paiement  de  vingt- 
deux  mille  huit  cent  quarante-neuf  francs  12  cent,  que 
Mr  Barbier  doit  lui  payer  sur  le  dit  principal,  laquelle 
somme,  restant  due,  ne  sera  imputable  que  sur  les  der- 
niers termes  de  la  dite  créance,  mais  portera  intérêts 
ainsi  qu'il  est  stipulé  en  son  titre  de  créance,  ce  qui  est 
accepté  par  Mr  Laurence  (sic)  qui  consent  à  n'avoir  plus 
que  le  dit  s1  Balzac  pr  débiteur  du  dit  surplus  de  prix, 
consentant  à  décharger  Mr  Barbier  de  toutes  choses  à  ce 
relatives. 

Art.  7me.  —  Mr  Barbier  s'engage  en  outre  à  rembourser 
à  Mr  Balzac  la  somme  de  deux  mille  francs  pour  les  six 
mois  payés  d'avance  pour  les  loyers,  comme  aussi  il  s'en- 
gage à  prendre  les  papiers  blancs  étant  en  magasin,  éva- 
lués par  M.  Balzac  à  la  sme  de  mille  francs,  mais  sauf 
l'estimation  qui  sera  faite  à  cet  égard. 

Les  dites  sommes  seront  payées  à  Mr  Balzac  par  sixième 
de  six  mois  en  six  mois  et  sans  intérêts,  comme  il  est  dit 
en  l'article  troisième  ci-dessus. 


LA  FAILLITE  ET  LES  DETTES.  588 

Sur  les  premiers  sixièmes  Mr  Barbier  retiendra  :  1°  ce 
qu'il  sera  tenu  de  payer  pour  contributions  arriérées  dues 
par  M1  Balzac;  2"  la  s""  de  mille  francs  pour  le  terme  des 
loyers  échus  le  quinze  juillet  mil  huit  cent  vingl  huit  et 
dus  par  Mr  Balzac;  3°  tout  ce  qui  sera  payé  aux  créanciers 

porteurs  «le  faelures  et  cl,s  courants  au-dessus  de,  la  s""  de 
deux  m  il  Ki  cinq  cents  francs  ci-dessus. 

A  ht.  8 —  Mr  Balzac  s'engage  à  faire  à  Mr  Barbier  le 

transport  du  bail  des  Lieux  où  il  exploite  le  dit  établisse- 
ment et  à  faire  accepter  le  dit  transport  par  le  proprié- 
taire, condition  de  rigueur  et  sans  l'exécution  de  laquelle 
les  présentes  seront  nulles  et  non  avenues. 

Art.  l)""'.  —  Faute  par  Mr  Barbier  de  payer  le  premier 
ou  l'un  des  subséquents  paiements  dans  les  délais  ci- 
dessus  lixés,  il  sera  déchu  du  bénéfice  du  terme  à  lui  ac- 
cordé, et  MM.  les  créanciers,  désignés  à  l'art.  3mc,  rentre- 
ront dans  la  plénitude  de  leurs  droits  et  action  contre  lui, 
pour  le  paiement  de  leur  créance  ;  ils  pourront,  en  consé- 
quence, exercer  toutes  les  poursuites  que  bon  leur  sem- 
blera, faire  vendre  son  établissement,  le  matériel  et  mobi- 
lier en  dépendant  et  en  partager  le  prix. 

Art.  10mc.  —  Pour  veiller  à  l'exécution  des  pré- 
sentes, Mrs  les  créanciers  nomment  pour  commissaires 
MM.  Alexandre  Montgolfier  et  Malher,  lesquels  ont  ac- 
cepté et  sont  chargés  de  recevoir,  h  chaque  échéance,  les 
6  versements  que  devra  faire  M1  Barbier,  ainsi  qu'il  est 
dit  ci-dessus,  et  en  feront  la  répartition  aux  créanciers. 

Les  dits  commissaires  devront  également  surveiller  les 
opérations  du  s1'  Barbier  qui  sera  tenu  de  leur  communi- 
quer ses  livres  à  toutes  réquisitions  et  au  moins  tous  les 
trois  mois. 

Et  dans  le  cas  où  MM.  les  commissaires  trouveraient 
que  l'établissement  du  sr  Barbier  n'est  pas  conduit  de 
manière  à  donner  aux  créanciers  toute  sûreté,  ils  devront 
réunir  les  créanciers,  leur  faire  leur  rapport,  et  alors 
M's  les  créanciers  prendront  telles  mesures  qu'ils  jugeront 
convenable. 

Art.  llme.  —  MM.  les  créanciers  s'engagent  dès  à  pré- 
sent à  suspendre  toutes  poursuites  contre  le  sr  Balzac  et 

25 


586  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

le  sr  Barbier,  et  s'obligent  à  retirer  de  la  circulation  tous 
les  titres  qu'ils  auraient  pu  y  mettre  et,  en  tous  cas,  à 
garantir  les  srs  Balzac  et  Barbier  de  toutes  poursuites  qui 
pourraient  être  exercées  par  des  tiers  ;  ils  réservent  néan- 
moins tous  leurs  droits  contre  les  coobligés  aux  titres 
dont  ils  sont  porteurs  autres  que  les  srs  Barbier  et  Balzac 
et  ce  sans  novation. 

Art.  12me.  —  Au  moyen  des  présentes,  Mrs  les  créanciers 
quittent  et  libèrent  M1'  Balzac  et  reconnaissent  Mr  Barbier 
pour  leur  seul  débiteur. 

Art.  13me.  —  Les  présentes  seront  nulles  et  non  avenues 
dans  le  cas  où  les  créanciers  n'y  adhéreraient  pas,  et  le 
brevet  dont  est  propriétaire  M.  Balzac  restera  déposé 
entre  les  mains  de  Mr  Sédillot,  rue  des  Déchargeurs,  n°  10, 
jusqu'à  ce  que  le  consentement  à  l'unanimité  des  créan- 
ciers ait  été  obtenu,  et  aussitôt  il  sera  remis  à  M.  Barbier. 

Fait  triple,  à  Paris,  le  seize  août  mil  huit  cent  vingt- 
huit,  dont  un  pour  M.  Barbier,  un  pour  M.  Balsac  {sic),  un 
pour  M1  qui  sera  remis  aux  créanciers. 

Suivent  les  signatures  :  Malher  et  Gie  ;  Drevet  ;  Fau- 
queux;  Ve  Lacroix  [signé  Lacriox]  ;  Ch.  Sédillot  ;  Balzac, 
née  Sallambier,  tant  en  mon  nom  qu'en  celui  de  mon 
mari  comme  porteur  de  sa  procuration  »;  J.-B.  Guisin; 
Beaurain  ;  Giroudot;  Gagné;  Prosp.  Ghaput  ;  Meyé  : 
Dupré;  Templier;  veuve  Cavaignac  ;  Beaulé  fils,  pour  la 
valeur  de  ma  facture  de  six  cent  quarante-huit  francs  ;  Fra- 
delizy  neveu;  P.-L.  Montgolfier;  Alex.  Montgolfier; 
H.  Balzac;  Cornuault  et  Poret  ;  A.  Prestat  ;  Jozon  et 
Chauvet  ;  H.  Didot  pour  Firmin  Didot  père  et  (Us  : 
Le  Grand  et  Gie;  Constant  Chantpie;  Durouchail;  Ambr. 
Firmin  Didot;  Alfred  Waddington,  par  procuration  de 
M.  A.  Montgolfier;  R°"Isnard;  Deberny;  Maheu;  Henri 
Prestat;  V  de  Boz;  Hanus;  Barbier,  serrurier;  de  Chau- 
mont;  Laurens  aîné;  Lamothe;  Floriet  fils;  Buisson; 
Nacquart;  Barbier. 


1.  Le  nom  est  resté  en  blanc  dans  l'original. 


LA  FAILLITE  ET  LES  DETTES.  387 

Les  signatures  de  MM. 

i "  Lecœur,  créancier  de  la  somme  de 157.10 

->"  Cabany 135.25 

5°  Constant  Chant  pie 2563.15 

4°  Ou. loi 375.30 

5°  Delmare 500  » 

6°  Orzali 50  » 

7°  M""'  Chanu,  rue  SL-Louis-au-Marais,  n°  71.   .   .  300  » 

Total  :  Quatre  mille  trois  cent  quatre-vingt  francs  

cinquante  centimes.  i.">,S0.50 

Les  signatures  de  deux  tiers  porteurs  n'ayant  pu  être 
obtenues  jusqu'à  ce  jour,  Madame  Balzac,  tant  en  son 
nom  personnel  que  comme  fondée  de  la  procuration 
sus  énoncée  du  sieur  son  mari,  promet  et  s'engage  ga- 
rantir M'  Barbier  de  tout  recours  de  la  part  des  dits 
créanciers  ou  de  leurs  tiers  porteurs,  s'obligeant  à  prendre 
avec  eux  telles  conventions  particulières  qu'elle  avisera  ; 
et  se  réservant  seulement,  ainsi  que  Mr  Barbier  y  consent, 
d'exercer,  au  lieu  et  place  desdits  créanciers,  tous  les 
droits  qui  résulteraient  en  leur  faveur  de  l'acte  qui  pré- 
cède, s'il  était  signé  par  eux  pour  le  remboursement  par 
sixième  du  capital  de  leurs  créanciers. 

Fait  triple,  à  Paris,  le  seize  août  mil  huit  cent  vingt- 
huit 

Approuvé  l'écriture  ci-dessus, 
Balzac,  née  Sallambier. 

Approuvé  l'écriture  ci-dessus, 
H.  Balzac 

Approuvé  l'écriture  ci-dessus, 
Barbier. 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  '259,  2e  partie,  fol.  4.) 


[82]       CONVENTION  ENTRE  HONORÉ  BALZAC, 
ANDRÉ  BARBIER  ET  M.  CHARLES  SÉDILLOT 
16  août  1828. 


Entre  les  soussignés  : 


M.  Honoré  Balsac  (sic),  imprimeur,  dem1  à  Paris,  rue 


588  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

des  Marais,  n°  17,  et  M.  André  Barbier,  employé,  dem1  à 
Paris,  rue  du  Plâtre  Sl-Jacques,  d'autre  part. 

5°  M.  Charles-Antoine  Sédillot,  négociant,  dem1  à  Paris, 
rue  des  Déchargeurs,  n°  10,  encore  d'autre  part. 

Indépendamment  des  conventions  arrêtées  entre  M.  Bar- 
bier, M.  Balzac  et  les  créanciers  de  ce  dernier  par  acte 
sous  seing  privé  en  date  du  16  août  1828,  il  a  été  convenu 
ce  qui  suit  entre  les  soussignés  : 

M.  H.  Balzac,  outre  les  créanciers  portés  dans  l'acte  sus 
daté,  doit  aux  ouvriers  qui  ont  travaillé  chez  lui,  une 
somme  de  quatre  mille  cinq  cent  vingt-sept  francs  30  cent, 
suivant  l'acte  annexé  à  chacun  des  triples  du  présent. 

Il  destine  à  l'acquit  de  la  dette  les  sommes  à  lui  dues 
pour  diverses  "impressions  dont  l'état,  également  ci- 
annexé,  s'élève  à,  sauf  erreur  ou  omission,  environ  six 
mille  quatre  cent  vingt  francs  ;  les  factures  des  dites  im- 
pressions ont  été  présentement  remises  à  M.  Barbier  qui 
le  reconnaît  et  se  charge  de  faire  régler,  en  présence  de 
M.  Balzac,  ce  qui  est  dû  par  les  libraires  et  autres  débi- 
teurs dans  le  mois  qui  suivra  la  prise  de  possession  de 
l'établissement  dont  il  s'agit  et  s'engage  à  remettre  les 
dits  règlemens  à  M.  Sédillot. 

M.  Sédillot,  de  son  côté,  s'engage  à  remettre,  dans  le 
délai  de  deux  jours,  à  M.  Barbier  qui  s'en  charge  la 
somme  de  onze  cent  trente  un  franc  82  cent,  formant  le 
quart  de  celle  due  aux  ouvriers,  et  M.  Barbier  s'engage  à 
justifier,  dans  le  délai  de  huit  jours,  de  la  répartition  qu'il 
aura  faite  de  la  dite  somme  aux  ouvriers.  Le  reçu  de 
M.  Barbier  de  la  dite  somme  de  onze  cent  trente  un  francs 
82  cent,  sera  échangé  contre  celui  des  ouvriers. 

M.  Sédillot  s'engage,  en  outre,  à  remettre  à  M.  Barbier 
la  somme  de  trois  mille  trois  cent  quatre-vingt- 
quinze  francs  48  cent,  formant  les  trois  autres  quarts  de 
celle  due  aux  ouvriers  et  ce  en  trois  payements  de  mois 
en  mois,  à  la  condition  qu'avant  le  versement  du  second 
quart  les  règlemens  des  libraires  et  autres  débiteurs  lui 
seront  fournis  en  totalité. 

Ces  règlemens  devront  être  faits  à  l'ordre  de  M.  Balsac 
(sic)  ou  de  son  mandataire  spécial  et  à  une  année 
d'échéance  au  plus. 


LA  FAILLITE  ET  LES  DETTES. 


389 


Fait  triple,  à  Paris,  le  seize  août  mil  huit  cent  vingt- 
huit. 

Approuvé  L'écriture 

II.  Balzac.  Approuvé  L'écriture 

Approuvé  l'écriture  ci-dessus  et  des  autres  parts. 
A.  Barbier.  Ch.  Sédillot. 

J'ai  reçu  de  M.  Sédillot  la  somme  de  onze  cent  trente 
un  francs  quatre-vingt  un  centimes  pour  le  premier  quart 
relaté  dans  l'acte  ci-dessus. 

Paris,  ce  seize  août  1828. 

A.  Barbier. 

(Collection  Lovcnjoul,  ms.  A  259,  2*  partie,  fol.  10.) 
La  pièce  qui  suit  est  l'acte  don    il  est  question  dans  le  se- 
cond paragraphe  de  l'arrangement  ci-dessus  : 

[85J  Relevé  général  des  sommes  dues  aux  ouvriers  de  M.  Balzac 
depuis  le  17  mai  1828  jusqu'au  12  juillet  1828. 


Compositeurs. 

Bertemy 899,20 

Huette 49  . 

Alexandre  Pisseau.  .   .  61  » 

Thomas 43  » 

Marelle 320,75 

Regnaud 217,95 

Bouillot  (pour  d'autres)  4,90 

Marchand 90,40 

Lenord 62,35 

Presses. 
Lavaud  et  Fournier.   .  519,40 
Cruzel   et   Lousteau.   .  188,55 
Labruvère    et    Compa- 
gnon   319,80 

Mifflièz  père  et  fils.   .   .  221,60 

Lormant  et  Lebon.   .   .  133,50 

Lebon  et  George  ...  46,75 

Lorrin  (avec  d'autres) .  67,80 

Chevilièz 13  » 

Nuée 16,50 

Fouqueray 9  » 

A  reporter.    .    .  3084,45 
(Collection  Lovenjoul, 


Report.   .    .  3084,45 
Conscience. 

Lecorney 120  « 

Bouillot 237,75 

Blanc 29  . 

Bouillon 80  » 

Bordier 56  » 

Bève 8  • 

Stéréotypie. 

Haran 50  » 

Derrieu 72  • 

Gittlif 50  - 

Magasin. 

M<«  Huette 53,40 

Protc. 
Noguès 235  » 

Collection  du  droit 
Français. 

Girard .   .   .     451,70 

4527,30 
Sauf  erreur  ou  omission, 
ms.  A  259,  2-  partie,  fol.  12.) 


"90  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Etat  des  recouvrements. 

MM.  Ladvocat  et  Duffey 1940  » 

Isambert 768  » 

Froment  et  Lequin 359  » 

Prosper  Froment 300  » 

Baudouin 1053  » 

Cassel 1500  • 

5920  » 

Sommes  saisies  par  M.  Girard  entre  les  mains 
de  M.  Malhers  {sic) 500  » 

6420  . 

Annexé  à  l'acte  Annexé 

H.  Balzac.  Barbier. 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  259,  28  partie,  fol.  12.) 

[84]  Supplément  du  relevé  général  des  sommes 

dues  aux  ouvriers  de  l'imprimerie  de  M.  Balzac. 

MM.  Girard,   omission   de   la   retenue   pour  les 

ouvriers  de  la  Collection,  etc 95  » 

Blanc,  erreur  sur  la  somme  due 58  » 

Bertemy 16  » 

Marelle 56  » 

Huette 5  » 

Thomas 10  » 

Labruyère 10  » 

Blanc 9  . 

Harang 25  » 

Bouillot 76  . 

Darbac 8  » 

Hucrot 6  » 

Vermont 12  » 

Gittliff 24  ■ 

368f . 
Paris,  21  août  1828. 

Noguès,  prote. 
(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  259,  2*  partie,  fol.  13.) 


LA  FAILLITE  ET  LES  DETTES.  301 

|85]  LETTRE  DE  BALZAC  PÈRE 

A.  M.  SÉDILLOT 

18  août  IMS. 

A   Monsieur  Sédillot,  négociant,  rue  des  Déchargeurs, 

n°  10,  à  Paris. 

Versailles,  le  18  août  1828. 

Mon  cher  parent, 

Mme  Balzac  ne  m'a  rien  laissé  ignorer  de  tout  ce  que 
vous  avez  bien  voulu  faire  pour  nous;  je  vous  en  remercie 
bien  sincèrement.  J'approuve  tout  ce  que  vous  avez  fait 
et  ferez  pour  le  complément  de  votre  œuvre.  Vous  avez 
cicatrisé  la  plus  grande  de  nos  plaies,  et  je  serai  bien  heu- 
reux, lorsque  je  trouverai  l'occasion  de  vous  en  témoigner 
ou  aux  vôtres,  la  profonde  reconnaissance  dont  je  suis 
pénétré. 

Agréez,  mon  cher  parent,  les  sentiments  du  plus  invio- 
lable attachement  avec  lequel  je  suis  tout  à  vous. 

Balzac. 

(Arch.  de  M.  Sédillot.) 


[8ô]  LETTRE  DE  H.  BALZAC 

A  M.  CHARLES  SÉDILLOT 

io  septembre  18*28. 

Imprimerie 

de 

H.  Balzac, 

rue  des  Marais  S. -G.,  n.  17. 

A  Monsieur  Sédillot,  négociant,  Paris. 

Paris,  le  15  7»"  1828. 

Mon  cher  cousin, 

Après  des  efforts  soutenus  et  réitérés  auprès  des  débi- 
teurs par  comptes  courants  de  mon  ancienne  imprimerie, 
nous  sommes  parvenus  à  solder  les  comptes  ci-après  : 


592  LA  JEUiNESSE  DE  BALZAC. 

1°  Celui  de  M.  U.  Canel,  dont  le  solde  s'élève 
à  743  45,  réglé  en  un  billet  pour  lequel  il  y  a  des 
conventions  particulières  nécessaires  à  la  position 
de  ce  débiteur  qui  remplira  parfaitement  ses  obli- 
gations    ci       743,45 

Sur  ce  dit  compte,  M.  Gosselin,le  débiteur  dont  n/ 
v/  avons  parlé,  a  réglé,  pour  solde,  625  10  cent,  en 
deux  effets,  l'un  au  5  9bre  et  l'autre  au  5  Xble  1829.  .  ci      625,10 

Total  de  ce  compte 1568,55 

2°  M.  Charles  Froment  a  soldé  son  compte  par 
280  fr.  au  51   août  prochain 280  » 

3°  M.  Prosper  Froment  a  remis  sur  son  compte  fin 
9bre,  500  f.,  et  il  a  voulu  laisser  un  reliquat  de  44, 
pour  sûreté  d'un  cliché,  et,  s'il  y  a  lieu,  cette  somme 
sera  payée ci       500  » 

4°  Sur  le  compte  de  MM.  Ladvocat  et  Dufey,  mon- 
tant à  1  500  francs,  toute  vérification  faite,  ces  mes- 
sieurs ont  remis  un  effet  de  1  000  fr.  au  20  7Lra  pro- 
chain, et,  sur  les  500  fr.  restant,  la  discussion  aux- 
quels (sic)  ils  donnent  lieu  les  réduira  probablement 
à  200,  qui  seront  réglés  cette  semaine,  selon  leur  pro- 
messe. M.  Barbier  peut  suffire  complètement  à  cette 
discussion,  attendu  qu'il  a  connaissance  des  difficultés, 
et  que  n/  avons  discuté  jusqu'où  devait  aller  l'abandon 
des  sommes  de  ma  part ci    1  000  » 

5°  M.  Isambert  étant  parti  en  Suisse  depuis  deux 
mois  et  ne  revenant  qu'après  les  vacances,  n/  v/ trans- 
mettons sa  facture  à  toucher 768  » 

Total 5  916,55 

Maintenant,  mon  cher  cousin,  il  reste  une  somme  de 
240  fr.  due  par  M.  Hippolyte  Baudouin,  pour  un  ouvrage 
à  continuer,  et  en  cas.  chose  douteuse,  qu'il  veuille  régler 
ce  qui  me  regarde  avant  que  l'ouvrage  soit  terminé,  il  y  a 
à  v/  faire  observer  qu'il  est  à  la  campagne  depuis  deux 
mois  et  qu'il  a  été  impossible  de  savoir  l'époque  de  son 
retour. 

Ainsi,  il  faut  attendre ci    240  » 

2°  M.  Alexandre  Baudouin  a,  depuis  huit  jours,  mon 
compte  à  vérifier,  dont  le  solde  susceptible  de  discussion 
et  sauf  les  erreurs  de  calcul  ou  omissions,  doit  se  porter 
en  ma  faveur,  à 800 


» 


LA  FAILLITE  ET  LES  DETTES.  593 

N/  avons  encore  à  recouvrer  sur  M.  L'Huillier,  libraire 
peusolvable,  une  somme  d<>  100  fï.,  pour  gage  desquels  il 
y  a  dans  les  magasins  de  l'imp1'  ['édition  à  peu  près 
complète  d'un  roman  en  2  vol.  intitulé  :  Henriette  Sontag. 
V/  verrez  les  pièces. 

Il  existe  encore  à  recouvrer  200  fr.  sur  le  cne  Muller, 
qui  pourra  payer  sous  peu.  Il  demeure  rue  de  la  Sour- 
dière,  n°  31,  et  n/  joignons  l'effet  qui  n'a  pas  été  protesté. 

A/.,  un  effet  de  105  sur  un  employé  aux  Archives  dont  on 
pourrait  saisir  les  appointemens,  il  y  est  habitué.  Cette 
dette  douteuse,  montant  à  plus  de  700  fr.,  plus  les  inté- 
rêts, n'a  pas  été  portée  par  moi  en  ligne  de  compte. 

Il  existe  encore  des  factures  à  recevoir  de  particuliers 
absents,  pour  une  valeur  de  200  fr.  environ.  Ce  sont 
MM.  de  Beaurepaire,  Protez  Delâtre,  Nanteuil  et  autres. 

Tel  est,  en  résumé,  mon  cher  cousin,  le  résultat  de  la 
liquidation. 

Je  vais  retourner  aujourd'hui  chez  M.  Baudouin  (Alex.), 
pour  tâcher  d'obtenir  de  solder  mon  compte.  Après  ces 
efforts  qui  (sauf  M.  A.  Baudouin,  et  cela  pour  raison  par- 
ticulière) ont  été  partagés  par  M.  Barbier,  il  serait  diffi- 
cile de  mieux  faire  par  suite  des  difficultés  qu'élèvent  les 
libraires  et  les  réductions  qu'ils  font  subir  ;  elles  ont  monté, 
sur  les  comptes  présentés,  à  près  de  six  cents  fra"hcs,  par 
suite  des  corrections  non  reconnues,  et  de  la  réduction 
des  prix. 

M.  Barbier  pourra,  en  cas  de  mon  absence,  faire  rentrer 
[les  créances  de]  M.  Isambert  et  Hip.  Baudouin. 

Recevez,  mon  cher  cousin,  je  vous  prie,  l'hommage  de 
ma  profonde  reconnaissance. 

V[otre]  dévoué  cousin, 
H.  Balzac. 

Je  joins  à  ceci  une  note,  relativement  à  M.  Malher.  Il 
v/  sera  remis  également  une  liasse  de  mes  billets  acquit- 
tés, réclamée  par  ma  mère. 

H.  B. 
(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  259,  2e  partie,  fol.  17.) 


394  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

[87]         LETTRE  DE  BALZAC  A  M.  DUVERGER 
17  septembre  1828. 

Fonderie  de  Laurent  et  Balzac, 
rue  des  Marais  St-G.,  n.  17'. 

Politypie 

Gravure 

sur  acier,  cuivre, 

bois,  etc. 

Paris,  ce  17  septembre  1828. 

Je  vous  prie,  mon  cher  Monsieur  Duverger,  d'avoir  la 
complaisance  d'approuver  le  petit  engagement  que 
M.  Noguès  vous  présentera  à  signer,  vous  m'obligerez 
beaucoup  et  l'aiderez  lui-même. 

V[otre]  d[évoué]  sferviteur], 

H.  Balzac. 

Cette  quinzaine  dont  il  est  question  se  composera  : 
1°  de  la  retenue  qui  se  fait  chez  vous  et  sur  laquelle 
j'aurai  privilège  après  vous  et  d'une  nouvelle  retenue 
d'une  semaine  seulement. 

H.  B. 

Le  13  octobre,  Barbier  écrit,  en  l'absence  de  Balzac,  à 
M.  Poirot,  propriétaire  demeurant  Vieille-rue-du  Temple,  n°  8, 
une  lettre  par  laquelle  il  l'informe  que  «  M.  Bouillot  lui  re- 
mettra la  note  supplémentaire  de  ce  qui  reste  dû  aux  ouvriers  », 
se  montant  à  574  fr.  ;  il  l'engage  à  voir  M.  Sédillot.  M.  Noguès 
devra  être  payé  comme  les  autres,  il  donnera  un  bon  supplé- 
mentaire de  280  fr.  50  pour  les  trois  quarts  de  la  somme  due. 

Le  15  octobre  1828,  Barbier  donne  reçu  à  M.  Sédillot  de  la 
somme  de  280  fr.  50,  pour  les  trois  quarts  de  celle  due  en 
supplément  par  M.  Balzac  à  ses  ouvriers. 

D'autre  part,  voici  un  reçu  de  M.  Noguès,  signé  par  lui,  mais 
qui  a  été  écrit  par  Balzac  ainsi  que  la  déclaration  de  E.  Du- 
verger : 

1.  Les  mots  :  Fonderie  de  Laurent  et  Balzac  ont  été  barrés 
d'un  trait  de  plume  sur  l'original. 


LA  FAILLITE  ET  LES  DETTES.  505 

,88] 

Je  soussigné  m'engage  envers  M.  Balzac,  ex  imprimeur, 
à  affecter  et  affecte  par  ces  présentes  la  valeur  «les  salaires 
de  quinze  joins  de  travail  chez  M.  Duverger  à  la  garantie 
de  ma  reddition  de  comptes  à  M.  Halzac,  renonçant  à 
toucher  à  cette  retenue  jusqu'à  l'appuration  (.sic)  de  mon 
compte. 

Paris,  ce  17  7bic  1828. 

Noguès. 

[89] 

Je  soussigné,  imprimeur  à  Paris,  approuve  la  présente 
garantie  et  m'engage  à  la  maintenir  envers  M.  Balzac. 
Paris,  ce  17  7bre  1828. 

Approuvé  l'écriture, 
E.  Duverger. 

{Collection  Lovenjoul,  ms.  A  259,  2e  partie,  fol.  20  et  21.) 


[90]  LETTRE  DE  BALZAC  A  M.  ORZALI,  MOULEUR 

26  novembre  1828. 

Monsieur, 

Je  suis  v/  débiteur  de  la  somme  de  cinquante  francs 
pour  du  plâtre  fourni  à  ma  stéréotypie,  je  vous  prie  de 
vous  présenter  chez  M.  Sédillot,  rue  des  Déchargeurs, 
n°  10,  pour  les  toucher. 
J'ai  l'honneur  de  v/  saluer. 
26  9bre  1828. 

H.  Balzac, 
ancien  impr,  rue  des  Marais. 

Cette  lettre  est  adressée  à  M.  Orzali,  mouleur,  rue  de 
l'Odéon,  22.  La  note,  présentée  le  21  juin,  a  été  réglée  le 
28  novembre  1828  par  M.  Sédillot. 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  259,  2«  partie,  fol.  39.) 


39G  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

[91]  LETTRE  DE  BALZAC  A  M.  FESSIN,  FONDEUR 

Monsieur, 

J'ai  remis  votre  facture  à  votre  confrère,  Monsieur  Lau- 
rent, qui  a  la  complaisance  de  vous  servir  d'arbitre  rela- 
tivement au  prix,  et,  sur  son  approuvé  en  marge  de  la 
facture,  vous  pourrez  vous  présenter  avant  neuf  heures 
chez  M.  Sédillot  pour  en  être  payé. 

J'ai  l'honneur  de  vous  saluer. 

H.  Balzac. 

Cette  lettre,  non  datée,  est  adressée  à  M.  P.  J.  Fessin,  fon- 
deur, rue  des  Boucheries-Saint-Germain,  n°  19,  qui  avait  pré- 
senté à  Balzac,  le  7  juillet  1828,  une  facture  se  montant  à 
97  fr.  80  cent,  pour  fournitures  de  108  livres  11  onces  d'inter- 
lignes. Cette  note,  réduite  à  92  francs,  a  été  payée,  le  3  dé- 
cembre 1828,  par  M.  Sédillot  à  M.  Chauveau,  représentant 
M.  Fessin. 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  259,  2e  partie,  fol.  214.) 


[92]  LETTRE  DE  BALZAC  A  M.  SÉDILLOT 

1er  février  1829. 

Mon  bon  cousin,  j'ai  vu  le  sieur  de  Chaumont;  et  je  suis 
convenu  avec  lui  que  M.  Prin  donnerait  pour  caution  du 
payement  fait,  sans  le  billet,  le  sieur  Biaise,  libraire, 
rue  Férou,  et  la  somme  du  billet  est  exacte. 

Je  vous  donne  avis  de  ceci  par  un  petit  mot  en  cas  que 
je  ne  vous  trouve  pas  aujourd'hui  chez  vous,  comme  je 
compte  le  faire,  à  moins  que  mes  épreuves  ne  soient  pas 
corrigées  de  bonne  heure. 

Agréez,  mon  cher  cousin,  l'expression  sincère  de  ma 
reconnaissance. 

Honoré. 

Paris,  ce  dimanche  matin,  1er  février  1829. 

Au  v°  de  cette  lettre  adressée  à  M.  Charles  Sédillot,  négo- 
ciant, rue  des  Déchargeurs,  n°  10,  à  Paris,  est  écrite  la  pièce 
suivante  : 

Nous  soussignés  Simon  Prin,  demeurant  au  Petit  Mont- 
rouge,  et  J.-J.  Biaise,  demeurant  rue  Férou,  n°  24,  décla- 
rons que  dans  le  cas  où  le  billet  Balzac  de  cent  francs 
dont  est  question  à  la  lettre  d'autre  part  viendrait  à  être 


LA  FAILLIT!-:  ET  LES  DETTES. 


597 


représenté  ;'i  M.  Balzac,  nous  nous  engageons  solidaire- 
ment l'un  pour  l'autre,  un  de  nous  deux  seul  pour  le  tout, 
à  Le  rembourser  ef  à  payer  tous  frais  qui  viendraient  à 

survenir,  déclarant   avoir  reçu   les  cenl    francs  'les    mains 
de  M.  Ch.  Sédillol  H  l'acquit  de  Mous.  IL  Balzac. 
Paris,  ce  7  février  1829. 

Approuvé  l'écriture  ci-dessus.  Bon  pour  aval  : 

J.-J.   B  LAI  SB. 

Approuvant  l'écriture  ci-dessus.  Bon  pour  aval  : 

Prin. 
[Collection  Lovcnjoul,  ms.  A  259,  2e  partie,  fol.  40.) 


[93]  ÉTAT   DES   SOMMES   A   RÉPARTIR 

AUX  CRÉANCIERS  DE  BALZAC 

Paris,  ce  9  février  1829. 
Monsieur, 

J'ai  l'honneur  de  vous  faire  parvenir  l'état  (d'après  les 
rectifications  faites  jusqu'à  ce  jour)  des  sommes  à  répartir 
aux  créanciers  Balzac  et  dont  le  total  forme,  sauf  ce  qui 
concerne  Laurens  aîné,  le  prix  d'achat  de  l'imprimerie 
qui  m'a  été  cédée1. 


Templier 

Aug.  Prestat 
V*  Cavaignac 

V»  Lacroix 

Deberry 

Wadington 
Dupré 


au  15  juillet 
15  août 
50  juin 
50  juin 
15  février 
15  juillet 
par  facture 
15  juillet 
par  facture 
15  juillet 
15  juillet 


1828 


1829 
1828 

1828 

1828 


130 


411  . 

206,25 

683,25 

325,90 

400  - 

695  » 

1095  » 

130  . 

131,30 

261,30 

249,05 

90  . 

539,05 

196,97 

170  . 

5  071,47 

1.  Cet  état  a  été  vérifié  par  M.  Sédillot,  les  vérifications  sont 
écrites,  dans  l'original,  à  l'encre  rouge  ;  nous  les  avons  impri- 
mées ici  en  italiques. 


398 


LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 


Firmin  Didot 


Prosper  Chaput 


Drevet 


i  3 
Barbier,  serrurier.  J  ^ 


M  ah  eu 
Giroudot 


Montgolfier,  rue  de 
Seine. 


Durouchail 
Cuisin 


Lamothe 
Baurain 

Malher  et  O 

Henri     Didot,     Le- 

grand  et  Cie 
H.  P restât1 


Report .    . 

31  juillet  — 

50  septembre  — 
15  novembre  — 
31  décembre  — 
17  juillet  — 
17  août  — 
17  septembre  — 
17  octobre  — 
31  octobre  — 
25  décembre  — 

51  mai  1829 

31  juillet  1828 

15  août  — 

51  juillet  — 

50  septembre  — 

51  juillet  — 
17  septembre  — 

8  août  — 

51  janvier  1829 

28  février  — 

50  avril  — 
15  août  1828 
15  septembre  — 
28  février  1829 
15  mars  — 
par  facture 

15  août  1828 

15  octobre  — 

51  août  — 
51  janvier  1829 
par  facture 

31  août  1828 

1er  octobre  — 
par  facture 

15  octobre  1828 

51  octobre  — 

51  octobre  — 

50  novembre  — 

51  janvier  1829 


467 


864  - 

1000  ■ 

1000  » 

1184  » 

400  » 

400  - 

400  - 

450  » 

500  » 

650  » 

115  » 

700  » 

440  » 

200  » 

200  » 

200  » 

200  » 

1000  » 

750  . 

500  » 

450  » 

524  » 

1000  » 

566,50 
1000  . 
508  » 
500  - 
500  - 
244  » 
629  » 
171  . 

150  - 
114,23 

1  000  . 
661  - 


400 
400 


5  071,47 


4  048 


2  915  ■ 

1140  » 

400  » 

400  - 

2  700  . 


5198,50 

1000  . 

1045,50 

156  » 

264 ,25 

1661  . 

695,45 

800  . 

A  reporter 25  475,17 


1.  M.  Sédillot  a  écrit  en  marge  :  Vérifier  douhle  compte. 


LA  FAILLITE  ET  LES  DETTES. 


m 


l;>i> 

>rt.    .    . 

23475,11 

Fauqueux 

50  novembre 

1828    . 

733  ■ 

— 

."i  janvier 

1820  . 

<;oi  •■ 

— 

28  février 

—    . 

932  •• 

2  200  • 

Hanua 

1S  décembre 

1828  . 

848   . 

Hj 

"i  janvier 

1820   . 

127»   . 

— 

par  facture 

59  .. 

182   . 

IVfeyé 

par  facture1 

500  • 

Montgolfler 

quai 

de 

la  Cité. 

par  facture 

110  . 

Mm'  Gagné 

par  facture 

539,75 

Cornuault  o 

t  Poret 

par  facture 

170  . 

Joson  et  Chauve 

t 

par  facture 

112,95 

Fradelizy 

par  facture 

G48   . 

M™6  Balzac  (substituée  aux  droits  des  autres 
créanciers,  sauf  la  différence  résultant  de 
la  rectification  des  comptes  ci-dessus) 
pour  solde  de  32150,82 3  289,95 

La  même,  sur  2  000  fr.  de  six  mois  de  loyer 

d'avance. 
Après  diminution  1037,50  payés  à  Prestat. 
Différence 

Papier  en  magasin  d'après  l'état  ci-joint.   . 


28  800,87 


3  289,95 
32150.82 


902,50 

4  252,45 
520,50 

Yl  78^95 


Je  vous  fais  également  remettre  la  somme  de  796  fr.  50, 
sixième  de  celle  de  4  778,95  indiquée  ci-contre  et  je  vous 
prie  de  remettre  au  porteur  un  reçu  ainsi  conçu  : 

Je  reconnais  avoir  reçu  de  M.  Barbier  la  somme  de  sept 
cent  quatre-vingt-seize  francs  cinquante  centimes  pour 
acquit  du  premier  sixième  de  4  778,95  qu'il  doit  à 
Mme  Balzac  mère,  ainsi  qu'à  M.  Honoré  Balzac  son  fils, 
tant  pour  les  différens  créanciers  aux  droits  desquels 
Mme  Balzac  s'est  substituée  que  pour  ce  qui  reste  dû  à 
M.  Honoré  Balzac  pour  les  six  mois  de  loyer  d'avance  du 
bail  des  lieux  où  est  située  l'imprimerie  qu'il  a  cédée  à 
M.  Barbier,  par  acte  sous  signatures  privées  en  date  du 


1.  M.  Sédillot  a  écrit  en  note  :  Vérifier  livre. 


100  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

1C  août  1828,  et  pour  les  papiers  étant  en  magasin  à  cette 
époque. 

J'ai  l'honneur  d'être,  Monsieur,  votre  très  humble  ser- 
viteur. Barbier. 

Suscription  de  la  lettre  :  A  Monsieur,  Monsieur  Sédillot,  négo- 
ciant, rue  des  Déchargeurs,  n°  10. 

A  cette  lettre  de  Barbier  est  annexé  un  «  état  estimatif  des 
papiers  blancs,  étant  dans  les  magasins  de  Mr  Balzac,  impri- 
meur, rue  des  Marais,  n°  17,  à  Paris,  et  cédés  par  lui  à  Mr  Bar- 
bier aux  termes  de  l'acte  passé  entre  eux,  sous  signatures 
privées,  le  16  août  1828  ».  Cet  état,  sur  papier  timbré,  dressé 
par  M.  J.-B.  Cuisin,  marchand  de  papiers,  rue  de  la  Harpe 
n°  13,  à  Paris,  le  15  septembre  1828,  accuse  soixante-dix-neuf 
rames  de  papier  de  divers  formats,  d'une  valeur  totale  de  cinq 
cent  vingt-six  francs  50  centimes. 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  259,  2e  partie,  fol.  41.) 


[94]  LETTRE  DE  BALZAC  A  THOUVEN1N,  RELIEUR 

5  mars  [1829]. 
Monsieur, 

Monsieur  Sédillot,  rue  des  Déchargeurs,  n°  10,  m'a 
promis  d'acquitter  intégralement  le  mémoire  des  reliures 
que  je  vous  dois,  y  compris  celles  du  Voltaire  et  des  Mille 
et  une  nuits,  lorsque  vous  lui  remettrez  les  Mille  et  une 
nuits  terminées. 

Il  approuvera  même  au  besoin  cette  lettre  si  vous  le 
désirez,  mais  cette  précaution  est,  je  crois,  inutile. 

Je  désire  bien  vivement  que  vous  lui  envoyiez  au 
plutôt  (sic)  les  Mille  et  une  nuits  qui  sont  destinées  à  ma 
mère. 

Vous  m'obligerez  beaucoup  de  presser  cette  demi- 
reliure  et  j'espère  que  vous  ne  me  ferez  pas  trop  attendre 
mon  Voltaire. 

Agréez,  Monsieur,  mes  complimens. 

H.  Balzac. 

M.  Ray. 

La  suscription  de  la  lettre  porte  :  Monsieur  Ray,  chez  M.  Thou- 
venin,  rue  Mazarinc,  n0'     ,  Paris. 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  259,  2e  partie,  fol.  47.) 

1.  Le  n°  est  resté  en  blanc  dans  l'original. 


r.A  FAILLITE  ET  LES  DETTES. 


■401 


[95]  FACTURE  DE  TKOUVENIN 

30  mars  1899. 

Rub  Mazarink,  n°  54. 

J,  Thouvenin  aîné  et  Cta  relieurs  brevetés 
de  S.  A.  H.  Monseigneur  le  duc  d'Orléans,  Paris. 

1829.  Doit  Monsieur  Balzac. 


Fr.    Fr 


50.  La  Fontaine  1/2  rel.  veau,  2  ex.    2  in-8  gr.  à        3      6 


18-27  mars 

—  septembre  30.  Bolleau  maroquin 

—  .  La  Fontaine  1/2  rel.  veau 

—  —  .   Ducis  — 

.  Molière  — 

27.  Bulletin  des  lois.  — 
31,  Droit  français.      — 
5.  Mille  et  une  nuits  — 
15.  Deux  alluims  gravures  . 

.  Mille  et  une  nuits  1/2  rel. 
30.  Mille  et  une  nuits  — 

.  Voltaire  1/2  rel.  veau.   .   . 


—  octobre 

1828  mai 

—  juillet 

—  août 

1829  mars 


1      — 

8 

1      — 

1      — 

1  ex.  3 

3 

9 

1       — 

3 

<■>       

3 

6 

0  gr.  in-8 

3 

18 

2  in-f* 

35 

6  gr.  in-8 

3 

18 

(j        — 

3 

18 

fi  très  gr.  in-8 

•i 

24 

Fr.  145 

11  nous  reste  à  rendre  à  M.  Balsac  (sic)  le  Voltaire  ci- 
dessus. 

Paris,  le  50  mars  1829. 

Pour  acquit 
ppon  de  J.  Thouvenin  et  Cie. 
O.  Ray. 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  250,  2e  partie,  fol.  ï9.) 


[96]         LETTRE  DE  M.  BENAZÉ  A  H.  BALZAC 
Paris,  25  avril  1829. 

Monsieur, 

M.  Barbier  à  qui  j'ai  communiqué  la  dernière  lettre  que 
vous  m'avez  fait  l'honneur  de  m'écrire,  toujours  con- 
vaincu qu'il  n'y  a  aucune  question  véritable  à  faire  dé- 
cider entre  vous  et  lui,  persiste  dans  les  intentions  que  je 
vous  ai  déjà  fait  connaître. 

26 


402  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Recevez,  je  vous  prie,  l'assurance  de  ma  parfaite  consi- 
dération. » 

Benazé. 

Suscription  de  la  lettre  :  Monsieur,  Monsieur  H.  Balzac,  rue 
de  Cassini,  n°  1er,  chez  M.  Surville. 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  259,  2e  partie,  fol.  50.) 


[07]        LETTRE  DE  LAURENS  AINE  A  BALZAC 

•  ■   •  Paris,  27  avril  1829. 

Monsieur, 

Ayez  la  bonté  de  passer  chez  M.  Sédillot  pour  vous 
entendre  concernant  le  paiement  à  effectuer  à  mon  frère; 
il  va  venir  au  premier  jour  à  Paris,  du  moins  qu'il  ait  la 
satisfaction  de  savoir  que  je  me  suis  occupé  de  lui  et  que 
vous  aussi  vous  ne  l'avez  pas  oublié. 

J'ai  l'honneur  de  vous  présenter  toutes  mes  civilités. 

Laurens. 

Suscription  de  la  lettre  :  A  Monsieur,   Monsieur  de   Balzac, 
homme  de  lettres,  rue  Cassini,  n°  1er,  faub.  St-Jacques. 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  259,  lre  partie,  fol.  8.) 


[98]        ÉTAT  DES  SOMMES  DUES  A  LAURENS 
PAR  M.  BALZAC 
SANS  PRÉJUDICE  AUX  TRIMESTRES  ARRIÉRÉS 

Du  1er  juin  au  1"  septembre  1828,  un  trimestre  à.    .   .   .  575  » 

Du  1er  septembre  au  1er  décembre  1828,  un  trimestre.   .  89,55 

Du  1er  décembre  1828  au  1er  mars  1829,  un  trimestre.    .  89,55 

Total  des  sommes  dues  à  M  Laurens.  555,70 

Reçu  pour  le  trimestre  échu  le  l,r  décembre  1828,  ci.  89  » 

Partant  reste  dû.   .  464,70 

Il  est  dû  à  Made  Cuisinier,  cessionnr*  de  M.   Laurens, 

pour  le  trimestre  échu  le  1er  juin  1829 89,55 

Total  dû  au  1er  juin  1829  ci 554,05 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  259,  lre  partie,  fol.  12.) 


LA  FAILLITE  HT  LES  DETTES.  403 

[99]  REÇUS  DE  J.-J.  LAURENS 

26  juin-26  juillet  I8<29. 

Je  soussigné  Jean-Joseph  Laurens,  ancien  imprimeur, 
demeurant  à  Villers-Coterets,  reconnais  avoir  reçu  de 
M.  Balzac,  des  mains  de  iM.  Sédillot,  la  somme  de  trois 
cent  soixante-quinze  francs  que  me  doit  le  dit  Balzac 
pour  le  trimestre,  échu  le  premier  septembre  mil  huit 
cent  vingt-huit,  des  intérêts  de  la  somme  de  30  000  francs 
qu'il  me  devait  aux  termes  du  traité  du  quatre  avril  mil 
huit  cent  vingt-six. 

Dont  quittance  sans  préjudice  es  autres  dus  et  courant. 

A  Villers-Coterets,  ce  vingt-six  juin  mil  huit  cent  vingt- 
neuf. 

Approuvé  l'écriture  ci-dessus 

J.  Laurens. 

Je  soussigné  Jean-Joseph  Laurens,  ancien  imprimeur, 
demeurant  à  Villers-Coterets,  reconnais  avoir  reçu  de 
Mr  Balzac,  des  mains  de  M.  Sédillot,  la  somme  de  quatre- 
vingt-neuf  francs  trente-cinq  centimes  pour  le  trimestre, 
échu  le  premier  mars  des  intérêts  de  la  somme  de 
7.150  fr.  88  centimes  que  me  doit  M.  Balzac  aux  termes  du 
traité  du  seize  août  mil  huit  cent  vingt-huit  et  trente-cinq 
centimes  dus. 

Dont  quittance  sans  préjudice  au  trimestre,  celui  de 
premier  du  courant,  lequel  appartient  à  Madame  ve  Cui- 
sinier comme  cessionnaire  de  M.  Laurens  sur  le  trimestre 
précédent. 

A  Villers-Coterets,  ce  vingt-six  juin  mil  huit  cent  vingt- 
neuf. 

Approuvé  l'écriture  ci-dessus 

.  Laurens. 

Le  28  juillet  1829,  Laurens  jeune,  par  procuration  de 
Mme  ve  Cuisinier,  donne  reçu  à  M.  Sédillot,  de  la  somme  de 
quatre-vingt-neuf  francs  35  cent.,  pour  le  trimestre  d'intérêts 
échu  le  1"  juillet. 

{Collection  Lovenjoul,  ms.  A  259,  1"  partie,  fol.  16.) 


401  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

[100]        LETTRE  DE  BALZAC  A  M.  SÈDILLOT 

30  avril  1829. 

A  M.  Sédillot,  rue  des  Déchargeurs,  à  Paris. 

[Paris],  mercredi  30  avril  [1829], 
Mon  bon  cousin, 
M.  Laurens  arrive  à  Paris  et  je  vous  transmets  ici  la 
dernière  lettre  écrite  par  M.  Benazé,  après  une  longue 
correspondance  qui  n'a  abouti  à  rien.  M.  Barbier  ne  veut 
pas  même  choisir  d'arbitre,  et  il  sent  qu'il  ne  peut  pas 
être  attaqué  pour  une  si  faible  somme  lorsque  l'acte  n'est 
pas  enregistré.  C'est  un  élève  de  Baudouin. 

Le  hazard  a  fait  que  je  sois  venu  à  Paris  pour  venir 
chercher  mon  ouvrage.  Mon  père  est  décidément  entre  la 
vie  et  la  mort.  Les  chirurgiens  et  médecins  ont  reconnu 
qu'il  y  avait  au-dessus  du  foie  un  abcès  si  considérable 
que  la  quantité  d'humeur  est  incalculable.  11  faut  néces- 
sairement et  sous  peine  de  mort,  lui  ouvrir  le  côté.  La 
crise  commence.  C'est  depuis  jeudi  jusqu'à  dimanche  que 
l'opération  aura  lieu.  Je  quitte  tout  pour  ne  pas  laisser 
ma  mère  et  ma  sœur  seules  en  cette  fatale  circonstance, 
et  je  vous  conjure  de  clorre  (sic)  cette  affaire  Laurens 
selon  que  vous  le  jugerez  convenable.  Lundi,  je  serai,  je 
crois,  à  Paris,  et  Dieu  veuille  que  je  vous  apporte  de 
bonnes  nouvelles. 

Agréez  les  témoignages  les  plus  sincères  de  la  recon- 
naissance que  vous  a  vouée 

Votre  cousin, 
Honoré. 
(Collection  Lovcnjoul,  ms.  A  '259,  lre  partie,  fol.  10.) 


[101]        LETTRE  DE  BALZAC  A  M.  SÉDILLOT 

Si  mai  1829. 

A  M.  Charles  Sédillot,  rue  des  Déchargeurs,  n°  10,  Paris. 

Paris,  31  mai  1829. 
Mon  bon  cousin, 
J'ai  écrit  à  3  de  mes  créanciers  de  se   présenter  chez 
vous  : 


LA  FAILLIT!-:  ET  LES  DETTES.  405 

Mm*  vTf  Naudot  pour  une  somme  de 79.00 

Son   mari  était  malade  OU  mort  à  l'époque  de 

l'arrangement,   elle   n'a  pas   pu  ou   pas  voulu 
figurer. 

M.  M  ah  eu,  serrurier.  Il  devra  donner  un  acquit 
pour  solde  de  tout  compte,  et  vous  remettre  un 
reçu  de  protêt  que  je  lui  ai  donné,  et  il  lui  est  dû .       '20 .  00 

M.  Fauqueux,  papetier,  pour 50.00 

C'est  un  mémoire  de  cartes,  et  c'est  aussi  un 
solde  de  tout  compte. 

En  tout 140.00» 

Voilà,  je  crois,  les  dernières  vétilles  de.  l'affaire,  mais 
Dieu  veuille  que  nous  atteignions  la  fin  des  payements,  la 
librairie  devient  bien  malade. 

Adieu,  mon  bon  cousin,  je  vous  réitère  l'expression  de 
ma  reconnaissance. 

H.  Balzac. 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  259,  2-  partie,  fol.  53.) 


[102]         LETTRE  DE  BALZAC  A  Mme  NAUDOT 

1er  juin  1829. 
Madame, 

Vous  pouvez  v/  présenter  chez  M.  Sédillot,  rue  des 
Déchargeurs,  pour  toucher  le  montant  de  v/  facture  en 
ayant  soin  de  l'acquitter  pour  solde  de  tout  compte. 

Je  vous  prie  de  ne  pas  v/  y  présenter  plus  tard  que 
neuf  heures  du  matin  et  pas  avant  le  4  juin,  attendu  qu'il 
est  en  voyage. 

Agréez  mes  complimens. 

1er  juin  1829. 

H.  Balzac 

Cette  lettre  est  adressée  à  Mme  Naudot,  brocheuse,  rue  du 
Pot-de-Fer,  n°  1  i,  qui  avait  présenté  sa  facture  des  travaux 
d'assemblage  et  de  brochure  faits  pour  le  compte  de  Balzac  en 
avril  1828.  La  dite  note  se  montait  à  71  fr.  85  cent.  ;  elle  a  été 
réglée  «  pour  solde  de  tout  compte  »  le  5  juin  1829.  par  M.  Sé- 
dillot. 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  259,  2e  partie,  fol.  55.) 

1.  Balzac  se  trompe  de  neuf  francs. 


406  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

[105]  LETTRE  DE  BALZAC  A  M.  MAHEU 

Monsieur, 

V/  pouvez  vous  présenter  le  4  juin  avant  neuf  heures 
chez  M.  Ch.  Sédillot,  rue  des  Déchargeurs,  n°  10,  et  en 
lui  remettant  le  reçu  que  je  vous  ai  donné  de  vos  pièces 
et  un  acquit  pour  solde  de  tout  compte,  il  vous  soldera 
les  20  f.  que  vous  réclamez. 

J'ai  l'honneur  de  vous  saluer. 

H.  Balzac. 

Cette  lettre  est  adressée  à  M.  Maheu,  serrurier  et  mécani- 
cien, rue  du  Milieu-des-Ursins,  n°  1,  en  la  Cité,  à  Paris.  Le  reçu 
auquel  Balzac  fait  allusion  est  le  suivant  : 

Reçu  de  M.  Maheu,  serrurier,  un  protêt  d'effet  fait  le 
18  septembre  1828,  lequel  établit  une  dépense  de  20  fr.  au 
remboursement  de  laquelle  il  aurait  droit. 

Paris,  11  mai  1829. 

H.  Balzac. 

M.  Maheu  a  remis,  le  4  juin  1829,  le  reçu  ci-dessus  à  M.  Sé- 
dillot, qui,  de  son  côté,  lui  a  payé  les  20  francs  dont  il  est 
question  dans  la  lettre  de  Balzac. 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  259,  2e  partie,  fol.  57.) 


[104]      LETTRE  DE  BALZAC  A  M.  FAUQUEUX 

Monsieur, 

Vous  pouvez  vous  présenter  chez  M.  Sédillot,  rue  des 
Déchargeurs,  n°  10,  avant  neuf  heures  du  matin  et  il  sol- 
dera le  mémoire  de  50  fr.  qui  vous  est  dû.  Je  vous  prie 
de  ne  pas  vous  présenter  avant  le  4  juin,  attendu  qu'il  est 
en  voyage. 

Agréez  mes  complimens. 

H.  Balzac 

Lettre  adressée  à  M.  Fauqueux,  papetier,  rue  Richelieu,  n°  28. 
Ce  mémoire  de  50  fr.  a  trait  à  «  30  cartes  couvertures  dorées  » 
fournies  à  Balzac  le  20  mars  1828;  M.  Sédillot  a  payé  cette  note 
le  5  juin  1829. 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  259,  2*  partie,  fol.  59.) 


LA  FAILLITE  ET  LES  DETTES.  407 

[105]      LETTRE  DE  BALZAC  A  M.  BONNEVILLE 

Monsieur, 

M.  Sédillot  vous  prie  d'appliquer  au  remboursement  de 
L'effet  dont  M.  Boulet  poursuit  le  recouvrement  contre 
moi  ainsi  qu'au  payement  des  irais,  l'argent  du  billet, 
Constant  Chantpie  dont  vous  poursuivez  le  rembour- 
sement et,  en  cas  que  cet  argent  ne  soit  pas  rentré  ou 
soit  insuffisant,  d'acquitter  l'effet  et  le  mémoire  de 
M.  Boulet  pour  le  joindre  à  la  poursuite  générale  des 
effets  Ponthieu  pour  laquelle  j'aurai  l'honneur  d'aller 
vous  voir,  en  étant  empoché  en  ce  moment  par  indispo- 
sition, et  M.  Sédillot  vous  remboursera  immédiatement  à 
moins  que  vous  n'envoyez  chez  lui  pour  avoir  les  fonds, 
alors  ayez  la  complaisance  d'y  envoyer  le  matin  avant 
neuf  heures. 

Aussitôt  que  les  pièces  de  ce  billet  seront  rentrées,  vous 
auriez  la  complaisance  d'obtenir  un  jugement  qui  réunisse 
les  trois  affaires  des  trois  billets  signés  Ponthieu  et  Cie  et 
de  diriger  une  poursuite  très  vive  contre  tous  les  signa- 
taires et  l'endosseur  Canel,  mais  principalement  contre 
M.  Ponthieu,  rue  de  l'Abbaye,  n°  14,  qui  paiera.  Il  faudra 
môme  signifier  la  contrainte  par  corps  à  tous. 

Agréez  mes  complimens  et  mes  regrets  de  ne  pas  pou- 
voir me  rendre  chez  vous  et  vous  éviter  qqe  peine. 

H.  Balzac. 

Suscription  de  la  lettre  :  Monsieur  Bonneville,  rue  des  Vieux  - 
Augustins,  n°  40,  Paris. 

Le  10  juin  1829,  M.  Guitry  donne,  au  nom  de  M.  Duquesnel, 
reçu  à  M.  Sédillot  d'une  somme  de  deux  cent  soixante-cinq 
francs  pour  le  principal  du  billet  Balzac  en  faveur  de  M.  Girou- 
dot. 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  259,  2«  partie,  fol.  63.) 


408  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

[106]     LETTRE  DE  M.  ALEXANDRE  DE  BERNY 
A  M.  SÉDILLOT 

1er  juillet  1829. 

Fonderie  de  caractères  de  Laurent  et  de  Berny, 
rue  des  Marais  St-G.,  n.  17. 

Polytypie  Paris,  ce  1er  juillet  1829. 

Gravure 
sur  acier,  cuivre, 
bois,  etc. 

Monsieur, 

Mr  Balzac  m'ayant  prié  de  remonter  à  la  source  de  cet 
effet  pour  le  payer  avant  qu'on  n'en  fasse  le  protêt,  je 
viens  de  le  solder. 

Je  vous  prie,  en  son  nom  (selon  qu'à  son  dire  vous  en 
êtes  convenu  avec  lui)  d'en  remettre  le  montant  au 
porteur. 

J'ai  l'honneur  d'être  avec  respect 

Al.  de  Berny. 

Suscription  de  la  lettre  :  Monsieur,  Monsieur  Sédillot,  rue  des 
Déchargeurs,  n°  10. 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  259,  2e  partie,  fol.  65.) 


[107]        LETTRE  DE  BALZAC  A  M.  SÉDILLOT 

W  juillet  4S29. 

Mon  bon  cousin,  M.  Laurens  m'a  fait  signifier  en  tems 
utile  et  dans  une  forme  légale  un  acte  de  transport  de  sa 
créance  sur  moi  au  profit  de  la  dame  veuve  Cuisinier,  sa 
sœur,  et  c'est  à  elle  que  doit  être  payé  le  terme  réclamé. 
Cet  acte  a  eu  pour  but  de  sauver  cet  avoir  des  mains  des 
créanciers  qui  le  poursuivent  relativement  à  une  garantie. 
Ainsi,  si  vous  voulez  avoir  la  bonté  de  payer  sur  la  quit- 
tance de  cette  dame,  il  n'y  aura  aucune  irrégularité. 

Ne  vous  étonnez  pas,  mon  bon  cousin,  de  ne  pas  me 
voir.  Je  suis  occupé  à  achever  deux  ouvrages  qui  vont 
être  vendus  d'ici  à  un  mois;  il  faut  les  mettre  en  état 


LA  FAILLITE  ET  MIS  DETTES.  409 

d'être  imprimés.  Je  suis  accablé  d'obligations.  Mou  tailleur 
a  un  effel  de  500  fr.  renouvelle  {sic)  échéant  en  août.  J;u 
750  fr.  d'arriéré  à  M.  Laurens  pour  Virc;  à  compter  de 
cette  époque,  je  dois  lui  payer  les  89  fr.  par  trimestre.  Je 
dois  à  mon  beau -frère  un  peu  d'argent.  Je  dois  à  un  ami 
qui  m'aide  à  vivre  eu  attendant  le  produit  de  nies  deux 
ouvrages,  vous  savez  que  je  n'ai  guère  eu  que  100  fr.  de 
suitte  {sic)  pour  vivre,  sur  mon  Chouan;  j'ai  cependant 
acquitté  des  petites  dettes  comme  500  fr.  à  mon  bottier 
dont  l'effet  n'a  pas  paru  sur  mon  bilan,  et  vous  comprenez 
que  l'intérêt  de  mon  travail  passe  avant  tout  autre  ;  le 
désespoir  me  prendrait  si  je  n'étais  pas  absorbé  par  mon 
travail,  car  je  sens  que  je  ne  dois  plus  causer  de  charges 
à  ma  pauvre  mère.  Je  voudrais  pouvoir  payer  cet  effet  de 
300  fr.  à  la  (in  de  juillet  et  je  désespère  d'avoir  fini  à  cette 
époque.  —  La  librairie  devient  de  jour  en  jour  plus  mau- 
vaise —  Ponthieu  a  passé  à  Bruxelles  en  se  voyant  con- 
damné —  mais  on  dit  que  Schubbart  offre  50  °/0.  En  ce 
moment,  mon  bon  cousin,  j'ai  oublié  toute  affaire  pour 
mon  travail,  car  avant  tout  je  dois  vivre  et  ma  ressource 
n'est  que  là.  —  Aussitôt  que  je  serai  dans  toutes  les  hor- 
reurs de  l'impression,  comme  mes  travaux  ne  réclameront 
pas  toute  mon  âme  et  mes  momens,  qu'il  y  aura  quelque 
chose  d'irrégulier  dans  mes  instans  de  travail,  je  pourrai 
être  tout  à  vous  et  régler  les  deux  ou  trois  petites  affaires 
qui  sont  en  suspens  par  ma  faute. 

Adieu,  mon  bon  cousin,  agréez  le  sincère  témoignage 
de  ma  reconnaissance. 

20  juillet  1829.  H.  Balzac. 

Suscription  de  la  lettre  :  Monsieur  Charles  Sédillot,  rue  des 
Déchargeurs,  10,  Paris. 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  259,  lro  partie,  fol.  17.) 


[108J        LETTRE  DE  BALZAC  A  M.  SÉDILLOT 

Paris,  24  9br«  1850. 

Mon  cher  cousin,  si  je  n'ai  pas  été  vous  voir  relati- 
vement au  billet  Marne,  n'en  attribuez  la  raison  qu'à  la 
nécessité  où  je  suis,  en  ce  moment,  de  passer  les  jours  et 


UO  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

les  nuits  à  travailler  pour  subvenir  aux  besoins  journaliers 
de  l'existence.  La  Librairie  est  morte.  Il  n'y  a  pour  moi 
de  ressources  que  dans  les  journaux  et  j'ai  à  peine  le 
temps  de  suffire  à  leurs  exigeances  (sic).  Il  est  d'autant 
plus  malheureux  qu'il  y  ait  eu  des  frais  de  faits  pour  le 
billet  de  Marne  qu'il  vous  avait  été  remis  par  moi  en 
compte  sur  la  dette  et  qu'étant  en  compte  avec  M.  Marne 
et  devant  à  M.  Marne  de  l'argent,  je  pouvais  presque  le 
balancer  et  ne  rien  perdre  ;  les  frais  étaient  en  train  quand 
je  suis  revenu  de  Touraine  et  il  m'a  fallu  aussitôt  faire  de 
pressantes  démarches. 

Aussitôt  que  j'aurai  quelques  jours  à  moi,  je  m'occu- 
perai de  faire  lever  les  oppositions  dont  vous  me  parlez; 
mais  il  faut  introduire  des  instances  et,  en  ce  moment,  le 
plus  nécessaire  et  le  plus  pressé  est  de  vivre  et  de  gagner 
de  l'argent  pour  ma  mère  et  pour  moi  —  car  pour  payer, 
il  faut  travailler.  —  Ayez  donc,  mon  cher  cousin,  la  cha- 
rité de  croire  que  tous  mes  efforts  tendent  à  me  libérer  le 
plus  promptement  possible;  j'y  emploie  tout  ce  que  j'ai 
de  force  et  de  courage.  Avant  d'accorder  mes  affaires  liti- 
gieuses, il  faut  avoir  le  tems  devant  moi  et  si  je  suis  un 
jour  sans  travailler,  je  suis  le  lendemain  sans  pain  —  per- 
sonne ne  songe  à  cela. 

Agréez,  mon  cher  cousin,  les  témoignages  d'une  recon- 
naissance sincère  et  durable. 

V/  dévoué  cousin  H.  Balzac 

Suscription  de  la  lettre:  Monsieur  Ch.  SédilIot,rue  des  Déchar 
geurs,  n°  10,  Paris. 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  259,  2e  partie,  fol.  73.) 


[109]  REÇU  DE  BALZAC 

29  novembre  1830. 

Reçu  de  M.  Sédillot  les  pièces  d'un  effet  Marne  et  De- 
launay-Vallée,  ensemble  francs  :  824,55  cent.,  je  dis  huit 
cent  vingt-quatre  francs  trente-trois  centimes  dont  je  lui 
tiendrai  compte  à  sa  première  réquisition. 

H.  Balzac. 
29  9k"  1830. 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  259,  2*  partie,  fol.  76.) 


LA  FAILLITE  ET  LES  DETTES. 


411 


[HO]     COMPTE  DES  FOURNITURES  DE  CARACTÈRES 

FAITS  PAR  LA  MAISON  LAURENT  A  BALZAC 

ET  BARBIER 

25  août  1897-29  janvier  18:11'. 
BALZAC  ET  BARBIER,  IMPRIMEURS  A  PARIS 


1827  Poids. 

Août        25.  Filets  n"  3,  5  et  13 32\9°  à 

—  ».  Interlignes  in-18,  8  au  cicéro  ,  .   .  56,10  à 

—  31.          —                         —  2,04  à 
Sff.teir.lre  3            —                            —  15, Il  à 

—  ».          —                           —  22,4     à 

—  5.          —                          —  7,4    à 

—  12.  Cadratins  petit  texte 3,9    à 

—  14.  Cadratins  et  1/2  cadratins. 

petit  texte 22,2    à 

—  ».  1/2  cadratins  petit  texte 7,2    à 

—  17.  Cadrats               —             26,13  à 

—  ».  Interlignes  4  au  cicéro 16,2    à 

—  18.          —                 -                20  »    à 

—  19.                             —               48,6    à 

—  ».  Cadrats  de  petit  texte 5,14  à 

—  20.  Interlignes  4  au  cicéro 22,16  à 

—  21.            —              —              34,4    à 

—  22.  Cadratins  et  1/2  cadratins 

de  petit  texte 11,13  à 

—  24.  La  volière  des  enfans,  n°  258    .   .   . 

—  ».  Interlignes  des  4  au  cicéro  ....  60       à 

—  1".          —           des  8    —               ....  6,4    à 

—  25.   Rosace  gothique 4  à 

—  25.  Interlignes  4  au  cicéro  ......  61,8    ù 

—  ».  Un  vieux  quinquet  réparé 

—  28.  Un  cul  de  lampe 

—  ».  Cadrats  corps  8 21,10  à 

—  29.  Cadrats  et  cadratins  corps  8  .   .   .  11  »    à 
Octobre     1.       —                      —              —           ...  34  »     à 

—  ».  Filets  azurés 2,2    à 

A  reporter.    .    . 


DOIVENT 

AVOIR 

Prix 

Fr.   Cent. 

Fr.  Cent. 

1,10 

35,80 

1,75 

$9,10 

1,75 

3,95 

» 

27,75 

» 

58,90 

» 

12,70 

» 

6,25 

» 

38,70 

» 

12,45 

» 

46,90 

1  » 

16,10 

1  » 

20  » 

1  » 

48,55 

1,75 

10,30 

1  » 

22,60 

1  » 

54,25 

1,75 

20,65 

4  » 

o  » 

1  » 

60  » 

1,75 

10,95 

2,25 

9  » 

1  » 

61,50 

4  » 
2  »> 

1,50 

52,. i5 

1,50 

16,50 

1,50 

51  » 

1,50 

3  20 
739 ,  35 

9  » 

1.  Malgré  le  caractère  technique  de  ce  compte,  que  nous  a 
très  obligeamment  communiqué  M.  Tuleu,  nous  avons  cru 
indispensable  de  publier  en  son  entier  ce  document  intéres- 
sant à  plus  d'un  titre.  Le  poids  des  caractères  est  en  livres 
et  onces. 


412 


LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 


Report . 


1827 
Octobre.  2. 

—  ». 

—  6. 


—  7. 

—  9. 


Sphinx,  fonds  blanc,  de  Gillé.   .   . 
Chiffres  égyptiens,  petit  texte  .   . 
2  p.  de  philosophie  ornées  et  om- 
brées   

Cicéro  romain 


3,4    a    3 


10. 
11. 


12. 

». 
13. 

». 

». 
15. 

»  . 

17. 

». 

18. 

19. 


12  lames  de  filets  maigres  6  points. 
Cadrats  et  1/2  cadratins,  corps  8.  . 
2  p.  de  philosophie,  ornées  .   .  .   . 

Filets  anglais 

Interlignes  4  au  cic".  Annales  ro- 
mantiques  f 

Interlignes  4  au  cic°.  L'Ecolier  .   . 

—  —  Annales.    .   . 

—  —  L'Écolier   .   . 

Cicéro  romain 

Filets  de  cuivre 

Gothique  du  36  de  F1"  Didot  .  .  .  . 
Cicéro  romain 


8 

149,10 

205,4 

10  » 

14,14 

13,8 

6,8 


—  20. 

—  ». 

—  22. 

—  ». 

—  ». 

—  23. 


25. 

29. 
30. 
31. 


Interlignes.  4  au  cic*.  L'Écolier.   . 

Cicéro  romain 

—         —      Espacés 

4  couvertures  pour  Const'  Chantpie 

Cicéro  romain  S  à  bouton 

Cadrats  petit  texte 

Espaces  de  nompareille 

Filets  de  cuivre 

Cadrats  du  8 

Cadrats  et  espaces  de  nompareille. 
Vignette  de  Thompson,  n*  7.    ... 

Filets  de  cuivre 

Cicéro  romain 

Filets,  double  maigre,  5  p 

Vignettes,  petit  parangon 

Filets  maigres,  3  p 

Filets  de  cuivre 

Coins,  feuilles  d'acanthe 

Cicéro  romain 


»  à 
36  »  à 
41,8  à 
24,10  à 
24  » 

5,15 

»  5 
29,6 
22,8 
68  » 
58,12 

9,12 


18,8 


a 

à 

8.8     à 

6,3    à 

52,8    à 

17,15  à 

6.3  à 
41  »  à 
12  »    à 

14  à 
14,14  à 

12.7  à 

1.4  à 
67,12  à 

423,12  à 

26.8  à 
53  »    à 


SoTemir«.l.  Interlignes,  4  au  cic° 58  »    a 

—  ».  Cicéro  romain 53  »     à 

—  ».  2  p.  de  Mignonne  (Aubry) 4  »    à 

A  importer.    .   . 


2,50 
1,60 
1,60 
1,10 
1,50 
2,50 
4 


,60 

,50 

* 

,60 
,60 
» 
,60 
,60 

,60 

,50 

» 

,50 
,50 


,50 
.60 
,10 

» 

,10 
,50 

» 

,60 
,60 
,60 
,60 

» 
,60 


DOIVENT 

Fr.  Cent. 
759,35 

2  » 
9,75 

1,25 

239,40 

328,40 

11  » 

22,30 

33,75 

2  » 

6  » 
56  » 
41,50 
24,60 
38,40 
26,15 

47  » 
36  » 
68  » 
94  >» 
15,60 
40  » 
12,80 
27,75 
42,50 
27,84 
78,75 
89,70 

5  » 
27,84 
65,60 
13,20 

1  75 
16,35 
55,95 

2,50 

108,40 

678  » 

42,40 

52,80 

38  » 

52,80 
75 

3  301,13 


LA  FAILLITE  ET  LES  DETTES. 


ir, 


Report . 


1827 
N«umlire  ».  Interlignes,  4  au  cicéro 27,0    à     1   » 

—  ».  Cicéro 38,4     ù     1,60 

1.  Solde  des   prélèvements  d'août  et 

septembre 

».  Moitié  du  prélèvement  d'octobre.  . 

1.  Interlignes)  l  au  cicéro 37  »    à    1  » 

1.  00  chiffres  1,  égyptiennes   et  petit 

texte. 2     à     3  » 

—  ».  Polytypage  p'  dos   de  couvert,    de 

l'Anthologie 

—  ».  -i  passe-partouts,  n*  54,    Duplot.    .  4  » 

—  ».  Cicéro  romain 86,12  à    1,60 

—  2.  Vieille  fonte 319,»    à  55  » 

—  3.  Chiffres  égyptiens,  petit  texte.  .   .  15  à    3  » 

—  ».  Cicéro  romain 96  »     à    1,60 

—  5.        —         —         12,12  à    1,60 

—  7.        —         —  101  »    à    1,60 

—  ».  Espaces  nompareille  .......        7,7     à    5  » 

—  8.  Vieille  fonte 42  »    à  55  » 

—  ».  Cicéro  romain 104,6    à    1,60 

—  14.  Polytypage  n*  521 

—  ».  —  n»52i 

—  16.  —  n*  10  de  Thompson  .   . 

—  ».  Polytypage  n°  130 

—  17.  —  n*  11 

—  18.  Filets  de  3  points,  n*  3 21,4    à    1,10 

—  20.  Tremblés  de  petit  texte 14       à    3 

—  ».  Solde  du  compte   de  M.  Laurent 

pour  les  fournitures  antérieures 
à  l'association 

—  23.  Cicéro  romain 386,10  à    1,60 

—  ».  Espaces  de  nompareille 12,6    à    5 

—  ».  Différence  sur77l,5  cadrats  de  petit 

texte  comptés  à  1,75  au  lieu   de  1,50 

—  26.  Filets  simples  sur  3  points  ....      30,6    à    1,10 

—  ».  Cadratins  et    1/2    cadratins    nom- 

pareille 3  »     à    5  » 

—  28.  Cadratins    et    1/2    cadratins   nom- 

pareille 1,12  à    5  » 

—  30.  Prélèvement  de  novembre  .   .   . 

Décembre  1.  Accolades  nompareille  et  cadratins  4,6    à    4  » 

—  4.  2  clichés  n"  159  et  160  de  F"  Didot.  4  » 

—  ».  Un  poêle  en  faïence  pour  le  cabinet 

—  7.  Matière  en  lingots  pour  garniture.  524,4    à  60  » 

A  reporter 


DOIVENT 

Fr.  Cent. 

3  301,13 


z7,ao 
6 1,20 


37  » 


o  » 
16  » 

138,80 

2,83 
153,60 

20,40 
161,60 

37,20 

167  » 
4  » 
2  » 

4  » 
1,50 

5  » 
23,35 

2,65 


»     » 

618,60 

61,87 


33,40 

15  » 

8,75 

17,50 

16  » 

178,72 


5  119,80 


AVOIH 

Fr.  Cent. 
10,26 


200  » 
100  » 


175,15 


23,10 


19,25 


200 


16 


744,  05 


414 


LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 


18-27 

JoTembre  ». 


Report. 


—  11. 

». 

—  ».  2 

—  12. 

—  ». 

—  15. 


5  polytypages,  armes   d'Espagne, 

d'Angleterre,    d'Autriche   et  de 

Russie 

Lettres  ornées  2  p.  de  mignonne.    .      10,8    à    3   » 
Moitié   d'une  voie  de  bois  pour  la 

portière 

Leur  remise  à  valoir  sur  les  324', 4 

matière 

polytypages,   petites    armes   de 
Russie    montées  dans  160   de 

t      Firmin  Didot 

Egyptiennes  2  p.  de  gaillarde.   .   .      25,6    à    3  » 

Accolades  nompareille 3  »    à    4  » 

Lettres    ombrées    et    p    de    nom- 
pareille 

—  ».  Coulée  de  St-Augustin 

—  ».  Filets  1/2  gras  de  3  p 

0~      ».  Gothique  allemande  du  36 

—  17.  Interlignes  1  p.  1/2 

—  20.  Cadrats  nompareille  stéréotype.   . 

—  ».  Vignettes,  palmettes,  coins  .... 

—  ».  Interlignes  1  p.  1/2 

—  12.  Vignettes,  feuille  d'acanthe.   .  .   . 
Décembre  ».  Cadrats,  espaces  nompareille.   .  . 

—  24.  Lettres  grasses  petit  romain  .   .  . 

—  7.  Acanthe  nouvelle,  petites  feuilles. 

—  ».  Impression  de  factures,  reçus,  etc. 

—  26.  Polytypage  n°  201 .   .   . 

—  ».  Espaces  nompareille  hautes.   .   .   . 

—  27.  Cadrats  et  espaces  hauts  de  cicéro 

—  23.  Espaces  nompareille 

—  ».  Couronne  n*  524 

—  31.  Prélèvement  de  décembre 

1828 

Jantitr    2.  Attribut  de  justice 

—  3.  Espaces  nompareille  hautes.  .  .   .      10,2 

—  5.  Cadrats  nompareille  hauts  ....        6,2 

—  ..  Polytypage  n*  597  . 

—  9.  2  p.  de  mignonne  ornée 14  » 

—  10.  4  clichés  :  Courrier  du  Midi  .... 

—  ».  Cadrats  et  'espaces  hauts  de  nom- 

pareille  15,14 

—  12.  Ass'  de  cicéro 19,9 

—  15.    —  —        44,6 

—  ».  Espaces  hautes  de  nompareille.   .        6,14 

—  ».  Croix  d'honneur  corps  8 8 


DOIVENT        AVOIR 
Fr.  Cent 
5119,80 


15  » 
31,50 

17  » 


12,12  à 

3  » 

38,25 

4,8    à 

3  » 

13,50 

1  » 

»  » 

1,10 

23,6    à 

2,50 

58,43 

2        à 

1,75 

3,50 

19,13  à 

5  » 

99,06 

4,8     à 

2  » 

9  » 

4,1     à 

1,75 

7,11 

6  »    à 

2  » 

12  » 

13,12  à 

5  » 

68,75 

9,4    à 

2  » 

18,50 

7,8    à 

2  » 

15  » 
3  » 

2,8    à 

5  » 

12,50 

3  »    à 

1,60 

4,80 

6,12  à 

5  » 

33,75 

5  » 
5  » 


75 

5  » 

1,60 
1,60 
5  » 
4  « 


A  reporter 5  988,47 


76,12 
12  » 


5  » 

50,62 

30,62 

3  » 

2,63 


79,58 
31,30 
71  » 
54,38 


LA  FAILLITE  ET  LES  DETTES. 


415 


1 828 

Jantirr     » 
—     16 


—  17 

—  » 

—  10 

—  », 

—  25. 


—  23. 

—  ». 

—  25. 

—  31. 
Pétriir  7. 


—  11. 

—  12. 

—  13. 

—  14. 


—    16. 


—    12. 


— 

23 

Jamier 

19. 

Pérrier 

27 

— 

» 

— 

» 

— 

29. 

— 

29. 

lars 

1". 

Report,    . 

.  10  clichés  :  Moka  en  poudre.   .    .   . 

.  Ass1  de clcéro 9,3 

.  50  bandes  imprimées  :  Abonnement 

à  le  lecture 

.  Ass'  de  clcéro 47  » 

.  Ass' de  mignonne 4,7 

—  —  2,3 

Ass' de  cicéro 48,8 

Série  de  chiffres,  comp"  et  6 tirages 

à  12  exempl 

Circulaire,  composition  annulée.  . 
Cadrats  et  espaces  hauts,  corps  9.         4,2 
Cadrais  et  espaces  de  cicéro    .   .    .      47,12 

Ass'  cicéro 19,4 

Prélèvement  de  janvier  H.  Balzac. 

Vignettes  petit  romain 2  » 

—        petit  canon 6  » 

Vignettes  grecque  nompareille  .  .        1,8 
Acanthe  anglaise  sur  gros  canon  .      15  » 

Pelmette.  fond  blanc 18,8 

Chiffres  gras,  corps  9 6,8 

Montage  de  8  clichés,  sur  bois, 
couvert.,  et  prosp.  de  la  collec- 
tion  

Montage   de  4    clichés,    sur    bois, 

institution  Bourdon 

6  lettres  montées  sur  bois  :  Romans 
8     lettres     montées     sur    bois     : 

Zschokke 

Fournitures  faites  à  l'imprimerie 
par  Fessin  et  réglées  par  la  fon- 
derie dans  sa  facture  générale  .   . 

N*244 

Ajustage  par  Drevault  de  2  plaques 

du  stéréotype 

Interlignes  8  au  cicéro 6,6 

Filets  n°10,  6P 10,3 

Interlignes  8  au  cicéro 32,2 

—  —  13,12 

Prélèvement  de  février 

Du  23  août  1827;  100  adresses  vélin. 

Argent 

1  cliché,  tête  de  page  (Allain)  en- 
semble 3  sujets  

1  cliché,  tête  de  page  (Allain)  sépa- 
rément 3  sujets 

A  reporter.    . 


à  1,60 

à  1,60 

à  3,25 

à  1,60 

à  2  >» 

là  1,60 


2,50 
2  » 


à  4  » 

à  1  » 

à  2  » 

à  2,50 


à  1,75 

à  1,10 

à  1,75 

à  1,75 


2,50 
2,50 


DOIVENT 

Fi.    Cru! 

5988,47 
14,70 

75,20 
21,52 

77,60 


8,50 
107,20 

5  » 
12  » 

6  » 
30  » 
37  » 
16,25 

6  »» 

2  » 

6  » 


802,32 
5  » 

12  » 
11  14 
11  20 
56,22 
24,05 


AVOIR 

Fi    cm 
1 10f,05 

5  » 


10  ■ 


200 


200 

5 

600 


7  348,57  I    2136,05 


416 


A  JEUNESSE  DE  BALZAC. 


Report 

18-28 
Bars       6.  Espaces  et  cadrats  8  au  cicéro,  sté- 

réotypie 18  »     à    2  » 

—  ».  Interlignes  hautes  8  au  cicéro.   .   .      22  »    à    1,7a 

—  ».  Lingots,  p'  la  stér 20  »    à  90  » 

—  ».  Bizeaux  —      ...        6  »    à  90  » 

—  S.  N*  492  nouveau 

—  ».  Interlignes  4  au  cicéro 95,5    à    1  » 

—  8.  Vieux  vêtements  pour  Marie.   .   .   . 

—  12.  Cadrats  et  cadratins  du  8  hauts  .   .      22, 14  à    2  » 

—  14.  Espaces  du  8 7,12  à    2  » 

—  15.  Argent 

—  17.  Sa  remise    E'    V"   Thiercelin  au 

20   nov.  1828 

—  ».  Sa    remise    E»   V0'  Thiercelin    au 

51  janvier  1829 

—  ».  Sa    remise    E1  V"   Thiercelin    au 

51  mars  1829 

—  17.  Montage    sur   bois    de  2  couvert, 

grand  in-8 

—  19.  Interlignes  hautes  8  au  cicéro  ...      21,12  à    1,75 

—  20.  Espaces  hautes  du  8 11,14  à    2  » 

—  21.  Interlignes  4  au  cicéro 24,8    à    1,75 

—  ».  Lingots  pour  le  stéréotype 53  »    à  90  » 

—  ».  Bizeaux  —  ....      21,4    à  90  » 

—  26.  Lettres  grasses  de  petit  romain.   .      11,14  à    2,50 

—  28.  Etat  des  lieux  de  la  fonderie.  .  .  . 

—  28.  Vieux  filets  baissés  pour  la  stéréo- 

typie 25  »    à  25  » 

—  31.  Prélèvement  de  mars 

Avril  2.  Lettres  de  2   p.    petit  texte  ordi- 
naire   34  »    à 

—  ».  Lettres  de  2  p.  mignonne  ordinaire  20,12  à 

—  ».  Lettres  de  2  p.  mignonne  gras.   .   .  26,6    à 

—  ».      gyptiennes  petit  romain 21,14  à 

—  ».  —  2  p.  de  nompareille.  .  20       à 

—  ».  Espaces  et  cadrats  du  8 42,4    à 

—  ».  Filets  double   maigre  3  p 17,6    à 

—  ».  Lettresgrasses2p.de  cicéro.   .   .  15,2    à 

—  ».        —       2  p.  de  philosophie  .  .  21,12  à 

—  ».  Lettresgrasses2p.de  petit  romain.  22       à 

—  ».  2  p.  de  petit  romain  ord 17,10  à 

—  ».  2  p.  de  gaillarde  ord" 27,12  à 

—  ».  2  p.  de  petit  rom.  ombré 24,2    à 

—  4.  2  p.  de  petit  texte,  grasses 15,8    à 

—  ».  Interlignes  4  au  cicéro 39,12  à 

A  reporter.   .   . 


DOIVENT 
Fr.  Cent. 
7  518,57 


36  » 
58,50 
18  » 
5  40 
2  » 
96,51 

45 ,  75 
15,50 


38.05 
25,75 
42,87 
47,70 
19,12 
29,62 


6,25 


2,50 

85  » 

5  » 

62,25 

3  » 

79.12 

3  » 

65,62 

2  » 

60  » 

2  » 

84,50 

1,10 

19,10 

2  » 

30,25 

2  » 

43,50 

2  » 

44  » 

2  » 

55 ,  25 

2  » 

55,25 

2,50 

60,31 

2,50 

58,75 

1  » 

59,75 

8615,84 


LA  FAILLITE  ET  LES  DETTES. 


il  7 


1828  Report.    .  . 

uni       5.  Partie  du  prix  des  bois  du  La  Fon 
taine  vendus  à  Durouchall  .  .   . 

—  ».  •>  imi>  de  sujets  graves  au  trait  à 

paj  er  a^  ec  !<■  produll  des  deua 

["•  polvl ypages   vendus 

».  Egyptiennes  petil  romain s 

Points,  corps  8 1,14 

—  8.  l'oinis,  corps  s . 

—  il,  4  pages  in  i  pour  Disse}  et  Piver  . 

montées  sut  bois 

—  12,  Interlignes  1  au  c* 67,12 

—  ».  Filets  de  3P 7,12 

—  ».  2  p.  de  philosophie  ord" 29  » 

—  ».  2  p.  de  petit  texte,  ornés 25  » 

—  15.  Filets 6,4 

—  16.      —     6  points -20,li 

—  17.  Interlignes  hautes,  8  au  cicéro.  .   .       6,8 

—  21.     égyptiennes  petit  romain 2  » 

—  24.  —  —  1,2 

—  ».   Filets  maigres  5  p 13,6 

—  "24.  Lettres  en  bois  stéréotypées.   ...     107  » 

—  ».  Vieille  matière 424  » 

—  25.  Egyptiennes  petit  romain 5,10 

—  25.  Sa  remise   1»"  U.  Canel   au  5  sep- 

tembre  

—  ».  Sa  remise  b"1  U.  Canel  au  30  sep- 

tembre  

«ai      1".  Interlignes  6  au  c* 19,12 

—  2.         —  —          29,12 

—  3.  Un  pain  de  régule 22,12 

—  ».  N-  514 

—  10.  2  cadres  in-12,   vignettes   stéréoty- 

pées et  montées  sur  bois 

—  13.   Egyptiennes  petit  romain 55,10 

—  19.  Italiques  7  au  c" 22,8 

».  Régule 22,6 

—  23.  Filets  azurés 5,12 

27.  Interlignes  4  auc 72  » 

—  ».  Bizeaux  de  nompareille 20,4 

—  29.  N-  294 

—  30.  Régule 10 

Juin        4.  Divers  objets  réglés  au  mécanicien 

Mabeu  

—  16.  100  kg.  d'huile   à  brûler  fournie  cet 

hiver  à  la  stéréotj'pie 

Juillet      9.  Bois  pour  la  stéréotypie 

A  reporter.    . 
1 .  Il  y  a  ici  une  erreur  d'addition  ;  le  total  est  9 


a 

1  » 

;'i 

1,10 

à 

2  » 

à 

3  » 

à 

1,10 

a 

1,10 

à 

1,75 

à 

3  » 

à 

3  » 

à 

1,10 

à 

1  » 

à 

55  >» 

à 

3  » 

1,25 


0  » 
1,60 
1,25 

1,50 

1  » 
1,25 

1,25 


80  » 


DOIVENT 

i  i    Cent 
8615,84 


1,50 
5,62 
12  » 


67,75 

58  » 

7.">  » 

6,87 

22,95 

11,37 

6  » 

5,37 

1  i ,  70 


16.87 


24,68 

57,18 

28,43 
5  » 

50  » 

106,87 

36  »» 

27,96 

8,62 
72  ». 
•2:.,.-.! 

8  » 
12,50 


80  » 
10  .. 


9 441, 05 ! 


AVOII! 

1 1    Cent 
I  265,05 

100  » 


107  » 
233,20 


300 


1000  » 


85 


6  288,25 


110,91. 


27 


us 


LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 


1829 

JaiTier 


Mars 


tnll 

1831 

JiiTier 


Report. 


28.  Fleurons  fournis  en  déc.  1827  à 
Cavillon  et  Moreau  p.  Al.  Bau- 
douin  

28.  200  affiches  du  Traité  du  dol  pour 

Comynet  d'Avallon 

17.  Montage  sur  bois  de  2  couvertures 
gr.  in-8,  géographie   Baudouin. 

20.  2  matrices  de  gravures  et  1  ma- 
trice de  cinq  filets  de  l'Opinion. 

16.  Acompte  sur  les  impressions  de 
notre  spécimen  et  autres  objets. 

29.  Complément  de  sa  facture  d'impressions 

».  Solde  du  compte  de  Delâtre,  de  Cambray,  pour 

i  rames  de  papier  imprimé  égarées,  sans  frais. 
».  Solde  reporté  au  compte  de  M""  de  Berny.   .   .   . 


DOIVENT 

AVOIR 

Fr.  Cent 

Fr.  Cent. 

9-141,05 

6288,25 

51  » 

21,50 

1,50 

40  » 

4  400  * 

83  » 

128,25 

1210,96 

10  852,76 

10  832,73 

(Archives  de  la  fonderie  Deberny.) 


DOIT 


AVOIR 


18 10 


îTrii       16.  Prêté   à   Balzac  depuis  longtemps  qui   devait  le 
rendre  de  jour  en  jour   et  qui   paraît  ne   pas 

devoir  le  rendre 500  » 

Perle  probable  de  cette  somme1.  300  » 

Livre  des  comptes  courants  n°  6,  du  28  février  1858  au 
15  avril  1840,  folio  385. 

(Archives  de  la  fonderie  Deberny.) 

1.  Ces  cinq  mots,  imprimés  en  italiques,  sont  écrits  à  l'encre 
rouge  sur  le  registre. 

Nous  tenons  de  M.  Arthur  Rhoné  qu'un  jour  M.  Alexandre  de 
Berny  vit  arriver  Balzac  qui  lui  dit  :  «  Prète-moi  500  francs, 
j'en  ai  besoin  pour  payer  un  acte.  » 

Ce  prêt  de  500  francs  semble  bien  être  celui  porté  sur  les 
livres  de  la  maison  de  Berny,  à  la  date  de  1840,  comme  fait 
depuis  longtemps  ;  l'acte  en  question  serait  relatif  à  l'acquisi- 
tion des  Jardies  par  Balzac,  en  1857.  «  J'ai  acheté  ici,  écrit-il  à 
M™0  Hanska  le  10  octobre  1857,  un  petit  terrain  d'une  quarantaine 
de  perches  sur  lequel  mon  beau-frère  va  me  faire  bâtir  une 
maisonnette  où  je  vais  dès  lors  demeurer  jusqu'à  ce  que  ma 
fortune  se  fasse  et  où  je  resterai  toujours  si  je  reste  gueux. 


LA  FAILLITE  ET  LES  DETTES.  419 

[III!     BALZAC  ASSIGNÉ  DEVANT  LE  TRIBUNAL 
DE  COMMERCE  DE  LA  SEINE 
S  juillet  1834. 

Le  3  juillet  1834,  M  Michel  Henrion,  huissier,  à  la 
requête  «le  M.  Pichon,  ancien  libraire,  représentant 
M.  Delatouche,  demeurant  à  Paris,  pue  Christine  a0  •">,  et 
M.  Decaix,  propriétaire,  demeuranl  6  Paris,  nie  Mr  le 
Prince  n°  24,  agissant  lous  deux  comme  commissaire  el 
représentant  la  masse  des  créanciers  du  sr  Emmanuel 
Drevet,  ancien  marchand  de  papiers,  à  Paris,  rue  d'Anjou- 
Dauphine,  n°  6,  donne  assignation  à  Balzac  et  à  Barbier, 
au  nom  et  comme  ayant  droit  de  la  Société  Balzac  et 
Barbier,  imprimeurs  à  Paris,  à  comparaître  le  10  juillet 
1834,  à  l'audience  du  Tribunal  de  commerce  de  la  Seine; 
pour  s'entendre  condamner  solidairement  à  payer  aux 
demandeurs  la  somme  de  trois  cent  quatre-vingt  francs, 
restant  dus  sur  une  somme  de  onze  cent  quarante  francs, 
montant  de  deux  billets  souscrits,  l'un  de  700  francs,  le 
20  juillet  1827,  l'autre  de  440  fr.,  le  20  octobre  de  la 
môme  année. 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  259,  2e  part.,  fol.  77.) 

Quand  elle  sera  bâtie  et  que  j'y  serai,  ce  qui  pourra  être  pour 
le  mois  de  janvier  prochain,  je  vous  en  aviserai,  et  vous  pourrez 
alors  m'écrire  sous  mon  nom,  en  mettant  le  nom  de  mon  pauvre 
ermitage  qui  est   Les  Jardies,  celui  de   la  pièce   de  terre    sur 

laquelleje  me  pose  comme  un  ver  sur  sa  feuille  de  laitue » 

Collection  Lovenjoul,  ms.  A  301,  fol.  434.  —  Lettres  à  l'Étrangère, 
p.  427  (lettre  CXXIX,  12  octobre  1837).  Voir,  sur  la  rédaction 
de  l'acte,  Champfleury,  Balzac  propriétaire,  pp.  13-16. 


APPENDICE  IX 


LES  IMPRESSIONS  FAITES  PAR  BALZAC 


LISTE    DES    LIVRES 

SORTIS    DES    PRESSES    DE    LA    MAISON    HONORÉ    DE    BALZAC 

La  liste  des  impressions  faites  par  Honoré  Balzac, 
que  nous  publions  ci-dessous,  est  aussi  complète  que 
possible.  Toutes  les  impressions  qui  ont  été  régulière- 
ment déposées,  par  conséquent  enregistrées  dans  la 
Bibliographie  de  la  France,  sont  consignées  dans  cette 
liste,  mais  nous  ne  nous  sommes  pas  contentés  des 
mentions  insérées  par  Beuchot;  nous  avons  vu  les 
exemplaires  des  livres,  brochures  ou  prospectus  impri- 
més par  Balzac  et  nous  avons  fidèlement  transcrit  leurs 
titres.  Pour  ceux  qu'il  nous  a  été  impossible  de  rencon- 
trer, nous  les  avons  cités  d'après  la  Bibliographie  de  la 
France. 

Nous  avons  suivi,  par  année,  l'ordre  chronologique 
d'enregistrement  dans  ce  journal.  Certaines  impres- 
sions ne  figurent  qu'à  la  table  alphabétique  des  ou- 
vrages, et  sans  aucune  indication  de  date  de  dépôt, 
quelques-unes  n'y  figurent  pas  du  tout;  nous  avons 
mentionné  les  unes  et  les  autres  à  la  fin  de  chacune  des 


LES  IMPRESSIONS  FAITES  l'Ai'.  BALZAC.  421 

années  1826,  1827  el  1828.  Nous  n'avons  donné  la  colla- 
tion que  pour  les  brochures  comportant  moins  de  cent 

La  mention  :  Imprimerie  de  //.  Balzac,  rue  des  Marais- 

S.-G,  n.  17  est  le  plus  ordinairement  inscrite  soit  au 
verso  du  faux-titre,  soit  au  verso  du  titre;  pour  les  bro- 
chures ou  prospectus  qui  n'ont  qu'un  simple  titre  de 
départ,  la  mention  se  trouve  généralement  au  bas  de  la 
dernière  page.  Nous  n'avons  pas  cru  devoir  répéter 
cette  indication  à  la  suite  de  chacun  des  articles.  Nous 
avons  mentionné  la  date  d'enregistrement  dans  la 
Bibliographie  de  la  France  désignée  parles  lettres  B.F. 
Pour  faciliter  les  recherches  aux  amateurs  d'impres- 
sions balzaciennes,  nous  avons  pris  soin  de  relever  la 
cote  que  porte  chaque  numéro,  à  la  Bibliothèque 
Nationale,  désignée  par  les  lettres  B.  N1. 

ANNÉE  1826 

1°  Deuxième  tirage  à  mille  exemplaires.  —  Pilules  anti- 
glaireuses  de  longue  vie,  ou  grains  de  vie,  de  Cure,  phar- 
macien, à  Paris,  rue  St. -Antoine,  n°  77  (ancienne  maison 
Cadet)  [Paris,  imprimerie  de  H.  Balzac,  rue  des  Marais 
S.-G.  n.  17]  s.  d.  [1826J.  In-8. 

4  pp.  (la  dernière  blanche)  —  Le  nom  et  l'adresse  de  Balzac 
se  trouvent  au  bas  de  la  3e  page.  (Bibliothèque  Nationale  : 
Te151  1023  bis  (recueil). 

Les  exemplaires  du  cinquième  tirage  comportent  4  pp.  d'im- 
pression et  le  nom  de  Balzac  est  à  la  4e  page.  Nous  n'avons 
pas  vu  le  premier  tirage  que  nous  citons  d'après  la  Bibliogra- 
phie de  la  France,  du  29  juillet  1826,  n°  4957.  Ce  prospectus  est 
la  première  impression  de  Balzac  que  nous  connaissions  de 
façon  certaine. 

1.  M.  Marcel  Bouteron  a  relevé,  à  notre  intention,  dans  la 
collection  balzacienne  d'un  de  ses  amis,  M.  J.  Gabalda, l'indica- 
tion de  quelques  livres  ou  brochures  imprimés  par  Balzac,  que 
nous  n'avions  pas  connus  lorsque  parut  la  première  édition  de 
notre  ouvrage.  Grâce  à  son  obligeante  communication,  notre 
précédente  liste  se  trouve  donc,  aujourd'hui,  enrichie  de 
quelques  numéros. 


422  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

2° —  Plaidoyer  pour  Henriette  Cornier,  feBerton,  accusée 
d'assassinat,  prononcé  à  l'audience  de  la  Cour  d'assises 
de  Paris,  le  24  juin  1826.  Par  N.  Fournier,  avocat  stagiaire 
près  de  la  Cour  Royale  de  Paris.  Paris.  A.  Sautelet  et  Cic, 
libraires,  place  de  la  Bourse,  1826.  In-8. 

47  pp.  et  1  p.  blanche.  —  B.  F.,  2  août  1826,  n°  5063.  —  B.  N.  : 
8°  F3  145.  (pièce  719.) 

5°  —  Trente-cinquième  tirage  à  mille  exemplaires.  — 
Mixture  brésilienne  de  Lepère,  pharmacien,  à  Paris,  place 
Maubert,  n.  27.  Instruction  traduite  en  italien,  anglais, 
espagnol  et  allemand.  (A  la  page  2  :  Paris.  Imprimerie  de 
H.  Balzac,  rue  des  Marais  S.-G.,  n.  17),  s.  d.  (1826).  In-8. 

8  pp.  chiffrées  plus  8  n.  chiffrées  pour  les  traductions.  —  B.  F., 
12  août  1826,  n°  5215.  —  B.  N.  :  Te23  588  (45)  et  (46). 

4°  —  Boussole  du  commerce  des  bois  de  chauffage, 
bois  carrés,  charbons  de  bois  et  charbons  de  terre  des- 
tinés à  l'approvisionnement  de  Paris;  par  H.-E.  de  La 
Tynna  et  C.-P.  Rousseau.  Prospectus  (A  la  fin  :  Impri- 
merie de  H.  Balzac,  rue  des  Marais  S.-G.,  n.  17),  s.  d. 
(1826).  In-8. 

4  pp.  —  B.  F.,  16  septembre  1826,  n°  5959.  —  B.  N.  :  8°  Q.  2897. 
Voir  ci-dessous  les  n0'  77  et  78. 

5°  —  Rapprochement  de  la  Théorie  d'Alexandre  Muller 
et  de  la  Théorie  intitulée  :  Maniement  du  sabre,  litho- 
graphie par  ordre  de  M.  le  comte  de  Durfort.  A  Paris, 
imprimerie  de  Balzac,  s.  d.  (1826).  In-4°. 

Une  feuille  1/2.  —  N'est  pas  à  la  Bibliothèque  Nationale.  Cité 
d'après  la  Bibliographie  de  la  France  du  20  septembre  1826, 
n°  5985. 

6°  —  OEuvres  de  J.  F.  Ducis.  Paris.  Librairie  française- 
étrangère,  Palais-Royal,  galerie  de  bois,  n°  233  (1826-1827). 
8  vol.  in-32. 

B.  F.  :  Tome  I  :  30  septembre  1826,  n°  6190:  tome  II  :  14  oc- 
tobre 1826,  n°  6426;  tome  III  :  25  octobre  1826,  n°  6576;  tome  IV  : 
6  décembre  1826,  n°  7536;  tome  V  :  16  décembre  1826.  n°  7685; 
tome  VI  :  20  janvier  1827,  n°  582;  tome  VII  :  10  février  1827, 
n°  1073;  tome  VIII  :  28  février  1827,  n°  1624. 

Le  tome  IV  est  enregistré,  par  erreur,  comme  tome  V,  et  le 
tome  V  comme  tome  VI.  Les  couvertures  des  tomes  V  à  VIII 


LES  IMPRESSIONS  FAITES  PAR  BALZAC. 

sont  enregistrées  le  6  décembre  1820.  —  B.  N.  :  Inv.  Yf.  4605- 

ir.io. 

7°  —  Leçons  d'histoire  prononcées  à  L'École  normale  par 
C.  F.  Volney,  pair  <lc  France,  membre  de  l'Institut,  etc., 
augmentées  d'une  leçon  inédite  <-i  suivies  du  Discours  de 
Lucien  sur  la  manière  d'écrire  l'histoire.  Paris,  Baudouin 
frères,  libraires,  rue  de   Vaugirard,  n°  17,  1826.  ln-32. 

C'est  la  lrt  livraison  d'un  «  Cours  complet  des  Hautes 
Études  ». 

Voir  ci-dessous  le  n°  1K.  —  B.  F.,  14  octobre  1826,  n°  6381.  — 
B.  N.  :  Inv.  G  30064. 

8°  —  Petit  dictionnnaire  critique  et  anecdotique  des 
enseignes  de  Paris,  par  un  batteur  de  pavé.  Paris.  Chez 
les  marchands  de  nouveautés,  au  Palais-Royal,  4826.  In-32. 

Un  batteur  de  pavé  est  un  pseudonyme  de  Balzac.  —  B.  F., 
18  octobre  1826,  n»  6444.  —  B.  N.  :  Lk7  7415. 

9°  —  Le  Troubadour  français  contenant  romances, 
chansons  de  table  et  rondes,  tirées  des  meilleurs  chan- 
sonniers. Rédigé  par  quelques  convives  du  Caveau 
moderne  et  des  Soupers  de  Momus.  Paris,  chez  Caillot, 
libraire,  rue  St-André-des-Arts,  n°  57 ',  s.  d.  (1826).  In-12. 

B.  F.,  25  octobre  1826,  n°  6574.  —  B.  N.  :  Inv.  Ye  34169. 

10°  —  Napoléon  et  Talma  aux  Champs  elysées.  Dia- 
logue à  la  manière  des  anciens,  précédé  d'une  notice  his- 
torique sur  la  vie,  la  maladie,  les  derniers  momens,  les 
funérailles  et  discours  prononcés  sur  la  tombe  de  ce 
grand  Tragédien.  Par  C.  F.  Bertu.  Paris.  Chez  les  mar- 
chands de  nouveautés,  au  Palais-Royal,  1826.  In-32. 

65  pp.  et  1  p.  blanche.  —  B.  F..  28  octobre  1826,  n°  6748.  — 
B.  N.  :  Lb49  465.  —  Une  seconde  édition  est  enregistrée  dans 
la  B.  F.,  23  décembre  1826,  n°  8012.  —  B.  N.  :  Lb49  465  A. 

11°  —  L'Echo  Européen,  journal.  Prospectus  (A  la  fin  : 
Imprimerie  de  H.  Balzac,  rue  des  Marais  S. -G  n°  17),  s.  d. 
(1826).  In-12. 

4  pp.  —  B.  F.,  8  novembre  1826,  n°  6922.  —  B.  N.  :  Inv.  Z  8168. 
—  Le  journal,  qui  avait  pour  éditeurs  Lecointe  et  Durey,  n'est 
pas  imprimé  par  Balzac. 


124  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

12°  —  Œuvres  de  Colardeau,  de  l'Académie  française. 
Paris,  librairie  ancienne  et  moderne,  Palais-Royal,  galerie 
de  bois,  n°  263-264,  1820.  2  vol.  in-52. 

B.  F.,  Tome  I  :  18  novembre  1826,  n°  7140;  tome  II  :  29  no- 
vembre 1826,  n°  7537.  —  B.  N.  :  Inv.  Ye  48762-18763. 

13°  —  Contes  de  La  Fontaine.  Paris.  Librairie  française- 
étrangère,  Palais-Royal,  galerie  de  bois,  n.  233,  1826. 
2  vol.  in-52. 

Ces  deux  volumes  figurent  seulement  à  la  «  table  alphabé- 
tique des  ouvrages  »  de  la  Bibliographie  de  la  France,  avec 
l'indication  qu'ils  ont  paru  en  novembre.  Ils  ne  sont  pas  enre- 
gistrés dans  ce  journal. 

14°  —  Discours  de  M.  Canning,  prononcés  au  Parle- 
ment d'Angleterre,  précédés  du  message  de  S.  M.  Britan- 
nique au  Parlement.  Ces  discours  sont  accompagnés  de 
ceux  prononcés  par  MM.  Peel,  secret.  d'Etat,  Rob. 
Wilson,  Brougham,  Baring,  Hume,  Wood,  etc.  ;  et  tous 
ont  été  traduits  sur  les  originaux  anglais.  Paris.  Librairie 
ancienne  et  moderne,  Palais-Royal,  galerie  de  bois,  n.  263-264, 
1826.  In-32. 

64  pp.  —  B.  F.,  23  décembre  1826,  n°  7998.  —  B.  N.  :  Ng.  243. 

15°  —  Napoléon  et  Talma  aux  Champs  Elysées...  Se- 
conde édition.  Paris.  Chez  les  marchands  de  nouveautés. 
1826.  In-32. 

Voir  ci-dessus  le  n°  10. 

16°  —  La  Liberté  individuelle,  ou  plaidoyer  et  réplique 
prononcés  par  Me  Dupin  aîné,  avocat,  aux  audiences  des 
5  et  9  décembre  1826  dans  la  cause  de  Me  Isambert.  Paris. 
Baudouin  frères,  libraires,  rue  de  Vaugirard,  n°  17, 1826.  In-8. 

iv-66  pp.  —  B.  F.,  23  décembre  1826,  n°  8021.  —  B.  N.  :  Lb49  48  ï. 
Voir  ci-dessous  le  n°  168. 

17°  —  Opinion  de  M.  le  général  Sébastiani,  député  du 
département  de  l'Aisne,  sur  le  projet  d'adresse  de  la 
Chambre  des  députés.  Paris.  Baudouin  frères,  libraires, 
rue  de  Vaugirard,  n.  17,  1826.  In-8. 

16  pp.  —  B.  F.,  5  janvier  1827,  n°  24.  —  B.  N.  :  Le5S  14,  i«  pièce. 


LES  IMPRESSIONS  FAITES  PAU  BALZAC.  425 

IN"  —  Leçons  de  Littérature  prononcées  6  l'Ecole  nor- 
male, par  J,  F.La  Harpe.  Puris,  Baudouin  frères,  librain 
rue  de  Vaugirard,  n.  /?.  1826.  ln-32. 

B.  F.,  10  janvier  1827,  n°  123.  —  B.  Ni  :  Inv.  Z  52621.  V.  ci- 
dessus  le  u"  7. 

19°  —  Affaire  Têtard.  Accusation  d'assassinat  portée 
contre    Joseph    Têtard,    ouvrier    maçon,    défendu    par 

M1'  Bautier.  Paris,  Ladvocat,  libraire  au  Palais-Royal,  1826. 
In-8. 

5G  pp.  —  B.  F.,  13  janvier  1827,  n*  189.  —  B.  N.  :  8"  F5  525 
(pièce  2840). 

ANNÉE  1827 

20°  —  L'Académie,  satire.  A  Paris,  chez  Urbain  Cartel, 
rue  Saint-Germain-des-Prés,  n.  0,  1827.  In-8. 

Par  H.  de  Latouche,  d'après  Qùérard  ;  par  Germond,  d'après 
Barbier.  Une  feuille  1/2.  N'est  pas  à  la  Bibliothèque  Nationale. 

Cité  d'après  la  Bibliographie  de  la  France  du  6  janvier  1827, 
n°  57. 

21°  —  Des  arrestations  arbitraires,  ou  Débats  du  procès 
intenté  à  M.  Isambert,  avocat,  et  à  la  Gazette  des  tribu- 
naux, au  Journal  du  commerce  et  à  l'Echo  du  Soir.  Paris. 
Baudouin  frères,  libraires,  rue  de  Vaugirard,  n.  il,  1827. 
In-8. 

B.  F.,  10  janvier  1827,  n°  112.  —  B.  N.  :  Lbi9  1570. 

22°  —  Almanach-Barême  pour  l'an  1827.  A  Paris,  chez 
Prevot,  rue  Hautefeuille,  n.  23,  1827.  In-plano. 

Demi-feuille.  —  Cité  d'après  la  Bibliographie  de  la  France,  du 
15  janvier  1827,  n°  190. 

25°  —  Almanach  du  commerce  de  la  charcuterie  de  la 
Ville  et  faubourgs  de  Paris;  contenant  les  noms,  pré- 
noms et  demeures  de  MM.  les  marchands  charcutiers  de 
la  ville  et  faubourgs,  avec  les  principales  lois,  ordon- 
nances de  police  et  les  instructions  nécessaires  relatives 
au  dit  commerce.  A  Paris,  au  Bureau  du  commerce  de  la 
charcuterie,  rue  Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie,  n.  24,  près 
celle  Sainte- Avoye,  quartier  du  M  ont- de- Piété,  1827.  In-18. 

B.  F.,  15  janvier  1827,  n°  192.  —  B.  N.  :  Inv.  V.  27451,10. 


126  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

24°—  Règlement  de  la  R  . *.  L  .-.  Saint-Jean,  sous  le 
titre  distinctif  de  la  Bonne  foi  à  l'O  .  • .  de  Saint-Germain- 
en-Laye.  Imp.  de  Balzac,  à  Paris.  1827.  In-12. 

Cité  d'après  la  Bibliographie  de  la  France  du  15  janvier  1827, 
n°  240.  —  Ne  se  vendait  pas. 

25°  —  De  la  tolérance  arbitraire  et  coupable  du  minis- 
tère à  l'égard  des  Jésuites,  de  leur  rétablissement  légal, 
ou  de  leur  expulsion  selon  les  lois  du  Royaume.  Considé- 
rations politiques  par  A. -S.  Saint-Valry.  Paris.  Sautelet  et 
compie,  place  de  la  Bourse.  Janvier  1827.  In-8. 

B.  F.,  17  janvier  1827,  n"  301.  —  B.  N.  :  Ld39687. 

26°  —  Mémoires  de  Dorothée,  née  Rhennet,  surnommée 
l'Amazone  de  la  Grande  Armée,  chevalière  de  la  Légion 
d'honneur,  écrits  par  elle-même,  et  revus  par  M.  J.  M.  G. 
Prospectus.  (A  la  page  3  :  Imprimerie  de  II.  Balzac,  rue  des 
Marais  S. -G.,  n.  17).  In-8. 

4  pp.  —  B.  F.,  17  janvier  1827,  n°  315.  —  B.  N.  :  Ln27  17354. 

27°  —  OEuvres  de  J.  F.  Ducis.  Paris,  librairie  française- 
étrangère,  1826-1827.  8  vol.  in-32. 
Voir  ci-dessus  le  n°  6. 

28°  —  Annuaire  et  liste  de  messieurs  les  perruquiers  et 
coiffeurs  de  la  ville  de  Paris  pour  l'an  1827.  Paris.  Impri- 
merie d'il.  Balzac,  rue  des  Marais  S. -G.,  n.  17,  s.  d  (1827). 
In-8. 

72  pp.  et  5  ff.  n.  chiffrés.  —  La  date  n'est  que  sur  la  couver- 
ture, ornée  d'un  encadrement.  B.  F..  20  janvier  1827,  n°  408.  — 
B.  N.  :  Inv.  V  28051,6. 

29°  —  Mémoire  adressé  à  M.  le  conseiller  d'État,  préfet 
de  police,  par  le  commerce  de  bois  de  chauffage  en  chan- 
tiers de  la  Ville  de  Paris.  (A  la  fin  :  Imprimerie  de  H.  Balzac, 
rue  des  Marais  S. -G.,  n.  17),  s.  d.  (1827).  In-4°. 

8  pp.  —  B.  F.,  27  janvier  1827,  n°  706.  —  B.  N.  :  Vp.  25722. 

30°  —  Stances  sur  la  liberté  de  la  Presse,  par  Auguste 
Crebassol.  Prix  :  50  centimes.  Paris,  chez  tous  les  mar- 
chands de  nouveautés,  1827.  In-8. 

7  pp.  et  1  p.  n.  chiffrée.  La  couverture  tient  lieu  de  titre. 
B.  F.,  51  janvier  1827,  n°  787.  —  B.  N.  :  Ye  41089. 


LES  IMPRESSIONS  FAITES  PAR  BALZAC.  427 

31°—  Nouvelles  observations  adressées  à  M.  le  con 
seiller  d'État,  préfet  <ie  police,  par  le  commerce  <l<-  bois 
de  chauffage  en  chantiers  pour  l'approvisionnement  <l<-  la 
ville  de  Paris  (A  la  lin  :  Imprimerie  de  If.  Balzac )  rue  des 
Marais  8.  G.,  n.  il),  s.  d.  (1827).  In4°. 

15  pp.  et  I  p.  blanche.  —  B.  F.,  fO  février  1827,  n°  1009.  — 
B.  N.  :  Vp.  25722. 

52°  —  L'Album  historique  et  anecdotique.  Toux    pre 
mier.  Paris.  Imprimerie  de  H.  Balzac,  rue  des  Marais  S.-Cr., 
n.  77,  1827.  In-8. 

La  couverture  est  ornementée.  B.  F.,  10  février  1827,  n°  1129. 
—  B.  N.  :  Le*  2812. 

35°  —  Politique  religieuse  et  philosophique,  ou  consti- 
tution morale  du  gouvernement.  Par  M.  le  baron  Bigot  de 
Morogues  (Prospectus).  A  Paris,  chez  Renard,  1827.  In-8°. 

Un  quart  de  feuille.  —  N'est  pas  à  la  Bibliothèque  Nationale. 
Cité  d'après  la  Bibliographie  de  la  France  du  14  février  1827, 
n°  1092. 

Voir  ci-dessous  le  n°  40. 

54°  —  Le  Trésor  des  poumons  du  docteur  Portai,  pré- 
paré par  Cure,  pharmacien,  rue  Saint-Antoine,  n°  77,  à 
Paris.  (A  la  fin  :  Imprimerie  de  H.  Balzac,  rue  des  Marais 

S. -G.,  n.  17),  s.  d.  (1827).  In-8. 

Prospectus  de  4  pp.  —  B.  F.,  14  février  1827,  n°  1205.  —  B.  N.  : 
Te71  14  (57). 

35°  —  Un  mot  sur  le  projet  de  loi  relatif  à  l'organi- 
sation du  jury,  sur  le  projet  de  code  militaire,  première 
partie,  et  sur  l'article  XI  de  la  loi  du  21  octobre  1814;  par 
un  magistrat.  Paris,  au  dépôt  des  lois,  chez  Madame  veuve 
Dècle,  place  du  Palais-de-justice,  1827.  In-8. 

70  pp.  —  B.  F.,  21  février  1827,  n°  1419.  —  B.  N.  :  Lf1»3  3G. 

Cette  brochure,  dédiée  «  à  M.  le  Conseiller  d'État,  pair  de 
France,  premier  président  de  la  Cour  Royale  de  Paris  »,  est 
signée  :  De  Berny. 

On  sait  que  M.  de  Berny,  protecteur  de  Balzac,  était  con- 
seiller de  cette  même  Cour. 

36°  —  OEuvres  complètes  de  Le  Sage.  Le  Bachelier  de 
Salamanque.  A  Paris,  au  Palais-Royal,  n.  263-264,  et  chez 
Berquet,  1827.  In-32. 


fâ8  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Balzac  n'a  imprimé  que  les  faux-titres,  les  titres  et  les  cou- 
vertures de  ces  deux  volumes,  parus  en  4  livraisons,  qui  ne 
sont  pas  à  la  Bibliothèque  Nationale,  et  que  nous  citons  d'après 
la  Bibliographie  de  la  France  du  28  février  1827,  n°  1622. 

Par  contre,  la  Bibliographie  de  la  France  n'enregistre  pas  les 
impressions  suivantes  relatives  à  Le  Sage  que  possède  la  Bi- 
bliothèque Nationale. 

Voir  l'article  suivant  : 

57°  —  OEuvres  complètes  de  Le  Sage.  Gusman  d'Alfa- 
rache.  Paris,  librairie  ancienne  et  moderne,  Palais-Royal, 
galerie  de  bois,  n.  263-264.  Théophile  Berquet,  libraire,  quai 
des  Augustins,  n°  39,  1827.  2  vol.  in-32. 

Comme  pour  les  deux  volumes  précédents,  Balzac  n'a  im- 
primé que  les  faux-titres  et  les  titres,  plus  les  couvertures  des 
huit  livraisons  de  l'ouvrage.  Ces  couvertures  roses,  encadrées 
de  deux  filets,  portent,  dans  le  bas,  entre  les  filets  :  Imprimerie 
de  H.  Balzac. 

B.  N..  8°  Q  2897. 

Voir  l'article  suivant  : 

38°  —  OEuvres  complètes  de  Le  Sage.  Le  Diable  boi- 
teux. Paris,  librairie  ancienne  et  moderne,  Palais-Royal,  ga- 
lerie de  bois,  n.  263-264.  Théophile  Berquet,  libraire,  quai  des 
Augustins,  n.  39,  1827.  In-32. 

Même  observation  que  pour  l'article  précédent. 

Balzac  a  imprimé,  pour  le  Diable  boiteux,  six  couvertures  de 
livraisons,  dans  les  mêmes  conditions  que  celles  de  Gusman 
d'Alfarache. 

B.  N.  :  8°  Q  2897. 

Voir  l'article  suivant  : 

59°  —  OEuvres  complètes  de  Le  Sage.  Estevanille  Gon- 
zalès.  Paris,  librairie  ancienne  et  moderne,  Palais-Royal, 
galerie  de  bois,  n.  263-264.  Théophile  Berquet,  libraire,  quai 
des  Augustins,  n.  39,  1827.  In-32. 

Même  observation  que  pour  l'article  précédent. 
Balzac  a  imprimé,  pour  Estevanille  Gonzalès,  six  couvertures 
de  livraisons  et  trois  titres  de  volumes. 
B.  N  :  8°  Q  2897. 

40°  —  Politique  religieuse  et  philosophique  ou  consti- 
tution morale  du  gouvernement.  Par  M.  le  baron  Bigot  de 
Morogues.  A  Paris,  chez  Renard,  rue  Sainte- Anne,  n.  71, 
1827.  4  vol.  in-8. 


IJiS  IMPRESSIONS  FAITES  PAR  BALZAC.  429 

\'rst  pas  à  la  Bibliothèque  Nationale.  Cité  d'après  la  Biblio 
graphie  <lr  lu  France  qui  enregistre  le  tome  I,  le  7  mars  1x27, 

a-  1810;  le  tome  II,  le  \  avril   1x^7,  ir  2464;   le   i« III,  le 

16  mai  1X27,  a-  3401  ;  le  tome  IV.  le  7  juillet  1X27,  q«  4473. 

Voir  ci  dessus,  p<»ur  le  Prospectus,  l«'  n°  33. 

il"  —  Observations  de  M"  Isambert,  avocat,  dans  sa 
cause.  Paris,  imprimerie  de  II.  Balzac,  rue  des  Marais  S.-G., 
n.  17,  mars  1X27.  In-8. 

52  pp.  —  B.  F.,  14  mars  1X27,  n"  1851.  —  B.  N.  :  LbM  539. 

12°  —  Mémoire  présenté  à  son  Excellence  le  ministre 
de  la  marine  et  des  colonies,  sur  quelques  améliorations 
à  introduire  dans  le  système  administratif  adopté  pour 
l'île  de  Marie-Galante,  par  Joseph  Pélissié,  négociant  de 
cette  colonie.  (A  la  fin  :  Imprimerie  de  II.  Balzac,  rue  des 
Marais  S.G.,  n.  17),  s.  d.  (1827).  In-4°. 

1  f.,  25  pp.  et  1  p.  blanche.  —  B.  F.,  17  mars  1827,  n"  1025.  — 
B.  N.  :  Lk12  07. 

43°  —  Réfutation  succinte  de  la  dénonciation  aux  Cours 
Royales  des  clubs  menaçans  de  la  franc-maçonnerie,  par 
le  F.\  Jules  R***,  dignitaire  d'un  des  plus  nombreux 
attel.-.  de  l'Or.*,  de  Paris.  Prix  :  75  c.  franc  de  port  1  fr. 
Paris,  chez  Silvestre,  libraire,  rue  Tkiroux,  n°  8,  et  chez  les 
marchands  de  nouveautés,  1827.  In-8. 

16  pp.  dont  une  blanche.  —  B.  F.,  20  mars  1827,  n»  2048.  — 
B.  N.  :  Lb491571. 

44°  —  Deuxième  mémoire  pour  le  sieur  Louis  Aulanier, 
contre  ses  frères,  sœurs  et  beaux-frères.  (A  la  fin  :  Impri- 
merie de  H.  Balzac,  rue  des  Marais  S.-G.,  n°  17),  s.  d.  (1827). 
In-4°. 

38  pp.  et  1  p.  blanche.  —  B.  F.,  24  mars  1827,  n°  2153.  —  B.  N.  : 
4n  F3,  44.  (pièce  1155). 

45°  —  Plaidoyer  de  Me  Isambert  pour  le  capitaine 
Muller,  contre  le  général  Durfort  et  contre  le  procureur 
général  de  la  Cour  royale  de  Paris.  (A  la  fin  :  Imprimerie 
de  H.  Balzac,  rue  des  Marais  S.-G.,  n°  17),  s.  d.  (1827).  In-4°. 

H  pp.  et  1  p.  blanche.  —  B.  F.,  24  mars  1827,  n"  2104.  —  B.  N.  : 
4°  F3  000  (pièce  22810). 

Nous  savons,  par  une  facture  de  l'imprimerie  H.  Balzac  et 
A.  Barbier,  en  date  du  3  avril  1827,  que  ce  Plaidoyer  a  été  tiré 


150  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

à  300  exemplaires  et  que  le  prix  de  ce  travail  (corrections  et 
50  épreuves  en  sus)  était  de  65  francs. 

46°  —  Choix  d'anecdotes,  de  contes,  d'historiettes,  d'épi- 
grammes  et  de  bons  mots  tant  en  prose  qu'en  vers.  Paris, 
à  la  librairie  ancienne  et  moderne,  Palais-Royal,  galerie  de 
bois,  n.  263-264,  1827,  2  vol.  in-32. 

Cet  ouvrage  comprend  un  volume  de  prose  et  un  volume  de 
poésie.  Voici,  d'après  la  Bibliographie  de  la  France,  l'indication 
des  livraisons  qui  ont  été  imprimées  par  Balzac  : 

Tome  second  (poésie),  lre  livraison,  28  mars  4827,  n°  2234. 

Tome  second  (poésie),  28  livraison  (4e  de  l'ouvrage),  11  avril  1827, 
n°  2641. 

Tome  premier  (prose),  3e  livraison  (5e  de  l'ouvrage),  25  avril  1827, 
n°  2849. 

Tome  second  (poésie),  3e  livraison  (6e  de  l'ouvrage),  25  avril  1827, 
n°  2849. 

Tome  second  (poésie),  4*  livraison  (7e  de  l'ouvrage),  12  mai  1827, 
n°  5229. 

Tome  premier  (prose),  6e  livraison  (1  Ie  de  l'ouvrage) ,  16  juin  1827, 
n°  3970. 

Tome  second  (poésie),  6e  livraison  (12e  de  l'ouvrage),  16  juin  1827, 
n°  3970. 

Tome  premier  (prose),  7e  livraison  (13e  de  l'ouvrage),  27  juin  1827, 
n°  4228. 

Tome  second  (poésie),  7e  livraison  (14e  de  l'ouvrage),  27  juin  1827, 
n°  4228. 

470  —  ode  sur  la  nouvelle  loi  contre  la  liberté  de  la 
Presse,  par  A.  J.  C.  S.  =  Elme  (de  la  Corrèze).  Paris,  chez 
les  marchands  de  nouveautés,  1827.  ln-8. 

8  pp.  _  B.  F.,  31  mars  1827,  n°  2323.  —  B.  N.  :  lnv.  Ye  32748. 

48<>  —  vie  de  Jean-Baptiste-Elisabeth  Asselineau,  écrite 
par  lui-même.  Précis  de  l'acte  d'accusation,  résumé  des 
débats  et  plaidoirie  de  Me  Geehter,  suivis  de  l'arrêt  de  la 
Cour  Royale  de  Paris  du  26  mars  1827,  qui  condamne 
Asselineau  à  la  peine  de  mort.  Paris,  librairie  ancienne  et 
moderne,  Palais-Royal,  galerie  de  bois,  nos  263-264,  1827. 
In-8. 

52  pp.  —  B.  F.,  31  mars  1827,  n"  2342.  —  B.  N.  :  Ln27  691. 

490  _  pétition  à  messieurs  les  membres  de  la  Chambre 
des  députés.  (A  la  fin  :  Imprimerie  de  H.  Balzac,  rue  des 
Marais  S.-G.,  n°  47)  s.  d.  (1827).  In-4°. 


LES  IMPRESSIONS  FAITES  PAR  BALZAC.  r.i 

3  pp.  et  I  p.  blanche.  —  Signé  :  A.  U.  Minus,  veuve  Tanchon, 
nièce  de  fou  M.  Minus,  ancien  directeur  au  Trésor,  rue  d'Ar- 
genteuil,  q.  18.      B.  F., 31  mars  1X27,  n<»2383.  —  B.  N.  :  ¥  F*  1387 

(pièce  30741). 

Voir  ci-dessoua  le  n°  58. 

50°  —  Observations  du  capitaine  Muller,  auteur  de 
l'Escrime  à  cheval,  etc.,  etc.,  adressées  aux  magistrats  <le 

la  Cour  Royale  de  Rouen.  Paris.  Imprimerie  de  II.  Balzac, 
vue  des  Marais  S.-G.,  n.  17,  1827.  In-4°. 

20  pp.  plus  la  couverture  encadrée.  —  B.  F.,  4  avril  1827, 
n»  2457.  —  B.  N.  :  4«  F3  999  (pièce  22818). 

Sur  la  facture  relative  au  Plaidoyer  de  M"  Isamkert  que  nous 
citons  plus  haut  (voir  le  n°  45)  est  portée  aussi  l'impression 
des  Observations  du  capitaine  Muller.  Le  montant  de  la  facture 
pour  ce  travail  est  de  272  francs;  mais  nous  croyons  devoir 
donner  ici  le  détail  de  ce  compte  qui  permettra  de  connaître  les 
prix  d'imprimerie  d'alors  : 

3  feuilles  comprenant  couvertures  encadrées  grand  in-4°, 
1000  ex.  papier  fin,  surcharges  de  petit  texte  comprises  et  une 
main  de  couleur,  75  francs  la  feuille,  soit  225  francs. 

Corrections  et  plusieurs  épreuves,  12  francs. 

Séchage  après  piqûre  et  rognage,  30  francs. 

50  épreuves  de  deux  feuilles,  5  francs. 

54°  —  A  M.  le  Président  et  MM.  les  Juges  composant  la 
première  Chambre  du  tribunal  civil  de  la  Seine,  séant  à 
Paris,  pour  l'une  des  branches  de  ïa  maison  Salignac  de 
la  Mothe-Fénelon  ;  contre  les  héritiers  de  M.  le  comte  de 
Baschi.  (A  la  fin  :  Imprimerie  de  II.  Balzac,  rue  des  Marais 
S.-G.,  ?i°  17),  s.  d.  (1827).  In-4». 

8  pp.  —  Signé  :  C,e  de  Verdonnet.  —  B.  F.,  7  avril  1827,  n°  2533. 
—  B.  N.  :  4°  F3  1323  (pièce  29424). 

52°  —  Débats  du  procès  intenté  à  Me  Isambert,  avocat, 
à  la  Gazette  des  Tribunaux,  à  l'Echo  du  soir  et  au  Journal 
du  Commerce  au  sujet  des  arrestations  arbitraires  : 
Deuxième  partie.  Cour  Royale  de  Paris.  Paris,  imprimerie 
de  H.  Balzac,  rue  des  Marais  S.-G.,  n°  17),  mars  1827.  In-8, 

B.  F.,  11  avril  1827,  n°  2648.  —  B.  N.  :  Lb49  552  (Réserve). 

53°  —  Mémoires  de  Madame  Roland,  avec  une  notice 
sur  sa  vie,  des  notes  et  des  éclaircissemens  historiques. 
Par  MM.  Berville  et  Barrière.  Troisième  édition.  A  Paris, 


432  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

chez  Baudouin  frères,  rue  de  Vaugirard,  n.  17,  1827.  2  vol. 
in-8. 

N'est  pas  à  la  Bibliothèque  Nationale.  Cité  d'après  la  Biblio- 
graphie de  la  France  du  11  avril  1827,  n°  2659. 

5i°  —  Œuvres  complètes  de  Condillac.  (Faux-titres  et 
titres  des  16  volumes,  plus  16  couvertures  sur  papier  de 
couleur.)  A  Paris,  chez  Baudouin  frères,  rue  de  Vaugirard, 
n.  17,  1827.  In-8. 

Seize  quarts  de  feuille.  —  N'est  pas  à  la  Bibliothèque  Natio- 
nale. Cité  d'après  la  Bibliographie  de  la  France  du  11  avril  1827, 
n°  2665.  Beuchot,  le  rédacteur  de  ce  journal,  ajoute  :  «  Ces 
faux-titres  et  titres,  portant  la  date  de  1827,  sont  destinés  à  des 
exemplaires  de  l'édition  publiée  en  1821,  22  et  23,  par  MM.  Le- 
cointe  et  Durey.   » 

55°  —  Plaidoyer  de  Me  Dupin,  avocat,  pour  Me  Isam- 
bert,  prononcé  devant  la  Cour  Royale  de  Paris,  Ie  et 
Ve  chambres  réunies,  sous  la  présidence  de  M.  le  baron 
Séguier,  audience  du  15  mars  1827,  recueilli  par  les  sté- 
nographes. Paris,  imprimerie  de  H.  Balzac,  rue  des  Marais 
S.-G.,  n°  17,  18  mars  1827.  In-8. 

63  pp.  et  1  p.  blanche.  —  B.  F.,  14  avril  1827,  n°  2725.  —  B.  N.  : 
Lb49  544  A. 

56°  —  OEuvres  choisies  de  C.-F.  Volney,  pair  de  France, 
membre  de  l'Institut.  Paris,  Baudouin  frères,  éditeurs,  rue 
de  Vaugirard,  n.  17.  Achille  Désauges,  libraire,  rue  Jacob, 
n.  5,  1827.  6  vol.  in-32. 

B.  F.  :  Tome  I  :  25  avril  1827,  n»  2882  ;  tome  II  :  9  mai  1827, 
n°  5202  ;  tome  III  :  ne  figure  qu'à  la  «  table  alphabétique  des 
ouvrages  »  ;  tome  IV  :  16  mai  1827.  n°  5397  ;  tome  V  :  6  juin  1827, 
n°  5841  ;  tome  VI  :  ne  figure  qu'à  la  «  table  alphabétique  des 
ouvrages  ».  B.  N.  :  Inv.  Z  30200-50205. 

Voir  ci-dessus  le  n°  7. 

57°  —  Prophétie  du  général  Foy.  (Extrait  du  discours 
prononcé,  le  20  mars  1821,  à  la  Chambre  des  députés.) 
(Dans  le  bas  :  Imprimerie  de  H.  Balzac,  rue  des  Marais  S.-G., 
n.  17),  s.  d.  (1827).  In-8. 

1  feuillet.  —  B.  F.  2  mai  1827,  n°  3090.  —  B.  N.  :  Lb49  570. 


LES  EMPRESSIONS  FAITES  PAR  BALZAC.  433 

b8°  Pétition  ;»  messieurs  les  membres  «le  la  Chambre 
<I<vs  Députés.  (A  la  lin  :  Imprimerie  de  H.  Balzac ^  rue  des 

Marais  S.  (',.,  v.  17).  s.  <l.  (1827).  lui". 

3  pp.  m  I  p.  blanche.  —  Signé  :  A.  lT.  Minus. 
Impression  différente  de  celle  même  pétition  déjà  décrite 
sous  le  n°  19.  _  B.  F.,  I'-'  mai  IS27,  n°  3334.  —  I'».  N.  : '  \*  F8  138,1 

(pièce  ."0711). 

.Mi"  —  Révélation  au  Roi  d'un  affreux  complot,  tramé 
dans  les  repaires  de  In  franc-maçonnerie,  contre  In  Reli- 
gion el  le  Troue.  Suivie  d'un  avertissement  à  S.  A.  II.  le 
due  d'Orléans,  odieusement  trompé  par  In  profonde  hypo- 
crisie de  plusieurs  Loges  mnçonniques.  Prix  :  I  IV.  par  la 
poste.  A  Paris,  chez  Hiver t,  libraire,  rue  des  Mathurins 
S.  Jacques,  n.  18,  et  chez  les  marchands  de  nouveautés,  1827. 
In-8. 

10  pp.  _  b.  F.,  16  mai  1827,  n°  54! 2.  —  B.  N.  :   Lb*9  595. 

60°  —  Annuaire  de  la  Société  des  Arts  graphiques. 
XIXe  année.  Paris,  impr.  de  Balzac,  1827.  In- 12. 

Une  feuille  2/3.  —  N'est  pas  à  la  Bibliothèque  Nationale.  Cité 
d'après  la  Bibliographie  de  la  France  du  2  juin  1827,  n°  3750. 

61°  —  Gazette  des  tribunaux  de  commerce.  (Prospectus 
et  acte  social.)  A  Paris,  imprimerie  de  H.  Balzac,  1827.  In-4°. 

Une  feuille.  —  La  Bibliothèque  Nationale  possède  d'autres 
prospectus  de  ce  journal,  mais  ils  ne  sont  pas  imprimés  par 
Balzac.  Cité  d'après  la  Bibliographie  de  la  France  du  2  juin  1827, 
n>  3787. 

Voir  ci-dessous  le  n°  80. 

02°  —  Réplique  de  Me  Dupin,  pour  Me  Isambert 
(audience  du  27  mars  1827),  imprimée  chez  Boucher,  avec 
cette  épigraphe  :  lncivitate  nostrâ  docuit,  in  conservayidâ 
civium  libertate  esse  privatum  neminem.  Cic.  (A  la  fin  : 
Imprimerie  de  H.  Balzac,  rue  des  Marais  S. -G.,  n.  77),  s.  d. 
(1827).  In-8. 

72  pp.  —  B.  F.,  1G  juin  1827,  n»  4009.  —  B.  N.  :  Lb*9  551. 

G5°  —  Proverbes  romantiques,  par  A.  Romieu.  A  Paris, 
chez  Ladvocat,  libraire  de  S.  A.  R.  le  duc  de  Chartres,  quai 
Voltaire  et  Palais-Royal,  MDCCCXXVII  (1827).  In-8. 

B.  F.,  27  juin  1827,  n° 4277.  —  B.  N.  :  Inv.  Yf  11475. 

28 


134  LA  JEUiNESSE  DE  BALZAC. 

64°  —  Nouveau  vocabulaire  français,  où  l'on  a  suivi 
l'orthographe  adoptée  pour  la  prochaine  édition  du  Dic- 
tionnaire de  l'Académie,  et  dans  lequel  on  trouve  de 
plus  :  1°  un  grand  nombre  de  mots  et  d'acceptions  de 
mots  généralement  reçus  et  qu'on  a  distingués  par  une 
étoile;  2°  environ  huit  mille  termes  de  sciences  et  arts,  et 
spécialement  la  nouvelle  nomenclature  chimique  ;  3°  un 
vocabulaire  géographique  ;  4°  la  prononciation  de  tous 
les  mots  ;  5°  l'étymologie  des  mots  dérivés  du  grec  et  du 
latin;  6°  la  conjugaison  des  verbes  irréguliers,  par 
MM.  de  Wailly,  membre  de  l'Institut,  et  de  Wailly,  pro- 
fesseur au  collège  royal  de  Henri  IV.  Quatorzième  édition, 
revue  et  corrigée  par  Alfred  de  Wailly,  professeur  au 
collège  royal  de  Henri  IV.  Ouvrage  adopté  par  l'Uni- 
versité de  France  pour  les  Collèges  et  Ecoles  publiques, 
et  revu,  quant  aux  termes  de  médecine,  d'anatomie  et 
d'histoire  naturelle,  par  M.  Bosquillon,  médecin  de  Paris 
et  professeur  de  langue  grecque  au  Collège  Royal. 
A  Paris,  chez  Rémc-Jit,  libraire,  rue  Pavée,  n°  il,  près  du  quai 
des  Augustins.  Juillet  1827.  In-8. 

B.  F.,  4  juillet  1827,  n°  4404.  —  B.  N.  :  Inv.  X  13750. 

65°  —  L'Art  de  mettre  sa  cravate  de  toutes  les  manières 
connues  et  usitées,  enseigné  et  démontré  en  seize  leçons, 
précédé  de  l'histoire  complète  de  la  cravate,  depuis  son 
origine  jusqu'à  ce  jour,  de  considérations  sur  l'usage  des 
cols,  de  la  cravate  noire  et  l'emploi  des  foulards.  Par  le 
Bon  Emile  de  l'Empesé.  Ouvrage  indispensable  à  tous  nos 
fashionables,  orné  de  trente-deux  figures  explicatives  du 
texte  et  du  portrait  de  l'auteur.  Paris,  à  la  librairie  univer- 
selle, rue  Vivienne,  2  bis,  au  coin  du  passage  Colbert,  et  chez 
tous  les  marchands  de  cravates,  de  cols  et  de  foulards  les  plus 
en  vogue  de  la  Capitale,  1827.  In-18. 

D'après  Asselineau,  le  Bon  Emile  de  l'Empesé  est  M.  Lefebvre- 
Duruflé;  d'après  Quérard,  M.  Emile  Marco  de  Saint-Hilaire.  On 
a  aussi  attribué  cet  ouvrage  à  Balzac. 

B.  F.,  7  juillet  1827,  n°  4431.  —  B.  N.  :  Li11  1."». 

Balzac  a  imprimé  une  deuxième,  une  troisième  et  une  qua- 
trième édition  de  cet  ouvrage.  La  deuxième  et  la  quatrième  sont 
enregistrées  dans  la  Bibliographie  de  la  France  des  25  juillet  1827, 
n°  4814,  et  11  août  1827,   n°  5188.  Le  rédacteur  de  ce  journal, 


LES  IMPRESSIONS  FAITES  PAR  BALZAC.  435 

Beuchotj  déclare  n»>  pas  connaître  la  troisième.  Voir  ci-dessous 

les  n-  71,  72  et  74. 

66°  -  Cinq  Mars,  ou  une  Conjuration  sous  Louis  XIII. 
Par  le  comte  Alfred  de  Vigny.  Troisième  édition,  revue 
et  corrigée.  Paris.  Urbain  Canel,  libraire,  rue  Saint-Ger- 
main-des-prés,  n°  9,  1X27,  2  vol.  in-8. 

B.  F.,  7  juillet  1827,  n»  4434.  —  B.  N.  :  Inv.  Y*  73272-73273. 

67°  —  Les  Contagionistes  réfutés  par  eux-mêmes,  par 
Eug.  Sulpicy,  docteur-médecin  de  la  Faculté  de  Paris. 
Paris,  chez  les  marchands  de  nouveautés,  1827.  In-8. 

52  pp.  dont  une  blanche.  —  B.  F.,  7  juillet  1827,  n°  4437.  — 
B.  N.  :  Td*814. 

68°  —  Manuel  de  l'Étranger  à  Paris  et  aux  environs, 
orné  d'un  plan  de  la  Capitale,  de  quarante-quatre  gra- 
vures représentant  tous  les  monumens  de  Paris  et  d'une 
carte  indiquant  les  divers  palais  du  gouvernement,  les 
hôtels  des  ministères,  les  établissemens  civils  et  religieux, 
les  mairies,  promenades,  théâtres  et  jardins  publics.  Cet 
ouvrage  est  terminé  par  un  Dictionnaire  des  rues,  des 
barrières,  des  quais,  des  boulevards,  etc.  Par  N.  Richard. 
Paris.  Baudouin  frères,  éditeurs.  Delaunai,  Palais-Royal 
1827.  In-32. 

Balzac  semble  n'avoir  imprimé  que  des  faux-titres  et  des 
titres  pour  cet  ouvrage,  déjà  publié  en  1826,  sous  le  titre  de  : 
Dictionnaire  de  poche  de  Paris...  De  nouveaux  titres  ont  encore 
été  réimprimés  en  1828  et  1829  par  Pinard. 

B.  F.,  11  juillet  1827,  n°  4550.  —  B.  N.  :  Lk7  6166. 

69°  —  Le  Bibliographe  français,  ou  le  Littérateur  pari- 
sien et  provincial.  Feuille  générale  d'annonces,  tant  mar- 
chandes qu'analytiques  concernant  les  sciences,  les  arts, 
les  lettres,  l'industrie  et  le  commerce;  par  une  société  de 
savans  et  de  gens  de  lettres  (A  la  fin  de  chaque  numéro  : 
Imprimerie  de  H.  Balzac,  rue  des  Marais  S. -G.,  n°  17)  1827 
Pet.  in-fol. 

Les  prospectus  et  les  6  premiers  numéros  de  ce  journal  ont 
été  imprimés  par  Victor  Cabuchet;  Balzac  n'en  a  fait  l'impres- 
sion qu'à  partir  du  n»  7  (28  avril  1827)  jusqu'au  n°  30  (15  no- 
vembre 1827).  La  Bibliothèque  Nationale  ne  possède  que  ces 
30  numéros.  Nous  ignorons  s'il  en  a  paru  d'autres. 


436  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

A  partir  du  n°  17,  le  titre  du  journal  a  été  modifié  de  la  ma- 
nière suivante  : 

7^°  —  Journal  de  Paris  et  des  départemens,  ou  le 
Bibliographe  français,  feuille  d'annonces  concernant  la 
librairie,  les  arts,  les  sciences,  l'agriculture,  l'industrie  et 
le  commerce,  par  une  société  de  savans  et  de  gens  de 
lettres  (A  la  fin  de  chaque  numéro  :  Imprimerie  de  H. 
Balzac,  rue  des  Marais  S.-G.,  n°  17),  s.  d.  (1827).  Pet. 
in-fol. 

B.  F.,  14  juillet  1827,  n"  4692  et  4693.  —  B.  N.  :  Inv.  Z  821. 

Imprimerie  Paris,  ce  28  avril  1827. 

de  H.  Balzac  et  A.  Barbier, 
rue  des  Marais  S. -G.,  n.  17. 

A  Messieurs  Lestrade  et  Chambelland, 
au  bureau  du  Bibliographe. 

Par  les  comptes  de  nos  compositeurs  et  au  moyen 
de  la  colonne  augmentée,  le  prix  du  journal  tel  que  vous 
le  voyez  est  de  quarante-cinq  francs  et  n/  n'avons  pas 
tenu  compte  de  la  composition  une  fois  faite  du  titre, 
parce  que  c'était  une  misère,  quand  il  s'agit  d'un  jour- 
nal. 

La  surcharge  de  petit  texte  a  été  de  5  fr.  et  il  y  a 
7  francs  de  composition  sur  le  prochain  n°.  Je  crois  que 
l'on  peut  toujours  évaluer  à  3  ou  4  francs  la  surcharge 
de  petit  texte. 

Si  v/  n'avez  pas  eu  le  tirage  hier  soir,  c'a  été  faute 
des  corrections  et  de  l'ajouté  de  copie  à  faire,  mais  en 
n/  remettant  la  copie  comme  de  règle,  v/  aurez  tou- 
jours le  jal  la  veille  au  soir,  de  6  à  8  heures. 

Votre  dévoué  serviteur, 

H.  Balzac. 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  259,  lre  partie,  fol.  108.) 

71o  —  L'Art  de  mettre  sa  cravate...   Seconde  édition. 
Paris,  à  la  librairie  universelle,  1827.  In-18. 
Voir  ci-dessus  le  n°  65  et  ci-dessous  les  n°»  72  et  7i. 


LES  IMPRESSIONS  FAITES  PAR  BALZAC.  457 

72°  —  L'AN  de  mettre  sa  cravate....  Troisième  édition. 

Paris,  à  la  librairie  universelle,  1827.  In  18. 

Édition  que  Beuchol  dôclarail  ne  p.'i*  connaître  et  qui  n'est 
pas  A  la  Bibliothèque  nationale.  Voir  ci-dessus  les  n"  65  et  71. 

7,"»°  —  Le  Cultivateur  ou  journal  des  campagnes.  Pros 

pectus  (A  la  lin  :  [mprimerie  de  II.  lialzac,  rue  des  Marais 
S.-G.,  n.  17),  s.  d.  (18'27).   In-8. 

12  pp.  dont  une  blanche.  —  Balzac  a  fait  trois  impressions 
différentes  de  ce  prospectus.  Celui-ci  commence  par  :  «  Il  y  a 
des  journaux  pour  les  juges  et  les  avocats,  pour  les  médecins, 
pour  le  clergé...  »  ;  le  second,  même  titre,  a  14  pp.  et  débute 
ainsi  :  «  Il  n'y  a  presque  plus  qu'une  seule  classe  de  Français 
qui  ne  possède  pas  de  journal...  »  ;  le  troisième  n'a  que  4  pp. 
(les  pp.  1  et  4  encadrées  de  filets)  et  commence  par  :  «  A  MM.  les 
Curés  et  Desservans.  Notre  intention  est  de  donner  aux  Agri- 
culteurs... » 

Le  1er  et  le  2°  prospectus  sont  enregistrés  dans  la  Bibliogra- 
phie de  la  France  des  4  août  1827,  n°  5121,  et  3  novembre  1827, 
n°  6872.  Le  troisième  ne  l'est  pas.  Le  journal  n'est  pas  imprimé 
par  Balzac. 

B.  N.  :  Inv.  S  25579. 

Voir  ci-dessous  le  n°  75. 

74°  —  L'Art  de  mettre  sa  cravate...  Quatrième  édition. 
Paris,  à  la  librairie  universelle,  1827.  In-18. 

Voir  ci-dessus  les  nri  65,  71  et  72. 

75°  —  Le  Cultivateur  ou  Journal  des  campagnes.  Prospec- 
tus (A  la  fin  :  Imprimerie  de  H.  Balzac,  rue  des  Marais 
S.  G.,  n.  17),  s.  d.  (1827).  In-8. 

Voir  ci-dessus  le  n°  75. 

76°  —  L'Art  de  payer  ses  dettes  et  de  satisfaire  ses 
créanciers,  sans  débourser  un  sou  ;  enseigné  en  dix  leçons. 
Ou  Manuel  du  droit  commercial  à  l'usage  des  gens  ruinés, 
des  solliciteurs,  des  surnuméraires,  des  employés  réformés 
et  de  tous  les  consommateurs  sans  argent.  Par  feu  mon 
oncle,  professeur  émérite,  précédé  d'une  notice  biographi- 
que sur  l'auteur  et  orné  de  son  portrait.  Le  tout  publié 
par  son  neveu,  auteur  de  l'Art  de  mettre  sa  cravate.  A 
Paris,  à  la  librairie  universelle,  rue  Vivienne,  n°  S  bis,  au 
coin  du  passage  Colbert,  1827.  In-12. 


458  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

B.  F.,  11  août  1827,  n°  5190.  —  B.  N.  :  Li5  107. 
Une  deuxième  édition,  revue  et  augmentée,  est  enregistrée 
dans  la  Bibliographie  de  la  France  du  14  novembre  1827,  n°  7080. 
Voir  ci-dessous  le  n°  91. 

77°  —  Boussole  du  commerce  des  bois  de  chauffage, 
bois  carrés,  charbons  de  bois  et  de  terre,  destinés  à 
l'approvisionnement  de  Paris.  Par  H.-E.  de  La  Tynna  et 
C.-P.  Rousseau.  Ouvrage  utile  aux  commerçans,  aux  pro- 
priétaires de  bois,  aux  employés  de  la  navigation  et  au 
commerce.  Prix  :  8  francs.  Paris.  Au  bureau  du  commerce 
de  bois  flotté  en  trains,  quai  Béthune,  n.  8  (île  Saint-Louis), 
MDCCCXXVII  (1827).  In-8. 

B.  F.,  11  août  1827,  n°  5192.  —  B.  N.  :  Inv.  V  45939. 
Voir  ci-dessous  le  n°  4  et  l'article  suivant  : 

78°  —  Boussole  du  commerce  des  bois  de  chauffage, 
bois  carrés,  charbons  de  bois  et  de  terre,  destinés  à  l'ap- 
provisionnement de  Paris;  par  H.-E.  de  La  Tynna  et 
C.  P.  Rousseau.  Ouvrage  utile  aux  commerçants,  aux 
propriétaires  de  bois,  aux  employés  de  la  navigation  et 
du  commerce.  Prospectus  (A  la  fin  :  Imprimerie  de 
H.  Balzac,  rue  des  Marais  S.-G.,  n.  17),  s.  d.  (1827).  In-8. 

Ce  prospectus,  qui  n'est  pas  enregistré  dans  la  Bibliographie 
de  la  France,  est  différent  de  celui  décrit  sous  le  n°  4.  Il  a  paru 
après  la  mise  en  vente  de  l'ouvrage.  B.  N.  :  8°  Q  2897. 

Voir  ci-dessus  les  n0,4  et  77. 

79°  —  Observations  sur  l'expédition  de  1827,  pour  le 
pôle  nord,  par  M.  Cadet,  de  Metz,  membre  des  sociétés 
philotechnique,  de  géographie,  et  de  l'Athénée  des  Arts  à 
Paris;  honoraire  de  celle  de  Metz,  correspondant  de 
celles  de  Lyon,  Nancy,  Strasbourg  et  Avignon,  etc.  Paris, 
chez  l'auteur,  rue  de  Berry,  n°  10.  Victor  Thiercelin,  librai- 
rie, rue  duCoq-S.-H.,  n°  6,  1827.  In-8. 

24  pp.  dont  une  blanche.  —  B.  F.,  11  août  1827,  n°  5224. — 
B.  N.  :  iMp  4737. 

80°  —  Gazette  des  tribunaux  de  commerce.  (Prospectus 
et  acte  social.)  A  Paris,  imprimerie  de  Balzac,  1827.   In-i°. 

Une  feuille.  —  N'est  pas  à  la  Bibliothèque  Nationale.  Cité 
d'après  la  Bibliographie  de  la  France  du  11  août  1827,  n°  5238. 
Voir  ci-dessus  le  n°  61. 


LES  IMPRESSIONS  FAITES  PAR  BALZAC.  139 

SI"  La  ChaS86  au  liP,  poème  <'ii  <in«j  chants,  dédié 
;hix  chasseurs.  Parti,  chez  Victor  Thiercelin,  rue  du  Coq- 
>'-//o/m/r,  /c  C>:  Urbain  CanelyrueS^Gerrnain-des-préêfn0  9, 

U27.  In-8. 
B.  F.,  [•>  septembre  1827,  n°  5520.  —  B.  N.  :  Inv.  Y<*  18213. 

82°  —  Mémoire  du  marquis  (le  Bouille  (comte  Louis), 
liîutenant-général,  sur  le  départ  de  Louis  XVI,  au  mois 
de  juin  1791,  avec  des  notes  et  observations  en  réponse  à 
la  relation  de  M.  le  duc  de  Choiseul,  pair  de  France, 
extraits  de  ses  Mémoires  inédits.  Seconde  édition.  A 
Paris,  chez  Baudouin  frères,  rue  de  Vaugirard,  n.  17, 
1827.  In-8. 

N'est  pas  à  la  Bibliothèque  Nationale.  Cité  d'après  la  Biblio- 
graphie de  la  France  du  1"  septembre  1827,  n°  5562. 

85°  —  Mémoires  de  Charles  Barbaroux,  député  à  la 
Convention  nationale;  avec  des  éclaircissemens  histo- 
riques, par  MM.  Berville  et  Barrière.  Troisième  édition. 
Paris.  Baudouin  frères,  libraires-éditeurs,  rue  de  Vaugirard, 
n°  /7,  1827.  In-8. 


B.  F.,  1er  septembre  1827,  n°  5565.  —  B.  N.  :  La53  9  B. 

84°  —  L'Art  de  ne  jamais  déjeuner  chez  soi,  et  de  dîner 
toujours  chez  les  autres;  enseigné  en  huit  leçons,  indi- 
quant les  diverses  recettes  pour  se  faire  inviter  tous  les 
jours,  toute  l'année,  toute  la  vie.  Par  feu  M.  le  Cher  de 
Mangenville.  Précédé  d'une  simple  notice  sur  l'auteur  et 
orné  de  son  portrait.  A  Paris,  à  la  librairie  universelle, 
rue  Vivienne,  n.  2  bis,  au  coin  du  passage  Colbert,  1827, 
In-18. 

B.  F.,  12  septembre  1827,  n»  5823.  —  B.  N.  :  Li5  106. 
Une  troisième  édition,  également  imprimée  par  Balzac,  a  paru 
la  même  année.  Par  Emile  Marco  de  Saint-Hilaire. 

85°  —  Discours  de  la  girafe  au  chef  des  six  Osages  (ou 
Indiens),  prononcé  le  jour  de  leur  visite  au  jardin  du 
Roi;  traduit  de  l'arabe  par  Alibassan,  interprète  de  la 
giraffe  (sic).  Paris,  Martinet,  libraire,  rue  du  Coq-Saint- 
Honoré,  n°  15,  1827.  In- 18. 

12  pp.  —  B.  F.,  15  septembre  1827,  n°  5876.  —  B.  N.  :  Lk7  7474. 


LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

80°  —  Les  Remèdes  de  bonnes  femmes  ou  moyens  de 
prévenir,  soigner  et  guérir  toutes  les  maladies,  rédigés  et 
mis  en  ordre  alphabétique  d'après  le  manuscrit  original 
de  Mme  Michel,  ex-garde  malade.  A  Paris,  rue  Vivienne, 
n.  2  bis,  1827.  In-32. 

Une  feuille  5/8.  —  N'est  pas  à  la  Bibliothèque  Nationale.  Cite 
d'après  la  Bibliographie  de  ta  France  du  26  septembre  182", 
n°  6060. 

87°  —  Mélanges  historiques  et  littéraires,  par  M.  Ville- 
main,  membre  de  l'Académie  française.  Tome  II.  A 
Paris,  chez  Ladvocat,  libraire  de  Son  Altesse  Royale  le  di.c 
de  Chartres,  quai  Voltaire  et  au  Palais-Royal,  M.  D.  CCC. 
XXVII  (1827).  In-8. 

B.  F.,  20  octobre  1827,  n°  6544.  —  B.  N.  :  Inv.  Z  27994. 

Le  tome  III  (1828)  est  également  imprimé  par  Balzac,  mais  la 
Bibliographie  de  la  France  n'en  fait  pas  mention. 

88°  —  Mémoires  du  comte  de  M...,  précédés  de  cinq 
lettres,  ou  considérations  sur  les  Mémoires  particuliers. 
Paris.  Victor  Thiercelin,  libraire,  rue  du  Coq  Saint-Honoré, 
n°  6,  1828.  In-8. 

Par  le  comte  More  de  Pontgibaud. 

B.  F.,  20  octobre  1827,  n°  6546.  —  B.  N.  :  Ln-7  13098. 

La  nouvelle  édition  des  Mémoires  du  comte  de  More1  nous 
apprend  que  les  «  cinq  lettres  ou  considérations  sur  les  Mé- 
moires particuliers  »  sont  de  M.  le  comte  de  Salaberry  qui 
était,  alors,  membre  du  Conseil  général  de  Loir-et-Cher  et 
député  de  Blois.  Ce  fait  explique  donc  les  relations  qui  existè- 
rent entre  Balzac  et  lui,  relations  attestées  par  les  deux  lettres 
suivantes  : 

A  M.  Berthevin,  à  l'Imprimerie  Royale,  Vieille  rue  du 

Temple,  à  Paris. 

Paris,  ce  14  août  1827. 
M.  Balzac  souhaite  le  bonjour  à  Monsieur  Berthevin2, 

1.  Mémoires  du  comte  de  More  (17581837),  publiés  pour  la 
Société  d'histoire  contemporaine  par  M.  Geoffroy  de  Grand- 
maison  et  le  Cle  de  Pontgibaud.  Avec  cinq  héliogravures.  Paris, 
Alphonse  Picard  et  fils,  1898,  in-8°,  pp.  15  et  16. 

2.  M.  Berthevin  élait  alors  conservateur  du  matériel  de 
l'Imprimerie  Royale. 


LES  IMPRESSIONS  FAITES  l'Ai!  BALZAC.  441 

et  le  prie  «I»'   remettre  au   porteur  les  épreuves   des 
quatre  premières  feuilles,  car  M.  de  S...  ne  les  a  jamais 
vues,  et  il  désirerait  reporteries  corrections  de  Monsieur 
Berthevin  avant  de  tirer. 
Il  le  prie  d'agréer  ses  respectueuses  civilités. 

{Collection  Lovenjoul,  ms.  A  281,  fol.  15.) 

A  M.  Honoré  Balzac;,  imprimeur. 

Ce  samedi  18  août  [1«^27.  | 

J'ai  reçu,  Monsieur,  votre  lettre  ce  matin  et  vos  deux- 
envois  d'épreuves.  Je  me  suis  conformé  aux  observa- 
tions qui  sont  fort  justes.  Mais  je  n'ai  pas  reçu  la  pre- 
mière épreuve,  le  commencement,  jusqu'à  la  page1  ; 
si,  entre  temps,  Berthevin  et  vous,  vous  avez  corrigé, 
francisé,  éclairci  ces  pages,  il  n'est  pas  nécessaire  de 
me  les  envoyer;  je  vous  avertis  seulement  que  je  ne 
les  ai  pas  reçues.  Je  vous  renverrai  exactement  tout  ce 
que  vous  m'enverrez,  et  vos  épreuves,  je  les  ferai  passer, 
comme  celles  d'aujourd'hui,  par  la  Préfecture]  de 
police. 

Je  vous  renouvelle  mes  remercimens,  de  vos  obser- 
vations et  de  vos  soins. 

Salaberry,  député. 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  516,  fol.  92.) 

89°  —  L'Écolier  ou  Raoul  et  Victor,  par  MUjC  Guizot. 
Ouvrage  couronné  par  l'Académie,  comme  le  plus  utile 
aux  mœurs.  Deuxième  édition.  A  Paris,  chez  Ladvocal, 
libraire  de  S.  A.  R.  le  duc  de  Chartres,  quai  Voltaire  et  Pa- 
lais-Royal, MDGCCXXVIII  (1828).  4  vol.  in-12. 

B.  F.,  3  novembre  1827,  n«  6836.  —  B.  N.  :  Inv.  Y2  40976-40979. 

90°  —  Le  Gastronome  français,  ou  l'art  de  bien  vivre, 
par  les  anciens  auteurs  du  Journal  des  gourmands, 
MM.  G.  D.  L.  R"*,  D.  D***,  Gastermann,  G***,  Clytophon, 

1.  Dans  l'original,  le  chiffre  est  resté  en  blanc. 


142  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Charles  Sartrouville,  C.  L.  C***,  C***}  Marie  de  Saint- 
Ursin,  B***,  etc.;  ouvrage  mis  en  ordre,  accompagné  de 
notes,  de  dissertations  et  d'observations  par  M.  C***. 
Paris.  Charles  Béchet,  libraire-commissionnaire,  quai  des 
Augustins,  n°  57,  près  le  Ponl-Neuf,  1828.  In-8. 

B.  F.,  7  novembre  1827,  n°  6903.  —  B.  N.  :  Inv.  V  59928. 

91°  —  L'Art  de  payer  ses  dettes  et  de  satisfaire  ses 
créanciers  sans  débourser  un  sou....  Deuxième  édition, 
revue  et  augmentée.  Paris,  à  la  librairie  universelle,  1827. 
In-12. 

B.,  F.,  14  novembre  1827.  —  B.  N.  :  Li5  107.—  Une  quatrième 
édition  a  été  également  imprimée  par  Balzac. 
Voir  ci-dessus  le  n°  76. 

92°  —  Nouvelle  Anthologie,  ou  choix  de  chansons  an- 
ciennes et  modernes,  publiées  par  L.  Castel.  Deuxième 
édition,  revue,  corrigée,  augmentée  et  ornée  de  gravures. 
Paris,  librairie  ancienne  et  moderne,  Palais- Roy  al,  galerie 
de  bois,  n.  263-264,  1828.  3  vol.  in-12. 

B.  F.,  Tome  I  :  10  novembre  1827,  n°  7003  ;  tome  II  :  21  novem- 
bre 1827,  n°  7307  ;  tome  III:  12  décembre  1827,  n°  7780.  —  B.  N.  : 
Inv.  Ye  17269-17271. 

De  cette  même  deuxième  édition,  M.  Gabalda  possède  un 
exemplaire  dont  le  titre  imprimé  par  Balzac  est  :  Anthologie 
française  ou  choix.... 

93°  —  Théâtre  de  l'Enfance,  par  Madame  de  Lafaye- 
Bréhier,  auteur  des  Petits  Béarnais,  du  Robinson  fran- 
çais, etc.  Orné  de  gravures.  Paris,  Eymery,  Fruger  et  C" , 
libraires-éditeurs,  rue  Mazarine,  n°  30.,  1828.  3  vol.  in-12. 

B.  F.,  14  novembre  1827,  n°  7152.  Annoncé  en  2  vol.  in-8°.  Le 
tome  III  est  imprimé  par  Decourchant.  —  B.  N.  :  Inv.  Yf  9695- 
6995. 

94°  —  Calculs  faits,  à  l'usage  des  industriels  en  général, 
et  spécialement  des  mécaniciens,  charpentiers,  pompiers, 
serruriers,  chaudronniers,  toiseurs,  etc.,  etc.,  contenant  : 
un  grand  nombre  de  tables  et  notamment  les  suivantes 
qui  sont  autant  de  barèmes  industriels.  —  Poids  et 
volume  de  l'eau  contenue  dans  des  cylindres  de  1  pied  de 
haut,    sur   tous   les   diamètres,   depuis    1    ligne   jusqu'à 


LES  IMPRESSIONS  FAITES  PAR  BALZAC.  443 

12  pieds.  —  Circonférences  et  surfaces  des  cercles. 
Poids  du  pied  carré,  des  métaux  Laminés  suivant  leur 
épaisseur,  platine,  plomb,  argent,  cuivre,  laiton,  fer, 
étain,  zinc.  —  Poids  des  pouces  cubes  ei  des  pouces 
cylindriques,  des  métaux  les  plus  usuels.  —  Conversion 
des  mesures  et  des  poids  anciens,  en  mesures  et  poids 
métriques.  —  Cubage  de  la  charpente.  —  Calcul  des  inté- 
rêts. —  Analyse  des  expériences  de  Iùiffon  et  Duhamel 
sur  la  résistance  des  bois,  etc.,  etc.  Par  B.-A.  Lenoir. 
Paris.  A  la  librairie  scientifique-industrielle  de  Malhcr  et,  CiQ, 
passage  Dauphine,  1828.  In-12. 

B.  F.,  21  novembre  1827,  n°  7267.  —  B.  N.  :  Inv.  V  44681. 

95°  —  Elémens  de  géométrie  descriptive,  à  l'usage  des 
élèves  qui  se  destinent  à  l'École  polytechnique,  à  l'École 
militaire,  à  l'École  de  Marine.  Par  E.  Duchesne,  profes- 
seur de  mathématiques  spéciales  au  collège  de  Vendôme. 
Paris.  A  la  librairie  scientifique-industrie  lie  de  M  allier  et  Cie, 
passage  Daup/tine,  1828.  In-12  et  un  cahier  de  planches 
in-4°. 

B.  F.,  21  novembre  1827,  n°  7284.  —  B.  N.  :  Inv.  V  37071  et 
37072. 

96°  —  L'Homme  de  soixante  ans,  ou  la  Petite  entêtée, 
comédie-vaudeville  en  un  acte,  par  MM.  Dartois,  Simonnin 
et  Ferdinand,  représentée  pour  la  première  fois  à  Paris, 
sur  le  théâtre  des  Variétés,  le  2  juin  1824.  Nouvelle 
édition.  Paris,  chezJ.-N.  Barba,  éditeur,  cour  des  Fontaines, 
n.  7,  et  au  Magasin  de  pièces  de  théâtre,  vis-à-vis  le  café  de 
la  Régence,  à  la  Civette,  rue  S. -Honoré,  n.  310,  1828.  In-8. 

32  pp.  —  B.  F.,  24  novembre  1827,  n°  7372.  —  B.  N.  :  Yth 
8618  A. 

97°  —  M.  Sans-Gêne,  ou  l'Ami  de  collège,  vaudeville  en 
un  acte,  par  MM.  Désaugiers  et  Gentil.  Représenté  pour 
la  première  fois  à  Paris,  sur  le  théâtre  du  Vaudeville,  le 

13  mai  1816.  Nouvelle  édition.  Paris,  chez  J.-N.  Barba,  édi- 
teur, cour  des  Fontaines,  n.  7,  et  au  Magasin  de  pièces  de 
théâtre,  derrière  le  théâtre  français,  1828.  In-8. 

46  pp.  —  B.  F.,  24  novembre  1827,  n°  7378.  —  B.  N.  :  Yth 
12204. 


W4  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

98°  —  Ma  tante  Aurore,  ou  le  Roman  impromptu,  opéra 
bouffon .  sifflé  en  trois  actes  le  23  nivôse,  applaudi  en 
deux  le  25  du  môme  mois,  au  théâtre  Feydeau.  Nouvelle 
édition.  Paris,  chez  J.-N.  Barba,  cour  des  Fontaines,  n.  7, 
et  au  Magasin  de  pièces  de  théâtre,  vis-à-vis  le  café  de  la 
Régence,  à  la  Civette,  rue  S. -Honoré,  n.  210,  1828.  In-8. 

48  pp.  —  B.  F.,  24  novembre  1827,  n°  7579.  —  B.  N.  :  Yth 
52277. 

99°  —  Le  Sommeil.  A  Caroline  H***.  MDCCCXXVII.  (A 
la  fin  :  Paris.  Imprimerie  de  H.  Balzac,  rue  des  Marais 
S.-G.,  n.  17.)  In-8. 

16  pp.  dont  une  blanche.  —  B.  F.,  28  novembre  1827,  n°  7484. 
—  B.  N.  :  Ye  52277. 

100°  —  Voyage  de  Paris  à  S..-Cloud,  par  mer,  et  retour 
par  terre.  Augmenté  des  Annales  et  Antiquités  de  Saint- 
Cloud.  Nouvelle  édition  seule  complète.  Paris,  à  la  librai- 
rie ancienne  et  moderne,  Palais-Royal,  galerie  de  bois, 
n.  268-264,  1828.  In-32. 

B.  F.,  5  décembre  1827,  n°  7581.  —  B.  N.  ;  Lkk  8597  H. 

101°  —  Le  La  Bruyère  des  domestiques,  précédé  de 
considérations  sur  l'état  de  domesticité  en  général,  et 
suivi  d'une  nouvelle  par  Mme  la  comtesse  de  Genlis.  Paris. 
Victor  Thiercelin,  libraire-éditeur,  rue  du  Coq-S t. -Honoré, 
n.  6.  Ponthieu,  Palais-Royal,  1828.  2  vol.  12. 

B.  F.,  8  décembre  1827,  n°  7623.  —  B.  N.  :  Inv.  R  37056-37057. 
Sous  ce  même  n°  7623,  la  Bibliographie  de  la  France  enregistre 
une  édition  in-8,  également  imprimée  par  Balzac. 

102°  —  Les  Deux  filles  spectres,  mélodrame  en  trois 
actes  et  en  prose,  par  M.  Népomucène  L.  Lemercier,  de 
l'Académie  française,  représenté  sur  le  théâtre  de  la  Porte 
S.-Martin,  le  8  novembre  1827.  Musique  arrangée  par 
M.  Chantagne.  Paris,  J.-N.  Barba,  éditeur,  cour  des  Fon- 
taines, n°  7,  et  au  Magasin  de  pièces  de  théâtre,  rue  Saint- 
Honoré,  n.  210,  1827.  In-8. 

86  pp.  et  1  f.  —  B.  F.,  12   décembre  1827,  n°  7755.  —  B.  N. 
Yth  4857 . 


LES  IMPRESSIONS  FAITES  PAR  BALZAC.  145 

10.")"  —  Souscription.  Corps  du  droit  français,  ou  recueil 
complet  des  lois,  décrets,  ordonnances,  arrêtés,  sénatus 
consultes,  règlemens,  avis  du  Conseil  d'État,  publiés 
depuis  1789  jusqu'à  1825  inclusivement.  Deux  vol.  in-8,  en 
70  livraisons  de  quatre  feuilles  (64  pages)  chaque.  (Prix 
de  la  livraison  :  ij  IV.  25 cent.)  Mis  en  ordre  h  annoté  par 
CM.  Galisset,  avocal  à  la  Cour  Royale  de  Paris  (A  La  lin  : 
Imprimerie  de  If.  Balzac,  rue  des  Marais  S. -G.,  n"  17),  s.  d. 
(1827).  In-8. 

4  pp.  —  Ce  prospectus,  relatif  à  l'article  suivant,  n'est  pas 
enregistré  dans  la  Bibliographie  de  la  France.  —  B.  N.  :  Inv. 
S  35285. 

104°  —  Corps  du  droit  français,  ou  recueil  complet  des 
lois,  décrets,  ordonnances,  arrêtés,  sénatus-consultes. 
règlemens,  avis  du  Conseil  d'État,  publiés  depuis  1780 
jusqu'à  1825  inclusivement,  mis  en  ordre  et  rédigé  par 
CM.  Galisset,  avocat  à  la  Cour  Royale  de  Paris.  Tome 
premier.  Paris.  Malher  et  Cl°-,  éditeurs  co-propviêtaires,  pas- 
sage Dauphine,  1828.  In-8. 

Le  tome  II  est  imprimé  par  Duverger.  Balzac  n'a  commencé 
à  imprimer  cet  ouvrage  qu'à  partir  de  la  32rae  et  non  de  la 
28e  livraison,  comme  l'indique  une  note  de  Beuchot,  sous  le 
n°  1G0  de  la  Bibliographie  de  la  France  de  1828.  La  28e  livraison 
est  imprimée  par  Farcy. 

Voici  les  dates  d'enregistrement  des  livraisons  imprimées 
par  Balzac.  —  B.  F.:  52e  livr.,  15  décembre  1827,  n°  7814; 
55e  livr.,  22  décembre,  n°  7967  ;  54e  livr.,  29  décembre,  n°  8107  ; 
55e  livr.,  12  janvier  1828,  n°  160;  56e  livr.,  2  février,  n°  605; 
57e  livr.,  9  février,  n°  915;  58e  livr.,  16  février,  n°  1229;  39e  et 
40e  livr.,  15  mars,  n°  1597  ;  41e  livr.,  22  mars,  n°  1722;  42e  livr., 
29  mars,  n°  1901;  43e  livr.,  12  avril,  n°  2130;  44e  livr.,  19  avril, 
n°  2247  ;  45e  et  46e  livr.,  17  mai,  n°  2911  ;  47e  livr.,  24  mai,  n°  2045  ; 
48fi  et  49e  livr.,  14  juin,  n°  3592;  50e  livr.,  5  juillet,  n°  4047; 
51e  livr.,  19  juillet,  n°  4369;  52e  et  53e  livr.,  2  août,  n°  4730; 
54e  livr.,  23  août,  n°  5088  ;  55e  livr.,  30  août,  n°  5258. 

Cette  livraison  est  la  dernière  imprimée  par  Balzac  ;  la  56e 
sort  des  presses  de  Duverger. 

L'impression  du  Corps  du  Droit  français  a  donné  lieu  à  de 
nombreuses  contestations  ;  en  1852,  le  règlement  de  cette 
affaire  n'était  pas  encore  terminé.  Nous  avons  eu  communica- 
tion d'un  assez  volumineux  dossier  la  concernant,  mais  il  nous 
a  semblé  d'un  intérêt  médiocre  de  le  publier  en  entier. 


146  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Un  ouvrier  imprimeur,  le  sieur  Girard,  chargé  par  Balzac  de 
diriger  l'impression  du  Corps  du  Droit  français,  demande  le 
20  juin  1828,  au  Président  du  tribunal  civil  de  la  Seine,  de  for- 
mer opposition  entre  les  mains  de  MM.  Malher  et  O,  pour  la 
somme  de  546  fr.  70  à  lui  due  ainsi  qu'à  ses  ouvriers.  Permis- 
sion lui  est  donnée  le  21  juin  1828.  Le  27  juin  signification  est 
faite  à  Balzac  de  cette  opposition  ;  le  50,  à  MM.  Malher  et  O. 
Le  19  septembre  1828,  Girard  donne  main  levée  de  son  opposi- 
tion. Ce  dossier  contient,  en  outre,  différentes  lettres  de 
MM.  Malher  et  Cie,  Sédillot  et  A.  Barbier,  successeur  de  Bal- 
zac. Nous  reproduisons  ici  les  documents  émanant  de  Balzac 
ainsi  qu'une  importante  lettre  de  M.  Ch.  Sédillot  : 

Mon  cher  Monsieur  Malher,  je  suis  en  mesure  par 
des  délégations  sur  M.  Barbier  de  satisfaire  Mon- 
sieur Duverger,  tout  en  réservant  mes  droits  sur  les 
questions  litigieuses  entre  moi,  M.  Galisset  et  vous 
—  la  personne  qui  m'oblige  a  consulté  sur  ces  diffi- 
cultés et  les  maintiendra.  —  Ainsi  M.  Duverger  que 
je  vais  voir  immédiatement  étant  satisfait,  les  rigueurs 
de  la  Société  n'ont  pas  de  but  à  mon  égard. 

H.  Balzac. 

Lettre  non  datée. 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  259,  2°  partie,  fol.  177.) 

Je  soussigné  Honoré  Balzac,  ancien  imprimeur, 
ayant  été  chargé  en  cette  qualité  de  sléréotyper  l'ou- 
vrage de  droit  intitulé  :  Corps  du  droit  français  dont 
MM.  Malher  et  O  sont  les  éditeurs,  consens  à  ce  que 
les  clichés  du  dit  ouvrage  fait  tant  par  moi  que  par  le 
sieur  Hanus  depuis  la  2e  livraison  jusques  y  compris  la 
50e  soient  vus  et  vérifiés  par  Mr  Duverger,  imprimeur  à 
Paris,  sous  les  réserves  suivantes:  1°  Le  sieur  Duverger 
indiquera  par  une  marque  particulière,  sur  l'épreuve 
qu'il  fournira  aux  sieurs  Malher  et  O,  les  corrections  à 
faire  qui  doivent  être  à  la  charge  de  la  Société  dont  les 
libraires  sont  gérants,  telles  que  celles  provenant  du 
tirage  qui  a  été  fait  sur  quelques-uns  des  clichés  et  celles 
qui  consistent  en  fautes  de  textes  ou  typographiques 


LES  IMPRESSIONS  FAITES  PAR  BALZAC.  '•'.: 

existants  sur  les  bons  à  tirer  de  M1  Galisset;  2°  Le  sieur 
Duvergerfera  toutes  les  autres  corrections  à  ma  charge 

pourvu  qu'au  préalable  j'aie  consenti  aux  prix  qu  il 
demandera  pour  les  autres  corrections;  5°  Dans  l<"  cas 

où  le  sieur  Du  verger  croirai!  devoir  rejeter  une  ou  plu- 
sieurs pages  de  clichés,  il  serait  nommé  un  tiers, 
arbitre  entre  les  libraires  et  moi,  qui  déciderait  en  der- 
nier ressort;  4°  MM.  Malhcr  et  Gie  s'engagent  à  libérer 
M.  Balzac  de  sa  responsabilité  pour  raison  de  la  fabri- 
cation des  dits  clichés  après  le  tirage  qui  se  fera  à 
compter  du  1er  mai  1829,  se  chargeant  de  les  faire 
accepter  par  la  Société. 

Approuvé  l'écriture  ci-dessus 
H.  Balzac. 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  259,  2e  partie,  fol.  179.) 


Paris,  2  août  1829. 

Mon  cher  cousin,  j'ai  vu  M.  Galisset  qui  désirerait 
conférer  avec  vous  et  M.  Malher  sur  vos  intérêts  pour 
vos  clichés  du  Droit  français.  Écrivez  à  l'un  ou  à 
l'autre  pour  leur  fixer  un  jour  où  vous  vous  rendriez 
chez  M.  Malher.  Je  crois  même  que  ce  dernier  a  dû 
vous  voir  hier,  et  peut-être  avez-vous  déjà  arrêté  jour. 

Terminez,  je  vous  engage,  avec  ces  messieurs  afin 
que  nous  puissions  disposer  de  votre  action. 

J'ai  soldé  M.  Laurens  et  Made  Cuisinier  pour  tout 
l'arriéré. 

M.  Bertrand  est  venu  me  présenter  un  billet  Constant 
Chantpie,  ordre  Rivey,  échu  le  27  juillet  1828,  protesté 
à  temps,  et  sur  lequel  il  a  obtenu  jugement  par  défaut 
tant  contre  vous  que  contre  tous  ses  endosseurs; 

le  capital  de  ce  billet  est  de  fr 200 

les  frais  à  ce  jour 51  15 

251  15 


LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

M.  Bertrand  a  en  dépôt  un  billet  Th.  Berquet,  quai 
des  Augustins,  n°  57,  ordre  Rivey,  qu'il  rendrait  si  l'on 
consentait  à  le  rembourser. 

Que  prétendez-vous  faire?  Il  me  semblait  que  vous 
ne  deviez  plus  être  engagé  avec  ces  Messieurs.  Enfin,  il 
en  est  autrement. 

Sur  le  tout  réponse. 

Mes  respects  à  Made  voire  mère.  Que  faites-vous? 
Quand  vendez-vous? 

Je  pars  mardi  par  la  malle  poste  pour  5  semaines  en- 
viron. 

Votre  dévoué 
Ch.  Sédillot. 

Lettre  adressée,  d'abord  rue  Maurepas,  n°  2,  à  Versailles, 
puis  à  «  Monsieur  Honoré  Balzac  chez  Madame  sa  mère,  rue 
Danjou,  n°  4,  au  Marais,  à  Paris  ». 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  259,  2e  partie,  fol.  180.) 

Tours,  25  juin  1850. 
Monsieur, 

J'ai  reçu  à  la  fois  ici  la  lère  lettre  que  vous  m'avez 
fait  l'honneur  de  m'écrire  le  4  juin  cl  et  la  2e  en  date  du 
15.  J'étais  parti  le  4,  même  mois,  pour  un  voyage  et  je 
ne  suis  de  retour  qu'aujourd'hui  à  Tours  où  je  suis  forcé 
de  rester. 

Je  vais  répondre  succinctement  à  vos  deux  lettres  et 
si  vous  aviez  à  me  faire  observer  quelque  chose,  vous 
auriez  la  complaisance  de  m'écrire  à  Tours  poste  res- 
tante. 

1°  Relativement  à  la  convocation  du  22  juin,  comme 
il  m'a  été  impossible  d'y  assister  et  que  la  majorité  des 
actionnaires  aura  dû  y  prendre  un  parti,  j'en  écrirai  sur 
le  champ  à  ma  mère  qui,  dûment  autorisée  par  moi, 
adhérera  ou  n'adhérera  pas  à  la  résolution.  Je  lui  com- 
muniquerai  mon  opinion  ;  elle  est  de  tout  point  favo- 


LES  IMPRESSIONS  FAITES  PAR  BALZAC.  MO 

rable  à  \/  travail  et   l;i   difficulté   ne   réside   < | «i «-  sur 
l'exécution.  Mmc  Balzac  décidera. 

2°  Relativement  à  la  demande  d'argent  faite  par 
M.  Duverger  pour  les  corrections  des  clichés,  il  esl 
difficile  de  discuter  en  apparence  sur  ce  point;  cepen- 
dant La  question  de  ce  payemenl  est  soumise  à  des 
règles  incontestables  que  je  vais  avoir  L'honneur  de 
vous  expliquer  el  dont  il  m'est  impossible  de  dévier. 
Toute  La  retenue  a  été  jusqu'ici  appliquée  à  ce  paye- 
ment; elle  n'a  pas  suffi  et  nous  ne  sommes  pas  arrivés 
aux  livraisons  fabriquées  par  moi. 

Il  paraît  que  les  retenues  faites  sur  Constant  Chantpie 
et  Hanus  sont  insuffisantes. 

Constant  Chantpie  prétend  (et  comme  MM.  Malher  el 
Cie  et  moi  le  représentons,  nous  devons  épouser  ce  qu'il 
y  a  de  juste  dans  ses  prétentions)  :  1°  qu'une  portion  de 
livraisons  ayant  été  tirées  sur  le  cliché  doivent  être 
exemptes  de  corrections  ;  2°  que  partie  de  ces  livraisons 
ont  été  acceptées  et  livrées  à  la  Société  et  que,  par 
conséquent,  elles  doivent  être  non  sujettes  à  correc- 
tions. Ce  premier  point  de  difficulté  réglé  à  V amiable , 
il  résulterait  qu'on  doit  faire  une  distraction  des 
sommes  indûment  prises  sur  les  retenues  de  Constant 
Chantpie  et  sur  les  miennes  et  compter.  Alors,  si  les 
corrections  faites  sur  les  livraisons  fabriquées  par 
C.  Chantpie  et  Hanus  montent  à  une  somme  de  \ 
nous  la  paierons  par  la  somme  des  retenues  Constant 
Chantpie,  plus  la  somme  prise  sur  ces  retenues  pour  les 
corrections  à  la  charge  de  la  Société;  puis,  si  cela  est 
insuffisant,  MM.  Malher  et  moi,  devons  chacun  par 
moitié  parfaire  la  somme. 

Ce  calcul  est  conforme  à  toutes  nos  conventions. 
Puis,  si  nous  payons  pour  C.  Chantpie  une  somme, 
MM.  Malher  et  moi  devons  la  lui  réclamer. 

1.  Le  montant  de  la  somme  est  resté  en  blanc  dans  l'origi- 
nal. 

29 


fôO  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

Attendu  que  toute  ma  retenue  a  déjà  été  donnée, 
MM.  Malher  et  Gie  doivent  verser  déjà  une  somme  égale 
à  relie  de  mes  retenues. 

Puis  après,  si  ce  versement  ne  suffit  pas,  nous  achè- 
verons par  moitié  le  payement  des  corrections  dites 
Constant  Chantpie  ;  quant  à  celles  qui  se  feront  sur  mes 
clichés,  M.  Sédillot,  ma  mère  et  moi,  nous  avons  tou- 
jours dit  qu'elle  serait  acquittée  (sic). 

Il  résulte  de  tout  ceci  que  M.  Duverger  n'entrant  pas 
dans  ces  discussions  là  doit  être  payé  ;  mais  vous  devez 
voir  que  nous  avons  un  accord  à  obtenir  et  des  vérifi- 
cations à  faire,  la  Société,  MM.  Malher  et  O  et  moi. 
Or,  comme  il  faut  en  droit  et  en  équité  payer  quand  on 
le  doit  et  comme  on  doit  et  que,  si  je  payais  sans  rai- 
son, il  serait  difficile  de  nous  entendre,  vous  me  per- 
mettrez de  demander  instamment  à  ce  que  cet  arrange- 
ment d'intérêts  soit  parfaitement  convenu. 

Nous  ne  refusons  pas  de  donner  de  l'argent,  mais 
quant  à  ce  qui  me  concerne,  je  désire  qu'il  soit  bien 
expliqué  que  la  somme  qui  serait  donnée  est  imputée 
sur  le  prix  des  corrections  des  clichés  fabriqués  par  moi, 
en  cas  que  mes  retenues  soient  insuffisantes. 

Je  transmettrai,  Monsieur,  une  copie  de  cette  lettre 
à  M.  Sédillot  et  à  ma  mère  et  vous  pourrez,  vous  et 
MM.  Malher,  en  conférer. 

Agréez,  Monsieur,  mes  obéissances, 

H.  Balzac 

Lettre  adressée  à  M.  Galisset. 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  259,  2e  partie,  fol.  182.) 

[2.1  mars  1851.] 

Monsieur, 

L'affaire  dont  je  vous  ai  parlé  est  soumise  à  la  loi 
des  distances  et  nous  attendons  une  procuration;  il 
m'est  impossible  d'y  mettre  plus  d'ardeur,  car  elle 
m'intéresse  au    dernier   point  et  je  voudrais    la   voir 


LES  IMPRESSIONS  FAITES  PAR  BALZAC.  451 

conclue.  Au  surplus,  Monsieur,  dans  l'étal  actuel  de  la 
librairie,  la  Société  n'a  pas  <!<•  pertes  à  subir,  mais  je 
sais  que  mes  obligations  sont  indépendantes  même  de 
la  gêne  actuelle  qui  a  saisi  l<<uf  le  monde. 
Agréez  mes  complimens  empressés, 

de  Balzac 

Lettre  adressée  à  M.  Galisset,  rue  Saint-Germain-l'Auxerroig, 
65.  Ou  a  écrit  sur  l'original  :  /{crue  le  24  mars  1831,  puis  :  H  avril 
1831 ,  écrit  de  nouveau  et  le  S  mai  encore. 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  259,  2e  partie,  fol.  184.) 

M.  de  Balzac  contre  M.  Beauvais,  gérant  de  la  Société 
du  Corps  du  droit  français. 

Note  pour  Monsieur  Dubois  de  Nantes,  nommé  arbitre 
rapporteur. 

M.  de  Balzac  s'en  réfère,  en  ce  qui  le  concerne,  à 
Y  observation  présentée  par  son  co-intéressé,  M.  Joubert, 
au  nom  de  la  Société  Malher  et  G,e,  à  Monsieur  Dubois, 
relativement  à  la  confection  des  treize  premières 
livraisons  qui,  ayant  été  fabriquées  par  MM.  Constant 
Chantpie  et  Galisset  et  acquises  par  la  Société,  ne 
peuvent  donner  lieu  à  aucune  action  contre  lui. 

M.  Dubois  appréciera  cette  défense,  et  M.  de  Balzac 
n'examinera  que,  sous  le  rapport  de  l'art,  les  questions 
qui  se  rattachent  à  la  cause. 

Il  commence  par  ôter  de  la  discussion  les  livraisons 
qu'il  a  confectionnées,  et  transige  sur  ce  point  en  en 
acceptant  la  responsabilité,  sous  les  réserves  suivantes  : 

1°  :  De  discuter  si  les  corrections  proviennent  de  son 
fait. 

2«  :  Si  les  corrections  exigées  ne  sont  pas  voulues 
par  la  nature  môme  du  cliché. 

Mais,  en  tout  état  de  cause,  les  sommes  qui  lui  ont  été 
induement  retenues,  suffisent  à  acquitter  toute  correc- 
tion, et  qui  se  composent  de  retenues  qui  lui  étaient 


45Î  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

faites,  comme  à  Hanus,  et  de  sa  part  dans  les  divi- 
dendes. 

Ainsi,  la  discussion  qui  nous  est  suscitée  par 
M.  Beauvais  ne  peut  concerner  que  les  livraisons  fabri- 
quées par  Constant  Chantpie,  gérant,  depuis  la  13e 
jusqu'à  celle  où  il  a  commencé  à  confectionner 
(forme  117). 

Or,  relativement  à  ces  livraisons.... 

Cette  note  inachevée  a  été  écrite  par  Balzac,  au  verso  de 
la  page  24  du  manuscrit  de  Louis  Lambert,  1832. 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  160,  fol.  24  v°.) 

105°  —  Mémoire  justificatif  pour  le  sieur  Théodore 
Desmanet,  ci-devant  marchand  de  fer  à  Beauvais;  contre 
un  arrêt  rendu  par  la  Cour  d'Amiens,  chambre  des  appels 
de  police  correctionnelle,  le  29  décembre  1825  (A  la  fin  : 
Paris,  imprimerie  de  H.  Balzac,  rue  des  Marais  S.-G.,  n.  17), 
s.  d.  (1827).  In-4°. 

30  pp.  dont  une  blanche.  —  B.  F.,  15  décembre  1827,  n°  7872. 
—  B.  N.  :  4°  F3,  439  (pièce  9652). 

106°  —  Le  Duc  de  Guise  à  Naples,  ou  Mémoires  sur  les 
révolutions  de  ce  royaume  en  1647  et  1648.  Deuxième 
édition.  A  Paris,  chez  Urbain  Canet,  rue  Saint-Germain-des- 
prés,  n.  9,  1827.  In-8. 

Anonyme.  Par  le  comte  Amédée  de  Pastoret.  La  collection 
Lovenjoul  possède  le  manuscrit  de  cet  ouvrage  qui  a,  parfois, 
mais  à  tort,  été  attribué  à  Balzac. 

N'est  pas  à  la  Bibliothèque  Nationale.  D'après  la  Bibliographie 
de  la  France  du  22  décembre  1827,  n°  7970,  Balzac  n'aurait  im- 
primé que  des  faux-titres,  titres  et  couvertures  «  probablement 
destinés  à  des  exemplaires  de  la  première  et  unique  édition  ». 

107°  —  Mémoires  du  baron  de  Besenval,  avec  une 
notice  sur  sa  vie,  des  notes  et  des  éclaircissemens  histo- 
riques. Par  MM.  Berville  et  Barrière.  Paris.  Baudouin 
frères,  libraires-éditeurs,  rue  de  Vaugirard  n.  17,  1827. 
2  vol.  in-8. 

B.  F.,  22  décembre  1827,  n°  8000.  —  B.  N.  :  La30  6  B. 

En  cette  même  année  1827,  Balzac  a  fait  diverses  autres  im- 
pressions dont  quelques-unes  ne  figurent  qu'à   la  table  de  la 


u;s  IMPRESSIONS  FAITES  PAR  BALZAC.  153 

Bibliographie  de  la  France,  sans  indioaiion  de  date  de  dépôt,  et 
dont  d'autres  D'y  figurent  pas  du  tout.  Nous  les  classons  i(,i 

par  ordre  alphabétique  des  litres  : 

lo,s°  —  Adieux  «les  tambours  <lr  la  Garde  nationale  à 
leurs   colonels,   pot-pourri   en  manière  <le  grande  com 
plainte,  par   Em.    Debraux  et   Ch.    Lepage,   suivi  (Je  la 
superbe  chanson  de  M.  Pigeonneau,  fils  aîné  de  M.  Pigeon. 

Paris,  chez  les  marchands  de  nouveautés,  1827.  In-32. 

32  pp.  dont  une  blanche.  —  B.    F.,  Table.  —  B.   N.  :   Lb*  579, 

1 09°  —  Chansons  nouvelles  de  P.  Emile  Debraux.  Tome 
deuxième.  A  Paris,  Palais-Royal,  n.  CJS3,  1827.  In-8. 

N'est  pas  à  la  Bibliothèque  Nationale.  B.  F.,  Table. 

110°  —  Chefs-d'œuvre  des  théâtres  étrangers,  allemand, 
anglais,  chinois,  danois,  espagnol,  hollandais,  indien, 
italien,  polonais,  portugais,  russe,  suédois,  traduits  en 
français.  A  Paris,  chez  Rapilly,  libraire,  passage  des  Pano- 
ramas, MDCCCXXVII  (1827),  In-8. 

Ne  figure  pas  à  la  Bibliographie  de  la  France.  Balzac  n'a  im- 
primé que  les  faux-titres,  titres  et  couvertures.  Ces  dernières 
portent,  sur  le  premier  plat,  au-dessous  de  l'encadrement,  le 
nom  de  l'imprimeur  qui  se  trouve  également  au  verso  des 
faux-titres.  11  y  a  8  titres  et  autant  de  couvertures. 

Les  titres  sont  semblables  à  celui  décrit  ci-dessus  mais  por- 
tent en  plus  :  Lope  de  Vega.  Tome  I  [et  Tome  11]  ;  Théâtre  italien 
moderne.  Tome  I  ;  Goethe.  Tome  11  ;  Calderon.  Tome  I;  Théâtre 
anglais.  Tome  I.  Tobin,  Sheridan,  Cumberland  ;  Lessing  ;  Théâtre 
hollandais.  Tome  I.  Hooft,  Vondel,  Longendnk. 

B.  N.  :  8°  0  2897. 

111°  —  Pichon-Béchet,  libraire-éditeur.  —  Collection 
des  Mémoires  relatifs  à  la  Révolution  d'Angleterre.  In-8. 

8  pp.  —  Ce  prospectus  est  rédigé  par  P.  F.  Tissot.  Ne  figure 
pas  à  la  Bibliographie  de  la  France.  B.  N.  :  Nb141  A. 

112°  —  Cri  d'un  vieux  soldat  à  l'ex-garde  nationale.  Par 
A,  Béraud,  Paris.  Chez  Ladvocat,  libraire,  quai  Voltaire, 
1827.  In-8. 

15  pp.  dont  une  non  chiffrée  et  une  pour  le  second  plat  de 
la   couverture.  —  B.  F.,  Table.  —  B.  N.  :  8°  pièce  Ye  5931. 


tôl  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

115°  —  Epitre  à  Monsieur  le  comte  de  Villèle;  par 
Méry.  0e  édition,  revue  et  augmentée,  précédée  d'une 
notice,  et  suivie  de  l'hymne  à  M.  de  Villèle.  Paris,  chez  les 
marchands  de  nouveautés,  1827.  In-8. 

32  pp.  —  B.  F.,  Table.  —  B.  N.  :  Inv.  Ye  27674. 

114°  —  Œuvres  complètes  de  Shakspeare,  traduites  de 
l'anglais  par  Letourneur.  Nouvelle  édition,  revue  et  cor- 
rigée par  F.  Guizot  et  A.  P.,  traducteur  de  lord  Byron; 
précédées  d'une  notice  biographique  et  littéraire  sur 
Shakspeare  par  F.  Guizot.  Tome  I  [II,  III,  IV,  V,  VI,  VII, 
VIII,  et  XII].  A  Paris,  chez  Rapilly,  libraire,  passage  des 
Panoramas,  1827.  In-8. 

Balzac  n'a  imprimé  que  les  faux-titres,  titres  et  couvertures. 
Les  titres  et  couvertures  des  tomes  IX  à  XI,  et  du  tome  XIII 
que  nous  avons  vus  portent  le  nom  de  l'imprimeur  Fain.  Les 
initiales  A.  P.   désignent  Amédée  Pichot.   Ne  figurent  pas  à  la 

Bibliographie  de  la  France.  —  B.  N.  :  8°  Q  2897. 

115°  —  OEuvres  dramatiques  de  F.  Schiller,  traduites  de 
l'allemand;  précédées  d'une  notice  biographique  et  litté- 
raire sur  Schiller,  par  M.  de  Barante,  pair  de  France. 
Tome  Ier  [II,  III,  IV,  V,  VI].  A  Paris,  chez  Rapilly,  libraire, 
passage  des  Panoramas,  1827.  In-8. 

Faux  titres  et  titres  seulement  imprimés  par  Balzac,  plus 
6  couvertures  qui  portent  :  Deuxième  souscription.  Ne  figurent 
pas  à  la  Bibliographie  de  la  France.  —  B.  N.  :  8°  Q  2897. 

116°  —  Le  Féroce  à  Mont-Rouge.  Dialogue  satyrique, 
par  M.  Charles  Chabot.  A  Paris,  chez  Ambroise  Dupont  cl 
compagnie,  rue  Vj,vienne,  n°  16,  1827.  In-8. 

52  pp.  dont  une  blanche.  —  B.  F.,  Table.  —  B.  N.  :  Ye  400oi. 

117°  —  La  Meilleure  complainte  sur  le  licenciement  de 
la  garde  nationale,  par  deux  tambours.  A  Pans,  chez  les 
marchands  de  nouveautés,  1827.  In-52. 

Une  demi-feuille.  —  N'est  pas  à  la  Bibliothèque  Nationale.  — 
B.  F.,  Table. 

118°  —  Mémoire  pour  le  sieur  Jean-Baptiste  Mathieu 
Delacoste,  géomètre  de  lre  classe  du  cadastre,  employé 
anciennement  en  cette  qualité  dans  le  département  des 
Deux-Sèvres,  et  aujourd'hui  dans  les  Côtes-du-Nord,  contre 


LES  IMPRESSIONS  FAITES  PAR  BALZAC. 

le  sieur  François  Tallonneau,  propriétaire  dans  la  coin 
mune  de  Pi oussay,  canton  de  Chef-Boutonne,  arrondisse 
iikmiI    de    M  elle,   débiteur,   et    prévenu   d<-   diffamation 

envers  le   dit    sieur   .Mathieu    DelacOSte    (A    la   fin    :   Paris. 
imprimerie  <(c  II.  Balzac,  rue  des  Marais  8.  G.f  n°  /7),  s.  d. 

(18kJ7).  lu  i". 

t  f.,  et  26  pp.  dont  une  blanche.  —  Signé  :  A.  Delaubier, 
avocat  plaidant.  Ne  figure  pas  à  la  Bibliographie  de  la  France, 

B.  N.  :  ¥  F3  922  (pièce  21089). 

119"  -    La    Petite  Dragonnade  du   quai  des    Orfèvres. 
Pot-pourri    dédié   aux  élèves  en  médecine,  par   Km.  De- 
braux  et  Ch.  Le  Page.    Paris,  chez  les  marchands  de  non 
veaulés,  1827.  In-8. 

24  pp.  —  B.  F.,  Table.  —  B.  N.  :  Ye  41416. 

120"  —  Plainte  de  M.  Lucy,  contre  M.  le  Préfet  de  la 
Seine,  et  contre  M.  Defresne,  préfet  délégué.  (A  la  fin  : 
Imprimerie  de  II.  Balzac,  rue  des  Marais  S. -G.,  n.  il.)  In-8. 

8  pp.  —  B.  F.,  Table.  —  B.  N.  :  8°  F3  334.  (pièce  1910). 

121°  —  Plainte  en    prévarication   et  en   vol,   portée  le 

1  juillet  1827,  à   M.  le  premier  président   Séguier,  et  à 

M.  Jacquinot-Pampelune,  procureur  général  près  la  Cour 

Royale  de  Paris  (A  la  fin  :  Imprimerie  de  H.  Balzac,  rue 

des  Marais,  n°  17,  f.  s.  g.),  s.  d.  (1827).  In-4°. 

12  pp.  —  Signée  :  Mme  A.  V.  Minus.  —  B.  F.,  Table.  —  B.  N.  : 
4°  F5  706  (pièce  15968  bis). 

122°  —  Réponse  de  M.  le  Cte  de  Villèle  à  l'avocat  des 
causes  désespérées.  Paris,  1827.  In-8. 

16  pp.  —  Ouvrage  apocryphe. 
B.  F.,  Table.  —  B.  N.  :  Lb49  594. 

123°  —  Revue  et  licenciement  de  la  garde  nationale, 
pot-pourri  par  Em.  Debraux  et  Ch.  Lepage.  A  Paris,  chez 
les  marchands  de  nouveautés,  1827.  ln-32. 

Une  demi-feuille.  —  B.  F.,  Table.  —  N'est  pas  à  la  Biblio- 
thèque Nationale. 

1.  Le  quantième  du  mois  est  resté  en  blanc. 


450  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

124°  —  Testament  des  Ministres,  rêve  de  deux  bons 
Français,  mis  en  pot-pourri,  par  Emile  Debraux  et  Charles 
Le  Page.  Prix  :  1  fr.  Paris,  chez  les  marchands  de  nou- 
veautés, mai  1827.  In-8. 

24  pp.  —  B.  F.,  Table.  —  B.  N.  :  Ye  41417. 

125°  —  Nous  reproduisons  ici  une  facture  relative  à 
un  Bréviaire  ainsi  conçue  : 

Imprimerie  de  H.  Balzac  et  A.  Barbier,  rue  des  Marais 

S. -G.,  n.  17. 

Paris,  ce  30  juin  1827. 

Doit  M.  Poussielgue 

Breviarium,  etc.  T.  2. 

Fles  1,  2,  3,  4,  tirage  à  2000  +  500  cal  [endriers].    .     168.00 
Fonctions  (compos011  établie)  à  3  fr 12.00 

180.00 
Bordereau  du  compositeur 26.00 

Pour  acquit 206.00 

Barbier. 

(Collection  Lovenjoul,  ms.  A  259,  lre  partie,  fol.  113bU.) 

M.  Poussielgue  fils,  à  qui  nous  avons  demandé  des  rensei- 
gnements, a  fait  très  obligeamment  des  recherches,  mais  qui 
n'ont  donné  aucun  résultat.  M.  Poussielgue  nous  a  dit  que  la 
maison  n'avait  été  fondée  que  vers  1834,  mais  que  ce  Breviarium 
avait  sans  doute  été  imprimé  pour  le  compte  des  Jésuites  et 
que  son  père,  à  cette  époque,  se  chargeait  de  faire  exécuter 
pour  eux  des  travaux. 

M.  Dumaine,  ministre  plénipotentiaire,  a  bien  voulu  nous 
signaler  l'existence  d'un  Voyage  du  jeune  Anacharsis,  de 
J.-J.  Barthélémy,  16  vol.  in-32,  publié  en  1827  et  sortant  des 
presses  de  H.  Balzac.  Nous  n'avons  pu  rencontrer  cet  ouvrage 
qui  ne  figure  pas  au  Journal  de  la  librairie. 

126°  —  Mémoires  de  Madame  la  marquise  de  Bon- 
champs,  rédigés  par  Mme  la  comtesse  de  Genlis,  suivis 
des  pièces  justificatives.  Seconde  édition.  Payais,  Baudouin 
frères,  libraires-éditeurs,  rue  de  Vaugirard,  n°  17,  1827.  In-8. 

Ne  figure  pas  au  Journal  de  la  librairie. 


LES  IMPRESSIONS  FAITES  PAR  BALZAC.  151 


ANNÉE  1828 

127° —  Annales  romantiques;  recueil  de  morceaux 
choisis   <!<•    littérature   contemporaine.    1827-1828.    Paris. 

Urbain    Cane',    libraire,    rue    Saint-Gcrrnain-des-prés,    n.    9. 
MDGCCXXVII1  (1828).  In-18. 

Les  premiers  vers  de  Balzac  ont  paru  dans  ce  recueil.  Voir 
.4  une  jeune  fille,  ode,  p.  170,  et  Vers  écrits  sur  un  album,  p.  404. 
B.  F.,  5  janvier  1828.  n°  9.  —  B.  N.  .  Inv.  Ye  12195. 

128°  —  Chants  du  siècle,  par  Adolphe  Nicolas.  Paris, 
Ponthieu  et  Cie,  libraires,  au  Palais- Roy al.  Leipzig,  Ponthieu, 
Michelsen  el  Cie,  1828.  In-8. 

B.  F.,  5  janvier  1828,  n»  21.  —  B.  N.  :  Inv.  Ye  28520. 

129°  —  Don  Alonso,  ou  l'Espagne,  histoire  contempo- 
raine, par  N.-A.  de  Salvandy.  Quatrième  édition.  Paris, 
Baudouin  frères,  libraires,  rue  de  Vaugirard,  n.  i7.  1828. 
4  vol.  in-16. 

B.  F.,  5  janvier  1828,  n*  32.  —  B.  N.  :  Inv.  Y2  64026-64929. 

130°  —  Tableaux  poétiques,  par  le  Cte  Jules  de  Ressé- 
guier.  Paris,  Urbain  Canel,  rue  Saint-Germain-des-prés,  n°9, 
1828.  In-8. 

B.  F.,  5  janvier  1828,  n°  105.  —  B.  N.  :  Inv.  Ye  32041. 
Voir  ci-dessous  le  n°  143. 

151°  —  Les  Deux  années,  ou  1827  et  1828.  Revue.  Paris, 
Urbain  Canel,  rue  Saint-Germain-des-prés,  n°  9.  1828.  In-52. 

62  pp.  et  1  f.  blanc.,  —  B.  F.,  12  janvier  1828,  n»  168.  —  B.  N.  : 
Inv.  Ye  20235. 

132°  —  Odes  et  poésies  diverses  par  Léon  Dusillet. 
Paris,  chez  Ladvocat,  libraire  de  S.  A.  R.  le  duc  de  Chartres, 
quai  Voltaire  et  Palais-Royal,  1828.  In-18. 

B.  F.,  12  janvier  1828,  n°  234.  —  B.  N.  :  Inv.  Ye  20940. 

133°  —  Sur  le  conflit  dans  l'affaire  de  Mme  Fodor;  note. 
Paris,  imprimerie  de  Balzac,  1828.  In-8. 

1/2  feuille.  —  N'est  pas  à  la  Bibliothèque  Nationale.  —  B.  F., 
12  janvier  1828,  n°  276. 


158  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

154°  —  Annuaire  de  la  Société  de  médecine  de  Paris, 
séante  à  l'Hôtel  de  la  préfecture  du  département.  1828. 
(A  la  fin  :  Imprimerie  de  H.  Balzac,  rue  des  Marais  S. -G., 
n.  17.)  In-16. 

16  pp.  —  B.  F.,  2  février  1828,  n°  579.  —  B.  N.  :  T46,  69. 

155°  —  L'Art  de  donner  à  dîner,  de  découper  les  viandes, 
de  servir  les  mets,  de  déguster  les  vins,  de  choisir  les 
liqueurs,  etc.,  etc.;  enseigné  en  douze  leçons,  avec  des 
planches  explicatives  du  texte  ;  par  un  ancien  maître 
d'hôtel  du  président  de  la  Diète  de  Hongrie,  ex-chef 
d'office  de  la  princesse  Charlotte,  etc.,  etc.  Paris,  Urbain 
Cartel,  rue  Saint-Germain-des-prés,  n.  9,  1828.  In-18. 

Par  Emile  Marco  de  Saint-Hilaire. 

B.  F.,  2  février  1828,  n°  583.  —  B.  N.  :  Inv.  V  30798. 

136°  —  Le  Ménétrier,  ou  Une  insurrection  en  Suisse, 
histoire  de  1655.  Par  Henri  Zschokke,  traduite  de  l'alle- 
mand par  A.  Loëve-Veimars.  A  Paris,  chez  Urbain  Canel, 
rue  Saint-Germain-des-prés,  n.  9,  1828.  5  vol.  in-12. 

N'est  pas  à  la  Bibliothèque  Nationale.  — B.  F.,  2  février  1828, 
n°  652. 

Sous  ce  même  numéro  est  également  annoncé  un  prospectus 
d'un  sixième  de  feuille. 

137°  —  Petit  Paroissien,  contenant  l'office  des  dimanches 
et  fêtes,  en  latin  et  en  français,  selon  l'usage  de  Paris  et 
de  Rome.  Paris,  D.  Belin,  libraire- éditeur,  quai  des  Augus- 
tins,  n.  11.  1828.  In-18. 

B.  F.,  2  février  1828,  n°  770.  —  B.  N.  :  Inv.  B  15182. 

138°  —  Henriette  Sontag,  histoire  contemporaine,  tra- 
duite de  l'allemand,  ornée  d'un  portrait.  Tome  premier 
[et  second].  Paris,  chez  LHuillier,  éditeur,  rue  Haute  feuille, 
n°  W,  1828.   2  vol.  in-8. 

B.  F.,  16  février  1828,  n°  947.  —  B.  N.  :  Inv.  Y2  41707. 

La  Bibliographie  de  la  France  n'enregistre  que  le  tome  I. 

159°  —  Mémoire  au  Conseil  d'État,  sur  la  demande 
d'interrogatoire  et  de  mise  en  jugement  de  M.  Delavau, 
ex-Préfet  de  Police  de  Paris,  conseiller  d'Etat,  et  de 
M.  Franchet,  ex-Directeur  général  de  la  Police  du 
Royaume,  aussi  conseiller  d'Etat.  A  raison  de  leur  partiei- 


LES  IMPRESSIONS  FAITES  PAR  BALZAC. 

paiion  aux  excès  commis  dans  les  Journées  «les  1  *  *  el 
20  novembre.  El  des  réparations  ducs  par  les  <lni\  fonc 
tionnaires  aux  victimes  (Imprimerie  de  II   Balzac t  rue  des 

Marais  S.  <]..  n.   Il),  s.  <1.  (1828).  In-V\ 

20  pp.  dont  une  blanche.  —  Signé  :  [gambert,  avocat  aux 
Conseils  du  roi.  —  15.  F.,  L«  mars  1828,  u-  1271.  —  B.  N.  :  Lb* 
869. 

140°  —   Œuvres  do,  Boileau-Despréaux,  avec  commen 
taires  revus,  corrigés  et  augmentés,  par  M.  Viollet-le-Duc. 

Édition  elzévirienne.  Paris,  Brissot-Thivars  el  C'*;,  libraires, 
rue  de  i  Abbaye -S. -Germain,  n.  i4,  1828.  4  vol.  in-  IH. 

Les  faux-titres  et  titres  seuls  ont  été  imprimés  par  Balzac 
pour  Brissot-Thivars  et  Cie  qui  avaient  aequis,  à  la  mort  de 
Desoër,  la  propriété  de  la  collection  publiée  par  cet  éditeur. 
Ces  faux-titres  et  titres  ont  remplacé  simplement  ceux  de  1821 
qui  portaient  le  nom  de  Desoër. 

B.  F.,  1"  mars  1828,  n°  1291.  —  B.  N.  :  8°  Q  2897. 

141°  —  OEuvres  de  Mathurin  Régnier,  avec  commen- 
taires, revus,  corrigés  et  augmentés,  précédés  de  l'histoire 
de  la  satire  en  France,  pour  servir  de  discours  prélimi- 
naire, par  M.  Viollet-le-Duc.  Edition  elzévirienne.  Paris, 
Brissot-Thivars  et  Cie,  libraires,  rue  de  V Abbaye-S .-Germain- 
des-prés,  n.  14,  1828.  In-18. 

Même  observation  que  pour  l'article  précédent.  —  B.  F., 
1er  mars  1828,  n°  1293.  —  B.  N.  :  8°  Q  2897. 

142°  —  Mémoire  pour  le  Sr  Joseph-Marie  Bonnet,  négo- 
ciant à  Paris,  fait  par  lui-même,  contre  la  dame  son 
épouse,  à  MM.  les  Président  et  juges  composant  la 
2me  Chambre  de  la  Cour  Royale,  section  civile,  séant  à 
Paris  (A  la  fin  :  Imprimerie  de  H.  Balzac,  rue  des  Marais 
S.-G.,  n.  17),  s.  d.  (1828).  In-4°. 

80  pp.  dont  trois  blanches.  —  Signé  :  Joseph-Marie  Bonnet. 
—  B.  F.,  8  mars  1828,  n6  1418.  —  B.  i\.  :  4°  F3  137  (pièce  3518). 

143°  —  Tableaux  poétiques.  Par  le  comte  Jules  de  Res- 
seguier.  Seconde  édition.  A  Paris,  chez  Urbain  Canel,  rue 
Saint-Germain-des-prés,  n.  9,  1828.  In-8. 

B.  F.,  8  mars  1828,  n°  1477.  Le  rédacteur  de  la  Bibliographie 
de  la  France  annonce  que  Balzac  n'a  réimprimé  que   des  faux- 


460  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

titres  et  titres  «  pour  des  exemplaires  de  la  première  et  unique 
édition  ». 
Voir  ci-dessus  le  n°  130. 

144°  —  Encore  quelques  mots  sur  l'entrepôt  de  Paris. 
Paris,  Saulelet  et  compagnie,  libraires,  place  de  la  Bourse. 
1828.  In-8. 

48  pp.  —  B.  F.,  29  mars  1828,  n°  1927.  —  B.  N.  :  Vp  11033. 

145°  —  La  Protestante,  ou  les  Cévennes  au  commence- 
ment du  18e  siècle.  Précédée  d'une  introduction  histo- 
rique sur  la  guerre  des  Camisards.  Paris,  Ponthieu  et  Cie, 
libraires,  Palais-Royal  et  quai  Ma  laquais,  n°  i.  Leipzig, 
même  maison  de  commerce,  1828.  3  vol.  in-16. 

Par  Mm8  Charles  Reybaud,  d'après  Barbier.  Cet  ouvrage  a  été 
réimprimé,  en  1844,  avec  le  nom  de  l'auteur,  sous  le  titre  de 
Géraldine,  2  vol.  in-8. 

B.  F.,  29  mars  1828,  n°  1968.  —  B.  N.  :  Inv.  Y2  60888-60889. 

146°  —  Myriologies  ou  Chants  funèbres  et  élégiaques 
d'un  épirote,  publiées  par  E.-M.  Dourneau.  Paris,  Urbain 
Canel,  libraire,  rue Saint-Germain-des-prés,  n.9,  1828.  In-12. 

B.  F.,  5  avril  1828,  n°  2045.  —  B.  N.  :  Inv.  Ye  20508. 

147°  —  Scènes  contemporaines  laissées  par  Madame  la 
vicomtesse  de  Chamilly.  Paris,  Urbain  Canel,  libraire,  rue 
Saint-Germain-des-prés,  n°  9,  1828.  In-8. 

Vicomtesse  de  Chamilly  est  le  pseudonyme  collectif  de 
MM.  Loève-Veimars,  Emile  Vanderburgh  et  Auguste  Romieu. 
Cette  première  édition  ne  figure  qu'à  la  table  de  la  Bibliogra- 
phie de  la  France  où  le  nom  de  Thuau  est  donné  comme  celui 
de  l'imprimeur  ;  est-ce  une  erreur  d'impression  ?  Thuau  a-t-il 
imprimé  des  titres  ?  Toujours  est-il  que  nous  avons  vu  un 
exemplaire  portant  le  nom  de  Balzac.  N'est  pas  à  la  Biblio- 
thèque Nationale. 

Voir  l'article  suivant  : 

148°  —  Scènes  contemporaines  laissées  par  feue  Ma- 
dame la  vicomtesse  de  Chamilly;  seconde  édition  aug-, 
mentée  du   Dix-huit  brumaire,   scènes  nouvelles.   Pari.<. 
Urbain  Canel,   libraire,  rue  Saint-Germain-des-prés,  n°  9, 
1828.  In-8. 

B.  F.,  12  avril  1288,  n°  2197.  —  B.  N.  :  Yf  8557. 


U<:s  IMPRESSIONS  FAITES  PAR  BALZAC  W1 

149°  —  Véronique,  <>u  la  Béguine  d'Aarau,  histoire  de 
I44i.  Par  Henri  Zschokke,  traduite  de  l'allemand  par 
Loeve  Veimars.  A  Paris,  chez  Canel,  rue  Saint-Germain' 

'1rs  prés,  n.  9,   1828.  4  vol.   in-12. 

N'eal  paB  à  la  Bibliothèque  Nationale.  —  I5.  F.,  ii2  avril  182K, 
ir  2202. 

150°  —  Libération  de  la  caisse,  hypothécaire,  sans  perte 

pour  ses  actionnaires.  Paris,  de  l'imprimerie  de  II.  Balzac, 
rue  des  Marais  S.-G.,  n.  Il,  1828.  In-8. 

'20  pp.  —  Par  M.  J.  M.  de  Mora  qui  a  signé  l'avant-propos.  — 
\\.  F., -19  avril  1828,  n°  2293.  -  R.  N.  :  Vp  5419. 

151°  —  Le  Cri  des  employés  du  gouvernement:  par  u 
chef  de  division.  Paris,  I.advocat,  libraire  de  S.  A.  H.  M. 
le  duc  de  Chartres,  quai  Voltaire,  1828.  In-8. 

13  pp.  et  1  p.  blanche.  —  Au  verso  de  la  couverture,  ornée 
d'un  encadrement,  on  lit  :  Imprimé  par  H.  Balzac.  —  B.  F., 
23  avril  1828,  n»  2440.  —  B.  N.  :  Lf97  6. 

152°  —  Le  Jeune  Irlandais,  par  Maturin,  auteur  de  Mel- 
moth  le  voyageur,  d'Eva,  des  Albigeois,  de  la  Famille 
Montorio,  etc.,  traduit  de  l'anglais  par  Madame  la  com- 
tesse***. Paris,  Marne  et  Delaunay-  Vallée,  libraires,  rue  Gué- 
négaud,  n°  25,  1828.  4  vol.  in-12. 

B.  F.,  23  avril  1828,  n»  2474.  —  B.  N.  :  Inv.  Y1  51964-51967. 

153°  —  Manuel  géographique,  historique  et  statistique 
des  départemens  de  la  France  et  de  ses  colonies,  conte- 
nant une  description  générale  de  la  France,  une  descrip- 
tion historique  et  statistique  de  Paris;  un  texte  énumé- 
ratif  des  bourgs  et  villages  principaux  du  royaume  et  de 
ses  colonies;  un  historique  des  hommes  célèbres,  des 
origines,  des  antiquités  et  des  curiosités  de  chaque  lieu; 
l'indication  des  productions  les  plus  intéressantes  dans 
les  trois  règnes;  les  renseignemens  les  plus  exacts  et  les 
plus  récens  sur  la  population,  l'industrie,  le  commerce, 
les  revenus,  l'administration  politique  et  judiciaire,  etc., 
et  un  index  alphabétique,  servant  de  dictionnaire  géogra- 
phique, par  M.  Félix  Lallement.  Avec  une  carte  générale 
des  bureaux  de  douanes,  une  carte  des  environs  de  Paris, 
un  plan,  de  la  même  ville,  et  une  carte  particulière  de 
chaque  département,  formant   un  atlas   de  cent  cartes, 


462  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

revues  par  M.  Achin,  ingénieur  attaché  au  génie  militaire. 
Paris.  Baudouin  frères,  éditeurs,  rue  de  Vaugirard,  n.  17, 
18-28.  In-8. 

A  paru  en  livraisons.  Les  deux  premières  sont  enregistrées 
dans  la  Bibliographie  de  la  France  du  25  avril,  n°  2485.  —  B.  N.  : 
L827. 

15i°  —  Traité  des  maladies  des  enfans  nouveaux-nés  et 
à  la  mamelle,  fondé  sur  de  nouvelles  observations  clini- 
ques et  d'anatomie  pathologique,  faites  à  l'hôpital  des 
enfans-trouvés  de  Paris,  dans  le  service  de  M.  Baron; 
par  C.  Billard,  ancien  interne  de  cet  hôpital,  docteur  en 
médecine  de  la  Faculté  de  Paris.  Paris,  J.-B.  BaiUière, 
libraire  de  V Académie  royale  de  médecine,  rue  de  VEcole-de- 
Médecine,  n.  13  (bis)  :  Londres,  même  maison,  3,  Bedford 
Street,  Bedford  Square:  Bruxelles,  au  dépôt  de  la  librairie 
médicale  française,  1828.  In-8. 

B.  F.,  10  mai  1828,  n°  2856.  —  B.  N.  :  Td36  47. 

155°  —  Le  Gymnase,  recueil  de  morale  et  de  littérature. 
1er  volume.  —  1er  cahier.  Paris,  imprimerie  de  H.  Balzac, 
rue  des  Marais  S. -G.,  n.  17,  8  mai,  1828.  In-12. 

Par  Hip.  Carnot  et  H.  N.  J.  Auger,  d'après  Barbier. 
B.  F.,  17  mai  1828,  n°  5009.  —  B.  N.  :  Inv.  Z  20576. 

156°  —  Connal  ouïes  Milésiens,  par  Maturin,  auteur  de 
Melmoth  le  voyageur,  d'Eva,  des  Albigeois,  de  la  Famille 
Montorio,  du  Jeune  Irlandais,  etc.  Traduit  de  l'anglais 
par  Madame  la  comtesse***.  Paris,  Marne  et  Delaunay- 
Vallée,  libraires,  rue  Guénégaud,  n°  25,  1828.  A  vol.  in- 12. 

B.  F.,  51  mai  1828,  n°  5186.  —  B.  N.  :  Inv.  Y2  51951-51954. 

157°  —  La  Jaquerie,  scènes  féodales,  suivies  de  la 
Famille  de  Carvajal,  drame.  Par  l'auteur  du  Théâtre  de 
Clara  Gazul.  Paris.  Brissot-Thivars,  libraire,  rue  de  ÏAbbaye- 
Saint-Germain-des~prés,n.  14,  1828.  In-8. 

Par  Prosper  Mérimée. 

B.  F.,  7  juin  1828,  n°  3446.  —  B.  i\.  :  Vf.  10154. 

158°  —  Spécimen  des  divers  caractères,  vignettes  et 
ornemens  typographiques  de  la  fonderie  de  Laurent  ei  île 
Berny,  rue  des  Marais  Saint-Germain.  n°  17.  Paris.  1828. 
Pet.  in-fol.  oblong. 


LES  IMPRESSIONS  FAITES  PAR  BALZAC 
Sur  le   titre,   dans   le   l>.is.   au-dessous  de   l'encadrement   : 

Imprimé  pur  II.   Ilulzur. 

( ',c  gpecimen,  particulièrement  intéressant,  mérite  une  des 
cription  détaillée.  Sur  le  premier  plal  de  la  couverture  jaune, 
dont  l«'  titre  est  orné  d'un  encadrement,  se  trouve  une  vignette 
dessinée  par  H.  Monnier.  Sur  le  second,  une  autre  vignette, 
non  signée.  Après  le  titre,  un  feuillet  contient,  au  r.  la  table 
des  matières,  et  un  autre  feuillet  contenant,  égalemenl  au  i 
le  prix  des  caractères.  Puis  l'ouvrage  se  divise  en  deui  par- 
ties, la  première  de  87  feuillets  imprimés  au  recto  seulement 
<Je  1er  contient  un  avertissement).  Les  fi*.  3  à  17  contiennent  les 
caractères  romains  et  italiques;  les  fi*.  18  à  39  (il  y  a  des  ff.  34  W», 
35  bis  et  58  6*8),  les  caractères  pour  affiches;  les  ff.  40  à  50,  les 
caractères  pour  titres  et  frontispices;  les  fi*.  51  à  00,  les  caractères 
grecs  et  allemands  (les  caractères  grecs,  quoique  annoncés, 
manquent,  ils  devaient  occuper  les  ff.  52  et  53)  ;  les  ff.  61  à  68, 
les  caractères  d'écriture;  les  ff.  69  à  74,  les  filets  simples,  en  lam<s 
et  ornés,  accolades  et  signes  divers;  les  ff.  75  à   87,  les  vignettes. 

La  seconde  partie  se  compose  de  88  ff.  dont  2  de  titres,  com- 
prenant les  fleurons,  vignettes,  têtes  de  page,  armes,  passc- 
ptrtouts,  portraits,  etc.,  poly  typés. 

B.  F.,  14  juin  1828,  n°  5684.'  N'est  pas  à  la  Bibliothèque  Natio- 
nale. 

La  description  de  la  Bibliographie  de  la  France  n'est  pas 
absolument  exacte  ;  elle  n'indique  que  84  pp.  pour  les  gravures 
polytypées. 

159.  —  Principes  de  l'étude  comparative  des  langues, 
par  le  baron  de  Merian.  Suivis  d'observations  sur  les 
racines  des  langues  sémitiques,  par  M.  Klaproth.  Paris. 
Scliubart  et  Heideloff,  éditeurs,  quai  Malaquais,  n°  i .  Leipzig, 
Ponthieu,  Michelsen  et  Cie,  1828.  In-8. 

B.  F.,  28  juin  1828,  n°  4006.  —  B.  N.  :  Inv.  X  289i3. 

1(50°  —  Epître  à  Monsieur  le  Ministre  pour  lui  demander 
de  rendre  à  l'admiration  publique  les  chefs-d'œuvre  de 
l'Ecole  française;  notamment,  le  tableau  de  la  bataille 
d'Austerlitz,  et  celui  des  pestiférés  de  Jaffa.  Par  Gachot 
d'Arpenans.  Paris,  de  l'imprimerie  de  II.  Balzac,  rue  des 
Marais  Saint  Germain,  n.  il ,  1828.  In-8. 

16  pp.  —  B.  F.,  12  juillet  1828,  n°  4190.  —  B.  N.  :  Inv.  Ye  22052. 

161°  —  Adresse  à  Messieurs  les  membres  de  la  Chambre 
des  députés,  par  Vyard,  artiste  peintre,  rue  Notre-Dame- 


464  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

des-Champs,   n.   1.  Paris,   imprimerie  de    H.   Balzac,   rue 
des  Marais  S.-G.,  n.  17,  1828.  In-8. 
8  pp.  —  B.  F.,  19  juillet  1828,  n°  4345.  —  B.  N.  :  Ln27  20872. 

102°  —  Le  Cabinet  noir  et  M.  de  Vaulchier.  Paris,  chez 
Constant-Chantpie,  éditeur,  Palais-Royal,  galerie  de  bois, 
n°  264\  et  Le  Caudey,  libraire,  galerie  de  bois,  n°  %61, 
1828.   In-8. 

Par  F.  T.  Claudon,  d'après  Barbier. 

52  pp.  —  B.  F.,  9  août  1828,  nu  4824.  —  B.  N.  :  Lb49948. 

163°  —  Mémoires  sur  la  Cour  de  Louis-Napoléon  et  sur 
la  Hollande.  Paris,  Ladvocat,  libraire  de  S.  A.  R.  M.  le  duc 
de  Chartres,  quai  Voltaire  et  Palais-Royal,  1828.  In-8. 

Par  Paul  Garnier,  d'après  Barbier. 

B.  F.,  50  août  1828,  n°  5511.  —  B.  N.  :  Inv.  M  29666. 

164°  —  Le  Grison,  ou  la  Cote-aux-fées.  Simple  épisode 
des  troubles  de  la  Suisse,  en  1799.  Par  Henri  Zschokke, 
traduit  de  l'allemand  par  A.  Loève-Veimars,  traducteur 
de  la  collection  complète  des  romans  historiques  de  van 
der  Velde.  Paris,  chez  Charles  Gosselin,  libraire  de  S.  A.  R. 
Mgr  le  duc  de  Bordeaux,  rue  Saint-Germain-des-prés,  n.  9, 
1828.  2  vol.  in-18. 

B.  F.,  4  octobre  1828,  n°  5887.  —  B.  N.  :  Inv.  Y2  74904-74905. 

165°  —  La  Princesse  Christine,  épisode  historique  du 
commencement  du  xvme  siècle,  par  Henri  Zschokke,  tra- 
duite de  l'allemand  par  A.  Loève-Veimars,  traducteur  de 
la  collection  complète  des  romans  historiques  de  van  der 
Velde.  A  Paris,  chez  Urbain  Canel,  rue  Saint-Gcrmain-des- 
prés,  n.  9,  1828.  2  vol.  in-12. 

B.  F.,  4  octobre  1828,  n°  5924.  —  B.  N.  :  Inv.  Y2  74027  et  74028. 

166°  —  OEuvres  choisies  de  Lebrun.  Deuxième  édition. 
Paris,  Baudouin  frères,  éditeurs,  rue  de  Vaugirard,  n°  17, 
1828.  2  vol.  in-12. 

La  Bibliographie  de  la  France  n'enregistre  pas  cette  édition  : 
en  1828,  elle  ne  mentionne  qu'une  édition  imprimée  par  Decour- 
chant  pour  Randuel  [sic),  et  qui  eut  également  une  seconde 
édition. 

167°  —    Maison    Ladvocat.    Catalogue    général  (Paris. 


LES  IMPRESSIONS  FAITES  PAR  BALZAC.  465 

imprimerie  de  II.  Baltac^  rue  des  Marais  -s'.  Cf.,  n,  17), 
RiDCCCXXVIIl  (1828).  h. -8. 

♦ii»  pp.  j  compris  Le  titre  (au  verso,  nom  h  adresse  de  l'impri 
meur).  N'est  pas  enregistré  dans  la  Bibliographie  de  la  i  ronce. 

10K".  —  Deux  lettres  de  M-  Isambert,  adressées  S  Barbier, 
l'ancien  associé  et  successeur  de  Balzac,  le  23  octobre  et  le 

12  novembre.  1828,  nous  apprennent  que  Balzac  avail  commencé 
pour  lui  l'impression  d'un  ouvrage  dont  nous  n'avons  pu 
trouver  trace  et  qui.  peut-être  d'ailleurs,  n'a  jamais  été  achevé. 

Dans  la  première  de  ces  lettres,  M"  Isambert  déclare  à  Bar- 
bicr  qu'il  réglera  avec  lui  «  le  compte  des  impressions  com- 
mencées sur  la  Liberté  individuelle  »,  qu'il  veut  «  porter  cet 
ouvrage  de  1(3  à  20  feuilles  »,  mais  qu'il  n'y  «  en  a  encore  que 
9  tirées  ».  Il  a  «  besoin  du  mémoire  détaillé  pour  les  correc- 
tions ou  d'une  vérification  »,  car  il  soupçonne  Balzac  «  d'enfler 
ses  mémoires  ».  Dans  la  seconde,  Me  Isambert  informe  Barbier 
qu'il  va  lui  adresser  la  feuille  10  à  mettre  en  pages  et  que  le 
règlement  aurait  lieu  une  fois  l'impression  terminée.  La  récla- 
mation de  M.  Balzac  est  exagérée;  «  je  veux  bien  lui  payer, 
ajoute-t-il,  60  p.  100  d'étotïes  et  bénéfices  outre  le  salaire  des 
ouvriers,  et  il  me  paraît  qu'on  a  compté  75.  Si  M.  Balzac  accepte 
la  réduction  de  15  p.  100,  je  suis  prêt  à  régler  avec  lui  pour  les 
9  feuilles  sans  autre  retard  ».  Enfin,  le  15  novembre  1828,  Bar- 
bier fait  remettre  à  M.  Sédillot  le  règlement  définitif  de  ce 
compte. 

Il  s'agissait  peut-être  d'une  réimpression  de  La  Liberté  indi- 
viduelle ou  plaidoyer  et  réplique  prononcés  par  Me  Dupin  aine, 
brochure  publiée  en  1826  et  décrite  sous  le  n°  16. 


30 


APPENDICE  X 


LA  MAISON  DE  LA  RUE  DES  MARAIS 


Sur  la  rue  des  Marais-Saint-Germain,  consulter  Topo- 
graphie historique  du  vieux  Paris,  par  Adolphe  Berty, 
historiographe  de  la  ville  [et  L.-M.  Tisserand,  inspecteur 
principal  du  service  historique  de  la  ville...]  Paris, 
imprimerie  nationale,  1882,  t.  IV  (Région  du  faubourg 
Saint-Germain),  p.  250. 

On  trouvera,  sur  Vauquelin  des  Yveteaux  et  sur  la  vie 
«  voluptueuse  »  qu'il  menait  en  son  hôtel  de  la  rue 
des  Marais,  une  notice  intéressante  dans  le  livre  de 
M.  le  baron  Jérôme  Pichon,  intitulé  :  Notices  biogra- 
phiques et  littéraires  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de 
Jean  Vauquelin  de  la  Fresnaye  et  Nicolas  Vauquelin  des 
Yveteaux,  gentilshommes  et  poètes  normands,  1536- 
1649.  Paris,  Techener,  1846,  in-8,  pp.  4042. 

Au  temps  où  Balzac  l'habitait,  la  maison  portant  le 
n°  17  appartenait  à  M.  Dufour;  elle  est  aujourd'hui 
la  propriété  de  la  Ville  de  Paris.  En  1905,  elle  portait 
le  n°  17  bis  et  dépendait  de  la  «  Librairie  agricole  », 
26,  rue  Jacob  ;  la  gracieuse  complaisance  de  Mme  De- 
prez,  qui  en  était  propriétaire  à  cette  époque,  nous  per- 
mit de  réunir  les  renseignements  relatifs  à  la  construc- 
tion de  la  maison.  M.  Bourguignon,  au  nom  de 
M"ie  Deprez,  avait  bien  voulu  nous  écrire  : 


I.A  maison  DE  LA  RUE  DES  MARAIS. 

«...  1°  D'un  acte  de  vcnic,  en  date  du  7  mai  1825,  il 
résulte  qu'à  celle  époque  la  maison  de  la  rue  Visconti 
n'existait  pas.  Il  n'y  avait  sur  la  rue  Visconti  (alors  rue 

des    Marais)    que    «    deux    pavillons    élevés     d'un     re/ .dé- 
chaussée ei  couverts  en  ardoises  ».  J'ai  d'ailleurs  un  plan 

général  et  j'y  constate  que  la  maison  actuelle  n°  '26,  rue 
Jacob  (alors  n°  24,  rue  du  Colombier)  est   bien  désignée 

Hôtel  du  prince  de  Galles. 

«  2°  La  maison  de  la  rue  des  Marais  était  construite  à  la 
date  du  8  décembre  1828,  comme  il  résulte  d'un  compte 
de  mitoyenneté  entre  M.  Prestat,  propriétaire  rue  des 
Marais,  n°  17  et  M.  Lacy,  propriétaire  rue  des  Marais, 
n°  15,  établi,  à  cette  date  du  15  décembre  1828  et  portant 
cette  mention  :  «  M.  Prestat  ayant  adossé  un  bâtiment 
dut  acheter  la  mitoyenneté...  »,  etc. 

«  Mais  cette  date  du  28  décembre  1828  est  une  date 
limite  et  rien  ne  fait  supposer  que  les  comptes  de  mitoyen- 
neté aient  été  établis  aussitôt  après  la  construction,  puis- 
qu'il y  a  deux  autres  voisins  avec  lesquels  les  comptes  de 
mitoyenneté  n'ont  été  établis  que  :  le  premier  en  1851 
et  le  deuxième  en  1846.  Le  premier  est  le  voisin  de  gau- 
che de  la  rue  du  Colombier,  parce  qu'on  avait  exhaussé 
une  aile  de  l'Hôtel  du  prince  de  Galles,  le  deuxième 
(celui  réglé  en  1846)  est  précisément  le  voisin  rue  des 
Marais,  19. 

«  Il  est,  au  contraire,  probable  que  M.  Prestat,  devenu 
propriétaire  suivant  l'acte  d'adjudication  du  7  mai  1825, 
n'aura  pas  trop  tardé  à  construire  et  la  maison,  17,  rue 
des  Marais,  a  dû  être  construite  en  1826  ou  au  plus  tard 
1827.  Cependant,  je  n'ai  pu  trouver,  dans  aucune  pièce, 
l'indication  précise  de  la  construction.  Tous  les  actes  rela- 
tifs à  la  mitoyenneté  portent  simplement  la  mention  : 
«  M.  Prestat  ayant  adossé,  etc.  » 

La  maison  portant  le  n°  17  de  la  rue  des  Marais-Saint- 
Germain  était  certainement  construite  en  1826,  puisque 
dans  un  traité  passé  entre  M.  d'Assonvillez,  Honoré 
Balzac  et  André  Barbier,  en  date  du  16  mars  1826 
(Voir  Appendice  VI,  pièce  n°  i6),  Balzac  et  Barbier  sont 


168  LA  JEUNESSE  DE  BALZAC. 

déjà  dits   domiciliés  :  rue  des  Marais-Saint-Germain, 
n°  17. 

Quant  au  M.  Prestat,  cité  dans  la  lettre  de  M.  Bour- 
guignon, il  s'agit  de  M.  Henri  Prestat,  demeurant  9,  rue 
des  Bourdonnais,  propriétaire  des  locaux  occupés  par 
l'imprimerie  Balzac  et  Barbier.  Nous  le  voyons  figurer 
comme  créancier  à  la  faillite,  dans  un  «  état  de  la  situa- 
tion du  sieur  Honoré  Balzac  »  et  dans  l'acte  de  vente  de 
son  imprimerie  à  Barbier  (Voir  Appendice  VIII,  pièces 
nos  80  et  81).  Un  autre  Prestat,  du  prénom  d'Auguste, 
demeurant  rue  de  la  Poterie,  y  figure  également. 

Paul  Lacombe,  le  bibliographe  parisien,  aujourd'hui 
défunt,  voulut  bien  relever  et  nous  communiquer  la 
liste  des  voisins  de  Balzac,  en  1827,  d'après  YAlmanach 
parisien  ou  Liste  générale  des  habitants  de  Paris,  clas- 
sés par  rues  et  par  numéros...  pour  l'année  1827 .  Paris, 
chez  les  éditeurs,  rue  des  Marais  du  Temple,  n°  14, 
1827,  in-12,  p.  187.  Voici  cette  liste  : 

N°  15  :  Delpont,  négociant. 

Dufraval,  receveur  de  l'enregistrement. 

Lacy. 
N°  17  :  Balzac,  imprimeur. 
N°  19  :  Besson  (Madame). 

Desmichels,  baron  de  Champorçain,  avocat. 

Ducamp  de  Bussy. 

Il  n'est  pas  fait  mention  du  17  bis.  Il  est  à  remarquer 
que,  lors  de  notre  première  édition  de  cet  ouvrage  en 
1905,  le  17  bis  était  le  numéro  de  l'immeuble  placé 
entre  le  15  et  le  17  et  que  le  17  était  contigu  au  19. 
Actuellement  (1921),  la  Ville  de  Paris  a  fait  disparaître 
le  n°  17  bis  en  le  réunissant  au  n°  17. 


Au  moment  où  Georges  Vicaire  achevait  la  correction 
des  dernières  feuilles  de  cet  ouvrage,  il  succombait 
soudainement.  Jusqu'au  bout  il  a  travaillé  et  celte  nou 
velle  édition  de  notre  livre  —  retardée  par  la  guerre  - 
avait  été  Vobjet  de  ses  soins  scrupuleux.  Il  se  faisait 
une  joie  d'exécuter  les  volontés  de  M.  de  Spoelberch  de 
Lovenjoul  et  de  donner  au  public  les  lettres  de  Balzac  et 
celles  de  Madame  de  Berny.  Il  na  pas  eu  la  satisfaction 
de  voir  paraître  le  livre  et,  après  vingt-cinq  années  d'une 
collaboration  cordiale,  fai  ta  douleur  de  perdre,  à 
l'heure  de  la  réalisation,  cet  incomparable  ami. 

Ce  livre  vient  de  lui;  il  est  à  lui;  je  le  rends  à  sa 
mémoire.  On  y  retrouvera,  à  chaque  page,  les  marques 
de  sa  conscience,  de  son  érudition  sans  défaut  et  du 
culte  qu'il  professait  pour  les  Belles-Lettres. 

G.  II. 
Paris,  8  novembre  1921. 


TABLE   DES   MATIÈRES 


Pages. 

Avis  sur  la  présente  édition 1 

Avertissement  de  la  première  édition 5 

La  Jeunesse  de  Balzac  : 

Premières  armes 11 

Balzac  imprimeur 55 

Rue  des  Marais 52 

Dilecta 66 

Les  Affaires 91 

La  Catastrophe 106 

Conclusion 122 

Correspondance  d'Honoré  de  Balzac   et   de   Laure   de 

Berny  (1822-1852) 155 

Note  explicative 155 

Lettres  d'Honoré  de  Balzac  . 159 

Lettres  de  Madame  de  Berny 225 

Appendices  : 

I.  —  Les  Balzac 291 

II.  —  Les  de  Berny 295 

III.  —  Les  Hinner 299 

IV.  —  Reinier  de  Jarjayes 504 

V.  —  La  Librairie 506 

VI.  —  L'Imprimerie 559 

VII.  —  La  Fonderie  Balzac  et  Cie 556 

VIII.  —  La  Faillite  et  les  dettes 577 

IX.  —  Les  Impressions  faites  par  Balzac.   .    .   .  420 

X.  —  La  Maison  de  la  rue  des  Marais 466 


FABLE   DES   ILLUSTRA  PIONS 


Portrait  d'Honoré  de  Balzac ,   .   .   .   .  24 

Portrait  de  Madame  de  Berny 70 

Fac-similé  de  l'écriture  de  Balzac 157 

Fac-similé  de  l'écriture  de  Madame  de  Berny 22'» 


85  598.  —  Imprimerie  générale  Lahure,  rue  de  Fleuras,  9,  Paris. 


2178 


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