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Full text of "La langue latine étudiée dans l'unité indo-européenne, histoire, grammaire, lexique"

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LA 



LANGUE LATINE 



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LA 



LANGUE LATINE 



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Avis ad relieur. — Le présent titre est provisoire ; le relieur trouvera au 
commencement du second fascicule le titre définitif, la préface et les errata. 



I 



l'AHI'>. — lîll'. MUllV IlA(0^ KT COUP,, WVB Il'F.UFrRTH. t 



LA 



LANGUE LATINE 



ÉTUDlés 



DANS L'UNITÉ INDO-EUROPÉENNE 



■ ISTOIBE — OBAMIHAIBE — LEXIQUE 



PAA 

AMÉDÉE DE CAIX DE SAINT-AYMOUR 



« Nous savons mieux le latin depuis que 
nous savons le sanskrit. » 

(E06. BURSIOUF.) 

« La connaissance du sanskrit conduira 
à une méthode d'enseigner le latin tout 
autre que celle qu'on suit. > 

(DKsfiBAKGCi), Grammaire aanskrite- 
française, t. 1, p. xvni.) 



PARIS 

LIBRAIRIE DE L. HACHETTE ET C" 

BOULEVARD S A ITf T-GERII AIH , îf" 77 



1868 



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M. H. CHAVÉE 



iV. B, — Ln seconde partie do cet ouvrage paraîtra dans le courant de 
l'année 4868. 

Ce fascicule complémentaire comprendra, outre la fin du classement 
lexîologique des mots latins et romans en familles naturelles, les tables 
suivantes : 

i' Tables analytiques; 

2** Table-dictionnaire des mots latins expliqués dans Touvrage ; 

5° Table des mots provençaux ; 

4* — italiens ; 

^" — espagnols ; 

6" — portugais ; 

7" — roumains. 

Quelle que soit Timportance de celte seconde partie, qui comprendra 
au moins trente feuilles d'impression (480 pages), le prix en est fixé dès 
à présent h 10 francs. 



ERRATUM PROVISOIRE 



Page 
Page 
Page 
Page 

Page 
Page 



3, note; après on appelle, ajoutez langues. 



7, 
27, 

64, 
82. 



Page \U, 
Page 423, 
Page 132, 
Page 158, 
Page ICI, 
Page 162, 
Page 175. 
Page 207, 
Page 275, 
Page 296, 



Page 329, 
Page 329, 
Page 352, 
Page 360, 
Page 360. 
f»age 563, 
Page 411, 
Pagi» 413, 



ligne 13; nu lieu de 1865, lisez 1866. 

note 1, ligne 2; au lieu de glwaïuil, Usez 

ligne 21 ; au lieu de u5, uœ, lisez ôû, œû. 

ligne 24; au lieu de pags, lisez pacs. 

ligne 19; au lieu de tertnulare, lisez tremulare. 

ligne 26; au lieu de rec, lisez grec. 

ligne 27; après Ak, ajoutez Rk. 

ligne 22; au lieu de ONA, lisez ANA. 

ligne 22; au lieu de peTs, lisez peDs. 

ligne 1 ; dele Castorus. Venérus. 

ligne 9; dele securiem. 

ligne 10; au lieu de quo, lisez oui, 

ligne 2 ; au lieu de PRAES-TO, lisez PRAE-STO. 

ligne 5; au lieu de buleze, lisez buzele. 

ligne 3 , et 3* ligne avant la fin : p8o> et prii^a sont pour ppiu et 

ppYsp.«. et doivent p ir conséquent se placer à côté de prircp. 

page 301. 
ligne 17; nu lieu de XYmPt}, lisez KYM^r. 
ligne 21 ; après (v. rac. KR), ajoutez : (classe TENDRE), 
ligne 5 avant la (in; au lieu de ez, lisez BO. 
ligne 12; au lieu de Z<^lâD, lisez :^^ih. 
ligne 20; au lieu de FIFUuculi. lisez FIFUnculi. 
ligne 21 ; au lieu de sou(s)pire, lisez sou(s)pirer. 
ligne 4; au Heu de DRa, lisez DRA. 
ligne 15; au lieu de in-TiI-sio, lisez in-Cl-sio. 



LIVRE PREMIER 



HISTOIRE 



« Les langues ^tant le produil immédiat de 
la conscience humaine, se nnodillent sans cesse 
avec elle, et la vraie théorie des langues n'est, 
en un sens, que leur histoire. » 

Ë. Rexa!«, Histoire des Langvft témiiiquei 
l2« édit. Parti, 1858)» page ». 



1 



I 



COUP B'ŒIL aiSTORIQUE SUR LA SCIENCE 

BU LAN«A«E 

INTRODUCTION 

Avant de commencer le résumé succinct que nous avons 
cru devoir faire de l'histoire des données ethniques et lin- 
guistiques qui résultent du classement généalogique des 
idjomes indo-européens^ parla méthode comparative, il nous 
parait utile d'initier en quelques mots le lecteur à Thistoire 
même de la philologie moderne. Ces courtes notions nous ser- 
viront d'ailleurs d*introduction et nous permettront de ren- 
dre hommage à tous les savants nos maîtres, qui, de près ou 
de loin, ont concouru à la formation de la science du langage. 

Avant la fin du dix-septième siècle et malgré les louables 
tentatives faites auparavant, dès le seizième, par des savants 
tels que Bibliander, Guichard, J. J. Scaliger, Thomassin, et 
surtout Robert et Henri Estienne, les auteurs du Thésaurus 
Lingux grxcx et du Thésaurus Lingux laiinXj la philologie 
se traînait encore dans les langes du préjugé. On croyait 

* On appelle Indo-eitropéennet un système de langues sœurs qui se parlent 
dans rinde, la Perse et toute l'Europe, excepté eu Turquie, en Finlande, en 
Hongrie, en Laponie et dans le pajs Basque (voir la suite de ces notions 
kistoriques). 



4 HISTOIRE 

à cette époque, comme quelques tiommes de bonne foi 
Font cru presque jusqu'à nos jours, que l'Iiébreu était la 
langue primitive de l'humanité, et conséquemment la 
langue mère de toutes les autres; celte croyance engendrée 
par la foi et exagérée par le fanatisme biblique des catho- 
liques aussi bien que des protestants, empêchait toute étude 
sérieuse, et l'hébreu avec sa pauvreté de dérivation et ^n 
absence presque complète de composition, était le lit de 
Procuste sur lequel on attachait successivement chacune de 
nos langues européennes, voire le grec et le latin, si ri- 
ches en composés, si harmonieux et si clairs à la fois. 

Il était réservé à un illustre philosophe allemand, au plus 
grand homme peut-être de la fin du dix-septième et du 
commencement du dix-huitième siècle, à LeibnitZy dont un 
savant français a eu l'honneur de publier le premier les 
œuvres complètes *, de porter les premiers coups à ce préjugé ; 
et pour cela, il s'y prit d'une manière qui Réussit presque 
toujours, quand on n'en abuse pas, par le ridicule : « II y a 
autant de raison, disait-il, pour regarder l'hébreu comme 
la langue primitive de l'humanité, que pour adopter Popi- 
nion dcGoropius, qui publia un ouvrage à Anvers, en 1580, 
pour prouver que le hollandais fut la langue parlée dans le 
paradis. » Même à l'époque de Leibnitz, on était assez fami- 
liarisé avec la filiation des langues germaniques pour sentir 
toute l'ironie de ce rapprochement. Ailleurs, dans une lettre 
à Tenzel, il écrivait encore : « Appeler l'hébreu la langue 
primitive, c'est comme si l'on appelait primitifs des troncs 
d'arbres, ou que l'on dit que dans certaines contrées les 
troncs poussent avant les arbres. De telles idées se peuvent 



I C'est chez MM. Didot que M. le comte Foucher de Careil a commencé en 
1859 cette belle publication qui doit avoir environ vingt volumes. Six ont dcjà 
parUp^et le nom de l'éditeur, si familiarisé avec la philosophie allemande, nous 
est une garantie que l'œuvre sera menée à lK)nne fin. 



DE LA SCIENCE DU LANGAGE. 5 

concevoir, mais elles ne sont pas en harmonie avec les lois 
de la nature ni avec l'ordre de Tunivers, c'est-à-dire avec 
la sagesse divine'. » 

Mais Leibnilz.ne se contenta pas de combattre un préjugé 
enraciné par Tiguorance; il s'occupa de rassembler le plus 
grand nombre possible de faits et de matériaux, et sa haute 
position dans la science européenne lui permit de demander 
cl d'obtenir, des ambassadeurs, des missionnaires et des 
voyageurs de tout genre, une quantité de renseignements 
précieux qu*il comptait coordonner plus tard. Ayant fait la 
connaissance de Pierre le Grand, il lui demanda d'entre- 
prendre le catalogue général des langues de son vaste em- 
pire et de publier en ces langues des traductions des dix 
Commandements, de TOraison dominicale, du Symbole des 
apôtres, etc., ut omnis lingua latulet Dominum (Lettre datée 
de Vienne, le 26 octobre 1713). La demande parut bonne, 
et Tut agréée en principe, mais Tempereur de toutes les 
Russies avait alors autre chose à faire que des grammaires 
et des dictionnaires. Cependant Tidée resta en germe, et 
moins d'un siècle après, Catherine la Grande (1762-1796), 
héritière du trône et des idées de Pierre le Grand, exé- 
cutait le plan de Lcibnitz et publiait en 1787 le premier 
volume d'un grand Dictionnaire polyglotte dont une seconde 
édition paraissait trois ans après en quatre volumes in-folio 
contenant des mots tirés de deux cent quatre-vingts langues 
du monde entier. Mais cette tentative, ainsi que celles qui 
produisirent le Monde primitif de Court de Gébelin (1773), 
le Catalogue des langues d*llervas (1800), et le Mithridates 
d'Adelung (1806-1817), manquaient d'ordre et de clarté. 
C'étaient des matériaux précieux, mais où la méthode faisait 
complètement défaut, et Ton ne sait ce que serait devenue 
la philologie comparative dévoyée dans des classements ar- 

< Voir les œuvra philologiques de Lcibnitz, fastim. 



6 HISTOIRE 

bitraires, si une grande découverte faite en Orient n'était 
venue apporter aux savants européens le flambeau qui leur 
manquait. Cette découverte fut celle du Sanskrit. 

Nous n'avons pas à nous occuper ici de l'iiistoire propre- 
ment dite du sanskrit ; cette langue n'a d'intérêt pour nous 
que comme point de comparaison philologique et comme 
pierre fondamentale de notre science. Nous rappellerons seu- 
lement que la première grammaire sanskrite publiée en 
Europe est celle d'un carmélite allemand, Johann Philip 
Wcsdin, plus connu sous le nom de Paulinus a Sancto Rar- 
tiiolomspo, «qui habita Tlnde de 1776 à 1789, et qui imprima 
soiï livre à Rome en 1790, sous le titre de : Sidharubam seu 
Grammatica Samsadamica . 

Déjà, sixans auparavant, enl 784, les Anglais, conquérants' 
de rinde, avaient fondé à Calcutta une Société Asiatique qui 
se mit à publier des textes, des grammaires, des glossaires, 
et qui ouvrit ainsi aux savants européens les trésors de la 
langue et de la littérature brahmaniques. 

A peine connut-on le sanskrit, qu'on lui trouva des affini- 
tés profondes avec le Zend^ qu'un français, Anquetil Duper- 
roHj venait de retrouver et de reconstituer, avec le GreCy le 
Latin et presque toutes les langues modernes de l'Europe *. 
C'est un missionnaire français, le père Cœurdoux, qui le pre- 
mier reconnut cette parenté et la signala, dès Tannée 1767, 
à l'Académie des Inscriptions et belles-lettres *. Après lui, 
les travaux de William Joues^ de Wilkins^ de Careij^ do 
Forster, de Colebrooke^ élargirent la voie où se précipita un 
poète de génie, Frédéric Schlegel, devenu le Christophe Co- 



* Voir la note, page 3. 

* Mémoires de V Académie des Inscriptions, t. XLIX, p. 6 H et suiv. Ce fait 
ntérestiant, si honorable pour la France, a été dernièrement remis en lumiéixs 
par M. Michel Bréal, à son cours du Collège de France (voir Hevne des Cours 
UtUraireSy 5* année, p. 49). 



É 



DE LA SCIENCE DU LANGAGE 7 

lomb de ce nouveau monde intellectuel que Ton appela la 
linguistique comparée. ^ 

Du jour de la publication (en 1808) du livre de Schlegel, 
Sur la latigue et la sagesse des Indiens^ les travaux et les dé- 
couvertes se multiplièrent : Guillaume Scldegel^ frère de Fré- 
déric, et poète comme lui, Guillaume de Humboldi, Lassen^ 
Roseiiy Pottj Grimmj Erasme Rask, Eugène Bumouf cl surtout 
François Bopp se jetèrent vaillamment dans cette nouvelle 
lice où ils devaient se couvrir de gloire. En 1816, ce der- 
nier publia à Francfort son Conjugationssystemj et TEurope 
savante vient de célébrer l'anniversaire cinquantenaire de 
ce premier livre de la linguistique moderne. On a vu, le 
16 mai 1865, à Berlin, le vénérable doyen de la philologie 
'comparée, entouré des survivants de ceux qui Taidèrent à 
poser les premières assises de son œuvre, recevoir les hom- 
mages des savants qui sont venus après lui glaner dans ce 
champ inépuisable, et c'est une grande faveur du sort pour ce 
présent livre, le plus modeste et le dernier de ceux qu'a 
inspirés depuis cinquante ans le premier travail de Tillustrc 
professeur de Berlin, de pouvoir inscrire sur son frontispice 
la date du premier jubilé de la science du langage. 

Après le livre de Bopp, la victoire était gagnée; malgré cer- 
taines oppositions de parti pris qui présageaient un dang( r 
dans la fondation d une science destinée à reculer et à éclai- 
rer les origines et la philosophie de l'histoire, la linguistique 
était enfm constituée sur des bases solides '. 

Depuis ce jour, l'horizon s'est agrandi ; Tédifice est de- 
venu encore plus inébranlable ; et aujourd'hui, les brahmes 
du Gange commencent à savoir que les Anglais sont leurs 



* pour plus de renseignements sur rbistoirc de la linguistique, on pourra 
consulter la Science du langage ^ par U. Max Huiler, professeur à Oxford, 
traduit en français par UN. UaiTÎs et Perrot (1 v. in-8; Paris, Durand, 186 S), 
el principalement la qualriëmc et la cinquième leçons. 



8 UISTOIRE 

frères, et non plus seulement leurs maîtres; et des monta- 
gnes de riran aux glaces de Tlslande, de la Neva au Guadalqui- 
vir, les peuples que Ton a d'abord nommés Indo-Germa- 
niques et que nous appellerons toujours ici Indo- Européens 
ou Aryaques^ ne forment tous qu'une immense famille qui a 
retrouvé ses papiers généalogiques, et qui resserre de plus 
en plus, par une science et par une politique communes, 
les liens millénaires qui Tunissent dans une même origine 
comme dans une même destinée : la fraternité et le progrès. 
Au moment où nous écrivons ces lignes, MM. AkrenSy 
Befifeyj Boppj CurtiuSj Dietz, Kuhnj Lassen^ Léo Meyerj Poîtj 
Schleichef\ Spiegel^ Weber^ Zeuss^ etc., en Allemagne; Max 
MûUer en Angleterre; Ascoh^ Gonesio^ Lasinio en Italie; 
Michel Bréalj Emile Burnoufj Chavée^ Egger^ Eichkoff/ 
Uttréy Oppert^ Renan en France , et tai)t d'autres hommes 
illustres ou distingués, enseignent, publient, découvrent, 
vulgarisent et tiennent haut et ferme le drapeau de la jeune 
science cosmopolite dont chaque découverte est un pas de 
plus fait dans la voie de la pacification du monde. 



> L'exprefision Indo^ermanique semblerait signifier que les Hindous seuls 
avec les Germains ont formé celte race, ce qui est complètement faux. Mû' 
Européenê dit plus sans dire assez, puisque ce mot exclut la branche {ira- 
nienne. Nous préférons de beaucoup l'expression de famille arffoqMe (voir plus 
bas l'explication de ce mot (expression proposée pour la première fois par 
M Oppert dans sa Grammaire ionicrile [2* édit., p. i), que nous emploierons 
le plus souvent dans le cours de cet ouvrage. 



II 



DIVERSES BRANCHES DE LA FAHILLE 
INBO-EUROPËEIVIVE 



On a voulu voir longtemps dans le sanskrit la langue mère 
de tous les idiomes indo-européens et c'est encore un pré- 
jugé répandu en France, même chez des gens instruits ; 
cependant l'examen le plus superficiel de la langue sacrée 
de rinde sufiil pour montrer à un linguiste quelque peu 
exercé, que cette langue qui, en beaucoup de cas ' est moins 
bien consei*vée que le grec et le latin ne peut être la mère 
de ces langues, et cela parce qu*il est admis aujourd'hui 
comme un des principes fondamentaux de la philologie 
comparée, qu'un idiome est un organisme dans un état 
pathologique^ perpétuel et que plus il se rapproche de 

* Nous voulons seulement parler ici de la conservation des radicaux ; pour la 
pureté et l'intégrité des désinences , le sanskrit est toujours supérieur à ses 
congénères. 

* Nous devons un mot d'explication au lecteur, au sujet de cette expression 
&étai pathotogiqWt de maladie appliquée aux modifications du langage. Le 
langage n'est pas une fabrication réfléchie, mais bien une suite d'élans instan- 
tanés que nous retrouvons encore tous les jours dans la formation des interjec- 
tions et dans les verbes onomatopéiques (clic, clac; pif, paf; bu; mu; etc.) 
créés par les enfants. Les hommes ont donc formé peu à peu leur langage et 
lorsque les races humaines se sont séparées, alors seulement a commencé la 
décomposition des éléments qui formaient le parler des Aryas lorsqu'ils étaient 
réunis. — Nais les langues actuelles sont plutôt modifiées que décrépites; les 
radicaux se sont usés parce que la race a cessé de comprendre le rôle impor • 
tant de la racine et a cru pouvoir se passer de la perfection du radical , tandis 
qu'au contraire, elle a senti la nécessité d'avoir des di^inences plus nom- 



10 HISTOIRE 

sa source, plus il doit âtre pur de mélanges et d^altéra- 
tions. Sir William Jones ^ le fondateur de la Société Asia- 
tique de Calcutta, mort en 1794, était bien mieux inspiré 
lorsqu'il écrivait la phrase suivante : « Aucun philologue ne 
saurait examiner le sanskrit, le grec et le latin, sans penser 
qu'ils sont issus d'une source commnney laquelle peut-être, 
n'existe plus * . » 

Les progrès de la science ont justifié ces deux hypotlicses 
de l'illustre indianiste. C'est M. Chavée qui, le premier, a 
constaté par écrit la nécessité de remonter au type primor- 
dial de chaque famille de mots. Voici, en effet, ce que nous 
lisons dans l'ouvrage intitulé : Lexiolofjie indo-européetwe 
(Paris, Franck, 1849), à la page x de l'introduction : 

« Si le dictionnaire expose la signification des mots, la 
Lexiulogie explique le pourquoi et le commetit de cette signi- 
fication. Pour la science lexiologique, Tétude comparative et 
approfondie des vocabulaires n'est qu'un moyen d'arriver 
par l'analyse à la connaissance et à la classification des 
vocables simples ou primitifs dans chaque système de lan- 
gues... » Plus loin (Introd. p. xi) le même savant ajoute, 
en parlant des langues indo-européennes : « Ces langues ne 
sont pour le linguiste que des variétés d'une langue unique et 



breuses, les besoins linguisUques augmentant avec les progrès matériels et 
intellectuels. Lors donc que nous disons qu'une langue est dans un état paUio- 
logique plus ou moins avancé, nous entendons seulement que cette langue est 
relativement plus ou moins éloignée de la forme primitive aryaquc, sans pré- 
tendre lui donner aucun degré d'infériorité au point de vue littéraire ou 
utilitaire. La langue aryaquc n'est autre chose que la langue indo-européenne 
bien portante. 

* Sir ^Villiam Jones, cité par BI. Uax Uûller . Science du langage, page 166 
de la traduction française. — A la même époque (1795), Lord Monboddo disait 
encore [Anàent metaphysics, t. IV, p. 522) : « tf. \Yilkins a démontré invin- 
ciblement une telle ressemblance entre le grec et le sanskrit, qu il faut que 
Tun soit un dialecte de l'autre ou qu'ils dérivent tous deux d'une langue ori- 
ginale. Or, le grec n'est certainement pas un dialecte du sanskrit, ni le sans- 
krit du grec. Ce smt donc des dialectes d'une même tangue.... • 



DE LA FAMILLE INDO-EUROPÉENNE. i\ 

primwdiale^ parlée jadis au centre de TAsie par les premières 
familles de notre race. » 

Cette nécessité d'admettre Texislence d'une langue indo- 
européenne primordiale, et de la reconstituer par la mé- 
thode comparative, est reconnue aujourd'hui par tous les lin- 
guistes placés à la tête de la science. Tous admettent qu'à 
l'origine de notre race indo-européenne, il existait une 
langue dont les racines se sont conservéesjusqu'aujourd'hui 
nn divers états d'intégrité dans le sanskrit, le grec, le latin, 
et toutes les langues sœurs ou filles, anciennes ou modernes, 
laquelle langue forme avec ses dérivées un système linguis- 
tique radicalement séparé des systèmes sémitique, tours- 
nien, chinois, etc. 

Cette langue primitive était parlée par un peuple qui, dans 
les plus vieux monuments que nous possédions, s'appelle 
lui-même la tribu des Aryas ; aussi a-t-on appelé leur 
langue, langue arienne ou aryaque; nous emploierons ce der- 
nier mot à côté de celui d indo-européen, et à l'exclusion 
d'arien, qui est déjà conim dans l'histoire d'une façon toute 
différente ^ 

Aussi haut que nous remontions dans l'histoire, nous 
trouvons les Aryas établis sur les bords de TOxus (auj. 
Amou ou Djihoun) et de Tlaxartes, dans ce beau pays qui 
s'est nommé de tout temps Arie ou Bactriane (Bâkhdhi, 
Bakhtri, etc.), et dont la capitale, Balkh, est encore appelée 
dans tout l'Orient la mère des villes (Um-ùl Bilad). Cette vaste 
contrée, située cnfre le 55'' et le W degré de latitude nord, 
ayant au nord-est les hautes chaînes qui forment aujourd'hui 
la limite du Turkestan vers l'Asie centrale, traversée par les 
deux grands fleuves que nous venons de nommer, et placée 
à l'entrée des immenses steppes de la Scylhie, « issue toujours 

• 

* Les Ariens sont les scclaleurs d*Ariut, célèbre liérésiarriiic fondateur de VO' 
riattitme, mort k Constan'moplc en TiôO après Jénis-Christ. 



12 HISTOIRE 

ouvcrlc au déversement d'une population surabondante *, » 
èlait admirablement faite avec son climat tempéré, ses fer- 
tiles vallées et ses rudes montagnes, pour servir de berceau 
à la race nol)le et vigoureuse qui couvre aujourd'hui le monde 
de sa force et de son génie. 

De leur pays d origine, les Aryas se répandirent bientôt 
de différents côtés, à mesure que Taccroissement de la po- 
pulation obligea une partie de ce peuple agriculteur et pas- 
teur à aller chercher plus loin des terres pour ses semences* 
et des pâturages pour ses troupeaux. Mais dans quel ordre se 
sont accomplies ces migrations? C'est là une de ces ques- 
tions obscures que la science est encore loin d*avoir résolue. 
Dans tous les cas, ce nest pas dans un ouvrage de la nature 
de celui-ci que nous pourrions hasarder une solution, si 
tant est que nous voulussions l'essayer. Nous allons donc 
tout simplement, pour plus d'ordre et de clarté, établir ici 
humblement le système de classement qui nous a paru le 
plus vraisemblable, sans prétendre aucunement être dans 
le vrai, et uniquement pour pouvoir donner quelques no- 
tions précises sur les migrations des Aryas primitifs*. 

Il est probable que, déjà dans la Bactrianc, les difTérentes 

< Adolphe Pictet, les Originei Indo-européennes, Paris, 1. 1, p. 46. Cherbu- 
liez, 1859. — On pouiTa consulter ce livre avec intérêt pour tout ce qui se 
rattache aux Aryas primitifs. 

* Nous avons besoin de déclarer ici que nous reconnaissons deux sciences 
ethnologiques : {'Ethnologie purement anthropologique dont nous ne nous 
occupons nullement dans cet ouvrage, et l'Ethnologie linguistique y pour 
laquelle seule nous nous reconnaissons compétent. Ces deux branches d'une 
même science sont, à notre avis, encore trop nouvelles pour risquer une fusion. 
Quand nous parlons d'une migration aryaque, celle des Aryo-Geltes, par exem- 
ple, nous voulons dire seulement qu'à une époque quelconque pré-historique, 
les Aryo-Celtcs envahirent certaines contrées et y imposèrent leur langue, soit 
par absorption, soit par dominution ; mais nous ne refusons nullement de 
croire que Ton trouve encore aujourd'hui dans les pays cités des types crâ- 
niologiques tout différents de celui que les anthropologistes appellent type cel- 
tique. Encore une fois, nous nous occupons exclusivement d'ethnologie linguis- 
tique. 



DE LA FAMILLE INDO-EUROPÉENNE. io 

tribus des Âryas s'étaient assez éloignées les unes des autres 
par raccroisseroent de la population, pour former plusieurs 
petits centres politiques, et par conséquent dialectiques. Je 
m^explique : lorsqu'une population, quelle qu'elle soit, et 
surtout une population primitive qui ne possède jamais un 
pouvoir cenlral bien puissant, arrive à s'éparpiller sur un 
assez grand pays, les liens qui rattachaient ses différentes 
fractions les unes aux autres finissent par se relâcher, sinon 
par se rompre tout à fait, et il se forme aulour d'un certain 
nombre de points créés par des motifs souvent Ircs-divers, 
des conglomérats de familles et de tribus peu considéra* 
blés qui constituent à la longue des petits centres distincts 
les uns des autres; on voit que c'est la fameuse théorie de 
la formation des mondes de Laplace transportée dans l'his- 
toire des origines humaines. 

Lorsque chacun de ces petits centres est devenu assez 
considérable pour toucher, et par conséquent pour nuire à 
ses voisins, la population augmentant toujours, et des luttes 
continuelles mettant en péril l'existence même des diverses 
tribus, il arrive un moment où celles qui occupent les fron- 
tières du pays commun, ou qui ont devant elles de grandes 
contrées à peupler, s'élancent dans cet espace vide et émi- 
grent en masse à la recherche d'une patrie plus vaste et par- 
tant plus hospitalière. 

Si nous avons bien fait comprendre notre pensée, là est 
tout le secret de l'histoire des grandes migrations aryaques ; 
ces migrations sont au nombre de six : quatre en Europe et 
deux en Asie. 

Les Arj/o-CELTES furent vraisemblablement les pre- 
miers qui s'éloignèrent du tronc commun. Après avoir con- 
tourné au sud la mer Caspienne, et s'être arrêté quelque 
temps (des centaines d'années peut-être) dans l'ibérie cau- 
casienne cl dans l'Albanie, où ils ont laissé des traces évi- 



Il IIISTOIIVE 

dénies de leursi^our, ils furent forcés de repartir ; toujours 
poussés par le flot montant incessamment de leurs frères 
d'origine qui demandaient à prendre leur part des pays en- 
vahis, ils se remirent en route; et, tantôt s'arrétant, tantôt 
avançant pour s'arrêter encore, toujours nobles et fiers, tou- 
jours Aryas ', mais usant tout le long de la route par les 
siècles et les contacts avec les indigènes ' leurs vocables pri- 
mitifs, ils arrivèrent enfin à l'extrémité occidentale de 
l'Europe, où la mer les força de s'arrêter. 

Us se partagèrent alors en deux grandes tribus, l'une mé- 
ridionale, l'autre septentrionale, les Galls et les Kymris, 
parlant toutes deux à cette époque la même langue, mais la 
langue la plus usée, la plus malade, la plus fruste, s'il m'est 
permis de m'exprimer ainsi, de tout le système indo-euro- 
péen ; et cet état de mauvaise conservation nous porte en- 
core à placer la migration des Celtes la première de toutes. 
Aujourd'hui, cette branche de la grande famille indo-euro- 
péenne n'est plus représentée que par les Celtes d'Irlande, 
les Gaels de la Grande-Bretagne, les Gaulois et les Bretons 
de la France, toutes races vaincues et dominées par d'autres 
races aryaques plus jeunes et plus vigoureuses'. 

La peuplade immigrante qui força ainsi les Celles à quitter 
ribérie, leur premier pays d'adoption, fut vraisemblablement 



< Arya en sanskrit veut dire noble, vénérable ; on le traduirait bien en latin 
par venerandtu, colenduê. Arya vient de la racine R (voir œite racine à la 
classe TENDRE, ÉTENDRE). 

* Nous appelons indigènes ou outoc'ithones les peuples (}ue les Aryas trou- 
vèrent déjà établis en Eui*ope lorsqu'ils y arrivèrent et qui furent vraisembla- 
blement les constructeurs des monuments de l'âge de pierre, puisque les Celtes, 
auxquels la routine les attribue ordinairement, connaissaient quatre métaux : 
l'or, Tairain, le cuivre et l'argent (voir Girard de Rialle, dans les BuUetim île 
la société d'anthropologie, t. V, page 552). 

* Quelques auteurs, et notamment M. Auguste Schleicher [CompendiuiUt 
p. 81 €t aill.], rapprochent les Celles des Italo-Pélasgcs. Pour noas, les simili- 
tudes linguistiques qui sont la base de ce système sont venues de frottements 
postérieurs à la grande migration. 



DE LA FAMILLE INDO-EUROPÉENNE. 15 

celle des itrj/o-GERMAINS qui, après avoir parcouru les 
versants du Caucase ^ et les plaines de la mer iNoire, fui à 
son tour poussée par la tribu des Aryo-SIavcs qui Tobligea 
à avancer vers l'ouest. Les Germains remontèrent alors le 
Danube, et trouvant sa rive droite et tous les pays du sud de 
l'Europe occupés déjà sans doute par une autre tribu 
aryaque, celle des Pélasges, dont nous parlerons tout à 
l'heure, elle fut forcée de peupler au nord les vastes pays 
compris aujourd'hui entrje le Rhin et la mer du Nord, d'une 
part, et de Tauire s'étendant jusqu'aux glaces de la mer po- 
laire. Comme les Celtes, les tribus germaniques se divi- 
sèrent en deux essaims immenses : Tun , que Ton appela 
depuis Scandinave^ s'avança tant qu'il put vers le Nord en 
refoulant devant lui les peuplades indigènes qui allèrent se 
réfugier à l'extrémité glacée de cette terre, qu'ils avaient si 
longtemps possédée seuls, et où leurs derniers descendants, 
les Lapons et les Esquimaux , végètent encore aujourd'hui 
sous le sceptre des arrière-petits-fils de leurs vainqueurs ; 
tandis que l'autre essaim, celui des Germains proprement 
dits, se fixa au nord du Danube et, après des vicissitudes 
diverses, devint le grand peuple Germanique ou Allemand 
qui versa jusqu'en Gaule et dans la Grande-Bretagne le trop- 
plein de sa population exubérante. 

Pendant que les Germains repoussaient ainsi au nord les 
Celtes vers l'Occident, au sud, une autre tribu aryaque, 
celle des il ryo-PÉLASGES, les refoulait de même vers l'Océan, 
et s'établissait en Grèce d'abord, en Italie ensuite; mais 
comme nous devons, dans ce cours précis ethnographique, 
nous arrêter un peu plus longtemps sur cette tribu dont un 

* Le grand nombre de dialectes parlés aiyourd*hui dans l'isthme caucasien 
et qui lui a fait donner le nom de Montagne des lanyues, a peut-ôtre pour cause 
première le passage incessant et nécessaire par ce massif mônlagneui de tous 
les émigrants Indo-Eiiropéenst 



IG HISTOIRE 

des idiomes fait le sujet de ce livre, nous ne nous en occu- 
perons pas plus en ce moment et nous continuerons notre 
résumé. 

n nous reste à dire un mot des ilryo-SLAVES^ qui, si l'on 
en croit des études récentes, auraient eu, avec les Aryo* 
Germains, qu'ils poussaient en avant, les rapports les plus 
intimes et les plus longs. Les langues de cette famille 
slavonne encore en usage dans la Russie, la Pologne, le midi 
de l'empire d'Autriche et le nord .de la Turquie, prouvent 
par leur étonnant élat de conservation que la race qui les 
parle fut la dernière de celles établies aujourd'hui en Eu- 
rope qui se sépara du ironc.commun. 

Enfin, pendant que TEurope se peuplait ainsi, les deux 
tribus restées asiatiques de la race des Aryas, les Aryo-Sans" 
krits et les Aryo-Iraniens voyaient leurs peuplades ébranlées, 
soit par la pléthore de la population, soit par quelque grand 
soulèvement* de Técorce terrestre, se remuer, elles aussi, et 
s'élancer à la conquête d'une patrie définitive. 

La dernière, celle des Aryo-IRANIENS, s'était déjà étendue 
vers le nord-est, comme on en trouve la preuve dans le Zend- 
Avesta^] mais trouvant devant elle les hautes montagnes qui 

* Entre les Slaves et les Germains on trouve une race Thraeique qui 
comprend les Gètes, les Daces, etc. Ces peuples étaient-ils Maves? étaient-ils 
Germains ? ou formés du mélange de ces deux grandes races? C'est une ques> 
tion que la science n'a pas encore résolue ; mais, dans lous les cas, ils ne 
forment pas dans la famille indo-européenne un rameau bien distinct. — Voir 
à ce sujet : Hérodote (ÎV, 93], Strabon [III, 33, — VU, 3] ; Freinsheim. (Sup> 
plem. in loc. Ub. CXXXIII Liviani, 86) ; Pline, HUt. nai., IV, S5— et d^autres 
anciens cités par Grimm. Gesch,d. deutfch. Sprache, p. 204 et suiv. ; 182, 439, 
179, ainsi qu'Adolphe Pictet, Ui Origines Inda-européenneê, 1. 1, p. 79 et suiv. 

'C'est la cause attribuée (avec un léger doute, toutefois) aux migrations arya- 
quespar Bl. Rodier [Antiquité den races humaines^ p. 380, Amyot, Paris, 1864); 
on a vu au commencement de ce chapitre que ces migrations pouvaient 5*expli- 
qner d une manière bien plus simple. Dans tous les cas on consultera avec fruit 
l'ouvrage de H. Rodier qui traite des origines humaines avec autant de sagacité 
que de raison. 

' Voir Pictet, ouvrage cité, t. I, p. 35 et suiv. 



D£ LA famille: IiNDO-EUHOPËËIVNE. 17 

forment aujourd'hui les limites occidentales de Pempire 
chinois^ elle avait bientôt tourné vers l'Ouest ses regards et 
ses émigrations; et, peu à peu la place devenant libre par le 
départ des Celles, des Germains, des Pclasges et des Slaves, 
elle arriva, en poussant devant elle les traînards des grandes 
immigrations européennes, jusqu'au plateau élevé de Tlran 
où elle s'établit et où ses descendants, convertis à l'isla- 
misme, existent encore. 

Quant aux Arf/o-SÂNSKRITS, placés sans doute au sud-est 
du pays commun, la Bactriane, tenus en respect par leurs 
frères des autres tribus aryaques de tous les côtés, excepté 
au sud où de hautes montagnes leur fermaient le passage, 
ils restèrent forcément slationnaires jusqu'au moment où 
une force plus puissante que les obstacles naturels qui s'op- 
posaient à leur émigration vers le sud-est, leur fit traverser 
ou contourner les monts Hindoukouch et s'établir dans la 
presqu'île indienne où le sanskrit est encore aujourd'hui la 
langue sacrée des Brahmanes, leurs plus nobles descendants, 
tandis que le vulgaire parle différents dialectes, THindi, 
rUindoui, l'Hindoustani ^, résultat de l'usure des siècles et 
du mélange, soit avec les idiomes indigènes, soit avecTarabo 
des conquérants musulmans. 

Nous devons maintenant dire quelques mots sur chacune 
des langues parlées par les six branches de la famille 
aryaque : 

Dans l'Inde, ù côté du samkrity ou pour traduire le mot 

. indien, l'idiome parfait, aujourd'hui langue moile, nous 

trouvons, dès la plus haute antiquité, un patois populaire, 

* fl La langruc connue sous le nom d'iiindoustani n'est pas fille du sanskril 
tel que noujs le trouvons dans les vôdas, ou dans la littéra 110*6 postérieure des 
Bralunancs : c* est une branche de l'idiome parlé de Tlnde, sortie de la même 
tige d'où sortait le sanskrit au moment où il conquit son indépendance litté- 
raire. » ,H. MûUcr, la Science du tangage ^ p. C6.) 

2 



18 HISTOIRE 

nommé Prâkril^j c est-à-dire, idiome naturel, non perfec- 
tionné, employé dans le drame indien, dans la iittéralure sa- 
crée des Djamas et dans un petit nombre de compositions 
poétiques et d'où sont issus, au troisième siècle avant Jésus- 
Christ, la plupart des dialectes parlés aujourd'hui dans la pé- 
ninsule indienne et dans les lies ciroonvoisines, tels que le 
Bengali^YHindoustanifleMahratte^ leCingalaiSy etc. A côté du 
prâkril, nous trouvons le Pa/î, autrefois parlé dans le Haga- 
dha (Behar moderne), et quia le bonheur d'être encore cul- 
tivé aujourd'hui comme langue sacrée par les Bouddhistes 
de rindo-Chine et de Ceylan *. Nous n'aurons à nous occuper 
dans cet ouvrage que du vieil idiome des hautes castes, le 
sanskrit, qui nous a laissé, parmi des milliers d'ouvrages ad- 
mirables, les Vêdasy les lois de Manou^ le Râmâyana de Yal- 
miki, et le Mahd'Bhârata de Yvâsa. 

Nous aurons quelquefois à citer le Zend, vieil idiome de 
l'Iran, dans lequel Zoroastre écrivit le Zend-Avestaj idiome 
qui, en passant par la forme du Perse , la langue des ancien- 
nes inscriptions cunéiformes est devenu le Pehlevi des Mèdes 
et le Parsi des Persans. Aujourd'hui encore, le Parsi^ mélangé 
a V Arabe au dixième siècle, à Tépoque de l'invasion ina- 
liomètane, est parlé dans l'empire Perse et dans le nord de 
rinde ; et le Gulistan de Saadi et le Schalinameh de Firdusi 
ont prouvé la fécondité de ce langage mélangé. 

Les langues slaves forment deux groupes principaux : les 
idiomes slaviques proprement dits, qui sont le Bohémien, le Po- 
lonais, le Yenède (slavo-latins), et TEsclavon (conservé seule- 

* J'appelle ici pràkrit^ renscniblcdes idiomes populaires nés à côté du sanskrit 
et dont quelques-uns nous sont connus par des inscriptions que le célèbre roi 
Açoka flt graver sur les rochers de Dhauli, de Girnar et de Kapurdigiri, inscrip- 
tions déchiffi'ces par Prinsep, Norris, Wilson et Eug. Bumouf. 

' Nous ne parlons pas ici des vieux idiomes primilifs de Tlnde, que les Aryo- 
Sanskrits firent disparaître el dont l'Hindoui, sorte de patois littéraire, a peut- 
être conservé quelques traces (voir les Rudimenls de la langue Hindoui^ par 
U. Garcin de Tassy. 1847^ p. 9 et i2). 



DE LA FAMILLE 1^D0-EUR0PÉENNE. 19 

ment dans la liturgie), le Russe, le Serbe et le Carnique (slavo- 
grecs); et les idiomes letliquesy comprenant le Lithuanien, le 
Letton et le Prussique (langue morte). Les langues slaveset par- 
ticulièrement le Lithuanien sont, nous Tavons déjà dit, les plus 
.admirablement conservées de toutes les langues de l'Europe, 
aussi les citerons-nous souvent dans nos éludes comparatives. 
. Il en sera de même des langues germaniques qui se divisent 
en quatre rameaux : l^e Nordique ou Scandinave, qui a formé le 
Suédois, le Norwégien, le Danois et l'Islandais; le Ttidesque^ 
(Deutsch) , ou vieux Haut-Allemand, qui a donné le moyenllaul- 
Âllemand de Charlemagne, père de l'Allemand moderne, la 
langue de Luther, de Klopstock et de Schiller ; le Bas-Allemand j 
d'où sont issus le Frison et le Saxon, ce dernier se subdivisant 
lui-même en Vieux-Saxon, Anglo-Saxon*, Bas-Allemand pro- 
prement dit (Plalt-Deutsch), et Néerlandais'; enfin, XeGothi- 
qiiey que nous ne possédons plus aujourd'hui que dans une 
tniduction de la Bible, faile vers l'an 360 de notre ère, par 
le savant évêque de Dacie, Ulphilas ou plutôt Wulphilas. 

Les langues celtiques divisées en deux branches : Ktjm- 
rique et Gaélique, ont survécu dans l'Erse des paysans irlan- 
dais et dans le Calédonien des montagnards de TÉcosse 
(branche- gaélique) ; ainsi que dans le Welsh de l'ouest de 
TAngleterre, et le Breyzad ou Bas-Brelon (bi^auche kijmrique). 
Le mauvais état de conservation des langues celtiques dont 
nous avons donné les raisons plus haut, sera cause que 
nous ne les citerons que dans de rares occasions; d'ailleurs, 
ces langues n'ont jamais eu de littérature^, et l'absence de 



^ C'est du mélange de Vanglo-saxon avec un élément considérable de français 
{langue d'oïl], apporte en Angleterre par les conquérants normands au oniième 
siècle, qu'est sorti l'anglais moderne. 

' Du néerlandais sont venus le hollandais et le flamand- wallon. 

' Nous ne faisons ollusion ici qu'aux temps les plus reculés de l'existence des 
langues celtiques, et nous ne parlons pas, à dessein, du réveil relativement 
moderne des littératures galloise et bretonne; 



I 

20 HISTOIRE DE LÀ FAMILLE INDO-EUROPÉENNE. 

monuments écrits a toujours rendu plus facile leur absorp- 
^ tion ou leur destruction. 

Enfin, nous ne nous étendrons pas ici sur les langues 
pélasgiques, dont nous nous occuperons plus longuement 
tout à l'heure. Nous direns seulement que ces langues exis- 
tent encore aujourd'hui, d'un côté dans le Grec ancien (etses 
dialectes), devenu le Grec moderne ou Romaîque, et de 
l'autre dans les vieux dialectes italiques d'où se sont formés 
le Latin classique, et les langues et patois novo-latins, parmi 
lesquels nous citerons seulement le Français, le Provençal, 
ritalien, l'Espagnol, le Portugais, et le Valaque. Cela nous 
permettra de compléter le tableau généalogique ci-contre, 
que nous avons cru devoir dresser pour faciliter l'intelli- 
gence de ce que nous venons de dire. 

On doit voir maintenant quelle est la méthode suivie pour, 
la composition de cet ouvrage : faire l'histoire de la langue 
latine dans Puni té aryaque, c'est-à-dire étudier les mots latins 
dans leur formation lexiologique et dans leur forme idéologi- 
que avec tous les mots analogues des langues sœurs, telle 
sera notre double division grammaticale et lexicologique. Hais 
avant d'aborder cette partie essentielle du Livre des Lati- 
nistes^ il nous reste à donner quelques notions spéciales 
sur les migrations de la tribu des Aryo-Pélasges^ sur sa 
subdivision en Grecs et Latins^ sur les idiomes que ces 
derniers rencontrèrent et tirent disparaître dans la pénin- 
sule italique et enfin, sur les destinées du Latin depuis son 
établissement définitif jusqu'à la forme qu'il a revêtue en 
dernier lieu pour devenir sous le nom de Novo-Latin ou 
Roman, la langue parlée aujourd'hui encore, en France, 
en Italie, dans les lies méditerranéennes occidentales, en 
Roumanie et dans la péninsule hispanique. 
Ce sera là l'objet du chapitre qui va suivre. 



. 



[ 

Slav. 



land. 



Saxon. 



bion. 



Saxon. 




ADglo- 



iUiBbiUi i 



CKLTKS. 



Cornique. 



Kymrique. 



.«ail 



Gaélique. 



I I I 

•i«. Irbmtfaffl. Erae. Ma 

(dialecte de) 



UsaM. Vakû|uc« 



f A pLicer en face de la page M. ) 



. ::*> d"i!!3e fous-race eom- 
:~ ' ir Mollir fia DD moment 
-■:,'; <o<;.iu«', les Ary»- 
.. :- j- c-H»ce de l'aryaque. 

^•j: '.i ^r-e f.iaimune pèlas- 
-_-. -> It^; ii>pélasgiques? 
'.. ;t x--m* l'eitlence de 
;t? î :l, i--cU'ïlrt par des 

, , i'..j? iT:H>itn«essaîre 



K si^t ki que d'uoe 

'.-.jLr j- r.e pi!-la5fiquc 
■i ri -Tue primilir 
:,:■. ir, t.'^n.e Ihéori- 
iL- ',1 ^"-^ e*l un w^- 
i^.- ; ;:'. v* Urpie tst 
■.-..; -^iitnii'nl par- 
' L.-j un t il plus ou 
- ~iiz f<ur>!e s'est 
..-.■->. It^uiiil'Peest 
•. ■:.:■. Il ti orsclêrp 
[ ...- - ].: > c Je b race 
.-.--•i -■, >'::'j:!:e nous 
•-i :■ :;tm:h:qm*s, 
, ' --I. xMEÎe des 
Si-ïr'iitt.aussi 
;i;..v'c;se. une 

;1 ■yjix'ti p!'bs- 




DU LATIN ET DE SES DIALECTES. 25 

gique actuellement connu n'a pu être la grande langue com- 
mune aryo-pélasgique, il faut bien admettre alors Texistence 
d'une langue commune pélasgique, aujourd'hui perdue, mais 
dont la science doit reconnaître l'existence théorique, Mier 
la vërilé de cette théorie, c'est dire que le fils peut n'avoir pas 
de père, que Tefiet peut exister sans cause, el que quelque 
chose peut sortir de rien. 

Revenons à notre point de départ. La langue commune 
pélasgique a formé deux grandes classes d'idiomes : les idio- 
mes hellénO'pélasgiques et les idiomes itdà-pelasgiques ; les 
premiers, fixés avant les seconds dans leur patrie définitive, 
plus rapprochée de la Bactriane, point de départ des migra- 
tions aryaques, ont conservé certaines choses, telles qu'une 
accentuation et des formes conjugalives plus parfaites, que 
les dialectes italiques, dont le pays d'habitation est plus 
éloigné de TArie, ont laissé perdre presque partout, en con- 
servant cependant quelquefois des radicaux plus purs que 
ceux du grec ; car il est une chose digne de remarque, c'est 
que la forme initiale des vocables résiste dans certaines 
langues plus longtemps que les désinences et tout ce qui cons- 
titue ce que nous appellerons l'armature extérieure du mot. 

A son tour, la langue commune ito/o-pélasgique, qui a cer- 
tainement existé, comme le prouve l'étude comparative 
des dialectes qu'elle a formés', s'est subdivisée en deux 
familles secondaires. 

Mais avant de parler de celte subdivision de la famille 
italo-pélasgique, il importe de diie quelques mois d'une na- 
tion qui contribua, dans une grande mesure, à peupler et ù 
civiliser la péninsule italique et qui n'appartient pas à la fa- 
mille indo-européenne. 

* Citons seulement les désinences des cas qui restent les mêmes dans les 
«lilférents dialectes italiques tant que chacun de ces dialectes n'est pas arrivé 
1 un certain développement indépendant. 

2* 



24 ^ HISTOIRE. 

A une époque qu'il est impossible de déterminer, même 
approximativement, une colonie aborda par mer en Italie. 
Celte colonie appartenait à un peuple de race probablement 
sémitique^ ou araméenne qui s'appela depuis Étrusques et 
qui, étendant peu à peu sa domination, fut bientôt maître 
de tout le centre de la péninsule, d'une mer à l'autre*. 

Cependant, quelque avancés qu'ils fussent alors, les Etrus* 
ques ne purent absorber Vêlement indo-européen qui occu- 
pait avec lui la péninsule; bien plus, ces grossiers immi- 
grants, profitant des leçons du peuple envahisseur, le 
subjuguèrent lui-même après une lutle acharnée qui dura 
deux siècles et firent complètement disparaître sa langue 
en le forçant d'adopter la leur. Les peuples qui firent ainsi 
disparaître l'élément éirusco-sémilique s'appelaient les Ita- 
lioles ou Italiens, et ce sont eux qui doivent nous arrêter ici 
le plus longtemps. 

« Au sud et dans la partie de la péninsule (Apulie, Hessa- 
pic, Lucanie, Brutium) qui fut appelée depuis la Grande- 
Grèce, étaient installés à l'époque la plus reculée dans This- 
loire les JapigeSj que Ion connaît à peine par quelques in- 
scriptions incomplètement expliquées et que la science a 
quelque peu négligés jusqu'à ce jour. Ces peuples paraissent 
cependant avoir conservé une langue plus voisine par ses 
terminaisons du grec et du sanskrit que les Italiotes du Nord*, 
et cela se conçoit aisément : les Japiges, dont le pays monta- 

* M. Stickel a prouvé [Dos Etruskiscfie, Leipzig 1858) que la langue Etrusque 
était esientieltement sémitique, et les amis des sciences historiques n'ont pas 
oublié les éloquentes conférences faites en 18(15 à la salle de TlnsUtut musical, 
conférences où M. Chavée a développé et agrandi la thèse de M. Stickel. 

' Tile Live dit positivement des Etrusques (V, 53) : In utrumque mare tfer- 
gentes. — On pourra aussi consulter sur ce sujet une brochure du comte 
Giancarlo Gonestabile (Degti Etruschi, Perugia, 1859) où le savant professeur 
s'exprime ainsi [p. 12) : t La noslra grande nazione.... padrona di luogbi iin- 
portantissimi sulleacque tosclie e sulle adriatische, tali che Telamone, Cosq^ 
Populonîa, Luni, Adria...» 



DU LÂTlN ET DE SES DIALECTES. S5 

gneux était presque de tous cAtés entouré par la mer, n'a- 
vaient que fort peu de contact avec des voisins; or, on sait 
que l'isolement est la grande condition de la conservation des 
langues, témoin les Islandais, les Canadiens, etc. La langue 
des Japîges^ se maintint donc pendant fort longtemps beau- 
coup plus pure* que celle de leurs frères du Nord, les Italioles. 
Ceux-ci se divisent en deux grandes peuplades: les Ombro- 
Satnnites et les Latins; les-Ombro-Samnites se subdivisent 
eux-mêmes en Ombriens, Osques, Yolsques, Marses et 
Sabins; les idiomes de ces trois dernières peuplades sont 
fort peu connus ; on en sait à peine assez pour un classement 
ethnographique et linguistique, mais il nous serait impossible 
d'en étudier la conformation philologique. II n'en est pas de 
même de l'Ombrien et de TOsque ou Samnite. Aussi, comme 
notre but n'est point de suivre les petites races italiques dans 
leurs mouvements et leurs révolutions politiques, mais bien 
plutôt dans leur langage, afin de voir dans qu'elle mesure ce 
langage est intéressant pour Tétude du latin, nous ren- 
verrons le lecteur curieux de connaître Telhnologie desltalo- 
Pélasgesaux ouvrages spéciaux publiés sur la matière et nous 
aborderons immédiatement Tétude comparative des vieilles 
langues Ombro-Samnites (c'est le nom générique que nous 
donnerons à tous ces dialectes), et de Vanden ïaHuy qui a 
formé le latin classique dont l'étude approfondie fait l'objet 
de ce livre ; nous terminerons ces données historiques par 
quelques mots sur les langues romanes ou fiovo-latinesj et 
nous commencerons enfin dans les chapitres qui suivront nos 
éludes linguistiques. 

* Y a-t-il quelques rapports d'origine entre les Japiges de l'Italie et les 
Jttpides qui habitent en Albanie, de l'autre côté du canal d'Otrante. C'est là une 
question qu'il serait peut-être intéressant d'élucider. 

*Ils ont, par exemple, un génitif en AllII et IHI, correspondant à l'ASYA du 
skr., et à l'OIO du grec. Quant au cliangemeut de ASYA en AlHI (H = S), nous 
Cirons remarquer que ce changement se retrouve en zend : aHura = aSura. 



26 HISTOIRE. 

Disons d'abord ce que les langues italiques (m^tix latin et 
ombrihsamnite) ont de commun dans leur comparaison avec 
le grec. 

Elles ignorent les aspirées et Ton ne retrouve chez elles 
rien d'analogue au th ni au ph grec (0 et ç) ou sanskrit 
(ET et ^\) ; en revanche elles possèdent une aspirante toute 
spéciale F qui ne ressemble en rien au ^ grec, puisqu'elles 
transcrivent celte lettre par la lettre composée ph. Si la pro- 
nonciation de IT latin et du ^ grec avait été tout à fait sem- 
blable (comme elle nous le parait aujourd'hui), les Latins 
auraient transcrit ^(/.t^rzcç par Filippusel non par PhUippus. 

Le F ou digamma (ii-^xi^LT) que les dialectes grecs, à part 
Téolien, ont en horreur, se retrouve la plupart du temps dans 
les langues italiques ; il en est de même de la sifflante demi- 
aspirée initiale S (en grec Z) que les Grecs remplacent sou- 
vent par un esprit rude (') et que Ton retrouve presque par- 
tout chez les Latins et les Ombro-Samnites. 

La forme verbale moyenne n'a laissé que peu de traces 
dans les idiomes italiques; elle y est remplacée par un 
passif en r. 

Le duel disparait comme dans l'éolien, et Vablatifj que les 
Grecs ont perdu, est conservé; le gérondif et le supin sont 
spéciaux au latin, le grec ne les possède pas; mais 
M. Mommsen va, selon nous, trop loin, lorsqu'il dit^ que 
ces formes étaient inconnues au sanskrit ; le gérondif n'est 
qu'un participe futur passif, en ya dans le sanskrit, et le 
supin n'est que la conservation d'une vieille forme de 
substantif infinitif* que Ton retrouve à chaque page dans les 
Védas. Enfin, les langues italiques arrivent, à force de se 



* lliêloire romaine, irodiiite par M. Alexandre. Paris, 18€3, t. I. page 17. 

* Remarquez qu'en grnéral rinfinilif n'est qu'un cas des noms d'action, et 
que, dans le snnKkrit \>^dique, on trouve tous les cas employés comme 
infinitif. 



DU LATIN ET DE SES DIALECTES. 27 

contracter, à la presque complète absorption des désinences. 
Elles en viennent à faire disparaître à la fin des mots toutes 
les voyelles brèves et même une partie des longues ; ceilai- 
nes consonnes ne sont pas plus épargnées et Tombrien en 
arrive ainsi à ne plus posséder que des formes tronquées 
et des radicaux d^une brutalité et d'une sécheresse qui 
rendent cetle langue infiniment inférieure au latin. 

Ces deux groupes de langues (latine et ombro-samnite) 
se distinguent, du reste, nettement entre elles, par des ca- 
ractères qui leur sont propres et dont nous noterons ici 
quelques-uns. Ainsi l'infinitif en tim des Ombro-Samnites 
(devaum : prononcer un seiwent^ prendre les dieux {devas) à 
témoin)^ ne se retrouve nulle part dans le latin, lequel en 
dehors d'un datif aryaque, devenu son infinitif ordinaire \ 
ne possède qu'un véritable infinitif composé du radical et 
du verbe tu, emplir^ accomplir, achever , Faihe (Datim, infi- 
nitif sanskrit et aryaque de da, donner). 

Autre diflerence : pendant que les Osques et les Ombriens 
ont conservé la vieille forme du futur Iler-EST, analogue au 
Xs^-ZQ des Grecs et au Kama-SYA-mi des Sanskrits, les La- 
tins empruntent le leur à la forme optative commune (le- 
gam) ou à une terminaison en fto, prise au verbe bhu, exis- 
ter j être (ama-bo) *, et donnant au futur la signification de : 
Je suis à faire telle chose. Nous devons rapprocher cette forme 
de celle du futur roman, j^ai à faire telle chose, je faire-ai, 
plus tard, je ferai (far-o, har-e), etc. 



* >*oi]s citerons seulement pour exemple le datif sanskrit ffiviue (forme orga- 
nU|ue aryaque : ^tmwmuï) devenu le latin vSvese=vtvere. Ces noms neutres 
en off, comme rf^as, caksIiaSf d'où les datifs-infinitifs ri^aset eakthase, sont 
très-répandus en sanskrit. 

*La désinence de Vimparfait bam^ ba, va, etc., est aussi un déLris de ce 
verbe auxiliaire que nous retrouvons dans le sanskrit bhaihà-mi, el dans 
l'anglo-saxon ^0111, je suis. Cf. ich bin (ail.), to be [angl.], et voir la racine 
BHr, être. 



28 niSTOIRE 

De plus, pendant que le génitif commun çn •• est conservé 
par les Ombro-Samnites, le Latin l'aiguise en is ^ ou le rem- 
place par le locativo-datif en t, et il dit alors : Le livre à 
Pierre, liber Pétri, au lieu de : Le livre de Pierre {Pétri est 
contracté pour Petroi) ; il dit encore rosai (rosae) de la rose, 
et rosai (rosae) à la rose, la même forme de locatif-datif 
servant ainsi aux deux cas : génitif et datif. 

A Rome, les noms en us ont donc la terminaison du géni- 
tif en ei, devenu f par contraction, tandis qu'il se termine 
en eis (pour as) chez les Samnites, et en es (aussi pour as) 
chez les Ombriens. Les chuintements sont très-nombreux en 
ombro-samnite (Vetchetum=Veccatum)^ tandis que le latin 
s'est presque complètement préservé du zétacisme. 

Enfin, rOmbro-Samnitc met P, là où le Romain met Q ; 
Exemple : Pw = Quw, Vod=:Quody P«m=QMMm, Vam = 
Quam^ etc. Nous retrouvons, du reste, cette particularité dans 
la plupart des langues sœurs indo-européennes ; ainsi , le 
latin Coquere (cuire) est le correspondant du grec néxrsiv, 
de Tesclavon Vehon, et du sanskrit Vakla; le hiin Quinque 
équivaut au grec név-rs, au sanskrit Vança^ au lithuanien 
P^wfci, au kymrique P«mp, au gothique ¥imf, h Tallem^nd 
Fun/*, à l'anglais Ftve, etc., tandis que le gaélique Cotjf rap- 
pelle le Quinq-ne latin ; nous ajouterons encore que les dia- 
lectes grecs nous montrent Kw; à côté de Uwç, Ktç à côté de 
IIiç, etc. Du reste, malgré ces légères différences et quel- 
ques autres que nous aurons encore occasion de citer, en 
donnant dans les chapitres suivants les éléments suc- 
cincts de la grammaire latine comparée, les dialectes la- 
tins et ombro-samnites présentent entre eux une grande 
affinité qui explique la facilité de l'absorption de l'om- 



* Le lalin a cependant conservé le {jénitif en as dans la locuiion paterfa- 
milids, materfiimiliâSy etc. 



DU lâtin et de ses dialectes. â9 

brien par le latin ; seulement, tandis que dans TUmbrie, 
le langage se détériorait sous la pression de mille causes 
diverses, à Rome et à Florence, soutenu par des travaux lit- 
téraires, il se modifiait lentement pour devenir le magnifi- 
que idiome qui fait Pobjet de nos études. 

II ne nous reste plus maintenant qu'à dire quelques mots 
des langues romanes ou novo-latines. Voyons d'abord leur 
définition générale : Les langues romanes sont les divers mo- 
des de devetiir du latin vulgaire sur les différents sols où il fut 
porté par la conquête. Le latin vulgaire ou populaire que les 
auteurs appellent tantôt lingua vulgaris^ rustica, seu vema- 
alla (Cicéron), tantôt usualis (Sidoine-Apollinaire), tantôt 
lingua quotidiana (Quintilien), et qui est opposé à la lingua 
classicay urbana^ le latin vulgaire n'est autre chose que le 
résultat delà fusion des vieux dialectes latins, modifiés par le 
milieu où ils se parlaient. A cet élément primitif, les langues 
romanes, lorsqu'elles parvinrent aux honneurs de la littéra- 
ture, ajoutèrent une foule de mots artificiellement emprun- 
tés au latin classique demeuré plus ou moins intègre chez les 
clercs et les savants. On vit alors quelque chose d'analogue 
à ce qui s'était passé à Rome à la fin de la république. Les 
littérateurs, les poètes, les grammairiens, tous ceux en un 
mot, qui avaient besoin pour la clarté et la durée de leurs 
écrits, de se servir d'une langue sérieusement constituée, 
s'efforcèrent d'enlever à Tidiome dans lequel ils écrivaient les 
contractions trop fortes, les déperditions trop considérables, 
de réparer, en un mol, les désordres que le temps et l'usure 
avaient amenés dans le langage ; à Rome, on chercha à re- 
constituer les vieilles formes ; dans l'Europe novo-latine, on 
habilla les mots du latin classique à la française, à l'espa- 
gnole, à ritalienne, etc. En France, en particulier, où ce 
mouvement s'accomplit du treizième au seizième siècle, il 
en résulta la langue de Corneille, de Racine, delà Fontaine 



50 HISTOIRE 

et de Bossue! ; de même qu'à Rome ce travail des grammai- 
riens et des glossateurs avait rendu possibles les écrits de 
Cicéron, de Virgile et de .tant d'autres hommes illustres. H 
suflit de prendre une page de Joinville ou une comédie de 
Plaute pour voir quelle fut l'importance de cette rénovation 
linguistique qui, dans les deux pays, précéda et prépara la 
rénovation littéraire des grands siècles d'Auguste et de 
Louis XIV. 

Les langues romanes sont donc issues du sermo vulgaris 
qui, à vrai dire, n'était que du provençal, du français, de l'ita- 
lien, de l'espagnol, sous une forme différente, plus ancienne 
el plus parfaite que celle qu'ils ont revêtue de nos jours. 

Presque tous, pour ne pas dire tous les dialectes parlés 
aujourd'hui en France, en Italie, en Roumanie et dans la 
péninsule hispanique appartiennent au groupe novo-latin. 
Ce n'est pas à dire qu'un certain nombre d'éléments hété- 
rogènes ne se soient pas introduits dans ces idiomes pour 
former les langues novo-latines actuellement parlées; il 
est bien certain, par exemple, que le français a gardé de^ 
invasions germaniques sept cent cinquante mots germains ; 
mais cela ne Tempêche pas plus d'être une langue novo- 
latine que les nombreux vocables arabes laissés en Espagne 
par l'invasion musulmane et les quelques formes slaves 
empruntées par les Valaques-Roumains a leurs voisins du 
nord, ne font de l'espagnol une langue sémitique et du 
roumain une langue slave. Tous ces idiomes sont romans 
ou novo-latins au même titre que l'italien, le provençal, etc. 

On ne s'attend certainement pas à nous voir faire l'his- 
toire particulière de chacune de ces langues ; pour plu* 
sieurs, cette histoire est déjà faite, et pour les autres, il 
faudrait des connaissances spéciales et un grand espace qui 
nous manquent également. Nous nous contenterons donc 
ici de donner une idée générale des principaux idiomes 



DU LATIN ET DE SES DIALECTES. 31 

novo-latins. Pour plus de clarté, nous les diviserons en trois 
groupes principaux. Le groupe franco-provençal^ le groupe 
italC'hispanique et le groupe valaque ou roumain. 

On va voir bientôt que cette classification n'a rien d'ar- 
bitraire, et rie repose pas seulement, comme on pourrait le 
croire, sur une division géographique, mais bien sur des 
distinctions philologiques . 

Disons d'abord que Thypothèse d'une langue romane ori- 
ginaire et unique, dont toutes les autres seraient issues, 
n'est plus soutenue aujourd'hui par personne*. L'amour- 
propre national d'une fraction quelconque de l'Europe latine 
pourrait y trouver quelques avantages, mais la vérité 
scientifique n'a rien à voir avec cet amour-propre, et l'évi- 
dence repousse complètement l'idée d'une langue romane 
primitive encore existante. 

Ce qui distingue profondément le groupe roman franco- 
provençal^ c'est la conservation des désinences casuelles. En 
effet, entre le système d'une langue latine à sept ou huit cas 
et celui des langues modernes novo-Iatines qui sont toutes 
analytiques et qui ont perdu les désinences casuelles, il 
existe un système mixte, je veux dire transitoire, système 
synthético-analytique que les langues franco-provençales ont 
conservé et que nous allons examiner brièvement. 

Ces langues ont deux désinences \ une pour le cas sujei , 
une pour le cas régime. La marque du.sujet est une s^ tirée 
de 1'^ de la deuxième déclinaison latine dominus^ à laquelle 



* U. Raynouard avait voulu voir ce roman primitif dans le provençal, mais, 
sur la fin de sa carrière scientifique, il a reconnu son erreur. 

* C'est Raynouard qui, le premier, a exhumé les cas du provençal de vieilles 
grammaires du treizième siècle, mais il a mis sa découverte au service de 
Terreur qui a bercé toute sa vie. Après lui, MM. Litlré {Histoire de la langue 
françaiu) et Guessard (Grammaires du treizième siècle^ et à son cours de 
VÉcole de$ Chartes) ont rendu aux désinences des vieilles langues d'oïl et 
d'oc leur véritable importance et leur réelle significalion* 



5!2 HISTOIRE 

toutes les autres se sont réduites, et la marque du régime 
est Tabsence de cette s ^ Les noms féminins à terminaison 
féminine ne sont pas soumis à cette règle*. Au pluriel, pour 
les noms masculins, elle est renversée ; ainsi, le nominatif 
(type : domim) ne prend pas Vs; Taccusatif, au contraire 
(type : dominos) la conserve*. 

Pour les cas autres que le régime et le sujet, ces termi- 
naisons sont remplacées maintenant par des prépositions : 
De ou de le (du); à otx aie (au), etc., mais au moyen âge, 
c'était le pronom qui remplissait cet office; ex. : li baillis 
léUoi = ille bajulus t//êttô Régis \ 

Nous avons encore des restes de désinences casuelles 
dans le pluriel en aux des singuliers en al (cheval^ chevaux), 
dans Vs de fUs, bras, appas, etc., et dans quelques autres 
exemples quUl serait trop long de citer. 

Le provençal a^aussi des désinences casuelles. ,^ 

Un autre caractère extrêmement intéressant pour Fétude 
du français, c'est Y accentuation. 

La prédominance de Taccent existait déjà dans le latin, 
et c'est elle qui est cause des nombreuses contractions que 
nous renconirons dans cet idiome. La syllabe accentuée a 
trop souvent dévoré ses voisines, ce qui n'empêche pas le 
latin d'être une langue d'une pureté admirable, composée 
déléments homogènes, et égale, sinon supérieure en beauté, 
au grec et au sanskrit '. 

* Li clievals (caballus), le cheval (caballum) ; li chevels (capillus)i le dievel 
(capUlum); li fils(ûlius], le fil (niium); li bras (brachius), le brac (bracUium), 
li rois (recs=rex), le roi (regcm). 

La rose (rosa), la rose (rosam) ; au pluriel : les roses, aux deux cas. 

' Li cheval [caballi], leschevals (caballos). 

^ Quelques philologues veulent que le bas-latin n'ait connu qu'un cas direct, 
le nominatif et un cas oblique, Taccusatif, sentant pour indiquer tous les 
rappor:s des mots entre eu\; si l'on admettait celte opinion, il faudrait dire 
a!oi*s : li baillis le Rot = ille bajulus illum Regem. 

B Nous pourrions même citer un assez bon nombre de mots appartenant à 



DU LATIN ET DE SES DIALECTES. 35 

En français, Taccent se déplace souvent du sujet au régime 
et a donné les désinences casuelles d'un grand nombre de 
mots et surtout des noms latins en or, ior et ator^ aujour- 
d'hui en eur ni re dans le français moderne. 

Voici quelques exemj^les où nous avons marqué d'un 
accent la syllabe tonique : 

Imperàtor a donné emperere^ tandis que imperalôrem 
donnait empereor, empereur; donere répondait à donàior 
tandis que donatôrem formait doneor^ donneur; chantre sor- 
tait de cànior et canteor^ cantetir (chanteur) de cantôrem; sire 
correspondait à senior et seigneur à seniôrem. 

On voit par ces deux derniers exemples que nous avons 
conservé, parfois, les deux formes des cas régime et sujet, 
mais alors nous les employons dans des acceptions un peu 
différentes. 

Ln môme régie d'accentuation a donné aussi les cas des 
noms en as (abe=^âbbasj abé=abbâtem)y en o (lerre=làtro ^ 
lorron=laîr6nem)j en er {prestre^=présb\jter^ prevere^^pres- 
byterum)j en ans (enfe=tnfans^ enfant =infàntem), etc. 

Les langues italienne et espagnole ont conservé Taccen- 
tuation latine. 

La régie d'accentuation française a persisté jusqu'à nos 
jours et tyrannise encore notre langue; c'est par elle que 
Ton doit expliquer notre étrange manière de transcrire cer- 
tains noms propres étrangers en les dénaturant au point de 
les rendre méconnaissables. 

Mais si Taccentuation est arrivée jusqu'à nous, il n*ena 
pas été de même des désinences casuelles. La chute de ces 
désinences qui semble être, selon l'expression de M. Littré', 



des patoîj n jvo-latins rpii sont plus purs et plus rapprochés de l'aryaquc que 
les vocables c rrespondants de la langue des hymnes vôdiques, ce premier mo- 
nument des races indo-européennes. 
' Hittoircdela ijangue Française. Pari!*, Didier, t. I, lulroduclion, p. xixv 

5 



54 HISTOIRE 

« Y aboutissement général des langues romanes » a eu lieu en 
France vers la fin du quinzième siècle. 

En prenant pour base de la classification des langues Tétat 
de conservation dans lequel nous les trouvons, on voit donc 
que le provençal, e( surtout le français, sont bien supé- 
rieurs à ritalien et à Tespagnol. 

En effet, à aucune époque historique ou plutôt littéraire, 
nous ne trouvons un dialecte du sous-genre hispano 'italique 
possédant des désinences casuelles; il faut donc en conclure, 
conlraircmcnt au préjugé reçu ^, que ces idiomes se sont 
plus vite séparés du tronc commun latin, etconséquemment 
qu'ils sont inférieurs aui dialectes du groupe franco-pro- 
vençal. 

Ce n'est pas à dire qu'à un moment donné, Titalicn cl 
Fespagnol n'aient connu cette période mixte, intermédiaire 
entre les langues à désinences casuelles, et les langues pure- 
ment analytiques; au contraire, nous pouvons affirmer har- 
diment que les langues italo-hispaniques eurent aussi, à une 
époque quelconque de leur vie, sinon une déclinaison à deux 
cas, au moins un reste sensible de désinences casuelles ; seu- 
lement, ce vieux souvenir s'est perdu plus vite chez elles 
que chez leurs sœurs de Gaule, et dans les monuments 
les plus anciens de ces idiomes que nous ayons conservés, 
nous n'en trouvons plus de traces ; en d'autres termes, 
le groupe ilalo liispanique est ligoureusemcnt au rameau 
franoprovcnçal ce que le neveu est à Fonde, ou plutôt, il 
est à un degré généalogique plus bas dans réchelle de des- 
cendance des langues aryaques. 

Donc trois états pour les langues latine et novo-Iatines ' 
1' un état commun latin (sermo vulgaris); 2"* un état 

* D'après ce préjugé l'iUlien «erait le fils aîné du latin; ceUc assertion est, 
comme on le voit ici, aussi fausse que celle qui fait du latin le fila du grec» 
et du sanskrit, le père de toutes les langues indo-européennes. 



DU LATIN ET DE SES DIALECTES. 35 

demi-syntkélique et transitoire propre, en théorie, à tous 
les idiomes novo-latins, ef, en réalité, riche de trésors 
immenses dans les deux dialectes de la France; S'' enfin, 
Un état analytique^ définUif ou modenie^ c'esf-à-dire français, 
provençal, italien, espagnol, portugais actuels. 

Le provençal (langue d'oc'), expira comme langue litté- 
raire avec la seconde période; le fiançais (langue d'o'i/) 
eut une littérature avant la fin de cette seconde période ; 
Vitalien^ Yespagnol et le portugais ne la connurent jamais 
comme langues écrites, et leur littérature ne commence 
qu'avec la formation de la troisième période, ou période 
analytique. 

La langue valaque ou roumaine devant son origine a des 
circonstances toutes différentes, demande à être traitée dans 
un paragraphe spécial; un mot d'abord surThistoire de cette 
langue. Au deuxième siècle de notre ère, Trajan, ayant après 
dix ans de guerre acharnée, soumis la Dacie, pris sa capitale 
Zarmigéthuse, et forcé, en 105 après J. C, Dccébale, roi 
de ce pays, à se donner la mort, prit possession de la con- 
trée et Tannexa à l'empire romain. Mais la défense énergique 
et meurtrière des Daces *, et les grandes migrations qui 
suivirent la conquête romaine, dépeuplèrent tellement le 
pays, que Trajan fut obligé d'y envoyer des colonies dô 
toutes les parties de l'empire : « TrajanuSj dit Eutropc 
(Hist.^ VIII, 5), vicia Dacia^ ex toto orbe romano infinitas eo 
copias hominum transtulerat ad agros et urbes colendas; 
Dada enim diutunio bello Decebaliviris fuerat exhausta. » 

Pendant les deux siècles qui suivirent Trajan, cette émi- 
gration romaine continua^ et malgré le retour d'une certaine 



* Ainsi nommé parccquc oui s'y à'mi oc (hoc=ce1a, cela Cbt\ tandis qu'en 
Français on disait oU (tiociliud), oui. 

Les Daces paraissent être une nation de race slave ou plutôt germanique 
(Voir plus haut) page 16.) 



56 HISTOIRE 

quantité d'anciens indigènes, Télément romain domina telle- 
ment, que c est à peine si aujourd'hui on retrouve dans la 
langue roumaine quelques traces de Tidiome des Daces '. 

Mais ces sujets de Rome, colonisateurs de la Dacie, étaient 
des vétérans et des hommes de basse classe, tirés de toutes 
les provinces de l'empire, « copias ex toto orbe romano col- 
lectas^ » dit positivement Eulrope; aussi apportèrent-ils 
dans leur nouvelle patrie, les uns le latin rustique de 
TEspagne, les autres, la langue vulgaire des dilTérentes 
provinces de l'Italie, d'autres encore, le gallo-latin de la 
Provence; enfin, de tous ces dialectes rofnains, fondus en 
une seule langue nationale est dérivée la langue roumaine, 
Roumani Limbele, qui malgré l'abandon de l'empereur 
Aurélien en 270, et malgré les invasions des barbares dont 
aucune n'a épargné la Dacie romaine, est restée, avec un lé- 
ger élément slave introduit plus tard, une langue véritable- 
ment latine, sœur du français, de l'italien, de l'espagnol et 
du provençal. 

Parmi les caractères particuliers à la langue roumaine, 
nous en citerons un seul, le plus spécial de tous ceux qui 
la distinguent de ses sœurs ; tandis que celles-ci placent 
toujours leur article avant le mot qu'il détermine, le valaque 
place le sien après le nom déterminé et le joint à ce nom de 
façon à ne former avec lui qu'un seul mot. Ainsi, il dit 
limbele pour le limbe^ la langue (lingua) ; omul pour l'omu, 
l'homme'; soarele pour le soare, le soleil; pcTti pour ip^w 
(lat. pel) les cheveux; canii pour i cafie^ les chiens; au 



^ Le catalogue des vieux mois daces conservés dans le roumain a été dressé 
par Adelung [Mithridates, t. II). 

* c Tous les substantifs et les adyeciifs masculins qui sont terminés par une 
consonne comportent, en principe, un U final que Ton fait à peine sentir dans 
la prononciation et que Ton oaietdans rort!iographe. « {Grammaire de la lanque 
roumaine, par V. Mircesco (Paris, llaisonneuve, 1865). Cetù se retrouve dans 
!es mots accompagner de l'article : Oin=homme, Om-tt-/=rhomme, etc. 



DU LATIN ET DE SES DIALECTES. 57 

féminin, muierea pour a muiei^e (lat. mulier) la femme; 
floarea, pour a floarCj la fleur, etc. 

Nous avons terminé le court aperçu historique sur les 
langues romanes, que nous voulions soumettre au lecteur, 
afin de faciliter l'intelligence de nos études philologiques ; 
nous ne dirons rien ici ni du vieux sarde^ que M. Pietro Mar* 
tini a retrouvé dernièrement dans de précieux manuscrits 
qu'il vient de publier', ni du grison ou roumanchej ni des 
nombreux dialectes ou patois parlés encore aujourd'hui en 
Italie, en Espagne et en France, à côté des langues littérai- 
res. Il nous suffira de dire ici que ces dialectes ont, au point 
de vue linguistique, la même valeur et par conséquent les 
mêmes droits que les idiomes officiels. Us sont les frères 
de ces idiomes et doivent être étudiés au même titre et avec 
aulant d'attention. Les langues officielles dont le dictionnaire 
est souvent beaucoup moins riche que celui des patois' n'ont 
sur leurs sœurs moins heureuses qu'une seule supériorité, 
celle de la fortune; placées dans des conditions géogra- 
phiques, politiques ou lilléraires meilleures que ailes de 
leurs congénères appelées assez dédaigneusement patois^ 
ces langues ont reçu la consécration qui dans ce monde 
prime toutes les autres, celle du succès. 11 appartient au 
linguiste, sinon de faire justice de préjugés impossibles à 
détruire, au moins de prouver aux dialectes provinciaux en 
les étudiant avec zèle, que Ton sait apprécier leur utilité et 
leur valeur. 

Nous allons, dans le livre suivant, donner quelques no- 
tions succinctes de grammaire comparée de la langue aryo- 



' Pergamene, eodici e fbgJj cartacei iVÂrboreaf raccolti ed iUuslraii da Piviro 
Martini. Cagliari, Timon, 186%1805, iu-4 massimo. 

' Ainsi, pour ne citer qu'un exemple, tandis que la langue française litté- 
raire n'a qu'une expression pour dire les petite de tous les animaux, les pa- 
tois ont la plupart du lemps un mot spécial pour chaque espèce. 



38 



UISTOIRE DU LATIN ET DE SES DIALECTES. 



latine; mais fidèles au principe équitable que nous venons 
de poser, nous ne négligerons aucune occasion de citer les 
formes ombriennes, osques, etc., ces vieux patois italiens, 
dont la comparaison, d'ailleurs, pourra nous ôlre de la 
plus grande utilité. 



LIVRE SECOND 



GRAMMAIRE 



« La grammaire traditionnelle dicte ses 
prescriptions comme les décrets d'une volonté 
aussi impénétrable que décousue : la philoloé'ie 
comparée fait glisser dans ces ténèbres un 
rayon de bon sens, et, au lieu d'une docilité 
machinale, elle demande à l'enfant une obéis- 
sance raisonnable. • 

M. Michel DrCal. De la ili kode compara- 
lice appliquée à V étude de 4 Lauguett p. IC. 



Nous allons dans ce livre faire, le plus brièvement pos- 
sible, la grammaire aryo-latine. Disons d'abord ce que nous 
entendons par grammaire. ^ 

La grammaire n'est autre chose que l'histoire de la con- 
stitution inlime du mot en dehors de l'élymologie de ce mot, 
c'est-à-dire qu un mot peut être mixte ou môme étran- 
ger quant à la famille à laquelle il appartient, mais que sa 
constitution intime est toujours conforme au système de 
langues dont fait partie Tidiome qui se Test approprié. 

En d'autres termes, il n'y a pas de langue mixte quant à 
la grammaire, c'est-à-dire qu'une langue, tout en étant com- 
posée de mots pouvant appartenir à une foule d'idiomes dif- 
férents, ne peut avoir qu'un seul système grammatical. 

La grammaire, et non l'origine des mots, voilà donc la 
base fondamentale, Télément le plus essentiel de la classifi- 
cation des langues qui ont produit un système grammatical 
déterminé ; par conséquent, la grammaire est le fondement 
de la philologie comparée. C*est elle, par exemple, qui a fait 
classer l'anglais dans la famille des idiomes germaniques, 
bien que les vocables de cette langue soient en grande majo- 
rité d'origine franco-normande. 

Nous diviserons ce livre en cinq parties : 

Dans la première, nous étudierons les règles de la phono- 



42 GRAilMAIRE. 

logie aryo-latine, l'histoire de V alphabet j les lois de pronon- 
dation latine et les variations phonétiques de la langue de 
Rome. 

Dans la seconde, nous nous occuperons des parties primi- 
tives du discours, c'est-à-dire de Vintetjectionj du pronom et 
du verbe. 

Dans la troisième et la quatrième, nous essayerons de faire 
connaître au lecteur, le plus brièvement possible, la morpho- 
logie du langage aryo-latin ; c*est-à-dire que nous traiterons 
de la dérivation (suillxes), qui donne naissance au nom et 
aux formes dèsinentielles de la déclinaison et de la conju- 
gaison, et de la composition^ ce qui nous donnera occasion de 
présenter l'histoire des préfixes latins. 

Enfin, la cinquième partie de ce second livre sera consa- 
crée au tableau des variations logiques du langage et de la 
marche des idées dans les idiomes indo-européens, et consé- 
quemment dans la langue aryo-latine. 

Nous commencerons donc par la phonologie. 



I 



LES SONS ET liES liETTRES 



gi. PHONOLOGIE. 

La voix est le produit de rémission du son à travers le la- 
rynx et les fosses nasales. Celte émission est modifiée par les 
vibrations de la membrane glotlale et les mouvements de la 
langue, pour donner naissance aux articulations de la parole. 

Le mol est un produit mixte se composant d'une âme et 
d'un eorps^ d'un élément logique et d'un élément phonéti- 
que, d'un sens et d'un son. 

Ces deux éléments psychologique et physiologique sont 
indispensables pour la formation d'un mot ; un son dépourvu 
de sens ou d'idée et une idée privée d'expression phonétique 
ne sont pas des mots. 

Vâme du mot, c'est donc la combinaison d'une ou de 
plusieurs sensations et d'une ou de plusieurs idées. 

Le corps d'un mot, c'est un ou plusieurs sons vocaux mo- 
dulés (voyelles)^ accompagnés ou non d'un ou plusieurs 
bruits articulés (consonnes). 

Ainsi, d'une part l'idée conçue, de l'autre l'idée exprimée; 
d'un côté, la pensée à l'étal latent, de l'autre la pensée à 
l'état formulé. 

La syllabe parlée est donc un composé de voyelles et de 
consonnes. 

« La voyelle est un son laryngien modulé, sdîI par le pha- 



AA GRAMMAIRE. 

rynx (gosier) et la bouche : a, f , o, soit par le pharynx et les 
fosses nasales : an, in, on. 

a La consonne est un brnit imprimé par la bouche à la 
colonne d'air expulsée des poumons. Ce bruit ou ce mouve- 
ment bruyant est une vibration (R, L), une explosion (P, T, 
K; B, D, G*), un sifflement (F, S, CH, H; Y, Z, J), ou une 
résonnance nasale (M, N, GN) *. » 

On ne peut mieux définir une chose plus étendue. 

Ainsi, la voyelle et la consonne sont deux créations abso- 
lument distinctes, et il est ridicule de dire que : la consonne 
est une lettre quon ne peut prononcer sans le secours des 
voyelles. La consonne n'est pas une lettre, puisque la lettre 
est un signe représentatif, tandis que la consonne est un 
bruit indépendant de toute démonstration graphique; lors- 
que vous prononcez B, C, D, sans rien écrire, vous dites bien 
une consonne, mais où est la lettre?... De plus, la con- 
sonne peut fort bien se prononcer sans le secours des voyelles. 
J'avoue que pour les explosives (P, T, K; B, D, G), et pour 
les nasales (M, N, GN), cela est un peu difficile, quoique Ion 
puisse y arriver avec quelque attention; mais pour les vi- 
brantes, et surtout pour les sifflantes, rien n est plus simple, 
et l'expérience est des plus concluantes ; vous pouvez, avec 
la plus grande aisance, émettre le bruit de R, L, et de F, S, 
CH, H; V, Z, J, sans faire entendre le moindre son vocal. 
Essayez de siffier F, CH, Z, S et de rouler R, vous y parvien- 
drez sans effort, et vous pourrez garder cette pure conson- 
nance tant que votre souffle ne sera pas épuisé. £n poursui- 
vant plus loin cette petite expérimentation, vous sentirez 

* Prononcez toujours G dur, Ghe, et jamais Je. 

* M. Chavée. Français et Wallont Bruxelles, 1857; p. 2. — Nous ne saurions 
trop recommander cet excellent petit ouvrage où l'on trouve, ainsi que dans Im 
fart des femmes dans V enseignement de la langue maternelle, du même auteur, 
(l^aris, Truchy, 18j9) les plus hautes concept ioiis de la philosophie du langag-e 
mises à la portée de toutes les intelligences. 



LES SONS ET LES LETTRES. 45 

mieux encore rindèpendance réciproque de la voyelle el de 
la consonne. Sifflez F, par exemple (el non «F), et gardez 
quelque temps ce mouvement bruyant, pour bien vous rendre 
compte de la position de vos t>rganes d'articulation : vos 
dents supérieures sont placées sur votre lèvre inférieure, et 
vous laissez le plus petit espace possible entre ces deux or- 
ganes pour produire le sifflement aigu F; voulez-vous clore 
maintenant votre syllabe par un A? Voulez-vous dire FA?... 
votre position change complètement, et pour moduler votre 
voyelle A, il vous faut desserrer les dents el les lèvres, et 
laisser à rémission vocale le chemin le plus large à travers 
les organes buccaux. Il en sera de même, quoique dans de 
moindres proportions, pour dire FE, FI, FO, FD, et de même 
aussi pour renverser l'expérience et pour prononcer AF, EF, 
IF, OF, UF ; seulement, dans ce dernier cas, la modulation 
vocale sera plus brève et le sifflement de consonnance plus 
long. C'est ce qu'ont parfaitement compris, malgré leur igno- 
rance des lois physiologiques du langage, les grammairiens 
latins qui ont donné aux lettres les. noms qu'elles portent 
encore aujourd'hui, el c'est pourquoi ils ont placé la voyelle 
avant la consonne devant les vibrantes, devant la plupart 
des sifflantes, et devant les nasales ; tandis qu'au contraire, 
ils ont fait suivre et non précéder les explosives de la voyelle, 
qui, mal à propos du reste, les accompagne. Ainsi, nous di- 
sons P^, T^, Kfl, Hé, dé, Gé, el non pas é?, éT, aK, éB, éd, 
éG\ tandis qu'au contraire, nous épelons eR, eL, éF, ^S, oH, 
eM, eN, et non Rf , L^, F^, S^, Ha, M^, Ne», parce que, dans 
le premier cas, pour les explosives, le bruit de consonnance 
est bref, rapide, explosif; tandis que chez les vibrantes, les 
sifflantes et les nasales, ce même bruit articulé est long, 
tenu et prolongé. 

Il nous faut maintenant examiner les voyelles et les con- 
sonnes de l'alphabet théorique latin. 



4G GRÂMNAIUE. 

Nous mêlions à dessein alphabet théorique. En efTct, il y a 
une profonde distinclion à faire entre Talphàbet naturel et 
théorique, ou ensemble des éléments phoniques employés par 
un peuple, et l'alphabet dessiné et pratique, ou ensemble des 
signes graphiques représentant aux yeux les sons et les bruits 
de la parole. C'est le second que nous étudierons dans le 
deuxième paragraphe de ce chapitre, sous le titre d* Alphabet 
latin, et c'est du premier que nous allons présentement 
nous occuper. 

Lors donc que nous dirons alphabet, cela signifiera,- dans 
le présent paragraphe, la gamme d'émission des sons et des 
bruits dont sont composés les vocables latins; tandis que dans 
le paragraphe suivant, le même mot exprimera Tensemble 
des lettres (Htteratura)^ des signes graphiques, au moyen 
desquels les Latins écrivaient. 

Parvenu, dans la langue française, à un degré très-élevé 
de développement, le système des voyelles aryo-latines offre 
vingt sons divers à l'observateur attentif. Nous y trouvons 
d*abord qtiatre nasales (an, in, on, un), deux voyelles neutres 
(é, eu), et sept paires de voyelles bissexuelles (â, â; ê, é; î, 
I ; ô, ô; û, û; ûô, ou; u"œ, ceu). 

L'élude des sept paires de voyelles bissexuelles suppose 
l'intelligence préalable de la loi de polarité d'après laquelle 
sont construits, et les astres, notre terre, par exemple, et les 
êtres animés, tels que l'homme. 

Au pôle positif, qu'il faudrait appeler mâle ou majeur, cor« 
respond un son fort, âpre, dur, bref et sec, opposé de tous 
points au son du pôle négatif, que nous nommerons femelle 
ou mineur, lequel est faible, mou, doux, long et moelleux '. 



' « Que le nom de la femme soit facile à prononcer, doux, clair, agréable, 
propice; qu'il se termine par des voyelle* longues, et ressemble à des paroles 
de bénédiction, o (Jjots de Mamn^ H, 33. Trad. de Loiseleur Deslongchamps. 
Paris, 1858.) 



LES SONS ET LES LETTRES. 47 

Si donc TA de pâle appartient au p*)le mineur, l'A de 
opale appartient au pôle contraire, c'est-à-dire au pôle ma- 
jeur. Sont opposés de la môme façon le E femelle de fête et 
le Ë mâle de jet^ filet; le T femelle de f/f/^ à V\ m&le de pituite ; 
le femelle de môle à TÔ mâle de robe; le D femelle de 
plûre à rÛ mâle de tu; le OU femelle de roue h TOU mâle de 
roux; le ŒU femelle de cœur au ŒU mâle de seul. 

Maintenant que nous avons étudié la grande loi de polarité 
des voyelles, il nous faut revenir sur nos pas pour faire 
rhistoire de leur origine phonologique. 

Les seules voyelles primitives de Talphabet latin, comme 
de Talphabet aryaque, sont A, I, U. 

La voix pure, le son vocal parfait, la voyelle par excellence, 
c'est l'A, produit par rémission libre et franche du fluide 
sonore à travers le gosier, la bouche et les fosses nasales. 

Au point de vue de la gamme des sons, A tient le milieu, 
tandis que I, légèrement sifflé par la compression de la 
langue sur le palais, occupe l'extrémité aiguë de celle 
gamme, et pendant que TU (prononcez toujours OU), produit 
d'une légère contraction des lèvres et des joues, se tient sur 
Téchelon le plus bas et le plus grave de réchclle phonique. 

Mais entre ces points extrêmes se placent les deux pre- 
mières voyelles secondaires. Essayez de passer de TA à 1*1, 
dites d'une seule émission de voix AI, et vous entendrez fou- 
jours un son intermédiaire qu'il ne vous sera possible d'é- 
viter qu'en émettant successivement et avec un temps d'ar- 
rêt le son A, puis le son I. Cette voyelle intermédiaire que 
la voix rencontre toujours, à mi-chemin de l'A et de l'I, c*est 
TE, d'abord IV fermé, plus près de TA que de l'I, et ensuite 
r^ ouvert (prononcez comme ais dans français) plus près 
de ri aigu que de l'A. 

Ui)c autre voyelle secondaire se forme de la même ma* 
nière, entre l'A et l'U (ou). Cette voyelle n'est autre chose 



48 GRAMMAIRE. 

que rO ; d'abord V6 profond, grave, puis Yo plus léger, plus 
clair, notre au actuel français. 

Au sujet de ce dernier, remarquez quVn latin Tassemblage 
des lettres A + U = au, se prononçait toujours, non pas â, 
comme chez nous, mais a-ou, en deux émissions. Ce n'est 
qu'à une époque relativement moderne que ces deux élé- 
ments se sont confondus en un point central o, après avoir 
longtemps résisté; mais nous avons encore heureusement 
conservé Torthographe au^ qui nous donne Tacle de nais- 
sance du son'o comme les noms réunis du pcre et de la 
mère donneraient nécessairement à un enfant les preuves de 
sa filiation. Il en est de même de ai devenu ^, que les Latins 
prononçaient toujours ai. 

Un mot, maintenant, sur les deux voyelles neutres, dont 
la première É fermé occupe le centre de Taxe palatal E — I 
(voir plus bas la figure), et dont la seconde EU (le o avec 
nmlaut des Allemands) occupe le milieu de la ligne intermé- 
diaire OEU — t). 

L'É fermé se trouve sur le chemin de Vé h Ti, comme FEU 
se trouve intermédiaire entre TOEU et TU. 

Les Latins n'avaient pas d'œu fermé, cet œu que nous pro- 
nonçons dans jVm, Dieu^feu^ lietij etc., mais ils possédaient IV 
fermé. Quant aux autres paires, Tanciennc latinité ne man- 
quait guère que des sons (ù) et Ù (ù), constituant la paire 
intermédiaire entre OU etl. On verra, au troisième paragraphe 
de ce chapitre, les lois de prononciation du signe graphique 
U, que les Latins disaient toujours OU, et jamais comme 
notre U français (ù). 

Nous avons encore à rappeler les quatre voyelles nasales 
AN (ne dites pas oim^), IN, ON, UN, nunnationque les Latins 
représentaient à la fin des mots par un M, les Grecs par un 
N (voir le troisième paragraphe de ce cliapilre sur la Pronon- 
dation latine)^ et que les Portugais représentent encore au- 



LES SONS ET LES LETTRES 49 

jourd'hui par le signe •, ancien M slénographique. Nous 
imiterons ces derniers, et nous dirons comme eux: an = à, 
in^ ly on^ ô, etiiR = (i. 

Nous avons rapproché de leurs Formes premières et com- 
munes les voyelles de la langtie maternelle dont il importe 
de connallre et le mécanisme et ta parenté. Nous allons 
maintenant, dans la figure suivante, les placer à l'endroit 





on t-TlT*^ 




mèmtoù les organes buccaux leur donnent naissance; nous 
prierons seulement le lecteur de ne pas oublier que quatre 



50 GRAMMAIRE. 

de ces voyelles n'existent pas en latin ; ce sont : m^ éy û et eu, 
sans parler de û introduit postérieurement par Tu des Grecs. 

Enfin, il nous reste à dire uû mot des diphthongues. 
La diphthongue est, comme son nom l'indique (Stç = deux -h 
90^770; = son), un double son vocal, dont il faut faire sentir 
Tun et l'autre élément ; c'est la réunion de (Jeux voyelles 
prononcées par une seule émission de voix. Le latin avai^ 
con'^ervé beaucoup de diphthongues : ai {saeculum , pron. 
saictilum)j et (diei^ fidei)^ oi (cdelumy pron. coilum), que 
l'on retrouve aujourd'hui en allemand, au (aurum, claudere), 
et plus rarement eu Irheuma, neuter). 

Les langues novo latines ont perdu plusieurs de ces diph- 
thongues. 

On s'étonnera sans doute que nous n'ayons pas encore 
parlé des sons Y ou YE, et W bu WE; c'est que ces sons se 
trouvent tout à l'extrémité de l'échelle vocale, et portent tantôt 
le nom de demi-voyelles, tantôt celui de demi-consonnes. Elles 
sont en effet bien liquides, ces consonnes qui viennent se 
placer d'elles mômes, soit dans notre palais entre I et une 
voyelle moyenne, comme dans il i Ya, soit sur nos lèvres entre 
U et et une voyelle moyenne quelconque, comme dansdot/aw^, 
tuer] huer^ etc. ; aussi, nous aurons la proportion suivante : 

I:YeetYe:Jc::U:VVeetW:Ye. 

Nous voici donc amenés, par une transition très-simple, 
à parler des consonnes, et c'est ici, plus que jamais, le lieu 
de répéter le vieux proverbe : Non fit saltus in natura ! 

Les consonnes aryo-latines se divisent en trois classes : 
labiales^ dentales et fialatales^ et chaque classe se subdivise 
elle-même en trois degrés : explosives^ sifflantes et nasales; 
nous ne parlons pas ici d'une quatrième classe spéciale, celle 
des linguales ou vibrantes^ classe mixte, que nous étudierons 
après les trois autres, 



LES SO.NS ET LES LETTRES 



51 



Nous donnerons à chacune de ces classes de consonnes le 
nom de la plus parfaite de celles dont elle est composée, et 
ce sera toujours l'explosive forte formée de Teffort compres- 
sif des appareils buccaux sans mélange de sifflement ou de 
nasalilé, comme on en trouve dans les sifflantes et les na- 
sales. Nous aurons donc la classe P, la classe T et la classe K. 
Les grammairiens hindous ont introduit chez nous^'usage de 
classer les consonnes en commençant par les palatales; nous 
préférons de beaucoup le système que nous adoptons dans 
ce livre. Il nous semble meilleur de passer du simple au 
compliqué, du facile au difficile ; et, au lieu de placer les 
premières les palatales, qui se forment par un pénible effort 
compressif au fond du gosier, nous préférons mettre d'abord 
les labiales, dont la facture est plus simple/, pour arriver 
ensuite aux dentales, et passer de là aux palatales; en un 
mot, nous croyons beaucoup plus naturelle l'échelle P, T, K, 
que récliellc K, T, P. Que le lecteur veuille bien prendre la 
peine de dire seulement K, T, P, puis P, T, K, il sentira de 
suite le côté ascendant et le côté descendant de la difficulté. 



Labiales. — t Classe P. 



Voici le tableau des consonnes labiales : 

Fortes . . . 



Explosives. 



Labiales. . . . 



Sifflantes. . 



Faibles. . . 



P 

PH 
B 
BU 

Forte .... F 
Faible. ... V 
Liquide. . . W 

\ Nasale M 



* Tout le monde sait, en effet, que c'est par les labiales P et B (PaPa, BaBot 
BoBo) que l'enfant s'essaye à la pai-ole. 



52 GRAMMAIRE. 

Si, comme nous Tavons déjà dit, les consonnes labiales 
soqt les plus faciles à produire, elles sont aussi les plus 
commodes à étudier, puisque tout le monde peut observer le 
mouvement des lèvres qui les forment. 

Noos n'avons que très-peu d'observations à faire au sujet 
de cette classe : les quatre explosives labiales sont quelque- 
fois emphatiques, c'est-à-dire se prononcent, s'il m'est per- 
mis de m' exprimer ainsi, d'une manière exagérée : P, PH; 
B, BH». 

Disons encore que les consonnes de cette classe ont une 
grande prédilection pour les voyelles U et C ; nous verrons 
plus tard les racines ni , mil, fu, hv, etc. Cela tient au 
voisinage des labiales de U, par Fintermcdiaire de la sif- 
flante liquide W*. A ce sujet, nous ferons encore remarquer 
que consonnes et voyelles ont toujours une certaine ten- 
dance à s'unir à leurs plus proches voisines dans l'échelle 
des sons et des bruits, plutôt que d'aller faire des mariages 
plus éloignés. C^est ainsi que nous trouvons, par exemple, le 
latin yOmere (prononcez yfOmeré) pour \kmere (du verbe 
vAm, vomir). Cela tient à ce que VO est plus près du V ou W 
que le A. Cette même loi explique encore bien des bizarreries 
de prononciation de certains idiomes. Pourquoi, par exemple, 
l'Anglais dit-il toujours WO quand il y a WA, wasj wfco/, 
wantj water prononcés wosj whoij toonty tvotei*^ etc.? C'est 
encore parce que le son W (frère de U) est beaucoup plus 
voisin de que de A dans Tëchelle phonique. 



* Dans notre partie lexioloçiqve, les consonnes cmpliatiques seront habituel- 
lement marquées par un point souscrit. 

' Remarquez que l'U latin long et accentué persiste toujours dans les langues 
liovo-latines, preuve de sa force de résistance. (Cf. Dietz. Gramm. derromaniich. 
Sprach., 1, 152). 



LES SONS ET LES LETTRES. 



53 



Dentales. — Classe T. 

Les dentales se divisent en deux classes : les dentales pro- 
prement dites, et les cérébro-dentales, qui ne sont autre 
chose que Tarticulation emphatique des dentales ordinaires. 

T 



Explosives. 



Dentales. . . 



Sifflantes. . 



Fortes . 

Faibles. 

Forte. . 
Faible . 



• . 



TH 

D 

DH 

S 

z 



Nasale N 

Nous ne ferons pas ici un tableau distinct des c^r^frro-den- 
tales; nous y sommes d'autant moins engagé, que les langues 
latine et novo-latincs ne possèdent pas ces consonnes qui 
sont particulières au sanskrit. 

Palatales. — Classe K. 

Celte classe présente deux ordres distincts : celui de^ pa- 
latales ordinaires et celui des palatales chuchotantes; nous 
distinguerons les secondes des premières en ajoutant aux 
lettres représentant des palatales pures le signe minute {'). 

K 



Explosives. 



Palatales 



Fortes . . . 



Faibles .\ . 



KH 
G 
G II 



Sifflantes. . . . 

Nasale S 



Représentées 

seulement 

en allemand. 



Les renforcements KH et GH, ainsi que la naso-palatale fï, 
n'existent pas dans les langues italiques. Le C, représentant 



54 GRAMMAIRE. 

du K, et le G y sont souvent confondus h l'origine, au moins 
dans récriture ; ainsi, on trouve dans les inscriptions Caius 
et GaiuSy etc. (Voir plus loin, p. 60.) 

K' 
K'II 
G' 
G' H 

Ç 
J 

Liquide . . Y 
Nasale N' 



Explosives. . . 



Palatales 

A 

chuchotantes. 



Fortes . . . 



Faibles. . . 



Forte. . . . 
Sifflantes. . . . { Faible . . . 



A pari la liquide Y, le latin n*a aucune de ces consonnes; 
mais, en revanche, quelques-unes d entre elles jouent un 
grand râle dans la phonologie des langues novo-latines . 
Ainsi, K' (=lch) et G' (=dji se retrouvent, en italien, 
dans des mots tels que cicérone (tchilcherone^ , cicisbea 
(Ichitchisbea), gente (djentc), et gigante (djigante); Ç (= ch) 
et J, apparaissent dans les vocables français, tels que clia- 
peauy chevalj jeuue^ joU^ etc. 

Ajoutons que le K et le G, à cause de leur vigueur explo- 
sivc, sont les deux consonnes qui ont contribué le plus sou- 
vent à conserver TA radical primitif. Nous citerons en latin 
xGere et AKG^re. 

Il nous reste a parler des linguales ou vibrantes R et L. 
Ces consonnes, qui se rapprochent plus des dentales et des 
palatales que des labiales, puisqu'elles sont, comme les pre- 
mières, issues de la bouche interne, n'appartiennent cepen- 
dant, ni à la classe T, ni à la classe K ; car T et K ne sont 
que de simples explosion^ linguales, tandis que R et L sont 
des vibrantes prolongées. 

Bien que les linguistes connaissent trois R, nous ne nous 
occuperons, dans cet ouvrage, que du R ordinaire et du R at- 



LES SONS ET LES LETTRES. 55 

ténue que les Aryo-Sanskrits accompagnaient d'un i ou d'un 
e faible, et que les orienlalisles modernes ont cru devoir tran" 
scrire Ri. C'est là, selon nous, une erreur contre laquelle 
nous protesterons en écrivant tout simplement cette demi- 
voyelle avec un point souscrit P, toutes les fois que nous le 
rencontrerons dans un radical primitif. R, la vibrante vo- 
cale, devient, par le renforcement AR ou RA , parfois IR ou 
RI, UR ou RU. 

L'L n'est pas une consonne primitive; c*est seulement un 
affaiblissement de TR, dont les tremblotements se changent 
en mouvements ondulatoires. Ce qui prouve bien que l'L 
n'est pas primitif, c'est que les grammairiens indo-sanskrits, 
qui multipliaient à plaisir les racines, en confondant avec 
elles de simples radicaux, n'en ont pu trouver qu'un seul 
sur les quelques milliers qu'ils ont recueillis, où IX fut 
partie constitutive. Ce verbe-radical est 1^^^ travailler. (Voir 
la racine kr, ^axte^ à notre partie lexiologique.) 

En latin, la parenté de l'R et de l'L est toujours restée 
sensible. Ainsi, certaines terminaisons adjectives sont indif- 
féremment en aRî5 et en aLt^; le choix dépend alors de 
Teuphonie : on emploie aRi^, quand dans le corps du mot il 
y a un L : vuLg-aRis, ocuL-aRis; — et on met aLw lorsqu'il 
se rencontre un R dans le thème: auguR-aLis, moRt-aLis. 



§ 2. ALTHABET LATIN. 

Nous venons de nous occuper de l'alphabet naturely nous 
devons maintenant dire un mot de l'alphabet graphique 
latin. 

Le mot alphabet (diX<pa6Y)T0(;) est un vocable de date mo- 
dernc formé par Tunion des noms qui désignent les premiers 
signes des alphabets européens, alpha + bêla. 



56 GRAMMAIRE,. 

Chez les Grecs, le son exprimé par une lettre se ren- 
dait par (TTct^cia, tandis que la lettre elle-même s'appelait 
YpifjLfjia; en latin, le son se disait elementaj et le signe de ce 
son littera^ lettre. 

L'alphabet gréco-latin, devenu européen, est d'origine 
sémitique; les Grecs appelaient les signes dont il se com- 
pose çcivtxixi ou ^civixr/ia ^pà\^un2^ OU encore KaS[JiV;ïx YpaiJL(UtT3, 

du nom de Cadmus, qui passait pour les avoir apportés. 

Les savants Ewald et Gesenius ^ ont péremptoirement dé- 
montré que les seize ou* dix-huit lettres primitives de Tal- 
phabet gréco-latin, ne sont autre chose que des signes hiéro- 
glyphiques dénaturés. Ces hiéroglyphes sont, comme nous 
venons de le dire, d'origine sémitique, et il faudrait bien se 
garder de tirer de là quelque conséquence de fusion entre 
les races. Nous protestons ici contre une pareille aftirma- 
tion, que démentent, du reste, les faits philologiques et 
rhistoire des langues*. Quoi qu'il en soit, les Grecs furent 
les premiers qui empruntèrent aux Phéniciens leurs signes 
idéographiques, qui représentaient primitivement, comme 
nous venons de le dire, non des sons, mais des objets exté- 
rieurs, des actions, des idées. « Ainsi, dit M. Chavée', en 
parlant de ces hiéroglyphes, la tête de bœuf jP-, y^, A (Aleph^ 
Gr. ÂXça, signifie bœaf)^ rappelait le chef du troupeau, et 
métaphoriquement les idées de prééminence, de commence- 
ment, de direction. La maison ou demeure ^, B (Beit^ 
Gr. BY)Ta, signifie maison)^ reproduisait l'idée d'habitation, 
de séjour. La porte de tente A, D (Dalety Gr. AsXt«, signifie 

^ Consultez surtout : Kriligche Grammatik et Genhiehte des Yolkes Israël, 
1854, par Ewald; GeschicMe der hebr.Spr. ainsi que le Thésaurus Hnguae 
hebraeae et chaldaeae, par Gesenius. 

* Voir en particulier sur la séparation radicale des idiomes sémitiques et des 
idiomes indo-européens» les iMngues et les Races, par M. Chavée et VUistoire 
des langues sémitiques, par M. Renan, 2» édit. 1858, p. 454 et suiv. 

* Lexiûhgie indo-europ., p. 16. 



LES SONS ET LES LETTRES. 57 

porté)^ redisait l'entrée. Le crochet % T, V (Vau= crochet); 
Tœil (CHn = œil)\ le fouet, S, A, L (Lamed = fouet) ] 
les flots de la mer, ^, M? M (Mein= ondes); la dent •***•, 
Xffy 2 (Sin = dent) y etc., avaient aussi leur valeur idéale sym- 
bolique. Vous avez encore un exemple de cette écriture toute 
idéographique chez les Chinois, dont les clefs ou lettres rap- 
pellent directement, non des voyelles et des consonnes, mais 
bien des choses et des faits. » 

Lorsqu'on eut oublié l'idée attachée à chaque signe, on 
ne lui fil plus représenter que le son initial de Tobjet qu'il 
représentait. « Alors', Aleph, le bœuf, figura le son A; 
Lamed^ le fouet, peignit le son La; Beit^ la maison, traça le 
son he; Daletj la porte, rappela le son D^; et cet alphabet 
tout syllabique écrivit les noms B^DaLa, B^DoLe, BiD^L, par 
les trois signes, lettres ou caractères Beit + Dalet-^ Lamed^ 
tracés de droite à gauche. Vous le voyez, Part n'est pas bien 
grand dans ce passage de récriture symbolique à l'écriture 
phonétique, et ce n'e3t là qu'une trouvaille d'enfant. » 

L'alphabet latin, qui est évidemment de même origine que 
l'alphabet grec, se rapproche plus de l'alphabet dit cadméen 
ou archaïque que de l'alphabet plus moderne dit lotiien, et 
« dont l'emploi fut œnsacré, en Attique, pour les actes offi- 
ciels, depuis l'an 403 avant notre ère, sous l'archontat d'un 
certain Euclide*. » 

L'alphabet cadméen est, comme on le sait, celui dans le- 
quel écrivaient les Grecs Doriens-Éoliens, et c'est celui avec 
lequel la langue latine a le plus de conformité. Ainsi, pour 
ne citer qu'un exemple, les Éoliens seuls, parmi les Grecs, 
ont conservé comme lettre le digamma F, signe d'aspiration 
douce, que nous retrouvons en latin sous la forme de l'F. 

Outre cette parenté de l'alphabet latin avec l'alphabet 

* l^exiolog, indo-eur.y p. 1G. 

* Grammaire comparée, par H. Egger. 6* édit., p. 1 1 . 



58 GRAMMAIRE. 

grec, le premier a emprunte directement au second certai- 
nes lettres, telles que X ( = Ks, Cs, etc.), Y ( = V= û) et 
Z ( = Z=Dse), dont les deux dernières ne se trouvent que 
dans des transcriptions. 

Ces signes graphiques phéniciens arrivèrent chez les Grecs 
avec leurs noms nationaux, et les Grecs conservèrent ces 
noms sans les comprendre, tandis que les Latins, plus intel- 
ligents ou plus avancés en civilisation lorsqu*ils les reçu- 
rent, rejetèrent ces noms étrangers, dont la forme baroque 
choquait leur délicatesse auditive, et donnèrent tout simple- 
ment pour nom à ces signes le son qu'ils leur semblaient 
rendre. Les voyelles devinrent donc A, E, I, 0, U. Quant aux 
consonnes, elles prirent pour signe de dénomination leur son 
articulé accompagné d'une voyelle. C^était là, comme on 
peut le voir, un grand progrès sur le système grec. Malheu- 
reusement, les grammairiens latins auteurs de cette réforme 
ne la poussèrent pas jusqu'au bout, et au lieu de prendre une 
voyelle telle que A, ou, ce qui aurait beaucoup mieux valu, 
E muet ou sourd, et de placer régulièrement cette voyelle 
avant ou après les consonnes pour en former des séries uni- 
formes, telles que : Afr, Ac, Arf, Af; — Ba, Ca, Da, Fa; — 
Efr, Ec, Ed, E/"; — ou enfin B^, CV, D^, F^ ; ils ont laissé dans 
leur choix un vague désordonné qui, plaçant une voyelle 
quelconque indifféremment^ avant ou après l'articulation, 
nous a donné le bizarre alphabet encore en usage aujour- 
d'hui : B^, C^, D^, eF, G^, Ka, eUe^ eMmCj éîine, P^, Q«, 
eRre, eSse, Té, Y^, iX, Zed. 

Cet alphabet se compose, en latin, de vingt-cinq lettres, 
six voyelles et dix-neuf consonnes. 

Nous ne reproduirons pas ici ces lettres dans l'ordre ou 
plutôt le désordre que la routine grammaticale leur a imposé; 

* Voir cependant ce que nous disons plus haut (page 45) des raisons qui ont 
pu délcrmincr la place de la >oyclle, avant ou après la consonne. 



LES SONS ET LES LETTRES. 



59 



mais nous les placerons d*après un système alphabétique qui 
permettra, au premier abord, de saisir la valeur de chaque 
lettre et sa position dans l'échelle phonologique des sons. 
Parlons d'abord des signes-voyelles : 



ae 



oe 



E 







U 



au 



eu 



Au sommet de la colonne du milieu s'élève TA, la voyelle 
parfaite, formée par la complète émission de la vois. Un peu 
plus bas, TE et l'O, les voyelles secondaires, placées chacune 
du côté où leur son se dirige pour s'affaiblir, TE à gauche 
en I, la voyelle algue palatale, la note la plus élevée de la 
gamme des sons, TO ù droite en U, la voyelle grave labiale, 
le son le plus sourd et le plus bas de l'échelle phonique. 

Enfin, sous chacune de ces deux voyelles I et U, nous pla- 
çons les voyelles composées ae et oe, au et eu, produit de 
leur union avec les voyelles mères E et U. L'Y (i grec), qui 
ne figure pas dans notre tableau, est la sixième des voyelles 
latines dans tes grammaires classiques. Cette voyelle repré- 
sente dans les mots transcrits du grec (thymus^ zephijrus)^ etc., 
le son u de l'j. 

Les lettres-consonnes latines sont au nombre de 19. Les 
voici, dans leur ordre naturel : 



Explosives. . . 


> 
1 


p 

B 


T 
D 


K, C, Q 
G 


Sifflantes. . . . 

« 


1 
1 


F 
Y 


S 
Z ] 


II 

^^Y devant une voyelle. 


Nasales. . . . 


• . 


M 


N 


k 


Mixte 


• « 


• « 




X 


Linguales. . . 


• • 


• • 


R 


L 



60 GRAMMAIRE. 

La première de ces colonnes est occupée par les labiales 
P, B, F, Y, M ; la seconde par les dentales T, D, S, Z, N; et 
la troisième par les palatales : K, remplacé ordinairement en 
latin par C ou Q* {coppa desSémiles), G, H, et X. Nous avons 
placé le I entre la colonne des dentales et celles dçs pala- 
tales, parce qu'il tient également de ces deux classes de con- 
sonnes ; il en est de même de TR et de FL que nous avons 
placés de manière à indiquer leur indifférence ; nous avons, 
à dessein, omis le ^ palatale qui n'existe pas en latin. 

Le consonantisme de Tombro-samnite correspond en gé- 
néral à celui du latin; mais la vieille écriture ombrienne ne 
sait pas distinguer G de C (Gaius = Caius)^ D de T. Il ne faut 
cependant pas douter que la langue primitive n*ait possédé 
le G et le D aussi bien que le C et le T distincts ^ seulement 
récriture n'était pas précise, et elle ne Test devenue que 
dans des monuments beaucoup plus modernes, où Ton trouve 
les lettres employées toujours dans des conditions toutes spé- 
ciales. 

§3. LA PRONONCIATION. 

Le latin est une langue essentiellement musicale, ce qui 
peut paraître un paradoxe d'après la manière dont on le pro- 
nonce en français. Mais cette prononciation est complètement 
erronée. Les grammairiens latins nous ont laissé dans leurs 
écrits les règles qui déterminent la valeur qu'avaient chez 
eux les lettres d'après leurs différentes positions. Ces règles 
peuvent se résumer ainsi : 

1^ Toutes les lettres se prononçant en latin indépendam- 
ment de leur position, la voyelle mixte AU sonne AOU el non 

^ Sauf quelques exceptions archaïques, on met ordinairement Q devant u 
demi- voyelle (suivi d'une autre voyelle), et C devant les autres lettres : Car, 
deCem, CMere, Qnis, Quatrere, eic. 



LES SONS ET LES LETTRES. 6i 

0; il ne faut donc pas confondre, par exemple, flwra (aoura) 
avec ora (ora). Nous avons une preuve de la prononciation 
bi-phonique du signe graphique latin AU dans la manière 
dont les. Italiens font sonner encore aujourd'hui les lettres 
issues d'un AU latin. Écoutez un habitant de Florence dire 
les mots povero^ poco, lod^j il fera sonner les syllabes po et 
lo d'une manière aussi aiguë qu'il lui sera possible, presque 
comme un A bref : paovero^ paoco^ laode. C'est un reste de 
Va delà diphthongue AU : patiper...^ pauc...^ latid... Nous 
devrons donc toujours dire AU = AOU et non 0. 

2"* n en sera de même des diphthongues AE et OE, que nous 
imprimons ordinairement âs et os , et qui ne sont autre 
chose que des voyelles mixtes, qui doivent faire entendre 
distinctement, quoique par une seule émission de voix, la 
voyelle moyenne (a ou o) et la voyelle aiguë (i) dont elles 
sont composées. En effet, l'écriture x et œ n'est qu'une 
variante de l'ancienne orthogi*aphe ai et oi ; mais, si la forme 
a change, la prononciation est restée la même. Les Latins 
écrivaient indifféremment ro^ai et ro^se, Cai^ar et Cœ«ar, 
/tinai et /unse, coipm( et cœperitj coilum et cœlum, mais ils 
prononçaient toujours ro^ai, Cai^ar, /unai, coiperit et coi- 
lum. L'habitude routinière des Français a le grand incon- 
vénient de confondre des cas tout différents d'un même 
mot ou même des mots qui n'ont ensemble aucun rapport : 
ainsi, comment distinguer domimi de domine, irai de ire, 
aiquus de equus, etc., si Ton prononce ai ou x comme nous 
le faisons maintenant 6. Poumons, nous suivrons le système 
du plus grand nombre des savants allemands, et nous écrirons 
toujours dans cet ouvrage ae et oe au lieu de œ et de x, La 
séparation de ces lettres, o et ^, o et e, rappellera sans cesse 
au lecteur qu'il a affaire à des diphthongues et non à de 
simples lettres. 

3* L'U latin équivaut à lu des Italiens que nous pronon- 



02 GRAMMAIRE. 

çons ou. N'aurions nous pas a ce sujet le témoignage des 
Latins eux-mômes que celui des Grecs nous suflirait ; en 
effet, ceux-ci, dont VY (u) n'a que le son atténué de Vu alle- 
mand et de notre français ti, transcrivaient Vu latin par ou 
et ils disaient Jesm= 'Iv;9cD; et non pas Iyjcj;. 

Quant à TY (i grec) latin, c^est une importation relative- 
ment très-moderne usitée seulement dans les mots transcrits 
du grec. 

i^ La lettre V représentait en latin deux sons. Loi*sqn^elle 
était suivie d'une consonne, elle figurait la voyelle U : pVaVs 
=:pUrUs (pourous). Lorsque, au contraire, elle était suivie 
dune voyelle la lettre V était alors une demi*consonne qui 
se prononçait comme notre W français, ou plutdt comme le 
w anglais, par une articulation molle se rapprochant autant 
que possible du son vocal U, précédé d'une sorte de digam- 
ma, F'. Mais jamais le T n'avait la valeur que nous lui avons 
exclusivement attribué dans le français moderne. Ainsi diVVs 
se prononçait diwous et non pas diiiis. 

5"" La sifflante V du français n'avait donc pas de cor- 
respondant en latin. Du reste, ce V n'est qu'un adoucisse- 
ment de la sifilanle aspirée F qui, comme nous l'avons déjà 
dit (page 26) ne se prononçait pas comme PII (9 grec). 
Nous en avons la preuve dans Cicéron, qui se moque d'un 
Grec qui ne pouvait parvenir a prononcer Vontanius. De plus, 
VF latin peut se redoubler : FeYelliy et, dans le système indo- 
européen, jamais les aspirées ne se redoublent ; l'F latin 
peut subsister à côté d'une nasale : coNF^o, ce qui n existe 
pas ailleurs pour les vraies aspirées. PH est donc une explo- 
sive aspirée (suivie d'une aspiration ou d'un II), tandis que F 
n'est qu une sifflante aspirée. Du reste c'est là une nuance 

L'empereur Claude, pénétre des inconvénients résultant du double emploi 
de ce signe graphique V, voultit essayer de faire représenter à ses surjets le son 
F (W) par un digamroa renversé j, mais sa tentative ne réussit pasi 



LES SONS ET LES LETTRES. 65 

trcs-délicatc, difficile à saisir et que nous ne rappelons que 
pour mémoire. 

6** Nous venons de voir que le signe Y était voyelle devant les 
consonnes et demi-consonne devant les voyelles. C'est absolu- 
ment la môme règle qui régit le signe graphique I. La chuin- 
tante faible J (je, jeii^ jeune) est le résultat d'une création, 
ou plutôt d'une altération relativement trùs-modeme, et le I 
demi-consonne du latin (devant une voyelle) représentant 
la sifflante palatale liquide Ya *, doit toujours se prononcer 
I et non J. Nous dirons donc luvenis au lieu àeJuvenis^ lanus 
au lieu de Sanus^ lacère au lieu de Sacere. Au point de vue 
graphique, la parenté du j avec Vi est très-sensible chez les 
Latins; ils représentent l'I consonne par deux I, le second 
plus grand que Taulre eihis , ou encore plus simplement 
e\us. On trouve dans les auteurs latins un certain nombre 
d'exemples analogues*. 

70 Mais nous ne dirons pas \acere en adoucissant le c en 
8; C, K, Q n'expriment en latin qu'un seul son, le son K'. 
Dans les plus anciens monuments on trouve ces lettres em- 
ployées indifféremment les unes pour les autres : Kalendae et 
Calendae^ Karthago et CarthagOj CoQui et CoCi, Qura et 
Cuffl, etc. Uaflaiblissement de C en S devant e et i est une 
faute déplorable qui dénature complètement l'organisme du 
mot et tendrait à rendre la recherche des racines impossible; 
aussi supplions-nous leMecteur de toujours lire loKer^ et 



^ l.es denx éléments phonétiques représentés par I el la double fonction qui 
les crée se succèdent dans notre ily a = il i-y a. 

*• Tandis que les Allemands écrivent lam, lupiter, Itwarfj etc., à la manièt^e 
des Romains, nous écrivons et nous imprimons Jam^ Jupiter ^ Jtware, 

* c K et Q siiperante numéro litterarum inseri doctonim plerique contendunl 
scilicet quod G littera liarum ofûcium possit implere. . non nihil tamen inlerest 
utra carum prior sit, C seu Q siTe K, quanim utramque cxprimi faucibus, 
alleram distento» alteram producto rictu manifestum est. > (Varii Vîctorini 
Afg Grammatica, I, vi, p. 41, m Scriptores latini rei metricae, édit. Gais- 
ford, 1837.] 



64 GRAUMAinE. 

non iaSere. Outre l'avantage immense de faciliter ainsi ses 
recherches linguistiques, il évitera de détestables calem- 
bourgs tels que ceux-ci : Cinis (cendre), confondu avec Siwî« 
(tu permets), — C^ru« (cerf), avec Servus (esclave), — Citus 
(prompt), avec Situs (posé) ; en prononçant à la romaine : 
Kitii^, KeiDus^ Kitus^ toute équivoque disparait. Et puis, 
n'est-ce donc rien pour un bon esprit que de se rendre à 
l'évidence et à la vérité, et de parler latin comme le par- 
laient les Latins eux-mêmes? 

8** De même que c, 9, fc, ne s'affaiblissent jamais en ç ou 
Sj G ne devient jamais J; lisez donc leGi^ Cestio (leGHi, 
GHestio), avec une palatale franche et non pas leJt, iestiOj 
avec une sifflante palatale faible. 

9"* T reste toujours la dentale explosive forte, et ne devient 
jamais la sifflante dentale forte S, de même que celle-ci ne 
s'affaiblit jamais en sifflante dentale faible Z. Lisez donc oralio 
et non oraSio et ne changez jamais CaeSar en Ca^Zar. 

Du reste, la lettre Z n'est qu'une importation du grec dont 
elle représente le Z (ZiQTa), et sa véritable prononciation est 
par conséquent tse ou dse et non pas %e. Dites donc Zephiins 
= DSephirous et non Zephirus. 

10*" La lettre X a été aussi empruntée par les Latins aux 
Grecs dont elle représente le S. Les vieux Latins écrivaient 
regs et pags ce que leurs descendants ont transcrit depuis rex 
et pax. 

iV II ne nous reste plus à parler que des nasales H et N. 
La naso-labiale M forme en latin les noms neutres, les accu- 
satifs singuliers, les génitifs pluriels, etc., tandis qu'en grec 
le même office est rempli par la naso-dentale N. Mais ces 
lettres, qui gardaient toute leur force au commencement des 
mots, prenaient dans les terminaisons, un son nasal qui 
s'exprimerait fort exactement par le signe de nasalisation 
portugais *• Quinlilien dit positivement en parlant des mots 



LES SONS ET LES LETTRES. 65 

terminés par une M : a pleraque nos illa (vocabula) 

quasi mugientâj littera tludimus M, qua nullum grsece ver- 
bum cadit. » (Inst. Orat.^ lib. XII, 10, 51. Êdit. Lemaire, 
p. 534, 555.) Ailleurs il dit encore, à propos d'une phrase 
de Caton le Censeur : a Et illa Censorii Catonis, Diee hanc 
œque M littera in E mollita : quae in \eteribus libris reperla 
mulare imperiti soient, et dum librariorum inseclari \olunt 
inscientiam, suam confitentur. Âtqui eadem illa littera, quo- 
ties ultima est, et vocalem \erbi sequentis ita contingît, ut 
in eam transire possit, eîiamsi scribitaf\ parum eximmitur, ut 
^MuHumilley » et, « Quantum erat; » adeo ut psene cujusdam 
novae litterœ sonum reddat ; neque enim eximitur, sed obscu- 
ratur... » (InsL Orat.^ lib. IX, 3, 59, 40. Éd. Lemaire, p. 470, 
471 .) Verrius Flaccus veut que Ton remplace cet M final qui, 
au dire de Quintilien, « cujusdam novx Hlterx sonum reddat^ n 
par un demi M, h De son côté, Priscien écrit : « M obscurum 
in exiremitate dietionum sonat. » Dans les inscriptions * on 
trouve quelquefois à la fin des mots om pour um : mortuom 
= mortnnm ; et om exprime un son beaucoup plus sourd 
que um. Dans les chants des Ârvales * trouvés à Rome en 
1777, nous lisons à Taccusatif singulier lue et rue au lieu 
de luemj la peste, et de ruem (ruinam)% la ruine; ce qui 
prouve que l'M finale était prononcée bien fortement dans 

* Je citerai notamment celles de Pompeï d'où est tiré l'exemple de moriuom 
que je donne ici. 

' Ces chants ont été publiés entre autres par II . Egger, dans les iMtini ser~ 
moniê vetustUnis reliquix seiect» (Paris, 1845], p. 68 et seq. 

* On trouve dans le chant des Arvales les lettres suivantes: Nevelueruê mar- 
mttr «nM ineurrere in pUorei. H. 0. Mûlter (Prxf. ad Festum, page 54, note 5), 
coupe ainsi le premier mot : ne veiuerem, faisant de ve un préfixe analogue à 
celui que l'on trouve danst^-Jovis, t«-Dius, etc. — M . Lanzi traduit : Neve luerhem 
(luern), — M. Ilennann : neva iuem, — M. Grotefend : neu luem, — M. Klausen : 
neve luem. On voit donc que, à part M. Lanzi, qui en Tait du reste bon marclié, 
tous ces savants considèrent lasylUbe rue comme complètement nulle; pour 
nous qui adoptons, quant à ve, l'explication de M. 0. Huiler, nous croyons voir 
dans lue et rue des accusatifs singuliers pour lue et rue, et nous livrons i 

5 



€6 GRAMMAIRE. 

le nez, puisqu'on ne sentait pas même la nécessité de Técrire» 
Dans des documents beaucoup plus modernes, dans Plante 
et Térence par exemple, nous trouvons assez souvent ri\l 
finale élidée devant une voyelle : bon est pour bonum est; et 
c'est par cette élision de FM que se sont formés les verbes 
animadverto (= animum + adverto) cl veneo (= venum + eo) ; 
pessundare vient de pessum 4- dare , et a pris seulement en 
composition sa véritable transcription sourde pesson (pessôy 
au lieu de pessum (pessomnie). 

La prosodie vient d'ailleurs nous donner une preuve irré- 
cusable de la prononciation sourde du latin. Si FM se pro- 
nonçait emme comme en français, pourquoi l'éliderait-on de- 
vant une voyelle? Rien n'est plus facile que de prononcer à 
la manière française le fameux vers: 

Monslrum liorreiiduui, informe, ingeus, cui lumen ademplum. 
Monstromme iiorrendomme, informe^ etc. 

(ViRG. Mtieid,, HI, 658.) 

Cela est aussi simple que de dire, par exemple : la 
pomm^ est tombée ; l'homme est moit; comme il l'aime, etc. 
Mais si l'M au lieu d'un son plein, n'a plus qu'un son nasal^ 
la difficulté se présente. L'oreille délicate des Latins ne pou- 
vait supporter une suite d'hiatus comme celle qui résultait 
de la diction de ce vers : 



Nonstrô horrendO infomie ingens 

Monstron horrendon infofme 

Aussi évitent-ils ces hiatus par une série d'élisions. Nous 
autres Français, nous avons le sens auditif moins fin, aussi 
disons-nous sans scrupule, sinon sans effort ; Le chemin est 
bon; le melon est mur ; ïon aime ce que Von n'a pas, etc. 

l'appréciation des personnes compétentes cette lecture, qui a Fimmense avantage 
de serrer le texte de beaucoup plus près que toutes les autres. — Cf. Epgcr, 
hco cit.— Fabretli, Glostarium italicuiny voc. luere et rue*, etc 



LES SONS ET LES LETTRES. 67 

La règle générale est donc celle-ci : En latin les voyelles 
K, t, suivies d'une H à la fin des mots, prennent le son 
nasal de â, î, ô : rosam = rosâ ; secunm = securî ; mor- 
luom= mortud. Quant ù l'orthographe mortuum, elle est re- 
lativement moderne, el nous avons déjà dit que les Latins ne 
connaissaient pas la voyelle nasale û. (Voir ci-dessus p. 50.) 

Il résulte de tout ce qui précède qu'en France, nous pro- 
nonçons tellement mal le latin, qu'il serait impossible, même 
à celui d'entre nous qui le parle le mieux, de se faire com- 
prendre d'un Romain de bonne maison, et que nous ferions 
fuir Horace, Virgile et Cicéron en leur lisant leurs ouvrages^ 
qu'ils prendraient certainement pour le grimoire de quelque 
sorcier. Sommes-nous du moins les seuls qui pratiquions 
cette erreur routinière? Ce serait peu flatteur pour notre 
pays, mais alors nous pourrions aller chercher au delà de 
nos frontières des maîtres et des exemples. Hélas ! l'uni- 
versalité de Terreur nous retire jusqu'à cette pitoyable res- 
source. Chaque pays prononce le latin à^a manière ; le latin 
de Paris n'est pas celui de Rome , et celui que l'on parle à 
Berlin, à Leipzig ou à Bonn ne ressemble nullement à celui 
des professeurs de Londres ou d'Oxford; si bien que, non- 
saulement les anciens Romains ne nous comprendraient plus, 
mais qu'il nous serait impossible de nous faire entendre de 
leurs descendants, les Italiens modernes, non plus que des 
Allemands, des Anglais ou des Espagnols. Aussi, cette belle 
langue latine qui a si longtemps servi d'interprète à la pen- 
sée des Savants européens, et que quelques-uns emploient 
encore comme moyen de généraliser leurs écrits, est-elle 
condamnée à ne pouvoir jamais servir de truchement pour 
les rapports directs des hommes entre eux. 

Mais il y a, à la mauvaise prononciation de la langue la- 
tine, un inconvénient plus grave encore et dont nous avons 
déjà dit un mot tout à l'heure, et ce serait une belle el 



es GRAMMAIRE. 

grande chose qne de revenir à l'ancienne prononciation ro- 
maine. Avec cette prononciation, le radical apparaît plus pur, 
les terminaisons moins tronquées, la prosodie se raisonne et 
les variations phonétiques s'expliquent; sans elles tout cela 
tombe dans un chaos inextricable, et la langue latine parlée, 
si belle et si riche pourtant, devient une sorte de patois vul- 
gaire qui n'a pas même l'avantage de pouvoir servir de 
moyen de communication entre les hommes ^ 

Nous connaissons maintenant les sons et les lettres de la 
langue latine et la manière dont il faut les prononcer; il nous 
reste à étudier les lois qui président à leurs variations phoné- 
tiques. 

§ 4. VARIATIONS PHONÉTIQUES. 

Les mots latins pouvant avoir leurs éléments modifiés par 
un affaiblissement^ par un renforcement^ par une permutation 
ou par une suppression des sons, nous aurons donc quatre 
sortes de variations phonétiques : 

Variations par affaiblissement; 

Variations par renforcement; 

Variations par permutation ; 

Variations par suppression. 

Nous ajouterons à ces lois de variations les lois d'assimila- 
tion par lesquelles les syllabes influent les unes sur les autres. 

« 
i** VARIATIONS TAR AFFAIBLlSiENENT. 

En composition ou en redoublement, les voyelles latines 
tendent à monter d'une note dans la gamme des sons. Ainsi, 

'On pourra consulter avec fruit sur la prononciation latine les ouvrages 
spéciaux dont voici les titres : K. L. Schneider, AusfUhrliehe Grammatik der 
laieiniêdien Sprache; i'« section, fierlin 1819-1B21. — K. M. Uapp, Ver$uch 
einer Physiologie der Sprache. — N. Loumyer. De la prononciation du grec et 
du latin. Bruxelles, Voglet. 1840, e(c. 



LtS SONS ET LKS LETTRES. 69 

A devient E, puis 1 : rap^re, coneptiiSj corripere; capwf, 
praeceps, fn^aecipitis; fdicere, effectus^ effkere^; etc. Souvent 
TE intermédiaire manque dans le dictionnaire, et nous trou- 
Tons ainsi facilis immédiatement à côté de difficiliSj pmgere 
à côté de p\gnus; mais ce n'est pas là le cas le plus fréquent. 
Ordinairement, ce sont les radicaux latins en E qui tendent 
le plus à le remplacer par un I en composition : légère^ 
colligere; regere^ corriger e; tenm ^ protmus ; sedere^ assi- 
dere; etc. 

La même règle existe du reste en grec et en sanskrit, sur- 
tout dans les redoublements. Ainsi, nous avons StS(o{xt pour 
BaBx^i (racine da) donner; {xiiAvriOxo) pour (juziJLva(nca> (rac. mva) 
se souvenir; etc.; — et, en sanskrit : ti-slithâmi pour txshthdmi 
(ra€. 8¥a) se tenir ; pi-bâmi pour pk-bâmi (de -la racine rA, 
boire)] dans ce dernier mot nous avons un double afTaiblis- 
sement, celui de la voyelle d'abord, puis celui de l'explosive 
forte en explosive faible, P en B. 

L'affaiblissement dans les mots redoublés est aussi très- 
fréquent en latin ; nous citci*ons seulement sistere de s(ar^ ; 
bibere de la racine rA (affaiblissement de la consonne) ; 
gignere de la racine «an ; etc. 

L'A se change quelquefois aussi, mais moins souvent, enU. 
Ainsi, tdibema forme contuberniumy szliare devient inswU 
tare^ c^lcare donne incnlcarey etc. Avant d'arriver à TU, TA 
a dû nécessairement passer par 10, seulement presque toutes 
les formes transitoires en ont péri en latin ; parmi celles 
qui ont survécu nous ne connaissons guère que ollus^ qui a 
donné uUerior et ultimns. Mais TU tend encore à monter et à 
se changer en t (notre u français) puis en I ; aussi trouvc- 
t-on optnmm et opîimns^ decnmus et decimnSf septumus et se- 

* A propos des variations du verbe facere, nous ferons remarquer qu'en 
composition ce verbe est tantôt sous la forme fticere (ludi-facere), tantôt sous 
la ïormeficere (ef-ficere), tantôt enfin sous la forme ficare [ludi-flcare ) 



70 GRAMMAIRE. 

ptimus^ volumus et volimusj monumentum et monimentum^ etc. 
En général, la forme en U est plus ancienne, ce qui est bien 
naturel, puisque Téchelle des sons donne U, puis t, puis I. 
On a du reste, la preuve que Cicéron et César prononçaient 
déjà I, mais Tl) a si bien persisté que Claude inventa un 
signe h pour Texprimer. L'italien a gardé TI dans presque tous 
les mots où le latin avait une tendance à le prendre : prossimo 
=prox\xmus; ottmo=optumus oi\ opfimti^, etc. Cependant nous 
trouvons monumento absolument semblable à monumentum^. 

En grec, cette propension à changer TU en I, phénomène 
auquel on a donné le nom de Itacisme, prend des proportions 
considérables. Déjà, dans le grec ancien, on trouve Tdcop pour 
cuScop (If contracté pour uva, répandre, couler), etc., et enfin, 
dans le grec .moderne, Tu (upsilon = ii) de même que ï-q 
(êta) se prononce I, comme l\ (iota). Nous n'avons pas à 
nous appesantir ici sur les défauts de la prononciation du 
grec moderne; il nous suffira de dire qu'elle est déplorable 
au point de vue de la philologie comme au point de vue de 
Tharmonie des sons. 

Cet affaiblissement des voyelles ne se fait pas au hasard; 
nous avons bien constaté, il est vrai, A devenant E puis I, 
et A devenant puis U, mais nous ne rencontrerons jamais U 
devenant E. Quant aux changements de en I en composition , 
ils sont extrêmement rares ; nous citerons locus formant 
illkOy incolere donnant inquilinus; mais ces changements^ 
sont plutôt apparents que réels. 

Ordinairement, comme nous l'avons vu, le tableau d'aifai- 
blissement des voyelles latines en composition ou en redou- 
blement est celui-ci : 

E— I 

— U 

< L'affaiblissement de U en C se retrouve à chaque instant en composition 
dans la langue allemande : gut, gûtig ; fug, fûgUcb, etc. 



LES SONS ET LES LETTRES. 71 

A devient d'une part Ë puis I, de l'autre puis U, marchant 
d'un côté, de plus en plus vers la vocqlisation pa/afa/a aiguè^ 
de l'autre vers la vocalisAtion labiale grave. 

Avant de passer à raffaiblissement des consonnes latines, 
nous rappelerons seulement que si IM long du nominatif sin- 
gulier des noms iéminins de la première déclinaison (rosa) 
est devenu bref en latin (rosà pour rosâ), c'est uniquement 
parce qu'il y avait nécessité de distinguer le nominatif de 
l'ablatif devenu long par suite de la chute du D terminal 
{rosâ^=ro8âà comme populo =populdi) et d'après la loi de 
compensation que nous verrons lout à l'heure (p« 76), qui 
veut que toule syllabe brève qui perd une consonne devienne 
longue ^ 

Nous arrivons aux variations phonétiques par affaiblisse- 
ment des consonnes latines. Nous ferons remarquer à ce 
sujet que les consonnes de l'osque sont soumises en général 
à beaucoup moins de variations phonétiques que celles de 
l'ombrien et du latin. La consonne latine, surtout lorsqu'elle 
est terminale, tend sans cesse à s'affaiblir : «Pa, «Pa, de- 
viennent aB et 5uB, aPi devient oB, raTi pour praTi se 
change en reDi, reb et enfin re. Dans ce dernier cas, la con- 
soime a totalement disparu. 

C'est le contraire qui a lieu chez les Germains qui 
changent B, D, G primitifs en P,.T, K et P, T, K primitifs en 
F,TH,HouCH. 

Dans lés redoublements, le latin affaiblit volontiers la 
consonne explosive ; ainsi le verbe BiB^r^ devrait faire Pi- 
Pere, puisque il est issu de la racine aryaque pa ou n, 
abreuver^ boire. 

* A oe sii^et; nous ferons rémarquer que l'accent q«e Ton a coutume de 
placer sur Fablatif de rosa (rosà) pour indiquer qu'il est long, est d'invention 
très-moderne. 



72 GRAMMAIRE. 

2' VARIATIONS PAR RENFORCEMEKT. 

CuiSA. — Le guna (vertu, force, attribut, qualité) est le 
rcnrorcement, soit d'une voyelle extrême I, U, soit de la 
demi-consonne P. 

Le renforcement des voyelles extrêmes I et U s'obtient à 
l'aide d'une voyelle moyenne sur laquelle on passe rapide- 
ment avant de prononcer la voyelle extrême; I guné devient 
ainsi aï, d, oï, tandis que U piné devient au, ou et eu. 
Seule la voyelle extrême des lèvres possède un guna spécial 
très-familier à la langue anglaise ; il consiste à faire sonner 
un i devant le U, ce qui donne tu (prononcez îou), pour tous 
les U longs renforcés non soumis au guna ordinaire, c'est-à- 
dire au guna par la voyelle moyenne. 

La demi-consonne ]} subit une double espèce de guna : 
1*" le guna par la voyelle moyenne; 2" le guna par Tune ou 
l'autre des deux voyelles extrêmes. 

Renforcée par la voyelle moyenne, celte demi-consonne se 
consonnantise tout à fait et devient dans ce groupe nouveau 
AR, d'où ER et OR. 

U en est de même lorsqu'elle est renforcée par une voyelle 
extrême ; seulement, dans ce cas, R devient UR et RU, IR 
et RI, par métalhèse (voir plus bas, p. 95) de l'R devenu 
consonne. 

Le guna extraordinaire du T} appartient surtout aux va- 
riations phonétiques des radicaux; c'est ainsi que,' à côlé de 
PB, emplir, nous trouverons non-seulement la forme gunée 
ordinaire PAR (sanskr. pi-PAR-mi, f emplis) mais encore les 
formes pub (sanskr. Pl/i?-u, pleinement, beaucoup, Pt/R-i, la 
ville) et PBi (sanskr. racine Pi?/, combler, satisfaire, aimer). 

Un mot encore : les gunas les plus fréquents en latin sont 
ceux de I en ei et en oi : 

Ainsi, par exemple, dic élait bref à l'origine, comme le 



LES SOMS ET LES LETTRES. 75 

prouvent judicare^ judïcis^ praedïcare, caussidïctiSj fatidïcuSj 
etc. Mais le guna est intervenu, et a formé bEicerCj que Ton 
trouve encore dans les inscriptions (cf. gr. 8£t7.vu|jLt). Ikicerey 
en se contractant, a donné mcere, long. De même pour ridere : 
fïdes, perfidus prouvent que Vi était d'abord bref; mais fïd 
bref guné en feid a donné par contraction ûdere^ long, et 
gunécn/btd, roid««. puis foeJu^ (cf. gr. Xsixw, \éloiT.%). De 
même pour div : le guna en e donne DEitms et invus^ long, 
et le guna en o donne doii; que Ton retrouve dans le mot 
HiovpiteTj Joupiter. 

Miser (bref) vient de la racine sus, qui, gunée en o, donne 
iioi«fr^= Moir^re, MOEr^r^, et guné en a yiKzsius, AEtnuIus n'est 
autre chose que le guna par a du verbe imitare. Par le même 
procédé Aurum et Aurora sont frères de vrere, xEdes est issu 
de la racine idh, brider^ etc. 

A l'origine, le guna est toujours d'accord avec l'accentua- 
tion; plus lard, la langue oublie cette règle. 

En latin, le renforcement a lieu surtout dans les mots dé- 
rivés : vâcare = vâ(jina ; sëdeo = sëdes ; sôpor = sdplre; 
pàciscor (de pak, serrer^ lier^ unir) = pâx. 

Du reste, le guna est beaucoup plus difficile à reconnaître 
en latin qu'en grec, parce que dans la première de ces 
langues la plupart des diphthongucs se sont contractées en 
longues; ainsi : AI = AE = E =1 ; Iwdere = hulere = hdere 
=collïdere; k}stimo= AEstimo = EStimo = exlstimo; quAvrere 
= quKsrere=^ quErere=^ inqulrere. EI=I : mEilites = milites; 
amEiserunt = amlserunt. OU = U = : povbliais= pvblicus= 
populus. 01 = OE = U : momia = moEnia ;= munira?; po!/jfl = 
poEna =pmire. AU=: =U : frAvs = frvstrari. 

Mais, comme nous Tavons déjà dit plus haut (p. 61) à 
propos de la prononciation, dans le latin antique comme 
dans celui du grand siècle, les groupes orthographiques 
AE, OE et AU doivent toujours sonner séparément comme 



7i GRAHMAIRE. 

Aï, Oî, Aou, c'est-à-dire en faisant entendre les deux sons'. 

En grec, les diphttiongues ont vécu plus longtemps qu'en 
latin ; mais en définitive on en est arrivé au même résultat, 
et on a même été au delà ; car aujourd'hui , dans le grec 
moderne, les diphthongyes ont totalement disparu. 

Dans les langues germaniques, au contraire, legunaet 
conséquemment Ica diphthongues qui» en sont le résultat, 
existent encore en grand nombre; ainsi le radical bit 
(mordre) se trouvait en gothique sous la forme simple bUum 
(nous mordîmes) , à la seconde personne du pluriel du pré- 
sent de l'indicatif, et sous la forme gunée tait (je mordis) à 
la première personne du singulier du même temps. Ce verbe 
bit est devenu en allemand moderne 6ei^en (forme gunée), 
et ce verbe fait au parfait i^ 6ig, bu bi^t, er 6ig (forme non gu- 
née) : te ^i^ fxâf ûuf bit Sung^, il se mordit (sur) la langue. 

Wbiddhi. — Le wriddhi (augmentation, accroissement) n'est 
que le renforcement de la voyelle par elle-même. Lorsqu'un 
A bref, par exemple, reçoit en appogiature un autre Abi*ef, 
leur union forme un A long : A -^- À = A. 

Le wriddi est plus particulier nu sanskrit ; cependant on le 
rencontre quelquefois en latin. 

Ainsi duc bref devenant le verbe long dûcere^ n'est autre 
chose qu'un renforcement de u par lui-même ou wriddhi 
de u. 

Allongement par contraction. — Le latin possède des lois 
de contraction qui ne se trouvent dans aucune grammaire 
et qui n*en existent pas moins. En grec, les dialectes, en 
nous conservant des formes entières, ont fait reconnaître 

' C'est dans l'osque que les diphUiongues primitives sont surtout bien con- 
servées ; car dans le vieux latin et l'ombrien, elles sont déjà remplacées en 
grand nombre par des voyelles simples contractées. Du reste, le vieil ombrien 
est très-pauvre en sons vocaliques; it possède seulement a, e, i, auxquels le 
nouvel ombrien a ajouté o et u. 



LES SONS ET LES LETTRES. 75 

facilement les conlractions. Il n'en a pas été de même du 
latin qui, n'ayant pas de dialectes classiques, ne nous offre 
pas en lui-même de points de comparaison. Ce n'est donc 
qu'en rapprochant attenlivement le latin de Taryaque que 
Ton peut arriver à trouver les lois qui, dans la langue de 
Rome, régissent les contractions. Nous voyons d'abord qu'en 
latin, la conjugaison est contracte : atno = amao^ amas s= 
4tmais, doces = doceis, audis = audits, lêgi = lëlégiy dêdi = 
dëdëdi^ ë(ji = ëgïgij fêci = fïftci^ etc. 

Dans les déclinaisons nous trouvons aussi des exemples de 
-contraction : manu8=mamii$^ manum=manuem, etc., et ces 
formes de conjugaisons et de déclinaisons contractées sont 
presque toujours longues. 

Renforcement par Y et par W. — Les demi-consonnes Y 
et W servent souvent, trop souvent morne, à renforcer les 
racines et les radicaux. 

Y se place non-seulement devant la voyelle extrême U 
<x>mme dans dyu pour ou, mais encore devant la voyelle 
moyenne A (et par suite, devant e et o) comme dans dtasi 
pour DAn. L'importance relative de cet Y prolongeable à vor 
lonlé nuit tellement à l'impression produite par la consonne 
explosive initiale, que celle-ci tombe trop souvent pour ne 
plus laisser subsister que la fin de la syllabe armée de son 
renforcement accidentel, et c est ainsi que le nwv et le dtah, 
que nous citions plus haut, nous laissèrent les formes in- 
organiques YU et YAM^ serrer, lier. 

C'est par le même phénomène d'itacisme que tenêo est 
devenu le français tiens, que certo est devenu en espagnol 
cierto ', que fero est devenu en français fier, en espagnol 
fiero, etc. 

' Le chuintement italien de eerlo (tcherto) a sauvé dans cette langue le mot 
<ertiu de l'itacisme* 



. 76 GRAyMAlRE. 

L'Y furtif intercalaire (voir p. 65) contenu dans un grand 
nombre de mois latins explique la formation du G (J) fran- 
çais dans les vocables, tels que: echancer (=^ excambiare) . 
sifiGe (=5tmmm), piceon (=ptpio), caoe (=eat;^Ta), etc. 
Dans ce dernier exemple, l'Y n'est même pas écrit et. ne se 
trouve que dans la prononciation. 

Quant au renforcement par W, il est beaucoup moins fré- 
quent ; il exige toutefois une mention spéciale, car c'est par 
ce mode de redoublement que ta est devenu TWA, queKAS 
est devenu KWÂS, que us est devenu KWIS [quis latin), que 
TAKsest devenu TWAKS, que dhb est devenu DHW1}, etc. 
Malheureusement, cette intercalaiion d*un W fait trop sou- 
vent perdre au radical sa consonne initiale et TWA devient 
WA de même que DIlWî} se change en HWI}, puis en \VH 
(cf. p. 88)^ 

Allongement par compensation. — Lorsqu'une lettre tombe 
dans une syllabe brève, cetle syllabe brève devient longue : 
pëds^=pës^ miles =^mUët8y arïets = ariêSj novëus=^ novôs^ 
meliônsis (sanskrit = iam) = meliônris = meliOriSj rosàd = 
rosâ, populôd = populo. 

C'est donc sans aucune raison que les fabricants de pro- 
sodie factice ont prétendu que les créments étaient natu- 
rellement longs; ils ne sont longs que parce qu'ils obéissent, 
pour le devenir, à la loi générale de compensation. 

Nous aurions encore à parler ici du renforcement latin 
de H (reste de l'explosive aspirée BH, DH, GH) en là sifflante 
labiale forte F; mais ce phénomène est d'une telle impor- 
tance dans la langue latine qu'il mérite une étude toute 
particulière. Que le lecteur veuille donc se reporter à la 
page 88. 

< L'italien, l'espagnol et le portugais ont consené un grand nombre de ren- 
forceraenls parU (==>V) : iuelo, baeno; pueblo, mueble; àuûtto, mucvere^ etc. 



LES SONS ET LES LETTRES. 77 

o* VARIATIONS PAR PERMUTATION DES SONS. 

Les voyelles sont beaucoup plus fragiles que les consonnes, 
aussi s'échangent-elles entre elles avec la plus grande faci- 
lité; les voyelles extrêmes I et U, qui se rapprochent des 
consonnes par une sorte de demi-articulation (Y et W), sont 
conséquemment beaucoup plus solides que les voyelles 
moyennes A, E, et s'échangent aussi moins souvent. Il en 
est de même des diphthongues AI et AU, formées avec les 
voyelles simples I et U, et qui prennent la force de résistance 
de ces voyelles. 

La grande loi de permutation des voyelles latines est 
celle qui force presque toujours la voyelle radicale à s'affai- 
blir en composition ou en dérivation ; ainsi fxcere devient 
effECtusj puis effjcere; poino devient punire, etc. (Voir p. 73.) 

Les permutations des consonnes ont une tout autre im- 
portance ; car se sont elles qui constituent la forme réelle du 
mot, tandis que les voyelles ne font, pour ainsi dire, qu*y 
apporter une coloration plus ou moins vive. 

Il peut y avoir, entre les consonnes, trois sortes de per- 
mutations : 

1"^ Entre consonnes de différents degrés dans la même 
classe ; ainsi, la labiale P peut devenir B ou F, etc. 

La naso-labiale M remplace souvent en latin la labiale 
douce prolongée aryaqueW; ainsi, nous trouvons Mar^, mer, 
au lieu du sanskrit TFari; de même encore les terminaisons 
thématiques latines en M^, Min, MenI, etc., sont pour des 
organiques ivaa, ivant (sanskr. Van, Faut), etc. (Voir plus 
loin au chap. de la Dérivation.) 

En osque, le BH est presque toujours transcrit en F : 
tuBïiyam = téFe, tàRula = ta¥la, (K)ttBt = miFi (P == K, voir 
plus haut, p. 28), 8àBinu8 = 8a¥inuSj etc« 



78 GRAMMAIRE. 

Dans la même langue le DU devienl aussi souvent F : 
méDia (sanskr. maDHya) =: meFia. 

Les dialectes ombro-samniles afTectionnent en général 
beaucoup IT ; ainsi, on y trouve encore nttFt pour mïRi. 

La permutation entre fortes et faibles est très-rare dans 
les langues classiques. 

Mais les langues novo-latines présentent de nombreux 
exemples de permutation de consonnes, surtout entre ex- 
plosive forte et explosive faible de même classe; ainsi, 
douBle y est mis pour douVle (duplex), àBeille pour àPeille 
(apicula); plus souvent encore les P et les B y sont affaiblis 
en V : hihernum donne /liVer, càBallus donne che\al\ liBer 
se retrouve dans /iVrcJ, deBei^e dans déSoir ; hà&ere devient 
aVotr, oVera devient œuVre; seBum donne sé?Vo, /iiBa donne 
/(îYe, caVillus devient chéSeu^ eViscopus devient éSéque^ etc. 
Quelquefois aussi le changement se fait dans le sens con- 
traire et oSum devient œuF, hoSem devient fcûJuF, noSum 
devient neuF, séBum ou séSum devient swiF, saïSus devient 
«ouF, brebis devient ftr^F, cerSus devient cerF, etc. 

2° Les secondes permutations ont lieu entre consonnes de 
même degré dans des classes différentes : ainsi les explo- 
sives fortes P, T, K, s'échangent entre elles, et les explosives 
faibles, B, D, les imitent, inais très-rarement, etc. 

P, T, K; B, D, G. 

Le P et le T primitifs se retrouvent souvent intacts dans 
le latin, ainsi Taryaque To = Tm, daTas = dalxis; la racine 
STA donne STore comme la racine tam donne Teneo et 
ainsi de suite; pour le P, nous trouvons des exemples tels 
que ceux-ci : Pranas (sanskrit) = P/enus, Pitar (sanskrit) 
= Voter, sarPant (sanskr.) = serPent(s), Pad (sanskr.) = 
fed(s). 

En principe, le G aryaquo demeure aussi en latin : 



LKS SONS KT LES LETTRES. 19 

=:Genus (prononcez Ghenus et non Jenus comme nous lavons 
dit plus haut, p. 64), diaGMii= juGum, etc. 

* U y a toutefois à cette stabilité des consonnes explosives 
aryo-latines des exceptions importantes qu'il nous faut 
examiner. 

T pourK : gr. Tiç=Kt; (inusité), lat. qin$, giii.^ T et P pour 
K : Tt(; et lit; pour Kiç ; Uîùç pour Kô>;. 

Le grec KaKiç, méchantj mauvaUj correspondant au nom 
propre latin CaCt/j, se retrouve dans le sanskrit PâPas. 

En ombrien, comme nous l'avons déjà fait remarquer plus 
haut (page 28), le P remplace constamment dans les pro- 
noms, et même dans d'autres mots, le Q (== C = K) latin et 
le K sanskrit : Vis (gr. Uiç) = Qaî« =Kîs (= Kffs), Vonposmom 
= Quinque8(i)mum (Bronze de Bantia, 10), etc. 

Le B primitif se conserve toujours en latin : Batuo de la 
racine badii, Bu//a.de la rac. br; mais la plupart du temps 
le B organique devient BlI par mélatlicse lorsqu'il y a aspira- 
tion de la seconde syllabe (voir plus loin p. 93), et il suit 
alors la loi générale du BH, qui se change toujours en F dans 
son passage au latin : Fmo, fuisse, de la rac. bhu, être; — 
Foderej de la rac. BHAd pour B^dh (avec métathèse de l'as- 
piration); courber j creuser; — Yrigere, de la rac. bhb, se 
tendre, se roidir, etc. 

Quant au D, outre le changement en G que nous consla- 

* tons en grec : AtJ, y; pour r-^, y;, la terre, Aea^u;, ij, pour 
TeXçu;, la matrice, il éprouve une permutation toute spé- 
ciale au latin, et il devient L ; mais ce cas est très-rare et 
ne se rencontre que dans sept ou huit mots. Nous citerons : 
hacruma pour Hacruma (gr. Say^pupia, sanskr. Daçru), Lingua 
pour Hingua (sanskr. g'i{g)hwa pour DighwUj de la racine 
Mgh, arroser y humecter; sanskr. Dih; cf. en latin Lingere 
pour hingere) ci levir pour D^ir ( = sanskr. Devarei grec 
Aaf|p). 



«0 GRAMMAIRE. 

A rintérieur des mots,' nous connaissons trois formes 
possédant L au lieu du D radical : impéLimentum pour tm* 
peDimentuniy deUcare pour debicare, oLere pour oHere 
(de oDor). Citons encore le grec 'OAuuasuç devenu le latin 
Vhysses. — Dans les langues novo-Iatines, nous trouvons le 
portugais juLgar pour juhicarej etc. 

En osque le D résiste, tandis qu'en ombrien, il devient 
quelquefois R au lieu du L latin. — Du reste, le changement 
de D en R peut se constater dans le passage du latin au fran- 
çais : CustoHë =^ contre (dignitaire d'une abbaye). 

La groupe DV mérite une mention particulière, car, lors- 
qu'il est initial, il lui arrive de se changer en B : DYe//i/m= 
BeUutn^ DVw=Bw, DVoniis (pour DIVonu*, rac. diw, briller^ 
récréer) = Bontis^ Dyene=Bene^ etc. 

Ce changement de DV en B a pour cause Finfluence du V 
sur la dentale qui le précède. 

Au commencement des mots DU a disparu en latin, et est 
devenu F {Vacere delà rac. dha, Fumus de la rac. dhv, etc.), 
sauf dans un petit nombre de vocables empruntés au grec où il 
est reproduit sous sa forme hellénique T11(Ô)=DH : TH^^au- 
niSy trésor ; TEesiSj position, thèse ; Ttiema^ thème (ces trois 
mots issus de la racine dha, poser, constituer, faire); THro- 
nusj trône (de la racine mib, établir); Tllymus, thym (de 
DHV, souffler, respirer, flairer, sentir), etc. 

A rintérieur des mots, le DU primitif devient habituelle- 
ment en passant au latin B : raiMia«= ruB^, TarmbnB= 
v^rBum; et c'est par exception que le radical mdBii a donné 
ruF«« (DH=F comme le DH initial). 

Le G latin devient quelquefois D dans son passage aux 
idiomes riovo-latins : sourl^re de stirGer^, plainJdre de plan- 
Gère, etc. 

Quant au GH, nous n*avons plus rien à en dire, sinon que 
dans le latin, il se change souvent en GV puis en Y (cf. 



LES SONS ET LES LETTRES. 81 

plus haut le G) : le\is=leG\is = leG\lis^ bre\i8 = breG\is = 
breGliiSj etc. 

V, F, S, II, Ç, Y, W. 

Le V primitif passe inlact au latin : }iaVas = no\uSy etc. 
Cependant un Y qui se relrouve originairement après les ex- 
plosives et les sifflantes disparaît le plus souvent en latin, 
quand, se contractant avec la voyelle suivante, il ne forme 
pas uni] (u^mhhi=-cHbi; kwantas^cutict^). Au contraire, dans 
le sanskrit, ce V est conservé : socer = sVocer = sVaçuras; 
sommm = syopnus = sVapnas ; 8oror= sosor= sVasr ; somis 
= sVonus = sVanas^ etc. 

Le S, la seule sifflante dentale primitive, se retrouve en 
latin : Saptan ^ S^p^em, Hmd = Se(l(eo). Mais entre deux 
voyelles, cette consonne devient presque toujours R : so^or 
pour «oSor, geneHis pour tjeiteSis^ muKis pour mwSw, /loRis 
pour /IoSi«, oRis pour oSw, juWts pour juSiSy éRam pour 
eSam (rac. as), liaéRere pour hae^ere, heRi pour feeSi (heSter- 
nus)j noRes pour naSes (naSu^)j oRa pour aSa (se trouve en- 
core dans les inscriptions), laboRis pour laboSis, maioRis 
pour maioSis (sanskr. mahianSam)j etc. On trouve également 
et simultanément R et S au nominatif singulier de mots 
tels que arboS (et arboR), honoS (et honoR)^ etc. 

Celle permutation se retrouve môme djoins les langues novo- 
latincs : vaSSaletus donne en français raR/dî (wallon : vaiiR- 
let)^ et oR fraie vient de oSSifraga. — Mais ces mêmes lan- 
gues nous présentent aussi la permutation contraire deR 
en S : cathedRa = chaiSe pour chaiRe, etc. 

Nous renvoyons au paragraphe où nous traiterons de 
Taphérèsc (p. 88), Pétude de la permutation de II en F. 

M, N. 

L'M primitif est représenté en latin par M : mi 
Ueminij Matar = Uater, 



S2 GRAMMAIRE. 

L'N dentale est la vraie nasale primitive et se trouve re- 
produite en latin : KmU-='Sec(are)y Naman =^lSomen , k««= 
No«, etc. 

Mais TN au milieu des mots a toujours la plus grande 
propension à disparaître : on trouve quelquefois môstritm pour 
moN^frwm, de môme que les Italiens, les Espagnols et les 
Portugais disent mostrare et mostrar pour moSsirarCj et que 
nous disons nous-mêmes môsieuripouT monsieur. 

L'M et TN s'échangent entre eux avec la plus grande 
facilité quand ils terminent un mot et qu'ils ont uneasson- 
nance sourde ; ainsi en grec, c'est le N qui termine les sin- 
guliers des noms neutres et les génitifs pluriels ; en latin, 
au contraire, c^est VU qui est employé. Ce changement a 
même lieu dans l'intérieur d'un mot, mais toujours à la fin 
d'une syllabe. Dans ce cas, l'euphonie exige souvent l'inter- 
calation d'un B ou d'un P parasite après l'M terminal de la 
syllabe. Ainsi, on dit sumVsi pour sufnsi; promPsi pour 
promsi] cotnBler pour comlei\ syncopé de cumulare; tremhler 
pour tremlei\ syncopé de termiUare, etc. C'est alors une véri- 
table assimilation euphonique. 

Quant au changement de M en N ou réciproquement lors- 
que ces nasales sont initiales, il est extrêmement rare ; nous 
citerons seulement ^esple ou 'Nejle pour le latin UespUum 
(wallon Uesple)^ — Mappe pour ^appe^ lat. Uappa^ — 'Satte 
pour Uatte^ lat. Matta. 

Beaucoup moins rare quoique peu commune encore est 
la permutation de N en R et en L. 

Le sanskrit ANj/ffs devient en grec aAAo; et en latin aLiws, 
tandis qu'ANj/d^aras ou XNtaras devient àAAc-pio; et aller ; 
le lalin a^ima donne à l'italien «Lma, et ve^eiio devient 
véLeno; pour les changemenls d'N en R, nous citerons le 
français diacRe de diacoNdy et un assez bon nombre de mots 
espagnols tels que homb^e de homiN^, dulcedumbRe de dtdce- 



LES SONS ET LES LETTRES. 85 

ludïSey certidumbRe de certitudiNcy servidumbRe de servit a- 
diUe^ etc. — N devient L dans orphàNus^^orphéLviy etc. 

R, L 

Nous avons déjà signalé (p. 55) rindifférence presque ab- 
solue de lu et de TL en latin, et nous ayons donné à l'appui 
des exemples tels que auguRahis^ moRtaUsy singuLaRisj où 
la lermînaison est tantôt oRis et tantôt alis^ selon la lettre 
qui se trouve dans le thème, Teuphonie demandant autant 
que possible, la variété des consonnes dans les mêmes 
mots. 

Nous avons aussi indiqué le remplacement du D par TR 
(p. 80) et les permutations de TS et de l'R (p. 81); nousn*en 
avons pas fmi, cependant, avec les variations phonétiques 
Aes prolongées linguales R el L. 

De ces deux vibrantes, l'L étant de beaucoup la plus facile 
à prononcer, prend souvent la place de sa sœur l'R. Déjà 
dans le sanskrit, nous trouvons constamment cet affaiblisse- 
ment de PI!, de PAR en PAL, de PRU en PLU, de GAR en 
GAL, etc. Mais nous en avons bien plus dans les langues 
européennes ; ainsi le latin Léo (cf. gr. Mm ; sanskr. La- 
van) pour R^o, de la racine b, déchirer, rompre. GaLLus, le 
coq, le crieur, est pour GaRRus (cf. GûRRi)*^) de la racine 
«R, crier y annoncer; muLgere^ traire, est pour muRgere, de 
la racine mites ; Lucere pour gLucere devrait s'écrire Rucere 
(cf. zend [celle langue n'a pas d'L] Roxana, la brillante) comme 
venant de la racine i^qt, briller , luire ; ceLer el ceLeber de- 
vraient s'écrire ceRer et ceReber^delei racine kr, aller , s" élan- 
cer , s'élever au-dessus des autres ; nous pourrions citer cent 
autres exemples qui n'ajouteraient rien à notre démonstration. 

Dans les langues novo-Iatines, nTous trouvons assez sou- 
vent, au contraire, TL latin devenant ou plutôt redevenant 
R : Uicinioluèy epistoha, apostoLus, tituLuSj capituLunij ca- • 



8i GRAIDIAIRE. 

tuLùy scandaLum deviennent en français RossUjnol^ eyn'/Rif, 
apôt^ey tURe^ chapitRe^ chartRe^ esclandRe; mais c'est sur> 
tout dans le portugais que nous trouvons celte permutation : 
pRaga àepLafia^ pRazer de pLacere (fr. pLaire)^ pRantar de 
pLantare (fr. pLanter); — boRsa (ital.) ^boiiRse devenant en 
espagnol boLsa, etc. 

Dans un grand nombre de vocables des langues novo-la- 
tines, nous aurons donc l'échelle suivante: R — L — Y. Car 
les deux liquides Tune vibrante, L, l'autre sifflante Y passent 
volontiers de Tune à Tautrc : àAAs; = iXtoç = lat. aLias = 
sanskr. anYas\ ou bien, en sens inverse, les mots italiens 
piano, cMaro, placere pour pLanutrij cLanan (pour pLanô, 
cLarô) pLacere. 

Quelques mots oITrcnt à la fois les trois phénoincncs ; 
ainsi : PRa/ms (sanskr.) = VLeuus (lat.) = VLein ((ranç.) = 
Vleno (italien) r^ LLeno (espagnol). 

Quelquefois même, mais très-rarement, TR latin se change 
directement en Y dans les langues romanes : FibmàRius = 
FebralOy JanuaRtus-= Jennalo, etc. On peut encore constater 
sur place cette facilité de permutation entre ÏR et TY. Dans 
une même ville d'Italie, à Florence, par exemple, on entend 
également dire muoRo (je meurs) et muolo, tnoRiamo eimuo- 
lomo, etc. Cest par la même loi que I(» enfants disent tu\é 
et fuL^pour cuRé et que certains patois adoucissent coRRidor 
en coLLùIor, etc. 

Enfin, l'L final précédé d'une voyelle est souvent absorbé 
par cette voyelle et en arrive ù ne plus former avec elle 
qu'une diphlhonguo, et alors on a OL = OU : fOL/is=/OL, 
/OU; AL = AU : cabALlus = cftet;AL, chevAJJ (chevau-léger) ; 
IL ou EL = EU ou EAU; capILlus= c/iifveL, chevW] bELlus= 
beLy frEAU,ctc. 

La troisième espèce de permutation a lieu entre consonnes 
d'ordre différent dans la même classe : les deux seules 



LES SONS ET LES LETTRES. 85 

classes possédant chacune deirx ordres difTérents sont les 
dentales et les palatales. Les dentales se divisent en dentales 
ordinaires et en cérébro-dentales ; mais nous n'avons pas à 
nous occuper des échanges de cette classe, l'ordre des 
cérébro-dentales ne se retrouvant que dans le sanskrit. Quant 
aux permutations entre palatales simples et palatales chu- 
chotantes, elles jouent un grand rôle dans les langues novo- 
latines aussi bien que dans le sanskrit et d'autres idiomes 
congént^res ; nous avons déjà vu que les idiomes ombro- 
samnites y étaient soumis et nous avons cité petCllelum = 
peCCùtum. 

Ce phénomène d'affaiblissement est connu sous le nom de 
chuintement ou pahtalisme. Le latin et le grec sont presque les 
seules langues indo-européennes qui s'en soient préservées et 
qui aient conservé pures les palatales K (C, Q) et G, et c'est, 
eu partie, ce qui donne à leurs radicaux une si grande su- 
périorité sur ceux. des langues congénères. 

Ce chuintement est la grande maladie des langues ro- 
manes, et, sous ce rapport, c'est le français qui a le plus 
souffert. En effet, tandis que l'Italien dit Cantar (de Cantare) 
et Cavallo (de Caballus)^ l'Espagnol Cantar et Cabalto^ le Por- 
tugais Cantare et Cavallo, le Provençal Cantar et Cavaou, Ca- 
valu ou Cavalot, le Roumain a Cantà et Ca/, le Français dit 
CUanter et CEeval ; mais les formes conservées par les pa- 
tois et les vieux manuscrits nous donnent la certitude qu'il 
a commencé par dire TCttanter, TClI^al; de même que les 
Italiens disent Cicérone {TCWitchei^one) le même mot que les 
Latins disaient JiiKero et que nous prononçons nous-mêmes 
ÇiÇeron, 

Le G a suivi la même loijeiGeneralis est devenu îiJenerale 
puis Général (Jénéral). 

La loi de chuintement dans les langues romanes est donc 
celle-ci : 



8G GRAMilAIRIi:. 

Les palatales fortes K et & commencent par s^analblîr en 
K' (tche) et G' {dje} pour devenir enfin dans un troisième 
état d'altération G {che) et J (je). Elles arrivent au second 
degré en se préposant une dentaje et au troisième en prenant 
une labiale sifflante (c/i), suivant ainsi les lois naturelles de 
l'affaiblissement du son, lois par lesquelles on passe des 
palatales aux dentales, et des dentales aux labiales, les plus 
faciles de toutes les consonnes à prononcer et à étudier. 

Les mots français appartenant à la formation savante 
(voir p. 29) sont, bien entendu, en dehors de cette loi de 
chuintement; ainsi, à côté de chanteur et de chevalier^ mots 
de formation primitive ou vulgaire, nous avons cantatrice et 
cavalier^ vocables de formation secondaire ou savante. 

Le G' {dje} roman provient aussi très-souvent de la sif- 
flante palatale vocalisce Y par l'intermédiaire de J. Ainsi, 
luvenis^ lubilatio^ ludicare^ \umentOy en français Jeune^ JtiW- 
lation^ Juger, Jument, deviennent, en italien, Giovine, Giubi- 
lamne, Gludicare, Giumento. 

Le renforcement de Y (i sifflé devant une voyelle) est iné- 
vitable toutes les fois que cet Y est précédé d'un D; pronon- 
cez rapidement DYA (DIA) et DYO (DIO), et vous entendrez 
DJA, DJO, c'est-à-dire que le Y sera renforcé en J et se con- 
fondra dans une seule articulation complexe avec le D qui le 
précède : Dlurnus (du thème diwa, jour) devient, en italien. 
Giorno (DJor/io), envieux français, Jor«, notre Jour. 

\'* TARIATIONS PAR SUPPRESSION DB SONS. 

Les variai ions phonétiques par suppression 'de voyelles 
ou de consonnes, voire de syllabes entières, sont de trois 
espèces : tantôt c'est la tête du mot qui est atteinte et sup'* 
primée en tout ou en partie ; tantôt c'est dans le cœur même 
de ce mot que quelque syllabe ou quelque lettre disparaît; 



LLS S0:JS et les lettres. 87 

tantôt enfin, c est à la terminaison que s^attaque celle dé- 
plorable destruction. 

La première de ces maladies des vocables est nommée aphé- 
rèse^ c'est-à-dire action de retrancher, d'enlever (i^aipeçiç, de 
içatpé<i>). Cette maladie est, en général, très-rare; ainsi, 
<x>mme aphérèse syllabique, nous citerons le sanskrit iVfi, 
homme, pour A%n (grec dr/iQp), en latin ^ero pour A^ero; le 
sanskrit Hantas, dent (latin Hens) pour Xdantas, comme le 
prouvent la racine ad, manger, le grec 'Oîsu; et le latin edere, 
et non pas dere, manger; le latin sum, snmus, sunt, pour 
Esum, zsumus, ïisttnt. Les apliérèses syllabiques sont encore 
plus diflQciles à trouver dans les langues modernes; nous ci- 
terons le français oncle pour avoncle (avunculus), Titalien 
storia pour istoria (historia), stimare à^estimare, stratio de 
extractus; l'italien v^^covp, et le portugais bispo pour episco- 
[Ms (espag. obispo), etc. 

Cequiest beaucoup plus fréquent, c'est Taphérèsede la con- 
sonne initiale du mot. Cette aphérèse a lieu surtout lorsque 
cette consonne initiale est une explosive suivie d'une voyelle ou 
d'une consonne prolongée, ou bien d'une aspiration : buv, 
courber, tordre pour DmirB, qui lui-même a survécu; ivi,en 
deux pour dwi; }J(jlc; pour rXtiJi^(;; nomen pour Gnomon; 
cmare pour Kamare (skr. = Kam), lux pour Glux (rac. cb, 
briller), ltû>ido ipouvGlubido (rac. csLLbh devenu en sanskrit 
L[/bh). Cependant il n'y a pas que les explosives ou les aspi- 
rées qui puissent subir l'aphérèse; ainsi, nous avons le pro- 
nom sanskrit aham, je ou moi (latin Ego), qui a laissé tom- 
ber la nasale de Hagham; mais ces exemples sont beaucoup 
plus rares, et celui que nous venons de citer doit peut-être 
son origine aux frottements naturellement très-considéra- 
bles que subissent les pronoms, mots de tous les jours et de 
tous les instants. Le grec a beaucoup plus d'aphérèses que 
le latin ; il me suffira de citer le F initial qui tombe presque 



8H CRAMMAIIIE. 

toujours dans ses différents dialectes, excepté dans rêolien. 

L*aphérèsc attaque surtout, en latin, les explosives faibles 
B, D, G, et c*est ici que nous devons parler d'un phénomène 
auquel nous avons déjà plusieurs fois fait allusion. 

La consonne initiale H n*est pas primitive; tous les mots 
commençant en latin par II ont subi Taphércse d'une con- 
sonne explosive faible B, D, ou G. Cette aphérèse s'explique 
facilement : Texplosive, étant une consonne essentiellement 
brève, a fini par disparaître complètement devant l'aspirée 
gutturale plus forte et plus prolongée, et nous avons eu ainsi 
Ht/um ^ au lieu de BHt/um, le fil (rac. bhi, porter)^ ïlomoin) 
au lieu de Bllomon, V homme (rac. bhu, être)', Uumor au lieu 
de GllUmor, V humeur (rac. csav, répandre^ humecter) ; Hora 
au lieu de DHtt'ora, T/ieure (rac. dhivb, courber, tourner)^ 
lliems au lieu de GHiems (sanskr. Gllima^; de la rac. «n, 
verser^ disperser) j etc. 

C'est là la grande maladie du latin, et le sanskrit, qui sou- 
vent lui est inférieur pour les radicaux, le bat ici sur son 
propre terrain; mais c'est surtout le lithuanien qui, sur ce 
point comme sur tant d'autres, l'emporte complètement sur 
toutes les autres langues indo-européennes. 

Malheureusement, la décomposition des formes radicales 
primitives BlI, DH, GH, ne s'est presque jamais arrêtée, en 
latin, à la chute delà consonne initiale et au triomphe de l'II. 
Le plus souvent, l'II elle-même, au lieu de rester aspirée 
gutturale, a pris un caractère plus tranché, une émission 

us franche et plus facile, et elle est devenue la sifflante la- 
biale forte F. Ainsi, à côté de Hi/um, nous trouvons Ft/um, — 
à cjté de HircuSy Fircu*, -r- à côté de ILoedus, Yoedus^ etc. 
Souvent aussi, la forme F est seule restée, et nous voyons 
Yacere pour HUXcere (de dha, poser , faire j constituer)^ Yoe- 

* Le tiile, fil qui soutient le grain et le rattaclic au plaeetiia. 



LES SONS ET LES LETTKES. 89 

mina pour îittoemina (de la rac. dhi, allaiter), Yrater pour 
Bllrater, Yrère (de bhb, porter j soutenir, protéger)^ Fertis 
pour ÎMXrus, ¥ier( de du, dompter j vaincre, braver), Yumus 
pour DHUrnu^, Fumée (de dhu, souifler, brûler, fumer), 
Yeram à côté du sanskr. BHarâmi (aryaque BBarAmi) Fiimus 
à côté de nmAWLmmm,F ervor à côté decsHArvM, etc. Nous trou- 
vons des mots dans lesquels toute trace des groupes aspirés 
BH, DH, GH a disparu. Ainsi Férus, fier (de la rac. nta^, 

m 

dompter) se retrouve sous la forme ïlerus, qui devient lui- 
même parfois dans Torlhographe erus, le maître; GEolus 
(rac. csHB, briller, luire^ colorer) = llolus, et enfin olus^. 

Cette chute des aspirations est complète en italien et pres- 
que complète dans les autres langues novo-latines. C'est 
Tespagnol qui en a le plus conservé. Dans celte langue, par 
un bizarre retour, le F latin est redevenu H; ainsi, nous trou- 
vons llijo de Filius, lloja de Folia, Wacer de Facere, etc. 

D'autres fois, en latin et surtout dans le système prono- 
minal et dans les terminaisons adjectives, BH, DU, GH ont 
simplement laissé tomber leur aspiration et sont devenus B, 
D, G, mais ce changement a toujours lieu alors dans Tinté- 
rieur des mots: amBHa==amBo, le radical /uBH donne Tinu- 
sitë luHere (luBet), mmnBjmm = meDius, conHere issu deoHA, 
De, de haut en bas, pour aDe=mSBmm, etc. 

Nous pouvons même citer un exemple de la chute totale 
d'une aspiration au milieu d*un mol : via=^vellia {vellere)= 
veGliia (de la racine ▼•«■). 

La syncope ^(^Jp'.07Wl, coupure, entaille, de cy7/,5zT(i), rompre, 
déchirer par le milieu) est beaucoup plus fréquente que Ta- 
phérèse, et se trouve déjà dans les langues classiques. Nous 
citerons seulement la racine «ama savoir, connaUre, qui de- 
vient «NA (lat. nomen pour Gnomen; sanskr. naman pour 

* Cf. plus haut, p. 7G et 81. 



00 ORAMMÂIRE. 

Gnaman)^ tandis que le grec a conservé ''Ovoixa avec aphérèse 
du G, rcvs[jL9t; PARA, en avant, devient wwuk^ xps, pra; hama, 
se souvenir {memini)^ devient hka ({AtiAVTj^sui)), etc.. Cette sup- 
pression rend la parole plus rapide et condense Tidée sous 
une forme plus brève, sans avoir Tinconvénient de rendre la 
racine méconnaissable. 

Il n'en a pas été de même dans les langues novo-latines. 
Ces langues ont tellement abusé des syncopes, qu'il est sou- 
vent presque impossible de reconnaître la filiation des mots ; 
nous citerons quelques exemples français de formation po- 
pulaire : vier de negare^ lier de ligare^ louer de laudare et de 
locare, dore de claudere^ métier de ministerium^ châtier de 
eastigare, dette de debitum^ moustier de monaslerium^ blâmer 
de blasphémer^ caresme de qtiadragesima^ parole de para-- 
bola^ etc. 

En provençal, nous rappellerons seulement fe (fide) et 
graniaire (Granatoriô, bas-lat.); en italien, maestro (ma- 
gislro), et ampliare (amplificare) ; en espagnol, pe% (piscê) et 
/lonrar(honorare); en portugais, dono (domino), dotia (do- 
mina) et bispo (episcopo); en roumain, cal (caballus) et 
a^ san (saltare). 

Le français surtout, parmi les langues novo-lalines, a 
souffert de la syncope, mais quelquefois Torthographe a re- 
médié en partie aux inconvénients de cette suppression de 
sons. Lorsque, par exemple, une syllabe accentuée perd une 
lettre, cette syllabe devient toujours longue, conformément 
à la loi générale de compensation (voir plus haut, p. 76), et 
nous indiquons cette circonstance par un accent circonflexe. 
C'est ainsi que nous écrivons âme pour anme^ nôtre pour 
nostrey être pour esire^ août pour aonst^ carême pour caresme^ 

* En roumain, lous les verbes à l'infinitif sont précédés de la préposition a ; 
a ave, avoir; a face, faire; a aduce, apporter, etc. 



LES SONS ET LES LETTRES. 91 

apôtre f)Our apostre, âne pour asiiCj côté pour costé^ blâme 
pour blasme, éternûment pour éternuement, remerdment pour 
remerciement, etc. Relativement à ces deux derniers mots, 
nous ferons observer que le e sourd intercalaire tend partout 
-à disparaître dans la langue française, et à élre remplace 
par un ^. C'est ainsi que le mot dévouement j qui conserve 
encore cet e dans les dictionnaires, s'écrit le plus souvent 
dans l'usage dévoûment. Par contre, c'est à tort que Ton écril^ 
presque toujours, et que Ton imprime même quelquefois des 
mots tels que idiome avec un accent circonflexe :tdidm^; ce 
mot venant du grec fô{(i){juz, langage particulier, et ne perdant, 
par conséquent, aucune lettre, ne doit pas plus s'écrire 
avec im ^, à cause de l'oméga primitif, que anthropologie 
(deàvOpwroç), monopole (àe [f.z^fO'RtùXiaL) prote (de wpwToç), etc., 
qui tous, comme on le voit, proviennent d'un w, et que per- 
sonne n'a l'idée d'allonger par cet accent circonflexe. 

Lorsque la terminaison du mot tombe ou se dissout, on 
dit qu'il y a (î})ocopg (diTcoxoinf;, action de retrancher). L'apo- 
cope est un fait fort rare dans les langues anciennes ; le grec 
laisse tomber les T à la lin des mots : IXus = IXust ( = èXùsii) ; 
ïftpz=ïoiptx ( = l©£pcTi); en latin, nous pouvons citer seu- 
lement la chute de Vs du nominatif ou de Tablatif pluriel : 
Dominu pour Dominas, omnibu' pour omnibus, ou bien celle 
de la seconde personne du singulier de certains verbes dépo- 
nents : delectare à côté de delectaris, etc. On rencontre aussi 
parfois des accusatifs singuliers qui ont perdu leur m : lue 
pour luem, rue pour ruem (= ruinam). Cf. p. 65. Ce sont le 
des cas fort rares qui ne se rencontrent pas dans la langui^ 
cla sique, mais seulement dans de vieux monuments ou dans 
le sermo vuhjaris. 

Cicéron nous apprend que de son temps il était devenu 
de mode, parmi les gens de la campagne, de ne plus faire 
entendre Y s désinentiel et de le laisser complètement tom- 



99 GRANMAinL. 

ber, fait dont nous venons de citer des exemples. En om- 
brien, on conservait souvent 1'^ désinenliel, mais aloi's la 
voyelle précédente tombait; on trouve ainsi Pffmpatîaits pour 
Pitmpaiianus^ Cevs ipourCevis (=civis), etc. 

Le latin classique a laissé tomber 1'^ terminal à tous les 
nominatifs pluriels masculins de la seconde déclinaison : 
Domini pour Dominis. L'ancien latin, plus conservateur, sur- 
tout dans les noms propres, dit encore Sulpidis et non Sul- 
piciiy Claudiis ou Claudis et non Claudiij etc. 

Dans les langues romanes, issues du sei^mo vulgaris^ lapo- 
cope, favorisée par l'ignorance et par la prééminence de 
l'accent tonique, a tout envahi. La syllabe accentuée a fini 
par dévorer ses voisines, et surtout celles qui la suivent, el 
comme, dans le latin et les langues novo-lalines, l'accent 
tonique est placé régulièrement sur la syllabe pénuUiéme, 
quand elle n'est pas brève, il en résulte que, en provençal, 
en italien, en espagnol, en portugais et en valaque, la der- 
nière syllabe s'entend à peine, et que dans le français elle a 
complètement disparu. Le latin caballô (ace. decaballus) est 
devenu cavallo en italien, el en français cheval ; cependant cette 
chute de la dernière syllabe, cette apocope syllabique n'a 
pas toujours lieu dans notre langue, et péi*e, tii^r^, etc., sont, 
au point de vue lexiologique, les correspondants esacls de 
padre^madre, eidepatrem, matremy eic. 

Du reste, nous n'avons nullement la prétention de donner 
un aperçu, même incomplet, sur Tapocope dans les langues 
romanes; la chute, aujourd'hui complète, des désinences la- 
tines dans toutes ces langues, rend impossible une pareille 
tentative; car ciler les mots qui, en français, en provençal, 
en italien, en espagnol, etc., subissent Tapocope, ce ne se- 
rait rien autre chose que copier aux trois quarts les vocabu- 
laires de ces idiomes. 
Il nous reste à étudier, avant de passer aux lois d'assimi- 



LUS SONS ET LES LETTRES. 93 

lation, une variation phonétique qui n'appartient à aucune de 
nos trois grandes subdivisions ; je veux parler de la métathèse. 

Lorsqu'il y a transposition d'une voyelle ou d'une con- 
sonne de la place qu'elle occupait dans l'élat organique pre- 
mier à une place indiquée seulement, soit par la facilitation 
de rémission, soit par une Trttraction quelconque, on dit 
qu'il y a métathése (;i.ETà=aprcs4-T{ôr,iJLt, je place). 

On a beaucoup abusé de la métathése avant la création de 
la philologie comparée, et on doit, même aujourd'hui, ne 
tirer de cette sorte de variation phonétique des déductions 
étymologiques qu'avec la plus grande réserve; et cependant 
il est utile que nous en donnions ici quelques notions spé- 
cialement appliquées à la langue latine. 

Dans celte langue, on trouve surtout des métathéses d'as- 
piration d'une syllabe à une autre ; par exemple, dans un 
grand nombre de cas, l'H de la seconde syllabe organique 
passe après la consonne radicale de la première, et tend ainsi 
à la faire changer en F en l'absorbant complètement ; c'est 
ainsi que BAdh (caver, creuser) est devenu BHAd, puis 
FOd dans Fodere, fouiller, creuser; de môme un autre 
thème wukdh (serrer, lier) est devenu miAd, puis ¥Ad dans 
FAsm, lien, faisceau, et FAsci^, bande; de même encore 
lUdh (tourmenter, fatiguer) est devenu BHAdii, puis FEd 
dans YEssus pour FEo^ttô, fatigué. Les langues novo-latines 
nous fournissent un bon nombre d'exemples de métathéses ; 
nous citerons les suivants : fromage pour formage (forma- 
ticum); brebis pour berbis (vervex); tremper de tempe- 
rare, etc. 

Dans nos racines àryaques, nous rencontrerons plus d'un 
exemple de métathése ; pba pour pab, tbi pour hb, wla 
pour AB, Msv pour SKtJ, MBA pour siAB. II en sera de même 
dans les idiomes dont nous comparerons les vocables h ceux 
du latin. 



96 GRAyMAlRE. 

La seconde est Tassimilation régressive qui a son effel sur 
la lettre précédente, el qui est de beaucoup la plus com- 
mune; ainsi, au milieu de centaines d'exemples, nous cite- 
rons au hasard les suivants : pueUa=puerla; sella = s€dla; 
pçno z=:posno ; juilex :=ju$(lex ; idem = Uidem ; lapillu8=la' 
pidlus; quippiafn=^ quidpiam; castus:i=cadtus; ca$tos=:cudtos; 
appetitus = adpetitus, elc. On voit qu'en latin celte assimila- 
tion attractive fait surtout sa victime du D. 

Dans les langues novo-latines, et surtout en italien, on va 
encore plus loin; ainsi, /izCT«« devient /iiTTo, aCTus elflPTtw 
deviennent tous deux aTTo, oTTimus devient oTTimo, direCTus 
devient diriTTo, leCTus devient lelTo, peCïus devient peTTo, 
proCSimus devient proSSimo, maCSimus devient maÇSimo, etc. 

Mais cette attraction n*a pas lieu seulement sur les lettres : 
on la voit encore dans les mots les uns sur les autres. Ainsi, 
dans le vers de Virgile (i£n., I, 573) : 

Urbem quam statuo, vesira est : subducite naves..., 

urbem devrait être au nominatif : urbs^ et il n'est à Tac- 
cusatif que par assimilation au quam^ qui suit, et qui, lui, 
est à l'accusatif comme régime de statuo. Ceci est une assi- 
milation régressive. 

Le français présente aussi des exemples d'assimilation ; 
ainsi, le vers de Boileau : 

CVst à vous, mon esprit, à qui je veux parler 

contient une assimilation progressive ; à qui est pour que, à 
cause de à vous du commencement du verbe. De même en- 
core, lorsque nous disons : ce sont là leurs crimes, nous 
mettons : ce sont là pour cest /à, qui serait plus correct, par 
assimilation au pluriel crimes. 



II 



LES TROIS PARTIES ESSENTIELLES DU DISCOCRS 



En dehors du cri exprimant d'une manière inslinclive les 
émotions de rame, le langage humain ne connaît que deux 
fonctions : 

Indication des objets perçus par les sens à l'aide des gestes 
oraux monosyllabiques appelés vulgairement et mal à pro- 
pos pronoms^ et peinture, au moyen de syllabes imilatives 
monosyllabiques, que Ton nomme verbes^ des actions exer- 
cées par les élres que ces pronoms représentent. 

Nous aurons donc à étudier seulement trois parties primi- 
tives et essentielles du discours : 

!• L'isTERjECTiox (écho des affections de l'âme), 

2* Le PR050M (indication de Tôtre), 

5* Le VERBE (expression de faction accomplie par l'être). 

g 1. L'INTERJECTION. 

VvtterjectioHj que l'on appellerait beaucoup plus juste- 
ment exclamatioHj est un cri spontané de Tâme exprimant 
d'une manière instinctive toutes les sensations de joie ou de 
douleur, de crainte ou d'espérance, d'amour ou de haine, 
d*admiration ou de mépris, etc. 

C'est l'interjection qui constitue le fond du langage des 
animaux; ils y ajoutent seulement quelques cris d'appel ou 

7 



98 GRAMSIAIRE. 

d'indication qui ne sont autre chose que des pronoms à Tétat 
rudimentaire. 

Il est impossible, dans une démonstration écrite, d'étudier 
d'une manière suffisante les interjections. 

Le son de voix, le geste, le coup d'œil, et tout ce qui con- 
stitue la mimique de la parole est nécessaire à l'intelligence 
de cette partie du discours, et sur ce point, un plissement de 
front, un coup d'œil ou un simple mouvement de bras en di- 
sent plus que des volumes. 

L'interjection est, à elle seule, un langage complet, le plus 
musical, et le plus expressif; ce qui le prouve bien, c'est 
que le langage ordinaire a besoin, pour peindre tous les sen- 
timents qu'il doit représenter, d*une grande quantité de sons 
et de signes, tandis que Tinterjcction peut rendre toutes les 
idées, toutes les passions, indépendamment de tout autre 
mot*, avec un seul son, une seule voyelle, précédée ou 
suivie d'une aspiration rendue dans l'écriture parll. 

La voyelle inlerjeclive par excellence est TA, le son pur, 
l'émission de la voix parfaite. Après ce son, on trouve le plus 
souvent E et 0. 

En latin, il est très-rare que Ton rencontre l'A sans aspi- 
ration : 

A, potius pereant lacrym'B, pereanlqiie querelœ ! 

(LucAN., VII. 55.) 

Le plus souvent, rinterjection s'écrit Ail, et quelquefois 
encore \ rencontre, avec une espèce de redoublement : AU A : 

AlIA! lace... 

(Plaute. Truc, IV, IV, 56.) 

— Cf. Priscien, 570, P. 



* ff Videtur affeetum liaberc in scse verbi et plenam motus animi significa- 
tionem, etiainsi non addalur Terbuni...i (Priscian., XV, 7, p. 655j cdit. KrelU.) 



PARTIES ESSENTIELLES hU DISCOURS. 99 

De même, E a donné naissance par redoublement à EIIE, 
HEHE, EHEM, exclamations d'étonnement ou de joie, àEHEU, 
exclamation de douleur, hélas ! et enfin à EHO, qui exprime 
surtout l'interrogation, le commandement, le reproche, etc. 

Quant à ou OH, qui exprime les sentiments les plus di- 
vers, il a donné OHE et EVOHÉ, OHO, OHOHA, etc. 

Souvent, et surtout dans les interjections de douleur, la 
voyelle se gune par l'addition d un I à la voyelle principale, 
et devient alors AI, El, 01, et avec redoublement AIAII 
AIAlAIiElËI! OIOIOIM Quelquefois cette exclamation aigui- 
sée est renforcée, soit par un U, comme dans le grec oiail 
devenu en latin YAE, soit par une consonne, ordinaire- 
ment par une explosive simple ou aspirée, comme xai, i:c(, 
avec redoublement xaica{ et ^iroî. La première de ces excla- 
mations a été transcrite dans le latin PAPAE '. 

L'explosive est quelquefois suivie d'une liquide roulante^ 
comme on en trouve un exemple dans PROH ou PRO. 

Nous avons ^u tout à l'heure que le signe graphique d'as- 
piration pouvait se placer avant ou après la voyelle; nous 
avons cité des exemples de ce dernier cas ; parmi les. inter- 
jections qui appartiennent à la première catégorie, le latin 
emploie surtout HEI, hélas ! interjection de douleur ou de 
malédiction; — HEU (grec çsu !), exclamation de douleur, — 
HEUS, cri d'appel, — IIU et HUI, oh! ouais! expression d'é- 
tonnement et de moquerie, etc. 

C'est à dessein que nous avons omis, dans ces courtes 
notions, les locutions exclamatives qui appartiennent au 
langage articulé, tels que, en latin, agcy bénigne^ Pal (pour 
Pollux)j ecastor (exclamation particulière aux femmes), etc. 



* Le grec of/uioc est composé de or + /Aec= Malheur à moi! Hélas! 

' Remarquez que YA£ et PAPAE sont semblables au grec oùsc et ira:ca/, et 
comparez ce que nous avons dit plus haut (p. 61) de la prononciation de la 
diphthongue AI » (dans l'écriture) AE. 



100 GRAMJilAlRE. 

Ces expressions ne sont pas des interjections , car Tes- 
sence de Tinterjection est d'être un cri de l'âme sans autre 
signification que celle qu'il reçoit du timbre, de l'intonation 
et de la modulation de la voix, et ces mots peuvent parfai* 
fement s'expliquer lexiologiquement. Nous avons en français 
une foule d'expressions analogues, telles que merci! bien! 
vraiment ! bravo ! (emprunté à l'italien) malheur ! etc. 

§ 2. LE PRONOM. 

Pour qu'il y ait pronom, il n'est pas du tout nécessaire 
qu'il y ait remplacement du substantif, comme semblerait 
l'indiquer le nom môme de cette partie du discours (pro + 
nomine=à la placedu nom), et les définitions des gram- 
maires classiques. Par exemple, lorsqu'un enfant désigne du 
doigt un cheval qui passe, et qu'accompagnant son geste vi- 
sible d'un geste sonore, il s'écrie a, ta ou da, il ne rem- 
place pas le mot cheval, qu'il ne connaît pas, par cette syl- 
labe A, TA ou DA, et pour une bonne raison : c'est que la 
simple indication d'un objet ne peut remplacer la dénomina- 
tion de cet objet, opération beaucoup plus compliquée, puis- 
que, au lieu d'un simple geste, on a alors une description 
toujours composée de l'indication {protiom) de l'objet unie à 
une syllabe imitalive (verbe) désignant une action ou une 
manière d'être particulière à cet objet, action ou manière 
d'être que notre esprit a conservée pour lui servir de moyen 
mnémonique. Lorsque nous disons, par exemple, le mot 
aryaque pauut (lat. PAter), nous attirons, au moyen du suf- 
fixe pronominal tar, l'attention de l'esprit sur la racine ver- 
bale PA, sustenter, nourrir, et PAcar équivaut ainsi à l'être 
(celui-là, tar), nourrisseur (pa). Il y a là, dans ce nom comme 
dans tous les autres, sans exception, une indication de fonc- 
tion, une idée de rapport qui n'existe jamais dans une syl- 



PARTIES ESSENTIELLES DU DISCOURS. 101 

labe pronominale indicative de l'objet lui-môme. La seule 
idée que nous trouvions dans les pronoms indo-européens, 
outre l'indication de l'objet, c'est celle du plus ou moins 
grand éloignement de cet objet de la personne qui parle, le 
point dans Vespace et, par assimilation, dans le temps où se 
trouve placé cet objet. 

TA, SA, dont le premier est quelquefois remplacé par wa 
(cf., plus haut, pp. 28, 79), sont les indicateurs du point le 
plus rapproché, — nik et ka ceux du point le plus éloigné : 

TA, SA, HA, NA. 

Ce sont donc là les pronoms démonstratifs; les pronon^s 
déterminatifs a et i servent à déterminer d'une manière 
plus précise le point de l'espace ta ou de Tespace ma oc- 
cupa par l'objet. A et i sont donc secondaires à ta, sa et à 
HA, NA. Le but tout spécial de cet ouvrage ne nous auto- 
rise pas suffisamment à étudier la raison qui fait que ta 
désigne des objets éloignés. D'ailleurs, nous aurons occa- 
sion, au chapitre de la dérivation, de revenir sur cette ques- 
tion. Nous abordons donc immédiatement l'étude des pro- 
noms latins comparés à ceux des langues congénères dans 
l'unité aryaque. 

Dans toutes les langues indo-européennes, nous trouvons 
des pronoms personnels^ des pronoms démonstratifs ou indi- 
catifSj des pronoms possessifs, des pronoms relatifs^ des pro- 
noms indéfinis et des pronoms interrogatifs. C'est du moins 
ce que disent les grammaires classiques. Nous allons voir 
ce qu'il y a, en réalité, de pronoms primitifs. 

D'abord, le ipvonom possessif, issu du pronom personnel que 
nous étudierons tout à l'heure, n'est qu'un véritable adjectif 
^ad-f-jacere=se tenir auprès) ne s'employant qu'avec un 
mot exprimé ou sous-entendu. C'est pourquoi on l'a nommé 
2LUSsi adjectif pronominal possessif ; indiquant par cette dou- 



i02 GRAMMAIRE. 

ble appellation, et son origine, qui est le pronom, et sa 
forme, qui est celle d'un nom adjectif. 

Restent les vraies formes pronominales que nous avons 
citées plus haut. Toutes ces formes sont reproduites dans le 
latin, soit à l'état de simplicité première, soit dans des déri* 
vés; il n'y a d'exception que pour le pronom relatif. Le rela- 
tif commun en ¥A (grec 5ç) ne se retrouve pas dans les lan- 
gues italiques; ces langues emploient pour le remplacer une 
forme empruntée à l'interrogatif commun ma, kwa ; il nous 
faut considérer avec soin cette particularité. 

Prenons de suite un exemple; vous dites : Une science 
nouvelle, qui s'appelle la science du langage, tend à prendre 
une grande place dans l'instruction de la jeunesse. — Si, au 
lieu d'exprimer la phrase d'une manière complète, vous dites 
seulement : Une science nouvelle.... tend à prendre une grande 
place dansTinstruction cfe la jeunesse; — votre interlocuteur 
vous demandera inévitablement : Quelle science nouvelle^ 
Qui est cette science? Et vous répondrez : Qui? La science dtê 
langage. 

Encore un exemple : lorsque vous diies : Je sais qui a fait 
cela ; — c'est comme si vous disiez : Qui a fait cela? — Je le 
sais (cf. Quoi homines? Tôt (pour quoi) sententi3e= com- 
bien y a-t-il d'hommes? Il y a autant d'avis.) 

Le pronom relatif est donc le pendant nécessaire du pro- 
nom interrogatif, et les peuples latins ont fait preuve d'intel- 
ligence et d'une grande finesse d'observation en rendant ces 
deux idées par le même mot. 

Quant au pronom indéfini^ il est issu de l'interrogatif 
dans toutes les langues indo-européennes. 

L'aryaque dit au nominatif kas, le sanskrit KAS, le go- 
thique hwaSj le lithuanien kas^ etc., enfin, le latin dit QUIS. 
Ce pronom indélini n'est autre chose que la réponse faite au 
pronom interrogatif par ce même pronom perdant alors une 



PARTIES ESSENTIELLES DU DISCOURS. 103 

partie de son sens intcrrogatif pour prendre un sens diéitctif 
et montrer Pimpossibililé ou la non-volonté de répondre à 
la question. Vous dites à quelqu'un : a Qiûs librum scripsit? » 
— Il vous répond : a Quis.,. » soit qu'il ne sache pas le nom 
de l'auteur du livre, soit qu'il ne veuille pas vous dire ce 
nom. On sent, du reste, qu'ici le geste et le ton de la voix sont 
parties nécessaires de la parole. 

Ainsi, le pronom interrogalif possède en latin deux ser« 
vants, deux satellilcs, si je puis m'exprimcr ainsi : Tua, le 
pronom relatifs sert à l'expliquer, à développer la pensée 
qu'il exprime; — l'autre, le pronom înrf^^ni, est destiné à don- 
ner une réponse suspensive à l'interrogation. Nous citerons la 
phrase suivante, où les trois sens sont réunis : « Quis (inter- 
rogalif) estiste,çui (relatif) respondebit? — Quis (indéfini).» 
Du reste, dans cette phrase, comme dans la plupart des 
phrases analogues, le pronom indéfini peut, selon le ton et le 
geste, devenir purement démonstratif: « Quis est isle qui 
respondebit? — Quis (démonstratif). » 

Ce dédoublement du pronom interrogatif en latin peut être 
utilement comparé au dédoublement analogue du pronom 
démonstratif TA (tha, au neutre that) dans les langues ger- 
maniques. Là, en effet, sans cesser de remplir ses fondions 
de pronom démonstratif, ta, en allemand der, rf/e, dasy sert 
encore de pronom relatif ou conjonclif : bn ^Zann tev fommt, 
l'homme (dont vous pariez), celui-là vient. De même tou- 
jours en allemand, wer et welcher, — et en anglais, wat^ 
sont à la fois interrogatifs et conjonctifs. 

Le pronom interrogatif commun, qui, comme nous venons 
de le voir, a donné au latin , outre son pronom interrogatif, son 
pronom copulatif ou relatif, et son pronom indéfini, est ka. 

Nous étudieronsr, au chapitre de la dérivation, les dési- 
nences pronominales, qui sont, du reste, presque identiques 
aux désinences des noms. 



i04 GHxVMMAIRE. 

La même raison de classement rigoureux ne nous permcl- 
Ira de dire ici que fort peu de cliose des pronoms personnels. 
Ces pronoms sont ainsi nommés parce quMls représentent 
une des personnes qui jouent un rôle (persona) dans le dis- 
cours; mais si ce rôle est très-réel pour les pronoms des 
deux premières personnes, il est très-hypothètique pour celui 
de la troisième ; en effet, le discours se passe entre la per- 
sonne qui parle (!'*) et celle à qui elle parle (S""), et qui tout 
à Pheure sera appelée à répondre, et conséquemment à 
prendre, à son tour, le premier rôle. Mais la personne de qui 
l'on parle (3*) n'a pas de rôle à jouer, puisqu'elle n'a pas 
même conscience de sa situation entre les deux premiers 
interlocuteurs. Subjectivement à la personne qui tient le dis- 
cours, on pourrait dire que le pronom de la première per- 
sonne, représentant la personne active (qui parle) serait le 
pronom-sujet tandis que celui de la seconde, représentant la 
personne passive (à qui l'on parle) serait le pronom-objet. 
Quant au pronom de la troisième personne, qui ne joue au- 
cun rôle direct dans le discours, on pourrait l'appeler le pro- 
nom-neutre^ indifférent à la passivité et à l'activité, et pouvant 
être à la fois sujet et objet, par rapport aux véritables pro- 
noms personnels, ceux de la première et de la seconde per- 
sonne. 

nuk est le pronom aryaque de la première personne. Par- 
fois il est tout simplement remplacé par a, et d'autres fois, à 
certains cas, il prend pour suffixe le pronom démonstra- 
tif GA. 

On a voulu voir dans remploi de la nasale pour exprimer 
la première personne, une espèce de condensation de la 
voix vers la personne; cette ingénieuse explication dont 
nous n'avons pas à parler ici, est d'autant plus vraisem- 
blable que le pronom de la seconde personne, coïncidant 
avec le sens alloculif et agressif de ce geste oral, s'exprime 



PARTIES ESSENTIELLES DU DISCOUKS. 105 

par l'explosive denlale, brève et sèche T. On n*a pas ou- 
blié que nous avons déjà signalé au commencement de 
ce paragraphe le démonstratif ta; le pronom de la se- 
conde personne n'est autre chose que ce démonstratif ren- 
forcé par la demi-con sonne. W, et devenu conséquemment 
TWA, puis, par contraction, tu; cette dernière forme prend 
quelquefois aussi la syllabe démonstrative «sa : tuga. 

Le pronom de la troisième personne, puisque nous de- 
vons enlin nous soumettre aux lois consacrées par Tusage, 
cst,en aryaque,swA, 7néme, qui, quoique s'attachant indiffé* 
remment aux trois personnes, désigne d'une manière plus 
spéciale la dernière, la troisième. 

Nous renvoyons également au chapitre de la dérivation 
Pétude de la déclinaison des pronoms personnels qui nous 
semblerait déplacée ici. 

Parmi les syllabes pronominales indicatives qu'il nous 
reste à rappeler, nous avons déjà cité ta, pa et sa opposé à 
HAct NA, — A et I délerminatifs spéciaux, — et ga. Nous y 
ajouterons ta, kha, dha, et nous aurons ainsi donné la liste à 
peu près complète des suffixes pronominaux dont nous au- 
rons à nous occuper plus tard, au chapitre de la dérivation, 
auquel nous avons hâte d'arriver. Mais il nous faut aupara- 
vant nous arrêter un instant sur la philosophie du verbe 
indo-européen. 

g 3. LE VEnBE. 

Le mot par excellence, engendré par la faculté métaphy- 
sique de l'esprit humain, c'est le verbe {verbum =r mot, pa- 
role) où l'on a voulu voir longtemps le signe du rapport entre 
l'objet et le sujet, et qui n'est, en réalité, comme nous l'a- 
vons déjà dit plus haut (p. 97), que l'expression des actions 
exercées par les êtres. Lorsque je dis : «wm, je suis, il n'y a 



106 GRAUMAIRE. 

aucune idée de rapport, mais seulement la peinture d'un 
état dans lequel je me trouve, rexistencc ; de même lorsque 
je dis : je pense^ je marche j j'écriSy etc. 

Le verbe est donc la peinture du mouvement conçu dans 
sa cause et observé dans ses eflets. 

Voyons maintenant ce qu'est le verbe, quant à sa forme, 
dans notre système linguistique. 

Les verbes-racines aryaques sont toujours monosylla- 
biques et commencent presque toujours par une consonne 
ou une demi-consonne ; cependant, on trouve quelques ra- 
cines dont la lettre initiale est une voyelle, comme A dans 
A«, souffler j respirer y vivre , — comme I dans i, tendre vers^ 
aller^ — comme U dans u, crier, etc. 

Les verbes du système indo-européen se divisent en deux 
grandes classes : 

1^ Les verbes imitant un bruit caractéristique de V ac- 
tion; 

2"* Les verbes imitant un effort causatif du mouvement 
perçu. 

Nous allons dès à présent donner un court aperçu sur 
chacune de ces deux grandes familles de verbes-racines 
aryaques, nous réservant d'entrer dans de plus grands dé- 
tails lorsque nous serons arrivés à la partie lexiologique de 
cet ouvrage, et que nous aurons à classer les mots latins sous 
leur racine primitive en les comparant aux vocables ana- 
logues des langues sœurs. 

1' VBRDES IMITANT UN BRUIT. 

Les verbes onomatopéiques ou imitations de bruits rap- 
pellent le bruit perçu et toutes les actions qui se rapportent 
nécessairement à ce bruit. 

Lorsque, par exemple, nous imitons le cri d'un animal, 
nous pensons immédiatement à cet animal et nous le nom- 



PARTIES ESSENTIELLES DU DISCOURS. 107 

mons très-souvent d'un verbe onomatopëique fait sur son 
cri. 

Les verbes onomatopéiques se divisent en trois classes: 
les imitations de cris^ les imitations de souffUs^les imitations 
de bruits matériels ; cette dernière classe de bruits ayant le 
plus souvent pour but et pour résultat la destruction, la 
brisure, nous rappellerons la classe DÉTRUIRE ; nous au- 
rons ainsi : 

Classe CRIER. 

Classe SOUFFLER. 
Classe RÉTRURE. 

2* VERBES IMITANT UN EFFORT. 

Ces verbes sont nés de la perception d'un effort et ren- 
dent, autant que le permettent les ressources du langage, cet 
effort lui-même et les effets qui en résultent. 

L'effort est l'application de la force, et par force nous 
entendons le principe du mouvement. 

Si cet effort, rencontrant un obstacle insurmontable, a 
pour seul résultat la simple compression de l'objet mis en 
mouvement contre cet obstacle insurmontable, nous avons 
alors une série de verbes au sens général de presser, et 
à l'une ou à l'autre des significations individualisées : 

V PRESSER SUR.... ou POSER-ÉTARLIR ; 
2* SERRER-CONDENSER; 
3^ FLÉCHIR-COURBER. 

Si, au contraire, Peffort, ne rencontrant pas d'obstacle, 
ou plus fort que l'obstacle rencontré, est aisément victorieux 
de la résistance, et par conséquents! le mouvement, au lieu 
d'être seulement compressif, est expansif, extensif, nous 
aurons alors des verbes simples au sens général de 



i08 GRAMMAIRE. 

et à Tune ou à l'autre des significations individualisées : 

1^ TENDRE VERS....; 
2^ ÉTENDRE; 
5^ RÉPANDRE. 

D'après ce que nous venons de dire , on voit que les 
verbes indo-européens se divisent en cinq grandes classes : 

l'*" Classe : crier ) 

2« Classe : smifixer I^ita^ons de bruits. 

^ ^, \ (Onomatopées,) 

ù* Classe : DÉTRUIRE ; 



4* Classe : 
5* Classe : 



Imitations d'efforts. 



De toutes ces classes, les deux dernières sont de beaucoup 
les plus importantes. 

Pour plus amples renseignements sur les verbes indo- 
européens, nous renvoyons le lecteur à notre partie lexiolo- 
gique, où, avant d'aborder Télude des représentants latins 
des racines primitives de chaque classe, nous nous étendons 
dans la mesure nécessaire à l'inlelligence de cet ouvrage, 
sur l'idéologie de cetle classe et sur les principales indivi* 
dualisations et assimilations qu'elle a fait naiire. 

Parvenus ici au sommet le plus élevé de nos éludes linguis* 
tiques, nous éprouvons le besoin de rendre hommage au sa- 
vant modeste et distingué dont nous sommes fiers de nous 
avouer le disciple et à qui appartiennent les premiers tra- 
vaux de synthèse sur le langage indo européen. En effet, et 
pour ne nous occuper que des vérités qui sont l'objet de ce 
chapitre, c'est M. Chavée qui a le premier défini — dans des 
ouvrages ^ que nous avons eu occasion de citer déjà et dont 

* Lexiolog, indo^urop., 18i9. — Français et wallon, \9^1 , -^ La part des 
femmes, etc., 1859; —> eic, etc. 



PARTieS ESSENTIELLES DU DISCOURS. 109 

nous parlerons encore plus d'une fois — ce que c'est que le 
nomj — quels sont les deux éléments d'indication du pro- 
nom, — comment, enfin, se divisent les verbes aryaques con- 
sidérés à la fois au point de vue idéologique et au point de 
vue phonologique; c'est donc lui, qui appliquant au langage 
une rigoureuse métiiode naturelle, a contribué le plus à éle- 
ver cette étude à la hauteur d'une science positive, digne des 
préoccupations de notre époque et des succès de l'avenir. 

On nous pardonnera certainement ces quelques lignes un 
peu en dehors de notre sujet, et Ton comprendra que, puis- 
qu'elles étaient utiles à la justice, elles devenaient nécer- 
saires à notre loyauté. 



III 



DERIVATION 



La dérivation aryo-latine se divise en deux parties bien 
distinctes : Thistoire de la formation des thèmes qui limi- 
tent et individualisent le sens de la racine, et Tétude de la 
formation des flexions ou désinences des noms, des pronoms 
(déclinaison) et des verbes (conjugaison).' 

!• FORMATION DES THÈMES. 

Le thème est une forme orale complexe offrant à la fois 
une syllabe basique ou radicale et une syllabe adjointe ou 
suffixe ayant pour fonction de déterminer l'idée exposée par 
la base. Cette base peut être pronominale ou verbale. — Aux 
thèmes à base pronominale se réfèrent, outre les pronoms 
personnels j démonstratifs j etc., l'immense majorité des pre- 
positions^ des adverbes et des conjonctions. — Aux thèmes à 
base verbale se rapportent les noms, soit substantifs^ soit ad- 
jectifs y les participes et tous les verbes conjugués. 

D*un autre côté, les suffixes formatifs de ces deut sortes 
de thèmes sont eux-mômes de source, soit verbale j soit pro- 
nominale^ en même temps qu'ils peuvent être simples ou com- 
plexes. Mais, pour la clarté de notre travail, nous ne nous 
occuperons pas de ces subdivisions. 



DÉRIVATION. ili 



THftNES D^ORIGIRE PRONOMINALE. 

Nous avons étudié plus haut les pronoms personnels à un 
point de vue purement philosophique (p. 104), nous devons 
maintenant nous en occuper sous le rapport de la déri- 
vation. 

Comme nous l'avons dit, c'est nA qui joue le rôle de pro- 
nom de la première personne ; mais ce m\ ne se retrouve 
isolé que dans les cas autres que le nominatif; pour former 
ce dernier cas, il s'unit au pronom démonslratifcsA, que les 
Hindous et les Iraniens ont de bonne heure aspiré en «ha, 
comme le prouvent le zend azem = ahem^ le perse adam = 
aham^ et lé sanskrit AffAAf = AGHAM. Comme on le voit, ma 
est ici remplacé par a, et nous retrouvons aussi cette alté 
ration en latin et en grec ; dans ces langues la nasale a dis- 
paru et nous avons EFÛ. et EGO. Cet a, substitut de ma, est 
même complètement perdu, ainsi que le g dans les patois 
novo-latins qui n'ont plus que djeujeu^ je (franc.), io (ital.), 
yo (espagnol), iou (provençal), eu (portugais) , eou (rou- 
main), etc. 

C'est l'accent de la voyelle E dans ego^ qui a fait tomber le 
G dont la chute entre deux voyelles n'est que trop familière 
aux patois latins : negOy je nie, regalis, royal, ligo, je lie, etc. 

Aux autres cas, la syllabe pronominale ga n'a pas été con- 
servée dans les langues indo-européennes, et nous avons à 
l'ace, latin ME, au génit. MEI (locatif), au datif MIIIl, à l'a- 
blatif ME ( = medl. (Cf. plus loin les tableaux comparatifs.) 

Le pluriel du pronom de la première personne a deux 
formes dans les langues indo-européennes; l'une, dont nous 
n'avons pas à nous occuper, où ma se change en wa, d'a- 
près une règle dont nous avons déjà parlé plus haut (page 
77), et l'autre, qui est celle du latin, et où la naso-den- 



il2 GRAMMAIRE. 

laie N remplace la naso-labiale M du singulier: NO-5*. (Cf. 
russe nas^ sanskrit NAS.) Les cas suivants : NO-ftw, et NO- 
S'i-rum sont réguliers. Nous n'avons pas besoin de citer les 
formes novo-latines : nous^ noi^ etc. 

HA a donné un dérivé adjectif indiquant la possession : 
MEUS, MEA, MEUM, appartenant à la déclinaison générique. 
(Cf. sansk. MAT; grec E(=A)-MO!i ; gotli. meins; russe moi; 
gaël.mo; zend. marna; ital. miOy etc.) 

I^ pronom de la seconde personne se rend dans toutes les 
langues indo-européennes par twa, devenu par contrac- 
tion TU, qui est le nominatif de ce pronom en grec (Tr, 
sr), en latin (TU), et dans toutes les langues novo-latines. 
(Cf. sansk. TWAm.) 

Quant au pluriel, il est altéré par la chute de Texplosive 
(cf. p. 87), et nous avons alors VO-5 pour TVO-s. (Cf. goth. 
rm, sansk. WA-Sy russe wasj etc.) 
.TWA a donné au latin l'adjectif possessif TUUS, TUA, 
TUUM; grccTEFOS, sansk. TWAT, zend. tawa^ lith. tawa-s^ 
russe twoij goth. îheinsy etc. 

De NOS et VOS sont venus aussi deux pronoms possessifs 
NOS-fer et VES-f^ (pour VOS-f<?r), noire et votre ^ formés 
avec le suffixe actif TER=tara-s, impliquant Tidée de 
comparatif, de comparaison, et ici celle d'opposition entre 
le mien, lefien, etc. (grec TEP-s-;, etc.). 

Enfin, nous arrivons au pronom de la troisième personne 
SWA qui peut s'employer indifféremment pour renforcer 
les deux premières *, mais qui se prend encore plus spécia- 

^ Remarquez que NOS est long, tandis que l'organique [aussi sanskrit et i*ussc) 
mm» est bref; NOS devrait donc l'être aussi. U n'est long que par analogie 
avec les autres accusatifs pluriels : De-ôSt Domin-ôs, etc. Le latin modifie avec 
la plus grande facilité l'accent quantitatif quand cette modification est exigée 
par la clarté ou l'analogie : roiâ pour rosà (pages 71 et 70). 

* Le pronom de la troisième personne se ptend môme quelquefois pour celui 
de la première; c'est ainsi que les Slaves disent : je «'aime, nous «'aimons, et 
les provençaux de môme : nous se reverrons, nous nous se aimons» etc. 



DÉRIVATION. H3 

lement seul pour rendre le pronom de la troisième personne: 
i/, lui. Le latin a SE = swa , qu'il décline comme ME et 
comme TU. Cf. grec 2E = 2FE, 'E; sansk. SWA; goth. sik; 
lithuanien sawe; russ. sia; de là l'adjectir possessif «wasy 
•wA, ftinui, soTiy sa, Icur; en latin SUUS, SUÂ, SUUM; grec: 'EOS 
= ZFËOZ, etc. Zend., hw6, hwâj hwem; lithuanien, sawasj 
sawa; russe, swoi; goih., seins; ail., seiny et dans les 
langues novo-latines : suo (ital.); su (espag.); seu (port.); seu 
(roumain), etc. 

Le pronom de la troisième personne est le même pour le 
singulier et le pluriel. 

Les pronoms a, ta, sa, na et ha jouent, dans l'histoire 
des désinences, un rôle considérable, et bien que nous de- 
vions nous en occuper spécialement au chapitre de la décli- 
naison, nous croyons devoir en dire ici quelques mots : a, 
TA et SA servent à la formation du nominatif, du sujet, 
comme représentant les objets les plus rapprochés, tandrs 
queiVA et sia, désignant les objets les plus .éloignés, servent 
à la formation du cas de cet objet, de ce régime, en un mol, 
deraccusatif;nousretrouvonslàropposition perpétuelle que 
nous avons déjà signalée plus haut entre ta, sa, et leurs 
substituts PA, ou simplement a, d'une part, et de Tautre 
SIA et NA. Ce dernier pronom, toujours à cause de la nature 
de son indication, forme aussi les neutres qui ont toujours 
été considérés comme plus éloignés du sujet, plus indignes 
d'attention que les autres genres, tellement que certaines 
langues vont jusqu'à ne pas admettre que plusieurs noms 
neutres valent un pluriel ; — ce serait sans doule leur faire 
trop d'honneur ; — tous ceux qui se souviennent de la fa- 
meuse règle grecque : ta ^ûa Tpéx^t, sauront à quoi nous fai- 
sons allusion. 

Le suffixe ta prend parfois une vibrante R, signe de mou- 
vement et d'activité chex l'être représenté par ta et ce suffixe 

8 



114 GRAMMAIRE. 

complexe tar, (lalin TER, TOR, SOR ; franc. teu)\ ire ou tre^ 
teur^ etc.), s'emploie alors pour la formation des noms qui 
engendrent une idée de vie, de force, de production : pm- 
TAB, (sansk. PITR, grecRATHP; lat. PATER) ,1e souteneur ^ 
le gardieuj père)^ — ma-TAB (sansk. MATR^ grecMHTHP; 
lat. MATER) la rr^a^ric^, la m^e;bhni*TAR( sansk. BHRATRj 
lat. FRA-TER), le susienteur^ le souteneur^ le frère^ etc. Le 
grec a aussi ce suffixe sous les formes TEP, THP et TÛP. 

Les noms féminins correspondant à cette forme tar, de« 
venue, même dans la langue commune tb, sont en tri (lat. 
TRIX, genitrix; sansk. TW, ganitrt; grec TPEI, ^sv^^P^-a, 
devenu par métathèse YcvgT£ip-a, etc. — Franc, trice^ etc.) 
r^ous en exceptons les noms de famille comme na-TR. 

La forme neutre est en lalin TRUM=tar-aii organique. 

Le suffixe iha se retrouve en latin dans un certain nombre 
de thèn^es nominaux tels que do-MUS (dama) de la rac. da. 
= assembler y construire; — ani-MUS, de la rac. aw, souffler j 
respirer^ vivre; — /"a(3)MES, de la racine bhas, courberj 
rompre j manger; — /ii-MA, de la racine bra, parler , dire. 
— Cf. le suCGxe MH dans y^<*>-H'^î ^^TWh^ ^t^* 

Signalons encore quelques exemples de remploi du suf- 
fixe KA (V0\= va-ka, /uX = ra-ka, paX.= pakka, Ctc.) et du 

suffixe «A (JMGUM=ya«a,etc.). — Le pronom interrogatif 
KA ou Kl, devenu indéfini (p. 102), au sens de quelqu^un^ 
quelque chose^ a donné le suffixe latin CUS, CA, CUM ; Cf. 
sansk. KAS, ILÎ, KAM; rec xo;, xv) (ou xa), xov, etc. 

Il faut avoir grand soin de distinguer le suffixe -va (-VUS, 
•VA, -VUM), de va: ( = ▼aB=vaBi= vat, plein de^ doue 
de) re/a-«-VUS, da-(i-VUS, ctc. 

Enfin nous dirons un mot du déterminatif ta qui se joint 
quelquefois directement à la racine pour former des mots tels 
que progetiAESj gen-KS^ exim-IUM, obsequAUM, sacrific-llMy 
etc. (ital., espag., portug. îo, roumain iou^ français te, etc.). 



DÉRIVATION. 115 

Nous devons maintenant étudier trois pronoms lalins dont 
deux se réfèrent à des formes organiques déjà citées par 
nous tout à Uheure (ka et csa), et dont la troisième est issue 
du déterminatif I. Ces trois pronoms, qui jouent un rôle 
considérable dans la langue de Rome, sont IS, QUI et HIC. 

IS, EA, lD=î/, elle^ ce^ est donc issu du démonstratif-dé- 
(erminatifi. Comme on le voit à la simple inspection de son 
nominatif, ce pronom appartient à la déclinaison générique, 
et correspond au sanskrit AYAM, lYAM, IDAM. Les formes 
EA,EJUS(=EIUS),EI,EUM,EORUM, etc., sont parfaitement 
régulières au point de vue de la déclinaison — on le verra 
par ce que nous dirons plus loin des désinences — seule- 
ment leur radical a subi le guna, et i est devenu Ai = (cn 
latin) El. (Cf. p.72.) — Goth. is; haut-ail. ir, etc. 

Nous avons vu (page 102) le rôle que jouait dans la pen- 
sée des aryo-latins le ka interrogatif, devenu retaiif^ puis 
démonstralif ei indéfini ; nous n'avons donc pas à revenir sur 
cette question. Nous ferons seulement remarquer qu'en 
latin QUI, QUAE, QUOD , s'emploie plus spécialement pour 
exprimer la relation, tandis queQUIS (avec Vs désinentiel), 
QUAE, QUID, est plus particulièrement interrogatifet indé- 
fini : si quis dixerit = s\ quelqu'un disait. Nous verrons tout 
a l'heure les dérivés de 1-5 = 1 et de QUI = ka (kwa). 

Nous devons maintenant nous occuper du IIIC, IIAEC, HOC. 
Remarquons d'abord que ce pronom est fait de deux pièces : 
HI-c, ILVE-c, HO-c, la seconde de ces parties (-c), ayant du 
reste fort peu d'importance et tombant même au génitif 
singulier et à tous les cas du pluriel, excepté au nominatif 
et a Taccusatif neutres. 

Examinons d'abord IIf,HAE, l\0 (=hod.) 

Le pronom «a, que nous avons déjà vu plusieurs fois 
(pages 104, 111), s'est, commenous l'avons dit, aspiré en 
k, et cette aspiration a même dû précéder la dispersion 



116 GRAMMAIRE. 

des Aryas puisqu^on la retrouve en sanskrit', en zcnd 
(p. 111), et ici encore en latin. 

Dans cette dernière langue, «ha et «n, substituts plus 
énergiques de a et de i, se trouvent réunis dans la déclinai- 
son du déterminatif HI-c, lIAE-c, HO-c, de la même manière 
que A et I se trouvent combinés dans la même déclinaison 
du déterminatif ordinaire de la langue sanskrile. En efTel, 
dans le latin, csha a cédé, à certains cas, la place à son sub- 
stitut «n qui, d'après une loi dont les effets sont très-ré- 
pandus dans ridiome de Rome (Cf. p. 88), a perdu son 
explosive initiale et est devenu n. De plus IH a pris la par- 
ticule complétive que = ce=(a la fin des mots) -c, et nous 
avons eu lU-c =csn[-i£A, celui-ci mime, devenu, au féminin, 
par le guna, lIAË-c, et au neutre HO-c = IIOD-(;, par la fusion 
de D et de C. (Loi d'assimilation, p. 94.) 

Ce C qui sert à la formation de III-c, se rencontre en latin 
dans sique etsiCj tunqueet tunC. (Cf. Italien: dunque; franc. 
donc.) L'ombro-samnitc possède aussi cet explétif; ainsi on 
tro\xyepan(d)u-pei = quandO'qne*jeic. Dans Hl-r, on a vite 
oublié le sens complétif de c =qne; aussi trouvons-nous sou- 
venl d'affreux pléonasmes tels que Ill-c-cf =HI-4-ceH-r<?, etc '. 

Les thèmes pronominaux à suffixes complexes se forment 
par Faddilion à la racine de deux pronoms combinés. 



1 On trouve dans les Védas tam gha, yâ gha, devenus plus tarJ tam ha, yâ 
ha. Cf. grec rév ys, h ytf etc. 

* De la langue Osque d'après lez Intcriptiont, par Rabasiê. Rennes el 
Paris, p. 8. 

' Le latin a doncsouvenl procédé, comme plus tard le français, en faisant force 
loMogies : celui-ci = cel (hic +ille ou plutôt liuic + iUi) + lui -^-ei (hic + ibi) . 
— On trouve encore trace de hic, haec, hoc dans aujourd'hui, liQdie=hoc-h 
die. Le mot hui, qui signille cejonr, ayant été trouvé trop court, on a dit, par 
un abus ridicule : auturd^hui = au jour de ce jour; il y a même des gens, 
peu lettrés il est vrai, qui ne se contentent pas d'une double répétition et qui 
disent au jour d'aujourd'hui = ad illum diumum de illo diurno de hoc die! 



DÉRIVATION. ii7 

Ainsi, le participe présent, que nous verrons plus loin, a 
donné au moyen de Tadjonction du pronom démonstratif ta 
les noms lalins abstraits en -TIA (=t-+-ya=T1A): pru- 
dem-lK , poleni-ÏA. , sapiem-lk , sdenrAX , abundam-lK , 
constatiT'lX, etc. 

De même la terminaison -ON (devenue au nominatif -0) 
correspondant à Taryaque -an avec le sens de celui-là qui fait 
se joint au thème terminé en I du participe passé, et 
donne la foule des noms d'action abstraits en -TI-ON et -SI- 
ON. Tous les abstraits en -TI-ON et -SI-ON sont donc des en- 
fants de participes passés en TI ou SI. Le thème ra-TP, par 
exemple, indique ce qui est droite ce qui est bienj puis en 
ajoutant le suffixe -ON, on a le fait de savoir ce qui est bietij 
la raison; de même pour les quatre idées contenues dans 
pro-^ec-Ti-QN , Faction de couvrir en avant (pro) quelque 
chose^ la protection ; de même encore pour les cinq idées de 
inc«n-ta-Ti-ON, ïaction de faire un enchanté^ etc. 

Ce que nous avons dit tout à Theure de tah-ya = TYA 
est aussi vrai de sa -f- ya=:SYA. 

Dans cette dérivation pronominale complexe, les noms 
actifs donnent naissance, à Taide de nouveaux sufTixes pro- 
nominaux, à des noms passifs ; c'est ainsi que Tactif patr, 
en s'adjoignant la terminaison passive ya (c'est en sanskrit 
la terminaison des participes futurs passifs) donne para- 
lUS, qui est relatif au père ; de même SOROR donne soron- 
lus = qui est relatif à la sœur ; ORATOR donne orffTOR-IUS = 
qui est relatif à T orateur j etc. 



' Il faut bien distinguer entre les Uiëmos où tl est réellement organique, 
comme dans poti, et les participes présents premiers ou organiques comme 
ment = nuuit et dot = dat. Dans ce cas, TI sert à la formation du thème 
actif. Que ferait H. Schleicher de son I terminal (dans doti, par exemple] s'il 
était organique? N'aiu*ait-il pas donné dotîs pour dolyas, avec un î long. (Cf., 
Campendium, p. 365). Cette ignorance des noms issus du part. prés, organique 
a causé maintes confusions étymologiques dans Técoie allemande. 



iiS grânmaire. 

Au contraire, les noms passifs peuvent donner naissance 
à des noms actifs ; ainsi le nom passif DATI (forme en I du 
thème DATO), donne, en s'adjoignant le suffixe actif -ON (= 
«d) le nom actif e/axi-ON; de même pour oran-ON, poTi-ON,etc. 

Le même thème actif patr, que nous avons déjà vu tout a 
riieure former un nom passif parR-lUS, peut, en s'adjoi- 
gnant la terminaison passive -NUS, -NA, -NUM, (du pronom 
NA, démonstratif des objets éloignés) produire un nouveau 
dérivé passif pater-NUS, qui est du père^ etc. 

Le pronom ha, uni à son frère na, forme le suffixe parti- 
cipial iHANA (grec \KVfo), Ce suffixe mana se retrouve en latin 
dans les noms tels que alo-MNUS pour a/o-MENUS, du verbe 
alercy nouirir; rfo-MlNUS, de da, serrer j joindrey dompter; 

— (fa-MNUMpourda-MENUM, appartenant à la même racine, 
etc. Ce même suffixe a encore donné les formes verbales en 
-MINI — amâ-MlN(,mon^-MINI, au^/i-MINI, amafri-MINI, mo- 
n^fl-MINI, etc.; — qui ne sont autre chose que des nomina- 
tifs pluriels, où -MINI est contracté pour -MENEI et -MENEI-s 
(avec le signe désincntiel.) 

Nous n'en avons pas encore fini avec l'histoire de cette dé- 
rivation pronominale. C'est elle, par exemple, qui a donné 
naissance en latin aux adjectifs pronominaux proportionnels 
TANTU-5 et QUANTU-s. En effet, TANTU-s n'est autre chose 
qu'une sorte de superlatif par redoublement qui montre 
deux fois l'objet : ta -h ta (sansk. TATI; grec TOSOS pour 
T0T02). Nous n'avons pas besoin de faire remarquer que le 
latin a pris la nasale de renforcement. 

Quant à QUANTU-5, issu d'un aryaque ka-ta, il est frère 
du sanskrit KAT/, combien grande quelque^ du grec K020S 
devenu nOiO-^;, du lithuanien koksj du russe ilïiA*, etc. — 
Ital. et port, tanto opposé à quanto; — espag. tanto à cuanto; 

— roum. catj elc. 



DÉRIVATION. 119 

Mais, tandis que le comparatif de tata, — tatara-s — 
n^a rien laissé dans les langues d'Europe, le comparatif de 
KATA ou kah se retrouve dans le latin CUTER, devenu 
UTER (avec chute du K; cf, amare=}Lamasej etc.). CUTER 
est le correspondant direct de l'organique kwatab(a-s), 
renforcé de katab[a-s). Cf. saxon hwethery angl. whether^ 
grec xéispoç, etc. — QUANTU-s a donné quantulusy quantitasj 
etc. (Voir Tappendice à la partie lexiologique.) 

A propos de ce mot, il importe de faire remarquer ici une 
fois pour toutes que le latin a perdu partout l'un des trois 
termes de la triade pronominale composée du ka interro- 
gatif, du TA démonstratif en réponse à la question, et du 
YA, terme de relation entre les deux autres. 

Partout, en effet, il remplace le terme ¥a par un dérivé 
de rinterrogatif (qui de quis, v. p. 101); il aura donc seule- 
ment quanlus et tantus là où le sanskrit aura KATIy TATI et 
YATI; de même il n'a conservé que qualis et talislix où les 
Hindous ont KADRÇ, TADRÇ et YADRÇ. 

Ce que nous disons ici des pronoms s'applique aux ad- 
verbes dérivés des pronoms; c'est ainsi que le latin ne pos- 
sède que unde (pour cundâj prouvé par ali-cunde)^ et indCy là 
où nous trouvons en sanskrit les trois termes KUTASj TA- 
TAS et YATAS. 

Du pronom QUI, issu de l'organique ka, devenu kwa 
(cf. plus haut, p. 102), sont venus en latin plusieurs dé- 
rivés pronominaux ; ainsi, QUl-cum-quey formé de QUI, d'un 
suffixe cunij analogue au con, préfixe de renforcement que 
nous étudierons tout à l'heure au chapitre des prépositions 
et de que ( = ka , particule complétive que nous remar- 
querons plus d'une fois dans la dérivation 'pronominale.) 
QUI-dam est aussi composé de QUI et d'une syllabe da, 
que nous trouverons tout àTheure dans l-dem (p. 120). 

Quant à QUl-libet et à QUl-m, ce sont des dérivés qui 



120 GRAMMAIRE. 

contiennent, Tun, le verbe impersonnel libet ou lubet^ Faulre 
la seconde personne du singulier de l'indicatif présent du 
yevhe vouloir : volOyVis^ etc. Ces deux pronoms secondaires 
signifient donc simplement qm Uplatt et qui tu veux. 

Les pronoms adjectifs dérivés de QUIS, frère de QUI, sont 
les superlatifs, redoublés ou renforcés, QUIS-piam, QUIS- 
çiiam, QVlS-que, le démonstratif plus éloigné (na) QUlS>nam 
et les composés a/i-QUIS = mnjm + Ium, autre quelqu'un ; — 
unu8^'Q\}lS'que=unus-^Q\}lS-\'que, un chacun ; ^c-QnS= 
ecce{voi8y de ncs, voir) + QUIS, vois quelquwij vois celui- 
cij etc., etc. 

Nous avons vu tout à Theure le déterminatif latin l-s ; il 
nous faut maintenant étudier ses dérivés pronominaux l-ste 
et l-pse. 

Cesdeux pronoms n'en font qu'un seul; comme nous le ver- 
rons plus loin, p. 127; en effet, l-ste est un superlatif. Nous 
avons déjà fait remarquer plusieurs fois (pages 28, 79 , 
101, etc.) la similitude qui existe entre T et P, son substitut 
le plus habituel ; nous en retrouvons ici même un nouvel 
exemple. Réparons d'abord le désordre causé dans l-pse 
par la métathèse, et rétablissons l-spe^ nous avons le sub- 
stitut régulier de l'Ste; l'idée de superlatif, contenue, comme 
nous l'avons dit, dans l-pse (ainsi que dans Uste) se constate 
dans le mot mime^ qui se joint habituellement au pronom 
dans la traduction de ce vocable pronominal. 

Nous n'avons rien à dire de l-dem qui est un composé ré- 
gulier de Vs ou I et de la syllabe pronominale da, suivie, 
comme nous en avons des exemples en sanskrit, de la nasale 
des lèvres (cf. AYAm^ IDam^ etc.) 

Arrivons maintenant à quelques dérivés de ai guné de i. 
Nous avons d'abord à faire ici une remarque générale : le 

• Vnui « allia. (Voy. plus bas ) 



DÉRIVATION. 121 

pronom déterminatif indiquant un seul objet déterminé et 
le faisant voir dans son ensemble, il est facile de com- 
prendre que ses dérivés doivent représenter les idées de to- 
talUéj d^unitéj à^unioUy à'identitéj et par suite de ressema 
blanccy et c'est en effet ce qui arrive. 

Ainsi AIWA, urij que le grec a conservé dans otpo;, devenu 
cToç, seul, un, se retrouve en latin sous la forme neutre AI- 
vum ou AEwim, ïunité de temps, c'est-à-dire Yéternité; cf. 
goth aiwSj ail. eivig, perpétuel, etc*. 

Le grec eîç pour jist;, a perdu le ai, de même que le îç 
pour f ou; des Tarentins, qui est devenu notre as, après avoir 
dénommé bien longtemps une pièce de monnaie qui repré- 
sentait l'unité de valeur dans le système monétaire de Rome 
et de Tantique Italie. 

AiNA, lui, lui seul, exprime aussi l'idée d'unité ; il a pour 
correspondant en latin, l'inusité OINUS devenu UNUS, un , 
seul, d'où unicus, unique, unire, unir, etc. (Voir l'appendice 
à la partie lexiologique.) Pour OINUS, devenu UNUS, on se 
rappellera que nous avons déjà vu (p. 73), un grand nombre 
de faits analogues : punirede poina (poena), munire de moinia 
(moenia), etc. 

AEVA se retrouve tel quel dans le gothique aina-s; cf. l'al- 
lemand eins, etc. 

Les latins Usent identique à pour égal à; car ils ont pris 
pour cette dernière expression l'organique (et sanskrit) ai- 
luM, aikA, aikan, dcvcnu chcz cux AEQUUS, AEQUA, AEQUUM, 
d'où aequalis = égal , aequitas = équité , aequare = égaler 
{aequalitare), aequor-=^ surface égale des eaux, tic, que nous 
étudierons dans notre appendice lexiologique *. Mais si le 



* Le perse ava a conservé le sens de celui-là. — Pers. mod : 0. 

' Kous pourrons alors faire remarquer toute la beauté de cette individuali- 
sation de la juttice dans Vuuité sur laquelle nous sommes obligés de passer 
ici brièvement. 



122 GRAMMAIRE. 

langage dit identique pour égal, il confond de mâme sem-- 
blable et égal; dans V ensemble^ dans ï unité. . . 

En effet, le démonstratif sa, substitut de ta (p. 101), 
avec le sens de celui-là^ un seul y etc., a donné naissance par 
son union avec ha, au sanskrit et organique saha, égal^ 
d'où le latin SIMl/fe, le grec 'OMoç, 'OMoioç, pour ZOMOç 
et ZOMOioç, etc. A côté de SIMI/t«, semblable (aryaque: sa- 
HAdrk^), nous tTouTOus, appartenant à la même formation 
leziologique et à la même idée d*unité, SEME/, une fois, SI- 
MU/, en une fois, tout d*un coup, qisemble^ SEMper, dans Vtmté 
de temps ^ c'est-à-dire toujours (cf. aevum, etc.). 

Nous avons épuisé la liste des dérivés du déterminalif i, 
que nous avons cru nécessaire de faire connaître à nos lec- 
teurs ; il nous faut maintenant parler des dérivés de son 
opposéledéterminatif A. (Cf. p. 101.) 

Pour former ces dérivés, a se combine avec ba et avec na, 
ce qui nous donne ada et an a. Ce dernier seul a laissé des 
vocables au latin. 

L'aryaque ana-s, dont nous pouvons rapprocher le li- 
thuanien ana-s et le gothique ina-s, a donné un latin inu- 
sité INU-5 qui, en prenant la forme diminutive, est devenu 
lNU-/ttô, puis IN-/u^, et enfin (par assimilation, p. 96), IL- 
lusj dont la terminaison s'est affaiblie ou contractée en IL4€ 
(voir aux désinences pronom.); à mesure que les langues de- 
viennent plus malades, ellesabusenl des diminutifs; enosque, 
nous trouvons aUo=i\l^TabL de Bantia, 22). L'italien fait 
eglij tandis que l'espagnol a tout simplement e/, le portugais 
elle, le roumain el, et le français il. 

Par une dérivation secondaire, anacsI devenu AiMya**, 
mnjAj «oyat, celui-là pliis éloigné (na), cet autre, autre, dont 
le grec a fait AAAOZ, et le latin ALIUS, par un changement 

' Pour df k. Toir plus loin, p. 124. 



DÉRIVATION. 125 

de N en L que nous avons étudié plus haut ; puis akta a 
pris la désinence comparative tara (voir plus loin, p. 125), 
et nous avons alors le sanskrit et aryaque AKYAtar«-0,legrec 
AAAOTptoç, et le latin AU^r, Vautrey le plus éloigné» Cf. go- 
thique anthar^ ail. ander, lithuan. antros, etc. 

Le pronom démonstratif des objets éloignés ma, que nous 
avons déjà vu si souvent et que nous retrouvons ici dans la 
formation de mmjm^ autre^ a aussi donné Padjectif naw« (= 
wu guné en kaw + a). NAwa« est le frère du grec NEF02 
devenu NE02, et du latin NOVUS, le dernier^ le notiveauy et 
au point de vue numérique, le nombre nevfy (NAVairiy ev- 
vsjia, evvsa, NOVEM), c'est-à-dire le dernier après le nombre 
htiity représentant les deux mains étendues, les pouces 
exceptés. Cette dénomination de 9, par le nom de dernier 
chiffre de la décade, n'a lieu que dans les langues Indo-Eu- 
ropéennes. — Cf. slav. nov (nov gorod =^ nouvelle ville), 
esclav. novûy allem. neun^ gaêl. not, angl. nine^ etc.; — ital. 
et port, nove; esp. nueve; roum. nod, etc. 

Ce serait peut-être ici le lieu de faire l'histoire des noms 
de nombre; mais comme tous ces nombres, — à part un et 
neuf que nous venons d'étudier, et trois (lat. très ; ital. tre; 
esp. et port, très; roumain frei), qui vient de taba, com- 
paratif de TA, plus éloigné y plus au delà (voir plus loin, 
p. 125), etc., appartiennent à une formation verbale, nous 
renverrons ce que nous avons à en dire à leurs racines 
respectives, c'est-à-dire : pour deux^ quatre et huit, à dwa, 
Bill, fendre^ diviser, à kat, couper, trancher, et u ak, dt- 
viser (classe DÉTRUIRE); pour dix, à dak, montrer, indiquer 
(classe PRESSER), etc \ 

Les nombres au-dessus de dix se rendent par le mot dix 



* Cent suppose un aryaque dakanta. Quant & mille, voir la racine 
étendre, multiplier (clafse TEKDRE.) 



124 GRâNMâIRE. 

précédé d'un des neuf premiers nombres : aulu^akan, 
on%e = i'^\Oy BWABAKAN, doii2^,=2 -+- 10, etc., mots 
que Ton r. trouve en sanskrit (ÉKADAÇAN, DVADAÇANj 
etc.), en grec, evBevia, îpo'^Bsxa, elc), en latin (UNDECIM, DUO- 
DECIM, etc.) Cf. gaêliq. aon deug=^\xn avec dix ; kymr. tin ar 
({^jf= un au dessus de dix, deuddegy douze, etc.; — ital. tin^ 
dtci, etc.; esp. once, etc.; portug. onze, etc. — Le Roumain 
dit un vers dix=un-spre'decey etc. 

Nous ferons encore remarquer que les nombres ordinaux 
se forment régulièrement du nom même de chaque nombre 
cardinal auquel on ajoute tout simplement la terminaison 
adjective -has, -ma, -man, latin -MUS, -Ma, -MLM: nava* 
BiM, neuvième y etc.; sauf toutefois pratabum, sansk. PRA- 
TRAMAS, grec nPÛTOS, latin PRIMUS (cf. golh fruma, lilh. 
pirmas, russe perwyt), premier, qui est formé du préfixe 
PRA, devant, en avant, dont nous parlons plus loin, au cha- 
pitre des prépositions. Lemot^ecowd, secundus, remplaçant 
de deuxième, se rattache au verbe sequi, racine sak. 



A côté de cette dérivation parfaitement régulière et uni- 
forme, où nous trouvons des pronoms unis à des pronoms, 
il y a une dérivation mixte, formée du mélange de Télément 
pronominal et de Félément verbal, dérivation dont nous avons 
déjà constaté des exemples {qui-Iibet, qui-vis, etc.) Nous de- 
vons encore signaler quelques faits importants. Ainsi le latin 
TALIS est issu d'un aryaque TA-drka, formé lui-même du 
pronom ta et d'un thème verbal (participial) drk«au sens 
de paraissant, se montrant (racine brk, voir, d'où Upv.c[iM, 
Spaxwv). TAdrka estdevcnu d'abord en sanskrit, TADRÇ,teI, 
semblable (mot à mot : paraissant cela)^ et la langue sacrée 
de rinde est la seule où le D se soit conservé ; le pràkrit Ta 
déjà perdu et n'a plus que TAiiisA=:TADr.içA; et enfin, dans 



DÉRIVATION. 125 

toulesles langues sœurs, le R est devenu L : TALIS (lat.) ', 
grec THAIKOZ et TAAIKOS (dorien), russe tolik, gothique 
fwaleiks, allem. solch ; dans ces deux derniers exemples, 
nous retrouvons sa substitut de ta. 

De même que TALIS est issu d'un aryaque TAdrk, QUA- 
LIS, son correspondant a pour organique le primitif KAdrk, 
qui a donné également le sanskrit KADRÇASj quel^ de quelle 
qualitéj le grec KUAIKOZ devenu IIHAIK02 (cf. pages 28, 
79, etc.), le gothique hweleiks pour kweleiksy le lithuanien 
koUyj le russe kolik, etc. 

Il ne nous reste plus, avant d'en venir à l'étude des pré- 
posUiomj des adverbes et des conjonctions^ qui appartiennent 
à la dérivation d'origine pronominale, qu'à étudier la for- 
mation des comparatifs et des superlatifs. 

Il y a deux manières de former le comparatif et le super- 
latif des noms. 

Le comparatif se forme d'abord par l'adjonction au thème 
de la désinence tara, exprimant l'idée de au delàj comme le 
latin TRANS ou TRA (pour «uu^) ; tara donne donc F idée 
d'éloignement, de ce qui est plus écarté, plus en dehors, 
plus au delà: BBàha-i-uwa-s, celui qui est au delà de... en 
grandeur y plus grand que (grec inusité : \u'^ii:ipoi) *. 

Le superlatif se forme en unissant au thème — au moyen 
du démonstratif TA — la syllabe pronominale ha, indicative 
des objets les plus éloignés, comme nous l'avons déjà vu plu- 
sieurs lois ; et ce pronom donne alors à l'idée exprimée par le 
thème le sens de ce qu'il y a de plus éloigné, de plus en de- 
hors, et au moral, de plus exagéré : mahat-ta^iiuM, le plus 
éloignéy d'où le plus étendu quant à la grandeur j le plus grande 

* On trouve encore en latin -LICUS (/bm^-UGUS), et -LIX {foe-Ul). 

* A vrai dire, la désinence tara exprime aussi bien le superlatif que le 
eomparattf; aussi est-ce avec raison que le persan a ter pour le comparatif et 
teri pour le superlatif. 



12G GRAUUAIRE. 

Le second mode d'expression du comparatif consiste dans 
Taddition au thème du démonstratif ya, précédé du dcter* 
minatif i : inah-i*7A«, plus grande et il a pour correspondant 
le superlatif en «ta = »« + €•, c'est-à-dire la réunion des 
deux démonstratifs principaux, indiquant lobjet de la ma- 
nière la plus complète, la plus exagérée, si Ton peut em- 
ployer cette expression : nair-irsui, celui dont on démontre le 
plus la grandeur y le plus grand (grec: jjLiYi<no;K 

Tandis que le comparatif en tara, formalif des compara- 
tifs grecs TEPOI, ne se retrouve en latin que dans la compo- 
sition de quelques rares vocables, tels que a/-TER, ma^- 
TER, j)rfli?-TER, ti-TER pour cm-TER, etc., le comparatif en 
yas (avec le signe dcsinenliel s) est devenu chez les Romains 
YOS, puis YOR (R=S, p. 81), et a formé tous les compara- 
tifs latins: ma(sf)-IOR, /orMOR, etc. Le grec a aussi cette 
forme de comparaison en im ou cov ((i^iÇuv), rapprochée de 
la forme allongée sanskrite yansy au nominatif yân. Quel- 
quefois le latin mêle et confond les deux formes de com- 
paratif par l'oubli qu'il fait de Tidée contenue dans le suf- 
fixe -TER : ulter^ exter^ inter^ etc., sont déjà des formes com- 
paratives ; c'est donc mal à propos que le latin dit u/(er-ior, 
exter-ioTy infer-ior, elc. 

Quant au superlatif, le latin le forme en -MUS ou T1MUS= 
tamaa : m-TIMUS (aryaque : aB(a)tama-0), sanctis-simus = 
«awcf iNTIMUS, fortis-simus =:forti -I- TIMUS, maximus =^ mac 
(mag) -i- TIMUS; souvent toute trace de T a disparu ou du 
moins ce T s'est assimilé d'une manière encore plus complote 
que dans les exemples cités plus haut, et nous avons des 
formes telles que : /aci/-u-MUS, pw/c/i^r-Ri-MUS, etc *. 



* De même que l'aryaque TA uni à MA a donné la forme de stipei*laiif 
TIMUS, de môme, combiné avec NA, il a donné un sulflxe TI?iUS, TINA, TI- 
NUM, (grec: nvo;, rcvi?, rcvev), qui s'emploie pour les adjectifs de temps : re- 
|)^TINUS,|}rf>TINUS, <f/iiTINUS, etc. 



DÉRIVATIO.N. 427 

La seule trace que nous connaissions dans le latin du su- 
perlatif aryaque en s«ta = st« se rencontre dans le démon- 
stratif i-STE, î-STA, t-STUD, dérivé — comme nous Tavons 
TU plus haut (p. 120), dans Pétude spéciale que nous avons 
faite de ce pronom — de ce "superlatif «ta et du type déter- 
minatif i^ Le superlatif grec est tout entier formé par cette 
même combinaison pronominale «ta : -IZTOI et-TÂTOZ = 
TA2T0S (ce dernier par redoublement) . Encore une observa- 
tion : Le comparatif entraine nécessairement avec lui l'idée 
d'un rapport, d*unecom]}arai5on exprimée ou sous-entendue: 
fort'lORj plus fort que...] tandis que le superlatif peut être 
absolu ou relatif. — Quand il est absolu, ce que nous expri- 
mons en français par le mot très précédant un adjectif, il est 
isolé et signifie seulement que la circonstance ou l'état dont 
il s'agit est au degré le plus élevé qui soit possible : fortiS' 
SIMUS, très-fort. — Lorsqu'au contraire il est relatif, il est 
toujours accompagné d'un autre mot avec lequel il est en 
rapport : /brtiVSIMUS /lomtnum, le phis fort des hommes. 

La préposition d origine pronominale — et il en est très- 
peu qui soient issues d'un verbe ' — comme Y adverbe et la 
eanjonction, que nous étudierons tout à l'heure, n'est qu'un 
DEifi-PROMoii ' ou un pronom qui a perdu la moitié de sa va- 

• 

< Nous rappellerons ici en deux mots le rôle immense que joue ce pronom 
isie dans les langues novo-latincs; il nous suffira de citer ses dérivés pronomi- 
naux, formés de sa combinaison avec eue ou eccum, voici : esp. et porlug. 
agueste; — ital., questOf co8tui; — ^Tov,y aicette; — franc., fc«/, cest^ cet; 
— wallon, citf ci ; — roumain, acettt etc. — Ces langues ont aussi conservé 
un autre pronom directement issu de itte : ist, ista (roum.); ûto» este (portug.); 
este (esp.), etc. — Quant au latin ecce^ il s'est uni de même à qualit et il a 
donné l'espagnol aquel, le port, aquelle, le roumain acelf etc., etc. 

' Nous verrons, du reste, les prépositions d'origine verbale au cbapitre de la 
eompoiition. 

' n serait donc beaucoup plus rationnel d'étudier dans leur ensemble tous 
les dérivés demi-pecxoms des formes pronominales; nous n'avons pas voulu être 
si hardi, et nous conservons la subdivision des grammaires classiques en pré- 



i%% GRAMMAIRE. 

leur significative ; car, au lieu de montrer à la fois Vêtre in- 
dividuel et la place qu'il occupe, elle n'indique jamais que 
cette seconde notion de géométrie de l'action, si l'on peut 
s'exprimer ainsi ; c'est-à-dire des positions dans f espace j et, 
par suite, des directions de mouvemeiU . 

Le démonstratif dëterminatif a est, de tous les pronoms, 
celui qui a fourni le plus de prépositions aux langues indo- 
européennes ; plus de la moitié de ces particules lui doivent 
l'existence. Adésignant le point vers lequel tend le mouvement 
d'action ou bien encore le point où ce mouvement est arrivé, 
où l'objet se trouve S le neutre même de ce pronom at ou mb 
devient préposition dans plusieurs langues de notre système, 
et notamment dans le sanskrit, AD (AD-bhûta, surnaturel 
AD'R, croître sur^ accroître, etc.), ainsi que dans le zend al, 
le tudesque az, le goth. at, le kymrique al, l'anglais al, etc. 
Le latin, dont nous devons spécialement nous occuper, a con- 
servé tel quel le ab organique dont le D s'assimile souvent 
à la consonne initiale du mot auquel il est préfixé*. C'est 
ainsi que nous trouvons AF-ponere pour AH-ponerey AC-cm- 
rere pour Ad-currerej Mï-tendere pour Aiy-tendere^ AF-ferre 
pour AH-ferrCy etc. (cf. p. 94). Les langues novo-latines ont 
ad, a, ày etc. 

poiitiOM, adverbes et ean jonctions ; mais nous prions le lecteur de ne pas oublier 
çu'il n'a affaire en réalité qu'à une seule espèce de mots, employée par le dis- 
tours dans trois circonstances différentes : 

Pr^sitùms j 

Adverbes | Demi -pronoms. 

Conjonctions ) 

Ce que nous disons ici nous servira d'excuse dans le cas où un adverbe se 
serait introduit parmi les prépositions ou vice versa; la nature originairement 
unique de ces mots en rend quelquefois dans la pratique la distinction presque 
impossible. 

* On sait que les Anglais n'emploient jamais leur at^KXi que dans ce sens : 
to be at home=kiTt à la maison. 

> Dans un certain nombre de mots latins, AD est représenté par AR : «r- 
utidù=pris de Vonde (roseau) ; or-bustum = pris de terre {BHU en sanskrit : 



DÉRIVATION. 139 

Nous ferons remarquer en passant que l'augment du sans- 
krit, du grec, etc., (A-dam, "E-îov, etc.)? n'est autre chose 
que ce pronom a, marquant la perfection de Taction par 
une démonstration spéciale et appuyant sur l'indication de 
l'action exprimée par le verbe. 

Lorsque le déterminatif a est uni ^ aux démonstratifs 
des objets rapprochés ta et son substitut pa, il marque que 
le point désigné par a est non-seulement intelligible, mais 
extérieurement visible, tandis que lorsqu'il est uni aux 
démonstratifs des objets éloignés bia et na, il indique un 
point plus éloigné ou caché, etc. Nous avons donc dans les 
demi-pronoms Tantithése perpétuelle que nous avons déjà 
signalée dans les pronoms, antithèse qui, bien comprise, est 
à elle seule une des plus grandes lumières qui puisse éclai- 
rer Fétude des langues aryaques, et qui peut se réduire à 
une opposition constante entre le visible et Vinvisible, le de- 
hors et le dedans^ le devant et le derrière^ le dessus et le des- 
souSj la présence et Vabsence^ Vaffirmation et la négation^ etc. 

Nous allons donc avoir à étudier successivement les deux 
côtés de cette antithèse dans les dérives demi-pronoms (pré- 
positions) de A déterminatif. 

Ata, que nous aurons occasion de revoir plus loin a pro- 
pos des conjonctions latines ET et ITA, possède une forme 
locative au exprimant la position sur ou au-dessus et encore 
la direction par-dessus. 

Le sanskrit a conservé tel quel cet ati, que le grec a 
Iransforraé en Ixi. 

ATA et ATI ont des comparatifs atara et atira dont il 

terre, cf. grec, furov, rai. BHU); — (fl)r-ipa = prés de Veau, r\\e (ipa=4ipa 
sanskrit) eau; cf. celt. ev, etc. — Cet AR pour AU se retrouve dans les langues 
Celtiques : ar-morique, le pays qui est près de la mer (mor=:mare=mer, cf. 
M^rvan = pelagus ; nuvbihan, etc.) 

* Remarquons en passant que si les langues indo-européennes font des 
prépositions dérivées, les idiomes sémitiques et tournnicns ne les imitent 
jamais. 





i5Ô GRAMMAIRE. 

nous faut examiner la filiation. Comme nous Tavons tu tout 
â l'heure (pages 125 et 126), c'est ce comparatif de ata — 
MTjkSLAj devenu tara, — qui a servi à la formation d'un 
grand nombre d'autres comparatifs (grec TEP, lat. TER) ; 
ici nous avons à constater en sanskrit le mot TIRAS four 
AURAS; en zend {a}tarau^ en bas-allemand et allemand 
(a)door et (a)durchy en gaélique (a)thary en anglais (a)thronghj 
et enfin, en latin, TRANS pour A-TARA-N-S, dont le français 
a fait très {très-bon =nH delà de bon.) C(.ès=ans ou dans^ 
dans des expressions analogues à celle-ci : bachelier è$ lettres 
pour bachelier dans les lettres, etc. 

A côté de ATA, nous avons apa, comme à côté de ati, 
nous trouvons api. Bien que ces deux sortes d'expressions 
aient le même sens de dehors, devant, au delà, etc., le lan- 
gage a senti le besoin de varier les formes dont il se sert, et 
il Ta fait en prenant P comme substitut exact de T. 

APA, hors, loin de, resté dans le sanskrit identique à APA 
(cf. lithuanien ap; golh. af; allem. ab ; angl. of; russe ob, 
o; gaêl. et kymr. o, etc.), a donné au grec ATIO, et au latin 
AB, par affaiblissement de P en B (cf. p. 71). Une forme 
APAs (latin j)0S' dans pos-sidere, etc.), dérivé de apa, est 
mère du sanskrit APASTÂT (tout à fait au delà) , ancien 
ablatif de superlatif devenu prépositif; ainsi que de PAÇCHA, 
api'ès, derrière; on retrouve cette dernière forme dans le 
zend paulva pour apaçava, signifiant après cela: paça après 
+ ava cela (persan moderne pes = après). Le latin a POST, 
après, et plus tard POST-E\, après ces choses, après cela, 
d*où le français /}/«.$ (cf. huis de ostinm, huile de oleum, 
puits de puteus, citider de* cofjitare, hui(c)t de octo, etc.) -^ 
Avec un suffi xtî ti, correspondant à l'explétif grec ts, et au 
sanskrit et perse ça, nous avons POS-TID-EA, après ce/a. Rap- 
prochons encore le latin archaïque PONE pour POSNE, 
après, derrière, du zend (a) pasnai. 



DÉRIVATION. 131 

\y le locatif de apa, avec le sens de sur^ en dehors^ en 
facey par-desstiSj est reproduit par le grec M et par le latin 
OBI, devenu toujours OB (cfr. p. 71). 

Les formes comparatives apaba et apabi, plus loin, à 
travers j sur y de tous eôtésy autour ^ ont donné la première le 
sanskrit APARAS, A, AM, qui est plus loin^ PARA pour APA- 
BA, plus loiny à travers ; le grec 7:(xpd pour arapi, et le latin 
PER pour APER (cf. lithuan. par-, per ; golh. /ta-, fair; 
allera. ver-; angl. for-; russe pre-, père, etc.), tandis que 
de la seconde sont issus le grec x£pt pour azspC, et le la lin 
PER pour APERI (cf. Lithuan. et russe pri). — Cette forme 
latine PER, signifiant primitivement plus au delà^ exprime 
souvent l'idée de PERfection = per-fectio (de facere). 

Nous venons de constater plusieurs fois déjà la chute de 
Fa initial ; cette chute a lieu encore — dans le latin PRO ou 
POR* (POR-rew(Min, VGR-rigere, etc.), contracté pourrORO = 
pwrm (sansk. PARA; grec icpo), ^rpo ; lithuan. pra; rnss.fred; 
goth. (aura; allem. vor; angl. '/bre, etc.). Ce latin PRO a don- 
né PROpe, procfc^, etc.; — dans PRAE (PRAI), forme localive 
de PRA = avant, et dans son comparatif PRAE^er, plus au 
delà, plus en avant; formé d'un comparatif organique redoublé 
APAUTARA (cf. p. 126), sausk. PRATAR pour APRATARy 
et enfin dans la forme locative REDI pour PREDI pour apa- 
RAti, de nouveau, au delà. 

REDI, qui ne s'est guère conservé que dans le mot REDI- 
vivus, rajeuni (qui vit de nouveau), est devenu dans tous les 
autres cas RED- (RED-undanfio, MD-olere, RED-imere, RED- 
ire, etc.), ou même RE- (RE-currere, 'RE-ducere, RE- ferre, 
etc.), cf. p. 71. 

Notre seconde série, opposée à la première que nous ve- 
nons de voir, se compose des dérivés prépositifs du pronom 

1 POR a donné Tadverbe POR-ro, forme comparative d'ablatif pourPOR-/r0, 
plui en avant, or, opposé à rétro, plu4 en arriére. 



i52 GRAVilAlRE. 

délerminaiif A uni aux déinonstratirs des objets éloignés ha 
etNA. 

Nous avons déjà étudié plus haut (p. 432) un dérivé de 
ANA (ANYAS, SkXozy ALIUS), ici, c'est ana lui-même dont 
nous devons nous occuper, ana signifie proprement lui ou 
cela absent^ inmiblej par conséquent caché dedans ou sim* 
plement dedans^ caché dessous ou simplement dessous j caché 
derrière ou simplement derrière^ etc., d où autrement, ot/- 
leurs et non (sansk. NA^ AN; grec 5va, àv ou a dit privatif; — 
allem. nein^ un-; angl. no, un-; flam. on-; etc.). Le latin a 
NON, NE (SEquam, NEsf(i;v? = ■• -h kh¥a, rac. n** 5), etNI- 
qui sont passés dans presque tous les idiomes romans. — 
Cette idée de négation contenue dans ana, Ta fait prendre 
en latin pour exprimer le doute, Vinteirogation : KUM, AN, 
ANNE, etc. 

ANA, comme on le voit, est opposé à ata, lui ou cela pré- 
sent, visible, ici, ainsi, aussi , oui. — Ces deux pronoms 
réunis ana et ata ont donné une forme locative a!v(a)ti, de 
Vautre côté, en face, vis-à-vis, devant, avant, que Ton retrouve 
dans le grec àvri et le latin ANTE (cf. goth. anda-; ail. ant-, 
efit-; lith. ant-, etc.). 

Nous avons vu de môme (p. 125) owa, après, d'après, 
suivant, etc., — il nous reste encore à examiner la forme 
de locatif ANi, le dérivé ama et quelques composés de a uni 
aux préfixes verbaux bha et dhâ. 

ANi, après ou touchant à un point caché derrière ou dedans, 
sous, dans, en, se retrouve dans le sanskrit NI-, grec iv!, 
h ; latin IN (cf. goth. in, um-; ail. in, ein-; angl. in; lith. f ; 
kymr. yn, i; franc, en, in, ès=ens ou ans, doù dans=^de 
4- ans, p. 150). Le sanskrit a aussi un NIS pour ANIS, très- 
fréquemment employé avec le double sens de à Fintérieur et 
en bas (NIS devient NIR dans des mots tels que iV/iî-vana). 
C'est cet anis = ans, représenté par èvç en grec, qui devient 



DÉRIVATION. 135 

dans celle môme iangue e:<; (ait. 1;), marquanl tendance vers 
l intérieur j comme wamm, représenté par Fcvç, donna Fecç, 
6?r, un. 

ANimr pour ANilar, est le Comparatif de ani et signifie 
plus dedans j plus au milieu^ parmiy entre; sanskrit ANTAR ; 
latin IN-TRA, IN-TRO (ducere), INTER (dicere). — Cf. zend. 
antare; allem. unter; angl-unde»*; russe wonutr; — el dans 
les langues romanes : franc, entre ;ildl. tra; espag. et port. 
entre; roum. intre^ etc. 

Enfin AXA uni au verhesHA, établir y poser ^ faire^ a donné 
un ANdka (sansk. ADHA), qui vientici-bas^ après^ensuite^el 
que nous retrouvons dans le latin INDE, d'où (avec de^ que 
nous verrons à la page suivante) , (]Ie-lNDE. — De ANdha 
s'est formé le comparatif verbal Aivdhara =: qui est plus loin 
que le point a déjà caché (a%(a)= en -h àh^ra), et Aivëh«r« 
est le père du latin INFRA pour INFERA (DH=F latin ; voir 
p. 80), plus dedans j plus entre (goth. undar; angl. under; 
ail. under) f d'où INFERUS, a, um. — De même encore IN- 
Flmttô est issu d'un superlatif AiVdiMuiiwi. (Voir h Tappendice 
lexiologique.) 

Anui rend l'idée de aprèSj auprès de, et de avecy ensemble : 
sanskrit AMÂy d'où ilMÂ-nas, ensemble^ Pun avec Vautre^ 
tout ; lat. OH-nis pour OME-ms. — Ana, uni au suffixe ver- 
bal DBA, donne un aryaque AHAdha, qui, dans toutes les 
autres langues, a perdu son a initial: sansk. MADHAjentrey 
parmij d'où maDHYASj milieu, moyeriy mitoyen ; latin ME- 
hlusy a y umy moyen, et en français -mi, parmi, milieu (wal- 
lon mitanty etc.) — Goth. midja; esclav. medûymejdou; gaêl. 
meadhofiy etc.) — Intermédiaire est formé de ANtar que nous 
venons de voir tout à l'heure et de notre MEDIUS. — Cf. 
encore zend : mat; goth. mith ; ail. mit; grec [UTi pour a[tar 
xi ; |Aé(jo<; et {ii99o;=={jiiO(oç, etc. 

Un verbe bhâ, signifiant luire, paraître^ sembler, s'unit à 



154 GRAMMAIRE. 

A pour former un organique AbhA (mot à mot: cela paraître) 
désignant ce qui n'est pas tout à fait le lieu dont il s'agit, 
d'où autour j à peu près sur^ etc. Nous retrouvons ce mot dans 
le sanskrit ABHlj autour^ sur ; dans le grec i\i.^i (avec nasale 
de renforcement), dans Pallemand umb-, devenu wm-, et dans 
le latin AMB- ou AM-, qui ne s'emploie jamais isolément : 
AMB-tr^, AMB-tt/ar^, MH-ictus. — Un locatif de Abhm : (AMd-), 
au sens de ce qui est presque sur le lieu rendu par a, c'est- 
à-dire auprès^ locatif qui joue, comme nous le verrons plus 
tard, un rdle immense dans la déclinaison indo-européenne, 
est représenté en lilhuan. par pt, en goth. par bi ; en ail. par 
bei, be-; en angl. par frj/, fr^-, etc. 

Un autre verbe, dhî, signifiant poser j constituer, fcàre, 
verbe que nous avons déjà eu occasion de voir tout à l'heure, 
a donné, par son union avec notredéterminatif A,une forme 
localive Adhi, sur (de Adha, dehors, aux environs , vers), d'où 
le sanskrit ABRI, sur, et ADHAS, hors de, et le latin DE, 
pour ADE. Cf. franc, dès (de+ ex); bas-ail. te, toe ; angl. to ; 
ail. zu, etc. 

E ou EX sont bien loin de leur organique uvAdMm (sansk. 
VAHIS) loin de là, posé en dehors, à distance. Le relatif wa, 
substitut du conjonctif ta, exprime en effet Tidée de d^enr 
dance, de proximité, toujours avec la notion dV(r^ en dehors 
de l'objet dont il s'agit. C'est bien le sens du EX latin, de- 
venu quelquefois E, devant les consonnes et par mesure 
d'euphonie ; la même forme ex, lyj; ou è?, se retrouve encore 
dans le grec attique, tandis que l'éolien nous fournit Fexç ou 
Fsk; (FeÇ) pour Fext<;. 

WA (que l'on trouve encore employé comme démonstratif 
dans le sanskrit védique) contracté en v et uni à un suffixe 
PA substitut de ta, nous donne Vp« (cf. A|^ de a, indiquant 
ce qui est attenant à, dépendant de, etc. (sansk. UPA, sous, 
auprès; zend : upa ; goth. uf; russe et lithuan. (u)po; ail. auj 



DÉRIVATION. 435 

(gun6); angl. up.) En latin, cet Vpm se combine avec le pré- 
fixe de renforcement et d'unité sa, et nous donne svpa af- 
faibli en SUD, auprès^ sous^ qui devient souvent SUS en com- 
position. — Ce SUB a parfois le sens de simple dépendance 
(SUB-jungere, SUB-ministrare, elc), mais aussi, dans une * 
foule de cas, il y joint l'idée annexe ou limitative àHrifé- 
riorité (SUB-ire, SUF-ferre, SUB-stantia, etc.). — Gr. &ico = 



a-uxo* 



Le comparatif de Cp», — cpawi — a donné, par son lo- 
catif upati, signifiant j)/u« en dehors^ au-dessus^ par-dessus, 
siir^ au delàj le sansk. UPARI, le zend u-pairij legoth. ufar, 
(ail. ûber; angl. over)^ et enfin, avec le même mode de for- 
mation que S-UB, le latin S-UPER (franc, sur, ^all. sur et su, 
so; ital. sopra^sovra^su; esp. et port, sobre, etc.), qui re- 
produit le sens d'annexion par' en haut, contenu dans le grec 
Orsp, et l'aryaque et sanskrit vpah. — Gr. ursp = a-uTcep. 

C'est de l'union du déterminatif a et du relatif iva que 
naît en sanskrit AVA, le substitut habituel de APAj loin de, 
hors, etc. Si cet Awa est, la plupart du temps, représenté 
en latin par VE (W-cors, yE-sanus, etc.), il se trouve parfois 
contracté en AU (wa = u) comme dans AU-/er(re) = «wa 
H-BH», AU-/ttjf(ere) = «w« + Biiu«, etc., grec Fe (éol.), 
£ (attique). 

Tous les pronoms, exprimant quelqu'un ou quelque chose 
dans son individualité tout entière, indiquent par là même, 
lorsqu'ils sont pris comme demi-pronoms, Vunité, la simul- 
tanéité. C'est ainsi qu'à côté de sa, que nous avons déjà vu 
p. 122, nous trouvons ka, exprimant Vensemble, le tout, et 
de là, la force, kam, neutre de ka, a donné le latin CUM, 



' Une chose à remarquer c'est que Vlnde trouve dans UPA un rapport de 
dépendance ou de liaUon par position sujtérieure, tandis que la Grèce voit 
presque toujours dans •ïno la dépendance par infériorité relative : t/P^-gam, 
"niO-9T»9ti, etc. 



f56 GRAMMAIRE. 

dans r unité de, ensenélCj avec et fortement ^ — Ywûté^ Vwùon 
et la force étant toujours assimilées dans le système indo-eu- 
ropéen. — C'est donc par une grossière erreur et une dé- 
plorable confusion que le vulgaire explique tous les CCM 
latins par l'idée de simultanéité. Il y en a beaucoup, sans 
doute, qui ont ce sens ; mais il y en a presque autant qui ne 
jouent aucun autre rôle que celui de renforcer Tidée contenue 
dans le verbe, de lui donner un degré de perfection relative. 
Parmi les premiers, nous citerons CON-fluere (couler avee)^ 
CdL-ligere (rassembler^ c'est-à-dire choisir ensemble) j COM- 
ponere (placer ensemble) ; parmi les seconds, nous donnerons 
comme exemples COR-rigere (métier fortement^ ou encore 
mener à la perfection^ corriger), COM-placere (plairebeaucoup)^ 
COM-plere (remplir tout à fait), CON-scire (savoir d'une ma- 
nière absolue)^ CON-stituere (établir fortement^ etc.). — Cf. 
goth. ga-; gaël, co-; kymr. can^ etc. 

Un comparatif de kam, — MAHtara — a donné le latin 
CONTRA, contre, d'où CONTRA-rtiw, o, wm, etc. (Voir l'ap- 
pendice à la partie lexiologique.) 

Nous rappellerons ici le préfixe TRANS dont nous avons 
déjà parlé (p. 125), et la particule séparative SE-, SED, qui 
n'est qu'un véritable ablatif et que nous étudierons plus 
loin en même temps que ce cas, et celte mention complétera 
la liste des principales prépositions de la langue latine, au 
nombre de trente, environ. 

Voyons maintenant les adverbes et les conjonctions. 
On a donné le nom d adverbe (ad + verbum = auprès du 
verbe) à une forme invariable des pronoms ou des noms ad- 
jectifs qui a pour mission de venir au secours du verbe ; 
l'adverbe joue donc vis-à-vis du verbe le même rôle que l'ad- 
jectif vis-à-vis du nom. Il y a un grand nombre d'adverbes 
d'origine verbale ; presque tous les adjectifs peuvent former 



DÉRIVATION. 15: 

un adverbe en prenant soit la terminaison neutre e : hency 
malej soit la terminaison active ter: fideliterj féliciter ^ etc. ^ 

Nous n'avons à nous occuper ici que des adverbes formés 
de pronoms perdant la moitié de leur valeur, et nous étu- 
dierons simultanément les conjonctions qui ne sont que des 
adverbes conjonctifs.Le latin en a 67, et sur ce nombre, il 
n'y en a que 4 qui soient d'origine verbale ; ce sont verum ou 
vero (rac. (dh)wb, courber j entourerj couvrir, garder) y dum 
(rac. Di ou IMW, briller, luire), igitur et ergo (rac. a« et mQ, 
tejidre vers, aller, agir) ; nous sommes donc sufBsamment 
autorisés à placer ici, à côté de Tétude des adverbes, celle 
des conjonctions d'origine pronominale. 

Le pronom déterminatif a a donné naissance à plusieurs 
adverbes ou conjonctions. — Nous avons vu plus haut 
(p. 122) le pronom ille pour imde, dérivé diminutif de ana. 
Un locatif de ille'(illi), uni au -c terminal que nous avons 
déjà eu occasion d'étudier, a produit les adverbes de lieu 
ILLIC, là (où il est), ILLINC, de là (où il est), et ILLUC, là 
(où il est), qui s'emploient comme réponses aux quatre ques- 
tions tiit pour cubi, unde pour cunde^ quo et qua, signifiant 
toutes: où. Nous citerons encore l'ablatif féminin ILLAC, là. 
(Voir licet et videlicet à la rac. it, envelopper, courrir, laisser.) 

Le même ana a donné, comme nous l'avons vu encore 
(p. 132), les particules de négation NON, NE, i, NA, etc. 
Ajoutons que c'est Au^m {voir plus haut, p. 122), qui a 
formé les adverbes ALlO-r/ut (devant une consonne), ALIO- 

' A part quelques rares e>cei lions, les langues novo-btines forment leurs 
9dTerbe8 d'origine verbale en combinant avec l'adjectir qu'il s'agit de modifier 
en adverbe une forme ablative issue de menSi mentii, qui signifie alors dont 
Ml etprii: sagement =^ d'un esprit sage, inccmsid&ément = d'un esprit incon- 
sidéré ; mais plus tard, mem a rendu toute idée de mode, de mfmUre, et l'on a 
eu alors: yrafMf^mfiil = d'une manière grande, finalement =i à* xoïe manière 
finale ; on voit qu'ici le sens primitif de men$t mentis est comiilctement déna- 
turé. Cette forme ablative latine mente y reproduite dans le français ment, se 
rctnuve dans l'italiei , l'espagnol et le portugais mente, le wallon meint, etc 



t38 GRAMMAIRE. 

guiM, (devant une voyelle), ALITER, AlIUD, autrementj autre- 
ment que^ et qui, devenu AL et se combinant avec sic (voir 
plus loin, p. -140, Texplic. de cet adverbe), a produit le vieux 
français aUi devenu aussi, wallon aussi, etc. 

Uni à PHA,le déterminatif a a donné au sanskrit AD2L4, 
M, et ADHAS, de là, tandis que le latin en a fait DE pour 
A-DE, avec chute de l'aspiration (cf. pages 89 et 154), et 
le grec ?v6a, avec v intercalaire pour l6a=A»BA, ici, là, 
alors; lv6£v,pour £6sv=aphas, d'ici, de là. 

Du grec IvOsv, équivalant au sanskrit etaryaque adhas^, 
nous pouvons rapprocher le latin INDE. (Cf. plus haut, 
page 133.) 

Enfin, nous trouvons des dérivés de a uni à ta etn, ou 
à THA. De la première de ces combinaisons sont issus le 
sanskrit ATAS, d'ici, ensuite, cest pourquoi, donc, le grec Iti, 
encore, de plus, et le latin ET pour ETE, aussi, encore, et. 
Cet ET se joint souvent à jam, issu de la racine mw, pour 
former ETjam = ETiam, aussi, même, etc. Quant à atha, que 
l'on retrouve tel quel en sanskrit avec le sens de maintenant, 
encore, le latin les possède sous la forme de AT pour ATE, 
mais, à côté de, etc., d'où ATque (pour que, voir plus haut 
ce que nous disons, p. 116), contracté quelquefois en AC. 
On trouve aussi (avec forme locative de ka), ATqui. 

Le déterminatif i, opposé à a, a, comme lui, donné nais- 
sance à un certain nombre d'adverbes et de conjonctions. 

Ita (ancien instrumental d'un pronon ita), cela est ainsi, 
c^est cela, ainsi (sansk. ITI; ail. ta; angl. yes, etc.), el 
Item (forme neutre), de même, sont au nombre des plus im- 
portants ; nous n'avons pas besoin de faire remarquer qu'ils 
sont formés par Tadjpnction à i du démonstratif ta. 

< Pour 0(y=:DHAS| cf. T» = TAS et /ifv = MAS, à la première per- 
sonne du pluriel dans les yerbes. — Le suffixe adverbial latin -TUS répond au 
grec -9sy et au sanskrit -TAS: /n-TUS, etc. 



DÉRIVATION. 139 

Quant à Ibt, c'est une forme de locatif répondant à la 
question {c)ubi, oh? Ibi^ là. 

IsiCy superlatif de I, que nous avons \u plus liaut, p. 115, 
nous a donné les adverbes ISTIC, ISTINC, ISTUC et ISTAC, 
là (où tu es), de même que ille a donné naissance à des ad- 
verbes exactement correspondants (cf. p. 137). 

Il en est encore de même du démonstratif csha, qui, par 
le moyen du type hie^ haec^ hoc (p. 115), a donné au latin 
HIC, ici* (locatif), — HINC, d w», — HUC, ici, — etlIAC, par 
id (ablat.) 

C'est encore ce csha, ce/uMà «t rautre, qui, combiné avec 
YAS pour DYAS, jour (rac. diw, 6n//er, resplendir) a donné 
ionTAS, Vautre jour, hier, devenu en sanskrit HYAS, en la- 
lin HESI pour IIYESI (avec Vl du locatif), et enfln IIERI (R = 
S, cf. p. 81), d'où hier (franc.), haxr (wall.j, ierï (ilal. et 
roum.), ayer (esp.), etc. 

PBAtf, dont nous avons vu plus haut le passage au latin 
RE ou RED à travers PREDI et REDI, a donné la forme abla- 
tive RE(ro, derrière, en an^tér^; ces deux mots soulignés sont 
eux-mêmes pour de-REîro et ad-^Eiro (cf. provençal reire ; 
vieux franc, rièrè; wall. drt, etc.) De de-REtro sont venus 
des bas-latins del^Eniknus = dernEin (français du nord), et 
deRErKkuarius = derKEtiier, puis def^nier. 

Nous avons examiné plus haut (p. 135) un préfixe ve ou au 
issu de AWA, et impliquant Tidéede séparation, nous allons 
retrouver ici ce même Awa avec le même sens à' éloignemetU 
dans des mots latins venant d*un aivaia organique. Ces mots 
sont VE, ou, à la fin des mots, VEL (=ved = vad = avad=: 
AnvMim), ou entre deux mots, et enfin la forme contracte 
gunëe, AUT (WA=U), ou bien, (cf. franc, et wall. ou; ital. 
ou od, etc.) et AUTem, mais, formé du neutre organique 



• là Tient de eccic= ecce -h hic; voici =: voit -h ci (= hic), etc. 



i40 GRAMMAIRE. 

II nous reste à examiner les dérivés adverbiaux de TA,Siik 
etKA. 

Le démonstratif des objets rapprochés ta a donné au latin 
un grand nombre de formes adverbiales. 

Nous avons étudié plus haut un adjectif pronominal re- 
doublé tantus ; nous placerons à cAté l'adverbe TANTUM, ail- 
lant; mais ce pronom ta ne s'est pas toujours redoublé, et 
si nous trouvons encore TOT, tantj autant^ nous avons aussi 
TAM, siy amsi (cf. grec ti«»;, cutco;, ainsi^ autant que, sembla-- 
blement),quï a pris tout simplement la naso-labiale neutrem. 
TAM, en s'unissant à son opposé quam, a donné TAMQUAM, 
tel que, comme si, etc. 

TA a fourni aussi au latin un TUM, alors, d'oùTUNC=: 
TUM + que (cf. nunc=num H- que, hic=hi'hque, p. 116, 
etc.), et ce HUMque se trouve conservé dans notre donc, et 
surtout dans l'italien dunque=ad -{- tum -{- que. 
' De SA, substitut de ta, est venue la conjonction condi- 
tionnelle SI (ombrien : sve, osque : svai), exprimant la 
simultanéité des deux idées, celle qui est exprimée comme 
résultat de la condition et celle qui exprime la condition 
elle-même: a si tu apprends, tu sauras » est équivalent k •en 
même temps que tu apprendras, tu sauras. » C'est cette idée 
de Simultanéité, d'ensemble et coriséquemment de force (v. 
pages 122, 135), contenue dans le pronom sa, qui l'a fait 
souvent employer dans les idiomes indo-européens comme 
préfixe de renforcement. 

De même que TUM uni à ^u^ a donné TVMque et TUNC, de 
même SI, combiné avec ce même que (p. 116), a formé un 
Slque devenu Sic = ainsi, de cette manière; et de ce Sic sont 
issus à leur tour, par la combinaison avec un adverbe que 
nous étudierons tout à l'heure, SIC-i/l, SIC-utt, etc. 

Nous venons de voir les dérivés adverbiaux de ta et de sa, 
nous allons examiner maintenant ceux qui sont formés de 



DÉRIVATION. 141 

KA, que le langage oppose habituellement aux deux pre- 
miers pronoms , et nous profiterons de cette circonstance 
pour renvoyer le lecteur à ce que nous avons dit plus haut, 
p. 102, du remplacement perpétuel en latin du relatif 
aryaque ta par Tinterrogatif ka. 

En face de tam et de tum^ nous trouvons d'abord quant et 
qmm: TAM, autant; QUAH, que; TUM, alors; QUUM, lorsque; 
— de même, vis-à-vis de TOT, nous avons QUOT: tôt ho- 
miaes, quot sententise, autant d'hommes, autant (que) 
d'avis. » 

Parfois Topposition a lieu entre deux dérivés de ka ; c'est 
ainsi que la forme neutre QUID, avec le sens de pourquoi^ 
trouve sa réponse dans un autre neutre QUOD, signifiant 
parce que, que, de ce que. 

Mais nous trouvons aussi un grand nombre de mots pour 
lesquels il n'existe pas de correspondance. Il nous serait dif- 
ficile de les citer tous, nous allons du moins essayer d'indi- 
quer quelques-uns des principaux. 

Une forme locative s'est conservée dans le latin UBI pour 
CUBI, comme UNDE est pour CUNDE [aliCmde) S etc. UBI — 
que l'on trouve parfois complété par Templélif fu^ (UBI^tie 
=1 partout) — est représenté en français par où, en italien 
ave, etc. C'est ibi qui répond à UBI (cf. p. 139). 

L'ablatif masculin QUO, uni au substantif modus, mesure, 
manière (rac. RW, étendre, mesurer), a formé QUOmodo*, de 
quelle manière, comment, comme, como (esp.), come (ital.) etc. 

De même Tablatif féminin QU A, combiné avec r^« (sansk. 
RAS ou RÂI pour RAHI= RADHI, richesse, bien acquis, 
cliose, du verbe nu, croître, accroître), a donné QUAre, par 



A Pour la chute de l'explosive iaitUle, voir plus haut, p. 87. 

* QUEHadmodum appartient à une création analogue, trop facile pour que 
nous nous y arrêtions: Q\}E)i'{-ad-hmodttm. lï en est de même de QUAM- 
ûbrem^QVhU-^ob + rem. 



142 GRAMMAIRE. 

quelle chose, pourquoi, devenu avec une légère modification 
de sens, le français car. — Le latin emploie aussi comme 
synonyme de QlIAr^, un CUR=QUAr^. 

QUksi est pour un aryaque ka-sa, combien, simultané, en-- 
semble, comme. 

USQUE se décompose d'abord en VS-que, et DS n'est autre 
chose que UT pour CUT, sanskrit KAT, aryaque ma«, neutre 
de MA, employé comme conjonctif-relatif . Le jusque français 
est formé d'un composé de+VSque chuinté en djusque, et 
enfin jusque. 

De la généalogie de usque, nous pouvons rapprocher celle 
de USgttam = CUSguam=CUTgttam. — VSquam est parfois 
combiné avec la négation et donne alors NUSgKam. 

Cet UT dont nous avions déjà constaté l'existence dans 
«tc-UT et 5ic-UT[, et qui concourt à la formation de US-que 
et de VSf-quam, est conservé tel quel dans le latin UT ou UTI 
(pour CUT ou CUTI = QUOTI = kwah, comme, que, afin que^ 
de sorte que), d où UTIwam — dans VT-cum-que composé de 
UT 4- cum (= KAm) -f- que, etc. 

Citons, pour en finir, parmi les dérivés demi-pronoms de 
MA, KWA, QVldem et EQVldem (ex + quidem), en vérité, à 
la vérité, dont nous avons déjà expliqué la forme dem à pro- 
pos de td^m, etc., p. 120, — QUOIUum, à quoi bon cela, — 
QUÂNdo (sansk. KADÀ), quand, etc., etc. 

THÈMES d'origine VERBA'LE. 

La grande loi qui préside à la création des thèmes de 
cette classe est celle de l'opposition et de la prédominance 
relative des idées de substance (pronom) et d'action (verbe), 
et cette loi donne tout le secret de la formation des noms, 
soit substantifs, soit adjectifs. En effet, tout nom étant la 
combinaison intime d'un pronom désignant l'être (objet^ 



DÉRIVATION. 145 

substance) et d'un verbe peignant l'action caractéristique 
faite ou subie par cet être, il reste à savoir si, dans ce 
concept binaire, notre esprit fait dominer la notion d'action 
ou celle de substance. 

Si ridée d'action remporte, le verbe est le plus fort, le 
pronom est subjectif et perd la moitié de sa substance so- 
nore : TA devient T, sa devient s : pa-t, gardant ^ protégeant; 
■A-T, mesurant; da-t, donnant^ etc. Comme on le voit, les 
participes présents ou actifs appartiennent à cette classe de 
mots dérivés, où Tidée verbale remporte sur l'idée prono- 
minale; ainsi, nous trouvons : 1^ t, désinence formai ive des 
participes présents à racines vocal iques, et at, désinence 
formative des participes présents à racine consonantique. 
2^ NT ou ANT, d'où, au nominatif et au vocatif sanskrit : N 
ou AN. On sait que parfois le T tombe à tous les cas en la- 
tin, et le mot alors se décline comme si le thème était en N; 
c'est ainsi que nous avons le déchirant, LEO(N) faisant au 
génitif LEONIS pour LEONTIS, à l'ace. LEONEM pour LEON- 
TEM, etc. 

Ce môme T terminal formatif des participes présents, vé- 
ritables noms actifs, se change fréquemment en S, surtout 
dans les noms neutres en as pour at organique; ^mnmii= 
»•«•»= G' AiVAS=GENUS. Il importe de faire observer ici 
que dans la suite des temps cet S, substitut de T, a été lui- 
môme très-souvent remplacé par R. C'est ainsi que le gé- 
nitif «•■»•• est devenu GENERIS pour GENESIS, que ta- 
paM» (gén. de tapas) est devenu TEMPORIS pour TEMPOSIS, 
etc. (Voir plus haut, p. 81). 

Dans les participes présents latins, le T, signe de la pré- 
dominance de Pidée d'action, s'assimile à l'S désinentiel,et 
nous avons alors DUCENTS=DUCENSS=:DUCENS; AMANTS 
=AMANSS= AMANS; LEGENTS=LEGENSS=LEGENS, etc. 
Si, contrairement à ce qui se passe dans la formation du 



144 GRAMMAIRE. 

participe actif, Tidée à' être individuel, de substance remporte 
sur ridée d'action, le pronom ta demeure dans toute son inté- 
grité, et nous avons alors le participe passif (improprement 
appelé participe passé) en -tas, -ta, -tah, qui se retrouve 
exactement dans le latin -TUS, -TA, -TUM (vieux latin, 
osque et ombrien -lo-«; grcjC <o-<;),et de même que -TUS, -TA, 
-TUM, pronom indicatif des objets rapprochés, représente 
tous les participes passifs au présent, de même -NUS, -NA, 
-NUM, formé sur na, pronom indicatif des objets éloignés, 
représente tous les participes passifs au parfait; ainsi sont 
encore opposés Tun à Tautre n et ni. 

Nous avons maintenant à étudier les infinitifs, supins, les 
gérondifs et les différentes formes verbales qui, sous le nom 
d'intensitives, de diminutives, de fréquentatives, de dési- 
dératives, etc., jouent un si grand rôle dans le parler indo- 
européen. 

C'est le verbe tu, emplir, accomplir, faire, qui a donné 
les infinitifs sanskrits en -TUM que nous retrouvons littéra- 
lement reproduits dans les supins de la langue latine : ama- 
TU>f, =aîm^r; mont TUM = avertir; /^c-TU.\f=/ir^, etc. 

Il faut bien se garder de confondre en quoi que ce soit, 
comme on le fait malheureusement trop souvent dans les 
grammaires, le supin TUM avec le neutre du participe passé 
TUM^ Ce participe passé est tout simplement formé du dé- 
monstratif aryaqueuw, ta, tan OU taë, tandis que le supin est 
formé par contraction de l'abstrait TCam, le accomplissant 
ïacte de..., formé, comme nous venons de le voir, du verbe 
primitif tu, em,plir^ accomplir, faire. Les infinitifs du sans- 
krit classique sont tous formés par cet abstrait : ipi-TUM, 



' On a peine à concevoir cette confusion du supin et du participe passé ; en 
effet, le supin est essentiellement actif ; comment donc veut-on que le neutre 
prétendu d'un participe passé (ou passif) devienne actif? C'est tout simplement 
absurde 1 



DÉRIVATION. 145 

faire faction de boire j lai. po-TUM; slbâ-Ti/M, faire Vaction 
de se tenir y d^être debout, lat. sta-TUM ; sarp-TC/M, Vaction 
d'aller j de se traîner, lat, scrp-TDM ; ^am-TUM, Faction de 
produire, lai. geni-TUM, etc., etc. Cf. plus loin.) 

A côté du supin infinitif, nous placerons un autre dérivé 
du verbe ni, emplir, accomplir, faire ; c est le fameux in- 
strumental gérondif Tiv (sBusk.T^mÉk), par V accomplissement 
de Y acte de. Ce twî s'est contracté en latin en TU, devenu 
DU par l'affaiblissement de Texplosive f^rte t suivi du M en 
l'explosive faible D ; et, avec Taddition de la désinence ca- 
ractéristique du ' nominatif, nous reconnaiirons facilement 
ici le gérondif en -DUS, -DA, -DUM. 

El atin comme en zend, des tbémes actifs en tu, s'ad- 
joigi it le déterminatif a pour former des thèmes en twa ; 
de \b n aryaque «ta-toa-a, devenant en latin sta-im-l, avec 
a affaibli en t, comme d'ordinaire ; il eu est de même, du 
reste, des autres thèmes en u, comme minu, tribu, donnant 
tntfiu-it, tribU'it pour une forme organique minua-ti, tribua-ti. 

En dehors de cette dérivation verbale simple proprement 
dite, il existe certaines formes qui ont trait à des rapports 
de grandeur, de puissance ou de faiblesse d'action, ou encore 
qui expriment l'idée de commencement ou de répétition de 
l'action. 

Trois verbes simples : pa, poser, faire, (grec xoiécd) 
mmjL, poser, faire (ail. thun; angl. do) ; «a, produire, engen- 
drer (latin gignere), servent à former les verbes intensitifs 
terminés en -P, en -DH ou -D et en-G. C'est ainsi que, à côté 
de la racine primaire «b, engouffrer, dévorer, se présente 
avec une idée d'insistance et de plus grande énergie la racine 
secondaire «Bah, dévorer ardemment (d'où, par l'allemand, 
notre GREDiN, dévorateur ou meurt de faim). — De même la 
racine sta a donné trois intensitifs STAp (stip-es) , sta4 
(stad'ium), et 8Ta« [stag^um), etc. 

10 



146 GRAMMAIRE. 

En opposition avec ces verbes de force se rencontrent non 
moins souvent des verbes d'affaiblissement ou de nuance 
par amoindrissement d'énergie, appelés d'ordinaire verbes 
diminutifs, ou dans d'autres circonstances inchoatifs. Sans 
parler ici de la forme -SK, née du verbe iKS, voir, parOUrây 
si fréquente dans les terminaisons grecques -1X02, -2X0N, 
et aussi dans la terminaison latine -SCERE {arde-SCERE^ de 
ardeo ; cf. Titalien ardisco) *, nous metlrons en relief la 
terminaison habituelle des diminutifs -BH, née de bba, 
luircy parattre, ce qui donne Tidée de ressemblance ou d'ap- 
proximation, et par suite celle de grâce, de faiblesse, de dé- 
licatesse. On nous comprendra mieux lorsque, sous la racine 
primaire m, que nous citions tout à l'heure, nous placerons 
en contraste avec l'intensitif «Mh, engouffrer avec une grande 
force, le diminutif «Uh, guné en «ARbh ou GBAibh, enve-' 
lopper, se saisir de, prendre. 

C'est le moment dlndiquer d'une façon sommaire certains 
dérivés dénominatife d'un usage trés-fréquent en latin; nous 
voulons parler des désidératifs et des fréquentatifs. Si nous 
prenons, par exemple, le participe passif de haerere (pour 
haesere), noas pourrons, en ajoutant au thème participial 
haesita la terminaison banale de Tinfinilif -ère, faire haesita 
'^ere=haesitare,c^es['k'àire reprendre coup sur coupla 
position du haesitus. 

Voici encore un désidératif d un emploi très-fréquent. De 
leur ed-ere, es-um^ manger, les Latins ont fait leur esu-Sl-ere 
= esvSire, devenu esu^ire, désirer de manger, avoir faim. 

Les fréquentatifs par redoublement sont extrêmement 
nombreux en latin ; nous citerons pour exemples : jaciitarey 
comitare, negitare, flagitare^ elc. 

* Le verbe indioatif s^empioie surtout pour ciprimer que Taction rendue par 
le verbe est à peine commencée, et par conséquent qu'elle est ébauchée, im- 
parfaite, petite et ressemblant en quelque sorte à l'action largement posée. 



DÉRIVATION. 147 

Nous avons vu tout à l'heure (page 143) comment le par- 
ticipe présent se forme du pronom ta, qui perd alors la 
moitié de sa substance sonore pour indiquer que dans ce vo- 
cable, véritable nom actiF, l'idée verbale ou idée d'action 
remporte de beaucoup sur l'idée pronominale ou idée de l'être 
individuel, de la substance. 

Deux participes présents, ainsi constitués, étant d'une haute 
importance dans la formation des thèmes d'origine verbale, 
nous allons nous y arrêter un instant. 

1** WAT (sansk. VAT) qui est plein de (au phys.), doué de 
(au moral); ce ivat est un reste de l'organique bhawat ou 
BmirAT, participe présent du verbe mm ou miAij=BBAW, 
établir, poser^ constituer, être. 

Ce iVAT est d'abord devenu ivas, et par contraction v», 
puis, se renforçant par la nasale, il a donné ivakt et ivaks; 
mais WANS a perdu son s, et il est resié parfois hvâx d'où 
WA tout simplement. 

Mais toutes ces formes, — sauf la dernière non consonan- 
tique, — peuvent recevoir après elles le pronom délermi- 
natif A, et prendre ensuite les signes de désinences. Cestde. 
deux de ces formes que nous allons avoir à nous occuper 
au profit de nos études latines ^ 

Parfois wans prend donc Ta déterminatif et devient en dé- 
clinaison ¥ansm, ¥aN8*, VANSam. Cette formc, qui se re- 
trouve intacte dans le sanskrit, se conlPflcte bientôt dans les 
autres langues enmiMas, nus*, nnsam (U=WA) et devient 
alors la fameuse terminaison romaine -ONSUS, -ONSA, -ON- 
SCM, plus tard-OSUS, -OSA, -OSUM, plein de, doué de; il 
nous suffira de citer pour exemples /brm-OSUS, doué de 
beauté, odi-OSUS, plein de haine, etc. 

On remarquera en outre que OSUS est long par suite de la 

> ^\t. Kuhn, VeberdaB aile s (Zeitschrift, etc., 1852). 



148 GRAMMAIRE. 

chute de Yn (voir plus haut, p. 76), que Ton retrouve du 
reste dans quelques vieux auteurs. C'est ainsi que dans 
Festus et Juvënal nous voyons form-ONsus, etc. 

Si WANs aboutit à -ONSUS et à -OSUS, wakt, lui, est sans 
cesse représenté en latin par LENT (grec £vt pour j:£vt), et 
par son dérivé (uni au pronom a) LEMA, donnant LENT- 
ttô, LENT-er, LENT-rim : somno-LEtiT'Us , plein de sommeil, 
t;îno-LENT-M«, plein de vin, etc. 

Relativement au V devenant L, nous ferons observer que 
ce changement se rencontre encore dans lepos et lepor pour 
vepos et vepor, comme le prouve la forme identique sansk. 
VAPUS, forme, beauté. 

Il importe encore de signaler ici le changement si com- 
mun de W en M (deux labiales douces prolongées échangées 
entre elles), changement que l'on retrouve dans le latin Mar^ 
(mer), originellement identique au sanskrit Wari et à l'a- 
ryaque wari et qui nous a donné ria au lieu de wa, mat 
au lieu de wat, maiv au lieu de wan, nAXt au lieu de 
WAKt, etc. (Cf. p. 77,) 

A ces MAT, MANT, HAN, MANtas, a, •■§, elc, Correspon- 
dent en latin MET, MENT, et surtout MEN et MIN, abrégé de 
MENT, et MENTttfii, dérivé de ce même MENT, qui sont de 
beaucoup les formes les plus employées. Ainsi on trouve 
MEN et MIN dans des noms tels que /î^n-MEN, /tjfa-MINlS, 
ce qui est plein du lier, doué de la propriété de lier, lien ; no- 
MEN pour j/no-MEN, ce qui est doué du pouvoir de distinguer, 
et de là ce qui fait connaître, nom ; certa-MES, certa-HUilS, 
ce qui est plein de luttes, combat, elc. ; tandis que MEN/fim sert 
à former des mots analogues à liga-^HE^tum, certa-HLEUtum, 
etc. La forme grecque correspondant à ce MENT latin est 
HAT = Taryaque neutre hat : BiicXcoMAT, a&MAT, ôvoMAT, 
dont les nominatifs singuliers ont perdu leur T et sont 
devenus i{i?Xu)MA, ctôMA, qvsMA, tandis que les autres cas 



DÉRIVATION. 149 

l'ont partout conservé. (Cf. persan : men^ doué de ) 

Ces formes participiales actives ont donné, outre des noms 
d*action, des verbes dérivés nominaux en -MIN-ore et -MENT- 
are. Nous citerons seulement wo-MIN-or^ (pour j/no-MIN-eire), 
faire ractim de faire cormaitrej nommer, Zrt-MENT-are, faire 
V action de crier, se lamenter, etc. 

, Ajoutons en finissant que MENTtim devient en français 
ment, etc., tandis que men se retrouve dans le français et 
l'italien me ; /e^MEN= légume (ital.), légume (franc.) 

2® Le second participe présent aryaque dont nous avons 
constaté tout à l'heure l'énorme importance est twat pour 
tawat (sansk. twat), au sens de accomplissant, achevant. Le 
radical de ce participe est le verbe tu (ou TAU=TAiiir) em- 
plir ' , accomplir, faire. Nous avons déjà étudié ce verbe dans 
la formation des thèmes verbaux simples à propos des su- 
pins et des infinitifs. Ici nous avons à le considérer sous un 
autre aspect en composition avec le démonstratif actif at 

(uiw + at.) 

La forme twan ayant pris Ta déterminatif et la désinence 

commune, devint twan-as, twaB-A,«wam-aB. 

En latin, la forme participiale active twan, a donné, en 
se redoublant en tatwaa, les noms actifs en -TUDON (= 

C'est ainsi que va/e-TUDON, par exemple, a pour forme 
organique vara-tAtwaB(() ; tous ces noms font aujourd'hui au 
nominatif -TUDO, — Vn, seul reste du participe actif orga- 
nique, étant tombée, — et nous avons alors va/e-TUDO pour va- 
/eTUDON, mtt/«-TUDO pour muftê-TCDON,et ainsi de suite. Aux 
cas autres que le nominatif, le thème TUDON s'est affaibli 
en TUDIN, et nous avons eu ainsi t^o/e-TUDlN-t^, mu/^i-tUDIN- 
is, etc. Il est facile de voir la marche suivie par 'Ukt^ 

^ Cf. iMmor, tumere, ^«rmidus. 



150 GRAMMAIRE. 

pour devenir TUDON : Va de la première syllabe s'est changé 
en fi, comme cela arrive si souvent chez les Romains, et l'on 
a eu alors tntwan) puis le tv qui suit le second t l'a forcé de 
s'affaiblir en d (lu = d), et Ton a eu TUDAN=TCDON. 

C'est encore le verbe tu guné en tau qui a donne la ter* 
minaison caractéristique du participe futur passif aryaque 
iav-^a, par ya, qui cst la forme simple de ce même par- 
ticipe. 

A cette forme simple passive, le verbe tu vient ajouter 
ridée à^accomplissemmt possible^ l'idée de faire, et il forme 
ainsi le participe futur passif, avec le sens de : qui est devant 
être accompli. 

Nous passons maintenant à l'étude des flexions ou dési- 
nences. 



IL FLEXIONS ou DESIKENCES. 

Cette partie de la dérivation sera tout naturellement sub* 
divisée en trois paragraphes : 

1"* Flexions nominales ,, ,. . 

ct^ r?i ' -1 declmaison. 

2® Flexions pronominales 

y Flexions verbales : conjugaison. 

Parlons d'abord des flexions nominales. 

1* FLEXIONS NOMINALES. 

Sans nous occuper ici de la déclinaison des grammaires 
classiques, fondée uniquement sur la routine, nous adopte- 
rons le système inauguré pour la première fois en France 
par M. Eichhoff *, et suivi depuis par M. Dutrey, aujourd*hui 
inspecteur général de l'enseignement supérieur, dans une 

< Parallèle des langues de FEurape et de VInde, Imprimerie royale. Paris^ 
1836, in-4%p. 594 et suiv. 



DÉIUVATION. 151 

Grammaire latine^ la meilleure de toutes celles que nous 
connaissions ^ 

Ce système, qui repose sur Tétude comparée de la dériva- 
tion indo-européenne, reconnaît en latin deux déclinaisons 
nominales : une déclinaison simple et une déclinaison géné- 
rique ; mais comme les formes de ces deux déclinaisons, les 
seules que Ton devrait trouver dans les grammaires latines, 
sont les mêmes prises séparément, nous allons étudier ces 
formes les unes après les autres, nous réservant de donner 
ensuite un aperçu général de la déclinaison latine, et de 
compléter cet aperçu par des tableaux qui devront graver 
dans Tesprit du lecteur les désinences aryo-latines. 

Nous commencerons donc par étudier les cas. 

En dehors du vocatif, dont nous parlerons tout à Theure, 
et qui proprement n*est pas un cas, la déclinaison latine, 
comme la déclinaison indo-européenne en général, se divise 
en deux classes de désinences : 

1° Les cas directs à opposition. 

^ Les cas inéUrects à circonstances. 

V Opposés l'un à l'autre comme ï effet à la cause y comme 
le sujet agissant à Y objet sur lequel il agit^ comme Y actif au 
passif \ le KOMiifATiF et rAccusATiF sont les seuls cas directs : 
tous les autres sont obliques ou indirects. 

2^ Ces cas indirects rendent toutes les circonstances de l'ac- 
tion; mais ces circonstances sont de trois espèces, ce qui 
nous conduit à une triple subdivision : 

a. — te moyen d'action du sujet sur F objet se rend par l'iic- 

STRUMEirrAL. 

* Cette grammaire, si excellente lorsqu'on la compare à Lhomond et autres 
de la même école, n'a pu tenir devant une hostilité de parti pris qui l'a relé- 
guée dans les bibliothèques des linguistes au lieu de la metti'e sur le pupitre 
des écoliers. 

* Les grammairiens hindous désignaient le nominatif par kartr^ = factor, t 
l'accusatif par karma = factum. 



152 GRAMMAIRE. 

b. — Le double point de départ du sujet vers Vobjet se con- 
fond avec i* ABLATIF et le génitif. , 

c. — Enfin le datif et le locatif expriment le double but ou 
point d^ arrivée de Vidée y soit au lieu seul où elle tend (locatif), 
soit auprès de quelqu'un de déterminé dans ce lieu mime (datif). 

Comme on le voit, il n*y a rien autre chose dans tous ces 
cas quune action du sujet sur Tobjet, action directe dans les 
cas directs à opposition, indirecte dans les cas indirects à 
circonstances. 

Mais le sujet ou l'objet peuvent être un, deux ou plusieurs; 
ce qui nous donne ce que les grammairiens appellent les 
nombres, II fdut encore en dire un mot avant de passer à 
l'élude des cas. 

SiNGLLiER. — Le langage n*a pas de signe particulier pour 
rendre le singtdier. En eflet, le nombre singulier, — si tou* 
fcfois c'est un nombre, ce qui pourrait être révoqué en doute, 
puisque Tidée de nombre semble indiquer Tidée de plura- 
lité, qu'exclut le singulier, — ce nombre singulier repré- 
sente seulement une unité, et cette unité se retrouve toujours 
dans le pronom qui forme, comme nous le verrons tout à 
Theure, la désinence nominale. 

Pluriel. — II n'en est pas de même pour le pIwieL Cest 
bien là- un nombre, aussi est-il rendu par une unité ajoutée 
à Tunité du singulier. — Le signe commun du pluriel indo- 
européen est un s, reste du pronom sa, que Ton ajoute au 
tliéme singulier, ha exprimant un objet, une individualité, 
une personnalité, une unité, en un mot, on lajoute au thème 
singulier qui contient déjà une personne, une unité, et Ton 
a ainsi : sa -h sa = un -4- w) = deuXy c'est-à-dire le pluriel. 
En effet, il n'est évidemment pas nécessaire pour former un 
pluriel qu'il y ait plus de deux unités, puisque le duel n*est 
qu'un pluriel imparfait; et c'est ce qui nous reste main* 
tenant à démontrer. 



DÉRIVATION. 153 

DcEL. — Primitivement cette forme du langage s'employait 
seulement pour indiquer uo composé copulatif formé de deux 
sujets ou de deux objets, et correspondait tout particulière- 
ment à ridée de couple ou de l'opposition des deux sexes : 
pitarâ-matarâUj le père et la mère ; dydoâprthavyâu^ le ciel 
et la terre. Ce n'était donc qu'une sorte de pluriel limité. 

Aussi le latin, trop pratique pour garder ce luxe de nuances 
grammaticales, Ta-t-il seulement conservé dans deux formes 
où Ton comprend logiquement son existence : duo (ombro- 
samnite : dus)y et ambo ^ 

Parmi les langues novo-latines, il en est, comme Titalien 
{due)j le roumain (doK, rfoa), et le vieux français (doi^ dui)j 
qui ont conservé une forme spéciale à l'idée de dualité, 
tandis que d'autres, telles que l'espagnol (dos), le portu- 
gais {dauSy duos), et le français moderne {deux), ont été 
trop logiques et ont donné au demi-pluriel duo le signe com- 
mun du pluriel : s. 

Maintenant que nous avons vu les différents états dans 
lesquels peuvent se trouver les désinences des noms, et, pour 
ainsi dire, le cercle dans lequel elles peuvent se mouvoir, il 
nous faut examiner rapidement les syllabes formatives de 
ces désinences et étudier la déclinaison latine dans l'unité 
aryaque. 

VocATip. — Le vocatif étant, comme son nom l'indique 
(vocare, appeler), le cas d'appel, d'invocation, doit être aussi 
bref que possible, et cette brièveté n'a pas d'organe plus 
parfait que le thème sans aucune désinence. On trouve dans 
les langues indo-européennes un grand nombre d'exemples 
de cet emploi du thème intact ou ayant perdu sa voyelle ter- 



* Le pâli a agi absolument de la même manière que le latin, et il a seoie» 
ment conservé deux duels : Hbhaû=^ambo et dwaû=duo, — Seul, parmi les 
langues germaniques, le gothique a conservé le duel, et encore dans les verbes 
seulement. 



154 GRAMMAIRE. 

minale ; nous citerons en particulier le sanskrit {vûk^ mâtary 
maruîy datta \ etc.), et le grec IXXev, ^i^Tcp, 6v2p, etc. La 
grammaire latine nous fournit rosa (I) *, domine (thème ary. 
4rau»« *)^pn€r (II), soror (III), cornu (lY) ^. 

Les vocatifs des deux noms communs fUius, genius^ et de 
tous les noms propres en fti« (excepté ceux qui sont adjectifs 
et ceux qui viennent du grec) appartiennent aussi à cette 
classe : fili pour filiez Horati pour Horatie, et c'est à tort que 
les grammaires latines en font une exception. 

Dans les autres exemples de déclinaison, le latin emploie 
pour vocatif le nominatif qui, comme on le verra plus loin 
dans le paragraphe spécial que nous lui avons consacré, est 
la plus simple expression de la déclinaison : templum (II),. 
avis et corpus (III), manus (lY), et dies (Y). 

Cette règle est générale pour les vocatifs pluriels latins 
qui sont toujours semblables aux nominatifs : rosae (I) ,. 
dominiy templa (II), sorores^ coipora (III), manus^ comuaiJS)^ 
diesiy). 

* En sanskrit, le vocatif ne reproduit la dësidence du nominatif que dans les 
thèmes monosyllabiques terminés par une voyelle : bhi-s, peur/gaû-s, vache; 
nàu-s, navire. 

> Par ces chiffres romains entre parenthèses, nous indiquerons toujours les- 
déclinaisons latines de la grammaire de Lhomond, que nous prenons pour types 
toutes les fois que cela nous est possible. 

' Cet e que l'on retrouve en lithuanien (déwe), grec (ticirc], enbonissîeik 
(deiwe)^ etc., n'est pas une désinence casueUe, mais simplement un affaiblisse- 
ment du thème a, o^ ou « , en e, voyelle plus sourde et plus brève. 

* Kous nous permettrons d'être ici d'un avis contraire à celui de H. Bopp, 
qui, dans le g 205 de la Gramm, comparée, dit que le latin prend toujours 
pour le vocatif la forme du nominatif c mit Ausnahme de» Ua»c, 2 ï>eeL » ; le- 
Tocatif tiwa n'est autre chose que le thème, et s'il est semblable au nominatif 
c'est que ce dernier cas est devenu bref par une altération dont nous parlons 
plus loin [p. 157); quant à puer, c'est tout simplement le thème privé de a 
voyelle terminale [putara). Ce n'est pas la faute du vocatif thématique si 1 
nominatif s'est modifié au point de lui ressembler. 



DÉRIVATION. 155 



CAS DIRECTS. 



Nominatif singulieb. — Le nominatif singtdier se forme en 
latin, comme dans tout le système indo-européen, par l'ad- 
dition au thème d'un s, représentant le suffixe pronominal 
SAlBopp. Gramm. comparée ^^ 134) ; ce suffixe sa figure, 
comme nous l'avons vu plus haut (p. 101), T indication de 
Tétre qui constitue le sujet, le nominatif; et cela parce qu'il 
rappelle immédiatement à Tintelligence Têtrc ou Pindivi* 
dualité dont s'occupe d'abord l'esprit dans la constitution 
de la phrase pensée. Or, ce premier objet de la pensée étant 
opposé au second objet dont se préoccupe Tesprit, second 
objet que nos grammaires appellent régime du verbe, la 
perpétuelle opposition de ha représentant ce qui est proche 
ou premier avec hia, montrant ce qui est à distance^ au delày 
éloigné^ devait amener la création des deux cas directs avec 
le caractère d'opposition pronominale qui en fait l'essence 
logique. 

En latin, nous retrouvons cet s désinentiel du nominatif 
conservé intact dans des mots tels que dominu-s (II) , avis 
(III), tnantt-«(IV), eldie8(\). 

Mais d'autres fois, il est contracté ; ainsi puer est pour 
puem-Sj comme on a liber à côté de liberus et vesper à côté 
de vesperU'S *. De même soror est pour sosor (p. 81) = sosor-s 
=«ro5or-« = (sansk.) svasr. 

C'est ici le lieu de parler de la déclinaison générique qui^ 



* Cette contraction qui supprime la désinence du nominatif des noms mas- 
culins appartenant à la déclinaison générique a lieu seulement dans les mots 
dont 1er est précédé d'un t brcî [vir, leinr^ elc.]i ou d'un e bref (pn^r, soccTf 
alter. etc.)» et encora Irouve-t-on quelques mois comme meruSf fentSf etc» 
Mais quand le r du thème est précédé d'un a, d'un u ou d'un 0, ainsi que d'un 
ê ou d'un f , la terminaison se conserve : canis, purus^ carnivoruSt vêrus^ vtrvs^ 
etc. Comparez au la' in le gotliique où les ihèrocs en ra et en enn perdent !'« 



156 GRAMMAIRE. 

à part ce cas du nominatif dont nous nous occupons en ce 
moment, ne se distingue pas de la déclinaison simple. 

Cette déclinaison est appelée générique parce qu'elle a des 
terminaisons spéciales pour chacun des trois genres mas-^ 
aiHn^ féminin et neutre; nous devons donc d'abord dire un 
mot des genres. 

Le masculin est, selon les grammaires classiques, le genre 
le plus noble ; disons seulement, pour être plus respectueux 
envers l'autre sexe et conséquemment plus français, que le 
masculin est le genre qui exprime la plus grande somme de 
force, de vigueur. Aussi ce genre est-il rendu par la sifflante 
H reste de ha substitut de ta, démonstratif le plus éner- 
gique. 

Le féminin^ le plus gracieux des genres, et cela, sans con- 
teste, est rendu en sanskrit et en général dans le système 
indo-européen, par une voyelle longue, douce, moelleuse, 
voluptueuse même, si Ton veut y mettre quelque attention. 
On sait que Manou avait fait une loi de donner aux femmes 
des noms terminés par des voyelles longues (cf. plus haut, 
p. 46), et nous avons assez parle au commencement de ce 
volume (p. 47), des voyelles mâles (brèves), et des voyelles 
femelles (longues) pour avoir besoin de faire autre chose ici 
que d y renvoyer le lecteur. 

Il nous reste à parler du neutre^ c^est-à-dire, selon le mot 
même (neuter = wi Pun ni V autre) j de ce genre secondaire, 
bâtard, qui n*est ni le masculin, ni le féminin, et que les 
grammairiens indiens appellent fc/fva, c'est-à-dire eunuque. 
Le neutre se forme par l'addition au thème d'un M, reste du 

désinentiel quand le r est précédé d'une voyelle, twêdls qu'ils le gardent quand 
cet r est précéda* d'une consonne : vair^ homiMk; anthar, l'autre ; akr-^j champ» 
etc. (Oopp, op. cit., g 135. rem. I). Enlat. vir, aiter, ager, etc. En règle géné- 
rale, on peut dire que, quand le r trouve un point d'appui suffisant dans la 
voyelle qui le précède, il se conserve admirablement dans presque tous les 
idiomes indo-européens. Cf., à ce sujet, Dopp. 9p. cit., g 145. 



DÉRIVATION. 157 

pronom ha, démonstratif des objets éloignés ; on voit que 
c'est tout l'opposé du masculin qui se forme par sa. 

Chez les Grecs, le M caractéristique de l'accusatif et du 
neutre permute avec N, la nasale des dents comme M est la 
nasale des lèvres. (Cf. p. 64.) 

En latin, les trois types des noms appartenant à la décli- 
naison générique seront donc: -S, -Â, -M ; donnons un 
exemple et citons fronu-S, fron(a)-A, bonu-W; remplaçons 
maintenant bonti-S par dominuS, bon(a)-Apar ro5(a)-A, eibo- 
ittt-Mpar templuM, et nous comprendrons toute la formation 
des deux premières déclinaisons données par les grammaires 
latines ordinaires. 

Pour dominu-S (thème : daBMui), nous n'avons aucune 
observation à faire. 

Il en est de même pour templu-M (thème latin tempulOj 
diminutif de tempus *). 

Quant au féminin fos(a)-ii, c'est autre chose; il nous faut 
d'abord dire que le premier a appartient au thème ; com- 
ment se fait-il alors que le rosà latin soit bref? Il y a dans 
le mot un A long, marque du féminin, qui devrait déjà, et 
rien que pour cela, être resté long en latin ; mais sup- 
posons que cet i, signe du féminin, fût bref, comme 



* Vous ferons observer que tous les noms adjectifs que Lbomond appelle de 
la premtre dasu sont des noms à déclinaison générique; seulement niger a 
perdu sa désinence conune puer. Quant à la deuxième ckuae d'acyectîfs, pru-^ 
dem n'est qu'un participe présent (cf. p. 143), fortU suit le sort à'avi» (III), 
et uleber pour celeM» que Ton trouve quelquefois, ainsi que terrestriSf alacriê, 
9êlubri8, stlvestris, pedettris, celerU, etc., n'est aussi rien autre chose qu'un 
nom adjecUf de la III* déclinaison. 

' Tout le monde sait que l'ouverture quadrangulaire pratiquée dans le toit 
des édifices religieux, et par laquelle on recevait à la fois la lumière et la cha-- 
leur du jour (en sansk. tapai, en latin tempus), reçut son nom du diminuUf 
tempulum contracté en templum. Le passage d'un nom représentant celte sorte 
de fenêtre, à travers laquelle s'observait le vol des oiseaux, à la dénomination 
de l'édifice tout entier est une de ces figures de nom trop connue de nos lec- 
teurs pour que nous y insistions ici. 



158 GRAMMAIRE. 

rosa contient dans sa finale deux a, l'un formatif du thème, 
l'autre de la désinence , il devrait de toute manière être long 
d'après une loi de renforcement que nous avons vue plus haut 
(p. 74). Comment se fait-il donc que rosà soit bref? Hélas I 
il y a là une raison de clarté d'expression qui, tout en étant 
louable dans son but, est déplorable quant à ses effets. £'a- 
blatif rosây long par soi et par la chute du D, a forcé les 
Romains à faire leur nominatif bref, bien qu'il dût rester 
long pour des raisons positives et péremptoires. Pour la clarté 
delà langue, le nominatif bu l'ablatif devait devenir bref; 
pourquoi le nominatif a-t-il cédé plutôt que l'ablatif ? La phi- 
lologie comparée n'a pas de réponse ; elle ne peut que dé- 
plorer ce fait; mais constater le mal n'est-ce pas déjà quelque 
chose? (Voir cependant ce que nous disons plus loin.) 

Nous n'en avons pas encore fini complètement avec le no- 
minatif singulier. Ainsi, par exemple,il nous faut dire que 
dans les thèmes consonantiques terminés par une explosive 
dentale forte ou faible, T ou D, S s'assimile toujours la con- 
sonne précédente ; TS ou DS deviennent alors SS, et il y a 
confusion des deux SS en un seul : miles pour mt/eT^, ser-- 
pens pour serpents^ dens pour denTs^ legens pour legenTs^ 
pes pour p^Ts, etc. Ici, nous ferons remarquer que le T ou 
le D final du thé me représente la forme active du participe* 
(Voir plus haut, p. 143 et aussi p. 96.) 

Certains noms neutres de la troisième et de la quatrième 
déclinaison comme corpus ^, cubile^ sal et far (III), et cornu 



^ n faudrait bien se garder de croire qae Vs de eorpU'S est une désinence du 
nominatif; dans les noms neutres terminés par un $ [corpus^ genu^ê, fœdths, 
0^, etc.), celte lettre appartient au thème qui, organiquement, est tenmné 
pir r ( = «, p. 81). n — n'en est pas de même des noms masculins ter- 
minés par S dont le thème est aussi en R; dans ces noms, Vt représente bien 
hi désinence casuelle qui a absorbé IV (=«) du thème; ttrbo-ê=^wrboê-ê = or* 
toT'ê ; Cere^ = Ceret^ = Cerer-ê ; cini'^=ciniS'9 = citUr-s. (Bopp. ep, cii. , 



DÉRIVATION. 159 

(IV), n'ont même pas trace de la désinence en -M=MA. 
Peut-être, du moins pour quelques-uns d'entre eux, est-ce 
une simple contraction de TM; mais nous n'avons pas 
besoin de discuter ce point. Les noms neutres étant dans 
une position très-inférieure dans le système linguistique 
indo-européen, on n'a même pas toujours senti la nécessité 
de leur donner une désinence, et l'on s'est contenté du 
thème pour les exprimer; c'est ce qui explique tous les no- 
minatifs comme ceux que nous venons de citer, et certains 
noms, comme cornuj etc., auxquels on n'a pas même fait 
l'honneur de les décliner. — Disons pour finir ce que nous 
avons à dire du genre neutre, que c'est par un oubli com- 
plet des éléments de leur formation que les thèmes adjec» 
tifs terminés par une consonne ont conservé en latin 1'^ 
qu'ils avaient légitimement au nominatif. Nous citerons 
avec M. Bopp (op. ct/.,§ 152), capac-s, felic-s^ soler(t)'8y 
aman{t)-8j etc. 

Nous avons omis à dessein de parler des noms qui ont le 
nominatif en -e, en -es^ en -as^ en "tna, etc. Ces noms sont^ 
pour la plupart, calqués sur le grec: mu8ice=^\jçi%-fi, co- 
metes=zY,o]f,'i^^q^ Aeneas = Aiv^aç, poëma £= xo{y)[jux, etc. D'ail- 
leurs, ils obéissent aux lois générales du nominatif aryaque: 
ceux qui sont terminés en -«, comme comètes^ AeneaSy sont 
organiques masculins ; poëma est formé avec le suffixe neutre 
-HÂ(T) dont nous avons parlé plus haut; quant à mu- 
«tc^= (iouoixi^, il est organiquement long comme tous les noms 
féminins primitifs. 

Nominatif pluriel. — A la personne déjà indiquée au no- 
minatif singulier par l'addition du pronom sa, le nominatif 
pluriel en ajoute une autre qu'il désigne de la même ma- 
nière. C'est l'union de ces deux individualités (-sa -f- -sa 
=un ■+■ un) qui donne le nominatif pluriel organique ; et 
dans cette union le premier suffixe sa garde son A, de sorte 



160 GRAMMAIRE. 

que Ton a une désinence sas, sansk. acvd-sas, grec 3u9(iL€- 
vé*7cc, etc. 

En latin, nous ne retrouvons PS que dans 8ororé& (pour 
«ororSES) (III), manuS (IV), et dieS (V). Les noms qui se dé- 

m 

clinent comme rosae (I), domini et paeri (II) , Vont perdu 
par contraction ; ces mots sont pour rosaS , domhùES et 
ptimES. 

li'osque et l'ombro-samnite ont beaucoup mieux conservé 
que le latin la désinence caractéristique du nominatif; ainsi 
nous trouvons, en osque, pas S scriftas pour quae (P==Q, 
voir plus haut, p. 79) etscriptae; de même aasas ekask* 
= arae kaece^ etc. 

Le vieil ombrien a exactement la même terminaison de 
nominatif pluriel pour le féminin de la déclinaison géné- 
rique ; ainsi on trouve totas pour totae^ etc. 

Le nouvel ombrien a remplacé -as par ^r: totar. (C 
p. 81.) — Nous trouvons même en latin un exemple, unique 
il est vrai, d'une terminaison -as=ae; c'est Nonius Mar- 
cellus, grammairien du troisième siècle, qui nous le fournit. 
[De proprietate sermonum^ 9, 11) : laetitio^ insperato^ modo 
mihi irrepsere in sinum '• 

La seconde déclinaison latine (type générique masculin) 
nous fournit des exemples analogues en -et«, is \ -es et -us ; 
nous citerons dans le vieux latin (d'après Bopp., Gramm. 
oomp., 228, b.) : vtr-m, gnat-ds^ fact-eis^ popul-eis^ leiber-eiSj 
(conscr)ipt'eSj duoravir-esy magistr-esj ministr-iSy et (d'aprcs 



* Table de Baniia, 25. 

* BrattUjFAgnane, b. 1. 

' Ce fragment de citation valut à Monius Marcellus l'épitfaète de nugator 
(voir Bothe, cité par Munck, De falntlis aiellanig, p. 155). On Toit que la phi-' 
lologie comparée donne raison au pauvre grammairien insulté. 

* La forme en -is a môme résisté longtemps ; c'est du moins ce que l'on peat 
conclure d'un passage de Cbarisius, donné par M. Egger, dans les ReiiqtiM ië- 
tini vet. mt., p. 43 : Zw^u pluraUter tiadem dicendum aCGmat. 



DÉRIVATION. 161 

M. Egger, op, cit.^ p. 188), eus (=ii), Caslor-usy Vetaer-us^ 
etc. — Cette dernière forme -us est régulière en osque * : 
fus = qui, st(U'US = stati ; Abellan-us = Avellani ; Nuvlan-us 
= Nolani ; Ligàt'Us=^legtdi; putur-us = (c)utri, etc. (Cf. Cippe 
d'Abella, 8, 9, 38, 41, 47; Table d'Agnone, I a, etc.) — De 
même, dans l'ancien ombrien pupl-us = populi ; le nouvel 
ombrien, selon sa constante habitude, change Vs enr: screhtor 
= scripti (pour screptus ou screptos)^ etir = ii (pour eus)^ 
prtnt;fliuf=prmt;a/t« = priva ti, etc., et Ton trouve aussi en 
osque des exemples de pluriels en -ur: c^</-ur =:censores 
{Tab. de Bantia, 18, 20, 27, 28. — Cf. Kirchhoff, Das Sladt- 
rwW, etc., p. 12, 13.) 

Il importe de faire observer ici, que l'opposition entre le S 
(sa) du nominatif et le M (ma), de Taccusatif, se retrouve 
au pluriel aussi bien qu'au singulier. 

Quant aux nominatifs pluriels neutres, ils sont dans la 
langue latine en -A : templa (II), corpora (111), cornua (IV) ; 
cet A remplit ici le rôle d'une assonance vague et lourde des- 
tinée à rendre la vulgarité du genre neutre. 

Accusatif sikgulier. — Nous avons d'abord à rappeler ici 
l'opposition que nous avons déjà signalée plusieurs fois entre 
le démonstratif sa, indiquant les objets rapprochés et ser- 
vant à désigner le sujet, et le démonstratif ima, indiquant 
les objets les plus éloignés de Tobservaleur et servant à dé- 
terminer Tobjet. 

Voljety c'est l'accusatif. 

Quand le thème est consonnan tique, l'accusatif singulier 
prend la désinence -ah * ; quand il est vocalique, il ajoute 
simplement un -m à la voyelle du thème. Nous avons déjà 

' Cf. Kircbhoff, Umbriiche Sprachdenkmëler, première partie, pages 1G3> 
169, et sa leUre à M. Moinmseii [Das Stadlrecht von Batùia), p. 8 et seq. 

* Tantôt i'E qui remplace en latin (comme en zend) VA sanskrit, est unique- 
ment une ietu^i de liaison, tantôt ii appartient au thème* Cf. fiopp., op. cU., 
g. 151. 



163 GRAMMAIRE. 

fait remarquer qu en grec, c'est le -N qui tient la place du 
-M, mais seulement dans les thèmes vocaliques, car lors- 
que le radical est consonnantique, il se contente de laisser 
tombçr la nasale finale, et il dit (xiQTép-a pour (jLi]Tép-av ou 
(jLY^rép-aiJL. Cf. sansk. matâr-am^ et latin matr-em. 

Nous aurons donc en latin pour les déclinaisons à thèmes 
consonnanliques soror-em (lU), et pour les déclinaisons à 
thèmes vocaliques dominu-m, pueru-m (II), rosam (I), ave-m 
(III), securi-m pour securie-my /i/iu-m, condliu-m (Cf. Tom- 
bro-samnite), manM-m(lY),die-m (V).Quantaux noms neutres, 
ils ont en latin, comme en grec et en sanskrit, leur accusa- 
tif singulier semblable à leur nominatif du même genre, les 
uns, dont le thème est en a, comme templu-m (II), avec Fas- 
sonance sourde naso-labiale M, les autres, comme corpus 
(III), et cornu (IV), avec leur thème tout simplement. — Les 
thèmes en i s'affaiblissent au neutre en e : mare pour mari 
(sansk. vari). 

Quelques noms venus du grec font leur accusatif en -n : 
musice-n^ comete-n^ Aenea-n K 

Accusatif pluriel. — A l'accusatif pluriel , les langues 
aryaques ajoutent simplement TS commun du pluriel au sin- 
gulier, ce qui donne «m* ou «ns (m ou n cérébrale), ou 
plutôt encore sanm ou •«■• (8A= personne du singulier, 
+ M ou w = signe de l'accusatif -f- s = personne du pluriel) . 
Cet S additionnel représente une personne qui, jointe à l'in- 
dividualité déjà contenue dans le singulier, donne l'idée du 
pluriel. 

La plupart du temps, la nasale intercalaire, seul reste du 



* On trouve dans Plante les accusatirs ted et med, et dans le sénatus-consulte 
des Bacchanales, le pronom sed est régi par inter. Les pronoms personnels 
avaient donc un accusatif en J, forme habituelle de l'ablatif latin; c'est sans 
doute là un simple changement accidentel de m en d, dont nous ne connaissons 
pas d'autres exemples. 



DÉRIVATION. i63 

pronom démonstratif de l'accusatif, tombe et se contracte en 
-as long (latin -05, -us et -a*), et l'on a ainsi rosâ-s pour 
rosà-m-s (I) , domin^J-s pour domînd-m-s, puerô-s pour puerô- 
m-s (II), sororês pour sororë-m-s^avës pour ar^-m-s (III), ma- 
nu^ pour manû-m-s (IV), dlës pour dië-m-s (V). 

Celte nasale organique qui tombe en latin (et aussi en grec 
icaîép-oç, àrcép-aç, etc.), se retrouve souvent dans le sanskrit 
védique ; ainsi acva-ms tatra (pour aha-ms) * = les chevaux 
qui sont là (à Paccus. ). 

Les accusatifs pluriels neutres n'ont aucune désinence et 
sont semblables à leur nominatif : templa (II), corpor-a (III), 
eomu-a (IV)*. 

Cas indirects. — Dans les cas directs, nous avons vu le 
pronom pur, parfait, entier, — le nominatif se formant en sa, 
Taccusatif en hjl. — Il n'en est pas de même dans les cas in- 
directs, formés aussi évidemment d'un pronom. Ces pronoms 
formatifs des cas indirects sont, dans ces cas, mutilés en ce 
sens qu*ils n'expriment plus que la moitiéde l'idée qu'ils con- 
tiennent habituellement, comme nous l'avons vu plus haut, 
p. 127, lorsque nftus avons parlé de cette découverte lin- 
guistique qui appartient à M. Chavée, et que lui-même a 
formulé en ces termes : 

a Le pronom montre à la fois deux choses : l'être indivi- 
duel et la place qu'il occupe. » {Français et Wallon^ 1857; 
p. 63.) 

Mais avant d'étudier en détail ces cas indirects formés par 



* Les Goths, observateurs si fidèles des nuances grammaticales, ont conservé 
dans son intégrité cette terminaison -ks, caractéristique de l'accusatif pluriel; 
c'est ainsi qu'ils disent dagans = \es jours, sununs = \es fils, etc. 

■ Nous trouvons un seul exemple d'accusatif pluriel neutre en f: eafdem omnia. 
[Lex Julia Munie., ap. Egger, op. cit. p. 299, lig. 3.) C'est vraisemblablement 
une faute commise par un copiste de province, peut-être de Campanie ou 
d'OinbrIe. Cf. osqiie esuf^bona (?) = oÙjfa; et Tombrien piiplur= populos. 
etc. Dans ces exemples, Vf n'est que le sifflement renforcé de «* 



164 GRAMMAIRE. 

des demi-pronoms, nous devons dire quelques mots d'un 
cas qui n'existe plus en réalité dans la langue de Rome et 
que nous ne pouvons cependant passer sous silence, nous 
voulons dire Yitistrumental. 

Ikstauiiektal. — L'instrumental singulier est marqué en 
sanskrit par J, que M. Bopp (op. cit. y g 158) croit identique 
à la proposition Ày verSj jusqu^à (cf. zend à et dj lithuanien 
II, tudesque ti, etc.). — Quant à l'instrumental pluriel, c'est 
un suffixe verbal qui a formé ce cas dans les langues indo- 
européennes ; ce suffixe est bhi, autour j en apparence^ à peu 
près j aux environs j à la manière de^à la façon de. bhi signiflc 
tout cela, et il se rattache vraisemblablement au verbe mA, 
luire^ paraître^ qui sert, comme nous l'avons vu plus haut 
(p. 146), à former les verbes de l'apparence, les diminutifs. 

Ce Bm a subi souvent l'influence pronominale et est de- 
venu ABBi (a + bbi); grec: ÂM^l; golh. : UMfi; latin. 
AMB-). 

Cet unique suflQxe verbal, introduit dans les désinences 
casuelles indo-européennes, a donné lieu, comme nous le 
verrons plus tard (cf. page 176), à une grave erreur, car on 
l'emploie également pour rendre des circonstances toutes dif- 
férentes de l'action, V ablatif et le datif. 

Avec le signe commun du pluriel nous aurons donc bu s; 
ce BHis, dans les thèmes en a, perd son B devant H (cf., 
p. 88), et donne ahis, d'où le AIS du sanskrit {dattâisy dû- 
nais j etc.). 

Le latin, comme nous l'avons dèjk dit, a complètement 
perdu rinstrumental ; cependant, comme ce cas est parfois 
indispensable, il le remplace par la préposition paha, de- 
venue, chez les Romains, PER : PER te, PER Deumj etc. 

Ablatif singulier. — L'afr/a(i/* singulier a pour forme orga- 
nique commune -at ajouté aux thèmes consonnantiques, et 
-T seulement aux thèmes vocaliqucs. at est pour ata, signi- 



DÉRIVATION. 1G5 

fiante dehorSj en s' éloignant de^yènldhle synonyme de apa, 
en s éloignant de^ loin de^ et par suite, provenance^ ori- 
gine^ etc. (sanskrit AT et T; zend at et t, etc.). 

D*après l'habitude des Latins d'adoucir les explosives fi- 
nales (cf. p. 71^, AT devient, dans la langue de Rome, AD, 
puis ED *. Or cette terminaison se retrouve intacte, avant la 
chute du D, dans tous les ablatifs de la troisième déclinaison 
et de ses deux contractes, la quatrième et la cinquième ; on 
connaît dans les monuments senattird pour senatu-ed^ dicta- 
tor-ed^ covention-id^ navale-d, wiari-d, etc.; par analogie, 
nous pouvons affirmer que soror-ed^ av{e)'ed, etc. (III), ma- 
Yiti-cl (lY), di-ed (V), ont existé à un moment quelconque 
avant les formes actuelles. 

Ce -AT, caractéristique de Tablatif se combine avec le A 
final des thèmes de la déclinaison générique (première et 



* Nous avons une preuve de cette signification primitive de l'ablatif dans 
sed fraude =:^ sine fhntde (Egger, op, cit., pages 215, 243). Ce sed est devenu 
depuis une particule séparai ivc avec le sens de mais; ce n'était primitivement 
qu'un ablatif du pronom personnel m, qui voulait dire hors de toi^ loin de soi, 
comme nous en avons encore la preuve dans des mots tels que SE-ct<rtf«=bors 
de souci, SE-^m/0= action d'aller à l'écart, etc. — Parfois SE est devenu SO, 
comme dans S0w^r« pour ^Z-cors^ qui a l'intelligence absente, etc. — Peut- 
être pourrait-on rapprocher de ce sed Pombrien set (Tab. Eugub. VI a, il], 
et l'osque tkr [Cippe d^Âbella, 1), qui aurait alors donné naissance au vieux 
mot latin sirempse devenu siremps^ ou plutôt encoi*e sine emptione^ sans ra~ 
cbat, sans rémission, sans exception [cf. Ilabasté, op cit., p. 45) ; rien ne s'op- 
pose du moins à cette explication dans les passages où, à notre connaissance, 
ce mot est employé; nous citerons seulement les deux suivants: eique, om- 
nium rerum siremps lex esto, que tout soit soumis à la même loi. (Tab. lat. de 
liant», 10.) — QM adversus ea quid fecent, et adversus eum siremps lex, ... 
esto. [Sénat, cans. ap. Frontin. Âquaed. 129.) 

* Nous avons, en latin, un seul exemple d'un ablatif en ET; c'est la vieille 
forme pronominale met (egomet, ipsemet, etc.). pour «me/, analogue au sansk. 
Mia(ta8ma, etc.). — Cf., pour la chute de l'« initial, parvvs pour sparvus^ rac. 
SPAR, serrer, resserrer , restreindre; crus pour scrus, rac. SKAR, courber ^ 
fléchir; — porcus pour sporcus. rac. ^FR, répandre, souiller ; — natare pour 
snatare, rac. SKA, baigner, humecter, etc.. etc. — Voir aussi p. 87. — Nous 
trou\ons encore un set pour sed dans Freund [Dicl. Ed. Theil., t. III. p. 240), 
mais ce sont là des exceptions qui ne doivent pas noi.s arrêter plus 1^ ngtemps. 



\m GRAMMAIRE. 

deuxième déclinaison latine), et donne -at, devenu chez les 
Romains ODau masculin et au neutre, -ÂD au féminin. Cela 
explique parfaitement les anciennes formes que l'on trouve 
sur les monuments: praedâdy popw/ô-d, equd-dj et nous 
donne en outre la certitude que les ablatifs, aujourd'hui en 
ô ou en â, étaient autrefois en ôd ou en ad: Dorninôdj tem-- 
plôd, puerôd (II), rosâd (I), etc., devenus domino^ iemplôj 
puerd (II), rosâ (1), etc *. 

Relativement à ce dernier, nous devons faire remarquer 
que rosâ contient trois a {rosà -h 5 + âd) : Va bref du thème, 
Yâ long du féminin, et Va long de la terminaison de l'abla- 
tif ; nous devons comprendre dès lors pourquoi c'est le no- 
minatif, et non l'ablatif, qui est devenu bref dans rosa, pour 
la clarté de la prosodie. (V. plus haut, p. 158.) 

L'ablatif est souvent aidé en latin d'une préposition, ce 
qui prouve que dès les temps les plus reculés, on avait ou- 
blié ou du moins commencé à oublier le sens propre con- 
tenu dans la terminaison organique -AT. C'est ainsi que nous 
trouvons a exprimant Téloignement (a patrid reddimus), e 
s'employant dans le cas de simple provenance, de simple 
sortie, etc. 

Ablatif pluriel. — Au pluriel, c'est le suffixe Bm, que 
nous avons déjà étudié plus haut comme forme de Tinstru- 
mental, qui constitue Vablatif. Seulement ici, au lieu de re- 
cevoir simplement 1'» du pluriel, il prend d'abord le démon- 
stratif MA, qui lui est attaché par un a intercalaire; nous 
avons donc pour forme organique de l'ablatif pluriel bhi -+- 
A-MA -H n (devenu bmtaris), c'est à-dire. wm=signe de dé- 
part du sujet -^nA= point le plus éloigné du sujety vers le- 



* Parmi les monuments où l'on trouve conservé le D de l'ablatif, nous cite- 
rons notamment le Sénatuê-^onsuUe des BaccMnales et la Colonne roetrale. — 
L'osque a partout conservé le D. 



DÉRIVATION. 167 

quel le départ a lieu, et as= (s) = Fêtre ajouté à celui que 
contierit lethème^ pour former ensemble le pluriel. 

En sanskrit, bhtaiiis est devenu BHYAS par la chute ha- 
bituelle de la nasale intercalaire; en latin, nous trouvons 
BIUS et BIOS, contractés en dernier lieu en BUS et BOS (cf. 
miniu8-= minus); BOS ne se rencontre plus dans les monu- 
ments même les plus anciens de la langue latine ; on ne le 
connaît que par l'orobro-samnite fos (frair-o-fos) = fra- 
tribus. 

Aux thèmes vocaliques, on ajoute BUS tout simplement; 
ainsi nous avons : manu-BUS ou mani-BUS , comu-BUS ou 
corni-BUS (IV) S die-BUS (V), famula-BVS (I) •. Pour les thèmes 
consonnantiques, un I intercalaire rattache le thème à la 
terminaison -BUS : soror-i-BUS, a»-i-BUS, corpor-i-BUS (III). 

Dans la déclinaison générique formant en latin la première 
et la seconde déclinaison , 'abmtas (pour abhtams) se 
contracte en amtas par la chute de l'explosive (V. p. 88), 
puis en atas, AIS, et enfin EIS, et plus tard IS : ro5-lS (ro- 
«a-4-IS), domin-IS (domina-h IS),pM^-IS (puera H-IS), templ- 
IS (templa-^lS). Cette contraction de AinnrAS en AIS, puis 
IS, rappelle tout à fait celle que subit l'instrumental pluriel 
sanskrit dans les thèmes en A : datfa-BVis devenu dattaAS. 
DalteAS ou datto-lS pour dattei-ES et dattoi-OS, eussent été 
possibles, TA pouvant aller d'un côté à TE, de l'autre à TO. 
Nous retrouvons en latin la seconde de ces formes ; mais cela 

* L'affaiblissement de U terminal du thème en I n'a pas lieu pour tous les 
noms de la quatrième déclinaison. En effet, on trouve bien manilnts, cornibus, 
statilnujonitribtu, etc., mais on a sans altération les neuf noms : specu^bus, 
veru-btiSt arcu-lnUj artu-buê, lacu-busy tribu-but, portu-bu$, quercu-but et 
partu-bus. 

* Ces noms de la première déclinaison qui ont consenré la forme quasi«^r- 
ganique BUS» sont assez rares; nous citerons encore servarbuSy dta^bus, on/- 
fWhbtu, equa-buij etc. Cette conservai ion est due à la nécessité de distinguer 
ces noms féminins des noms masculins correspondants : famu-^ii, serv-is, de-it, 
OHitn-is, equrU, etc. 



168 GRAMMAIRE. 

dans de fort rares exemples et antérieurement à Tépoque 
classique ; nous citerons suOlS (pour suis)^ ablatif pluriel de 
stius, et cnatO\S (pour gnatis : cognatis)^ ablatif pluriel de 
cnatus (pour gnatus : C^=Gj cf. Caius^^Gaius). On trouve o», 
devenu oes dans Festus ; mais, comme on le voit, ces formes 
appartiennent toutes à de vieux monuments de la langue de 
Rome. 

Génitif singulier. — Le génitif n'est pas, comme le disent 
la plupart des grammairiens, trompés par Tétymologie erro- 
née de ce cas (gignere = produire), un signe de lorigine, de 
la provenance, un second ablatif, en quelque sorte. Bien que 
ce cas indique, comme rablalif,un point de départ^ il n*est 
autre chose qu'un simple déterminatif du nom qu'il accom- 
pagne et sa signification la plus habituelle est celle de pro* 
priélé, de possession^ à^ appropriation individuelle. 

Un nom au génitif après un autre nom équivaut à l'appo- 
sition de ce nom après le thème sans signe accessoire du nom 
qui était au génitif: diais causae^ le diseur de la cause, équi- 
vaut à caussidicus comme ger davis^ le porteur de la clef 
équivaut à elaviger^ etc. Cf. armiger^ lucifer^ patiicida^ etc. 

Le génilif n'est donc, à vrai dire, que le cas général (4] 
Ysvtxt) wtwok;) ou attributif, et ce qui le prouve bien, c'est 
qu'il est formé organiquement par le même sufQxe prono- 
minal qui fait les adjectifs. 

Au singulier, cette forme organique, commune du génilif 
est SA ou STA (pour TA ou tta) , démonstratif des objets rap- 
prochés, que nous retrouverons tout à l'heure dans une 
forme de génitif pluriel sas renforcé en sabis. Ce génitif 

■ 

* Cette même circonstance, rendue à la fois par le génitif et par l'ablttif 
(cf. p. 152), les a fait confondre quelquefois. C'est ainsi qu'en lend, on trouve 
souvent un génitif à la place d'un accusatif, et que parfois même on rencontre 
dans cette langue des adjectifs au génitif se rapportant & des substantifs à l'a- 
blatif: hae*a avanhâd (ablatif) vUad (ablat.) yad mâtdayainâù (génitif) : 
ff ex hoc terra quidem ^nasdayasnica. » Cf. Bopp. op.cU.f% 180. 




DÉRIVATION. 169 

■TA s^est conserve seulement dans un grec ZlO, que Ion 
peut facilement reconstituer. En effet, on trouve dans Ho- 
mère, par exemple, certains génitifs comme SyjiaOIO (devenu 
plus tard par contraction SVjiJLOr). Or, tout le monde sait qu'il 
existe ^ en grec une règle qui veut qu'un 1 s'élide entre deux 
voyelles ; nous aurons donc comme forme antérieure à Syj- 
|iOIO un 3iQ(jio2lO dont le suffixe -IIO équivaut exactement au 
8TA dont nous parlions tout à Theure. Il en sera de même 
d'ïicxou =T7rî:cIO(IIom.) = [xîràSIO, et en général de tous les 
noms dont le thème est en A. 
Malheureusement, c'est là une exception, rare en grec 
me, et que Ton ne saurait rencontrer ailleurs. En effet, 
iTA ou SA, auquel on a ajouté plus tar^ un second pro- 
n 8A (SA 4- SA = redoublement de l'indication de l'être), 
devenu en sanskrit -ASy et en grec le plus souvent -01. 
'.n latin, suivant les lois phonologiques de l'échelle des 
5, cette forme devient, d'un côté -OS et -US, et de l'autre 
et enfin -IS. 

mr la forme en -OS, nous pouvons citer senatuOS*^ ma- 
a(tt-OS, domu-OS, devenus par contraction senatûs^ ma- 
%iù8y domûs^ de même qu'une forme complètement per- 
manU'OS a donné manûs (IV). 

>us retrouvons sur les monuments (Se. des Bacch.) le 
tif en -US dans des mots tels que nomin-US = nomin-IS, 
if-US = Cerer-lS, Castor-VS = CastorAS, Vener-VS = Ve- 

-IS, etc. ; comme on le voit, ce génitif ne se rencontre 

que dans les noms à thèmes consonnantiques de la troisième 
déclinaison; -US est devenu -IS par une loi régulière d'affai- 

1 Voir Vax MQUer, Sdeneedu langage, p. 114 de la traduction française. 

* Sénatun-com. des Bacchanales, — On a aussi trouvé sur un monument le 
génitif semUlt ce qui prouve que les thèmes latins en U ont é!é parfois con- 
fondus avec ceui de la déclinaison générique. — Nous dirons la même chose 
des ibëmes consonnantiques de la troisième déclinaison, car on trouve encore 
dans les inscriptions les génitifs teeuritati, religions etc. 



170 GRAIMAIRB. 

blissement ou plutôt d'aiguisement que nous avons vu plus 
haut, p. 70. 

Nous parlerons en leur lieu des génitifs pronominaux en 
U8 et jus (voir p. 186). 

La forme -ES se retrouve dans sfl/u^ES, ilpo//(m-ES, et dans 
les formes primitives perdues, securi-ES, ari-ES (III), etc. 
Quant à la forme contracte -IS% c'est elle qui donne tous les 
génitifs modernes de la Iroisicme déclinaison: soror-lS, se- 
air-IS, flv-IS, corporAS. LesOmbro-Samnites ont surtout con- 
servé la forme -ES qu'ils changent en -ER : nomn-ER, pour 
nomn-ES, etc. Les Osques ont-EIS pour les thèmes conson- 
nantiques (Pompaian-eis, senat-eis), S pour les thèmes voca- 
liques en w, et IS et S pour les thèmes vocaliques en a *. 

Les thèmes vocaliques de la déclinaison générique (pre- 
mière et deuxième déclinaison latine) et de la cinquième 
déclinaison n'ont pas, à vrai dire, de génitif en latin, à part 
une exception que nous aurons à signaler tout à l'heure. Ces 
trois déclinaisons latines font jouer le rôle du génitif à un 
locatif régulier en i. Ce locatif génitif s'est conservé intact 
dans rosaA écrit plus tard rosa-E (I), dominlj templ-l^ ptierA 
(II), et die-l (V). 

On comprend facilement cet emploi du locatif, si Ion se 
souvient que nous venons d'apprécier le sens du génitif en 
disant que sa signification la plus habituelle est celle de pro- 
priété, de possession, d'appropriation individuelle, sens que 
peut très-bien prendre le locatif qui exprime l'arrivée à un 
lieu et la position fixe sur un point donné. On le voit, la 
vache à Colas n'est pas une expression nouvelle, puisque 
nous trouvons son parfait équivalent dans liber Pétri (pour 
Petroi)y le livre à Pierre (ou chez Pierre). 

Cette forme est contracte, non-seulement de la forme en es, mais encore de 
celle enût=: uos. En effet, on trouve dans Ennius un areu-is = arcûi^=i oreu-os. 
Bopp [op, di., % 189] regarde Tosque IS comme une métathèse de SI. 



DÉRIVATION. i7i 

Cel emploi du locatif comme génitif de la déclinaison gé- 
nérique explique une contradiction apparente de la gram- 
maire latine. En effet, lorsque Lhomond dit à son élève de 
mettre le nom qui suit un verbe de lieu (sans mouvement) 
au génitif, quand ce nom appartient à la première et à la se- 
conde déclinaison : habitat Lugduni y Aomae, et au datif lors- 
qu'il appartient à une autre classe de désinences : natus es 
AtheniSy le malheureux écolier, s'il a quelque peu d'intelli- 
gence et le désir de s'éclairer, ne sait auquel entendre; et 
pourtant rien n*est plus simple que l'explication donnée de 
cette bizarrerie par la grammaire comparée. 

L'exception dont nous parlions plus haut n'est autre chose 
qu'une vieille forme de génitif organique en as, conservée 
dans les termes de jurisprudence pflf^-fomi/iAS, mater- fo' 
mtitÂS, filitiS'familiXS (I), et dans quelques autres mots tels 
qneterrkS (=terrae), esckS (=escae), etc., précieux restes 
d*un cas perdu dans trois déclinaisons latines, mais con- 
servé partout en osque {maima-s=z maximae, molta-s = mul-- 
etae, scrifta-s^^ scriptae, etc.); — ombro-samnite (famerias^ 
PMmpmfl-5 = familiae, Pompiliae, etc. *), pour les noms fé- 
minins en a *. 

Gékitip pluriel. — Le génitif pluriel a pour forme orga- 
nique commune sans ou SAns. Ce bans est le plus souvent 

< Nous avons déjà vu (p. ICI) que ce nouvel ombrien change r« en r: na^ 
nta-r = nonia-s, etc. 

* Le signe moderne du génitif français, du, n'est qu'une altération du latin 
âe illo. En effet, il vint un moment où les peuples qui parlaient les dialectes 
latins vulgaires sentirent l'inconvénient de n'avoir plus aucun signe dislinctif 
du génitif, et comme 1** ils avaient déjà employé la préposition de en perdant 
complètement de vue sa signification originale d'adverbe de lieu (cf. p. 134); 
— nous trouvons, par exemple, dans Horace : una de multis, une mr beau- 
coup. — 2* ns avaient déjà usé le pronom illo dons une foule de locutions où 
ce mot avait perdu une grande partie de sa force primitive comme pronom ; — 
les novo-latins prirent donc ces deux mots: de illOf et en firent en italien tfr//0, 
del, en espagnol del, en français del ou du, etc. — Cf. Max UQller, op. cit., 
pages 70 et 71 



i72 6RAMNAIR1C. 

remplacé par -mmh^ puis -AM(sansk. -ÀM^ grec: UN, v = m). 

En latin ÀM devient UM et OM, et Ton ajoute simplement 
cette désinence au thème dans soror-um^ ari-t/m, corpor-um 
(lll), et manU'Um^ cornu um (IV). 

Cependant TS primitif initial de bahs n'est pas toujours 
tombé en latin. Les déclinaisons génériques (I et II), et la 
cinquième l'ont conservé ; mais cet S a subi la loi de varia- 
tion phonétique que nous avons expliquée ci-dessus (p. 81), 
et d'après laquelle S entre deux voyelles devient souvent R 
en latin. Nous aurons donc rosa-RUM, pour rosa-SUM (I), do- 
mi/io-RUM pour domino-SUM, /wero-RUM pour pnero-SUM^ 
fmp/o-RUM pour tempIoSUM (II), di^-RUM pour die-Sm (V). 
Certains mots ont conservé les deux formes de génitifs plu- 
riels en -UM et en RUM=SUM. Ainsi Ton trouve equ-ViH à 
côté de equo RUM, de-VM à côté de deo-WiM, divUM à côté 
de diro-RUM, agricol-VU à cùté de ajrtco/fl-RUM, etc., et c'est 
à tort que l'on a regardé ces génitifs en -UM de la déclinaison 
générique comme des formes contractes pour-UM = -SUM. 
Elles sont parfaitement régulières, comme on peut le voir par 
ce que nous avons dit plus haut. 

Locatif. — Si le démonstratif sa a donné le nominatif et 
le génitif aryaquc, c est le déterminatif i qui a donné le /o- 
catif. I exprime organiquement deux choses : un objet et un 
rapport de position dans Tespaco ; ici, pour former le locatif, 
il perd la moitié de sa valeur et ne remplit plus que la se- 
conde de ses fonctions: désignation d'un lieu ^ ce qui a fait 
donner à ce cas le nom de locatif (/orare=placer; /octi5=lieu*). 



* Nous avons déjà parlé de cette double fonction du pronom aryaque dont le 
dédoublement nous occupe ici — Comme exemple d'un pronom perdant la 
moitié de sa valeur pour devenir adverbe, nous citerons AfV^=cclui-<:i, indiquant 
la personne et le lieu où elle se trouve, restreint en Aie = ici, là, qui n'indique 
plus que le lieu. 

* lies grammairiens hindous appelaient le locatif adhikaranam = iiîuatiûn 
(Cf. Oppert, Gramm. tanserite, 2* édit., p. 30.) 



DÉRIVATION. 175 

Le cas locatif existe encore en lalin, bien qu'il y soit rare, 
en tant que désignant un lieu ou un point quelconque de 
Tespace. 

Rappelons-nous rur-l s à la campagne, domA = à la mai- 
son, ftum-1 = à terre, îM = là, e!c. Comme locatif dans le 
temps, nous citerons fcer-I, hier, etc. — Ces localifs sont des 
espèces d'adverbes, et nous pouvons y ajouter toutes les 
formes adverbiales en ê de la deuxième déclinaison, que 
M. Bopp (op. eit.^ g 200) regarde comme des locatifs, tandis 
que les adverbes terminés en ô seraient des ablatifs: nov-ê^ etc. 

Mais si le locatif est rare en latin pour indiquer le lieu, il 
est très-souvent employé en guise de génitif pour exprimer 
qu'une chose est la propriété de quelqu'un. Qu'est-ce, en 
effet, que posséder quelque chose, sinon l'avoir à soi, la 
tenir entre les mains, la toucher? La chose possédée est 
donc primitivement dans le même lieu que le possesseur; 
et le nom proprietas lui-même vient confirmer ce que nous 
avançons, puisqu'il exprime une idée d'attachement phy- 
sique, de proximité (proprietas de pi oprius^ de pr ope = près). 
C c^t ce que les Latins ont parfaitement compris lorsqu'ils 
disent, à l'aide du locatif, que la chose possédée est sur le pos- 
sesseur, attachée et inhérente à lui : fastigium tempH^ le faite 
sur le temple ou du temple ; liber Petri^ le livre a/fach^ à Pierre 
comme sa propriété^ fUius Domini, etc. Les génitifs de la pre- 
mière [rosae = rosai^), à part l'exception de familiâs que 
nous avons citée plus haut (p. 171), de la seconde (domin-iy 
puer-iy templijj et de la cinquième déclinaison latine (diei) 
ne sont autre chose que des locatifs. (Cf. p. 17U.) 

I En osque, nous trouvons, pour exprimer le locatif de la première décli- 
naison, une forme ai semblable à celle du daiif (esai viai mf/laf = inca via 
média), et dans la deuxième, une désinence ei {muinikei terei^=\n terra cuin- 
muni], autre que celle du datif, qui se rend par iii. (Mcmmsen, Oskische Stu- 
ditUy pages 26, 31, etc.) ~ En ombrien, M. Bopp (% 200) croit reconnaître un 
locatif en e : iote-me, in urbe. 



iU GRiMMAlRE. 

Cet I du locatif, les Grecs Tont dans ohLo-lyX^x^lj etc. 

Le locatif joue un rôle immense en sanskrit ; c^est lui en 
effet, qui dans cette langue, remplace l'ablatif absolu des 
Latins et revient à tous moments dans les poètes comme élé* 
ment des propositions circonstantielles. 

En latin, le locatif de mouvement est souvent rendu par 
Taccusatif avec les noms propres, et les mots rus et domum ; 
ainsi on dit aussi bien eo Romam que eo Romae ; ou bien 
il y a là une préposition (in ou ad) sous-entendue, ou bien, 
plus simplement encore, l'accusatif étant l'objet du verbe, 
possède une tension suffisante pour exprimer le locatif '. 

Locatif pluriel. — Le locatif pluriel aryaque -swa, con- 
tracté en -su dans la déclinaison sanskrite,n'a été nulle part 
reproduit chez les Latins. 

Datif sikgdlier. — Le datif aryaque n'est qu'une forme 
dérivée du locatif, i ne marquant plus, comme nous l'avons 
vu, dans ce dernier cas, qu'un point de Tespace, le datif 
avait besoin de se compléter par l'addition d'un signe repré- 
sentant l'objet même ; pour cela il a pris le déterminatif a, 
et nous avons ainsi ai : a déterminant l'objet, et i le lieu 
vers lequel tend cet objet, le datif indique donc un objet 
(a) placé ou se dirigeant vers un endroit déterminé (i). 

Nous aurons à distinguer ici les thèmes en I et U, et les 
thèmes en A. 

Les premiers, se gunant aisément et devenant les demi* 
voyelles Y et V, n'offrent aucune difficulté dans la liaison 
de la terminaison commune : putri = pntra^, tarau = ta- 
ra w*i. 

Il n'en est pas de même des thèmes vocaliques en A, 
constituant la déclinaison latine générique. Le datif de 



* Ce locatif de mouTemcnt se retrouve en ombrien et dans plusieurs autres 
langues indo-européennesi 



DÉRIVATION. 175 

ces thèmes en A fera , par exemple -A (du thème) + Al 
= ÂI; mais il nous faut encore un A terminal géné- 
rique; ainsi nous aurons ensBnskri[dattâi-^a=dattâyaj 
en grecXoYo + ot H- o, ce qui nous donnera XoYwto, puis Xo- 
Y(i)t, et enfin, avec wniota souscrit Ki^t^. Quant au latin, si 
nous prenons pour type le thème danuuui, devenu domino^ 
nous trouverons domino -4- oi + o = dominôio = domino ; 
templo + oi + o = templôio =; templOy etc. Dans les plus 
vieux monuments de la langue latine, on trouve encore po- 
puloi (= populo), equoi (= equo), quoi (= quo), etc.; et ces 
exemples, unis à l'organique que nous venons de reconsti- 
tuer, nous autorisent à rétablir une forme (iomm(o)-ot, 
puer(o)'Oi, templ(oyoij (II). On le voit, dans ces noms mas- 
culins neutres de la déclinaison générique latine, ai pri- 
milif a pris la voix labiale (voir la figure, p. 49), et est de- 
venu 01. 

Cette direction phonétique, prise en latin par ai orga- 
nique dans le cas qui nous occupe, a eu une conséquence 
déplorable, c'est de confondre sous une seule forme le datif 
etTablatif de la deuxième déclinaison: dominât: dominod, 
domnô = dominôio^ — templô = templod^ templô = iemplôio 
— puerô = puerody puerô = puerôio. C'est encore là un des 
fâcheux résultats de ces contractions violentes du langage 
qui amènent trop souvent dans l'expression Terreur et la 
confusion. 

Au féminin, au contraire, il est resté ai ; cela tient à ce 
que TA étant caractéristique du féminin, les Latins n'ont pu 
l'oublier complètement, et c'est cet  long qui sauva le ai 
primitif que nous retrouvons dans rosai (= rosa -+- ai dési- 
nence du datif +(1 caractéristique du féminin). Trois a ab« 
sorbes en un seul. 

En dehors de ce véritable datif, le latin, de même que le 
grec, emploie un grand nombre de locatifs pour remplacer 



176 GRAMMAIRE. 

le datif; ainsi soror-i = attaché ou inhérent à la sœur, av-i 
= relatif à Toiseau, corpor-i = qui concerne le corps (III), 
manu4 (IV), dic-t(V), etc. Cf. en grec "EXXtjv-i, cib[jtaT-t, etc. 

Contrairement à l'opinion exprimée par H. Bopp dans sa 
Grammaire comparée (§ 177), nous persistons à croire que 
les datifs latins que nous indiquons ici sont bien de Tùri- 
tables locatifs. Les preuves qu'il donne du contraire ne nous 
semblent pas concluantes : la question de quantité n'a pas 
une grande importance à cause de sa variabilité dont nous 
avons déjà eu des preuves (cf. p. 158), et M. Bopp indique 
lui-même ici comme longs des locatifs t-M, tt-M, a/i-M, a/tcw- 
M, ulrU'btj qui, d'après son système général, devraient être 
brefs ; — la concordance avec le pluriel est un rapproche- 
ment sans conséquence ; — enfin, de ce que Tosque et l'om- 
brien ont un datif et un locatif dans des mots où le latin n'a, 
selon nous, que ce dernier cas, cela ne prouve pas que nous 
ayons tort. Il ne faut pas vouloir trop accorder à la symétrie 
et à la perfection philologique. — Pour les datifs en o des 
thèmes masculins de la déclinaison générique, nous croyons 
que M. Bopp s*est encore plus complètement trompé. Le 
lecteur appréciera les deux systèmes. 

Datip plduiel. — Nous avons vu plus haut que tous les cas 
obliques n'étaient autre chose que des circonstances de l'ac- 
tion. Cela est si vrai que certains cas, complètement dissem- 
blables, ont été assimilés dans le système indo-européen ; 
nous voulons parler de Tablatif et du datif pluriel en bhtas, 
lat. BOS et BUS contracté, après la chute de l'explosive ini- 
tiale, en -OIS et -IS. Malgré toule notre légitime admiration 
pour le magnifique système des désinences aryaques,il faut ici 
n'être que juste, et condamner en la regrettant celte erreur qui 
amène dans le discours une déplorable confusion. En effet, 
si l'ablatif et le datif représentent tous deux une circon* 
stance de l'action, cette circonstance est toute différente dans 



DÉRIVATION. 177 

les deux cas. Nous avons déjà vu plus haut (p. 152) que Ta- 
bla tif représente le point de départ de Faction, tandis que le 
datif indique au contraire un point d'arrivée. Le suffixe abhi 
(grec AM^-, latin AMB-), dont le sens est proprement autoury 
et qui détermine à peu près l'espace où se trouve le sujet, 
pourrait très-bien servir à rendre la désinence du moyen 
d'action de ce sujet sur l'objet (instrumental, p. 164) et le 
point de départ ou le point d'arrivée du sujet, mais il ne 
pourrait déterminer les deux à la fois sans apporter dans 
la parole des confusions regrettables ; et c'est malheureu- 
sement ce qu'ont fait nos pères, — si pleins d'ordinaire 
d'une pénétrante intuition, — dans le pluriel et dans le 
duel. 

Au singulier, au contraire, ils distinguent très-bien le cas 
datif et le cas ablatif. Ils disent do vestem pauperi^ je donne 
un habit au pauvre (sur le pauvre), et non do vestempaupere^ 
qui signifierait je donne un habit par le pauvre ; ce ne serait 
donc pas le pauvre qui recevrait, ce serait lui au contraire 
qui servirait d'intermédiaire à la générosité du donateur et 
qui s'enlèverait {ablatif) un habit pour le remettre à un 
tiers indéterminé. 

mwa(autoury auprès^) représente donc bien, répétons-le 
de nouveau, une circonstance de l'action, mais il ne saurait 
représenter deux circonstances différentes comme celles que 
rendent en réalité les mots: soror-i'busj athi-bus^ cofpor-i'busj 
man-p-busj eom-i-buset die-bus. (Voir plus haut, p. 152.) 

Pour les autres datifs pluriels en -IS, voir ce que nous di- 
sons de l'ablatif, p. 167. — Nous ajouterons seulement que 
l'on trouve des datifs pluriels latins en di, contractés pour 
ms (Momms. Imc.lat., 814), et de même des ablatifs osques: 
ei%as = istis (Tab. de Bantiay 9). 



' Cf. tUem. M = auprès, angl. by = k côté, etc 

13 



178 GRAMMAIRE. 

Telle est, en substance, Thistoire des désinences nomi- 
nales indo-européennes. 

Nous n^avons pas besoin de faire remarquer ici que les 
cas ont disparu aujourd'hui des langues modernes, — nous 
nous sommes assez étendus sur ce sujet au commencement 
de cet ouvrage, dans notre élude sur les langues lomanes 
(pages 31 et 32) ; — mais nous sentons le besoin de dire 
quelques mots de la cause qui a amené cette déchéance des 
cas. 

En rapprochant les uns des autres les anciens textes vé- 
diques et sanskrits, grecs et latins, on voit que déjà, et peu 
à peu, les cas ont perdu de leur force ; ils ont commencé à 
être aidés par des prépositions, puis ils ont fini par être 
complètement absorbés par elles. 

En effet, dès que le langage eut commencé à oublier le 
rôle que jouaient primitivenient les désinences et qu'il eut 
entrepris de renforcer ces désinences par des prépositions 
indiquant la circonstance exprimée auparavant par le cas 
tout seul, toute l'attention se porta sur ces prépositions, les 
désinences devinrent bientôt inutiles et elles tombèrent dans 
un discrédit complet. 

L'idée de prépositions régissant certains cas est donc com- 
plètement fausse, car tant que la désinence resta solide, elle 
suffit toute seule à exprimer Tidée, et c'est au contraire le 
nom qui appelait la préposition pour limiter, comme nous le 
verrons plus tard au chapitre de la composition^ le champ 
dans lequel l'esprit devait se mouvoir. 

Nous donnerons un exemple tiré de la langue grecque qui 
est beaucoup plus riche que le lalinen prépositions : xapà x& 
(i.Y)p(|^ signifie tout simplement l'épée au côté ; mais icapa to5 
yxfidù exprime l'idée d'avoir l'épée au côté, sans aucune es* 
pèce de mouvement, tandis qu'au contraire l'idée de placer^ 
de mettre l'épée au côté se rend par zapi tov [^.Yjpév. 



DÉRIVATION. 179 

Dapi, ici, ne signifie donc que Pidée de à côté^ et c'est la 
désinence casuelle qui rendTaction accomplie par le verbe. 

Tout le monde sait de même que m, par exemple, gou- 
verne, en latin, deux cas. En réalité il ne gouverne rien 
sinon l'idée générale de la phrase : in urbem = dans la ville ; 
in urbe == dans la ville ; dans ces mots, in exprime unique- 
ment ridée de station dans la ville, tandis que c'est la ter- 
minaison désinentielle qui dit seule h l'esprit si Von est dans 
la ville ou si Ton y entre. (Cf. Lhomond, règle : Sum in Galliâ, 
in urbe^el Eo in Galliamy in urbem.) 

Ce que nous venons de dire de l'absurdité de cette idée 
routinière que les prépositions régissent certains cas s'ap- 
plique aussi bien à la pensée que les conjonctions gou- 
vernent certains modes. C'est toujours le mode qui appelle 
la conjonction, comme c'est toujours le cas qui appelle la 
préposition. Nous comprendrons mieux cette affirmation en 
étudiant la conjugaison des verbes indo-européens. 

Maintenant que nous connaissons les désinences nomi- 
nales du latin, nous allons, avant de passer aux pronoms, 
donner un exemple de déclinaison comparée. 

Nous eussions voulu choisir comme spécimen de la décli- 
naison générique le nom adjectif cité par Lhomond dans sa 
Grammaire latine^ c'est-à-dire le classique et vénérable bo- 
nus, bona, bonum ; malheureusement la forme de ce mot est 
altérée (cf. p. 80), et il nous serait impossible de retrouver 
ses correspondants dans les autres langues classiques. Nous 
allons donc tout simplement transcrire l'exemple donné par 
M. Eichhoff, p. 409, de son Parallèle des langues de VEurope 
et de lUnde, que nous avons déjà eu occasion de citer ; nous 
y joindrons seulement les formes analogues des langues 
novo-latines. 



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DÉRIVATION. 181 

Le^ langues novo-latines n'ont pas de neutre ; mais elles 
possèdent le masculin et le féminin. Nous trouvons donc en 
italien: (sing.) nuovo et nuova (forme gunëe, pages 72 et 76, 
etc.), (plur.) nuovij nuove; en espagnol : (sing.) nuevo et 
nueva; (plur.) nuevosy nuevas; en portugais : (sing.) tiovo, 
nova ; (plur.) novoSj novas; en roumain : (sing.) nauj noua ; 
(plur.) nota, noue; en français, enfin, les formes diminu- 
tives nouvel (contracté en nouveau) et nouvelle au singulier, 
et au pluriel nouvels (contracté en nouveaux) et nouvelles. 

Nous allons maintenant donner un exemple de la décli- 
naison simple. Nous prendrons la forme organique rAd, ex- 
primant celui qui foule le sol ou qui s appuie sur le sol (racine 
PA, PAd, appuyer^ fouler)^ c'est-à-dire le piedj et nous la 
déclinerons simultanément en aryaque, en sanskrit, en 
grec et en latin ; cette dernière langue, qui fait l'objet de 
nos études, n'ayanf pas de duel (p. 153), nous ne nous oc- 
cuperons que du singulier et du pluriel. 



Arytque Sanskrit Grec Lttin 







SINGULIER 


Vœ. 


PAP 


PAO 


ffam. 


PAIlM 


PAD 


Aee. 


PAINUM 


PAIhm 


Initr. 


PAMk 


PADk 


AàL 


PAlNit 


PADais 


Gétt. 


PADm 


PADbb 


Ijoe. 


PAM 


PAm * 

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Dak 


PABaI 


PADé 



nO(A)« derenu noT« PE(D)8 
no(A]$ id. nOT$ PE(D)s 
nOAtt PEDem 

PEDe 
nOAo( PEDii 

nOAc PEDi 



182 



GRAMMAIRE. 




PLURIEL 




PADns nOAc« 


PEDes 


PAJhs nOAc« 


PEDes 


PAD^S nOAa« 


PEDes 


PADhhis 




PXDbhyas 


PEDibas 


PAMm nOAuv 


PEDam 


P^lDbhyas 1 °^f^>'^ 


PEDibus 



VôC, PAD(»)m 

Nom PAD(a]a» 

i4cc. PADain» 
Instr, PADbhl» 

A2»/. PADbhyi 

Gén. PAD(»)i 

Loc. PAINiwa(a) 

2)a/ PAJIbbyain» 

Nous devons maintenant étudier les désinences pronomi- 
nales. 

t* FLEXIONS PRONOHINALBS. 

Nous sommes nécessairement obligés de classer à part 
ces désinences ; en effet, il y a dans les pronoms certaines 
particularités de déclinaison qui, placées dans le courant de 
la déclinaison nominale, auraient nui à l'harmonie de celte 
partie de notre travail, si délicate, et, disons-le en passant, 
si difficile à présenter avec Tordre et la clarté qui sont la 
moitié des résultats à acquérir. 

On se rappelle que plus haut (p. 100) nous avons parlé 
du pronom dans notre chapitre des Trois parties essenlielUs 
(lu discours. A ce propos, nous avons fait remarquer que le 
pronom possessif était un véritable adjectifs et que les pro- 
noms relatifs^ interrogaiifs et indéfinis ne formaient qu'un 
seul et même mot pris dans des acceptions un peu diiTé- 
rentes. 

Nous ne reviendrons pas ici sur cette question ; nous fe- 
rons seulement remarquer que les pronoms possessifs, c'est- 
à-dire, en latin 

meus^ mea^ meumj etc., 
tuus^ tuUj tutim, etc., 



T pour D organique à cause de la sifflante qui suit. 



DÉRIVATION. 183 

suusy sua^suunij etc., 
cujuSj cuja, cujum (à qui), elc, 
noster^ nostra^ nostrumy etc., 
vestefy vestra^ vesirum^^ etc., etc., 
ne sont autre chose que des noms adjectifs à déclinaison géné- 
rique, et nous renverrons à notre élude sur ces noms, p. 156. 
Quant aux formes latines relatives et intetrogatives 
qui^ quae^ quod^elquiSy qvae^quid^ 
elles appartiennent à une déclinaison spéciale. 

Qui est contracté de qws, qui n'offre aucune difficulté (cf. 
DominU'S) ; quae est aussi contracté de quâ-s (ombro-samn. 
et osque pas; cf. pages 79, 28), avec à long, signe du fé- 
minin = KWÂ-s. Ce nominatif féminin est le seul qui 
prenne le signe habituel du nominatif masculin en -s. Le 
neutre se forme ici, comme on le voit, non plus avec la na- 
sale, mais avec la dentale ; nous n'avons pas besoin de re- 
chercher la cause de cette particularité, il nous suffira de la 
constater et de signaler le sanskrit FAT, TAT ou TAD, où se 
retrouve la dentale ; du reste, nous verrons tout à Theure 
en latin d'autres exemples de la formation du neutre par D. 
Ces exemples, nous les trouverons dans les neutres des 
pronoms indicatifs ou démonstratifs tels que : 

is^ eGy idj etc., 
hie^ haeCj hoc = hod-c^ etc., 
ille^ ilhy illud^ etc. 
Le pronom ipse, fpsa, ipsum^ pour i-spe^ i-spa^ i-spum 'c 
plus haut, p. 120), fait, comme on le voit, son neutre en -M 
On trouve cependant dans un glossaire (PhUox.) ipsud^ d 
même que Ton rencontre aussi le nominatif ipsus * (Cato, R 



* Noster, vester et ct^us ont formé les adjectifs mitra», nottratis (HI), qui 
est de notre pays ; vestras^ tfatratUy qui est de votre pays ; cujiu, cùjaiU, de 
quel pays. 

' Cet iptM rappellera sans doute au lecteur la chute de la terminaison ca- 



484 GRAMMAIRE. 

R. 70, 71 ; Plaute, Pseud., 4, 7, 45; Ter. Hec, 5, 5, 5, etc.). 
Nous allons, du reste, placer dans les tableaux suivants 
les pronoms de la langue latine comme nous Tavons déjà 
fait pour la déclinaison nominale. 



i** personne 
Type nA-QA 



PRONOMS PERSONNELS 

S* personne 
Type TWA 



Vce, 

Nom. ego 

Aee. me (arch, mdie ') 

AbL me (arch. med *) 

Gén. mel 

Dot. mihi (arch. mihei*) tibi 



Type 

Vce, 

Nom, nos 

Ace. nos (arch. enos ■) 

Abl. nobis (arch. nis*) 

G^. nostfum ou nostrl^ 

Dain nobis (otcAl nis *] 



SINGULIER 

te 

tu 

te 
. te (arch. ted ') 

tul (orcA. tls>) 



9* personne 
Type 8WA 



se (arch. sed*) 

sut 

sibi (areh. sibei ei sibe «) 



PLURIEL 
Type TWA-0 

A TOS 

▼os 

vos 

Tobis 

Testrum ou vestri '' 

Tobis 



Le pronom mI, iibi, 
u est pluriel tussi 
bien que singulier. 



ractéristique du nominatif dans tous les pronoms latins hie^ ille, ipu^ itte, 
etc.; il y aurait plusieurs raisons à donner de ce pbénomène ; la nature de cet 
ouvrage nous empêche de les produire ici ; nous nous contenterons de faire 
remarquer que le grec et le sanskrit nous fournissent des analogues : », etc., 
SA, etc. 
« Quintil. Intt.,i, 5,21. 

* Med ^ ted, ap- Piaule. (Cf. p. 162). — Sed op. Seaai. eoM. des Baeeha^ 
naleo; cf. p. i65. 

* Plaut. MU. gl., 4, 2, 42. 

« Mihei ofi. Intcr. upuler. in Ballet, dell. Inst. 1838, p. 105. ~ Sibei ap. 
Monum. Scip. in In$cr. Orell. n* 554. — Sibe ap. Quint, /m/., 1, 7, 24. 

* Chant de$ ArvaUSf apud Egger, Lai. oerm. vet. reU, p. 68. 

* Fest. ê. v.\ Callim.,p. 47, édi». MQller. 

^ On trouve encore noitronm (Plaut. UU. gl. % % 110; Pœn, 3, 1, 37 ; 4, 
% 39, etc.); et vesironua ou vostroram (Pacuv. dans Non., 85, 5; Plaut. Most. 
1, 3, 123, etc.). 



DÉRIYÀTlOIf. 185 

PRONOMS INDICATIFS 

Type I, AI Type GMA et CSHA-KA 

SINGULIER 

IfMi. 18, ea, id bi-c, Iiae-c, ho-c (=liod-c) 

Àce. eum, eam, id hun-c, han-c, ho-c 

Abi, eo, eft, eo bo-c (=hod-€) ht-c, ho-c 

Gé», cjus hujus 

Dti. ei (areh. eoeleii) (areh. flfm. eae') hoi-c (areh, hae, f(m*) 

PLURIEL 

Sam. H M ei, eae, ea (areh, iei, etc. '] hi, hae, hae-c 

Ace. eot, eas, ea, hos, has, hae-c 

AbL lis M eis (areh. iibus et ibus *] flfm . eabus his 

Gén. eonim, earum, eorum (areh. eum>) honiin, haruin,'hon]m 

Dol. vaau ÔB (areh. iibus et ibus^) fém. eabus bis 

Nous ne reproduisons pas ici la déclinaison des autres 
pronoms indicatifs, ce que nous en avons dit sufGra pour les 
faire reconstituer avec la plus grande facilité. 

PRONOMS 
MLATiF ET iNDÉpiNi (démonstratil) 

Types: MA, KWA 

SINGUUER 

IfMi. qui, quae, quod (areh. quei) quis, quae, quid 

Aee. quem, quam, quod quein, quam, quid 

Abl. quo, quà, qno (areh. moêc. qui) 
Gén. cvias (areh. quoius) 
Dat. cui (areh. quoi] 

PLURIEL 

Nom. qui, quae, quae [areh. mase. ques, neut. qua) 

Aee. quos, quas, quae 

Abl. quibus et queis (areh. quls) quibus (eeul usité) 

Gén. quorum, quarum, quorum 

Dai. quibus «I queis quibus (seul utUé) 

* Voap. Ihter. ap. Murât. 583. — Eii ap. Plaut. Cure, 4, 3, 12, etc. «^Eac, 
ap. Catoo., R. H. 46. 

* Caton., R. R. 14, 3. 

Dans toutes les inscriptions. 
« Rbus ei ibus iqi. Plaut. Cure. 4, S, 20; Mil. 1, 1, 74; îhic. 1, 2, 14. et 
pasiim. — Eabus op. Caton., R. A. 158. 

* bueript.tp. Mur. 582, 2, 11, etc. 



186 GRAMMAIRE. 

Les dérives de quij quae^quod^ et de quiSj quae, quidj nW- 
frent aucune espèce de difficultés au point de vue de la dé- 
clinaison (cf. pages 115 et 119). 

Comme on le voit dans les tableaux précédents, les géni- 
tifs d'un grand nombre de pronoms sont en us ou jus. Que 
cette forme soit tout simplement u pour a devant un s final, 
comme nous en avons des exemples dans equu-s pour aicwa* 
(sanskrit AÇWAS) , oui-bus pour AVI-BHYAS^ ou ed-ûmus 
pour AD'MAS^ — ou bien qu'elle soit une forme mutilée 
pour sjus s=^mjm-m (masc), ou mjA'u (fém.) ( = goth. s6s), 
avec confusion des trois genres en un seul, il importait de la 
constater et de la rapprocher des formes de génitif en us^ 
que nous avons vues plus haut à la déclinaison nominale 
(p. 169). 

Nous passons à l'étude de la conjugaison aryo-latine. 

3* FLBXIOHS VERBALES 
(Conjugaison.) 

La conjugaison n'est, comme la déclinaison, qu'une forme 
de la dérivation. Lorsque la conjugaison unit les pronoms 
personnels hia, sa, ta, aux verbes, soit simples, soit déri- 
vés, elle procède absolument de la même façon que la déri- 
vation du substantif lorsque celle-ci ajoute à un verbe carac- 
téristique rappelant l'action favorite ou habituelle faite ou 
soufferte par un être, le pronom (a, ta, «a, na, etc. ) qui indi- 
que cet être lui-même, celte individualité. C'est ainsi que 
mA-ti, il mesure {SÊA^mesurer-hT pour ta = signe de rap- 
port+i=signe d'activité du sujet t) est frère de mA-u, 
celle qui mesure^ celle qui juge^ V intelligence^ en un mot, avec 
le signe désinentiel, MATIS, grecMHTIS, lat-, MEN(T)S,etc. 

Les pronoms personnels, que nous avons étudiés plus 



DÉRIVATION. * i87 

haut (y. p. 104), sont les éléments essentiels delà conjugai- 
son indo-européenne. Ces pronoms prennent au pluriel des 
verbes Ts désinentiel caractéristique que nous avons déjà 
vu au pluriel des noms, et nous avons déjà dit à celte occa- 
sion (v. p. 102) que cet s, marque générale du pluriel, n'est 
très-probablement pas autre chose que l'élément principal 
consonantique du pronom démonstratif sa représentant un 
sujet nouveau à ajouter au sujet du singulier. 

Ces pronoms personnels restent tels quels dans l'aryaque 
toutes les fois que l'action est passée et que l'on ne peut 
plus, par conséquent, montrer le sujet en pleine aclivilé. 

L'a étant la voyelle qui indique le passé et la passivité, 
tandis que l'i a le caractère du présent et de l'activité, -hia, 
-SA, -TA sont les terminaisons caractéristiques du parfait^ 
tandis que, au contraire, le présent change en voyelle aiguë I, 
Ta terminal des pronoms -ha, -ta, -sa qui deviennent alors 
-BO, -SI, -Ti, et au pluriel -hasi, -tasi, -nti. 

En dehors de ces deux formes fondamentales -ma et -mi, 
-SA et -SI, -TA et -Ti, etc., Taryaque possède pour les temps 
dérivés ou secondaires (imparfaits et aoristes) une forme 
écourtée où résonne seule la consonne initiale du pronom 
-M, -s, -T en opposition à -ma et à -mi, à -sa et à -si, à -ta 
et à Ti. 

De ces terminaisons organiques, que resle-t-il en latin? 
C'est là surtout ce que nous devons étudier. Mais nous devons 
auparavant faire observer, comme base générale de notre 
étude, qu il n'y a en latin qu'une seule conjugaison simple, 
la Iir (leg-ere) ; les trois autres sont contractes : ama-ere^ 
mone-ere, audi-ere. 

V Conjugaison simple. — La troisième conjugaison latine 
est seule simple, immédiate et directe parce que seule elle 
ajoute immédiatement au radical les terminaisons caracté- 



iS8 GRAMMAIRE. 

ristiques des temps, des modes et des personoes. — Prenons 
pour exemple le radical f fi ; en aryaque, il ferait ■■€! — ■ ; 
en sanskrit nous avons JtAG'-âmi, et en latinREG * -ùmiy d^oit 
REG-o. 

2^ Conjugaison coktracte. — Les T, II*, IV*, et même les 
verbes en -io de la troisième conjugaison latine (aedp-io)^ 
appartiennent à cette catégorie. Ces verbes ne sont, à pro- 
prement parler, que des formes de la quatrième conjugaison 
sanskr. en YAMI^ représentée en latin par 10- (Ml). 

Nous allons donner ici le tableau des conjugaisons latines 
contractes en prenant pour types les verbes cna, coimMre , 
MAN, pensefy et swap, dormir. 

m 

V* Conjugaison latine (contracte) [atM], 
CSNAMAN — ayA — wêà 

(G)NAMAN — ayô — mi 

NOMIN — aô — mi 

NOMIN — 6 — mi 

NOMIN — Oj je fais connaître^ jenomme. 

U' Conjugaison latine {contracte) [moneo] 
■AN — mjA — WÊâ 

MON — eyô — mi 

MON — c6 — mi 

MON — eo, je fais penser ^ j^avertis. 

IV* Conjugaison latine (contracte) [attdio]. 
8WAP — «7* — ml 

SWOP — oyô — mi 

* Remarquei qu'ici, comme dans un grand nombre de cas, le radical la' in 
(reÇ") est mieux conservé que le radical sanskrit [rag'-) qui a aflaiblt la gutiii> 
raie franche G en la chuintante correspondante G' ou J. 



DÉRITÀTION. 489 

SWOP — yô — mi 

SWOP — io 

SOP — io, je fais dormir ^j* endors. 

Ici, le genre de contraction n'est pas le même que dans 
les deux premières conjugaisons contractes. — En efTet, si 
dans nomino et moneo il y a chute de Vy entre les deux a 
{wumÊmm'm(j)h'mî^ mmn»m{j)Si-WÊû) ^ dans la quatrième, au con- 
traire, Yy persiste, et c'est par la contraction de ay né de ai 
en l long que l'on a sojhlo. 

Il nous reste à parler de la seconde forme de la troisième 
conjugaison latine qui a pour type, dans la grammaire de 
Lhomond, le vçrbe acdjno. — Cette forme est contracte : ac- 
àpioj ou plutôt son père capio, représente MAP-yéi-mi, qui 
correspond exactement à la quatrième conjugaison des gram- 
nairiens sanskrits. — Comme on le voit, c'est ici un troi- 
sième mode de contraction ; le suffixe ta est dans toule sa 
simplicité et nous avons Tëchelle suivante: 

MAP-yA-mi 

CAP-yô-mi 
CAP-io 
AC-CIP-io 

Pourquoi donc les grammairiens latins placent-ils les 
verbes dont le type est accipio sous la troisième conjugaison? 
C*est uniquement à cause de l'infinitif accip-ere qu'ils rap- 
prochent de leg-erey sans tenir compte de la différence radi* 
cale qui sépare la conjugaison simple des conjugaisons con- 
tractes. 



190 GRAMMAIRE. 



TEMPS. 

TEMPS PRINCIPAUX. 

Parfait. — Examinons d'abord les terminaisons du parfait 
ou passé latin. — Nous ne saurions ici trop insister sur ce 
point, à savoir qu'il n'y a en latin qu'un véritable parfait, 
le parfait redoublé. Il est facile de concevoir comment le 
redoublement du radical a formé le parfait; ce redouble- 
ment indique le parachèvement de l'action. Lorsque, par 
exemple, l'aryaque dit tntad-nia, d'où le sanskrit TUTU-DA 
et le latin TUTU-DI, il est certain qu'il emploie la meil- 
leure manière d'indiquer que l'action est faite, parfaite, et 
conséquemment passée. Le parfait par redoublement ne fait 
autre chose que reproduire en l'affirmant une seconde fois 
une action complètement terminée. Comme exemples de par- 
faits latins redoublés, nous citerons encore PEPIG-I de PAG 
ou PANG, TETIGIde TAGou TANG, CECIN-I de CAN, etc. 

Parfois le latin classique n'a conservé d'autre trace du re- 
doublement du parfait que dans l'allongement de la syllabe 
radicale de ce parfait ; c'est ainsi que LËLËG-I est devenu 
LEG-I, FÊFÏCI est devenu FEC-I (cf. l'osque fëfà-custy Tab. 
de Bantia, 11, 17, 32) CËCÏP-I est devenu CEP-I, etc. 

A la seconde personne du parfait, le s du sa primitif arya- 
que est renforcé en sta, et ce renforcement se reproduit à 
la seconde personne du pluriel : LEGI-STI, LEGI-STIS, etc. 

Seule la troisième personne du pluriel mérite encore une 
observation ; celte troisième personne reçoit l'intercalation 
d'une forme de la racine as, vivre^ exister^ être, en latin ES, 
entre le radical du parfait, — par exemple, tutudy — et la 
terminaison -unt^ et compose ainsi une sorte de combinaison 
de l'aoriste et du parfait proprement dit* 



DËRIYATION. 191 

En dehors de ce parfait par redoublement, le latin connaît 
deux autres parfaits d'une formation toute différente; nous 
voulons parler des parfaits en VI où Benfey a reconnu le pre- 
mier le parfait FUI du verbe FU (rac. bhu, exister^ être)^ 
et aussi du parfait en SI qu'il faudrait nommer aoriste^ né du 
verbe as, en latin ES, souffler^ respirer, vivre, exister, être. 

La première de ces formes passées est constituée d'une 
manière extrêmement simple; au thème actif ama, mone, 
audij on ajoute tout simplement le parfait de bhu, FUI, et 
Ton a ainsi : ama-FUI, je fus aimant, j'aimai, — mon^-FUF, 
je fus avertissant, j'avertis, — awdi-FUI, je fus entendant, 
j'entendis; ce sont là les formes organiques latines de ce 
parfait qui sont devenues, par la disparition de la sifflante, 
amfl-VI, — mon-UI pour mone-M, — awdi-VI, etc. — L'osquc 
a une forme correspondante dans son parfait en fed (3^ pcrs. 
du sing.) : aama-naf-fe-d etc. (Mommsen, Inscript. XVIII, 
XXI, XXII, XXIV, XXV, etc.). 

C'est par le môme procédé que SI, le parfait inusité de 
8um, s*est uni à certains thèmes verbaux pour former les 
parfaits : scrip-Sl, reg-Sl (rexi), etc. — L'osque a aussi 
un ted correspondant au sit latin : prufat-te-d, etc. (Momms. 
XXI, XXIV, XXVI, etc.). 

Pbésent. — HiA, -SA, -TA changeant la finale en i et don- 
nant -BO, -SI, -Ti et-aïA-SA, -TA-SA, -N-TA devenant -masi, 
-TASi, -iinri, telles sont les terminaisons caractéristiques 
du singulier et du pluriel au temps présent dans la langue 
aryaque. 

nÂ^BO, je mesure^ avec ses trois éléments : ma, inesurer, 
■M, mot, I, signe de la subjectivité de ha devant ma donne trois 
termes, dont deux réels et extérieurs, c'est-à-dire le verbe 
et le pronom personnel, entre lesquels vient se placer le rap« 
port purement intellectuel (5' terme) d'activité de l'être re- 
présenté par le pronom devant l'action rappelée par le verbe. 



193 GRAMMAIRE. 

Ces observations analytiques, répétez-les soigneusement 
a l'endroit de -Hisi= nA + sa+ i, lu mesures ; de -nÂTi= 
HA+TA+i, il mesure; de -hïmasi = hiâ+hî+si, nous 
mesurons; de -HiÂTA8i = nA4-TA4-8i,vous mesurez; de 
-Hiiivii=HA+Nn, ils mesurent, et vous aurez toute This- 
toire du présent aryaque. 

Voyons maintenant ce que sont devenues en latin ces ter- 
minaisons organiques du présent (mode indicatif)- 

Le -BO caractéristique de la première personne, si bien 
conservé dans le sanskrit, le lithuanien et le grec^ est ré- 
di?it d'abord à la consonne initiale -M, ce qui nous fait perdre 
le signe de rapport I; mais ce n'est pas tout : cet -H, pré- 
cieux reste du pronom ma (moi) organique, ne nous est par- 
venu que dans ES-u*-m (pour AS-mi), plus tard S-u-tn, et 
dans inqua-U pour inqua-Hl, Partout ailleurs, la notion de la 
première personne s'est attachée à la voyelle remplaçant 
la voyelle  organique précédant immédiatement la termi- 
naison, mais ne la constituant en aucune façon. 

C'est ainsi que l'organique lakaA-m, en latin organique 
legô-MË est devenu legd, après avoir, sans aucun doute, été 
legd'U (cf. suM et inqua-U). 

De même Han-ayA-m, je fais penser, après avoir été Mati" 
ed-WM, est devenu mon-eô-M, puis mon-eo. De même encore 
Umm-mjA'Wky fembrosse, faime, après avoir été Kam-ad-mâj 
puis |[om-a5-M, etKam-o-M est devenu iK)am-o*. 

La seconde personne demande une attenlion toute parti- 
culière, à cause des contractions auxquelles elle donne lieu 
en dehors de la 3" conjugaison. Il est très-facile, en effet, 

' Sanskr. =-¥/; Ittbuan. =-019; grec = -/»!. 

' Cet « est est une demi- voyelle de liaison comme on en trouve dans un grand 
nombre de mots. — Dana les langues germaniques, c'est aussi le verbe substan- 
tif seul qui a conservé la i'* personne : bi-m ou pt-/;i (Tud.), ^n (ail.). 

> Le K aryaque, conservé en sanskrit, est tombé en latin 



DÉRIYATION. i93 

de s'expliquer comment l'organique laïuapsi est devenu 
leg-is (6 latin pour us primitif) pour legisi avec i pour à de- 
vant Vs final, et comment alors ïs est resté bref : legïs. Dans 
les trois conjugaisons contractes, au contraire, cet i bref de 
û=aai organique se combine avec la voyelle ultième du 
thème et donne les trois contractions suivantes. Dans la pre- 
mière, a-hïs=Qs long : amas pour amals; dans la seconde, 
e+is donne es : monës pour monds (num-aTMi, tu fais pen- 
ser, tu avertis) ; enGn, dans la quatrième, if+{s=îs : audiïs 
=audls. Ce que nous venons de dire de la seconde personne 
s'applique exactement à la troisième. Là encore, leg-U pour 
leg-iU (organique IsIcmu) est seul privé de toute contraction, 
tandis qn'amât est pour amaït^ monët pour mondt^ audit 
pour audiïtj etc. 

Ces mêmes contractions s'observent encore au pluriel 
où tombe sans cesse FI final signe de rapport : -MUS pour 
-mMt, -lis pour -<aai, -NT pour -na : Ama-MUS pour 
(K)amâ-HASi, mone-TlS pour mon-e-TASi, audiu-NT pour 
audiurvm. 

Au mode subjonctif, toutes ces terminaisons sont précé- 
dées d'un & long caractéristique. 

Futur. — On penserait que le parfait ou passé et le pré- 
sent ayant chacun leur expression particulière, on va trouver 
dans la langue commune une forme spéciale pour représenter 
l'avenir; en d'autres termes, on pourrait croire qu'il existe 
un futur simple. Ce serait là une grave erreur : il n'y a que 
des futurs composés dans les langues du système indo-^uro- 
pien. Cette composition du futur a lieu au moyen de divers 
artifices correspondant à divers points de vue de l'esprit 
considérant l'avenir dans ses rapports avec le moment 
actuel. 

De ces différentes formes composées, la plus importante 
est certainement celle qui dit : je ferai... fdiv je suis devant 

13 



194 GRAMMAIRE. 

faire ou je suis faiseur y facteur y rédiseur ou réalisateur de 
l'acte. Si le latin dit : facturus sum^ creaturus sunij etc., Ta- 
ryaque a de son côté Karcr a«ni, ce qui donne au sanskrit 
en composition kartâsmi, parce que kartr, comme tous les 
noms masculins et féminins sanskrits en r, fait au nominatif 
kartâ (cf. pitây mâtâ, nominatifs, issus des thèmes jntr et 
mâtr = paler et mater) . Kartr est avec creaturus dans un 
rapport intime, car il n'est qu'une forme antérieure de dé- 
rivation, comme le serait creator vis-à-vis de creaturus (crea- 
turus = créa torus (antique) = creator +us), celui qui est de- 
vant créer : rac. kr. Il en est de même de amator^ amaturus; 
monitorj rnonituru^ ; lector^ lecturuSy etc. 

Ce que nous disons du participe futur en -RUS, -RA, -RUM, 
est surtout important au point de vue de la dérivation des 
substantifs qui peignent quelque action mécanique, quelque 
facture (fact-u-ra), tels que l'écriture (scrip-tu-ra), la sculp- 
ture (sculptu-ra), la peinture (pictu-ra), et les autres noms 
des arts ou des procédés de réalisation, de création. Il faut 
noter que tous ces noms sont des adjectifs dans le sens tex- 
tuel du mot; le substantif ars doit toujours être sous-en- 
tendu : ars scriptura, ars sculptura, ars pictura, etc. (cf. le 
grec ypa/fixii (TéxvTQ), yXotctix-^ (téx^Yj), etc.). 

Après cette première manière de rendre le futur, voici ve- 
nir celle dont l'Inde et la Grèce ont fait le plus fréquenLusage. 
Ce procédéconsisteàdire : je vais être, pour j> serai; or, être 
se disant as, et je vais se disant yAmi, nous aurons aa-yA-mi j 
je vais être ou je serais d'où avec Taphérèse habituelle du 
verbe as, SYÀMKoTme usuelle du futur second des Hindous : 
KAMA'SYÀMIy je vais être aimant (rac. Kam, devenue en la- 
tin AM, aimer), j^ aimer ai; MANA-SYÀMIy je vais être faisant 
penser (rac. ni«n, penser), je ferai penser, j^avertirai; DÀ-^ 
SYÀMIj je vais être donnant (rac. da, donner), je donnerai; 
PÀ'SYÀMIf je vais» être gardant (rac. pa, garder), je garde- 



DÉRIYâTION. 195 

rai, etc. Le sanskrit a conservé ici la forme organique de 
laryaque, qui fait, lui aussi : Kam-a-syAmi, nMi-a-«7*ari, 

9m~mjàMÊdj elc. 

De ce -STAHi, le grec a fait -^(i>iju, en laissant tomber le y 
et la plupart du temps la terminaison pii a encore disparu, 
ce qui nous laisse cta ; c'est ainsi qu'il dit ScUxto) pour ScbaoïfjLi 
=DA-STAan ; Xùdo) pour Xuacoiju et X6ato|At, etc. — Celte ter- 
minaison atù=mjéaBd se retrouve en latin dans ESO pour 
ESSO (cf. ESIM ou ERIM pour ESSIM), et par suite dans tous 
les futurs portant le nom absurde de futurs passés, au lieu 
de celui de futurs seconds ou futurs parfaits : AMA-V-ERO 
= AMA-V-ESO = AMA-V-ESSO, MON.U-ERO= MON-U-ESO = 
MON-U-ESSO, etc. (Pour R=S, cf. p. 81.) 

Mais ce futur en RO = SO est loin d'être le futur favori de 
la langue latine. Cette langue, en effet, se plaçant devant 
l'avenir, considère Tacte à réaliser, soit comme l'objet d'un 
désir, — et alors elle remplace le futur proprement dit par 
Foptatif ; c'est ainsi qu'elle dit kjf-AM, à proprement parler, 
que je Use, que je puisse lire, pour y ai à lire, je lirai; — soit 
comme une charge dont il importe de s'acquitter, et vis-à-vis 
de laquelle on affirme tout simplement son existence. Cette 
dernière manière, la plus usitée dans l'Europe moderne, dit : 
je suis à faire ou devant Vaction de faire, pour indiquer le but 
non encore atteint; c'est ainsi que l'Anglais dit: lam to do 
pour je suis à faire, je dois faire, je ferai . 

Le latin dit de même 60, je suis, contraction de bhaw- 
OMI, sansk. BUAV-ÀUI, je suis; aryaque Hhaw-Ami i BO -f- 
MONE, je suis à avertir, c est-à-dire je dois avertir, mone-BO; 
BO+AMA, je suis à aimer =ama-BO, j^aimerai, et ainsi pour 
tous les verbes contractés de la première et de la seconde con 
jugaison latines. 

Ua seul mot pour les langues romanes : au lieu de je suis 
devant Vaction de, ces langues disent : ;'at à faire ou je 



196 GRAMMAIRE. 

faire-ai, je ferais far-d (ital.), har-é (espagn.), etc. ; fai à 
dire ou je dire-aij je dir-ai; dir-d (ilal.), dtr-rf(esp.), elc. Ce 
futur est tellement composé, que dans les vieux manuscrits 
on en trouve souvent les deux éléments séparés; ainsi en 
provençal : dar vos fi*aî, je vous en donnerai ; dir vos ai, je 
vous dirai; gitar rnetZj vous me jetterez, etc.; espagnol : 
haber les hemos como alevosos perjurados (voy. Raynouard, 
Gr. comp.j p. 298), etc.; portugais : dar vos fiej/ conta de 
donde ella vem (voy. Rayn., ibid.). Comme on le voit les deux 
éléments du futur sont encore séparés ici. par le pronom ; il 
en est de même du conditionnel, — qui, dans les langues 
romanes, est proche parent du futur, — dans des phrases 
comme celles-ci : dexar me tas con el sola, cerrarias el pos- 
tigo. Habria nuestra ira y pechar nos ya toda aquella pena. 
(Rayn., ibid. — Burguy, Gramm. de la langue d'ot/, I, 206.) 



TEMPS SECONDAIRES. 



Après chaque temps principal, vient un temps secondaire, 
et tous ceux qui ont lu les excellents paradigmes de conju- 
gaison dressés par M. J. L. Burnouf, dans sa Grammaire 
grecque^ et par MM. Ém. Burnouf et Leutpol, dans leur Gram- 
maire sanskrite^ se souviendront qu'après le présent se place 
immédiatement Pimparfait: c'est, du reste, Tordre de la 
grammaire traditionnelle. 

Imparfait. — Ce temps dit imparfait n'est autre chobc 
qu'un présent dans le passé, ou plus simplement un temps 
simultané à une action passée; étant donnée une action pas- 
sée, lorsque vous dites : je faisais j vous vous placez au pré- 
sent dans le passé. Le caractère de ce temps secondaire est 
la peinture de l'accomplissement de l'acte par le pronom dé- 
terminatif a représentant Funité, le tout, la perfection. Ce 
pronom porte ici le nom banal à'augment; le grec le repré- 



DÉRIVATION 197 

sente par £, et lorsque Taryaque dit A-dA-n, je donnaiSy le 
Grec dit l-Sco-v. 

Au point de vue des études latines, cette formation orga- 
nique nous offre un immense intérêt, car elle explique tous 
nos imparfaits latins issus de l'union de EBAM (=a+bhw 
+ aai ou a + i^haw+Mn) avec le radical du verbe. Leg- 
EBAM équivaut donc à y étais lisant. Mais la rencontre de cet 
EBAM commençant par une voyelle avec la voyelle finale du 
thème vocalique auquel on le rattache amène aux deux pre- 
mières conjugaisons les contractions suivantes : 1^ a + e de- 
vient â long, et Ton a ainsi ama-4-EBAM contracté en amâ- 
bam; 2® e + e=ê long et monèbam est pour mon^-f-EBAM. 
Cette contraction n'a lieu, ni dans le second modèle de la 
3* conjugaison, ni dans les verbes de la 4*, à cause de la fa- 
cilité avec laquelle la voyelle t glisse sur la voyelle e à l'aide 
de Yy furtif : acc/pi-EBAM, audt-EBAM. 

AoRïSTE. — Plus-que-parfait. — Ce même a, signe de la per- 
fection ou de Tachèvement de l'acte, a formé tous les aoristes. 
C'est lui encore qui du parfait a tiré le plus-que-parfait. Mais 
dans ce dernier temps, a n'est plus joint au verbe bhv, 
comme dans la formation de l'imparfait, mais bien à la t^l- 
cine ASy souffler, respirer, vivre, être. Nous aurons donc ainsi 
la combinaison suivante : a (signe de la perfection) -4- as+ 
am (désinence du plus-que-parfait) = ÂSani (aryaque) = 
ÊSAM (latin) =ERAM ; et c'est en dernier lieu cet ERAM que 
Ion joint au radical du parfait pour former le plus-que-par- 
fait : /u-ERAM, j'étais ayant été; — pof-u-ERAM pour pot-fu- 
ERAM, j'étais ayant été pouvant; — ama-v-ERAM pour 
ama-/ti-ERAM, j*étais ayant été aimant, etc. 

Comme nous le verrons tout à Tlieure, lorsque nous par- 
lerons des modes, le plus-que-parfait du subjonctif se forme 
en ajoutant au parfait la terminaison optative siem, sies 
siet, etc., contractée en sim, sis, sit, etc. 



198 GRAMMAIRE. 



MODES. 

La manière d'envisager Taction, soit comme une simple 
affirmation (indicatif), soit comme un ordre (impératif), soit 
comme l'objet d'un vcbu ou d'un doute (optatif et subjonctif), 
soit comme une conception abstraite de Tesprit (infinitif), soit 
enfin comme une habitude^ un état ou une propriété de Vitre 
(participe), constitue les cinq modes primitifs de la conju- 
gaison aryaque. 

Le mode indicatif ^^i le plus simple et ne demande aucune 
explication ; l'idée contenue dans ce mode se traduit d'elle- 
même, sans difficulté. 

Vimpératif est le mode du commandement comme le vo- 
catif est le cas d'appel. Nous avons déjà vu que ce cas est le 
plus bref de tous, et qu'il se rend souvent parle thème sans 
aucune désinence. Il en est de même parfois de la seconde 
personne du singulier de l'impératif: AMÂ, MONE, AUDI, etc., 
contractés pour (K)AMAYA, MANAYA, etc. Les thèmes con- 
sonnantiques prennent un e sourd : LEG-E , correspondant 
à Va bref formatif de la seconde personne de l'impératif en 
aryaque et en sanskrit. Quelquefois même, la voyelle finale 
du thème tombe, et Ton a des impératifs, tels que DIC, DUC, 
PAC, etc. Au pluriel, nous remarquerons l'introduction dans 
l'impératif d une ou de plusieurs personnes du présent du 
subjonctif : AMEMUS, MONEAMUS, etc. — Cela ne doit pas 
nous étonner; il n y a pas loin du souliait (suhjonctif-optatif) 
à Vinjonction (impératif), et Ton comprend fort bien que le 
langage se serve de la forme du premier de ces temps, pour 
rendre la pensée contenue dans le second. 

C'est la voyelle I, soit seule, soit suivie d'un A long {ya) 
qui sert à former le mode optatif ou subjonctif latin ; seule- 
ment, ainsi que nous l'avons déjà dit tout à Theure (p. 195), cet 



DÉRIVATION. 199 

optatif sert souvent de futur. L'aryaquc mm-j-tun^ que je sois^ 
que je puisse être^ devient en sanskrit S-YA-My et en latin 
S-IE-M. Seulement, ce S-IE-M est contracté en S-I-M, et il en 
est de même des autres personnes du môme temps : S-IE-S 
=S-I-S, S-IE-T=SIT, etc. Dans l'organique icMna-i-n, que 
j^aimey que je puisse aimer ^ la rencontre de A et de I amène en 
latin un E profond : AMEM, AMES, AMET, AMEMDS, etc., 
pour AMA-I-M, AMA-I-S, AMA-l-MUS, etc. De môme l'orga- 
nique wa^h-ain donne en latin YEH-EM (archaïque), plus 
tard VEH-AM, VEH-ES, VEII-ET, devenu simple futur de VEH- 
ERE ; mais un latiniste préférera toujours le futur <^mposé 
vectuttis sum à Toptalif servant de futur YEH-AM. 

Le mode infinitif présente deux formes différentes que la 
science philologique est parvenue à analyser. L'une, de 
beaucoup la plus employée, est Tinfînitif eu -Re au lieu de 
-Se. Ce -SE est pour un -sai organique primitif, c'est-à-dire 
pour un véritable datif. Ainsi «tw-a-sai, datif du nom arya- 
que gtw-M (sansk. 67K-AS) se retrouve sous sa forme dV- 
A'SÊ dans le Rig-Yôda, avec la même valeur que (G)YIY-E-SE, 
devenu YIYERE, c'est-à-dire à vivre^ pour vivre ou de vivre^ 
considéré comme but, comme tendance, comme point ex- 
trême ; cet infinitif dit donc l'action comme objet de l'atten- 
tion, comme terme d'un autre acte, et si l'on se rappelle ce 
que nous avons dit plus haut (p. 152), on voit que c'est un 
véritable datifs II importe de remarquer ici que la forme -SE, 
d'où -RE, est très-répandue, môme dans le latin classique, 
où l'on en trouve des exemples nombreux ; si, par exemple, 
l'on trouve plus souvent com-ed-e-RE, on trouve aussi fré* 
quemment com-es-SE pour com-ed-SE, avec assimilation du 



1 On trouve, da reste, dans les Védas, presque tous les cas employés comme 
infjnitils; nous citerons seulement les génitifs ou ablatife kariôs, siatMt, etùs, 
roddMt, etc., les accusatifs vitrpas, vilikhaSt etc. Hais c*est surtout le datif, 
cas de tension, qui est usité en pareille circonstance. (Cf., p. 27.) 



800 GRAMMAIRE. 

den s (voir p. 95), manger. Citons encore posSE pour polSE, 
et esSE qui se trouve reproduit dans tous les parfaits de Tin- 
finitif : fuisSE, amavisSE, monuisSE, legisSË, audivisSE, etc. 

La seconde forme de TinGnilif latin est celle à laquelle on 
a donné le nom de supin. Au premier abord et, à ne consulter 
que l'orthographe, le supin en -TUM serait identique au 
neutre du participe passé. Il n'en est rien pourtant, et bien 
que nous ayons déjà signalé et résolu cette difticulté (p. 144), 
nous croyons utile de reproduire ici nos explications : le tum 
du participe passé correspond au -tan organique, neutre de 
-tas, ^ca, 'tmm=-tuSy -fa, -tum; le -TUM du supin, au con- 
traire, est contracté du twam aryaque, véritable accusatif, et 
représente à lui seul le verbe-racine tu, emplir^ accomplir ^ 
achever^ faire. C'est ce TUM, indicateur de l'accomplissement 
parfait de Faction exprimée par le verbe, qui forme en san- 
skrit tous les infinitifs : DÂ-TUM^ donner = supin latin 
DA-TUM, — G'NÀ'TUM, connaître = sup. lat. (G)NOTUM, — 
STHA'TUM, se tenir debout = sup. lat. STA-TUM, — CE- 
TUMj être tranquille = sup. lat. QUIE-TUM, — YOK-WM, 
joindre=suf. lat. JUNC-TUM, etc. 

Le supin (second infinitif) est donc essentiellement un 
mode composé de deux verbes : un verbe-racine quelconque 
et le verbe tu sous la forme TUM^ indiquant Tachévement 
de Faction. 

Nous dirons peu de chose du participe^ parce que déjà, 
dans notre étude sur la dérivation en général, nous avons 
indiqué le contraste ou Tanlithése qui préside à la naissance 
duparticipeaclif dit improprement participe présent, et du 
participe passif dit participe passé. Nous rappellerons seule- 
ment que la prédominance de l'idée verbale exprimant l'action 
(activité) a pour signe la perte d'une partie de la substance 
sonore du pronom, tandis qu'au contraire la prédominance 
de ridée pronominale assujettissant l'idée d'action (passivité) 



DÉRIYATION. SOI 

s'exprime par le pronom joint d'une manière intégrale à la 
racine; nous aurons ainsi : pa-t, (jardant^ etpa-ta, garde^ 
— sta-t, se tenanty et sta-ta, tenu^ — d*-t, donnantj et 
d*-ta, donné — mA-t, mesurant^ et mA-ta, mesuré, etc. Le 
sanskrit possède ces deux formes, avec des variations orga- 
niques. Quant au latin, il fait son participe actif en -NT, avec 
renforcement par la naso-dentale, et son participé passif en 
-TD(S), -TA, -TU(M)=rorganique -ta(«), -ta, -ui(n); nous 
aurons donc STAN-T et STA-TU(S), — DAN-T et DA-TUS, etc. 
Nous prierons seulement le lecteur de ne pas oublier que leT 
s'est contracté au nominatif: STANT-S=STANS-S==STAN-S, 
DANT-S=DANS.S=DANS, etc. (Cf. p. 142 et suiv.) 



VOIX. 



L'aryaque possède deux voix (pada) que le sanskrit et le 
grec reproduisent avec plus ou moins de fidélité : Tune que 
rinde appela parasmûipadam, c'est-à-dire voix qui s'applique 
è quelqu'un qui est loin de vous, à un autre, et l'autre qui 
s'exprime en sanskrit par le mot âtmanipadamy c'est-à-dire 
voix qui s'applique à la personne même qui parle, mot à 
mot : qui marche sur l'âme ou sur la personne du sujet qui 
pose l'action. 

La voix parasmâipadanij que nous appellerons transitive ou 
active, indique que l'action passe (transit) du sujet qui agit 
à l'objet qui reçoit : pA-mi, je garde, — dA-mi, je donne, etc. 

La voix àtmanêpadam, directement opposée à la première, 
esl purement subjective. Que l'acle soit réfléchi sur son sujet 
ou qu'il soit fait seulement au profil du sujet, l'aryaque dira 
toujours ; dA-ma-mi, je me donne, je donne pour moi, à mon 
profit; — dA-M-Bi, tu te donnes; — dA-ta-ti, il se donne; — 
[y je me garde; — pA-M-ai, tu te gardes; — pA-ta-u, il 



203 GRAMMAIRE. 

se gardCy etc. Les formes -nàmi (1'* pers.), -mmmi (2* pers.), 
-taii (S"" pers.), etc., devinrent, même dans la langue com- 
mune, -mai, -Mil, -tai, comme on en a la preuve dans la 
concordance des formes sanskrites et grecques : AI (résultat 
d'une altération postérieure), SA/, TA/, et jiai, <jai, tœi, etc. 

De cette voie moyenne organique, le latin n'a conservé que 
le principe auquel elle doit sa création, c'est-à-dire le prin- 
cipe do réflexivité peint à l'aide d'un pronom réfléchi banal 
•wa, en latin 5^pour swe (cfr. p. 184). En effet, c'est en ajou- 
tant SE, marquant le retour de l'action sur le sujet, à chacune 
des personnes de la voix transitive que le latin fit à la fois sa 
conjugaison passive et sa conjugaison déponente. Dans sa con- 
jugaison passive^ lorsqu'il dit amo-SE, ou amo-S devenu 
amo-R, il marque que l'action à^aimer tombe sur le sujet de 
première personne ; de même, quand il dit ama-SI-SE de- 
venu (7ma-Sl-S et ama-RI-S, ama-T-U (u de liaison) -SE devenu 
fltna-T-U-S et enfin awia-TUR, il suit les mêmes procédés et 
obtient les mêmes résultats. 

Il serait facile, en se plaçant au point de vue de la gram- 
maire comparée, de faire ressortir tout ce qu'il y a d'impar- 
fait dans ce semblant de passif. Au contraire, quand cette 
forme sert à geindre une action qui se fait au profit de l'agent, 
elle devient tout à la fois et plus 4ogique et partant plus in- 
telligible. C'est ainsi queYESCOR (=vescO'S =^vescO'SE) je 
me nourris j implique bien un acte de manger tournant au 
profit de celui qui l'accomplit ; — UTOR (= uto-S = u^o-SE) 
je me sersj est absolument dans le même cas d'utilité pour 
le sujet qui fait l'acte à*user de...]-- SEQUOR (= sequO'S=z 
seqwhSE) je suis^ est encore un de ces actes où le but de l'ac- 
tion est impliqué par la signification même de cette action. 

Le défaut capital du passif latin est de convertir en objectif 
absolu le subjectif sur lequel se fait un simple retour de 
l'action ; amatuTy en effet, n'a le droit de signifier que il 



DÉRIVATION. 203 

s^aime lui-même^ il aime à son profit^ pour son profit^ et non 
pas il est aimé par un autre. Il n'y a de véritables passifs 
en latin que les temps composes du participe passé et des 
formes diverses du verbe esse : amatus sum^ amatus eram^ 
amatus ero^ etc. 

Ce que l'on appelle en grammaire latine verbes neutres ne 
sont que des verbes de la voix ordinaire au sens intransitif; 
c'est-à-dire que dans ces verbes l'action ne passe pas du 
sujet à un objet extérieur au sujet; il en est de même en 
français lorsque nous disons : je marche j je dors y jepars^ etc. 

Quant à ce qui concerne les formes verbales appelées tn- 
ten^ives^ fréquentatives ^ inchoatives^ diminutives, etc., nous 
renvoyons le lecteur à ce que nous avons dit au commence- 
ment de ce chapitre (p. 145) à propos de la formation des 
thèmes dans les idiomes indo-européens. 

11 nous reste à dire un mot du verbe auxiliaire ; ce verbe 
destiné, comme son nom l'indique, à secourir les autres, a 
été employé dès la plus haute antiquité ; il a joué à peu près 
vis-à-vis du verbe le même rôle que les prépositions (voir 
plus haut, page 178) vis-à-vis des noms. On le trouve déjà 
employé sur les inscriptions cunéiformes des Perses*. Le 
latin classique l'a aussi employé de bonne heure ; l'expres- 
sion compertum habeo, milites^ j'ai appris, soldats (Sallustc, 
Jugurtha) contient un verbe auxiliaire. Nous n'avons pas be- 
soin de faire observer que toutes les langues modernes indo- 
européennes usent et abusent du verbe auxiliaire ; en alle- 
mand, c'est être (ich bin, sein), avoir (haben), et devenir 
(werden*); en anglais, être (to bc), avoir (to hâve), devoir 
(to shall ), faire (to do), et vouloir (to will). 

* Voir entre autres l'inscription de Beistumf où l'on trauye un verbe auxi* 
liaire kum » faire. 

* Rapprochez de FaUemand le perse qui emploie aussi comme auxiliaire le 
verbe ventr, aller. 



S04 GRAMMAIRE. 

Parmi les langues novo-latines, nous trouvons en cspa- 
gnol être {ser ouestar), avoir (haber), et tenir (tener)] en 
italien essere el avère ; — en portugais ser et aver ou ter 
(= tenir); — en roumain être (a fi) et avoir (a ave); — enfin, 
nous n'avons pas besoin de dire que le français a aussi éire 
et avoir ; on peut encore y ajouter faire , qui, dans notre 
langue est souvent employé comme auxiliaire'. 

Les langues novo-latines ayant toutes perdu plus ou moins 
leur temps passés, on les remplace par des participes aux- 
quels on joint pour Tactif, l'auxiliaire avoir ^ et pour le passif 
l'auxiliaire être. 

Nous ne disons rien de la conjugaison de ces verbes qui a 
surtout de l'intérêt pour Tétude des langues novo-latines, et 
qui, conséquemment, serait déplacé dans cet ouvrage ; nous 
nous contenterons de renvoyer, pour la conjugaison de esse^ 
dans les langues romanes, à une excellente dissertation de 
M. MaxMûUer {Sdence du langage, pp. 70 et 72 de la tr. fr.). 

Nous ne ferons pas non plus de tableau comparatif des dé- 
sinences verbales ; la conjugaison complète d'un verbe nous 
mènerait beaucoup trop loin, et l'expérience nous a appris 
que l'indication des seules terminaisons est, en général, de 
peu d'utilité pratique. Nous avons d'ailleurs assez complète- 
ment traité chaque temps en particulier pour que le lecteur 
puisse reconstituer de lui-même l'cnsembie de la conjugai- 
son aryo-laline ; ce serait là, à coup sûr, le meilleur moyen 
de se graver dans l'esprit d'une manière indélébile ce sys- 
tème si beau dans son unité, et dont, surtout, il ne faut pas 
s'exagérer les difficultés. Comprendre^ n'est-ce pas déjà plus 
d'à moitié «avoir .^ 

Afin de faciliter celte synthèse, nous plaçons ici un ta- 
bleau d'ensemble de la dérivation aryo-latine. 

* Cf. le perse kum et rhindoastani où ce mol est certainement plus usité qu'en 
firançais, comme auxiliaire. 



DÉRIVATION. 



205 



Formation des 
thèmes 



Thèmes d'origine 
pronominale 






Thèmes d*origine 
verbale 



Pronoms personnels 
DérÎTés de TA, HA, VA, TA, 
Id. de I9 KA el GA 

Suflixes complexes... 
Dérivés de AI (guné de I) 
Id. de A, etc. 
Comparatif et superlatib 

(Prépositions 
Adverbes 
Goqjonctions 
Participes présents. 
Infinitifs par TV 
Instr. gérondifs par TWA 

1 '^ 

Intensitifs par { GA 



I 

A 



nombres 



Déclinaison / nominale 



Formation des 

flexions 
ou désinences 



Conjugaison 



pronominale 



temps 



personnes 



{ 
Diminutifs par 
Tncboatifs par IKS 
Désidêratifs et fréquentatifs 
Dérivés de WAT 
Id. de TWAT 
singulier 
pluriel 
. duel 
genres: mascul. fém. neut. 

vocatif 
directs { nominatif 
accusatif 
instrument, 
ablatif 
génitif 
locatif 
daUf 



Cas 



indirects 



principaux 



secondaires 



parfait 

présent 

futur 

imparfait 

plus<iue-parf. 

etc., etc. 



modes 



indicatif 
impératif 
subjonctif 
participe, etc. 



IV 



COHPOSITION 



Maintenant que nous avons complété l'étude de la struc- 
ture désinentielle des vocables aryo-latins et que nous con- 
naissons la manière d'exprimer les diverses formes d'une 
même idée au moyen de suffixes caractéristiques, il nous 
faut voir comment cette idée générale peut être changée 
au moyen de l'addition de préfixes modificateurs de l'es- 
sence même du mot. En effet, c'est bien Vessence même du 
mot que vient attaquer la composition qui impose à l'esprit des 
limites dans l'intérieur desquelles doit être resserrée la 
notion exprimée par le verbe ou par le nom qui le suit/ 
tandis que, comme nous l'avons vu, la débivation ne modifie 
que la forme des rapports d'un vocable avec les vocables 
voisins sans altérer en rien le sens de ce vocable. Disons 
plus généralement que la dérivation donne les moyens de 
se servir des mots, au lieu que la composition crée de nou- 
velles formes secondaires qui seront soumises, comme les 
formes simples et primitives, à l'influence désinentielle. 

Le verbe sta, par exemple, qui exprime l'idée d'^^r^ fUce^ 
de se tenir debout^ est complété par la dérivation de manière 
à appliquer cette idée primitive à toutes choses dans le 
temps et l'espace^ mais il n'exprime jamais d'autre idée que 
celle qui est contenue dans sta ; si maintenant on vient^ 
par la composition, ajouter à ce >erbe sta, le préfixe 



COMPOSITION. 207 

qui signifie en avant^ on forme ainsi un nouveau verbe pba- 
BTA (latin PBAES-TO), qui participe également du sens de 
ses deux formatifs et qui est soumis, comme le simple sta, 
aux lois de la dérivation indo-européenne. 

On comprend dès lors pourquoi ce signe, ou plutôt ce vo- 
cable modificateur, est placé devant le mot qu'il modifie. 
Lorsque je dis PRAE-STO, bien que l'idée mère soit celle de 
se tenir debout^ c'est le mot PRA (devenu PRAE par guna de 
I), qui donne seul au mot son sens particulier de se tenir en 
AVANT ; c'est donc lui qui est vraiment le générateur du com- 
posé PRAE-STO ; aussi est-ce lui qui fixe particulièrement 
l'attention et est-il placé devant le mot simple STO. 

Toute forme de langage peut devenir préfixe ; il suflfit pour 
cela que cette forme soit placée devant (préfixée) une autre 
à laquelle, par cette préfixation seule, elle donne un sens 
individualisé, au lieu du sens simple que cette forme avait 
déjà avant cette opération. 

Or, le langage [articulé n'étant formé originairement, 
comme nous Tavonsvu plus haut (p. 97 et suiv.), que dedeux 
parties essentielles, le pronom et le verbe, nous aurons 
donc dans cette double source linguistique la division la 
plus naturelle de nos préfixes aryo-latins. 

!• PRÉFIXES D'ORIGINE PRONOMINALE 

On se rappelle qu'une raison de logique nous a fait placer 
l'étude des préfixes d'origine pronominale, c'est-à-dire des 
demi-pronoms prépositifs, à côté de celle de leurs frères les 
adverbes et conjonctions, au chapitre de la dérivation prono- 
minale (pages 127 et suiv.) . Nous avons fait, à cet endroit de 
notre livre, l'histoire de ces préfixes avec tout le soin que 
comporte leur importance, puisqu'ils forment à eux seuls la 
plus grande partie des préfixes indo-européens. 



308 GRAMMAIRE. 

Nous ne croyons donc pas nécessaire de revenir sur ce 
sujet, et nous nous contenterons de donner, comme exemple 
de composition par préfixes d'origine pronominale, la liste 
des principaux verbes secondaires issus, par ce moyen, du 
verbe primaire i, aller. — Pour Thistoire de cette racine i, 
le lecteur voudra bien se reporter à la partie lexiologique de 
cet ouvrage. 

/ athire (155) *• 
ad-ire (128). 
amb-ive (134). 
ante-ire (132). 

"'-'''" 1(135). 

eX'ive (134). 
tn-ire (132). 
inter-ire (133). 
tn(ro-ire (153). 
oWre (131). 
p^r-ire (131). 
praeAre (131). 
praeter-ire (131). 
prod-ire (131). 
red'ire (131). 
sed'ire (inusité*) (156). 
sulhive (135). 
Irarw-ire (136). 



1 d'où le verbe simple latin 
I-re. 



Quelquefois même, pour peindre à la fois plusieurs rap- 
ports du verbe primitif, on superpose plusieurs préfixes ; 

* Le chif ftre entre parenUièses indique la page où se trouTe Tliistoire du 
préfixe lonnatif du Terbe composé. 

* Ce Terbe est inusité dans le latin classique, mais c'est lui qui a donné 
naissance à ted-ilio, etc. 



COMPOSITION. 30 



nous citerons parmi les composés de Ire: trans-^lnre (136, 
150), de-TperAre (154, 151), etc. 



3« PRÉFIXES D'ORIGINB VERBALE 

Les préfixes d'origine verbale sont en très-petit nombre dans 
les idiomes indo-européens. On n'en compte que trois dans 
la langue latine : DIS- ou DI-, BIS ou BI-, VERSUS, CIRCUM, 
et deux autres servant seulement à la composition de quel- 
ques mots calqués sur le grec : EU et DUS, devenu DYS (u— y ). 

Le verbe dwi, fendrcy diviser^ a formé le premier et le 
plus important des préfixes latins verbaux qui se rencontre 
dans cette langue sous deux formes : DIS ou BIS. 

DIS (pour Dwis, Spiç avec chute du j:), est employé seule- 
ment en composition : DlS-cedere, DlS-rumperd, etc. Souvent 
DIS perd son S, et alors il s'allonge : Dl-vi-d^re *, diviser ; DI- 
judicarCy discerner, etc. 

La même forme organique dwis est devenue BIS (cf. bel- 
lum = duellum^ p. 80) à cause de la parenté du DW et du B; et 
en composition ce BIS perd son S, à moins qu'il ne soit suivi 
d'une autre sifDante : BUpartiri = couper en deux, Bl-pen- 
ms = hache à deux tranchants, Bl-fariam =^ en deux parties, 
endroits, sens, et BlS-sextialis = composé de douze, de deux 
fois six, e(c. 

On remarquera que, dans tous ces exemples, BI- ou BIS 
expriment l'idée de s^aration en deux et non celle de sépa- 
ration en général. C'est qu'en eflet il y a là un remarquable 
phénomène linguistique que nous retrouvons dans presque 
tous les idiomes indo-européens. 

< U y a là un Téritable pléonasme: vp-dëre, c'est d^'à êéparer, et au moral 
discerner t voir^ comme le prouTe virdère (sansk. ¥1D, grec: J'ii-^ta, aU. vis- 
sen, etc.— Cf. rac DIVI.) 

14 



-210 GRAMMAIRE. 

En sanskrit, la forme complète DFT/ exprime l'idée parti- 
culière de dualité, tandis que la forme tronquée VI marque 
l'idée générale de division : DW^J-g'a = deux fois né S DWI- 
pathar = carrefour de deux branches, et FJ-tan = étendre dé 
différents côtés, FJ-sarga = une émission qui se détache de 
•nous,et surtout FLV-çati (pourDïF/iV-çali) vingt opposéàdeux. 

En grec, îiç = dualité (ît-rsu; = à deux pieds), et 8ii (forme 
de pluriel neutre comme tria^ trois ; gum, parce que, etc.) 
= division générale. — Dans les langues germaniques, 
«nous avons en vieux-haut-allemand 2i;i = division en deux 
(cf. «îr, allemand moderne %wei)y et en gothique di^ = divi- 
sion générale. 

En latin, comme nous l'avons vu plus haut, BIS est pris 
•dans le sens de dualitéy et DIS dans celui de division générale. 
DIS-periir^= séparer en mille, disperser, tandis que Bl-par- 
tiri = couper en deux, etc. 

Ce qui ne nous appartient pas étant séparé de nous, bwis, 
en sanskrit et en latin, a fmi par prendre le sens négatif: 
F/-karna = sans oreille ; F/-deha = sans corps ; DlS-p/icere 
= déplaire, etc. 

VERSOS et CIRCUM sont issus tous deux d'un verbe au 
sens de courber ^ fléchir j incliner^ tourner vers. 

DVfVRT, forme secondaire de la racine dhihv, est le père 
d'un verbe latin yEWÏere (avec chute de la consonne aspirée 
initiale, p. 88), dont la forme participiale VERSUS, tourné de 
'Cdtéy vers, a été prise adverbialement •. Cette forme est ana- 
logue au sanskrit VRTA, et trouve son équivalent exact dans 
4'ancien saxon tô-wardes, vers, — anglo-saxon tô-vèardes, — 
angl. tO'WardSj — alK zuHwàrts, etc. 

* On appelle ainsi les oiseaux qui sont œufei être, et les brahmanes qui 
naissent une seconde fois à leur anuécration. 

* Combiné avectam = a« delà (cf. pages 125-130], t^erttw a donné le (ran-> 
•<ais travers, à tnuferi, d'où traverser, etc. 



composition: 211 

Quant à CIRCUM, il est issu de la racine kik, courber, d^où 
drais et circulus^ cirque et cercle, grec x(pxô;, etc. On re- 
trouve ce mot en latin dans des composés tels que CIRCUM- 
venire, CIRCUM-^pic^re, CIRCUM-tre, etc. 

Nous ne dirons qu'un mot de EU et de DYS ; le premier 
répond à l'aryaque et sanskrit wasn, issu de la racine was, 
exister j demeurer^ d'où être stable^ fort, et de là bon. On ne 
retrouve wam que dans les Védas et sous la forme adjective. 
Dans le sanskrit classique, il a perdu sa syllabe initiale et 
est toujours devenu SV: SÏZ-karas, facile = bien + faisable 
(kb, faire). En grec, wasn est devenu j:s7u, puis, par la chute 
ordinaire du j: et de la sifilante intercalaire eu, qui est passé 
tel quel au latin. 

L'exclamation EU, bieriy très-bien, bravo , à merveille, est 
souvent employée par Plante et Térence ; il en est de même de 
EUGE, formé de EU + âge. Le nom de Bacchus, EVan, d'où 
EVans, tis, qui appelle ou invoque Evan, et l'expression ba- 
chique EYoe (grec eioî), appartiennent aussi à cette origine, 
du reste peu importante en latin. 

DYS est opposé à EU ; ce préfixe est issu du verbe dwi ou 
DDTis, fendre, détruire, puis hoir et faire mal (gr. 8u;, goth . tus, 
sanskrit DUS): DÎ/S-karas, difficile, opposé à SfJ-karas, facile. 

Comme nous l'avons dit, DYS n'est employé en la! in que 
dans quelques mots venus du grec * . Nous citerons seulement 
ViY&'enteria , dyssenterie, qui a été employé par Pline (26, 
8, 28, fin.; 28, 9, 33, § 128), et MS-pepsia, dyspepsie, di- 
gestion difficile, que l'on trouve une fois dans Caton (R. R., 
i27, i). — Les autres mots formés avec ce préfixe appar- 
tiennent au latin de la décadence. 



* Peut-être cependant le mot DUSttw, lutin noir, mauvaiê génie, employé 
par saint Augustin (Ctv. Det, XV, 25], et par Isidore ^ est-U tout simplement 
vn adjectif formé sur dos s* DYS. — Gfr. celtique dus, noir; ang. duse, dé- 
mon, etc. — The duse take theel est encore une imprécation du pays de Galles. 



919 GRAIHAIRE. 

D noQS reste à dire on mot de h composition nominale, 
c'est-à-dire de celle ou le nom jooe le rôle de préfixe, et nous 
plaçons à part ce genre de composition à cause de la nature 
du nom qui, comme nous Tarons tu, est lui-même un com- 
pose hybride du pronom et du Terbe. Tout le monde connaît 
reflet dëlimitatif produit par les noms causoy davis^ lanoj 
dans les composés eaussi-diatSj davi-ger^ lam-ger. Ce pro- 
cédé, que l'on retrouTC à tout instant dans les langues ger- 
maniques, est employé surtout en latin dans des mots formés 
d'un nom et d'un yerbe ; il nous suffira de citer bdli-gerarey 
nidi-ficarey etc. ^ 

Rappelons encore les composés adverbiaux tels que bene- 
volusy male-volus, etc. 

Ajoutons enfin pour terminer ce que nous avons à dire de 
la composition, que plus l'idée exprimée par le mot est 
yague, indéterminée, plus ce mot peut être modifié par la 
composition préfixale. En d'autres termes, moins un verbe 
primitif a d'élasticité dans le sens, moins il se prête aux in- 
dividualisations par la composition. Nous avons eu plus haut 
(p. 208), un exemple de ce que peut sur ce point un verbe 
au sens étendu — i = aller — et nous n'aurions jamais ob* 
tenu un aussi grand nombre de composés avec une racine 
au sens de lever ^ de manger j ou de toute autre idée moins 
vaste que celle de mouvement j de tendance vers^ etc. 



I 



I 



BE IiA MARCHE DES IDÉES DANS LES IDIOMES 

INDD-EORDPÉBNS 



Dans noire chapitre II (p. 97) sur les parties essentielles 
du discours^ nous avons déjà vU que le langage articulé 
aryaque est composé exclusivement de deux sortes de voca- 
bles primitifs, le pronom et le verbe, et nous avons déjà 
étudié l'idéologie de ces vocables. Nous prions donc le lec- 
teur de se reporter à cet endroit de notre livre pour com- 
pléter Thistoire de la marche des idées dans les idiomes 
indo-européens. Car, afin d'éviter, autant que possible, des 
redites inutiles, nous ajouterons seulement les observations 
suivantes à celles qu'il trouvera plus haut. 
' Le pronom fait voir un objet, le montre, le frappe en 
quelque sorte de la voix et du geste, mais jusqu'ici rien que 
de concret. L'individualité est simplement perçue par les 
sens et conçue comme distincte par l'esprit : Cela, lui, elle^ 
ce, — Ce fait un tout qui ne peut être coupé, divisé, ce est 
donc un INDIVIDU {in'diV'i-duum). 

Au moyen de celte idée d unité contenue dans le pronom, 
SâH, neutre de SA, dira uh^ cela un, cet un, et dans V unité j 
en union dans le tout, ^SEMM^. 

De plus, c'est de Tidée à^enSEUble ou d'union que naît 
celle de force. 



Si4 GRÂMUAIRE. 

I ce un (unité). 

1 ensemble des parties (union, d où force). 

Nous avons \u encore (p. 121) que de Tidée à^unité nait 
celle i'identité. 

Id-enij cela même ; sansk. ID-AM. 

D'où id-entitat = td + entitat = égalité. 

Puis vient la quasi-identité ou la resSEUblance^ la SlMt- 
litude. 

Ainsi, le déterminatif i nous donne Aiwa, (sansk. ÈVA) 
et Aïka (sansk. ÉKA) chez lesquels nous voyons l'idée de 
ressemblance et (inégalité naître de celle d^umté; on conçoit 
que la ressemblance ou l'unité de forme fasse prendre ceci 
pour cela. (Cfr. pages 120 et seq.) 

C'est ainsi que par une admirable logique, le langage se 
sert des mémos formes pour exprimer des idées connexes 
ou se succédant dans un engendi'ement successif; nous 
allons retrouver dans les verbes le même système présen- 
tant les mêmes avantages. 

Nous l'avons déjà dit : le verbe est un geste oral rappelant 
une action. 

L'action est un mouvement conçu dans sa cause et observé 
dans ses effets, dans sa direction. 

La cause du mouvement est une application de la force. 
( itte application de la force, c'est Veffort* 

Or, quand l'action n'est pas bruyante, quand l'homme ne 
la rappelle pas à l'aide d'une imitation de bruit qui la trahit 
ou l'accompagne, il la peint par \ effort qui la cause^ etvoilà 
pourquoi, en dehors de^ onouatopées, tous les verbes arya- 
ques disent : 

1° Faire un effort compressif ; 
2** Faire un effort expansif. 



DE LA MARCHE DES IDÉES. 215- 

En fait, et comme synthèse des dictionnaires indo-euro- 
péens*, quand un verbe aryaque ne dit pas CRIER, SOUF- 
FLER ou DÉTRUIRE (onomatopées) ^ il représente et remet 
en sensation une action née d'un effort COMPRESSIF ou une 
action née d'un effort EXPANSIF. 

C est dire que pas un seul verbe simple ou premier n'offre 
un sens direct qui ne soit tout physique ou en rapport avec 
le monde des pures sensations. 

La connaissance positive des monosyllabes premiers con- 
stitutifs des langues indo-européennes, nous autorise à dire,, 
au moins en ce qui regarde la race supérieure : L'homme 
créa d'abord spontanément quelques monosyllabes démons- 
tratifs des objets (pronoms)^ et quelques syllabes imitatives 
exprimant les idées sensibles de première nécessité (verfre^). 
Puis peu à peu, et à mesure qu'avec les progrès de son être 
ses besoins augmentèrent, il se servit de ces mêmes formes 
vocales pour exprimer des idées voisines, en rapport avec 
ridée primitive. 

Donc, partir du sensible pour arriver graduellement jus- 
qu'à Texpression des concepts les plus métaphysiques, voilà 
la marche que nous révèle l'histoire du vocabulaire indo- 
européen. 

Cette vérité, au point de vue de l'analyse pure et simple 
du vocabulaire, donne, comme nous l'avons déjà vu (p. 106)« 
trois grandes classes de verbes : 

!'• Classe : BRUIRE ou RETENTIR. 
2« Qasse : PRESSER. 
5* Classe : TENDRE. 

Il y a dans chacune de ces trois classes, différents genres^ 

* Nous répétons que cette synthèse a été faite pour la première fois par^ 
M. CbaTée, en 1849, dans sa Izxiologie indo-européenne. 



Si6 GRAMMAIRE. 

de racines verbales nées des rapports spéciaux des circon- 
stances avec le fait principal de l'action. 

Ainsi la classe BRUIRE ou retentir se subdivise en trois 
genres : 

1^ CRIER; 
2* SOUFFLER ; 
3^ DÉTRUIRE. 

La classe PRESSER offre également trois genres : 

i' POSER ou PRESSER SUR (un point d'appui quel- 
conque) ; 
2* SERRER. — Action de l'effort compressif contre ; 
3« COURBER. 

Ces trois genres ne sont, comme on le voit, que trois 
modes d'individualisation de l'idée comprimery ou plus géné- 
ralement faire un effort compressif se manifestant à la vue 
comme au tact par : 

1"* Une fixation {presser sur^ poser) ; 

2"" Un resserrement, une condensation (serrer) ; 

3* Une flexion (courber). 

En d'autres termes, un objet mobile presse un objet im- 
mobile et vous avez le genre poser, presser sur. 

Au contraire, un objet mobile presse-t-il un autre objet 
également mobile, la pression, par conséquent, est-elle réci- 
proque, vous avez le genre serrer , conde}iser. 

Enfin les deux extrémités d'un même objet se rappro- 
chent-elles l'une vers l'autre, vous avez le genre courber^ 
fléchir. 

Ces trois grandes individualisations du sens COMPRIMER 
(poser, serrer j fléchir) se trouvent complètement fixées dès 
l'âge védique, ce qui prouve, que malgré leur antiquité 



DE LA MARCHE DES IDÉES. 217 

presque fabuleuse pour quiconque en est encore à suivre la 
marche de l'humanité dans les sentiers de la routine, ces 
livres magnifiques que Ton nomme les Yédas sont cependant 
le produit d'une époque bien éloignée du berceau de l'hu- 
manité. 

De même pour les trois genres de la classe TENDRE : 
tendre vers ou aller ^ étendre^ répandre. 

Lorsqu'il s'agit de la tension d'un objet isolé vers un point 
sans continuité, comme par exemple, d'une bille qui roule, 
il n'est pas besoin de dire que c*est le genre tendre vers^ 
aller. 

Si, au contraire, cette tension a pour acteur un objet con- 
tinu comme une lanière de caoutchouc, l'idée appartient au 
genre étendre. 

Enfin la tension d'un objet vers plusieurs points ou vers 
tous les points à la fois comme la diffusion de la lumière, 
sont rendus par le genre répandre. 

Nous ferons encore remarquer que tendre vers ou aller est 
opposé à poser que nous avons vu tout à l'heure à la classe 
PRESSER, que répandre est opposé à serrer^ condenserj 
comme étendre l'est à pliei\ fléchir. 

De tout ce que nous venons de dire, il résulte qu*il y a, 
dans le langage indo-européen, deux grands systèmes de 
variations logiques. 

Le premier de ces systèmes que les philosophes ont ap- 
pelé INDIVIDUALISATION, u'cst, à proprement parler, qu'une 
particularisation de sens dont la formule générale est 
celle-ci : 

La logique naturelle fait passer un mot d'un sens plus 
large ou moins déterminé à une signification plus restreinte 
ou particularisée au moyen de Tadjonction successive de 
rapports nouveaux, d'idées accessoires, soit exprimées (pré- 



2i8 GRAMMAIRE. 

fixes ^terminaisons)^ soit sous-entendues. Un exemple : l'idée 
poser s'individualise en celle d'étabHry laquelle s'individua- 
lise à son tour en celle d^être constant^ de durer ^ de per- 
sister. 

Mais l'individualisation des idées ne peut suffire à rendre 
toutes les opérations de l'esprit; pour les choses physiques^ 
elle remplit son but, mais pour les choses de Tordre intel- 
lectuel et moral, une autre voie s'ouvre au langage. 

Comment, en efiet, traduire les actes de la vie intime, de 
la vie supérieure, souffrir ^ être joyeux ^ penser^ méditer j etc.? 
Il faut nécessairement avoir recours à un autre système de 
variations logiques; ce système est celui que Ton appelle 
ASSIMILATION, ct il a pour moyen d'exécution les facultés 
réflectives de l'intelligence. 

Quelles sont, en effet, ces facultés? 

D'un côté la comparaison (analogie). 

De l'autre la causalité (esprit philosophique). 

La comparaison donne le plus grand nombre de méta- 
phores ou transports de sens simple ou physique au sens 
figuré ou métaphysique ; c'est ainsi que penser est rendu par 
peser souvent j coup sur coup (rac. pa, pendre^ suspendre) mé- 
diter j par mesurer (rac. ha, étendre^ mesurer)^ etc., etc. 

La causalité nous donne une perception rapide, involon- 
taire, des rapports de cause à effet, d'antécédent à consé- 
quent, etc. Ainsi, les larmes et les gémissements, facilement 
exprimables par des dérivés de pleurer (couler j répandre) 
et de crier^ représenteront le phénomène psychique qui les 
a provoqués. 

Le tremblement n'est souvent qu'un symptôme (coïncident) 
de la crainte et c'est ainsi que tra (sansk. TRASj latin 
TREM), prend le sens à*avoir peur, être rempli d* effroi. Cfr. 
TREMERE, TREPIDUS et INTREPIDDS, TERRERE (tersere) et 
TERROR, etc. (Rac. nt ou tha, trembler j etc.). 



DE LA MARCHE DES IDÉES. S19 

Nous croyons en avoir dit assez sur ce sujet; nous nous 
réservons, du reste, lors de Tétude particulière que nous 
ferons dans notre troisième partie de chaque classe de verbes, 
de nous étendre un peu plus longuement sur les individua- 
lisations et les assimilations propres à cette classe. 

Nous allons donc aborder immédiatement notre classifica- 
tion le&iologique aryo-latine, c* est-à-dire notre histoire de 
tous les mots de la langue latine classés sous leur idée et 
leur racine primitives et comparés aux vocables analogues 
des langues sœurs indo-européennes. 



LIVRE TROrSIËME 



CLASSIFICATION 



LEXI0L06IQUE 



« Pour la science lexiologique, l'étude 
comparative et approfondie des vocabu- 
laires n*est qu'un moyen d'arriver, par 
l'analyse, à la connaissance et à la classi- 
fication des vocables simples ou primitifs 
dans chaque système de langues. • 

H. Chavée, Uxiologie indo^urapéemie. In- 
troduction, p. X. 



lHlTATIO!liS DE BRUITS 

(OlfOVATOPfiBs) 



Les trois ordres d'idées que nous rencontrons parmi les 
verbes onomatopéiques, imitant des bruits, et qui sont repré- 
sentés par les cris et les chants (classe CRIER), le souffle et 
les ronflements (classe SOUFFLER), et les explosions, les 
craquements, les grattements (classe DÉTRUIRE), sont régis 
par des lois d'individualisation tellement propres à chacun 
de ces ordres qu'il est impossible de les confondre, bien 
qu'on retrouve partout le même principe. Ce principe est 
celui de l'imitation du bruit spécial qui trahit l'action au lieu 
de l'imitation de l'elTort productif de cette même action, 
comme cela a lieu, nous le verrons plus tard, dans les deux 
grandes classes PRESSER et TENDRE. On voit toute la supé- 
riorité de ces deux dernières classes qui contiennent les 
racines que nous appellerons, si Ton veut bien nous per- 
mettre cette expression, les racines humaines, parce que 
l'homme seul était capable de les former en remontant de 
Faction perçue à la cause de cette action; nous appellerons, 
au contraire, les racines appartenant à la classe des imita- 
tions de bruit, les racines animales, parce que l'animal a 
assez de son instinct pour percevoir un effet, et se souvenir, 
en l'imitant plus tard, de cet effet lui-même ; mais remonter 
à la cause qui a produit cet effet, voilà le privilège de 



S34 LEIIOLOGIE. 

l'homme et voilà ce qui établira toujours entre les bêtes et 
nous, quoi que puissent dire les partisans de lopinion 
adverse, une barrière infranchissable, un abîme que rien ne 
pourra jamais combler. En efTet, Tanimal a tout ce qui lui 
faut, physiquement, pour parler : il n'y a pas une seule 
lettre de l'alphabet qu'un perroquet ne puisse ôtre dressé 
à prononcer. 11 a même la possibilité d*énoncer la consonne 
la plus difficile à articuler, le roulement R, que certains 
peuples, tels que les Chinois, arrivent si difOcilemenl à dire. 
Que lui manque-t-il donc à ce perroquet? Il lui manque ce 
quelque chose qui fait l'homme et qui s'appelle la faculté de 
l'abstraction , ou plus simplement la raison. 

Dans la création des racines appartenant h la classe des 
imitations de bruits, l'homme se montre donc inférieur à ce 
qu'il a été dans la création des racines è imitations d'efforts. 
Cependant, la corrélation de pensées qui force l'homme à 
passer de Tidée luire, briller , à celle de voir, se retrouve 
dans l'ordre crier, où l'idée de retentir s'échange coup sur 
coup avec celle d'entendre; ainsi que dans l'ordre souffler et 
dans l'ordre détruire. Mais ce n'est pas encore là de l'abstrac- 
tion et on reconnaît seulement ici les onomatopées qui ont 
servi longtemps de base à une théorie célèbre sur l'origine 
du langage ; cette théorie est tombée aujourd'hui, mais une 
certaine école, fait jouer à l'onomatopée un rôle beaucoup 
trop considérable. Nous allons voir qu'elles sont, en défini- 
tive, peu nombreuses, et si nous commençons par elles notre 
classement physiologique des verbes simples, c'est précisé- 
ment à cause de leur moindre importance et des procédés 
beaucoup moins complexes de leurs variations logiques. 



Gbnre crier. 225 



Classe BRVIliE 

I 

Genre CRIER 

Le genre CRIER contient les syllabes verbales iraitatives 
des crisj des chants j des pleurs j des gémissements ^ de la pa- 
role^ du rirej et, en général, de tous les bruits qui ont pour 
producteurs les organes du son chez l'horame et chez les 
animaux. 

C'est le plus répandu des trois genres de verbes onoma- 
topéiques. 

La remarque la plus importante que nous ayons à faire à 
propos du genre CRIER, doit porter sur le rôle nécessaire 
qu'y jouent les voyelles. Dans les imitations d' efforts, et 
même dans les imitations de souffle et de bruits matériels, 
la consonne est tout ou presque tout, la voyelle presque 
rien; mais dans les imitations de cris animaux, tout est 
important pour l'oreille. Ainsi les verbes hij et eu, mugir, 
perdraient complètement leur caractère si on en faisait ha 
et CSA, en changeant la voyelle. 



i5 



^U Gerre crier. ^ Ordre P, T, K. 



\. Ordre P, T, K 
Tribu P. 



PI, rn. 

(PIP, PUP; PSIT) 

Crier» Itrairc. 

L'onomatopée pi a donné au latin plusieurs verbes au 
sens français de piatii^r, crier j imiter les bruits des animaux : 
PIPItare ou PIPllare, piau/ei*, gazouiller j — PlPIare, vagir (en 
parlant des enfants), — PIPIre, piau/er, et — PIPAre, em- 
ployé surtout pour le gloussement des poules. Ce dernier 
verbe PIPAre s'emploie aussi dans le sens de se pourlécher 
d'avance les lèvres avec ce petit bruit particulier à la convoi- 
tise gourmande ; d où aller à la pipée : ce Accipiter pipat, » dit 
Fauteur de la Philomèle ^ (vers 24), en parlant du cri de Tau- 
tour convoitant sa proie. 

Ces verbes ont formé les dérivés PIPIo, onis, jeune oiseau 
qui piaule, et particulièrement en français PlG^on =: pijon 
= piyon = pipîon = pipionë (lat.) ; — PIPlzo, petit de la 
grue; — PlPulum et PIPulus, fiauiement^ d'où lamentationSj 
plaintes. 

* Ce petîi poème de 70 vers est altribué à AU>us Ofidius JuTentlnos» auteur 
de la décadence. Il a été publié entre autres par Charles Nodier, à la suite de 
ses Onomatopées francaius [Paris, 1828, p. 301 et suiv.). C'est ceUe édition qui 
nous a servi. Nous citerons aussi quelquefois la traduction de PhUcmêle faite 
au dernier siècle par l'abbé de Marolles, traduction reproduite aussi par Charles 
llodier à la suite du texte laUn (p. 375 et suiv.), et où Ton trouve un grand 
nombre de curieuses onomatopées françaises, qu'il serait souvent impossible de 
rencontrer ailleurs.] 



Tbibu p. — Racinb pi, PR. 227 

Plsitare est employé par l'auteur de la PhUomèle (vers 17) 
pour eiprimer le cri de Fétouriieau : 

Sturnus tune pisitat ore... 

et Tabbé de Marolles traduit : « L'esioumeau ^ïsote de son 

La pid se dit en latin PIca (irh, pighe, pigliead; erse, pio- 
ghaid; kymr., piog^ pi, pia; armbr., pik), et trouve son cor- 
respondant exact dans le sansk. Pika, P/ki, sorte de coucou 
indien que nous pouvons rapprocher du pivert =PIcus. 

A côté de Plsitare cité plus haut, nous placerons l'onoma- 
topée psnr qui se retrouve dans le grec WIT, « mot des ber- 
gers pour faire marcher leurs troupeaux. » (Planche, Dict. 
grec). — PSIT a donné PSITtacus (grec WITxax^ç), perroquet^ 
pemtchej oiseau braillard. 

On trouve encore, appartenant à cette onomatopée, le verbe 
latin PUPIUare, exprimant le m du paon, et l'amoureuse 
plainte du ramier est rendue par PLAusitare, plau^onner 
(Marolles). 

— PB a donné au latin PER-dix, la perdrix (irland., pai- 
trisg; kymr., petnis^ etc.). 

Le nom de la mésange y PARus (au pluriel PARri) dont 
l'étymologie est inconnue S vient aussi peut-être de Tonoma- 
topée PB ; — mais ce qui est bien certain, c*est Torigine du 
latin PEdo pour PERdo (grec nEPStd; sansk. PAAd, d'où 
PilAda etPilRdana; lithuanien pirdi« ; (ud. firz-u; allem. 
furZy farz; bôhm. prrf-u; angl. fort^ etc.), d'où le substantif 
POdex pour PORdex. 

* H Pictet [Origines indo-européennes, 1. 1, p. 469), Toit dans parus un dé- 
rivé d'une racine au sens de voler. (Cf. à la classe TEKDRE, notre rac. SPK.) 
— Le même auteur (id. ibid., p. 426), croit que perdus (léopard] se rattache 
kperdo; cette explication! bien qu'iogénieuseï nous a paru insuffisante, et 
nous n'aious pas osé Tadoptcr. 



S38 Gesbe (BIER. — Ordbe P, T, K. 



2. Ordre P, T, K. 

Tribu T. 



(TON, TIN) 

SeCeatirt résonaeri to» 



I. Le TANbs sanskr. au sens de résonnance^ et le verbe 
STA/Vali, TAiVali, t/ résonne^ trouvent leurs frères dans le 
grec TONs;, ô, ton; TONdw, TONiÇw, résonner, lonner; 
TONipisv, petite flûte pour donner le ton, ce que nous appe- 
lons aujourd'hui diapason; {jlovo-TONs;, dont nous avons fait 
monotone, qui est toujours sur un seul ton, ^p6-TONoç, etc., 
et dans le latin TONus, ton, brutty qui a formé le verbe dé- 
nominatif TONare, tonn^, au propre et au flguré,— Tonitruo 
(même sens), issu de TONitru, tonn^rr^(cf. goth. donar; ail. 
donner, tonnerre; anglo-sax. thunjan; ail. donnem, tonner). 

Âd-TONere, tonti^r atipr^, n'est employé qu'au sens figuré 
de étourdir, frapper d' étonnement ou de stupeur; et on le 
trouve surtout au participe adjectif at-TONitus (pour ad-TON- 
itus), qui a formé un adverbe at-TONile. — Cf. pour le sens, 
le grec l(i^psvTaio<;, ipi^pivriQToç, frappé du tonnerre, d'où 
étourdi, de ^povn^, tonnerre ; et le français foudroyer dans des 
phrases analogues à celles-ci : 

C'est lui qui, devant moi refusant de ployer. 
Les a livr& au bras qui va les foudroyer, 

(Racine, Esther, U, I.) 

C'est l'anathéme dont il fut foudroyé. 

(Patro, Plaidoyer 8. ap. Ricbdet.) 



Tribu T. — RiciNE VAUT. S29 

Au contraire d'Ad-TONere qui, comme on vient de le voir, 
ne se prend plus que métaphoriquement, de-TONare a con- 
servé les deux sens simple et figuré ; seulement le préfixe 
de- a ici une double signification : — au simple, il donne au 
verbe TONare une augmentation de force : ionner fortemmt^ 
détonner (d'où le latin moderne de-TONatio, détonation) — 
au figuré, il se prend négativement et exprime la cessation 
de l'acte rendu par le verbe TONare; mais, encore une fois, 
cette particularité n'a lieu qu'au figuré : passer comme un 
orage^ se calmer, s^apaiser : « ...Illa... jactatio detonuit... 
Cette jactance s^est apaisée. » (Quint., Inst., 12, 9,4.) 

II nous reste à parler d'un composé très-classique du 
verbe TONare et de la préposilion in, exprimant ici la direc- 
tion de l'action rendue par TONare. In-TONare ex]prime donc 
tonner et au figuré retentir, faire dubruit. De là le participa 
in-TONatus, d'où le baslatin in-TONatio, qui nous est resté 
dans in-lonation. 

Dérivés bomans. — Ital. : Tuono, lonare; ationito ; — esp.: 
Ton, tono,trueno (tonnerre, avec r do renforccnient), tronor 
(tonner), aloni(o ; — port. : Tom, trovSo, troûr ; — roumain : 
a tùnd (tonner), lunet (tonnerre). 

II. Une autre classe de produits latins de la racine iak, 
TIN, se compose des mots imilatifs du son de la cloche, 
du {internent ; le père latin de tous ces mots est le verbo 
TINnire, tinter, sonner, carillonner, produire un son métal- 
lique*, qui a donne TINnitus, {internent, etc., et d'où sont 
sortis plusieurs redoublés ou intensitifs tels que TINTINnere, 
TINTlNare, TINnitare, TINninerc, etc. Nous citerons encore 
TINnulus, qui rend un son, sonore, et TINTINnum, TINTINnus 
et TINTINnabulum, sonnette, cloche. 

* c Proprie de melallis résonant ibus dicilur, quum ex eorum pulsaUone sonus 
eflicitur» Varron% 

15* 



230 r.FNBF. CRIER. — Ordre P, T, K. 

L onomatopée ti est aussi Ires- fréquente en grec. On se 
rappelle les Oiseaux d'Aristophane : 

Tl, Tl, Tl, Tt, Tl[J.XCpy... 

Dérivés moins ihportants. — TINniraentum, imlemenl; TIK- 
nunculuSj crécerelle^ sorte de faucon; TINTINnabulatus, qui 
porte une clochette; TINTINnabellum, petite clochette; TIN- 
TlNnaculus, a, um, qui sert à sonner; TINTINiala, ae (fém.), 
nom vulgaire du moucheron^ animal dont les ailes produi- 
sent un son. ' 

Dérivés romams. — Provençal : Tinter, tintin^iar (tinter), 
tintouin (tintamarre, vacarme, tintouin, avec une légère mo- 
dification de sens) ; — ital. : tintiniuirf et tintinmr^, tintin- 
liioet tintinno (tintement), tintinnafro/o (clochette) ; — esp. : 
Tin(friM//w (son, clairon); — port. : Tinir et tinîdo. 



TR. 

Faire dn Itmlt* «rier. 

On trouve dans la Philomèle le cri des hirondelles rendu 
par un verbe TRIssare : 

...Trissat hirundo vaga (vers 26), que Marolles traduit : 
l'hirondelle trinsote. — Cî. Grec TPI2|i.f;etTPIÎa). 

Le même poème dit encore (vers 1 7) : Turdus TRUtîlat, la 
grive (jrmgotte. — Le mot TDRdus lui-même, — qui se re- 
trouve sans doute dans leskr. védique TARda, désignant un 
oiseau indéterminé, — semhle appartenir à cette racine ; il 
a pour correspondants l'arménien dor-f/iigf, Tirlandais truiil^ 
étourneau; Tarmoricain tred^ le russe (/ro^rfw, etc.* (ital. et 

• Cf PictPt, Originen indo-européennez, I, 4^0 



Tribu. T. — Racink T«. 231 

* 

esp. lordo; vieux français, lourd, tourdre), et on peut encore 
I ni comparer STURnus, Vesloumeau^ avec renforcement de f 
en <{, dont le correspondant grec est crrpouOéç, moineau^ et en 
général toute espèce de petit oiseau crtflrd (anglo-sax. staern^ 
aha. stara, ail. staar^ angl. starling). 

Plante et Naevius rendent le cri de la souris par TRIT, 
TRIT, et Charles Jiod'ier {Onomatopées franc. ^ p. 367), veut 
voir là rorigine des mots tritus^ tritnrare^ etc., qu'il appelle 
une « action propre au rat. » C'est là de Tétymologie fantai- 
siste comme en faisait si bien le spirituel académicien, et 
Ton verra la véritable histoire de ces mots à la racine tr 
(Genre Détruire). 

4 

TUS 

Crier, retentir, loamer. 

En sanskrit, nous trouvons TUS^ TAI/Sati, il rend un son, 
il reientity il crie. 

Latin : TUSsis, toux, bruit déchirant^ et deux diminutifs 
TUSsido et TUSsicula,d'oû TUSsicularis, etc.TUSsire, tous- 
ser^ verbe nominal formé de TUSsis. 

Dérivés romans. — franc. : toux, tousser; — prov. : lus»i/', 
— ital. : iossire; — espag. : toséir ; — port. : lossir; — rou- 
main : a tussi. 

Avant d'aller plus loin, nous devons encore signaler les 
onomatopées enfantines TATA (Var. ap. Non., 81, 5 ; Inscrip. 
Orelli, n" 2815 sq., 4945), et ATTA, employées pour désigner 
les parents ou les personnes âgées*. — Cf. skr. TATAeiATTA; 
grec, Terra et àrra, et une foule d'autres expressions analo- 
gues (ap. Pictet, op, cif., 11, 546). 

* « Attam pro reverentta seni cuilibet diciiius, quasi eum avi nominc ap- 
pel kmns » (FpsUis, p. H). 



SS2* GiNRE CRIER. — Ordre P, T, K. 

5. Ordre P, T, K. 

Tribu K. 

5, 6 

&V, &HIJ. 
OHer» lavlter. 

i. Nous avons un reste de cette racine dans le latin Vltanr 
(th. VIta)pourHVItarc, crier, que Ton trouve dans in-VIlare, 
mer vert quelqu'un^ rappeler^ Viny'Uer (cf. skr. (fl)VAItyas, 
qnil faut acclamer comme la cause dé ; gr. ahia^ ^, cause, 
raison), d où in-VItatio, appela insitatiov ; in-VItatus, tnvif^, 
et in-YUator, celui qui iny'Ue. 

Une même formation lexiologique nous a donné in-VIlus; 
seulement, ici, le préfixe in exprime la négation. IN-Vitus, 
c'est quelqu'un qui n'est pas appelé, pas consulté, comme 
nous dirions, quelqu'un que Von contraint de faire quelque 
chose malgré /m, sans le prévenir^ sans lui demander son 
avis. L'adverbe in-VIte signiOe proprement malgré <oî, à re* 
gret^ et a donné le superlatif adverbial in-VItissime, tandis 
que in-VItus forme son superlatif au moyen du préfixe per : 
per-inVItus, qui agit tout à fait malgré soi. 

Cette individualisation de la racine ku, mm est particu- 
lière au latin et aux langues romanes ; on ne la retrouve dans 
aucune autre langue indo-européenuQ. 

Dérivés romans. — Ital. : invitare (inviter) ; — esp. : inyitar; 
port. : insitary conyidar; — roum. : a inyita; — ital. et port. : 
iuyilo (qui agit malgré soi, contraint). 

II. Nous donnerons encore, comme appartenant ù cette 
racine, la forme redoublée sanskriteKf/KKl/tas, devenue en 
latin COQuus, d'où le français : coq (argl. Cock) et Kl/flus, 

* Par suite d'une erreur et du remaniement tardif qui en a été le résultat, 
les pages 233, 25i, 2^ et 256 ont dil être supprimées. 



Tribu K. — Racine KU» KHU. 237 

coucou; lai, cucu/t<.9, coucou; cf, grec, KOKxuÇ; latin, COC- 
cyx; russe, KuczUj je crie; alban., kiuki, coucou; (irland., 
euadi; armor., kuku), eto. " 

On rencontre aussi dans le sanskrit Kf/Kf/ra, le chien^ 
XI/KKuba, le faisan, etc., etc. 

Le grec a une forme redoublée gunëe de kv : KAUXao[Aai, 
jecri^, je me vante, etc. Cf. lith. : kaukiu, je crie. 

Débités rouahs. — Prov. : cougiwuy eoucuiado; — ital. : 
eucullo ; — csp. : cuco, cuclUlo; — port. : cuco. 



KAM, KHTAir 
Cluiaterf réaoBiier. 

Ls latin a deux verbes principaux qui appartiennent à cette 
racine. 

I. Le verbe simple CANere, CANo (cf. sansk. ICA^ayâmi, 
faire résonner; grec: KANaÇw, retentir; KANaxéw; goth. : 
QUAlNùn ; kymr. KANu, chanter) a un grand nombre de signi- 
fications. 

Il veut dire originairement : prodmre des sons milo- 
dieux, que ce soit par des hommes (avec la voix ou des 
instruments), ou par des animaux ; c'est en ce sens qu'il a 
donné CANor, cfcawr, CANorus, «onore, harmonieux et CANore, 
mélodieusement. De là à se plaindre, il n'y a pas loin, quoi- 
qu en général les sanglots n'aient pas une mélodie fort 
agréable, et c'est ce qui fait que le verbe sanskrit JCA^ati, 
KFA/Vaa signifie également : il chante, il résotme, \\ se plaint. 
De ces verbes rapprochez les formes KFAiVas, chant, KAN- 
KANi, cloche. Nous allons maintenant nous occuper du verbe 
simple latin CANere. 

Comme les oracles se rendaient généralement en vers, 



i38 Gerbe CRIER. — Ordre P, T, K. 

CANere signifie aussi prédire j prophétuer. « Sibylla, Abdila 
quae senis fala canit pedibds. — La sibylle, qui annonce en 
vers de six pieds les secrets de Favcnnir. »(Tibulle, % 5, 16.) 
— Enfin, de l'idée de prophétiser est venue celle de faire des 
enchsintements^ parce que c'était le moyen employé habituel- 
lement pour connaître l'avenir. Nous croyons du moins, avec 
M. Theil et contrairement à Topinion de M. Freund, qu'il est 
impossible d'entendre le passage suivant d'Ovide autre- 
ment qu'en y attachant Tidée d'enchantement : « Deduxisse 
CANendo.... comua lunae. » Met. XII, 263 (cf. ibid.^ Yll, 
207 ; IV, 533). Cf. le composé Prac-ClNere, dont le sens prin- 
cipal est celui de réciter une formule d* enchantement. 

Le mot enchdintement est, du reste, issu de CANto inten- 
sitif de CANo par CANtus, et c'est même une des principales 
significations de ce verbe. 

Le verbe CANo est fort irrégulier dans ses formes ; son par- 
iait CEClNî (skr. KAKÀNa) est un double de CANui, que Ton 
trouve du reste dans le vieux latin (cf. les composés prae- 
CINui, pour prae-CECINi, que l'on trouve seulement dans 
Tertullien, Con-ClNui pour Con-CECINi, etc.); quant au supin 
CANtum,il a existé aussi, d'après Feslus (édit. Mûller, p. 36); 
mais à l'époque classique, il ne parait pas se rencontrer non 
plus que le participe futur CANxurus, qui en est issu. Ces 
deux formes, du reste, sont certainement empruntées par 
CANo à son dénominatif CANto, dont nous parlerons tout à 
l'heure. 11 nous faut auparavant dire quelques mots dèsflëom- 
posés directs de CANo. 

On sait qu'en composition et en dérivation, la voyelle ra- 
dicale tend toujours à s'alTaiblir. Ainsi fActus deviendra 
effEctnSj puis efflcere; pOlna deviendra pŒna et formera 
plus tard pUnire^ de même que mVnire sortira de mŒnia. On 
trouve cependant un oc-CANere (oc-CANui), terme très-rare 
du langage militaire, au sens de sonner de la trompette^ qui 



Tbibu K. — Racine KANT, KWANT. S59 

n'a pas subi raffaiblissement en / des autres composés de 
GANo ; il en est de même de re-CANere (Pline), répondre m 
chantant^ et détruire un enchantement^ de prae-CANere, pro- 
phétiser et détruire un charme; mais ces mots sont de ceux 
qu i échappent aux procédés habituels du langage, soit par 
l'époque de leur naissance, soit par leur emploi spécial, et la 
loi d'afTaiblissament des composés n'est pas moins une des 
règles principales des langues indo-européennes (voir plus 
haut, p. 73). 

C'est d'après cette loi d'affaiblissement que CAN s'adou- 
cira en CIN, et nous donnera : ac-CINere (ad + cano) chanter 
auprès y et de là, accompagner en chantant, — oc-ClNere 
(ob+cano) chanter en face^ et de là pousser des cris de 
mauvais augure, crier (en général), — prae-CINnere, dont 
nous avons déjà parlé relativement à la forme archaïque 
de son parfait et à son sens particulier de réciter une formule 
d^enchantementy mais qui, du reste, signifie aussi et primi- 
tivement : chanter ou jouer d^un instrument devant quelqu'un; 
— re-CINere, résonner ^ retentir (extrêmement rare), etc., etc. 

Mais le plus important des dérivés de CANere est certaine- 
ment con-CINere (neutre), chanter ^ jouer ensemble^ et pris ac* 
tivement,/*atrf râonn^, d'où célébrer quelque chose de con^ 
eert : « ConClNere carmina = chanter des vers en chœur » 
(Suétone, Calig.^ 65, 13). 

Au sens figuré, con-CINere signifie être d'accord, cadrer 
ensemble, être en bonne harmonie. — Cf. le grec ouv^Betv. De là 
un adjectif con-CINnus, que tous les auteurs indiquent 
comme d'une étymologie incertaine, excepté Nonius Mar- 
eellus, grammairien du troisième siècle, qui (43, 21 et 59, 
30) le fait venir de ClNnus. Or ClNnus signifie un breuvage 
composé d'orge mondé et de vin (Arnob. 5, 174). Quel rap- 
port ce mot peut-il avoir avec con-CINnus, dont voici les 
principaux sens : ajusté artistement, bien proportionnéj bien 



240 Geîïrs crier. — Ordre P, T, K. 

appropriée^ joli^ et surtout appliqué au discours : of*néy élé- 
gant^ ingénieux? Nous avons dit que con-CINere, c'est former 
un ensemble harmonieux ; or, qu'est-ce qu'une personne jolie, 
si ce nest une personne dont tous les traits skarmomsentî 
Qu'est-ce qu'un discours élégant, si ce n'est un discours 
dont toutes les phrases con-CINant et qui forme un ensemble 
où tout sonne de concert et où rien de heurté ne choque 
VoreUlef 

Nous nous croyons donc autorisé à faire venir de notre ra- 
cine : con-CINntis et ses dérivés, tels que son opposé tn-con- 
CENnus, maladroitement ajusté, négligé (d'où inconCINnilas, 
défaut de justesse^ ineptie^ sottise)^ — con-CINnarc, disposer 
harmonieusement y mettre en bon état^ — con-ClNNitas, arran- 
gement fait avec art, — con-CINnilor, ordonnateur^ arrangeur^ 
— re-conClNnare, rajuster ^ réparer^ etc. 

II. Le verbe nominal CANto a les mêmes sens que CiNo; 
seulement, contrairement à ce dernier qui s'emploie fort peu 
dans le sens de prononcer des formules magiques, CANto 
est fort souvent employé avec cette signification (cf. CANta- 
men, exclusivement enchantement, et action de le produire). 
Quoi qu'il en soit, ce sens d'enchantement n'en est pas 
moins secondaire, et CANxare signifie surtout résonner^ re- 
tentir^ chanter. Il a donné un grand nombre de dérivés : 
CANtus, mélodie, chant, opération magiquey — CANiicum, 
solo dans la comédie romaine, accompagné de musique et de 
danse, puis cantique; — CÂNtilena, t;tei//e chanson ^ canti- 
fône, d'où vieux refrain^ billevesée; — CANtilIare, chanter 
beaucoup et souvent, un fréquentatif CANTÎtare, chanter sou- 
vent, a donné CANfitatio, chant souvent répété, refrain, etc. 
— Du participe CANtatus sont issus CANratio, mti^tçiie, chan- 
son; CANrator, chanteur et chantre; et CANiatrix, chanteuse, 
cantatrice. 

Enfin, viennent les dérivés formés au moyen d'une pré 



Tribu K. — Racine KA.lî, UyVAKi. 241 

position. Nous avons déjà parle du français enchantement,.. 
Ce mot est dérivé d'un vieux verbe que Ton trouve déjà dans 
la Loi des XII Tables : a Qui malum carmen inCX^rasset. 
Celui qui aurait fait des enchantements » (Fragm. XII Tab. 
ap. Plin. 28, 2, 4, g 17). Quelquefois, in-CMtare veut dire 
chBïïter quelque j:art. Tous les dérivés latins de ce verbe sont 
postérieurs à Tépoque classique. Ce sont in-CANTamen(um, 
in-CANialio, enchantement^ incixntationj et in-CANiator, en- 
chan^^ur; — ac-CANto pour ad-CANio est employé par Stace 
(Silv.j 4, 4, 55) dans le sens de accompagner en chantant^ 
chanter auprès ; — ex-CANiare est aussi employé par la Loi 
des XII Tables au sens d'évoquer par des enchantements : 
«( Qui fruges exCXNjassety celui qui, par des enchantements, 
avait transporté des récoltes dans un champ étranger » 
(XII Tab. ap. Plin, 28, 2, 4). Plante et Ovide lonl employé 
avec ridée do sortir^ en parlant d'une manière absolue. — 
Un de-CANrare se trouve dans Cicéron et dans Horace, il si- 
gnifie d abord débiter quelque chose en chantant ^ prôner, puis, 
avec un sens ipépratity débiter quelque chose de trivial , rabâcher 
quelque chose, et enfin, cesser de changer; cVst dans ce sens 
que nous avons fait le français populaire déchanter; faire dé- 
chanter quelqu'un, c'est lui retirer la joie qui le faisait chan- 
ter; — oc-CANrare signifie : jeter un charme; il est postérieur 
à Tépoque classique; — il en est de même de praeCANiare 
dans le sens de soumettre à des enchantements, tandis que ce 
momo verbe, signifiant prédire, prophétiser, est antérieur 
au siècle d'AugusIe; prae-CANtatrix cl son contracté prae- 
CANlrix, magicienne, ne se trouvent plus à cetle époque, 
tandis que prae-CANiatio, charme, maléfice, et prae-CANiator, 
magicien, sont surtout des mots de basse-latinité; — re- 
CANrare (sans parfait), neutre en prose et actif en poésie, 
signifie répéter un chant et détruire un enchantement ; c'est 
le dernier dérivé verbal de CANto dont nous parlerons. 

iG 



S42 Gehrb CniER. — Ordre P, T, K. 

Il nous reste encore, pour en finir avec ce verbe, à citer 
les affaiblis con-CENtus, accord^ mélodie^ concert (au fig. 
banne harmanie)^ d'où con-CENror, choriste^ et con-CENTio, 
chœur j concert; — et enfin prae-CENior, coryphée^ chef de 
musique^ qui a pour nom abstrait prae-CENrio, prélude des 
instruments avant le sacrifice y musique militaire jouée avant la 
bataiUe. 

Dérivés romaks. — Franc. : chan^efi chant, chanter, chan- 
teuse; — prov. : canfar, canfaire, cantar^lo; — ital. : cantar^, 
canio, cantalor^, csintatrice ; — espag. et port. : canlar, cantOj 
estïUorj axntora; — roumain : a canfà. 

— Franc.: enchanter, mchant^m^^- — prov.: encanta; — 
ital. : tiiGantar^, tncanto, incsintesimo : — esp. : mcantar, en- 
esintamiento ; — port.: tncanfar, tncanto. 

III. Le thème participial primitif kaNv, chantant^ est con- 
tracté en KNU dans KiVl/yaté ; il chante. . . Ce thème KNU a 
donné au grec KNr2;fa>, gémir (lith. KNAUKiu) et KUKNoç, 
le gémissant j le cygn^, dérivé du latin CYGnus, qui lui- 
même est emprunté au grec : CYGnea vox, le chant du cygn^, 
c'est-à-dire, au figuré, les derniers accents que l'on fait en- 
tendre. 

DÉmvÉs ROMANS. — - Ital. : cigno; — espag. : cisn^. 

Le même thème uaxu a donné à Tallemand le mot hohUy 
dédain, raillerie, d'où sont venus le français honnir et hontCy 
honteux ^^ etc. 

* Le mot français GAKard, de CANe (que Ton emploie encore au féminin], 
appartient peut-être à cette racine KAIVU. CANard voudrait dire le chanteur^ 
û*oûf au sens péjoratif, le mauwait chanteur, Cf. tud. HAno, le coq; ail. Balm* 
Cependant on trouve en bas-latin (dans Ordéric Vital, au douzième siècle], un 
mot CANardus qui exprime un petit bateau; Cf. ail. Kahn, bateau. Peut-être 
alors GANe et GAMard viendraient-ils du latin ANas (le nageur^ avec Tèpenthèse 
d'un G). 



TuiBu K. -- Racike kSU, KSR. 243 



8 
Cracher» étemner* 

I. Avant de faire la lexiologie de cette racine, nous rappel- 
lerons que leKet le Pse remplacent souvent l'un par Tautrc, 
.P(!pfl« = xax4;, méchant; Ktç = lit;; Dû; =xw;, etc. (voir 
plus haut, p. 79); par conséquent KS = IIZ. 

Le sanskrit KSUta, JCSAKa, étemuementy KSAUmi^ j'éter- 
nue (cf. le lithuan. cxaudmi) est donc l'équivalent du grec 
nnCtù pour nzrw (^ KSriu) , et de IITAPvu{m pour nZAPvuic 
( = KZAPvuiJLi.) 

UTYiù a le sens de cracher ^ et nous devons en rapprocher 
le vieux latin (rare) SPUo, cracher, expectorer, d'où SPUtum, 
crachat. — Cf. lilh. spiauju, goth. (guné) speiwa, aha. spiu- 
van, spthan, allem. speihefi, spuckaiy angl. to spit^ etc. 

En composition, SPUo a donné quatre verbes dont il nous 
faut parler. 

Combiné avec CUM ( = ka, fortement^ et non avec, voir 
page 135), il a formé un con-SPUcrc dont le fréquentatif 
con-SPUtare est très-peu usité, et dont les Français ont fait 
con-spuer, seulement dans un sens figuré, tandis que le 
latin possède aussi le sens physique de couvrir de crachats, 
de souillures. — Avec de, nous trouvons rfe-SPUere, cracher, 
et au figuré, rejeter avec méitris loin de soi, d'où un fréquen- 
tatif inusité : de-SPUîAre, qui nous a laissé de-SPUrum et 
de-SPUramentum, crachat. — Ex-SPUere a le même sens 
que le précédent composé, mais il a donné un nom : ex- 
SPUitio, terme médical employé par Pline (23, 1, 14,), au 
sens de crachement de sang. — Enfin, uni au préfixe de 
redoublement re (=r^rfi= predi), SPUere adonné re-SPUere, 






344 Genre CRIER. — Ordre P, T, K. 

recracher^ rendre^ romîr, et encore (au figuré) rejeter^ r^- 
pousserj mépriser. 

Le nom de la fituite, sorte de sécrétion des muqueuses 
nasales et pectorales, est calqué sur le latin PItuila pour 
SPItuita, humeur j mucus et (métaph.) sève visqueuse des 
arbres, gomme^ etc. — De là Plluitosus, ipituiteux^ plein d'hu- 
meur y et PItuitaria, ae, nom d'une plante renonculacée 
{staphisaigre), employé par Pline (23, 1, 13). 

Dérivés romans. — Cf. l'espagnol escu/)tr a t/no, cracher sur 
quelqu'un. — L'italien a un siputare, cracher qu'il n'emploie 
pas dans le sens de conspuer; il dit, pour exprimer celte idée 
de mépris, disprezzare^ dileggiare altamente. — Roum. a 
scuipaj a stu/it. 

II. A côté de nTTo), le grec a un nTAPvujjit, issu peut-êlre 
d'un niAlPo) pour RZAIPco, jétemue^ et il faut remarquer 
que ces trois formes reproduisent toutes les mêmes chan- 
gements des consonnes initiales. Il en est de même du latin 
STERnuere (pour SCERnuere) esievnuer (postérieurement 
^lernuer) et, en parlant d'une lampe, pétiller; ce verbe, en 
prenant un T, nous prouve TindilTérentisme presque absolu 
des consonnes d'une même classe : P, T, K, de même que 
B, D, G, se prennent Tune pour l'autre avec la plus grande 
facilité, et c'est surtout sur Thistoire des idées et des formes 
grammaticales que repose le critérium des études philolo- 
giques. Cf. skr. ÇT/vâmi = SPUo. 

STERnuere a formé un intensitif STERnutare, estemuer. 

Parallèlement à ces deux verbes et en dérivant, nous trou* 
vons quatre mots au sens d' éievnuement : STERnumen, STER- 
Dumentum (eslernuement)^ STERnutamentum (le plus clas- 
sique des quatre), et STERnulatio (très-rare). 

Dérivés romans. — L'italien a stdivnutare et stanmto (ester- 
nuement); — l'espagnol: estomudaret esiomudo; — le rou- 
main: a slemutà. 



Tribu K. — Racixe KAK. Si.' 

9 

(KAKAB). 

Crior, bmire» 

I. Le cri de la perdrix se rend en grec par KAKKA6Q;e(v, 
et en latin par CACAsare, caqual^r, caqueter : « o[ [jikv xaxxo- 
6tXcu7tv, cl lï 'zpit^ooai » dit Aristote, en parlant des oiseaux, 
« les unes font kakhabj les autres tritri. » 

Le cri des grenouilles se rend aussi par une onomatopée 
appartenant à cette racine. Robert Estienne, dans son The- 
saurusj écrit QUAxare et QUOAxare ; Festus dit : ranae QUA- 
cant; mais le verbe le plus employé est COAxare, d'où le 
français coa^s^, anciennement codixer. On trouve dans la 
Philomèle (vers 64) : 

Gamila limosis rana COkxat aquis. 

CACissare exprime le m de V outarde (Bistarda). Cf. dans 
Aristophane KIKKA^, cri factice des oiseaux. — La caille est 
dérivée du bas-latin QUAQUilla, simple onomatopée du cri 
dactyliforme (-^^) de cet animal. 

Enfin TertuUien appelle CACAsaceus ce que nous appelons 
cancan; et ce dernier exemple, en généralisant les bruits 
rendus par la racine icak, nous autorise à classer sous cette 
racine les imitations de crépitements causés par la cuisson 
des aliments. 

II. Le mot latin CACAbus, marmitej pot oU bouillait la poule, 
se retrouve d'ailleurs exactement dans le grec KAKKAboç, 
qui, selon nous, est une onomatopée, et c^est aussi Tavis de 
Robert Estienne dans son Thésaurus : « Dicilur autem (CA- 
CAbus) a sono quem facit aqua dum Tervet. » _ ; 



i! 



246 Genre CRIER. — Ordre P, T, K. 

CACAbus a donné CACAsaceus, qui concerne la marmile, el 
CACAsatus, noir comme de la suie^ comme une marmite. 



10 

ILAK 

Faire un effort lirtij«Bt« 



Le bruit spiratoire de riiomme qui fait eflbrt pour cer* 
taines excrétions naturelles se rend en latin par CACAre; 
— Cr. grec KAKav; allemand KACKen; lelt. Kakkaht; gaêl. 
Cac. — De là le mot CACAre a pris le sens de salir, souiller : 
« cacata charta » (Catulle, 36, 1 el 20). — CACAre a formé le 
désidératif CACAturire elle nom CACo, d'où est peut-être issu 
CACula, goujat, valet (Varmée, saligaud, salope'(à'o\x CACula- 
tum, service de goujat, Festus, p. 36), à moins que c^mot 
ne veuille dire tout simplement le braillard (kalK= faire du 
bruit, crier, rac. n* 9). 

Débités romans. — A cdté de certaines imitations de bruits 
qu'il serait inutile de répéter ici, nous trouvons en italien : 
Cacacdano, c^caistecchi (ladre, vilain, poltron); et cacafes^a^ 
(méchante femme); — en esps^gnol : Caco (voleur, peureux). 

H 

(KAKH) 

Éelater de rire* 

A cette onomatopée se réfèrent : sanskr. KAKHA[\, U rit; 
KANKHA, joie ; — grec : KAXaCco, KArKa^o ; KAT/âtç ; — enfia 

^ On trouvera peut-6lre«étrange que nous admettions plusieurs rauiues 
onomatopéiques KAK, arec Hes sens qui ne sont après tout que des indivi* 



Tribu K. — Racinb KAR. 247 

le latin CACHinnus, rire^ qui a seulement adouci la seconde 
voyelle; CACIIInnare et CACIlInnari, rire aux éclats; — CA- 
CHINnatio, rire fouj à gorge déployée (cf. russe, chikaia^ je 
ris; — ail., kicherUj rire, ricaner; — angl., to chtickle). 

La contraction spasmodique du diaphragme que nous ap- 
pelons hoquet^ se rend, en sanskrit, par HlCCAj de HIKK 
pour (K)HIKKy avoir le hoquet. Cf. anglais : hiccough. 

Dérivés bohans. — Ital.: ghignare, ghignazzare. — Les 
Roumains disent pour rire aux éclats : a ride eu hôhot^ eu 
klik. 

12 

KAR 

(KAL) 

Crier« proclamcry appeler. 

I. Le grec seul a conservé le R primitif dans KHPuÇ, 
trieur public^ héraut y d'où KHPuçjw, proclamer j publier à haute 
voix. 

Partout ailleurs, le R a été remplacé par son adouci L. 

Ainsi dans les trois langues classiques, le verbe-type der 
cette racine est kal. En sanscrit KALayâmi, je sonne y je 
résonne el Rappelle; en grec KAi\^(d, y appelle j je nomme; en 
latin CALare, crier ^ appeler , convoquer. 

dua Usât ions de BRUIRE ; el l'on fera sans doute la même remarque à propos 
de KAB, KBA9 KBt]» etc., qui sembleraient pouvoir se résoudre toutes en 
KB. Je crois donc devoir faire observer que les onomatopées ont chacune 
leur forme spéciale, que, par exemple, l'H de KAKH, rire, n'est nullement 
secondaire, qu'elle est nécessaire à l'imitation même de l'action physique 
qu'elle veut rendre; — qull en est de même de KAB, KRA, KRt]» etc., 
qui sont tous des sons imitatifs organiques, et que vouloir faire la synthèse 
de ces diverses onomatopées en KAK ou en KR seraient en détruire l'es- 
sence elle-même en les dénaturant. — Les onomatopées vont par groupes imi- 
tatifs, peu nombreux en général, et il faut bien se garder de mettre trop 
û* esprit phitosophiqtte dans le domaine de h teruaiion, — Ceci dit une fois 
pour toutes. 



S48 Genre CRIER. — Ordre P, T, K. 

CALare a donne un participe régulier CALatus, employé 
souvent dans ces expressions : CALata comitia, et (à l'abl. 
absolu) CALatis comitiis, les comices étant convoqués. Comme 
ces convocations avaient surtout lieu le premier jour du 
mois, ce jour finit par s'exprimer au moyen du mot CALendae 
(d'un CALere, inusité) \ Les culendes étaient donc le jour où 
le peuple devait ôlre convoqué (gérondif en dusy da^ dum, 
voir p. 145). On connaitle proverbe français : « Renvoyer 
quelque chose aux calendes grecques, » c'est-à-dire la rendre 
impossible à tout jamais, puisque les Grecs n'ont jamais 
compté leur temps par calendes, supputation essentielle- 
ment romaine. 

Nous comparerons à CALare, le tudesque Hellan, crier; 
scallariy retentir ; Tall. schallen^ et holleti (tud. hellan) crier 
après, appeler. De plus, le grec KEAo), KEAsuo), j'apo^lrop/i^; 
KEAi^eiy, retentir ^ etc., et le sanskr. KALas, voix^ KALatè, 
il proclamej K/lLatâ, son, murmure^ KALatà ou KALatva, 
musique^ KALana, murmure; l'irlandais ceol^ ceoltadh^ mu- 
sique, mélodie, ceolan^ clochette, cal, cail, callaid^ voix, cri, 
piainte; Tarmor. kel^ kealj bruit, rumeur; le lithuan. kal- 
otiy kololiy gronder, etc. 

Combiné avec la préposition intei* (v. p. 155) le verbe 
CALo a foriné un verbe dérivé inter-CALare, publier un jour 
ou un mois supplémentaire placé au milieu (inter) des 
autres mois et jours ordinaires du calendrier*, d'où abso- 

* Cf. VaiTon, L. L. G, 4, 59 : c Primi dies mensium nominali ab eo quod 
his diebus calantur ejus mensû Nonas, quintanse an septiinanse siiU fut une. » 
Que Yarron ait tort ou raison contre nous, le mol CALendae, on le voit, est 
toujours issu du verbe GÂLare. 

* Numa ayant basé l'année romaine sur les révolutions lunaires, la compose 
de 355 jours qu'il divise en douze mois ; mais celte année ne concordant pas 
avec Tannée solaire, il ajouta à chaque deuxième année, un mois inlerak\aire 
de 22 jours, à chaque quatrième année un mois de 23 jours, et à chaque hui- 
tième année un mois de quinze jours. Lorsque Ccsar réforma le calendrier et 
établit l'année julienne de 365 jours, il fut obligé d'ajouter un jour à chaque 



Taibu K. — Racine K.tR. 249 

lument intercdler quelque chose que ce soit. De là inlcr- 
CALaris, intercalaire^ t«fercal^, interCALarius, relatif à lin- 
te^xalatioUj interCALatio, action d*intercùïer et enfin inter- 
CALator, celui qui accomplit cette action (chez les Romains, 
c'étaient les pontifes qui étaient chargés de faire publiet* les 
mois et les jours intercd\aires) . 

Pour en finir avec les dérivés de CALare, il nous faut citer 
les composés nomen-CLAtio (très-rare), avec le sens de dési- 
gnation de quelquun par son nom, dénomination, nomen- 
CLAtor (quelquefois nomen-CULator affaibli de nomen-CALa- 
tor, ap.; Martial, 10, 30, 25; Suél. Amj/., 19, etc.), nomen- 
cla/et/r, celui qui désigne quelque chose ou quelqu'un par 
son nom et enfin nomcn-CLAtura (mot de Pline) nomenchture^ 
liste des personnes ou des choses par leurs noms, etc. 

Dérivés moins iuportauts. — CALatio, appel, convocation; 
CALator, hé. aut sacerdotal, serviteur des prêtres; CALatorius, 
relatif au héraut sacerdotal. 

Dérivés romans. — Ital. : intercàlare (intercdler) , intercdla-- 
%%one (intercaXation), intercaXare (intercoXaire) \ — esp. et 
port. : tHt^rcalar; — esp, : intercdlacion; — port. : interc/àX- 
açao; — esp. et port. : inl^rcalar (iiU^rcalair^) ; — roum. : 
intercsilacie {intercalation). 

Ital. : noniencla^cir^ (nomenchteur) ; — esp. et roum.: no^ 
mencl^tor; — port.: nomenchdor; — ital., esp., port, et 
roum.: fiom^cla/ura (nomenchture). 

II. Nous trouvons aussi en sanskrit un radical altéré 
ÇLAgh pour ÇALagh par métalhèse de TL. Ce radical a le 
sens de crier, d'où célébrer, louer. De là ÇLAg'à, louange, 
(irl. Sleigh), et ÇLAya, digne de louanges, qui doit être loué. 

quatrième année pour faire concorder son calendrier à l'année solaire. Ce jour 
intercalaire étant placé dans le mois de février, le sixième jour avant les ca- 
lendes de mars [sexto calendas martii] reçut le nom de jour bis-textile 
{pis-sexto calendas) f d'où par extension, notre année bissextile . 



250 Gekrb crier. ^ Ordre V, T, K. 

En grec, nous avons KOAaÇ, louangetiry d'où KOAa;;ci). 
Enfin, le latin a dans le même sens un CLArus pour CA- 
LArus, le célébré^ le louange^ ïiUustrey d'où ce mot a pris le 
sens physique de clair, brillant, éclatant; c'est ce sens se- 
condaire qui a donné les dérivés CLArescere, devenir clair 
(au phys. et au moral), — CLArigarc, réclamer d'une manière 
claire^ solennelle d'où CLArigatio. — Quant à CLiro, CLAreo, 
CLArifico y CLAritas et CLAritudo, ils expriment tous, les 
uns comme verbes, les autres comme substantifs, Vidée 
de clarté au propre^ et au figuré, celle dVclaf morale àHlhts- 
trationy etc. 

Le dérivé superlatif prac-CLArus, très-brillarUy très-beau^ 
très-glorieux y adonné un verbe prae-CLAri3o (bas-lat.), briller 
d'une vive lumière y — :un substantif prae-CLArilas (bas-lat.), 
distinction^ célébrité ^ et enfin — deux adverbes : prae-CLAre 
et prae-CLAriter. 

Quant au composé de-CLArare, rendre quelque chose 
clair par un moyen quelconque (de) et plus spécialement 
expliquer y manifester^ montrer y il s'emploie surtout au figuré 
dans le sens de rendre clair pour Tesprit, révéler y démontrer; 
ce n'est que dans le style administratif qu'il est employé 
quelquefois, mais rarement dans le sens du français déch- 
rer. 

De là de-CLAratio (très-rare), expositiouy déchration; — 
de-CLArativus et de-CLArative (poster, à l'ép. classique), 
relatif ou relativement à la dédixration; — et enfin de-CLA- 
rator, employé une fois par Pline (Panég.y 92, 3) au sens de 
celui qui J^clare, proclame quelque chose. 

DÉnivÉs noMANs. — Prov. : Clar, claro (Clair), clarto (chrte'); 

— ital. : Chiarifo, chiaro, chiartr^, chiarare; dichiarar^, di- 

chiaraaion^ (p. 84) ; — esp. : claro, chridady oclaror, decla- 

rar; — port. : claro, chridadcy declarar; — roumain : courat 

(ou = ol=al; voir p. 84), a dechra, elc. 



Tribu K. — Racine UWL/k, etc. 251 

m. Sous cette racine, nous devons encore placer le vieux 
mot latin CLAssis, ou plus ancien CLAsis, au sens primilif 
de foule appelée^ convoquée (pour la répartition en classes) . 
Cf. le grec: KAA(jtç, KAHcrtç. — Plus tard ce mol en est venu 
à signifier particulièrement les citoyens appelés sous les 
armes, soit pour Varmée de terre^ comme on en trouve 
encore la preuve dans la loi Numa (ap. Festus, s. v. opimay 
p. 190), sbit pour Varmée de mer^ et c'est là remploi le 
plus ordinaire de ce mot CLAssis, qui s'est môme restreint 
bien souvent au sens de vaisseau. — Enfin, postérieurement 
h Auguste, on trouve le mot CLAssis avec la signification de 
notre mot français chsse (d'une école) ^ etc. 

De là les adjectifs CLAsseus, CLAssianus, CLAssicen et 
surtout CLAssicus, relatif à Varmée et particulièrement à Var^ 
mée de mer. — CLAssicus signifie aussirelatif aux classes des 
dtoyens, et substantivement citoyen de la première chsse ^ d'où 
distingué, éminent, et chssique. — De là encore les substan- 
tifs CLAssiarius (s. e. miles) soldat ou ouvrier demarine, — 
CLAssicula, petite flotte j flotille, etc. 

Dérivés romaks. — liai. : chsse (avec tous les sens du latin 
CLAssis) classare (classer) y chssico (classique) ; — esp. : 
clase, cla^f/icar, chsico; — port. : classe^ chssificary dassico; 
— Roum. : clasa, a clasa, cla^ifc. 

13 

liRA, KIIRA, ILRV, ItRI, HHRI 

Faire d« brait, pleurer, tepager, se réjouir, se lamenterk 

I. A côté des formes sanskrites (X)flRAdh, tapage, bruit; 
flRAdini, torrent , — le grec possède un KPASvy;, tj (HRAdini) 
devenu KPHvtj, torrent, jet deau, et un verbe KAAw, KAAÇa), je 
tapage, je fais du bruit, d'où xeXAASa, je suis gai, et XAAa^oe, 



252 Genre CRIER. — Ordie P, T, K. 

la grêle (h tapageuse, celle qui faildubruït).— Par affaiblis- 
sement de R en L, cette racine a encore donné le grec XElAi- 
iùf dont le correspondant latin est plus pur : UIRundo pour 
(K)HIRundo = hiron({€//^ (lithuan: krégzde). 

Le mot grêle est rendu en latin par GRAisâo, pour Torga- 
nique KRâLndM, avec intercalation de la nasale de renfor- 
cement. 

Cette racine a encore donné au latin le verbe CREpare, 
bruire^ craquer, retentir j et pris activement , faire sonnery 
faire retentir. CREpare a donné CREpitus, action de bruire^ 
de grincer j crépitement, d'où Tintensitif CREpiiaro, faire 
entendre un bruit secy crépiter. Nous citerons encore CRE- 
pundia, chquet, sorte de crécelle dont se servaient les enfants; 
et CREpida (grec KPR^nç) sandale^ espèce de chaussure qui, 
s'assujettissant difficilement, produit presque toujours un 
bruit en frappant brusquement tantôt le pied qu'elle chausse, 
tantôt le sol. 

Parmi les composés de CREpare nous citerons con-CREpare 
et son inlensitif con-CR Epi tare, formés avec le préGxe de 
renforcement con- (=ua p. 135) et dont le sens est bruire^ 
retentir avecforcCjavecbrmtj (d'où con-CREpatio, craquement); 
— dis-CREpare, n^être pas en harmonie (au propre et au 
figuré), d'où, avec le même sens, dis-CREpitare, et dis-CRE- 
pantia, dis-CREpatio, désaccord ; — et in-CREpare, faire du 
bruit j du tapage^ d'où métaphoriquement gronder avec bmit^ 
gourmander; ce verbe in-CREpare a donné aussi un fréquen- 
tatif in-CREpitare, faire beaucoup de bruU^ et particulière- 
ment en exhortant ou en grondant^ ainsi qu'un abstrait in- 
CREpatio, blâme, réprimande, etc. 

L'onomatopée krak (redoublée de kra), a donné au 
français le verbe CRAQu^r et tous ses dérivés, tandis que 
l'affaibli clac (moyen-h.-all. KLAC, bruit; hoU. KLAKK^, 



Tribu K. — Racine KBA, etc. 253 

faire du bruit) a donné CIAQner et tous les mots qui en 
sortent. 

Dérivés vouis importants. — GREpidatus, chaussé de la 
CTépide. 

Dérivés BoalA^'8• — Ital. : crepito^ crepitare; incveparey in- 
crepazione; — esp. : se cvespar^ se increspar (se fâcher); — 
port. : increpar (réprimander); — roum. : a «^cupara. 

II. A côté du grec KAAI^ci), nous sommes en droit de placer 
le latin CLANgo, d'où CLA^gor, son éclatant^ retentissement; 
en effet, CLA^ggre signifie sonner ^ résonner, retentir^. 

Il y a plus : nous avons déjà vu plusieurs fois (cf. notam- 
ment p. 79) le P s'échanger avec le K aryaque et le C latin ; 
nous allons en avoir ici un nouvel exemple. 

En effet, à côté de CLAKgere, faire du bruit , résonner , 
nous trouvons PLAisgere, battre avec bruit, frapper, et méta- 
phoriquement, se frapper la poitrine en signe de deuil, se livrer 
à un violent désespoir. PLAwgo a donné PLAngor, coup re- 
tentissant, battement bruyant. 

Il faut remarquer que PLAwgere et tous ses dérivés se 
sont individualisés en ce dernier sens sur J[pquel on trou- 
vera plus de développements au n** VI de notre élude sur 
cette racine. 

C'est aussi à notre racine kra changée en pra qu'appar- 
tient PLAga (grec : IIAHytq) coup, percussion, d'où coup qui 
blesse, fldie. PLAga a formé un verbe dénominatif PLAgare, 
battre, frapper, blesser, qui n'est plus employé que dans le 
latin ecclésiastique, mais qui existait peut-élre avant PLAn- 

' Cf. raliein. Klingen, sonner, résonner, d'où le redoublé Klingklang devenu 
€linclant dans les patois du nord-est de la France et clinquant dans la langue 
littéraire, a H est évident que les Allemands, en donnant le nom de Klingklang 
(deux variétés d'une même racine au sens de raisonner) aux petites lames d'or 
ou de cuivre qu'on met dans la broderie, ont voulu rappeler ces feuilles métal- 
liques par les vibrations sonores qu'elles font constamment entendre. » (K. de 
Feld, let Verbet irr^guHers de la langue allemande; Paris, Trucliv, 1855, 
p. ill). 



254 Gehre crier. ^ Ordre P, T, K. 

gère, qui se serait formé de lui par l'intercalation de la na- 
sale. Quoi qu^il en soit, nous avons préféré placer PLAngo 
immédiatement à côté de son correspondant CLAifgere pour 
mieux faire ressortir la parenté de ces verbes. — Cf. got. 
flekan; — ahal. fleg-il; — lithuan. p/afc-u, coup. 

Dérivés rouans. — Prov. : si plagn^ (se plaincfr^) ; plajf(^ 
(plai^); — ital. : pian^^^, piaga; — esp. : llaga; — port. : 
prajfa, cha^a; — roum. : a plân^r^. 

m. Nous mettrons ici, seulement pour mémoire, le CRO- 
cire, CROcitare, qui désigne le CBOkssemait (CROCÂtio, 
Festus, p. 41) des corbeaux (grec : KPOÇu, KPACcu), — le 
GRAbro, onis, frelon, el nous arriverons de suite au radical 
KHI, HRi, tapager, d'où rire bruyamment. 

Nous trouvons en sanskrit HLAda, jeu, gaieté, HLAdita, 
gai, et praflLANuis, bonheur, pour praflLAonis (cf. le grec 
KlXAIÇsiv). 

Le latin est beaucoup plus près de Faryaque que ses deux 
langues sœurs dans HRlDere devenu Rloerc, pousser de 
joyeux éclats de voix, rire, (= ridre) d'où (activement) se 
moquer de... Un renforcé inusité RIdico a donné une 
forme diminutive RIdiculus, plaisant, bouffon, visible, ab- 
surde, Tidicule, d'où RIdiculosus (môme sens) et RIdiculari, 
vidiculariser. 

RIdiculus a formé les composés de-RIdiculus, rirficti/f, 
bouffon; — ir-RIdiculum, visée, moquerie; ir-RUicule, d'une 
manière peu spirituelle; — sur-Ridicule, assez plaisam- 
ment, etc. 

Quant à RIdere, il a donné, par son supin, RIsum, l'abs- 
trait RIsus, ûs, rir^, ri^, visée, dévision; d'où RIsibilis9 
visible, etc. 

De plus, RIdere a formé les composés ar-RIdere (pour ad- 
RIdere), souvire à quelqu'un ou à quelque chose, pousser un vire 
d'approbation, d'où ar-RIsio, souvire d^ assentiment, et ar* 



Tribu K. — Racirb KBA, etc. 355 

RIsor, celui qui sourit toujours aux autres, flatieur; — de- 
Rldere, rire de..., se moquer y d'où de-RIsio, et de-RIsus, rire 
de moqtieriej dérision; de-RIsor , moqueur , railleur; de-RIsorius 
(post. à Tép. class.) illusoire, dérisoire ; — ir-RIdere (pour 
in-RIdere) neut. , se moquer , se railler, d'où ir-RIsus et îr- 
Rlsio, moquerie, raillerie ; — ir-RIsor et ir-RIsorius , mo- 
queur, railleur ; — ir-RIdenter et ir-RIsive, par moquerie, 
dérision; — sur-RIdere (pour sub-RIdere), rire, sourire, 
(rare, mais très-classique). 

La même racine hri, avec la chute de VU, a encore donné 
Rlclare, glapir, en parlant du renard, et Rlcigari, gronder 
en ouvrant la bouche, grogner en montrant les dents, d'où 
Bletus, gueule béante, bouche ouverte. 

Dérivés aœiAns. — Prov. : riseire, (ri^Mr); — ital. : ridere, 
riso, sorridere; derisione, derisorio; ridicolo; — esp. : reir, 
elreir; sonreirse, sonrisa; trri^tan, irrisorio; ridiculo, ridi- 
culari%ar; — port. : rir, riso; surrir, surriso; irrisâo, deriso- 
rio; ridiculo, ridictUizar; — roumain: a ride, a suride^. 

lY. Il nous reste encore à étudier sous sa forme de parti- 
cipe présent le battant par excellence, le cœur. 

Aux yeux des ignorants, et certes les Aryas Tétaient en 
physiologie, le cœur joue le plus grand rôle dans la vie. Ses 
battements réguliers annoncent la santé, Tétat normal de 
l'organisme ; lorsqu'il va plus vite, c'est que la fièvre ou une 

* Le cri du cheval ressemblant à un rire strident a été rendu en latin par 
HIPinitus, hennissement. C'est bien là un onomatopée : < Bonus apium ab ipso 
sonitu dictus, ut mugitus boum, HINnitus equorum » (Festus, p. 25). — On 
ne peut voir dans HlNnitus un dérivé de hinnus = cwof , mulei, bardai (né 
du cheval et de Tftnesse, tandis que le mulus est fils de l'âne et de la jument 
(cf. ap. Varr., R. /)., 2, 8,1 ; 6). A côté de la forme Tyyo«, et avec le même sens, 
le grec a y^tfvoc, transcrit dans le latin ginnus, ce qui enlève de suite Mnmu 
(d'où le fém. hinna et le dim. hinntdus) à notre racine onomatopéique. — Dé* 
rivés: HINnulens, hennisani; HINnienter, lIINnibunde, en hennissant; HIN- 
nibilis (post. à l'ép. clas.) henniuant; HINnire, hennir et ad-llINnire, hennir 
vers, d!où désirer; lIINnitare (intens. ap. glos. Phil.); HINnilitare, hennir 
mmventf etc. — Port. : hinnir (hennir)* 



2:6 GKNnE CRIER. - Ordre P, T, K. 

violente émotion presse ses mouvements, et enCn, lors- 
qu'il a cessé tout à fait de battre^ il n*y a plus qu'à s'occuper 
de rendre les derniers devoirs au parent ou à Tami qui a 
cessé de faire entendre à l'oreille attentive le tic-tac de la 
vie. 

La racine KaA, kalR, devenue (K)HR en sanskrit dans 
rintensif HRDj d'où flRD, le rœur, et son dérivé flADaya 
a formé le goth. hairtd ; — le vieux h. -ail. herza; — l'ail. 
hei'z, et l'anglais heartj qui supposent tous comme le latin 
CORd une forme commune kami, le battant, le frajfpant, 
très-probablement pour uâMdt = KARdat, forme de parti- 
cipe présent. Ce dernier se rapproche quelque peu du grec 
KEAP pour KEAPa (on trouve aussi KAPa.s = I/ADaya) ; et 
nous ferons remarquer de plus que le grec a conservé le K 
initial primitif; il en est de môme du latin COR pour CORd, 
comme le prouve le génitif CORois et les autres cas. 

COR (on trouve aussi un diminutif CORculum) désigne 
donc le cœur, au physique, considéré comme viscère, et, au 
moral, comme le siège des mouvements de l'ame, des senti- 
ments, et aussi, selon l'opinion des anciens (Cic*, Tusc. I, 
9, 18), comme le siège delà pénétration, de l'esprit, de Tin- 
telligence, de la mémoire. C'est dans ce dernier sens qu*il a 
donné re-CORoare, et re-CORoari, penser de nouveau^ se sou- 
venir, d'où re-CORoatio, ressouvenir, souvetiir, mémoire. 

Re-CORcare se retrouve dans le français re-covder, et se 
re-corder, d'où re-cors, celui qu'un huissier mène avec lui 
pour servir de témoin dans les exploits d'exécution et lui 
prêter main-forte en cas de besoin. 

COR est le père de CORoatus, sage, sensé, — CORDoliura 
(cor+dolere), crève-cœur, chagrin profond. — Un homme 
ex-COR«, c'est un homme dépourvu de raison, d'tuteUigence, 
de sens commun. 

Il en est de même de se-CORs (se = préfixe d'éloignemcnt, 



Taibu K. — Racinb KRA» etc. 257 

V. p- 156 et 165) devenu so-CORs, sot, stupide, dénué d^in- 
tdligence, d'où so-CORDia, faiblesse d'esprit, sottise, stupidité. 
On voit que dans tous ces mois, c'est le sens d'intelli- 
gence qui domine. En voici d'autres où l'idée d'affection 
(cœur) reparait. 

La concorde, c'est-à-dire l'état de deux cœurs qui sont en- 
semble (con = KAM, r. p. 135), c'est, en latin, con-CORDia, 
lequel mot vient lui-même de con-CORs (antique : con-COR- 
DÎs), qui est du même avis, du même sentiment ; à côté de con- 
CORDia, con-CORs a donné le verbç con-CORDare, être ou 
mettre d'accord. 

Nous citerons encore parmi les vocables de cette famille 
con-CORoitas, concorde; con-CORDiaIis,re/att/' à la concorde; 
con-CORDatio, rétablissement de la concorde, et les adverbes 
con-CORDe et con-CORDiter. 

C'est encore dans le môme sens qu'eçt'pris CORs dans 
raiseri-CORs, miséri-cordieux , d'où miseri-CORDia , pitié, 
miséri-corde , et le composé négatif îmmiseri-CORs , impi- 
toyable. 

Ve-CORs (ve=préfixe d'éloignemenl, v. p. 1 55), méchant, fur 
rieux, d'où ve-CORoia, méchanceté, est à COR, signifiant les 
sentiments, ce que se-CORs est à COR, exprimant l'intelli- 
gence. Cependant on l'emploie aussi quelquefois dans le 
sens de sot et de stupide. 

Le seul dérivé issu de COR, au sens physique de viscère, 
c'est prae-CORûia, orum (neut.), diaphragme, entrailles, es- 
tomac, etc., d'où un adverbe prae-CORoialiter, qui, lui, a le 
sens métaphysique du français de tout cœur. 

Le contraire d'être d'ac-cord (ad = vers -f- cor) c'est être 
dis-CORs. Dis-CORs exprime donc l'idée de désac-cord, de 
mauvaise harmonie^ cet état di^-cordan^ de deux cœurs qui 
ne s'entendent pas, qui ne marchent pas ensemble. (Dis = 
particule de séparation, de division, p. 209) . — De là dis- 

17 



^58 Genre CRIER. — Ordre P, T, K. 

CORoîa, dis-corde^ désunion, mésintelligence, — dis-CORDiosus, 
porté à la discorde^ oh règne la discorde, — dis-CORDare, être 
en désunion, en désac-covd, elc. 

Le français cordial, d'où cordialité, n'a pas de correspon- 
dant en latin. 

Dérivés romans, — Prov. : couar ; — ilal. : cuor^, concordia, 
iliscordia; — esp. et port. : cor; concordia, concordar; dis- 
^or dia, 

V. Le radical COR se retrouve, avec le sens de faire du 
bruit, dans le lalin GORax (skr. KARdkn, grec : KOPaÇ) 
corbeau, d'où CORa-cinare (KPAÇsiv) croaw^r (= corasser). 
— COR vus est de meilleure latinité que CORax^; il signifie, 
oulre corbeau, différents instruments de guerre et de chi- 
rurgie, et a servi à dénommer une constellation. De là 
CORvinus, relatif au corbeau (cf. skr. : KARava ; russe : kara- 
vaïka (courlis); ahal. : hraban, hruoh; angl .-saxon : craw, 
'Crawe; angl. : aow; suéd. : korp; polon. : kruk; etc.) A cette 
forriie se rapporte encore CORnix, la corneille (grec : KOP- 
(ovY); persan : karûnah, etc.) De là le dim. CORnicula, et COR- 
nicari (très-rare), bavarder comme une corneille, etc. 

VI. Le sanskrit a un KRAî>, crier, et particulièrement pottô^^r 
iles gémissements. KRAd a pour frère KLAd, avec les mêmes 
sens ; au moyen, ces deux verbes signifient être affligé, tour- 
mente, confondu par la douleur. Cfr. le gothique GRÊtah pour 
KRÊTtfn, crier, pleurer. 

En grec, nous trouvons KAAFiôj pour KPAFia) (KPÀF = 
KPAU guné de KPU) je me lamente, je pleure, d*où KAAÏfJui, 
Tô, et KAAÏatç, qui a formé KAATciaw. 

Le latin reproduit cette racine dans deux séries de mots : 
•C'est d'abord LAMentum pour (C)LAMentum, cris plaintifs, 
lamentations, pleurs, gémissements. LAMentum a donné 



* Peut-être poui COR-^-îx.— iZeilschr. Vlil, 123). 



Tribu K. — Racinb KR(J. 259 

LAM-entor, se lam^^r, gémir^ pleurer, se désoler; LAMen- 
tatio, lamentations; LAMentabilis, déplorable^ lamentable. 
L'M de lam (=clam) est pour le W organique de la racine 
gunée iWAnr = ubmj. — Cf. pp. 77 et 262. 

Le latin a une seconde série de dérivés de celte racine au 
sens de crier^ se lamenter. 

Nous avons déjà vu aun"" II de notre étude sur iuka, 
comment le K s'était changé en P pour former le latin 
PLAngere. Nous rappellerons donc seulement ici que le 
sens secondaire de ce verbe est se désoler^ s* abandonner 
au désespoir, pleurer; et c'est exclusivement celle expres- 
sion de douleur qui constitue la signification du substantif 
PLAnctus, deuil ; de même que celle du composé poétique 
de-PLAngere, pleurer , déplorer. 

Dérivés rohams. — liai. : lam^i^o, lamentazione, larhentarsi, 
etc.; — esp. : lamentadon, lanietitar; — port. : lamenta, là- 
mentaçàOy \amentar. 

14 

liRU 

Crier* retentir» entendre, Joner, être lllostre. 

I. Au sens propre de erier^ faire rete^itir, le latin possède, 
à côté des formes sanskriles : ÇRUliSy cri (affaibli pour 
£li(/lis), ÇRAUnan (forme gunéc), V appareil auditif, et 
ÇRnauti, il crie, il entend, — le verbe CLUere, appeler, in- 
voquer. 

CLDo a pour correspondant grec KPOrw, je fais résonner, 
d'où Y) KPOToïc, le son. 

Nous ferons remarquer ici que, dans les dérivés de cette 
racine comme dans une foule d'autres mots, le latin affaiblit 
la consonne primitive R en L, tandis que le grec conserve 



2G0 Genre CRIER. — Ordre P, T, K. 

souvent cette lettre P ; ce qui pourrait prouver une plus 
grande antiquité ou du moins une plus parfaite conser- 
vation. 

KPOTo) (guné de KPrw) est donc l'un des correspondants 
grecs du latin CLUo. Nous retrouvons raflaiblisscment de R 
en L dans le verbe KATco, f entends^ f écoute^ j'obéis^ qui, 
d'une forme inusitée et archaïque KAtV, a retenu seule- 
ment l'impératif KAVOi, écoute. Ecouter et obéir sont la 
plupart du temps synonymes dans les langues indo-euro- 
péennes; ainsi, en sanskrit, ÇRnôti veut dire aussi obéir 
daiis des phrases telles que celles-ci : Cet tvam na çrôsyasi, 
vinanksyasi. Si tu n'obéis pas, tu périras. Dans les langues 
novo-latines, on sait que rien n'est plus fréquent que cette 
confusion, très-légitime du reste. 

De KPOro) sont dérivés a-KPOFa (xpcj: = xpou = xpj) celle 
qui entend, Yoreille^ d'où a-KPOAiJLai, je prête Toreilky 
fentefidsy etc.. 

Occupons-nous maintenant plus spécialement du latin 
CLUo et de la famille considérable dont il est le père. 

Disons d'abord que CLUo est inusité ; on le retrouve seu- 
lement dans son participe CLUens devenu CLIens par l'affai- 
blissement de ru. Cet affaiblissement a eu lieu soit tout 
simplement, en suivant la pente naturelle du langage, soit 
par imitation du grec KATetv ; ce qui me porte à pi^poser 
cette dernière hypothèse, c'est inCLYtus que je trouve à 
côté d'inCLUtus* (KAYto;). Les Latins transcrivant VX grec 
par le signe Y, qu'ils prononçaient I, ont fini par se figurer 
qu'ils avaient emprunté aux Grecs les mots inCLUtus et 
CLUens et, un petit coup d'Ëtat des savants du dernier 
siècle de la république a imposé à ces mots l'orthographe 
inCLYtus et CLIens, celui qui appelle quelquun à son secours^ 

^ Cicéron [Orat., 48, 159) dit que CLU se prononçait aigu (t) dans inCLUius. 



Tribu K. ^ Racine KBf). S6t 

d'où, à Rome, le protégé d^un grand seigneur, considéré 
comme'de sa maison et de qui il peut réclamer aide et pro- 
tection dans les moments difficiles. En terme de jurispru- 
dence, le client est celui qui- appelle un avocat (advocatus^ 
l'appelé). Généralement, en France, dans lalanguedu com- 
merce, un client est une personne qui se fournil dans une 
maison, qui a recours à cette maison lorsqu*il a besoin de 
quelqu'un des objets qu'elle peut procurer aux acheteurs. De 
CLIens (= skr. ÇBAvant) sont dérivés CLIenta, cliente^ CLI- 
entela, clientèlej etc.— A CLIens, comparez Tanc. slav. sluga^ 
serviteur; et pour le sens Tallem. angehôrigery client, sub- 
ordonné, du verbe hôren^ entendre (d'où obéir). 

A côté de CLUo on trouve un CLUeo, fréquemment em- 
ployé et dans la meilleure latinité, avec le sens de prodamer 
et être proclamé^ d^appeler et être appelé. 

Nous reparlerons tout à l'heure de CLUo et de CLUeo, 
lorsque nous traiterons de la racine kbu au sens moral 
d'être illustre. 

Les Slaves ont un verbe slovuipour çlovu (=klovu) y retentir j 
parler^ d'où slovo^ parole. 

Quant aux Germains, ils ont changé le K aryaque en H, 
et ils nous fournissent pour point de comparaison les mots 
hliuma, cri (golh.); — Eruofan^ Hrôfan (F=:P causalil), 
faire entendre (tud.); — ail. rufeti ^ hmfen^ avec aphérèse 
du U initial ; — tud., hldsen et lôsen^ chercher à entendre, 
être aux écoutes, hlûty sonore, bruyant ; — allem., lauschen 
et lant, etc. — On trouve même dans les langues celtiques, 
avec un sens analogue, le kymr. clyw^ et le bas-breton 
kléô. 

Avec le redoublement (mvKBV) comparez encore le russe 
fcricui, je crie ; grec : xpau^iQ, etc. 

Dérivés romans. — liai., esp. et port. : cliente (cli^U), cli- 
eîitela (clientèle); — roum. : client, clienteht. 



' 



S69 Gehbe CRIëR. — Ordre P, T, K. 

II. Lecausatif ÇfiAvayâmi (ÇRAW gvinè deÇRU),je dis, 
je raconiCy est représenté en latin par CLAmo (poar CLÂMami), 
je crie. ÇRA devient CLA par le changement de L en R, et 
va devient ma {= mo)^ par une loi d'après laquelle D 
guné en AU et cet AU devenant AW dans la conjugaison finit 
par se changer souvent en AM. (Cf. Dru = Draw = Dram , 
KU = kam, etc.) Voir pp. 77 et 259. 

CLAiiare (= ÇfiAvayâmi, mot à mot je fais entendre) ^ si- 
gnifie pousser des cris (au neutre), et (à Tactif) proclamer, 
iîivoquer à grand bruit. 

L'abstrait de CLAMare est CLAMor, plus anciennement CLA- 
Mos ; de même que labos a précédé labor, — arbos, arbor^ etc. 
(voy. p. 81). CLAMor exprime l'idée de bf-uity clameur, toute 
espèce de ert. Ce mot a son correspondant dans le sanskrit 
ÇBAvas (=CRAMOS=Clamos = Clamor) qui exprime Tidée 
d^ oreille j d'audition, d'où (védique) gloire (par la richesse) . 
— Cf. grec : KAEoç pour KAEj:oç; — irland., duas; — ahal., 
hldmony faire du bruit, etc. 

De CLAMare sont venus directement le fréquentatif CLAvi- 
tare, crier bruyamment, d'où CLAuitatio, criaillerieSj — CLA- 
Mator, criard^ braillard, — CLAmosus, plein de cris, de criaiU 
leries, elc- 

Mais CLAnare est surtout riche en composés ; il a donné 
les verbes suivants : 

— Ac-CLAuare (pourad-CLAMare), crier vers, ou à propos 
de...., proclamer, pousser des cris d^acchmation ; ac-CLAmo 
est le père d'un fréquentalif ac-CLAmitare, crier, criailler; et 
d'un substantif ac-CLAmalio, acclamation. 

— Con-CLAMare, crier simultanément, crier en foule^ et sou- 
vent, avec con- intensif, crier fort, à haute voix. De ce verbe 
sont issus Tintensitif con-CLAMitare, crier fortement, violem- 
ment, et con-CLAnatio, action de ci*ier simultanément ou vio- 
lemment. 



Tribu K. — Racine KBtJ.^ 20S 

— De-CLAMare, prononcer un discoursy déchmer^ parler 
avec ardeur^ avec vivacité^ a formé i'intensilif neuf, et act. 
de-CLAnitare, $^ exercer dans la déclsunation^ faire souvent des 
exercices oratoires, le substantif de-CLAiiatio, action de s^exer^ 
cer à la parole, déclamation, dont le diminutif (rare) est 
de-CLÂMatiuncula ; de-CLÀMator, celui qui s'exerce dans l'art 
oratoire, rhéteur , décUmateur ; de-CLÂMatorius, relatif à la 
déchmation on au déchmateurj d'où un adverbe de-^LÂMa- 
torie. 

— Ex-CLAMare, dire à haute voix, s écrier, s*exchmer (neu- 
tre) et activement, publier j proclamer à haute voix; d'où 
ex-CLAnatio, cri, éclat de voix, employé surtout dans le sens- 
grammatical i^exchmation. 

— In-CLAnare, crier après quel qu un (en bomie et en mau- 
vaise part), d'où le fréquent. in-CLÂMitare et le subst. (posté- 
rieur ù 1 époque classique) in-CLAuatio, cri, exclamation. 

— Pro-CLAMare, pousser des cris, proclamer, d où pro- 
CLAHotio, cris, proclamation, et pro-CLAMator, criailleur, dé- 
clzmateur, braillard (en parlant d'un mauvais avocat)^ 

— Re-CLAnare, se récrier, réclamer contre, d'où poétique- 
ment, résonner, répéter, et quelquefois (notamment dans 
Valer.FIacc, 111,596; VIII, 172), appeler quelqu'un à diverses^ 
reprises. Re-CLAMare a donné le fréq. re-CLAMilare et re-CLA- 
Matio, cris d*improbalion, et jamais dans le sens du français 
r^clamatio?!. 

— Suc-CLAMare (pour sub-hdamare), crier après , vocifé- 
rer contre, réclamer, d'où suc-CLiaiatio, cris, clameur (poster. 
à Tépoque classique). 

Dérivés romans. — Prov. : chamor; — ilal. : chiamore; — 
espag. : Uamar (pour clamar); — port. : chatn^r; — roum. : 
à chiëmci. 

m. Au nombre des mots issus delà racine mv, crier, re- 
tentir, nous trouvons encore CLUdere devenu LUdere, crier et 



264 Gehrb crier. — Om^iiE P, T, K. 

jouer; on comprend facilement qu'un verbe au sens de 
crier ait servi à exprimer l'idée de jouer^ et on en trouve la 
raison toute naturelle dans le bruit que font les enfants et 
les cris qu'ils poussent en prenant leurs ébats. 

LUdere a donné un grand nombre de dérivés; nous cite- 
rons d'abord LUdus (antiq. LOldus, LOEdus)^^ jeu, passe- 
tempSy badinagej plaisanterie; — LUdius, LUdio et LUdia, 
comédien, histrion et danseuse; — LUdor, joueur; — LUditor 
(dép. ), joti^r, s^ amuser; LUdiarius, relatif au jeu.* 

Presque tous ces mots ont une seconde forme où le D a 
été remplacé par S, ou plutôt le D est tombé devant PS. Ainsi, 
nous trouvons LUsus pour LUdsus, — LUsio pour LUosio, — 
LUsor pour LUosor, — LUsorius pour LUosorius, etc. 

Combiné avec le verbe d'action facere, le thème ludi a 
donné LUdifacere,LUdificareet LUdificor (dép.), joii^, duper , 
se moquer de...., d*où LUdificatio et LUdificatus, action de 
duper quelquun; — LUdificator, moqueur; — et LUdificato- 
rius, décevant, illusoire; — LUdificabilis, bon à railler, propre 
à duper. 

Citons encore LUdicer et LUdicrus, qui sert à faire passer 
le temps, amusant, divertissant, d'où LUdicror, jouer, badi- 
ner, plaisanter; — LUdibriuni, jeu, raillerie, jouet, hochet, 
insulte, outrage, déshonneur, d'où L\Jdihnosus,insultant,rail'' 
leur; — et enfin LUdimagister, maître de jeu, pour nudtre 
d* école (Cf. oypXi^, repos, d'où e(s)cole). 

LUdere a aussi donné en composition : aZ-LUdere (pour 
ad-^ludere) et ai-LUdio, are, jouer, plaisanter avec (ad) quel- 
qu'un ; d'où le substantif (de Pépoque de décadence) a/-LUsio, 



1 Celte forme pourrait peut-être faire admettre un primit'f Lldus ( = LOI- 
du8 (gunë) = LUdus, cf, p. 73), comme le veut M.Auûrecbt (xeiiichr., V. 137), 
en se basant sur le skr. ICA/da, K/?7dana, Jeu, raiUerie, de KA/d, jtmer. — 
LUdere pour GLUdere= CRUdere= CRldere serait alors frère germain de CRI- 
derc devenu RIdere=riff. (Cf. plus haut, p, 254; et aussi Z«f7«rAr., XII, 311.) 



Tbibu K. — Racihe KUfU. 265 

action de jouer ^ de plaisanter y qui est devenu en français 
allusion, dont le sens, appliqué d*abord à une figure de 
rhétorique, rappelle Faction de jouer avec un mot, de le 
sous-entendre et cependant de le faire deviner indirectement 
à l'interlocuteur; — coMUdere {cujn + ludere)^ jouer avec 
quelquUm (très-rare, mais très-classique), d'où col-LViium 
(postérieur à l'époque classique), action de jouer ^ et encore 
intelligence j manœuvre secrète^ le môme en ce sens que coU 
LUsio, action de colhxder^ eo/lusion, c*est-à-dire entente avec 
sa partie adverse au préjudice d'un tiers. A co/-LUsio répond 
Fadjectif coZ-LUsor, qui possède les deux sens dont nous ve- 
nons de parler, et on trouve dans le Digeste (Ulp., 30, 50) 
l'adverbe coMÎUsorie, yar collusion^ de connivence; — d^-LU- 
dere, tromper^ se jouer de^ et encore cesser le jeu, en parlant 
des gladiateurs; de là d^-LUsio, tromperie; d^-LUsor, celui 
qui trompe, qui se joue de, cfe-LUsorius, trompeur, illusoire; 
on trouve encore d^-LUdificare, se moquer de, d'où d^LUdifi- 
catio, moquerie; — e-LUdere (ex-\-ludere), cesser de jouer 
(neutre), gagner au jeu (activ.), mais surtout se jouer de quel- 
qu'un on d'une promesse, V éluder; — i/-LUdere (in-i-ludere), 
jouer avec, mais surtout se moquer, se jouer de, et enfin, très- 
rarement, outrager j perdre, gâter. Ce verbe a donné le sub- 
stantif t/-LUsio, moquerie, raillerie, d'où le français illusion ; 
à côté d'iMUsio, nous trouvons i/-LUsorium ou iMUdia 
(pi. n.), dont le premier est cité par un glossateur, et le se- 
cond est postérieur à Tépoque classique; Tadjectif corres- 
pondant à il-LUsio est t/-LUsor, celui qui se joue par des 
moyens illusoires; — per-LUdere, jouer dans, à travers; d'où 
per-LUsorius, qui n^est quun jeu, apparent; — pro-LUdere, 
jouer avant, c'est-à-dire préluder, d'où pro-LUsio et pro-LU- 
dium, prélude; — r^-LUdere, rendre la balle, riposter (très- 
rare), etc. 

Dérivés rosiaks. — liai. : luder^, ludi6rîo, ludificare, allu- 



266 Genbe crier. — Ordre P, T, K. 

sionej colhxsione^eic. ; — esp.: ludibrio, alu5ton, colusioit, etc.; 
— port. : allusâo, a/ludir, collusào^ conlu'iar-se, etc. 

IV. Nous avons déjà eu roccasion, tout à l'heure, de citer 
le sanskrit ÇRAvas comme correspondant lexicologique du 
CLAmos {clamor) latin. Ce mol va nous servir d'introducteur 
dans l'histoire des mots latins issus de la racine lUftii, au sens 
figuré d'elfe illustre^ d'être loué. 

Rappelons d'abord, pour Tintelligence plus parfaite de 
cette indrvidualisalion d'idées, que nous disons encore d'un 
homme qui occupe l'opinion publique, qiCil se fait bien du 
BRUIT autour de son nom. Le bruit, voilà donc le sens primitif 
deÇRAva; mais ce mot prend déjà, dans les Védas, le sens 
de gloire et dillustration par la richesse, puis tout simple- 
ment celui de richtsses : dans l'hymne xlviu^ du F Mandata 
du Rig-véda, au 5* çloka, les chars de l'Aurore, image de 
tous les bienfaits que nous apporte le soleil, sont comparés 
à des navires chargés de richesses, et cette expression est ren- 
due par le composé ÇRAsasyavah. Nous pourrions multiplier 
les exemples analogues. On voit que l'aristocratie de l'argent 
n'est pas neuve sous le soleil ; je crois cependant qu'aujour-^ 
d'hui un réformateur qui mettrait sur le fronton de son 
temple : « Ici, richesse est synonyme de gloire, » courrait 
quelque risque d'être mal reçu par les Aryas du dix-neuvième 
siècle. — Les Latins n'ont pas fait descendre aussi bas les sens 
individualisés de kbu : ils en sont restés à crier, exprimant 
l'idée de rendre ou dêtre illustre. Pour eux, la gloire con- 
siste dans le bruit que l'on fait autour du nom de celui que 
l'on veut glorifier ; et leur mot pour rendre cette idée est 
GLOria. Ce mot demande quelques explications. 

Et d'abord, d'après la loi d'adoucissement qui a rendu si 
longtemps synonymes le C et le G (CAius = Gains, etc. — Cf. 
p. 54), nous pouvons rétablir GLOria en sa plus vieille forme 
CLOria. Remplaçons maintenant la consonne secondaire L 



Tribu K. — Racine KBtJ. 267 

par sa primitive R, et nous aurons ut.e forme CROria, qui, 
comme on le voit, a tout à fait un air de famille avec kru. 

CROria, ou plutôt GLOria, puisqu'il faut tôt ou tard revenir 
à cette forme altérée, mais altérée, comme on vient de le 
voir, d'après des régies persistantes et immuables, GLOria 
est une forme de participe futur passif et signifie propre- 
ment celle qui doit être criée; en effet, la gloire consistant 
dans le bruit, il faut (ia) faire le bruit pour que la gloire 
existe. — Cf. irl. jf/or, bruit, voix; jf/oir, gloire, gloire; glo- 
rachj glorieux, etc. 

De GLOria, gloire (par guna de o en oi), sont issus, entre 
autres, les verbes GLOrificare et GLOriari, glorifier et seglo- 
rilier; d'où GLOriatio (mot créé par Cicéron,Fi?i., III, 8, 28; 
ibid. IV, 4 8, 50), action de se glorifier, et GLOrificatio, glorifica- 
tion; — GLOrificus, GLOriabundus, GLOriabilis, — GLOriosus, 
glorieux j fanfaron; — GLOriola,pe(tfe gloire, gloriole, etc. — 

Cf. le grec KAÏsiv, KAEw, KAEjio; = ÇBAvas, etc. ; — tud., 
hruom, hrôm, renommée, gloire; — ail., Ruhm.; — goth.. 
Muta, gloire; angl.-sax., hlysa, hliosa, gloire; hlysan (ahal. 
hldseft^ célébrer), etc. — A cette famille de mots, rattachez 
encore le skr. ÇRivasya, avide de gloire; ÇRUVi, renommée; 
— l'anc. irl. clùu ; moderne: clin, gloire; — kym. c/od, re- 
nommée, etc. 

A côté du sanskrit ÇBAva, nous trouvons ÇRf/xa, ÇLf/ra, 
m. f. n., célèbre, vanté, et ÇLAUkq, chant, renommée, qui 
nous serviront de types pour des correspondants que nous 
trouvons dans la langue latine. Commençons par ÇLUia. 
Nous avons déjà vu le verbe CLUere au sens physique de 
crier; nous allons maintenant examiner un dérivé partici- 
pial de ce verbe dans le sens dHllnstrer. Ce dérivé est CLUtus 
(Cf. grec : KAVxo;), qui est lui-même inusité, et qui ne se 
retrouve que combiné avec la préfixe in dans in-CLUrus, cé- 
lèbre, dont on entend beaucoup parler, que l'on trouve écrit 



SfiS Gbsre crier. ~ Ordrï P, T. K. 

inCLYtus (voir ce que nous avons dit de celte orthographe 
grécisëe, à propos de CLIens, dans la première partie de cet 
article, p. 260). On trouve aussi CLUis (adj. ) et son comparatif 
CLUior, ainsi que prae-CLUis (postérieur à Têpoque classi- 
que), avec le sens de noble^ tris-noble, très-iUustre^ ce der- 
nier mot forme sur prae-CLUcre, être très-célèbre^ que l'on 
trouve dans les auteurs de la décadence. 

Quant au sanskrit ÇLAdka, chant, renommée, il a son cor- 
respondant exact dans le latin (C)LÂUs, pour (C)LAUds (avec 
la chute du K), laudis, où le C est tombé, et qui signifie 
louanjf^, renom dont jouit Tbomme de mérite. 

De là sont issus LAUoare, célébrer, lou^r; — LAUDatio, ac- 
tion de \o\xer, \owange, panégyrique ; — LAUdabilis, digne 
d^ éloges, Xoxxable; — et LAUdabilitas, mérite el titre à la cour 
des empereurs d'Orient; — LAUdator, celui qui loue, loum- 
geur^ elc. 

LAUdare a donné en composition co/LAUdarc (cum=ujkM= 
fortement; voy. p. 135), lou^r beaucoup, faire un grand éloge; 
d'où coI-LAUdatio, action de louer beaucoup, col-LAUdator, 
celui qui lou^ beaucoup^ panégyriste, et co/-LAUdabilis, louable 
sous tous les rapports (ces deux derniers mois sont de la dé* 
cadence) ; — et d/-LAUdare, môme sens que le précédent, 
avec une nuance de diffusion de la louange (Cicéron, Att^ 
VI, II, 9). 

Dérivés secondaires. — GLOriator, celui qui se glori/î^; — 
LAUdabiliter, d'une manière digne d^éloges ; — LAUJatitius et 
LAUdativus, relatif à Véloge^hudatif; — LAUdatorius (basi- 
latin), de louatige, approbateur ; — LAUdatrix, celle qui loue, 
louangeuse; — LAUdicacnus (= l(iMdo-+- caetia), parasite, celui 
qui flatte pour se faire inviler à dîner (Pline, Ép.,JI, xiv) ; — 
LAUdidignus (Gloss.), digne d^éloges; — LAUdificare (Gloss.), 
louer, célébrer, elc. 

Dérivés romans. — Prov. : glorî (gloire); laouzar, (louer); — 



Tribu K. — Racine KBtJ. 269 

ital. : gloria, gloriare, glorificare; glorioso, etc.; inclito^^a; 
Iode, lodevole, lodativVy lodare, etc. ; — esp. etporl.: gloria, 
gloriarse, glori/îcar, gloriosOj etc. ; — espag. : indito; lau(/e, 
lau(/ar, hudatoria (éloge)j Idiudable (louable), etc.; — port. : 
indito; lonvor (louange), lonvar (louer), louvavel [louable), 
etc.; — roum. : data (gloire), a claftt (glorifier), chbit (glo- 
rieux), etc.; a loua, a houda; houda, Itaoudabil, elc. 

V. Cette racine kbv est très-importante pour l'histoire 
des noms propres; aussi nous y arrêterons-nous quelques 
instants. 

Nous avons vu, au commencement de cette étude, que les 
Slaves avaient un verbe slovu, retentir (pour c/ovu), d'où 
slovo, parole (cf. slav. eccles. sluti, écouter; lithuan. Klau- 
san) ; ce même verbe a encore pour frère le substantif slava, 
renommée, d'où slavinu, glorieux. Le nom de Slaves signifie 
donc les beaux parleurs ou les glorieux. Ces deux épithèles 
sont à peu près synonymes dans les langues indo-euro- 
péennes : quiconque parle bien est illustre; et une foule de 
racines signifient à la fois luire (être illustre) et parler; au 
contraire, l'épithète de bègues (Bdrlari = barbares), de 
muets (mlecha), et autres sont toujours donnés par les peu- 
ples aryaques à leurs voisins, c'est-à-dire à leurs ennemis. 
C'est ainsi que les Slaves appellent les Germains niemec, 
muets ; — mais les Germains se sont vengés ; ils firent sans 
doute aux Slaves une guerre acharnée et leur prirent un 
grand nombre de captifs, car Sklave (d'où esclave) exprime 
encore aujourd'hui l'idée d'un malheureux privé de sa li- 
berté. (Cf. plus bas, p. 273.) 

On retrouve encore le radical slav dans les noms de Bo- 
leslas, Vence«/fl«^etc. 

Chez les Grecs, la racine kbu a donné la suffixe -ILVH;, qui 
a. servi à former les noms si connus de Sophoclès, sage et 
illustre, — Aguthoclès, bon et i/h/^lre, — Thémistoclès, juste 



S70 Genre CRIER. — Ordre B, D, 6. 

et illustre j etc. Citons encore celui de CLIlus, le malheureux 
ami d^Âlexandre le Grand. — Chez les Indous sanskrils, 
la même racine a donné des noms propres analogues : 
PrthuÇAAvas, celui dont la gloire est grande; SatyaÇAAvas 
(= 'ExeoXAHç), celui dont la renommée est vraie, etc. 

Le nom latin de CLÂudius ne parait pas avoir d'autre si- 
gnification que le digne de louanges (la terminaison tus est, 
on le sait déjà, celle d'un participe futur passé), et est le 
frère de (C)LAus, LAUdis. 

Mais c'est surtout dans les idiomes germaniques que la 
racine kbv a laissé des dérivés noms propres, dont plusieurs 
sont entrés dans notre langue et dans nos mœurs avec la 
conquête des Francs. Ainsi, pour ne citer que deux noms, 
Hlutar et Hludovig^ c'est le vanté, le célèbre, letjlorieux (Hlu- 
tar =; Hlolhair = Clotaire et Luther; llludowig = lUodwig 
= Clodwig = Clovis= Lovis =: Louis). Ces noms sont deve- 
nus en latin CLOtarius etLOtharius, CLOdovicus et LUdovicus 
pour LOdovicus. 

4. Ordre B, D, G. 

Tribu B. 

15 

BU, BVIL 

■arier, beugler, aboyer 9 sonner de In trompette | parler. 

I. La forme simple bu redoublée a donné au latin le nom 
d'un oiseau de nuit, BUBo {chat huant, strlx bubo. Linn.) qui 
pousse le cri de bon-bon, ce qui lui fait donner encore au- 
jourd'hui par le vulgaire le nom de houppeur. Cette onoma- 
topée se retrouve, du reste, dans un grand nombre de 



Tribu B. — JIacine BU» BtJK. 271 

langues indo-européennes : BVa; (grec), bûf(B\ydh), bon (ar- 
mén.), hûh (persan), etc. 

De là un verbe BUBere, siffler , onomatopée qui imite le 
cri du bufor, appelé BUlio par l'auteur de la Philomèle (vers 
42), et le diminutif BUBUlare, hurler comme le hibou (Phi- 
lom.^ 37). 

Cette même forme simple se retrouve encore, mais celle 
fois avec le guna, dans le latin BAUBari, aboj/er, hurler j (gr. 
BArÇw) employé pour le cri ordinaire du chien, tandis que 
latrare (v. plus bas, p. 276) exprime Taboiement de cet 
animal lorsqu'il est excité ou tourmenté (cf. Lucrèce, V, 
1070). 

Nous trouvons encore en latin un BUteo, onis, espèce de 
faucon du vol duquel on tirait des augures, peut-être le même 
oiseau que le buss-aar des Allem. et le bussard ou la buse des 
Français. Mais ces deux mots n'ont avec BUteo qu'un pur 
rapport de forme. Leur étymologie est toute différente (voy. 
Zeitschr.y III, 55). 

Dérivés romaks. — Espag. : buho, hibou; roum : bûcha; 
— vieux fr. : bayer (Beauman.j XXXIX, 46) et ahtxier (ad-f- 
baier); — ilal. : ab-haiare. 

II. La forme bvk sert de radical au skr. fi[/£kami, qui 
signifie aboyer, /iur/er, rujftr, braire^ etc., et en général le 
verbe correspondant' au cri propre de chaque animal; c'est 
même le sens particulier du substantif dérivé fiC/Kkana, 
tandis que BI/Kkara s*emploie plus spécialement pour le 
rugissemefU du lioi) (cf. gaël. beu-caidh^ kymr. bu-chiawj beu- 
gler; erse, fretic, mugissement (des éléments); irland., fcdcun, 
crier, rugir; anc. slave, boucati^ mugir; russe, ftwcali, bour- 
donner; illyr., bukka, bruit; zend, 6û»a, etc.). — BUKk&mi 
veut aussi quelquefois dire je par/e, comme nous le verrons 
tout à Theure, au n"" III de notre étude. 



272 Genre CRIER. — Ordre B, D, G. 

Cette racine bvk, excessivement élastique, et exprimant, 
comme on vient de le voir, toute espèce de cri ou même de 
bruit, a donné au latin BUCcina, trompeMe (celle au moyen 
de laqudle on produit du son, on fait du bruit). — Cf. le 
grecBTKavï;, ^, trompette; BÏKavtÇw, BVcraw, sonner d'un in- 
strument ; BrÇw, BïÇo), crier y etc. 

BUCcina, qui d abord exprimait toute espèce de trompette, 
droite ou recourbée^ a fini par se prendre particulièrement 
dans le second sens, tandis que tuba gardait le premier^ 

De ce substantif sont venus un verbe BUCcinare, sonner de 
la trompette; un adjectif, BUCcinator, celui qui sonne delà 
trompette^ etc. 

Dérivés romans. — Dans le vieux français, un bncdnateur 
était un louangeur (voir Dict. tje Litlré, à ce mot). — En ita- 
lien, aujourd'hui, le même mot (bucciim/ore, de bucrma, 
trompette, qui se retrouve tel quel dans celte langue) est 
pris dans un sens péjoratif, et signifie médisant. — Espagnol: 
bocmff. 

m. Avec le sens de parler (skr. fil/KK, BUKk^mi) la racine 
BUK a donné au latin BUCca, la joue^ celle qui fait du bruit, 
qui parle (cf. plus haut le diminutif BUCcina.) BUCca dé- 
signe donc la joue interne, au lieu degenae (les recourbées, 
rac. «A, courber, fléchir, voy. la classe PRESSER), qui dé- 
signe la face externe du visage, les joues. La joue interne et 
la bouche étant une seule et même chose, de BUCca est venu 
bouche au sens français actuel. BUCca a un diminutif BUC- 
cula, petite bouche, d'où BUCculentus, qui a les joues enflées 
(par le souffle nécessaire à la production du son). — BUCcea, 
ce qu^on met dans la bpuche, honchée, etc. 



* Quelques auteurs (cf. Zeitschrip, XI, 278) ont cru que BUCcina devait 
s'écrire primiiivement bov-i^ina, et se rattacher par conséquent à la racine 
CSU [v. plus loin) ; mais les ino& grecs BOt^u, BO;<u, etc., crier, nous semblent 
devoir faire tranclier la question en faveur du sens simple de bruire. 



Tribu B. — Racihe BABBAB, BALBAL, etc. 373 

Enfin nous trouvons un substantif BUCco, très-rarement 
^nployé dans le sens de bavard, babillardj hâbleur, d'où sot, 
impertinent. 

Dériyés romaiis. — Vieux franc. : bnche, hoche ; — proy. et 
espagn. : hoca; — ital. et port. : bocca; — roum. : huxa, bu- 
leze (les lèvres). 

rV. Citons, pour finir, — et quoiqu'il n'ait pas une origine 
latine, — le mot français bouc (irl. : boc, kymr. : bwch, armo* 
rie. : buch, ail. : bock), qui parait n'être qu'une onomatopée. 
(Pictet, I, 366.) 

Dérivés rosians. — Prov. et Mrallon: fro, boc; — ital. : becco. 

46 
BARBAR, BAIiBAIi ou BAMBAIi 

I. Les travaux de MH. Lassen (Ind. Alt., t. I, p. 855), 
Kuhn (Zeitsch. f. v. Sprf., I, 382) et Adolphe Pictet (Ori- 
gvies indo-européennes, I, p. 55 et seq.) ont établi d*une 
manière irréfutable le sens de bégaiement contenu dans le 
latin BÂRBÂRu-s, grec BÀPBAP-oç, sanskr. J3ARBARa-s ou 
YARVAR^'S. Dans ces trois langues et dans une foule d'au- 
tres idiomes indo-^européens qu'il nous serait facile de citer 
d'après les savants que nous venons de nommer, le barbare, 
c'est celui qui parle mal, ou qui parle une autre langue, 
ce qui, chez les peuples primitifs, revient absolument au 
même (cf. racine mbij, n"" 14; v. p. 269); chez ces peuples, 
Tégoïsme de l'orgueil national est porté au plus haut point. 
Eux s'appellent les nobles (Aryas), les libres (Francs), les 
Ulustres (Slaves), les bons (Gotbs), etc. ; et à leurs voisins, 
ils donnent habituellement un nom de mépris tiré de l'idée 
de mal parler (cf. parler en faisant des barbarùmes (latin 

18 



S7i Gbhrk crier. — Ordre B, D, 6. 

BABBABismus; grec: BAPBAPt(jji.a;) : ce sont les muets (nie- 
mec), nom donné par les Slaves aux Allemands; les mauvm 
diseurs (vwlach), nom par lequel les mêmes peuples désignent 
lesYalaques, lesbredouilleurs (mléc'c'ha) appellation imposée 
par les Indiens sanskrits à tous les peuples qui leur étaient 
étrangers; et enfin, et surtout, avec la même signification,, 
les barbares. Homère et Strabon appellent les Carions, à 
cause de leur mauvaise prononciation du grec, Pun ^opfa- 
p6p<Dvot (If. II, 867), Tautre ^pSap^YXbxraot, hacrhare-loquetUes; 
Hérodote (2, 158) dit : ^ap^pouç lï %inxç ol AiYÙxctoi xoXédusi 
T9ÙÇ (JL^ 9^1 6(ACYX(i^i7(7s*jç ; oufin, au quatorzième siècle de notre 
ère, Oresme (cité par M. Littré, Dictionn.) appelle encore 
barbares « tous ceulz qui sont de estrange langue » {Thèse 
de Meunier). 

Ce mot de barbare est devenu le synonyme d*é(ranger, 
puis d'homme'inculte, et enfin, d'homme cruel, parce que 
i'homme qui, par Téducation, n'a pas adouci les mauvais 
instincts de sa nature, commettra souvent des crimes dont 
il ne comprendra pas toute la noirceur. — Pour cette généalo- 
gie d'idée, comparez le mot sauvage (silvaticum) qui, du sens 
d'homme habitant les bois, en est venu à celui d'homme 
brutal, et enfin d'homme sanguinaire. 

Au sens à*homme inculte^ d'où imbéede, bûche^ lourdaud^ 
9e latin a conservé un BABo (quelquefois BAAosus. — Cf. 
TABo et VABBo), qui se trouve quatre fois dans Cicéron. 
BABo signifie aussi goujat d'année. 

Parmi les mots issus de BABBABus, nous citerons BAB- 
BABia et BABBABies, barbarie, et BABBABIcus, qm a traU 
aux barbares. 

Dérivés romans. — Vieux français etprovenc: barbari, — rie; 

— itai.: barbaro, barbarie; — esp. : barbaro, barbaridad; 

— port.]: barbaro, barbartdade; — roum. : barbar, barbarie. 
II. Le latin BALBus, contracté de BALBALus, exprime 



Tribu B. Racine BALa, BLA. 27S 

ridée d*un homme qui balbulte, qui bégaie. Balbutier est 
issu de BALButire, qui vient lui-même de BALBus ; ce verbe 
signifie quelquefois, en parlant des oiseaux, gazouiller; il a 
pour frère le grec BAMBAAb), je hsXhutie] BAMBAAo;, b; 
BAMBAAiÇcd ; — BAMBACvo), je bégaie. — Cf. encore le polo- 
nais blekot, bègue, blekotacf^ bégayer ; — le slavon blekotatij 
bégayer; — le russe blekotschaty même sens, etc. 

BAMBAAci) a un correspondant nominal très-direct dans h 
latin BAMBALio, homme simple^ mais (cf. BARo). 

Dérivés rouans. — Ital.: bambo, d'où le diminut. bambîno 
= franc, bambin ; et bamboccio, bamboccia^a = franc, bam- 
hoehe et bambocher, celui qui fait des enfantillages ^ des bam- 
bochas; bamhochade; — esp. : bambocAe, hdunhochada; — 
port. : bambocfta(Ia^ 

Vieux franc.: bouboy^r; — ital.: balbo et halbuzzire, bègue 
et balbttlt^; — esp. : balbuc^cta, bégaiement et balbtirîr^; 
— port. : balbttci^ et balbuctar. 

17 

CMcr» MIer, aboyer. 

I. Cette racine qui a donné au tudesque blazan^ et à Tallc- 
mand beUen^ blaken^ blassenj*Bu slav. ecclés. ble-ja^ etc. *, se 
retrouve dans le latin BALAre, bêl^, employé par plaisanterie 
dans Varron {de Re R. 2, 3, 1), avec le sens de parler comme 
une brebis. Ce verbe signifie au fig. parler sottement ^ dire des 

* Parmi les dérhés romans de RÀLDus, nous citerons encore Tanc. franc, 
baubtf, au sens de-àêçuCt qui, en prenant l'orthographe bobN et bob^, a signi- 
fié nittiit nigaud, — Cf. pour le sens BARo ; pour la forme et le sens: esp. et 
port. : bobo; sarde: boTV. — Delà Tacyectif bobifiatrtf, sot, siupide, employé 
par CaWin {Inst, 484). 

' Cf. encore l'anglo-sax. : bellan; le nord. : boita ; le kymr. : ballawi 
lithnan. : b^tUe^ etc ; tous ces mots ayant le sens de crier ou parler. 



976 Gbmkb crier. - Ordkb B, D, G. 

absurdités j et c^est peut-être de lui qu'est dérivé le mot 
BALAtro, farceur, bon vivant, hâbleury baladin, ce que nous 
appelons aujourd'hui paillasse. Cf. le grec BAHxis(A« et 
BAHxv]» ^9 bêlement, dont le correspondant latin est BALaIus, 
que l'on applique non-seulement au cri de la brebis, mais 
encore à celui de la chèvre. — On trouve dans Varron une 
forme accessoire BELAre, d'où est peut-être venue la forme 
française bél^, ainsi que l'italien belare. L'espagnol et le 
portugais balar se rapproche plus de BALAre ^ 

IL La forme BLA se retrouve dans le latin BLAtire, dire, . 
bavarder, radoter (mot de Plante), d'où le fréquentatif BLA- 
terare, bavardet\ babiller. Ce mot a fini par signiGer aussi 
parler trop souvent, radoter, dire des bitises (Hor. Satirx, II, 
VII, 35), et de là est venu BLAtcro,|frav£ird, babillard (cf. baro, 
p. 274; et le grec BAAÇ ). 

BLAlerare se dit aussi du cri des grenouilles et des cha- 
meaux, et l'auteur de la Philomèle (vers 56) emploie un mot 
BLActerare (ou BLAterare, que Marolles traduit par hXdittérer) 
pour exprimer le cri du bélier; nous citons ce vers qui réunit 
les deux mots principaux de cette racine : 

BLÂcterat hinc ânes et pia BALat ovifT. 

LAtrare pour LAterare (on trouve encore dans Varron la- 
tero pour latro, le voleur; voir Ch. Nodier, Onomat. fr., 
p. 364), avec le sens d^aboyer violemment (opposé à baubari, 
cf. plus haut, p. 271), semble n'être qu'une forme apocopée 
de BLAterare qui, dans Martianus Capella (ap. Ch. Nodier, 
loc. cU,, ibid.), se trouve avec le sens à*aboyer*. 

* Il nous semble intéressant de rappeler ici le ^t^^io imitatif d'Aristophane» 
qui gêne tant les défenseurs de ia prononciation des Grecs modernes. En effet, 
prétendre que !> se prononçait par les anciens c, c'est Touloir dire que le ai 
des brebis était à cet époque ^t^c. Oserait-on soutenir cette hypothèse?— Ajoutez 
que les Grecs modernes prononcent leur B comme notre Y et disent VivL 

* Nous avions d'abord cru voir dans LAtrare une forme mutilée de GLA- 
trarc devant être placée a c6té de CLAmare. Dans ce système que nous avions 



Tribo B. — Racire B^, etc. 277 

LAti*are a donné un substantif LAtratus, aboiement; — 
LAtrator, aboyeur et (au fig.) criailleurj braillard; — LAtra* 
bilis, qm aboie ou qui a coutume d^ aboyer; — et de plus un 
composé al-LA-trare, aboyer contre qudquun. 

Dérivés romans. — Franc. : déhhtérer. 

If al. : la/rare (aboyer) ^ htrato {aboiement) , htratore 
(aboyeur); — esp. et port. : ladrar, hdrado el ladrîrfo, 
hdrador; — roum, : a la(ra, htrare, latrator. 



18 



BR, BHR, BABR, BABHR, BRIE, 



Bonrdioaacry teuire» frémir. 



I. Le grec BPOntîj ( = BPOm + -hî, <j ) tonnerre .{cf. le 
skr. redoublé BABHR^ foudre d'Indra) a été transcrit dans 
le latin BROnte, employé par Pline pour le tonnerre person- - 
nifii. C'est aussi le nom d'un des chevaux du Soleil, et Jupiter, 
dans certaines inscriptions (Grut. Inscr. 34, 5 — ibid.^ 17, 
12), s'appelle Deus BRO^tons, le Dieu tonnant. 

Le vent du nord s'est appelé BOPia;, BOP^Sç, Ror^e, tran- 
scrit tel quel dans le latin BOReas, d*où les adj. BORius, 
BOReus, et BORealis, horéal, du nordj et hyperBOReus, 
hyperBOReanus, hyperhoréen^ de V extrême Nord. 

La forme diminutive bbbbb a donné BHiinBH devenu 



du reste emprunté à II. Ebel (ZeiUchr., IT, 310), LAtrare serait pour CLAcitare. 
Hais ou est alors obligé de s'appuyer pour expliquer le c de LAcitrare, sur 
des formes grecques et slaves qai appartiennent évidemment à la rac. RA, 
MJk, Taphérèse du K étant inconnue aux Grecs et aux Slaves. Reste donc CLA- 
trare auquel pour les raisons exposées plus haut, nous préférons de beaucoup 
BLAtrare. -^ H est bien entendu qu'en tout état de cause, Texplication de 
LAmentum que M. Ebel fait venir de LAcimentum, est pour nous inadmissible^ 
Cf. plus haut, !•. 258 



S78 Genre CRIER. — Ordre B, 0, G. 

BB/iffiyp (skr. BAMBHA, mouche j et BAMBHAraj abeille; 
bengali : bhèmra^ abeille, etc. — Cr. muscay la murmuratUe, 
rac. nu). — De cette forme ■■iw est issu un vieux verbe 
latin BOMbîo, cité dans un ancien glossaire (cF. gr. BOMBén)); 
ce BOMsire a été le père d'un dimin. BOMsitare, bourdonner 
(en parlant des abeilles), d'où sont venus un BOMsitator, 
celui qui bourdoime^ Tinsecte bourdonnant, Yabeille ; et un 
ancien BOMBilalio qui est, dit Festus, p. 25, c sonus apium 
ab ipso sonitu dictus, ut mugitus boum, hinnitus equorum.» 
On trouve aussi dans le même sens BOMsizatio. — Le mot 
le plus primitif de celte racine, celui qui sans doute a formé 
'Tancien verbe BOMsio, est le substantif BOMbus (gr. BOMBcç) 
qui signifie toute espèce de bourdonnement^ et particulière- 
ment celui des abeilles. — Cf. kymr. bwmbwrj bruit sourd; 
scandin. bumba^ tambour, etc. 

Ennius l'emploie au sens de bruit fait avec les pieds: 
BOMau'pedum (Afin., 8, 5, i) ; dans un sens figuré, il exprime 
un bourdonnement d'approbation^ acclamations. Enfin, à une 
époque plus moderne, on le prend non plus pour le bruit 
lui-même, mais pour la chose qui produit ce bruit, et bombe 
sert à désigner le projectile creux lancé par un mortier et 
destiné à éclater. Comme la bombe est ronde, de là est 
venu l'idée d^être bombé^ convexe, ou de rendre bombé. 

Tous ces mots, malgré la rigoureuse et presque générale 
concordance des vocables grecs correspondants, ne me sem- 
blent pas être le résultat d'emprunts. Dans tous les cas, ils 
sont employés par les plus anciens auteurs italiques ; et, 
comme les onomatopées sont les mois les plus primitifs et 
dont la forme a dâ être la mieux conservée, puisque cette 
forme était nécessaire au sens même du mot et que le vul- 
gaire n'a jamais oublié cette signification onomatopéique 
qui frappait si bien ses sens, j'aime mieux voir dans BOM- 
bus, BOMBio, etc., des mots pélasgiques primitifs également 



Te:io B. -• Racike UU. etc. ^19 

bien conservés dans les deux branches sœurs lielléno-pëlas- 
gique et latino-pélasgique. (Voyez ce que nous disons de la 
langue commune pélasgique, liv. I, p. 21 et suiv.) 

11 n'en est pas de même des formes suivantes évidemment 
empruntées au grec : BOMnax (BOMBdÇ) expression à' admira-- 
ration que Ton trouve dans Piaule, et BOMByx (BOMBu^) qui 
primitivement a signifié tout insecte bourdonnantj et qui a 
fini par désigner particulièrement le ver à soie^ en tant que 
pajnllon. 

Dérivés rosiaks. — Prov. : boumba, bombe; boumbflrc/Wo^ 
eannonière; bombado, convexe^ clc. ; — ital. : rombo, pour 
brombo, frémissement j brmt sourd; — ital., esp., port, et rou- 
main : bomba = bombe ; — bas lai in : bomborJa, d'où ital. y. 
esp., port et roum. : bombarda qui a formé les verbes bom- 
hardare (ital.), bombardar et bomhardear (esp. et port.)* 
et a bombarda (roumain) = bombarder. — Espag. : bombo^ 
grosse caisse j etc., etc. 

On trouve dans Venantius Fortunalus, poète du sixième 
siècle, un adjectif BOMaicus au sens de qui fait du bruit , fas* 
tueuXj et Diez [Etym. Wôri, der rom. Sprach,^ Bonn, 1861, 1,. 
74) rapproche ce mot du prov. bobaasa, ostentation^ magni- 
ficence y et y voit roriginc de noire expression bombaiir^ 
(ital.:bomban2â;bourguig.: bôbance; normand: bobaii, etc.)* 
qui, ayant d'abord signifié fastey orgueil^ s*est enfin indivi- 
dualisé au sens de grand repaSy festin qui fait du bruity dont 
on parle. ^— Faire bombance n'aurait-il pas d'abord signifié 
primitiviment et simplement faire un festin bruyant ? 

IL Mais le dérivé latin le plus important de cette racine 
mmfL par Tintensif bbi^h, c'est le verbe (TŒsiere, FREmo,. 
frémir, «'a^i/er avec bruissement . Nous avons déjà fait remar- 
quer que les radicaux aryaques commençant par une con- 
sonne aspirée, devenaient presque toujours en latin F, la 
consonne initiale tombant et l'aspirée seule (II =F) dcmeu- 



S80 Gbmkb crier. — Okdkb B, D, G. 

rant (voir plus haut, p. 88.) C'est ainsi que anM, guné en 
skr. en BHHAMy a donné FREmo, grec : BPEmiii et 4»Pi9oiii, 
frémir. 

FREnere, gronder^ rugir, frémir, et activement, murmunerj 
faire entendre avec frëmissementy dire, appeler^ crier d, a 
donné FREifor, (vieux franc, fremur), murmurey frèmsse- 
menty et FREmiIus, plus employé en prose, avec les mêmes 
sens. — Cf. BHRAmara, grosse aheUle noire, etc. 

Le latin offre encore FREtum pour FREHtum, la rugissante, 
la murmurante, la mer, etc. — Avec FREiiere, cf. anglo-saxon : 
breman; mhall.: brimme, ahall.: preman; ail. mod.: brum-^ 
men; lett. : brambeht; irland.: bramaim; kymr.: branm, etc., 
au sens de bruire, bourdonner, etc. 

En composition avec DE = dma, faire, FRËiœre a donné 
FRENDEre=FREM-h DEre. Bruire, bourdonner, mâcher, grin-^ 
cer des dents et (au moral) sHndigner, voilà les principaux 
sens de FRENoEre, qui a donné un inchoatif FRENdesco, 
FRENdeo, et FRENDor, grincement des dents (postérieur à 
Tép. classique). 

Dérivés hoirs importants. — In-FREMcre (poét.) = gronder 
contre, murmurer; — In-FRENoEre (poéL) = grincer; — In- 
FRENdis (poét.) =qui ne peut grincer des dents, etc. 

Dérivés romans. — Vieux français : freindr^ (cf. geindre de 
gemere) ; fremifr ; — franc., prov. et port. : frémir; — ital.: 
fremer^ ou frémira. 

III. Par une formation analogue à celle de FREuere et 
FRENoere, le dimin. lat. FRINgiUa (qui s'écrit aussi FRIgilla 
et FRINguilla), pinson (le bourdonnant), se rapproche direc- 
tement du skr. BHRNg'à, MRiVgaka, qui désigne deux sortes 
de petits oiseaux (Lanius coerulescens et malabaricus) et de 
plus le bourdon. — Cf. armor.; frwgol = frelon; fringoli=^ 
Ivedonner. 



Tribu G. - Rictit CU. 281 

A cAtë de FRINgilla, nous pouvons encore citer le verbft 
FRIgere, crier^ vagif\ d'où une forme allongée FRIgutire (qui 
s'écrit aussi FRIguttire, FRlNgutire, nilguUire et FRINgul- 
tire) diatUeTj murmurer et bredotàller. — L'auteur de la Phi'- 
lamèle (vers 28) emploie FRIgulare pour exprimer le cri du 
geai; d'où jacasser ^ etc. 



5. Ordre B, D, G- 

Tribu G. 



19 

Crl«r9 reteatlTy gémir. 

I. Un des noms du bœuf et de la vache, est dans tous les 
idiomes indo-européens, synonyme du beuglant^ de la mu" 
gissatUe^ etc. 

La forme simple «ij se retrouve dans quelques composés 
védiques : çalaCl/, qui a cent vaches ; aC(f, pauvre j qui n^a 
pas de vacheSy etc. — Le sanskrit classique a guné son verbe 
GU, résonner y faire entendre y et a formé ainsi un thème 
CAFa-s, devenu par contraction GAVs = bœufj vache. 

GAUs se retrouve exactement (avec changement de G en B) 
dans le grec ROÏç et le latin BOs, génit. BOVis. 

Les langues celtiques sont les seules qui aient opéré le 
même changement que les langues classiques de G en B : 
irl. : bo; kymr. : bu; armor. : bû; corn.: frucA == vache. 
L'irlandais a cependant conservé le 6 dans gabhium = veau. 
A ces langues, nous ajouterons cependant encore l'annamite 



Î9i Gsniii CRIER. •- Okdrb B, D, G. 

bo^j dérivé sans doute du sanskr. GO ((lième contracté de 
GAVdiS=GAUs). 

Toutes les autres langues indo-européennes ont conservé 
le 6 primitif; ainsi nous trouvons : 

Dans les langues iraniennes : zend : gaô (gén. geiis) ; perr 
san: gdj gaw^ gawt; boukhar. : gaô; kurde: gha^ ghai; 
afghan: guai; armén. : kov ou gov = vache. 

Dans les langues germaniques: ahall. : chuo; ail. : Kuh; 
anglo-sax. : cû ; angl. : eott;= vache. 

Dans les langues slaves : anc. si. : goviado; slav. ecclés. : 
govedo =^hœu{; russe: goWarfina =: viande de bœuf, etc.; 
jilh. : gauja ( = skr. CAFj/d)= troupeau (de toute espèce 
d'animaux, mais primitivement de bœufs ou de vaches) ; 
lettiq. : gdws = vache, etc. 

C'est l'accusatif latin BOVem (cf. BOFa) qui a donné le 
français bœuf = bœuv (cf. p. 78) guné de BOY(em). Ce 
même mot BOs, contracté pour BOYis, a donné BOVinus et 
BOVillus, relatif à Vespèce bovine. 

Au sens simple de crier, hurler^ nous retrouvons encore 
la forme gunée dans le latin BOare ou BOVare « clamore 
BOVantes », ap. Ennius (Annal. , p. 571 ) crier , retentir 
( grec BOFau) , je crie ; BOFt; , cri , d'où BOF^j-eeiv , venir 
anx criSy secourir, etc.); d'où le composé re-BOare, remire le 
son, raisonnei^ retetitir, et aussi dans BOVinari, faire du ta- 
page, crier, injurier^ d'où BOVinator, qui dit des injures^ 
insulteur^ etc. (cf. lith. : gauti, crier, hurler ; ail. : gubha, 
lamentation ; gabh, chant ; kymr. : gwb, cri ; gubain, hurler; 
slav. ecclés.: gov-oru, bruit, tumulte, etc.). 

* Cf. le siamois tKW, vuv, vu = vache ; kivai =■ buffle. Divers dialectes diinois 
ont aussi : ngow^ gu, gu, gui [Klaproth, Am polygl,^ p. 370). c A moins que 
ces mots ne soient également des onomatopées, il semblerait d'après cela que 
l'animal a été iairoduit en Chine, soit de Tlnde, soit, plus probablement, delà 
portion de l'Asie centrale occupée par les races aryennes. » Pictet, orig» indu- 
européenneif I» 353. 



Tribv g. — Racinb «ci. 285 

Citons encore BOscis, idis (grec : BOirxaç), sorte de canard 
criard j et nous en aurons fini avec la forme gunée BOs = 
BAUs = GAUs. 

La forme simple BU s'est conservée dans BUculus (d'où 
bougie dans le patois de Lille ^), jeune bœuf^ bouvillon et son 
fém. BUcula; d'où BUcolicus, champêtre, hncolique, et dans 
le redoublé BUBUlus, ou BUBUIinus, relatif au gros bétail^ 
au bœuf et à la vache, à^oix BUBUlcus, pâtre^ bouvier, gardien 
de bétail, qui lui-même a formé BUBUicitare, garder le bé- 
tail, {aire le métier de bouvier. 

Le mot BUBalus (cf. skr. CAFAla=bœuf sauvage; ossëte : 
gal= bœuf; et grec BOrBaXo<;) désigne le hxxhale, espèce de 
bœuf ou de gazelle d'Afrique; ce mot a formé Tadj. BUBa- 
linus. 

Le chat-'huant s'appelait chez les romains BUbo, de la 
forme redoublée BUb, et à côté de ce mot, on trouve le verbe 
BUBcre, siffler, surtout en parlant de certains oiseaux tels 
que le bu^or qui, en latin, se disait BUteo, onis. — Cf. Br^, 
b, grand-duc; skr.^GflC/kas, chouette (chouca);GHC/kàri, cor- 
neille. 

Débivés Moufs mpoBTAKTs. — BOa ou BOVa, espèce de serpetit 
d^eau qui aime à sucer le lait des vaches, rougeole (maladie 
qu'on guérissait avec de la bouse de vache), etc. ; — BOVa- 
tim, à la manière des bœufs; — BUsile ou BUBilis, BOVilia, 
BOstar (grec: BOroraawv), étable à bœufs; — BUsulcarius, 
BUBsequa (post. àl'ép. class.) bouvier;— BUbuIcus, celui qui 
laboure avec des bœufs; — BUtyrum (grec: BOÏTupov), fro- 
mage (vjpàq) devache, beurre (prov.: buire; ital.: burro,etc.)* 

Dérivés boiurs. — Vieux franc. : buef, au plur. bués\ — 
prov. : bov, buou (bœuf) ; bouaillo (troupeau de bœufs; 
boyer (patois berrichon: boyer) boveir, bovier,-— ilal.: bue,. 

• D'après M. Littré (Dic/.), beugler, d'où beuglement, viendrait de BUculus. 



d84 Gerbe CRIED. -^ Obdrb B, D. G. 

bov^ (bœuf) ; boaro (bouvi^*) ; hoato (brtiifj beuglement) ; 
hovile (étable); — vieil esp. : boy (bœu/^ ; -=- espag. mod.: 
buey ; boy^o; hoato {acdamation^i'où chose qui mérite ac- 
clamation, /ii«(d, etc.); — port.: boi, boieîro; hoato {bruit); 
hoag (instrum. de musique) ; — roum. : bou, hoariôu. 

II. Le c primitif de ce s'est conservé en latin dans deux 
mois qu'il nous faut citer : 

C'est d'abord GAVia (avec guna de csv), sorte d'oiseau de 
mer que Ton croit être la mouette dont tout le monde connaît 
la voix forte et désagréable. 

Nous avons ensuite GVesu devenu Vesu et enfin Yeru, la 
criarde, la brochej qui en tournant rend un son aigu et 
plaintif, d'où pique et haie piquante, etc. 

Dérivés moins importants. — Veruculum, petite bioche ou 
petite pique; — Yeruculatus, qui a une petite pique; — Veru- 
tum, pique, dard, javelot; — Verutus, armé d^un javelot; — 
Veruina, javeline, piques ; etc. 

Dérivés romans. — Prov. : yarranoun {vrille^ foret); — ital.: 
\eretta et \erettone, (espèce de dard court et pointu) ; \errina 
(laceret) ; yerrinare {percer, trouer) ; — port. : serrusma 
{vrille); \errumao (vilebrequin et insecte qui perce le bois); 
yenmmar (percer avec une vrille). 

ni. Une forme peut-être empruntée aux Germains est celle 
de CE Va, petite race de vaches (Columelle, 6, 24, 5). — Cf. 
ail. : Kuh, vache ; — bas-ail. : Keve, — angl. : cow =\Bche ; 
— alban.: fcà = bœuf; — armén.- kov= vache, cic. 

20 

OHIJ 

Eatcadre* 

Le sanskr. a deux verbes GHUr et GHVS au sens de faire 
du bruit, résonner fortement. Le latin IlEUs (poétiq. pour 



Tribu G. — Racine CSHV. 285 

HEUse; cf. die=dice), ettteiulSj écoute (pour GHEUse) est la 
forme qui rappelle le mieux le désidéra tifskr. GHUS. 

Le participe présent (aryaq.etskr.) guné CffAl/sat,au sens 
de Fentendant^ devenu G£fA(/sa, Yoreillej est représenté en 
grec, avec aphérèse de GH, par AïcaT (=Û<yaT=ÛafltT; = 
ûaaç=Û(a)a<; ; gén. Û(a)aTO(;), ['oreille. On voit que cette forme 
est très-gâtée comme le sont en général les mots d^un em* 
ploi de tous les instants. 

Le latin a AUsis pour (GH)AUsi$ (= (GH)AUsil = (6H)AU- 
sat), puis AUris, l'oreille. — Cf. lithuan. ausis (fém.) ; goth. 
{h)auso ; slav. ecclés. ucho (plur. uszi)^ car le thème esclavon 
est uszes pour un ancien uses = uset = usât. — AUris a 
donné AUritus, qui a des oreilles; AUriluIus, animal aux Ion- 
gtics oreillesj Vâne^ lé lièvre ; AUrieula, oreilles^ d'où^AUricu- 
laris et AUricularius, relatif aux oreilles^ auriculaire ; mais 
son dérivé le plus important est AUsiculito devenu AUsculto 
(cf. coeculto pour coeculito de coeciis)^ f écoute avec attention 
et dans un sens médical, ydiusculte. Ausculter quelqu'un, 
dans notre langue médicale actuelle, c est écouter avec at- 
tention la respiration d'un malade, afin de saisir les indices 
qui pourront amener à découvrir le siège intérieur de son 
mal; mais chez les Latins, AUscultare exprimait tout simple- 
ment ridée à*écotitei' attentivement ^ d'où obéir à quel- 
qu'un. D' AUscultare sont venus AUscullatio, action d'écouter j 
auscultation; AUscultator, audtf^ur et AUsculalus, action dV- 
couter. 

C'est aussi AUscultare qui a donné l'italien ascoltare^y 
et les formes françaises : escolter, escouter, et enfin écouler. 

Un même mode de formation qui a donné AUsis corres- 
pondant de GflAI/sat avec aphérèse de GH a donné aussi 

* < Caper, grammairien latin, remarque qu'il ne faut point prononcer ai 
euliare, ce qui prouve que cette prononciation était populaire » (Litli'é, Dr'c/., 
t. écouter). Cf. plus loin, les dérivés romans. 



386 Gkrkb crier. — Ubdrb B, D, G. 

AUdire, entendre^ percevoir (da ou wê) par Vouie ; écouter 
quelqu'un, lui obéir. On retrouve ce dernier sens dans le 
composé ob-AUdire, devenu ob-Edire, ofrëîr,d*où ob^Edientia, 
obéissance et obédience^ etc. (cf. pour le sens xXueiv et xXûOi, 
page 260). AUdire a donné directement AUdientia, adion 
d' écouter j audience; AUditio, action d'entendre^ audition; AU- 
ditor, celui qiU écoute ou qui entend, auditeur, etc. 

AUdire, combiné avec les prépositions ex- et m (cf. p. 134 
et 132) a formé deux séries de mots assez importants pour 
que nous devions nous en occuper ici : ex- AUdire, qui signi- 
fie absolument entendre, distinguer de loin un brmt, a pris 
plus tard le sens simple A^entendre, comprendre, puis écou- 
ter, exaucer ; — quant k in-AUdire, il signifie entendre de- 
dans, c'est-à-dire s'assimiler une nouvelle, apprendre qudque 
chose ; de là in-AUditus, non connu, étrange, inout, etc. 

En généralisant le sens à^oreUle, AUris en est venu à 
désigner les deux côtés de la tête, de même que os, la bouche 
externe, a signifié fout le visage, et que genae, la bouche 
interne, la cavité des joues, en est venu à exprimer Tidée de 
toute la figure, sauf les yeux, le nez et la bouche. Ce sens 
d'AUris ne nous a pas été conservé directement ; nous le re- 
trouvons seulement dans le substantif AUrea, bride de chevaux. 

En efTet, Festus (p. 22) nous dit : « AUreas dicebant frê- 
nes, quibus equorum AUres religantur. » Le seul sens pos- 
sible ici pour AUres, c'est côté du visage et non or^e. Dans 
quel pays et à quel époque les freins des chevaux étaient- 
ils attachés à leurs oreilles? Frein n'esl-il pas synonyme de 
mors^ et mors ne signifie-t-il pas le mordu f Celui qui tient 
les rênes et qui par conséquent dirige le frein du cheval 
s'appelle AUriga (anciennement AUreax, de AUrem-agere), 
plus tard AUrigafius et AUrigator, ce dernier dérivé de AUri- 
gatus, parf. de AUrigare, conduire les rênes; d'où aussi AUri«* 
gatio, odîon de conduire. 



Tribu G. — Racihe Q^. 387 

• 

Dérivés moins importants. — In-AUres, pendants d'oreitte;-^ 
in-AUrire, faire entendre à un sourd (post. à Tép. class.) ; — 
in-AUrilus, sans oreilles; — AUditiuncula et in-AUdiliunculai 
petite leçon; — AUditorium, salle d* audience ^ finditoire; — 
AUditorialis,. relatif à VBMditoire; — ex-AUdibilis, digne d^être 
exBneé; — ex-AUdilio, acfio» dVxaucer; — ex-AUditor, c^/ui 
qui exauce; — in-AUdibilis, qu'ion ne peut entendre. 

Dérivés romans. — ^Prov.: oonreillo {oreille) ; oousi (entendre; 
V. franc, ouïr) ; escolar, escoutar (ècoutei^) ; — ital., esp., 
port. : orecchiOj orecchia; oreja; orelha (oreille) ; ndire; oir; 
cnvir (entendre) ; obbedire^ ubbidire ; obedecer ; obedecer 
(obéir) ; aseoltare ; escuchar; escutar (escouter, écouterl; — 
roum. : audul (oreille) ; a audi (entendre); ausculta (écouter y 
snseulter, obéir , exaucer) ; — selon M. Littré (Dict.), ce dernier 
mol (^auc^), est le même qn*exhausser : a exaucer quel- 
qu'un^ c est le porter en haut, de manière que sa prière soit 
•entendue des puissances supérieures, et, par catachrèse, on 
4il exaucer une prière. x> Nous aimons bien mieux voir dans 
^:e mot un produit direct d'ex-AUdire, et Titalien es-audire 
(exaucer) conûrme notre hypothèse. — Cf. encore le portug. 
outrtr (entendre et exaucer) . 

21 
fil» 

(GER, GEL, GRI, GRU) 

Crier 9 «uiOBCcr. 



L Le sanskr. a GRnati, G/Anali, G/Aati, il crie, il annonce; 
CAIQati, il retentit; GARhayati, il blâme, injurie, etc. A c6tè 
de GJAa, G/A, voix, parole, langage, le grec a THPu;, {), la 
voix (d'où rHPuctf). — Cf. zend. : gar, gère, chanter; garu^ 



S88 Gbrrs crier. — Ordre B, D, G. 

chanteur; — russ. ; ji'fli, la voix ; golka^ bruit ; — irl. : gair^ 
la voix; gairim, goihiftj crier; galatty bruit, etc. ; — lith. : 
gyrusj voix; garsas, bruit; garsus^ haut, éclatant, sonore; 
gla-gol'Uij parler ; — ahalL : kirruj crécelle ; quiruy gémir ; 
chardn et ehall/hi^ crier ; — scaud. : kalla, kymr. jfaUic^ ; — 
angl. : cally appeler, épier; etc., etc. 

Quant au latin, il possède un verbe GARrire, faire dubnàtj 
bavarder^ jaser y babiller j chanter^ d'où GARritor, bavard, ba- 
billard, et surtout le diminut. d'un GARrus inusité, GARru- 
lus, loquace, verbeux, et en parlant des animaux brtiyant, 
babillard. De GARrulus (d'où GARrulitas=: /o^uacil^, ba- 
vardage), on peut rapprocher le nom du geai, GRAculus, 
dont le fém. GRAcula, se prenait chez les Romains comme 
terme de tendresse. — Cf. irl.: sgreachog ; arm. : graca; 
anc. slav: grakati, garkati, etc., etc. 

GRAculus a formé un verbe GRAcillare, ciier comme le 
geai et glousser comme la poule. Glot»^^ se dit encore 
GLOcire et GLOcidare ou GLUttire ; le cri de la cigogne se 
rend par GLOCtorare. On voit que tous ces mots appartiennent 
à notre racine «lu 

Revenons à GARaire. Ce mot est pour GARnire et Tu ayant 
assimilé Ta, il se forma un second verbe GANnire qui signifie 
proprement grogner en parlant des chiens, et en parlant des 
hommes crier et geindre, gronder. 

Le glapissemetit du renard est aussi quelquefois rendu par 
GAN^ire^ Ce mot a donné GAN^itus et GANnitio, lamenta- 
tion, grognement, surtout en parlant du chien. On trouve 
aussi dans les glossateurs un GANNator, railleur, moqueur, 
qui appartient encore à notre racine. 

Il en est de même du redoublé GARGARisma, transcrit du 



' GRANNire a donné en composition avec ob un verbe o^GRANNire, crier 
aprêê, ffrnuier devant, ffrognêr (antér. et post. àl'époq. class.) 



Tribu G. — Racinb csqi* 289 

grec (rAPrAPiaixa) et de son verbe GARGARizare (rAPrAPtÇw) 
se gargam^, et métaphoriquement frr^(/otii7/^r. 

Dérivés romans. — liai.: garrire (gazouiller); garri/o (ga- 
zamllement, réprimande) ; gBTritore (grondeur) ; garrulare 
(babiller); garxa (héron) ; gargatta (gosier^ le crieur); — esp. 
et port. : garrtt/o (babillard) à* oix en espagn. gar/ûr (babiller) 
et gar/fldor (babillard); — port. : garûjao et garaj/os (plur.) 
(oiseaux de mer) ; garpa réal (héron) ; gurgalhada (éclat de 
rire) ; gBvgantear (chanter^ fredonner) ; garganteo (chanty 
roulade); — esp.: gorjf^ar (fredonner, gazouiller); gorgeo 
(fredonnement, gazouillement) ; — gargarwm^ = gargarisme) 
(ilal. et esp.), gargargo (port.); gargari»^' = gargarw^r 
(ital. et esp.): gargare^'ar (port.); esp.: gargara (bruit du 
gargarisme); ital. gavgagliare (mnimurer); etc. 

Ital. : gracchia (corneille et adj. babillard), d'où gracchiare 
(croasser, babiller), et gracchiatore (babillard) ; gvacculo 
(geai) ; gracidare (croasser, glousser, crier), d*où gracidatore 
et gracidazione ; etc.; — esp. : grajo et graja (choucas, geai et 
pie) ; gvagnar (croasser) et gra^ntdo (croassement) ; gresca 
(tumulte, vacarme), etc. ; — port. : grajao (oiseau asiatique); 
gral/io et gralha (choucas et corneille; au fig. bavarde) ; d'où 
gralhar (croasser, babiller), gralhador ; gralhada (cri des 
corneilles), etc. 

II. 11 nous reste à parler des formes adoucies où GER(= 
m) devient GEL. Le grec a cette forme dans rEAXco (pour 
ïEAm)f annonce, qui, combiné avec hd, adonné i^^-TEAlit), 
j'annonce (dv-YéXXw). Tout le monde reconnaîtra aY-rEAoç, 
0, messager, dans le latin anGELus, messager, angel, puis 
atige ; ainsi que el-a-Y-rEA-icv, to, bonne nouvelle, dans evan- 
GELium, ^i;angile, d'où evanGELizare, évangéVtser. Ce sont là 
de simples transcriptions qui n*ont d'importance qu'au point 
de vue historique. 

Mais à côté du grec TEAcç, qui fait dubruit, quiparle^ d'oii 
^ 19 



290 Gbhrb crier. — Ordre B, D, G. 

messager (cf. rEAii>ç, le rire; et pour la forme le skr. GALày 
instrument de musique ^ et GALi, vocifération^ impréca- 
Pion, etc.), nous pouvons placer le latin GALlus, le chanteur 
par excellence, le grand chanteur, le coq. La poule se dit 
GAUina d'où GAUmaceus, coq^ et GALlinarius, reltUif aux 
gMinacées, — CF. persan : géU, coq et cri, bruit fort; dimin. 
galiéah, pie; — irland: gall; — alban. ghiel, ghulj coq, etc. 

Peut-ëfre peut-on placer encore sous cette racine «m, 
bruire, le nom des Gal/^«, GAUi, prêtres de Ctjjbèle, à cause 
du délire furieux et bruyant qui ét^it le principal de leurs 
rites. Ce mot GALlus a dû donner un verbe GALlare, crier ^ 
être en délire; ce qui est certain, c'est que nous trouvons en 
ce sens dans plusieurs auteurs un participe présent GALlans, 
anlis. 

Dérivés romains. — Prov. : galtno (vieux franc, gelîn^, auj. 
coq elpotde); gaAegear (causer, jaser ^ babiller) ; — ital., esp. 
et port. : gal/o (coq) ; — ital. : gMinacio (dindon), gaUorta 
(cris de joie), etc. ; — espagn. : gallito (coq); gallinero (pou- 
lailler), etc. ; galfcar (cocher, faire le coq, élever la voix, lever 
ta crête, d'où exceller, remporter) ; évangile = evangeU, 
efi'(i^)geli(prov.); evangelto(ital. et espagn.); evangelho (port.); 
evangelie (roum.) ; — iinge = angel, angil (vieux franc, et 
prov.); angelo, angiolo (ital.) ; angel (esp.) ; anjo (port.); etc. 

III. Avant d'abandonner complètement l'onomatopée c», 
il nous faut citer deux formes latines en GRI et en GRU. 
GRYllus(=rPrXXoç), griWon (par une forme diminutive GRYI- 
licellus comme le prouve, le bourguignon gre«i//on. — Cf. 
Liltré, Dict.), sauterelle, a donné GRYlIare, crier (comme le 
grillon) . 

Quant à GRUnnire (antér. àPép. clas.), quelquefois GRUn- 
diro, grogner (principalement comme le cochon), il a formé 
GRUnnitus, grognement (Cf. ahall. grunni; angl.jfroan ; kymr. 
gnin) • 



^' Ordre M. — Racikb MU. 291 

ous devons citer dans les langues romanes quelques dé- 
rivés de ces formes GRI, GRU : 

Dérivés romans. — Forme GRI: ital.: grillare (frémir y corn- 
meneer à bouillir) ; grida et grida (cri^ han^ renommée)^ d'où 
gri(/ar^ {criera murmurer)^ gTidatore^ et gridio, gridamen^o 
{criailleriez clabauderie)^ etc. ; — esp. : grito et grir^ria (cla- 
meur^ criaillerie) ; gritor (crier), gritador et gri^on (braU- 
lard)y etc. ; — port. : grifo, gri(a, gtUada et gritaria (m, 
crieriey clameur); gritar (brailler^ crier), d'où gritador, etc.; 
— ital., esp. et port. : gri//o (griflon, sauterelle); etc. 

Forme GRU : vieux franc, (xii^ siècle) : grunir, qui dans le 
franÇa mod. est passé à la première conjugaison et est de- 
venu grogner; — prov. : gronhîr, gromr (grojner), gruniment 
(grognement) ; — ital. : grugno (grouin) d'où gvugnire et gru- 
gnare (grogner) ; — esp. : grunir d'où grufitdo, grunimientù 
et grunidor; — port.: grunAtr, d'où grunArdo et grun/iidura 
(grognement, etc. — Cf. roum. a grocfcai (grogner) d'où 
grochaîre (grognement), etc. 



6. Ordre M. 

22 

HIJ 

■ovrdoMMer, gronder, reicatlr. 

I. MUsca, la bourdonneuse, la murmurante, la mouc/te, se 
prend quelquefois au fig. pour signifier un tmporlun, un pa- 
rasite. — Cf. grec : MTta, moucfce et importun; skr. : MAça, 
Jtfilçaka, mou^tigwe; pâli: maçika; bengali: mâccfU, etc.; 
lend: makhsi, etc.; alban. : mu%e; ahal. : mttccfcfl; allem. : 
murfce; angl.-sax. : miege, wiggge; angl. : midge; anc.-slav.^ 



292 Genre CRIER. — Ordre M. 

russe et pol. : muchaj elc. ; lilhuan. : musse, etc ; tous ces 
mots avec le sens de mouche, cousin ou papillon* (V. Pictel ; 
Orig. ind.-eur. 1, 421.) — MUsmo ou MUsimo (=MOrqxi.)v), 
nom d'un animal deSardaigne, le mou/Ion, père delà brebis 
domestique, semble appartenir à cette raciae. 

II. Au sens de gronder, retetitir, hu s'est surtout combiné 
avec «A, et a formé le latin MUgire, mu^ir; le skr. possède, 
par un thème Af(/ga, le verbe Ml/g'ayati, U gronde sourde- 
ment; grec : WCxio'iUtt, mujfir, gronder, etc. 

De MUgire (lilh. : mgcm) sont issus MUgitus, mujfm^- 
ment, grondement, bruit ; MUgitor, celui qui xnxxgit. — Nous 
citerons de plus les deux composés poétiques im-MUgire, re- 
tentir et gronder , et re-MUgire, répondre par des mugisse- 
ments. 

Le français mu^er, d'où s'^a-mxx-ser et a-mu-^er, vient de 
MUsinor, forme accessoire de MUginor, passer le temps à 
soufller des grognements, d'où passer son temps en bagatelles^ 
lambiner, mus^r, puis tergiverser (ail. : musse, loisir, oisi- 
veté). 

Dérivés romans. — Ital., esp., port. : mo^ca (mouc/if ) ; — 
roum. ; mu^ca; — ital. : mnggire (mu^tr), mugolare, mu- 
giolare (glapir) ; — esp. : mugir; — port. : mù^tr; — roum.: 
a mugi. 

23 

Mrey mm Bioqver 9 faire triate fleure, être nMUkearenx. 

Le rire rendu par la racine m est un rire sourd qui se 
produit dans Tintérieur de la bouche, les lèvres fermées ; 
c'est l'opposé du rire bruyant (cachinntis) rendu par la racine 
(voir plus haut, p. 246). 



Racike Ml, SHI. 295 

Cette racine m, redoublée el gunée à donné aux Latins 
le nom d*un de leurs Dieux, MOMus, le Dieu du rire et des 
plaisanteries (cf. sanskr. Silfiyaka, moqueur ; grec : MÛMo; 
=MOMMD;=MOnjxoç, par pa p. 145), moquerie, blûme^ mé- 
pris. — Nous disons encore aujourd'hui momeries pour ex- 
primer des singeries, des faussetés, ou simplement des gri- 
maces, de sottes plaisanteries, et nous appelons familièrement 
les mauvais plaisants de méchants mômes. Les Siciliens 
avaient un vieux mot MOnar, par lequel ils désignaient les 
sotSj les insensés, les imbéciles (Festus, p. 140, édit. Mûl- 
1er). 

La forme non redoublée (gunée) a donné entre autres le 
grec Mûxav, se mo^u^. 

Mais c'est surtout dans la forme désidéralive his que ré- 
side l'importance de cette racine m quant à la langue latine. 
En sanskrit. Mis signifie faire triste figure (pour faire des 
grimaces) ; on retrouve cette idée dans le grec IMotéç et 
M0I<5<;, qui fait wie mine rebutante (cf. sanskr. SMAys), Quant 
à la forme lexiologique, elle est reproduite dans le grec 
MIZoç, haine, dédain (action de faire mauvaise mine à quel- 
qu'un), d'où Mlléd), je hais; et dans le latin MISer, digne de 
pitié, misérable, malheureux, qui, à cause de son importance, 
nous arrêtera ici quelques instants. 

N'oublions pas d'abord qu'un misérable est un homme qui 
fait triste figure, comme nous disons encore aujourd'hui; et 
comme moyen mnémonique, rappelons-nous qu'un des plus 
curieux misérables qu'ait jamais inventé la fécondité Imagi- 
native des romanciers s'appelait Don Quichotte de la Manche, 
le chevalier de la Triste Figure. Lorsqu'on est malheureux, on 
a une mine piteuse^ on fait peine à voir, et c'est l'idée ren- 
due par Miser. Miser a deux diminutifs MIsellus el Mlseru- 
lus, qui ont le même sens. Ce mot a formé encore le sub- 
stantif MIseria, détresse, misère y peine, chagrin; et les 



294 Genre CRIER. — Ordre M. 

verbes MIsero, Mlseror, Mlsereo et MIsereor, qui ont perdu 
presque complètement la signi6calion d'être digne de pitié 
pour prendre le sens réfléchi d'avoir pitié j de prendre com- 
passion. L'inchoatif de Mlsereo est MIseresco, se sentir ému 
de pitié, s^ attendrir. 

Un thème neutre en A, a donné MIserabilis, misérable y 
digne de pitié, qui excite la compassion; MIseralio, compas- 
sion, commisération ; MIseralor, celui qui a pitié de. Uni à 
^or, cœur un thème MIseri a donné MIsericors, qui a le 
cœur sensible à la pitié, miséricordieux; d'où Mlsericordia, 
pitié, compassion, miséricorde (cf. p. 257) ) etc. 

Le désidératif Hb en prenant le guna devient njorn (cf. 
p. 73), puis HAEs, et on retrouve cette forme dans MAErere 
pour MAEsere,^(r^ triste, chagrin, (act.) déplorer; d'oùMAE- 
ror, tristesse, chagrin. Vs organique se retrouve dans MAEstus, 
triste, mélancolique, d où MAEstitia et MAEslitudo, tristesse, 
•et MAEstificare, attrister, abattre K 

Dérivés mouks importants. — ComMIserescere, avoir pitié; — 
«com-MIsero, onis (post. à l'ép. class. ), compagnon d^nfortune ; 
— com-MIseror, com-MIsereor, avoir pitié, plaindre, déplorer; 
— com-MIscratio, action d'exciter la pitié en faveur de quel- 
•qu'un (en parlant d'un avocat), et jamais dans le sens du 
français commisération. 

Dérivés romams. — Ital., esp. et port. : mi^^ro (malheu- 
reux) ; mi^ma {malheur, misère et quelquefois avarice) ; mi- 
sericordia (miséricorde, pitié) ; — ital. : miserabile (miséra- 
ble); — esp. : misérable; — port. : miseravel; — ital. : 
miserazione (compassion) ; miseraccio (pauvre, malheureux) ; 
•esp. : miserear (faire le misérable) ; — port. : miserarse 
(déplorer)] — esp. : momeria; port. : momice (mom^- 
rie) ; etc. 

' Tous as mots s^écrivcnt également avec le guna par o «» oi. 



1 



Racihe MAB, HUB* S9S 



24 

HAR, H1JR 

Braire» ■tannorer, sv^n^vv gPAgiier* 



I. A côté du redoublé sanskrit MARMARa, murmure, 
nous avons le grec : MOPMOPOi:, (d'où MOPHïPeiv) et le 
latin MURMUR, bruit sourd, murmura, d'où MURMURare, pro- 
duire un bruit sourd, murmura, qui lui-même a formé un 
diminutif MURMURillo, je murmure; MURMURatio, bruit 
léger, murmure; MURMURaior, celui qui murmure, etc. — 
Cf. ahall. : murmulôn; lilh. : murmu, murmure, murmlefUiy 
murmurer, etc. 

On voit que tous ces mots sont produits par le redouble- 
ment de notre racine ; il en est de même du grec MOPMOPoç, 
effroi (effet de sourds grognements) et MOPMOAutto), ef- 
frayer, épouvanter. Mais on retrouve aussi la forme simple 
dans plusieurs dérivés grecs tels que MYPo|juxt, je me 
plains, etc. 

Dérivés moi»s ihportâkts. — Ad-MURMURare, et ad-MUR- 
MURari, témoigner par des murmurer son approbation ou son 
improbation; — ad-MURMURatio, murmure, acc/ama/ion; — 
re-MURMURare (poét.), murmurer. 

Dérivés romanis. — Prov. : murmurai7*e (qui murmure sou- 
vent) ; — ital. : mormorio, mormoramen/o, mormorasione 
(murmure), mormorare, mormoregjriare {murmurer); — 
esp. : murmurar , murmurto , murmullo , murmuraeion 
(murmure) ; murmurador (murmureur) ; — port. : murmu- 
rar, murmurio, murmurin/io, murmuraçao (murmure, 
médisance) ; murmurador, murmulAo (mugissement) ; — 
roum. : murmura, a murmura. 



S96 Genre CRIER. ^ Ordre R, L. 

II. Un autre dérivé simple de cette racine au sens de dire 
des folies, brailler, c'est MOrus (skr. MUR^) (mot employé 
seulement par Piaule), fou, extravagant (= grec : UQ?6q), 
d*oii MORio, onis, fou, extravagant, hâbleur (postérieur au 
siècle d'Auguste). 

Enfin MORosus \ grognon, morose, susceptible, se rattache 
aussi à notre racine. De là MORose (adv.), et MORositas 
(rare, mais très-class.), humeur chagrine, susceptible, mo- 
rosité, etc. 

Débivés romans. — Port. : morosidade (morosité); — esp.: 
morrion (vertige des faucons) ; morro, a (chat qui grom- 
melle) ; etc. 



7. Ordre R, L- 



25 

VLy WLA, WjA 

Parler 9 retentir. 

I. Nous trouvons en skr. ilÂtis, son, parole, d'où iiAtali 
(par un thème nominal RAla), il parle; i?Anas, son, d'où 
i?Anati et ilAnayati, il résonne*; RAsiia voix; /?Anarana, 
le moustique (qui bourdonne ; cf. musca p. 291), etc. 

Le grec a un 'Psw, je parle, usité seulement au parfait 
eîPHy.a ; ce verbe a formé 'PHjiLa, to, parole, mot, etc. — Cf. 
tudesque : redinon, parler; ail. ; reden; angl. : to read, lire 
(en prononçant ce qu'on lit) ; kymr. : reithio, parler, etc.' 

' Cicéron ' Tusc, 4, 24, h la fin] donne à ce mot une étymologie curieuse : 
« Bcne igitur nostri, quum omnia esscnt in moribus vitia, quod nuUum erat 
iracundia fœdius, ii-acundos solos morosas nominaverunt. » Notre étymologie n'a 
pas besoin de tant d'esprit, partant elle doit être meilleure. 

* C'est RASf RAsnhmi qui, par les procédés habituels au prftkrit, a donné 
vcomnie toiyours) RAsnsi = RAnhti= RAnh = RAn d'où RAndXi et HAnzs. 






Racine R, RA, liA. 297 

Le seul mot latin se rattachant à celte racine sans affai- 
blissement de R en L est RAna, grenouille criarde et martin- 
pécheur (qui pousse un petit cri perçant). De là les deux 
diminutifs RAnula, petite grenouille et RAnonculus, plante, 

— Cf. arnior. : ran^ grenouille; irl. : ro», cri bruyant ; irl. 
erse : rnnaim, rugir, bruire (Pictet, op. cit. I, 507, 474, 
496.) 

Dérivés komans. — Vieux franc.: raina, re\ne\ — prov. : 
mineto; — ital. : rana, rawocc/eîa (grenouille) ; — esp. : rana 
(gren.), rmacnajo (têtard) ; — port. : rà ; — ital. et esp. : 
rmonculo (renoncule) ; — port. : rainunculo. 

II. La forme affaiblie i.A = BAa donné au sanskr. LAç- 
çati, LiliVghayati, il parle, il dit; LApati, il parle ^ il cr'ie^ il 
se plaint j de LApas, parole; et LApanan, bouche. — Le grec 
possède AAy,£Tv , AHy-sTv, retentir, se rompre avec bruit; 
AAwÇetv, hâbler, se vanter j d'où AAr'.Tjxa, ts; AAr'.^TTTjc, 5, etc. 

— Cf. encore tud. : /oW», vanter, louer; — ail. : loben; — 
gaél. : labhraniy énoncer, etc. ; — slav. : lojati ; — lith. : loti^ 
retentir; — persan': Idudan, crier, aboyer, etc. 

En latin, nous trouvons LOgui, LOouor, LOcutus sum. Ici 
C et Q sont pour P et LOc est pour LAp (cf. pp. 28 et 79). — 
LOquî veut dire par/^, exprimer une idée. De ce verbe sont 
venus le fréquentatif LOouitari, parler beaucoup ou vivement; 
LOcutio ou LÛQUutio, langage^ parole^ prononciation (post. à 
Aug.), \ocutiom; LOouentia, facilité d'élocution^ faconde; 
LOQuela,paro/a, langage; et LOouax, parleur, verbeux ^ bavard, 
loquace, d'où LOguacitas, bavardage, prolixité, loquacité, e(c. 

Nous citerons les composés suivants de LOguor : 

Al-LOouor, adresser la parole à quelqu^un, P encourager, le 
consoler j d'où al-LOonium et al-LOcutio, action d^adresser la 
parole, entrelien, cot^ersation, allocution, harangue ; 

Col-LOguor, parler avec quelqu^un; avec l'accusatif (Plante) : 
causer; d'où col-LÛQuium, entretien, colloque; 



^98 Genre CRIER. — Ordds R, L. 

ë-LOquoi', énoncer^ dire, exprimer en style oratoirej ^o- 
quemment, d'où e-LOouens, qui s'ea^rime avec art^ éloquent^ 
dont le superlatif per-eLOouens est employé par Cicéron 
(Brut. 70); e-LOouentia, Aoquence; e'LOculiOjAocutum^style 
oratoire; • 

Pro-LOouor (ant. à Tép. dass.) dire d'avance^ prédire; 
énoncer, exprimer, dire, raconter (cf. Varron, L, L. 6, 7, 
2 56); 

Ob-LOouor', parler contre quelqu'un, contredire (poët.) ; 

m 

injurier, d'où ob-LOcutio, action de contredire, contradic- 
tion, etc. 

Dérivés moins importants. — LOcutor (post. à Aug.) celui 
qui parle, parleur; — LOcutuIeus, LOcatuleius, bavard, criard, 
grand parleur ;—^Waxlus, le parler, le langage; — [col-LOciitio 
(très-rare), entretieti (familier ou secret) , colloque, pourparler; 
— col-LOcutor (lat. ecclés.), celui qui parle; — e-LOQuium, 
éloquence et (dans le lat. des bas temps), entretien, conversa- 
tion, discours ; — e-LOcutilis, qui concerne la parole ou T^o- 
quence; — e-LOcutorius, qm concerne télocution; — e-LOcu- 
trix, celle qui parle ; — pro-LOguium et pro-LOcutio, préface, 
proposition; — pro-LOcutor, celui qm parle pour quelqu'un, 
avocat, défenseur; — ob-LOQuium (post. à l'ép. class.), con- 
tradiction; — ob-LOcutor, contradicteur, interrupteur, elc. 

Dérivés romans. — Ital. : locuzione {langue, langage, \ocur 
tion) ; loquace {babillard) ; loquadtà (loquacité) ; loquela (lan- 
gue) ; — esp. : locucion, locua%, locuacitad, locuela (mamère 
déparier); — port.: locuçao, loquaz, loquacidade; — ilal., 
esp. et port. : locutorio (parloir) ; — roum. : loeutie (locur 
tion), etc., etc. 

III. La parleuse par excellence s'appelle LAbrum (cf. pour 
la forme le gaël. labhram, énoncer), la lèvr^, celle çui forme 
les sons, d'où par extension, le bord d'une chose quel- 
conque. 



Racine 1|I, UA, ImA, 2J9 

A côté de LAbrum se trouve une seconde forme LAbium, 
LAbia (fém.) ou LAbea (fém.), lèvre^ d'où un adj. LAbeo ou 
LAbio, qui a de grosses lèvres^ lippu (cf. ail. : lippe = lèvre) 
devenu nom propre ainsi que ses dérivés LAbienus et LAbe- 
rius. Mais le dérivé le plus important de LAbia, LAbea, est 
certainement LAiibo, LAnbere, lécher, lapper, sucer, doù 
effleurer (en parlant du feu) et baigner (en parlant d'un 
fleuve). — Cf. grec: AAirro), AÀ(p6(7a(i>; ahall.: lefsa; nhall. : 
lefse; ahall. : laffan=\écher ; lith. : lupa, lèvres. 

Dérivés moiks importants. — LAbellum, petite lèvre; — LA- 
bialis, qui concerne les lèvres, labial, etc. 

Dérivés roxams. — Lèf;re=:la(ro(prov.) ; hbbro (ital.); lafrto 
{esp. et port.). 

lY . Combinée avec le préfixe iva, la racine R a donné usa 
-H»=iwa, et celte forme se retrouve dans YERbum, paro/e, 
mot, terme, expression (cf. goth. : waurd; allem. : wort (d= 
dh = allem. t) ; vieux prussien : wir-de = parole ; lith. : vâr* 
dos = nom; let. : wahrds= nom, mot, etc. — VERbum a 
donné VERbosus, diffus, yerbeux, d'où YERbositas, verbiage 
et un verbe YERbigerare, se quereller, se disputer ; YERbale, 
qui concerne la parole, et en terme de grammaire, qui con- 
cerne le verbe, yerbal (cf. ombrien : YERrale = VERaale ; voir 
plus haut p. 78). — Nous devons rattacher ici pro-YERbium, 
proverbe, dicton, d'où pro-YERbialis (post. à rép.class.),pfo- 
yerbid, etc. 

Avec le préfixe sa, fortement, devant ivr nous trouvons le 
composé S-WER-mon devenu S-ER-mo, bruit causé par les pa- 
roles échangées entre plusieurs interlocuteurs, conversation, 
causerie, entretien, et dans un sens spécial, sermon. Avec le 
même sens, nous trouvons encore, mais très-rarement SER- 
inocinatio, qui vient de SERmocinare, SERmocinari, s* entre- 
ienyr, converser, causer; quelquefois contracté en SERmonari 



300 Gekre crier. — Ordre ». L. 

m 

(Geli, 17, 2, 17) avec les mêmes sens, etc. (Skr. SVR^ re- 
tentir) . 

Du même verbe composé swb est encore issu di-S\\ER- 
tus devenu di-SER-tus, habile en paroles, disert. Ce mol esf 
proche parent de dis-SERrere et dîs-SERlare (forme intensi- 
\iye)j parler bruyamment, discourir, disserter; d'où dis-SER- 
tatio, discours et dissertation. 

Il en est de même du redoublé SUSURrus de SUSUR pour 
SUR + SUR contracté de SVER = nwu. SUSURrus exprime 
ridée de murmure, bruissement; il a formé SUSURrare, mur- 
murer, bourdonner d'où SUSURralio, SUSURramen, mut^mure 
et SUSURrator, celui qui murmure, d'où médisant. — Cf. SU- 
SURro, délateur, diffamateur, — Parmi les composés de 
SUSURrare, nous citerons seulement ici in-SUSURrare, chu- 
choter, murmurer, fredonner, d'où in-SUSURralio, action de 
chuchoter, de murmurer contre, etc. 

La même formation lexiologique a donné SURdus, le sourd, 
c'est-à-dire, comme le rappelle encore une expression po- 
pulaire, celui qui crie très-fort. Ce mot a donné SURditas, 
surdité; SURdaster, un peu sourd; ob-SURdescere, être et 
devenir sourd ; etc. — Mais le dérivé le plus important de 
SURdus est ab-SURdus, étourdissant, détonant, absurde d'où 
ab-SURditas, son désagréable, et absurdité, sottise. 

Enfin, pour en finir avec cette racine sivB nous devons 
encore parler de SOrix ou SAUrix, — nom d'une espèce de 
chouette regardée par les augures comme un attribut de Sa- 
turne — et de SOrex (gr. Zp%^) la souris. — Cf. lith. : %urke, 
loir ; zuras, nom d'oiseau ; — pol. : szczur, rat ; — russe : 
surokii, marmotte, etc. 

Dérivés moins importants. — Di-VERbium, dialogue (dans la 
comédie) ; — e-disSERere, expliquer avec détail, développer ; 
— e-disSERtare, intens. du précéd. avec les mêmes sens; — 
e-disSERtio et e-disSERtatio, exposition, développement;» — 



Racine R, BA, LA. 501 

e-disSERalor et e-disSERlator, celui qui explique^ qui dfye- 
loppe; — con-SUSURrarê (ant. à l'ép. chss.), thuchoter avec 
quelqu^un; — SBRdare, rendre sourd; — SURdigo, SURdîlia, 
surdité; — SURdere, être soafd; — SURdescere, dei;^n{r 
sourd; — ab-SURdescere, rendra sourd, assourdir; — per- 
ab-SURdus (très-class.)» très-absurde^ insipide; — sub-ab- 
SURdus, un peu absurde^ ridicule^ naïf, niais; etc. 

Dérivés romans. — ItaL, esp., port. : pro\erbio (proverbe); 
— ilal. : proyerbiale (proyerbial) ; — esp., port, et roum. : 
proverbial; — roum.: proverfr; — ital. : disserlazione ; — 
esp. : disertadon, disertator, disertar; — port. : di«serto(;ao, 
dtfserlador, dissèrtar ; — roum. : dissertatie, dissertatOTy a 
dîserta; — esp. : diserto (dtser/) ; — ital., esp. et port. : su- 
surro (murmure) ; — ital. : susur rar^, susurra«on^, susùr- 
ratore; — esp.: susurrar, susurracton , susurrador ; — 
port. : susurrar, susurador; — ital.: susurrons (grojnon, 
brouillon, calomniateur) ; — prov. : sour, sourdo (sourd) , sour- 
dila (surdt^^); — ital.: sordo, sordita, sord^^^sa; a^surdo 
(afrsurd^); Bssurdita (absurdité) \ — esp.: sordo, sordera; 
absurdo, absurdidad; — port.: sûrdo, surd^; afrsurdo; — 
roum.: surd, surzire; afrsurd, àbsurditate, 

V. La forme WRA pour WB se retrouve dans le grec FPHtwp 
et BPHTcop devenu 'PHibip que les Latins lui ont emprunté et 
qui est devenu chez eux RHEtor, rhé^^r, etc. — Cf. ^^lol 
pour ^p^|AA, parole , etpvjviQ pour jeipi^wj (dorien jetpiva) la 
proclamée, la paix, etc. 

Dérivés RoxAif s. — Ital.: ret^or^, rettorico, rettorica; — 
esp.: retoricOy retorica; — port.: rhetorico, rhetorîca; — 
roum. : retor, retorica , retorica. 



502 Genrb crier. — Ordre R, L. 



26 
Crierf reCentlry mffir» braire» 

La forme gunée a donné au skr. RAFas, retentissement y 
RAUii, il crie; vi-/?Al/lî, il se plaint, etc. ; et au grec POBoç^ 
POKo;, i, bruit strident et i^POSéco, je suis effrayé. 

On retrouve la forme simple dans PrÇwj PYy'«î POÇw, etc. ; 
ainsi que dans le skr. RUà , pousser des cris plaintifs, RVd, son, 
cri, lamentations, etc. 

Le latin a conservé celte racine dans RUmor, pour un or- 
ganique BVwM (cf. pp. 77 et 81), ftruî^, d'où bruit qui cir- 
cule, rumeur, et plus spécialement, la renommée publique. A 
côté de ce mot, nous pouvons placer un RUmare, que Ton ne 
trouve plus dans les auteurs et qui a laissé un intensitif RU- 
mitare, semer des bruits, faire connaître par la voiôc publique. 
Les deux verbes RUmificare (RUmor 4- facere) et RUmigerari 
(RUmor+ ger pour gerus, de gerere) ont les mêmes sens. 

Le verbe RUoere, crier fortement, beugler, mugir, hurler, 
braire (en parlant de Fane), ru^r (en parlant du lion), bra- 
mer (en parlant du cerf) et grogner (en parlant de Tours), 
appartient aussi à notre racine. Ce verbe, qui a donné (dans 
Apulée, Met. VIII, p. 215), RUoitus, le braiement de Vâne et 
RUoor, retentissement, mugissement, est formé par l'addition 
du verbe dï faire, qui est une forme d'intensitif, tandis 
qu'un autre intensitif RUcire (cf. russ. : rycxu, gronder; — 
ahall. : rûnen, rohôn; — angl.-sax.: rynan; — ksi. : rêva, 
inf. rjuti, rugir, etc.) rugir, est formé avec une autre forme 
intensive «â, engendrer (cf. p. 145). RUcire a donné RUoitus, 
rugissement. A côté de ces mots on trouve un inusité RUgo 
(èPEVrw) qui a donné RUclare et e-RUctare, avoir des rap- 



Racine MU. 3O5 

ports^ ro/er, d'où vomir et au fig. exhaler au dehors. ERUclare 
n'est que le fréquentatifdee-RUcareou e-RUGere(voir Fes- 
tus, p. 62). E-RUclare a donné e-RUctatio, action de rejeter y 
de vomir y tandis que RUctare nous laissait RUctus, RUdatio et 
RUctamen, ro/, rapport et RUctuare, ro^^, cracher^ rejeter. 

M. Benfey [Gr. W. L. 11, 6) ; veut que le nom de la lyre, lyra 
(du grec X6pa) soit pour Xu8pa = rudrâ ; nous croyons plutôt 
que ce mot ainsi que delirium, délire, etc., appartient à la 
racine bu, fléchir^ courber ^ à laquelle nous renvoyons le lec- 
teur. 

Enfin, RUminare (on trouve RUmare dans Fest., p. 135) et 
RUminari, ruminer, paraissent aussi de la même famille que 
e-RUctare; RUmis, auquel ils se rattachent, avant de prendre 
le sens de mamelle S a signifié sans doute, gorge^ estomac^ 
comme le prouve RUmen, (Bsophage^ gorge j pharynx , panse y 
jaboty premier estomac des ruminante, et on trouve la raison 
toute simple de l'attribution de ce mot à notre racine dans le 
bruit que font les ruminants dans leur rumination (lat. RU- 
minatio). 

Cf. ahall.: ruehjanj etc., ruminer. — Le grec iPEVYeoO^t 
signifie à la fois roter et rumina. 

La forme gunée^ que nous avons vue au commencement de 
cet article en skr. et en grec, se retrouve encore dans le latin 
RAYus (antér. et post. à l'époque class.), et employé seule- 
ment par Festus et Sidoine Apollinaire *, avec le sens de enr 
roué, sourd (en parlant du son) ; RAYis, enrouement, se re- 
trouve seulement à l'ace, sing. RAVim (antér. et post. à 
l'ép. class.); de là RAVire, s'enrouer en parlant. 



* fl Hamma RUmû dicitur, unde et rustici appelant hœdos ntb^Uma, qui 
adhucsub mammis habentur. » Festus, p. 135. 

* Festus : t RAVa yox RAUca et parura liquida, proximc canym latratum 
sonans » ; p. 137. — Sid. : « Quuni festa dies cierc RAYos cantus coeperit. » Ep.^ 
8, if, tu carm. fin. 



S04 Genre CRIER. — Orih S. 

A côté de RAYus, nous avons RAUcus, enroucf, sourd^ 
rauquCy bruyantj criard, d'où RAUcire, être envoué, rauque, 
RAUcari (gloss. Cyrill.), s'enrouer, RAUcitas (post. à Aug.)et 
RAUcedo, enrouement, RAUcidulus, un peu enroué, RAUci- 
sonus (Lucr., Y, 1085 ; Catull., lxiv, 263) qui a un son raugu^; 
RAUcé, d^une manière TdMque, etc. 

Dérivés romans. — liai. : ruggire, ruggere et rugghiare (ru- 
gir), ruggio, vuggito et rugghiamento (rugissement) ; rumore 
(rumeur), rumoreggiare {faire du brait, du fracas) ; vuttare, 
eruttare (roter), rutto (rot); rumare, ruminare, rugumare 
(ruminer), ruminazione, rugumazione (rumination) ; r^ucedine 
(raucit^, etc. ; — esp. : rugir, rugido, rugimendo, ruido 
(bruit); rozno (ânon), roznido (braiment^ bruit des dents qui 
s'entre-choquent), roznar (braire, manger avec bruit); rumoi* et 
runrum (brmt) ; rumiar (ruminer), rumiador, rumiadura ; 
ronco (rsiuque), ronquez^ etc. ; — port. : rugeruge (grouille- 
ment, bruit sourd), rugir ^ rugido, ruido; rumor; orrolo (ro^^ 
arrofar; rumiar, ruminar, runnadura. ruminapao ; rouco 
(rBuque), rouquice, rouquidao, etc. ; — roum. : a rumega 
(ruminer), rumejare (rumination), etc., etc. 

8. Ordre S. 



27 

SU 
BéMMUier, éhaat«r« 1mm 



* f • 



SU guné en s.%w se retrouve dans le sanskrit SAMan pour 
SAWmdin, chant, hymne. Sans guna, nous avons SH^Arati, 
il sonne, il rend un son, de SWAra, son; et une autre forme 
SWAïidi, son, bruit, d'où SWAn&mi, je résonne, je retentis. 
Cf. le lithuanien zwanu. sonner. 



lUciNL SU. 505 

SU = »i V et guné en saiiv devient en grec lEB ( £EBci>, 
ZEBoiLctij célébrer^ honorer), lEBacrr^ç, auguste, etc. 

Le sanskrit SWAïiat a son correspondant exact dans le latin 
SONus pour S VOnus (cf. somnus pour svopnus = skr. SVAP- 
na; $uocer=socer; 8ve=8e, 8oror=^so8or=8V08ory p. 113;; 
SOnus exprime toute espèce de son, de bruit, de retentisse- 
ment. De là un verbe nominal SOnare ou SOnere, sonner, 
7*esonnei* (reSOnare), retentir, faire entendre, qui lui-même 
a formé de nombreux dérivés tels que Tintensitif SOnilare, 
résonner, retentir, avec SOnitus, son; SOnor, retentissement, 
bruit, d*oii SOnorus (^SOnosuspar osus = ivam-a ; cf. p. 
77), retentissant, sonore, etSOnoritas, son plein, harmonieux, 
sonorité, etc. 

SOnare a donné en composition plusieurs verbes secon- 
daires, dont les principaux sont les suivants : 

Circum-SOnare (rare, mais trés-class.), retentir autour 
(neut.), et bruire, bourdonner (act.) ; 

Con-SOnare, résonner, retentir ensemble ou fortement, d'où 
con-SOnatio et con-SOnantia, consonnance, retentissement, 
harmonie ; con-SOnans, qui a le même son, ou qui est d^ ac- 
cord; en terme de grammaire, consonne, etc. ; 

Dis-SOnare, ne pas résontier d^accord^ être dissonant, d'où 
dis-SOnantia, dissonnance et désaccord (fig.); 

Per-SOnare, résonner, retentir à travers, quelquefois crier, 
dire à haute voiXy sens qui se rapproche tout à fait de la si- 
gnification primitive du subst. per-SOna, celui ou celle qui 
récite un rôle, d'où le rôle lui-môme et le masque qui le ca- 
ractérisait ; en terme de gramm. personne; de là per-SOnalis, 
relatif à la personne, personnel ; per-SOnalus, masqué, dé- 
gmé, d où, au fig., trompeur; 

ReSOnare, retetttir, résonner; redire, répéter, d'où re-SO- 
nantia, resonnance, et re-SOnabilis, qui répète le son, en pail. 
de réclio ; etc. 



SÔ6 G EN HE CRlËU. — Ordre S. 

Le grec '1>V5; pour irpo;, 5, a donné par un calque iui- 
niMiat le latin HYmnus, chant de louange j et principalement 
chant religieux j hywîi^, d'où un verbe HYmnire (gr. YiJiveTv), 
chanter des hymnesj et d'autres composés moins importants. 
Le sanskr. a le même mot dans SAma (Si4ma-vèda = le vida 
des hymnes)^ etc. 

La iorme sous laquelle la racine su a donné le plus de dé- 
rivés au grec et au sanskrit est la forme renforcée stu ; 
mais comme le latin n'a aucun mot que nous puissions 
placer sous ce radical, nous n'en parlerons pas. 

Dérivés moins importants. — Circum-SOnus, retentissant 
autour et (passt.) rempli de sons; — con-SOna, qui résonne 
avecy qui cadre bien avec^ consonne ; — pcr-SOlla (dim.) petit 
masque^ d'où en terme de mépris, caricature ; — pcr-SOnus 
(post. à Aug.), qui résonney qui retentit^ etc.; rc-SOnr/s, qui 
répète^ qui renvoie un so», sowor^ (poét.) ; — ÇOnipos (poét.), 
qui fait du bruit avec les pieds (en pari, du cheval); — ab-SOnus, 
malsonnanty discordant^ inconvenant ; — dis-SOnus; opposé 
à con-SOnus, discordant^ dissonant, confusy en désaccvrdy 
hostile j etc. ; dis-SOnorus, dissonnanl; etc., clc. 

Dérivés romans. — Prov. : souwar (appeler) y sonnadisso 
{carillon); — ital. : suowo(so?i); sofmr^ (sown^r); risonare 
(résonner); — esp.: son, sonido ; sonar y resonar; — porl.: 
som, soflr; — ital., esp. et port. : sonoro (sonore) ; — ilal. 
et esp. : persona (personne): consonatite (consonne) ] — port.: 
pessoa; consoante; — roum. : sunel (so7i), swiaCor (sonore); 
a swna (sonner), a rasuna (résonner) ; consundn^ (/consonne); 
persoana (personne); — esp. : sonado (célèbrey fameux ; cf. 
plus haut, p. 249), clc. 

Hymne = i/mo (ilal.); himno (esp.); hymno (porl);imn 
(roum.); etc. 



Hacike H1. ô07 

28 

SI 

Crier, «ifllcrv réM»noer« chanicr. 

Nous ne connaissons en sanskrit comme pouvant se rap- 
porter à celle racine prise dans la forq^e simple que le sub- 
stantif onomalopéique SJtkdra; qui exprime Faction de faire 
sU avec la bouche; avec guna, nous trouvons SAfw, chanter^ 
célébrer y etc. — Cf. ail.: singoiy chanter; minne-sànger^ 
chantre d'amour, troubadour; angl. ioswg^eic. 

En grec, nous avons entre autres dérivés un verbe lll^b) 
pour Slviu), je siffle^ et l'interjection Slxta ou llr:- ; peut- 
être aussi le nom IlBuXXa d'où SlBuXXaivw (lat. SYsylla, devi- 
iieressey s\bylle)^ peul-il être rapporté à cette racine. On sait 
que chez les anciens, les oracles se rendaient la plupart du 
temps en vers chantés sur un rhythmc musical accentué. 

Ce qui vient à l'appui de notre bypotlicsc, c'est *lc mol 
^KIpV (guné pour 2lpY;v) qui a donné au latin SIren et Sirènes, 
les sirènes, cires fabuleux à la tète de jeune lillc, au corps 
d'oiseau et à la queue de poisson qui habitaient sur les côtes 
méridionales de l'Italie, où par leurs chants, elles attiraient 
les voyageurs pour les dévorer. Ce qui prouve bien que le 
mot SIren appartient à la racine bruire, d'où chanter, c'eî>t 
(lu'il sert encore à exprimer en latin une sorte de bounUm 
ou de frelon (Plin. II, 10, 16) et en giecunc espèce de petit 
oiseau piallard, que Ton croit être le serîn. * 

Le s\stre (SElSTpcv, SIstrum) sorte à^nstrunwii bruyant de 
métaU appartient aussi à cette racine ; mais il y a là un re- 
doublement. 

Tous ces mots latins, comme on le voit, ne sont que des 
transcriptions du grec; cependant la langue de Rome a un 
mol dérivé de la racine si, bruire^ qui lui appartient en 



508 GfinRB GUIEH. — Ordre S. 

propre; c*cst Sleilus (formé avec mul, v. p. 145), si/]fld, 
SI ffiemeiit d'où le verbe dcnominatif Shilare, s\ffl€i\ Taire des 
psitj psit, SlBilare a donné Sleilaliis et Slsilatio, sifflement; 
Slsilator, siffleur et Slailatrix, sifflante ^ siffleuse^ et un com- 
posé, ex-Slailare, siffler (un acteur), ie mettre deliors (ejc) a 
coups de sifilet, etc. — Cf. anc. si. soph^ sopielîy trompette; 
russ.: sopélï^ flageolet, etc., etc. 

Nous venons d'écrire Tonomatopée PSIt dont nous nous 
servons encore tous les jours. 

Nous terminerons cet article par un mot qui semble formé 
de cette onomatopée ; nous voulons parler du nom grec du 
perroquet UIrcaxo;, que les Latins ont transcrit en PSIttacus, 
d'où PSIttacenus, qui concerne le perroquet. 

Dérivés romans. — liai., esp. et rouni. : sir^im; — port. : 
ser^ia; — ital. : si6i//a ; siti/ar^, siW/o, sibilatore; — esp. : 
sibila; si/frar, silbidOj sUbador; — port. : sibytla; sibUar, 
sibito; — roum. : si6t/a; — ital., esp., port. : sistro, etc. 



29 

SI 

Imposer brajamniciil sllcocc. 

Ou comprendra facilement, malgré letrangeté appsu^entc 
de cjtte individualisation, comment une racine au sens de 
bruire^ a pu donner des mois avec la signification de faire 
faire silencey d'où se tairej si Ton pense à la difficulté d'éta- 
blir le silence dans une assemblée politique ou privée, quel- 
que peu nombreuse qu'elle soit, et si Ton ne perd pas de 
vue les gestes bruyants de celui qui la dirige, ses cris déses- 
pérés pour dominer le tumulte, etc. Peut-être pourrait-on 
encore voir ici plus simplement une onomatopée issue des 



Racine CJ. 500 

8Si'\ 8s'\ doublement renforc(^s dans p/", pst*\ dont on, se 
sert pour imposer silence. 

Celte racine se retrouve dans le grec SIyt^, fi, le siteir^ 
(forme intensive par «HA.) ElleadonnéaulatinleverbeSiLere 
pour Sloere, (»i -h dha = faire) faire faire silence^ et faire 
siUeiwe; ce dernier sens seul s*est conservé dans la langue 
classique. SLere (goth. : silan) est le père d'un inchoatif 
SLescere, rentrer dans le silence-, de SliiCntium, silence, 
absence de bruit^ action de se taire, de rester en repos d'où 
Skentiosus, silenlieux^ et Skentiarius, silentiaire^ sorte de 
domestique, chargé chez les Romains de maintenir le silence 
parmi les esclaves ; plus tard, sous les derniers empereurs, 
ce mot servit à désigner une sorte d*huissier conseiller, haut 
fonctionnaire de TÉtat. 

Dans les langues germaniques, SI s'est renforcé en stvi et 
a donné autudesquc^jf^n, à Tallomand scbweigen^ être si- 
lencieiix^ se taire ^ etc. 

Dérivés romans. — Ital. : silenzio (silence)^ s\1ev7àosOy {si- 
lencieux); — esp. et port. : sUenciOj sUencioso; cic. 



9. Ordre U. 

30 

IF 

(AW, WAK) 

C'rl«r, résonner, parler* v«»clférer. faire ovation. 

I. V non gunô se retrouve dans le diminutif Ulula, pour 
lia (\ieiix (ranr. : ulotte; — corn, : nia ; — angl. : owl; — 
ail.: fM/^;angl.-sax. : nia; ail.: ô/m), hihoit^ vhoveltey à'od 
un verbe Ululare (grec 'OXcXj^siv), hurler^ crier. Ce verbe 



510 (ÎKNKR ClUKit. — OftlJhK {'.. 

a donné les substantifs Ululalus, Ululalio el Ulnlamen, hiir- 
lementSy gémissements^ elVikd'jcciitV\uhhi\is (post. à Tép. 
clas.), qui hur/e, qui gémit. 

A côté de Ulula, on Irouve Ulucus, nom d'un autre oiseau, 
Y effraie. — Cf. encore skr. {/lûka, l/iûka, l/rûka, hibou; 
~ beng.: ulûk; — hind. : ulâgh^ ullu ; — pers. : urûghy etc. 

Débivés robians. — Vieux franc. : nller (par corrupt. hur- 
ler); — prov. : ulular, udolar; — ital. : ulolare el ululare 
(hurler) j u/u/o ou ululato (hurlement) ; — esp. : nlula 
(chouette) j ulular^ nlulato; — port. : ulular^ etc. Un curieux 
dérivé de cette racine est le nom du fameux bouffon saxon 
EUlenspiegel (=EU/^, choueile -h spiegel^ miroir [spéculum]) 
devenu Vlespiegle et qui nous a donné en français le mot 
espiègle. 

IL u guné en aiv a donné au sanskrit AFa-té, il crie, il 
fait retentir j et au latin OV-are, crier^ acclamer^ faire oyation 
(OValio) ; d*où absolument, triompher^ être triomphant. 

Dérivés romans. — ital. : ovfl*iow^; — esp. : oyacion; — 
porf. : oyaçao; — roum. : oy atie; etc. 

III. Le skr. a FAçitan, crij issu d une forme secondaire 
ivÂk'= iv + KA (iv est à iJ comme y1 est à i). De Tidée 
de fn>r, on est arrivé facilement à celle de parlei' qui com- 
prend en skr. les mots VAk\ votx, KAk'anam, FAk'as, dis- 
cours j d'où FAk'ayali, U ordonne, et FAk'ati, il yocifère; 
IMni, discourSy etc. — Le grec a II pour K! (cf. nsn-ro), je 
cuis = ^cXTw, p. 28) dans FEno; = FAk'as, mot, parole^ 
iVoix FEiio), dire, etc. Remarquez wpoiro; pour r.po -f- FEuo;, 
qui dit d'avance dans BsoTcpô^o;, £, prophète. 

F0n4-a = F0T, t), voix a son correspondant direct dans 
le latin VOx (= VOc-s), VOcis (sanskr. FAk'as), voix, mof , 
parole, nom; son, note; — vox a donné YOcabulum, nom, 
dénomination ; mot (d'où nous avons fait recueil de mots^ 



Racine l'. 511 

yoeabulaire); VOcalis, qui concerne la voix, cl subslantivo- 
inenl yoyelle; VOcifcrari, crier^ appeler à haute voi\r, vori- 
férer; VOcula (diininulifj, voix faible^ son retefiu. Mais le 
pi'incipal dérivé de vox, est cerlainement le verbe dénomina- 
tif VOcare, appeler^ interpeller, d'où VOcatus et VOcatio, ac- 
tion d^appeler, dinvitery et dans un sens spécial, \ocation ; 
VOcalivus, qui sert à appeller, qui appelle, et subst. yocatif. 
VOcare a donné un certain nombre de composés d'une 
{grande importance. 

C'est d'abord a-YOcare, rappeler quelquun, le détourner 
(par la parole) de quelque chose, d*où a-YOcatio, action de 
rappeler, de détourner d'une chose; a-YOcator et a-YOcalrix, 
celui ou celle qui détourne d*une chose. 

Ensuite vient ad-YOcare, appeler quelqu'un, et particuliè- 
rement appeler à son aide, d'où ad-YOcatio, action d'appeler 
à son at(/^, et absolument, aide, secours, protection; ad-YOca- 
lus, celui que Von appelle à son aide, et particulièrement, 
dans la langue judiciaire, celui qui est appelé par Tune des 
parties (cliens, cf. p. 260), pour soutenir l'affaire comme té- 
moin ou conseiller, Ya-socat. 

Nous trouvons ensuite con-YOcare, appeler pour venir en» 
semble (con), pour une réunion, d'où consoquer. Con-YOcare a 
donné con-VOcatio, appel, con-yocation, et con-YOcium, frrui/ 
de plusieurs voix qui se font entendre en même temps, d'où 
avec le changement de Vo en i, con-VIcium (cf. Dig., 47, 10, 
15, 54; Paul. Diac, p. 41, 26.) Con-YIcium exprime Tidée 
d'un grand bruit, et particulièrement d'un grand bruit de 
voix, criaillerie violente, tapage, vacarme, • 

De là con-Ylciari, crier après quelqu'un, Yinjurier, lui 
faire des reproches. En sanskrit un homme reprochable, qu'/7 
faut gronder, après leqtielil faut criera se traduit par VÂkp, 
FAdya, formes véritables de participe futur passif ( = ya). 
Cf. aussi Fiiksa-ti, il cric, il se fâche contre... 



512 Cerrb crier. ^ ORniiB U. 

Nous arrivons au verbe in-YOcare, le quairième composé 
verbal de YOcare. In-VOcare, c'est appeler quelqu'un à son se- 
cours y le prier ^ rinyoquer. De là in-VOcalio,priir^, in-vocation. 
On trouve aussi une fois à l'ablatif sing. et postérieurement 
à Tèpoque classique (Front* ad Verum ep. 1), un in-VOca- 
tus, où Yin^ au lieu d'être explétifs est négatifs ce qui donne 
au mot tout entier le sens inaction de ne point appeler. 

Enfin, nous devons parler d'un dernier composé de YOcare, 
c*est re- YOcare, qui signifie appeler de nouveau, rappeler, et 
dans des sens spéciaux, résoquei* quelqu'un d'une place et 
ré-yoquer en doute une affirmation. 

De rc-YOcare dérivent re-YOcatio, rappel et ré-^socation ; 
re-VOcator, celui qui rappelle, et re-YOcabilis, que Von petit 
rappeler, ré-yoeable. 

Dérivés romans. — Le franc, avocat est de formation sa- 
vante (p. 29) et correspond au mot de formation vulgaire 
avoN^ = adYOcatus ; — ilal. : vocor^, yocamne, \oeabolo 
(mot, \ocable), yodferare, asocato, conyocare, reyocare, etc. ; 
— esp. : yocear, yeciférar, yocerio (clameur), yocacion, vo- 
cero (avocat), ahogado (b^v), coiivocar, resoear, etc; — 
port. : voci/cf*ar, yocaçao, yocabulo [mot), adyogado^ conxocar, 
revogar, etc.; — roum. : a reyoca, yocalie (vora/Jo/i); ayocal, 
yocahular (yocabulaire) ^ elr. 



r.BNRF SOUFFLER. 51 



CInsso BRUIliK 



n 

(îenre SOUFFLER 

Le GENRE SOUFFLER comprend toutes les imitations du 
soulTIement, soit par les soufflantes^ soit par les nasales^ soit 
parles ronflantes. 

Nous avons vu plus haut (p. 225) que dans le genre CRIER 
les voyelles jouaient le rôle principal. Ici, c'est tout le con- 
traire : toute la force imitatîve de la racine repose sur la 
consonne. Il suffît de prononcer les syllables as et an, par 
exemple, pour voir que l'importance de la voyelle est 
presque nulle; celte annihilation de la voyelle dans ces 
onomatopées de ce genre est encore attestée par l'absence 
complète de progression phonétique: A ne se change jamais 
en U, non plus quVn I. 



r,l4 liF.xRE SOUFFLEE. 



^>1 

1K(A ou AU 

Sonflicr, reiipircrv vivre, étre« 

I. Sanskr. ASu, souffle. ASti, il e^t (il respire, il vif) ; Si4(, 
^fanl. SAtya, mfn., ce çui ^5/, d^où le vrai et le beau. Re- 
marquez la magnifique progression de ces trois idées qui 
rappellent ce vers fameux : 

Rien n*est beau que le vrai» le vrai seul est aimable ! 

(BoiLEAis art. poét., I.) 

SAtyan, réalité, vérité, beauté. 

Latin: ESum (inus.), devenu Svm,jesuis; — skr. : ASm\. 
Le grec a EIiJii=EMi;.i = ESjxt, je suis. — Cf. encore le lithua- 
nien : esmi, esti; — si. ecclés. : jesmi, jesti; — zend : ahmi 
= Sijm; açti=ESi; — golh. : im, ist; — osque : es uf 
(table de Bantia, 19, 21 ; cf. plus haut, p. 1G3) =^ ce qui est, 
bien, propriété (grec: c&sta) — cf. Rabasié, op. cit., p. Cl. — 
L'U de liaison contenu dans ESum pour ESm, et dans ESunt 
pourESnt, se trouve fort souvent en latin: vol-u-mus pour 
vol-mus. — Dans Sum, cet u a pris, à cause de la chute de 
TE initial, la môme imporlance que s*il faisait partie de la 
racine. 

Nous ne ferons pas ici de nouveau l'histoire du verbe 
Sum ; nous renverrons le lecteur aux éléments de gram- 
maire comparée placés en tête de ce volume (voir en parti- 
culier, p. 192 etscq.). Nous ferons seulement remarquer 
une fois de plus que le latin a souvent des formes plus par- 
faites que le sanskrit. Ainsi ERant(r=s), troisième per- 
sonne du pluriel de l'imparfait de l'indicatif, se rapproche 
plus du primitif aryaque AH-an-ia que le sanskrit ilSan, 



Hacinf a a ou ah, T}\t} 

qui a perdu le T caraclérisHque de la désinence. Cf. lo 
perse ah-an-ta, persan moderne = ahan (on sait que TH ira- 
nien répond toujours au S sanskrit). 

Parmi les composés de Sum, nous citerons : ab-Sum, ab- 
ESse \ être éloigné, iire absent, à'oxiêtre ennemi de quelqu'un 
ou de quelque chose et manquer de... — Un participe présent 
abSEns, absent^ a donné un substantif ab-SEntia, absencej 
et un verbe abSEntare, reiidre absent, tenir éloigné; 

xVd-Sum ou (par assimilation) as-Som, aP-fui, ad-ESsa, être 
avec^ être présent, d'où prêter aide, assister ; 

De-Sum, de-fui, de-Esse, être absent de, manquer, faire 
défaut; 

In-Sim, in-fui, in-ESse, être, se trouver dans ou sur; 

Inter-Sum, intcr-fui, inter-ESse, être parmi, au milieu, 
être distant, éloigné, etc. ; importer à ; la troisième personne 
du singulier du présent indicatif se prend impersonnelle- 
ment au sens de il importe à, il est dans Tintérêt de, et se 
construit avec le génitif ou avec mea, ttia, sua, etc. ; 

Ob-Sum, ob-fui, ob-ESse, être placé devant, faire obstacle, 
nuire, etc. ; 

Pro-Sum, pro-fui, prod-ESse, être pour quelqu^ un ou quelque 
chose, être utile, servir, être bon, etc. ; 

Prae-Scm, prae fui, prae-ESse, être devant, d'où protéger, 
défendre et être en tête^ commander, présider ; le participe 
prae-SEns, présent, résolu (en parlant du caractère), favo- 
rable, puissant, a donné prae-SEntia, présence et un surcom- 
posé re-prae-SEntare, rendre présent^ représenter, exécutet^ 
d*où re-prae-SEntatio, représentation, exposition, et re-prae- 
SEntator ; 

• 

* On trouve quelqueloîs ^ourab-fui, ab-futurus, ab-fbrem, etc., des fonnes 
o^fHtt Q'-fkturus^ a-forem, etc. — Ces formes fki, etc. appartiennent à une 
racine ■■!}, être, que nous Terrons plus tard (classe PRESSER, genre poskb, 

tXktUfi.) 



3in Genre SOUFFLER. 

Sub-Sum (sans parfail), sub-ESse, itreprèx^ être desfioua 
d'où être caché; 

Et enfin super-Suni, super-fuî, super-ESse, être au-dess^is, 
excéder j rester, subsister; particulièrement survivre. 

Dérités romans. — Français : Estre devenu être; dans celle 
langue le verbe substantif est composé non-seulement de 
Som, ESse (rac. as) pour ESsere, je suis, etc. ; et de fuo (rac. 
mmVjje fus, etc.); mais encore de stare (rac. sta, fe{s)tais, 
e(s)tant, etc.) — prov. : esser ; — ilal. : essere; — esp. et 
port.: sfr; — catalan: esser, ser ; — roum. : dans cet 
idiome, Tinfinitif est afi (■■v); la rac. as a cependant donné 
sîw(, je suis, etc. ; eram, j* étais, etc. 

Fr. : absent; — prov. : absens; — ital. : assente; — esp. 
ot port. : ausente; catalan : absent; 

Fr. : présent; — ilal., esp. et port. : preseftte ; — roum. : 
prezent; etc., etc.. 

H. Nous avons dùjù vu dans plusieurs composés un parti- 
cipe aclif du verbe Sum : SEks pour SEnt. Ce participe présent 
dont la forme aryaque est SAt, a conservé exclusivement le 
sens de souffler, respirer, dans son dérivé SEwtire, SEwtio, 
flairer, sentir {être respirant quelque chose) ^ et, dit M. Chavée 
(LexioL ind.^eur, p. 595), « c'est peut-être la meilleure 
preuve que Ton puisse donner de l'origine du verbe sa on 
AS comme imitation de souffler. » 

SENtire, SEnIîo, se prend souvent* en mauvaise part pour 
éprouver une sensation désagréable, souffrir; puis, mora- 
lement avec le sens de s'apercevoir, de remarquer, d'oii 
avoir une opinion sur quelque chose, jngei', dire son avis, 
voler. C'est avec celte demicrc significalion qu'il a donné 
SENtentia pour SE>tientia (d'où SENtentiosus, sentencieux), 
opinion, jugement, sentence, suffrage ; mélapli. en parlant 
du langage, sens, signiflcation, idée; puis la manière dont 



Hagime ma ou an. 517 

on rend celte idée, la période; et eniin, au point de vue plii- 
losophique, proposition^ maxime. 

Du participe SEnsus pour SEr^Tsus sont venus : SE^sa, 
ovunij pensées j sentiments ; SEssus^ us, qui a tous les sens 
substantifs du verbe SE^'tio. L'adverbe SEKsim, d'une ma- 
nière sensible^ perceptible^ a fini par signifier, d'une manière 
qui permet de bien voir, de bien saisir, lentement ^ peu à peu, 

SENsibilis, perceptible^ qui tombe sous les sens ; in-SEnsi- 
bilis, insensible, etc. 

Le composé con-SEidire (sentir avec) a été transcrit dans 
le français consentir et a donné couSEksus, conformité de sen- 
timentsy concorde {cotisentiment) ; 

As-SE^tire a le même sens d^étre du même avis, approuver, 
et il a donné as-SENsus et as-SENsio, assentiment; as-SEnsor, 
approbateur^ qui donne son assentiment. Nous trouvons encore 
as-SE]Ntor et as-SE^tior, donner ou manifester son assenti- 
ment ; de là as-SENtatio, assentiment systématique^ d'où flatte- 
rie; as-SEntator, approbateur, flatteur; as-SEntatorie, etc. ; 

Dis SEiNtire est opposé à as-SEr(tire ; ce verbe signifie être 
d'un avis différent, ne pas s entendre, d'où dis-SEnsus, dis- 
SEntio, dissentiment, dissension ; dis-SE^taneus, qui nest pas 
du même avis, etc. ; 

Per-SE:«tire, per-SENliscere, s^apercevoir de, remarquer; 

Prae-SE?ïtire, seti^ir d'avance, pressentir^ pt*évoir, d'où 
1 inchoatif prae-SEistiscere, commencer à s apercevoir; prac- 
SEnsio, pressentiment, divination, etc. ; 

Sub-SEntire, se douter de, soupçonner ; on trouve ici un 
sub-SEstalor (forme par analogie d'as-SEwtator), flatteur, 
adulateur; etc. 

Le mot français mseus^ vient d'un bas^lalin in-SEiisatus, 
(juc Ton trouve dans Tcrlullien. 

Nyevius a aussi employé ex-Sli«sus. Ilesscntiment n'a pas de 
correspondant en latin.. 



318 Genre SOUFFLER. 

Dérivés noMAKâ. — Prov. : sentir (sentir), scntido {odorifé- 
rant)^ sentour (senteur); — ilal. : preseiitore (pressentir)^ 
presentimento (pressentimetit), insenzalo (insensé), risenti- 
mento (ressentiment), consentire (consentir), consentimento, 
consenso (consentement), assentimento (assentiment), disscn* 
sione (dissentiment), sentire (sentir), sentimento, senso (seii- 
timent), sensibile (sensible), sent ema (sentence); — esp. : 
presentir, fresentimentio ; insentato; resentimiento ; consen- 
tir^ consentimentio ; disension, disenso; sentir, sentimiento, 
sensadon; sensible; sententia ; — port. : pressentir, pressenti- 
mietitQ; insensato; resentim(i]ento ; consentir, consenso, eon- 
sentimento; assenso; dissensao; sentir, sentimento ; sensivel; 
sentença; — roumain : a presimti, presimtire (frresseutiment); 
a simti, simtiment, simtitor (sensible) ; sentata (sentence), etc. 



III. AH a encore donné au lalin le subsianlif OS, ORis pour 
OSis, la bouche. Comme la bouche esl le principal trait du vi- 
sage, sinon par son expression el son importance, au moins 
par sa dimension, de bouche est venu Tidée de visage et OS a 
signifié bouche elvisage (puis toute espèce de trou), de même 
que son correspondant sanskrit iiSyam. — Cf. sanskr. : 
mukha et vadana qui signifient également bouche el risafje. 

De OS sont venus : 

OScen (os4-cano) oscéne, dans la langue augurale, loul 
oiseau dont le chant servait de présage; OScillum, petite ca- 
vité au milieu des légumineuses, par où sort le germe, ou le 
î/er me lui-même; 

OScilare et OScilari (composé peul-êlrc avec cieo, agiter, 
ouvrir), ouiTjr/fl bouche, bût lier ^ et en parlant des plantes, 
sépanouir. De là OScitalio, bâillement^ et OScilans (d'où 
l'adverbe OScilanter) qui a presque perdu son sens primitif 
de bâillant pour prendre la significalion figurée de inactif, 
oisif, négligent ; 



» 



tUciNL »A OU AU. 319 

OSculum, petite bouche^ puis baiser^ a donné le \crbc OS- 
culor, donner un baiser, chérir. Le participe OSculalus a 
donne le substantif OScuIatio, etc. 

Par une autre dérivation, OS a donné OSlium, porte ^ ai- 
tre'e^ avenue^ d'où le diminutif OStioIum et l'adjectif OStia- 
v'iuSj relatif à la porte (subst. portier, concierge) ; OStiatim 
de porte en porte, etc. 

Un dérivé des plus importants de la racine as par le thème 
OS (bouche), c'est le verbe ORare, parler, puis plus tard, de- 
mander, solliciter, prier les dieux. ORare a été le père (par son 
part. OR-atus) d'OR-atio, discours, prière, oraison, — Or-ator, 
orateur^ intercesseur, — OR-atorius, orafoir^, — et OR-aculum 
petit discours et, plus spécialement, réponse d*un dieu con- 
sidté, sentence, oracle. 

Les principaux composés de OR-arc sont : 

Ad-ORare (ce mot ne se trouve pas dans Cicéion), se tour- 
ner vers le visage de quelqu'un, lui adresser la parole, lui 
parler, ou plus simplement, prier vers, adorer, d'où AD- 
oralio, prière, adoration, ad-ORator, celui qui adore, etc. ; 

Ex-ORare, demander, prier instamment, arracher à force 
d*instances, d où ex-ORatio, action de fléchir quelqu'un, ex- 
ORator, celui qui fait cette action, ex-ORacula, raisons capa- 
blés de persuader, ex-ORabilis (Irès-class.), qu*on peut aisé- 
ment fléchir par des prières, etc. ; 

Per-ORare, expliquer, déveloiper complètement, puis con- 
clure un discours, le terminer, d'où teiviiner toute espèce 
d'affaire (on voit que per-ORare ne se prend jamais dans le 
sens du français pAor^r), de là per-ORatio, péroraison, con- 
clusion d'un discours, elc, etc. 

Dérivés romans. — liai. : orare (prier), ora:iione (prière, 
oraison), orator {celui qui prie, orateur), etc.; perorare (pé- 
rorer), perovazione (péroraison), adorare (adorer) , adorazione 
(adoration), adorator (adorateur), adorabile (adorable), ora- 



5t20 GK^RE SOUFFLER. 

colo (oracle)^ etc. ; — Esp. : orar, oraciouj ovador^ clc, 
perorarj peroraciony adorar^ adoraciotty adoiadory adorable^ 
ovaculo; — port. : ovar^ ovaçdo^ or adot\ etc., perorar, 
peroraçaOj adorar^ adoraçao^ adorador^ adoravel^ ora- 
cu/o, etc. ; — roum. : or ator (orateur) ^ peroracie (peroraisoti), 
a aefora, adorare (adoratim)^ adorator, adoroii/^, etc., ora- 
Ctt/, etc. ; — ilal. : ostiario (portier) ; — port. : osculo (bai- 
ser) , etc.,elc. 

IV. Enfui, la linguistique comparative nous montre que 
cORani est un dérive de OS combiné avec le pi'éfixe ma, ex- 
primant l'idée d^e^isembley d*uHi(<^. Avec levisagey c*cst-à-dirc, 
devant le visage s^exprime par co-OSam = c-OSam = c-ORam. 
Le mot hébreu qui exprime Tidée de présence est formé de 
la même manière. 

52 

U 

fetosOlcr. 

Celte racine dont nous verrons plus lard les principales 
formes secondaires, est une des plus importantes du diction- 
naire indo-européen, et la quantité de vocables qui en sont 
issus nous oblige à la diviser en deux grandes individuali- 
sations: AW, WA, au sens de souffler ^ enfler ^ pousser des 
soupirs y aspirer A, aimer y etc., et AW, WA, au sens de brû- 
1er y briller. De plus, fidèle au principe d'ordre qui est le but 
même de cet ouvrage, et craignant que le développement de 
l'article consacré à chacune de ces divisions n'amène quel- 
que confusion dans Tcsprit du lecteur, nous subdiviserons 
encore ce que nous avons à en dire en plusieurs alinéas, 
comprenant chacun une forme lexique et une individualisa- 
tion de ridée principale de souf\ler. 



Racine U. 521 



I 
SovUlcr» enfler» po«Mier des «ospirsy aupfarer A» aliaer. 

1 . AW ou WÀ, souffler y venter (au prop. el au fig.) 

I. Le skr. FÂtas, FÂtis se retrouve dans le latin YEntus, 
qui a pris seulement comme renforcement la nasale inter- 
calaire (cf. skr. : FÀti pour^Fali; — grec : ''AFr^^t devenu 
'Atjti, il souffle y il vente; — Go t. : y/inds; — ail. : wind; — 
angl. : wind ; — Gaél. : gaoth (=wao/h) ; — kymr. : gtvynt ; 
— lilh. : wesis; — rus.: wietr ; — pol. : wiatr^ tous ces 
mots avec le sens de vent). — VEnIus se prend à tous les 
sens, au propre et au figuré ; il signifie à la fois le vent et 
le point du ciel d'où il souffle (rose des vents) , le souffle de 
la vie et le souffle de la fortune, celui du bonheur et celui du 
malheur. Ce qui est plein de vent s'appelle VEnIosus ou encore 
(au fig.) VAnus (gonflé d'air; cf. ifianis, de an, rac. n"" 36). 

Nous disons encore aujourd'hui de.quelqu'un qui se ymte 
sans cesse, qu'il est bouffi d'orgueily de vanité, VAnilatis. 
L'instrument appelé van (lat. : VAnnus, d*où VAnnere, vanner, 
cf. Pictet, op. cit. II, 118, 684), et dont le but est de secouer 
violemment le grain battu pour en faire envoler les immon- 
dices, n'a pas d'autre origine. (Cf. VErïtilo, au sens de remuer^ 
retourner les graitis; VE.\tilator, etc.) VAwus a donné un in- 
choatif: VAResco(d'où eVANCscere) avec le sens de disparaîtra, 
s^évanouir, et au fig. cesser , se dissiper. 

Revenons aux dérives de VErIus. 

Nous trouvons un diminutif verbal VEntilare (goth: wa- 
jan, venter; — ail. : wehen), exposer à fair^ éventer j animer 
par un souffle, scruter, approfondir, qui a formé YErdiJatio, 
\cntHatian, et VE«tilator, yanneur et sentilaleur. 

21 



522 CiERRE SOUFFLER. 

VEmIosus, dont nous avons déjà parlé, a formé VENtositas, 
yeniosité^ jactance ^ et son féminin pris substantivement est 
le père de notre mot yentouse. 

Dérivés moins importants. — VAnidicus, qui dit des choses 
fausses ou frivoles^ metiteur; — VÂNiloquus (môme sens) ; — 
VAKÎloquium et VÀNiloquentia, paroles fulUeSj elc. 

Dérivés romaks. — prov. : veïi/ar, ycntoular (scnler^ ^vcn- 
ter), \mtQS (gros \ent)y yenlouret {zéphyr)^ etc. ; — ital. : 
\cnto (\ew/), ycntare, yenteggiare (vciif^r), yentiera (yeniila- 
teur)j ycntilare (agiter au yent), yentilabro (van), yentolare 
(vanner), vani^a (ymité)^ etc. ; — esp. : vienfo (venf et va- 
nité), ycntary ven/î/ar, ycntUador^ \cntilaciony yentador, flveii- 
tador (van), vanirfad, vanidoso, etc. ; — port. : yento, vewfar, 
ven/t/ar, yentiladory yentilaçaoy yàidade (vantt^, vatdoso, etc.; 
— roum. : vinf , yciitilatorj yinturatory yentilacie, yinturarej 
vani/fl/e, etc.; — ilal. : yentaglio (éyentaU); — csp. : ven- 
tallei] — port. : yentarola^ etc. ; — ital., esp. et port. : vew- 
toso (ycnteux^ flatueux)^ yentosa (yentouse) \ — roum.: vin((ï«, 
ycntusay etc., etc. 

II. Que le latin ait emprunté ÀEr au grec ou qu'il Tait 
reçu directement de la langue commune pélasgique, et nous 
sommes de cette dernière opinion, il est certain que ce mot 
existe dansles deux idiomes. Engrec ÀFr^p, iiQp, b (primiti* 
vement féminin, ainsi qu'en latin), signifie rdiren tant qu'il 
se meut, qu'il souffle. En latin Asr pour AVsr (skr. AFis et 
Vi4yus), représente Voir inférieur, l'atmosphère, par oppo- 
sition à Téther ou air supérieur; poétiquement, il signifie 
tiuage ou hauteur aérienne d'un point quelconque. 

On trouve pour accusatif d'Asr : AErum, Asra et AErem. 
Asr est un de ces vieux mots qui, peut-être à cause de leur 
antiquité cllc-mémc, ont laissé peu de dérivés. Nous cili - 
rons seulement Asrius ou plus rarement AEreus, uérien, rcla* 
tifàTair. 



liAcirtE U. 5'25 

Dérivés romans, — Franc. : diérer (donner de 1 air) ; — 
prov. : a^r, air; dire; — porl., bourg, et berrich. : ar; — 
ilal. : artd, mère ; — roum. : aer, etc. 

m. L'aryaque rend encore l'idée d'air par le mot aivim, 
qui signifie aussi venl, d'où (A)ivi.jat (qui va, awi, dans 
Tair) nuuge et (A)ivi-7at-i«, oiseau. De ce dernier organique 
parfait, il n^est resté en sanskrit que wi, Y oiseau ^ tandis que 
le grec a conservé b "OFicovo; devenu "Olwvo;, le voyageur par 
air, Toiseau, et plus parliculirrement le vautour. Le grec a 
aussi un 'AEii; pour AFEt5;, Voiseaupar excellence, le roi 
des oiseaux, Vaigle. On voit qu'ici, comme en beaucoup 
d'autres cas, le grec est plus parfait que le sanskrit; il en 
est de même du latin AYis qui signifie V oiseau (voir avec ce 
sens le dérivé adjectif AViarius, relatif aux oiseaux) cl pré- 
sage, augures, auspices. 

On sait que c'est de Tobservation du vol et du chant des 
oiseaux que les Romains tiraient leurs présages. De la AVis 
au sens secondaire que nous venons de signaler. 

De là encore AVigur devenu AUgur. On trouve plus an- 
ciennement AUger pour AUgur et AUgeratus pour AUguratus, 
ce qui peut faire croire que ces mots sont formés de AVi + 
gero. Quoi qu'il en soit de cette hypothèse, ce qu'il nous im- 
porte avant tout de constater ici, c'est le fait d'AVi formant 
AU-gur, et ce fait est hors de doute. Les augures étaient un 
collège particulier de prêtres qui prédisaient l'avenir en 
observant surtout le vol, le chant, et la nourriture des oi- 
seaux, de là toute espèce de devin, de prophète. 

AUgur est le père de d'AUgurium pour AVigurium, obser- 
vation des ViUgures, de là toute espèce de divination ; AUgu- 
ralis, relatif aux augures; AUguraculum, observatoire, d'où 
les augures examinaient le vol des oiseaux ; AUguror (ancien- 
nement AUguro) observer les augures, puis prédire et enfin 
pressentir, augurer, cic. 



324 Genre SOUFFLER. 

L'action de surveiller le vol des oiseaux étant sacrée don- 
nait un caractère religieux à celui qui la faisait et au lieu où 
la cérémonie s'accomplissait; et c'est de là qu'est venu le 
mot AUgustus (== AUgus pour AUgur-h tus; cf. ZeiUchrifl, 
III, 269*), saint j sacré, consacré^ illustre^ scagnstej reli- 
gieux, etc. 

Une autre classe de dérivés d'AVis que nous devons placer 
ici, a pour prototype AUspex pour AVispex (AVi + spicio), 
celui qui prend les nnspices^ nugure; primilivement l'AUspex 
différait de TAUgur, comme Tidée particulière diffère de 
l'idée générale, puisque l'AUspex se bornait à observer le 
vol des oiseaux (cf. Non.^ 429, 26). 

Mais, comme cette espèce d'augure était la plus ordinaire, 
les deux mots et les deux charges tinirent par se confondre. 

D' AUspex est venu AUspicium, observation des oiseaux, 
puis signe, indice céleste, présage de la volonté des dieux, et, 
en particulier pi^ésage favorable; de là, entreprendre quelque 
chose sous les auspices de quelqu'un. Cette individualisation 
a donné à AUspex le sens secondaire àHtistigateur, guide, 
celui sous les auspices duquel on commence quelque chose. AU- 
spicor (activ. AUspico), a aussi les deux sens de prendre les 
nuspices et commencer sous les snxspices, puis d'une manière 
absolue, commencer. 

Nous ne citerons plus que deux dérivés, c'est AUspicabilis, 
de bon diugure, d^heureux présage, et in-AUspicatus, quon a 
fait sans avoir pris les auspices, de mauvais présage, et quel- 
quefois en bonne part, inespéré. 



* < Auguslus locus sanctus ab avium gestu, id est quia ab avibus signili- 
catus est, sic dictus, sive ab aTium guslatu» quia aves pastae id ralum fece- 
linl » (Feslus, p. I). — c Quod loca quoque religiosa el in quibus augurato 
qui cuusecratur, augusla dicaniur, ab auclu, vcl ah avium gcslu gustuve, 
i^icut eliani Eiiiiius docel scribcns : Augusio augurio po^lquam incluta coudita 
Uoina Bit h (Sud. Oct.l). — «Saucta vocant augusia paires, augusta vocantur 
templa bacei'dolum rite sacrala manu » [Ovid. FasI. \, C09). 



Racine tJ. 325 

Enfin le thème AVi a encore donné AViccps, devenu AU- 
ceps, -upîs, oiseleur^ d'où AUcupium, acixon de tendre des 
pièges^ principalement aux oiseaux ; AUcupari, tendre des 
pièges^ clc,^ etc. 

Dérivés romans. — Prov. : auguri, aujwr, agur; — ital. : 
augurio ; — esp. : uguero ; — port. : ajfowro; — roum. : au- 
gura ; — vieux franc. : aûr, efir, het/r, d'où bon-heur et mal- 
heur; — prov. et roum. : txugusti ; — ital., esp. et port. : 
mgustOj etc. 

IV. Ce qui provient des oiseaux, l'aju/* devrait s'appeler en 
aryaque et en sanskrit ÂiVAyam, venant de VoiseaUj mais il 
est perdu dans cette dernière langue; on le retrouve dans le 
grec 'ÛF£(t)ov (et "ÛB-ov [Ilesych], avec B=F)*ÛEov, "ÛIov, 
Ti, Vœuf; — ail. : ei. 

Le latin a conservé OVum, contracté de OVoium, Vœuf, et 
au fig. la contenance d'une coquille d'œu/*, ou la forme d'un 
œufj la forme oyale. 

OVarius, esclave chargé de la basse cour; Valus, qui a la 
forme d'un œuf; OVicare, délayer avec un blanc d'œuf, etc. 

Dérivés romans. — Ital. : uovo (œu/), uovo/o (ov^, terme 
d^archit.); — espag. : huevo (œu/*), ovario (ovaire), oxalo 
oval {o\ale) ; port. : ovo, ovTino, osado, o\al; — roum. : ou, 
onriuj ovfl/, etc. 



2. AW, aspirer A, désirer, aimer, 

I. Avec beaucoup moins de force que KWAp (= k, forte- 
ment -h "wa^ souffler, aspirer, -h ^ pour pa, faire l action 
de), forme secondaire que nous verrons plus loin, p. 338, le 
verbe simple AW, aspirer à, désirer, aimer, reproduit encore 
la même image. Il a donné au sanskrit AFa, amour; l'adjectif 
AFa, aimant et aimé, dont le diminulif AFùka, le père, nous 
montre assez le sens qu'avait le positif AFa (nominatif AFas) 



.Viii Genre SOUFFLER. 

le bien-aiméj le grand père^ en lalin AVus. (Cf. le gof ii. : art), 
la grand' mère; le vieux nordique «/î, le grand-père; alle- 
mand: Ahn pour Ai»/m, elc.) A côté de AVus, aîew/, d'un 
AVilulus, petit yraml-pèrej formé sur Tadjeclif AVitus (voir 
plus loin), nous trouvons les composés pro-AVus, ab-AVus, 
at-AVus, tril-AVus, qui expriment ce que nous appelons en 
français bissîiQul et tris^\eul. AVus a encore formé AVilus, 
relatif à Vdjeul. 

Nous trouvons à côté de AVitulus (qui comme nous venons 
de le dire a donné aïeul) un second diminutif AVunculus. 

« AVunculus, dit Isidore (Orig. 9, 6, 17), est matris fra- 
ter, cujus nomen formam deminutivi habere videtur, quod 
ab AVo venire monstratur. » 

Ce mot désigne le frère de la mère, Vonde maternel 
(Y oncle paternel s'appelle };a(ruttô). Cf. le lithuanien awyncs^ 
oncle, autre mode de diminutif de AFa, oncle. 

Dérivés romans. — Wallon : aioi/2 (aïeux) ; — berry : mol 
(aïeul) ; — prov. : a\iol ; — ilal. : avo/o, a; — esp. : abue/o, 
a ; — port. : avtf, 0; — ilal. : a\unculo (oncle maternel) ; — 
roum. : unchiul; etc., elc. 

II. Un autre dérivé latin de la racine aiv, souffler vers ^ 
aspirer ô, c'est le verbe AVeo, AVere, désirer ardemment^ 
zsidemment quelque chose. Quelques philologues Tont fait 
venir de la racine kc, mhu (page 232), mer^ proclamer de- 
venu IIW et llAV ; ils ont été engagés dans cette voie par un 
lIAVcre, que Ton trouve dans les dictionnaires lalins, mais 
qui n'est employé par aucun classique. Celle lettre II, en 
supposant qu'elle exisle, prouve seulement que ILWere vient 
de KA -h AW, souffler fortement dont il ne sera plus resté 
que l'aspiration IIA tombée elle-même bientôt en A, D'ail- 
leurs lIAVcre ou plutôt AVorc, désirer, placé sous la racine 
KU, crier, serait le seul exemple du désir exprimé par le 
en, et nous avons déjà proclamé notre horreur pour Texcep- 



Racine U. ^21 

tion, qui n'est pour nous que le résultat d'une loi inconnue 
ou incomprise. 

Or, le désir s'exprime loujours par le souffle, laspiration 
vers quelque chose; de plus, les conditions lexiologiques sont 
au moins aussi favorables pour placer AVere à la racine aw, 
souffler qu'à mu, crt^r; donc jusqu'à preuve bien évidente 
du contraire, nous maintenons que le verbe latin AVere est 
le frcre (au sens moral) dé AFw, AFVo), (au phys.) souffler^ 
exhaler. 

D'ailleurs AVere avait chez les Latins, exaclement le 
même sens que CUrere; c'est Festus (p. 13) qui nous l'as- 
sure : 

« AVere nihil aliud est quam CUrere. Argumento est 
AVidura et AViditas ex quibus praecipua CUriditas intelli- 
gitur. » 

Le seul mot indo-européen, issu de la racine kv, et qui 
peut, au premier abord, paraître signifier autre chose que 
rrier, d'où invoquer, est Tallcmand heisehen. Hais ce mot se 
traduit dans les meilleures dictionnaires par réclamer, re- 
clamare, aier de nouveau, et jamais par demander, encore 
moins désirer. Heisehen est tout simplement le frère de heis- 
sein, appeler, commander, issu du tudesque haizan, qui a le 
même sens, et M. Schuize, dans son Gothisches Glossar, ira- 
duitle gothique haitan par èzixxXcTv (cf. plus haut p. 255). On 
voit donc que l'isolement de IlAVere ou AVere dans la racine 
KV, sei'ait complet, et nous sommes autorisés par là à le re- 
mettre sous le radical Aur, urï, souffler, d'où déairer. 

AVeo, je souhaite, a donné AVidus, avîd^, qui désire ardem- 
ment quelque chose ou toutes choses, AViditas, vif désir, iy\idité 
et AViditer, ;i\idemeni. AVidus est frère de AVarus, ^t désire 
toujours acquérir, uyare; AVarus a donné AVaritia, désir vio- 
lent d'acquérir ou de posséder; nsarice. AVidere, en se con- 
tractant, est devenu AUdere, comme gaudere de gavidus est 



328 Gbhrb souffler. 

pour gaviderej que l'on retrouve dans gamus mm, je me suis 
réjoui. AUdere exprime Pîdée d'u^pîr^r à, tendre fortement 
versj paurstiivre violemment un but, oser. Ce verbe a formé 
un adjectif d'habitude AUdax, AUdacis, qui ose, nudaàeux, 
doù AUdacia, courage, auduc^, etc. 

L'individualisation desouffler, en enfler, augmenter, erottre, 
peut réclamer à juste titre comme lui appartenant le verbe 
latin AVere ou HAYere, se bien porter et Taspiration que nous 
retrouvons dans une des formes de ce verbe, forme du reste 
aussi employée, que sa sœur non aspirée, nous autorise à 
considérer celle-ci comme tronquée, incomplète, et à placer 
le verbe HAVere sous un radical ka-wa = kawa, que 
nous étudierons plus loin, p. 329, plutôt que sous la racine 
simple AW, souffler. Nous étudierons cependant ce mot ici 
même, à cause de sa grande ressemblance lexiologique ac- 
tuelle avec AVere, AVidus, etc. (HjAVerc exprime l'idée de 
se bien porter, être en santé prospère, d'où être heureux, et il 
ne se trouve jamais qu'à Timpératif : AVe, et h Tinflnitif, 
excepté une fois dans un auteur de la décadence, Mamertin 
(Gratiar. act. ad. Julian.), qui dans une seule phrase, l'em- 
ploie aux présents de l'indicatif et deTinfinitif, au futur et 
à l'imparfait du subjonctif. 

AVe veut donc dire: porte-toi bien (engraisse), d'où bon- 
jour, adieu, et autres formes de salut. 

Dérivés romans. — Ital., esp. et port. : avirfo, a (avirf^) ;— 
ilal. : B\idita (avidi(^); — port. : ayidet; — picard : av^- 
(uyare) ; — prov. : avflr; — ital., esp. et port. : avflro, a; 
— prov. et esp. : nyaric^a (avarice) ; — ital. : iï\ari%ia ; — 
port. : ayareza, etc. — Prov. : aoujar; — ital. : osare; — 
cspag. : osar; — port. : ôiisar; — ilal., esp. cl port. : au- 
dacia. 



Racirr tJ« 529 



5. KWA, KWI, souffler fortement ^ gonfler, enfler; créera 
accroître. 

I. Avec le préfixe de renforcement ka, iv a donné 
KAivl devenu umÂ^souffler fortement j gonfler^ enfler; créer, 
accroUre. 

En sanskrit Kwi s^adoucil en ÇVA et devient d'ordinaire 
ÇVL ÇWA^àmi, je m'enfle, je grossis, d*où je crois, je gran- 
dis ; ÇW^'Agatu, .ÇffAyicî, enflure, gonflement. 

Le participe parfait passif de ÇîTAyâmi , Ç[/na , gonflé, a pour 
correspondant grec KEvéç (KFEvo;), gonflé, plein de vent, d'où 
vide (cf. vanus et inanis, plein de vent, vide, vain), tandis 
que Çf/nya est représenté par KEvao; (=KFEv£4ç), avec le 
même sens; un autre dérivé grec est KVw (=KFTco), conte- 
nir, porter dans son sein, être pleine (en parlant d'une fe- 
melle). 

En latin on ne retrouve ces formes que dans CUMcrum (cf. 
grec XTmPyj, vase creux) sorte de grand panier ou de vase en 
terre servant particulièrement à conserver le blé, et dans 
CUmulus, tas, amas, considéré comme gonflement ; ce qui 
prouve bien que ce mot ne vient pas de cidmus ou de culmen 
(v. rac. kr), à part toute difficulté étymologique, c'est que 
ridée primitive de CUmulus est un amas pour combler la 
mesure, pour la jfow/I^r jusqu'à ce qu'elle soit pleine, et non, 
comme le dit M. Freund, et après lui, M. Theil, un amas 
en pointe. CUmulus a donné un verbe CUmuIare, d'où ac- 
CUmulare, mettre en tas, accumuler, combler; CUmulatio et 
ac-CUmulatio, accumulation, etc. Le grec a un KY\li, gonfle- 
ment des flots, tempête, orage, d'où vient notre mot d'archi- 
tecture cymaise, sorte de moulure renflée concave par le haut 
et convexe par le bas, et qui s'emploie surtout aux couron- 
nements des édifices. 



550 Gexre souffler. 

Dérivés iioiians. — Prov. : cutnii/ar (combler); — îtal. : 
colmare^ cnmulare; — es^p. : colmar; on Irouvc un bas-lalin 
COlmus, avec le sens d'embarras dans un chemin, d où le 
vient verbe français se combler = s'embanasser (Lancelol du 
Lac, 1. 1, r 43), d'où encore le franc, eti-combrer; — port.: 
comol; — ilal. el esp. : colmo ; — port. : cnmuloy au sens de 
tas déterre^ etc., etc. 

II. KiVA et Kivi, aryaques, devenus en sanskrit ÇWA et 
ÇW7, ont quelquefois changé en latin le W en R. Nous au- 
rons occasion dans la suite de cet article de voir plusieurs 
exemples de ce changement, bizarre au premier abord, mais 
fort explicable après tout, et qui a lieu d une manière con- 
stante. Cf. aussi plus loin CREta, la blanche, la craie = 

Ainsi CWA% sanskrit devient CRAs, latin. Ce mot exprime 
l'idée générale d'avoir. 

La racine kwa, souffler fortement^ que nous avons vu 
prendre successivement les sens de gonfler^ augmefiter^ el 
ajouter en soufflant^ s'individualise enfin dans augmenter j 
ajoutei* d'une manière absolue. 

CRAs signifie donc : en ajoutant du temps au temps où l'on 
agit, où l'on parle. 

Horace dit encore dans ce sens : « Quid sit fulurum nas 
fuge quaerere; Évite de chercher ce qui l'arrivcra dans lavc- 
nir« » OJ. I, IX, 15. 

Ce n'est qu'en particularisant ce sons d'avenir en celui 
de l'avenir le plus prochain, que l'on a fini par traduire CRAs 
par demain, en Topposant constamment au jour présent, ce 
jour d'hui, hoc die, hodie. 

Nous employons encore aujourdhnij demain^ au sens gé- 
néral, et nous disons, par exemple, qu'il ne faut pas compter 
sur le lendemain, c'est-à-dire sur Yavenir. 

L'adjectif CRAstinus, sanskr. ÇFAstanas, dérivé de CRAs, 



i 



Racine U. 551 

exprime aussi, mais très-rarement, Tidée générale d'avenir, 
à côlù de celle du jour de demain. Pour la terminaison -fn7ii.¥, 
sanskr. -tanas^ cf. \esper-^i)iM5, pris-finMs, malu-/ittM5, etc. 
Dérivés moins importants. — ProCRAstinare, remettre au 
lendemain y d'où, en général, ajourner; et proCRAstinalio, 
ajournement, 

m. Une autre forme issue aussi deKw.% au sens Ae gonfler y 
cesl CRAssus, gonflé^ grosj gras, épais; au fig. grande et au 
moral ^/)ais (d'intelligence), une paresse cras^^ (vieil adjectif), 
c'est une paresse d'une épaisseur telle, qu'il est presque im- 
possible de la percer, il en est de même en théol. d'une igno- 
rance cras^a; nous disons quelquefois d'un mauvais étudiant: 
il est crsissenx d'ignorance ou de paresse. Ce mot crdisseux 
est dérivé du substantif crasse et cvdisse lui-même n'est que 
le reste d'un vieux qualitatif qui, en adoucissant sa première 
lettre, nous a laissé gras, gra^^^. La cra^^^ n'est donc qu'une 
épaisse couche de saletés. De CRAssus sont venus CRAssities 
et CRAssitudo, grosseur ^ épaisseur; CRAssescere, devenir gvdiSj 
épais; CRAssifico, rendre épais, épaissir; CRAssedo, CRAssa- 
men, CRAssamentum, résidu épais, matière consistante, sédi- 
ment^ dépôt; CRAssus est assez connu comme nom propre; 
nous le traduirons littéralement par le gra5. 

Dérivés romans. — Bas-latin : GRAssus, gras; — picard et 
hain. : cras, crasse; — wallon : crûs, crise; et crau, 
crause; — prov. et catal. : gras; — ital. : grasso; — esp. : 
graso; — roum. : gras, etc. 

lY. C'est au participe aoriste ÇKi4»f, enflant, gonflant, que 
nous devons le principal nom du chien, le premier de nos 
animaux domestiques, d'après Pictet (op. cit. I, 375). 

Un grand nombre d'animaBx tirent leur nom de leur puis- 
sance fécondante; le chien est de ce nombre, seulement ce 
nom deVenflant lui vient du résultat de cette force généra- 



352 Genre SOUFFLER. 

tricc, et c'est la grossesse de la chienne qui a fait donner au 
mâle le nom de ÇKAnt, le gonflant^ Vengrosseur. 

Ce participe fait au nominatif ÇVAn; c'est la forme sans- 
krite correspondant à notre CAn dans le dérivé de second 
degré CAnIs pour CVAnis (albanais : ken pour kven). 

Ce KUTA est contracté en mit dans le grec KlfûN ; mais au- 
cune famille de langues ne représente mieux Taryaque 
KiVANT que la famille germanique qui possède en tudesque: 
hnndas; en anglo-sax. : hund; en scand. : hunds; enfin,. en 
ail. : hundj etc. Cf. encore hindi : svan; zend : çpan=çvan 
(comme açpa = açva); médique (ap. Hérot.j I, 110) : çpaka 
(crixa) = chienne^ etc. ; — lith. : szu^ au plur. smnes ; — 
lett. : sunsj etc. ; — irl. : ni, génit. fon, plur. cona ; — arm.: 
ktj plur. kunUj etc. 

CANts a donné au latin Tadjectif CAitinus, qui concerne le 
chien et le diminutif CAnicula, qui, à côté de son sens primi- 
tif de petite chlenney désigne la constellation cznieule (ainsi 
nommée parce que les zodiaques la désignent par un chien) 
et les jours caniculaires (pendant la canicule) j d'où l'expres- 
sion chaleur caniculaire pour désigner une chaleur semblable 
à celle des jours caniculaires qui sont les plus chauds de 
l'année. 

Dérivés moins importants. — CAlulus, CAtellus (dimin.), 
petit chien ^ etc. 

Dérivés romans. — Picard : kien (chien) ; dans le Santerre, 
tchen ; — rouchi : iieti ; — wallon : chen ; — Berry : chen, 
chin, etc. (Comme on le voit, ce mot est des plus intéressants 
pour Thistoire du chuintement dans les patois français); — 
prov. : can; — ital. : cane; — esp. et port. : cao; — ruum. ; 
cane, ca^^a, càtel; — ital.: canicola (canicule); — prov., 
esp., port, et roum. : canicula^ etc. 

V. L'idée de souffler s'est individualisée en celle depoii^;- 
sei' des soupirs (su-spir-are, so-spir-o, de spirare, souffler)^ 



Racin£ U. * 335 

d'où se plaindre^ et la simplicité de ce changement d'idées 
nous dispense de toute autre explication. 

^Le sanskr. possède, à côté d'un ÇVASj ÇKAsimi, souffler j 
siffler j respirer^ soupirer j gémir y um ÇUhf (pourKUK = 
K-WA-K) pleurer, gémir (près.=ÇOk'àmi) d'où ÇUW (fém.) 
gémissements^ pleurs. 

Le verbe latin QUEri pour QUEsi signifie se plaindre ^ expri- 
mer sa douleur par des lamentations. 

De là QUEstus, j)/aint^5, gémissements; QUEruIus, })/d»^t/*, 
gémissant^ sorte de diminutif que nous rendrions bien par 
plaignard ; QUEribundus a le même sens. 

QUEiimonia exprime l'idée de plaintes^ regrets j puis 
brouille^ querelle. Ce mol de querelle demande une courte 
explication : QUErela signifie généralement plaintej grief; 
mais, à partir du siècle d'Auguste, il s'emploie surtout pour 
désigner la plainte en justice. Comme ces sortes de choses 
ont été de tout temps une des causes les plus fréquentes de 
brouilles et d'inimitiés, il en résulta que le français querelle 
devint synonyme de luite^ de brouilleries causées par une 
plainte en justice j^u\% plus tard et absolument, toute espèce 
do dispute. Mais il est curieux de constater que le latin QUE- 
rela n'a jamais eu le sens du querelle français. L'italien 
querelare signifie encore aujourd'hui et seulement accuser^ 
porter plainte en justice; Tespagnol querela a les deux sens: 
plainte et dispute; cf. gallois : cat« = dispute, etc. 

Dérivés molns ibiportants. — Con-QUEror, i , se plaindre 
énergiquement ; — con-QUEslus, vive plainte; — con-QUEstio, 
actioti de seplaindre^ de déplorer vivement, etc. 

Dérivés romans. — Ital. : querWa (plainte^ lamentatipn)^ 
querelare (accuser) j querelator^ etc; ; querelarsi (se plaindre, 
gémir)y etc. ; — esp. : querella j querellarsCj querelladory qiic- 
rellosoy etc. 



551 G£NKE SOUFFLER. 



4. SWAp, dormir. 

Par rimagc reiipirer fortement^ respirer bruyamment j ron- 
flerj la racine WAp, intensive de iva, combinée avec le 
préfixe f»A= fortement, a donné une forme s-WAp dotmir 
(cf. pins loin la racine dra, avec le même sens). 

En sanskr. nous trouvons, par contraction de wa en c, 
Sf//)li, sommeil^ SUpV^j endormi j SUpuns, sommeil , cic. Ce 
dernier correspond cxaclemcnt au grec 'rilvc;, avec esprit 
rude remplaçant le I. Cf. encore, pour le sens, le grec oîw, 
l'xuiù, souffla*, dormir, ronfler; àT;;i.î, je souffle, etc. 

Le latin a un SVOpnus devenu SVCunus par Vassimilalion 
de m en p, et cnfm SOnnus par la disparition de Vu (cf. 
socer=svocer, soror = svosor , etc., p. 81). — SOiinus est 
donc pour SOpnus ou plus anciennement SVOpnus; et ce qui 
rend cette élymologie incontestable, c'est le verbe SOrirc 
(SOpio = SFA;iayami) et ses dérivés, ainsi que les vocables 
correspondants des langues sœurs, tels que le lithuan. : 
sapnas, rêve, songe; — le slav. ecc. : sunu, songe, supali, 
dormir; — l'anc. ail. : swebjan, dormir; — le vieux Jiord. : 
svefn, sommeil, etc. (cf. encore le zend qap, dormir et qafna, 
sommeil). —SOrire est doncpour S-VOrire. Ce verbe exprime 
Vidée d^e}igourdissement parle sommeil^ par T assoupissement. 
On retrouve ce sens dans l'abstrait SOpor qui a son corres- 
pondant, quant à la forme, dans le grec 'OUo; pour SFOIIs; 
(=fihiirAPaii), suc de pavot, suc qui fait endormir, puis, toute 
espèce de suc, d'où 'Ollisv, devenu notre moderne opium. 
SOpor désigne quelquefois ce suc laiteux et de là tout breuvage 
so^iorifique . 

SOpor a formé un verbe dénominalif peu usité et incom- 
plet de plusieurs temps, qui exprime l'idée d'oASoupir, d*en- 
dormir; d'où calmer, apaiser, éteindre, etc. 



II 



Racine U. 355 

SVOp se contracte enSUp dans SUpinus, couché comme pour 
dormir^ d'où SlVinarc, se renverser^ se coucher pour dormir^ 
et SUpinalio et SUpinitas, posture renversée pour dormir^ etc. 

Revenons à SOsjnus. Ce mot signifie somme?/, d*où poéti- 
quement, nuit et mort. De là, ce qui n'arrive que pendant le 
sommeil s'est apffelé rêve^ sonj/e, SOunium ; el rêver ^ songer^ 
d'où extravaguer^ faire des songes creux^ s'est dit SOiiniare 
(fr. sonjf^r, cf. pigeon de pipioy etc.) 

Nous citerons seulement parmi les autres dérivés SOMno- 
Icntia, somnolencej SOMuifer, assoupissant^ SOnnicularis, 
endormi^ assoupi^ nonchalant; SOmuiosus el SOnnosus, (/or- 
m^ur et rêveur^ somnolent^ sujet aux rêves et aux songes 
creux. 

Dérivés romans. — Ital. : sonno, sopore [sommeil) , sogno 
(songe), sognare (songer), soporifero (soporifère^ a^soupr^- 
sant) ; — esp. : sueno, sopor, sonar, soporifeiOy soporoso ; 
— port. : somno, sonfto, sonfcûfr, sopori/ero, soporoso ; — 
roum. : somn (sommet/) ; — ilal. : opp;o ; — esp. : npio ; — 
roum. : opium, etc., etc. 



5. KWAp, souffler fortement; s^ évaporer; être essoufflé. 

Du préfixe ka ou k, fortement j et de iVAp, intensitif de 
WA, souffler ^ naît KWAp, souffler fortement^ courir^ aspirer 
fortement à, être passionné pour,,. Excepté dans les langues 
slaves, le W de KWAp tombe ou se contracte en U par son 
union avec le A qui le suit. De là deux racines bien connues 
KAp et MUp, reproduites par le sanskrit, le grec, le latin, 
Tallemancf, etc. 

I. L'idée do souffler forlement^ aller à la manière du vent, a 
donne celle de s* évaporer, f/est celle idée que l'on lelrouvc 
dans le skr. : Ki4yn, encens^ KA;)ilas, parfum; dans le golli. : 
hvapjas^ fumée (?) ; dans le HiIk : kvapas^ souille, fumée, 



336 Gbnrb souffler. 

vapeur, parfum, kvepalaij bonne odeur, parfum, kvepoju^ 
haleine, vapeur; dans le bohémien: kopet, fumée; dans le 
slave ceci. : kopru^ etc., et tous ces mots prouvent bien que le 
latin VApor ( = yApos), vapeur, fumée j quelquefois feuj 
flamme^ est pour CYApor. De là le verbe dénominatif VApo- 
rare pour CVAporare, remplir de va/j^wr, au neutr. n^iszpo- 
rerj et au fig. être brûlé j consumé ; VAporatio, ^vaporadVm, 
trampiration ; YAporatus, vaporeux, fumant. 

C^est certainement à la même racine, mais dans le sens 
simple de souffler j que se rapporte YArpa, vin éventé j au lig. 
vaurien; d'où VAridus, éventé (en pari, du vin), et au fig. 
gâtéj corrompu^ vicieux. 

Dérivés romaks. — Ifal. : vapore, \dporita (vapeur), vapo- 
rare (évaporer), yaporaMone (évapora(fon), \diporoso ; — esp. : 
vapor, vapofflr, vaporea/*, vaporwar, vapori^ciofi, \nporoso; — 
port. : vapor, vaporar, yaporaçaOj \Bporoso; — roum. : va- 
por, a vapoma, vaport^alte, vaporoj?, etc. 

II. Nous avons vu tout à Theurc l'idée de dormir^ rendue 
par celle de souffler {ronfler). Nous allons examiner mainte- 
nant la filiation de courir descendu directement de souffler 
fortement. En effet, le résultat le plus facile à constater d'une 
course violente chez un animal quelconque, c'est son essouF- 
FLEment. Lorsque les hommes primitifs voyaient un homme 
essoufflé y la première idée qui leur venait était celle-ci : 
il vient de courir, d*où l'idée d'essoufllemcnt et celle de 
course se confondirent tellement dans leur esprit qu'ils pri- 
rent l'une pour Tautrc. 

Ils trouvèrent le type de la vitesse à la course dans le che- 
val, qui des l'origine et à cause de ses précieuses qualités 
fut asservi à l'homme, et ils rappelèrent MApaia, le soufflant 
fortement^ le courant vlte^ le rapide. 

En sanskr. ÇApdld signifie encore aujourd'hui mobilej vif, 
pétulanty rapide. 



Racire I.T. 337 

De la forme organique le latin a fait CÀBallus j devenu 
en français cheval. Cf. kavi : kapala (A^ocab. kavi de Stamford 
Rafles); —persan : kawal; — slave ikobyla; — cymriq, : cef- 
fyl; — irland.: capal; ail.: gaul^ elc. cf. aussi le grec 
KAnTfa) dont le parfait /ixrjipa et le participe xexsfY](o; signi- 
fient quelquefois aspirer fortement ^ souffler^ haleter^ d'où 
expirer, 

CAnallus ne se trouve guère dans la bonne latinité que 
dans les poètes, et encore y est-il assez rare; plus lard, on 
s'en est servi dans la prose. On le retrouve dans les pro- 
verbes suivants : Optât ephippia bos piger, optai arare CA- 
Ballus (Horace, Ep, I, 14, 45). — Le bœuf paresseux vou- 
drait porter la housse, le cheval voudrait labourer, c^est- 
à-dire : Chacun désire la condition de son voisin qu'il regarde 
comme plus heureux que lui. — CABallus in clivd, c'est un 
cheval dans une descente, c'est-à-dire un homme à la dé- 
marche lente. (Peiron. Sat,^ 134, 2.) 

Avant le moyen Age, ce mot signifiait toujours cheval de 
fatigue^ bidet^ cheval hongre^ rossée C'est aussi le sens du 
grec KA6iXXri;, o, qui du reste était calqué sur les Latins. On 
voit que les Pélasges-Italiques avaient complètement oublié 
le sens primitif de rapide rendu par leur mot CABallus. Ce 
n'est que plus tard, et peut-être à cause de la dureté irré- 
médiable d'un mot français formé sur equus (ce mot eât été 
éque ou ec !) que cheval reprit son sens noble de coursier ra- 
pide. L'espagnol et Titalien ne possèdent aussi que covallo 
ou caballo ; equus eût formé dans ces langues un éque ou un 
equOj qui du reste eût été assez facile à prononcer, mais il y 
avait là une autre difficulté: c'était d'éviter toute confusion 
avec equOj signifiant égal^ confusion qui ne pouvait exister 

* On voit ici un exemple de sens péjoratif attaché roécharamcnt à lu lan;;ue 
des tainqueurs Germains par les Gaulois \aincus : rosë en germain, veut dire 
coursier de combat! 

22 



338 Genbe souffler. 

chez les Latins, puisqu'ils prononçaient wquo ce que nous 
écrivons aeçuo, en accentuant Yi comme Vi français tréma- 
tisé (cf. plus haut, p. 61). 

Quelle que soit la raison de ce retour dans les langues ro- 
manes du sens primitif de KJJPaia, il est positif que dans 
ces langues, CABallus a absorbé les sens de equt^ en conser- 
vant les siens. 

CAsallus a formé un CÂBallarius que Ton trouve seulement 
dans deux vieux glossaires, et c^est cette formation, fort ré- 
gulière du reste, qui nous a donné les mots cheva/ier, che- 
valerie et cava/i^r, csivalerie ; les deux premiers, de formation 
primaire ou populaire comme chevalj et les seconds, de for- 
mation secondaire ou savante comme cavale^ que Ion re- 
trouve en latin sous la forme CAsalIa. 

Dérivés ROMANS. — Provenç.: cat;a//i (cheval) ^ cavo/Zt^, ca- 
vayer (càv aller ^ chevalier), cavalcar, csïvalguar (chevaucher y 
csivalcader), càvalcada (chevauchée ycaivalcade),elc.; — ital.: 
cdiVallOy caivaUa (jutnetU), cdiValierCj cavalcarey csuvalcata ; — 
esp. : caAallOj caballero, cafra/j/ar, caibalgada ; — catalan : 
cafro//, QAvalgar; — port. : cava/fo, cavoi/etro, cavo/jar, cavo/- 
gada; — roum. : ca/, cafrafer, etc., elc. 



6. KWAp, souffler fortement, aspirer d, aimer. 

L'idée morale d^aspiralion vers quelque chose, se retrouve 
dans le radical K-WAgi, composé de ka, fortement -k- iva, 
souffler -+- p = PA suffixe verbal exprimant une idée active. 
KWAp, au figuré, c'est donc souffler fortement vers quelque 
chose, aspirer (ad-srmare, souffler* vers) à, d'où désirer forte- 
ment, aimer, puis être voluptimix, luxurieux^ lubrique. 

Les deux sens qui ont laissé des dérivés en latin sont dé- 
sirer et aimer (avec volupté) . 



Racine V. 539 

I. KWAp devenu en latin CUp a donné CUpere, io, désirer 
ardemment^ souhaitei^ demander quelque chose. 

De là CUpidus, désireux^ avid^, quelquefois amoureux, mais 
rarement. — Ordinairement CUpidus se prend en mauvaise 
part, dans le sens de notre mot cupide; il en est de même de 
ses dérivés CUpedo, CUpido et CUpiditas, vif désir et cupidité. 
Cependant ces mots expriment parfois le désir amoureux; 
CUpiditas n'est employé dans ce sens que par Pline (3, 5, 4). 
Quant à CUpido, cette signification lui est plus souvent at- 
tribuée ; ce nom est même devenu celui du dieu de l'amour 
personnifié et Cupidon est un des mythes les plus aimés des 
anciens Latins. 

Avant de nous lancer dans l'étude de CUp au sens d'aimer 
et à'itre voluptueux^ nous citerons encore parmi les dérivés 
de CUpere, désirer^ un contracté CUpes, friand^ désireur^ 
avidCy cupidej doù CUpcdia et CUpadia, friandises (morceaux 
désirables et désirés); CUredia a pour correspondant grec 
KAnupia, ou KÂnupiSia, friandises^ d'un KAnupi<;, que nous 
verrons plus tard avec les sens de débauché et de brûlant^ et 
qui exprime en général un vif désir ^ une vive passion. 

Mais les dérivés les plus importants de CUpcrc sont Tin- 
choatif conCUpiscere, commencer à désirer^ convoiter^ d'où 
conCUriscentia, désir y concupiscence ^l perCUpere, désirer 

■ 

beaucoup^ etc. 

Le sanskrit a, dans le sens d'a^pîrer à, éprouver un vif 
désir^ un Çlf-dh, qui ne diffère de CUp que par radoucisse- 
ment initial et la différence du suffixe verbal (dha au lieu de 
Pa) ; cf* plus haut, p. 145. 

Parmi les langues germaniques, l'allemand dit : hoffen; 
l'anglais : to hope^ désirer, d'où espérer. 

Nous ferons une remarque au sujet des langues slavcs/ 
Ces grands idiomes indo-européens ont prouvé une fois de 
plus, dans la tacine qui nous occupe, leur étonnante puis- 



340 Gehre souffler. 

sance de conservation ; car il n'ont pas perdu le w de la racine 
WA; on trouve en polonais kwapic* et en esclavon kapieti 
avec le sens de bouillir j être ardent. (On sait qu^en esclavon 
le V primitif est toujours remplacé par %.) 

Je reviens maintenant à Findividualisalion de souffler en 
être amoureux^ dont j'ai déjà dit un mot tout à l'heure à 
propos de CUpido. En grec, la mère de Cupidon s'appelle 
Kïnpiç. On a dit que ce nom de Vénus venait de ce qu'elle 
était sortie de la mer près des rivages de Tile de Chypre'. Ne 
serait-ce pas plutôt l'Ile de Chypre elle-même, qui aurait pris 
son nom de la déesse de l'amour, ou de la vie débauchée et 
pleine de volupté que menaient les Cypriotes. On sait que le 
nom de Chypre n'est pas le nom primitif de celte Ile qui en 
a porté successivement plusieurs autres. Notre supposition 
n'a donc rien d'invraisemblable ; au reste, nous la donnons 
pour ce qu'elle vaut. Nous serons aussi discrets à l'égard de 
C^tlière (KYeiQpoç) en constatant seulement que ce mot peut 
très-bien venir de la combinaison du radical k-wa avec 
umiLj poser j faire (= 6e) combinaison que nous avons déjà con- 
statée toi^t à l'heuie dans le sanskrit Ç[/db- 

Dérivéi) romans. — Ital. : cupere (désirer) j cuptdifa (cupt- 
dite)^ cupido (avide j cupide) ; — port. : cupido, cupides, etc. ; 
— ital.: concupiscenza, concupiscibilità (concupisceme) ; — 
esp. et port. : concupiscencia, etc. 

IL Du sens A^aimerj nous avons dit que le radical kivap 
descendait à celui d'être luxurieux, lubrique. 

C'est cette idée qui a donné naissance au latin Aper pour 
CAper qui est lui-même mutilé pour CVAper (cf. le slave ec- 
clésiastique veprï^ sanglier, qui a perdu le k et conservé le 
v), il en est de même du polonais vicprz pour kvicprz. 

1 On sait que ce mythe vient de ce que le ciiUe de la déesse de l'amour a été 
apporté aux îles grecques par les Phéniciens (Aslarté), d'où Vénus, d'après la 
fable, est née de l'écume de la mer. 



i 



Racinb V. 311 

Le grec dit KAIIpc;, et il est remarquable que ce mot dé- 
signe surtout le sanglier mâle (on trouve quelquefois un fémi- 
nin KAIIpatva = laie) . Le sanglier est donc le luxurieux j le 
lubrique^ et il est curieux de comparer ce terme à son frère 
2Vç (lal.SUs; le sanglier s'appelle souvent Sïç cr(pio^), porc, 
cochon^ qui signifie Pantma/ féeondeur (rac.sv, répandre^ fé- 
conder)^ ainsi qu'à rOvSyjç, cochon de lait (rac. CAa, engen- 
drer). Le grec a encore un KAUupiç, débauché, qui a formé 
KAIIupiteiv, se livrer à la débau4ihe. — Cf. anc. haut-ail. : ebar; 
— goth. : ibur (?) ; — allem. : eber, etc. 

Le môme sens se retrouve aussi, mais mieux conservé dans 
le nom de la chèvre, CApra pour CVApra, dont le masculin 
CAper est aussi employé pour désigner le bouc, (Cf. angl.- 
sax. : hâfar;— anc. nord. : hafra = houe ; — irl. : cabhar^ 
gabliar, gobhar; — kymr. : gafr; — corn. : gavar; — arm.: 
gavr, gaour, etc. = chèvre.) On sait que cet animal est trës- 
hibrique* ; nous disons encore en parlant d'un vieillard dé- 
bauché : c'est un vieux bouci De plus, le bouc ayant la peau 
ridée et sordide, CAper a formé un verbe nominal CAperare, 
rider, sillonner de rides, et au neutre, se rider, d'où se refro- 
gner. Quant à CApra, après avoir formé des dérivés tels que 
CAprarius, relatif aux chèvres et chem^r, CAprinus, qui con-^ 
cerne les chèvres, CAprea, chevreuil, elle a donné un dimi- 
nutif CApella, petite chèvre, d'où un adjectif CApellianus. 

C'est à dessein que nous n'avons pas encore parlé des 
composés CAprifolium, chèvre-feuille, et CAprificus, figuier 
sauvage, d'où CAprificare, faire mûrir les figues par la piqûre 
d^un insecte (hyménoptère du genre cynips), et CApriticatio, 
substantif désignant ce moyen artificiel de mûrissement. 

Ces plantes appartiennent à la famille des cdiprifoliacées 

* C'est le même vice qui a fait donner au singe le nom de K^pi (pour KVA^i) 
en sanskrit; — grec : HHitoi, KEIttoç ; — tud. : af/h; — ail. : affe; — angl. : 
ape^ eic. 



34i Genre SOUFFLER. 

et tirent sans doute leur nom de ce que les chèvres aiment 
à se nourrir de leurs fruits ou de leurs feuilles S 

Débités roxans. — Tous les mots français dérivés de CAnra 
et de ses composés (chèvre, chevreau, chevroltn, etc.), sont 
formés par radoucissement du p en b qui devient lui-même 
V. — Prov., esp. cl port. : cafcra (chèvre) ; — ital. et roum. : 
capra; — prov. : caftro (fcotic),cafcrier (chevrter), caftro/, ca- 
•ro/ (chevreui/) ; — ital. : capro, caprûro, caprajOj cavrîo/o, 
capriuolo ; — esp. : cafcron, cafcrero, caibriolo ; — port. : ca- 
breiro^ cabrito montes (chevreuil) ^ etc. ; — roum. : capro, 
caprflr (chevrier), caprior (chevreuti); — prov.: csprifuelk 
{chèvre-feuille); — ital. : caprt/bg/io, etc., etc. 



7. WAK, souffler. 

Au sens de soufflei'j venter^ une racine seconde vaic se 
retrouve dans le sanskrit Vi4(îika, pldn d*air^ vide, le syno- 
nyme de Ç[7nya. Le latin dit VAcuus avec le même sens; de 
VAcuus se sont formés VAcuare, vtrfer, rmdre vidcy d'où re- 
trancher; VAcuefacere, avec les mêmes sens et VAcuifas, vide, 
et dans un sens spécial interrègne, A côté de YAcuare on a 
un VAcare, être ride, d'où VAcatio, ride, et plus tard, exemp- 
tion y décharge d^un devoir ^ etc. 

Dérivés uoms importants. — SuperVAcare, surabonder; — 
SuperYAcuus, superVAcaneus, surabondant^ inutile^ etc. 

Dérivés romans. — Ital. : vacware (^vacuer), vacuo, a {vide y 
oisif y paresseux) y vacuila {vide^ \dicuité), \acuazione (^vanta- 
lion) ; — esp. : \Bciary vacio, vaco, vanio, ydicuidad^ \dciedad; 
— port. ; va«iO {vide)j \Bcuidade (vactiif^), etc. 



* Selon M. Liltré (Dict. pranç, verb. Cbè^refeuille] le nom de chèvre feuitte 
viendrait de ce que celle plante grimpe comme une chèvre. Malgré tout mon 
respect pour la science de l'illustre philologue, j'ai peine à me ranger à son 
opinion sur ce point 



Racine U. 545 

8. WAS, souffler. 

Par la forme secondaire wa», smiffler *, contractée en Vm 
et gunée en aij«, uva a donné au latin un AUsa devenu par 
le changement si fréquent de « en r {labor = labosy flor = 
flos; cf. plus haut, p. 81, etc.). AUaà souffle^ air. 

AUaa (cf. grec "Aw, "ATw) rend l'idée de toute espèce de 
vent^ mais particulièrement d'un petit ven^ doux^ ce que nous 
appelons aujourd'hui zéphyr. 

Dérivés romans. — Ital., esp. et port. : aura {zéphyr, vent 
favorable, d'où, au fig. faveur, bienveillance, etc.). 



9. WAD, aspirer, flairer, sentir. 

Par un thème contracté Vda pour WAda, nous arrivons 
au latin ODcre pour Uoerc. Ouere est devenu plus tard Otere; 
(pourD = L, cf. plus haut, p. 80). Ce qui prouve que (bere 
est bien la forme primitive, c'est un Ooeracit que l'on trouve 
dans Festus, p. 174, édit. Mûll. « Ooefacit, dicebant pro 
(kfacit (ou OLcfacit) . » 

D'ailleurs, nous avons toute une classe de dérivés latins 
du thème vda qui a conservé le D. Comme prototype de ces 
dérivés nous trouvons ÛDor, -ris (pour Odos, cf. arbos=arborj 
labos = labor, etc.), odeur, senteur bonne ou mauvaise, et au 
figuré vent de quelque chose, soupçon, pressentiment. De là, 
un verbe Cteoror, chercher à Vaide de l odorat, flairer, et au 
fig., dans un sens de mépris, aspirer à quelque chose; d'une 
manière absolue, se mettre en quête, suivre à la piste, cher- 
cher. On trouve aussi un actif Oooro, rendre odorant, par- 
fumer. 

^ Celte forme VAn est souvent employée dans le Rig-Vêda avec le sens de 
briller^ luire (par enflammer). Cf. Çyavania VAstave en parlant des aurores. 
[Big-Véda, l\ 48, 2.) 



544 Genre SOUFFLER. 

Le parfait ODoratus a formé ODoraiio, odeur ^ Goorativus, 
odormtj et ÛDoratus, odorat. Ooor a été directement fonna- 
tif dans Dooramen, et Oooramentum, substance odorante^ 
parfum^ aromate^ et dans Ooorus, parfumé^ et Ooorifer, odo- 
riférant. 

Le grec a des correspondants à toutes cas formes dans 
*ÛI^(i), sentiVj exhaler une odeur^ 'Oqjnfj, od^r, odorant^ et 
leurs composés. 

Cf. encore lith. : ud-zu^ sentir, exhaler; — bohém. : tirf-t/t, 
parfumer, etc. 

Nous avons dit que la forme primitive Ooere était devenue 
ÛLcre. 

OLcre, exhaler une odeur j sentir j au fig., sentir quelque 
ehosey en révéler la présence^ le trahir ; dans le sens réfléchi, 
se faire remarquer par son odeur ^ trahir sa présence. 

De là Otens, odorant^ et en mauvaise parf, moisi^ qui sent 
mauvaiSj vieux. Avec le même sens péjoratif, Otentica et 
OLenliculum,/iet/x in/^c/^, et ÛLetum, ^xcr^me»^^, immondices^ 
d'où un verbe ÛLetare, souiller ^ infecter. — Cf. sentina, sen- 
line, do seutire. 

Combiné avec facere^ Otere a formé OLfacio et OLfaclo, 
pour OLcfacio et OLcfacto verbes sans infinitif au sens de 
flairer^ faire flairer, dont le dérivé a donné ÛLfactus, ûs, 
exhalaison^ odeur, le nom de notre nerf olfactif et un verbe 
composé sub-ÛLfacere, sentir^ au fig., presseiitir, etc. 

Parmi les autres composés de OLere, nous citerons en- 
core : 

Ad-Obere, émettre une odeur j sentir, d'où ad-OLCScere, dans 
la langue des sacrifices, être chargé des substances odorifé- 
rantes. 

Il faut bien se garder de confondre ces mots avec leurs 
similaires au sens de crottrej agrandir, élever, que nous 
verrons plus tard h la racine r (classe TEiNDRE) ; 



Racine U. 345 

Red-Oterc, être odorant, exhaler , sentir; 

Sub-ÛLere, flairer , répandre une odeur, etc. 

DÉfUYÉs ROMANS. — Ital. : odore, odoramento (odeur), odo- 
rare (flairer y sentir), odoroso {odoriférant), odorato, odora- 
ùone (odorat), olezzo (bonne odeur), olezzare (reiidre une 
banne odeur), olfare (flairer, sentir) ; — esp. : odorato (odo- 
rat), odorifero, oler (sentir, flairer)^ oledor (qui sent), oledero 
(qui a de l* odeur), olfato (odorat, flair), olfatear (flairer avec 
empressement) ; — port. : odorato, odorifero, odoriférante, 
olfato, olfaeto (odorat), etc. 



10. PU, flairer, puer. 

En composition avec api devenu n, wa a donné ru, flai- 
rer, puer. 

Cette racine pu au sens de sentir, a en latin les deux sens 
de puer, avoir honte, et d'être pudique que nous allons suc- 
cessivement examiner. 

I. L'idée de puer, venant de celle de souffler, n*a pas be- 
soin de se justifier; de souffler à flairer el sentir, la transition 
est toute naturelle, et comme les odeurs agréables sont de 
beaucoup les plus rares, ce que l'on sent est devenu punii* 
leur, et pu^r a été exprimé pour sentir. 

Nous trouvons donc en latin : PUs (grec : nVcv ; sanskr. : 
P[/ya), humeur visqueuse et nauséabonde, pus. Plein de pus, 
purulent, s est dit PUsulentus devenu PURulentus, amas de 
pus, purulence, PUaulentia. 

PllTcre, PUtco, sentir mauvais, puer (sanskr. : PÎJy, pu^r, 
sepourrir ; grec : nrOw, pourrir, se putréfler, TLYtù, nrwîtç, etc. ; 
lith. : puvvu, puer) être gâté, a engendré un PUridus, puant, 
infect j ainsi qu'un inchoatif PUrescerc, devenir puant, infect, 
se gâter, se corrompre. De là, PUtor, puanteur, pourrJiMre ; 
sanskr. : PUii, mauvaise odeur, corruption, etc. 



546 Genre SOUFFLER. 

Un adjectif renforcé PUrer, tris, gâté^ pourri, au propre et 
au figuré, a été le père du verbe PUrreo et de son incboatif 
PUrresco, j^ suis en fntréfaetion^ on je tombe en iputréfadian 
qui ont eux-mêmes formé Fadjectif PUrridus, gâté^ pourri, 
PUmde et PUiror, pourriture. 

Quand à PUrrefacere, poumr, se pulr^/ifr, et à son dérivé 
nominal PUrrefactio, pourriture et putréfaction, ils sont com- 
posés avec le verbe facerey faire, et sont conséquemment 
tout à fait actifs. 

Le latin PUracius et PUrorius, civette, putois (en skr. : 
Ptfli, PL'tika et P(/tiçârig'â), appartiennent à cette même 
racine. — Cf. encore lith. : pnti (pussu) ; — goth. : fuis ; — 
anglo-sax. et tud. : fûl (avec le sens de pourri); — zend : 
fûjpner, puiti, pourriture; — scand. : fui, fûki, puanteur; 

— irl. : putar, puant; — kymr. : fmào, pourri, etc., etc. ; 

— armor. : pudask, putois, etc. Voir Pictet {op. cit. I, 451). 
Dérivés domans. — Ital. : pu%zare, putire {puer) , puruietua 

{purulence), putrido {purulent, putHde)^ putrefare {putréfier), 
putrefasione (putréfaction) ; — esp. : pu«(pu«), purulencia^ 
purulento, pudrir {putréfier), putrido, putridez; — port.: 
pus, puTulentia, purulento, apodrecei^ pùtrificar, putrido, 
podridào, pôtridez, pùtrefaçao; — roum. : purojn {pus), 
puroime {purulence), pur oios {purulent), a putrezi (putréfier), 
putrezire (putréfaction), etc.; — languedoc: pudi (putoû); 

— ital. : puzzola, etc. 

II. Comment Tidée de PUoerc, avoir honte, rougir, se rat- 
lache-t-elle à la racine ru (=w + wa), sentir^ puer? 

PUDcre, c'est proprement, et originairement, rendrepuant, 
cl h Tactif être puant, soit au physique, soit au moral. Que 
Ton ne nous accuse pas d'inventer le sens moral de puer; 
nous disons encore aujourd'hui : « Il est puant de vanité ; » 

— « Cette affaire mo pue au nez, me dégoûte. » Or, être 



Racine V. 347 

puant au moral, c'est être méchant à un point de vue quel- 
conque, avoir un vice ou un défaut qui vous rend désa- 
gréable et dont on doit rougir ^ dont on doit avoir honte |x>ur 
tâcher de s'en corriger. PUoere, c'est donc avoir honte d'in 
vice physique ou moral qui vous rend dégoûtant aux autres, 
et qui vous fait puer. Que l'on nous pardonne d'appuyer au- 
tant sur ces détails que le lecteur pudibond (PUDibundus, 
qtn rougit facilement) pourrait trouver déplacés ; mais celte 
filiation d'idées est d'une grande importance, et il n'y a ja- 
mais d'impudeur à rechercher la vérité. PUoere est surtout 
employé comme verbe impersonnel : me PUdet, jai honte. 

PUdens, qui a de la pud^r, a donné négativement le fran- 
çais impudent (im-PUoens, d'où im-PUoentia, impud^r, tm-» 
pudenee). 

PUdor signifie honte et choie déshonorante; mais plus 
souvent, pud^r, modestie^ innocence^ etc. Avec un suffixe 
'ieus très-fréquemment employé pour former des adjectifs, 
PUd a donné PDoicus, pudique^ chaste^ vertueux^ d'où PUoi- 
citia, chasteté, pudicUé, vertu (surtout des femmes); im- 
PUoicus et im-PUoicitia , impudique et impudidté, impu- 
deur j elc. 

Un dérivé très-imporlant de ce mot est re-POnium, action 
d'avoir honte, et de repousser avec mépris, d'où re-PUoiare, 
repousser avec honte, rejeter avec mépris, répudier (même en 
parlant d'un mariage seulement projeté; cf. Paul Dig., 50, 
16, 191). 

Re-PUoiare a donné re-PUoiator, action de rejeter, repu- 
diation; re-PUoiator, celui qui fait cette action, etc. 

Dérivés moins importants. — Dis-PUoct, avoir grande honte, 
être tout honteux; — sup-PUoet, éprouver quelque honte, 
être un peu honteux; — PUdimenta, les parties honteuses du 
corps, etc., etc. 

Dérivée romans. — Ital. : pudore (pudetir), pudîco (pudique), 



348 GiRKE SOUFFLER. 

pudîmtn {ipKtdieité)y ^ndende {parties honteuses)^ etc.; — esp. 
et port.: pudor, pudteo, pudfdeia, fudendo^a {honteux j 
'eu8e)j etc. 



II 

AUr ou ^WA 
^^•«nery brAlery briller, et«* 

Nous remarquons d'abord, et cette remarque s'appliquera 
à tous les radicaux issus de la racine simple ua ou Aivquc 
nous allons étudier, que toutes les racines indo-européennes 
au sens de souffler^ prennent aussi celui de flamber et d'en- 
flammer. Cf. an, bhv, srau, etc. Les Aryas avaient donc 
remarqué que le feu a besoin d'air pour s'entretenir, et cette 
* racine seule prouverait qu'avant leur séparation en familles 
distinctes, nos premiers pères étaient arrivés sinon à une 
certaine culture intellectuelle, du moins à une certaine per- 
spicacité observatrice qui leur permettait de remonter du 
fait perçu à la cause efficiente. 

Les Indiens appelaient le feu, FAyu-sakhi, le compagnon, 
lami, le cohabitant du vent, ou Âgnirax, le conservateur, le 
nourricier du feu. La même idée reparait dans AA^alas, feu, 
dérivé, comme A/Vilas, vent, de aw, souffler. En effet, ce qui 
pour nos physiciens s'appelle l'air, c'est-à-dire les gaz sans 
lesquels le feu s'éleint, était le vent, le souffle de l'air chez 
les premiers Aryas. 

Ceci dit pour expliquer la filiation de ha, brûler^ d'où 
briller^ par rapport à "wa^ sonfflery nous commençons immé- 
diatement nos études lexicologiques en faisant autant de 
paragraphes différents qu'il y a de mois latins issus de radi- 
caux distincts ou d'idées diverses* 



Racikb U. 549 

1. WAS, US, brûler. 

Le dùsidéralif WAs contracté en Un, a donné à côté du skr. 
US y brûler y le verbe latin Uno, Unere pourllso, Usere, brûler ^ 
consumery au physique et au moral, d'où un diminutif 
Ustulo, au même sens, formé sur le passé Ustus, brûlé (cf. 
skr. : tfenas, chaud; — zend: vçy brûler, consumer, etc.). 

En composition avec An, sur, Uso a donné api-Uso, de- 
venu (par la chute de Va) w-Uso, r-Uso, et par Tafiaiblisse- 
ment du p en i» : Bl-Usoet B-Uso, B-Usere.(Cfr. Bibo de n ) 

Le verbe latin B-Uso devenu B-Uao, est inusité, mais on 
le retrouve dans la forme participiale substantive B-Ustum, 
qui désigne V endroit où Von biUlail les morts y le bûcher lui- 
même et enfin le tombeau qui renfermait les.cendres. De là 
BUstuarius, relatif aubûchery et (pris substantivement) entre^ 
preneur de {ufiérailles. Nous trouvons aussi dans Festus 
(p. 26) un BUaum, qui rend l'idée d'une couleur de feuy d'où 
rouge y roux. 

B-Unere a survécu dans les composés com-BUnere, brûler 
complètement (et au fig. être consumé d^amour) d'où corn- 
BUstio, combustion, d où nous avons fait en français les ad- 
jectifs combustible et incombustible. 

Revenons à Daere. Ce verbe, outre les vocables dont nous 
venons de parler, et les deux mots Uaedo, inis, brûiurCy 
démangeaison, désir amoureuxy charbon (maladie) et Ualica 
(cf. lith. : usnCy usniSy chardon), ortie y démangeaison, désir 
amoureux y a donné les dérivés suivants : 

Ad-llaere, brûler à la surfacey et métaphoriquement blesser y 
détruire ; 

Amb-Unere, brûler autour y brûler complétemetit ; 

De-llRcre, brûler entièrementy incendier; métaphoriquement 
en parlant du froid, brûler y faire périr ; 



550 Gehre souffler. 

Ex-Unere, brtJery eotisunierj embraser^ d'où cx-Ustio, action 
de brûler^ embrasement; 

In-URere, brûler intérieuremeiit ; au figuré, graver^ impri- 
mer^ etc. ; 

Ob-Unere (ne se trouve qu'au part. ob-Ustus), brûler au- 
tour (poétique) ; 

Per-URere, brûler entièrement; au figuré frrûkr, etiflammery 
ronger^ miner^ etc. ; 

Prae-URCre, brûler quelque chose par devant ou par le bout ; 

Semi-Ustus, sem-Ustus, semi-Ustulatus, à demi brûlé^ etc. 

M. Pictet (I, 298) rattache encore à cette racine le nom 
de Voignon^ Unio pour Usnio ; c(. skr. : [fÇna, oignon^ litté- 
ralement ir chaud^ brûlant ^ piquant ^ à cause de râcretédu suc. » 

De mémeM. Curlius (Grundz. der griechisch. £({fm.,2*édit., 
p. 556) place aussi sous cette racine (toutefois avec un 7) le 
mot AUster qui serait alors guné pour Uster {Xebrûlant)^ nom 
d'un vent chaud du midi ; de là ÂUstralis et AUstrinus, du 
midi^ ^nstral^ etc. 

Cf. Arci), Aïcu, sécher^ btider^ Eïpcç, l'euru^, vent du sud- 
est^ etc. 

Dérivés romans. — Ital. : comhnstiofie^ comhustibile^ ortica 
(ortie) ^ Austro (Ausf^r), australe (diustral)^\xrente (brûlant); 
— esp. : combustion, combustible^ ortigUy Aus/ro, auslro/; — 
port. : combustao, combustivel^ comhnstibilidadey comhnretite 
(brûlant)^ urtigUy Ausiro, mstral; — roum. : umka (ortie)^ 
Austrîe, austro/, etc., etc. Le roumain a encore usÂ^af, pour 
signifier «ec, brûlant; a usfca, brûler ^ sécher ^ etc., etc. 

2» SWAS, SUS, sécher. 

Le verbe ivab combiné avec ha s= fortement, a donné uH 
composé H-WAH contracté en siis^ et ce composé a servi à 
exprimer l'idée de brûler fortement^ d'où sécher * 



Racihb U. 551 

Par un changement de sifflantes dont il abuse, le sanskrit 
dit ÇUs pour SUs(Ç(7syâmi), se sécher^ se dessécher, puis dé- 
périr. Delà Ç(/sa, siccité^ Çl/sira, le feu qui sèche, et Çl/sira, 
le vent qui sèche. De là aussi ÇUsks, sec. 

Cf. zend : huska; — slav. : sûch; — lith. : sausas, etc. 

Le grec a guné Vu et a forme ZAïxps;, délicat, frêle (par 
le dépérissement, le dessèchement) ZXYXoç, 2Aïxo<;, ZXYpd, 
ZAyyo^, etc. 

Le latin a affaibli Vu en t (cf. l'irlandais siac, sec), et nous 
trouvons dans cette langue SIccus pour SIscus. 

SIccus désigne tout ce qui est sec, desséché, brûlé, etc. Au 
figuré, et en bonne part, SIccus se dit d'un style nerveux, 
non délayé. SIccus a formé le dénominatif SIccarc (d'où ex- 
Slccare) sécher, dessécher et se dessécher ; en médecine, il se 
dit de la guérison d'une maladie d'humeurs. SIccitas (skr. 
SUcis etÇUsis), sécheresse, au propre et au figuré ; SIccatio, 
dessiccation ; on trouve aussi un inchoatif neutre SIccescere, 
devenir sec, se sécher ; mais ce verbe est postérieur à Au- 
guste. 

Un autre dérivé latin du radical su», c'est SItis, la soif 
(la desséchante). Métaphoriquement, SItisa le sens de sécA^- 
resse^ et au figuré, il exprime un violent désir. De SItis est 
venu le verbe dénominatif SIlio, neutre et actif exprimant 
ridée d^Qvoirsoifj d'hêtre sec (mélaph.) el de désirer quelque 
chose avec passion (au fig.). — Le vase avec lequel on pui- 
sait de Teau pour étancher sa soif s*appclait SItula et 
SItella. 

Dérivés romaiss. — Ital. : secco, scccar^, secchezza, sicci^a, 
seccatojo (séchoir); — esp. : scfo, a, secar, sequedad; — 
port. : secco, a, seccar, secca, secura, sequidad; — roum. : 
se* (sec), a seka (sécher), seceta (sécheresse), etc., etc. ; soif 
= sete (ital.) ; sed (esp.); sêde (port.) ; sete (roum.), etc. 



52 Gekrb souffler. 

3. KWAs, KUs (KAUs), brûler ^ cautériser. 

KWAa devenu kijs et guné en kaijs a donné au sankr. 
KAl/sna, mfn., chaud; au grec KAIo) pour KAïo) (au futur 
KAÏ(7Ii>), brûler; KATp.a, -ré, />tt, ignitim; KArTTf;p, celui qm 
br&le^ d'où fer brûlant pour brûler une plaie. 

Le latin a transcrit ce mot, et il a CAUler et CAUterium, 
fer à cd^itère^ CAUlerire et CAUterizare, cautériser. 

CAUsticus a gardé Vs de kivas. Ce mot est calqué sur le 
grec KAïcTtxiç, et signifie mordant^ acide, caustt^ti^, dont 
nous avons fuit, ainsi que la plupart des langues novo-latines 
(voir plus bas) un substantif caus/td(^. 

Dérivés romans. — Prov. : cau^m (c^ntère); — ilal., 
csp. et port. : camterio; — roura. : causer; — prov.: cauf€- 
macto (cautérisation); — ital. : CBUterizzaùone ; — csp. : 
cdiUterizacion ; — port: cauterisacâo ; — roum. : cautm^a- 
cie, etc. ; — ital., esp. et port. : causftco {{Rustique) ; — 
roum. : causfic ; — esp. : causftct(/ad (causlio^^) ; — port. : 
csiusticidade ; — roum. : causttctta(^, etc., etc. 

4. PRA-WAs, PRUs, PURs, brûler. 

En composition avec fra, la racine iva» a donné wwla- 
ivAa contracté en rRiis, brûler. 

rRUa est resté en sanskrit védique et signifie brûler, flam- 
ber; Pflr/sta, brûlé; PBf/swa, saison des chaleurs, etc. En se 
gunant, rRiJs a formé PRAU^a, combustion ; grec : IIPH^iç 
pour IlPQiTt;. Ce mot vient du verbe RPHOo), formé avec bra 
= 02, faire; il est le frère de m|ji-nPH|jLi, biHler. nPOï(a)jx- 
(s)voç, Y], en grec, prumVr, est un participe présent moyen de 
rinusilé nPOÏ(a)(i>, brûler; mais ici IIPOV|jivc; ne signifie 
plus 6rà/er, mais bien frrunt,frrun (couleur qui provientsouvent 
de la combustion). AU. : brau(s)n, devenu en français brun. 



Racine U. o53 

En latin nous trouvons PRUnus (pour PRUsinus qui est 
lui-même pourPRUsnus), prunier (grec: nPOrvt^), PRUnum, 
pruwe, etc. 

Cf. anglo-sax. : plume; — scand. : plôma; — ahall. : 
pruma; — kymr. : plymmis; — lette : p/t/fcme, elc, etc. 

Cette ëtymologie du nom de la prune indique que les pre* 
mières espèces de ce genre de fruit furent des espèces brunes. 
On voit que la philologie comparée, à part sa haute portée 
philosophique et historique, peut encore fournir la solution 
de quelques problèmes d'histoire naturelle fort intéressants. 
Nous insistons avec plaisir sur ce fait, quoiquMl n'ait pour 
nous qu'une importance secondaire. Ce sont là, comme de 
petites anecdotes dans la grande histoire des langues. 

Un mot où le latin a conservé au radical raiis son sens 
de brûler y c'est PRUsna devenu PBl/na, charbon ardent j 
braise (le hfiUé). 

paiJa devient par mélathése PURs dans le grec nrp(2) (t6) 
feu ; tud. : viur ; ail. : feuer. — IIÏP(2) a formé, entre autres 
dérivés urPso;, o, feu, et nVP(2)a, que le latin a transcrit 
dans PURa, bûcher en flamme (rogus) employé par Yirgile et 
par Ovide. 

Tous les mois dont nous venons de parler ont pour proto- 
type latin un verbe PRUsire devenu PRUnire, qui, au propre, 
n'a conservé que le sens d'éprouver une démangeaison^ mais 
qui, au fig., signifie encore, brûler de désirs, etc. De là PRUui- 
tus et PRllHigo, démangeaison, prurit; PRUniosus, PRUnigi- 
nosus et PRUnitivus, qui éprouve des démangeaisons, etc. 

Dérivés romaks. — Ital. : prngna (prune), prugno (prunier), 
bruna (brun), pruire (démanger), prurigo, piurigine (déman- 
geaison) ; — esp. : prund, bruno, prurito ; — port. : pruir, 
prurir (démanger) ^ prùido, prurido (démangeaison); — roum. : 
pruna (prune), prun (prunier), etc., elc. 

23 



554 Gekre SOUFFLEft. 



5. AW OU WA, brûler j briller. 

Nous placerons d'abord sous cette individualisation le 
nom sanskrit AFis, soleil. 

Nous aimons mieux le classer ici que sous Pidée biider, 
quoique aucune raison philologique ne nous en fasse un 
devoir, parce que nous supposons que les Aryas aimaient 
mieux le soleil brillant^ que le soleil brûlant. Au reste, c'est 
là une affaire de goût, et Ton peut tout aussi bien placer 
AFis à AW, brûler, au paragraphe précédent (p. 348). 

Il reste, en fin de compte, une assez grande incertitude 
dans le classement des vocables sanskrits appartenant à la 
racine Aiv, iva. Cette incertitude est causée par les liens 
intimes qui unissent l'idée de brûler à celle de briller et qui 
font que ces deux individualisations s'enchevêtrent souvent 
Tune dans Tautre. 

Il n'y a cependant pas d'erreur possible pour le latin, et 
c*est ce qui nous a permis de séparer les deux individua- 
lisations brûler et briller et d'en faire deux subdivisions 
distinctes ; nous ne l'eussions pas osé si nous eussions fait la 
lexiologie des mots sanskrits. 

Ainsi, il est bien certain que le latin AUaora pour AUsora, 
l'aurore, ne peut pas signifier la brûlante. Jamais la déesse 
aux doigts de rose n'a brûlé personne, mais son éclat rcs* 
plendissaut, sa douce et à la fois brillante lumière, ont dû 
frapper un peuple primitif que les progrès de la civilisation 
n'avait pas encore déshabitué de se lever en même temps 
qu'elle. 

AUsosa se retrouve dans le sanskrit (/sasa^ forme de duel 
de UsaSy l'aurore (cf. lith. : aus%ra). 

Ces mots sont iormés, ainsi que l/sra, aube, crépuscule^ 
d'un thème v«a ou Ati«a (skr. AUgas^ lumière), se référant 



Raciue U. 355 

à une racine Us, briller , brûler, dont le désidératif est ijks 
(j-f-s==fc). — Cf. skr: l/sar, matin; — zend. : uça^uça- 
rih^ aurore ; — grec : Aïoç, Aïwç, devenu Hoç, Hw;, etc. 

Par métonymie on emploie ACnora (= AUsosa, cf. p. 80) 
pour désigner le pays du levant, ïorient. — Cf. ahal. : 
ôstan et dstar; — vieux nord. : att«-/ur = Torient. Ces mots, 
ainsi que Tallemand ost, Tanglo-sax. est, eic, sont contrac- 
tés de iJSas-uurA, Ic côté de Vaurore. 

Le métal brillant par excellence s'appelle AUnum, Tor, 
d'où AUneus, dor, AUnatus, aur^, devenu dor^^ ; AUrcoIus, 
d'or, de couleur d*or (de là le français auréole, cercle d'or 
dont les peintres entourent la tête de certains personnages) ; 
AUrarius, d'or, et pris substantivement or/(^t;r^, d'un AUri- 
faber, inusité dans le latin classique qui dit AUrifex , AUri- 
fer, aurifère; AUraria, mine d'or, elc. 

Cf. grec: AYpov; — irland. erse: or, 6r ; — kymr. : aur; 
— corn.: eur; — armor. : aour; — alban.: ar; — anc. 
pruss. : amis ; — lith. : auksas, etc. 

Un autre nom de métal appartient encore à cette racine *; 
c'est celui de l'airain, AEs, AEris (cf. skr. : ayas ; — goth. : 
ais et isarn; — ail. : eisen ; — angl. : iron; — celt. : ia- 
runn, etc.), qui signifie d'abord toute espèce de métal brut 
tiré de la terre, excepté Tor et l'argent, puis bronze, et enfin, 
argent, monnaie, d'où salaire, etc. 

De là Aereus, fait d'airam; AEratus, ob-AEratus, couvert 
d'airain; AErarius, gui concerne /'airatn) d'où substantive- 

' Aur^ précédé de la préposiiion de. Nous avons en français un certain nombre 
de fautes causées par des liaisons de mots : nous disons le lierre pour l'hyerre 
(hedera); en nage^wr en âge (in aqua, agua]) un nombril pour un ambril 
(ombilicus), etc. J'ai moi-même bien souvent entendu les paysans des bords 
de l'Oise dire en parlant de leur rivière : la ÏMse, 

' Je sais qu'on veut voir dans ^Yas, l'indompté (a-daa); mais cette hypo- 
thèse est plus ingénieuse qu'admissible. Le caractère le plus frappant d'un 
métal est son brillant, et il est naturel de placer ÂEs [=:i4Vas pour j:/i Vas 
ou /f pKas), à côté de ÂUrum, dont l'étymologic est incontestée^ 



356 Gekke souffler. 

ment ouvrier qui travaille i airain, forgeron, elc. ; AEra- 
rium, trésor public ; AËraria, tnin^; ÂErugo, AEruca, rouille; 
AEramen, AEramenluni, objet d'airain, dont sont issus les 
vocables novo-latins (voir plus bas), etc., etc. 

Dans tous ces mots, Vs du thème s'est changé en r; il 
s'est conservé au contraire dans AEneus (dim. AEneolus) 
pour AEsneus, d'airoiii, que l'on trouve parfois sous les 
formes AEnus (= AEsnus), AHEneus (= AHEsnus), AHEnus 
(=AIIEsnus), etc. 

Dérivés moins importants. — AEruginare, prendre de la 
rotùlle; — AEruginosus, rouillé; — AErosus, riche en airam; 

— AErisonus, retentissant du bruit de Tairam; — AEripes, 
AEnipes, AHEnipes, qui a des pieds d'airain, etc., etc. 

Dérivés romans. — Ital., esp. et port. : aurora; — ital. : 
auro, auréola, aurtno, dnxrato (doré), nnrifero (aurifère) ; — 
esp. : ora, auréola, aureo, aurifero; — port. : ouro, auréola, 
aureo ; — ital. : dorar^, indorare (dorer), indoratore (doreur); 

— esp. : dorar, dorador; — port. : aurear, dourar, doura- 
dor ; — roum. : aur (or), a auri (dorer), etc., etc. 

Prov. : aram, eram (airain) ; — ital. : rame pour ararn^ ; 

— port. : arame; — esp. : arambre, alambre; — roum. : 
arama. — Tous ces mots issus de AËramen que nous avons 
vu plus haut. 

35 

DHtJ 

(DHAW) 

A côté du sanskrit DHUmas (pour DHAwas; w=m cf. 
p. 77), fum^^, vapeur, et du grec 6Y^, 6, souffle, haleine, 
âme, le latin devrait avoir DHUmus, {umée. Mais il a perdu 
le d initial devant Vh aspirée, ce qui arrive très-souvent, la 



Raciri DMtJ. 357 

consonne la plus forte annulant la plus faible (cf. p. 80), 
et après cette aphérèse du d, ïh s'est changée en /; nous 
avons donc FUmus au lieu de DHUmus. (Cf. Dtfï/ites, souffle; 
Dtfl/pas, tumée; DHUlh^ poussière; — zend.: dunman^ fu- 
mée, brouillard; — grec: ©ÏFoç, b^ parfum j encens j ©Vw, 
sacrifier^ offrir des parfums aux dieux, etc. ; — csclav. : 
dounân^ souffler ; — slav. ecclés. : dunuti^ respirer, dj/nm, 
fumée, duchuy souffle, duscy âme ; — lith. : duma^ souffle, 
esprit, duszia^ souffle; — russ. : duma^ duch; — lith. . 
dumotij penser; — lett. : dohmâht ; — lith. : dussaSy souffle; 
— esclav. : diûmûy fumée ; — got. : daunsj odeur ; — anc. 
nord: dust, poussière; — tud. : ttmj fumée, iwist^ tem- 
pête; — ail. : dufM(, fumée, exhalaison, dufteuy s*exhaler, 
transpirer, etc.) 

FUmus, qui signifie {{iméej vapeur^ exhalaison, a formé 
FUuare, fumer, jeter de la {\xmée; FUhosus, plein de înmée, 
enfumé, {nmeux, fumant; FUmcus, FUnidus et FUmIcus, même 
sens ; FUnigare, enfumer ; FUiiiger et FUMÎfer, plein de fu- 
mée ; FUiiigatio, fumigation. . 

Le participe passé de FUsiare, FUiiatus a donné FUMatio, 
action d'exposer le vin à la t\xmée et FUsiator, celui qui fait 
cette action y etc. 

Au moral, être en ébullition, bouillonner, être transporté de 
colère, de rage, se dît FUaere pour FUsere pour DllUsere; 
c*esl, comme on le voit, une forme désidérative. 

FUro est le père de FURor(pour DHUsor), folie (nrieuse, 
fureur; FUaiare, rendre furieux ; FUaialis, rfe furie, furiet/x ; 
FUniator, qui met en fureur; FUaibundus, furieux, îuribond; 
Fllaiosuà, furieux, insensé, agité par les (uries (FUniac). 

FU s'est adouci en FI dans FImus, qui (urne, fumier (d'un 
bas-latin FUuarius), d'où FlMctum, fosse au fumier, et dans 
suf-FIae (sub-i-FlRe=DHI-hesse) fumiger, faire des (umiga- 
lions ; nous avons déjà maintes fois constaté qu'en composi- 



558 Genhk souffler. 

tion l'afTaiblissement de la voyelle avait presque toujours 
lieu ; nous en avons ici un nouvel exemple : suf-FIo est con- 
tracté pour suf-FIxo (de FUmo). De suf-FIae viennent suf* 
Flîio et suf-Hrus, fumigation; suf-Fhor, celm qui partante 
par des {wmigaUons ; puis suf-FIiien et suf-FIifentuni, {umée 
de parfums, d'où suf-FInentare, fumiji^r, porfutn^, etc. 

Dérivés romans. — Ital. : (utnare (fumer) ; — prov. et esp.: 
fumar; — port.: fumeirûr; — roum. : a fuma; — anc. 
franc.: fum ((umée); — prov.: îumada; — ital. : fuma, 
funmio ; — esp. : humo ; — port. : fumo, tnmaça ; — roum. : 
fum, etc. ; 

liai. : hxrore (fureur); — ital., esp. et port. : furia (furie), 
furto^o (furieux) ; — prov., 'esp. et port. : furor ; — roum. : 
furie, furios, etc. 

Bas-latin : FiNarium (fumier) ; — prov. : femorier, fermo- 
tier^ femorie, fomorie ; — Fluus a donné un picard et ancien 
français: fien (fumier, fiente); — prov. : fera, femp; — 
Quant au français moderne fiente, il se rapproche de la forme 
du latin FlMelum,/ieu rempli de fumier ; — prov. : lenta^ fetufa, 
Getida; — calai. : fempta, etc., etc. 

54 

SPU, SPHU 

Souffler, enfler. 

I. Nous trouvons en sanskrit le redoublé PHfJPPflUsa, 
PUPPffl/sa, pour SPflf/sa, le soufflant, le respirant, le pou- 
mon. 

Le thème non aspiré spvdh a donné le terme diminutif 
(d'un PUsa) PUsuIa pour SPUDula; PUsula, soufflure, ampotde^ 
a donné PUsuIatus et PUsulosus, couvert d ampoules ; mais 
la forme la plus fréquente de ce mot est PUstula, pustu/e, 
d'où PUstnlare, couvrir de pustules (au passif se couvrir de), 



Racine «PU, «PHU. 359 

rinchoatif PUstulesccre, se couvri de \iustules, etc. Cf. le 
grec ^>Ï2fltXî;, Y), pustule, enflure, du verbe dénominatif 
4>ïzaci), souffle^ enfler, fait sur (Z)<E>r£(x, ii, souffle, vent, 
gonflement. — 2<ï>ÏÇ(i), venter, être agité. — Cf. skr. : PUP- 
PHUlsi, vetUositéy flatuosité. 

Dérivés romans. — Ital., esp. et port. : pnstula; — esp. : 
ipostUla, etc. 

II. Le grec *Yxw, je souffle, je respire (avec W pour 1^), 
appartient aussi à cette racine ; de là ^VX^hi ^7 souffle, âme, 
transcrit dans le latin PSYche, ï amante de V Amour, psyché. 

III. De même que nous avons vu la racine iva, souffler, 
prendre le sens de gonfler, ainsi nous allons voir sphu ex- 
primer à son tour Tidée de gonflement. 

Ensanskr. nous trouvons SPHUlis, gonflement, PflUtkaras 
{pour SPHVT-), bouffi d'orgueil, orgueilleux (qui fait sphut^)\ 
et comme terme de mépris nous trouvons un (s)PHUt, fi ! que 
nous employons encore tous les jours sans nous douter que 
nous disons un mot sanskrit ou plutôt une onomatopée 
universellement répandue dans les langues indo-euro- 
péennes. 

Le grec possède un l^M-^oq, SIIOyyoç, 6, la gonflée, Ves- 
ponge, devenu simplement ^pongf^; en latin SPOwgia, d'où 
SPOwgere et SPOwgizare, e(s)ponger, SPOwgiosus, spon- 
gieux, etc. Nous n'avons pas besoin de dire que tous ces 
mots sont gunés : sru=SPAU=SPO. 

Dérivés romans. — Prov. : esponja, esponga, (esponge) ; — 
esp. et port. : ^sponja; — ital. : spugna, etc. 

rV. Par un thème intensitif en g (de ga, engendrer), 
srHUCi, la forme aspirée sphu a donné le grec l^OTyoq, le 

^ Le lecteur a-t-il jamais remarqué dans une basse-cour le dindon, le plus 
or^eilleux, sinon le plus bêle desaniniaux?A-t-on l'air de l'admirer, il fait la 
roue, il se gonfle d'orgueil, et, arrivé au paroxysme de sa sotte bouffissure, il 
pousse un sphut des plus caractérisés. 



3C0 GftHEK SOUFFLER. 

diompignm (gmfié)j et le latin FllNgus pour SPHUiigus, 
(kampignany morilley d'où au fig. mbécile, sot^ qui a formé 
FUngosus, $emblable au ehampignmy poreuxj (ongueux^ et 
FUicgositas. 

Débités romars. — Ital. : tango {champignon); — esp. : 
hofigo, etc., etc. 

y. Une forme secondaire intensitive smidii, a donné au 
latin FUtîIîs, plein de vent y tutile (cf. inanis et vanus), d'où 
FU-rilitas, vanité^ inanité, tutilité; 

Et (par affaiblissement en srndii) Fines ou Flois (d^où 
Floicen), le gonflé^ le boyauy d'où corde et instrument de mu- 
sique à cordes. — Cf. le grec 2<I>{èr,, i), boyau^ corde. 

On retrouve encore ce sens dans FUnis, eorie^ cordage^ 
d'où FDmale, relatif aux cordes ; FUniculus, petite corde ; 
FUmirepus et FUnambulus, danseur de corde, funambule. 

Dérivés romans. — Ital. : întilCy futilità ; — esp. : (utUy fu- 
tilitad; — port. : fu(i/, (îktilidade; — esp. : fideos (vermi- 
cette) ; — roum. : fumt^ (corde); — esp. : fun^; — ital. : 
liinambolo; — esp. et port. : funambulOj etc., etc. 

VL Un redoublé FIFUaculi pour FUFUnculi a le sens de 
petits tubeSy canaux^ c'est-à-dire, endroit vide, où il n'y a que 
de l'air, d'après la théorie des anciens, pour qui l'air était le 
vide. — Cf. 7'9a)v, siphon et (n^vb^, vide. 

VIL spij guné en staii (=SP0), a donné au latin un 
vieux participe présent SPOnI, marquant Vinspiration indi- 
viduelle vers, le vœu personnel, employé rarement au génitif 
SPONtis et souvent à l'ablatif SPOnIc : SPOiite sua, de son 
plein gré. De là SPOntalis et SPÛKlaneus, volontaire, spon- 
tané. 

Ce mômesru ou SPO combiné avec la terminaison inten- 
sive DH ou D (pour dha, pos^r, effectuer, faire, p. 145), a 
donné un frèreàSPÛNle : SPÛNdeo. SPOwdere (forme neutre) 



Ràcimb «ru» liPHV. S6t 

a le sens à^aecéûer aux vœux (au souffle d'aspiration), pro- 
mettre et au physique émettre (souffler) une idée^ dire^ ré- 
pondre; SPO-pondit, il a dity il a promis (cf. à la racine sui- 
vante, l'allem. : sprechen). 

Le sens primitif de SPOndere parait être : faire une prière 
aux dieux, leur demander quelque chose j aspirer vers eux ; le 
rhythine poétique appelé spondée (SPO^deus), a reçu ce nom 
parce qu'il était sans doute destiné surtout aux prières ac- 
compagnées de libations. Cf. inONSif), {], libation; 2nENS(i>, 
faire des libations, etc. On sait que la libation est le plus 
simple et le plus ancien des sacrifices, et qu'on ne priait 
jamais les dieux sans leur faire des offrandes de ce genre ; 
voilà pourquoi les deux idées d'aspirer vers les dieux et de 
faire des libations ont fini par se confondre. 

Quoi qu'il en soit le verbe latin SPOndere a donné SPOnsor, 
celui qui pi'omet, SPOnsIo et SPOnsus, ûs, promesse, engage- 
ment. Le participe SPOmsus, pris substantivement, signifie 
le promis, l excellent, le prétendu, Vespoux (Vu pourn comme 
dans couvent et conventus, etc.), et au féminin SPOnsa, la 
promise, Pespouse. De là, SPÛNsalis, qui concerne les /iati- 
çaUles; SPOwsalia, fiançailles; SPONsare, promettre en ma- 
riage, fiancer, etc. 

Le composé le plus important de SPÛNdere estre-SPOwderc, 
promettre en retour et re-SPOwdere (répondre) repliqtter, d'où 
re-SPÛKSum et re-SPOwsio, r^spon*^ (réponse), l'intensilif 
re-SPÛNsare, r^pondr^ et le fréquentatif re-SPOwsitare, don- 
ner de fréquefites réponses, et spécialement être avocat consul- 
tant. Re-SPOndere a un sous-dérivé très -important dans 
corre-§POndere (parler réciproquement ensemble), corre- 
spondre, etc. 

Nous citerons encore parmi les verbes formés de SPOn- 
dere, de-SPO^dere, promettre, et surtout promettre le mariage, 
d'où de-SPONsare, fiancer, cl de-SPOnsatio, fiançailles. 



362 Gbnre souffler. 

Le préfixe de^ en prenant une attribution négative, donne 
quelquefois à deSPOndere le sens de se décourager, être dé- 
sespéré (desipetûiuSy de spir^r^, souffler), n'avoir plus de dé- 
sirs, d'aspirations vers le bonheur idéal. On voit que ce sens 
revient tout à fait à la signification primitive de SPOifderc 
qui est soufrer vers quelque chose, aspirer à, etc. En ce sens, 
de-SPÛNdere a donné de-SPOiisio, désespoir^ etc. 

Dérivés romans. — Ital. : spon^ano, spontan^o (sponton^), 
sponfavidto (spontanéité), sponso (epotu;), spon%aliM (^poti- 
saïUes, fiançailles), rispondere (répondre), rîsposto (r^pon^^, 
le français a un mot analogue : rtpo«^^), corrispondere (cor- 
respondre), correspondenza (correspondance), spomdeo (spon- 
dée), etc. ; — esp. : espontaneo, espontaneidadf esposo, a, 
desposorio^ responder, respnesta, corresponder (et port.), 
correspondenda (et port.), espondeo, etc. ; — port. : «spon- 
taneo, espontaneidade, esposo y a, esponsaes, responder, re- 
spon«o, resfosta, esponder, etc.; — roHm.: spontané, sponto- 
neitate, a raspunde, raspuns, a corespunde, corespnndere, 
spondeu, etc., etc. 

35 

SPR, SPHR 

Souffler^ rrsplrer, yonfl^r* 

I. Le sanskrit a SPBtau, souffle^ SPBnôti, il respire, il vit ; 
et le redoublé PUPPHVh, venl^ enflure, gonflement, pour 
(S)PlJSPHURa ; à côté du grec WOAoç, i, fumée pour ZDOAoç 
(W = 2n). 

snt, en prenant la voyelle délerminative I, a donné au 
latin SPlRare, SPlRo, souffler et particulièrement prendre 
haleine, respirer, vivre. De là SPIRalio, respiration, SPlRa- 
culum, SPIRamen et SPIRamcnlum, soupirai/ par où passe 



Racinb SPip. 565 

l'air ; SPIRabilis, respivable et surtout SPIRitus^ souffie^ 
ventj Italeine^viCj esiprit^ etc., d'où SPIRitalis et SPIRitualis, 
qui sert à la respiration et au fig. spirituel ; SPIRitalis est 
devenu l'abstrait SPIRitalitas ou SPIRitualitas, nature spirî- 
tuellej sfiritualitéj etc. 

De là aussi plusieurs composés verbaux, tels que : 

Ad-SPlRare, devenu a-SPIR&re, souffler verSy aspira à, 
d'où a-SPlRatio, aspiration ; 

Ex-PIRare (ex-SPIRare) reiidre par le souffUj expirer ^ d*où 
cx-PlRatio, expiration; 

Con-SPIRare, souffler ensemble, de concert , au moral, être 
d^accordj s^entendre^ conspirer, d'où con-SPIRatio, conspira* 
tion, etc. ; . 

In-SPIRare, souffler dans ou sur; au fig. inspirer, d'où 
in-SPIRatiOy souffle, inspiration; 

Per-SPIRare, souffler à travers, transpirer (transpirare 
n'existe pas en latin) ; 

Re-SPIRare, rendre un souffle, exhaler, respirer, d'où re- 
SPIRatio, respiration, re-SPIRabilis, respirante, etc. ; 

Su-SPIRare (sub + SPIR-are), respirer avec force, «oti(s)- 
pire, d'où su-SPIRium, respiration, soupir, gémissement] 
su-SPIRatus et su-SPlRitus (très-rare), soupir; su-SPlRatio 
(post. à Aug.), soupir; su-SPIRiosus, asthmatique, etc., etc. 

Dérivés romans. — Prov. : esperit, sperit (esprit) ; — ilal. : 
spiro (haleine, souffle, esprit) , spirto, spirito (esprit), spirare 
(respirer, expire^*), spirasione (inspiration), spiraco/o, spira- 
glio (soupirait), spirîtate, spiritua/e, spiritua/ità, aspirare, 
aspirasione, conspirare, eoiispirazione, eonspiratore, inspi- 
rare, iiispirasione, inspiratore, rispirare, rispirasione, etc., 
sospiro (soupir), sospirare, etc., etc. ; — esp. : espiritu 
(esprit, ra/eur,^ner(]fie), espirar [exhaler, inspirer, expirer), 
espiritoso {courageux, spiritueux), espirttuaf, espiritua/idaJ, 
ospirar, aspirocion, conspirar, ronspiraeion, conspirador. 



364 Genue souffler. 

ôispirai:, inspiTaciotij tnspiroi/or, respiro, respirar, r^spira- 
eioHy ^spiro, «uspirnr, etc., etc. ; — port, (les mots corres- 
pondants aux vocables espagnols que nous venons de citer 
sont les mômes en portugais, sauf) : espïritOj espiTittMbdade^ 
aspirafâo, consfiraçàOj iwspirff(îâo, r^spircffâo, etc., etc.; — 
roum. : a aspira (^xpir^r), ^pireu^te (expira(ion), spirfos 
(spirttf/et/x), spiritualism (spititualisme) j SfiriiualUate (spiri- 
tualité)^ a aspira (aspirer), asipivaçie (aspiratfofi), a conspira, 
coNspira(;ie, conspirafor, a respira, r^spira(^, «uspiu (sou- 
pir), astfspira {soHpirer)^ etc., etc. 

II. La forme spr se retrouve intacte dans le latin SPERare, 
aspirer vers quelque chose j espérer, à côté de SPES (dimin. 
SPEcula pour SPERcula), espoir, espérance, attente de quelqtie 
chose ; SPERO a donné SPERabilis, quon peut espérer, et par 
son participe SPERalus SPERalio, espérance, d'où de-SPERa- 
tio, désespoir, désespérance dont le verbe est de-SPERarc, 
désespérer. 

Presque tous les linguistes s'accordent à rapprocher de 
SPES le mot pro-SPER (ou pro-SPERus), qui répond à /'espé- 
rance, désiiéj conforme aux vœux^ heureux^ favorable^ pro- 
spère, etc. De là pro-SPERare, faire réussir quelque chose et 
prospérer ; pro-SPERitas, succès, bonheur, prospérité, etc. 

Dérivés moi.ns importants. — In-SPERans, qui n'espère pas; 
— in-SPERatus, tnnaf^cndu, inespéré, etc. 

Dérivés romans. — Prov. : csperar (espérer) ; — ital. : spe- 
rare, speranaa, disperare, (/tspera«ione, prospero, prospc- 
rita; — esp. et port. : esperar, desesperar, prospero, pro- 
sperar; — esp.: esperanza, desesperawi ien/o ; — port.: 
esper ança, desespevaçào ; roum. : — a prospéra, prosper, 
prosperîla/e, etc., etc. 

III. Cette même forme spr est encore reproduite dans le 
grec SnAAr^vov, t6 (le soufflet du corps), le diaphragme (gros 
muscle qui sépare Pestomac des poumons et qui se soulève 



Racinb AK. 365 

à chaque inspiration), et dans le latin SPLEnnis (IIIAUv, c), 
la rate, d'où la maladie anglaise appelée le spleen. 

36 

Altf 

(NA) 

I. A côté du sanskrit A/Vya-tô, /1/Vaté, AiViti, il respire^ il 
vit (de iliVas, AiVilas, souffle^ vent), et du grec ANsijlo;, souffle j 
ventj le latin a un ANimus et un ANima. 

ANimus signifie le souffle de r intelligence, le principe spi- 
rituel de la vie intellectuelle et morale de T homme, l'eSPRil 
(voir plus haut à la racine précédente spft) le sentiment, les 
sensy le courage, la mémoire, le plaisir, etc. Delà, ANimosus, 
plein de courage, ANimosilas, courage, et en mauvaise part, 
AKîmosité. ANimus prend le sens à^attention dans ANimad- 
vertere, diriger son esprit vers quelque chose, et (dans un sens 
particulier) pour venger, punir ^ châtier. ANimadverto est 
une forme contracte pour ANimum adverto, sous laquelle on 
le rencontre encore très-souvent avant la période classique. 
Ce verbe a donné ANimadversor, observateur et punisseur, 
ANimadversus, ûs, punition, et ANimadversio, perception, 
observation de quelque chose, d'où attention donnée à une 
faute, punition, et plus particulièrement attention mauvaise 
donnée à quelqu*un ou à quelque chose, haine, XHimadversion. 

ANima, air, respiration, souffle, vie, kMe, n'est peut-êlre 
qu'une forme féminine accessoire de ANimus; ce qu'il y a 
de certain, même en acceptant cette hypothèse, c'est que 
cette forme féminine a mieux conservé que la forme mascu* 
line principale le sens primitif de la racine an et qu'elle a 
laissé plus de dérivés que ANimus. 



3G6 Gesab souffler. 

Nous ne citerons que les principaux de ces dérivés, qui 
sont les suivants : 

ÂNimare, emplir (Vair, souffler dans^ d'où animer, donner 
la vie; ÂNinians, antm^; par le participe passé ANiroatus, 
ANimare a donné ANimator, qui anime, et ANimatio, action 
d'animei*, d'où nous avons fait antmalîon, état de celui qui 
est plein de vie, de mouvement, etc. Citons encore AMimal, 
être Minime, animal; et l'adjeclif ANimalis, composé d'mr, 
aérien; ex-ANimis, ex-ANimus, qui a perdu le souffle de lavie, 
mortj d'où ex-ANimare, ôter le souffle, la vie, faire mourir, 
surtout de terreur; ex-ANimatio, privation du souffle, suffo- 
cation; ex-ANimalis, qui a perdu le soufre ; semi-ANimis, à 
demi-mort y presque mort; in-ANimusct in-ANimis, privé de 
souffle, sans vie ; un-ANimis, e, qui est dans l'unité des mimes 
sentiments, unanime, d*où unANimitas, unduimité, etc., etc. 
— Cf. Irland. anail, souffle, respiration; kymr. anal, armor. 
anal, énal, souffle; persan : an, intelligence; goth. uz-ana, 
expirer; ahall. unst, tempête; scand. andi, esprit, etc., etc. 

Dérivés romaks. — Vieux franc, (slt pour l'orthographe) : 
nnème (âme); — prov : anma, arma; antmar; anima/; an- 
imositate, etc.; — ital. : anima, antmare, animato, anima, 
antmo^o, ^nimosità, animazione, nnimadversione, Minimal, an« 
imalità, etc.; — esp. et port. : aima, antmar, ditiimato, anima, 
antmo^o, Binimosidad, antmactofi, nnimadversion, animal^ an- 
imalidad, etc»; — port. : animosf(/ar/e, animaçào, animadver- 
sào, ùïiimalidade^ etc. j — roum. : inima, anima/, anim^i/ifa^e, 
animacte (animation), antmo^ilafe, etc., etc. 

II. L'animal ou Télre vivant par excellence a reçu en skr< 
le nom d'(A)iVR, iVARas, homme^ chef, maitre (rëminin A'Ari, 
la femme). En grec, ANnp, ANSf>6;, pour AN^po;, lUiomme^ en 
latin NerO) qui ne s'est plus conservé que comme nom 
propre (Néron). 

Le grec ANôpwîroç vient de ANSpo 4- cmc = figure d*homme. 



Racine HJHU. 307 

m. MN prend le sens de faire des vents (souffler) dans 
ANus, ANus d'où ANulus, et celui de flairer ^ puer^ dans ANus, 
vieille femme et vieille sorcière. 

In-ANis, anciennement in-ANus, signifie celui qui est gon- 
flé d* air ^ qui est vide (voir p. 521), où il n^y a rien, vain (cf. 
YAnus, etc.). 

In-ANis a donné in-AKitas, vide^ vanité, in-X^ite; in-ANire, 
rendre vide, in-ANescere, devenir ride; in-ANitio et in-ANiae, 
vide de V estomac, tn-ANifton; ex-inANire, vider, réduire à 
néanl, détruire^ d'où ex-inANitio (post. à Aug.), évacuation, 
destruction, etc., etc. 

Débivés romans. — Ital., esp. et port., ano (anus); — esp., 
imnicion (inaniliort); — port., inanido (épuisé); innniçào, etc. 

37 

SltfR 

Flairer) ronfler» dormir. 

La racine SWR, qui a donné au grec (2)NAPxy;, y;, profond 
sommeil (rappelé par la respiration bruyante, le ronflement 
qui l'accompagne), torpeur, engourdissement (transcrit dans 
le latin NARce), d'où NAPxcTiyiç, nùvcotique, se retrouve 
dans le latin NARis pour SNARis, narine (la flaireuse ou la 
souffleuse); de là NARiputeus, ptinai^, NARinosus, qui a un 
grande un large nez, et surtout NARicnrc, rire dans son nez 
d*un air moqueur ^ se moquer, narrer; NARio, moqueur. 
NARis est pour NARus, comme le prouve NASus (S =R), le 
nés, d'où NASulus et NASica, qui a un grand nez. — Du sens 
propre de nez, NARis et NASus en sont venus à exprimer 
toute espèce de goulot, de canal, comme le prouve le mot 
NASiterna, nasiterne, sorte à'aiguière à trois goulots ou becs 
(à trois nez)é 



308 Genre SOUFFLER. 

Nous trouvons encore le grec NAPas;, plante odoriférantCj 
d^où le latin NARdus, etc. 

Ci. lithuanien: marglas^ morve; — lettc: senurgulas ; — 
lith. : smurkssle^ museau; — goth. : snairran, ronfler; — 
ail. : schnarrefij scharchetty etc. 

Dérivés romans. — Ital. : naso (nez), nare (narine), nasa/e 
(nasat), etc. ; — esp. et port. : narb, nasal; — ital., esp. 
et port. : narcotico, a (narcotique), nardo (nard) ; — port. : 
narcotina (narco(ine), etc. ; — roum. : nas, nare, nasa/, nar- 
cotiCj narcottna, nard, etc., etc. 

38 

DRA 

SonfOcr* ronfler» dormir. 

(DRAI, DAR) 

En sanskrit DKAI, d*où DR Ami et DAAyàmi, je dors; d où 
DRAna, dormant^ endormi; ni-DRA, ni-DRAna, sommeil; 
on trouve aussi DRAnksàti, t( ronfle, il fait enteiidre un bruit 

affreux^ d'où au moral, il aspire à, il désire (la respiration 

« 

précipitée et bruyante est le principal symptôme d'un désir 
ardent, cf. cupere à la racine WA, souffle, page 358. 

Le grec a APAOsiv, APHÔstv, AEPOsiv et AAPOzvsiv, doimir^ 
les premiers formés tout simplement par le préfixe inten- 
sitif DHA, le dernier par le redoublement de AAP; car 
AAPOavetv est pour AAPAAPvstv. . 

Par une métathèse de TR analogue à celle que Ton trouve 
dans AAPOav-tv, le latin DRA a fait DAR, puis DOR, d'où 
DORnire, DORuio, ronfler ^ dormir. Le thème DORuilus a formé 
un intensitlf DORuitare, avoir envie de dormir, s'endormir, 
d'où DORnilatio, sommeily envie de dormir, DORiiitator, dor- 
meur, rêveur^ etc. 



Racinb dm. 569 

DORmîo a donné dircclcmcnt DORMilio, action âe dormir, 
$(mmeil ; DORsiitorîus, qui concerne le sommeil, et le neutre 
DORNitorium, pris substantivement, dorf oîr. 

Les principaux composés de DORMire sont : 

E-DORnire (d'où un inchoatif e-DORMiscere , avec les 
mêmes sens), achever son somme^ ou plutôt dissiper son 
ivresse en dormatU ; 

In-DORMire, dormir sur quelque chose^ et au figuré négli- 
ger; on trouve dans un glossaire un in-DORAiis, synonyme de 
in-somnis ; 

Ob-DORiiire (d'où l'intens. ob DORMitare et Tinchoal. ob- 
DORMiscere, avec les mômes sens), s'endormir, etc. 

Cf. slave ecclés. : driemati, dormir; — saxon: drôm; — 
scandin. : draum; — angl. : dream; — tud. : troum, som- 
meil, songe, rêve; — allem. : tratm^ d'où trâumeny songer, 
rêver, etc. 

Déhivés romans. — Prov. : durmir, dormir, dormirfor (dor- 
mir), dormitori (dortoir); — ital. : dormira, dormitore, dor- 
mitantCj àormitorio, dormentorio; — esp. : dormir; — port.: 
dromir; — esp. et port. : dormi/ar, dormidor, dormilorio; — 
roum. : a dormi, dormilor, dortoar, dormi^oriu, etc., etc. 



24 



370 GmiE DÉTRDIRE. 



Classe BRiriHE 



III 
Genre DÉTRUIRE 

Le genre DÉTRUIRE comprend toutes les imitations du 
craquement^ du battement^ etc. Ici, comme dans le genre 
souffierj c'est la consonne qui joue le rôle principal, la 
voyelle demeurant à peu près indifTérente au sens primitif de 
la racine et servant seulement à celle-ci de point d'appui et 
de support. 



Racine P(J. 571 

]. Ordre P, T, K. 

Tribu P. 

39 

PU 

VétnUre, Cmpper, hemrter, b«Mi«, CMUer, y «tr» Htrmj«t, 

««Hiferf retrancher. 

(PUNS, PAW) 

I. Le sanskrit a formé, par un thème PC/sa, battu^ un verbe 
Pl/nSy P(/Nsayâmi) qui signifie d*abord broyer j triturer^ fouler 
aux piedSj puis punir, châtier (cf. P(/th, Pl/thâmi, etc.). 

Le latin reproduit le sens primitif de la racine pu dans 
un verbe de-PUvire (avec V furtif né de U), détruire^ abattre^ 
frapperj battre^ formé par un thème PUv. Festus, qui 
l'écrit de-PUvere, dit (p. 53) qu'il égale eaedere. 

PAYire a donné PAYitum, sol batlu^ solidifié ^ dallage; 
PAYimentum, carrelage^ pavage, d'où PAVimentare, garnir 
d^un plancher^ carreler^ daller^ pav^r, et PAVimentarius, 
pav^r. 

On trouve aussi PAYicula etPAVicla, baite^ maillet ^ instru- 
ment pour aplatir, d'où PAVicula, aplanir^ niveler en frap- 
pant; et enfin PAVera, vieux nom qui désignait le blé (qu^ on 
doit frapper^ battre). 

A PAVio, il faut comparer le grec UAFlw^ devenu IlAl(i>, et 
avec renforcement du n par le T (irréXiç = 7:6Xiç ; ict(wu) 
pour iciww, etc.) HTAïo), je heurte^ d'où nTATapia) t5. 

H faut remarquer que IIAF (PAY) est dans IIAftcoet PAVio 
pour DAT guné de nr (nj) . U en est de même dans la série 
de mots que nous allons maintenant étudier^ 

Dérivés romans. — liai. : pavimen/are (paver); ^ ital. et 
port., pavtm^n^o (pav^) ; etc* 



m Geiiib dëtrcire. 

IL L'idée à^effragtr^ faire jtrurj vient de celle de tuer^ 
déirmre; c^est ici, comme très-souToil, le conséquent moral 
représenté par son antécédent physique. 

Ainsi PAYere, être effrayé j contient VA\j frapper ^ de même 
que TEMerej craindre j contient TEM (tam), trancher y dàrvire ; 
de même que METTiu, crainte ^ et METii^^, craindre j contien- 
nent la racine secondaire MET (ha, mi), lancer, abattre j elc. 
(Cr. meuis pour me$tU = meitiSj la moisson). 

PC guné en wmw a donc donné aux Romains leur PAVeo, 
PAYere, trembler d'effroi^ dépouvanie, être effrayé, avoir 
peur, d'où PAVor, agitation^ émotion causée par la frayeur^ 
(paour = peur) peur, et PAYidus (d'où le nég. imPAYidus) 
gvt trewéle de peur ou d'effroi^.TWcoa en outre formé plu- 
sieurs verbes dérivés ou composés avec le même sens, tels 
que PAYefacere, PAYescere et ex-PAYescere ( inch . ) , s^ effrayer^ 
et enfin le fréquentatirPAYitare, (remfr/^ife peur, de /ray^r; 
d'où PAYitatio, fra^mr^ effroi. 

Déuvés romahs : — Prov. : paourot» (peur^to;) ; — ital. : 
paura (peur); pauro^o (peur^tu:); — esp. et port. : pavor 
(peur); pavoroxo (effrayant); etc., etc. 

III. Le désidératif-intensitif non guné puio, issu d'uQ thème 
MJka, frappéj se retrouve dans PUcnus, le poing, le frappant, 
d'où PUoillus, ce qu^onpeut prendre avec le poing, etPUGil, 
athlète qui lutte à coups de poings au pugilat (PUcilatus) d'où 
PUcilari etPUcillare, être athlète et s exercer au pugilat, etc. 
= Cf. grec : nVriAi^, ii, d'où Dïrt^ioç, p^gmée, etc. ; skr. : 
MU(K)sli pour PU(k)sI\, poing [PUt et MUi existent en skr. 
avec le sens de frapper, broyer) ; et avec le même sens : tud. : 
fûst{i) ; ail. faust, etc. ; esclav. pensti^ elc. 

A côté de PUcnuSy le poing, le frappant^ nous devons 
placer PUcna, le combat, la bataille, la lutte oU Von sem^ 

* PAVOR signifie aussi en génëral ce pU effraye^ témoin ce vers de Danlc 
{Infemot I, 53) : C^ te peurs eh'ucia di smb viUs. 



Racimi ru. 575 

poijrn^, comme on dirait encore aujourd'hui vulgairement en 
français. PUcna a donné PUcnare, combattre^ se baitrey luitet'; 
et du participe PUcnatus sont issus PUcnator et PUcnatrix, 
guerrier et guerrière et PUcnatorius, qui concerne la lutte^ le 
combat ; nous citerons encore le dérivé PUcnax (cf. audaXj 
ferox) qm aime le combat^ violent^ véhément^ d'où PUcnacitas, 
ardeur belliqueuse j etc. 

PUcnare a formé plusieurs composés dont les principaux 
sont : 

De-PUcnare, combattre^ lutter vivement^ d'où de-PUenator, 
athlète^ et de-PUcnatio, combat acharné^ etc. ; 

Ex-PUcnare, prendre d'assaut^ forcer ^ soumettre et au figuré 
vaincre^ dompter ^ d'où ex-PUcnator et cx-PUonax, qui friom- 
phej*vainqueury ex-PUcnatio, prise d* assaut y ex-PUcnabiliSi 
qt^on peutprendrCy vaina'ey dontle nég. est in-ex-PUcnabilis, 
inexpugnable^ etc.; 

Im-PUcnare, combattre contre^ attaquer y harceler y etc. , d'où 
im-PUcnator, ^i conUfat^ fut attaque et im-PUonatio, alla- 
quCy etc. ; on trouve aussi le préfixe in avec le sens négatif 
dans im-PUcnatus, inattaqué; 

Op-PUcnare (pour ob-PUcnare) attaquer y assaUliry assiégery 
au propre et au figuré et dans Plante, frapper avec le poing (ce 
quiy à défaut d'autres preuves, établirait la parenté dePUcna 
et de PUonus) ; de là op-PUcnalor, qui assiégCy op-PUcnatio, 
siégCy attaquey etc. ; 

Pro-PUcnare, s'élancer pour combattre^ combattre devanty 
à* où protéger y défendre; delà pro-PUcnator, défenseur y sol- 
daty combattant ; pro-PUcnatio, défense dun lieu et au figuré 
défense; pro-PUcnaculum, ouvt*age de défensey défemCy etc.; 

Re-PUonare, lutter contre, résister y ojyposer delà résistance, 
autrement r^ujfn^ à quelqu^un ou à quelque chose ; de là re- 
PUcnator, qui combaty résiste ; re-PUcnatio, oppositioUy résis^ 
tance ; re-PUcnantia, lutte y résistance y ré-pugtiancey etc. 



374 GiMiB DËTRCIRE. 

Dérivés rouans. — Ital. : pu^no (poing) ; pujfiUflfo (pagîlol) ; 
fugna (combat); pugnare (combattre); repagnanza (répu- 
gnance) ; repngnare (répugner) ; — esp. et port. pugUato ; pu- 
gna; pugnar; repugnanda; repugnar; — esp. puflo (poiftjf); 
— port, puïïho ; — roum. pumn (poifij^) ; pugilat^ etc. 

IV. Nous avons déjà cilé le verbe skr. PVKSy au sens 
de heurter y frayper, fouler; nous en rapprocherons ici 
la forme nasalisée PUNcere, heurter^ piquer^ percer ^ qui, 
par ses derniers sens, semble réclamer la paternité de PUoio, 
poignard^ stylet^ et de son diminutif PDciunculus, petit poi- 
gnard. Au figuré PllNcere a le sens de piquer^ aigmllonner^ 
tourmenter y etc. Par son participe passif PIlNctus, ce verbe a 
formé PUifctum, petit trou fait avec une pointe, d*où poîn^ % 
et un potn^ dam V espace ou un point dans le temps (un court 
instant). De là aussi PUnctus et PUiNclura, piqûre; PUMctio 
(méd.;, point, douleur poijnanl^; PUKCtiuncula, petit élance- 
ment y légère douleur j etc. 

Les dérivés de PllKcere sont : 

Com-PUNcere, piquer fortement , d'où comrPUNctio, point de 
cOtéj etc. ; c'est d'un passif com-PUsici, signifiant en terme 
ecclésiastique être touchéy piqué par des remords cuisants 
qu'est venu l'abstrait componclton ; 

Ex-PUNcere, effacer avec une pointe, enlever^ faire dispa- 
raître ; rayer y biffer^ notet\ contrôler y etc. ; de là ex-PUnclor, 
avec les sens correspondants à ceux du verbe, et ex-PU«ctio 
(post. à Tép. class.), accomplissement j achèvement, etc. ; 

Inter-PllNcere, pùiictuer, d'où inter-PUiictio et inter-PUit- 
ctum, poft(^uation, etc. ; 

Re-PUNGcre, qui ne se trouve guère que dans une phrase 
de Cicéron : repungere animum, au sens de piquer légèi^e- 

* A ce suûel nous ferons remarquer que la négation composée ne poiiU 
(ne pnnctum, pas un point) est beaucoup plus énergique que ne pas (ne pas- 
sus, pas un pas). 



Racihe PtJ. 375 

nient par une plaisanterie; ce verbe a dû cependant s'em- 
ployer au sens physique, puisque nous trouvons un re- 
PU»ctor, pi^ti^r, chargé de pointer les membres absents 
dans certaines réunions. 

Dérivés romans. — ItaL : punio (poinl) ; ^uguale (poi^naril); 
eamputmone {comiponction) \ — esp. : punto, pu&ii; compan- 
dan; — port, poitio; pun/uii; comipunçao; — roum. pumna/ 
(poignard), etc. 

V. La forme secondaire PUs, frapper^ punir, est reproduite 
avec le guna dans le latin POIsna devenu POEsna, peifi^, châti- 
ment. Ici POI=POU= PU (guné) *. Le grec nOI(i:)vi3, ^, avec 
les mêmes sens, d^où noivau», je châtie; nOIvxtcdp, i, etc. 

POEna (= POEsna r^ POIsna) a donné POEnalis, qui con- 
cerne la peine^ phial; et POEnio que Ton trouve très-rare- 
ment avec le guna et qui s*écrit le plus souvent sous la 
forme simple PUiiio, PUiûre. Cependant la forme gunée a 
laissé un intensitifPOEnitere, primitivement punir, tourmen- 
ter j venger, d'où ensuite causer du regret j et impersonnelle- 
ment regretter j $e repentir. C'est dans ce dernier sens qu'il a 
donné POEnitentia, repentir ^ regret et péni^dncf , etc. 

PUnire, châtier^ punir et venger a donné PUiiitio, pein^, 
punition ; PUnitor, celui qui châtie, le fimieseur. On trouve 
encore des composés négatifs tels que im-PUnisetim-PUnitus, 
impuni, im-PUne, impunément, im-PUnitas, impunil^^, etc. 

Dérivés rmans. — ItaK : pena (peine); penare (pein^) ; pe- 
niten%a {pénitence) ; punire (punir) ; punizione (puni/ion) ; etc. 
— esp. et port. : pena; penar; penitenda; punir; puniçâo 
(port.); punicion (esp.) ; etc. 

* n importe de remarquer ici que le thème POIna aurait pu donner 
PUnire avec changement de ^ en tf, ce qui renverrait cette famille 
de mots à la rac. H (voir plus loin, p. 380) skr. PIS, piler, écraser, broyer. 
Ce qui paraîtrait donner quelque vraisemblance à cette eiplicalion, c'est 
l'eiistence dans les langues germaniques d'un participe présent fifand (ail. 
feind) nuisant i, faisant de la peine ^^ etc. 



376 GiNBi DÉTRUIRE. 

VI. Un thème wétm (cf. skr. PlHh) a donné au latin un 
verbe PUtare, au sens primitif de couprr, retrancher j émon- 
der; ce sens se retrouve surtout dans certains composés, 
que nous verrons tout a l'heure, mais il n'est pas le seul ni 
même le plus important du verbe PUtare, car ce mot est très- 
rare, au sens propre de couper. Mais couper ^ séparer j imon- 
derj en considérant une chose, le bon du mauvais, c'est 
apprécier cette chose, ï estimer ce qu elle vaut, peser ses bons 
et ses mauvais côtés, y penser. De là PUtare, couper^ énum- 
der y a signifié (au figuré) d'abord apurer un compte, mettre 
au net un travail j puis penser j croire^ 1^9^ j ^'^^ d'avis j es- 
timer. 

Les principaux dérivés directs de PUto ont conservé le sens 
physique de couper à côté du sens moral de penser; ainsi 
PUtatio signifie également pensée et action de couper y d^éta- 
guer les arbres. Mais le sens propre se trouve seul dans les 
auteurs de Tépoque classique; PUtator, c'est simplement 
celui qui taille les arbresj tandis que PUtalivus, imaginaire, 
putatifs est pris seulement au figuré ; PUtamen a le sens de 
coupure, rognure, ce qui tombe quand on taille quelque chose, 
et particulièrement le bois. 

Quant aux composés de PUlare, les uns n'ont conservé que 
le sens physique, tandis que dans les autres on rencontre 
aussi l'idée morale ; ainsi : 

Âm-PUlare, c'est détacher en coupant auiour, ampul^r ; de 
là am-PUtatio, am-putotion; 

Compxxter quelque chose (com-PUtare), c'est séparer vigou- 
reusement (con-)les différentes parties d'un calcul pour arri- 
ver plus sûrement à la solution ; 

Dé'puter quelqu'un (de*Pl]tare), c est le détacher du corps 
social dont il fait partie pour renvoyer au dehors en d^pu- 
falton(de-PUtatio); 

Dis-PUtare a d'abord le sens de couper un compte pour 



Racine PtJ. 377 

mieux l'évaluer, el de là calculer quelque chose, et au figuré 
eon$id&erj débattre et enfin disputer; de là disPUtator, dis- 
PUtatio, etc. ; . 

ïm-PUtare, porter en compte, compter y mesurer ; au figuré 
imputer, d'où im-PUtalor, im-PUtalio, etc.; 

Post-PDtare (ant. à Tép. class.) compter après, mettre en 
seconde ligne, estimei' moins ; 

Béputer quelqu'un (re-POtare), c'est le distinguer (dis = 
couper, séparer) du vulgaire, et la réputation (re-PUlatio) est 
une distinction accordée par l'opinion publique à ceux qui se 
séparent de la foule des autres hommes par un mérite quel- 
conque ; 

Sup-PDtare a les mêmes sens que com-PUtare. 

Dérivés romans. — Les langues romanes ont toutes pris le 
verbe pensare pour exprimer l'idée de penser. Elles n'ont 
gardé PUtare que dans putaiivo (putatif) qui existe en ilal., en 
esp. et en port., el dans les mots composés où on le retrouve 
intact sauf dans compter (ital. couiare; esp. et port, confar). 
Voici les principaux de ces composés ; il est bien entendu qu'à 
moins de désignation contraire, les abstraits de ces verbes 
se forment comme à l'ordinaire, c'est-à-dire pour Tita- 
lien exï-aùone, pour l'esp. en-acton, pour le port, tu-aç&o et 
pour le roumain en-aci^. — Ital. : amputare (ampu^^r) ; de- 
putare (députer)\ dis-putare (disputer) \ im-pu/are (impu/^) ; 
r^pular^ (r^pu(^r) ; supputare (supputer), etc. ; — esp. et 
port. : amputar, etc. ; il faut seulement remarquer l'ortho- 
graphe espagnole de diputar et despular; — roum. : aam- 
puta \a députa; a disputa, dont le nom est disputa (dispute); 
a imputa, imputar^ (imputation); a reputa ; le verbe supputer 
n'a pas de forme correspondante dans cette langue ; etc., etc. 

VII. L'idée de purifier vient de celle de retrancher les choses 
impures, de séparer le mauvais du bon, etc. Nous avons vu 
tout à l'heure le verbe PUlare avec les sens A'émondei* et de 



378 Gehbb DÉTRLIRE. 

penser ; nous le retrouvons ici avec le sens de ipurifier; mab 
PUtare n*est pas un verbe premier. 

Les lexicographes ont .inventé comme type de toute cette 
famille latine un vieux verbe PDo, rapproché du skr . PD^ net- 
toyer, purifier* Que ce verbe ait existé ou non, peu nous im- 
porte ; ce qu'il y a de certain, c'est que nous trouvons une 
forme parlicipiale PUtus (d où PUtare), toujours aTecUbref, 
au sens de PUrus, nettoyé j pur (cf. skr., Pt/ta, nettoyé, pu- 
rifié; PÛli, pureté^ pun/Scation,eic.).Mais la forme primaire 
PDtus n*a pas disparu complètement; elle est restée intacte 
dans PUtus, nettoyé^ purifie\ pur, sans mélange. Ordinaire- 
ment, dans les textes, on trouve ce mot joint à PUrus, qui est 
beaucoup plus employé ; nous citerons un seul passage de 
Varron (L. L. 6, 7, § 65) : t PUtare valet PUrum facere. Ideo 
antiqui PUrum PUtum appellarunt. » A côté de PUrus, di- 
sons de suite qu'il faut placer le vieux mot PUsus, eoupéj ra- 
petissé^ émondé, recoupé ^ courte petite d'où PUsillus, PUsilla- 
nimis, pusillanime, etc. PUrus signifie donc pur, sans 
mélange, qui ne renferme rien d'étranger, et particulière- 
ment rien de sale, d'où propre, et au figuré innoeent, chaste, 
vertueux ; en terme de droit, absolu, sans exception, pur et 
simple. De PUrus est venu un contracté causatif PUro, épu- 
rer, purifier, nettoyer. 

Ce verbe est extrêmement rare ; on emploie presque toujours 
à sa place un composé PUrifico, d'où est venu notre français 
purifier. PUaificare a donné PUnifîcatio, purification. L'abs- 
trait de PUbus est PUaitas, pur^t^', limpidité, innocence. 

Le dérivé le plus important de PUrus, c'est PUago, qui est 
issu, soit directement de PUnus (PUaum ago ; cf. castigo, de 
castum ago), soit d'un diminutif du verbe PUro, qui serait 
PUaico, puis PUrco, adouci en PURgo ; nous préférons la 
première de ces deux filiations. Quoi qu'il en soit, PUagare 
signifie nettoyer, purifier, purger, et dans un sens médi- 



Racine PU. 379 

cal tout spécial, purjf^, faire évacuer, d'où relâcher, dissiper, 
guérir, et au moral, justifier, disculper; au point de vue re- 
ligieux, laver d*tm péché. 

On le trouve quelquefois aussi avec le sens de nettoyer, 
à^ aplanir : a Magistratus qui viis locisque publicis PUrgandis 
praeerunt. » Insc. ap. Mur. 582, fin. 

Un pèlit nombre seulement des dérivés de PUago a pris le 
sens médical. Ces dérivés sont : PUagatio, nettoyage, puri^ 
cation et pnrgation; PUagatura, furgation (en parlant des 
animaux) PUagatus, fwifié et fnrgé; PUagaticius et PUaga- 
torius, purgatif. Les autres mots issus de PUago ont seule- 
ment le sens de nettoyer, purifier; les principaux sont : 
PUagabilis, facile à nettoyer ; PUagamen et PUagamentum, 
immondices efdevées d^un endroit ; PUagator, celui qui nettoyé, 
surtout cureur d^égouts, et enfin un intensitif PUagitare, net- 
toyer, et au figuré chercher à se disculper. 

PUago a trois composés principaux : 

Ex-PUagare, nettoyer en enlevant, émonder, guérir (en par- 
lant d'une maladie) ; au figuré coiriger et purger d'une accusa^ 
tion^ disculper, etc. De là ex-PUagalio (mot de Plante), excuse, 
justification, etc. ; 

Per-PUagare, nettoyer entièrement ; au figuré édairdr, etc. ; 

Re-PUagare, nettoyer de nouveau; absolt. enlever, ôter; 
de là re-PUagatio et re-PUagum (tous deux postérieurs à l'ép. 
class.) avec le sens de purification, nettoyage, etc. 

DÉaivÉs noMANs. — Ital. : esp. et port. : puro (pur) ; — itai., 
puri^care (purifier) ; purificaùone (purification) ; puritô (pu- 
reté) ; purjar^ (purgf^r) ; purgazione ; — esp. et port. : puri- 
ficar ; — adon ; — açào ; pur^^ ; purgar ; — adon ; açâo ; 
— roum. : a purga; purgade, etc. 



ùso Geikb Détruire. 

40 
PI 

MeTf hwmjrr^ écrmer. kcntcr, tmUimWf raeler» faire auil t 



I. Le verbe sanskrit Pfs, P/Nasmi , a le sens de pi/er, 
broyer^ mettre en pièces^ doù tuer; de là Pista, poudre^ farine. 
Cf. P^sana, fnou/tirf , moulin à bras, etc. ; zend : pis^ piç, fa- 
rine; arinén. : psrely moudre, etc., etc. ; grec : nissv, tb, le 
poû, dont le renforcé est IlTIff7<i>, je ipile, je mondes pour 
nitmfe» ; comme on trouve JlTaia) pour UoLÛa (cf. plus haut 
p. 371). 

Le latin a Pila pour Plda, mortier à ipiler et balle à jouer à la 
paumey la pilée ; Pila signifie aussi toute espèce de balle^ de 
pdotej de pe/oton, boule^ sphtre^ d'où le diminutif Pllula, 
petite boule^ pilule, et Plleus, sorte de chapeau roniy chez les 
romains. A côté de Plia nous devons placer Pllum, pilon avec 
lequel on pile dans un mortier, d'où javelot de Tinfanlerie 
romaine. Pila a donné un verbe dénominatif Pllare, d'où 
notre français puer. On peut aussi placer sous cette racine 
H, PUus, poi/, cheveu (l'écrasé, le broyé, laminci), doù Pl- 
lare, $e couvrir de poiU et e-PIlare, dégarnir de poih^ épiler. 

Outre e-PIlare, nous trouvons encore deux composés im- 
portants de Pllare : 

— Com-PUare, battre^ rouer ^ piler de coups et amasser en 
pillafU (en accumulanty en empilant) y d'où dépouiller y etc. De 
là com-PUator, pillardy plagiaircy com-PUatio, action d'enle- 
very pillagey plagiat et, en bonne part, compi/atîon ; 

— Ex-Pllare, pi/fcr, dépouillery volery d'où ex-PUator et 
ex-Pllatio, avec les sens correspondants. 

Dérivés moiks importants. — PIleatus, coiffé du Vtteus ; — 
PIlosus, couvert de poilsy poilu; — PUanus, soldat armé du 
Pllum ; — ante-Pllanus, soldat qui combattait devant le 



Racine PI. 581 

Vllanus; — Pllalus, armé de javelots ; — prae-PIlatus, garm 
fTune balle^ d'une boule, d'où au figuré émousséj inoffensif; 

— Pllaris, relatif à la balle; — Pllarius, jongleur^ prestidigi- 
tateur (qui fait des tours avec des boules) ; etc. 

Dérivés romans. — liai. :pe/o (poî/) ; comfilare (compiler) ; 
jAllola (pilule) ; — esp. : pe/o; compUar ; pddora ; — port. : 
pe//o ; compi/ar; pilula; — roum. : fiMa; — esp. : pila (pile); 
apilar (empiler) ; pelota (peloté) ; — port. : pilha; empilhar ; 
pdlar (épiler)'y etc. 

II. La forme désidérative P/s, que nous avons déjà vue en 
sanskrit et en grec, a donné au latin PIso, -onis; mortier à 
piler; PIsare et plus fréquemment PiNsare (avec nasale inter- 
calaire), broyer, piler , tasser, battre (cf. lith. paisau, guné 
pour pisau, écraser), d*où Pbsatio, action d^ écraser, débrayer; 
le parfait PIstus a donné un assez grand nombre de dérivés 
parmi lesquels nous citerons PIslor, celui qui pile le grain, 
meunier; Plstare, piler ; PIslillum, pilon et pistil des fleurs 
(qui a la forme d'un pi/on); PIstrinum, lieu où le grain était 
pilé ou moulu, moulin, d'où PIstrinensis, qui concerne le 
moulin et Plslrinarius, meunier; PIstrina, lieu où Ton fait 
le pain, boulangerie, etc. 

Nous avons déjà cité le grec Illdov, t5, le poi^ (le mondé) ; 
nous le retrouvons dans le latin PIsum ou Plsa,pot«, légume. 

— Cf. irland. : piosa, miette, morceau ; armor. : pisel, 
pesel, etc.; lith. : pesta, mortier; russe : pestu, etc. 

Dérivés ROMANS. — Ital. pistillo (pistil); — esp. pistilo; — 
port. : pistillo; — roum. : pistil; — ital. : pisello (pois); 
pistore (boulanger) ; — esp. : pi^lflr (piler ^ écraser) ; pi^ltira 
(action de piler); pistadero (pilon), etc. 

m. Le thème de formation pronominale (par KA) a donné 
au skr. P/ccayati, il coupe, il taille, il figure y au grec IIEI- 
y.w (avec guna pare) je tonds, je peigne, elTïlKpéq, piquant, 
acerbe, amer. — Cf. letton. pifcts, piquant; — lith. pîaMJu,je 



38) Gbrrb DËTRliRE; 

heurte, je blesse; golh. f^an {{ pour p), blesser, nuire, 
haïr; fqanAs^ ennemi ; allem. fànd^ etc. 

Le btin possède, par un même procédé de formation, 
PEocare {fee guné de fie), heurter (le droit), blesser^ pécfcer, 
commettre une faute j d'où PEccatum, faute^ action coupable j 
pèAéj PEocator, péeh^itr et PEccatrix, pécheresse^ etc. 

DiMftB KHANS. — Ital. peceiir^(pëcfc^); ipeccato (péch^); pec- 
colore (péekair); — esp. : pecor, pecado; pecodor; — port. : 
peecor ; peconb ;pece«lor; — roam. : a jacatui ; pacol; pa- 
08tef;etc. 

lY. Le racleurj le pei^iif se dit PEcten (cL xtsvç devenu 
xtst;, £, le radanij le peigne), et PEctere ainsi que le 
dénominatif PEclinare signifie peigner, racler ^ affiner ; d'où 
nelfoyer, arranger. PEctere a donné un composé très-rare 
de-PEctere, peigner, qui prend quelquefois le sens de ros- 
ser, ce que nous appelons vulgairement donner une feignée, 
une radie. Citons encore le poét. pro-PExus, peigne en aoanf, 
et par suite, /ong, en parlant de la barbe, etc. 

Dteivfis MMAHs. — Ital. : ^iine (peigne) ; pe/<inore (pei- 
gner); — esp. : petne; ^inar\ — port. : penle; pen/ear; — 
roum. : pienltn; apienltna; etc. 

V. Sous sa forme intensilive par G (= «a, produire, en- 
gendrer), n devenu n^ (skr. Plo%) a donné au latin Plncare 
(cf. rus. : pisM^ j'écris; polonais : pt^e), pingo, tracer^ 
dessiner (en taillant, sculptant, gravant, etc.) \ d'où pendre 
(2=PE/2vgre). 

Le participe PIctus a ibrmé Plctor, petnire, et Pltitura,petn- 
turcy qui n'ont pas pris la nasale ; il en est de même de PIo- 
mentum, matière colorante^ couleur j fardj d'où Plcmentatus, 

t Le tf ne remplace pas ici le g; la forme latine a passé par une Corme fran- 
çaise peinre et le tf est une simple lettre euphonique placée entre la nasale 
et la roulante. Cfr. fingere = feinre =b femire, etc. 



Racine PU. 383 

fardé et Plcmentarius, marchand de couleurs y de drogues ; 
droguiste j parfumeur ^ pharmacien. 

Les principaux composés verbaux de PlNcere sont : 

Ap-PlN6ere (très-rare), peindre sur^ et au figuré ajouter à. 

De-PlNcere, décrire, dépeindre et farder. 

Com-PlNcere, qui a gardé le sens primitif de taUler, cou- 
stmire, fabriquer^ tandis que le simple PlNcere a pris le sens 
spécial de figurer par les couleurs, de peindre. 

Dérivés rouans. — Ital. : fingere {peindre) ; pUlore (pein- 
tre); pi^lura (peinture)] — esp. et port. : piwtor; pintor; 
piniura ; etc. 

VI. Nous avons vu tout à l'heure incidemment le sens défaire 
mal, blesser, haïr. Le skr. a conservé ce sens dans P/yu, 
P/yant, P/yatinu, ennemi, scélérat (qui veut nuire) ; P/yâru, 
dévaP/yu, ennemi des dieux; etc. Cf. got. : fijmi, blesser, 
haïr; faian, blâmer, d où fijands, ennemi et fiathva^ inimitié ; 
angl.-sax. : fian et fiend, fiond; scandin. : fid elfiandi; ahall. : 
fién, fiant ; irland. : fi, mauvais, méchant ; fiamh, horrible, 
abominable; fiamhan, crime, forfait, etc., etc. (Cf. Piclet, op. 
cil. II, 201.) 

Nous rattacherons également ici, avec M. Aufrecht (Z. III, 
200) le latin PEjor, PEssimus, superlatif pour PÊjissimus. 

Dérivés romans. — Pis = peggio (ital.), — peor (esp.), — 
peior (port.), etc. 

41 

iFmpper» blesser 9 faire da brait en trmppmnié 

(PRA, PRU) 

I. Peut-être les mots au sens de frapper bruyamment que 
nous avons placés au genre CRIER, racine iuijl (p. 253, 
254) pourraient-ils être plus logiquement placés ici ; ce qui 



384 Genre DÉTRUIRE. 

pourrait donner quelque poids à celte opinion, c^est une 
forme désidéralivc sanskriîe PRs (PARsâmi), frapper, bles- 
ser. En grec, nous trouvons un nAATi^sstv, faire du brvit en 
frappant; IIAHscsiv, frapper y blesser j nAHYpi.a, etc. 

En latin, outre plango, plaga, et les autres mois auxquels 
nous faisions allusion tout à Theurc et sur Torigine desquels 
nous n^osons pas nous prononcer, nous rencontrons im cer- 
tain nombre de formes que nous allons maintenant étudier. 
Nous devons seulement faire remarquer que tous ces vocables 
se rencontrent uniquement sur le terrain grèco-latin ; nous ne 
connaissons pas de correspondants dans les autres langues 
indo-européennes. Cette réserve faite, nous pouvons avancer. 

Le seul mot latin appartenant à cette racine qui ait con- 
servé TR primitif est FERire, FERio (avec le changement si 
fréquent de P en F : plecto == fleclo, etc.) frapper^ fendre, 
battre, blesser, etc. 

— Re-FERire (très-i-are) , rendre un coup est le seul com- 
posé que nous ayons à citer. 

Débivés româms. — Prov., franc., ilal., port. : lértr; — 
esp. : hénr, etc. 

n. Par le même changement de P en F, le radical PLA 
donne au latin la forme intensitive FLAcrum, fouet (pour 
frapper), courroie, lanière^ étrivière,i*o\i un diminutif FLA- 
cellum qui a donné le verbe dénominatif FLAcellare, FLA- 
celler, battre, fouetter, frapper. De FLAcellare est venu FLA- 
cellalio, ûdigellation. 

A côté de ce FLAcellare, on peut placer FLIcere, frapper, 
heurter, vieux mot antérieur à l'époque classique (ainsi que 
son dérivé FLIctus, coup) et qui doit surtout nous intéresser 
à cause de ses dérivés Af-FLÎcere et in-FLlcere. 

Af-FLÎcere exprime Tidée de frapper quelquun ou quelque 
chose, le lancer ou le jeter quelque part par un coup^ d'où le 
ruiner, Vabattre, le renverser. Le sens dans lequel nous en- 



Racine PR. 385 

tendons aujourd'hui le mot afïiiger ne se retrouve que 
dans le participe Af-FLIctus, abattu^ malheureux^ af-ûicé, 
découragé ; dans certaines provinces de France, et notamment 
en Picardie, affligé se prend encore dans le sens physique de 
malade et surtout de blesse (frappé) ; on y dit d^un homme 
infirme : Il est affligé ! 

Af-FLlctus a donné af-FLIctio, peine physique ou morale^ 
af'lWction et le verbe dénominalif af-FLIctare, heurter vio- 
lemment y frapper avec force, d'où tourmenter^ maltraiter ^ au 
propre et au figuré. 

In-FLlcere, c'est lancer ou frapper contre^ in-flijer une 
punition à quelqu'un, c'est le frapper d'une peine. De là in- 
FLIctus, choCf heurt^ rencontre^ et in-FLIctio, action dHnîtiger 
quelque chose à quelqu'un. 

Dérivés romans. — Ital. : ùdigellare; — azione; afRigere; 
ixione; — esp. : flflijfir; afticcion; — port. : Mgellar; — 
açào; aff\igir; — icçào; inRigir (infliger) ; etc. 

Ilf . Le radical pjlv (pour pla = prjl = pr) guné en plav 
a donné au latin la forme intensitive PLAUDcre, frappei*^ battre 
quelque chose avec bruit^ et particulièrement battre les maim 
rufi^co?ilre/'autrd en signe d'approbation, applaudir; delà 
PLAUsus pour PJLAUDtus, action de frapper avec bruit^ ap- 
plaudissement; PLAUsibilis, qui mérite d^être opplaucfi, 
louable, plausi^/e; le fréquentatif PLAUsitare, battre, faire re- 
tentir quelque chose, et particulièrement les ailes, en parlant 
des oiseaux, etc. 

On trouve aussi ap-PLAUoere, frapper une chose contre une 
autre et applaudir, d'où ap-PLAUsus et ap-PLAUsa (celui qui 
apphudit). 

On remarquera que toutes ces formes sont purement latines 
et n'ont pas de correspondants dans les autres langues. 

Dérivés romans. — Ital. : applaudira (applaudir) ; applau- 
dimento (applaudissement) ; — esp. : aplaudir ; aplausa ; 

25 



S86 gbrre Détruire. 

— port. : applaudir; opplau^o; — roum. : a aphuda; 
aphxxs; etc. 

2. Ordre P, T, K. 

Tribu T. 

42 

TA, TV 

(TAbh, TAp, TAm) 



I. Le verbe simple ta, couper^ tailler^ s'est combine avec 
le verbe forma tif des diminutifs mmjL (p. 146) pour créer un 
vieux verbe poétique TAsere, primitivement tire détruit^ puis 
disparaître^ se consumer y langmrj etc., dont Tinchoalif neu- 
tre TÂfiescere, dépérir ^ se consumer^ se fondre^ se liquéfier^ 
est très-usité et a donné les composés : 

— Con-TÂBCScere (très-rare), dépérir insensiblementj se 
fondre, etc. ; 

— Ex-TABescere, mêmes sens, et maigrir, dépérir; 

— In-TAeescere, mêmes sens, etc. 

L'idée de destruction se retrouve encore dans TAaes, dé- 
périssement, consomption ; TAsidus, etc., et dans un vieux 
TAfium, au sens de maladie de langueur, puis de venin, virus, 
liquide pestilentiel, sang corrompu, etc. 

— Cf. gr. THxw, fondre, se liquélier; — slave ecclés. : iaja, 
fondre, etc ; — angl.-sax. : thâvan; — allem. : thaven^ se li- 
quéfier , etc. 

La découpée, la taillée, c'est la TAfiula, h planche et la 
tnble ; TAfiella, la planchette, la tablette, etc. De là un grand 
nombre de dérivés, tels que TABulare^ planchéier (d'où con-^ 
TAtulai^ et son subst. con-TAoulaliO) avec le même sens), 



Racine TA, TtJ, 587 

TÂBulatio et TÂBulatum, plancher^ boiserie^ étage ^ TAbuH- 
mxm^flaiMhery balcon^ etc. 

Au sens àe IMette à écrire^ TÂsuIa a été Forigine de TÂ- 
Bularium, dépôt des archives^ TAsellarius, relatif à la corres- 
pondance^ et substantivement, messager ^ chancelier ^ etc. ; TA- 
aeilio, garde-notes^ notaire^ tabellion^ etc., etc. 

TAserna (qui suppose un TAser ; cf. faber^ etc.), c'est la 
maisonnette bâtie en planches, comme Tétaient les premières 
crânes et les premières boutiques^ tavernes ; de là le dimi- 
nutif TAsemacuIum qui a fini par signifier cabane de toile^ 
tente. Dans la langue ecclésiastique, i^bernade^ et, par afiai- 
blissement de a en u (dans les composés adj. et subst.con-TU- 
Bernalis), con-TUBernium, habitation commune^ d'où amitié^ 
intimité, camaraderie^ etc. 

Enfin, M. Pictet (op. cit. I, 421), rattache encore à cette 
racine le latin TAsanus, taon [le destmcteur^ ou plutôt, celui 
qm tourmente). — Cf. Irl. : tabhul; — malai. : tabûân, ta- 
buran ; — jayan. : tawon^ etc. 

Dérivés romans. — Ital. : tavo/a (table) ; IdiVerna (tav^rti^) ; 
laberiiacolo {tabernacle); ta/isno (tacm) (f = bh.); — esp. : 
taMa; taAelion (tabellion) ; taberaa ; taibernaculo ; tabano; — 
port. : tabua, taboada^ tabella; tabelliâo; tsxvema; tabertia- 
culo ; tabSo; — roum. : taMoâ (tableau); tabemakoul; 
laoun; etc., etc. 

II. Une forme intensitive tuj^, au sens de frapper^ tuer, 
se retrouve dan* le skr. TUp^ TAUpati, TAf/payati, etc. La 
forme correspondante TAp a aussi donné à cette même langue 
un TApas, douleur j mortification, d'où TApasya, ascète^ péni- 
tent, 7'Apasya-ti, il fait pénitence (en se frappant par dévo- 
tion), etc., etc. 

Le grec possède un Tïncô, inusité (on trouve cependant un 
Tïnio), ô, frapper y empreindre, façonner), employé seulement 



388 Gcais DÉTRUIRE. 

avec un T intercalaire, TrnTM(aor. llYnov), je frappe; Tïiigo, 
To, eaitpy hleuure; TTnoç, ô, empreinte^ marque, forme^ l^pe. 
— Cf. TTnéw, je forme ; TVnovov et n'irnavov, tô, tambour j 
tympan ; TTu^j -rf, pour TTOfia, coups, blessure, etc. 

— Cf. russ. : topaiUj je frappe; — pol. : tupam; — ail. 
tupfen^ tapfen ; — ang. : to tnpy to tap ; frapper, etc. 

Le radical TEp existe en laiin ; il a donné, avec une m in- 
tercalaire, TEmpus, le battement de Vartère à la tempe, d'où 
TEiPora, les tempes, et enfin, quelquefois, le visite (cf. xpc- 
xa^lçj marteau et xpéro^sç, temp^). A côté de TEmpus, nous 
devons placer TEiipestas, la tourmentej la tempête (celle qui 
frappe ou plutôt qui détruit)» 

Dérivés romans. — Ital. : i&mpia (tempes) ; lempesta (lem- 
pite) ; — esp. tempesfa^f ; — port. : tempestade ; — roum. : 
timpJa (tempes); etc. 



m. Nous avons vu tout à Fbeure le mot ta^a» avec le sens 
de coup, nous allons le retrouver ici avec celui de division et, 
en particulier, de division du temps, delà durée. « TEmpus, 
dit Cicéron {Inoent. I, 26, 39), est id quo nunc utimur.... 
pars quaedam aetemitatis cum alicujus annui, menstrui, 
diurni nocturnive spatii certa significatione. » Nous pour- 
rions citer un autre passage de Cicéron (Univ. 9, fin) et une 
phrase de Varron (L. L. 6, 2, 52), si cela était nécessaire 
pour prouver que de tout temps les Romains ont eu conscience 
de la signification de ce mot. TEmpus est donc wie division 
de la durée. 

Ce mot a donné TEMpestivus (dont le nég. est in-TEMPestus 
ou in-TEMPestivus, intempestif, inopportum, déplacé), qui ar- 
rive à propos, tempestif, favorable et quelquefois dans le sens 
prégnant, qui arrive de bonne heure, précoce, etc. De là TEm- 
pestivitas, temps opportun, et par métaphore, bonne constitu- 
tion, etc., TEMPorarius, TEMPoralis, tj&mporaire, et quelques 



Racine VA» VU. 389 

autres mots peu importants sont dérivés directement de 
TEnpus. 

Mais où le sens primitif de division s'accentue bien davan- 
tage, c^est dans le verbe TEiiperare (formé d'un tampas issu de 
tapas et changé en temper^ pour tempes) y diviser, distribuer ^ 
combiner^ et surtout bien combiner^ ordonnery tempérer^ etc. 
La famille de ce verbe est nombreuse. Nous citerons seulement 
le part. prés. TEMperan(l)s, qui garde lamesureyréservé^ tempé- 
rant ^ d'où TËMperantia, mesure^ réserve , tempérance; TEmpc- 
ratus a les mêmes sens que TEuperans et son opposé est in- 
TEuperatus ; de même que Ton trouve aussi in-TEiiperans et 
in-TEMPerantia ; TEnperatio et TEuperatum, combinaison ha- 
bile j bonne organisation^ sage tempérament; etc., etc. 

Le composé ob-TEMperare exprime l'idée de combiner sa 
conduite d'après les ordres de quelqu'un, à^oblempérer à ses 
demandes, de lui obéir. De là ob-TEsiperatio. 

Quant à TEMPeries, jti^^^ distribution, bonne proportion y et, 
en parlant du climat, bonne lempérature, il ne demande au- 
cune explication. Son négatif est in-TEsiperies (quelquefois 
in-TEHPeriae, au pluriel), dérèglement , excès , folie j et dans un 
sens spécial, intempérie. 

Il faut considérer comme un diminutif de TEmpus le mot 
TEiipulum, devenu TEuplum, dont Torigine est certaine. Les 
latins eux-mêmes se chargent de nous l'apprendre. Je citerai 
un seul passage : a TEuplum dicitur locus manu auguris de- 
signatus in aère, post qucm factum illico captantur augu- 
ria. » (Serv. in Virg. Mn, I, 92. — Cf. notamment Varron, L. 
L. VII, 2, 81.) Ainsi le TEMplum est une division de Vespace 
comme le TEmpus est une division delà durée ; mais, encore 
une fois, la forme diminutive de TExpIum prouve que le 
simple TEmpus a possédé les deux sens '. 

* Grimm [Gerteh. d. deuUch.Spr.,p. 232) donne àTEMPlumlesensde/tM^M 
feu; on Toit ^e ce sens ne peut être que très-secondaire. 



590 gehib Détruire. 

Après avoir signifié un lieu circonscrit dans l'espace dé- 
couvert par le bâton de l'augure, et de là toute espèce de lieu 
circonscrit, TE^lum a rendu Tidée de l'ouverture faite aux 
toits des édifices sacrés pour permettre aux augures de con- 
templer les deux. On en trouve la preuve dans une partie de 
la charpente d'un toit romain qui, d'après Yitruve, s'appe- 
lait TEMplum. Ces TExpla formaient la première couverture 
du toit. (Cf. Rich, Dict des Anliq. rom. au mot Materiatio.) 

Le sens de TEMplum vient donc du choix préalable du ter- 
rain sacré qui était circonscrit et limité (coupé dans le sol en- 
vironnant) par des augures. 

a In hoc TEâiplo faciundo, — dit Varron après le passage 
que nous avons cité tout à l'heure, — arbores constilui fines 
apparet, et inira eas regiones, qua oculi conspiciant, id est 
tueamur, a quoTEiiplum dictum et conTEsiplare, ut apud En- 
nium inMedea: 

ConTEHPla et TEvlum Gereris ad iaevam aspice; 

conTEiipla et conspicare idem esse apparet. » (L. L. VU, 2, 
82).La conicmplation (con-TEMplatio) avait lieu dans un espace 
déterminé du ciel correspondant à l'espace terrestre délimité 
pour le TEMpIum. Remarquez que ces mots et leurs dérivés 
tels que con-TEiiplator, con-TEiipIalivus,etc., expriment l'idée 
de regarder fortement (con-), attentivement. 

Nous devons aussi noter avec soin un con-TEiipIabilis qui 
se trouve deux fois dans Ammien Marcellin (50, 5 ; 20, 7) 
avec le sens de : qui frappe jtiste, qui atteint le but. 

Dérivés romans. — Ital. : tempo (iemps): tcmporaneo (tem- 
poraire) ; temporale (temporel) ; temperare (tempérer) ; tem- 
peranza (tempérance) ; tewpio, templo {temple); coniemplare 
(contempler) ; — esp. et port. : temporario; temporal ; tem- 
plo; coniemplar; — ital., esp. et port. : in-tempestivo (intem- 
pestif); in-iemperie (intempérie) ; — esp. : iiempo (temps) ; 



Racine VAt TV. 391 

atemperar {lempérer) ; \emplama {lempéranee) ; — port. : 
tempo ; tempérer; iemperança ; — roum. : iimpoul (tewp^) ; 
templou (temple) ; etc., etc. 

rV. Le mythe du soleil archer dardant au loin ses traits 
comme des flèches ainsi que nous le montrent les Grecs dans 
leur ^XizôWm l%rfi6\oqj se retrouve dans un TAp indo-euro- 
péen qui est le père d'une nombreuse famille. 

Ainsi, nous avons en skr. TApas, la chaleur j et la saison des 
chaleurs, Vêlé; TApayali, il brûley il consume^ etc. — Cf. 
zend. : tap^ chauffer, d'où fa/hn, ardent; — persan : ta- 
Mstârij été, de tabtdan ou taftauj chauffer ; — kymr. : tympj 
saison ; twympy chaud ; etc. ; — anglo-sax. : thef-iany avoir 
chaud ; — slav. ecclés. : teplû; — russ. : teplo ; — pol. : 
eieploj chaleur, etc. 

Le latin a conservé cette forme primitive dans TEpos devenu 
TEpor, chaleur y frère de TErere, TEpeo, chauffer ^ TEpidus, 
chaud; TErescere (inchoat.), commencer à s^ échauffer (d^ob 
in-TEpescere, tiédir, et au fig. diminuer , s^affaiblir), TEpefa- 
cere, même sens, etc. 

Quant augrec, il possède un TE«pa pour TEnpa (avec trans- 
port de l'esprit rude de p), t^, cendre {la brûlée)^ et surtout 
TAtoç et TA*TQ, funérailles (par le feu), etc. — Cf. Pictet, op, 
d(.,II, 507. 

Dérivés romans. — Ital. : tep^r^ {être tiède) ; tepido (tiède); 
port. : lepor (tiédeur) ; lepido; etc. 

V. Une forme désidérative TAka a donné, à côté des vocables 
skr. TÂKsditij TFTAKsati, il fend, il brise, puis il fabrique; 
TAjîsaka, charpentier, etc., et grecs : TEktwv, 6, charpentier, 
architecte; TÏKtÇetv, tailler, façonner; TETxeiv, préparer ^ 
construire; etc., un latin TExere, couper, tailler, puis, en gé- 
néral, façonner et enfin tisser. 

— Cf. Zend. : takhsh, tash, couper, façonner, faire; — 



392 GiRRi DËTRCIRE. 

pers. : tâchtarty percer, filer ; — irl. : taehaimy gratter, ra- 
cler ; — kymr. : todawj twdaw^ couper, tailler; — anc. slav. : 
tûkati, lisser ; tesati^ couper, tailler; — lith. : (axsy^î, tail- 
ler, etc. 

De là TExtus, TExtum et TExtura, toile, lissu; TExtilis, 
textile, tissé, tissu; TExtor (cr. pour la forme Tifsa et TEkkov) 
etTExtrix, tis^^r, tis^^rand et tisseuse; TEla (pour TExtela ; 
c(.alad'axilla,maladeTnaxilla;Cic., Orat. 45, 153), la ioile, 
d*où sub-TUis, dont le tissu est fin, dont la trame est déli- 
cate, et au fig. malin, sublil, qui a de la subtilité (sub-iili- 
tas), etc. 

Les principaux composés verbaux de TExere sont : 

— At-TExere, tisser avec, entrelacer, d'où ajouter, ad- 
joindre; 

— Con-TExere, même sens, et composer, faire; d'où con- 
TExlus, étroitement uni, serré, compact ; con-TExtus, liaison, 
composition, aupr. et au fig ; con-TExtio (post. àTép. class.), 
assemblage, composition, conlexture; con-TExtor, fabricant, 
compositeur; 

— De-TExere (poét.) achever de tresser un tissu, et au fig. 
achever quelque chose ; 

— In-TExere, tisser dans, entrelacer et au fig. composeï^, 
d'où in-TExlus (post. à Aug.), assemblage; inter-TExere (post. 
à Aug.), entrelacer, d'où inler-TExtus, tissu, entrelacé; 

— Per-TExere, lisser d'un bout à Vautre, achever (au pr. et 
au fig.); 

— Prae-TExere, tisser devant, d'où, en général, placer de- 
vant et au fig. mettre en avant, alléguer, prétexter; le sens 
physique se retrouve dans prae-TExta (toga), la robe prétexte 
(on appelait aussi la tragédie prae-TExta, sous-entendu fabula) , 
prae-TExtalus, revêtu de la prétexte, tandis que le sens moral 
est resté dans prae-TExtus, apparetice, prétexte ; 



Racinb ta. TtJ. 395 

— Rc-TEiere, défaire un tissu ou tisser de nouveau; au 
fig., défaire (en général); 

— Sub-TExere, (post. à Aug.) tis^^r dessous^ adapter sous, 
mettre, ajouter (au prop. et au fig.), de là sub-TEmen (pour 
sub-TExmen), chaîne d^un tissu, et au fig. (poét.) tis^u, 
trame, etc. 

Le latin a conservé un mot au sens propre de détruire ou 
couper; c'est TAxus, le blaireau^ que M. Piclet (op. cit., 1, 440) 
fait venir de Terse taghan^ avec le même sens. 

Nous signalerons encore, bien que la langue latine n'ait 
rien à y voir, une curieuse étude du même auteur sur les 
noms de la hache qui se rattachent à cette forme tal ou 
TAUm (op. cit., lly 128). 

Peut-être pourrait-on encore attribuer à cette racine un 
autre TAxus, Vif, soit parce qu'on faisait des piques avec cet 
arbre, soit parce qu'on en tirait un poison, et ce qui semble- 
rait donner raison à cette dernière hypothèse, c'est TOxicum 
(grec : TOStxov), poison. 

— Cf. russe : tisû; pol. cis, if; — pol. : dos, bois 
taillé, etc. 

Dérivés noms importais. — TExtorius, qui concerne les 
tissus, et au fig. captieux, fallacieux; — TExtrinus, qui con» 
cerne le métier de tisserand, et substantivement, au neutre, 
atelier de tis^a^^, etc. 

Dérivés rouans. — Ital. : lessere (tis^^r) ; te/a, toile) ; tes^i- 
tura (texture) ; sottile (subtil) ; sottiglie%%a (subtilité) ; prelesto 
(prétexte); — esp. : lejei*; tejido; te/a; tex^ura; sutil; 5uli- 
lidad; prétexta; — porl. : iecer ; \ecido; teia; contextura; 
subtil; subtUidade ; prétexta ; — roum. : a tese (tisser); etc. 

VI. Le latin TUwDere (tundo, tutudi), frapper, blesseï*, 
marteler, piler, broyer, a ses correspondants sanskrits dans 
TUDy battre, frapper, couper, broyer; TAl/x)as, coups, meur- 



594 Genre DETRUIRE. 

tre; TUsna (pour TUdm) m. f. n., détruit^ coupéy tuéj etc. — 
Le sufHxe formatif de rintensitif est ici dhâ, poser j faire ; 
cf. p. 145. — Quant au grec, il n'a conservé cette forme que 
dans quelques noms propres tels que TÏAeà;, TTAa;, TYn- 
AapT);, TÏNAapeoç, etc. — Cf. Got. : stauta^ je frappe ; anc. 
haut. ail. stôzu^ etc. 

A côté de TUifDere, nous trouvons en latin un TUoe(t)s, itis, 
marteau^ selon Festus, 352 et 255 : « TUoites malleos appel- 
lent antiqui a TDivDendo. x> Ce mot prouve bien qu'un TllDere 
archaïque a précédé le TUNoere classique. Nous en trouvons 
de nouvelles preuves dans le fréquentatif TUoitare, usité 
seulement au participe présent TUoitans, avec le sens de 
frappant j poussant avec violence, remuant , agitant^ etc., 
et surtout dans TUoicula, sorte de machine à broyer , 
TllDiatores, ouvriei^s forgerons^ etc. Citons encore la Dea 
Per-TUNda. 

Quant à TllNoere, il a formé plusieurs composés : 

— Con-TUNDCre, écraser^ broyer j contusionner^ d'où con- 
TUsio, action de meurtrir ^ coniusioti ; 

— Ex-TUNDcre (poét. et peu class.), foire sortir en frap- 
pant^ d'où arracher et fabriquer ; 

— Ob-TUwDere, frapper contre ou sur^ émousser (au prop. 
et au fig.) d'où ob-TU^sio (post. à Tép. class.), action de frap- 
per ^ choc, coup; 

— Per-TUisDere, percer d* outre en outre^ trouer ; 

— Re-TUNDcre, repousser en frappant, émousser (au prop. 
et au fig.); etc., etc. 

Le sens spécial de couper, retrancher, est celui du verbe 
TOKDere (tondeo, totondi), raser; londre, et au fig. dépouiller 
de (trùs-rare) ; de ce verbe sont issus TOnsîo, TOnsus, TOn- 
sura, action de tondre, tonte; TOnsor, barbier, perru- 
quier, etc. ; TOnsus, tondu (dont le correspondant in-TOwsus, 
se prend parfois au fig., et signifie alors grossier, peu civi- 



Racine TAt TU. 995 

lise), etc. ; TONstrina et TÛNStrinum, boutique de barbiei* et 
quelques composés verbaux tels que : 

— At-TOndere, tondre, raser autour, élaguer, faire disparaî- 
tre (au pr. et au fig.) ; 

— De-TÛND^re, tondre, couper, tailler, d'où de-TONsio. 

Dérivés BcniANS. — Ital. : tondere, iosare (tondre) ; il iosare 
(tonte) ; contnsione (contusion) ; — esp. : tnndir (tondre et 
battre) ; tunda (tonte et volée de coups) ; contusion ; — port. : 
tosar (tondre et vulgairement, rosser) ; tosatura ; contusào ; 
\\xnda {tonte et volée de coups) ; to^a (rossée) ; etc. ; — roum. : 
a tounde (tondre) ; etc., etc. 

VU. Une forme TAm, issue de taw guna de tu frère de 

TA (cf. KA, UV9 KAHf DBA, DBC» DBAII9 fiHNA, fiHNC, 

fiflNAH, etc.), a donne au skr. tabum, obscurité et littéra- 
lement, Pef frayante, effrayer se disant par détruire, l'effet 
moral rappelé par sa cause physique, comme dans pavor, 
metus, etc. Le latin Timor pour Tlmo^ est d'ailleurs identi- 
que au skr. TAmas. Ce qui effraye le plus les populations 
peu civilisées, n'est-ce pas la nuit qui vient leur retirer 
la chaleur et la lumière, c'est-à-dire ce qui entretient et égayé 
l'existence? Que l'on songe un instant à ces époques primi- 
tives où l'homme ne connaissait encore d'autre feu que celui 
du soleil, avant la découverte du pramantha! Le langage 
s'en souvient et en porte les traces. Nous verrons tout à 
l'heure (p. 410), ka«pa«, le crépuscule; nous trouvons ici 
TAmas, Vobscurité. 

A côté de ce vocable au sens figuré, et de son dérivé TAm- 
ata, effrayé, tourmenté, le skr. a des mots au sens physique 
tels que TAMala, couteau, épée; TAMajati, il brise, il tour- 
mente; TAmyati, il est détruit; etc. 

Le grec possède un verbe TEmvw, TAmvw, je fends ^ je coupe; 
TOmy;, ^, section, d'où Itti-TOmy) et àva-TOMy;, anatomie; TO- 



306 Genri DËTRUIRE. 

Moç, bj morceau coupé y piice^ tranche^ d'oùi-TOMoç, atome; 
TMAw (pour TEMaw), je coupe^ je fends ; TMHoi; (pour TEMf,- 
otç), ^, etc., etc. 

Le latin a légèrement modifié le TAm primitif par une 
permutation de nasale, et c'est ainsi qu'un TAma frère de 
TAMns skr. a donné le TEwebrae (cf. allem. dàfnmern)^ thiè- 
bres, des Latins (= par bhr, porter; voir plus loin à la 
classe PRESSER), qui porte la nuit^ Vépouvante. De là TE* 
webrosus, TEwebricus et TEwebricosus, obscur^ ténébreuXj «e- 
cret (au phys. et au moral); etc., etc. 

La même idée de Teffroi amené par la crainte de la des- 
truction a fait naître dans le domaine latin un verbe affaibli 
Tlsiere, TImco, craindre^ avoir peur, être effrayé, A côté de ce 
verbe se placent l'abstrait TiMor, crainte, effroi, peur, l'ad- 
jectif TiMidus, timtJ^, craintif, d'où l'abstrait Tlniditas, crainte 
habituelle, timidité, etc. Nous trouvons un autre compose 
sub-TlMere, craindre un peu, et un inchoatif Tliiescere qui a 
lui-même formé ex-TlMCscere et per-TlMescere, etc. 

Enfin, nous placerons encore ici TEMuere, couper, retran- 
cher (cf gr. TEmvw) , rejeter, dont le composé con-TEMnere 
est beaucoup plus usité. 

Con-TEiinere, c'est retrancher fortement (de l'estime des 
hommes), mépriser; de là con-TEMplus (avec p euphonique), 
méprisé, et substantivement, mépris; con-TËMptor, mé^r»ant, 
contempteur, etc. 

Dérivés romans. — Ital. ténèbre {ténèbres) ; lemere {craindre); 
[imido {timide); temenza, timidita (timidité); — esp. : tinte- 
blas; — esp. et port. : teneiroso {ténébreux) ; temer; timido; 
limidez; etc.; — roum. : a ce leme {craindre); temere 
{crainte) ; etc. 



Racihe TIf. 397 

43 

(TRI, TRU, TRc) 

llétmli«9 broyer, battre | uer, pereerf dlviBer» partager 9 

massaerer, anéantir. 



I. Le latin TERere (tero, Irivî, tritum), broyer^ piler y écra- 
ser ^ frotter, consumer, etc., a des correspondants exacts dans 
les vocables grecs TEfpw pour TEPio), j« bals^ je broie, je tour- 
mente, je consume (cf. skr. TAP, battre et conswner), et dans 
TElPIb), je perce, je blesse; IVYiù, Tpr-yw, je racle, j^use en 
frottant, je détruis; TPI^w, je bats, je broie, je frotte, j^use; 
TOPeuw, je perce, je sculpte, je cisèle, etc. — Cf. anc. si. : 
trieti; — Ht. : triti; — kymr. : tori; — arm, : terri *; avec 
le sens de briser, etc.; — allera. : ver-derben, être détruit, 
se corrompre, etc. 

Le parfait TRItus, broyé, fréquenté, en parlant d'un chemin, 
usité, en parlant du langage, etc., a été le père d'une nom- 
breuse famille dont TRIlor, broyeur, TRItus et TRIlura, action 
de frotter, triture, et enfin le verbe TRIturare, broyer, triturer 
et au figuré tourmentet^ sont les membres principaux. — Cf. 
pour la forme, le skr. TRUtis, blessure, plaie, douleur; TRAU- 
tran, arme offensive, etc. — Ce verbe TRIturare, qui s'emploie 
principalement dans le sens de broyer te blé, doit être rapproché 
de TRIticum, blé, fromefit, de TRlbulum, sorte de machine à 
battre le blé (cf. anglo-sax. : thei'scol; anc. ail. : driskil = 
fléau) et de leurs dérivés, parmi lesquels je citerai seule- 
ment le verbe TRIbulare ', presser avec la herse ou tout autre 
instrument et au fig. (latin eccl.) presser, tourmenter, tortu- 

* On connaît le cri de guerre des Gaulois : terri-ben! terri-ben! casseï les 
tètes, cassez les têtes I 

«M. Rabasté (Jjang. osque^ p. 50) rapproche de TRIbulare un supin osque 
JVAbarakmum, 



308 GixftB DÉTRUIRE. 

râTj d'où TRIbulatio, Inbtdatian, etc. — Au sens spicbl de 
TRIturare, cr. golh. : tmian ; anglo-sax. : thersean; angl. : 
to trash; scand. : threskia; anc. ail. : dresean; ail. : dre- 
scken, etc. 

Nous sommes obligés de revenir à TERere pour citer 
quelques composés : 

— At-TERere, frotter swr^ ruiner^ abattre^ écraser ; 

— Con-TERere, écraser^ broyerj tuer (le temps), de'- 
trmrejBte.; 

— De-TERere, broyer^ user par le frottement, détruire, d'où 
de-TRImentum, action d^ enlever par le frollement, puis pré- 
judice, déiriment; nous rattacherons encore à ce verbe le 
comparatif de-TERior, plus usé, puis mauvais, etc. ; d'où le 
superlatif de-TERrimus et un verbe de-TERiorare, gâter, user, 
détériorer; 

— Ex-TERere, écraser, user, briser, faire disparaître en 
frottant ; 

— In -TERere, ftfoyerdaft^, d'où tremper dans (au pr. et au 

fig.); 

— Ob-TERcre, écraser, broyer, mettre en pièces (au phys. 
et au moral); 

— Pro-TERere, fouler, écraser ^ broyer; etc. Ce verbe a 
donné un adjectif pro-TERvus (pour pro-TERuus), qui foule 
aux pieds, insolent, brutal^ d'où pro-TERvire (post. à l'ép. 
class.) être insolent; pro-TERvia et pro-TERvitas, insolence, 
bi^utalité, etc. * 

Citons encore inler-TRImentum et inter-TRltura, usure 
par le frottement, déchet ^ et au fig. dommage, préjudice, etc.; 
ainsi que TERes, etis, poli par le frottement, arrondi, fait 
au tour, et au fig. poli, fin, délicat, etc. 

Le diminutif redoublé et affaibli TITILIare, exprime Tidée 

" D'après M. DieU {Eiym. Wort. II, 428; le provençal Iriflr et le franc, trifr 
viendraient de battre pour séparer. 



Racimb VR. 399 

d'un frottement réel et imaginaire fuicAotout/Ze, occasianneune 
iiliUation (TlTILlus, TITILlalus,TITILlatio, TITILlamenlum). 

Dne autre forme affaiblie qui doit trouver sa place ici, c'est 
TELum, trait, javelot, /fôc/ie et en généralloute arme de jet; 
le contraire d'arma, qui exprime les armes destinées à com- 
battre de près. 

Enfin, nous citerons, comme dernier dérivé de TERere, le 
nom de la tarière, TERebrum ou TERebra (grec : TEPéTpov, 
Té), d'où s'est formé le verbe TERebrare (de là ex-TERebrare 
etper-TERebrarc), percer, forer, trouer; le substantif TERe- 
bratio, etc. — Cf. Irl. ; tarar; erse : tara; kymr. : taradr; 
armor. : tarar; russ. : trepliu; lith. : trupw, je perce. 

Dérivés romaks. — liai. : tritore, triturare (broyer, tritu- 
rer) ; tritico (blé) ; Iribolazione (inbulation) ; detrimertto (dé- 
triment) ; detertorore (drtériorer) ; titil/are (titiller) ; te/o 
(trait) ; etc. ; — esp. et port. : triturar ; delrimento ; deterto- 
rar; — esp. : triticeo (qui concerne le blé) ; tvibuladon; titi- 
lar; taladro (tarière) ; — port. : triftu/a(;ao ; titil/ar ; etc. 

11. L'antique division du peuple en familles fit nommer 
la tribu en skr. TBApa (la coupée dans la nation); Tir- 
landais treabh, famille, clan, et treaMtir, race, lignage, 
ont conservé ce sens primitif; de là, on est venu à appeler 
du même nom Teudroit où demeurait la famille, etla maison, 
puis l'assemblage des maisons devint en lith. troba\ en 
kymr. treb, tref, ire; en irl. treabhtha; en goth. thaurp; en 
anglo-sax. dhorpe, en scand. thorp, etc. Enfin, de l'idée de 
demeure, on arriva à celle de possession, et nous retrouvons 
ce sens dansl'anc. irl. atrab, domicile et possession, etc. 

Le latin est peut-être, de toutes les langues indo-euro- 
péennes, celle qui a le mieux conservé cette idée ; en effet, à 
côté de TRIrus (la division du peuple), la tribu, nous trouvons 
TRlButum cl TRisutio (la division^ la répartition des impôts)^ 



400 Genre DÉTRUIRE. 

le tribut ; enfin, et surtout, TRiBuere, dUiribuer^ répartir^ 
donner^ accorder j etc. LeTRIsunus, c^est \e chef de la tribu 
ou de la maison, et, en général, tout chef civil et militaire. 
Quant au TRIsunal, un passage de Tacite (Ann. II, 83) prouve 
jusqu'à Tévidence que ce mot signifiait d'abord toute espèce 
de petit édifice, et que ce n*est que plus tar^ qu'il a signifié le 
lieu élevé où l'on rendait la justice (iribunat), puis toute es- 
pèce de hauteur. — Cf. osque : irtbuum; vieux latin : tribus 
= aediculam et aediculas d'après Rabasté (De lu langue osque^ 
p. 67). 
Les principaux composés de TRiBuere sont : 

— At-TRiBuere, attribuer y assigner , allouer y appliquer^ d'où 
at-TRlBu(io, atiribution ; 

— Con-TRiBuere, ajouter à ce qui est déjà à la masse, con- 
tribuer, d'où con-TRiButio, répartition et contribution; 

— Dis-TRiBuere, répartir, partager, distribuer, d'où dis- 
TRlButio, dislribution ; 

— Re-TRiBuere, donner en échange, restituer, donner de 
nouveau ou d^une manière périodique, c'est-à-dire rétribuer, 
d'où re-TRiButio, rétribution; etc. 

Dérivés hoirs uiportakts. — TRbunatus, dignité ou fonc- 
tion de trii^un, iribunat; — TRlsunicius, qui concerne le tri- 
bun ; — TRiButarius, relatif au tribut, tributaire; etc. 

Dérivés romans. — liai., esp. et port.*: trito {tribu) , tri- 
biito (tribut) ; tribuno (tribun) ; etc. ; — esp. et port. : tribunal 
(tribunal) ; atrifrutr (l'esp. a deux tt) (attribuer); con — ; dis 
— ; re — ; tous ces verbes forment leur substantif en espa- 
gnol par cion (atribudon), en port. par(;âo (attribuçâo) ; re-tri- 
buir n'a pas de nom correspondant en portugais ; — ital. : 
tribunale ; attributre (ssLiis nom corresp.); con — (contribu- 
zione) -, dis — : re — ; etc. ; — roum. ; a^alribui; a con — ; 
a dis — ; le nom correspondant se forme en — uçie (atril^u- 
de), etc., etc. 



Racine TR. 401 

m. Avec Taddition d'un G reste du verbe formatif des di- 
minutifs «A (p. 145), le mêmeTB primitif a donné au skr. 
Tll(G)hati, il fend^ il blesse^ il détruit^ et au latin un TER- 
cere, frapper ^ puis frotter j nettoyer ^ polir, — Ct pour le sens 
le grec TPÏ6w, je brise, je broie, je frotte, je (jratte. 

Parmi les composés de TËRcerc, nous citerons : 

— Abs-TERcere, frotter, essuyer, balayer, au fig. faire dis- 
paraître, chasser, bannir ; 

— De-TERcere, et per-TERcere ont les mêmes sens, le 
dernier avec une nuance de perfection (cf. plus haut, 
p. 131). 

Nous placerons également ici, ù cause de sa signification, 
quoique sa forme le mette plutôt à côte de TERere (g I de 
cette racine) le vieux mot TERe(t)s, gratté, frotté, poli, ar- 
rondi, doux, qui a ses correspondants dans le san- 
skrit TARuna, jeum, juvénile, et dans le vieux sabin TERen- 
tum, mou, doux, etc. C'est ce TERentum qui a donné nais- 
sance au nom propre TERentius, doux ; etc. — Cf. Encore 
le vieux sabin TURunda = vermicelle, nouille, à cause de son 
poli ou de sa finesse. 

DÉnivÉs ROMANS. — Ital. : tergere (nettoyei*, purger) ; etc. 

iV. Du latin TRUx, destructeur, cruel, sauvage, farouche, 
qui a formé d'une part, TRUculentus, dur, farouche, et TRU- 
culentia, d'autre part, TRUcidare, tuer, égorger, détruire, et 
ses sous-dérivés TRUcidatio, TRUcidator, etc., nous pouvons 
rapprocher, pour la forme, le grec TPÏxcç, 76, étoffe usée, dé- 
truite, d'où TPÏxvdd), etc. 

Une formation analogue a donné TRUiscus, coupé, mutilé, 
et substantivement le tronc d'un arbre, d'une colonne, d'un 
corps, etc. Delà TRUiicare, couper, amputer, tronquer (au pr. 
et au fig.), TRUficatio, amputation, etc. 

TRllMcare possède deux composés : 

26 



AO^l Genre DÉTRUIRE. 

— De-TRUNcare (d'où de-TRUNcatio) et ob-TRlbcarc (d'où 
ob-TRUNcatio), coupery muHlery âécapitery mettre en mor- 
ceaux^ etc. 

Dérivés romans. — liai. : Ivucidare (massacrer ^ tuer) ; tru- 
ddamento (massacre) ; trucidatore (meurtrier) ; iruculento 
(atroccy cruel)] troncare (tronquer); Ironcato^ ironco (tron- 
quéet tronc) ; etc. ; — esp. et port. : trucidaz, truculento; — 
esp. : Iruncar; trunco; — port.: troncar, trotichar ; tronco^ 
troncho; tmculentia (cruauté), etc.; — roura. : atrunda 
tronquer) ; trundu (tronc), etc., etc. 

V. Le feu étant considéré comme destructeur (cf. plus haut, 
TApas, p. 391), nous devons placer ici le verbe latin TOR- 
rere (torreo, torrui, tostum), brûlery rôtir, sécher, dessécher, 
d'où TORrescere, se brûler, se dessécher, TORrefacere, torr^- 
fier^ brûler, griller, TORridus, btitlant, sec, torride, TOS- 
tare, griller, rôtir, etc. Et ce n'est pas seulement sur le do- 
maine latin que se rencontre ce verbe, car nous le trouvons 
dans le skr. TAAsyati, il a soif, il est desséché; dans le grec 
TEPcxeiv, sécher, etc. — Cf. encore zend : tarsna, soif (skr. 
TAR^as); goth. : thaurstei, soif; thaursja, avoir soif; ahal. : 
dar/tt, je suis desséché ; allcm. : durst, soif; darren, sécher 
au four et dôrren, sécher, dessécher ; lithuan. : troksztu, il 
a soif (?); etc., etc. 

L'idée de destruction se retrouve seule dans un participe 
présent TORrens, -tis, cours d'eau violent, totrefit, ce qui 
semblerait prouver que le verbe TORrere n'a perdu son sens 
primitif que bien après sa formation sur le domaine latin. 

Le féminin du part, passé de TORrere, TOSta, a donné, 
outre un verbe TOStare, griller, rôtir, un substantif TESta 
(e=o), terre cuite, brique, tuile, d'où vase, et enfin par as- 
similation, coquille de mollusques; de ce dernier sens est venu 
le nom de la torlue^ TEStudo, inis* 



Racine TB. 405 

Dérivés moins importants. — TORris, tison ardent; — re- 
TORridus, desséché^ rabougri, racomé (au prop. et au fig.); 
— TESleus, TEstaceus, de terre cuite; — TEStu ou TEStum, 
couvercle en terre cuite; — TEStula, tesson; — TESticîus, 
cuit sous un couvercle de terre, en parlant du pain ; — TES- 
tudineus, TEStudineatus et TEStudtnatus, de lortue, etc, 

Dérivés romans. — Ital.,esp. et port. : iorrido (rôti, brûlé, 
sec, torride) ; tovrente {torrent) ; — ital. : te^tudine, tesfuj/- 
gine (tor(u^) ; — esp. : tostar {rôlir, griller) ; lostadw^a ; 
tostador; testudo, tortuga (tortue); etc. ; — port. : lorrar, 
torre^car (griller, rôtir, iorréfier) ; totrado (brûlé, torréfié) ; 
torrefacçâo (torréfaction) ; tostar (rôtir) ; testo (couvercle, 
tes«on) ; etc.; — roum.: torent (torrent) \ broascâ testoacâ 
(tortue) ; etc. 

5. Ordre P, T, K. 

Tribu K, (SK, KS). 

Avant d'entamer la tribu K, il est nécessaire de dire ici 
quelques mots des différentes modifications que subit ici le 
K aryaque. 

Tantôt le K s'est renforcé en SK ; il y a alors renforcement 
de K par S ; et cet S initial n'est pas, comme on Ta cru sou- 
vent, un reste du préfixe SA, fortement. S est bien un signe 
de renforcement, mais il est primitif, et la racine hëla, par 
exemple, est sortie ainsi formée de la bouche des premiers 
Aryas, sans avoir jamais été SA-KA ; de même quesxA, poser, 
établir, n'est certainement pas pour SA-TA et ainsi de bien 
d'autres que nous pourrions citer. Lorsque SA a été ajouté 
postérieurement à la formation de la racine, le S initial est 
presque toujours suivi d'une voyelle, comme nous le verrons 
ici même pour se-care. 



404 Gëxrb Détruire. 

D'autres fois, il y a mélathèse du SK renforcé en KS, et ce 
KS devient lui-même fort souvent KH, avec la sifflante gut- 
turale pour la sifflante dentale. 

Cette métatlièse est confirmée par Texistence dans le san- 
skrit de çcam^ manger (çc = sk), çmt (pour skut), verser, 
couler goutte à goutte, etc. Au sic aryaque correspond donc 
en sanskrit une double forme KS et ÇC ; celle-ci a amené dans 
le sanskrit classique un simple K'; témoin k*amnômi (V), je 
mange, pour çcamnômi; côtdmij je verse, pour çcôtâmi^ etc. 

Parfois enfin, d'après une loi bien connue de nos lecteurs 
(cf. plus haut, p. 87), l'explosive K tombe devant la prolon- 
geable S et de KS, il ne reste plus que S, seul représentant 
d'un KS primitif; citons seulement sons pour csons (cf. crtviç 
pour xfftvtç), etc. 

KS est aussi représenté en grec et en latin par G ; on en 
verra de très-nombreux exemples en grec ; en latin, nous ci- 
terons, outre ceux que nous aurons à étudier tout à l'heure, 
rigare de TitUs ou ¥R«; augere^ de tjjui, etc. Le même KS, 
en passant par KII, est aussi représenté par un simple G dans 
les langues germaniques : auge deAKsa, l'œil, etc. 

Les racines que nous avons à examiner ici pourront donc 
se trouver sous trois formes différentes : k, hk et us (pou- 
vant devenir s, kh et fi). 

44 

HA, HU, RI 

(SKA, SKU, SKI) 
(KSA, KSU, KSI) 

Détruire, tomber, p^rlr (faire tomlier et faire périr]» 

eouper. 

I. 1. La forme SKAdii a laissé des traces en latin. 
D'après Isidore et Marins Victor, les Romains disaient CA- 



Racine UA, KU, Kl. 40o 

Damitat, avant de dire CÂLamitat (au nom. : CÀLamitas), avec 
ce double sens de 1** destruction du blé par la grêle ; et 2° dom- 
mage en général. Donc CAïamitas appartient à une forme in- 
tcnsitive KAdh (par dha, p. 145) pour SKAdb, de notre ra- 
cine. (Pour L = D, voir p. 79). 

En eflet, pour les anciens Aryas et aussi pour les premiers 
Romains, peuples essentiellement agricoles, le malheur par 
excellence, c'était la perte des moissons, et on comprend 
très-bien que de cette description soit venu le mot destiné à 
rendre le malheur en général, car tel est le sens de CAtami- 
tas, ca/ami(^; d'où CALamitosus, qui cause ou qui reçoit un 
grand dommage^ csilamiteux^ etc. 

A côté de CAïamitas, nous devons placer CADaver, le corps 
détruit jmoi't, cadavre. La forme inlcnsiliveen dh se retrouve 
dans le grec i-SXHeoç, qui n'a pas été blessé (in-columis) ; 
cf. ail. : schaden^ blesser, couper; — goth. : sliathian^ bles- 
ser, nuire, endommager ; — angl. : to scath. 

Dérivés romans. — Prov. : calamitat ; — ital. : ca/ami/a; 

— esp. : cdilamidad; — port. : ca/amidarfe ; 

— Ital. : csidavere, cadavero; — esp. et port. : cadaver; 

— roum.: cadavra ; etc. 

2. Combiné avec le préfixe sa (= fortement) le radical ka 
a donné le verbe latin se-CA-re (seCO), couper en morceaux^ 
mettre en pièces^ détruire^ etc. Le parfait se-Ctus pour se-CA- 
tus (comme le prouve le part. fut. se-CA-lurus, que l'on 
trouve dans Columelle, 5, 6, 2) a donné se-C-larius, coupé, 
châtré; se-Ctio, action de couper y d'où résultat d'une coupure, 
section, seCtor, coupeur, secteur; scCtura, coupure; se-C-tilis, 
coupé, fendu, ou qui peut être coupé, sectile, etc. 

Au verbe se-CAre correspond exactement le composé es- 
clavon cje-kôn, tailler, tuer (cf. se-CUris, la tranchante, la 
hache. Y. plus loin, la forme KV, sku). 

Cf. pour le sens, la forme sanskrile K'Ap, fendre, brùer 



406 Genre DÉTRUIRE. 

(K'Apayoti) ; le grec KOmo), je coupe ; le lithuanien kapoioUy 
je coupe; russe : kopaiu; rallemand : kappen; et l'angl. : to 
chopj couper, trancher; tous ces mots sont issus d'une 
forme secondaire causative wukp. 

SeCAre a forme un assez grand nombre de composés parmi 
lesquels nous citerons : 

— Circum-seCAre, couper autour^ circoncire; 

— Con-seCAre, couper par petits morceaux j découper; 

— De-seCAre, couper y d'où de-seClio, taille^ coupe; 

— Dis-seCAre, découper; ce mot est postérieur à Auguste, 
et ne s'emploie pas dans le sens du français disséquer et dis- 
section ; 

— Ex-seCAre, enlever en coupant^ couper j retrancher; d'où 
ex-seCtio, action de couper y amputation^ section ; 

— Per-seCAre, couper etUièrement^ séparer j retrancher ; 
— ' Prae-seCAre, couper par le bout^ par devant^ rogner; 

— Pro-seCAre, couper par devant^ et dans le sens reli- 
gieux, couper les parties de la fActime qui doivent être 
offertes ; de là pro-seCtum, les entrailles de la victime offertes 
en sacrifice; 

— Re-seCAre, couper^ tailler (surtout au fig.), supprimer ^ 
abréger; de là re-seCtio, taille de plantes; 

— Sub-seCAre, couper par le bas^ rogner ; de la sub-seCI- 
vus ou sub-siCIvus, qui est retranché^ rognéy et au fig. le 
reste; etc. 

Le même verbe seCAre a donné, par l'affaiblissement de 
C en G, un seGmcn (très-rare) que l'on trouve plus souvent 
sous la forme seGmentum, partie coupée^ parcelle^ segment 
(ant. et post. à l'ép. class.), morceau^ par celle ^ rognure; re- 
seGmina, rognures^ etc. 

Dérivés romans. — Ital. : s^care, segBre (couper, scier j 
moissonner) ; seitore (secteur) ; sezione (sectioti) ; — esp. : se- 
gar (faucher y moissonner] ; segazon (fauclrnsouj moisson) ; 



Racine KA, KCJ» Kl. 407 

sector (secteur); sèccion (section); dissëcar (disséquer); — 
port. : segar; sector; sëçcio; disseqxxsir ; — ilal., esp. et 
port : segmento (segment); — roum. : sector; seçtie (sec- 
tion) ; segment; a diseca, (disséqixer)^ etc. 

3. La forme intensilive aspirée UAd a donné au latin 
KHOdUs devenu, par la chute du K, HOotis et plus tard seu- 
lement par le changement de D en S devant T (cf. p. 93), 
HOstis, comme le prouvent les formes mieux conser- 
vées (H)ODisse, (H)ODium, etc. — Cf. vieil ital. : fostis ((= h, 
p. 88) ; goth. : gast-Sy etc. 

Le haîsseur (HOstis), est donc représenté ici par le des- 
trueteur (ti est essentiellement actif) ; c*est l'effet pour la 
cause, le symptôme intérieur pour le sentiment que le lan- 
gage ne saurait rendre d'une façon directe. 

De HOstis, Vennemi ou Vétrangerj ce qui, chez les peuples 
primitifs est toujours synonyme, sont issus le verbe HOs- 
tire, frapper et agir en ennemi^ d'où usei' de représailles ; HOs- 
tilis et HOsticus, qui concerne Pennemiy hostile^ d'où HOstili- 
las, hostilité^ inimitié; (cf. tud. : hadara^ ennemi; haîsseur ; 
aU. ihader; tud. : ha%^ haine; ail. : hass; angl. : to hâte; 
tud. : hatjan; franc. : Aair, haine.). 

Nous trouvons aussi un vieux mot HOstorium, qui par son 
sens de racloircj grattoiry rappelle complètement Tidée de 
détruire de la racine dont il est issu. 

A côté de HOstis, le destructeur (le haîsseur)^ nous place- 
rons la victime^ Vhostie^ HOstia, que Festus (p. 102) fait ve- 
nir de HOstire, frapper : a HOstia dicta est ab eo, quod est 
HOstire, ferire. » Festus avait parfaitement raison. 

A ces mots, nous comparerons encore les survivants issus 
de la même racine : 1^ Par un thème mata : sanskrit 
ÇAttu, emiemi (qui blesse) ; ÇAisati, il blesse, il tue; grec : 
KOtos, besoin de détruire et de nuire^ haine^ ressentiment; 



408 Genre DÉTRUIRE. 

EXepoç pour XEep o;, i, ennemi ; S"" avec KT pour KS : KTEcj, 
KTAo), je blesse^ je tue^ etc. 

Nous avons déjà avancé tout à Theure que (H)0(/mm et 
[\\)Odi$se appartenaient ù cette racine ; il nous reste à citer, à 
côté de ces mots, Odiosus, détesté ou détestable^ odieux^ dont 
le superlatif est per-Odiosus, ex-Osus et per-Osus, etc., etc. 

Dérivés homans. — Ital. : oslilità {hostUUé) ; ostia (hostie^ 
victime) ; odiare (haïr) ; — esp. : hostil (hostile) ; hostilidad ; 
ho^^m; odiar; — port. : hostil; hostilidade; hostia; odiar; 
— ital., esp. et port. : odio (haine); odioso (odieux); — 
roum. : ostie (hostie) ; etc. 

4. M. Bopp (VergL Grawitn., Il, 68) propose pour le nom- 
bre quatre une étymologie (êka -h tisr, 1 4- 3, avec apocope 
de Vê) qui nous parait au moins bien douteuse. Ne pourrait- 
on plus justement voir dans ce nombre une section (cf. deux 
et huit) du nombre 5, une coupure ( rac. KA) dans la main 
étendue (cinq)? 

L'aryaque de ce mot serait KA-tar, devenu par renforce- 
ment KAt-^ar; skr., zend. et lith. : K*atyar; irland. : cea- 
thair; ombr. : petro (P=K, cf. p. 79); ancien gaulois : be- 
tro (dans betro-niday voiture à quatre roues) ; grec : TErcapeç 
(att.) = 7:é(7Tjpe; et Ilïrjps; (éol.) = KE-rupsç (homer. :;(oup€ç) ; 
latin : QUÂluor, primitivement déclinable. A ce propos, nous 
ferons remarquer que c'est seulement en skr. que tous les 
mots ordinaux sont déclinables ; en grec il n'y a plus que les 
quatre premiers; en latin, les trois. De même en gothique. 
Bien plus, en skr. ils ont les trois genres : K'Atvar (masc), 
K'Atsar (fém.) ; etc. ; mais ce qui prouve bien que primitive- 
ment, le latin a décliné QUATtuor, c'est qu'il a encore une 
forme forte (QUAttro), correspondant aux cas forts primitifs 
(N. V. AC. [sauflacc. plur.]), et une forme faible (QDAttuor), 
correspondant aux cas faibles. Il en est de même du grec qui, 



Racine KA, KIJ, Kl. 409 

à côté de TEwape; {= KErcapeç) (fart), possède TEtpa (= 
KE-rpa) (faible). 

Dans l'hypothèse où QUAtuor et QUAltro seraient bien pla- 
cés ici, ce que nous persistons à croire, nous citerons les dé- 
rivés suivants de ces mots : QDAter (skr. K'Atur ; ombr. PE- 
tur), qua^*a fois ; QUAtuordecim, quafora^; QUAtemi, qui 
sont qua/r^ à quditre ; QUArlus, quatrième; QUAdraginta, 
quarante; QUAdriga, qusidrige; QUAdrupes, quadrupède; 
QUAdruplex, quadruple; QUAdra, qui a quatre cOtéSy carr^; 
de là QUAdrare, ^'quanûr, rendre quelque chose carré^ etc. 

On comprend qu^il nous est complètement impossible de 
citer ici tous les dérivés, excessivement nombreux, de QUA- 
tuor et de QUAttro (dont le D s'affaiblit souvent comme 
nous venons de le voir.) — Cf. Got. : fidvdr; ahall. : fior; 
allem. : vier; slav. ecclés. : cetyr4je; lit. : keturi^ etc. 

Dérivés iumiâns. — Ital. : quattro; qua^tordici; quaranta\ 
(etport.) quaHo; (et port.) quadrupède; (et port.) quaAti- 
plo; quadrato; etc. i — esp. icuatro; catorce; cuarenta; 
cuarto ; q;uadrupedo ; cuadruplo ; cuadradOj etc. ; — port. : 
quatro; quator%e; quarante; quarfrado ; etc.; — roum. : 
ipatru (= katrUy quatre); patru-spredece (quatorze); patru- 
ded {quarante) ; al p&trule (le quatrième) ; al p&tra (le qua- 
trième) ; quadruped ; pafra (carr^) ; etc. ; etc. 

IL La forme organique ska, devenue, en prenant le signe 
du diminutif bh (bha, luire, paraître, p. t46), le radical 
SKAbh, se retrouve dans le latin SCAaere, frapper, gratter , 
doùSCABies, aspérité (causée par des coups), rugosité ; au 
fjg. démangeaison^ vif désir; SCAbîosus, raboteux^ et SCAoer, 
rude, raboteux, âpre, hérissé et particulièrement hérissé de 
crasse, de saletés, malpropre; d'où, en ce sens, SCAsrere, 
être sale, malpropre, SCAsro, saligaud, homme malpropre. Ces 
deux sens, confondus dans la racine ska, de rugosités qui dé- 



410 Genre DËTRUIRE. 

mangent et qu'on gratte et de saletés^ ont donné ie verbe SCA- 
BÎare, avoir la gale^ d'où SCAbIoIb, gale^ lèpre, et SCAmdus, 
galeux, lépreux ; etc. 

A côté du diminutif SKAbii, nous placerons un intensitif 
UÊUkp devenant souvent SKAph en s'aspirant. Cet intensitif 
se retrouve dans le grec ZKAnTci), gratter et creuser, d'où 
2:KA4>9r, fosse, bassin, ZKA^tç, canot, esquif; IKA«y;, tout 
corps creusé par la main des hommes et le plus souvent ftar- 
que, canot; etc. Le latin a transcrit IKK^r^ dans SCApHa, es- 
quif, barque, d'où SCApiiarius, batelier, etc. 

III. Nous arrivons maintenant à l'élude du radical ksa 
formé par meta thèse pour ska. 

Pour les Aryas primitifs la nuit était la grande cause de 
frayeur, si bien que presque tous les mots qui signifient la 
nuit dans leur langue ont pour sens littéral la détruisante, la 
tueuse ( — cf. tenebrae, p. 395), pour ï effrayante, etc. 

L'un de ces mots est Taryaque et sanskrit KSApa» (causa- 
tif en P) que nous retrouvons dans le latin CREpus pour 
CSEpus. KSApas est une forme de participe présent et signi- 
fie positivement la détruisante. 

CREpus ne se trouve plus en latin, mais nous avons le di- 
minutif CREpusculum {la petite nuit), la nuit, le crépuscule 
(cf. diluculum, le petit jour), 

A côté de CREpus, nous avons CREper (et CREperus), vieux 
mot qui signifie aussi obscurité, et, adjectivement, crépttôcu- 
laire, d'où incertain, douteux. 

La racine ksa au participe présent KSAt a donné au latin 
(C)SOnt devenu SOks ^ SÛKTis, le péchant, le coupable. SOns 
a formé SONiicus, nuisible, funeste et (en parlant d'une ma- 
ladie) giave, et in-SOns, non coupable, innocent. 

^ Le latin a S pour KS dans un certain nombre de mots; nous rappellerons 
seulement mistus pour miKstus (mixtus) et sestus pour scKiitus(sextus). 



\ 



Racine KA, KU, Kl. 411 

Cr. sanskrit K'Atha, méchant^ quifaitmal ; ÇAthyan, mal; 
grec : KOtoç, haine j esprit de ^nal^ de vengeance ; allemand : 
sunde, le péché, etc. 

IV. La forme primaire uv à côté de ka (cf. dr«, dbv ; 
onvA, OHNiJ, etc.), a donné au latin un CUDere, CUdo, (= 
bohëm . kuju) battre^ d'où les deux dérivés : 

— Ex-CUDere, faire sortir ou jaillir en frappant j tirer de^ 
préparer ; 

— Pro-CDoere, frapper^ repousser ^ chasser ^ puis faire du 
feu (en frappant), de là produire y façonner ^ etc. 

Un troisième composé in-CUoere s'est perdu et se retrouve 
seulement dans in-CUs, in-CUois (au pr. et au fig.), tnart^atc, 
enclume; pro-CUoere signifie aussi, mais antérieurement à 
l'époque class. forger, — Cf. slav. eccl. : Ujjy marteau. 

Cf. K'mati et K'flUtati, U fend, il taiUe, il divise; avec 
guna de U : JCHAl/dati, il fend, il sépare, etc. 

La tranchante par excellence, c'est la hache, qui s'appelle 
en skr. paraÇÏ/s; grec : réXs-KTç. — Cf. lith. : skuttu, je 
fends. Le latin possède, par une formation analogue à celle 
de se-CAre, que nous avons vu plus haut, p. 405, un se-CU- 
ris, la tranchante, la hache. 

Le tudesque houwan, trancher, tailler (allem. : haven; 
ang. : to hew), a donné au français les mots houer, houe, 
hoyauy etc. 

Un rocher aigu et tranchant s'appelle en latin Cds 
(=CO(l)s), COlis ou encore CAUtes; c'est leKCguné. — 
Cf. skr. : K'Af/, trancher, couper, 

La même forme gunée de ku a donné au latin CAUoex ou 
COdcx, bois taillé, planche, puis tablette (cf. plus haut, p. 386) 
à écrire, et livre; de là CAUoeus, cassette de bois, CAUoica- 
rius et CAUDicalis, relatif au bois, COoicilli, petits morceaux 
de bois et petites tablettes, puis petit écrit et addition testa- 



4f2 Genre DÉTRUIRE. 

mentairôy codicille^ etc., etc. — A COoex, cf. plus loin, scida 
et scheday à la forme ki, ski, p. 414. 

Un des noms latins de la lance est COimis, qui rend aussi 
l'idée de pique^ de pénis j etc., et les analogues à cette forme 
se rencontrent en skr. (Kt/ATa, lance; Kf/ivrala, charrue)^ en 
grec : (KOntoç, bois de lance, perche ^ pénis) ^ en kymr. : 
(cont), en irland. : (eul), etc. 

Une forme intensitive SKUp, gunée en skau|i (= SCOp), a 
donné au latin SCOpa, SCOrae, petites branches coupées menues 
dont on fait des balaiSj SCOpula et SCOpulae, petit balai ; 
SCOpio, grappe de raisin^ a la même étymologie. Cf. pour la 
forme intensitive £'H[/pati (vieux nord. : skapt; tud. : scatf 
= hostile), et pour le sens KSl/dra * (m. f. n.) taillé^ d'où pe- 
lt^;kslna, coupé , taillé^ mince; ZXISapoç, mince y etc. 

Dérivés romans. — Ital. : eodice (code) ; codieillo (codi- 
cille) ; scopa (bouleau^ arbrisseau ; balaij verge^ d'où) scopar^ 
(fustiger)^ etc. ; — esp. : codiee (recueil manuscrit)^ codidlo; 
escoba (balai); escobar (balayer); etc.; — esp. et port. : codigo 
(code) ; — port. : codiee (ancien manuscrit) ; codtct//o ; ^scova 
(brosse^ verge) ; escovar (brosser ^ fustiger) ; etc. ; — roum. : 
condikâ (code) ; codieil; etc. ; etc. 

V. MI guné en kai a donné au latin CAIoes ou CAEoes, 
meurtre, destruction, CAbere ou CAEDcre (caedo, cecidi, cae- 
sum), couper, tailler, sculpter, abattre^ détruire; mais la 
furme non gunée est restée dans Cloa, le lueur ^ que l'on 
trouve seulement en composition dans homi-CToa, homicide, 
tueur d'homme, parri-Cba (pour patri-Cloa), qtd tue son père, 
parricide ; el dans tous les composés verbaux de CAEoere. 

— Abs-Cfoere, séparei* en coupant j retrancher ; d*où abs- 
Clsio, retranchement, etc. ; 

* Par la chute du K, ce mot est devenu 5r/dra, nom de la dernière caste 
de l'Inde. 



Racike K.%, KU, Kl. 413 

— Ac-CIoere, couper de près, détruire, exterminer; 

— Circum-ClDcre, couper autour, tailler, rogner, d'où cir- 
cum-CIsio, action de couper autour, et dans un sens spécial, 
circoncision ; 

— Con-Cbere, battre fortement, déchirer ^ couper en mor- 
ceaux; aufig. abattre, détmire; delà con-CIsioetcon-CIsura, 
coupure, entaille, e\, en parlant d'une phrase, morcelle- 
ment des propositions en membres isolés, et aujourd'hui, 
manière de s'exprimer tranchée et brève, concision, etc. ; 

— De-Cbere, couper, retrancher, déchirer, graver, au fig. 
trancher un point en litige, une difficulté, décider; etc. ; de là 
de-CIsio, arrangements, décision^ etc. ; 

— Ex-CÎDere, détacher en frappant, en coupant, d'où ex-Clsio 
et ex-Clsura, entaille, coupure, etc. ; 

— In-Cbere, entailler, graver, incisa, couper, d'où in-Gl- 
sio et in-Cisura, coupure, entaille, tnci^êon; etc. ; 

— Oc-Cbere, abattre, terrasser, assommer, mettre en 
pièces, tuer ; d'où oc-CIsor, tueur ; oc-Cbio ou oc-CIsio, ac- 
tion de tuer, tuerie, carnage, etc. ; 

— Prae-Cbere, frapper par devant, couper^ immoler, tran- 
cher, supprimer, d'où prae-Clsio, coupure, ruine, etc. ; 

-r- Re-Cbere, ôter en coupant, couper, etc. ; de là re-CIsio, 
action de couper, de rogner, etc. ; 

Suc-Cbere, couper par le bas, moissonner, massacrer, etc.: 
de là suc-CIsio, action de couper, destruction, et suc-Cbia, 
quartier de viande dépecée, etc. 

Nous citerons, encore, parmi les mots issus de CAEDcrc, 
CAEmentum, moellon lipieTrehrisèe), poudre de pierre, ciment; 
CAEduus (terme d'agricult.), bon à couper; CAEslus, ceste^ 
gantelet garni de plomb, pour les combats de gladia- 
teurs, etc. 

La même forme intensitive gunée KAid a donné le latin 
CAELum (pour CAEoum, p. 79), ciseau, burin; d'ouCAEtare, 



414 Gehbe Détruire. 

graver^ ciseler; CAELamen et CAELatura, ciselure, grmmre^ 
CAELator, cïsdeuT, etc. 

Dérivés romaiis. — Prov. : drmtimsio ; eoncisio ; detisio ; 
inc\%io; precisio ; cimen (ciment) ; etc. ; — ital. : âreanddere; 
circancisione ; eancisione; de^\ ifi-; frecxsitme n'a pas de 
verbe correspondant; — esp. : drmncidar; drcùtmmn; 
con- ; de-; de-cidir; irircision; pre- ; cmento; etc. ; — port. : 
circumcidar ; drcumsâo; cmcisâo; de-; in-; pre-; deddir; 
in-; cïmento; — roum. : precida {prédser); precïdie (préci- 
sion)-^ — ilal. : cesello {ciseau; Littré Dict.) ; — esp. : cincel; 
— port, : siftsel, etc. 

La formef^ sma a donné au grec IXKiù pour 2X1- 
iuùj je fendSy je divise^ je sépare; £XIo}Jbo<;, 6, et DXISijux, te, 
division^ schisme; ZXI8va(i.ai, se fendre ^ s'élargir; ZXlSopo;, 
mince; £Xlfo; (dor.) et SI90; (att.), la tranchantey Vépée. 

Le sanskrit a partout la mëtathèse : £5/na (m. f. n.), 
coupé, taillé y mince; KSAyati^ il périt, il est détruit; K'Hlta 
(K'H = KS), m. f. n. coupé, fendu, détruit; K'fl/natti, il 
fendy il coupe, etc. — Cf. encore zend. : çdd = briser, frac- 
turer; goth. : skaidan, diviser, séparer; allem. : scheiden; 
tud. : sceit, division, etc. ; vieux nord. : slAd, bois fendu; 
lith. : skëd'VU, division, séparation, etc., etc. 

Quant au latin, il possède, à côté de SCIda (qui s^éerit 
aussi SCHEda = grec : IXESi) ou ^IXISy}), petite plancliette 
pour écrire^ morceau de papier (cf. plus haut COdex, à la 
forme ku, p. 411), un verbe SClNoerc (scindo, scidi, scis- 
sum), fendre, couper, scinder. Ce verbe a formé un certain 
nombre de composés : 

— Ab-SCiNnere, séparer violemment, arracher, etc. ; d'où 
ab SCIsio, interruption, etc.; 

— Con-SClNoere, mettre en pièces^ déchirer, d'où Con- 
SCIssio, action de déchirer, etc. ; 

— Di-SCIpa)ere, déchirer, fendre, couper, d'où di-SCbsio, 



Racinb KR. 415 

séparation j divisionj etdi-SCbium, déchirement^ divorce^ etc. 

— Ex-SClNoere, séparer violemment^ fendre^ briser; au fig. 
retrancher^ d'où ex-SCbium, ruine^ destruction, anéantisse- 
mentj etc. ; 

— Inler-SClNoere, rompre par le milieu, couper, elc. ; 

— Per-SCbDere, déchirer y fendre, etc. ; 

— Pro-SCIwoere, fendre devant soi, ouvrir, sillonner; d'où 
prorSCIssio, fente, labour, etc. ; 

— Re-SClHDere, séparer, ouvrir, couper, abroger, casser, 
annuler, etc. ; d'où re-SCIssio, rescision, annulation, etc. 

Dérivés ROMANS. — Ital. : scindera (scinder) ; scissione (scis- 
sion) ; — esp. et port. : sci^ma (schisme) ; — esp. : cisma ; 
— roum. : schismdy etc. 

45 
■ 

(SKR, KSR) 

Détralrey couper, tailler 9 racler, gravery éerlre. 

I. Une seule famille de mots a conservé en latin la forme 
simple non afiaiblie kr ; à cette famille appartient CARo, 
CARnis, la chair (la détruite). Cf. skr. KRAwya ; la chair ; 
grec : xb RPEpzç ; got. : hraw ; irl. : carna; celt. : cam^ etc. 

Mous citerons, parmi les dérivés de CARo : CARnarius, 
relatif à la chair et substantivement, garde-manger ; CARna^ 
liS) charne/, d'où CARnalitas, concupiscence y faiblesse de la 
chair; CARnifex, bourreau, d*où CARnificina, office de bour^ 
reau^ et CARnificare (d'où ex-CARnificare), faire roffice de 
bourreau, torturer, égorger, etc., etc. 

Sous cette racine se place encore CARies, CARiei, celle 
qui détruit, la carie, la pourriture, d'où CARiosus, vermoulu y 
pourri, gâté, c^vié, etc. 



416 ftEiiiiB DÉTRUIRE. 

Le verbe CARere, CAReo, exprime l'idée d^étre privée dé- 
pouillé d€j manquer y etc. (cf. mancare de tnancits). On voit 
qu'il trouve sa place ici avec la plus grande vraisemblance. 

n en est de même d'un vieux verbe CARinare, que Ion 
trouve dans Festus avec le sens de nuire^ invecliverj inju- 
rier ^etc. 

Citons encore le gpec XAPaa^ii) dont est issu XAPax-rep, c, 
transcrit dans le latin CllAracter, caracffr^, etc. 

Le vieux mot latin CYRtus a conservé parfaitement le sens 
primitif delà racine, car il signifie, tronqué^ brisé^ raccourci^ 
écouTtéy courî, etc. Cf. goth. : hairus; vieux nord. : heru, 
hior ; slave ecclés. : kora^ etc. 

Le sabin CVRis, lance ^ pique^ doit se placer encore ici. 

Enfin CARduus, chardon (le piquant) ou artichaut s'explique 
de lui-même. 

Dérivés robians. — Prov. : carn (chair); — ilal., esp., 
port, et roum. : carn^; — ilal et roum. : cart^ (carie) ; — 
esp. et port. : carie* ; — ital. : carne/icd {bourreau} ; ca- 
verUe {manqtmnt) ; — esp. et port. : c^recer (manquer); etc.; 
— Prov., ital., esp. et port. : cardo (chardon) ; — ital. : ca- 
rattere (caractère) ; — esp., port., roum. : caracter; — ital. 
et esp. : corto (court) ; — prov. : corf ; — port. : curfo ; — 
roum. : scurt; — prov. : coltelhj cotelh (coufeau) ; — ital. : 
cuUe//o; — esp. : cuchiUo; — port. : cutello; — roum. : 
cuzit; etc.; etc. 

II. La forme intcnsitive renforcée SKRp n'a rien donné au 
sanskrit ni au grec et se rencontre au contraire sur le do- 
maine latin. En effet, nous trouvons dans cette langue un 
SCALpere pour se ARpere, racler^ gratter^ scalper, d'où SCAL- 
prum, couteau^ et son diminutif SCALpcllum, scalpe/, etc. 

A côté de SCALpere, nous devons placer son frère SCUL- 
pere pour SCURpere, tailler y sculpter, d'où SCULplor, sculp- 
teury SCULplura, sculpture, SCULplilis, qui concerne la 



sculpture, cl deux composés : ex-SCULperc, creuser j etUailler, 
sculpter et in-SCULpere, graver, inciser, tracer, etc. 

Nous citerons encore SCIRpus (tud. : seiluf), lejmc, le ro- 
seau (le tranchant, à cause de ses feuilles coupantes). — (Cf. le 
grec: rPI«oç.) — Cf. irl. : sgeilpiu, petilcouteau^de^geû/paim, 
scalpaitn, fendre, couper ; anglo.-sax. : sqeope,coulediU, de 
screopan, couper; tudesq. iscrefon, inciser; lit. : sktemp-iu, 
tailler, façonner; etc., etc. 

Avec la voyelle U, la même forme intensitive SKRp est 
restée au latin dans SCRUpus, pierre tranchante, d'où SCRU- * 
pulus, scrupt//d (cf. remords), etc., et dans son substitut 
ROpes pour SRCpcs. Cf. SKOPmoç, SKOXoç, et SKÛXoç (scor- 
pian). 

Dérivés romains. — liai. : scalpello (scalpel)', scolpire (scul- 
pter) ; scvltore (sculpteur) ; scultura (sculpture) ; — esp. et 
port. : escalpe/o; esculpîr; — esp. : escuUor ; escultura; — 
port. : esculptor;esculptura; — roum. : scalpe/; a sculpta; 
sculptor; sculptura, etc., etc. 

— Ital. : scrupule (scrupule); rupe (roche); — esp. et 
part. : escrupu/o ; — roum. : scruput; etc. 

III. Le même verbe primitif sin en prenant la forme di- 
minutive bh et le renforcement de r en a et en i a donné 
au grec un IKÂPi^cç, 6, instrument pour gratter, stgle, racloir 
(cf. scari/icateur) , et au latin un verbe SCRIaere, tracer, 
escTibre, écrire dont la famille est nombreuse. — Cf. tud. : 
skriban; allem. : schreiben; etc. 

Les principaux dérivés du verbe SCRIaere sont les suivants : 
SCRIsa, écrivain pu6/ic, scrifce, copiste ; SCRIptum, écrit, pièce 
écrite; SCRlplura, ligne tracée, texte, écriture; SCRIPtio, ac- 
tion dVcrire, ^crit ; SCRIrlor, écrivain, copiste, secrétaire ; le 
fréquentatif SCRIptitarc, etc., etc. 

Quant aux composés verbaux, ils sont fort nombreux : 

27 



418 Genre DÉTRUIRE. 

— Ad-SCRlBcrc, écrire eii sus, ajouter, attribuer, d'où ad- 
SCRIptio, ce qu'on ajoule à un écrit, addition, etc. ; 

— Circum-SCRlBere, tracer autour, entourer, définir, cir- 
conscrire, interdire, tromper (en entourant- de menson- 
ges, etc.) ; de là circum-SCRMor, trompeur, fripon; circum- 
SCRIptio, cercle tracé autour, circonscription, définition, 
ruse, etc. ; 

— Con-SCRIeere, écrire ensemble, enrôler, écrire sur, etc.; 
de là con-SCRhlio, action d'écrire ensemble, efirôlement.con- 
SCRIption, etc. ; 

— De-SCRlBcre, écrire à propos de : décrire, etc. ; de là de- 
SCRIptio, figure, représentation, description, etc. ; 

— Ex-SCRbere, copier, transcrire, extraire, etc. ; 

— In-SCRbere, écrire sur, inscrire, désigner, etc. ; de là 
iii-SCRIptio, action d^ écrire sur y et titre, inscription, etc.; 

— Per-SCRÎBere, écrire en entier; avec détail, «'inscrire, 
d'où s* engager, etc. ; de là per-SCRIplio, écriture de commerce, 
procès-verbal, etc. ; 

— Prae-SCRIsere, écrire en tête, marquer, p^^escrire, ordon- 
ner, mettre en avant, etc. ; de là prae-SCRIptio, titre, intitulé, 
prescription, allégation, etc. : 

— Pro-SCRIeerc, annoncer par écrit, publier, puis proscrire 
au nom de la loi; de là pro-SCRIptio, affiche de vente, confisca- 
lion, proscription, elc. ; 

— Re-SCRIoere, inscrire de nouveau, récrire, répondre, elc. ; 
de là re-SCRIplio et re-SCRIp(um, réponse (principalement 
d^un prince à une question posée par les magistrats), re* 
scrit, etc.; 

— Sub-SCRIsere, écrire dessous, au bas, transcrire^ signer, 
souscrire, adhérer à, etc. ; de là sub-SCRbtio, inscription, 
«onscriph'on, signature, etc. ; 

— TranSCRIeere, transcrire, copier, transporter par un 



lUci>£ KM. 419 

ade^ vendre^ etc. ; de là tran-SCRIptio, transporty ces- 

siOHjCiC. 

Dérivés romans. — Prov. : escriwr^ (écrire) ; descriure (dé- 
cnre) ; inscrire (inscrire), etc. ; — ilal. : scrivere; descrivere; 
inscrivere^ etc. ; — esp. : escvibir; describir; inscribir^ etc.; 
— porl. : escrever; descrever; inscrever; etc. ; — roum. : a 
scri ; a descri; a tnscri ; etc., etc. 

IV. La forme ksb, métathèse de lorganiquc skr, se 
trouve avec guna de b en ur dans le skr. KSf/Bas, rasoir ^ 
KSURin, barbier; XSf/jRati, il taUle, il sculpte; ifC/itati, il 
racle, Hgratte, il rase ; etc. ; — dans le grec STpoç, S, rasoir , 
tranchant ; SVPaw, je rase, je fais lepoil^ etc. ; etc. 

Le latin possède un SARio pour CSÂRio, gratter , sarcler, 
nettoyer le sol, qui semble appartenir à cette racine (cf. Pictet, 
0/). ct^,II,285). 

Cf. encore lith : skirru^ je rogne ; ludesque : sceran ou 
sciran, d'où le franc, scirer (provençal : esquirar), devenu 
schir^», d'où de-schir^, déchirer; allem. : scheren, tondre, 
raser; angl. : ta shear. 

Nous venons de voir que le latin SARio était issu d'un 
CSARio avec perte de l'explosive initiale ; nous croyons qu'un 
phénomène analogue (Cf. nodus pour cnodus ; sons pour csons; 
nomen pour gnomen; etc.) a fait d'un primitif CSARpo le verbe 
SARpo, SARpere, couper, émonder. Cf. grec: 'APnt), faux (pour 
ZAPnr^); anc. slav. : srupu; russ. : serpu; illyr. : sarp, etc. 
Cette opinion est celle de M. Kuhn (Z., IV, 22)^ tandis que 
d'après Grimm {Gesch. der d. Spr., p. 503) SARpo serait le 
frère de SERpo, et que selon M. Pott (Et. F., Il, 125) ce mot 
et ses congénères seraient le produit d'une racine rp, unie 
au préfixe de renforcement s ou sa. 

Un fait qui vient à l'appui de l'opinion que nous adoptons 
est l'existence à côté de SARpcre (issue de iufti|t|i d'un CARpere 



4â0 Gknrb DETRUIRE. 

pour SCARpere représentant la forme renforcée sK|ir, sans 
inétathèse (d. scharf [Mem,]^ trancher). 

CARpere (carpsi, carplum) signifie cueillir j couper^ pren- 
(IrBj arracher j etc. Parmi les composés de ce verbe nous cite- 
rons : 

— Con-CERpere, (avec afTaiblissement de a en e; cf. p. 69), 
(lédnrer et au moral, médire^ etc. ; 

— De-CERpere, cueillir et quelquefois détruire ; 

— Dis-CERpere, d^chir^r, mettre en pièces^ diviser^ etc. ; 

— Ex-CERpere, tirer de^ extrjaire^ séparer^ etc., elc. 

V, Nous avons vu plus haut (p. 404) comment le nun^ 
UH^, pouvait arriver au or. Nous allons examiner ici ce que 
cette forme secondaire a donné au latin. Mais auparavant, 
nous devons encore faire remarquer que les trois formes 
SKR, KR cl «R se rencontrent parfois en tudesque dans le 
même mot ; par exemple : «crU-mali (le pas^ de malen^ pein- 
dre), se dit aussi Ant-mali et ^rk-mali (cf. ail. schreiten). 

La môme idée de marcher^ par fouler aux pieds se trouve 
aussi dans le latin GRAdus, pas^ marche^ d où GRAoi, GRA- 
Dior, marcher^ s avancer ; on trouve aussi quelquefois une 
forme GRAssor, marcher ^ faire in'uption sur ^eic, ; d'oùGRAs- 
sator, brigand et, dans le sens primitif, avec afraiblisscmenl 
de a en 6, GREssus, marche, pas. 

GRAdî a de nombreux composés verbaux qui ont tous af- 
faibli a en ^ : 

— Ag-GREoi, aller vers j marcher contre, attaquei^ d'où ag- 
GREssio, attaquer, aggression, etc. ; 

— Con-GREoi, marcher avec, combattre, etc., d'où con- 
GREssus et con-GREssio, abord, commerce, fréquentation et 
combat, etc. ; 

— De-GREoi, marcher hors, sortir, s^ éloigner, etc. . 

— Di-GREoi, s* éloigner, s^écarter, s'en aller, d'où di-GREs- 



Racine KM. 421 

SUS et di-GREssiOy action de 8 éloigner^ digression^ elc. ; 

— E-GREdî, marcher hors^ sortir^ d'où e-GREssus et e- 
GREssio, action de s' éloigner y sortir j etc. ; 

— In-GREoi, marcher sur ou vers^ s^avancer, aborder^ 
commencer^ de là in-GREssus et in-GREssio, marche^ en- 
trée ^ etc. ; ^ 

— Intro-GREoi, entrer dedans; 

— Prae-GREDÎ, marcher devant^ devancer ^ d'où prae-GREs- 
sus et prae-GREssio, action de précéder^ etc. ; 

— Pro-GREDÎ, aller en avant j s* avancer^ pi^ogresser, d'où 
pro-GREssus el pro-GREssîo, action d'avancer^ progressiony 
progrès^ etc; ; 

— Re-GREoi, allei* en arrière, retouniei^ rétrograder ^ d'où 
re-GREssus et re-GREssio, marche rétrograde, retour, etc.; 

— Trans-GREoi, passer outre, passer par-dessus, traverser, 
transgresser, d'où trans-GREssus, action de traverser et trans- 
GREssio, même sens et transgression, etc. 

GRAdus, le père de toute cette famille, s'est spécialisé plus 
tard au sens de marche (d'un escalier), degré, etc., et c'est 
ce sens qui a donné celui de GRÂNois, élevé, avancé, 
grand, etc. GRAwDis est père de GRANDÎre, faire pousser, 
augmenter; GRArtDitas, grandeur, etc. 

La même forme intensitive GRAdh altérée de skra^Ii a 
donné encore au latin, mais avec affaiblissement de R en L, 
leur GLAoius, le glait;^, Vépée (d'où GLADiator, fabricant d*é' 
pées et gladiateur), a côté duquel on trouve aussi GLApmina 
devenu LAomina, puis, par la chute du d, LAmina, la lame 
(mMN=: plein [de frottement]). 

L'allemand nous offre aussi une forme intensitive en di ; 
c'est glatt, lisse, raclé, uni, poli, dont le correspondant latin 
(parleBH des diminutifs) est GLAser (cf. gr. : rAA<i>jpoç), 
raclé, uniy poli, rasé, épilé, glabre, etc. De là GLAsrare, enle- 
ver le poil, GLAi»rescere, perdre sespoils^ etc. 



An Genre DÉTRUIRE. 

Le même sens et la même forme se rencontrent dans GLU- 
aère, ôter Vécorce^ peler^ racler^ d'où (G)LIber, deuxième 
écorce^ pelure^ lifter, et enfin livre, parce qu'on écrivait d'a- 
bord sur des écorces préparées. De là LIbrarius, écrivain, 
copiste, libraire; LIbraria, boutique delibraire, librairie, etc.; 
et un composé verbal de-LIbrare, peler, écorcer, etc. 

Enfin, avant de terminer cet article, nous ferons remar- 
quer que le grec a rPou TA dans beaucoup de vocables où le 
latin a conservé la forme SKi| ; ainsi nous voyons rAÂ^stv a 
côté de SCRlBcre ; rAï^etv à côté de SCULpere ; rAl*o; à côté 
de SCIRpus, etc. 

DÉarvÉs romans. — Prov. et esp. : gran; — prov. : gran- 
dir; glai, glay, glavi, gla2;i (glaive); glabro (glabre); libre 
(liyre); Whrari (libraire); \\hraria {yxhrairie) \ — prov., ital. 
et csp. : lamina (lame) ; — prov. : lama, laima (id.) ; — ital. : 
lama (on trouve déjà dans Horace \Odes, II, 2] un LAmna 
pour LAmina) ; — ital. : grado (degré) ; gradasiane (grada- 
tion), aggressione (agfgre^sion) ; congre^so (congrès); digres- 
mne (digre^^ion) ; ingrediente (ce qui entre dedans) ; 
pro%v^so (progrès) ; progressionc (progression) ; /ransgre- 
dire (transgresser) ; trans%Ttssxone (trans^vession) ; re/rogra- 
dare (rétrograder) ; grande (grand) ; grande;52a (grandeiir) ; 
grandire (grandir) ; gladio (glaive) ; gladiatore (gladiatef/r) ; 
ïibraio (libraire) ; — ital. esp. et port. : libro (livre) ; — ital. 
et esp. : Vibreria (librairie) ; — port. : Mbraria; — roum. : 
librerie; — esp. : grado ; gradacion (port. : açâo ; congreso ; 
digression (p. : essûo); progveso; progresion (p. — essûo); 
transgrcdir ; transgresion ; rétrograder (aussi port.) ; gran- 
àor ; gvandeza (aussi port.); gladiator (aussi roum.); li- 
brero; etc. ; — port. : grau (degré); ajfgressdo; congresso: 
pro — ; tramgredir ; essûo ; glairo (glaive) ; livreiro ; — 
roum. : librar (libraire); etc. 



Racine BHA, BHI. 423 



4. Ordre B, D, G. 

Tribu B. 

46 
BHA, BHl 

(BHId, BHIg) 

Détmlre» battre» fendre» traneher» tailler. 

I. Sous la rac. bha, nous placerons les imitations du bat- 
tement, dont la principale est, en latin, leverbe BAtuere ou 
BAttuere, frapper , battre, s* escrimer, qui a donné naissance 
à quelques déi ivés de basse latinité. — Cf. grec : nATicaeiv. 

Dérivés romans. — Ital. : battere (battre)] — esp. : bâtir; 
— port. : bat^; — roum. : a bâte; etc. 



II. Nous avons vu plus haut pp. 88 et 93, comment le 
aryaque, au commencement des mots, devenait souvent en 
latin F, en passant par II. Nous en avons ici deux nouveaux 
exemples. La concordance des langues classiques est ici com- 
plète. 

Le skr. possède un BHid (Bfl/nadmi), briser, fendre, 
percer, diviser (cf. tud. : beiten ; ail. : beisseti ; angl. : tobite, 
mordre), d'où BHInna, brisé, fendu, BHId et BHlDi\, brisure, 
fente, division; etc. Le sens de craindre est ici venu de celui 
de nuire (cf. plus haut, p. 395) et nous trouvons bhi (bhi- 
bémi), craindre, d'où bhi, crainte, terreur. 

Le grec a 4>lA£iv, ^EIascv (avec guna dei) trancher, retran- 
cher, séparer; d'où ^lAsç, 4>EIag;, ménagei, avare; «WTpcc, 
bois fendu, etc. 4K)5s; (d'une forme BHtJ gunée), crainte, 
peur et toute sa famille correspondent au skr. 



AU Gbhre DËTRUIRE. 

Enfin le latin a d'abord une forme intensitive par 
dans FlNDere, FIndo, fendra, trancherj d'où FIssilis (pour 
Fbsilis), facile à tendre, FIssus, fendu; Fissura, fente, 
fissure, etc. ; et deux composés verbaux : 

— Dif-FlNoere, fendre, séparer en deux, ; 

— In-FiNdere, même sens et particulièrement tracer un 
sillon (tendre dedans) . (Cf. lith. : bindokas, hache, cognée). 

Une forme active FInîs (= FInuIs = Flonis), exprime l'i- 
dée de ce qui tranche, ce qui termine une chose, la fin; de 
iù un verbe Fbire, terminer, unir, FiNitimus, qui est auxcoH" 
Uns (voir plus bas), voisin, eic. ; et quelques composés : 

— Ad-FlNis, qui touche par ses deux extrémités, c'est-à-dire 
voisin^ contigu, attenant, et au moral, sympathique, ami, 
allié, etc. ; de là af-FlNitas, voisinage, alliance, ressem- 
blance, affinité, etc. 

— Con-FIi«is a les mêmes sens que le précédent ; 

— De-FlNire, fconi^r, circonscrire, déùnir, d'où dc-FlNilio, 
circonscription, définition, etc. ; 

— In-FI^itas, qui na pas de fi», t7ifini, et in-FInitas, l'im- 
mensité, V infini ; 

— Prae-FIwire, déterminer d^avance, régler, etc. 
DÉmvÉs ROMANS. — liai. : tendere (fendra) ; finira (finir); — 

esp. : hender (h == f; p. 89); tenecer; — port. ; tender; 
f\nali%ar\ etc. 

Ili. Unautreintensitifpar «ï(p. 145), BHig, se retrouve 
dans le latin FiNgere (avec nasale intercalaire), tailler, seul- 
pler, façonner, travailler quelque chose, et au moral teindre 
(— teinre= teingre). — (Cf. peindre, p. 382). De là les com- 
posés : 

— Af-FlNoere, former, façonner, imaginei^, etc. ; 

— Con-FiNGere, avec les mêmes sens ; 

— Ef-FIsr.ere, faire le portrait, dépeindre, imiter, etc. : 



Racinb DA. 4^25 

— Per-Fboere, imiter parfaitement (Inscr. ap. Fabr, p. 
685). 

Déplus, le participe Flctus a donné FIctio et Flctura, action 
de former j de façonner y d'où ficiion ; FIctor, sadpteur^ sta- 
tuairey modeleur ; FIclilis, argile (fait de terre) ; Flcticius, 
fabriqué^ d'où faux^ simtdé. 

Enfin, FlNcere, en perdant la nasale parasite, a formé FI- 
Gulus, potier^ d'où Flculare, former^ façonner (principale- 
ment avec de l'argile), et surtout Fleura, ce qui a été taillé, 
façonné, ûgure^ corps^ d'où Flcurare, façonner^ former ^ figu- 
rery dont un participe Flcuratus qui lui-même a été le père 
de Flcuratio, fijftir^, aspect j configuration; Flcurator, celui 
qui représente par une image ; au phys. sculpteur ^ ce que Ton 
appelait au moyen âge un imagier ; etc. Composés verbaux : 

— Con-FIourare, Ggurer etisembley d'où con-FIcuratio, 
aspecty configuration ; 

— De-FIcurare, déformer^ déligurer^ etc. 

Dérivés romans. — Ital. : fingere (feindre) ; fin/a (fein(f) ; 
— esp. et port. : fingir; — esp. : ûngimiento; — port. ; fiti- 
gimento; — roum. : fmta {îemte d* escrime) \ 

— Ital., esp., port, et roum. : figura (figure) ; — ital. : 
fujurare (fijfttr^-) ; — esp. et port. : figfwrar; — roum. : a 
figura; etc. 

47 

(DAk, DAp) 



le verbe simple da, skr. DÂti, il coupe DÂta coupé, grec ; 
AAiw, n'étant pas représenté on latin, nous abordons immé 
dialement les formes secondaires. 



426 Grnrr Détruire. 

I. DAk, mordre. 

Le principal produit de la racine tertiaire bmu sur le ter- 
rain latin est LÂcrima, larm^ {la mordante^ Vamère), pour 
DAcrimaf que Ton trouve dans Livius Andronicus (Fesius, 
ëdit.MûUer, p.68). 

Le même mot existe en skr. AÇru pour DAçru, larme, et 
dans le grec xb ÀÂKpu, AAKpujjia, avec le même sens. — Cf. 
encore DAça-ti, î7 mord ; AAkvsiv, mordre^ piquer, etc., etc. ; 
goth., tagr; tud., zah-ar; ail., %âhre; angl., tear; kymr., 
daigr, dagar, etc. 

LAcryma a été le père de LAcrimare, pleurei\ d où c^l-LA- 
crimare, pleurer ensemble, déplorer ^ etc. 

DAk se renforçant en dtau a donné au skr., avec la chute 
du D, YAkrIj Vamer, le foie, comme au grec 'Hiiap (t;=ya et 
T,= % ; p. 79) et au latin JEcur, JEcor. 

Dérivés ROMANS. — Prov. : lacrtmd, hcrema, Ingrema (larme); 
— ital., esp. et port. : la^ima ; — roum. : lacrama, etc. 

II. DAp, broyer y manger. 

Cette forme se retrouve dans le latin Epuise pour DEpulae 
(Gr. AElnvcv), aliments, mets; d^où Epulari, manger, etc. 

Nous citerons encore DAps, DApcs, banquet sacré, sacrifice 
offert aax Dieux, que nous rapproclierons du grec AAiitIiv, 
dévorer, déchirei*; AAiivcc, qui mange son bien, prodigue; 
AAnvT], prodigalité; elc. 



Racine W^WA. nV¥Ë. 427 



5. Ordre B, D, G. 

Tribu D. 

48 
VIVA, vniri ou w 

(DAU). 

I. L'idée de division^ dans toutes les langues indo-euro- 
péennes, a engendré celle de dualité. Deux n est-il pas en 
efTet le premier degré de toute séparation. On comprendra 
surtout cette individualisation si l'on songe que aïka, un, 
explique quelque chose dans son tout (i gunéen ai = cela 
+ ka). Donc, ce qui n'est déjà plus considéré dans son 
unité est considéré d'abord dans une première division 
régulière en deux. Prenez une pomme entière^ vous 
aurez un; tranchez-la une première fois, vous aurci 
deuXj et vous n'obtiendrez jamais trois avant d'avoir fait 
une division qui vous donne deux. Ceci est une vérité 
vulgaire, sans doute, mais qu'il est bon de rappeler pour 
bien faire comprendre le mécanisme du langage (pour les 
nombres venant de l'idée de division, cf. quatre, p. 408 ; et 
/imf,p.449). 

A côté du skr. DVIS ou DVI (duel DVAU, de DVA), du grec 
AVO, ATÛ; du goth. : twai (ail. : zwei; angl. : two;) ; du 
lith. : dwiy etc. ; nous trouvons le latin DUO, ae, o, deux. 

Outre les noms de nombre que ce mot a formés, tels que 
DUOdecim, dou2^ (skr. DfFÂdaça; gr. : AFQdsxa): DUOdeci- 
mus, douzième; DUOdecies, dou;s^ fois ; DUOdeni, par douze; 
DUcenti, DUceiii, au nombre de deux centSy etc. ; outre ces 
noms, DUO est le père d'un DUplus (gr. : Al7:Xou^) ou DUplex, 



498 Gehrb Détruire. 

double^ rusi^ d'où un verbe DUpUcare, doub/er, aecrùttre^ 
augmenter, etc. De plus, nous devons placer ici DUbîus (= 
DU ou DWI + bius, en skr. bhayas, qtd parait^ quisemblejde 
BHA, parattre)^ qui va décote et d'autres^ douf^ux, équivoque; 
DUBÎum, dou^^, doù DUeitare, doufer, mettre en doute^ hési- 
ter^ qui a lui-même formé les trois composés suivants : 

— ad-DUsitare, incliner vers le doute ; 

— In-DUsilare, douter de^ mettre en doute; et (avec in né- 
gatif) in-DUaitatus et in-DUaitabilis, qtii est hors de douté?, in- 
dubitable^ etc. ; 

— Sub-DUeitare, douter un peu, etc. 

L'adverbe aryaque et sanskrit Divu (grec : AFI2 ; goth. : 
twis)y deux fois, doit nous arrêter un instant. Ce root a 
donné au latin deux formes : l"" DIS, employé seulement en 
composition ; DIS-cedere, DlS-rumpere, etc. ; 2° BIS (d'où 
BIni, deux ; BInarius, dou5/^, etc.), non pas par VIS, à cause 
de la chute du D, comme l'ont prétendu quelques linguistes, 
mais bien à cause de la parenté du son DU et du son B : 
r/Nellum = 5dlum ; bonus = duonus (cf. zend. : bis; hin- 
doustani : byareh à côté du persan duazdeh, etc.). 

BIS, en composition perd son s à moins qu'il ne soit suivi 
d*une autre sifQante. Ex. : Bl-partiri, Bl-pennis, Bl-pariam 
et BIS-seni, BIs-sextialis, etc. 

Le latin emploie Bis en composition, quand il veut mar- 
quer principalement Vidée de dualité ; il emploie DIS quand 
il s'agit d'exprimer une idée généf^ale de division : DlS-per- 
tire, séparer en mille ; Bl-partire, diviser en deux, etc. 

Cette distinction se montre aussi en sanskrit, en grec et 
dans les langues germaniques. 

En skr. DWI, qui exprime l'idée de dualité, a engendré F/, 
qui marque l'idée générale de division. Ex. : DFI-g'a, deux 
fois né (conf. p. 210), DF/-pathar, carrefour de deux 
branches ; oi F/-tan, étendre de différente côtés; F/-sarga, 



Racine DIVA, Dl¥i. 429 

une émission qtii se détache de nous^ et surtout V/nçati (pour 
i)F/nçati), vingt oppose à deux : DVL 

Citons encore DKi-lirdaya, qui a deux cœurs ^ femtne 
grosse^ qu'il est curieux de rapprocher du sens général du 
latin DIS-cordia, séparation des cœurs^ discorde. 

En grec, Ail exprime la dualité (AIzou; = à deux pieds) y 
et AIA,la division générale; AIA est un pluriel neutre comme 
tria, quia; etc. 

Dans les langues germaniques, nous avons zvi (tudesquc), 
zir et Tallemand 2u;d avec le sens de division en deux, tandis 
que le goth. dis exprime la division générale. Zwischen (anc. 
dat. dczwei) s'emploie dans le sens général : ail. mod. : in 
zwischetiy dans Tentre-temps, etc. 

Ce qui ne nous appartient pas étant séparé de nous, du 
sens de division, DWI est arrivé au sens négatif: skr. VI- 
karna, sans oreilles; Fl-g'ana, sans hommes, F/-g'na, d'où VI- 
g néya, méconnaissable, etc. De même en latin DIS-plicerc, 
déplaire, etc. 

Le latin a aussi une forme négative DE = dwe : DE-mens, 
qui a peu d'esprit, dément; DE-bilis (= DE + habilis), dé- 
bile, etc. ; une autre forme DI = dwi : Dl-miltere, renvoyer; 
Dl-gnoscere, méconnaître, etc. ; et enfln un VE = dive, tout 
à fait analogue au F/sansk. : VE-cors, «an5r(Btir;VE-sanus, 
imensé, etc. (Cf. cependant p. 155.) 

De cette idée de séparation le grec a pris celle d'action 
double : AIA-Xoyo;, AlA-îspw, etc. 

Enfin, ridée de diviser a engendré notamment dans la 
langue grecque : 

1" Celle de traverser ou faire traverser dans l'espace et dans 
le temps; dans Tespace (parcourir, etc.); Al-sp/cj^at, AFA- 
PaXXw, AIA-PsXo;, etc. ; — dans le temps (durer) : AIA-jrpx 
TTiYsiv, traverser le commandement; AI-£Ti!;eiv, durer toute 
Vannée, achever Vannée; AlA-y,*t|Aaîsiv, hiverner, etc. 



450 Genre DÉTRUIRE. 

2' Celle A*achevery par traverser (per-pelrare) : AIA-xat^ 
peiv, remplir tout àfaity etc. 

En latin, nous trouvons souvent DI pour DIS, et alors il 
devient long. 

D'autres fois, VS se change en R, ce qui, du reste, arrive 
toujours lorsqu*il se trouve entre deux consonnes : DIR- 
imere, séparer (= DIS + emere, prendre) ^ etc. 

Nous passons à l'étude de quelques mots issus directement 
de la rac. diva, dwi, etc. 

Dérivés romans. — Prov. : dui, dos (deux) ; àoblar {dou- 
bler) ; dopte^ dubte (dout^) ; doptar^ duptar {douter) ; etc. ; — 
ital. : duo, due; doppiare; dotta; dottare; — esp. : dos; 
doblar; duda; dudar; — port. : dous, doas \ dobrar ; duda; 
duvidar; — roum. : doï (m.), doâ (f.) ; elc. 

II. Une forme nasalisée dwa» (par na, pronom des ob- 
jets éloignés), est d'abord devenue wan, et c'est sous cette 
forme que nous la retrouvons dans le germanique wenigj 
frotté, recoupé, usé, petit, d'où peu. Mais ceiVAN s'est adjoint 
sur le terrain latin le préfixe sa ou s (== fortement^ p. 135) 
et nous avons un S-VENex, uséy frotté, fruste, vieux, devenu 
SENex(grec:''Evo;). 

Du reste, ce n'est pas seulement sur le terrain latin que 
se rencontre cette adjonction ; le goth. a sineigs, et le celt., un 
sean, avec le même sens. 

De SENex sont venus : SENilis, de vieillardy senile ; SE* 
Nium et SENectus, vieillesse, sénilité, sévérité, etc, ; SENe- 
scere (inch.), devenir vieux, vieillir, dédhiei-, maigrir, se con- 
Bumer^ périr; SENatus, rassemblée des vieillards, le sénaf, 
d où SENator, sénateur, etc, 

La forme intensitive DWAp, détruire, racler, aiguiser, tail- 
ler^ a perdu partout son D qui est tombé devant W. A celte 
forme secondaire se rattachent le grec 'Oiiaov pour FOnXav, 



Racine »1%^A» D^Yl. i51 

anne^ l'allemand waffCj arme (holl. : wappen) d'où wafnen^ 
armer; enfin l'aryaque et le skr. VApus = VApvas, ce qui 
est plein de sculpture^ ce qui est fouillé^ la figurey la forme^ la 
beauté; d'où le latin LEpos, LEroris (d'où LEridus, beau^ 
élégant^ gracieux^ agréable) avec le sens de belle former 
beauté j etc. — Cf. /entus pourventus, p. 77. 

Enfin, nous avons un exemple de la forme diminutive dans 
Faryaque DWAbh (qui semble deuXy deux^A^oxi le skr. I/Bffa, 
duel : [/Bffau, les deux, le grec "Amçu), le latin Ambo, etc. — 
Cf., p. 153. 

DÉmvÉs ROMANS. — liai. : senii^ (sént/d); senato (sénat); 
lepor^ (gràcé)^ etc.; — esp. et port. : seni/, senado; — 
roum. : sénat, etc. 

ni. Une forme nasalisée dwah, issue de dwaw (w = m) 
guné de dwu ou nu a donné au sanskrit un KAM, crever ^ 
vomir, au grec F£ii.éa) et au latin VOMo, VOMere, vomir, ren- 
dre^ rejeter; d'où, outre quelques dérivés peu importants, 
les composés — con-VOMere, vomir sur; — e-VOMere, vo- 
mir abondamment y etre-VOMere, revomir, retidre^ rejeter y elc, 
— Cf. skr. VÀMày la femme (parturiens) et le sein ; ail., weib ; 
angl.,i<;i/e, la femme; lith., tvemiUy vomir, etc.; angl., to 
vomit j vomir, etc. 

A côté de VOMere, il ne faut pas oublier VOMica qui, avant 
de signifier abcès ^ vomiçue, etc., a exprimé l'idée deplaie^ 
ftéaUj ma/, peste, etc., et surtout VOMer, soc de la charrue^ 
charrue. Ces deux mots, comme on le voit, ont conservé le 
sens primitif de détruire et couper y trancher ^ elc* 

Dérivés romans. — Ital. : yomitare (vomir), etc.; — esp. 
et port. : vomitar, etc. 

IV. La forme nwi est de lieaucoup la plus importante de 
cette racine, car, outre les mots que nous avons étudiés au 
g 1, nous trouvons encore: — En skr., D(f7DHas, divisé; 



i32 Geare Détruire. 

DFfisas, rupture ; DKis, chetxher à détruire^ hair (cf. irRI- 
lare, p. 458), etc.; en grec, "lAto; (pour FlAtcç), qui vit 
retiré^ 'particulier^ etc. ; en làlin, VlDcre, qui a dû primitive- 
ment signifier couper^ séparer^ comme le prouve di-VIoerc 
qui a conservé le sens physique de partager^ di\\se^\ distri- 
buei\ etc. ; de là di-YIsio, pmiage, division; di-VIsor, celui 
qui sépare, disiseur, etc. 

A côté de ce VId latin dans divide^e, correspondant à la 
racine sanskritc ViDHy blesser, diviser, il faut placer le VId 
latin dans Vloére, voir, identique au VId sanskrit, voir avec 
les yeux de Pesprit, savoir. En effet, pour bien voir une 
chose, il faut bien séparer ses divers éléments ou ses 'divers 
attributs, bien les distinguer; nous renverrons du reste le 
lecteur à ce que nous avons dit à propos dePUtare, couper, 
cipefiser {f. 376). 

En sanskrit, h côté de FËDmi, je sais, nous trouvons 
F/i>at, celui qui voit, qui mit, car voiretsat;oir, c'est tout un, 
savoir n^étant que voir intérieurement ; de plus, F/das, la 
puissance de voir; VIdita, un sage; F£/>as, le véda, etc. En 
grec, FElAo;, beauté du visage, forme extérieure (cf. VApus cl 
LEpor) ; F^lAsiv, voir et savoir ; (FElAscia = FElAeia = FElAea) 
FfAsa, apparence, forme, d'où, par l'intermédiaire de la 
transcription romaine Icea, notre W^; FlAetv, voir; FOtA,a 
FElAojiai, savoir, connattre, etc., etc. 

Goth., vitan; anglo-sax., witan ; scand., viia; anc. alh, wi- 
zan; ail., wissen, savoir; angl.,K*il, esprit, etc. ; lith.,fi7i/s(i 
(wydau), voir; weidas, waidas, aspect, vue, visage, etc.; 
anc. si., vidieli, voir, etc., etc. 

Vloereest le père de Vloclicet, il est clair, il est évident; 
VIsum, vision, perception; VIsus, vu^, sens de lawxe; Visio, 
\'\xe, action de voir, examiner ; VIsilare, voir souvent, aller 
voir, \isiter, etc., etc. Citons encore les com-posés: — e- 
Vloens, yisible, clair, eyident, d'où e-Vfoentia, clarté, 



Racine DHA. 453 

évidence; — in-VlDere (voir contre)^ etiyier^ porter eiivie, d'où 
inVIoia, jalousie ^ etme; in-YlDÎosus, enyietix^ etc.; — per- 
VlDcre, voir clairement^ parfaitement^ etc. ; — prae-VIoere, 
\oir (Pavanée^ pr^oir, etc. ; — pro-VIoere, voir d'avance, 
présoir ^veiller d, etc. Le part. prés. pro-VIoens, prévoyant^ 
(d'où pro-Vbenlia, pr<?voyawc^, prescience et providence) se 
contracte en prlloens, préso'^ant, aviséelsagaccy sagcy etc.; de 
là prUDentîa^pr^voi/ance; — re-Vbere, ravoir, etc. — Cf. en- 
core zend. : viV/, savoir, comprendre ;skr.,ff7sa,p^n^fra/ton, 
esprit; F01(o)9|jia:, je connais^ je sais ; FAl26av9[jLat (int. par 
mm), elc. C'est (D)ivisquia donné Fh8|iiç, le col, ou partie 
qui sépare deux régions : ISthrius, isthme. 

Peut-être le mot Idus, nom des ides^ une des divisions du 
mois chez les Romains, est-il pour (F) Idus, par influence 
grecque. Delà viendrait un verbe (F) louare, divi^^r, séparer. 

Dérivés romaks. — Ital. : \edere (voir) ; vi^ifar^ (visiter) ; 
évidente (évident) ; invidiare (eîivi^r) ; prevedere (prévoir) ; 
providen%a (providence) ; prixdenza (prudence) ; dividere (di- 
viser^ séparer) ; istmo (isffcm^), etc. ; — esp. et port. : ver, vi- 
sitary évidente^ prever^ proyidencitty pnxdencia^ dividir, etc. ; 
— esp. : invidiar, istmo ; — port. : mvejflr,is/fcmo; — roum. : 
avedea^ a visita, a prevedea^ provedinsa^ prudensa^ istm^etc. 

49 

DHA 

(DHAN) 

Frapper, tuer* lievrter» trôner. 

Le sanskrit possède un DHAna, tuerie^ destruction^ dans 

iprat' DHAm^ bataille ; DHAms, l' arc^ le tueur ; et, avec perte 

du d inital : HAMi, il frappe^ il tue; H Ain (m. f. n.), frappé ^ 

tué. 

28 



434 (iKN&K DÉTRUIRE. 

En grec, nous trouvons : ÔElNeîv, frapper; S^r^aïui^ (inch), 
mourir^ et toute leur famille ; OA^atoç, o, mart^ etc. 

Enfin, dans la langue latine, nous avons un verbe FEiioere 
(F = DH, pp. 87 et 93), qui est à DHAn ou HAm ce que 
TEwoere est à TAn. 

La véritable racine latine est FEn, que nous retrouvons 
dans FEisestra, le trou^ Vimverturey la fenêtre^ etc. 

Ce verbe FEnoere est inusité, mais il a formé des compo- 
sés : — de-FEwDere, /rapp^r, écarter un ennemi^ se d^endre ; 
de là de-FEifsio, déîefise ; de-FEwsor, défetiseur^ etc. ; — in- 
FEnsus, irrité j ennemi^ etc. ; — of-FE«Dere, heurter contre ^ 
frapper contre y offenser; de là oP-FEnsus, ûs, reticontre, choc; 
of-FENsor, ofïensetir ; of-FExsare, heurter^ choquer^ etc. 

Dérivés romans. — Ital. : Guér^fra (ïenélre)\ fendere (ten- 
dre) ; di' (détendre) ; of- (o/îens«') etc. — esp. : hend^r ; de- 
fend^r; o-; — porl. : fend^; de-; of-^ etc. 



50 

I. Au sens primitif et physique, nous trouvons le skr. 
DARayati, il déchire^ il divise; DARayati, il brise^ il fend ; 
DARis, coupure; DARDARr, brisé; DRtis, dépouille^ et avec 
L pour R : DALan et DALis, division^ fragfnent^ portion^ etc. 

En grec: AEPo), AEIpco, farrache, f enlève; ÀEP(Aa, Ti ; 
AP1|A9<;, perçant; ÀHPi;, t); combat ^ ÀEAXi;, i^, guêpe; AUAio- 
\k%i,jefendsyje détruis. 

En latin (avec L = II) : DOLus(gr. AOAo;), morc^ae* ; d'où 
chose enlevée, arrachée, fraude^ dol, tromperie; de là un 
verbe DOLare, couper, façonner, travailler; DOLabra, dolafrr^f^ 
doloir^, sorte de pioche ou Aehache (anc. si., dlato, couteau) ; 
DOLare a un composé verbal e-DOLare^ avec les mêmes sens. 



iUciME OR. 435 

DOLium, le tonneau (le bois creusé), semble se rattacher à 
cette racine, ainsi que DOLo (grec : AOAwv), bâton ferréy ai- 
guillon^ poujnard. — Cf. anc. si., dlato ; russ., doloto ; anglo- 
sax., daradh; scand., don ; armor., dared, lance, poignard, 

DARD. 

Il efa est de même du verbe DELere, DELeo, détruire^ faire 
dhporaîtrcy biffer, etc. — Cf. lilli., dur ru, je déchire ; russ., 
deru; lith., dallyiUj je coupe : irl., dailim ; got., tairan; lilh., 
dirti; anc. si., drafi, etc.; diviser, couper ; gaôl., dorr; ail., 
zom (de %ehren [ver-zehren], déchirer ; angl., to tear), la co- 
lère (qui se manifeste par la destruction). — Cf. xéroç, 
odium, haine (p. 407). 

Les langues germaniques prouvent qu'il exista dans la 
langue commune un i^hb, déchirer ^ couper, à côté de DR : 
goth., dailjan (d^où dai/s, partie, portion; ail., theil; angl., 
deal\]^ïïg\.,to deal; b\\.^ theilen, diviser, trancher, par- 
tager. 

Nous signalerons encore lé français trappe (skr. DARa, 
trouj crevasse y grotte), issu du tud. trapa, trou (percé), trappe 
d'une forme HRp. — (Cf. ail. treffen). Trappe a donné al- 
traper, prendre dans \xne trappe; ital., attrapare ; esp., atra* 
par, etc. 

DÉanrÉs ROMAMs. — Esp. et port., dolo (dol) ; — ital., doglto 
(tonneau), etc. 

il. L'idée de détruire s'est individualisée ici en celle de 
causer du mal, de la douleur (la cause physique rappelant in* 
directement l'effet physiologique ou moral), puis éprouver 
de la peine, et enfin se plaindre. Le verbe latin DOLere ex- 
prime tous ces sens. Son participe présent DOLens signifie 
plaignard, dolent, tandis que le négatif in-DOLens désigne 
une personne qui ne se plaint jamais^ qui ne ressent rien, in* 
dolente. 



436 Genre DÉTRUIRE. 

Mais le mot le plus important de celte famille est Tactif 
DOLor, celle qui tourmente^ la doul^r, le chagrin (physique 
ou moral). 

Un inchoatif DOLescere, que Ton rencontre seulement dans 
un glossaire (Philox.), a formé les composés : — con-DOLe- 
scere, souffrir beaucoup et souffrir avec; — in-DOLescerc, 
souffrir y s^affiigersur quelque chose; — per-DOLescere, éprou" 
ver une vive doul^r, etc. — Cf. skr. DARa, crainte; DAR- 
ada, ^//roi^etc, etc. 

Dérivés romans. — Ital. làolere (souffrir); dogliente (do- 
l^n^) ; doler^ (douleui) ; doglta (chagriuy peine) ; dolenzay 
Aog\ien%a (doléance); — prov. : dol^iisa, doktUia (dol^anc^); 
— prov. et esp. : dolor (douldwr); — csp. : doler, doli^nf^, 
àolencia; — port. : do^ (souffrir) ; ddiente (dol^i^ ; — port, 
et roum. : dor (douleur), etc. 



6. Ordre B, D, G. 

Tribu G. 



5t 



Broyer, frotter» nser* 

A côté du sanskrit G'Aflati, il broie^ il frotte^ il use ; lo 
latin a GRAnum, /e grain (le broyé), d'où GRAnarium, gre- 
nier. 

Cf. grec, rrPi;, rj, fine farine de froment; irland., erse, 
gran; kymr., grawn; arm., greûn; anglo-sax. et scand., 
corn^ korn;wOiC. ail., Aoni, kern; anc. si., zrîno ; russ., zerno; 
pol., ziamo, etc. ; lous ces mois avec le sens de grain et blé. 

C*esl la même racine csii au sens d'user, qui a donné au 



Racine ^. 457 

skr. G'Af?ana, m. f. n., uséj vieux; G'ARat, vievx, et au grec 
FEPwv, vieuxy vieillard^ et toute sa famille. 

Cf. skr., G^, broyer y ronger ^ dévorer; GAAan, poison; 
grec : rOP^cç, destructeur^ féroce^ etc. 

DÉRivfis ROMANS. —Prov. : gran, gra (graiw) ; — ital. et esp. : 
grano; — port. : grâo; — roum. : graimf^, etc. 



7. Ordre R. 



52 



Détmire. 

K;lip.K,(AG) Kdh(AD,); 
K|ili;Rk(UK); Rks;TK. 

I. R. 1. AR, RA9 labourer. 

L'idée Ae déchirer adonne celle de labourer; en effet, c'est 
celle première idée qui vient naturellement h Tesprit lors- 
qu'on voit la charrue fendre la terre en la soulevant violem- 
ment. 

A côté des mots sanskrits AJtwati, il rompt, il fend; /Aâ, 
la terre labourée ; et du grec APco), je laboure ; ''EPa, terre (irl. , 
ire) , le lalin nous présente ARatrum (gr. APoxpcv, to), char- 
rue; ARator, laboureur; ARatio, /ai^our, etc., et deux compo- 
sés verbaux ; ex-ARare, enlevei* en labourant, creuser, sillon- 
ner, déchirer, tracer; et ob-ARare, /atowr^r, cuiliver autour. 

A ARatrum, comp. kymr., aradyr, arado ; anc. corn.,i 
aradar ; armor., araze, arar, etc. 

ARvum, terre labourée, champ, et son similaire ARmentum 
(m=w, p. 77), bête delabour, animal domestique, sont encore 
plus voisins du sanskrit ARwati. — Cf. lith., aru; lett., 



458 Genre DÉTRUIRE. 

arru; russ., oriu ; pol., orze^ je laboure; irl., araim; kymr., 
aru ; arm., ara ; goth. , arjan ; anglo-sax . , erian ; scand. , eria ; 
tud., aran; all.,âr^; angl., to are^ labourer. (VoirPiclet, 
op. ciL, II, 78, 79-) 

Le sillon que laisse dans Teau la rame et le navire lui- 
même en creusant Tonde ont fait donnera Faviron le nom de 
REmus (cf. skr., ARitra, ram^, gouvernail; grec, 'EPeti^ç, 
Ti\meur; anglo.-sax. et scand., ûr; angl., oar^ sued., ara; 
grec, en composition, HPy)ç, etc., rame). 

De RËmus sont venus REmex, ram^r, d*où REmigium, ra- 
mesy rang de rames, et REmigare, ramer; bi-REmis, à deux 
rangs de rames, etc. 

Dérivés romans. — Ital. : arare (labourer) ; ara(ro (charrue); 
armento (troupeau) ; ramo, rama, remo (rame), etc. ; — esp. 
et port. : arar, arado; — esp. : remo; — port. : armenfOi 
armten^o, remo, rama, resma, etc. 
2. IR, IRly être en colère y s'irriter. 
La colère s'exprime par son eiTet, la destruction, le mai ; 
aussi avons-nous en latin IRa, colère, fureur , d'où IRatus, ir- 
rité; IRasci (inchoat. ), se mettre en colère, s'emporter ; IRacun- 
dus, colère, irascible, emporté; IRacundia, penchant à la colère, 
irascibilité, etc. 

Un thème, Rit«« frappé, rade, déchiré, a donné le verbe 
inusité Rltare, d'où ir-RIlare, blesser, déchirer, irriter, pro- 
voqtier, etc , et quelquefois anéantir, annuler, d'un ir-RItus, 
anéanti; annulé, stérile, vain, etc. 

DÉnivÉs ROMANS. — liai., esp. et port. : ira (colère, ire) ; — 

ital. : irascibile (irascible) ; irrtfare (irriter), etc. ; — esp. : 

' irascible, etc. ; — port. : irascivel, etc. ; — esp. et port. : irri- 

tar ; — roum . : a irita, etc. 

5. AL, LA, déchirer, mettre en morceaux. 

LAtro,onis, ledéchireur^ le sabreur, le soldat, exprime plus 

souvent Tidée d^assassin, de brigand, de voleur ; de là LAtroci- 



Racinb R« 459 

nari, être à la solde de qnelquun et exercer la piraterie ; LA- 
trocinium, service militaire, vol à main armée j brigan- 
dage j etc. 

Cf. le grec AA-rpt;, soldat, et principalement 50/da^ merce- 
naire ; d*où serviteur à gages, esclave, etc, 

Nous devons encore placer ici un verbe latin LAniare (issu 
d'un part. parf. passif RAam conjugué d'après la dixième 
conjugaison : RAnayAmi^), déchirer, mettre en pièces, d'où 
LAnis, LAnionis (aussi LAnius,-ii), boucher ; LAnista, hniste, 
celui qui achète, forme ou vend des gladiateurs ; et un composé 
di-LAniare, avec les mêmes sens que le simple. 

Dérivés rouans. — Ital. : htro (voleur) ; hniare {déchirer)] 
— esp. : hdron; — port. : hdrào, etc. 

4. LI, combattre^ polir, blesser, heurter. 

Le combat se dit en latin Lis, LItis, forme de part. prés. m\ 
et spécialement la contestation en justice, le procès; de là LI- 
tigare, être en procès, en Yitige, plaider; Lltigium, querelle, 
dispute, procès, litige; LItigiosus, litigieux, etc. 

Le nom de lim^, Lima (celle qui polit), est isolé et ne se 
retrouve que dans les langues celtiques : irl. erse : liom- 
hàn; kymr., llif; arm., Itm. 

Déaivés romans. — Prov., litigi (litige); — ital., esp., et 
port. : litigio ; — prov., ital., esp. et port. : lima (lime) ; etc. 

5. RU, tomber, labourer, creuser. 

La forme ru s'est conservée intacte dans RUere, arracher, 
détruire, jeter à terre, précipiter^ et au neutre, se jeter à terre, 
se précipiter sur, s élancer. De là RUina, chute, écroulement, 
ruine, et les composés : cor-RUere, s écrouler, tomber^ se 
précipiter; — de-RUerc et di-RUere, précipiter, renverser, 
abattre; — e-RUere, démolir, puis creuser en fouillant ; etc. ; 
— ir-RUere, /bndre sur, s*élancer sur; etc.; — ob-RUere, 

1. Rt ej(l à Rlta comme un part. prés, k nn part, pa^sé. 



440 Genre DÉTRUIRE. 

écraser^ accabler^ el plus souv., engloutir ^ enterrer y elc. ; 

— pro-RUere, pousseï* en avant^ renverser ^ s élancer ^ etc. ; 

— sub-RUere, battre en brèche^ ruiner, renverser^ dé- 
ttnirej etc.; — cf. \iih. ^rauju; russ., rtou, j'arrache : russ., 
ftii/ttt, je brise; lith., liippn; rus., /up/iu, je coupe; li th., 
lauz'n; rus., loz'z'Uj je romps; etc.; goih. ^ lausian; ail., 
lôsenj rompre, délier, elc. ; — grec : Pït^;, arraché, enlevé; 
PAFio) (guné), je brise^ je détruis, etc. 

Nous avons vu plus haut (p. 457) ARare, ARvum, etc. ; 
nous avons a étudier ici le mot analogue RUs, RUrîs, champ^ 
campagne^ qui appartient aussi à l'idée première de déchi- 
rer le sol. Nous en avons la preuve dans le lithuanien rau- 
sytij creuser, fouiller la terre, rtisas^ silo pour le blé, etc. ; 
dans l'anc. si., rusagû^ terre; le pers., rûstâ, terre à blé ; le 
kymr., rhws; Tirl., r05, terre cultivée; Tanglo-sax., reoxl; 
anc. ail., riostar; ail. mod., ràster^ soc de charrue, etc. 

De RUs sont venus RUsticus et RUsticanus, qui concerne 
les champs, TustiquCy inculte, et substantivement, paysan, 
villageois (cf. le pers., rùstârj avec le même sens), et en 
mau>aise part, simple, rustre, rustaud; RUsticitas, nicmrs 
champêtres, simplicité, rusticité; RUsticari, demeurer à la cam^ 
pagne, s^occuper de travaux des champs, au fig., écrire incor- 
rectement, etc. 

La même forme a encore donné au latin RUtnim, ser- 
fouette, bêche j d'où RUtellum, racloires. Cf. anc. si., rylo, 
rglïtsa, pioche; russ., rytelï; pol., rydel; anc. ail., riutel, 
pieu; irl., raamh; kymr., rfuiu;, pelle, etc. 

Dérivés romans. — Ital., esp., port, et roum», ruina (ruine); 

— ital., esp. et port., rustico (rustique); port., ruir {se 
ruer); etc. 

G. LU, détruire, déchirer, rompre, dissoudre, perdre, ouhliet\ 
Les trois langues classiques ont un même verbe affaibli 
(L=R) au sens de détruire. 



Racine R. 441 

Le skr., LU (LUaimi) exprime l'idée de détruire et couper ; 
de là LUj (pu coupe; LCfnaka, coupure^ division; LAfFa, 
fgun6),}i^{t/; LAH^itran, faucille^ etc. 

Le grec AYeTv signifie détruire j rompre^ arracher y détacher, 
diviser, délier, pm^donner, etc. ; de la AVccra, fureur, colère. 
Cf. AEIo;, broyé, aplati, arraché, épilé, poli; AKb, tj : V ce 
quon arrache, proie, butin; 2"^ ce qui arrache, grattoir, 
AAFtov, To, moisson et faucille, etc. 

Quant au latin LUere, c'est déchirer, détruire, délier, c'est- 
à-dire perdre. Relativement à cette idée de perdre, que l'on 
retrouve dans toute la famille de LUere, disons tout de suite 
que quand une chose est en complète division, en complète 
séparation d'avec vous, elle est perdue pour vous (cf. goth., 
liusan, guné de lusan; tud., lojan;al\., ver-lieren; angl., 
(o/o«d, perdre; ail., lôschen, enlever, arracher; erlôschen, 
verlôsehen, s*éteindre, etc.). 

A la même racine et à côté de LUere, nous placerons 
LVeSj fléau, peste, corruption. 

LUere a donné deux composés très-intéressants, soLVero 
ctobLIvisci. 

So-LVere (SO = sa), c'est rompre, défaire, briser, dissou- 
dre et pardonner, expier, purifier ; etc. De là so-LUtio, dé- 
composition d*un être, payement, solution (d'une difficulté) ; 
et quelques composés : — ab-soliVere, déliei\ dégager, ab- 
soudre; de là ab-soLUtio, délivrance, c/fr^olu/ion ; dis-soLYere, 
diviser, séparer, dissoudre, d'où dis-soLVtio, destruction, sé- 
paration, dissolution; — ex-soLVere, délier, dissoudre, etc. ; 
— per-soLVere, subir, expier, payer, déliée' entièrement, ré- 
soudre, etc. ; — re-soLVere, briser, rompre, délier, expli- 
quer, résoudre, etc. ; d'où re-soLUtio, action de dénouer, de 
délier, réso\ution, etc. 

Ob-LIVisci (ob -f- LU -H iscere, inchoat.), c'est perdre la 



442 Genhk DÉTRUIRE. 

mémoire d'une chose et oublier; de là ob-LIVium et ob- 
LlVio, action d'oublier j oufrli, etc. 

Le déchirant j le lion, c'est en aryaque LAW-at (pour 
RAWat) renforcé en Uknv-mmt (forme gunée de participe pré- 
sent), qui serait en skr., LAW&n; le grec a AEFcdv (gén. 
AEFsvt-oç), tandis que le latin n*a plus que LEo (pour LEon), 
LEonis (rém., LEaena [gr., AËaiva] liomie.) Pour expliquer 
la forme française lion, il iaut se rappeler que les Latins 
prononçaient toujours avec un son mouillé la rencontre de 
deux voyelles; ils disaient : LEjo, caveja^ PV^J^^ ^Ic. Com- 
ment aurions-nous eu des deux dernières formes cage et 
ptjfdon, sans ce j intercalaire, non écrit, mais seulement 
prononcé par les Romains (voy. page 76). — Cf.tud., louwOj 
lewo ; anc. slav., lïtfû; rus., levû; lith., lutas ; etc. 

Ici encore il convient de placer la déesse du vol et de la 
rapine, LAVerna, d'où LAYerniones, voleurs^ etc. (cf., RA- 
pina, LUcrum, etc.). 

Dérivés bomans. — Prov., ab^ohre (absoudre); ab&olutio 
(absolution); dt^solvr^ (dissoudre); — udo (dt^solutton); etc.; 
— ital., éwsolv^r^; - uzione; dis - ; ua^ton^; ri- ;- usione; 
oMivione (oubli); — esp. et port., obsolver; r^solv^r; — 
esp., obsolucion; d%';re''; — Port., obsolvîpâo; dissol- 
ve»*; — uçào; risolupâo; — esp. et port., olvicio (oubli) ; etc. 

Lion = leo (prov.), leone (it.) ; leon (esp.) ; leSo (Port.) ; 
leu (roum.). 

II. Mp. Arraeher, enlever, rompre. 

Une forme intensitive en P, Rp a donné au latin son 
RApere, arracher ^ enlever, d'où RApina, chose enlevée ou ac- 
tion d^ enlever, rapt, rapine ; RApax, qui saisit, VBpace (de 1& 
RApacitas, rs^pacite) ; RApidus, qui saisit vite, et absolument 
qui fait vite, rapide (de là RApiditas, rapidité) ; RAptor, celui 
qui dérobe, voleur, mvissetir; RAptim, en prenant vite, d'où 



Racine 9. 4iri 

précipitamment; le fréq., RAptare, miraXner viteei ravager^ 
piller^ etc. 

RApere a formé en outre des composés verbaux : 

Ab-RIpere, arracher de^ enlever, emporter, etc. ; 

Ar-RIpere, prendre soudain , saisir , etc. ; 

Cor-RIpere, prendre, saisir, accuser, etc.; de là cor-REp- 
tare et cor-RErtio, action de saisir, etc. ; 

De-RIpere, arracher de, enlever, ôter ; 

Di-Rîpere, tirer de divers côtés, déchirer, mettre en pièces ; 
d'où di-REptio, dépouillement, pillage ; 

E-Rïpere, tirei- hors, arracher de, etc. ; 

Prae-Rîpere, saisir le premier, s' emparer de, etc. ; 

Pro-RIpere, tirer dehors avec efforts, entraîner ; 

Sub-RIpere, prendre à la dérobée, soustraire, etc. 

La même forme intensitive ^ip, a donne au skr., LUp, dé- 
tniire, briser, rompre, faire irruption, et au latin (avec inter- 
calation d'une nasale), un verbe RUupere, briser, rompre, d'où 
RUplor, celui qui rompt ; RUptura, rupture, etc. ; RUpes, roche 
abrupte, et un grand nombre de composés : — ab-RUnpere, 
disjoindre en brisant, briser ; d'où ab-RUptio, rupture, et ab- 
RUptum, pente Tdipide, précipice (cf. RUpes), etc. ; — cor- 
RUMPere, détruire, corrompre, gâtei^; d'où cor-RUplio, cor- 
ruption ; cor-RUptor; corrupteur, etc.; — de-RllHpere, usité 
seulement au passé de-RUplus, escarpé; — di-RUMpere, fra- 

m 

casser, briser, rompre, etc. ; — e-RUsiPcre, sortir dehors avec 
impétuosité, s^élancer, pousser hors, briser, percer, etc. ; d'où 
C'KUpHo, sortie impétueuse, irruption, éruption, etc.; — in- 
ter-RUMpere, rompre au milieu, couper, interrompre; d'où 
inler-RUplio, tn^crruprio?!, etc. ; — intro- et ir-RUiipere, en- 
trer rapidement, se précipiter vers; d'où ir-RUplio, attaque, 
irruption, etc.; — per-RUsipere, biiser entièrement, au fig., 
s affranchir de, etc. , — prac-RUiipere, rompre auparavant, 
d'où prne-RUptum, lien coupé, escarpé, etc. ; — pro-RUM- 



HA Genre DÉTRUIRE. 

pere, briser ce qui est devant^ fausser avec violence^ lancer^ 
s^élancer^ etc. 

Enfin, comme dernier produit latin de la rac. secondaire 
IMp, nous devons citer URrex ou IRpex, sorte de hayau. 

Dérivés ROBiAKs. — Ital., ra//îre {enlever); rapiiia (rapine); 
rapac^ (rapûc^) ; raptrfo (rapide) ; rompere (rompra) ; ^ru- 
aïond (^rup/ion),elc.; — esp., rapitki; râpas ; rapirfo ; rotn- 
per ; corrompar (corrompre)) erupciouy etc.; — port., rà- 
pina; rapffce; rhpido; romper; erupçâo^ etc.; — roum., 
a rapi (etilever); r^pire (rapiwf); rapifor (rapace); repede 
(rapide) ; a mpe (rompre) ; a corupe (corrompre) ; erupste 
(éruption) ; a intrerupe (interrompre)^ etc. 

III. Bu. Labovrery crevser* faire peine, avoir de la daaiear. 

Les premiers mots que nous rencontrions dans la famille 
de ■« sont le skr., AG'ra (a* pour ■«) ; le grec Arpsç, le 
champ j la terre labourable (cf., ARarr, p. 437), dont le 
similaire latin est Acer pour Agi*us = un ik^nm organique. 
(Cf., Abel Hovelacque, dans la Revue de linguistique^ I, 200.) 
De là Acrestis et Acrarius, relatif aux champs^ ugreste ou 
agraire; Acricola, agriculteur; Acricultio et Acricullura; 
agriculture; per-Acrare, aller à travers les champs, parcourir; 
per-Ecrinus, qui est errant, étranger, voyageur, pèlerin 
(= perejfrin), qui fait des pérégrinations (per-Ecrinatio) ou 
qui est dans la condition d*un étranger (per-Ecrinitas); per- 
Ecrinari, être ou voyager à V étranger; per-Eorinator, grand 
voyageur, etc.— Cf.,goth., akrs; anglo-sax., aecer; scand., 
akr, eh a; tud., achar = champ. — irl., acra; kymr., 
egr; d'où le franc,, acre, mesure de verre. (Voir plus haut 
RUs, p. 440.) 

A cette forme appartient encore un nom latin du hoyau, 
LIgo, - onis(cf. ARatrum). — Cfr., skr., lûngala, charrue; 
scand., reka, hoyau et épée; tud., racho, herse; irl., laighe. 



bêche, pelle, etc.; et pour Tidëe, le latin RAslrum, herse, 
bêche, — Cf. encore : lith., rez'u; russ., riez'u, je 
tranche. 

RlNcari, c'est grogner en montrant les dents, c est-à-dire 
en ouvrant la déchirure de la bouche. Rictus, la bouche béante, 
Couverture des lèvres, etc. 

A côte du skr., RUg', blesser, faire souffrir; de RAUod, 
maladie, de RUcna (part. parf. passif), malade, etc.; le latin 
possède un LUcere, LUceo, être affligé, témoigner de la dou- 
leur, pleurer; de là LUcubris, qui annonce de la douleur, af- 
fligé, lugtibre; LUctus, deuil, affUclion; LUcluosus, qui cause 
du deuil, affligeant; LUctificus, /un^^^e, etc. ; et un composé 
e-LUcere, être en deuil un temps suffisant et quitter le 
deuil, etc. 

Dérivés ROMANS. — Ital., esp. et port., agreste (agreste), 
agrario (agraire); lugubre (lugafrr^); — prov., et roum., 
agrest; voura., agrarie; — ital., pellegrino (pèlerin); per- 
egrinazione (pérégrination)-, — esp. et port., porcgrino; — 
esp., peregrinacion ; — port., — açào, etc,; — esp., rinchar 
(hennir), etc. 

IV. M. Détrolre, roii|rer. 

i. L'inlensitif en Rd(parDA, p. 145), se retrouve in- 
tact dans le skr. ARd, blesser, attaquer; ARoa (coupé), demi, 
semi...,la moitié; RAd, creuser, tailler ; RAoa, RADana, la 
dent,elc., et dans les verbes latins ROoere et RÀDcre. 

ROoerc, c'est détniire a force de ronger, déchirer, mettre en 
pièces, etc. De là trois composés : — ar-ROoerc et circum- 
ROoere, ronger, vofiger autour ; — prac-RÛDere, ronger par 
devant, par le bout, etc. 

RAoere, c'est heurter, choquer, couper, raclei*, etc. De là 
RAoula et RAilum (pour RAolum), racloir; RAstrum (cf. 
ARatrum, p. 457), RAstra, RAsler ou RAslri, herse, bêche, 



446 r.£HBE DÉTRUIRE. 

ràteauy etc., et enfin les composés : ab-RAoere, cor-RADere 
et e-RA]>ere, rac/er, enlever en ndanty etc. 

Cf. pers., randj rabot, racioir, râteau; irl., rodléh^ 
tuâhbhj scie, etc. 

Dérivés romans. — Ital. : roiferf (ronger) ; radere {r^êer) ; 

— esp. : roer, arroMr, ranirar; — port. : roer. arrosar ; — 
roum. : a roade, a rade, etc. 

LAEoere (guné de LId), c'est frapper^ blesser j endamntager, 
nicire, lésfr, insuUer^ etc. De là LAEsio, blessure^ mdadiej 
lésion, etc.; e( les composés : — al-LlDere (affaibli ; y. p. 69) 
heurter contre j frapper contre^ briser; d'où al-LIsio, action de 
frapper contre^ de broyer ; etc. ; — col-LIoere, frapper con- 
tre j s'entre-ehoqtier^ d'où col-LIsio, choc^ heurt ^ collision; — 
e-Lbere, presser fortement^ faire sortir j arrachef\f briser^elc; 
d'où e-LIsio, àelion i exprimer un liquidey et (terme gramm.) 
liston ; — il-Lbere, frapper contre^ briser contre j etc. — 
Cf. tud., lidan; ail., leiden (guné), souffrir; reissen^ dé* 
chirer, rompre, fendre, arracher; retien, arracher; angl., 
to rtd. 

Dérivés Romans. — Prov. leaio (lésion) ; — ital., lesione; 

— esp., lésion; — port., lësar (léser); lêsâo» etc. 

2. AD, DA, broyé?*, manger ^ jouir. 

Mais si nous avons des exemples de ^é conservé, en beau- 
coup de cas aussi, cette racine est modifiée par le cliange- 
ment de la voyelle r en a, et nous avons un terme secon- 
daire Ad. Cette racine secondaire a été traitée par le lan- 
gage comme une racine primaire et a formé, en composi- 
tion avec d'autres verbes^ des racines tertiaires. A part une 
forme désidérative Esca (pour EDsca), nourriture^ aliment 
(d^où Escalis, qui se sert àjabky etc.), la forme simple aB 
est la seule qui ait donné des dérivés au latin. 

Manger^ broyer la nourriture^ se dit en sanskrit AD-ti 



lUciKs ^. 447 

ou AT'ii^ iltnange; A/Vna (pour AOnàj^nourrittire ; ADanan, 
alimenty etc. 

En grec, nous trouvons Eletv, manger ; Ele^ijux, xo, nourri' 
ture^ etc. 

Le latin possède aussi un EDere (EDo, Esum pour EDsum), 
manger; d'où EDax, grand mangeur^ vorace, etc. (cf. ferox, 
andax^ voraXy etc.). Du part. Esus est venu Esurire (désidé- 
ratif, cf. p. 146), avoir faim, être affamé^ etc. 

EDere a Tonné en outre quelques composés : - ad-EDere, 
manger en partie^ ronger ^ consumer ; -7 amb-Esus, déchiré, 
dévoré; — com-EDere, manger y et au fig. dissiper son bien ; 
— ex-EDere, manger^ dévorer^ ruiner ^ etc. ; — in-EDia, pri- 
vation de nourriture^ abstinence^ ifumilion ; — ob-Esus, rongé j 
mais plus souvent sur — (ob^api) — nourri^ obèse j replet, 
grasy etc.; de là ob-Esi(as, obésité, excès d* embonpoint; — 
per-EDere, dévorer ^ ronger, consumer, etc. ; — sem-Esus, à 
demi mangé, à demi rongé. 

Citons encore ANnona (pour ADnona), nourriture, ration, 
et surtout provision de vivres, que nous rapprocherons du 
skr. ADana. 

— Cf. lîth., ^(Imi, je mange; russ. et poL, ie[d)m; russ., 
iedenle, nourriture; goth., itan, manger; ail., essen; angl., 
to eat; gaël., itham ; kymr., esu, je mange, etc. 

Un participe présent actif, EDen(t)s ou DEn(t)s, signifie 
celle qui broie, la dent ; de là DEntatus, qui a ses dents, deit- 
telé; c-DEntulus, édenté; bi-DEns, qui a deux dents ; tri-DEns, 
qui a trois dents, tridenf , etc. 

Cf. skr.,DAt, DAntas; gr. OAOu; (pour OIOvt), OAO;to;, 
b ; Mih., ddntis ; goth., tunthus; angl., /ootft ;alL, zahn ;kymv. , 
dant, elc. 

Eniin, le même ab, uni au préfixe »u» exprimant Tidée de 
bien (p. 21 1) a constitué une racine tertiaire svab, qui pri- 
mitivement signifie bien manger; deln SWAD, manger, goû* 



448 Genbe DËTRllKE. 

ter^jouir^ ; SH^i4Dana, action de manger; SWÀDws (=SWA' 
Duas, plein de bien mangé) ^ qui n'esiste plus en sanskrit, 
mais qui se retrouve dans le grec llÀuç, bon à manger , savon- 
renx^douxj agréable^ etc., et danslelalinSUAvis(==SUADuis), 
agréable au goût, doux, suav^, d où SUAvitas, goût agréablfj 
douceur y susivité, agréments, etc. — Cf. encore le grec ANAâvci), 
'AAstv, plaire, être agréable, être du goût de, d'où 'HAovi^, plai- 
sir, joie, agrément, volupté, etc. 

Dérivés romans. — Ital. : edac^ (mangeur^ glouton) ; esca 
(nourriture); dente (deiU) ; soav^ (suar^); soat^ttô (suavité), 
de; — esp. : obesidad (obésité); dic;)f^, suav^, sunvidad, 
etc. ; — port. : edaz, ôbesidade, dente, suar^, sixkvidade, 
clc. ; — roum. : dinte^ etc. ; — prov. : dent, etc. 

V. Rbh. Perdre, être privé de. 

La racine primaire r, par l'adjonction du verbe lormatil 
des diminutifs mmîK, a constitué une rucine secondaire Rbh, 
qui est reproduite par le skr. ARbhb, ARBmkdi, qui n'a 
plus que le sens de petit enfant, petit d*ammal, dans le sans- 
krit classique, tandis que dans le sanskrit védique il sert, 
comme adjectif, à désigner les choses ])eli(^5, faibles, chétives, 
d où jeunes, etc. — Cf., pour la forme, skr. ARb, attaquer, 
tuer, blesser, et pour le sens, le grec Aho;, nu, chétif, petit 
(pour usé, aminci); goth., leitils; angl., little, petit. 

En grec et en sanskrit, les mots qui correspondent pour la 
forme au skr. ARBHa, expriment l'idée de perte, de privation; 
OPi'sç, privé de, d'où 'OPjpavsj;, orphelin; OHbus, privé de, dé^ 
laissé, etc. — CI*, arm., orfr, orphelin ; russ., robia, enfant; 
allem., arm, privé de, etc. 

ORbus est le père d'ORfiare, priver de ; d'ORDitas, perte, pri-- 
vation, etc. 

i. Bien manger était pour les premiers hommes le suprême et presque le 
seul moyen — le langage en est témoin — d'élre content (con-TENtus = bien 
lendUf bim plein). Cl. encore PRl, satisfaire, aimer, eiV^newpHr. combler. 



lUciRE 9JL, 449 

Cf., venant égaieinenl de la forme diininulive i^bh : tud., 
raubon; ail., raufren, arracher, enlever; goth., raupian; ail., 
rupfen^ raufen^ arracher, plumer, elc. 

Dérivés ROMANS. — Ital. : orfano^ orfanino (orphelin); — 
esp. : hnèvfano; — port. : or/ao, etc. 

VI. Rky détndre, troucry lacérer» amicbery gagner. 

La forme secondaire qtk, détruire^ briser y elc, est à la lèle 
d*une assez nombreuse famille. 

Le seul mot qui, en latin, n^ait pas affaibli H en L est RUiica 
ou encore RUnco, -onis, «arc/oir, d'où RUncare, «arc/er; RUn- 
cina (gr.'PTKûtviQ), rafcof ; RUncinare, rafcol^', etc. Peut-être 
aussi RAUca, ver, et eRUca, chenille^ appartiennent-ils à la 
même racine, à cause de l'efietdestructeurdeleur présence. 
— Cf. skr., RVk\ frapper; Lt/ivci ta, coupé; pers., randy 
randahy rabot, rdteau, etc. ; goth., raupian, sarcler, etc. 

Partout ailleurs, dans cette racine secondaire, le latin a 
affaibli l'R en L. 

Ainsi LAcus, fentej trou, d'où LAcuna, lacune, et LAcunar 
ou LAouear, plafond avec lacune, avec lambris, etc., est pour 
RAcus. — Cf. skr., LUk, rupture, lacune; ail., /uc/re, /ocA, trou, 
lacune, etc. 

D'un thème LAcer, mutilé, déchiré, mis en pièces (cf. grec, 
XAK&pàq), la langue de Rome a fait le verbe LAcerare, lâcher, 
déchirer, mettre en pièces, etc. De là LAceratio, action de dé^ 
chirer, de hcérer ; LAcinia (grec, AAkCç), ^ejfmefi^, morceau, 
parcelle, qui a formé lui-même LAciniare, diviser par parties, 
morceler, etc. ; et un composé : di-LAcerare, avec les mêmes 
sens que le simple. 

La première richesse ayant consisté dans le butin arraché 
àl'ennemioudans les moissons coupées dans lescampagnes, 
on comprend que Tidée de profit, gain, bénéfice, soit venue 
de celle de couper et d'arracher (cf. RApina, p. 442, etLAver- 

29 



iôO i\iùMiL DÉTRUIRE. 

nioiies, p. 4i2). C'est, en elTet, ce qui a eu Heu pour LU- 
crum, d'où LUcrari, gagner ^ avoir du bénéfice ^eic. — Cf. skr., 
LOta, LOtra, butin ; gr. : AHiov, xb, moisson; AEia, v^ ; goth., 
loun; anc. ail., /aofi; ail., /o/»/, gain, profil ;irl., /ol, ra- 
pine, etc. 

Deux formes issues de u ont perdu complètement la 
voyelle R qui s'est changée en u', puis gunée en aw. 

Ces deux formes sont Occa et Oclo. 

Occa signifie A^«^, instrument de labourage; delàOccare, 
herser y etc. Cf. gr., 'Osiva (de 'Osùç) ; kymr., ocdt;arm., 
oged^ etc. 

Ucto, c'est, comme nous l'avons déjà vu (p. 123), la dou- 
ble division (cf. les nombres 2, 4) par quatre des deux mains; 
il n*est pas besoin de faire remarquer qu'Octo est une forme 
de duel. Le latin Octo et le grec 'Orto) sont mieux conservés 
que leskr. il.s(au(pourAçtau=AK'tau=AKlau). — Cf.goth., 
ahtau; ail., acht; gaël., ochâ^ elc. 

Nous citerons seulement les principaux dérivés latins de 
octo : 

Octoni, qui sont au nombre de huit; Octavus, hnUième; 
October, le huilième mois de Vannée ; Octies, huit fois ; Octo- 
ginta, quatre-vingts; Octogies, quatre-vingts fois ; Octogesi- 
mus, quatre-vingtième; Octogeni, qui sont quatt^e^vingts ; Octo- 
genti et Octingeni, qui sont huit cents; Oclogcntesimus, hui( 
centième, etc. 

DÉnivÉs ROMANS. — liai., port, et roum. : lucuna (lacune) ; 
lacerare (lac^^r) ; lucro (lucre) ; otto (huit) ; ottanta {quatre- 
vingts) ; ottobre {octobre), etc.— esp. et port. : laccrar, lucro; 
— esp. : la^tma, ocfco,ocfcen(a, ocfwfcrc, etc. ; — port. : oi/o, 
KÀtenta, oulubro, etc. ; — roum. : opt (huit) ; octobrie, etc. 

i. On remarquera que ^t se changera en A et en U» mais jamais eu l« bien 
qu il y ait de nombreux exemptes de vocables en IR ou RI 9 IL ou IjI* 



KACIMe; R. 451 

VII. ^loif eoaibaltre« décUrcr. 

Le radical inchoatifBi» est le père de RIxa, combat Jutte^ 
vixe^ d'où RIxari, se quereller^ lutter ^ combattre^ etc. ; cf. gr., 
'EPizu), 'ËPiSo) (dorien), lutter^ combattre, etc. 

A côté de ce mot, il faut placer rafîaibli LUxare, arracher, 
détacher, disloquer, luxer, d'où LUxalio et LUxatura, luxa- 
tion, etc. 

Enfin, nous avons encore à citer le skr., Rà'sa qui, dans un 
passage du Rig-Vëda, signifie encore destructeur (Bôhtlingk 
elRoth, Sanskrit' Wôrterb.), tandis que dans le sanskrit clas- 
sique il est le nom de Vours. Ce nom se retrouve dans un 
certain nombre de langues indo-européennes et en particu- 
lier dans le grec ''APKto; et dans le latin UR(g)sus, d*oà un 
féminin Uasa. 

Dérivés romàhs. — Ital. : ri^a (rixe) ; orso {ours), etc. ; — 
esp. : rija, 050, etc. ;— port. : rixa, lûxar (luxer) ; urio, etc.; 
— roum. : nrs, etc. 

MU. W— R. Vraipper, Memer, Inlter. 

L'union du préfixe awa (p. 139) et de la racine i|ta donné 
un radical secondaire au sens de blesser. Le sanskrit, par une 
forme iiirst=:W4ttai, possède un H^Rtra , /e ^ueur, i ennemi; 
et aussi un verbe VRAçc (= VRAk), déchirer; le goth., un 
verbe vritan, blesser, gratter, tracer (angl. towrite, écrire). 
Le grec a aussi un BPAxoç (éol.) devenu PAxoç, puis AAxoç, 
tb, ce qui est déchiré, lambeau, etc. Le latin place ici un VUL- 
nus (affaibli pour VURnus = ¥KABM), blessure, coup, d'où 
VULnerare, /a/re de« blessures, blesser; VULneratio, etc. 

Parle changement de la voyelle R en v et Taddition d'un 
M intercalaire, cette forme WR (devenu wcn) a donné au 
skr. YUNTayâmi (cf. goth., vuntsan; dX\.,wunden), blesser. 
Cf. le grec FYxcUa el FÏTaÇw, je blesse, je frappe, elc. 



[ 



loi. Gis» DfiTRClRE. 



La même forme «s, eo prenant b toyellc i et la forme 
intensitlTe par m (p. i45K a donné au grec un FEPizr.v 
iMer^ combaiire^ ei un FEPt(è)r, 'EPt^sç, dispute ^ querelle j 
discorde (cf. TPtvwâ;, furie)^ dont le correspondant latin est 
Rlvalis {=- Rldualis =r FRIdualis), qiù hute avecy mal. Ce 
mot a formé un substantif RIvalitas, luUe^ malite\ etc. 

Débitée mk.%ks. — Ital. : vulnrriir^ {blesser) ; rivale {rival); 
rira/îl (rira/if^'), etc. ; — esp. et port. : rnlnerar^ rival ; — 
esp. : ritalidad ; — port. : rivâlidadc ; — roum, ; rival y riva- 
litote^ etc. 



FIS DC LA PilBIEftE PAJtTU 



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PARI». — i«p. >iiio.x IUÇ05 ET toiir., MTb u'iiftri KTn, 1. 



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