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BIBLIOTHÈQUE SCIENTIFIQUE CONTEMPORAINE
L'ALGÉRIE
LIBRAIRIE J.-B. BAILLIÈRE et FILS
BIBLIOTHÈQUE SCIENTIFIQUE CONTEMPORAINE
Les Vosges, le sol et les habitants, par G. Bleicher. 1 vol.
m-16, avec 28 figures 3 fr. 50
Les Pyrénées, par J. Trutat. 1 voL in-16, 400 pages, avec
30 figures 3 fr. 50
Les Alpes Françaises, par A. Falsan. 2 vol. in-16, avec
figures. Prix de chaque volume 3 fr. 50
L'Egypte au temps des Pharaons, la vie, la science et
l'art, par V. Lorct, maître de conférences à la Faculté de
Lyon. 1 vol. in-lG, avec 18 photogravures 3 fr. 50
Les Pygmées, par A. de Quatrefages. 1 vol. in-16, avec
31 gravures 3 Ir. 50
La Place de l'homme dans la nature, par Th. Huxley.
1 vol. in-16, avec 84 figures 3 fr. 50
Les Sciences naturelles et l'éducation, par Th. Huxley,
membre de la Société royale de Londres. 1 vol. in-16. 3 fr. 50
L'Évolution et l'origine des espèces, par Th. Huxley.
1 vol. m-16, avec 20 figures 3 fr. 50
Le Transformisme, par Ed. Perrier, professeur au Muséum
d'histoire naturelle 1 vol. in-16, avec 88 figures.. 3 fr. 50
Les Facultés mentales des animaux, par le Dr Foveau
DE CouRMELLES. 1 vol. in-16, avcc 31 figures 3 fr. 50
La Géographie zoologique, par le D"" Trouessart. 1 voL
in-16, 63 figures et 2 cartes 3 fr. 50
Au bord de la mer, par le Dt" Trouessart. 1 vol. in-16,
avec 1 49 figures 3 fr. 50
Pèches et chasses zoologiques, par le marquis de Folin.
1 vol. in-16 avec 117 figures 3 fr. 60
La Vie des oiseaux, scènes d'après nature, par le baron
D'Hamonville. 1 vol. in-16, avec 18 planches 3 fr. 50
Les Ancêtres de nos animaux dans les temps géolo-
giques, par Albert Gaudry, membre de l'Institut, professeur
au Muséum. I vol. in-16, avec 49 figures 3 fr. 60
Les Tremblements de terre, par Fouqué, professeur au
Collège de France, membre de l'Institut. 1 vol. in-16, avec
44 figures 3 fr. 50
Les Abeilles. Organes et fonctions, éducation et produits,
miel et cire, par Maurice Girard. 3^ édition. I vol. in-i6,
avec s5 figures 3 fr. 50
La Truffe. Étude sur les truffes et les truffières, par le D^"
G. Ferry de la Bellone. 1 vol. in-16, avec 21 fig.. 3 fr. 50
9440-97. — CoRBEiL. Imprimerie Éd. Crété.
^
//S'
L'ALGÉRIE
LE SOL ET LES HABITANTS
FLORE, FAUNE, GÉOLOGIE, ANTHROPOLOGIE
RESSOURCES AGRICOLES ET ÉCONOMIQUES
PAR
J.-A. BATTANDIER et L. TRABUT *
PROFESSEURS A l'ÉCOLE DE PLEIN EXERCICE DE MEDECINE
ET DE PHARMACIE d'aLGER
PARIS
LIBRAIRIE J.-B. BAILLIÈRE et FILS
19, rue Hautefeuille, près du boulevard Saint-Germain.
\
1898
Tous droits réservés
BIBUOTHECA
PREFACE
L'Algérie est encore peu et mal connue en France.
Elle demeure le pays des mirages. Suivant les
impressions et les tempéraments elle a été décrite
tantôt comme un eldorado, tantôt comme un enfer.
Elle n'est ni l'un ni l'autre, mais tient un peu des
de ux
Ce qui a pu provoquer des jugements si différents,
c'est que l'Algérie ne constitue pas une région
homogène ; elle est pleine de contrastes. Elle est
comme un tapis formé de pièces d'étoffe les plus
disparates : ici d'impénétrables forets, là des sur-
faces absolument nues ; près de régions très plu-
vieuses des contrées désolées par la sécheresse; là
des régions tempérées, ailleurs des pays torrides.
Commençant par un rivage tout européen, elle finit
dans le mieux caractérisé des déserts.
Dans les populations, même diversité. L'élément
indigène est tantôt attaché au sol comme l'Auvergnat,
tantôt pasteur et nomade comme les peuples bibli-
ques. Les races riveraines de la Méditerranée qui
se sont jointes aux Français pour coloniser le pays
finiront par se fondre avec nous en modifiant notre
caractère de façon très diverse à l'Est et à l'Ouest.
L'Algérie a beaucoup encore à révéler aux cher-
VI PRÉFACE.
cheurs ; l'exploration méthodique n'en est pas
terminée.
Dans ce livre nous avons accumulé les notions
d'histoire naturelle que nous eussions désiré trouver
nous-mêmes en arrivant. Nous avons fait connaître
les ressources qu'offre ce pays où, malgré une
somme énorme d'efforts isolés, il reste tant à faire
pour la mise en valeur du sol.
La France importe encore des pays étrangers trop
de blés, de vins, d'huiles, de tabacs analogues à
ceux que l'Algérie pourrait lui fournir. Le bétail
Algérien constitue une ressource précieuse. Les
mines, les phosphates, les alfas sont exploités par
des étrangers et la France n'en tire aucun profit.
Tous les efforts doivent tendre à cette mise en
valeur du sol, œuvre longue et difficile. C'est un
beau champ d'activité pour ceux de nos compatriotes
qui ne redoutent ni le déplacement, ni la lutte contre
les éléments les plus variés.
Adonnés depuis plus de vingt ans à l'étude
botanique de l'Algérie, nous l'avons parcourue en
tous sens pour effectuer le dénombrement et étabUr
la répartition des plantes qui peuplent ses plaines,
ses montagnes et ses solitudes. Ce travail nous a
permis de voir beaucoup, de puiser nos renseigne-
ments à des sources sûres et d'acquérir des convic-
tions que nous cherchons de bonne foi à faire
partager à nos lecteurs.
J.-A. Battandier. — L. ïrabut.
Alger, 15 décembre 1897.
TABLE DES MATIERES
Préface v
Chapitre !«'". — Géographie physique 1
Chapitre IL — Le Tell 4
Montagnes, 4, — Çqurs d'eam 7. — Lacs, 8. — Climat, 0. — Pluies, H .
— Vég(''tation, 15. — Arbres et arl)ustes, 17. — Broussailles, 18. —
Forèls, 24. — Chêne-liège, 31. — Cèdre, 37. — Pin d'Alep, 41. —
Thuya d'Algérie, 43. — Oxyccdre et genévrier, 43. — Sapin, assenées
secondaires, 44. — Flore herbacée, 46.
Chapitre III. — Agriculture 67
Nature des terres, 57. — Aménagement des eaux, 61. — Cultures, cé-
réales, 69. — Légumineuses, "3. — Vignes, 74. — Olivier, 78. —
Figuier, 83. — Caroubier, 84. — Abricolier, prunier, cerisier, pêcher,
amandier, 86. — Pommier et poirier, 87. — Cûprieretnéflii r du Japon et
bananier, 88. — Oranger, citronnier, cédratier, 89. — Goyaviers, anones,
avocatiers, kakis, 90. — Jardins, 91. — Cultures maraîchères, 95. —
Cultures industrielles et arboriculture forestière, le tabac. 97. — Plantes
textiles, 99. — Plantes pour la parfumerie, 102. — Plantes tannifères,
102. — Eucalyptus, 105. — Champignons, 109. — Sériciculture, 110.
Chapitre IV. — La Steppe 111
L'Alfa, 120.
Chapitre V. — Le Sahara 141
Mer intérieure, 143. — Climatologie, 147. — Cours_illeau, 130. — Dunes,
153. — Sources, 136. — Fiore saharienne, 158. — Oasis, 167.
Chapitre VI. — Anthropologie 175
L'homme préhistorique, 175. — Les premiers habitants, 193. — Mèdes
Chananéens, Phéniciens, Carthaginois, Romains, 19G. — Vandales,
Byzantins, Arabes, Turcs, 197. — Juifs, 198. — La conquête française,
198. — Les Indigènes, 199. — La tente, 204. — Le gourbi, 207. —
Les habitants de la tente et du gourbi, 208. — Kabyles, 213. — Les
Juifs. 219. — Démographie, 220. — Maladies, 227
VIII TABLE DES MATIÈRES.
Chapitre VII. — La faune
I. Mammifères 2:îO
Magots, 230. — Lion, panthère, 231. — Serval, chat sauvage, caracal,
232. — Guépard, chacals, 233. — Jieiiard,-fenuec, cliien, 234. — H\ènc,
\iverridés, mustélidos, 235. — Our-s, 230. — Mammilères pélagique.«,
237. — Élé^hiiul, sanglier, 238. — Cjieval, 239. — Mulet, âne, 244.
— Dromadaire, cerfs, daims, 245. — 4JlliJûp£., buljale, 248. — Addnx,
mouflon, ^D^ttulon, 249. — Chèvre, bœuf, 253. — Chéiroptères, insec-
tivores, rongeurs, dipodinés, 255. — Léporinès, 256.
II. Oiseaux 257
Rapaces, 257. — Garrulidés, sturnidcs, passereaux, 260. — Grimpeurs,
colomi)idés, 262. — Gallinacés, 263. — Autruche, échassiers, 265. —
Palmipèdes, 267.
III. Reptiles 208
Tortues, sauriens, 269. — Serpents, 271.
IV. Batraciens 274
V. Poissons 27G
Poissons de mer, 276. — Poissons d'eaux douces, 280.
VI. Articulés 283
Crustacés, 283. — Arachnides, myriapodes, insectes, 284. — Sauterelles,
287. — Altise dà la vigne, 302. — Ver blanc, 305. — Phylloxéra, 306.
VII. — Mollusques, vers et coelentérés 307
Mollusques, Aunélides, 307. — Lombrics ou vers de terre, corail, 30S.
Chapitre VIII. — CJéologie 309
Schistes cristallins et terrains paléozoïques, 312. — Terrains juras-
siques, 313. — Terrains crétacés, 316. — Terrains tertiaires, 320.
— Terrains quaternaires, 32'». — Quaternaire ancien, 325. — C'O'i-
teruaire récent, 328. — Formations récentes, roches éruptives, 331. —
— Mines et carrières, 332. — Phosphates, 335. — EiVux,jnainiEaies,_330.
Chapitre IX. — Conclusions 351
L'ALGÉRIE
CHAPITRE PRI^MIER
GÉOGRAPHIE PHYSIQUE
L'Algérie, avec le Maroc et la Tunisie, constitue
le Maghreb des AraJjes ou Mauritanie des anciens,
région bien nette, comprise entre le Sahara, la Médi-
terranée et l'Atlantique. Toute la climatologie de ce
pays peut se résumer dans ces deux influences:
vents du nord-ouest, chargés d'humidité, apportant
la pluie et la fertilité; vents du sud et du sud-est,
secs et torrides, venant de la région désertique et
amenant avec eux la sécheresse et la stérilité. Aussi
loin que les vents humides peuvent amener la pluie
en quantité suffisante s'étend le pays cultivable; au
delà se trouvent d'abord la steppe, puis le désert, où
la culture n'existe qu'autant que des irrigations sont
possibles. Un même relief montagneux susceptible
de barrer la route aux nuages aura un versant déser-
tique et un versant couvert de riches cultures. Telle
est la sécheresse des vents désertiques qu'elle n'est
guère modifiée par les mers intérieures comme le
golfe Persique et la mer Rouge.
Battandter et Tiubut. — Algérie, \
2 GÉOGRAPHIE PHYSIQUE.
Ainsi isolé du Sud et de l'Orient par de vastes
déserts, soumis à la même influence vivifiante que
l'Europe, c'est avec elle que le Maghreb a le plus de
rapports; il semble en être un prolongement. Pour
la plupart des géologues, iln'en a été séparé qu'assez
tard dans la série des temps ; d'ailleurs, dès que
l'homme a su se servir d'un bateau, le détroit de
Gibraltar n'a été pour lui qu'une faible barrière, aussi
ce pays semble-t-il avoir été, de toute antiquité, un
carrefour où sont veuues se heurter les populations
de l'Europe et de l'Asie, et plus anciennement encore
les flores de l'Orient et de l'Occident.
L'Algérie constitue un vaste rectangle, dont les
deux grands côtés sont la Méditerranée et le Sahara.
'^ Ce rectangle s'inchne fortement sur l'Equateur de
l'est à l'ouest, de sorte qu'entre les latitudes de La
Galle et de Nemours il y a près de 2 degrés de diffé-
rence. Il a plus de 1 000 kilomètres de long, et une
largeur indéterminée, la limite poUtique vers le
Sahara étant tout à fait virtuelle. L'orographie en
est très simple.
Deux grands bourrelets montagneux courent par
rallèlement à la Méditerranée, formant une bordure
Ultorale et une bordure saharienne. Ces deux re-
Uefs montagneux ont leur maximum d'écartement
dans la province d'Oran (150 à 200 kil.). Ils devien-
nent au contraire confluents dans la province de
Constantine et ne sont plus séparés en Tunisie que
par la vallée de la Medjerda.
Le versant méditerranéen du premier de ces bour-
relets constitue le Tell, assez semblable au midi de
la France et à peu près partout cultivable. On désigne
gous le pom de Hauts-Plateaux une longue terrasse
GEOGRAPHIE PHYSIQUE. 3
élevée de 500 à 1 100 mètres, comprise entre nos deux
Êoîirrelets, et au ^^ià^_du__dernK£_se_troiLYe le
Sahara. Toutefois nous ne conserverons pas la di-
vision géographique connue sous le nom de Hauts-
Plateaux^ car elle ne constitue pas une région na-
turelle.
pans_ies^ provinces d'Oran et d'Alger on trouve,
sur une grande partie de leur étendue, la région des
steppes, trop sèche pour les cultures, et propre seu-
lemenj; aujpacage^des .mouton s; présentant çà et là
des dépressions où viennent se rendre les eaux peu
abondantes qui coulent, soit du versant sud-dti hottr-
relet méditerranéeiL, soit du versant nord du bour-
relet saharien. Ce sont les Chotts, bassins larges et
peu profonds généralement à sec l'été. Sur un seuî<
point, cette région est drainée par le Chéhf. Dans la
province de Constantine, où les puissants rehefs
montagneux des Babors et de l'Aurès s'anasto-
mosent entre eux, la steppe est réduite à peu de chose.
La latitude y est plus élevée, le golfe de Gabès y
diminue l'aridité des vents du sud-est; aussi les
pluies y sont-elles plus abondantes. La région des
Hauts-Plaleaux ne saurait s'y distinguer du Tell.
C'est à peine si l'on y trouve encore quelques chotts
à bassin peu étendu, comme la Guerra el Tarf.
Même le massif de l'Aurès y présente à peu près par-
tout des terres de culture. Partout ailleurs l'influence
de la steppe est dominante sur les montagnes du
cordon saharien et ce n'est qu'à une altitude assez
grande que des cultures y seraient possibles.
îiousjlistinguerons donc en_Algériaj._i° le Tejl ou
région culturale ; ^~lâî^région des sie.p]f)es\ 3" le
^hara.
CHAPITRE II
LE TELL
Montagnes. — Le Tell, région essentiellement
montagneuse, ne forme qu'une longue chaîne paral-
lèle à la mer et diversement découpée et ramifiée.
La plupart de ses reliefs et des plaines qu'ils enser-
rent sont orientés comme la chaîne principale. La
hgne de partage des eaux est assez éloignée de la
mer ; elle commence vers la frontière marocaine par
le massif tlemcenien, dont le pic le plus élevé, le
Tenouchfi, a 1 842 mètres et dont plusieurs autres
dépassent 1 500 mètres. Ces monts de Tlemcen ont en
général leurs parties abruptes tournées vers la Médi-
terranée, tandis que la face sud s'incline lentement
vers la région des steppes. Aussi ce versant nord,
où coulent de nombreuses sources et même de puis-
santes cascades, comme celles de Tlemcen, est-il
d'une remarquable fraîcheur. On y trouve de belles
forets de chênes et de pins. Ce massif est continué
réguUèrement par les montagnes de Tiaret, de
Teniet et de Boghar, qui se maintiennent à peu près
dans les mêmes altitudes, flanquées vers Orléansville
par la belle pyramide calcaire de l'Ouarsenis qui
atteint près de 2000 mètres. Entre Boghar et Blida
se trouve une série de chaînes parallèles à la
direction générale. Ce sont les monts du Titteri,
MONTAGNES. 5
comprenant les monts de Bugliar, les monts de
Médea, les Béni Sahla de Blida. Ces montagnes, qui
dépassent souvent 1 600 mètres, semblent être le
véritable nœud orographique de la région. Elles se
relient d'une part, par le seuil d'Adelia, avec les deux
Zaccars et le grand massif côtier du Dahra ; d'autre
part, par le Bou Zegza et le Tigremount, avec la
grande chaîne kabyle, et enfin, en arrière, avec la
ligne de partage des eaux, qui sera loin désormais
d'être la plus élevée et qui comprend le Dira, les
Mahdids, les Bibans, les monts de Gonstantine, etc.
Cette chaîne s'anastomose elle-même avec l'Aurès.
Entre cette ligne faîtière et la mer s'étendent des
terrains variés : de grandes plaines parallèles à la
mer, comme la Mitidja et la plaine du Chélif, des
vallées le plus souvent perpendiculaires à la direc-
tion des plaines et des montagnes ; un cordon litto-
ral, commençant par la chaîne des Traras et se con-
tinuant par les montagnes d'Oran, du Dahra et le
Sahel d'Alger. Ce sont généralement des collines ou
des montagnes peu élevées, présentant çà et là quel-
ques pitons que le voisinage de la mer fait paraître
plus élevés qu'ils ne le sont réellement ; tels sont les
Filhausen, le Merdjadjou, la Montagne des lions, le
cap Ténès, le Chenoua, etc. Ce cordon forme tantôt
de vastes pâtés comme le Dahra, tantôt une faible
ligne de collines comme le Sahel d'Alger. A partir
des monts du Titteri commence la grande chaîne
Kabyle, arc de cercle allant de la chaîne faîtière à la
mer, vers Bougie où elle se termine par le cap Car-
bon. Cette chaîne est remarquable par sa grande alti-
tude, plusieurs de ses pics atteignent *2200 et
2 300 mètres^ ses cols se maintiennent sur une grande
6 LE TELL.
longueur à des altitudes de 1 200 à 1 800 mètres. Entre
cet arc de cercle et la mer s'étend la grande Kabylie,
pays très montagneux, très frais et extrêmement
peuplé. Cette haute muraille forme un écran qui
arrête les nuages; tandis que son versant nord reçoit,
plus d'un mètre de pluie par an, la région des Bibans,
située au sud, serait presque aussi désertique que
le Sahara, si des montagnes élevées comme le Dréat,
les Mahdids, le massif des Beni-Abbés n'y mainte-
naient un peu d'humidité.
Au delà de l'oued Sahel, dont la vallée longe la
muraille kabyle, commence le massif considérable
des Babors, qui arrive par les montagnes de Sidi
Rehan et du Chabet el Akra jusqu'au bord de la mer,
tandis que d'autre part il s'unit à l'Aurès par les pla-
teaux sétiQens qui dépassent généralement 1000
mètres d altitude. Les sommets des Babors approchent
de 2 000 mètres et ceux de l'Aurès s'élèvent à 2 300
mètres, aussi se forme-t-il là un énorme pâté monta-
gneux, où le Tell va presque jusqu'au désert. Ce pâté
s'étend presque jusqu'à la mer, de Bougie à Philippe-
ville ; au delà se trouvent les plaines de Bône et de
La Calle, séparées de la mer, vers Bône, parle massif
de l'Edough.
Tout cet ensemble telhen, constituant sensible-
ment le versant méditerranéen de l'Algérie, renferme,
d'après Elisée Reclus, environ 200000 kilomètres
carrés. Il estpresque partout cultivable et l'on estime
qu'il pourrait nourrir 12 millions d'habitants, à con-
dition d'en tirer tout le parti possible.
Aux points de vue climatologique et cultural, on
peut les diviser en :
1° Tell inférieur^ contenanttoute une série de plaines
COURS D'EAU, 7
et de collines peu élevées, dont on peut fixer la
limite vers 600 mètres d'altitude;
2° Tell supérieur, contenant des plaines élevées et
les pentes des montagnes de 600 à 1Î200 mètres;
Et enfin 3*" la région montagneuse proprement
dite, au-dessus de 1 200 mètres.
Cours d'eau. — De tous ces reliefs montagneux
s'écoulent de nombreux oueds, cours d'eau torren-
tueux qui se rapprochent assez des qaves pgénéens.
Le plus considérable et le plus régulier de ces cours
d'eau est le Chélif. C'est le seul qui traverse à la
fois la région des steppes et le Tell. Parti du bour-
relet saharien au Djebel Amour^ il traverse et draine
toute la région dite des hauts plateaux entre Fren-
dah et le Zahrés Rharbi, puis Adent butter contre le
massif du Dahra là où les Zaccars, élevés de près
de 1 800 mètres, forment son plus puissant rempart;
dévié vers l'ouest, il longe ce massif parallèlement
à la mer, ce qui est très rare parmi les rivières algé-
riennes, et va former son embouchure près de Mosta-
ganem, après un parcours de plus de 700 kilomètres.
Pourtant il ne forme jamais qu'une bien modeste
rivière, nullement navigable. Il conserve cependant
toute l'année un débit assez important, dont on
pourra tirer de plus en plus parti pour irriguer la
longue plaine qu'il traverse. Son cours est fort régu-
her entre des berges creusées à pic dans les allu-
vions de la plaine.
La^upart des._auJzesj20iirs^dlfîauJ£jJimis_s£iJiLdes
torrents plus ou moins puissanls^, coulant d'ordinaire
dans la-£égiûii_jï] on tagnausa_el JlejreILiiLû.yfîjx- dans
d'étroits thalwegs rocheux,.. mais_s',épandant à leur
entrée en laj)laine_êurd^^^
8 LK TELL.
mètres, qu'ilsji^recouvrent que pendant le s_graiLdes_
crues et qui sont souvent à secjf'été. Le plus souvent
on y voit serpenter à travers les sables et les gra-
viers quelques minces rubans liquides capricieuse-
ment divisés et anastomosés. Près de la mer, leur
cours se régularise souvent. Ils forment alors une
nappe liquide plus ou moins large, généralement
assez profonde, limitée par des parois abruptes. La
Seybouse passe pour navigable, ce qui est un peu
prétentieux. Près d'Alger, l'Harrach et le Mazafran
portent quelques canots. Celte régularité et cette
profondeur d'eau tiennent à ce fait qu'une barre
marine ferme leur embouchure, ralentit leur cours
et force leurs eaux à refluer. C'est à peine si elles
peuvent en rampant le long de celte barre s'y creuser
un chenal de déversement.
Dans la région très boisée de l'est^ les cours d'eau
sont moins torrentueux, plus réguliers et plus sem-
blables à ceux d'Europe.
Lacs. — Les lacj^^ont peu nombreux dans le Tell.
Tous ceux qui ont pu exister autrefois ont été
comblés par les puissantes alluvions quaternaires
et forment maintenant des plaines, où quelques
points seulement ont résisté à ce colmatage et cons-
tituent encore des lacs marécageux temporaires ou
en partie permanents, comme le Fezzara, dans la
région de Bône, et le lac Halloula dans la Mitidja.
Lors de la conquêle, toutes les plaines étaient maré-
cageuses. Dans la province d'Oran, où il tombe peu
d'eau, il existe un véritable chott littoral, la Sebka
de Miserghin, et quelques autres lagunes salées de
faible étendue. Près de La Calle, au contraire, on
trouve trois lacs profonds et à niveau sensiblement
CLIMAT. 9
constant. Ajoutons quelques étani^s montagnards,
pompeusement dénommés lacs : Mouzaia, Tames-
guida dans les Babors et les quelques mares du
Djurdjura.
Climat. — Le climat du Tell est surtout carac-
térisé par le régime des pluies qui y divise Tannée
en saison pluvieuse et en saison sèche. Les pluies
qui coïncident en général avec les tempêtes de la
Méditerranée sont le plus souvent amenées par le
vent du nord-.ouest. Elles commencent h la fm de
l'été, tantôt aux derniers jours de septembre, tantôt
en octobre ou novembre seulement. Elles finissent
d'ordinaire en mai, parfois en juin. Pendant la sai-
son sèche, c'est à peine si, de temps à autre, on
observe quelque légère ondée dans le ïell inférieur.
Sur les montagnes, il tombe parfois des plaies
d'orage, assez faibles d'ailleurs. Môme pendant la
saison pluvieuse, il n'est point rare de voir le ciel se
maintenir pur quinze jours ou un mois de suite, en
décembre et en janvier par exemple, avec une tem-
pérature assez élevée (20 ou 25° à midi). Ces phéno-
mènes très appréciés des hiverneurs se produisent
surtout pendant les années de sécheresse.
C'est le Sahara qui est la principale cause de la
saison sèche. En effet, les vents qui en viennent sont
secs et brûlants; ceux au contraire qui soufflent
du nord au sud, vers des cUmats de plus en plus
chauds, fussent-ils saturés d'humidité à leur arrivée
en Algérie, s'éloignent de leur point de saturation à
mesure qu'ils s'avancent et qu'ils s'échauffent.
L'air du Tell inférieur, saturé de vapeur d'eau au
contact de la Méditerranée, est, au moins sur le litto-
ral, très humide pendant la saison sèche. Les brouil-
10 LE TELL.
lards n'y sont point rares la nuit, mais se dissipent
de grand matin. Quelquefois un épais brouillard
dure un jour ou deux, mais le fait est rare. A mesure
que les nuits deviennent plus longues, les conden-
sations nocturnes prennent plus d'importance. En
août, il n'est pas rare de voir le brouillard persis-
ter dans les bas fonds jusque vers 9 heures du
matin ; les rosées sont alors abondantes et amènent
le réveil de quelques plantes estivales. Le sirocco
vient souvent, en septembre, interrompre ces conden-
sations nocturnes pendant des périodes de trois à
quinze jours. L'air est alors très sec, le ciel terne et
voilé par les impalpables poussières sahariennes,
et la température peut exceptionnellement dé-
passer 40° à l'ombre.
Lorsque ce vent saharien cesse de souffler, on
voit, dès le mois de septembre, le ciel, pur jusque
là, rouler de gros nuages, prélude des pluies pro-
chaines.
Dans le Tell inférieur, il n'y a presque jamais
d'orages pendant l'été. Ce n'est guère que l'hiver
que l'on entend le tonnerre et que la grêle est à
craindre. Sur les montagnes, au contraire, et dans les
hauts plateaux, les orages sont fréquents pendant la
saison chaude, mais les précipitations qu'ils amènent
sont peu abondantes.
Néanmoins, plus on s'élève dans les montagnes,
moins la sécheresse estivale se fait sentir.
Un phénomène inverse se produit quand on
s'avance du Uttoral vers le sud. La grande plaine
du Gliélif, abritée des effluves marines par le massif
du Dahra, est déjà bien plus sèche que la Mitidja.
Plus on s'avance vers le sud, plus l'influence saha-
'
PLUIES. 11
rienne se fait sentir, sauf sur les montagnes très
élevées.
Pluies. — La quantité de pluie (1) qui tombe
dans le Tell est assez considérable, supérieure sur
bien des points à celle qui tombe dans la majeure
partie de l'Europe. Mais cette eau tombe en masses
considérables pendant une seule saison, au lieu de
se répartir régulièrement dans le courant de l'année.
En outre la zone pluvieuse étant voisine de la mer,
tandis que l'intérieur est désertique, nous n'avons
que des cours d'eau insignifiants.
Les pluies sont au surplus très inégalement répar-
ties dans les diverses régions du ïell. La grande
différence de latitude qui existe entre La Galle et
Nemours, amène dans le régime des pluies des
différences d'autant plus sensibles que les plus
grands massifs montagneux se trouvent vers l'Est,
là où la latitude est la plus élevée. Aussi, tandis
qu'il tombe moins de 40 centimètres de pluie sur le
littoral oranais, il en tombe 75 à 85 centimètres à
Alger et près de 1" mètre de Bougie à La Galle. On
ne connaît pas encore bien la quantité de pluie qui
tombe sur les montagnes, mais les quelques obser-
A^ations que l'on possède portent à croire que cette
quantité est, toutes choses égales d'ailleurs, plus
grande que dans la plaine.
Le climat du Tell inférieur est tempéré et remar-
quable par la douceur de ses hivers. Sur le httoral,
la température descend peu au-dessous de zéro et
ne s'y maintient pas longtemps. Rarement l'eau
(1) Voir la carte dressée par le capitaine Brocard : Associa-
tion française pour Vavancement des sciences, Congrès d'Alger,
1887.
12 LE TELL.
gèle la nuit sous une faible épaisseur; le dégel a lieu
dès le matin. Dans la Mitidja, les gelées blanches
sont assez fréquentes; la vigne y gèle même quelque-
fois au mois de mai, ce qui n'arrive jamais au bord
de la mer.
La neige est également rare et de peu de durée
dans le Tell inférieur. A Alger, on ne l'avait jamais
vue, de mémoire d'homme, persister une journée
entière; en 1891, elle a atteint 19 centimètres en rase
campagne et est restée trois jours. Ces faits, quoi-
que exceptionnels, interviennent activement pour
limiter l'aire des espèces. Malgré tout, le froid se fait
assez désagréablement sentir sur le Littoral, à cause
de l'humidité, et des températures de + 8° y sont
très incommodes, d'autant que l'on n'y est pas orga-
nisé pour se chauffer.
Cette humidité du littoral rend encore plus désa-
gréables les chaleurs de l'été. La peau sans cesse
baignée d'une sueur acre s'irrite et produit la désa-
gréable éruption connue sous le nom de gale bé-
douine (Lichen tropicus). Le sirocco amène parfois une
trêve à cette humidité, mais est encore plus pénible
pour beaucoup de personnes, surtout pour les dys-
pnéiques. Les nuits sont par le sirocco souvent aussi
chaudes que les jours. Ce vent peut se faire sentir
toute Tannée, mais en hiver il est peu sensible,
c'est en septembre qu'il est le plus pénible.
En dehors des jours de sirocco, il est rare que le
thermomètre dépasse beaucoup 30° à l'ombre sur le
littoral. La moyenne annuelle y est de 20 à 21"*.
Ce qui tend à uniformiser le chmat du Littoral, ce
sont d'abord les brumes nocturnes qui empêchent
le rayonnement, en second lieu les brises solaires
I
PLUIES. 13
très régulières. Tous les jours, vers dix heures du
matin, s'élève la brise de la mer, la nuit c'est la
brise de terre qui prend le dessus. Aussi loin que
se font sentir les effluves marines, le climat demeure
tempéré. Dans la montagne où l'humidité est
moindre et le rayonnement nocturne plus considé-
rable, on peut trouver des points où, en dehors de
quelques jours de sirocco, la température de l'été
n'a rien de désagréable : Medea, Ben Ghicao, forêt de
ïeniet, etc. Au contraire, dans les vallées encaissées,
où ne parvient pas la brise de la mer, la température
devient parfois insupportable, comme dans la plaine
du Chéh'f. L'air ne se renouvelant pas devient lourd
et malsain. Les coups de chaleur et les insolations
sont à craindre. 11 est bon de se couvrir fortement le
crâne, soit avec un casque en moelle de sureau,
soit avec de nombreux doubles d'étoffe, comme font
les indigènes.
Dans la région montagneuse, le soleil est parfois
très chaud, mais le fond de l'air reste froid. Les
nuits sont toujours fraîches, même en été. La
moyenne annuelle de température donnée par les
sources peut sur certains points ne pas dépasser 8 à
10°. Les froids doivent y être assez vifs, l'hiver; la
neige y dépasse souvent 1 mètre d'épaisseur et per-
siste longtemps. Sur les sommets du Djurdjura, elle
se maintient souvent jusqu'à la fin de juillet. Sur
les sommets moins élevés (1 500 à 1 800 mètres), elle
reste souvent jusqu'au miheu d'avril. L'été, les
orages et les brouillards n'y sont point rares.
Dans les parties les plus méridionales, mais aussi
les plus élevées du Tell : Frendah, Tiaret, Sétif, etc.,
le froid est très vif jusqu'en avril et en mai et la
J4 LE TELL.
neige fréquente. Même dans les plaines basses et
très chaudes Tété, comme le Chélif, le rayonnement
nocturne est plus considérable que sur le Littoral à
cause de la sécheresse de l'ajr, et les gelées y sont
plus fréquentes.
M. le docteur Pauly (1) insiste sur le calme de l'air
si fréquent en Algérie, sur sa stagnation en arrière
des collines parallèles à. la mer, et attribue, non sans
raison, à cet état de choses, l'insalubrité du chmat
et la fréquence des ûèvres paludéennes. Dans les
hauts plateaux balayés par des vents fréquents,
les marais mêmes ne sont pas toujours insalubres.
Les vents sont très instables. Le plus fréquent est
le vent du nord-ouest, qui souffle souvent en tempête
pendant l'hiver. Les arbres du bord de la mer sont
généralement courbés dans cette direction quand ils
peuvent résister, car les gouttelettes d'eau salée
qu'il entraine sont mortelles pour la plupart d'entre
eux. Mais « dans Lensemble les vents sont indécis,
c'est tantôt l'un, tantôt l'autre qui prévaut, sans
grande durée; souvent un calme complet s'établit
dans l'atmosphère (2). o
Efi résumé, il n'existe dans le Tell inférieur que
deux saisons, la saison sèche et la saison humide.
C'est pendant la saison sèche que la terre se repose
et que la végétation s'arrête. Dans le Tell supérieur,
apparaît une troisième saison, l'hiver, qui arrête
aussi la végétation; mais, par contre, l'humidité plus
grande retarde et atténue la période sèche et y rend
le cUmat assez semblable à celui de l'Europe.
Pourtant de temps à autre des siroccos précoces
(1) Pauly, Climatologie comparée.
(2) Aimé, cité par Reclus.
'
VÉGÉTATION. 15
y viennent compromettre les plus belles récoltes.
Dans la région montagneuse proprement dite,
le climat est très semblable à celui de l'Europe
moyenne.
Dans le Tell inférieur, la végétation s'arrête pres-
que complètement pendant l'été. Le sol nu et dessé-
ché, souvent crevassé, paraîtrait alors bien aride,
sans la végétation arbustive formée presque entière-
ment d'arbres toujours verts. Pourtant la végétation
herbacée, quoique rare, ne disparaît pas totalement.
Sans parler des marais et autres Ueux humides ,
quelques plantes choisissent précisément cette épo-
que où la terre est libre, pour végéter.
Dès que les nuits plus longues ont amené des
brouillards nocturnes, toute une petite flore spéciale
se réveille et commence à fleurir. Dès les premières
plaies, les plantes annuelles germent en masse, les
plantes vivaces repoussent et la terre est bientôt
couverte d'un épais tapis de verdure, qui durera
jusqu'à la saison sèche. Grâce à la douceur des
hivers et à la température plus élevée du printemps,
la végétation présente une avance considérable sur
celle de TEurope. On fauche en mai et on moissonne
en juin, dans le Tell inférieur et moyen.
Végétation. — La floi;g_du Tell fait partie de la
flore méditerranéenne, et telle en est l'homogénéité
qu'un naturaUste, brusquement transporté des
garrigues de Montpellier aux environs d'Alger, à
plus de 200 heues de distance, ne s'apercevrait guère
du changement. Tout au plus remarquerait-il quel-
ques plantes exotiques plus nombreuses et plus
puissantes : Opuntia^ Agave^ Eucalyptus, orangers,
^t le jattier venu du Sud. Mais dépouillées de-nes.
16 LE TELL.
éléments d'empruîit, leâ^deux flores, seraient-iïè^
semblables.
Au contraire il suffit de faire moins de 100 lieues,
soit au nord de Montpellier, soit au sud d'Alger, pour
trouver des flores très difl'érentes. Est-ce la Médi-
terranée qui a fait irruption dans une région natu-
relle après l'établissement de la flore actuelle ; est-ce
l'égalité du climat qui règne sur ses bords qui a
amené la similitude de leurs flores : c'est un problème
que nous ne nous chargeons pas de résoudre. De Can-
dolle a démontré que les mers de faible étendue
ont peu de pouvoir pour limiter Taire des espèces,
et sont bien inférieures aux déserts sous ce rapport.
En réalité, l'Europe ne finit qu'au Sahara et tout le
Maghreb n'est qu'un prolongement de la région de
l'obvier. Ce fait est d'autant plus frappant que l'on
voit les mêmes espèces se répéter suiA^ant la longi-
tude sur les deux rives de la Méditerranée. Le Lotus
drepanocarpos Durieu, de Bune, se retrouve sur les
côtes de la Provence; le Campanula rtiacrorhiza, sur
les rochers des Alpes-Maritimes et sur ceux de la
Kabyhe. Le Silène glbrallarica, le Bupleurum gibral-
iaricum^ etc., se retrouvent à Gibraltar et à Oran.
Toute une colonie de plantes espagnoles se continue
suivant la longitude jusque sur les montagnes de
l'extrême Sud oranais.
La flore du Tell varie d'ailleurs non seulement
suivant la longitude, mais encore suivant la latitude
et le rebef du sol. A Nemours, sur le Uttoral, où la
latitude est à peu près celle de Biskra, la flore médi-
terranéenne se mêle à celle de la steppe. A La Galle,
au contraire, on trouve beaucoup de plantes euro-
péennes que l'on chercherait vainement ailleurs en
AMBRES ET ARBUSTES. 17
Algérie : le Nymphsea et le Nénuphar, Ranunculus
flammula, RaphanusLandi^a^ Roripa amphiOia, Rham-
nus Frangula^ Trapa natans, Tliapsia polygama^
Statice Limonium^ Rumex marUimus^ Pohjyonum hy-
dropiper , VaUisneria spiralis, Asplenium mari-
num, etc.
De même, à mesui:ai4iifi_roiL-a!éIfi-Ya_siLr les mon-
iagnes.,_ia végétation prend un caractère plus boréal
et l'on y rencontre beaucoup d'espèces de. l'Europe
centrale ou des montagnes de la région méditer-
ranéenne. Ces espèces commencent à des niveaux
d'autant plus élevés que Ton s'aA^ance plus avant
dans le sud, où la flore des steppes tend à tout
submerger. Chaque sommet de moniagne y repré-
sente une île méditerranéenne, comme nous l'avons
constaté au Mzi, près de Figuig.
Les diA^erses flores de l'Algérie sont bien caracté-
risées par quelques Graminées : les Festuca du groupe
de VOvina^ pour la région montagneuse, le Diss
{Ampelodesmos tenax) pour le Tell; l'Alfa {Stipa tena-
cissima) pour la steppe et enfin le Drinn [Arthrallie-
rum pungens) pour les sables désertiques.
Arbres et arbustes. — Outre le Diss, la flore du__
Tell prescrite encore comme caractéristique -uo
remarquable ensemble d'arbres et arbustes toujours
verts : olivier, lentisque, chêne-liège, chêne vert^_
chêne kermès, myrte, phyllireas, tliuya d'Algérie,
pin d'Alep, caroubier, palmier nain,, laurier, laurier-^.,
rose, arbousier, alatern-fe^-jeta^JLes arbres.011 arbustes,
à feuilles caduques y sont trop peu nomJDreuxjjOijLr
rnediiier_aÊt^asp£ct-laujours vert^ de la. florearbusr.
tive^si l'on en excepte toutefois certaines plaines
occupées par Zizyphus Lotus le Chéhf par exemple ;
Battandier et Thabut. — Algérie. 2
18 LE TELL.
mais cet arbrisseau, se trouvant en général dans des
terrains cultivables, disparaît de plus en plus. Nous
citerons comme autres essences à feuilles caduques :
le Popnlus alba, formant çà et là des bouquets dans
les ravins frais, le figuier, quelques Salix^ VAnagyris
fetida, quelques génistées, le micocoulier, l'orme,
les érables, le chêne Zen, les térébinthes, quelques
peupliers noirs dans la région montagneuse, etc.
Jusqu'à notre arrivée en Algérie, l'Arabe, essen-
tiellement pasteur, n'avait guère modifié la distribu-
tion naturelle des espèces tant végétales qu'animales.
De vastes broussailles ou maquis couvraient plaines
et coteaux, cédant parfois la place à des peuplements
de Diss, dont les touffes rapprochées forment cha-
cune une butte d'environ 50 centimètres de hauteur.
C'est une botte de feuilles rudes et coupantes d'où
émergent quelques hampes de 1 à 2 mètres sem-
blables à des roseaux. Les clairières des broussailles
formaient prairie. Les meilleurs terrains seuls
étaient cultivés à la mode arabe. On labourait ou
plutôt on grattait la terre entre les touffes de brous-
saille. Même les herbes vivaces un peu profondes
n'étaient point arrachées*
Broussailles. — Les essences principales qui for-
ment nos broussailles sont l'olivier, le lentisque, le
chcne kermès, les cistes, le palmier nain, etc.
L'ohvier est très répandu dans presque tout le
Tell jusque vers 1 200 mètres d'altitude. 11 est cer-
tainement autochtone, tantôt à l'état de simple
broussaille mêlé avec d'autres essences, tantôt for-
mant de grands arbres plusieurs fois séculaires, par-
fois de véritables géants comme celui du marabout
de Sidi Rehan près Bougie.
BROUSSAILLES. 10
Les Phyllireas, très semblables à l'olivier, jouent
le même rôle dans les broussailles et poussent
comme lui pêle-mêle avec d'autres essences.
Le lentisque et le chêne kermès jouent un rôle
prépondérant dans la formation de nos maquis, tan-
tôt buissonnants sur les coteaux secs ou très pâturés,
tantôt formant des arbres plus ou moins élevés dans
les vallées fraîches. Le lentisque pousse souvent en
grandes touffes hémisphériques pareilles à des arbres
qu'un cataclysme aurait enterrés jusqu'au milieu du
branchage. Dans les bonnes terres de culture, ces
touffes sont parfois énormes ; sur les dunes du bord
de la mer, elles résistent bien et prennent, au moins
en largeur, un grand développement. Près d'Alger, le
lentisque donne parfois un peu d'une térébenthine
molle et gluante ne se desséchant pas comme le
mastic. Il est assez rare que le chêne kermès porte
l'insecte auquel il doit son nom et que l'on trouve
aussi sur les racines du chêne vert. Ce chêne kermès
est encore connu sous le nom de Garouille. L'écorce
de sa racine est recherchée pour le tannage des
peaux.
Le myrte pousse exceptionnellement aussi à l'état
de grand arbre, mais le plus souvent il reste brous-
sailleux. Il est très abondant dans les broussailles
du littoral des provinces d'Alger et de Constantine,
mais, vers l'ouest, il ne dépasse guère Ténès. Entre
le cap Aokas et Tembouchure de l'oued Agrioun, près
de Bougie, il forme avec le Laurus nobilis une forêt
impénétrable que l'on est en train de détruire et qui
ne comporte guère, outre ces deux essences, que
quelques lianes. A part cette station, le Laurus nobi-
lis forme çà et là quelques peuplements dans les
20 LE TELL.
lieux frais des montagnes et du Sahel. C'est plutôt
un arbre forestier qu'une broussaille.
VErica arborea, grande bruyère arborescente,
joue aussi un rCAe important dans la formation des
broussailles. Son tronc acquiert dans les bons ter-
rains la grosseur de la cuisse. 11 est remplacé
dans l'Est par VE?ica scoparia. Une bruyère plus
modeste, ïEricamultiflora, et l'arbousier sont aussi
très répandus.
Toutes ces broussailles poussent généralement
pêle-mêle avec beaucoup d'autres essences, en pre-
mière ligne desquelles il faut citer le Caly colonie spi-
nosa, remplacé dans une partie de la province d'Oran
par le Calycotome intermedia et dans celle de Cons-
tantine par le C. villosa. Divers genêts, variant avec
les régions, sont aussi très abondants. Les Légumi-
neuses sont encore représentées par des Coronilles,
le Baguenaudier, l'Anagyre, le Psoralea bitumi-
nosa^ etc. Les Rosacées par le Rubus discolor, les
Cratœgus oxyacantha et Azarollus, le Prunus insititia,
le Rosa sempervirens, etc. Citons encore les Rhamnus
alaternus et oleoïdes^ le Jasminwn fruticans^ le
Lonicera implexa^ le câprier, les Lavatera olbia et
maritima^ le Daphne gnidium. A Oran, on trouve
abondamment sur certains points le Withania fru-
tescens et le Rhus pentaphylla^ dont l'écorce et les
feuilles sont utilisées par les Arabes pour le tannage
et la teinture en rouge des cuirs.
A ces broussailles, surtout lorsqu'elles sont éle-
vées, s'entremêlent des lianes. Nous citerons en
première ligne la vigne, certainement indigène et
que M. Pomel a retrouvée dans les travertins qua-
ternaires de Miliana. Elle est partout où la fraîcheur
BROUSSAILLES. 21
est suffisante, depuis le bord de la mer, jusque dans
les montagnes élevées ; elle y grimpe sur les plus
grands arbres et donne de petits raisins acidulés. Le
lierre doit être cité ensuite. Le lierre d'Algérie cons-
titue une belle variété à feuilles grandes et peu
lobées. Citons encore le Smilax aspera, le Clemalis
cirrhosa, le Hosa sempervirens ^ VAristolochia altissima^
le Lonicera biflora dans la province d'Oran et une
très rare, mais très curieuse liane, le Vicia altissima
de Desfontaines, qui, au cap Aokas, couvre de ses
grappes bleuâtres les broussailles les plus élevées.
h'Ephedra altissima et VEpliedra fragilis peuvent
aussi être comptés comme des lianes. Diverses herbes
grimpantes : C alystegia sœpium ^Tamus commums^Qic,
se joignent à elles pour former d'épais berceaux de
verdure.
Les genévriers et le thuya d'Algérie sont aussi
d'importantes broussailles; nous y reviendrons à
propos des forêts.
Une autre classe de broussailles, les broussailles
sous-frutescentes, est représentée en première
ligne par les Cistes et les Hélianthèmes. Les Cistes
forment souvent à eux seuls des broussailles éten-
dues, glutineuses et denses. Le plus souvent ils gar-
nissent les clairières des forêts qu'ils égaient de
leurs belles fleurs, mais, presque secs à la fin de l'été,
ils servent trop souvent à propager les incendies.
Parallèlement aux cistes viennent quelques plan-
tes de même consistance : les Lavandula Stœchas
et dental a, le romarin, qui forment aussi à eux
seuls des broussailles, le Prasium majus, le Teu-
crium fruticans, le Passerina hirsiita, divers As-
paragus^ le Pulicaria viscosa, VA?Hemisia arbores-
22 LE TELL.
ce7is, le Ruscus hypophyllum, des euphorbes, etc.
Enfin les peuplements de palmiers nains, espèces
de broussailles-prairies. Les immenses ténements
de palmiers nains, mêlés toujours d'asphodèles et de
scilles, occupent en etfet le plus souvent des prairies,
dont leurs feuilles ne dépassent guère l'herbe. Ces
ténements sont aujourd'hui exploités pour la fabri-
cation du crin végétal; tout le Tell se couvre de
fabriques, et il est probable que cette plante, si com-
mune aujourd'hui, finira par devenir rare. Le palmier
nain aime les terres de culture peu élevées et pas
trop sèches. 11 monte jusque vers 1 000 à 1 100 mètres,
mais est rare à cette altitude. On le trouve aussi dans
les rochers. Une fois déraciné, le palmier nain ne
reprend jamais, aussi un labour à vapeur suffit-il
pour le défricher. Le cœur en est comestible et
il est recherché par les Arabes, ses fruits fortement
astringents servent de nourriture aux chacals.
Lorsque le palmier nain est cultivé, ou simplement
protégé dans un bon terrain, il peut devenir épigé
et son stipe peut atteindre plusieurs mètres (mara-
bouts de la Bouzareah). Seul ou allié à l'alfa, le
palmier nain sert aux Arabes à confectionner d'assez
élégants objets de vannerie. Il est plus rare dans la
province de Gonstantine que dans les deux autres.
Dans ce même type de broussaille-prairie, le juju-
bier [Zizyphus lotus) remplace souvent le palmier
nain sur de grands espaces. Il forme généralement
des touffes occupant de 5 à 10 mètres carrés, for-
mées de petites branches grêles peu élevées qui
partent d'une même souche souterraine. On aA^ait
obtenu autrefois avec son bois une espèce de cachou
qui n'a jamais été fabriqué en grand. Les branches
BROUSSAILLES. 23
très épineuses réunies en cordon autour des gourbis
arabes, forment des clôtures impénétrables. Shaw
et Desfontaines ont \u dans cet arbuste le Lotus des
Lotophages. Son fruit, un peu plus gros qu'un pois,
est assez insipide. Entre les touffes de jujubier
s'élèvent souvent de grandes ombellifères : Thapsia,
férules, Cachrys, etc.
Le lit de toutes nos rivières, le bord des sources
sont peuplés de lauriers-roses, dont les fleurs forment
l'agrément du paysage, aux mois de juin et de juillet.
Ils s'élèvent jusque vers 900 mètres. Comme les lieux
qu'ils habitent sont toujours fiévreux, ils sont souvent
regardés avec terreur par les colons, qui voient en eux
les propagateurs de la fièvre. De graves docteurs ont
même conseillé de les arracher partout pour couper
court à l'endémie. Ce vandalisme produirait un effet
diamétralement opposé à l'effet attendu. Simple
indicateur des endroits fiévreux, le laurier-rose tend
au contraire à les assainir par sa vigoureuse végé-
tation. Avec lui, poussent des tamarix, des saules et
parfois le redoul ou le Bupleurum fruticosum.
Tel est le tableau de nos broussailles, qui naguère
couvraient la plus grande partie du Tell, mais qui
reculent tous les jours devant les travaux des colons
et seront bientôt réduites à peu de chose.
On pourrait encore citer quelques broussailles,
plus rares et plus clairsemées, comme les Lyciuni,
ï A triplex Halimus et quelques Salsolacées ; à
Nemours, le Periploca angustifolia et le ZoUikofferia
arborescens, dans la province de Constantine, le Gom-
phocarpus fruticosus, le Securmega buxifolia^ etc.
Dans la région montagneuse, nous trouvons aussi
quelques broussailles spéciales. Divers Rosa^ le
24 LE TELL.
Prunus prosirata^ le Prunus spinosa, V Amelanchier
vulgaris, des Cotoneaster, le Bupleurum spinosum^
Juniperus nana, Ribes uva-crispa, Ribes petrœum,
Berberis hispanica, Lonicera etrusca^ Lonicera arborea,
Ruscus aculeatus, Dapkne laureola^ etc.
Le buis n'est connu en Algérie que dans trois
stations : les gorges du Guergour, la crête nord du
ïababort et les Mahdids.
Forêts. — Des broussailles nous passons aux
forêts par des degrés insensibles. Malgré l'opinion
classique de Salluste, qui, trop occupé à pressurer
les malheureux colons de la riche province qu'il
administrait, n'avait guère eu le temps de voyager,
l'Algérie n'était pas, même dans son temps, YAger
arbori infecundus qu'il dépeint. Sans doute les pla-
teaux sétifiens, d'un si bon rapport pour lui, devaient
être couverts de moissons. Pour pouvoir vivre et
satisfaire aux exactions des proconsuls, les co-
lons avaient évidemment dû cultiver jusqu'aux
moindres recoins de ces riches contrées. Mais il est
certain qu'à cette époque le Tell était un pays
essentiellement forestier, et il l'est demeuré jusqu'à
notre époque, même après sept siècles de domination
arabe.
Les Arabes, malgré leurs mœurs pastorales et
leurs habitudes incendiaires, nous avaient laissé un
magnifique domaine forestier. Peu nombreux pour
le vaste pays qu'ils occupaient, limités dans leur
accroissement par les famines qui succédaient aux
invasions des sauterelles et aux mauvaises années,
et par des épidémies, très sobres de leur nature : le
pays, même non cultivé, suffisait à leurs besoins et
ils y vivaient sans l'épuiser. Avec la conquête, les
FORÊTS. 25
choses ont changé de face. Refoulés des plaines aux
riches pâturages, les Arabes du Tell ont dû se con-
centrer dans la montagne. Protégés par nous dans
une certaine mesure contre les famines et les épi-
démies, leur nombre s'est considérablement accru.
S'ils avaient en même temps modifié leur manière
de vivre, s'ils s'étaient faits cultivateurs, la terre qui
leur reste eût été bien plus que suffisante; mais
l'Arabe, indolent et contemplatif, se plie difficilement
à ce genre d'existence. Il a multiplié ses troupeaux.
I.e mouton qui n'utilise guère que l'herbe et est peu
destructeur ne suffisant plus, il y a ajouté la chèvre,
qui broute tout ce qui est à sa portée, arbustes et
broussailles, et empêche tout reboisement; les
grands arbres dont elle ne réussit pas à entamer
l'écorce résistent seuls, jusqu'au jour où ils périront
eux-mêmes par vétusté, par incendie ou par toute
autre cause. Alors la forêt aura cessé d'exister. L'admi-
nistration forestière conserve encore, il est vrai, de
vastes ténements, mais, presque partout, en présence
du flot des Arabes afl"amés, elle a dû leur laisser le
champ Ubre. Des décrets ont livré aux troupeaux la
plupart des forets. Sans doute il n'y a aucun mal à
hvrer aux troupeaux les forêts assez denses, quitte
à les protéger de nouveau, quand elles auront besoin
de se repeupler, et d'établir ainsi une exploitation
rationnelle; mais les décrets pris sous l'influence
de nécessités pressantes ne concordent pas toujours
avec cette exploitation idéale. D'autre part, si l'on est
trop rigoureux, les Arabes incendient les forêts et en
détruisent ainsi d'immenses étendues, qui ne se repeu- "
plent qu'autant qu'elles sont parfaitement gardées.
Toutes les forêts sont loin d'appartenir à l'État;
26 LE TELL.
beaucoup ont été abandonnées aux Arabes en toute
propriété, et parmi celles-ci des forêts de chênes-
liège, dont l'écorce est très riche en tanin. L'Arabe
ne se donne pas la peine d'exploiter son liège, il vend
ses arbres à bas prix à des industriels qui les cou-
pent pour faire du tan et rasent ainsi les forêts. Cette
opération accomplie, l'Arabe amène ses chèvres, qui
ont bientôt achevé l'œuvre de destruction. Beaucoup
de montagnes ont été totalement déboisées : Dréat,
Dira, Ouach, Meghris, etc.; chez d'autres : Aurès,
Mahdids, etc., l'œuvre de destruction marche rapi-
dement.
Les résultats toujours fâcheuX; du déboisement ne
sont pas les mêmes partout. Sur certaines mon-
tagnes gréseuses, un tapis de Graminées ne tarde pas
à s'établir et protège le sol contre l'action érosive
des eaux, ou du moins la ralentit considérablement.
Ailleurs au contraire, la terre végétale est rapidement
enlevée, le rocher se dénude, et la ruine devient
complète.
Même sur les montagnes qui gazonnent, comme le
Dréat, le Dira, le Meghris, rOuach,il ne faudrait pas
croire que le déboisement soit sans inconvénients.
Il pousse beaucoup moins d'herbe sur le sol dénudé
qu'à l'ombre des forêts. Là où la forêt existe encore,
la végétation herbacée devient luxuriante; là où
l'arbre a disparu, il n'y a plus qu'un gazon ras, sauf
près des sources où l'herbe est un peu plus élevée.
Rien de plus frappant que de voir sur nos montagnes
un arbre resté seul sur un terrain déboisé. A sa
base, sur un espace aussi large que sa ramure, l'herbe
croit haute et touffue, tranchant sur le gazon ras du
voisinage. L'arbre agit de plusieurs manières : par
FORETS. 27
l'humus qu'il produit, par son ombre qui tempère la
chaleur du soleil et diminue l'évaporation, en main-
tenant plus longtemps la neige et peut-être par des
causes moins connues. Ce qui est certain, c'est qu'avec
les déboisements ,1a sécheresse et l'aridité augmentent,
même lorsque la terre n'est pas entraînée par les
eaux pluviales, et le climat se détériore.
Rien de plus variable que les forêts algériennes.
Tantôt ce sont de maigres broussailles d'où émergent
çà et là quelques arbres malingres ; ici des pins assez
vigoureux n'ayant au-dessous d'eux que des schistes
nus ou peuplés de quelques rares herbes ou arbustes,
comme dans les Bibans ; ailleurs des boisements plan-
tureux et touffus couvrant une flore herbacée et
des sous-bois luxuriants ; quelquefois de vraies forêts
vierges entremêlées de lianes et impénétrables. Tan-
tôt une essence unique domine, tantôt c'est un
pêle-mêle d'arbres de toute nature.
C'est surtout dans le Tell inférieur que les essences
sont le plus mélangées. Les forêts, en général assez
maigres, n'y occupent plus guère que de mauvais
terrains. C'est là d'ailleurs que la forêt a le moins
de raison d'être. Pourtant quelque essence finit par
dominer, comme le pin dans la forêt de Marengo,le
chêne-liège à la Reghaïa et à Bou Sfer. Sur bien des
points cependant la forêt pourrait peut-être consti-
tuer une culture rémunératrice, par exemple dans la
plaine du ChéHf, où la sécheresse rend les récoltes si
aléatoires. La culture de l'olivier, du caroubier et
des arbres à tanin pourrait y être pratiquée avec
beaucoup d'avantages. Le cUmat aujourd'hui insup.
portable s'améhorerait beaucoup. Lorsque la forêt
occupe de bons terrains, dans nos plaines du Tell
28 LE TELL.
inférieur, elle y prend une vigueur remarquable et
pousse extrêmement dense, comme à Si Sliman près
de Marengo et Sidi Rehan près de Bougie.
Nos essences forestières varient avec l'altitude, la
longitude et la nature du terrain. Sur le littoral, on
trouve des forêts de pins, de chênes-liège et toute la
flore broussailleuse ci-dessus énumérée, tantôt
mêlée à la forêt, tantôt prenant elle-même des pro-
portions forestières. Parfois quelques peupliers
blancs, quelques lauriers peuplent des bas-fonds
humides, Forme et le frêne [Fraxinus australis) peu-
vent aussi jouer un certain rôle. A La Galle, on trouve
des forêts d'aunes si épaisses que l'on y voit à peine
jour en plein midi. Le pin maritime forme deux ou
trois forêts, sur la côte orientale, entre Bougie et La
Galle.
De 800 à 1 200 mètres d'altitude, le chêne bal-
lote, simple variété du chêne vert (Quercus Ilex),
joue un rôle forestier considérable, souvent réduit
à l'état de broussaille, mais souvent aussi formant
de très gros arbres, assez sains de tronc et d'un bois
extrêmement dur (fig. \). Il est fort répandu dans les
trois provinces et jusque sur la lisière du Sahara. Ses
glands, généralement doux, donnent une nourriture
abondante, non seulement aux troupeaux de porcs,
mais même à l'homme. Les Kabyles Font depuis
longtemps cultivé et sélectionné, les glands étant
très variables, comme taille et comme saveur.
A une altitude un peu supérieure, surtout dans les
massifs montagneux de l'Est, c'est le chêne Zen,
variété du Quercus lusitanica^ espèce très voisine de
notre chêne rouvre d'Europe, qui devient prédomi-
nant. C'est une de nos plus belles essences fores-
FORETS.
29
3
rO
30 LE TELL.
tières. Il peut descendre assez bas à l'état spora-
dique, mais ce n'est guère qu'à une altitude de 10(30
à 1800 mètres qu'il forme de beaux peuplements
serrés et réguliers mêlés çà et là de cerisiers, d'éra-
bles, etc. A son contact avec les lièges, vers sa
limite inférieure, il s'hybride parfois avec eux. Les
principaux ténements de Zen se trouvent en Kabylie
et dans les Babors. Les forêts de Yacouren et de
Guerrouch sont surtout remarquables. Cette dernière,
qui constitue un ténement de 40 000 hectares, présente
d'immenses boisements d'une régularité parfaite,
formés d'arbres très droits de 15 à 20 mètres de haut.
Dans ces forêts, que l'homme trouble rarement par
sa présence, les singes et les sangliers abondent.
On y entend de tous côtés le chant des ramiers, du
coucou et des geais. Les sous-bois y sont plantu-
reux, les clairières forment de grasses prairies et les
ruisseaux coulent à pleins bords. On ne trouve rien
de plus frais, ni de plus plantureux dans le nord de
la France. Dans les forêts de ïlemcen, le Zen joue
aussi un certain rôle, mais il y constitue une variété
à feuilles plus petites et moins caduques. Le tronc
du Zen peut atteindre 10 mètres de circonférence,
mais il est alors généralement creux.
Vers 2800 mètres, le chêne Zen est lui-même rem-
placé par un autre chêne à feuilles caduques, le
chêne à feuilles de châtaignier [A far es des Kabyles),
qui couronne les crêtes de la Kabylie orientale et des
Babors.
Le bois de ces deux chênes pourrait être utilisé,
il est plus dur et un peu plus difficile à travaille^ que
le chêne ordinaire, on le dit supérieur pour conser-
ver les eaux-de-vie. La forêt de Guerrouch avait été
CHENE-LIEGE.
31
mise en exploitation avant 1870; des routes nom-
breuses y avaient été ouvertes, des coupes impor-
tantes avaient été opérées et le bois équarri. Cette
exploitation, suspendue parla guerre, ne fut jamais
reprise. Les bois coupés sont restés en place, et,
après plus de vingt-cinq ans, nous les avons trouvés
encore très sains à 1 ou 2 centimètres de profondeur.
Les ténements rasés à cette époque ne se sont guère
repeuplés.
Chêne-liège. — Le plus important de nos chênes
est sans contredit le Chene-liège, une des espèces les
Fi'?. 2. — Distribution du chêne-liège.
plus caractéristiques de la région méditerranéenne
occidentale. Cet arbre nettement sillcicole, exige en
outre un certain degré d'humidité et craint les froids
excessifs. Dans le midi de la France, il s'arrête vers
000 mètres d'altitude. En Algérie, il monte jusque
vers 1 300 mètres. Comme il exige un climat assez
humide, il est fort rare sur le littoral oranais (fig. il)
où il ne forme guère que la forêt de Bou Sfer. Ce n'est
que vers ïlemcen et Mascara qu'il trouve des pluies
suffisantes. Sur le littoral de la province d'Alger, il
habite surtout des terrains sableux, reposant sur un
fond d'argile imperméable, où règne une nappe aqui-
32 LE TELL.
fère à peu près continue. L'on y trouvée de distance
en distance de nombreuses mares temporaires ou
permanentes. Il craint les terres argileuses trop
compactes; suivant la nature du terrain, il alterne
avec le pin d'Alep et c'est tantôt l'un, tantôt l'autre
qui prédomine; ses peuplements y sont peu com-
pacts et mêlés à l'olivier et à toute notre flore
broussailleuse. Dans l'Est, ses peuplements sont
beaucoup plus importants et plus homogènes; néan-
moins les broussailles y servent trop souvent encore
à propager l'incendie et leur destruction s'impose
dans les forêts bien tenues. La fougère aiglière, tou-
jours fréquente dans ces forêts, y prend parfois un
développement tel qu'elle étouffe la broussaille et
les jeunes semis. Les grands arbres seuls peuvent
lui résister.
Le chêne-liège est un arbre de moyenne grandeur,
assez semblable au chêne vert par son feuillage. Son
branchage plus irréguUer, plus étalé, devient parfois
pleureur. Son bois, quoique très lourd et bien maillé,
est peu estimé; son tronc se carie de bonne heure.
On a vu exceptionnellement quelques sujets dont le
tronc atteignait 10 mètres de circonférence, ces
arbres étaient entièrement creux. Le liège et le tan
sont les seuls produits importants du chêne-liège,
ses glands peuvent servir à la nourriture des porcs.
Nous avons déjà parlé de l'exploitation sauvage du
tan, qui a fait disparaître à peu près complètement
les forêts de la Sicile et de la Sardaigne ; cependant
cette industrie serait compatible avec une bonne
exploitation des forêts, si elle était bien surveillée.
Des peuplements trop épais ont besoin d'être éclair-
cis, et il y a toujours intérêt à receper des vieux
CHENE-LIÈGE. 33
arbres incapables de donner du bon liège. Mais jus-
qu'ici cette industrie a été des plus dévastatrices
malgré les lois édictées. C'est l'écorce débarrassée du
li(''ge que l'on exploite, elle contient environ 19 p. 100
de tanin et vaut de 12 à 20 francs le quintal. Un
seul arbre peut en donner plusieurs quintaux. C'est
l'Angleterre et l'Italie qui utilisent ce produit.
Le liège est une des plus grandes ressources de
l'Algérie. On a calculé que ses forêts, mises en
rapport, pourraient donner un revenu annuel de
, 12000000 à 20 000 000 francs.
D'après Lamey (1), l'Algérie compte 450000 hec-
! tares de forêts de chênes lièges. Une notice, récem-
ment publiée par le gouvernement général, porte
même ce chiffre à 470000. Sur ces 450000 hectares, la
province d'Oran n'en possède que 8000 et celle
d'Alger 42 000. A elle seule la province de Constan-
tine en possède plus de 400 000. Ces forêts se conti-
nuent en Tunisie jusqu'à BizerLe et y comptent
encore 116 000 hectares. Le Maroc possède aussi de
vastes forêts de lièges, encore mal connues, qui
n'ont encore été exploitées que pour le lan, ce qui en
a fait disparaître plusieurs.
Sur les 450000 hectares d'Algérie, 170000 ont été
concédés à des particuliers, 16000 aux communes;
l'État reste propriétaire de 274 000. 291 000 hectares
sont actuellement en valeur, dont: 124 000 à l'État,
160000 aux particuliers et 7 000 aux communes.
L'écorce du chêne-liège est recouverte d'une
cuirasse de tissus subéreux, mais ce liège naturel,
dit liège mâle, dur, irrégulier, fortement crevassé, est
(1) Lamey, Le chêne-liège. Paria, 1893.
B4TTANDIEB et Trabut, — Algérie, 3
34 LE TELL.
sans valeur. Pour mettre une forêt en exploitation,
il faut au moment de la sève enlever ce liège mâle ;
c'est l'opération du démasclage. Elle revient à envi-
ron 0 fr. 10 par arbre. Cette opération est assez
délicate et réclame des ouvriers soigneux et expéri-
mentés; un mauvais démasclage peut diminuer de
beaucoup le rapport d'une forêt. L'arbre démasclé
peut être desséché par un fort sirocco et ne saurait
résister à un incendie. Même après deux ans, il est
encore peu protégé. On peut beaucoup diminuer ces
dangers en réliabillant l'arbre démasclé avec son
liège mâle assujetti avec des fils de fer. C'est la mé-
thode du recouvrement, imaginée par M. Capgrand
Mothes.
Après le démasclage, l'écorce mise à vif se des-
sèche plus ou moins profondément et sous cette
partie desséchée se forme une nouvelle production
de tissu subéreux, qui va s'accroître de 1 à 3 milli-
mètres par an et qui constituera le liège de reproduc-
tion, le seul employé. Ce liège reste recouvert par la
partie desséchée de l'écorce, qui constitue la croûte.
Si cette croûte, toujours nuisible, est trop épaisse,
on pratique un second démasclage au bout d'un an
ou deux. Le procédé du recouvrement la supprime
presque totalement. Pour que le liège soit bon à
récolter, il faut qu'il ait atteint une épaisseur suffi-
sante, de 20 à 31 milUmètres. On pratique alors une
première tire ou récolte. Les frais sont à peu près
les mêmes que pour le démasclage. Les tires se font
tous les huit ou dix ans. Les premières sont de qua-
lité inférieure. 11 est rare que l'on puisse faire des
récoltes régulières sur tout un quartier de forêt, la
croissance du liège, comme la qualité, différant beau-
CHENE-LIÈGE. 35
coup d'un arbre à l'autre. Les lièges à croissance
rapide sont peu recherchés.
Le lièg"e est parcouru par des canaux irréguliers,
pleins d'un tissu friable, qui laisse après nettoyage
des trous et des lacunes. Plus ces canaux seront
nombreux, moins le liège aura de valeur. Le prix
des lièges algériens varie de 40 à 120 francs les
100 kilos. Un arbre peut donner un revenu annuel de
0 fr. 20 à 0 fr. 50, et l'on peut compter sur un béné-
fice net de 25 francs par hectare environ.
Le chêne-liège peut être attaqué par divers insectes,
par les larves du Cossus et du grand Capricorne ; la
chenille du Bombyx dispar détruit parfois son feuil-
lage sur de grandes étendues ; une fourmi, le Crema-
togaste?' scutellatus creuse ses galeries dans le liège
môme et y produit de grands ravages; les récoltes
de liège peuvent devenir la proie du Dermestes vul-
pinus et de larves de mites ; enfin quelques moisissures
produisent sur le liège des taches qui diminuent
beaucoup sa valeur. Certains bouchons neufs de
bonne apparence donnent aux hquides un goût de
m.oisi.
Toutes les forêts de la région du Chêne-liège sont
sans cesse menacées par Fincendie, il semble même
que l'épais revêtement tubéreux de cet arbre soit une
adaptation déterminée par ce fléau. Mais, en Algérie,
ces incendies, allumés et entretenus par des indi-
gènes fanatiques, qui y voient un moyen de lutte ou
de vengeance contre le Roumi (chrétien), sont parti-
culièrement fréquents et terribles. Toutes les fois que
vers le milieu de septembre arrivent des périodes de
sirocco intense, on est sûr de voir surgir tout à coup,
au milieu des plus beaux massifs, (quinze, vingt foyers
36 LE TELL.
d'incendie, parfois plusieurs centaines. Les mon-
tagnes s'embrasent sur d'immenses espaces ; on a vu
depuis la mer, les côtes toutes rouges de La Galle à
Alger. Les foyers sont toujours admirablement
choisis pour rendre la lutte difficile; d'autre part, le
sirocco propage si vite l'incendie que bien souvent
les défenseurs, subitement enveloppés, périssent
dans les flammes. D'après M. Lamey, ce sont surtout
les affiliés aux sectes de Kouans qui sont les fauteurs
de ces désastres, mais leurs coreligionnaires n'ont
garde de les trahir malgré la responsabihté collec-
tive. « Lors des grands incendies de 1863 à 1865 dans
la province de Constantine, dit M, Lamey, on a dé-
couvert de nombreux fourneaux incendiaires com-
posés le plus souvent d'un cylindre de liège mâle,
bourré de bouse sèche et de crottin, mêlés à de la
paille hachée ou à de la moelle de férule. Ces engins
étaient disposés dans les fourrés et recouverts de
brindilles mortes; pour mettre le feu, il suffisait de
poser un morceau d'amadou enflammé sur la bouse
de vache. Bon nombre de ces canons, qui avaient
manqué leur effet, ont été retrouvés. » D'autres fois,
quand le fanatisme est à son comble, on a pu voir
les incendiaires courant la montagne même en plein
jour, allumant l'incendie çà et là, et comptant pour
s'échapper sur leur parfaite connaissance du pays.
Pour lutter contre ces désastres, le meilleur
moyen est d'employer le contre-feu, c'est-à-dire de
brûler les herbes sèches et les broussailles sur des
bandes assez larges pour que l'incendie, privé d'ali-
ment sur ces points, ne puisse les franchir. Comme
mesures préventives, le mieux est de débrous-
sailler, et de sillonner en tous sens les forêts de
CÈDRE. 37
bandes bien dénudées et nettoyées de 50 mètres de
largeur.
Le liège une fois tiré est mis en planches, c'est-à-
dire aplati, on lui fait par compression perdre la
forme de tuile et on le rend aussi plat que possible.
puis il est nettoyé et bouilli. Le bouillage, pour em-
ployer l'expression technique, rend le liège plus
élastique, moins dense, et augmente son volume d'un
cinquième environ. Les rognures et débris servent
ordinairement de combustible. Enfin on le soumet
au raclage pour enlever la croûte.
Les hybrides du chêne-liège n'ont pas d'importance
industrielle, on en connaît plusieurs.
Cèdre. — Le Cèdre, simple variété à feuilles un
peu plus courtes et parfois argentées du cèdre du
Liban, forme, sur nos montagnes élevées, de majes-
tueuses forêts ayant un caractère de grandeur tout
particulier (fig. 3). Cette essence aime les grands
massifs montagneux et s'y tient à des altitudes va-
riant de 1 300 à 1 800 mètres. Les terrains calcaires
semblent lui plaire ; pourtant à Teniet el Haad, il
vient très bien sur des grès sihceux superposés, il
est vrai, à des marnes argilo-calcaires. Il existe en-
viron 35 000 hectares de forêts de cèdres en Algérie,
à savoir : 24 000 hectares dans la province de Cons-
tantine et 11 000 dans celle d'Alger. Oran n'en possède
point, bien que cette essence se retrouve au Maroc.
Les ténements les plus considérables se trouvent
dans l'Aurès. La grande forêt de Belezma près de
Batna ne compte pas moins de 14000 hectares. On en
trouve au Bou Thaïe b, dans les Mahdids, dans les
Babors au Babor et au Tababort ; dans la province
d'Alger, on le trouve sur les flancs du Djurdjura où il
38
LE TELL.
forme d'assez maigres peuplements, aux Béni Sahla
de Blida, à Teniet el Haad et l'Ouarsenis.
Dans toute la province de Constantine le cèdre
semble en voie de dépérissement (lig. 4.) Les lorôls
sont pleines de gros arbres morts, mêlés à des percliis
élancés, parfois assez vigoureux, avec de larges clai-
CÈDRE.
39
40 LE TELL.
ri ères. Presque nulle part on ne voit de tendance au
repeuplement. Ces forêts étant pâturées à outrance
par les chèvres, les herbes et les menues brous-
sailles, à l'abri desquelles s'élevaient les jeunes
cèdres, ont disparu. Les jeunes semis, très nombreux,
sont bien vite desséchés ou broutés. Quant à la mor-
talité générale des vieux sujets, on l'attribue généra-
lement à une période de sécheresse extrême qui a
sévi dans la région de 1875 à 1881. La forêt des Béni
Sahla et les peuplements de la chaîne kabyle n'ont
pas subi la même mortalité, mais là encore les
chèvres rendent le repeuplement difflcile. Seule la
forêt de Teniet el Haad, bien gardée jusqu'à pré-
sent par le service forestier, a conservé un air de
prospérité vraiment remarquable. Les repeuplements
y sont nombreux et serrés, les vieux arbres encore
vigoureux y atteignent des tailles considérables. Le
Sultan a disparu, mais la Sultane a 7 mètres de cir-
conférence à hauteur d'homme, Messaoud est encore
plus gros. Ces arbres sont très anciens, on compte
qu'un arbre deO°',75 de diamètre a cent-vingt-cinq ans.
Un tronc de 1°',80 de diamètre, récemment abattu,
avait trois cent dix ans. Le cèdre est remarquable
par ses grandes nappes horizontales de feuillage à
étages superposés. A Teniet, les arbres perdent en
général leur flèche de bonne heure. Ceux qui cou-
ronnent les crêtes n'ont souvent qu'un seul plan de
branches et ressemblent à de vastes parapluies. Le
cèdre forme rarement des peuplements très homo-
gènes. Il pousse par bouquets entremêlées de clai-
rières occupées par des prairies et des broussailles.
Avec lui, poussent quelques ifs parfois de grande
taille, des érables, quelques chênes Zen, le houx.
PIN D'ALEP. 41
des cerisiers, quelques Soj^bus : S. Aria et S. iormina-
lis, ces derniers rares et localisés; comme sous-bois :
divers Cratœgus et les broussailles de la région
montagneuse.
Le bois de cèdre a une odeur assez agréable et
très persistante, il est parfois employé en ébénisterie,
mais moins recherché que le pitchpin. Gomme bois
de menuiserie, il est plus cassant et moins élas-
tique que les bois de pin et de sapin. Par contre, il
est à peu près incorruptible. Il est particulièrement
propre à faire des traverses de chemin de fer (1).
Lorsqu'il a longtemps séjourné dans l'eau, il acquiert
une dureté extraordinaire. — L'incorruptibiUté de
ce bois fait que les arbres morts des forêts de
l'Aurès se trouvent et se trouveront longtemps en-
core dans d'excellentes conditions d'exploitation. Le
cèdre donne une petite quantité d'une résine ayant
une odeur à la fois de citron et d'encens.
Pin d'Alep. — Le Pin d'Alep est une essence fores-
tière, qui est extrêmement répandue en Algérie et
qui y couvre d'immenses espaces, depuis le Uttoral
jusqu'à la lisière saharienne. Doué d'un tempérament
particulièrement robuste, presque tous les terrains
lui sont bons. Il prospère aussi bien dans les régions
sèches, comme les Bibans, que dans la région litto-
rale, pourvu que ses racines puissent aller chercher
assez profondément l'humidité. Comme le pin syl-
vestre, il aime les terrains fissiles ou perméables, où
ses racines peuvent plonger à de grandes profon-
deurs. Ses limites d'altilude sont à peu près les
mêmes que celles du chêne-liège et de l'oUvier. Ces
(1) On l'essaie actuellement à Alger pour le pavage en bois,
sans l'injecter ni l'imprégner d'huile lourde de houille.
42 LE TELL.
limites s'élèvent naturellement à mesure que l'on
s'avance dans le Sud. Très répandu sur le Littoral, il
y occupe en général des terrains assez maigres et
ses peuplements y sont mélangés à d'autres essences.
Il n'y forme qu'une zone très interrompue. Au con-
traire, à la limite du Tell et des hauts plateaux il
forme une zone extrêmement importante et presque
ininterrompue. C'est dans cette zone que la plupart
des oueds du versant méditerranéen prennent leur
source. On le retrouve encore dans les montagnes
du sud, formant çà et là quelques forêts. Dans
l'intérieur, il se trouve souvent en alternance avec
le chêne ballote, comme sur le littoral avec le
chêne-liège. Son bois n'a guère été utilisé jusqu'à
présent. Les Arabes en tirent un peu de térébenthine
et de résine, du tanin et même, dans les moments
de disette, mangent la partie cambiale de l'écorce et
les graines. Ils l'exploitent d'une manière tout à fait
barbare, enlevant un anneau d'écorce, ce qui les
fait rapidement périr. Le sous-bois, rare dans les
forêts bien peuplées, est formé suivant les locahtés
par l'olivier, les Phyllireas, le lentisque, le Cistus
albidus^ le romarin, les genévriers, etc.
Nulle essence ne craint plus les incendies. Chassé
parle sirocco, le feuy parcourt en peu de temps d'im-
menses espaces, ne brûlant absolument que les
feuilles, les moindres brindilles; les cônes eux-mêmes
restent intacts ou à peu près. Mais aucun arbre ne
survit. Si la forêt est bien gardée, le repeuplement
se fait vite. Sur bien des points cependant la forêt a
délinitivement disparu, ne laissant que quelques
témoins au miUeu des rares touffes de Callitris^ de
genévriers, de Rhamnus oleoïdes et de romarins, com-
OXYCÈDRE ET GENÉVRIER DE PHÉNICTE. 43
pagnoiis habituels du pin dans la zone voisine des
liauts plateaux.
Thuya d'Algérie. — Le Callitris quadrivalvis ou
Thuya d'Algérie accompagne fréquemment les peu-
plements de pins presque partout. Parfois il devient
prépondérant et forme des peuplements assez im-
portants, surtout dans l'intérieur. Arbre très mé-
diocre comme taille, il est presque indestructible,
repoussant facilement du pied après chaque incendie.
l/à souche finit par former ces belles loupes noueuses,
si richement marbrées de rouge fauve et de brun qui
en font un bois d'ébénisterie des plus précieux. On
suppose que c'était là le bois de citre, si estimé des
Uomains.
Oxycèdre et Genévrier de Phénicie. — Deux
autres conifères, les Jiiniperus oxycedrus et phœnicea
ont à peu près la même distribution que le pin d'Alep
et le Tkui/a.
L'Oxycèdre, qui forme par place sur les rivages
maritimes une belle variété, est assez répandu, quoi-
que peu abondant dans la région littorale, mais il a
tenu jadis une grande place dans le boisement des
plateaux élevés : Ben Chicao, Bordj bou Arreridj,
Aïn el Hadjar, etc. ; et des montagnes jusque dans
le sud : Ouarsenis, Mzi, Djebel Amour, etc. Cette
essence paraît résister admirablement au vent et
aux intempéries ; malheureusement ses boisements
ont presque tous disparu ou disparaissent rapide-
ment, coupés comme bois de chauffage ou distillés
pour la fabrication de l'huile de Cade; ailleurs, comme
sur le pic de TOuarsenis, détruits par l'incendie,
tandis que les chèvres empêchent le repeuplement.
Le Genévrier de Phénicie est aussi fort répandu
44 LE TELL.
surtout sur le littoral et dans les montagnes du Sud,
mais son rôle forestier est peu considérable.
Sapin. — Dans les Babors, on trouve une forêt
d'un magnifique Sapin, VAbies numidica Delannoy,
que Cosson avait à tort rapporté à VAbies Pinsapo.
C'est le témoin d'une flore alpine disparue.
Essences secondaires. — Nous citerons encore
quelques essences forestières d'importance secon-
daire.
L'Amandier est répandu dans toutes les mon-
tagnes de l'Algérie, surtout dans les rochers, et
forme parfois, comme chez les Ouled Dahn près
Guelma, et dans la région de Garrouban, de véri-
tables peuplements. Les amandes de l'arbre sauvage
sont toujours amères.
Le Cerisier est fort répandu aussi à l'état sauvage
dans la région montagneuse.
Le Sorbier domestique se trouve dans les Babors.
Un grand Poirier, le Pirws longipes^ joue un certain
rôle forestier dans l'Aurès avec le Fraxinus dimor-
pha. On les retrouve ailleurs l'un et l'autre, à l'état
de vestiges.
Dans l'Edough et au Goufl, on trouve des boise-
ments de Châtaigniers sauvages. 11 en existe aussi
en Kroumirie. Peut-être quelques vieux châtaigniers
à fruits très petits, qui subsistent encore dans les
ravins de la Bouzareah, sont-ils aussi des restes
d'anciens peuplements disparus.
Le Tremble existe encore dans les Babors. Le Juni-
perus Thurifera couronne quelques crêtes de l'Aurès.
La variété naine du Juniperus communis forme quel-
ques buissons rabougris sur les sommets kabyles.
Le Caroubier et le Figuier sont très répandus dans
ESSENCES SECONDAIRES. 45
le Tell à l'état sporadique, le premier formant pour-
tant çà et là de petits peuplements. Tous deux fruc-
tifient abondamment, mais les figues sauvages ne
sont pas comestibles.
Le genre Pistacia outre le Lentisque et le Pista-
chier très cultivé en Tunisie, est encore représenté
par le Térébinthe {Pistacia Terebinthus) et le Betoum
ou pistachier de l'Atlas [Pistacia atlantica), qui n'est
en vérité qu'une variété plus grande et plus robuste
du térébinthe avec des feuilles plus petites. Le téré-
binthe se trouve çà et là à la base des montagnes,
souvent bien difficile à distinguer du betoum. Quant
à ce dernier, il constitue une essence forestière en
voie de disparition, qui a dû jouer et pourrait jouer
encore un rôle bien important dans ce pays. On en
trouve de très gros pieds dans le Tell, répandus çà
et là dans la région montagneuse, mais cette essence
est surtout précieuse, parce que c'est à peu près la
seule qui pousse dans la région des steppes et jusque
dans le Sahara, partout où dans les dépressions, daïas,
oueds, etc., ses racines peuvent trouver un peu
d'humidité. On ne voit plus aujourd'hui que de gros
individus, qui, vu la lenteur de sa croissance, doivent
être bien vieux ; on n'en voit pas de jeunes.
Il est impossible de terminer cette flore forestière
sans dire quelques mots d'éléments d'emprunt, qui
jouent aujourd'hui un rôle considérable; tels sont :
Les Eucalyptus gloùulus et rostrata^ qui forment
partout des rideaux dans les plaines et donnent déjà
à nos colons du bois en abondance.
Les Acacias d'AustraUe qui sont très cultivés
aussi, très rustiques et dont une espèce, VA. pyc-
nantha^ paraît devoir prendre beaucoup d'impor-
48 LE TELL.
Aroïdées résistent aux labours. En général, la cul-
ture est fatale aux plantes vivaces et favorise au
contraire les plantes annuelles.
Dés les premières pluies, outre les plantes bul-
beuses qui ont joué un rôle précurseur et qui conti-
nuent à fleurir, tout se réveille : les plantes vivaces
se hâtent de pousser, les espaces libres se couvrent
de germinations ; en quelques jours, tout est trans-
formé; la terre, naguère calcinée, s'est recouverte
d'un beau tapis de verdure déjà tout émaillé de
fleurs. C^est une des caractéristiques de notre flore
d'avoir des fleurs et de belles fleurs en toute saison.
Au moment le plus désolé, tous nos ravins sont pleins
de lauriers-roses abondamment fleuris.
Cependant c'est au mois d'avril et de mai dans le
Tell inférieur, au mois de juin dans les montagnes,
que s'opère la floraison et la fructification de la
plupart des espèces. Le Tell inférieur est en avance
d'an mois environ sur la région moyenne de la
France.
Nous ne pouvons passer en revue les espèces de
la flore herbacée comme nous l'avons fait pour la
flore arbustive, leur nombre est trop considérable.
Il est pourtant certaines plantes qui se multiplient
avec une telle profusion, qu'elles nécessitent une
mention spéciale. Telles sont, par exemple, des
espèces du genre Daucus (carottes), si abondantes en
Algérie et dont une, le Daucus aureus couvre de ses
peuplements serrés les marnes argileuses. Cette
plante en séchant prend une teinte dorée, qui devient
celle de ces terrains fort répandus dans le Tell.
Ailleurs c'est VAmmi Visnaga^ très semblable à une
carotte, qui joue le même rôle, mais qui tend h
FLORE HERBACÉE. 49
devenir plus rare devant le développement des cul-
tures. Ces mômes terres argileuses, au mois d'avril,
sont toutes bleues des fleurs du Convolvulus tricolor,
à travers lesquelles émergent ça et là de grosses
touffes d'Bedysariim flexuosum ou d'autres sainfoins
variant avec les régions. De belles Malvacées : Malope,
Lavatera trimestris^ Lavatera sfenopetala, Malva his-
panica, etc., y étalent aussi leurs gracieuses corolles.
D'autres plantes forment à certaines époques de
vastes tapis rouges : Fedia cornucopix, Hedysarum
capitatum, Silène, divers coquelicots, etc. Beaucoup de
plantes sauvages ont en Algérie une tendance mani-
feste à faire des peuplements vastes et denses :
AUgylnps, Ifordeum, Crucifères, Galaclites, Centau-
rées, etc. Certaines prairies forment de véritables
nappes éblouissantes de couleur d'or, les fleurs
des Coleostephus myconis, Clausonis, etc., s'y tou-
chant toutes. Le Periderea fuscata, VAlyssum mari-
timum forment aussi de vastes nappes blanches.
Nous n'avons pas le bleuet dans nos blés et la nielle
y est rare. Nos blés sont d'ailleurs envahis par une
foule d'herbes sauvages, dont quelques-unes étouffent
parfois toutes les autres et même le blé. Telles sont :
Ridoi/îa seyetum, Gladiolus segetum^ Allium nigrum,
Muscari comosum, Galium tricorne, Btfora tesHculata,
Hypecoums, Rœmeria h.ybrida^ Ranunculus arvensis,
dans la montagne ; Saponaria vaccaria, dans la région
de Daya, etc. VAnchusa italica et quelques autres
Borraginées, quoique moins nombreuses, jouent un
rôle peut-être encore plus néfaste dans les cultures
des céréales en nourrissant Vœcidium d'une rouille
du blé.
La facilité avec laquelle poussent les plantes sau-
Battandier et Trabut. — Algérie. 4
oO LE TELL. ^
vages est cause du peu de soin que l'on apporte dans
le Tell inférieur à l'établissement des prairies ; on se
borne à laisser de temps à autre la terre en jachère.
Elle se couvre rapidement de fourrages grossiers,
mais variés et souvent d'assez bonne qualité. Les
Légumineuses y abondent : trèfles, luzernes, méU-
lots, vesces, lotiers, chenillettes, sainfoins, etc. Par-
fois des crucifères prennent le dessus, et donnent un
produit médiocre. Il arrive aussi que la folle avoine
s'empare si bien d'un terrain que l'on jurerait avoir
affaire à une culture des mieux soignées. Souvent
dans les plaines humides, comme la Mitidja, le blé
est pourri par les eaux, il lui succède alors une ex-
cellente récolte de fourrage.
Le Cynara Cardunculus^ ancêtre du cardon et de
l'artichaut, est extrêmement répandu en Algérie et y
caractérise les bonnes terres de culture. Plus il
prend de développement, plus le sol est riche. Dans
les Mouïas, près de Constantine, il devient gigan-
tesque, chaque pied formant une demi-sphère de
2 à 3 mètres de diamètre et même davantage. Ce
sont ces terres, très mal cultivées aujourd'hui par les
Arabes et pleines de ruines romaines, qui durent
jadis donner à l'Algérie son renom de fertilité exu-
bérante.
Les plateaux sétifiens sont caractérisés par une
plante très spéciale d'un type oriental, V Othonnopsis
Cheirifolia, ayant un peu le faciès d'un souci.
Quelques autres plantes assez caractéristiques et
qui se font en outre remarquer par leur taille élevée,
appartiennent surtout à la famille des ombelUfères :
l'hapsia, Cachrys^ Férules, Fenouil, etc., et aux Car-
duacées : Cirùumgiganteum^ C. Kirbense^ Galactites,
FLORE HERBACÉE. 51
Sylibum Marianum et eburneum^ onopordes, etc.
La flore herbacée de l'Algérie comprend deux
flores principales bien distinctes : une flore déser-
tico-orientale et une flore méditerranéenne, conte-
nant l'une et l'autre environ un quart d'espèces spé-
ciales au pays.
La flore désertique occupe de vastes étendues,
mais est peu riche en espèces, environ 500 d'après
les évaluations des botanistes les plus recomman-
dables. Elle régne dans le désert, s'avance sur une
partie de la région des steppes, s'infiltre par cer-
taines vallées, comme les Bibans, jusque dans le
Tell. Un Aristida d'un groupe désertique, A. plumosa,
est abondant dans le lit de l'oued Sahel, au pied de
la grande muraille kabyle. Dans la province d'Oran,
cette flore envoie une puissante colonie jusqu'au bord
delamer,etmême au delàjusqu'enEspagne. Quelques-
uns de ses représentants se retrouvent en France ou
en ItaUe, sans avoir pu se maintenir dans le nord de
l'Algérie : Reaumuria vermiculata^ Medicago laciniata^
Lathyrus ciliatus, Galium ephedroides^ Peganum Hat-
mala^ Silène conica, Orobanche cernua^ Sideritis
montana, etc. De son côté, la flore méditerranéenne a
pénétré fort avant dans le sud. Sans compter les
plantes rudérales qui suivent l'homme partout, on
trouve dans le désert toute une série de plantes du
Tell, les unes psammophiles, comme VOrlaya ma-
rilima^ d'autres aquatiques ou simplement très rus-
tiques, comme le chiendent pied-de-poule, le Con-
volvulus a?'vensis, le Linaria reflexa^ V Erodium laci-
niatum^ etc.
La flore des steppes, bien qu'ayant en propre un
certain nombre d'espèces comme l'alfa, VArtemisia
52 LE TELL.
Herba-Alba, etc., est surtout un mélange des flores
désertique et méditerranéenne.
La flore méditerranéenne varie beaucoup sui-
vant l'altitude, la latitude, la longitude, la nature
du sol et surtout le plus ou moins d'humidité.
On trouve sur nos hauts sommets quelques ves-
tiges d'une flore alpine qui a dû y régner pendant
la période glaciaire. Le type le plus apparent, sinon
le plus remarquable est le sapin des Babors, Abies
>^ww^(i^caDelannoy, qui n'existe plus que sur quelques
points de ces montagnes; des graminées nettement
alpines, comme Colobachne Gerardi, Fesluca frigida^
Poa Djurdjurx, nemoralis^ flaccidula, etc. Un Ranun-
culus très voisin du R. Villarsii couronne nos plus
hauts sommets, un autre de la section hucoranuri'
culus, dont les autres représentants habitent les gla-
ciers de l'Europe, se retrouve encore quelquefois
dans quelques prairies froides et humides à Terni,
au-dessus de ïlemcen et au Djebel Ouacb, près de
Constantine. On peut joindre à ce (te liste : Erodium
Cheilanthifolium^ Astragalus depressus^ Centranthus
nevadensis^ Berberis Hispanica^ Sedum majellense^
Ononis cenisia^ etc. Chose curieuse, le Centranthus
nevadensis, au lieu de se trouver sur un sommet
élevé, se trouve dans une étroite vallée toujours
fraîche et humide. V Erodium Cheilanthifolium Bois-
sier se trouve au sommet de Lella Khadidja et sur
une montagne peu élevée, dans la région des steppes^
l'Antar, près Méchéria, et il y est particulièrement
vigoureux.
Avec ces plantes se trouvent quelques types subal-
pins, Ranunculus mille foliatus ^ Arabis albida^Helian-
themum canum^ Cerastium Boissieri^ Ai'snaria gran-
FLORE HERBACÉE. 53
diflora, Ononis aragonensis^ Ononis ffmticosa. Vicia
glauca, Rosa montana^ Potentilla càulescens, Rham-
nus alpina^ Sedum nevadense, Bunium alpinum, B.
Macuca, Gaya pyrenaica, Ribes petncum^ Cenlranthus
angustifolius, Lonicera arborea, Scorzonera pygmœa,
Erinus alpinus, etc.
Tout cet ensemble a un cachet alpin peu en rap-
port assurément avec la flore actuelle de nos som-
mets, ce sont bien là les ruines d'une ancienne
flore disparue. Ce qui le démontre, c'est que ces
quelques épaves se trouvent noyées au milieu
d'espèces vulgaires d'Europe, devenues ici tout aussi
alpines ou plutôt tout aussi atlantiques qu'elles :
Chelidoniurn majus^ Aquilegia vulgaris, Tussilago
farfara^ etc. Certaines de ces espèces, vrais fos-
siles vivants, n'existent que dans une seule station.
Ce sont bien là les traînards d'une flore en fuite vers
le nord. Certains de ses représentants n'existent
môme plus dans le midi de la France ou y sont relé-
gués sur les montagnes.
On trouve de ces traînards isolés un peu partout :
VErinus alpinus^ le Sedum majellense, le Potentilla
càulescens^ le Scier anthus amiuus, V Hypericum hirsu-
tum, etc., ne se trouvent que sur un ou deux points
du Djurdjura; V Herniaria incana, sur le sommet du
Rouis dans la province de Constantine ; le Thymus
Serpillam ou une espèce très voisine, surleDréatet
le Dira, etc. Ailleurs ce sont les marais qui en recè-
lent plusieurs : le Lysimachia vulgaris à Boufarick,
VOEnanthe Lachenalii, à la Rassauta, près Alger, le
Salsola Tragus, près de Bûne et au Khreider. Une
station bizarre, c'est celle du Trisetum Gaudinianum^
espèce du Valais et de la Sierra Nevada, qui se
34 LE TELL.
retrouve au Khreider dans la région des steppes.
La flore de nos montagnes contient environ
400 espèces européennes, qui ne se retrouvent que
rarement dans la plaine, mais qui descendent d'au-
tant plus bas que l'on s'avance davantage vers le
nord. Telles sont : Myosurus minimus, Ranunculus
repens^ R. bulbosus, Delphinium Staphysagria, Pa-
paver Argemone^ Thlaspi perfoliatum^ Draba mura-
lis, Sisymbrium Alliaria, Géranium robertianum^ G.
lucidum, Holosteum umbellatum^ Montia fontana.
Vicia onobrychioides, etc.
La région de La Galle, point le plus septentrional
de l'Algérie, a gardé, jusque dans la plaine, beau-
coup d'espèces européennes, qui ne se retrouvent
guère ailleurs en Algérie : les Nymphœas, le Ranun-
culus flammula^ le Raphanus Landra, le Roripa am-
phibia, le Rhamnus Frangula, etc.
Un certain nombre d'espèces européennes des
anciennes flores de l'Algérie semblent s'être réfugiées
non vers le nord, mais vers le sud : Brassica humi-
lis^ Hélianthemum hiitum, Buffonia tenuifolia^ Her-
niaria iricana, Filago montana^ Onopordon acavle^
Asplenium Buta mur aria, etc. D'autres plantes, qui
ne se retrouvent que dans le sud de l'Algérie et
dans le midi de l'Europe, proviennent au contraire
d'un courant de plantes orientales qui a poussé jus-
qu'en Europe sans pouvoir prendre pied définitive-
ment dans le nord de l'Algérie.
La flore du Tell contient donc en grande majorité
des espèces méditerranéennes, ensuite un groupe
très important d'espèces de l'Europe moyenne, réfu-
giées sur les montagnes et dans les lieux très froids,
des vestiges d'une flore alpine, et des infiltrations de
FLORE HERBACÉE. 55
la flore désertique. Chacune de ces flores partielles
contient environ un quart d'espèces spéciales.
Si nous étudions les rapports de la flore algérienne
tout entière avec les flores des pays voisins, nous
trouvons que sur environ 3 000 espèces qu'elle
comprend, 1 900 se retrouvent en Espagne, i 600 au
moins sont communes à l'Algérie et à l'Italie, 1 500 à
l'Algérie et à la France; environ 600 sont spéciales.
200 plantes environ ne sont communes qu'à l'Espa-
gne et à l'Algérie; 195 qu'à l'Algérie et à l'Orient; 5 à
7 plantes d'Algérie ne se retrouvent qu'en Grèce ;
3 ne sont communes qu'à l'Algérie et à la France;
avec l'Italie méridionale le nombre d'espèces spé-
ciales communes est de 70. Une quarantaine se
retrouvent en Algérie, en Orient et en Espagne, sans
s'étendre à d'autres pays, enfin une quarantaine
aussi, dont plusieurs cosmopolites, se trouvent
répandues sur toute la calotte nord de notre globe.
Les familles les plus importantes sont les Compo-
sées qui forment les 16 centièmes de la flore phané-
rogamique; les Légumineuses, 12 centièmes ; les
Graminées, 8 centièmes ; les Crucifères, 7 centièmes ;
les Ombellifères, Labiées et Caryophyllées viennent
ensuite. Les genres les plus nombreux en espèces
sont : Silène^ Ononis, Centaurea, Hélianthemum, Lina-
ria^ AsU'agalus, Ranunculus^ Fuphorbia, Tinfolium,
Galium^ Erodium^ Medicago, Vicia^ Carex, Plantago^
Staiice, Salvia, Senecio, Reseda^ Brassica^ Teu-
crium, etc.
Beaucoup de genres sont spéciaux au pays, sur-
tout dans les Crucifères; d'autres, comme le genre
Carduncellus, y ont la grande majorité de leurs
espèces.
56 LE TELL.
On trouve dans l'est une petite colonie d'espèces
appartenant à des genres qui d'ordinaire ne s'aven-
turent pas sous une pareille latitude : Jassiœa, Gli-
nùs, Oldenlandia, Serpicula, Ipomœa. On peut y
joindre quelques espèces qui y semblent tout aussi
égarées : Colocasia antiquorum, Valisneria spiralis^
Utricularia cxoleta, Wolfîa arrhiza.
Les Orchidées et les Fougères, plantes des régions
humides, sont naturellement peu abondantes en
Algérie. En dehors du ïell, elles n'existent guère que
dans les montagnes. Ce sont en général des espèces
du midi de l'Europe, avec quelques types secondaires
spéciaux : Ophvys atlantica^ Ophryspectus, Limodorum
ïrabutianum, Platantliera algeriensis. Nous avons
un seul Crocus, dans la région de Garrouban, une
tulipe et unefritillaire, très répandues, une douzaine
de beaux Iris^ deux glaïeuls, divers narcisses, Pan-
erais, etc.
CHAPITRE III
AGRICULTURE
Le Tell est un pays essentielloment agricole. Le
littoral, les plaines du Tell intérieur, les flancs des
montagnes jusqu'à la limite des steppes conviennent
aux cultures les plus variées. Les steppes sont
propres_à Féleva^e, enfinjaj:£^ion déserjigue a ses
oasi^_eLses_^tivrages^
Les conditions climatériques du Tell algérien sont
tellernent-variées que presque toutes les plantes éco-
nomiques y donnent des produits abondants ; mais
les cultures sont cantonnées chacune dans des
limites qui sont aujourd'hui à peu près déterminées.
Nature des terres. — £.ajiatur6-des_.terres con-
tribue ^autant que les influences climatériques, avarier
les conditions dans lesquelles opère le cultivateur.
Les vallées ont des alluvions argilo-marneuses
généralement fertiles ; l'acide phosphorique y_est_
seul en trop petite quantité ; mais souvent la potasse_
y abonde.
La terre rouge du Sahel, qui appartient aux allu-
vions quaternaires, est pauvre en chaux et en acide
pliosphoriquej niais^ deyient_avec quelques amende-
ments un exfiellêiit, .sdI.
Les plateaux élevés, qui, suivant le régime des
pluies, font partie du Tell ou des steppes, sont cons-
58 AGRICULTURE.
titués par de profondes couches d'alluvions anciennes,
présentant presque partout une couche superficielle
de calcaires travertineux.
Cette croûte est parfois très superficielle et le sol
ne produit alors qu'une végétation herbacée, rabou-
grie. Quand la terre végétale est en suffisante quan-
tité, elle donne d'abondantes récoltes de céréales,
comme dans la région de Sétif . Ce sol ne convient
pas aux arbres, qui y font absolument défaut.
Dans la province de l'Est, les grès de Numidie de
l'Éocène, des argiles et des massifs de gneiss consti-
tuent une région pauvre en calcaire ; mais la végéta-
tion y est entretenue par des pluies abondantes, les
forêts y sont plantureuses.
Le Suessonien, dont les terres sont riches en phos-
phates, se trouve malheureusement en grande partie
dans la zone des pluies peu abondantes et irréguUères.
La fertilité de ces terres est ainsi masquée par le
manque d'eau.
De grandes étendues occupées par les marnes du
Miocène sont des terres fortes, riches en principes
utiUsables par les cultures.
Les marnes feuilletées, les calcaires du Crétacé
couvrent d'immenses surfaces, occupées par des
broussailles ou des pins. L'olivier vient aussi dans
ces formations. Là où les marnes sont assez déli-
tées, elles forment des terres arables de bonne qua-
lité pour les céréales.
Parmi les influences cUmatériques, celle qui pré-
domine est la répartition des eaux pluviales. Si cette
répartition était plus régulière, l'agriculture trouve-
rait en Algérie des conditions extraordinairement
favorables; mais la grande difficulté pour y ob-
NATURE DES TERRES.
59
tenir un rapport régulier de la terre provient
justement du régime des pluies sujet à de grandes
variations. Les cultures arbustives, oliviers, figuiers,
vignes, caroubiers échappent plus facilement aux
inconvénients de ces inégales répartitions de pluies,
aussi ces cultures ont toujours joué un grand rôle
dans le nord de l'Afrique. La culture de l'olivier a eu
son apogée sous les Romains, la vigne aujourd'hui
couvre d'immenses surfaces, le figuier, qui n'a
jamais été délaissé, gagne tous les ans du terrain.
Le caroubier, le frêne, le mûrier font merveille dans
les sols qui leur conviennent.
Quantité de pluies en millimètres, moyenne de 10 ans.
Stations.
Fort iNationnl 076
La Calle 838
Boufarik 700
Giielma 627
Aumale 425
Stations.
Orléansville 357
Bousaada. . 208
Laghouat 163
Biskra 121
Variations observées en 10 ans.
Fort National .
1878 = 768
millim.
1886 = 1231
millim.
La Calle
1880 = 490
—
1877 = 1087
—
Boufarik
1878 = 418
—
1886 = 1008
—
Guelma
1878 = 203
—
1877 = 818
—
Aumale
1885 = 230
—
1877 = 572
—
Orléansville.. .
1882 = 238
—
1877 = 552
—
Bousaada ... .
1887 = 122
—
1881 = 277
—
Laghouat
1879 = 46
—
1884 = 379
—
Le régime des pluies ne paraît pas avoir varié
beaucoup depuis l'antiquité et les soins apportés à la
confection d'innombrables barrages, dont on retrouve
les vestiges dans le Hodna et surtout en Tunisie, dé-
notent cette même nécessité d'utiliser toute l'eau
tombée.
58 AGRICULTURE.
titués par de profondes couches d'alluvions anciennes,
présentant presque partout une couche superficielle
de calcaires travertineux.
Cette croûte est parfois très superficielle et le sol
ne produit alors qu'une végétation herbacée, rabou-
grie. Quand la terre végétale est en suffisante quan-
tité, elle donne d'abondantes récoltes de céréales,
comme dans la région de Sétif. Ce sol ne convient
pas aux arbres, qui y font absolument défaut.
Dans la province de rp]st, les grès de Numidie de
l'Éocène, des argiles et des massifs de gneiss consti-
tuent une région pauvre en calcaire ; mais la végéta-
tion y est entretenue par des pluies abondantes, les
forêts y sont plantureuses.
Le Suessonien, dont les terres sont riches en phos-
phates, se trouve malheureusement en grande partie
dans la zone des pluies peu abondantes et irrégulières.
La fertilité de ces terres est ainsi masquée par le
manque d'eau.
De grandes étendues occupées par les marnes du
Miocène sont des terres fortes, riches en principes
utihsables par les cultures.
Les marnes feuilletées, les calcaires du Crétacé
couvrent d'immenses surfaces, occupées par des
broussailles ou des pins. L'olivier vient aussi dans
ces formations. Là où les marnes sont assez déli-
tées, elles forment des terres arables de bonne qua-
lité pour les céréales.
Parmi les influences cUmatériques, celle qui pré-
domine est la répartition des eaux pluviales. Si cette
répartition était plus régulière, l'agriculture trouve-
rait en Algérie des conditions extraordinairement
favorables; mais la grande difficulté pour y ob-
NATURE DES TERRES. 59
tenir un rapport régulier de la terre provient
justement du régime des pluies sujet à de grandes
variations. Les cultures arbustives, oliviers, figuiers,
vignes, caroubiers échappent plus facilement aux
inconvénients de ces inégales répartitions de pluies,
aussi ces cultures ont toujours joué un grand rôle
dans le nord de l'Afrique. La culture de l'olivier a eu
son apogée sous les Romains, la vigne aujourd'hui
couvre d'immenses surfaces, le figuier, qui n'a
jamais été délaissé, gagne tous les ans du terrain.
Le caroubier, le frêne, le mûrier font merveille dans
les sols qui leur conviennent.
QUANTITK DE PLUIES EN MILLIMÈTRES, MOYENNE DE 10 ANS.
Stations, Stations.
Fort iNationnl 076 Orléansville 357
La Galle 838 Bousaada.. 208
Boufarik 700 Laghouat 163
Gnelma 627 Biskra 121
Aumale 425
Variations observées en 10 ans.
Fort National .. 1878 = 768 niillim.
La Galle 1880 = 490 —
Boufarik 1878 = 418 —
Guelma 1878 =203 —
Aumale 1885 = 230 —
Orléansville.. . 1882 = 238 —
Bousaada 1887 = 122 —
Laghouat 1879 = 46 —
Le régime des pluies ne paraît pas avoir varié
beaucoup depuis l'antiquité et les soins apportés à la
confection d'innombrables barrages, dont on retrouve
les vestiges dans le Hodna et surtout en Tunisie, dé-
notent cette même nécessité d'utiliser toute l'eau
tombée.
1886 = 1231
miliim.
1877 = 1087
—
1886 = 1008
—
1877 = 818
—
1877 = 572
—
1877 = 552
—
1881 = 277
—
1884 = 379
—
60 AGRICULTURE.
La réputation de fertilité extraordinaire, que la
côte barbaresque s'était acquise depuis la plus haute
antiquité, reposait certainement sur une meilleure
utilisation du sol que pendant la période arabe et
même que pendant le demi-siècle de domination
française.
A Carthage, l'agriculture était très en honneur et
plusieurs auteurs carthaginois ont écrit des traités
d'agriculture. Magon avait résumé la science agricole
de son temps en vingt-huit hvres, qui furent épargnés
dans la dispersion de la bibliothèque de Carthage. Le
Sénat romain en ordonna même la traduction en
latin. Ce traité a malheureusement été perdu.
Les Romains, qui introduisirent en Afrique de nom-
breuses colonies, durent contribuer aussi à l'extension
de bonnes notions agricoles.
Après la conquête arabe, l'état d'anarchie et de
lutte qui régna pendant des siècles tendit à amener
le dépeuplement et l'abandon d'une bonne partie du
territoire Uvré à la culture. Cependant aux x^ et
xi'' siècles, il y avait encore, dans le nord de
l'Afrique, des populations agricoles et industrieuses.
Ibn Hankal et Bekri décrivent les irrigations, la cul-
ture des oliviers et de beaucoup d'arbres fruitiers ;
la canne à sucre était cultivée à Kairouan, le coton à
Sbab, les mûriers et les vers à soie à Gabès, etc.
Jusqu'au moment de la conquête française, l'aban-
don des cultures n'a fait que progresser, la Régence
d'Alger était plongée alors dans un véritable état de
barbarie.
De 1830 à 1842, la conquête absorba tous les
efforts, les révoltes enlevèrent toute sécurité et il
fallut l'énergie du maréchal Bugeaud pour mettre
AMÉNAGEMENT DES EAUX. 61
un terme à la guerre et livrer aux colons les terres
conquises.
Alors commence l'œuvre du défrichement, la lutte
contre la lièvre, ennemi autrement redoutable que
l'Arabe conquis. Les plaines du littoral, qui furent
d'abord attaquées par les premiers colons, étaient de-
puis longtemps abandonnées par les indigènes, les
marais en couvraient une grande surface.
Les efforts de ces vaillants colons de la première
heure ne tardèrent pas à donner à tout ce pays Taspect
riant de nos meilleures régions agricoles de France.
Les fermes, les villages apparurent reUés par des
chemins, des routes, puis des chemins de fer.
Aménagement des eaux. — La répartition irrégu-
Uèredes eaux pluviales a toujours été, dans l'Afrique^
le grand obstacle à la prise de possession du sol par
un peuple d'agriculteurs. Les Carthaginois et les
Romains n'ont établi leur domination sur cette terre
que par une conquête complète de l'eau. Les recher-
ches archéologiques poursuivies en Tunisie et en
Algérie, spécialement par le D"" Carton et par M. R.
de la Blanchère, ont démontré que, sous les civilisa-
tions anciennes, les eaux, si sauvages aujourd'hui,
étaient domptées par d'innombrables travaux hydrau-
liques qui se succédaient depuis les ravineaux des
montagnes jusqu'aux plaines sillonnées de canaux.
Actuellement, lorsque viennent les pluies, l'eau se
précipite, se hâtant de fuir à la mer en laissant son
terrain de parcours sec et bouleversé.
En montagne, les ravins étaient garnis de terrasses
de retenue étagées en paliers, l'eau était répartie
sur de grandes surfaces qu'elle imbibait, des sources
nombreuses étaient ainsi alimentées. A leur entrée
62 AGRICULTURE.
en plaine, les oueds trouvaient des barrages réser-
voirs et distributeurs qui les menaient dans les
canaux d'irrigation. Ces ouvrages anciens n'ont pas
été conçus sur un plan d'ensernble, ni exécutés
simultanément, ils appartiennent à des âges diffé-
rents et ont été, pendant des siècles, la manifestation
d'une colonisation florissante : ils étaient dus non
seulement aux efforts des colons, mais aussi et sur-
tout aux pouvoirs collectifs ou à des associations.
Aujourd'hui, comme du temps des Romains, on peut
dans le territoire colonisé distinguer deux régions :
l'une recevant une masse de pluie abondante ; l'autre,
moins favorisée, ne recevant qu'une quantité le plus
souvent insuffisante.
Ces deux régions, inégalement arrosées l'hiver,
sont également sèches en été et réclament à ce mo-
ment leau d'irrigation. La prospérité de l'Afrique
pendant la période romaine était le prix dun travail
opiniâtre, corrigeant la nature et assurant l'eau aux
cultures d'hiver comme aux cultures d'été.
Dans les travaux hydrauliques anciens, les terrasses
de retenue^ de construction rustique, barraient tous
les torrents, même minuscules ; elles se composaient
d'un mur en pierres sèches de l^jSO de hauteur,
d'un peu plus d'un mètre d'épaisseur et d'une lon-
gueur variable, souvent ne dépassant pas une dizaine
de mètres dans les ravins étroits. Vers l'amoilt, le
terrain retenu était plus ou moins horizontal. Dans
chaque ravin, les pluies trouvaient une succession de
ces terrasses, chacune formait un arrêt suffisant
pour les terres et comme elles restaient perméables,
l'eau s'écoulait lentement par les interstices, par infil-
tration, l'excédent coulait clair et tombait en cascade
AMÉNAGEMENT DES EAUX. 63
à chaque échelon. Le liquide gagnait ainsi lentement
les niveaux inférieurs sans entraîner les terres. Ces
petits travaux ne coûtaient pas très cher, ils étaient
exécutés par les colons, faisant ce que font de nos
jours nos indigènes quand ils veulent détourner un
cours d'eau pour leurs irrigations.
De tels travaux changent un torrent caillouteux en
un ruisseau inoffensif, préparé pour l'irrigation delà
plaine. Le régime des sources de tout le versant se
ressent de ces infiltrations et les fontaines fournis-
sent aussi une eau fertilisante pour les jardins et les
prairies. Plnfîn, la végétation arborescente trouve
dans ce sol une fraîcheur profonde qui lui est favo-
rable.
Mais ces barrages rustiques des vallons supérieurs
ont encore un rôle plus important, ils permettent
l'établissement, avec quelque sécurité, des barrages
réservoirs à l'entrée de l'oued dans la plaine. Sans les
retenues en montagne, les crues trop rapides em-
portent les ouvrages les mieux établis.
M. de la Blanchère a établi que les grands barrages
des anciens n'étaient pas des œuvres d'art, ils ne
visaient point à l'effet, souvent ils étaient établis sur
des bases très modestes, puis successivement allongés
et élevés.
« Nulle part on ne se sent plus franchement en
présence d'un ouvrage rural, fait par les gens du lieu
pour leurs propres besoins. Pas une ligne n'est
droite, pas une direction mathématique, pas une dis-
tance exacte ; tout est fait et placé à l'œil. Les mas-
sifs de maçonnerie ont les formes les plus baroques,
renforcés d'une façon quelconque là où il a semblé
utile. Une seule chose est soignée, le mortier, qui fait
64 AGRICULTURE.
de ces blocages grossiers une masse extrêmement
dure. Ce caractère de rusticité, cette préoccupation
unique de faire quelque chose qui serve et en même
temps cette maladresse à faire quelque chose de
beau, sont à noter; ils se retrouvent dans tous les
travaux de ce genre, sauf de très rares exceptions.
« Il est visible qu'il s'agit d'autres entreprises que de
travaux publics. Ce n'est point le gouvernement qui
a créé ces digues, ces barrages, ces canaux et ces
déversoirs. Il faut y voir des œuvres d'intérêt local,
exécutées moins par des ingénieurs que par des pra-
ticiens de campagne, des agriculteurs possédant la
tradition et l'habitude ; une longue expérience faisait,
chez les anciens, que ces conceptions, qui nous
semblent appeler des spécialistes et pour l'exécution
desquelles nous entretenons des services, étaient
dans la pratique courante. Il est vrai qu'on ne se ris-
quait à entreprendre rien d'immense; mais c'était
déjà un succès que d'en avoir écarté le besoin (1). »
Ces travaux hydrauliques anciens couvrent la
Tunisie et la province de Constantine.
Dès 1864, le commandant Payen signalait à la
Société archéologique de Constantine les vestiges de
nombreux barrages dans le ITodna. Tous les oueds y
avaient leur barrage; des réservoirs, des canaux en-
digués y existent encore à profusion et les indigènes
s'efforcent, de nos jours, de réparer ces oeuvres d'un
autre âge; mais n'employant que la terre et les
fascines, ils voient, à chaque crue unpeu forte, leurs
travaux emportés.
A la base du massif de l'Aurès, à Markouna, des
(1) De la Blanchère, loc. cit.
AMÉNAGEMENT DES EAUX. 65
travaux hydrauliques importants permettaient d'inon-
der la plaine. Tébessa devait sa prospérité agricole à
l'aménagement des eaux de l'Aufôs. A la limite du
Sahara, l'oued Djeddi présente des ruines de grands
barrages.
Les importants travaux hydrauliques des anciens,
abandonnés, puis ruinés, étaient oubliés lors de notre
occupation. Les indigènes, usant de leurs faibles
moyens, irriguaient cependant encore de notables
surfaces, au moyen des dérivations qu'ils savent bien
pratiquer et qui leur fournissent, soit l'irrigation
d'hiver dans les régions oii la pluie est rare, soit l'ir-
rigation d'été dans le voisinage des montagnes.
Les premiers administrateurs militaires ne tar-
dèrent pas à entrevoir le rôle bienfaisant de l'eau, et
d'importants travaux furent réalisés dans le sud et
sur le littoral. Un des plus remarquables est le
barrage de Marengo, sur l'oued Meurad. Ce barrage-
réservoir est le premier construit en Algérie. C'est le
service du génie qui l'a fait construire de 1852
à 1867. La digue en terre a 27 mètres de hauteur
au-dessus du thalweg; elle est longue de 80 mètres;
la capacité du réservoir est de 892 000 mètres.
L'utilisation des eaux est une des questions capi-
tales à résoudre ; elle est complexe, car elle comporte
l'étude et la solution de bien des problèmes d'ordres
différents. On a beaucoup dépensé pour édifier les
grands réservoirs, peut-être eût-il été plus pratique
de commencer par de simples prises d'eau en rivière,
qui, dans la vallée du Chélif, notamment, auraient
déjà donné des résultats importants. Ces prises d'eau
se font sans frais quand elles sont directes, ce qui
peut être souvent réalisé. Souvent ces prises d'eau
Battandier et Thabut. — Al^ériec. li
66 AGRICULTURE.
ne peuvent avoir un ^rand débit qu'en hiver, mais,
avec deux irrigations pendant la période des pluies,
on peut obtenir d'importantes récoltes dans les con-
trées si étendues qui ne reçoivent que des pluies irré-
gulières et presque toujours insuffisantes. Un hec-
tare de céréales peut, dans la région d'Orléans ville,
produire 30 quintaux de blé, lorsque dans une année
de sécheresse, on a pu donner deux fois de l'eau.
Le barrage du GhéLLf est la plus importante prise
d'eau en rivière de l'Algérie. Le Chélif a un débit
moyen, en amont d'Orléansville, de 3 à 5 mètres
cubes de mai à octobre et de 15 à 60 mètres cubes
de novembre à février. Le débit peut descendre
à 1°'%500 et atteindre par les grandes crues 1 200 mè
très cubes. Le barrage est établi à 25 kilomètres en
amont d'Orléansville, la totahté des eaux d'arrosage
est dérivée sur la rive gauche, au moyen d'un canal
ouvert pour un débit de 1"'%5. Au village de Pontéba,
ce canal se divise en deux branches, l'une continue
sur la rive gauche, l'autre franchit le Ghéhf au moyen
d'un siphon en tôle. La surface arrosable est
de 2400 hectares sur la rive gauche et de 7 700 hec-
tares sur la rive droite. La dépense pour ces ouvrages
d'art importants s'élève èi 2 402000 francs. Les usa-
gers doivent construire les canaux secondaires,
payer une redevance à l'État et entretenir les tra-
vaux exécutés. Sur 1 500 Utres à la seconde, 400 seu-
lement sont souscrits par les usagers, les 1100 autres
retournent inutiUsés au Chélif. La cause de cette
anomabe réside dans le tarif élevé d'une redevance
perpétuelle.
Dans un pays où l'agriculture est encore mal
assurée, faute de débouchés, de moyens de commu-
AMÉNAGEMENT DES EAUX. 67
nication, de sécurité, on conçoit qu'un jDropriétaire
hésite à grever ses terres d'une redevance perpé-
tuelle de 60 à 80 francs par hectare. Dans les Indes,
où les irrigations sont nombreuses, la redevance
n'est que de 15 francs par hectare et elle n'est établie
qu'après un essai de trois ans. Pourquoi dans le
Chélif ne concéderait-on pas, moyennant une rede-
vance annuelle, les 1100 mètres cubes qui sont
perdus, faute des concessionnaires perpétuels qui ne
se présentent pas ?
Les résultats remarquables obtenus en Espagne
par les grands réservoirs ont décidé le gouvernement
de l'Algérie à entreprendre ou à favoriser ces
grands travaux hydrauliques* dès 1845 ; au point où
le Sig sort des gorges pour entrer dans la plaine,
l'autorité militaire fit construire un barrage-réservoir.
Les vestiges de maçonnerie trouvés au même point
ont permis de constater que les Turcs, et peut-être
aussi les Romains, avaient utiUsé cet emplacement
particulièrement favorable pour un barrage de déri-
vation. En 1858, ce premier barrage fut élevé et l'eau
en réserve atteint 3 millions de mètres cubes. Ce
barrage devint bientôt insuffisant et en 1883 le Syn-
dicat de Saint-Denis-du-Sig fit construire, aux
Cheurfa, un deuxième réservoir de 18 millions de
mètres cubes. Deux ans après son achèvement,
en 1883, les eaux ouvrirent une brèche de 40 mètres
de longueur. Le barrage d'aval fut rompu.
La Compagnie franco-algérienne achevait, en 1871 ,
un autre barrage sur l'Habra; la capacité atteignit
30 millions de mètres cubes. Des fissures ne tar-
dèrent pas à se produire dans les maçonneries. Ces
fissures s'agrandirent en 1878 et dans la nuit du 14
68 AGRICULTURE.
au 15 décembre i88i, à la suite d'ane pluie torren-
tielle, les eaux s'élevèrent à 2™, 25 au-dessus de
la crête du déversoir en emportant le barrage sur
136 mètres de longueur et 18 mètres environ de
hauteur en contre-bas du couronnement.
Les réparations ont été exécutées par l'État
de 1883 à 1887. La dépense de premier établissement
est évaluée à 4 000000 francs, la réparation a coûté
1367 000 francs, la surface irriguée est de 126 000
hectares.
Dans la Mitidja, le barrage du Hamiz est établi en
avant du Fondouk et doit retenir 14 milhons de
mètres cubes; les canaux dominent 30000 hectares,
mais la surface irriguée ne dépassera pas 10 000 hec-
tares.
En dehors des dangers de rupture, ces réservoirs
sont fatalement condamnés à un envasement qui
diminue d'année en année leur capacité et qui ne
pourra être prévenu que par des travaux de retenue
en amont dans le genre de ceux qu'exécutaient les
Romains et que nous connaissons par des vestiges
relevés en Tunisie.
En montagnes, les irrigations faites par les indi-
gènes sont le plus souA'ent faites par de simples
dérivations de sources ou de cours d'eau. On observe
cependant quelques travaux permettant d'utihser,
pour l'irrigation, des sources de faible débit ; dans
l'Aurès, des bassins en terre sont construits et
retiennent assez d'eau pour irriguer un jardin.
Dans le sud de la province de Constantine, les
eaux artésiennes ont fait des merveilles. Les pre-
miers sondages, dus à l'initiative du général Desvaux
et effectués en 1856, ont donné des eauxjailhssantes
CEREALES. 69
en grande abondance (4500 litres par minute). De-
puis, les sondages, sous riiabile direction de M. Jus,
se sont multipliés dans l'Oued-Rhir: cent vingt puits
tubes et cinq cents puits indigènes boisés enlèvent à
la nappe environ -4 000 litres à la seconde. Les pre-
miers puits tubes n'ont pas sensiblement varié de
débit depuis leur exécution. Mais il est facile de pré-
voir que l'on ne pourra pas indéfiniment puiser dans
la même nappe et que les belles exploitations créées
dans les Zibans, le Souf et rOued-Rhir auront forcé-
ment une limite. Cependant les eaux souterraines sont
loin d'être toutes utilisées en Algérie et leur recherche
et utilisation, dans le ïell comme dans les Hauts-
Plateaux et le Sahara, constituent un des côtés du
problème algérien sur lequel on ne saurait trop faire
porter les efforts et les ressources des particuliers et
de l'État.
Cultures. — Dès le début de la colonisation algé-
rienne se posait un problème, qui n'est pas encore
résolu de nos jours.
Quelles sont les cultures sur lesquelles doit se
fonder l'agriculture algérienne ?
Céréales (1). — Les Céréales^ qui de tout temps
cTvMfnt f ouriù d'importantes quantités à Texportation,
nej)OU valent être délaissées L elles enricliirent peu les
colons, les surfaces concédées étant insuffisantes,
on ne put donner à cette culture l'extension qu'elle
comporte.
Les jLuIiffènes r.uU.ivent les_ blés dans les _pjaine,3
élevée^.at surtout d^^ns les provinces de Cnni^ta^^tine
eLxL-Ûfâft
(1) Surface ensemencée annuellement : 3 800000 hectares.
70 AGRICULTURE.
Ces blés indigènes sont fort beaux et très nombreux,
les cultivateurs arabes les distinguent bien, connais-
sent leurs mérites et leurs aptitudes et l'on pourrait
s'étonner de trouver une telle diversité de races sou-
vent en mélange dans le même champ.
Le grain est tantôt très clair et glacé, recherché
pour les semoules et pâtes, tantôt rouge et plus
opaque et plus riche en azote.
Sa forme est courte [Haynra]^ ou au contraire très
allongée, comme dans le Nabel-Bel (dent de chameau)
ou le Bou richa^ qui n'est pas autre chose que le blé
dit de Pologne.
L'épi est court et compact dans VHadjini, le
Zedouni; il est au contraire allongé dans le Hamra.
Les glumes sont glabres [Kahala) ou bien velues
[Nabel-Bel)', elles sont blanches, rouges [Hamra) ou
complètement noires, comme dans le Zag Ghorab ou
le Merouani.
Les barbes, très développées dans toutes les espè-
ces, sont généralement d'un beau noir, mais cette
teinte ne se conserve bien que dans les plaines
sèches et élevées ; surlehttoral ce caractère disparait
dès la deuxième génération.
Les blés tendres se rencontrent aussi chez les
indigènes, l'un à barbe est appelé Farina, l'autre
sans barbe, cultivé dans le sud-est, le Fortass, rap-
pelle VOdessa sans barbe.
Les blés durs indigènes peuvent fournir toutes les
races désirables et il n'existe rien de mieux à leur
substituer ; mais il était nécessaire de compléter la
série des blés tendres et d'acclimater quelques races
précoces et prohtiques.
Les premières tentatives n'ont pas réussi, tous
CÉRÉALES. 71
les blés tendres à grands rendements ne supportent
pas les premières chaleurs et sèchent sans donner
de grains, après avoir pris un très beau développe-
ment pendant le printemps. Seuls, quelques blés
tendres de la région méditerranéenne donnent une
récolte régulière.
La rouille est fréquente seulement dans les plaines
*du littoral, elle cause des dégâts énormes, quand les
conditions climatériques sont favorables à sa propa-
gation.
L'analyse chimique de bien des terres à blés
accuse une quantité trop faible d'acide phosphorique
et ce manque de phosphate joint à la défectuosité
des labours, à l'irrégularité des pluies, a pour con-
séquence une insuffisance de rendement.
Depuis quelques années, bien des colons labourent
dès le printemps et donnent à leur terre les éléments
fertihsants qui leur manquent; cette pratique leur
vaut des récoltes non seulement supérieures en
quantité, mais aussi plus assurées.
Les blés durs d'Algérie ont toujours été appréciés,
les anciens en faisaient grand cas et, de nos jours, ils
ne sont peut-être pas assez payés par le commerce
qui se laisse séduire par les bas prix des blés étran-
gers. Le blé dur pèse plus de 78 kilos l'hectolitre;
il rend 81 p. 100 de farine. D'après les anciens, il
semble que la terre d'Afrique était plus fertile autre-
fois qu'aujourd'hui; d'après les documents laissés
par PUne, le poids de nos blés aurait diminué depuis
l'époque romaine.
On peut attribuer ce fait à la diminution de la
réserve »de phosphates, contenue dans la couche
arable, qui tous les ans a perdu, par l'exportation des
72 AGRICULTURE.
grains, quelques kilos d'acide phosphorique par
hectare. Les grains de blé dur, qui sont insuffisam-
ment nourris jusqu'à maturité, sont en partie tendres,
on les nomme juitadïns. Ces blés mitadins ont été
bien à tort regardés comme provenant de croisement
avec des blés tendres. Les blés mitadins deviennent
ainsi incomplètement cornés ou durs par suite du
manque d'eau, d'azote ou d'acide phosphorique, ce
sont des grains qui n'ont pas atteint tout leur déve-
loppement.
Les blés importés par les Romains proA^enaient
aussi en grande partie des régions privilégiées de
la Nnmidie et de la Tunisie, où les terres à cé-
réales sont, dans la zone du Suessonien, si riches en
phosphates.
PUne parle d'un rendement de 100 p. 1 dans la
Byzacône ; Strabon cite une touffe de 400 épis tous
sortis du même grain.
De nos jours, les rendements sont faibles. Les
Européens obtiennent cependant des récoltes supé-
rieures d'un tiers ou de la moitié. La récolte moyenne
des Indigènes est de 6 quintaux, les Européens dépas-
sent rarement 16.
L'Algérie produit de grandes quantités d'orge.
L'orge mûrit en moins de temps et échappe à la
sécheresse plus facilement que le blé. Cette céréale
donne de meilleurs rendements que le blé, dans les
terrains non ameubhs; elle convient aussi aux indi-
gènes pour leur nourriture et pour celle de leurs
chevaux. L'Algérie pourrait produire des orges de
brasserie pour l'exportation ; mais on ne connaît
pas les variétés qui seraient plus avantageuses pour
le commerce. Les orges nues on orges-blés donnent
LÉGUMINEUSES. 73
de beaux rendements et conviendraient pour l'uli-
mcntation des indigènes.
L'avoine n'est cultivée que par les Européens, elle
rient très bien, mais elle est légère et très sujette à
contracter l'ergot. Peu de variétés sont susceptibles
d'être cultivées, le plus grand nombre est attaqno
par la rouille.
Le seigle vient bien dans les terrains siliceux, mais
il n'est cultivé que pour la paille et par les Européens.
Le Sorgho, Bechena des Arabes, est une céréale pré-
cieuse pour les populations pauvres du littoral, dans
les terres argileuses noires et fraîches.
Le sorgho rend jusqu'à quatre-vingts fois la semence.
Les feuilles après la récolte constituent une res-
source de fourrage, pour une période de l'année
remarquablement pauvre en herbages.
Deux variétés sont surtout cultivées : le sorgho
blanc et le sorgho brun (Dra). Les sorghos viennent
si bien qu'il est étonnant que les colons n'aient pas
encore adopté la culture des sorghos à balais et des
sorghos sucrés.
Le maïs est cultivé par les Européens et par les
Indigènes.
Le millet à chandelle est aussi cultivé par les
Indigènes, ainsi que le millet ordinaire.
Le riz n'a été l'objet que de quelques essais, il
viendrait aussi bien en Algérie qu'en Espagne et en
Italie; mais la main-d'œuvre expérimentée manque
pour cette culture.
Légumineuses. — Après les céréaleg proprement
dites, J^ 2l^ry;e.s qmJ_ouent_un^role^^^ dans
l^Umen_tation sont, parmi les Légumineuses, la fève,
le poia chichevla^sse, le doUque.
74 AGRICULTURE.
__ La FèveJxûoa-Ye-erLAlgénejÊ-SDl-^^^^^
convient et xette culture déjà très^énérale^^^^
encûreAtre étendue. Dans certaines parties du Sersou,
on trouve en grande quantité, à l'état subspontané
dans les plaines, une petite fève -qui a pris dans ces
conditions un aspect de plante sauvage .
L e^ Pois^hiche {Cicer), rfieherrhé par tontes Jp^;-
populations riveraines deJaAiédijerranée, donne des_
récoltes abondantes de grainet fournit aussi une_.
paille qui est utilisé-e.
La Gesse [Lathyrus sativus) n'est guère consommée
que par les Kabyles et par les Espagnols, qui ont
des variétés améliorées très belles. L'usage prolongé
de la gesse, une cuisson incomplète, entraînent des
accidents nerveux graves (Lathyrisme).
Le Dolique {Bolichos Lubia) esX-Cilltivé_£arJ[es
Indigènes, il donne, dans les sols qui coaseXYsnt une_
certaine fraîcheur en été, une grande quantité d'un
petit haricot blanc portanL_une tache noire. Les
doliques croissent vigoureusement en Algérie et
il serait possible de leur demander un fourrage
abondant.
Il en est de même des différents Soja de Chine,
qui ne sont pas encore connus et qui pourraient
cependant rendre de grands services.
Vignes. — Parmi les cultures arbustives, celle de
la Vigne occupe le premier rang et l'on peut évaluer
à plus de 50 millions la production annuelle des
vignes des trois départements algériens.
De tout temps, l'Algérie a été la patrie de la vigne.
M. Pomel en a retrouvé des feuilles fossiles dans les
travertins quaternaires de Miliana, elle est abon-
dante à l'état sauvage et les indigènes cultivent près
VIGNES. 75
de cinquante cépages, dont certains ont une valeur
réelle.
Il est assez singulier que, placés dans des condi-
tions aussi favorables, les premiers colons aient hé-
sité si longtemps à planter de la vigne et à faire du
vin pour la consommation locale.
Les premiers vignerons eurent en effet de la peine
à faire accepter leurs produits, il faut avouer qu'ils
étaient parfois défectueux. La vigne croissait bien,
mais le vigneron algérien ne savait pas encore faire
le vin sous un climat très particulier, dans des condi-
tions absolument différentes de celles qui lui étaient
familières.
Au milieu de ces tentatives parfois heureuses, mais
souvent accompagnées de déboires, quelques colons
se distinguèrent et produisirent des vins recherchés
d'abord par la consommation locale, puis par l'expor-
tation dans la métropole.
C'est vers 1879 que commença timidement une
exportation de 6000 hectolitres; en 1883, 250000 hec-
tolitres sont dirigés sur la métropole; en 1886, c'est
500 000, aujourd'hui nous arrivons à 3000000 hecto-
htres Uvrés à l'alimentation française.
L'Algérie possède actuellement 150000 hectares de
vignes et mérite de prendre rang parmi les pays
grands producteurs de vin.
Ces 150000 hectares représentent une valeur de
600 milUons et tous les ans environ 35 milUons sont
distribués aux Indigènes sous forme de main-
d'œuvre.
Les vins algériens ont eu un mauvais moment, il
faut le reconnaître. Quand la production eut pris une
grande proportion, le matériel usité jusqu'alors fut
76 AGRICULTURE.
insuffisant, il fallut de grandes cuves et toute une
organisation pour manipuler en grand. Les pro-
duits laissèrent alors à désirer dans bien des cas.
Le défaut le plus commun fut une fermentation
incomplète, les vins restaient doux, puis sujets à des
reprises de fermentation et surtout à des maladies.
Tout ce mal provenait d'une certaine quantité de
sucre non converti en alcool. On doit attribuer
cet insuccès dans la fermentation à la température
trop élevée des cuves, température de 40° produite
par le travail chimique d'une fermentation débutant
dans un milieu atteignant déjà 30'' à 35° au moment
de la mise en cuve. La température de l'atmosphère, la
température du raisin, sa trop grande richesse en sucre
sont les trois obstacles à la vinification en Algérie.
Ces faits sont aujourd'hui hors de doute et un pro-
grès immense a été réalisé par la découverte récente
d'une bonne méthode de vinification en pays chauds.
Tout viticulteur sait aujourd'hui qu'il obtiendra de
ses raisins un vin normal en se conformant aux indi-
cations suivantes :
1° Éviter de mettre en cuve des raisins chauds; la
température initiale du moût joue un rôle capital sur
la marche de la fermentation. On devra aussi aérer
le moût sortant du fouloir.
2° Pendant la fermentation, opérer la réfrigération
quand la température dépasse 35° dans la cuve.
3° Appliquer à toutes les manipulations de la cuve
une grande propreté, une véritable asepsie. Les
raisins très mûrs qui, traités ainsi, donnent toujours
de meilleurs vins, manquent parfois d'acidité, on
obvie à ce défaut par l'addition de grappillons faciles
à obtenir.
VIGNES. 77
L'Algérie a donc en quelques années obtenu une
production considérable de vins, elle travaille
aujourd'hui à obtenir la qualité et l'on peut dire que
le problème est résolu, il reste seulement à vulga-
riser les bonnes méthodes de vinification ; ce qui n'est
pas aussi facile qu'on pourrait le croire, chaque viti-
culteur étant généralement satisfait de ses produits,
môme très défectueux.
Comme les régions similaires du bassin méditer-
ranéen, l'Algérie saura un jour préparer des vins de
grande valeur; mais pour y arriver de nombreux
tâtonnements sont nécessaires. Des recherches mé-
thodiques hâteront certainement la solution de cet
important problème.
Au point de vue économique, la viticulture algé-
rienne est dans de très bonnes conditions. Dans les
terres profondes et riches, avec ou sans le secours des
fumures et d'irrigations modérées, on peut obtenir
des rendements de 120 à loO hectolitres à l'hectare,
h'été sec et chaud convient aux raisins qui achèvent
toujours leur maturation. Les maladies cryptoga-
miques se sont jusqu'à ce jourmontréesmoins tenaces
et moins malfaisantes qu'en France, \q phylloxéra n'a
détruit les vignobles de Philippeville et de Mascara
que par suite d'une défense incomplète, chez des
viticulteurs peu disposés à se prêter aux exigences
du traitement d'extinction. A Tlemcen et à Sidi-bel-
Abbès,la lutte contre l'insecte a été victorieuse. Dans
les régions élevées et sèches, le rendement est
moindre, mais la qualité devient une compensation;
les maladies cryptogamiques, qui occasionnent de si
grosses dépenses dans les plaines et sur littoral, y
sont inconnues.
78 AGRICULTURE.
I
En dehors de la production du vin, la vigne joue
un rôle important dans l'alimentation. Des raisins
précoces sont expédiés en quantité assez considé-
rable, des raisins tardifs de la région montagneuse
pourraient aussi être livrés à Texporlation en décem-
bre et en janvier. Enfin la consommation locale ne
peut être évaluée exactement ; mais elle représente
un chiffre important. Les Indigènes mangent beau-
coup de raisins ; au moment de la grande production,
beaucoup ne prennent pas d'autre nourriture. Les
viticulteurs ont énormément de peine à obliger leurs
ouvriers à manger du pain pendant les vendanges.
Ces vendangeurs vivent exclusivement du fruit qu'ils
récoltent et conservent ainsi leur salaire intact.
L'industrie des raisins secs devrait aussi attirer
l'attention des producteurs. Les Kabyles préparent
en petite quantité des raisins secs, mais pour leur
consommation.
Olivier. — L'Olivier, par sa grande diffusion et
aussi par l'importance de ses produits, est l'arbre qui
mérite le plus d'attirer l'attention de la colonisation
nouvelle. Bugeaud disait souvent aux premiers
colons : « Plantez de la vigne et greffez vos oliviers. »
Ce sage conseil n'était que bien peu suivi, on n'a
planté de ia vigne que vingt-cinq ans plus tard et on
a fait beaucoup de charbon avec les oliviers.
L'olivier peut être planté avec profit sur les flancs
secs des coteaux, dans des terres légères, générale-
ment maigres. Cette culture arbustive devient le com-
plément des pâturages et des céréales, qui font parfois
défaut, laissant les populations indigènes sans aucune
ressource pendant de longs mois.
Dès l'antiquité^ l'olivier était cultivé en grand sur la
OLIVIER. 79
côte d'Afrique : Diodore de Sicile raconte que lors de
la descente d'Agathocle en Afrique (310 avant J.-C.)
les Syracusains furent émerveillés de la végétation
luxuriante des oliviers et des vignes. L'huile a
toujours été un important produit du Maghreb. Do
nos jours, on retrouve encore les traces de ces
anciennes plantations, les vieux oliviers en quinconce
ont frappé depuis longtemps les observateurs.
M. Bourde (1) a récemment appelé l'attention sur
la culture trop oubliée de l'ohvier. D'aj^rès cet obser-
vateur sagace, la culture fruitière a été l'ancienne
cause de la prospérité du Maghreb. La richesse re-
Adendra dans ces régions quand nous aurons recons-
titué les anciennes plantations et mis cette terre
fertile en exploitation par les racines profondes des
grands végétaux.
L'olivier est spontané dans toute la Barbarie ; mais
à côté des races absolument sauvages, Zeboudj des
Arabes, on rencontre beaucoup d'oliAders semés par
les oiseaux et qui dérivent des races cultivées. Le
môme fait s'observe pour la vigne. Il est difficile
qu'il en soit autrement.
Les races cultivées sont nombreuses, beaucoup
sont communes à toute la région de l'olivier, mais
quelques-unes paraissent des variétés locales, qui
ne sont pas dépourvues de valeur. C'est en Kabyhe
et dans la région de Sfax que l'on peut observer les
types les plus intéressants (fig. 5). Il est fort curieux
de constater qu'il n'existe, en Algérie, ni une étude sur
cette importante question des races locales d'ohviers,
ni une pépinière, où seraient réunies les variétés de
(1) Bourde, Culture de l'olivier dans le centre de la Tunisiei
Tunis, 1893.
80 AGRICULTURE.
toutes provenances et qui rendrait les plus grands
services. On ne prend généralement pas le soin de
greffer les meilleures variétés et cependant on peut
affirmer que tout le succès d'une entreprise agricole
ayant l'olivier pour base dépendra du choix des
races adoptées.
La chaleur paraît avoir une influence considérable
sur la teneur des oUves en huile. Les mêmes
variétés sont plus riches en matières grasses en
Afrique qu'en France et dans les stations du sud que
dans celles du nord. M. Bertainchand a déterminé
la proportion de matière grasse contenue dans la
pulpe de la variété Chemlali et a obtenu :
Tuuis 2G,40 p. 100
Sousse 27,91 —
Sfax 28,15 —
Djerba 29,27 —
Dans les uasis, certaines ohves ont donné jusqu'à
31, 34 p. 100 d'huile.
Tous ces chiffres sont supérieurs à ceux obtenus
en France avec le hlanquetier^ qui est la même variété
que le Chemlali et qui ne dépasse pas 20 p. 100.
Les huUes varient aussi de composition suivant
les régions et suivant les variétés. D'une manière
générale, les huiles africaines sont plus riches en
margarine, elles se figent plus vite et plus complè-
tement à 5 degrés au-dessus de zéro.
Les variétés sont aussi inégalement riches en mar-
garine ; mais il conviendrait de fixer les cultivateurs
sur ce point important.
En Cahfornie, la verdale donne une huile très
riche en margarine que le commerce n'accepte pas
volontiers, car ce produit se clarifie très mal et com-
OMVIEII,
81
Battandieu et Thabijt. — Algérie.
82 AGRICULTURE.
promet la valeur des mélanges dans lesquels il entre.
L'olivier a une durée indéfinie, les vieux arbres se
creusent, s'ouvrent, chaque fragment vieillit et
meurt successivement, puis de la souche repartent
des rejetons qui bientôt sont dominés par une tige
principale reconstituant ainsi un nouvel arbre.
Puisque les envahisseurs nomades ont détruit
dans le nord de l'Afrique les ohviers et toutes les
cultures arborescentes, il est bien clair que, dans les
circonstances actuelles, nous ne pouvons rien faire
de mieux que de reprendre la tradition des colons
romains et de tenter la reconstitution des anciennes
forêts d'oliviers dont nous voyons les traces.
Les débouchés sont bien connus, toutes les na-
tions de l'Europe occidentale utihsent des quantités
considérables d'huile d'ohve. Les États-Unis en
achètent pour plus de 80 milhons de francs. Enfin,
en France, l'importation atteint 20 milhons de kilos.
Mais il faut attendre quinze ans pour qu'une
oUvette donne du bénéfice, et ce n'est que la huitième
année que l'ohvier paie ses frais d'entretien.
Ces longues années à attendre, dans un pays où
l'on est pressé de réahser, constituent le grand
obstacle à l'extension de la culture des arbres en gé-
néral et des ohviers en particulier.
De nos jours, de grands domaines se sont cons-
titués et bien des propriétaires font greffer leurs
ohviers ou font, ce qui est préférable, des plantations
avec des sujets obtenus de bouture. Dans le dépar-
tement d'Oran, l'ohvier est souvent planté dans la
vigne et se trouvera prêt à remplacer cette der-
nière si le phylloxéra en amenait la destruction.
Dans les régions favorables à l'ohvier, on pourrait
FIGUIER. 83
facilement provoquer de nouvelles plantations par
la création de pépinières communales qui livreraient
aux colons des oliviers déjà formés et de bonnes
races ; la transplantation de l'olivier est facile, il est
même avantageux de le planter ayant déjà acquis
une certaine force.
Figuier. — Après Tolivier, le Figuier joue un
rôle des plus importants dans la production algé-
rienne. Le figuier est surtout cultivé par les Indi-
gènes des régions montueuses, le principal centre de
cette culture est la Kabylie; Bougie et Tizi-Ouzou
sont les deux marchés.
Les races indigènes de figuiers sont assez nom-
breuses. Les Kabyles en distinguent vint-cinq envi-
ron; certaines sont réellement très bonnes, jouis-
sent d'une grande réputation et donnent des produits
assez estimés par le marché européen.
Cependant nous ne trouvons pas en Kabylie ces
figues très fines, à chair savoureuse, qui atteignent
des prix très élevés.
Une détermination rigoureuse des races locales de
figuiers, suivie de tentatives méthodiques d'intro-
duction des meilleures figues de la région méditer-
ranéenne, donnerait certainement une grande impul-
sion à cette culture, peut-être trop méprisée par les
colons européens.
Les Kabyles pratiquent scrupuleusement la capri-
iication ; les figues de Caprifiguier {Dokkar), qui attei-
gnent parfois des prix élevés sur les marchés, sont
enfilées en chapelets et suspendues aux branches des
figuiers. Cette opération est renouvelée quatre à cinq
fois pendant l'été, elle entraîne une dépense assez
considérable.
84 AGRICULTURE.
L'utilité de la caprification est très contestée et
les Indigènes considèrent cette pratique comme
nécessaire seulement pour certaines variétés.
Les figues jouent un grand rôle dans Talimentation
des Indigènes qui consomment ce fruit frais et con-
servé. La dessiccation des figues varie suivant les
contrées. C'est en Kal)ylie seulement qu'elle est
assez soignée pour fournir un produit d'exi)ortation,
ailleurs les figues sont séchées ouvertes, puis entas-
sées, comprimées en pains compacts.
La dessiccation des figues se fait au soleil sur des
claies en roseaux ou en diss. Le soir, les claies sont
réunies en pile qui sont recouvertes de paillassons,
parfois les claies sont rentrées sous un petit hangar
construit à cet effet.
Les variétés ne sèchent pas toutes avec la môme
facilité ; quand la saison est favorable, certaines figues
sèchent sur Farbre même.
Les figues noires, qui ont moins de valeur pour la
vente, sont séchées à part. Mais d'une manière gé-
nérale les Kabyles ne se préoccupent pas de préparer
des figues de choix en séparant les meilleures races
et aussi les figues arrivées à maturité parfaite.
Caroubier. — Le Caroubier (fig. 6) est un des arbres
économiques présentant un grand intérêt; il est abon-
dant dans la région de Bougie, où la caroube est un
objet d'exportation courante. Le caroubier ne se
multiplie pas aussi facilement que Tohvier, sa trans-
plantation est difficile, aussi cet arbre est relative-
ment peu répandu, il est aussi plus difficile que
l'olivier sur la nature du sol et du chmat. Le carou-
bier occupe, dans tous les pays méditerranéens bien
cultivés, une place importante; en Algérie et en
CAtlOUniËR,
80
Tunisie, il devrait ôtre propagé pour le grand bien
des cultivateurs européens et indigènes. La caroube
est un excellent aliment pour les animaux, elle peut
môme, les années de disette, êlreutiUsée par l'homme.
Fi-. (;.
Caroubier
L'industrie en retire de l'alcool comme de toutes les
matières sucrées. Pour obtenir un bon rendement
du caroubier, il faut grefï'er, sur les pieds venus de
semis, une race améliorée. Il faut aussi greffer un
rameau mâle, car cet arbre est dioïque; ce procédé
86 AGRICULTURE.
est préférable à celui qui consiste à avoir dans les
plantations un certain nombre de pieds mâles.
Abricotier. — Il croît avec une très grande vigueur
dans les vallées des grands massifs montagneux et
parfois dans le sud, dans les oasis à la limite de la
région saharienne. Dans l'Aurès, l'Abricotier est très
fréquemment cultivé ; ces grands arbres sont repro-
duits par noyaux ; les fruits sont petits, mais exces-
sivenîent abondants, ils sont séchés sur des claies
et constituent une sorte de pruneaux acides, objet
d'un commerce assez important.
Dans les jardins des Européens, on trouve des
abricotiers greffés donnant des fruits excellents.
Prunier. — Le Prunier est aussi un arbre très
fertile, en Algérie, dans les stations élevées ; il a été
peu soigné et généralement on ne trouve que des
prunes de peu de valeur; mais on pourrait récolter
de bons produits si on greffait de bonnes races. Les
pruneaux pourraient aussi être préparés dans bien
des stations qui seraient aussi productives que celles
de Californie.
Cerisier. — Le Cerisier croit à l'état sauvage dans
les forêts d'Algérie, dans les parties montagneuses,
il donne de bons fruits , mais les cerises sont encore
rares sur les marchés des grands centres, en raison de
la difficulté des transports.
Pêcher. — Le Pêcher est très productif aussi, en
montagne, les Kabyles récoltent des quantités con-
sidérables de pêches ; mais cette culture est aussi
faite sans soin et les races usitées sont communes.
Amandier. — Il vient incontestablement à l'état
sauvage dans toute l'Algérie, on en trouve de forts
beaux sujets dans les massifs boisés de la frontière
POMMIER ET POIRIER. 87
du Maroc et des peuplements parfois abondants dans
toutes les montagnes de la limite du Tell et des
Hauts-Plateaux. Cette forme sauvage a des feuilles
étroites, une amande petite, allongée, amère. La
culture de cet arbre est assez répandue, car il est
un des fruitiers qui résistent le mieux à la sécheresse.
l'ig. 7. — Capparis spinosa.
Pommier et Poirier. — Les fruits à pépins sont
encore très inférieurs, les races indigènes sont rare-
ment bonnes et les cultures européennes du littoral
ou des plaines ne donnent généralement que des
fruits médiocres. Quelques exceptions font cependant
prévoir que la culture des pommes et surtout des
poires trouvera aussi sa place dans la région mon-
tagneuse.
§8 AGRICULTURE.
Câprier (fig. 7). — 11 est très répandu eti Algérie
depuis le littoral jusque dans le Sahara; il aime les
roches escarpées, les pentes abruptes où ses touffes
épineuses se couvrent de grandes fleurs blanches. Les
indigènes n'utihsent que l'écorce de sa racine [Kabar]
comme médicament. La récolte des câpres n'est pra-
tiquée que dans la région de Bougie et seulement
depuis quelques années. 11 a fallu pour cela que des
circonstances fortuites amènent dans un village où
le câprier abonde, un producteur de câpres de la
Métropole. Ayant fait savoir aux Indigènes qu'il était
acheteur des boutons floraux des Kabar, femmes et
enfants se mirent à cueilUr et bientôt les tonneaux
de câpres prirent la direction du port de Bougie.
D'année en année, cette petite industrie s'est accrue
et un certain nombre de colons de cette région sont
aujourd'hui exportateurs de câpres à la grande
joie de la population indigène pauvre. Malgré cette
démonstration, pas un pied de câprier n'a été
planté.
Néflier du Japon. — 11 est aujourd'hui parfaite-
ment acclimaté dans la région méditerranéenne, le
plus grand nombre des sujets ont été reproduits
par la voie des semis, les variétés sont donc très
nombreuses et il serait temps de les inventorier et
de propager les meilleures par la greffe. Les nèfles
du Japon, fraîchement cueilhes, bien mûres, sont
excellentes et constituent une précieuse ressource
pour le Uttoral algérien ; ces fruits printaniers rem-
placent la cerise.
Bananier. — Il donne de bons produits dans les
stations très abritées du Uttoral, mais la culture en
grand parait assez difficile à réaUser, car les banane-
ORANGER, CITRONNIER, CÉDRATIER. 89
raies n'ont pas pris beaucoup d'extension, malj'ré
une vente assurée des produits.
Oranger, Citronnier, Cédratier. — Les Aurantia-
cées comprenant orangers, mandarines, citrons,
cédrats, limons, bergamotes, cbinois, donnent en
Algérie de beaux produits; mais l'Espagne et l'Italie,
qui ont acquis dans ce genre de culture une supé-
riorité incontestable, tant par une longue expérience
que par une application plus grande, font aux fruits
algériens une concurrence qui devient presque
désastreuse, par suite des difficultés de transport qui
grèvent les produits algériens.
L/orange algérienne dite de Blida représente le
type le plus fréquemment cultivé; elle est réellement
très bonne, précoce, mais sur les marchés d'Europe
on lui préfère l'orange d'Espagne à peau fine, mince
et d'un jaune pâle. Dans la région montagneuse,
comme à Toudja, il existe des races d'orangers tar-
difs; ces fruits, produits encore en très petites quan-
tités, sont vendus, en été, dans le pays à des prix très
élevés. L'orange sanguine, très parfumée, est assez
répandue, tandis que l'oranger de Jaffa est rare. Une
importante plantation de cet oranger, à Boufarik,
chez M. Borely la Sapié, démontre l'intérêt que pré-
sentent en Algérie les essais méthodiques de toutes
les bonnes races de fruits dispersées dans la région
méditerranéenne.
Chez les Indigènes, le plus souvent, l'oranger est
reproduit par graine; ces arbres, qui atteignent dans
les sols profonds de très grandes dimensions, donnent
aussi une grande quantité d'oranges ; mais la qualité
est parfois défectueuse.
Peu après la pacification de l'Algérie, la colonie
90 AGRICULTURE.
était dotée d'an Jardin d'essai qui pendant vingt-
cinq ans, sous l'habile direction de M. Hardy, fut
enrichi des collections les plus variées des plantes
des régions chaudes.
Goyaviers, Anones, Avocatiers, Kakis. — Tous
les arbres fruitiers importants ont donc été intro-
duits et essayés. Beaucoup n'ont pu résister à un
climat qui ne comporte pas la culture des plantes
tropicales; mais quelques fruits des régions tempé-
rées chaudes mûrissent bien sur le littoral et y
donnent quelquesproduits dignes d'attirer l'attention.
Les Goyaviers croissent avec vigueur et se cou-
vrent de fruits abondants. Le goyavier pomiforme
[Psidium Guayavà) est le seul qui donne un fruit sus-
ceptible d'être vendu couramment sur les marchés.
La goyave produite en Algérie est très parfumée et
conviendrait pour la préparation des conserves. Si
ce fruit entrait dans la consommation européenne,
le littoral algérien pourrait produire une assez
grande quantité de goyaves, la culture du goyavier
étant à peu près celle de l'oranger.
V Anona C lieïrimolia se rencontre aujourd'hui dans
les principaux jardins du Uttoral ; certains fruits bien
mûrs sont excellents ; mais l'Anone n'est encore recher-
chée que par quelques rares amateurs.
L'Avocatier, qui dans les stations bien abritées
mûrit régulièrement ses fruits, est très peu répandu
et reste encore un article de curiosité.
Les Kakis sont plus connus, mais la collection des
races cultivées en Algérie est encore trop réduite, on
ne trouve couramment que les Dïospyros Kaki et D.
costata. Le dernier est un gros fruit hsse côtelé, qui
commence à se vulgariser. Récemment une collée-
LES JARDINS. 91
tion assez complète de ces arbres à fruits japonais a
été introduite par le service botanique du gouver-
nement général. Il est probable que certains Kakis
s'acclimateront bien et entreront avant peu dans la
culture fruitière courante.
Les jardins. — Les jardins du littoral algérien sont
rarement soignés à grands frais, comme les jardins
de la côte française de la Méditerranée, ils ont
cependant un aspect qui plaît, qui enchante parfois.
Quelques beaux arbres comme les Ficus, les Éry-
thrines, les Chorisia^ les A?'aucaria, les Jacaranda^ les
Mimosa, les Orangers, de nombreux Palmiers, Dra-
c«na,Fwccû[ gigantesques, Agave, Strelitzia, Bambous,
des plantes grimpantes, qui enlacent tout, comme les
Bougainvilles éclatants, les élégantes Bignones, les
Jasmins suaves, les Plumbago d'un bleu céleste,
donnent à tous les jardins un aspect exotique
rehaussé par mille contrastes dans les formes et
dans les couleurs. Les constructions mauresques
complètent ce riant tableau et l'on oublie volontiers
d'y rechercher tous les raffinements de l'art. Ce type
de jardin demi-sauvage a enthousiasmé plus d'un
grand horticulteur. Sur cette côte africaine ensoleillée,
il semble que certaines plantes se trouvent mieux
que dans leur patrie, elles y atteignent un dévelop-
pement extraordinaire, les étés sont cependant
cruels pour plus d'une, qui sèche insensiblement si
un lilet d'eau n'est pas venu lui donner de quoi
faire face à une évaporation parfois exagérée. L'été
devient ici, dans beaucoup de jardins, la saison du
repos ou mieux d'un engourdissement par la chaleur
et la sécheresse.
Aux premières pluies, une fraîcheur printanière
92 AGRICULTURE.
se manifeste partout, dans les champs comme dans
les jardins. Quelques arbres se dépouillent; mais,
d'autre part, c'est un re\erdissement général et une
floraison sans interruption pendant les neuf mois
que dure le printemps du littoral.
Les palmiers viennent facilement sur le littoral
algérien; si le genre Phœnix n'y est pas au complet,
c'est qu'on a négligé d'introduire toutes les espèces.
Le Phœnix canariensis est, après le Dattier, l'espèce
robuste et répandue. Ce Phœnix, au contact du
Ph. recUnata et autres espèces moins colossales, a
donné des hybrides intéressants qui mériteraient
d'être mieux connus. Les beaux Pritchardia filifera^
si répandus en Provence, nous manquent encore, ou
du moins sont rares et jeunes. Ce palmier a jusqu'à
ce jour été dédaigné des horticulteurs de profession,
parce qu'ils ont eu quelques difficultés à l'élever en
pot. Les LuiAmers^ S abal^Co7'i/p ha, Chamœrops,Ken-
tia, Cocos, abondent ; le Palmier nain a donné, au
jardin du Hamma où il est spécialement cultivé, des
variétés estimées.
Les Musa et Strelitzia viennent aussi bien en pleine
terre que les grandes Aroïdées, Philodendron et
Colocasia.
Les bambous sont très beaux et variés, dans les
jardins où ils peuvent recevoir assez d'eau en été.
Les Cycadées prennent un beau développement et
beaucoup donneraient des graines si on avait soin
d'assurer la fécondation, mais le plus souvent chaque
espèce n'est représentée que par un sexe.
Les Conifères des contrées chaudes fournissent
aux jardins algériens de magnifiques sujets comme
la série des Ai^aucaria.
LES JARDINS. 93
Les Podocaiyus, les Dammara viennent également
bien en pleine terre ; les Thuya^ Retinospora, Fre-
nella abondent ; le genre Cyprès est loin d'être suf-
fisamment connu en Algérie ; en dehors des Cyprès
communs, on ne rencontre que de rares Cupvessus
fanehr'is^ Lamherliana^ Lusitanica.
De très beaux pins, P. Pinea^ P. longifolia^ P, insi-
gnis, P. canariensis commencent à se répandre. Le
Taxodium distichum, qui vient très bien dans les sta-
tions humides, est rare ; il en est de même des T. sem-
pervirens. Le Wellingtonia giganlea n'a pris un beau
développement qu'au Djebel Ouach, près de Cons-
tantine; il est là dans une station fraîche et élevée,
en compagnie d'une série nombreuse de Conifères
])ien acchmatés.
Les arbres ou arbustes d'ornement qui impriment
aux jardins algériens leur cachet particulier sont
déjà nombreux ; mais il deviendrait bien difficile de
faire une énumération, si les amateurs de jardins
étaient plus désireux de posséder des plantes rares.
Les Aurantiacées sont presque toujours utihsées
pour l'ornement et le rapport. 11 en est de même
du Né Hier du Japon, qui ne manque dans aucun jardin ;
les Myrtacées nous donnent les Eucalyptus, dont
quelques-uns sont dignes de figurer dans les jardins
soignés, commeV E . polyiant h ema^ Lehmanii^pumcea,
les Eugenia, Jambosa^ Melaleuca, Calllstemon, Metro-
sideros^ Tristania, Angophora, Fabricla, Psidium.
Les Araliacées se plaisent beaucoup dans les jar-
dins algériens et y atteignent de grandes proportion s;
beaucoup d'espèces d'un très bel effet sont encore
trop rares.
Les Malvncées contribuent largement à la dccoi-a-
94 AGRICULTURE.
l
tion ;lemagiii(ique Hibiscus mutabiliSy avec ses mille
fleurs changeantes, provoque toujours l'admiration.
Les Hibiscus, AUhœa, Abutilon^ Lagunaria, Malva-
viscus fleurissent abondamment et atteignent de
grandes dimensions. Les formes arborescentes de
cette famille, les Bombacées, telles que les Chorisia,
Eriodendron, Pachira, se couvrent en automne de
grandes et belles fleurs.
Les Sterculiacées sont surtout représentées par
quelques plantes, les Sterculia et le Drachjchiton
populneum, arbre très rustique et d'un feuillage gai.
Les Tilleuls sont rares, mais le Sparmania et les
Grewia émaillent les jardins de jolies étoiles blan-
ches et lilas. Un lin frutescent, le Linum trigynm, se
couvre de grandes fleurs jaunes pendant tout l'hiver.
Un grand nombre de Térébinthacées pourraient
contribuer à l'ornementation des parcs; on utilise
surtout les Schinus, le Faux Poivrier ou Molle est
fort répandu, le Sch. ierebinthifolia est encore rare et
mérite cependant d'être mieux connu.
11 serait bien long d'énumérer les Légumineuses
ornementales qui ont trouvé une place dans nos
jardins algériens, les genres : Mimosa, Acacia, Inga,
Prosopis, Cesalpinia, Bauhinia, Parkinsonia^ Cassia,
Poinciana, Erylhrina, Kennedya, Dioctœa^ Dalea, Tem-
plelonia fournissent des arbres ou arbustes très flori-
fères et fort appréciés.
Quant aux Rosacées, elles brillent surtout par
l'incomparable genre Rosier, qui trouve, sur le Uttoral
algérien, un climat éminemment favorable, si on en
juge par l'ampleur des sujets et l'abondance des
floraisons.
Citons encore les Apocynées, les Solanées, les Lau-
CULTURES MARAÎCHÈRES. 9S
rinées,les Polygalées, de nombreuses Protéacées qui
fournissent de beaux spécimens à la flore des jar-
dins. Enfin dans les stations sèches, qui ne sont pas
rares, les plantes grasses prennent une place im-
portante. Les Agave, Fourcroija, Aloe, Cerevs, Mamil-
Iciria, Opuntia, Phyllocactus^ Kleinia sempervirens,
iLcheveria, Euphorbia, enfin les nombreux Mésem-
brianihemum égaient les rochers et les pentes stériles.
Les fleurs recherchées en Algérie sont surtout
celles qui fleurissent en hiver et au printemps; pen-
dant l'été, beaucoup d'amateurs de jardins émigrent
en France, d'autres néghgent les parterres qui de-
mandent à ce moment des soins et de l'eau en
abondance. Aussi les Anémones, les Renoncules, .la-
cinthes. Tubéreuses, Narcisses, Freesia, Gladiolus,
Iris, Ixia, Tritonia, S par axis pullulent dans tous les
jardins. Les beaux Canna commencent à se répandre,
ils auront bientôt pris une place importante, car ils
ne gèlent pas et forment d'énormes touffes. Les
Chrysanthèmes sont aussi recherchés depuis peu.
Les Orchidées sont encore à peu près inconnues;
des essais timides permettent cependant d'espérer
que la culture n'en serait pas difficile.
Cultures maraîchères. — La culture maraîchère
n'existe qu'autour des grandes villes; les colons et
même les grandes exploitations néghgent souvent le
jardin potager, pour des causes multiples dont la
principale est l'insécurité, les maraudeurs opérant
presque toujours la récolte des fruits ou des légumes
avant maturité complète. Sur le Uttoral, la culture
maraîchère vise principalement l'exportation. Tous
les légumes de France sont cultivés avec succès. Les
artichauts, pommes de terre, haricots^ petits pois
96 : AGRICULTURE.
font l'objet d'une exportation considérable pendant
tout l'hiver.
Dans les jardins maraîchers du littoral, les cultures
se succèdent sans interruption, grâce à d'abondantes
fumures et à l'eau qui ne fait pas défaut, aussi un
hectare de jardin est le plus souvent loué plus
de 1000 francs à un maraîcher qui y vit avec sa
famille. Quelques légumes sont faits en grande cul-
ture, comme les artichauts ; mais d'un autre côté la
pomme de terre, pour la consommation locale, n'est
pas produite en quantité suffisante et une importation
considérable vient suppléer à ce défaut. Les Indi-
gènes ne connaissent encore que fort peu cette cul-
ture, qui leur rendrait de grands services.
La Patate est assez largement cultivée et fournit
un aliment très sain et à très bas prix.
Les Melons qui ont été longtemps importés
d'Espagne viennent sans aucun soin ainsi que les
Pastèques. Une Cucurbitacée, encore peu connue, est
mûre en plein hiver, c'est la Chayotte, très estimée
au Mexique et à la Martinique. Ce légume com-
mence à entrer dans la consommation algérienne et
pourra être hvré en grande abondance et à bas prix
aux Halles de Paris, le jour où les Parisiens le con-
naîtront.
Les Piments sont l'objet de cultures importantes;
les gros piments doux sont, aujourd'hui, consommés
par les Européens comme par les Indigènes. La
Tomate produit énormément pendant tout l'été, elle
pourrait être faite en grande culture pour la prépa-
ration de conserves.
\J Hibiscus esculentus ou Gombo est une malvacée
assez répandue dans les cultures indigènes oi^i le
!
LE TABAC. 97
fruit, incomplètement mûr, est cueilli et employé
généralement comme condiment ; c'est un produit
mucilagineux très agréable, mais qui n'est recherché
que par les populations arabes ou israéUtes ; il en est
de même des fruits jeunes de Lagenaria.
Cultures industrielles et arboriculture fores-
tière. — Le Tabac. — La culture du Tabac est déjà
ancienne dans certaines parties de la Mauritanie.
Les Indigènes avaient limité cette culture à des
terrains très favorables, siUreux et potassiques,
enrichis en azote par une fumure intense résultant
de parcs à bestiaux ; ils avaient reçu d'Orient des
tabacs fins du type des Samsoun ; dans ces conditions,
leur produit était de très bonne quaHté. Encouragés
par cette culture traditionnelle des Arabes, dès 1843
les colons firent quelques essais de culture de tabacs
et l'État organisa la Mission des Tabacs qui devait
guider les colons dans leurs tentatives et acheter
pour les manufactures les produits utiUsables. Dix
ans après, la Mission des Tabacs achetait 2 milUons
de kilogrammes de tabacs. Depuis cette époque,
l'administration achète environ 3 milUons de kilo-
grammes de tabacs algériens.
C'est vers 1859 que cette culture parait avoir
atteint son apogée, et les bénéfices importants réa-
hsés ont beaucoup contribué au développement de
la colonisation algérienne. L'extension rapide de la
culture du tabac devait avoir quelques inconvénients,
la quaUté laissait de plus en plus à désirer. Les
tabacs cultivés à l'irrigation dans les plaines souvent
très chlorurées, comme dans l'Oranie, deviennent
grossiers et incombustibles. L'administration dut
réagir, baisser ses prix d'achat et refuser beaucoup
Battandieh et Trabut, — Algérie. 7
98 AGRICULTURE.
ij
de produits défectueux. Les tabacs algériens jugés
très bons au début perdirent leur réputation, et, par
suite de ces généralisations qui sont si fréquentes, |
on déclara officiellement que les tabacs algériens
étaient incombustibles.
La Kabylie devait relever cette culture en livrant
des tabacs d'une qualité supérieure également re-
cberchés par le commerce et par l'administration.
Pendant les premières années de la culture du
tabac, un grand nombre de races furent importées,
beaucoup ont disparu et l'on ne retrouve aujourd'hui
que les types du Paraguay avec des inflorescences
basses très denses en corymbe, un grand nombre de
feuilles, d'un contour assez variable, tantôt à grosse
côte, étroites, très pointues, tantôt, chez les rares
planteurs qui ont attentivement choisi leurs porte-
graines, à feuilles larges, à nervures bien réguUères
et divergentes.
La culture du tabac est en Algérie susceptible de
recevoir quelques améliorations importantes, qui
devront porter sur le choix des terrains, les soins
culturaux, le choix judicieux des variétés. Cette cul-
ture nécessite beaucoup de main-d'œuvre, ce qui
a porté la générahté des planteurs à prendre des
fermiers indigènes, qui, moyennant la moitié de la
récolte, font les travaux qui se répartissent entre
tous les membres de la famille, car ce sont les
femmes et les enfants qui font la cueillette, l'enfilage,
le séchage et le manoquage des feuilles.
Les bons tabacs d'Algérie se caractérisent par un
arôme doux, qui les classe dans la catégorie de ceux
du Levant. Les cigares et surtout les cigarettes algé-
'riennes plaisent et seraient facilement adoptées par
PLANTES TEXTILES. 99
tout un public qui les apprécie, en raison de la dou-
ceur de leur arôme.
Si les colons arrivent à produire couramment un
tabac lin, léger et aromatique, brûlant bien, ils par-
viendront ainsi à décider la Métropole à réduire ses
achats à l'étranger, pour les augmenter en Algérie.
Le commerce algérien fait aussi de très importants
achats à l'étranger pour la fabrication locale; des
droits élevés à l'entrée obligeraient les fabricants à
rechercher les bons tabacs algériens et à les payer
un prix rémunérateur ; mais d'un autre côté il con-
viendrait de protéger aussi les fabricants contre l'im-
portation des tabacs manufacturés à l'étranger,
qui ne sont pas frappés d'un droit suffisamment élevé.
Le tabac à priser n'est cultivé que par les Indi-
gènes, ils ont pour cet usage une variété de Nico-
liana rustica ou tabac à fleur jaune, qu'ils cultivent
jusque dans les oasis du Souf.
Plantes textiles. — 11 est probable que l'Algérie
produira un jour des textiles ; mais jusqu'à ce jour
aucun essai n'a pu aboutir et aucune plante textile
n'est cultivée.
Le Lin vient très bien, mais les difficultés du
rouissage y ont fait renoncer. La Ramie a fait aussi
naître quelques espérances ; mais aujourd'hui on ne
croit plus à l'ortie de Chine.
Les Agaves n'ont pas encore été sérieusement
expérimentés ; les espèces textiles, comme V Agave
sisaliana et d'autres du Yucatan et des Bahama, sont
d'introduction récente. La plupart des Agaves pren-
nent un rapide développement sous le cUmat du Utto-
ral africain, peut-être sera-t-il possible de réserver un^
jour quelques coteaux secs à ces textiles trè^^^^^^SS/ta^
BIBLÏOTHECA
JOO AGRICULTURE.
Le Juie croît, mais dans de bonnes terres bien irri-
guées et le bas prix de cette matière textile n'engage
pas les cultivateurs.
Les Hibiscus textiles et les Sida prennent aussi un
grand développement ; mais aucune culture en grand
n'a encore permis de déterminer la valeur de ces
plantes au point de vue agricole.
Le Cotonnier est mieux connu. Dès 1830, la culture
du Cotonnier fut tentée en Algérie, ces essais eurent
lieu par l'initiative de l'administration, des graines
furent délivrées gratuitement, et l'État achetait au
planteur ses produits à des prix fixés d'avance selon
la qualité. M. Hardy, directeur du Jardin d'essai,
rédigeait des instructions sur cette culture. Ainsi
dirigés et favorisés, ces essais se généralisèrent et,
lorsque survint la guerre d'Amérique, la hausse con-
sidérable des prix des cotons décida propriétaires et
fermiers à entreprendre cette culture. Toutes les
terres irrigables furent plantées de coton et l'on fit
même des cotons au sec dans les terres fraîches
et profondes. L'hectare arrosé se louait jusqu'à
400 francs et donnait un produit de 2 000 à
2 500 francs.
Le coton généralement cultivé fut le Géorgie longue
soie; sur bien des points, les cotonniers persistaient
deux et trois ans et fournissaient de très beaux pro-
duits très remarqués dans toutes les expositions.
A partir de 1803, le prix du coton commença à
baisser; en 1866 les sauterelles, la sécheresse rédui-
sirent la récolte; en 1867, finit la guerre de Sécession
et d'un couples prix tombèrent de 230 à 90 et 75 francs
les 100 kilos. En 1868, on ne planta guère ; la culture
du coton, (jui avait en^brassé plus de 4 000 hectares,
PLANTES TEXTILES. 101
tomba à 1 800, portant généralement sur des coton-
niers de seconde année ; mais à la fin de 18G8, les
prix remontèrent à 125 et 150 francs; aussi en 18G9,
: le coton occupait 3 000 hectares dans la région du
' Sig-, de l'Habra et de Relizane. Les prix de cette
année furent désastreux, les cotons avaient été
; négligés, la qualité fut médiocre. En l'absence d'un
' cours régulier du prix, les achats devinrent le mono-
^ pôle de deux ou trois maisons qui abusèrent de la
situation et s'enrichirent en ruinant de nombreux
f cultiA^ateurs pressés de réaliser.
' Depuis 1870, la culture du coton est abandonnée;
' mais le souvenir des beaux produits obtenus pen-
! dant vingt ans est encore présent à la mémoire des
anciens colons.
Quand l'aménagement des eaux sera plus avancé,
les cultures industrielles s'imposeront et de nouveau
il y aura lieu de rechercher une surface importante
à consacrer chaque année au coton.
De même que l'Indigène s'est mis à la culture du
tabac qui avant notre occupation était limitée à quel-
ques hectares, de même il se mettra à toute culture
demandant une main-d'œuvre facile comme celle
du coton. La rapidité avec laquelle la Russie a im-
planté la culture du coton dans le Turkestan et le
Caucase doit nous servir d'exemple . Dans ces régions,
il a fallu se limiter au coton Upland^ Gossi/piumliir-
sulum, le Sea Island [G. Barbadense) n'arrivant pas à
complète maturité comme en Algérie.
Le Uttoral, les plaines de l'Oranie et du Cheliff,
faciles à arroser; à Bône, la plaine de la Seybouse
qui un jour sera en partie irrigable, conviennent à la
culture du coton. Dans le Sud constantinois, d'im-
102 AGRICULTURE. -
menses surfaces pourront aussi, dans un avenir plus
ou moins éloigné, être consacrées au coton et la
France aura alors à proximité une matière première
qu'elle ne peut produire et qu'il faut aller demander
à des pays lointains.
Plantes pour la parfumerie. — La culture du
Géranium est déjà ancienne en Algérie; de grandes
distilleries, comme celles de MM. Chiris et Gros à
Boufarik, produisent plus de 2 000 kilos d'essence.
L'Eucalyptus globulus est aussi depuis quelques
années recherché par les distillateurs, qui produisent
2 à 3000 kilos d'essence par an.
On distille encore une Menthe sauvage [Mentha
Pulegium) et l'on extrait le parfum de la cassie
[A cacia Farnesiana). Plus de 20 000 kilos de fleurs sont
récoltés tous les ans.
On fabrique en grande quantité de l'Eau de fleur
d'oranger ; plusieurs industriels ont tenté la pro duction
des essences de citron, de bergamotte et de bigarrade.
L'Iris de Florence viendrait bien.
Plantes tannifères. — Les végétaux riches en
tanin abondent en Algérie. On exploite principale-
ment le Chêne kermès {Quercus coccifera), dont
l'écorce des racines est l'objet d'un commerce impor-
tant. Le Chêne-liège donne aussi un tanin très actif
et abondant. Cette exploitation est Limitée aux arbres,
qui dépérissent et qui sont impropres à la production
du liège. Le Chêne vert [Q. ilex) est aussi l'objet de
quelques exploitations, mais le plus souvent clan-
destines.
L'exploitation réguUère de ces différents chênes
pourrait constituer un gros revenu ; mais l'adminis-
tration forestière, craignant des abus de la part des
PLANTES TANNIFÈHES. ioa
exploitants, cherche le plus possible à éviter la mise
en exploitation, pour le tanin, des forêts ou brous-
sailles qui sont soumises au régime forestier . D'autres
végétaux sont exploités par les Indigènes pour leur
usage, tels que la partie sèche et crevassée de
l'écorce du Pin d'Alep, enfin les écorces des Chênes
Zen et Afarès non utihsées sont aussi riches que
celles du chêne Rouvre de France.
En dehors de cette production naturelle, beaucoup
de plantes tanifères sont susceptibles de culture en
Algérie.
Les Wattle ou Acacia australiens ont été préconisés
depuis longtemps, on a successivement essayé les
Acacia leiophylla et cyanophylla sans beaucoup de
persévérance, puis, dans ces dernières années, le
D'' BourUer s'est efforcé de fixer les règles d'une exploi-
tation de r Acacia pycnanlha en faisant dans les va-
riétés de cette Mimosée un choix Judicieux de celles
qui constamment se montrent plus riches en tanin.
Le D'" Bourlier obtient en sept ans des écorces dosant
30 à 35 p. 100 de tanin et à raison de 15 à 20 tonnes
à Theclare. h' Acacia pycnanlha produit aussi une
quantité considérable de gomme médiocre.
V Acacia decuiTens est encore un bon Acacia à
tanin, mais en Algérie il paraît moins résistant
que le Pycnanlha. Des essais seraient cependant à
faire, notamment dans le Uttoralde l'est, à Phihppe-
ville et à Bune.
Un autre arbre propre à effectuer des reboisements
dans les coteaux secs est le Chêne Yelani {Quercus
œgilops), dont la cupule, connue sous le nom de va-
lonces ou gallon du Levant^ riche en acide galUque,
fait l'objet d'un commerce important en Asie Mineure
104 AGRICULTURE.
et dans r Archipel. Le gland du Chone Velani est gros
et doux.
Enfin ces dernières années le service botanique
du gouvernement de FAlgérie a introduit la Ganaigre
ou Patience à tanin, Rumex hymenosepalus, qui parait
facile à cultiver en Algérie. Ce Rumex végète vigou-
reusement pendant toute la saison des pluies et
entre en repos à la saison sèche ; il porte d'énormes
racines, qui contiennent des quantités considérables
d'un excellent tanin très apprécié en Amérique, où
il existe déjà des usines pour son extraction sous
forme d'extrait iluide.
Le Savonnier ou Sapindus util'is est une des plus
intéressantes plantes industrielles de l'Algérie. Cet
arbre, introduit en 1845 au Jardin d'essai, y a donné
depuis quarante ans d'abondantes récoltes d'un
fruit dont la coque contient environ 37 p. 100 de
Saponine. Au prix actuel de cette matière, certains
arbres portent tous les ans pour 100 francs de fruits.
Le Savonnier se multiplie très facilement de boutures
et croît rapidement dans les stations un peu abritées
du Uttoral. Son bois est aussi d'un grain fin et serré
et propre à l'ébénisterie. Depuis deux ans, quelques
plantations importantes ont été effectuées; mais elles
seront loin de suffire aux demandes des commer-
çants qui importent le Sapindus de l'Inde à un prix
assez élevé.
Parmi les plantes industrielles trop négligées en
Algérie, il convient de citer le Sorgho à balais et
principalement la variété dite Sorgho d'Italie, qui
n'est pas cultivée avec beaucoup de succès en
France. Un hectare peut produire 1500 kilos de
paille d'une valeur de 21 à 30 francs et 50 hectoUtres
EUCALYPTUS. 105
de graines. L'Italie importe en France pour plus
d'un million de balais; il serait facile à l'Algérie
de fournir ce produit, qui est à tort demandé à
l'étranger.
La Chicorée à café peut aussi être facilement cul-
tivée en Algérie et notre produit viendrait en déduc-
tion des 30 millions de kilogrammes de chicorée
sèche, que nous payons chaque année à la Belgique
et à l'Allemagne.
Le Safran n'est pas cultivé en Algérie, bien à tort.
Cette culture devrait être introduite chez les Indi-
gènes, qui dans certaines contrées pourraient s'y
livrer avec succès, elle pourrait aussi être effectuée
comme celle du tabac chez les colons par la main-
d'œuvre de la famille indigène. Quelques essais ont
démontré que le safran se développait très bien
sous notre climat ; mais ces tentatives timides n'ont
pas encore pu convaincre un seul colon, encore
moins un Indigène.
Eucalyptus. — C'est en 1861 que M. Hardy, le
distingué fondateur du Jardin d'essai, fit les premiers
semis importants dC Eucalyptus globulus; en môme
temps M. Cordier recevait aussi de M. Ramel les
graines rapportées d'Australie. M. Trottier devenait,
bientôt après, Tapôtre de cette nouvelle culture, il
avait la foi, il le prouva par ses œuvres. Planteur
ardent, il montra cet enthousiasme qui pousse l'opi-
nion pubhque. Aussi pendant dix ans c'est par cen-
taines de mUle que V Eucalyptus est planté et les
noms de Ramel et de Trottier sont dans toutes les
bouches. L'Eucalyptus semble fait exprès pour
l'Algérie et s'alhe à merveille avec VA gave et le
Figuier de Barbarie, pour donner un cachet exotique
106 AGRICULTURE.
à tout le littoral où ces trois plantes ont acquis droit
de cité (fîg. 8).
\u' Eucalyptus^ une fois établi en Algérie, on a com-
mencé à se préoccuper des avantages que l'on pou-
vait attendre de cette importation récente.
Il fut bientôt évident que l'on avait exagéré les
mérites de V Eucalyptus, une réaction se produisit et
il devint presque de bon ton de regarder V Eucalyptus
comme un arbre sans emploi et même nuisible. Il
est certain qu'il y eut des déceptions, le bois du glo-
bulus est difficile à employer, il est sujet à se déjeter,
à se fendre par suite de retrait; il est très dur et peu
commode à mettre en œuvre quand il est sec.
Actuellement, en raison du grand nombre d'Euca-
lyptus disponibles, beaucoup de colons se sont ingé-
niés à en tirer parti et l'on peut déjà constater que
V Eucalyptus rend de réels services à ceux qui savent
lui demander ce qu'il peut donner. Quand des essais
plus nombreux, et portant sur les diverses espèces
déjà répandues, auront été poursuivis, de nouvelles
plantations seront certainement faites.
Le genre Eucalyptus comprend en effet plus de cent
vingt espèces bien caractérisées. Un grand nombre
sont déjà cultivées dans les collections algériennes,
notamment dans le domaine de M. Cordier à Maison-
Carrée, 011 l'on trouve des spécimens de trente ans
provenant des premières graines envoyées d'Australie
par le baron Von Miiller.
Ces Eucalyptus ainsi groupés se sont croisés et il
existe déjà un assez grand nombre d'hybrides qui pa-
raissent des arbres très intéressants et susceptibles de
donner des résultats pratiques. L'Eucalyptus Rame-
liana ïrab. est un hybride de VE. botryoides et de VE.
EUCÂIAPTUS.
107
CL,
'cti
o
108 AGRICULTURE.
roslrata^ qui a la résistance du lled-Gum ou rostrata^
mais un feuillage plus ample et une meilleure tenue.
Ces hybrides sont fertiles, les nombreuses varia-
tions qui se produiront par ces crois'ements facili-
teront probablement l'adaptation de quelques
bonnes races sur le littoral algérien.
On ne peut encore préciser les usages du bois des
différents Eucalyptus introduits en Algérie. L'expé-
rience sera longue, car beaucoup d'espèces ne sont
représentées que par un petit nombre de spécimens.
Le Red-Gum(^. rosirata), qui est actuellement pré-
féré au globulus, est estimé comme bois, en Australie,
où on l'emploie couramment pour le charronnage, le
paA^age, les pilotis, les poteaux. Sir Richard Speight,
président delà commission des chemins de fer, a éta-
bli que le bois de Red-Gum, de même que celui des
Eucalyptus kemiphloia et leucoxylon ont été trouvés
les meilleurs pour les travaux de chemins de fer.
Parmi les espèces d'un véritable intérêt pour l'Al-
gérie, il convient de citer E . cornuta, E. viminalis,
E. leucoxylon, E . gomphocephala, E. diversicolor ou
colossea^ E. corynocalyx, E. rudis, E, amygdalina^
E. polyanthema., E . maculata.
Les àiiïérenls Eucalyptus ont tous quelques mérites
qui les rendent utiles dans une exploitation rurale;
quelques-uns pourraient fournir des traverses de che-
min de fer, des poteaux télégraphiques et des pavés
en bois. Les Eucalyptus sont très florifères et con-
tribuent pour une large part à l'entretien des ruchers
pendant les saisons pauvres en fleurs.
La distillation des feuilles d'Eucalyptus globulus a
pris une assez grande importance depuis quelques
années et un des premiers massifs plantés par M . Trot-
CHAMPIGNONS. 109
tier alimente au Fondouk une distillerie qui produit
de 20 à 40 litres d'essence par jour.
Au point de vue de l'hygiène, les bouquets à' Eu-
calyptus autour des fermes tempèrent la chaleur,
donnent un abri précieux aux gens et aux bètes; un
lideau à'Eucalyptus placé entre un foyer de malaria
et des habitations peut aussi s'opposer à la diffusion
du poison tellurique. V Eucalyptus a donc contribué
à l'assainissement des territoires colonisés.
Champignons. — Dans le Tell, la flore mycolo-
gique ne présente pas un caractère bien particulier; ce
sont les espèces de l'Europe qui dominent ; les espèces
comestibles et vénéneuses sont les mêmes que dans
le midi de la France. Sur les marchés, on trouve en
abondance l'Agaric champêtre et quelques formes
voisines :1e Lactaire déUcieux ou Sanguin, le Pleurote
de la Férule qui est identique à l'Oreille de chardon, la
grande Lépiote, enfin plus rarement l'Oronge ovoïde,
quelques Tricholoma, le Bolet granulé, le Cep,
l'Hydne, quelques Clavaires.
Les empoisonnements, qui ne sont pas très rares,
sont causés par les Ammanites phalloïde et bulbeuse.
Ces deux espèces, assez fréquentes dans les stations
fraîches, sont confondues avec l'Ammanite ovoïde.
Dans les steppes à Hélianthèmes qui s'étendent
jusque dans le Sahara, les Indigènes récoltent en
abondance les Terfôs, sorte de grosses truffes qui
entrent couramment pour une part importante dans
l'aUmentation des Nomades.
Ces truffes, bien étudiées dans ces derniers temps
par M. A. Chatin (1), appartiennent à deux genres,
(1) A. Chatin, La truffe, Bota^nique de la truffe et des plantes
truffières. P£|,ris, 1892,
110 AGRICULTURE.
les Terfezia, dont le Terfezia Boudieri est l'espèce
abondante dans les hauts plateaux, et les Tirmania
[T. Camboni et T. africana)^ qui se rencontrent dans
le Sahara proprement dit après les pluies d'automne.
Daas la région montagneuse très boisée en chênes,
on n'a pas jusqu'ici trouvé un Tuber ou une truffe
vraie. Ce fait est assez curieux, car ce genre est bien
représenté en Kspagne et en Italie.
Dans les sables désertiques, on rencontre après
les pluies quelques Gastéromycètes remarquables,
comme les Gyrofihragmium , Secotium , Tylostoma,
Podaxon^ Xylopodium, Phellorina.
Sériciculture. — La sériciculture fut implantée
de bonne heure en Algérie. Dès 1843, d'importants
essais étaient faits sous l'habile direction de M. Hardy,
à la Pépinière centrale, deA^enue le Jardin d'essai.
Aa^cc l'excellent esprit d'observation et le zèle qu'on
lui connaît, M. Hardy établit en quelques années les
bases de l'industrie séricicole en Algérie. Des encou-
ragements administratifs provoquèrent la plantation
d'une grande quantité de mûriers et l'on put croire
un moment à l'installation définitive de la séricicul-
ture sous un climat qui lui est très favorable.
Mais soit insuccès de quelques essais, soit rareté de
la main-d'œuvre, soitabaissement desprix, soit exten-
sion des maladies des vers, nous voyons les colons
abandonner l'éducation des vers à soie, pour s'adon-
ner à d'autres cultures en apparence plus lucra-
tives.
Cette question est à reprendre, il faut d'abord dé-
truire un préjugé bien établi, en démontrant que le
prix de revient du kilogramme de cocons n'est pas
aussi élevé qu'on le croit généralement.
I
CHAPITRE lY
LA STEPPE
La véritable steppe algérienne se confond avec
les grands peuplements d'Alfa, connus dans le public
sous le nom de « Mer d'Alfa ». Elle occupe de vastes
plateaux entre le Tell et le bourrelet saharien élevés
de 900 à 1 300 mètres. Sur ces vastes espaces, on
ne voit guère d'accidents du sol, pourtant une mince
arête (Djebel Amrag, Djebel Antar), les traverse sur
une soixantaine de kilomètres. Çà et là, quelques
petites collines insignifiantes. Près du bourrelet
saharien, on rencontre quelque mont pittoresque ou
quelques rochers ruiniformes; mais, pendant des
centaines de kilomètres, on ne voit pas une pierre,
pas un rocher, pas un arbre; ni vallées, ni col-
hnes ; de simples ondulations à grand rayon, avec de
faibles différences de niveau. Ce que l'on y désigne
sous le nom d'Oueds ne ressemble en rien au lit
d'une rivière. Ce sont des dépressions irrégulières,
plus continues et plus étroites que les autres, se
continuant jusqu'aux Chotts. L'herbe en tapisse le
fond et l'on n'y voit ni sable, ni cailloux, ni berges
à pic, ni eau, sauf pendant les grandes pluies. L'en-
semble de la région s'incline insensiblement vers les
Chotts, vastes cuvettes lacustres oi^i se déversent leurs
eaux. Véritables lacs sans profondeur pendant les
112 LA STEPPE.
pluies, les Ghotts se dessèchent presque totalement
en été, sauf dans quelques bas-fonds marécageux. Ils
se recouvrent alors de cristaux miroitants de gypse
et de sel, qui, à quelque distance, le mirage aidant,
donnent parfaitement l'illusion de l'eau.
Deux plantes couvrent alternativement la steppe
de leurs peuplements continus, et sauf quelques
grandes férules qui se détachent sur l'horizon, frap-
pent seules les regards du voyageur; ce sont l'Alfa
[Macrochloa tenacissima) et le Chih [Àrlemisia Herba
alba). Entre les deux, vient parfois s'intercaler une
bande plus ou moins large de Sparte {Lygœum spar-
ium).
L'Alfa couvre les reliefs des ondulations. Le Chih
au contraire occupe les dépressions, le fond limo-
neux des cuvettes. Dans les séries d'années plu-
vieuses, le Chih gagne sur l'Alfa, qui redoute les eaux
stagnantes ou simplement les terrains humides.
Actuellement le Chih semble gagner d'une manière
générale, l'Alfa étant affaibli par l'exploitation.
L'Alfa forme de grosses touffes irrégulières, sépa-
rées par des espaces Ubres où poussent quelques
plantes annuelles pendant la saison des pluies. Ces
espaces se creusent lentement sous l'érosion produite
parle ruissellement bien faible et les vents. En por-
tant le regard à une certaine distance, on voit l'Alfa
en couche continue, comme une immense prairie
s'étendant j usqu'à l'horizon . C'est la mer d'Alfa ( tig. 9) .
Comme en mer rien ne vient accidenter l'horizon rond
et plat comme une assiette. Il se déplace sans chan-
gement à mesure qu'on avance, à moins que le mirage
ne sème ce monotone lableau de lagunes, de baies
qui reposent la vue. Deux Uns à grandes fleurs, l'u^j
I
LA STEPPE.
il3
blanc [Linum suffruiicosum], l'autre bleu {Linum
auslriacwn)^ des hélianlhèmes blancs et roses, des
scabieuses, des œillets, une grande variété de VEnj-
<
t3
simum yrandiflorum^ VAllium tautncum^ un souci
vivace, des nigelles, des dauphinelles, le Sedum
altissimum^ etc., s'entremêlent aux touffes de la
plante.
Battandier ot Trabut. — Algérie. 8
114 LA STEPPE.
1
Pendant les longues traversées d'un point d'eau à
un autre, il arrive de temps à autre qu'un lièvre se
lève sous les pieds des chevaux. C'est alors une chasse
à courre, où le gibier ne trouvant aucun abri n'a
guère de chances d'échapper. Les chevaux du pays
ont si bien l'habitude de cette chasse qu'ils s'arrêtent
d'eux-mêmes dès qu'ils ont atteint le lièvre pour
donner au cavalier le temps de tirer. D'autres fois,
ce sont des vols de gangas ou des outardes, que l'on
dérange, rarement des gazelles ou des antilopes.
Les points d'eau sont en général des puits plus ou
moins profonds, où l'on trouve de l'eau bonne à boire ;
des réserves ou mares d'eau trouble, où les troupeaux
viennent boire, rarement quelques petites sources
au voisinage des montagnes. Le Khreider, près du
chot Ghergui, est un des bien rares points où coule
une source abondante pouvant irriguer de grands
jardins. Sur bien des points, les caravanes doivent
transporter à dos de chameau l'eau nécessaire à leur
alimentation .
Sur le pourtour des Chotts et sur quelques points
au voisinage des montagnes se forment des dunes
sablonneuses, où apparaît la flore des sables déser-
tiques caractérisée surtout par le Drinn {Aristida pun-
gens).
Plus près des cuvettes, se trouvent d'abondantes
Salsolacées, dont quelques-unes envahissent même
le Ut des Chotts pendant l'été.
Enfin certaines dépressions un peu plus fraîches
et un peu plus profondes présentent des traces de
végétation arborescente ; quelques Betoum [Pistacia
ailaniica) et quelques Jujubiers [Zizyphus lotus). A
part ces deux plantes et le Rétama sphœrocarpa^ on
LA STEPPE. \V6
; ne trouve guère de végétation arbustive dans la
steppe.
Dans toute cette région, on ne voit comme habita -
i lions stables que les gares fortifiées du chemin de
■ fer d'Arzew à Aïn Sefra. Rarement on rencontre un
' douar (agglomération de tentes des Arabes pasteurs).
, La steppe ne sert guère en efïet qu'au parcours des
' moutons et des chameaux.
Les moutons ne touchent guère à l'Alfa, mangent
un peu de Chih, mais se nourrissent surtout de
} petites herbes intercalaires. De petites plantes, pa-
raissant bien insignifiantes, jouent un rôle considé-
rable à ce point de vue, tels sont le Pianlago albi-
cans et le Schismus margïnalus.
Ces immenses plaines stériUsées par le manque
d'eau n'ont probablement pas toujours eu ce même
régime ; pourtant on n'y trouve pas de fleuves morts,
comme dans le Sahara. Leur flore a bien l'air d'une
flore en ruines, montrait encore de nombreux ves-
tiges d'une flore plus boréale à travers lesquels s'in-
filtre la flore désertique. Cette flore des steppes
est peu nombreuse en espèces, on y distingue en-
core beaucoup de plantes d'Europe : Androsace
maxima. Sideritis montana, Taraxacum officinale^
Buffonia ternit folia, Telephium Imper ait, Barkausia
taraxacifoliGj Onopordon acaule, les deux lins déjà
cités, Aster othrix hispanica, Artemisia compestris, qui
est très répandu et très commun, Planta go albicans,
Diplotaxis muralis^ D. virgata, Alyssum granatense,
A. campestre^ etc.
On trouve des restes encore plus caractéristiques
sur l'Antar : Linum tenuifollum, Brassica Gravinœ,
Pimpinella Tragium^ Lactuca viminea^ Erodium
H6 LA STEPPE.
cheilanthifolium ; et vers la source du Kreider : Sal-
sola tragus, Triselum valesiacum^ etc.
La flore endémique de ces régions semble elle-
même formée des débris d'une flore passée, dont il
ne subsiste que quelques épaves, comme ces genres
monotypes ou à peu près : Cossonia, Reboudia, A^ias-
tatica, ISotoceras^ Loncho'phora, Otocarpus^ Muricaria,
Erucaria^ Sclerocephalus, Gymnocarpon, CalUpellis,
Gaillonia, Rhetinolepis^ Brocchia^ Anvillxa^ Lasio-
pogon, Kœlpmia, Gymnarrhena^ Tourneuxia^ Echio-
chilon^ etc.
Les familles les plus abondamment représentées
dans cette flore sont certainement les Composées et
les Crucifères. Nous citerons parmi les plantes les
plus remarquables : Delphinium mauritanicum,
Nigella arvensis, Ranunculus chœropkyllos^ Cerato- m
cephalus falcatus ; divers A ^/ow «5, Matthiola maroccana^
tristis^ livida, oxyceras, Clypeola cyclodontea, Lepi-
dium subulatum, Alijssum clypeatum et macrocalyx,
Malcolmia torulosa, Erucastrum leucanthum\ divers
hélianthèmes, résédas, Erodium^ Malva, Fagonia,
Zygophyllum^ Paronychia, Herniaria fruticosa^ ^^^9y-
rolobium uniflorum, Trigonella polycerata ; divers
Astragalus^ V Acanthyllis tragacanthoïdes, dont raffo-
lent les chameaux; Ononis augustissima et Columnx^
Onobrychis argentea^ Pimpinella dichotoma, Deverra
divers, Hohenhackeria^ CruciaiiPÂla patula^ des Vale-
rianella, diverses scabieuses, beaucoup d'Evax et de
Filago, Anacyclus valentinus et alexandrinus^ Ackil-
lea leptophylla et santolina^ Chlamydophora^ Aste-
ynscus, Leyssera capUlifolia^ des Francœuria^ Perral-
deria^ Pulicaria^ Bellis microcephala, Senecio corono-
pifoHuSy quelquesAw^^emis; divers Céntaurea^ Amber^
i
LA STEPPE. 117
boa^ Atractylis, Carlina, Rhanterium^ Picridium^
Zollikoferia^ Spitzelia, Tragopogon^ Scorzonera^ des
Linaires ; Anarrhinum fruticosum ; Echlum humile,
Rochelia stellulata; Echinospermum patulum et vah-
lianum; Arnebia decumbens; Nonnœa micrantha et
phaneranthera ; Marrubium Alyssum ; Salvia phlo-
moides^ lanigera^ œgypliaca ; Thymus algeriensis ;
Ajuga chamœpiiys^ Statice wgyptiaca, Bonduelli,
echioides; divers Stipa, Kœhleria; Bromus rubens,
Triticum sqiiarrosum ; JEgylops ovata , Ephedra
alata, etc.
Dans la steppe limoneuse, à Chih, on trouve : Arte-
misia campesiris, Lygœum^ Peganurrt harmala, Nosea
spinosissima, Atriplex Halimus, Atriplex paroifolia,
Orobanche cernua, Phelippœa arenaria et plusieurs
plantes de la steppe à Alfa.
La flore des sables, relativement très riche, a pour
plantes caractéristiques, outre le Drinn : Euphorbia
Guyoniana, E. calyptrata^ cornuta^ Scrophularia
Saharœ^ Rumex tingitanus^ Calligonum comosum,
Cleome 'arabica, Ononis serrata, Eremobium lineare,
Allium odo?'atissimum, Orlaya maritima, etc.
La zone à Salsolacées qui entoure les Chotts
contient un grand nombre de représentants de cette
famille : T?'aganum nudatum, Svœda fruticosa et
vermiculata^ Salsola vermiculata, tetragona^ Anabasis
arliculata^ Echinopsilon muricatus, S a lie or nia fruti-
cosa et strobilacea, Halogeton salivas^ H alopeplis per-
foliata^ etc. ; diverses autres plantes, telles que :Fran-
kenia thymifoiia et pulverulenta, Spergularia marina,
Zygophyllum cornutum^ Plantago marilima, Statice
pruinosUf Juncus maritimus, Festuca fenas, Glyceria
distans, Triticum orientale, etc.
118 LA STEPPE.
Le climat de la steppe est sec et chaud, si l'on s'en
tient aux moyennes annuelles, mais il est sujet à de
grandes variations. A Mecheria, vers 1400 mètres, la
moyenne de température de l'hiver a été de 1877 à
1886 de 7°,1 ; celle du printemps de 13°, de l'été de
26% de l'automne de 16^6, et enfin celle de l'année
de 16°, 6. Les quantités de pluie qui y tombent sont
encore assez mal connues, mais certainement
faibles. L"air y est en général très sec. De novembre à
avril, le sol est assez humide ; bien que très sec, l'été,
il est parfois humecté par des orages de pluie ou de
grêle. La chaleur y dépasse souvent 40° à l'ombre
l'été; l'hiver, les froids de — 8° à — 12° n'y sont pas
très rares. Les nuits y sont fraîches, presque toute
l'année. On y éprouve parfois des variations de tem-
pérature de 25 à 30°, dans la même journée.
On sème parfois de l'orge dans les dépressions à
Chih et cette culture réussit plus ou moins suivant
les années. Il est probable qu'on obtiendrait de
bien meilleurs résultats avec des labours profonds.
La steppe telle que nous venons de la décrire, la
mer d'Alfa, se reUe au ïell par bien des intermé-
diaires. C'est ainsi qu'en allant de Saïda, regardé
souvent comme la Umite du Tell, on traverse les
vastes cultures d'Aïn-el-Hadjar, occupant d'anciens
terrains forestiers, depuis longtemps dénudés et qui
ne servaient naguère qu'au parcours des moutons.
Il existe ainsi, à la Lisière des hauts plateaux, une
zone élevée assez vaste, très propre aux cultures.
Après avoir traversé cette zone, on rencontre de
grandes plaines pierreuses couvertes d'un court gazon
formé surtout par le Poa bulbosa, les yEgylops, le
Kœleria pubescens. Des thyms : Thymus lanceolatus,
LA STEPPE. 119
Thymus algerien.sis, des hélianthèmes : //. Fontanesi,
pilosum^ virgalum^hirtum^ rubeltum^ etc. VOnobrychis
argenteŒy le Carduncellus pectinatus, les Stipa parvi-
flora et gigantea^ V Atraclylis cespitosa^ les Phlomis
! Herba-venii et biloba^ le Passer Ina virgata^ etc.
Dans les bas-fonds, le Galium tuneianum forme par-
! fois un véritable tapis. Cette zone cultivable sur bien
I des points se rattache aux terrains forestiers par
des vestiges de broussailles de ballottes, d'oxycèdres,
' par quelques genêts rabougris, et d'autre part passe
insensiblement à la steppe à Alfa. Elle est précieuse
pour les moutons. Comme dans la steppe, les insectes,
surtout les acridiens et les arachnides : lycoses, sol-
pugides, etc., y pullulent.
Ces mêmes terrains courtement gazonnés,un peu
secs, n'ayant souvent qu'une faible couche déterre vé-
gétale, où l'on rencontre presque toujours VOnobry-
chis argentea et beaucoup des plantes ci-dessus énu-
mérées, avec quelques autres qui prédominent par
places : Acnnthyllis iragacantlioides^ Ruta montana^
Santollna squarrosa, divers Carduncellus, etc., sont
très répandus dans la région dite des Hauts-Plateaux.
Ils fournissent aux moutons des pâturages bien plus
riches que la steppe à Alfa ; tels sont les plateaux du
Sersou.
Bien que la steppe soit surtout caractérisée par
l'Alfa, celui-ci s'étend bien en dehors de la steppe,
dans la région forestière et montagneuse, partout
où le sol bien drainé ne reçoit que des plaies peu
abondantes (30 à AO centimètres).
D'autre part il est de véritables steppes sans Alfa
ni Chih, mais où domine tantôt une seule plante :
Peganum harmala^ Passerma microphylla (celle-ci
120 LA STEPPE.
dans les dépressions comme le Chih) ; tantôt une
série de Salsolacées avec les grands Phelippœa liitea
et violacea, tantôt des mélanges variables de plantes :
Atractylis serratuloides, Rhanterium adfressum^Zol-
tikofferia spinosa^ etc.
Nous ne pouvons quitter ces régions sans consa-
crer quelques pages à TAlfa, qui en est la plante la
plus importante au point de vue économique, comme
au point de vue botanique.
L'Alfa. — Le mot arabe halfa est donné, suivant
les régions, à des graminées de steppes à feuilles
résistantes jonciformes à l'état sec.
Actuellement en français, ce mot a pris un sen plus
précis et ne désigne qu'une seule espèce de plante :
le Stipa tenacissima, L., très répandu dans le sud-
est de TEspagnc, le Maroc, rAlgérie, la Tunisie et la
Tripolitaine.
L'alfa doit être rapproché comme plante écono-
mique, non seulement du Sennoc ou Albardine
[Lygeum Spartum)^ avec lequel on le confond souvent
sous le nom de Sparte, mais aussi du Dyss [Ampe-
lodesmos tenax).
Ce sont là trois Graminées très abondantes dans le
Nord-Afrique. L'une dans le Tell et les montagnes, le
Dyss; les deux autres dans le Tell et surtout sur les
Hauts-Plateaux et le bourrelet saharien, l'alfa et le
Sennoc ou Albardine.
L'alfa est une herbe vivace à rhizome très rameux,
formant des souches d'abord compactes homogènes,
mais devenant circulaires ou circinées par le dépé-
rissement des rameaux anciens du centre. Les ra-
meaux périphériques qui dessinent ainsi un cercle,
s'isolent à mesure qu'ils s'éloignent et deviennent à
L'ALFA. 121
la longue l'origine de nouvelles touffes compactes
qui s'é vident au centre, à leur tour, et forment de
nouveaux cercles si la nature du terrain le permet.
La feuille, variable avec l'âge et l'état de la plante,
a une longueur de 25 à 120 centimètres et une
moyenne de 50 à 80. centimètres. Elle est, pendant la
période de végétation, étalée d'une forme laminaire,
plane et rubanée, présentant : une face supérieure
relevée de sept fortes nervures, séparées par des
sillons profonds et toute couverte de villosités, une
face inférieure, qui par un mouvement de torsion
dans la longueur de la feuille se trouve regarder le
ciel; elle est unie, luisante, dépourvue de nervures
saillantes. Sous l'influence de la sécheresse, les deux
moitiés de la feuille se rencontrent et forment un
limbe dur, sec, jonciforme. La pointe est fine,
piquante, légèrement scabre, souvent jaunissante
(pointe dorée des alfatiers). Sur le vif et dans la
saison humide, la couleur des feuilles est d'un beau
vert foncé; sous l'influence de la sécheresse ou de la
dessiccation, la teinte verte devient blanchâtre. Les
feuilles de l'ail fa sont persistantes, elles durent au
moins deux ans, les feuilles âgées deviennent la proie
des crygtogames; cette désagrégation commence par
la pointe et gagne finalement tout le brin ; ces feuilles
noircies encombrent les souches et forment dans
bien des cas un véritable feutrage gris, à travers le-
quel émergent les jeunes feuilles de l'année. Habi-
tuellement les feuilles âgées meurent, jaunissent et
se désarticulent au point d'union du Umbe avec la
gaine. L'attaque précoce des pointes par les crypto-
games dépréciant les alfas, on distingue avec soin :
V la pointe verte ',^'' ta pointe sèche aiguo (pointe
122 LA STEPPE.
dorée) et 3° la pointe grise et désagrégée par les
cryptogames.
L'alfa a une aire de dispersion très étendue et il y
a bien peu d'espèces de la flore méditerranéenne qui
l'emportent par le nombre d'individus ou la surface
occupée. Les stations de celte Graminée présentent
quelques caractères communs, mais bien des
variantes. On peut rencontrer l'alfa à des altitudes
très difl'érentes; il croit, en effet, au bord même de
la mer et à 1 800 mètres, il vient sur le littoral, dans
le Tell inférieur, les Hauts -Plateaux (fig. 10) et dans
la région désertique.
Souvent l'alfa recouvre des mamelons, dont il
constitue la végétation principale, abritant une flore
bien caractérisée d'humbles herbes qui passent
presque inaperçues. Sur d'autres points, l'alfa
vient sous bois, c'est alors dans les forêts, souvent
de pins, de chêne vert [Q. ilex) et de CalUtris [Thuid],
qu'on le rencontre surtout. Dans la région désertique,
au sud-est de Laghouat, au sud de Tripoli, par
exemple, sur des plateaux pierreux, l'alfa trouve
encore les conditions nécessaires à son dévelop-
pement.
Le sol argileux des dépressions ne convient pas à
l'alfa, son terrain préféré paraît être un sol léger,
formé de siUce avec un peu d'argile et recouvert de
menues pierrailles calcaires. Malgré ce tempérament
rustique, il s'en faut de beaucoup que l'alfa occupe
toute la région des Hauts-Plateaux que l'on consi-
dère comme son domaine. De vastes surfaces sont
couvertes par quelques plantes qui semblent être en
concurrence avec cette graminée. Nous citerons
YAlbardine ou Lygeum SparlurriQi VArtemisia Herba-
L'ALFA.
123
124 LA STEPPE.
alba (le Chih des Arabes). Dans les steppes du sud, il
est facile de remarquer que l'alfa ne vient que sur
les parties saillantes ou déclives du sol ; les bas-fonds,
qui sont vastes et nombreux, ne nourrissent que
l'Albardine et le Chih.
Parmi les influences météorologiques, c'est une
grande quantité annuelle de pluie qui parait, sur
bien des points, exclure l'alfa.
Si nous circonscrivons sur une carte du Nord-
Afrique les régions où il tombe en moyenne plus de
50 centimètres de pluie par an, nous verrons que
l'alfa ne pénètre point dans ces contrées (fig. H).
Jusqu'au niveau de Ténès, le Uttoral de l'onest de-
puis Tanger reçoit moins de 60 centimètres de pluie,
aussi l'alfa vient sur les bords mêmes de la mer.
De Ténès à Tunis, une ligne passant à 50-100 kilo-
mètres sud de la côte, limite une contrée pluvieuse
(de 60 à 100 centimètres) dépourvue d'alfa. Les mon-
tagnes élevées du littoral, le Djurjura, les Babors
arrêtent les pluies. Les régions placées immédiate-
ment en arrière, comme la forêt du Ksenna, au sud
du massif kabyle, la région des Beni-Abbès à Sétif,
au sud des Tababors, Babors, etc. , sont alors occu-
pées par l'alfa.
Il en est de même en Espagne, où l'alfa n'occupe
que le littoral et les plateaux recevant de faibles
quantités annuelles de pluie (40 à 50 centimètres).
Par contre, l'alfa ne craint pas les contrées
sèches, puisqu'il végète encore avec vigueur sur les
confins de la région désertique, sur des points où il
ne tombe pas 20 centimètres de pluie par an,
Laghouat (16 centimètres), Djebel Gharian, au sud de
Tripoli.
I
L'ALFA.
125
L'alfa occupe une vaste région, dans la partie
occidentale et méridionale du domaine méditerra-
néen.
Au Maroc, l'alfa se trouve sur le littoral jusqu'à
Tanger, sur les Hauls-Plateaux (Dahra), qui font
suite aux plateaux oranais; sur le versant nord du
grand Atlas (Keïra, Sekiana, etc.), mais il n'est
exploité que près de Mogador, dans les deux provinces
de Ghiadma et de Halia, chez les Kabyles d'Aouirah.
Fïg. 11. — Distribulioa géographique de l'alfa.
Dans la péninsule ibérique, il occupe, dans le sud
du Portugal, une petite région plus sèche que le reste
du pays, la province d'Algarve (cap Saint-Vincent).
En Espagne, l'alfa couvre une superlicie très
considérable des plateaux compris dans un triangle,
dont les trois sommets sont à Malaga, Valence,
Madrid. Il abonde dans les provinces de Murcie et
d'Almeria, il est exploité à Almeria, Motril, Alba-
cete, Alicante, Grenade, Huescar, Jaen, Guadala-
jara, Giudad Real, Tolède, etc.
126 LA STEPPE.
En Algérie, dans la province d'Oran, l'alfa est
répandu depuis le littoral jusqu'aux montagnes des
Ksours et le plateau des Ouled Sidi-Cheikh. Les
grandes nappes exploitées sont au sud d'une ligne
passant par Sebdou, Daya, Saïda, Frenda.
Dans la province d'Alger, l'alfa ne vient pas Jus-
qu'au littoral, il ne dépasse pas au nord une ligne
passant par Tiaret, Téniet-el-Haâd, Aumale, les
Beni-Abbès, les Bibans. L'alfa abonde dans les
Hauts-Plateaux, dans la région de Aïn-Oussera, Chel-
lata, Rezdeba, Djelfa, autour de Bousaâda, dans les
montagnes des Ouled Nayl, autour de Laghouat,
qu'il dépasse au sud jusqu'au versant de l'oued
Mi a.
Dans la province de Constantine, l'alfa forme un
peuplement dans la région ouest et sud de Sétif,
Beni-Abbès, les Bibans, les Boutaleb et les Maadid.
L'alfa couvre une grande partie des contreforts in-
férieurs du massif de l'Aurès (Batna), il ne se trouve
dans ces régions que sur les versants des mon-
tagnes, il ne forme pas de plaines comme dans les
plateaux oranais.
Les peuplements d'alfa des montagnes de la pro-
vince de Constantine se continuent en Tunisie, de
Tébessa à Feriana, à Gafsa, Djebel Zitouna, Sbeïlta,
jusque dans les massifs montagneux à l'ouest de
Kairouan. Au sud et non loin du littoral, les pla-
teaux des Matmata et des Haouïa sont également
couverts d'alfa.
Cette région se continue vers Tripoli et au delà
par Djado, Zintan, Dj. Nefousa, Djebel Yefren, Djebel
Gharian, Djebel Cherchara, jusqu'au niveau de Silten
et suivant Rohlfs (Kufra) l'alfa s'avancerait aussi jus-
L'ALFA. 127
qu'au 30° vers le sud dans les plateaux tripolitains.
L'alfa rentre dans la catégorie des végétaux
toujours verts, et parmiles Graminées, dans le groupe
physiologique des Graminées de steppes. Les feuilles
présentent des couches protectrices qui les rendent
coriaces pendant la sécheresse. Le parenchyme vert
entre alors dans une période de vie ralentie par
l'insuffisance d'eau.
Vienne la pluie ou une forte rosée, immédiatement
le limbe reprend de la turgescence, s'ouvre, se
colore en vert foncé et aussitôt les communications
avec l'atmosphère se trouvent rétablies, la chloro-
phylle peut reprendre le cours de ses fonctions orga-
nisatrices.
On peut diviser ainsi les phases de la végétation
de l'alfa : au premier printemps, les feuilles persis-
tantes entrent en activité et commencent les recettes
en profitant des premières températures utiles.
Puis les jeunes feuilles, déjà ébauchées depuis
l'automne, sortent des gaines, de nouvelles innerva-
tions se forment, les fonctions de nutrition atteignent
vers la fin de cette période leur maximum d'intensité.
Vers la fin avril ou les premiers jours de mai, les
fleurs se montrent et, dans la seconde quinzaine de
juin, les fruits sont mûrs.
L'alfa ne paraît pas difficile sur la nature du sol
et l'action du terrain sur la plante se borne encore à
l'efl'et produit par une sécheresse plus ou moins
grande.
La saison des pluies peut présenter d'une année à
l'autre de grandes différences dans la quantité d'eau
tombée et aussi dans le mode de répartition des
ondées. Les printemps pluvieux sont favorables à
128 LA STEPPE.
l'alfa, l'eau emmagasinée permet une végétation
plus active et surtout de plus longue durée. Après
des hivers secs, la récolte a pu devenir presque
nulle dans les alfas déjà exploités l'année précé-
dente (Maroc, 1878 et 1879).
L'influence de l'exploitation est très évidente ; les
alfas vierges sont longs, larges, durs, grossiers,
plus cassants; à mesure qu'on les exploite et que la
souche s'épuise, ils perdent leur longueur, deviennent
pins fuis, moins cassants, plus uniformes.
A ce degré, l'exploitation a amélioré le produit, au
point de vue commercial. Mais la continuité des
récoltes épui&ant de plus en plus la souche finit par
réduire les feuilles à de petits brins de 25 centimètres,
mais très souples, très tenaces. Arrivés à ce degré
d'épuisement, les terrains à alfa ne sont pas toujours
laissés en repos. Dans le voisinage des grandes voies
de communication, des grands centres, on arrache
encore ces brins étiolés qui sont assez estimés.
L'exploitation de l'alfa remonte à une haute anti-
quité et il est probable que tous les peuples qui ont
occupé les terrains à alfa ont utilisé cette précieuse
Graminée.
Varron, en parle. Dioscoride et Pline (1), qui tous les
deux ont voyage et même séjourné en Espagne, ont
écrit sur ce sujet. Pline (2) décrit très bien les traits
principaux de la distribution géographique des sta-
tions de l'alfa ; il énumère les opérations de la ré-
colte et les manipulations qui permettent d'ulihser
ce textile. 11 remarque que la cueillette commence
souvent immédiatement après l'hiver, mais que
(1) Pline, De re rustica.
(2) Pline, Eist. nat., cap; xiv.
1
L'ALFA. 129
l'époque de la maturité du produit est fin mai, juin.
L'arrachage se faisait, absolument comme aujour-
d'hui, au moyen d'un petit levier d'yeuse ou d'os,
autour duquel les feuilles étaient enroulées. Déjà, du
temps de Pline, l'alfa était exporté surtout sous forme
de cordages pour les navires, et c'est Carthagène qui
était le centre de production, d'où le nom de Campus
Spartarius donné par les anciens au territoire de
Carthago Nova. On lissait aussi des étoffes et l'on
confectionnait avec les brins d'alfa des nattes et
des tapis. — Pline ne paraît pas avoir bien connu les
alfas d'Afrique et en dit : « In Africa [Spai'tum) exi-
guum et inutile cjignitur. »
On a avancé que l'alfa avait été introduit en Es-
pagne par les Carthaginois : c'est là une assertion
absolument sans fondement; l'alfa est aussi spon-
tané en Espagne qu'en Afrique.
Lécluse {Clusius), vers 15G0, voyagea en Espagne
et vit aussi l'alfa exploité ; rien n'avait changé de-
puis Pline, et, actuellement encore, les procédés
d'exploitation sont à peu de chose près ce qu'ils
étaient du temps de Pline.
L'exploitation trop précoce a de nombreux incon-
vénients, en dehors dos dommages causés à la touffe.
Les feuilles non mûres ne sont pas encore com-
plètement constituées à leur base; à la moindre
traction, la gaine encore verte mit le limbe, l'extrémité
du brin est alors aqueuse, molle et ridée par la
dessiccation.
Les feuilles cueillies dans ces conditions donnent
par la dessiccation un déchet très considérable, qui
peut atteindre 40 p. 100. Ces brins encore gorgés
d'eau et non complètement constitués n'ont pas la
Batïandier et Thabut. — Alfîérie. ^
i30 LA STEPPE.
valeur commerciale des feuilles mûres. L'examen
des produits d'une exploitation, faite dans de si mau-
vaises conditions, révèle facilement son infériorité ;
la fraude n'est pas possible, lacheteur recherche
toujours les feuilles présentant à leur extrémité
inférieure le crochet caractéristique et la ligule
velue.
La régularité des exploitations donne de la valeur
aux produits, pendant les premières années. Les
feuilles âgées, dans les alfas vierges, deviennent
dures, cassantes et ne valent pas les feuilles de
Tannée qui conservent plus de souplesse et donnent
moins de déchet à la filature.
On cherche donc à obtenir des nappes d'alfa bien
nettoyées et pouvant facilement donner des produits
exempts de feuilles sèches ou rompues à l'extrémité.
Les exploitations régulières ont pour effet de main-
tenir cette propreté des touffes. En Espagne, on va
jusqu'à nettoyer (quittar los viejos) avec la pioche,
on arrache les vieux rhizomes morts et on butte les
autres. Dans certains cas, on a recours au flambage
ou incinération, les parties superficielles sont seules
atteintes par le feu, et la souche réveillée par un
apport considérable de sels ou engrais, provenant
des cendres, végète vigoureusement et peut donner,
après cinq ou six ans, un alfa recherché sous le
nom d'alfa blanc^ les feuilles sont souples, saines et
conviennent aux travaux de sparterie fine
La feuille d'alfa se compose de deux parties très
distinctes, quand elle est bien développée : le limbe
et la gaine ; la réunion de ces deux parties se fait
par une véritable articulation, tous les tissus ne sont
pas continus, les nombreuses fibres qui donnent
1
L'ALFA. 131
cette solidité si remarquable au limbe cessent brus-
quement au niveau de Tarticulation. Aussi une
traction sépare facilement le limbe de la gaine; c'est
cette faculté de se désarticuler qui est le point de
départ de tous les procédés d'extraction ou d'arra-
chage.
On peut glaner l'alfa avec la main solidement
gantée et choisir ainsi les brins ; ce procédé serait le
meilleur pour la conservation de la plante, mais il
n'est pas suivi ; un ouvrier ne récolte pas autant que
parle procédé suivant, dit du bâtonnet, qui est seul
usité sur tous les chantiers depuis l'antiquité.
L'alfatier ayant à la main gauche un bâtonnet
d'environ 40 centimètres, fixé au poignet au moyen
d'un brin de cuir, saisit avec la main droite une poi-
gnée de feuilles, l'enroule sur le bâtonnet tenu obli-
quement et tire avec les deux mains et par saccades;
de nombreux brins se désarticulent ; mais aussi pres-
que toujours deux ou trois rameaux de la souche se
rompent et suivent leurs feuilles. L'ouvrier passe
alors la main droite sous les extrémités inférieures
des brins, y rencontre les rameaux pendants qu'il re-
jette avec les feuilles qui y adhèrent, ne gardant
autant que possible que les limbes désarticulés, dont
il fait une poignée ou manoque en réunissant le pro-
duit de plusieurs touffes. Malgré ce premier triage,
l'alfa porté au chantier contient encore de nom-
breuses gaines.
Les alfas que l'on cueille comme fourrage sont
arrachés avec les gaines et l'extrémité de la tige.
C'est, en effet, les bases engainantes, formant une
espèce de bulbe, qui sont recherchées par les chevaux
et les chameaux.
132 Là STEPPE.
Sur tout le bourrelet saharien, il existe ainsi de
nombreux points de ravitaillement en alfa, et ce
produit naturel est trop utile aux Nomades, pour qu'il
soit prudent de permettre une exploitation en vue
du commerce, dans cette région.
Les alfas séchés, triés, classés, sont ensuite pesés
et mis en balles cerclées à la presse hydraulique,
puis transportés au port et livrés au commerce.
Actuellement, les terrains à alfa sont les uns pos-
sédés par des particuliers, d'autres sont communaux,
d'autres domaniaux. Enfin de très grandes surfaces
sont comprises dans les terrains de parcours des
tribus et en territoire de commandement. On a
estimé à cinq millions d'hectares la surface de ces
peuplements des Hauts-Plateaux ; ce chiffre est évi-
demment exagéré ou bien comprend, en dehors des
surfaces vraiment exploitables, de grandes étendues
où les toufï'es d'alfa sont très éloignées les unes des
autres.
Les nappes d'alfa sont généralement exploitées
par des entrepreneurs qui font un traité avec les
concessionnaires. Ces derniers ont obtenu leur droit
d'exploitation en payant une redevance assez faible,
soit au Service des Forêts (10 centimes par hectare),
soit aux communes en territoire civil, soit enfin aux
administrations militaires dans les territoires de com-
mandement.
Les entrepreneurs établissent dans les régions à
exploiter un chantier, c'est-à-dire une baraque ha-
bitée par un gérant, chargé de recevoir livraison des
alfas cueillis et pesés verts.
Près de cette construction, les manoques d'alfa
sont disposées en meulons. Une fois sèches, elleo
L'ALFA. 133
seront transportées par charrettes ou bêtes à bât
vers les lignes ferrées ou les ports. Le gérant fournit
à tout un personnel, souvent d'origine espagnole
(pour Oran), les comestibles et môme l'eau. C'est
autour de la baraque que se groupent ces travailleurs
campés avec leur famille sous des huttes d'alfa et
vivant dans la malpropreté, supportant des privations
en raison du prix élevé des denrées, de l'amour
du gain et de la nécessité de recueillir quelques
économies.
Le matin, l'alfatier s'éloigne de ce centre, choisit
un emplacement qui fournit les brins en abondance;
les manoques rapidement entassées sont ensuite
portées à la bascule, le plus souvent avec le concours
d'un âne.
Les Indigènes, qui dans les premiers temps res-
taient à peu près étrangers à la récolte de l'alfa, s'y
adonnent de plus en plus; et, dans les territoires
militaires, ils sont seuls autorisés à récolter.
Les prix payés par les entrepreneurs sont sujets
à d'assez grandes oscillations; ils ont suivi, dans ces
dernières années, la baisse générale des alfas et ont
ainsi passé de 4 francs les 100 kilos à 2 francs et
même 1 fr. 50.
Un ouvrier ardent au travail, dans une journée,
arrache en moyenne, en alfa vert, 300 à 400 kilos ;
un Indigène, de i50 à 200 kilos; une femme ou un
vieillard, 100 kilos; un enfant de douze à quinze
ans, 35 à 50 kilos.
Le procédé d'extraction décrit est le même dans
toute la région de l'alfa, et depuis Pline, qui en
parle assez longuement, rien ne paraît avoir changé.
La cueillette de l'alfa et toutes opérations rela-
134 LA STEPPE.
tives à l'achat de ce textile aux ouvriers alfatiers
sont soumises, en Algérie, à une période annuelle
duiterdiction, dont la durée est fixée à quatre mois.
Pour le Tell, la période d'interdiction dure du
16 janvier au 15 mai.
Pour les Hauts-Plateaux, elle commence le l^"" mars
et prend fm le 1"^ juillet.. Un arrêté du préfet ou
du général, rendu surTavis du service forestier, peut,
si la maturité de la plante le permet sur un point
donné, devancerl'époque fixée de quinze jours au plus.
L'Espagne a de tout temps été un pays de grande
production ; vers 1868-7^, l'exportation atteignait
90000 tonnes; actuellement, elle est réduite à
45 000 tonnes.
L'Algérie a commencé l'exportation en 1863 ; en
1870, 33 000 tonnes étaient Livrées au commerce;
en 1879, le maximum de 110 000 tonnes est atteint;
aujourd'hui, 80000 tonnes sont transportées en
Europe.
La Tunisie exportait, en 1879, 33000 tonnes ; ac-
tuellement, son exportation est réduite à 14000 ton-
nes ; mais une assez grande partie des alfas récoltés
sont mis en œuvre et utiUsés dans le pays. La Tunisie
exporte aussi pour plus de 100 000 francs d'alfa
ouvré.
La TripoUtaine a produit, en 1881 et en 1885,
80000 tonnes; son exportation se maintient vers
75 000 tonnes.
Le Maroc n'exporte par Mogador que 3000 à
4 000 tonnes par an.
L'exportation de l'alfa a subi dans ces dernières
années une marche ascendante, en rapport avec une
consommation croissante. De -1860 à 1869, l'expor-
L'ALFA. 135
tation totale s'est élovée d'une quantité insignifiante
à 95000 tonnes; en 1876, ce chiffre a presque dou-
ble (185000); en 1881, il était de 200000 tonnes et
en 1882, de 225 000 tonnes. Mais si la consommation
a augmenté, les prix ont singulièrement baissé et
sont arrivés aujourd'hui pour les alfas de papeterie
à un minimum.
Les pâtes chimiques de bois sont, de jour en jour,
mieux fabriquées ; leur qualité augmente, tandis que
les prix baissent.
Les trois départements de l'Algérie fournissent une
part très inégale à l'exploitation; c'est le département
d'Oran qui a toujours conservé le monopole des alfas,
dans les premières années parce que les peu-
plements étaient voisins de la mer, et aujourd'hui
en raison de ses chemins de fer de pénétration qui
permettent un transport économique.
En 1885, Oran exportait 89 000 tonnes ; Alger 2 250
et Constantine 1 593.
Alger et Constantine exportent des alfas de van-
nerie, sparterie, à un prix bien plus élevé que les
alfas de papeterie, 12 à 15 francs au lieu de 7 à
8 francs.
La valeur des alfas exportés annuellement est
d'environ 10 millions.
Depuis vingt ans, on peut estimer à 150 millions le
produit total des ventes.
Aujourd'hui que la main-d'œuvre indigène se sub-
stitue à la main-d'œuvre étrangère, on comprend
facilement que les 10 millions d'alfa vendus par
an constituent, pour les pays producteurs, un revenu
très appréciable.
Il est à désirer que le chemin de fer de Laghouat
136 LA STEPPE.
permette bientôt de livrer à l'industrie les alfas de
Djelfa. Lorsque toutes les voies de pénétration
seront achevées, l'Algérie pourra produire annuelle-
ment 400000 tonnes d'alfa.
C'est l'industrie du papier qui consomme la plus
grande partie des alfas; sur les 225 000 tonnes expor-
tées des pays d'alfa, 210000étaient destinées à la pape-
terie. Les autres industries : sparterie, vannerie,
corderie, emploient environ 15 000 tonnes.
Dans les pays de production, on met souvent en
œuvre une quantité notable d'alfa; l'Espagne et la
Tunisie utilisent une bonne part de leur production;
l'Espagne même importe des alfas d'Algérie pour la
sparterie. En tenant compte de cette consommation
locale, on peut évaluer ainsi les quantités d'alfa uti-
lisées par année :
Papeterie 210,000 tonnes.
Sparterie
Corderie j
Vannerie ' 20,000 —
Gtiaussures \
Tissus, etc /
L'Angleterre consomme la plus grande partie de
l'alfa produit. Le papier de bois n'a pu y détrôner le
papier d'alfa très apprécié; sur les 225 000 tonnes
récoltées en 1885, près de 200000 ont été importées
en Angleterre. — La Belgique et la France ont quel-
ques papeteries qui produisent soit du papier, soit
de la pâte vendue à d'autres usines pour faire des
mélanges.
La France utilise très peu d'alfa, en raison du
prix élevé du transport, des produits chimiques et
charbons. L'alfa, qui revient aux Anglais et aux
L'ALFA. 137
Belges à 10 francs les 100 kilos, revient aux fabri-
cants fra7}çais à 14 francs; l'alfa rendant au maximum
50 p. 100, c'est déjà une difïe renée de 8 francs par
100 kilos de pâte, soit 55 francs au lieu de 43 francs.
L'Allemagne achète de beaux alfas pour la van-
nerie et la sparteriefme, le prix élevé (14 à 17 francs)
compense la faible quantité, 3000 tonnes.
L'Autriche, l'Italie consomment aussi des quantités
faibles, mais croissantes d'alfa.
Depuis les temps les plus reculés, l'alfa a été uti-
lisé pour ses fibres; la sparterie et la corderie de
l'Espagne étaient très estimées des Anciens. De nos
jours, l'alfa est employé pour les usages les plus
variés.
On peut grouper les industries de l'alfa suivant
la forme que le produit acquiert dans les manipula-
tions ; on aura ainsi :
1° Industries qui emploient l'alfa à l'état naturel
ou simplement blanchi ou teint : sparterie, nattes,
vannerie, balais, chaussures, bouquets, cigares à
paille, etc. ;
2° Industries qui emploient les tissus dissociés
par un rouissage, les fibres restant adhérentes
et pouvant être utilisées après un simple battage :
cordes, tapis grossiers; ou bien elles sont peignées,
filées et tissées en tentures, tapis, etc.
Ces tissus ne résistent pas aux lessives alcalines,
les fibres courtes se décollent comme celles du
jute; mais on peut faire de superbes tentures ou
rideaux, etc. ;
3° Industries qui emploient les fibres complètement
dissociées par les produits chimiques, en tête des-
quels se placent les alcalis, soude.
138 LA STEPPE.
Les fibres se feutrent facilement et fournissent une
excellente pâte à papier, employée pure ou mélangée
à de la pâte de chiffon, de bois ou de paille ;
Pour la papeterie, l'alfa est traité à peu près
comme la paille. On commence par trier les brins,
une toile sans fin entraîne les feuilles et des ouvriers
saisissent rapidement au passage les impuretés.
L'alfa est ensuite haché par un hache-paille, qui
lo divise en fragments de 3 à 4 centimètres. Quelques
fabricants, au lieu de hacher, écrasent entre des
cylindres.
L'alfa trié, haché et bluté, est introduit dans le
lessiveur.
Le lessiveur fermé est chauffé par injection de va-
peur pendant six à huit heures.
Quand on emploie le lessiveur boulonné, la pression
ne doit pas dépasser trois atmosphères, c'est-à-dire
une température de 130° ; h une pression plus élevée,
la pâte d'alfa boutonne très facilement.
Au sortir du lessiveur, l'alfa se déflle facilement
et rapidement après un lavage prolongé, on blancliit
au chlorure de chaux; 10 kilos de chlorure par
quintal sont suffisants; on chauffe à 55°, ce qui ac-
célère le blanchiment; l'opération doit être conduite
doucement ; on doit éviter avec soin la formation de
boules.
L'analyse suivante, faite en avril 1887, au Muséum,
par Fremy, fait prévoir le rendement de l'alfa:
Matières solubles dans l'alcool 3.35
Matières solubles dans l'eau 9.95
Composés pectiques 7. 80
Yasculose et cutose 17.80
Cellulose 46.00
Ceudres 3.20
L'ALFA. 139
Le rendement le plus ordinaire est, en effet, de
15 p. 100, bien que certains industriels anglais pré-
tendent obtenir 50 et même 52 p. 100.
Le prix de la pâte d'alfa est assez élevé ; le prix
marchand est de 60 à 65 francs les 100 kilos.
En France, l'alfa revient à 14 francs au minimum ;
dans ces conditions, 100 kilos de pâte coûtent :
Alla 30 francs .
Produits chimiques 10 —
iVIain-d'œuvre, frais géïK^ranx, char-
bon 15 —
Total 55 fr. les 100 kil.
En Angleterre et en Belgique, l'alfa revient à
10 francs les 100 kilos; les produits chimiques sont
meilleur marché aussi; les 100 kilos de pâte coû-
tent :
Alfa à 10 francs les 100 kilos 22 francs.
Produits chimiques. 8 —
Main-d'œuvre, charbon, frais géné-
raux 14 —
Total 44 fr. les 100 kil.
La pâte de bois blanc à la soude, qualité supé-
rieure, qui remplace assez bien celle de l'alfa,
revient à 45 francs.
La pâte de paille, bien inférieure à la pâte d'alfa,
revient à 45 francs.
La pâte de chiffon varie de 30 à 60 francs suivant
la qualité.
11 résulte de ces chiffres que la seule raison qui
éloigne les fabricants français de l'utilisation de
l'alfa comme succédané dans la même proportion
140 LA STEPPE.
que les fabricants anglais ou belges, est le prix de
revient.
L'alfa donne un papier souple, soyeux, résistant,
transparent, d'une grande pureté. Le papier d'alfa
a beaucoup plus d'épaisseur pour le même poids
que tout autre papier. Il prend très bien l'impression,
il fait matelas sous les caractères d'imprimerie,
qualité très recherchée; il convient très bien pour les
éditions de luxe, les belles gravures.
La paille pure donne un papier sonnant, mais peu
solide, qui est beaucoup améUoré par une addition
de pâte d'alfa. On fait ainsi un très bon papier à
lettre.
1
CHAPITRE V
LE SAHARA
Au delà du dernier cordon montagneux qui limite
au sud la région des Hauts-Plateaux, s'étend le Sahara,
le plus grand des déserts, continent longtemps mys-
térieux sur lequel on commence seulement à avoir
des données positives, grâce aux voyages de Caillé,
Duveyrier, Rohlfs, Barth, Nachtigal, Flatters, Douls,
Foureau, etc., et aux travaux de MM. Pomel, Rolland,
Tissot, etc.
La limite du Sahara n'est pas toujours très nette.
On trouve en effet en deçà du cordon montagneux
précité, plusieurs îlots désertiques. Le bord des Chotts
de la région des Hauts-Plateaux, ne diffère souvent
pas beaucoup du bord des Chotts sahariens. Bou
Saada et Aïn Sefra, avec leurs dunes, sont aussi
désertiques que Biskra. La flore saharienne s'avance
même jusqu'au grand massif kabyle par les Portes de
Fer, où Mansourah forme une véritable oasis. Un Aris-
tida d'un type saharien habite les sables de l'Oued
Sahel. Parfois la hmite paraît nettement tranchée,
comme vers cette féerique muraille d'El Kantara, qui
sert souvent de barrière aux pluies. A peine a-t-on
passé l'étroite porte par où s'échappe l'Oued, que le
soleil succède à la pluie et que l'œil émerveillé voit
se dérouler la belle oasis d'El Kantara et la plaine
immense. Ce spectacle grandiose frappe tellement
l'imagination que l'on en exagère malgré soi la por-
142 LE SAHARA.
tée. Même sur ce point la transition est moins brusque
qu'il ne semble et le vrai désert ne commence
réellement qu'au delà de Biskra (fig. 12).
Comme toutes les choses peu connues, le Sahara a
servi de thème à tous les écarts de l'imagination.
On se l'est longtemps représenté comme une mer de
sable, alors que le sable n'en recouvre qu'une faible
partie. Plus longtemps encore on a cru que c'était le
lit récemment exondé d'une ancienne mer. Mais
rien n'est resté de cette théorie dés qu'elle a été
sérieusement discutée. En effet, la constitution géo-
logique du Sahara ne diffère pas essentiellement de
celle des autres continents. On y trouve des terrains
très variés. Le crétacé y est abondant, ainsi que les
terrains tertiaires qui ne paraissent pas avoir été
recouverts par la mer depuis leur apparition. On y
trouve d'abondantes alluvions quaternaires, mais ce
sont des dépôts laissés par les eaux douces, à une
époque où ces eaux étaient abondantes. Ces dépôts
ne constituent pas le lit d'une ancienne mer. On ne
retrouve, ni les côtes, ni les coquilles qui devraient
témoigner de sa présence. « Au lieu d'alluvions
récemment abandonnées par les flots, nous trouvons
des terrains de tout âge; quelques-uns aussi vieux
que les plus vieux continents du globe i au lieu de
l'uniformité supposée, une structure géologique
simple, mais pourtant variée. Le Sahara a ses gra-
nits comme la Bretagne, ses calcaires crétacés
comme la Champagne, ses calcaires éocènes comme
le bassin de Londres, ses terrains volcaniques
comme l'Auvergne (1). »
(1) Schirmer, Le Sahara, p. 13.
MER INTÉRIEURE.
143
Mer intérieure. — Sur un point, cependant, l'hypo-
thèse d'une ancienne mer quaternaire a été vivement
,j*!.*iiSfiiiiiyffliiiiiiiiiiii|
'■''i'if'i'i'S''i'W'iî';iij'îiîir!i
•O)
discutée, c'est aux environs des Chotts tunisiens.
C'est dans cette région seulement que la question
est restée un peu douteuse, à cause du niveau des
U4 LE SAHARA.
Chotts Melrhir et Rharsa, niveau inférieur à celui de
la Méditerranée, ce qui avait donné au commandant
Roudaire Fidée de la création d'une mer intérieure,
qui, à son avis, devait révolutionner la climatologie
du Maghreb et même de l'Europe. Il pensait au
début que tous les Chotts étaient à un niveau infé-
rieur à celui de la mer, ainsi que de vastes étendues
de terres avoisinantes, et qu'il suffirait de creuser un
canal à travers le seuil de Gabès pour créer la mer
intérieure. Chose remarquable, c'est dans cette même
région que Ton a trouvé des coquilles marines. Les
unes très abondantes, comme le Cardium edule^ sont
plutôt des coquilles d'eau saumâtre qui ont pu vivre
dans les Chotts tant que la salure n'a pas été trop
forte. Elles sont du reste associées à des coquilles
d'eau douce, qui, habitantes des mêmes Chotts avant
leur salure, avaient pu s'adapter à un nouvel état de
choses. Les coquilles vraiment marines que l'on y
a trouvées sont :
l*" Une valve unique d'Arca paraissant appartenir
à une espèce de l'Océan indien. Elle était à la surface
du sol. Comment a-t-elle pu être apportée là? C'est
assez difficile à expliquer, mais il serait téméraire
de baser une mer sur cet unique témoignage.
2° M. Thomas a trouvé près des ruines de Sedrata,
oasis du x*" siècle, un Cauri [Cypris moneta), un
Cône percé d'un trou peut-être accidentel, peut-être
aussi parce que cette coquille avait fait partie d'un
collier, un Pectoncle et un Triton. Aucune de ces
coquilles n'était en place.
3** Desor a de même trouvé dans le Souf quelques
coquilles marines en place, mais dans les alluvions
fluviales, par conséquent dans les terrains remaniés.
MER INTÉRIEURE. 145
Aucune de ces preuves n'est décisive et la plupart
des géologues nient l'existence de cette mer quater-
naire. Eût-elle d'ailleurs existé, ce qui n'a rien d'im-
possible, elle n'eût intéressé qu'une infime partie du
Sahara (1).
Au point de vue pratique, les mesures directes
firent bientôt voira M, Uoudaire que le grand Chott
El Djerid, situé entre les précédents et la mer, au lieu
d'être plus bas que la Méditerranée, avait un niveau
très supérieur. C'est alors qu'il inventa cette bizarre
hypothèse que le Chott El Djerid serait formé d'une
croûte solide surnageant! un lac d'eau doace; qu'il
suffirait de faire communiquer ce lac avec les Chotts
voisins pour que l'eau s'écoulât vers ceux-ci, ce qui
ferait effondrer cette croûte. Cette théorie ne repose
sur aucun fondement sérieux. Môme en acceptant
les théories du capitaine Roudaire, les difficultés
d'exécution seraient telles, qu'il est peu probable que
ce projet soit repris de sitôt.
La mer intérieure fût-elle possible, ne présenterait
probablement pas les avantages espérés. Elle serait
de trop faible étendue, pour amener une modification
climatérique importante, et d'ailleurs ce n'est ni sur
le Sahara, ni peut-être môme sur les Hauts- Plateaux
que ses vapeurs iraient se condenser ; les bords de la
Caspienne, du golfe Persique, de la mer Rouge sont
aussi désertiques que le Sahara. Elle ferait dispa-
raître d'importantes oasis susceptibles d'accroisse-
ment (2).
(1) Voy. Toarnoucr, Association française pour l'avance-
ment des sciences. Paris, 1878, p. 608.
(2) Q>o^'?,(n\, Sur le projet de la mer intérieure [Comptes rendus
de l'Académie des sciences., 1882).
Pattand|er et Tkabut. — Algérie. IQ
446 LE SAHARA.
Le Sahara est, d'une manière générale, un continent
élevé. On a calculé que sa hauteur moyenne devait
dépasser de 460 mètres le niveau de la mer. Dans
son ensemble, on peut le considérer comme une sur-
face renflée, s'abaissant de tous côtés vers sa péri-
phérie, avec des A'ersants difficiles à délimiter et un
peu confus. Ce relief général est assez varié. Il pré-
sente plusieurs chaînes de montagnes de 1500 à
2000 mètres d'altitude, comme le Ahaggar souvent
couvert de neige Thiver, l'Air, le Thibesti, le Djebel
es Soda, etc.
D'immenses fleuves ou plutôt de grandes nappes
torrentielles quaternaires y ont déposé de vastes
alluvions et produit des érosions puissantes. L'Ighar-
ghar, grossi de nombreux affluents, s'est creusé à
travers le plateau de ïinghert un lit large parfois de
deux à trois heures de marche et si haut que ses
bords sont parfois quaUfiés de montagnes; uni à
l'Oued Mya, il forme le grand bassin de l'Oiied Rhir,
il coulait de l'intérieur du Sahara vers les Chotts.
L'Oued Seggueur, l'Oued Ouir, etc., avaient des bas-
sins analogues diversement orientés. Tous aujour-
d'hui sont des fleuves morts. Leur lit, envahi par les
sables, n'est pas toujours facile à suivre. Seulement
lors des grandes pluies, un torrent éphémère en occupe
une faible partie, produisant encore dans ces terres
meubles, sans végétation, des érosions considérables.
Sous ces lits, à des profondeurs variables, existent
souvent des nappes aquifères importantes.
Le Sahara se compose en somme de quelques
chaînes de montagnes; de vastes plateaux, diverse-
ment ondulés, tantôt formés de roche dure couverte
d'éclats noirâtres (Hamada), tantôt de nature allu^
CLIMATOLOGIE. 147
viale (Reg); de dépressions sans issue (Dayas, Seb-
kas, Ghotts, suivant leur importance); de dunes
sableuses, de lits de torrents bordés de berges
abruptes, parfois disséquées en masses verticales de
rell'et le plus piltoresque (Gour, au singulier Gara),
et enfin d'oasis, là où les sources naturelles ou
artificielles créent une végétation luxuriante qui se
traduit par une tache d'un vert sombre au milieu de
la désolation générale.
Climatologie. -—Le climat seul stérilise ces terres,
qui seraient sans cela aussi riches que d'autres.
A quoi tient cet état de choses? On a prétendu long-
temps que le grand facteur des déserts de l'Asie et
du Sahara était Talisé soufflant du pôle vers l'équa-
teur, dévié vers l'ouest par la rotation de la terre. Cet
alizé, pauvre en eau, à cause des basses températures
du nord, dépouillé encore d'une partie de son humi-
dité par les hauts plateaux de l'Asie, arrivant dans
des contrées plus chaudes, devait devenir très sec.
L'observation directe n'a pas vérifié, pour le Sahara,
cette théorie simple et grandiose. Ce n'est que dans
le sud du Sahara et seulement en hiver que l'on
trouve quelque chose d'analogue à cet alizé. Les
causes du Sahara paraissent être plus locales. L'hi-
ver (1), le Sahara, étant assez élevé, est plus froid que
les mers environnantes; il s'y crée alors un centre
de hautes pressions et le vent souffle du centre très
calme vers la périphérie. L'été, c'est un phénomène
inverse qui se produit; le Sahara surchauffé forme
une cheminée d'appel et les vents soufflent de la
périphérie vers le centre. Ce sont les seuls qui pour-
(1)0d observe presque partout des températures de — 8", qui
doivent être bien dépassées (Jans les moutagnes.
148 LE SAHARA.
raient apporter de Teau, mais ceux qui viennent de
la Méditerranée laissent une partie de leur humidité
sur les montagnes du Tell et des Hauts-Plateaux et,
arrivant dans les pays très chauds, sont bien éloignés
de leur point de saturation ; au lieu de laisser déposer
leur humidité, ils deviennent de plus en plus dessé-
chants.
Il manque un réfrigérant pour leur soutirer le peu
d'eau qu'ils apportent. Les vents qui viennent de
l'Océan sont également peu riches en vapeur d'eau,
à cause d'un courant d'eau froide qui longe la côte
et qui fait que la température moyenne est la même
au cap Juby qu'à Alger. Les mêmes phénomènes se
passent encore de ce coté.
On pourrait objecter à cette théorie que la mous-
son qui apporte la pluie au Soudan souffle aussi de
la mer vers un cUmat plus chaud, mais au Soudan
ce sont les hautes régions de l'atmosphère, plus
froides que la mer, qui condensent les vapeurs. Au
Sahara, la mousson qui vient de la Méditerranée
souffle du nord au sud et, comme l'atmosphère va
en s'échauffant à mesure que l'on se rapproche de
l'Equateur, elle ne trouve pas, même dans les régions
supérieures, un froid capable de condenser sa
vapeur.
Telles semblent être en gros les causes du chmat
actuel du Sahara ; toutefois des causes locales amè-
nent çà et là des complications. Ainsi les Hauts-
Plateaux oranais créent, de ce côté, un petit Sahara
fonctionnant à côté du grand.
Il pleut cependant au désert, mais ces pluies,
parfois diluviennes, sont extrêmement irrégulières.
Certains points peuvent rester dix ans, peut-être même
CLIMATOLOGIE. 149
vingt, sans être arrosés sérieusement. Les chaînes
de montagnes semblent pourtant avoir des pluies
plus régulières. L'Aïr, qui reçoit encore en été les
restes de la mousson pluvieuse du Soudan, a des
vallées verdoyantes et nourrit encore des bœufs. 11
en est de même à l'est dans le Thibosti. L'Ahaggar
a au contraire des pluies d'hiver qui viennent de la
Méditerranée. Il a même quelquefois de la neige.
Aussi y voit-on des sources d'eau vive et des cascades,
avec des poissons et même un petit lac, le lac Men-
khough. Ces montagnes agissent comme condensa-
teurs. Quant aux pluies, qui tombent sur les autres
parties du Sahara, elles sont dues en général à des
cyclones. L'air, élevé brusquement à de grandes hau-
teurs, se refroidit par détente.
Au Sahara, le ciel est généralement très pur, à
moins qu'il ne soit obscurci par la poussière qu'em-
porte le sirocco. Les nuits sont encore plus sereines
que les jours et pourtant la rosée et la gelée blanche
sont rares. Bien que la quantité pondérale de vapeur
d'eau contenue dans l'atmosphère soit parfois très
appréciable, l'état hygrométrique est toujours faible
l'été, à cause de la température. Certains jours, la
sécheresse est telle que les ongles se brisent comme
du verre, les objets encorne se fendent en lamelles,
l'encre sèche au bout de la plume, sans que l'on
paisse écrire.
La température moyenne de l'année est presque
tempérée; elle varie de 21° à 24°, suivant les loca-
lités, mais ses variations annuelles ou même diurnes
sont énormes. Tandis que les températures de — 8°
ne sont pas rares l'hiver, presque partout, sauf vers
l'Atlantique, le thermomètre sous abri peut atteindre
150 LE SAHARA.
50° l'été. Les variations diurnes, qui atteignent déjà
17° sur la lisière algérienne, peuvent dépasser 30°
dans l'intérieur. Le sable, les roches peuvent atteindre
dans le jour des températures de plus de 70°. Déjà, à
Biskra, il est quelquefois possible de faire cuire un
œuf dans le sable. Rohlfs ayant une fois posé à terre
un thermomètre gradué jusqu'à 70° et une bougie, le
thermomètre éclata et de la bougie il ne trouva plus
que la mèche. Il était obligé de faire voyager son
chien à dos de chameau, le sable lui brûlant les
pattes. C'est le manque d'eau, ce grand régulateur,
qui rend le cUmat si excessif.
Avec un pareil chmat, on comprend que l'évapora-
tion doit être énorme. Le D'' Amat était arrive au
Mzab au chiffre fantastique de 14 mètres d'évapora-
tion en six mois. Mais les formules des psychro-
mètres et évaporamètres cessent d'être exactes à des
températures aussi élevées.
Cours d'eau. — Aussi ne trouve-t-on guère au
Sahara que des cours d'eau souterrains, protégés
contre l'évaporation par une épaisse couche de
terre. Dans les Ghotts où l'eau persiste, elle est
beaucoup plus salée que l'eau de mer et en couche
peu profonde. Certains se dessèchent complètement,
ne laissant que du sel et du gypse brillants sur un
sol dur, mais donnant encore à distance l'illusion
de l'eau. Le mirage est fréquent dans les Ghotts des-
séchés. D'autres restent toujours boueux, comme le
Chott-el-Djerid. Ces boues sont même souvent assez
fluides pour que l'on puisse s'y enhser facilement.
Il faut avoir bien soin de suivre les pistes connues.
Les Chotts qui conservent de l'eau ou des boues
liquides sont généralement entretenus par des
COURS D'EAU. 151
sources ou des oueds. Ce sont les sources d'eau
douce du Chott-el-Djerid qui avaient fait croire à
l'existence d'un lac souterrain. Partout l'évapora-
tion possible est bien supérieure aux précipitations.
On admet môme généralement que l'évaporation
réelle est plus considérable que les apports d'eau,
en un mot que les dépenses en eau dépassent les
receltes, et que l'état du Sahara va toujours en
s'aggravant. Cela est probablement vrai, mais, en
tout cas, cette aggravation est extrêmement lente.
Un continent presque privé d'eaux courantes, qui à
elles seules façonnent à peu près tous les autres
doit présenter des caractères bien particuliers.
« Le désert (1), dit Schirmer, plus que toutes les
autres parties de la surface terrestre, a l'apparence
de l'immobilité. Le climat implacable a dépeuplé
la terre; les grandes plaines nous offrent l'image
absolue du vide. Les montagnes sont comme des
squelettes, dont le soleil a mangé la chair; les dunes
ont l'air de vagues d'or mat solidifiées ; l'absence de
bruit est telle que, suivant l'expression d'un voya-
geur, on écoute le silence. Tout cela parait immua-
ble, figé dans l'éblouissante lumière, et il semble
que l'homme seul change dans ces paysages éter-
nellement les mômes. »
Pourtant cette immobiUté est plus apparente que
réelle. Le Sahara, comme les autres continents,
quoique plus lentement, se modifie d'une manière
continue, et dans cette transformation l'eau joue un
rôle un peu efTacé peut-être, mais qui n'est point
nul. Les averses puissantes qui tombent de temps à
(1) Schirmer, loco citato., p. 139.
152 LE SAHARA.
autre sur ce sol presque dénué de végétation pro-
duisent encore de fortes érosions. L'eau de pluie
très riche en acide carbonique attaque vivement les
roches calcaires.
Mais les principaux agents modificateurs du
Sahara sont le soleil et le vent. Sous l'influence des
énormes variations diurnes de température, qui, dit-
on, peuvent parfois atteindre 80*", les pierres écla-
tent et se délitent peu à peu. D'autre part, le vent
s'empare de tous les matériaux à sa portée : roches
déUtées, sables, alluvions ; les trie, les classe, les
transporte. Projetés par un vent violent, les grains
de sable vont bombarder les parois verticales des
Gours, les escarpements rocheux et affouillent les
parties les plus tendres; les roches dures, restant en
surplomb, finissent par se briser sous leur propre
poids et tomber.
Les mêmes sables, projetés sur les surfaces
rocheuses et sur leurs éclats, les polissent au point
de donner aux plus rugueuses un toucher savonneux.
Il y a une grande diflerence dans le polissage des
roches ou des galets par le sable et ce même poUs-
sage effectué par l'eau. Tandis que l'eau émoussant
et supprimant les angles, produit toujours des sur-
faces arrondies, le sable respecte la forme générale,
se bornant à donner aux moindres anfractuosités un
poli parfait.
Les divers matériaux entraînés par le vent sont
classés par ordre de dimensions avec une admirable
précision. Les parties tendres, qui s'effritent en pous-
sières impalpables, sont emportées par le sirocco à
d'énormes distances et vont tomber soit dans l'Atlan-
tique, soit dans la Méditerranée, soit même en
dunb;s. 1S3
Europe. Les matériaux un peu gros ne vont jamais
bien loin, mais les grains de sable fin, généralement
quartzeux, trop lourds pour flotter dans l'air, rasent
le sol et, arrêtés par un obstacle quelconque, vont
former les dunes.
Ainsi, sous l'influence de ces forces diverses, les
montagnes mêmes tombent lentement en ruines, qui
imitent parfois à s'y méprendre les ruines de l'indus-
trie humaine, tours, vieux châteaux, villes. Ces
ruines n'étant pas remaniées par les eaux ont un
caractère fruste et abrupt tout à fait particuHer. Le
Sahara tout entier ressemble lui-même à une ruine
de continent, avec ses montagnes en escaUers, ses
vastes hamadas couvertes d'éclats de roches noi-
râtres et comme calcinés, son chaos de cuvettes sans
issue, de Gours à pic, de dunes immenses, dévastes
plaines alluviales presque nues, de lits de fleuves
morts, comblés çà et là par les dunes. De temps à
autre, une oasis vient trancher sur l'ensemble, comme
une tache d'un vert sombre.
Dunes. — Les dunes couvrent, d'après M. Pomel,
environ 1/9 de la superflcie totale du Sahara. Elles
forment généralement des agglomérations considé-
rables, des aregs, comme l'Erg oriental et l'Erg
occidental en Algérie, la plus grande partie du
désert Libyque, etc. Un système de dunes dans son
ensemble représente assez bien les vagues d'une
mer en furie brusquement pétrifiée. Toutefois ces
A^agues, dont quelques-unes peuvent atteindre de 150
h 300 mètres de haut, sont extrêmement inégales et
présentent des surfaces plus régulières que les
vagues de la mer. Sous le soleil saharien, elles pren-
nent une teinte dorée, qui rappelle assez bien celle
154 LE SAHARA.
des tas de blé que Ton voit parfois sur nos ports. Ces
vagues sont souvent orientées dans un même sens,
présentant une pente douce du côté d'où vient le
vent et une pente plus abrupte du côté opposé. Pous-
sés par le vent, les grains de sable gUssent sur le
plan incliné de la dune, arrivent au sommet où ils
produisent comme une sorte de fumée et tombent
par leur propre pesanteur, en formant sur le côté
opposé un éboulis à 45° d'inclinaison environ,
comme tous les éboulis. Les choses se passeraient
ainsi, si les vents étaient réguliers toute l'année,
mais ils changent souvent. De là bien des change-
ments à ce plan primitif, des croisements des lignes
de vagues et des modifications infinies. En général,
les crêtes restent vives, elles peuvent être droites ou
courbes et diversement ramifiées.
Les dunes recouvrent souvent des bas-fonds; elles
sont alors formées de sable homogène dans toute
leur épaisseur. Le sable des dunes est d'un grain
très fm et remarquable par sa régularité. Parfois le
sable a été arrêté dans sa marche par un obstacle
quelconque, montagne, colhne, etc., qui émerge
encore du sable çà et là. Quelquefois ce sont des
touffes de Relam ou Calligonum^ qui offrent un
obstacle au sable et commencent une petite dune,
ou même de simples plantes viv^aces (Drinn, Astra-
galus Gombo, etc.). Le sable accumulé finit par
recouvrir la touffe; à la première pluie, celle-ci perce
de tous côtés sa couverture de sable, forme un nou-
vel obstacle que la dune en croissant recouvre
encore, et ainsi de suite.
On a cru longtemps que les dunes étaient extrê-
mement mobiles, que le vent les transportait d'un
DUNES. 155
lieu à un autre et que des caravanes pouvaient
être englouties dans ces rafales de sable. C'est là une
erreur, contre laquelle s'est élevé avec raison
M. Pomcl (1).
Que le sable, poussé par un sirocco sec et brûlant,
gcne considérablement la marche des caravanes et
rende la respiration difficile, rien n'est plus certain,
mais, le calme rétabli, on en est quitte pour une
légère couche de sable et de poussière à secouer de
ses vêtements, et les plus fortes tempêtes produi-
sent assez peu de changement sur les dunes pour
que leurs sommets, leurs cols, leurs vallées, etc.,
aient des noms que les Sahariens se transmettent de
père en fils. En réahté, les dunes ne changent guère
de place et ne se modifient que bien lentement,
avançant ou reculant suivant le sens du vent.
Sur ces surfaces de sable pur, parfaitement uni, le
moindre insecte laisse une trace d'une netteté
remarquable.
Contrairement à ce que l'on pourrait croire àpriori,
en dehors des oasis, les dunes sont les contrées les
plus plantureuses du désert. Aussi, loin de les fuir,
les caravanes orientent toujours leur route vers
elles, sûres d'y trouver de l'eau et de l'herbe pour
les chameaux, ce que l'on chercherait vainement
dans le Reg comme dans la Hamada. Sans doute,
avec un mauvais guide on risque de s'y perdre, mais
sans elles il serait bien difficile de traverser le
désert. Ces masses de sable constituent de gigantes-
ques éponges où s'emmagasine la moindre averse,
bien vite descendue à un niveau assez bas pour être
(1) Pomel, Sahara, p. 19.
1^6 LE SAHARA.
à l'abri de l'évaporation, et la capillarité maintient
longtemps celte eau dans la profondeur, ne la lais-
sant écouler que lentement. Si la dune se trouve
sur un bas-fond, les eaux sous-jacentes, protégées
contre l'évaporation, peuvent môme y monter par
capillarité.
Sources. — Presque toujours, près des dunes, on
trouve des sources. Au désert, partout où il y a de
l'humidité, il y a de la végétation et, bien que le
sable soit peu fertile par lui-même, comme les
plantes peuvent en peu de temps y produire des
racines extrêmement longues, capables d'aller cher-
cher à des distances énormes l'humidité et la nourri-
ture, une abondante végétation s'établit presque
toujours vers la base de la dune. Le Drinn est le
principal facteur de cette végétation, mais avec lui
se trouvent une foule de plantes : Genista Saharœ^
Calligonum comosum, Rumex tingitanuSy Liyiaria
agglutinans^ Euphorbia Guyoniana^ Scropkularia
Saharœ^ Convolvulus supinus, Eremobium li-
nea?'e, etc.
Ce n'est pas seulement près des dunes que Ton
trouve de l'eau au Sahara. Il ne peut guère en
subsister à ciel ouvert, mais des nappes souter-
raines, parfois d'une puissance extraordinaire, cir-
culent çà et là, le plus souvent sous le Ut des anciens
fleuves. Lorsqu'un pli de terrain imperméable, brus-
quement redressé, les arrête, elles viennent sourdre
à la surface et former les oasis naturelles. Près de
Laghouat, le sol est imperméable et chaque dépres-
sion forme une Daya pleine d'eau l'hiver. Dans ces
Dayas poussent debeauxBetoum [Phtacia atlantica),
le Zizyphus Lotus, des Salsolacées, des plantes
SOURCES.
157
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(H
158 LE SAHARA.
annuelles, etc. On peut môme quelquefois y cultiver
de rOrge. Ailleurs on voit çà et là des ravins nourris-
sant quelque végétation, indice d'une certaine humi-
dité que les plantes sahariennes savent aller chercher
à d'énormes profondeurs (fig. 13).
D'où peuvent provenir ces eaux? probablement
des montagnes. Les montagnes quibordentle Sahara,
surtout dans le Sud oranais, sont admirablement dis-
posées pour absorber l'eau avec leurs couches paral-
lèles réguUèrement incUnées. Sur le Mzi, vers
2000 mètres, nous avons vu, au miheu de juin, un
magnifique ruisseau avec des cascades. Or, c'est à
peine si, à la base de la montagne, il existe quelques
puits. L'eau de ce ruisseau doit aller ressortir
quelque part, au Figuig probablement. Il semble évi-
dent que les eaux des Zibans proviennent de l'Aurès.
Les montagnes sahariennes peuvent aussi ahmenter
des cours d'eaux souterrains; enfin l'eau qui tombe à
la surface du Sahara peut atteindre les couches pro-
fondes du sol. Il est rare de trouver de l'eau dans la
Hamada. Le Mzab est extrêmement pauvre en eau;
peut-être cependant renferme-t-il à une grande pro-
fondeur des réserves aquifères. Yille a entendu, à
travers une fente du calcaire, d'où sortait un vent
assez fort pour éteindre une bougie, gronder un
Oued souterrain (i).
Flore saharienne. — La flore saharienne est na-
turellement pauvre. La sécheresse en exclut la plu-
part des plantes ; les froids assez considérables de
l'hiver n'y laissent guère pénétrer les espèces souda-
niennes. Elle est remarquablement homogène. Les
(1) Oa a, depuis que ceci était écrit, créé un véritable lac à
El Goléa,
FLORE SAHARIENNE. lo9
plantes qui ont pu résister à de telles conditions cli-
matériques doivent être peu difficiles sur le choix
des stations. On y distingue surtout les plantes des
sables et celles des terrains durs.
Lorsque le Sahara avait un régime aquifère plus
riche, à l'époque où coulaient ses fleuves et où se
déposaient ses grandes alluvions, il dut nourrir une
flore bien plus riche, dont on trouvera peut-être des
restes dans les montagnes, lorsque celles-ci seront
connues. Mais même alors il devait exister déjà sur
cette immense surface des contrées désertiques.
Il serait difficile de s'expliquer autrement l'existence
de la flore saharienne, qui n'a évidemment pu
prendre naissance qu'à une époque fort reculée. Il
est même possible que les espèces qui habitaient
alors les contrées riches en eau fussent les mêmes
que nous trouvons aujourd'hui sur les Hauts-Pla-
teaux, le Tell et même en Espagne, et qui ont émigré
peu à peu en suivant les changements du cUmat. On
assure que l'on trouve dans le Ahaggar la vigne, le
laurier-rose, le figuier et le Thwja^ ou plutôt
le Juniperus phenicea (\). A défaut des montagnes
sahariennes, nous avons exploré le Mzi et l'Aissa
dans la région d'Ain Sefra. Le Mzi est surtout carac-
téristique. Jusque vers 1800 mètres, on trouve des
peuplements d'Alfa et une flore subdésertique. Là,
à l'alfa succède VAvena fiUfoHa^ espèce d'Espagne,
puis apparaît le Chêne vert, le Genévrier oxycèdre.
Ensuite viennent des prairies, des sources, des ruis-
seaux et une flore très riche formée d'espèces com-
munes en Europe : Bosa Pouzini^Geranium rolundi-
(1) Ces deux arbres portent en effet le même nom arabe ;
Arrar, et le dernier est bien pitjs méridional.
160 LE SAHARA.
foliiim, Lithospennum incrassatum , Belosciadium
nodiflorum^ No^ium Oleander, etc. ; toute une co-
lonie de plantes qui n'étaient alors connues qu'en
Espagne, d'autres de l'Aurès, du Djebel Amour et
du Maroc, d'autres enfin spéciales. Un beau Silène
nouveau était voisin d'un Silène de Perse. Cette
flore curieuse forme une véritable île isolée, sur ce
sommet de montagne, au milieu d'une mer de plantes
désertiques et subdésertiques. Les montagnes voi-
sines présentent des pliéiiomènes analogues.
II est probable que, lors du changement de climat
du Sahara, beaucoup d'espèces ont disparu totale-
ment. Nos genres monotypes des Hauts-Plateaux
sont peut-être des survivants de cette flore.
Pomel et Cosson évaluent à 500 environ le nombre
des espèces du Sahara algérien et peut-être n'y en
a-t-il pas plus de 1000 dans le désert tout entier.
Toutefois cette évaluation est encore prématurée.
Un seul arbre, le Betoum {Pistacia atlantica) y a
à peu près l'aspect des arbres d'Europe. Encore
n'existe-t-il que sur le bord des Dayas ou près du lit
des Oueds. En dehors de cette espèce, on n'y voit
comme arbres que des Tamarix et quelques Acacias.
Un petit nombre d'arbustes Advent dans les dunes :
Calligomnn comosuiii^ Rétama Retam^ Genista Saharœ,
Ephedra alaia (Alenda) ; quelques-unes sur les sols
durs, surtout au bord des Oueds : Ziz]jphus Lotiis^
Rhiis dioïca, Lliiio)nasinun Gu\ionyanum, et vers la
lisière, le Warionla Saharie et une espèce de câprier,
plantes rupestres.
La Hamada même, très sèche, nourrit un certain
nombre de plantes naines, clairsemées, d'un port sec
pt rigide particulier : Salsolacées, Limoniaslrum
FLORE SAHARIENNE. 161
Feci, Fagonias, Hélianthèmes, Herniarias, Polycar-
pœas, Sclerocephalus^ Gijmnocarpus^ Aristida^ etc.
Dans le fond des Oueds, entre les fentes des rochers,
quelques touffes de Dianthus criniius^ Farseiia, Zilla,
Morkandia, Henophyton^ Galium ephedroides^ Antirld-
num ramosissimum, fiandonia^Perralderia^IJœmia, etc.
Mais la flore la plus riche est celle de la dune. Par-
tout où il tombe de l'eau susceptible d'entretenir la
fraîcheur du sol pendant quelque temps, se développe
toute une flore de plantes annuelles : Moricandia ci-
nerea, teretifolia, Scabiosa feneslraia, Plantago syr-
tica et ovata^ Reboudia erucarioides, Diplotaxis^ etc.,
capables d'accomplir en peu de temps le cycle de
leur existence. Mais la flore saharienne est surtout
formée d'espèces vivaces et sous-ligneuses.
La famille des Synanlhérées s'y montre encore la
plus nombreuse, avec plus de 90 espèces et de nom-
breux types génériques spéciaux : Wan'onia, Gyiiwar-
rhena^ liheiinolepis^ Rlianierium^ Perraldeina^ Fran-
cœuria, Anvillea, Chlainidophora, Ifloga^ Lasiopogon^
Tourneuxia^ etc. Puis viennent les Légumineuses,
avec une quarantaine d'espèces, dont 5 à 6 Génistées,
de nombreux Astragalus^VAlliagiinaurorum ow k\^o\
si caractéristique, quelques Acacias, etc. Les Cruci-
fères aussi avec une quarantaine d'espèces, parmi les-
quelles de nombreux types spéciaux et les genres dé-
sertiques : Henophyton, Notoceras, Savignya, Farsetia,
Reboudia, Anasiatica, Lonchophora, Zilla, Murica-
ria, Enarlkrocarpus, etc. Puis les Graminées, à peu
près en même nombre avec leurs Aristida, Pennise-
tum, Tetrapogon, Pappophorum, Andropogon, Ly-
geum, etc. Les Salsolacées, au moins aussi nom-
breuses, avec les genres : Fchinopsilon, Traganum^
Battandier et Tkabut. — Algérie, i\
162 LE SAHARA.
Cornulaca, Noœa , Haloxyloiiy leurs curieux Ana-
basis, etc. Les Boraginées n'ont guère qu'une ving-
taine d'espèces, la plupart caractéristiques, et les
genres spéciaux Ecfdochiion, Arnehia, Megastoma.
Les Scrophulariées et les Ombellifères ont chacune
une quinzaine d'espèces et, parmi ces dernières, les
genres très spéciaux Deverra et Ammodaucus. Les
Labiées et les Kutacées en ont chacune à peu près
une douzaine. Parmi ces dernières, les Fagonia, Zygo-
phyllum, Peganum, Nitraria tiennent une place im-
portante. LesPlombaginées, les Résédacées, avec les
genres Randonia et Oligomeris et des Résédas très spé-
ciaux, viennent ensuite avec les Solanées, les Parony-
chiées, les Euphorbiacées. Les Euphorbes déserti-
ques sont très spéciales et une espèce, YEuphorbia
Guy oniana client une grande place dans la flore des
dunes. Les Silénées, Cistinées, Tamariscinées, Dip-
sacées, Rubiacées et Cypéracées contiennent chacune
5 à 6 représentants. Les Rubiacées off'rent le curieux
genre Gaitlonia. Les Rosacées sont représentées par
une curieuse plante aussi, le Neurada procumbens ; les
Asclépiadées par le Dsemia cordata, et le Calotropis
procera venu du Soudan ; les Urticées par le Forskholea
tenacissima; les Amaranthacées par VŒrua Japo-
nica, etc. Un grand nombre de familles ne sont repré-
sentées que par une seule espèce. Des familles com-
munes dans le bassin méditerranéen n'y sont pas re-
présentées du tout : Yiolariées, Iridées, OrchidéeS;, etc.
D'ailleurs, en dehors des Graminées et des Cypéra-
cées, peu de Monocotylédones. Une Colchicacée, Ery-
throstictus punctatus 'jUne AmdiVyUidée, Pancratium Sa-
harœ\ quelques Lihacées : Asphodelus pendulinus et
tenuifolius, Dipcadi se?'otinum, Urginea nocliflora.
FLORE SAIlAHIlilNNE. 103
Les Cryptogames sont encore trop peu connues.
Nous citerons seulement un groupe de Tubéracées,
les Terfas [Terfezia^ Tirmania, etc.) et le Lecanora
esculen/a, à cause de leur rôle alimentaire. LesTerfaz,
IrulTcs blanches peu parfumées, forment un aliment
sain, parfois abondant; quelques-unes atteignent le
volume d'une pomme, mais, comme elles demandent
une certaine quantité d'humidité pour se développer,
elles ne poussent pas tous les ans au Sahara. Le
Lecanora esculenia est un lichen globuleux, mame-
lonné, de la grosseur d'un pois le plus souvent, d'un
gris rosé, sec, facile à pulvériser et formant une
farine nutritive. On le trouve parfois en grande abon-
dance amassé par le vent. Il est assez rare en Algé-
rie et se développe après les fortes pluies. On lui
donne le nom de Manne du désert.
Toute cette llore a un cachet très spécial. Plus de
la moitié des espèces lui sont propres. Beaucoup
des genres sont également spéciaux. On ne sait môme
pas à quelle sous-famille des Synanthérées attribuer
le genre Wariojiia. Tout cela indique pour cette llore
une ancienneté bien reculée.
Là plus grande partie des plantes sahariennes
sont vivaces avec un aspect sec et rigide très parti-
culier. Les Synanthérées et les Crucifères, si géné-
ralement herbacées, ont au Sahara beaucoup de re-
présentants sous-frutescents : Warioma Saharx,
divers AlracU/lis^ Rhanterium, Henophylon^ Farsclia^
Zilla, etc. Une Linaire et un Mufllier y sont également
ligneux. Un Sainfoin très caractéristique, VAlhagi-
maurorum, y forme un arbrisseau épineux et presque
sans feuilles.
Beaucoup de plantes sahariennes, pour diminuer
164 LE SAHARA.
l'évaporation, ont plus ou moins supprimé leur feuil-
lage et ressemblent à des brindilles de bois mort ou
à des pailles sèches que l'on est étonné par moments
de A^oir pousser et fleurir [Dcverra, Statice prui-
nosa, etc.). Chez d'autres, les feuilles deviennent
extrêmement petites et, appliquées contre la tige, sont
à peine visibles (^a/so/asyomescens et beaucoup de Sal-
solacées, les Tamarix^Calligonum, les Ephedr a, etc.).
Chez d'autres, elles tombent à la moindre sécheresse
[Genisla Saharœ, Rétama, etc.). Les Graminées enrou-
lent les leurs pour cacher leurs siomcites. ]j' Ephedra
alaia obture les siens d'un tampon résineux. Les
épidermes se revêtent de fortes cuticules, d'enduits
cireux ou mucilagineux. Partout l'évaporation est
réduite à son minimum.
Les Salsolacées conservent dans leurs tissus gras
et charnus des réserves d'eau qui s'épuiseront pen-
dant les longues sécheresses. Pourtant quelques
plantes ont toujours un aspect tendre et vert. Telle
est, dans les dunes, VEuphorbia Guyoniana dont les
racines peuvent aller chercher l'humidité très bas
dans la dune. Telle est surtout la Coloquinte, assez
semblable à la Pastèque, quoique plus petite. Mais
outre que ses racines vont chercher l'eau très
profondément, elles sont charnues et forment une
réserve importante.
Ce sont surtout les plantes de la Hamada qui ont
l'aspect le plus hgneux. Les Fagonia y ont pourtant
des feuilles vertes, mais les uns ont ces feuilles un
peu grasses comme celles des Salsolacées et forte-
ment cuticularisées ; d'autres les ont recouvertes
d'enduits visqueux spéciaux, qui leur servent peut-
être à prendre de la vapeur d'eau d^ns l'atmosphère.
FLORE SAHARIENNE. 165
Il est difficile que les plantes de certaines Hamadas
très sèches puissent subsister autrement. Beaucoup
de plantes désertiques : Statice^ Reaumuria^ Ta?narix,
Cressa, Linaria se recouvrent d'enduits de sels déli-
quescents. Ces enduits sèchent à la chaleur du jour,
mais redeviennent humides la nuit aux dépens de
l'atmosphère. On a constaté directement que le
Reaumuria arabica séchait quand on lui enlevait cet
enduit. Les tissus végétaux, si desséchés pendant les
chaudes journées d'été chez les plantes de la Hamada,
doivent pouvoir aussi reprendre un peu de vapeur
d'eau à l'air pendant la nuit. Môme en dehors du
désert, il est difficile de s'expliquer autrement l'exis-
tence de certaines plantes algériennes qui passent
Tété sur des blocs de rocher d'un faible volume.
Les plantes sahariennes vivaces ont en général
des racines extrêmement longues, et ces racines
poussent avec une très grande rapidité dès la germi-
nation, r.e yVem^at/apj'ocMmôews, Rosacée spiréacée, est
une petite plante herbacée appliquée sur le sol, dont
les fruits restent enfermés dans le caUce accrescent.
Ces fruits, pareils à des boutons, germent à la
moindre pluie. La sécheresse revient parfois avant
qu'ils aient pu produire autre chose que des radicules.
Si l'on essaye de ramasser ces fruits qui semblent
secs, on est tout étonné d'éprouver une vive résis-
tance. Ce sont les radicules qui les ont fixés au sol.
On dirait qu'on y a cousu des boutons.
Beaucoup de ces plantes ont des moyens d'ense-
mencement particuliers. Les fruits des Erodium^ du
Monsonia nivea, de diverses Graminées se vissent
dans le sol à la manière d'une vrille par des procédés
bien connus; beaucoup ont des fruits qui ne
166 LE SAHARA.
s'ouvrent qu'à Thumidité. VAnastatica hierochuntica
ou Rose de Jéricho, se roule en boule sous Tinfluence
de la sécheresse, elle est bientôt arrachée par le vent
et roule à la surface du désert, jusqu'à ce qu'elle
rencontre un bas-fond humide où elle laisse étendre
ses rameaux et ouvrir ses siUcules.
Contre la dent des animaux, les armes ne sont pas
plus considérables qu'ailleurs; la concurrence n'y est
pas plus grande non plus. S'il y a peu de plantes, il
y a encore moins d'herbivores. Ces plantes sont
peu engageantes, mais les animaux sahariens ne
sont pas difficiles. Les Euphorbes, la Coloquinte,
les Cleome, les Aplophyllum sont protégés par des
essences ou des résines très acres, beaucoup par
leur consistance Hgneuse et leurs souches vivaces.
Le Faleslez, malgré des alcaloïdes toxiques, est brouté
par les ruminants, mais tue les chevaux. Enfin un
certain nombre sont défendues par des épines. On a
souvent dit que dans les pays secs toutes les plantes
tendaient à devenir épineuses et qu'en particulier les
plantes du Sahara étaient très épineuses. En réahté,
elles ne le sont pas plus qu'ailleurs. Parmi les
Génistées du Sahara : Rétama Retam, GenistaSaharœ,
Argyrolobium uniflorum^ Argyrolobium Saharx, Cro-
talaria Saharœ, aucune n'est épineuse. \J Erinacea
pungens ne dépasse pas les montagnes des Hauts-
Plateaux. Sur tant de Salsolacées ligneuses, seuls le
Nosea spinosissima et le Cornulaca monacantha sont
épineux. Encore le premier est-il surtout des Hauts-
Plateaux. Le Zlzyphus Lotus et le Rhus dioica sont des
plantes du Tell égarées dans le Sahara. L'Ac«?7«/«?///«s
tragacantho'ides, la mieux armée de toutes, fait
d'ailleurs les déhces des chameaux. H est pourtant une
OASIS. 167
Salsolacée désertique qui mérite une mentionspéciale
pour sa défense contre la dent des animaux, c'est
VAyiabasis aretioïdes, ({m\)i'odmi des touffes en forme
(le bouclier si serrées et si compactes qu'elles résonnent
sous le bâton qui les Trappe ; pas un brin ne dé-
passe l'autre ; on ne voit qu'une surface d'un gris
bleuâtre, épineuse quand on y applique la main,
ayant l'aspect et presque la dureté d'une roche
chargée de lichens. Certaines de ces touffes ont un
mètre de diamètre.
Tout ce que nous venons de dire de la flore ne
s'applique qu'au Sahara proprement dit, et ce que
nous en connaissons le mieux n'est guère que sa
Usière algérienne. 11 est temps de parler des oasis.
Oasis. — Les terres les plus riches du Sahara sont
en même temps les plus sèches et les plus stériles,
aussi, partout où l'irrigation est possible peut-on
voir une végétation luxuriante. Rien ne serait plus
facile que d'y créer d'épaisses forêts ; mais on n'a
l>as de place à y perdre en cultures d'agrément.
Aussi le Dattier est-il partout la principale culture,
car c'est jusqu'à présent celle qui donne le plus de
produit dans le moindre espace.
Sur la Usière saharienne, au voisinage des mon-
tagnes, là où la datte, peu savoureuse, mûrit diffici-
lement (Bou-Saada, Laghouat), on remplace parfois
cet arbre par un abricotier presque sauvage, qui de-
vient énorme et porte de tout petits fruits que l'on
consomme secs.
Ou fait encore bien d'autres cultures dans les oasis.
L'Orge, le Sorgho, le Mil, couvrent d'importants
espaces. Les cultures fruitière et maraîchère sont
très développées. On y trouve le Figuier, l'Olivier à
i68 LE SAHARA.
gros fruits pour conserves, le Grenadier, quelques
Orangers, Cédratiers, la Yigne, le Zizypkus Spina-
Christi^ TOIivier de Bohême, etc. Parmi les légumes,
les Oignons, les Piments, les Fèves, les Pastèques et
autres Cucurbitacées, le Gombo [Hibiscus esculentux)^
la Coriandre, etc.
La Luzerne est cultivée comme plante fourragère.
Quelques plantes industrielles végètent aussi à
l'ombre des palmiers : le Henné (Laivsonia inermis)
occupe une assez grande place ; ses feuilles séchées
sont l'objet d'un commerce important, elles servent
aux femmes arabes pour se teindre les ongles et le
bout des doigts, parfois les cheveux.
Le tabac à priser [Nicotiana rustica) est aussi cul-
tivé par les Indigènes ; les tabacs du Souf sont
l'objet d'un commerce considérable. On rencontre
également dans les cultures indigènes une variété
naine de Chanvre (Hachich), dont les sommités flori-
fères sont séchées pour êlre fumées sous le nom de
Kif ou Thokmi.
La Garance est assez répandue et aussi la Réglisse.
En dehors des cultures indigènes, on trouve main-
tenant dans les oasis un certain nombre de végétaux
accUmatés depuis l'occupation française.
Les Mûriers viennent très bien; le Peuplier blanc,
le Saule pleureur, les Cyprès, les Ficus religiosa et
nitida^ les Acacia nilotica et farnesiana, les Prosopis
complètent la végétation arborescente.
La plupart des cultures potagères européennes
ont été introduites avec succès dans les oasis. La Pa-
tate peutfournir en abondance un tubercule précieux
et un feuillage à utiUser pour la nourriture du
bétail ; certaines variétés précoces de Pommes de
OASIS. 469
terre viennent très bien ; les Haricots donnent de mau-
vais résultats, mais on peut les remplacer par les
doliques, lablab, cajan. Les Choux présentent un
beau développement; l'Artichaut, le Cardon, les As-
perges, les Navets, les Carottes, etc., se cultivent
dans des conditions qui ne sont pas moins favora-
bles qu'en France.
Avec les plantes cultivées se sont ghssées un
grand nombre de nos mauvaises herbes communes
d'Europe : mercuriale, orties, etc. Beaucoup de
plantes sahariennes deviennent dans les oasis bien
plus luxuriantes, mais il n'y a pas à proprement parler
de flore des oasis.
De tout temps, le Saharien a su tirer parti des nappes
aquifères pour créer des oasis. Et même, du temps
des Romains, les oasis étaient bien plus prospères et
plus développées qu'aujourd'hui. Les invasions
arabes, les exactions des tribus pillardes en ont
diminué l'importance.
Là où l'eau coule d'elle-même, comme au voisi-
nage de l'Aurès, dans les Zibans, il sufiit de la cana-
liser ou de faire quelques barrages. Ailleurs, on va
la chercher dans la nappe aquifère, au moyen de puits
à bascule, de norias, de puits artésiens. Pour faire
ces puits, le Saharien commençait par creuser dans
le sable en boisant tout autour, jusqu'à ce qu'il ren-
contrât la couche de roche dure sous laquelle se
trouve l'eau. Alors il remontait et perçait cette
couche avec un béUer de fer qu'il laissait tomber
de tout son poids un nombre de fois suffisant. De-
puis quelque temps, ce procédé était tombé dans
l'oubli ; les puisatiers perçaient la roche à coups de
pic, au risque d'être noyés par la nappe ascendante.
170 LE SAHARA.
Aujourd'hui, les puisatiers indigènes [lîetassd) ont
disparu devant nos puissants appareils de forage qui
ont déjà fait des merveilles et rendront peut-être au
Sahara, dans un avenir peu éloigné, son antique pros-
périté.
L'eau, si précieuse, est partagée et mesurée avec
le plus grand soin. Ces partages, néanmoins, sont
la source de noml)reuses querelles et même de pe-
tites guerres. Dans les Zihans, où l'eau canalisée
arrive par les Seguias (canaux), les jours d'arrosage
et les quantités d'eau sont réglées par une sorte de
syndicat. La mesure se fait au moyen d'un tronc
de palmier couché en travers du canal sur un petit
barrage. Ce tronc porte des échancrures égales au
diamètre transversal de la main avec le pouce
redressé, ce qui équivaut à un demi-pied. L'eau qui
passe par une de ces échancrures représente une
part.
Le Dattier [Phœnix dactjilifera) est l'arbre par excel-
lence du désert(fig. 14). Depuis lapins haute antiquité,
il est connu dans cette vaste zone presque privée de
pluies qui s'étend de l'océan Antiantique presque
jusqu'à la vallée de l'Indus. Comme pour beaucoup
de plantes anciennement cultivées, il est fort difficile
de lui trouver un ancêtre parmi ses congénères
sauvages.
Il exige, pour mûrir convenablement ses fruits, des
températures extrêmes de 45 à 48*', pendant l'été.
Dans les oasis, le dattier est cultivé non seulement
pour l'abondance et la variété de ses produits; mais
aussi pour son ombrage tutélaire, qui permet la cul-
ture des plantes les plus variées et les plus utiles.
Les conditions qui paraissent le plus nécessaires au
OASIS. 171
développement du dattier sont une grande somme de
chaleur pendant un été sans pluie, et une grande
humidité du sol ; les Arabes disent : « la tête dans le
élAyoa^j£-c/A'
'.^:^f:iSj:L't/va
Fi-. IL
Ddttier.
feu, les pieds dans l'eau ». Ces conditions sont pai
fois réaUsées en dehors de la zone désertique ; à Elche
(Espagne), aux Algarves, le dattier donne des fruits
172 LE SAHARA.
comestibles; près d'Orléansville, il existe, depuis
quelques années, des dattiers, apportés du Mzab par
un Indigène éclairé, qui mûrissent très bien leurs
fruits, sur les bords du ChélifT. Les variétés de dat-
tiers cultivées dans les oasis algériennes sont très
nombreuses; on peut les évaluer à une centaine au
moins. Les caractères sont tirés de la forme ; cer-
taines dattes sont très allongées et ont un noyau
mince, effllé; d'autres, au contraire, sont courtes,
grosses, semblables à une prime, la couleur est
claire ou foncée; à maturité, la chair est molle ou dure
et sèche, certaines dattes ne se conservent pas et
doiv^ent être mangées fraîches.
Les Indigènes distinguent surtout les dattes sèches,
qui peuvent être facilement transportées [Deglet bou
'Sekhraia^ dattes de Chamelier), les dattes molles, dont
le type est la datte El Ghars, qui est conservée en
pain dans des peaux de boucs ou dans des vases où
on les comprime fortement. La principale datte
d'exportation est la Deglet Nour (datte lumière).
La culture du dattier réclame peu de soins. Après
la récolte, il est procédé à l'élagage des vieilles feuilles
et à la toilette du tronc qui est débarrassé des bases
persistantes des feuilles déjà enlevées. Pendant
l'hiver, les cuvettes creusées au pied de chaque arbre
sont piochées, elles reçoivent du fumier ; en mars-
avril, on procède à la récolte des régimes mâles et
on opère la fécondation. L'Indigène monte, enferme
un rameau de l'inflorescence mâle dans la spathe
entr'ouverte qui contient le régime femelle.
L'arrosage se fait de différentes manières, suivant
les oasis. Dans le Souf, les dattiers sont plantés dans
le fond de puits, et trouvent facilement l'eau dans la
OASIS. 173
nappe souterraine. Dans les Zibans, ils sont irrigués
par les seguias; dans le Mzab, aux Oued Djellal, ils
sont arrosés au moyen de norias ou de puits à bas-
cule.
Au moment de la récolte, le fermier abat avec sa
faucille les régimes. Si ce sont des dattes sèches, il
les laisse tomber sur le sol; si ce sont des dattes
molles, il les descend avec une corde. Dans chaque
jardin, la récolte est divisée en cinq tas égaux, dont
l'un constitue la rétribution du fermier ou khamès.
La multiplication du dattier ne se fait que par dra-
geons qui poussent au pied de chaque arbre. On les
plante au commencement de .l'été et on les arrose à
profusion, après avoir coupé les feuilles et entouré
le jeune plant de feuillage pour réduire la transpi-
ration. La proportion des reprises est très considé-
rable.
Dans les oasis qui peuvent produire la datte Deglet
Nour pour l'exportation, il serait à désirer que la
culture du dattier fût l'objet d'une étude agricole
sérieuse, car il est probable que cette culture de
luxe prendrait une extension considérable, si elle
pouvait être faite d'une manière intensive, par l'ap-
plication de nos méthodes perfectionnées.
Les dattes fournissent aux Sahariens leur princi-
pale ressource alimentaire; elles sont consommées
fraîches, sèches, réduites en farine; on en retire par
expression un sirop ou miel de datte. On peut aussi
obtenir une excellente eau-de-vie par la distillation.
Les palmiers mâles ou de mauvaise race sont par-
fois exploités pour le lagmi ou sève qui s'écoule par
une section transversale faite sur le bourgeon ter-
minal en ne tranchant que la base des feuilles et
174 LE SAHARA.
respectant le sommet de la tige ; de cette section hori-
zontale et un peu concave, il s'écoule un liquide
sucré, qui est conduit par un roseau dans un vase
attaché dans les vieilles feuilles. Pendant deux mois,
il est possible de récolter 5 à 10 Utres de liquide
sucré par jour. Cette opération se fait en avril.
Le dattier ainsi mutilé pousse à nouveau, les jeunes
feuilles, sortant du miheu du bourgeon coupé, s'allon-
gent et forment une nouvelle couronne ; mais le
stipe reste plus grêle à ce niveau, et les palmiers
ainsi saignés portent de distance à distance de véri-
tables étranglements.
Le tronc du dattier est utihsé comme bois de cons-
truction et comme combustible; ce bois est fibreux
et résistant, il convient pour les charpentes ; certains
dattiers donnent un bois dur qui peut recevoir un
assez beau poli.
Les feuilles sont employées pour la couverture
des maisons et leurs lanières sont utiUsées pour la
fabrication des nattes^ éventails, paniers et cha-
peaux.
Le noyau de la datte peut, après macération, servir
à la nourriture du chameau. On utilise aussi pour
le même usage des régimes coupés avant maturité
pour soulager les arbres.
CHAPITRE YI
ANTHROPOLOGIE
L'Homme préhistorique. — En Algérie, comme
en Em^ope, l'Homme a certainement été contemporain
de grands mammifères quaternaires aujourd'hui dis-
parus. H se servait alors d'armes en pierres taillées
par simple percussion, répondant aux mêmes types
généraux que leurs similaires d'Europe.
De tous côtés, on a trouvé des haches grossières
en silex , en quartzite, parfois en calcaire ou en dolomie
du type de Saint-Acheul ou du type Moustérien. On
a également trouvé des instruments plus perfection-
nés: couteaux, scies, grattoirs et pointes de flèches
en silex taillé encore, mais parfois d'un très beau
travail. Ces pointes de flèches ne sont pas rares dans
le Tell, mais on les trouve à profusion dans certaines
stations du Sahara (Ouargla, M'zal), etc.). Il y en a
de véritables atehers, généralement voisins d'ancien-
nes Dayas desséchées aujourd'hui, ou de sources
depuis longtemps taries qui ne se révèlent plus
que par les dépôts travertineux témoins de leur
ancienne activité.
Le Dr Weisgerber a remarqué que ces flèches étaient
d'un travail d'autant plus grossier que l'on entrait
plus avant dans le Sahara. Il en conclut que les peu-
plades qui les ont taillées ont dû cheminer du sud
176 ANTHROPOLOGIE.
au nord, reculant peu à peu devant la sécheresse
croissante. Ces belles pointes de flèches paraissent
appartenir à l'âge de la pierre polie. On a en effet
trouvé avec elles des poteries grossières, des bijoux
en coquille d'œufs d'Autruche, et même des haches
en pierre polie.
Ces dernières sont assez rares en Algérie; on en a
cependant trouvé d'un travail admirable. Il semble
que la période néoUthique ait été moins longue ici
qu'en Europe, peut-être par suite de très anciennes
relations avec l'Egypte, où l'usage du bronze et des
métaux fut connu de très bonne heure. Ces haches
polies, en jaspe, en diorite, etc., sont encore sem-
blables aux types d'Europe et ont été aussi trouvées
un peu partout.
On n'a encore fouillé que peu de cavernes ou de
stations de la période paléoUthique et l'on ne pos-
sède aucun document ostéologique sur l'Homme algé-
rien de cette époque. Une des plus anciennes stations
fouillées est certainement celle de Ternifine ou
Palikao, dans la plaine d'Eghris au sud de Mascara.
Là se trouvent des sables jadis accumulés par une
source artésienne.
L'exploitation du sable a amené la découverte de nom-
breux ossements d'animaux divers, accumulés par l'homme
qui n'y a laissé lui-même aucun osseinent, mais des haches
en quartzite et en grès, rarement en calcaire, du type chelléen,
et de petits éclats de silex souvent retouchés avec le nucleus
dont ils étaient détachés. Les traces de ces outils se rencoo-
trent souvent sur les ossements ; elles sont loujours grossières.
Des pierres de foyer faites avec la carapace concrétionnée du
terrain suballanliquc au travers duquel émerge la source, et
des débris d'une poterie très grossière attestent une industrie
moius primitive que ne le ferait admettre la grossièreté de
l'outil principal, qu'on le nomme hache ou coup de poing.
L'HOMME PREHISTORIQUE. 177
11 résulte de ces constatations que l'âge de cette station
n'est pas à proprement parler paléolithique, mais se rapporte
à une phase plus récente de l'évolution des races préhistori-
ques que l'on pourrait désigner sous le nom de mésolithi-
que (1).
Les ossements recueillis dans celte station appar-
tiennent, d'après M. Pomel, aux espèces suivantes :
Elephas allanticus Pomel, Elephas melitensis ou une
espèce extrêmement voisine, un grand hippopotame,
un sanglier, un chameau [Camelus Thoinasii Pomel),
des bœufs et des antilopes indéterminés, un rhino-
céros (lih. mauriianicus Pomel), Equus mauritanicus
Pomel, Ihjxnn Spehea, etc.
Une station de la même époque se trouve à Abou-
kir.
Ces stations sont antérieures, d'après M. Pomel,
aux alluAions du Chelif et de la Mitidja, ainsi qu'aux
ébouUs de terre rouge de Kouba et du Cap Caxhine
aux environs d'Alger. Dans toutes ces dernières for-
mations, on trouve en effet le Bubahis antiquus Duver-
noy etV Elephas africanus, espèces plus récentes que
les précédentes (2).
Il existe certainement en Algérie un grand nombre
de grottes et d'abris qui ont servi de refuge à l'homme
préhistorique. Mais bien peu, comme nous Pavons
déjà dit, ont été fouillés, elles débris de l'industrie
humaine que Ton y a recueillis ne remontent géné-
ralement qu'à l'âge de la pierre poUe et seraient,
toujours d'après M. Pomel, contemporains des allu-
vions du Ghehf et de la Mitidja.
(1) Pomel, Ccu-ée (jéologique de l'Algérie^ description strati-
graphique générale, 1889.
(2) On vient d'y trouver récemment des hippopotames, des
antilopes Addax, etc.
Battandieiî et Tuabut. — Algérie. 12
178 ANTHROPOLOGIE.
La première des grottes fouillées est certainement,
par ordre de date, celle aujourd'hui disparue de la
Pointe Pescade près d'Alger. Le D"" Bourjot-Saint-
Hilaire y avait trouvé deux étages très nets.
L'inférieur rempli de sable, d'origine marine, indi-
quait un ancien niveau delà Méditerranée à cette épo-
que. L'homme n'y avait laissé aucune trace, mais il y
avait des restes de grands mammifères aujourd'hui
disparus : débris d'une faune probablement anéantie
par les grands cataclysmes post-pliocènes : une
mâchoire d'o*ars, des os de bovidés^ d'équidés, etc.
L'étage supérieur, plus récent, contenait quelques
silex grossièrement taillés et évidemment apportés
de loin, le silex manquant dans la région ; d'énormes
amas de coquilles d'escargots et de buUmes, des débris
de foyers, des ossements appartenant à la faune actuelle
de l'Algérie, sinon à cette même région Uttorale.
Les grottes d'Ouzidan, près de Tlemcen, n'ont de
même fourni à M. Bleicher que des armes en pierre
taillée.
A l'instigation du D*" Bourjot-Saint-Hilaire, la So-
ciété de chmatologie d'Alger a exécuté en 1869 et 187U
des fouilles considérables à la caverne du Grand
Rocher, près Guyotville (1). On y a trouvé des silex
taillés et des haches polies, des poinçons, des
aiguilles et divers instruments en os, des restes de
foyers, de poteries, des ossements humains, le tout
mêlé à des ossements d'animaux existant encore ac-
tuellement, mais dont plusieurs, comme les cerfs, les
bubales, les gerboises, etc., ont émigré dans d'autres
lieux.
(1) Consulter, pour ces diverses fouilles, le Bulletin de la So-
ciété de climatologie d'Alger, 1875-1876.
L'HOMME PREHISTORIQUE. 179
Parmi les poteries exhumées dans ces fouilles, se
trouvent des vases à ornements losangiques, de tout
point pareils à ceux figurés par sir Jolin Lubbock
et trouvés dans les Tumuli anglais. On en a trouvé
de tout pareils aussi dans des cavernes de Gibraltar.
Les Kabyles du Djurdjura en confectionnent encore
de parfaitement semblables. Rien ne se perd sur
cette terre d'Afrique.
Au dessus de ces couches à débris préhistoriques,
on a trouvé, dans cette même grotte, de nombreux
restes de l'époque romaine.
Les auteurs de ces fouilles insistent sur la remar-
quable concordance qui existe entre les objets trouvés
dans cette caverne et ceux trouvés par les Anglais
dans les cavernes de Gibraltar.
Des cavernes de la banheue d'Oran ont donné des
résultats semblables, moins les restes de l'époque
romaine.
A Saint-Hippolyte, à Raz el Ma, à Saint-André de
Mascara, le D"^ ïommasini a trouvé des grattoirs et
des pointes de flèches des formes Moustérienne et
Solutréenne. On pourrait citer un grand nombre de
stations analogues.
En résumé, l'homme préhistorique a laissé en
Algérie les mêmes vestiges qu'en Europe, soit, comme
le dit le D^ Tommasini, qu'il y eût alors communica-
tion entre l'Europe et l'Afrique, soit que les mêmes
besoins eussent créé à peu près partout les mêmes
industries.
C'est du reste à cette même conclusion que con-
duit l'étude des sépultures mégahthiques, si nom-
breuses encore lors de la conquête, mais qui dispa-
raissent rapidement depuis.
180 ANTHROPOLOGIE.
Si l'on n'a pas encore trouvé en Algérie ces jolies
miniatures d'artistes préhistoriques qui ont rendu
célèbres les grottes du Périgord, nous possédons un
type particulier et assez répandu de dessins rupes-
tres. Tels sont ceux depuis longtemps connus de
Tyout et Mogbrar, près d'Aïn Sefra, et ceux plus
récemment étudiés par M. Flamand, au sud de Géry-
ville et sur divers points du Sud oranais. D'autres
ont été signalés au Maroc (1), dans la province de
Constantine (2), dans le Fezzan par Barth, dans la
Haute-Egypte par Ampère et jusque dans la vallée du
Sinaï par Niebuhr.
On peut distinguer dans ces dessins trois époques
principales (3).
Les uns, nettement préhistoriques, sont dessinés
d'un trait continu et arrondi, très ferme. On y voit des
chasseurs, ayant déjà le cliienpour auxiliaire, coiffés
de plumes d'autruche, armés d'arcs et de casse-têtes
à peu près comme les Peaux-Rouges d'Amérique
et accompagnés de figures d'animaux très divers,
parfois d'un dessin très remarquable, parfois diffici-
lement reconnaissables : un éléphant à front très
bombé et à oreilles courtes, des bœufs à cornes diri-
gées en avant, des bubales, des girafes, des lions, des
panthères, des autruches, moins certainement l'hip-
popotame et le rhinocéros, etc. La plupart des per-
sonnages portent une ceinture ; une femme a un
bracelet. D'après MM. Bonnet et Flamand, c'est à tort
que l'on a voulu voir dans ces dessins des scènes
(1) Duveyrier, Bulletin de la Société de géographie, 1876.
Hamy, Revue d'Ethnographie, 1882.
(2) Vigueral, Ruines romaines de r Alger le.
{^] Revue d'Ethnographie, 1881).
L'HOMME PRÉHISTORIQUE. 18i
lubriques. Les énormes phallus paraissent avoir été
ajoutés après coup, et les longs traits sinueux qui
unissent les parties génitales des personnages indi-
queraient simplement la filiation. Des instruments
en silex abondent autour de ces dessins.
Une deuxième époque libyco-berbère est caracté-
risée par de nombreuses inscriptions en caractères
semblables à ceux des Touaregs, et par les traits du
dessin pointillés et non continus. Les animaux que
représentent ces dessins existent encore dans la
région ou Font quittée depuis peu.
Enfin une troisième époque arabe est également
caractérisée par des inscriptions et par la présence
du dromadaire, introduit seulement au v*" siècle de
notre ère.
Parmi les autres monuments laissés par l'homme
préhistorique sur la terre d'Afrique, nous citerons
d'abord les curieux cordons de pierrailles signalés
d'abord par Bourguignat et dont on ignore la signi-
lication. C'est sur le Kef-Iroud, au sud de Teniet el
Haad, que Bourguignat a remarqué un de ces cordons
hauts de 1 mètre à i™,50, et courant en droite Hgne
à travers tous les obstacles du terrain, franchissant
ravins et collines sur une longueur d'au moins 5
à 0 kilomètres. Bourguignat est tenté d'y voir une
représentation d'un serpent analogue à celles que
l'on trouve dans les Mounds des vallées de l'Ohio et
du Mississipi, du Wisconsin et de rilhnois. L'un
de nous (1) a vu de semblables cordons dans la ré-
gion de Mécheria, et les Arabes lui ont affirmé que
cela était antérieur à leur occupation. Bourguignat
(1)|M. ïrabiit.
182 ANTHROPOLOGIE.
a cru remarquer aussi que certains tumuli du
Nahr Ouassel, dans la région de l'Ouarsenis, étaient
groupés de façon à simuler un homme couché, un
scorpion, etc., toujours comme certains monuments
symboliques américains (1).
Ceci nous conduit aux sépultures mégahthiques, si
nombreuses et si variées en Algérie. On y trouve en
effet tous les types généralement connus : tumuli,
dolmens, menhirs isolés ou en lignes, cromlechs,
trilithes, allées couvertes, etc., et un type très parti-
culier de petites tours couvertes d'une dalle ou ter-
minées par un couronnement conique (Djelfa, Med-
jana Djebel Mahdid, etc.). Ce sont les Chouchet de
M. Letourneux(2). Ce genre de sépultures, qui a peut-
être quelque rapport avec les Nuragbi de la Sardaigne ,
aboutira plus tard, sous l'influence de la civilisation
romaine, aux magnifiques mausolées royaux tels
que le Médracen (fig. 15) et le Tombeau de la Chré-
tienne, et aura enfin sa décadence avec les Djedar
de la province d'Oran.
D'après de Quatrefages, qui a examiné les crânes
dolichocéphales recueilhs par le général Faidherbe
dans les dolmens de Roknia, les constructeurs de ces
dolmens étaient de même race que l'homme de Cro-
Magnon et que leurs contemporains d'Espagne et des
Canaries. Pour Henri Martin, ces dolmens auraient
été construits par des Celtes. Pour M. Cartailhac, au
contraire, il ne serait pas démontré que les dolmens
d'Europe et d'Algérie aient été construits par une
même race d'hommes. Ce qui paraît certain, c'est que
(1)" BoLirguigaat, Souvenirs d'ime exploitation scientifique
dans le nord de l'Algérie. Paris, 1868-1870.
(2) Letourneux, Lettre à Desor.
L'HOMME PRÉHISTORIQUE.
183
cette architecture tombale a persisté bien longtemps
dans le nord de 1" Af ri que . Si certain s monuments méga-
lithiques semblent y remonter à une haute antiquité,
d'autres au contraire ne remontent pas au delà de
l'occupation romaine, ou du moins étaient encore
utilisés à cette époque. On a trouvé une colonne
romaine engagée dans la construction d'un dolmen
de l'Aurès, et des monnaies et médailles romaines
Fig. 15. — Medracen ou mausolée des anciens rois de Nu-
midie, au sud de Constantine, entre Lambesa et Diana.
dans le mobilier funéraire de plusieurs. LeD^ Reboud
a môme fait connaître que la tribu des Denhadja,près
de Philippeville, élevait encore naguère des menhirs
appelés Snoba. Ces Denhadja s'attribuent une très
ancienne origine et se qualifient eux-mêmes de fils
des païens. Peut-être ont-ils conservé cette archi-
tecture tombale depuis les temps préhistoriques.
Les dolmens d'Algérie constituent en général une
chambre mortuaire rectangulaire entièrement close.
Chacune des quatre murailles latérales est généra-
lement formée d'une seule pierre plane sur les deux
184 ANTHROPOLOGIE.
faces ou au moins du côté interne. Ces pierres sont
dressées; les deux qui forment les grands côtés du
rectangle sont naturellement plus grandes que les
deux autres. Parfois le nombre de pierres qui consti-
tuent les murailles latérales est plus considérable. Le
tout est recouvert d'une grande table débordante.
Souvent ces dolmens sont entourés d'un cercle de
pierres dressées [Cromlech). D'après beaucoup d'ar-
chéologues, et en particulier M. de Mortillet, tous les
dolmens auraient primitivement été enfouis sous un
tumulus, auquel le Cromlech, lorsqu'il existe, servait
de limite.
Il est certain qu'il en a été souvent ainsi. On trouve
parfois encore l'intervalle compris entre l'enceinte
et le dolmen rempli de pierres ou de moellons, mais
la terre a généralement été entraînée par les eaux .
Pourtant il paraît probable que certains dolmens
algériens n'ont jamais été recouverts. C'est ainsi que
M. Féraud, interprète militaire, a signalé des dolmens
au sommet de Tumuli. D'après M. le D"* Fauvelle (1),
beaucoup de dolmens de Roknia n'auraient jamais
été recouverts.
Par contre, on trouve dans le Sud oranais beaucoup
de tumuli avec ou sans dolmen. Souvent ces tumuU,
ayant été fouillés par les Arabes qui y cherchaient
des trésors, présentent une dépression au centre.
Dans les dolmens, on trouve généralement des
cadavres accroupis, les genoux rapprochés du menton,
en nombre variable.
C'est dans la province de Constantine que les
nécropoles mégahthiques sont le plus abondantes ;
(1) Fauvelle, Association française pour l'avancement des
sciences. Congrès de Limoges.
L'HOMME PRÉHISTORIQUE. 185
nous allons en décrire sommairement quelques-
unes.
i° Roknia. — La grande nécropole de Roknia est
située k la base du Djebel Thaya, sur les bords de
rOued Meziet et non loin de TOued-bou-Hamdam,
aflluent delaSeybouse. Elle a été étudiée par le géné-
ral Faidherbo (1) et par Bourguignat (2). Elle com-
prend, ou du moins comprenait, plusieurs milliers
de dolmens sur une étendue de 5 à 6 kilomètres. La
plupart sont aujourd'hui ruinés et renversés. Ces
dolmens sont généralement petits, serrés et formés
de blocs anguleux plutôt que de belles dalles. Le
D' Reboud en a pourtant trouvé un très grand et un
autre recouvrant la margelle d'un puits de 1™,75 de
profondeur et de 95 centimètres de diamètre. Ils sont
généralement entourés d'enceintes rondes ou carrées,
plus hautes du côté de la déclivité du sol, de manière
à maintenir horizontale l'assiette du dolmen. Une de
ces enceintes présente un menhir encastré dans un
de ses côtés. Ces enceintes, d'après Bourguignat,
auraient jadis Umité des tumuli. Le D'" Fauvelle est
d'un avis absolument contraire. Le général Faidherbo
a constaté dans les dolmens de Roknia des aligne-
ments manifestes. Déplus, les os légèrement calcinés
sont souvent recouverts d'une sorte de béton. Pour
Bourguignat, ces ahgnements suivraient des Ugnes
de fracture par où devaient s'échapper jadis des éma-
nations A^olcaniques qui auraient calciné à la longue les
ossements et cuitl'argile en forme de béton. Pour d'au-
tres, ce béton mis intentionnellement aurait eu pour
but de préserver les cadavres contre les fauves. Quant
(1) Faidherbe, BuUelin de V Académie d'Hippone.
(2) Bourguignat, loco citalo.
186 ANTHROPOLOGIE.
à la raison qui aurait amené les anciens habitants de
Roknia à aligner ainsi leurs dolmens le long de
ces lignes de fracture, Bourguignat croit la trouver
dans des croyances religieuses. Ces dolmens auraient
été placés là sous la protection d'une divinité infer-
nale. Sur le pourtour de la nécropole, du côté de la
montagne, on trouve un grand nombre de niches
creusées dans le roc [Haouanet de M. Letourneux).
Ces niches ont aussi servi de sépulture, mais Bour-
guignat les croit bien postérieures aux dolmens.
Bourguignat a fouillé vingt-huit de ces dolmens ; le
général Faidherbe en avait aussi fouillé un grand
nombre. Chacun d'eux contient un ou plusieurs
cadavres; Faidherbe en a trouvé jusqu'à sept dans un
même dolmen. Ces sépultures ne semblent pas extrê-
mement anciennes. On y a trouvé de nombreuses
poteries, des anneaux et des amulettes en bronze. Les
crânes sont généralement doUchocéphales, et nous
avonsvuque deQuatrefages y avait cru reconnaître la
race de Cro-Magnon. Bourguignat et Pruner-Bey se
sont livrés au sujet de ces crânes à des spéculations
bien curieuses, mais qui auraient peut-être besoin de
confirmation (1). D'après ces auteurs, les plus grands
dolmens ne contiennent qu'un ou deux squelettes
paraissant appartenir à la race arienne. Les autres
contiennent en général trois corps, parfois sept ou
huit appartenant aux races berbère et nègre ou à des
métis de ces deux races. Les Arias, venus probable-
ment par la Sicile et identiques avec les Tamahous
blonds des Égyptiens, devaient constituer la race
dominante. A côté des squelettes d'homme, on trouve,
(1) Fauvelle, Congres de Limoges.
L'HOMME PRÉHISTORIQUE. 187
d'après Bourguignat, un vase en poterie ; il n'y en a
jamais près des squelettes de femme. On y trouve
par contre des bijou.'c (bagues, bracelets) en bronze
et môme en argent doré, d'un travail très primitif.
Ces bijoux ont en général une forme spiralée.
Les poteries sont pareilles à celles des dolmens de
France, qui, à cette époque, n'avaient pas encore d'ob-
jets en bronze. Mais (toujours d'après Bourguignat)
dos populations de race japbétique, parties d'Asie,
étaient arrivées en Afrique bien longtemps avant les
Phéniciens et y avaient établi de nombreuses colonies.
Ces populations, souvent en guerre avec l'Egypte,
devaient avoir une civilisation déjà avancée. Pruner-
Bey a cru pouvoir affirmer que parmi les crânes de Rok-
nia se trouvait celui d'une femme égyptienne desXYII°
et XAIIP dynasties, ce qui ferait remonter l'âge de ces
dolmens à 2 000 ans environ avant notre ère. Bour-
guignat estime qu'à cette époque le climat de Roknia
était plus froid et plus humide qu'aujourd'hui et que
la moyenne de température ne devait pas dépasser
-|-10". Il se base pour cela sur des calculs astrono-
miques appuyés sur la variation de l'excentricité de
l'orbite de la terre, sur la variation de l'obliquité de
l'écUptique, sur la précession des équinoxes, etc. Il
arrive à des résultats analogues par l'étude des co-
quilles de mollusques enfouies à différents niveaux,
et par d'ingénieuses déductions il est amené, d'après
ces mômes coquilles, à assigner encore la date de
2000 ans avant notre ère aux dolmens de Roknia.
2° Nécropole de Bou Nouara. — Cette nécropole
se trouve sur la route de Bùne à Guelma, sur les
pentes du Djebel Mezala. Les dolmens de cette station
ont été également fouillés par le général Faidherbe;
188 ANTHROPOLOGIE.
ils sont très nombreux et souvent entourés de
plusieurs cercles de pierres dressées.
Parfois, lorsque le terrain est trop en pente, les
pierres des enceintes, superposées en assises du côté
de la déclivité, forment de véritables murs de soutè-
nement. Une de ces enceintes a 22 mètres de dia-
mètre et renferme trois dolmens formant triangle.
Un des sommets de ce triangle est tourné vers l'est.
3° Nécropole de Djebel Mérah. — Cette nécropole
se trouve près du SS*" kilomètre de la route de Cons-
tantine à Batna. Comme monuments remarquables,
on y voit une allée couverte de 1 mètre de large sur
3'", 50 de longueur, dont les murailles sont larges de
plus de 2 mètres. Les parements de ces murailles
sont formés de grosses pierres réunies en assises, le
milieu est rempli de moellons et peut d'ailleurs ren-
fermer des chambres sépulcrales. Cette allée est
enfermée dans un cercle de gros blocs dressés, ayant
environ 10 mètres de diamètre. Outre plusieurs
autres monuments analogues, on rencontre encore,
au Djebel Mérah, un cromlech ayant à son centre une
chambre elhptique dont les murs sont formés d'as-
sises superposées. Cette chambre est recouverte par
trois dalles. Ce monument est entouré d'un cercle de
pierres levées d'environ 7 mètres de diamètre. L'in-
tervalle entre ce cercle et la chambre centrale est
rempli de pierres et de moellons. Aux deux extrémités
de la chambre, on remarque à la surface du cromlech
deux petits cercles de 1 mètre de diamètre. L'orien-
tation du monument est N.-E.-S.-O. On trouve
encore dans cette même nécropole des dolmens
doubles et triples, un Cist-Vaen^ un dolmen entouré
d'une enceinte carrée, etc. Près de cette station, se
L'HOMME PREHISTORIQUE. 189
trouvent quelques grottes qui n'ont pas été fouillées.
4° Nécropole de Bou Merzoug. — Dans cette station,
voisine de laprécédente, les dolmens ont des dimen-
sions considérables. Les enceintes sont circulaires ou
carrées et il existe parfois plusieurs enceintes con-
centriques. Le nombre des pierres qui portent la
dalle est assez variable. Dans un dolmen, il y en a
cinq séparés par des intervalles égaux; dans d'autres,
ces intervalles sont fermés par de menues pierres.
Un a la forme d'une petite tour ronde. Les dalles
ont parfois 3 à 4 mètres de long sur 2 ou 3 de large.
5° Nécropole de Sigus. — Cette nécropole se trouve
sur la route de Constantine à Tebessa, à environ
38 kilomètres de la première de ces villes. Elle est
contiguO à un cimetière numido-romain. Elle a
environ 1 kilomètre de long sur un demi-kilomètre
de largeur, mais elle se relie par des dolmens épars
avec celle du Bou Merzoug. Les dolmens y sont très
serrés, un petit nombre seulement sont demeurés
intacts.
Ou est frappé, dit M. Reboud, du volume relatif des blocs
anguleux qui eutreut daus la coiistructioQ des monuments :
cromlechs, cromlcchs-tumulus, ^algalls. Le cromlech propre-
ment dit est rare. Comme nombre, c'est le galgall qui domine,
11 forme un véritable amoncellement de blocs volumineux
aux angles aigus, assez irrégulièrement disposés en cercle
autour de la tombe, dont la dalle supérieure, intacte ou brisée,
n'est souvent visible que de près, dominée qu'elle est par des
pointes saillantes.
Chaque monument est entouré d'une enceinte gé-
néralement circulaire. Le nombre des assises de
pierres qui entrent dans la composition de ces enceintes
est très variable. Dans les parties déclives, on en
compte jusqu'à cinq. L'enceinte, dont le diamètre
d90 ANTHROPOLOGIE.
varie de 6 à 14 mètres, d'après les mesures du D'" Re-
boud, est parfois ornée de quelques blocs isolés et
saillants de 1 mètre et plus de hauteur, que l'on
serait disposé à prendre pour des menhirs. Dans
beaucoup de ces dolmens, les murailles sont en tota-
Uté, ou en partie, de vrais murs en pierres sèches,
au Heu d'être formés chacun par une dalle dressée.
On remarque, sous un cromlech-tumulus, une grande
allée couverte de S'^jSO de long sur i°',20 de large.
On accède à cette allée couverte par un couloir per-
pendiculaire sur son mib'eu. Ce cromlech a 12 mètres
de diamètre. Les monuments de Sigus sont généra-
lement orientés de l'est à l'ouest. Les squelettes
sont souvent recouverts de dalles, qui ont dû les pro-
téger contre les fauves. C'est la même raison qui a
fait fermer entièrement les dolmens de l'Algérie. Les
dolmens de Sigus servaient encore de sépulture à
l'époque romaine, car M. Thomas y a recueilU une
monnaie de Domitien, contenue dans un vase placé
sous une double rangée de dalles. Quelques monu-
ments présentent un commencement détaille, entre
autres une sorte de dolmen porté sur des piliers
équarris.
Outre les nécropoles que nous venons de passer en
revue , H en existe beauco up d'autres dans toute l' éten-
due de la province de Constantine ; telles sont celles
des Beni-Medjaled, de Bled-Guerfa, de Zoia, du Tarf
près de La Galle, de Mengoub au sud-ouest de Biskra.
Dans le bassin de l'Oued Taga, à l'est de Lambèse,
on trouve quatre nécropoles, probablement numides,
où les dolmens sont remplacés par de petites tours.
Dans la nécropole de la Medjana, les dolmens et les
petites tours existent simultanément.
L'HOMME PRÉHISTORIQUE. 191
A 3 kilomètres de la ferme Markouna, aux environs
de Lambèse, se trouve un remarquable trilithe (1) à
pierres un peu équarries, placées sur un piédestal
formé de deux rangs de blocs. Ce trilithe paraît avoir
été encadré d'un parallélogramme formé d'aligne-
ments, dont quelques rangs persistent.
Dans la province d'Alger, les principales nécropoles
mégalithiques connues sont celles du Moulin de
Djelfa, de Laghouat, d'Aïn Kerma, entre Bou Saada
et Aumale, et deGuyotville près d'Alger.
La nécropole du Mouhn de Djelfa est très remar-
quable par la présence de plusieurs trilithes, de
nombreux dolmens alignés en rectangle, de dolmens
accouplés, etc. Ces dolmens sont constitués par de
petites tours rondes, bien que la chambre intérieure
soit carrée. La table repose sur un mur circulaire en
pierres sèches à plusieurs assises, haut de 1 mètre
environ. Ces dolmens sont petits, parfois de grande
taille, et généralement entourés d'un cercle de
pierres plus ou moins rempli de moellons. On en a
fouillé quelques-uns, sans y trouver de cadavres.
Cependant, dans les Mahdids, des tours toutes sem-
blables ont donné de nombreux crânes, des anneaux
en bronze, etc. Les cromlechs sont plus élevés que
ceux du Bou Merzoug (2).
A Guyotville, les dolmens, qui étaient au nombre
de plusieurs centaines il y a seulement quelques
années, ont presque tous disparu. Il n'en resterait
môme plus de trace, sans le professeur Kuster, qui a
acquis les derniers et les conserve religieusement. Le
(1) Voy. Henri Martiu, Association française pour l'avance-
ment des sciences. Congres d'Alger.
(2) Voy. Reboud, loco cîtato.
192 ANTHROPOLOGIE.
D'" Bertherand, qui en avait fouillé quelques-uns, y
avait trouvé les débris de nombreux squelettes, quel-
ques fragments de poterie et des anneaux en bronze.
Tout près, sur les bords de l'Oued Tarfa, on voit
encore une série de logettes, qui semblent avoir servi
d'habitation aux constructeurs de ces dolmens.
Dans la province d'Oran, outre les nombreux
tumuU dont nous avons déjà parlé et qui contiennent
des crânes dolichocéphales, comme ceux des dolmens
de Roknia, on trouve quelques curieuses nécropoles
sur les bords de la Mina ; d'abord les Souamah sur la
rive gauche. Ce sont des chambres funéraires, ados-
sées à un rocher qui forme la paroi du fond. Les
parois latérales sont formées de blocs superposés et
la couverture est formée par des sortes de longues
poutres en pierre brute juxtaposées. D'après M. R. de
La Blanchère, les Souamah seraient des sépultures
chrétiennes, mais il est probable que ces monuments
sont bien plus anciens qu'il ne le suppose et que les
quelques signes chrétiens que l'on y rencontre y
ont été ajoutés longtemps après leur construction,
de même que certaines parties en pierre taillée et
ornée, évidemment d'origine chétienne.
Toujours sur la rive gauche delà Tafna, mais plus
en aval, se trouve un groupe de tours rondes en
pierre de taille et renfermant des galeries sur les-
quelles s'ouvrent des chambres mortuaires ; galeries
et chambres sont recouvertes par de grandes dalles
en pierre brute.
Vis-à-vis des Souamah, sur la rive droite, se trou-
vent des tumuli de grande dimension, avec des
galeries et chambres mortuaires pareilles à celles
des tours de la rive gauche.
LES PREMIERS HABITANTS. 193
Quant aux Djeddar, situés entre Frendach et
Tiaret, ce sont de grands monuments en forme de
pyramides quadrangulaires reposant sur une petite
tour carrée. Ces monuments, hauts d'une vingtaine
de mètres, sont évidemment d'origine chrétienne et
ont prohablement servi de tombeau à la dernière
dynastie des rois de Mauritanie (1).
Les premiers habitants. — Quels furent les pre-
miers habitants de l'Algérie? Quels sont les peuples
qui construisirent ces sépultures mégahthiques ou
qui couvraient de dessins les rochers du Sud ? On ne
peut encore faire à ce sujet que des hypothèses.
Pour le général Faidherbe, les dolmens auraient été
construits par un peuple blond venu d'Europe parle
détroit de Gibraltar. Ces blonds auraient peuplé les
Canaries et le nord de l'Afrique; nous avons vu que
l'examen des crânes avait conduit M. de Quatrefages
à des conclusions identiques. Les plus anciennes
peuplades que l'histoire mentionne dans ces régions
se nommaient elles-mêmes Lioua ou Liboua. Ce sont
les Libyens des Grecs. Déjà l'on trouvait chez elles
des bruns et des blonds. Ces Libyens blonds de
Scylax étaient-ils les mêmes que les Tamahous blonds
figurés sur les monuments égyptiens, auxquels les
Pharaons envoyaient une ambassade 2800 ans avant
notre ère (2) ? Ces Libyens blonds ou ces Tamahous
•étaient-ils venus d'Europe par le détroit de Gibraltar
lors de la grande invasion, à laquelle se rattache la
légende des colonnes d'Hercule, sont-ils les cons-
tructeurs de nos dolmens ? Étaient-ils au contraire
(1) Voy. Bulletin de la Société de géographie et d'archéologie
d'Oran, 1882, p. 264.
(2) Letourneux, Lettre à M. E. Desor.
Battaisdier et Tkabut. — Alf^érie. 13
194 ANTHROPOLOGIE.
antérieurs à cette invasion et ont-ils été refoulés par
elle, comme le pense M. Pomel? Autant de problèmes
qui ne semblent pas près d'avoir leur solution.
Ce qui parait le mieux étabU, c'est qu'aussi loin
que nous puissions remonter, les populations algé-
riennes comprenaient des bruns et des blonds, indi-
quant vraisemblablement un double courant humain,
les blonds ayant dû venir soit par Gibraltar, soit par
la Sicile, et les bruns, d'Egypte ou des contrées orien-
tales. Ces deux courants n'ont point cessé de se con-
tinuer alternativement jusqu'à nos jours. Invasions
des Romains, Vandales, Espagnols et Français d'un
côté ; des Chananéens, Phéniciens et Arabes de
l'autre. Par sa position géographique, le Moghrebest
le carrefour où doivent se heurter forcément l'Orient
et l'Occident. Les Guanches des Canaries, préservés
de mélanges trop fréquents par leur position insulaire,
se composaient cependant de bruns et de blonds,
comme les Kabyles du Djurdjura, comme les Chaouïa
de l'Aurès.
Lorsque le Sahara était encore habitable et couvert
de pâturages, que ses fleuves coulaient encore, il est
certain que les Nigrites du Soudan ont dû s'y déve-
lopper et se rencontrer sur ses confins avec la race-
blanche. Mais l'élément nigrite semble avoir eu en
somme assez peu d'influence sur l'ensemble de la
population algérienne.
Ou pourrait se demauder, dit M. Pomel (I), ce que sont
deveuus les descendants de ces quantités innombrables de
nègres esclaves vendus sur les marchés barbaresques ; il eu
reste si peu qu'ils comptent à peine sur l'ensemble de la
population. Il est très vrai que, chez les musulmans, il n'y a
(1) Pome\j Notices sur Alger et l'Alge'rie. Alger, Jourda.u, 188L
LES PREMIERS HABITANTS. 195
point de préjugé de couleur et que c'est par infusion que leur
influence a pu se produire. Ou s'étonne néanmoins de trouver
si peu de mulâtres à chevelure crépue, à lèvres lippues et
autres attributs des Nigrites qui se soient maintenus. Il faut
que les signes ataviques du nègre s'affaiblissent rapidement,
dans un milieu qui certainement n'est pas propre au déve-
loppement de la race pure. C'est en effet un fait constaté que,
dans le Sahara et les parties les plus basses et les moins sèches
des oasis, le nègre a beaucoup de peine à se perpétuer. Le village
de N'goussa près Ouargla, exclusivement nègre, ne se main-
tient que par l'addition de nouveaux éléments venus du Soudan.
Il est, aux oasis sahariennes, un type particulier à peau
très foncée, à cheveux non ou peu crépus, bien différent du
nègre en ce qu'il est plutôt fuligineux que noir bleuâtre, que
ses lèvres sont moins lippues, qiie son nez, gros il est vrai,
mais non épaté, est quelquefois même presque aquilin. Il y
aurait grand intérêt à déterminer scientiliquement si c'est un
mulâtre, s'il a au contraire des caractères particuliers, s'il
est unique ou complexe (ce qui est plus probable) et quelles
affinités il peut présenter avec certaines races de l'Ethiopie. On
les désigne sous le nom d'A7-atins (affranchis) ou de Rhouura.
Nous avons tenu à citer en entier l'opinion de
M. Pomel, bien que pour nous une infusion de sang
nègre soit évidente, non seulement chez les Aralim,
mais chez beaucoup d'Arabes à peau blanche.
Plus loin, M. Pomel se demande si ces Aratins ou
Rhouara ne seraient pas les descendants des peu-
plades désignées par les Romains sous le nom de
Mélano-Gétules.
Est-ce à leurs ancêtres, dit-il, qu'il faut attribuer ces
débris d'une civilisation ancienne, révélée par des monuments
et des dessins rupestres des bords du Sahara et même de la
région du Tell, qui semblent bien indiquer une race distincte?
Ne seraient-ce point des Nigrites, qui auraient été les premiers
occupants des régions barbaresques, d'où ils auraient été
refoulés par les Tamahuus ou Liouas envahisseurs ? D'où
seraient alors venus ces derniers, si ce n'est par l'Ibérie et par
le détroit de Gibraltar franchi tant de fois et en sens contraire
par les courants d'émigration ? Ces Libouas eux-mêmes n'au-
raient-ils pas été poussés hors des régions méridionales de
196 ANTHROPOLOGIE.
l'Europe par un autre flot d'envahisseurs blonds, venus du
Nord? Ce sont autant d'incounues, mais ce ne sont peut-être
pas des problèmes insolubles.
Mèdes, Chananéens. — Dès que nous entrons
dans l'histoire, nous trouvons d'abord des récits dou-
teux d'invasions d'Arméniens, Mèdes, Perses, etc.
Puis les invasions plus certaines des Cliananéens
et Jébuséens, chassés de Palestine par Josué. On
prétend que les Zénata, peuplades des Hauts-Pla-
teaux et de la bordure désertique, géraient les des-
cendants de ces Chananéens.
Phéniciens, Carthaginois, Romains. — Ensuite
viennent les Phéniciens. Carthage fut pendant près
de sept siècles toute-puissante en Numidie. Elle avait
même en Mauritanie sa colonie d'Auzia (Aumale).
Cette longue domination a dû certainement influer
sur les caractères ethniques du pays, car les Cartha-
ginois y tinrent une grande place. De nombreux
croisements eurent lieu et les historiens romains
nous parlent de populations libo-phéniciennes.
L'influence de Carthage se fit sentir longtemps encore
après la conquête romaine ; on trouve jusqu'au
v^ siècle des inscriptions phéniciennes et le clergé de
saint Augustin prêchait en punique aux environs de
Bône.
Même au temps de Carthage, en dehors des anciens
blonds du pays, l'influence arienne aA^ait été main-
tenue par la grande colonie grecque de Cyrène.
Bientôt elle va devenir de nouveau prépondérante
avec l'invasion romaine. La domination romaine
embrassa la presque totahté du pays et comme celle
de Carthage dura sept siècles. Rome versa en Afrique
d'innombrables colons européens.
BYZANTINS, ARABES, TURCS. 197
Vandales. — Les Vandales renouvellent ensuite de
438 à 534 linvasion des blonds préhistoriques, aux-
quels Faid herbe et Henri Martin attribuent la cons-
truction de nos sépultures mégalithiques .Toutefois
cette introduction ne paraît pas avoir eu une impor-
tance numérique bien considérable.
Byzantins, Arabes, Turcs. — Le courant oriental
recommence avec les Byzantins (534-670), mais leur
occupation, essentiellement militaire, et ne dépas-
sant pas d'ailleurs la Numidie, ne paraît pas avoir
eu non plus au point de vue ethnique une grande im-
portance.
Aux Byzantin s succèdent les Arabes. Leur première
invasion avec Sidi Okba ne fut qu'un torrent dévas-
tateur. Elle n'amena que des guerriers, qui, pour se
créer des familles, durent s'alUer aux Indigènes. La
deuxième invasion des Ilillal et des Soleim au
xi^ siècle amena au contraire de nombreuses popula-
tions arabes, qui se substituèrent sur bien des points
aux anciens habitants du pays. Les nouveaux venus,
étant pasteurs et nomades, détruisirent les cultures
et toute l'ancienne civilisation du pays. Les habitants
primitifs durent se réfugier dans les massifs mon-
tagneux. Une population nombreuse d'Arabes purs
se forma ainsi. Mais l'Islamisme ayant soumis à
la même loi les populations du Maghreb, il ne
paraît pas y avoir subsisté de préjugés de race,
tous les croyants étant égaux devant Dieu, d'après le
Coran. Il en résulte que l'Arabe s'est souvent si bien
fondu avec les populations antérieures, lorsqu'il ne
les avait point supprimées, que la distinction est
devenue difficile. Seuls les montagnards de l'Aurès
et du Djurdjura ont pu conserver en Algérie leurs
498 ANTHROPOLOGIE.
m
caractères propres, et former les curieuses popu-
lations Kabyles et Chaouïa.
. Vers 1518, vinrent les Turcs qui dominèrent une
grande partie du pays jusqu'en 1830. Mais ce nouvel
élément ethnique, peu nombreux et cantonné dans
ses garnisons, n'a eu qu'une très faible influence.
Pourtant on reconnaît encore chez quelques Cou-
louglis (métis de Turcs et de femmes indigènes)
quelques signes de la race jaune.
Le courant arien pendant cette période (534-1830)
semble arrêté. A peine peut-on mentionner la mal-
heureuse croisade de saint Louis à Tunis, les expé-
ditions de Charles-Quint et des Espagnols contre les
corsaires, l'occupation par ce peuple de quelques
coins de la côte où ils demeurèrent isolés et enfin
l'introduction de quelques captifs européens.
Juifs. — Aux éléments sémites il convient d'ajouter
encore les Juifs, si nombreux dans tout le Nord de
l'Afrique où ils se réfugièrent à la suite des persécu-
tions des chrétiens, surtout lors de leur expulsion
d'Espagne par Ferdinand V et Isabelle la Catholique,
ou plus exactement par le dominicain Torquemada,
représentant du fanatisme monastique.
La conquête française. — La conquête française
rouvre enfin le nord de l'Afrique aux populations
européennes qui se juxtaposent aux musulmans,
sans mélange appréciable.
Nous resterons peut-être en Afrique, dit M. Masque-
ray (1), mais certainement aucun des peuples qui y sont
entrés avant nous n'en est sorti... Tous les hommes que les
flots changeants des invasions ont déposés sur cette terre y
demeurent encore ; ils s'y sont lentement confondus. Les
(1) Masqueray, Formation des cités Kabyles et Chaouïas,
Paris, 1886.
LES INDIGÈNES. 199
Éthiopiens chasseurs d'éléphants et de girafes, les ))londs
constructeurs de dolmens, les Chanauéens, les Coptes, les
Syriens n'ont pas de place même dans les légendes populaires
€t n'exercent que la sagacité des archéologues ; les Européens
introduits par Rome ont aussi disparu dans la masse qui les
environnait, bien qu'un grand nombre de fractions de tribus
tentent encore de se distinguer des autres en se disant d'ori-
gine romaine; les Arabes eux-mêmes, qui sont plus récents,
se sont altérés en se subdivisant et en s'alliant au reste de la
population, à tel point qu'on retrouve à peine quelques-uns de
leurs groupes primitifs.
Après ce résumé historique, où nous avons
passé sous silence les peuplades si peu connues,
nommées par les Romains Massyles, Massesyles,
Gétules, Mazias, Numides, Maures, Quinquegentans,
Garamantes, etc., peuplades dont l'assimilation aux
divers types ethniques serait bien difficile aujour-
d'hui, nous passerons en revue les principales popu-
lations actuelles de l'Algérie.
Les Indigènes. — La grande masse de la popula-
tion actuelle de l'Algérie est sémite. On désigne
généralement sous le nom dVndigènes les Arabes et
les populations antérieures à eux, réunies en bloc
sous l'appellation de Kabyles ou Berbères. L'en-
semble des indigènes compte plus de trois millions
d'habitants. Il est souvent à peu près impossible de
distinguer les Arabes des Kabyles. Souvent Ton re-
garde comme Arabes les populations où la propriété
est indivise et qui vivent sous la tente ou sous des
gourbis, sortes de huttes en branchages recouvertes
de diss ; et comme Kabyles certaines peuplades
montagnardes, qui habitent des maisons en pierre et
chez qui les propriétés sont constituées à peu près
comme chez les nations européennes. Mais cette
classification est artificielle. Souvent, pour ne pas
2Q0 ANTHROPOLOGIE.
dire toujours, c'est de la nature du sol que dérivent
les mœurs de ses habitants. Les Touaregs, qui par-
lent la langue berbère et seuls savent l'écrire, sont
nomades (fig. 16). La langue ne peut pas davantage
servir de critérium, car beaucoup de tribus Kabyles
ont pris la langue des conquérants et oublié leurs-
origines. Les caractères ethniques qui séparent
l'Arabe du Kabyle sont assez obscurs, et de nombreux
croisements ont rendu la distinction plus difficile
encore.
D'après lloudas (1), les Kabyles bruns (fig. 17) se
rapprochent beaucoup du type arabe.
D'une taille moyenne assez élancée, mais avec une mus-
culature plus puissante et des attaches moins fines que l'Arabe,,
le Berbère brun a la face d'un ovale peu régulier qui tend en
quelque sorte à devenir un rectangle à angles arrondis; le
nez bien proportionné est droit, les lèvres sont moyennes et
les joues peu saillantes, la barbe rare et clairsemée atteint
rarement une grande longueur... Le type blond a une struc-
ture plus vigoureuse que le type brun, sa taille est générale-
ment plus élevée et ses membres sont fortement développés;
le front plat et bas se dresse verticalement au-dessus d'un nez.
court et un peu fort, la saillie des joues s'écarte du milieu
de la face et donne au visage un aspect aplati. La forme du
masque est presque celle d'un carré aux angles arrondis. Ce
type est assez rare en Algérie. Il est plus fréquent parmi les
Marocains du RitF et de l'Atlas.
Quant à nous, nous avons souvent été frappés de
l'extrême ressemblance des Kabyles du Djurdjura
avec les Européens et en particuher avec les Fran-
çais.
Chez les Berbères, ajoute M. Houdas, les os du crâne
ont une dureté excessive et une épaisseur remarquable. La
femme berbère est souvent jolie (fig. 18), elle a les extrémités
assez fines et l'ensemble du corps svelte et gracieux.
(1) Hondas, Ethnographie de l'Algérie.
LES INDIGÈNES.
20 1
irja. IG. — Touareg sur son mclum.
â02
ANTHROPOLOGIE.
L'Arabe a le corps plus grêle que le Berbère, les extré-
mités, toujours élégantes, sont finement attachées, l'ovale du
vis.ige est régulier, le front bombé et le nez busqué, les pom-
mettes des joues avoisinent de très près la cloison nasale,
-accentuent l'inclinaison du méplat des joues et fout paraître
Fjg. 17. — Kabyle du Djurdjura.
exagérée la saillie médiane du visage. La bouche, de moyenne
.grandeur, est entourée de lèvres minces et les dents, toujours
régulières et bien plantées, sont en général d'une blaucheur
éclatante. Les yeux bruns ou noirs sont remarquablement
beaux, aussi bien chez les hommes que chez les femmes.
Fi''. 18. — Femme de l'Aurès.
204 ANTHROPOLOGIE.
Les populations désignées sous le nom d'Arabes
sont nomades dans la région des steppes et campent
sous la tente, elles sont sédentaires là où se trouvent
des terrains cultivables soit dans le Tell, soit dans
les oasis. Dans le Tell, l'Arabe se construit des
gourbis', les oasis sont de petites villes fortifiées gé-
néralement bâties en terre.
La tente. — La tente a la forme d'un bateau ren-
versé, elle est en laine ou en poil de chameau (Hg. 19).
Un piquet et deux perches constituent toute sa
charpente. Les bords de la toile sont fixés au sol
par des cordes attachées à des piquets. Une réunion
de tentes porte le nom de Douai-. Les tentes sont
toutes pareilles. Seules, celles des chefs se distinguent
par leur taille plus considérable, et celles des tribus
appartenant à la noblesse rehgieuse portent parfois
un bouquet de plumes d'autruche. Comme les maigres
pâturages de la steppe nécessitent des déplacements
presque journaUers, la tente ne contient rien d'inutile.
Au centre, quelques sacs (Tellis) contenant les provi-
sions, orge, blé, dattes. Sous ces sacs, les femmes dis-
simulent une peau de bouc renfermant leurs bijoux.
Les objets précieux sont souvent contenus dans
l'oreiller en laine du chef de la famille, pour éviter
qu'il ne devienne la proie des voleurs pendant son
sommeil. Les peaux de bouc servent à contenir l'eau,
le lait, le beurre, les menus objets mobihers, etc.
Quelques tasses, un plat à couscous, une grossière
marmite en terre, une natte en alfa, rarement un tapis,
des cordes en poil de chameau ou en alfa pour atta-
cher les chevaux complètent cet ameublement.
Tout dans la teute doit pouvoir se plier, s'enlever, se poser
sur les bêtes de somme avec rapidité et facilité, de même que
-a
:3
o
206 ANTHROPOLOGIE.
le maître doit toujours être prêt à monter à cheval et à com-
battre.
Le soir venu, les enfants et les vieilles femmes couchent
d'un côté et l'époux de l'autre après avoir fermé la tente du
côté do la campagne.
Lorsqu'un soleil radieux éclaire de ses gais rayons le tellis
aux couleurs voyantes, h^s femmes et les enfants se roulant
pêle-mêle, les poules qui caquettent, les coqs à la démarche
provocante, le chevreau alerte et vif jouant avec l'enfant en
bas âge, la poésie de la tente se devine; mais, eu Algérie, le
climat est variable; un coup de vent, et toute cette harmonie
est rompue. Les femuies sortent en hâte pour raifermir les
piquets. L'horizon chargé de nuages annonce un orage; bientôt
la pluie tombe à torrents. La pioche à la main, la femme se
hâte de creuser un fossé autour de la tente, soulevée, bal-
lottée, couverte de boue. Des grêlons gros comme des balles
meurtrissent les troupeaux, percent la toile, pénètrent par
tous les interstices. D'autres fois la neige couvre d'un blanc
linceul la campagne tout entière. Les troupeaux, les arbres,
les tentes, tout disparaît.
Que fait pendant ce temps le maître de la tente? Couché
sur sa natte, le capuchon de son burnous rabattu sur les yeux,
il dort ou rêve.
11 faudra pour le tirer de sa rêverie que toutes les forces
déchaînées de l'ouragan mettent l'existence des siens en péril.
Qu'importe que la tente, soulevée par les vents en fureur,
menac^; d'être emportée ou abattue sous les rafales, rien ne
doit troubler la quiétude de son repos, ce n'est après tout
qu'un des mille inconvénients de la vie libre.
Mais s'il a eu l'imprudence de planter sa tente dans
l'estuaire d'un de ces fleuves aux rives flottantes, à sec durant
des années entières, qu'un orage transforme eu une mer bon-
dissante, alors, on le voit lutter avec une énergie sans égale.
Presque toujours, de pauvres enfants, des femmes, des vieil-
lards sont victimes de ces tourmentes imprévues; mais la
mort est chose si naturelle dans cette vie de luttes et de dan-
gers continuels qu'on oublie vite ceux qui s'en vont.
L'homme se réserve tout ce qui n'est pas du domaine de
la tente ; c'est lui qui laboure, qui moissonne, qui dépique le
grain et l'ensilote. Il tond les brebis, surveille les troupeaux,
chasse, monte à cheval, fait la guerre, va aux corvées, rend
visite à ses amis, court les marchés.
La nuit venue, l'homme se couche tard, la tête tournée
vers son troupeau, le pistolet ou le fusil près de lui; au
moindre bruit, il se lève, c'est un voleur, c'est un chacal, c'est
LE GOURBI. 207
uii amoureux. Des chiens au poil fauve, aux dents aiguës,
l'assisteni dans sa veille ; à l'intensité, aux inflexions de leurs
aboiements, l'Indigène sait reconnaître s'il s'agit d'une bète
fauve, d'un passant éloigné, d'un ou plusieurs voleurs. La
nuit n'est qu'une veille; aussi, pour en diminuer la longueur,
prolonge-t-il la soirée autant que faire se peut.
Ce n'est qu'au matin qu'il s endort pendant que la
femme, ayant compté et envoyé aux champs le trou-
peau, procède aux soins du ménage.
Vers midi, si elle trouve un moment de repos, elle s'assied
et fait sa toilette. Un peu d'eau sur le visage et les cheveux,
un coup d'oeil jeté au miroir d'un sou qui ne la quitte jauiais ;
un peu de koheul (1) enfermé dans les plis de sa melhafa, et
qui donnera à ses yeux de l'éclat et de la douceur, un peu de
henné au bout des doigts ; en faut-il davantage pour plaire à
son mari?
C'est par la douce langueur des yeux et la démarche las-
cive que plaisent les femmes arabes... Il y a des femmes
arabes travailleuses, économes, fidèles, point coquettes, mais
c'est le petit, le très petit nombre. Toutes sont bonnes mères.
C'est une gloire pour elles que de porter le plus lourd far-
deau, d'être prèles à abattre et à bâtir la tente, à seller le
cheval du maître, à faire le chargement du mulet lors des
migrations.
Un enfant à la main, un autre sur le dos, la femme arabe
va, vient, travaille, et, le soir, elle répète en s'endormant ce
dicton populaire :
Mule le jour ; reine bien-aimée la nuit (2).
C'est la nécessité des lieux qui fait les sédentaires
et les nomades ; mais le nomade qui a gardé plus
purs et sa langue et les préceptes du Coran méprise
le tellien déchu et le regarde comme son inférieur,
de même que le Mozabite commerçant.
Le gourbi. — Le gourbi n'est qu'une hutte en
(1) Poudre de galène, servant à noircir les sourcils et le bord
des paupières.
(2) Villot, Mœurs et coutumes des indigènes de L'Algérie.
208 ANTHROPOLOGIE.
branchages recouverte d'un toit de chaume. Parfois
ses murs sont bâtis en pierres ou en terre. A part
cela, il n'offre pas un grand progrès sur la tente, il
est seulement moins mobile. Les cultures qui l'en-
tourent sont des plus rudimentaires. L'Arabe gratte
superficiellement la terre libre avec une charrue des
plus primitives, contournant la broussaille sans
l'arracher, les pierres sans les déranger, et laissant
le blé qu'il a semé pousser comme il plaît à Dieu.
Dans quelques terres très riches de la province de
Constantine, les cultures sont un peu plus soignées.
Les habitants de la tente et du gourbi. — Au
premier abord, les Arabes sont très séduisants. Chez
eux, le moindre berger, noblement, drapé dans son
burnous, grave et digne, plein d'aisance et de
naturel dans sa démarche comme dans ses paroles,
nous apparaît comme une Adsion biblique et tranche
avantageusement avec nous, que nos habits étriqués
et ridicules, notre civihsation affairée et pleine de be-
soins rendent moins décoratifs. Mais il ne faudrait
pas trop se fier à cette première impression superfi-
cielle. Privé depuis longtemps de tout gouvernement,
sans autre boussole directrice que de vagues
croyances mal enseignées par des marabouts igno-
rants, ce peuple est tombé dans une profonde déca-
dence. Éminemment reUgieux, fanatique même, il
subit sans s'y soumettre les lois des infidèles, pour
lesquels il a un mépris profond. Pour comprendre
cet état d'âme de l'indigène, il faut nous reporter
au temps des croisades; notre horreur du juif à
cette époque peut seule nous donner une idée des
sentiments que l'Arabe garde toujours à notre égard
dans le plus profond de son âme et qui dressent
LES HABITANTS DE LA TENTE ET DU GOURBI. 209
entre lui et nous une barrière qui sera longtemps
encore infranchissable. Si quelqu'un d'entre eux, un
vieux soldat le plus souvent, se « civilise », c'est en
joignant nos défauts aux siens. C'est par l'ivrognerie
qu'il commence et c'est l'ivrognerie qui détruira
l'Arabe, s'il perd ses croyances religieuses. H y a
certainement de braves gens chez les Arabes et là
comme partout le bien est mêlé au mal; cependant,
sous des formes très dignes, la justice y est essen-
tiellement vénale. Les témoignages sont presque
toujours dictés par l'intérêt ou par la crainte. La
morale est souvent remplacée chez eux par de
belles phrases déclamatoires, destinées à surprendre
la bonne foi des naïfs, si par hasard il s'en trouve.
Depuis longtemps opprimés, les Arabes, pas plus
que les Kabyles, ne comprennent la bonté. Très
obséquieux, ils ne sont guère accessibles qu'à
la crainte; respectant la main qui les frappe, ils
sont toujours prêts à se révolter contre ceux qui les
traitent avec douceur. Ils attribuent les bons traite-
ments dont ils sont l'objet à la crainte qu'ils inspirent.
L'Arabe est voleur. Le vol est glorieux même,
si le volé est musulman, et méritoire, s'il est chré-
tien (1). Ils déploient dans le vol beaucoup d'ha-
bileté et de bravoure. Parfois le colon, las d'avoir
veillé inutilement pendant douze ou quinze nuits,
s'endort terrassé de fatigue, se confiant à la
garde de cliiens vigilants. Les larrons guettent
(1) Du temps de sa puissance, l'Arabe fut toujours corsaire ;
corsaire il est resté dans sa décadence. Le Touareg pille les
caravanes et les oasis, les tribus qui ont gardé quelque indé-
pendance font des razzias. Là où les grandes expéditions sont
impossibles, le corsaire devient un simple voleur.
Battandier et Trabut. — Algérie. 14
210 ANTHROPOLOGIE.
dans l'ombre à proximité. L'un d'eux se débar-
rasse de son burnous, s'oint le corps de graisse de
fauve, lion ou panthère et s'avance à quatre pattes
vers le chenil. Les chiens, sidérés par l'odeur du
fauve, restent muets. Pendant ce temps, ses compa-
gnons se sont rapprochés du mur de l'écurie, et bien
loin de s'attaquer aux portes, ce qui fait toujours du
bruit, descellent une j^ierre du mur, puis deux, puis
trois, jusqu'à ce que la brèche soit praticable. Alors
on fait pénétrer avec précaution par l'ouverture
un bâton habillé d'un burnous. Si cette explo-
ration n'amène aucune alerte, un des compagnons
pénètre dans l'écurie, détache les animaux pen-
dant que les autres agrandissent la brèche par la-
quelle l'écurie sera bientôt vidée. Toute la troupe,
armée jusqu'aux dents, aura vite conduit les bêtes
en lieu sûr, dans quelque ravin perdu au fond des
bois. Le colon aura beau s'adresser à toutes les
autorités, ses bêtes demeureront introuvables. Si
quelque agent de l'autorité, ou simplement quel-
qu'un de suspect apparaît dans la région, tous ses
faits et gestes sont immédiatement signalés à plu-
sieurs heues à la ronde. Tous les Arabes du pays
manœuvreront comme un seul homme pour dépister
les recherches. 11 peut arriver qu'au bout de quelques
jours, le colon volé voie venir à lui un Arabe qui
le tire à l'écart et lui tienne le discours suivant :
Tu as perdu tes bœufs, c'est pour toi une bien grande
perte, aussi t'ai-je bien plaint dès que je l'ai su et j'ai résolu
de te rendre service. Écoute-moi, je sais oii sont tes bêtes,
donne-moi 500 francs (plus ou moins suivant l'importance du
vol) et je me charge de te les faire retrouver.
C'est la Bécharra. Ce que le colon a de mieux à
LES HABITANTS DE LA TENTE ET DU GOURBI. 2H
faire, c'est d'y souscrire. A l'heure et au jour conve-
nus, ses bêtes lui seront remises. Mais malheur
à lui s'il viole la hécharra, sa vie est fort en dan-
ger et jamais il ne retrouvera ses hôtes. Ces
vols continuels sont un sérieux obstacle à la colo-
nisation.
Les Arabes ne s'épargnent pas entre eux. Souvent
ceux d'un douar partent à la maraude vers les
douars voisins, mais ces expéditions sont dange-
reuses, car l'Arabe dort le jour et veille la nuit.
Aussi arrive-t-il souvent que quelqu'un de l'expédi-
tion est tué. Les acolytes emportent le cadavre, en
essuyant jusqu'aux moindres gouttes de sang,
évitant les terres labourées pour ne pas laisser de
traces, puis sur les confins de leur douar, ils dépo-
sent le cadavre, tirent quelques coups de fusil, et
vont raconter aux leurs qu'ils ont été attaqués par les
gens du douar qu'ils avaient voulu voler. Ils de-
mandent vengeance pour leur compagnon tué pour
la défense commune. On fait semblant de les croire.
L'éducation morale manque totalement sous la
tente. La mère ne donne que les soins matériels et la
tendresse que toute femelle a pour ses petits. Elle
ne leur donne guère que de mauvais exemples,
étant sans morale elle-même et n'ayant pour frein à
ses déportements que la crainte du père et sa sur-
veillance incessante et étroite.
Le père, dont l'autorité est absolue sur toute la
famille, fait durement sentir son despotisme.
Ainsi élevés, les Arabes sont capricieux, volon-
taires, égoïstes surtout. Ces défauts sont communs
aux deux sexes. Malgré le bâton qui la menace cons-
tamment, la femme arabe est loin d'être docile, elle
1
212 ANTHROPOLOGIE.
est, au contraire, violente et prompte à l'insulte.
Vivant dans la promiscuité la plus complète et
dans la plus grande liberté, peu de filles arabes reste-
raient vierges, si on ne les mariait dès Fàge de
puberté. Le mariage constitue une véritable vente de
la jeune fille par sa famille. L'Arabe peut acheter
autant de femmes qu'il veut, à condition de pouvoir
assurer leur subsistance, mais seuls les riches ont
plusieurs femmes à la fois. La polygamie est imposée
par la vie en promiscuité sous la tente, c'est le seul
moyen d'y maintenir un peu d'ordre. La femme
n'est jamais considérée comme l'égale de l'homme,
mais tour à tour comme une bête de somme ou
comme un objet de plaisir. Privée de toute con-
fiance, elle n'est maintenue que par la crainte. Les
vieillards sont respectés, mais les mâles seulement.
La mère est commandée par son fils, dès qu'il n'a
plus besoin de soins immédiats. La femme adultère
est punie de mort soit par son mari, soit le plus sou-
vent par sa propre famille, sur la plainte du mari.
Parmi les sentiments nobles que l'on peut mettre à
l'actif des Arabes, la bravoure tient le premier rang.
Ils ne craignent point la mort, entourée pour eux
d'images riantes. C'est l'entrée certaine pour tout
bon musulman au paradis de Mahomet, Ueu plein
d'éternelles délices; aussi rien n'est-il plus gai qu'un
enterrement arabe. Comme presque tous les peuples,
l'Arabe aime et apprécie la justice, et cela d'autant
plus qu'il en est généralement privé.
Opprimé de tout temps, il est aujourd'hui plus
que jamais spolié par les juifs et les spéculateurs de
toutes croyances. Nous avons connu quelques colons
justes établis au milieu des Arabes, qui s'y étaient
DÉMOGRAPHIE. 221
quis en dominant ou assimilant l'élément indigène
resté jusqu'à ce jour instinctivement hostile.
Les nombreux problèmes, que soulève l'établisse-
ment des races implantées, présentent donc un intérêt
à la fois scientilique et politique, et il serait im-
portant de recueillir aA^ec soin et avec intelligence
tous les documents administratifs de la statistique
algérienne ; malheureusement ce travail est défec-
tueux et incomplet. Les municipalités tiennent assez
mal leurs archives.
Pendant quelques années, le D"" Ricouxfut chargé,
par le gouvernement général, de la statistique démo-
graphique et médicale de l'Algérie, et les documents
élaborés de 1881 à 1889 constituent un ensemble
intéressant; c'est dans ce fonds que nous puiserons.
La densité de la population algérienne est diffi-
cile à calculer en raison des limites incertaines du
territoire vers le sud, et aussi de l'existence de
grandes surfaces non peuplées, de steppes ne com-
portant pas une population sédentaire.
On évalue h 44000000 d'hectares la superficie delà
colonie, en négligeant une partie saharienne inhabitée
qui n'a pas délimite vers le sud. Dans cet espace, est
disséminée une population de 4 394 000, soit environ
9 habitants par kilomètre carré. Cette densité
moyenne ne donne pas une idée juste du peuplement
de rAlgérie, car il existe une énorme disproportion
dans la densité de la population suivant les territoires :
le Tell, avec une superficie de 14000000 d'hectares,
est la région réellement colonisable où il est surtout
intéressant de suivre le peuplement; sur ce territoire
les Indigènes occupent encore 12 000 000 d'hectares,
la densité générale y est de 22 Indigènes par kilo-
990
ANTHROPOLOGIE.
mètre carré et seulement de 4 Européens ; mais, pour
les 2000000 d'hectares possédés par les Européens»
on trouve une densité de 30 Européens par kilomètre
carré. L'élément européen de la population algérienne
est composé surtout de Français (346 870;, d'Espa-
gnols (157 500), d'Italiens (35 539), deMaltais.il faut y
ajouter les Israélites indigènes naturalisés (53 000),
qui, avant peu de temps, seront assimilés au même
degré que leurs congénères de France, en raison de la
grande facilité d'adaptation que possède cette race.
Les Français n'ont pas cessé d'être les plus nom-
breux, ils fournissent plus de la moitié de la popu-
lation européenne; en 1896 on comptait : 346 870
Français et 217 000 autres Européens. Les Espagnols
viennent ensuite, avec une tendance à s'accroître par
immigration et par excédent de naissances ; les Italiens
diminuent; l'immigration maltaise s'est ralentie et
celte population baisse, malgré sa forte natalité.
Afin de bien apprécier comment chaque peuple se
développe dans la colonie, notons l'accroissement
pour mille habitants entre les dernières périodes de
recensement, on aura :
Accroissement pour 1000 habitants.
1872
1876
1881
1886
1891
1896
Français.. .
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255
172
181
277
Espagnols..
TU
296
180
2G5
65
37
Italiens
102
403
200
321
0
0
Maltais....
83
235
34
8
0
0
DÉMOGRAPHIE. 223
L'accroissement se produisant à la fois par immi-
gration et par excédent des naissances sur les décès,
il devient nécessaire de rechercher le taux de chacun
de ces facteurs. Si l'excédent des naissances sur les
décès donne la mesure de la vitalité des habitants,
de la salubrité delà colonie, l'immigration reste une
preuve de la prospérité d'un pays nouveau.
Pendant la période 1872-1870, l'accroissement des
Français atteint 26 764, dont 1/iO, soit 2 610, par excé-
dent des naissances; l'accroissement des Espagnols
pendant la même période est de 21144 dont 1/7,
soit 3 243, par excédent des naissances; les Italiens
s'accroissent de 7 408, dont 1/10, soit 764, par excé-
dent des naissances.
Pendantla période 1876-1881, les Français augmen-
tent de 49 053, dont 1/12, soit 3 834, par naissances;
les Espagnols de 21 810, dont 1/4, soit 5 205, par nais-
sances; les Italiens de 7 934, dont 1/9, soit 885, par
naissances.
Pendant la période 1881-1886 :
Les Français augmentent de 23 633, dont près de 1/4,.
soit 5 359, par excédent de naissances ; les Espagnols
de 30 010, dont près de 1/4, soit 6 982, par excédent
de naissances; les Italiens de 10622, dont près de 1/7,.
soit 1 436, par excédent de naissances.
Pendantla période 1886-1891 :
Les Français augmentent de 48 297,
Les Espagnols de 9 366,
Les Italiens diminuent de 4 972.
Pendantla période 1891-1896 :
Les Français augmentent de 75 779,
Les Espagnols augmentent de 3 701 ,
Les Italiens diminuent de 3 662.
224 ANTHROPOLOGIE.
La natalité générale, c'est-à-dire le rapport des
naissances annuelles à la population générale, peut
seule être calculée avec les documents ofliciels. Pour
1000 habitants français, de 1873 à 1891, on note de
^]3 à 35 naissances; chez les Espagnols, on a pendant
la même période de 35 à 40 naissances.
La mortalité générale, pendant la môme période de
1873 à 1891, est de 31 à 30 décès pour 1 000 habitants
français; chez les Espagnols, on notait pendant la
même période 27 à 28 décès par \ 000 habitants. Si
nous comparons les coefficients de natalité et de
mortahté, nous trouverons chez les Français un
accroissement annuel de 4,2 p. 100.
Les Espagnols sont aussi plus féconds en Algérie
que chez eux, leur accroissement annuel étant de
.8 p. 100.
A c(jté des populations européennes implantées, il
serait curieux de suivre le développement des Israé-
lites; mais depuis leur naturaUsation, les registres
•des mairies ne permettent pas toujours de le suivre
dans le§ différents actes de l'état civil. Chez eux, la
mortalité est assez élevée, surtout chez les enfants,
mais la natalité est considérable ; aussi les statis-
tiques officielles accusent une augmentation très
sensible. fi]nl872,on comptait 34 574 Israéhtes indi-
gènes ; en 1896, on en a recensé 53 303; beaucoup ont
dû être comptés avec les Français d'origine et malgré
€ela on voit que, d'après cette marche, la population
Israélite double en quarante-sept ans par l'excédent
de ses naissances sur ses décès.
Des recherches de M. Ricoux il résulte que les na-
tionalités européennes fixées en Algérie bénéficient
d'un accroissement par natalité, les Allemands seuls
Dl'ilMOGRAPniF:. 225
font exception; pour 1 000 naissances, ils présentent
1 343 décès. La race germanique ne s'acclimate
donc pas dans le nord de TAfrique, elle nous a paru
décimée par la malaî'ia et aussi par l'alcoolisme, qui
est plus rapidement funeste qu'en Europe.
Il est naturel de rencontrer une mortalité plus
élevée chez le sexe masculin, plus exposé aux tra-
vaux meurtriers de la colonisation et à Talcoolisme.
La terre d'Afrique, réputée meurtrière aux Euro-
péens, ne mérite donc plus la réputation d'insalubrité
qu'elle s'est faite pendant la période de 1830-1855.
L'ennemi de l'Européen en Algérie est la malaria;
s'il y échappe, il manifeste de suite une fécondité
inconnue en Europe. La ville de Mustapha peut
donner une idée du développement que prend notre
race quand elle est implantée dans une station saine.
La population de Mustapha, qui comprenait 16416
Européens en i886, était en 1891 de 21 '464, dont les
deux tiers Français. Pendant cette période, l'état civil
a enregistré 4108 naissances, 326 mort-nés et
2778 décès. Pendant ces cinq années, l'augmentation
de la population a donc emprunté 73 p. 100 à l'immi-
gration et 27 p. 100 à l'excédent des naissances sur
les décès. En 1896, la population dépassait 32000 ha-
bitants.
La population indigène de l'Algérie s'accroît régu-
lièrement, elle a passé de 2 400 000 en 1856 à
3 757 000 en 1896.
Battandiep. et ïkabut. — Algérie. 15
226
ANTHROPOLOGIE.
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MALADIES. 227
Maladies. — L'Algérie, qui appartient par son
climat et par sa flore aux régions méditerranéennes,
ne présente pas une pathologie spéciale ; mais l'Al-
gérie est en contact avec des régions plus chaudes
et plus insalubres, où l'Européen peut diflicilement
supporter la saison chaude ; de plus, pendant les
mois d'été, l'influence thermique augmente la mor-
bidité et la mortalité même sur le httoral.
L'endémie palustre est partout, pour l'indigène
comme pour l'Européen, le principal obstacle à la
prise de possession du sol. Les plaines sont presque
toutes plus ou moins malsaines; avant l'occupation
française, les Indigènes n'y étaient pas établis; mais
depuis l'établissement de la colonisation les cultures
occupent les terres jadis en marais, les drainages et
les plantations assèchent les bas-fonds. Aussi voit-
on l'endémie palustre restreindre ses ravages, et les
stations les plus mal famées, il y a quarante ans,
comme Boufarik, se peupler par l'excédent des nais-
sances.
La variole chez les Indigènes a toujours causé une
mortahté considérable, surtout pendant l'enfance ;
depuis que la pratique de la vaccination se répand,
la mortahté de l'enfance est surtout causée par
la syphilis et par la cachexie palustre dans les
plaines.
La fièvre typhoïde sévit surtout sur les Européens,
elle se montre assez bénigne ; les Indigènes sont
surtout sujets au typhus, qui est endémique dans la
grande et la petite Kaljyhe .
La syphilis est très fréquente et commet de grands
ravages dans toutes les classes de la population
indigène.
228 ANTHROPOLOGIE.
La dysenterie est assez rare ; elle sévit également
sur les Européens et les Indigènes. ..
L'ophtalmie granuleuse est endémique, surtout sur
les populations de la Kabylie et des Oasis, les Nomades
y sont moins sujets. Les maisons sont en effet
obscures, mal aérées, très sales, les animaux vivent
dans une promiscuité complète avec les gens. Aussi
compte-t-on un aveugle ou un borgne sur 64 indi-
vidus. Quelques mesures d'hygiène et un peu de
propreté restreindraient beaucoup ce mal, qui passe
facilement des Indigènes aux Européens, surtout
quand ces derniers vivent dans des conditions
d'hygiène qui laissent à désirer.
La tuberculose se rencontre fréquemment en Algé-
rie, comme en Europe, mais les tuberculeux trouvent
sur la cùte africaine un cUmat favorable qui leur
permet souvent d'atteindre un âge avancé.
Cependant ce sont les formes lentes, torpides de
la tuberculose pulmonaire qui se trouvent le mieux
du climat d'Algérie; les guérisons de ces phtisies
sont même assez communes.
Les phtisies à marche rapide sont aggravées par
les chaleurs de l'été qui précipitent l'issue fatale.
Chez les Indigènes, la phtisie tend à faire des
progrès, elle sévit surtout chez ceux qui abandonnent
les sages prescriptions du Coran et se livrent à
l'alcoolisme. L'alcooUsme du reste, chez les Euro-
péens, de même que chez les Indigènes, paraît une
des causes fréquentes de tuberculose.
Pendant la saison chaude, des éruptions cutanées
très fatigantes s'ajoutent aux incommodités de la
saison ; c'est, sur le littoral, la gale bédouine, liobb
arag ou bouton de sueur des Arabes, éruption vési-
xMALADIES. 229
culo-papiileuse, que les dermatologistes nomment
Lichen tropicus. Précédée de sueurs, de démangeai-
sons, la gale bédouine est caractérisée par une érup-
tion souvent très confluente, occupant les épaules, les
bras, la poitrine^ plus rarement le ventre et les
cuisses, formée de petites élevures rouges, tantôt
papuleuses, tantôt vésiculeuses au sommet. Des
éruptions successives peuvent prolonger la maladie
pendant plusieurs semaines.
Des affections furonculeuses ulcéreuses sont fré-
quentes, pendant la saison chaude, et à Biskra une
affection ulcéreuse particulière de la peau a reçu le
nom de clou de Biskra; elle ne se montre que pendant
les fortes chaleurs, mais elle attaque toutes les races,
le nègre, l'i^rabe, comme l'Européen.
La suppuration du foie s'observe aussi et coïncide
avec la dysenterie et les ulcérations du gros intestin.
CHAPITRE yil
LA FAUNE
I. — Mammifères.
Parmi les Mammifères qui habitent l'Algérie, il
est juste, immédiatement après l'homme, de citer le
Magot.
Magot [Pithecus inuus E. GeofTr.). — Très répandu
et très abondant, nous l'avons vu en troupes nom-
breuses dans les gorges de la Chiffa et dans celles de
Palestro, avant la construction des hgnes de chemin
de fer qui les traversent, dans les rochers escarpés
de Bou-Zecza et de tout le Djurdjura, et surtout dans
les grandes forêts du massif des Babors qu'il con-
tribue à animer. Il habite surtout les lieux inacces-
sibles à l'homme, ou ceux qu'il fréquente rarement.
Il n'est cependant pas trop sauvage et nous avons
souvent pu l'observer de très près. Il est toujours en
troupes nombreuses. Cet animal paraît vivre et
grandir très longtemps. Nous en avons vu, dans les
gorges de la Chiffa, dont le corps était aussi gros que
celui d'un enfant de treize à quatorze ans. Ordinai-
rement sa taille varie depuis celle d'un gros chat à
celle d'un chien courant. Comme la plupart des
singes, le magot est d'une vigueur, d'une agilité et
d'une adresse remarquables. Dans les forêts, il che-
PANTHERE. 231
mine en sautant d'arbre en arbre. Le magot, très
sociable, s'apprivoise facilement. Il est omnivore ;
fruits, herbes, racines, crabes d'eau douce, scorpions,
larves, œufs d'oiseaux, etc., tout lui est bon.
Lion. — La famille des Félins est admirablement
représentée en Algérie, et tout d'abord par le Lion.
Le lion de l'Atlas, ce roi des animaux, qui a tenu
tant de place dans nos arts, notre littérature et
nos légendes, voit aujourd'hui sa race près de
s'éteindre. On en tue tous les ans encore quelques-
uns dans la province de Constantine et en Tunisie.
C'est à peine s'il en existe encore dans la pro-
vince d'Alg-er. Celle d'Oran n'en a plus depuis long-
temps. Les marabouts du couvent de Sidi-Moham-
med ben Aouda, près Zemmorah, dans la région
de Relizane, qui promènent dans toute l'Algérie des
lions aveugles, achètent aujourd'hui leurs élèves
soit dans les ménageries, soit au Jardin zoologique
d'Anvers. Nous sommes bien loin du temps où les
Romains tiraient ces animaux d'Afrique par centaines
pour les jeux du Cirque.
Panthère. — Si le lion a presque disparu, il
n'en est pas de même du Léopard des anciens,
connu aujourd'hui sous le nom de Panthère, et qui
paraît d'ailleurs différer fort peu de la panthère
d'.\sie. La panthère d'Afrique abonde encore dans les
trois provinces, en Tunisie et ai]_Maroc. Elle abonde
surtout dans les forets et brotrssaillesd^s-^ïiontagnes.
Nous l'avons plusieurs fois entendue ru gir"èn^ plein
jour dans les forets du Djurdjura et des Babors. Ar^n
juger par ses déjections, elle se nourrit principalement
de sangber; mais le chacal, le singe, la gazelle, les
chèvres, les moutons et les chiens lui servent
232 LA FAUNE.
de nourriture, ainsi que bien d'autres animaux. Les
gardes forestiers de Yakouren et de Guerrouch ne
peuvent conserver de chiens. La panthère s'approche
souvent des maisons écartées, on l'a même vue entrer
dans les villages. Elle est extrêmement vigoureuse.
Il est presque sans exemple qu'elle se soit jetée
sur l'homme sans provocation. Comme le Uon et
tous les carnassiers, elle s'apprivoise facilement et
complètement et, comme le chat domestique, se
montre avide de caresses. On en tue tous les ans de
grandes quantités et elle diminue, quoique lentement.
D'après Lataste (1), en 1880 on a tué 16 lions et
112 panthères; en 1881, 6 Uons et 71 panthères; en
1882, 4 hons et 48 panthères.
Serval. — Le Serval est encore un beau féhn,
de taille médiocre. Il ne mesure qu'un mètre, du
bout du museau à l'extrémité de la queue. De forme
plus élancée, il rappelle la panthère par ses belles
couleurs, mais les taches de sa robe n'ont pas la
forme de rosaces. Cet animal existe dans les trois
départements, mais en petit nombre. C'est près de
Bône qu'on en trouve le plus.
Chat sauvage. — Le Chat sauvage paraît rare. Le
chat de Libye ou chat botté, dont on doit rapprocher
le Felis MargarUa de Loche (2), se retrouve dans
toute l'Algérie. C'est une espèce un peu plus grande
et d'une teinte plus uniforme et plus pâle que le chat
sauvage.
Caracal. — Le sous-genre Lynx est représenté par
le Caracal^ petite espèce d'une couleur grise uni-
forme, longue de l'^jlO, dont 30 centimètres pour
(1) Lataste, Mamw.ifh'es opélaf/ir/iœs de la Tunisie.
(2) Loche, Exploration de V Algérie.
CHACALS. 233
la queue. Le caracal est assez répandu dans tout
le pays. Poiiet cite également le lynx, mais
probablement par confusion avec quelque variété de
caracal.
Guépard. — Le Guépard ou Once des Algériens
[Cynofelisgutlaia Lesson ; Cynailurus guttalus Herm. ;
Felis jubata Erxleb.), taille du serval et du caracal.
De forme très élancée, il a à peu près la robe
de la panthère avec des taches pleines; mais ses
ongles non rétractiles, ses habitudes diurnes, les
poils du cou un peu plus longs que les autres for-
mant une sorte de crinière, en font un animal un peu
intermédiaire entre les Félins et les Canidés. Il
habite surtout le Sud, où on le dresse pour lâchasse.
Chacals. — Les Canidés sont représentés en Algérie
par les chacals, les renards et le fennec. On peut
aussi en rapprocher les Hyènes, sans parler du loup
cité probablement à tort par l'abbé Poiret.
Le Chacal [Canis aureusL.) est extrêmement abon-
dant dans toute l'Algérie et dans les pays voisins.
Il est probable que les renards de l'histoire de Sam-
son étaient des chacals. Vers le Sahara, on trouve une
espèce très voisine, le chacal du Sénégal {Canis an-
i/ius Cuv.), un peu plus haut sur pattes et à museau
plus effilé. Le chacal est un peu intermédiaire entre
le chien et le renard. Il a la grosse queue et les
mœurs astucieuses de ce dernier. Comme lui, il vit
dans des terriers, mais sa fourrure est plus grossière
et si abondante qu'elle est à vil prix.
Il s'accommode aussi bien de fruits de toute sorte
que de proie morte ou vivante. Il a la curieuse habi-
tude de déposer ses déjections sur des pierres ou de
petits tertres, ou tout objet un peu élevé au-dessus
234 L\ FAUNE.
du sol. Il s'accouple avec le chien et il paraît être, au
moins pour une bonne part, l'ancêtre du chien de
garde kabyle, qui, couleur à part, lui ressemble énor-
mément.
Renard. — On trouve fréquemment en Algérie le
Renard doré ( Vulpes niloticus Lesson), voisin pour la
forme du Renard d'Europe, mais plus petit et surtout
remarquable par la beauté de sa fourrure. D'après
Lataste, le Vulpes algeriensis de Loche, qui habite les
forêts du Tell, n'en serait qu'une variété. Dans tous
les cas, il se rapproche beaucoup plus du Renard
d'Europe. Dans le Sahara, on trouve une autre espèce
plus petite, le Vulpes famelkus^ à teinte assez uni-
forme, d'un gris ardoisé, très clair et très doux à l'œil.
Il est remarquable par les longs poils qui couvrent la
plante de ses pieds.
Fennec. — Le Fennec [Canis Zerda h.) est bien
plus petit que les Renards, qu'il rappelle beaucoup
par ses formes et ses mœurs. Ce joU petit animal est
remarquable par ses grandes et larges oreilles garnies
intérieurement de longs poils blancs, par sa vivacité
et son agihté incroyables. L'acuité de ses sens est
très grande. C'est à tort que l'on a prétendu qu'il
grimpait aux arbres. Il joue avec sa proie comme les
chats, et comme eux recouvre ses excréments. Il fouit
avec une rapidité prodigieuse. Il s'apprivoise bien.
Ce gracieux animal est propre à la région saharienne;
comme tous les animaux de cette région, il a une
teinte fauve pâle, qui s'harmonise parfait ement avec
la couleur des sables désertiques. 11 est assez rare.
Chien. — Les Indigènes n'ont qu'un petit nombre
de races de cldens domestiques.
D'abord le chien de garde kabyle, chacal à peine
MUSTÉLIDÉS. 235
modifié. Il est d'un fauve clair. Il est le commensal
plutùl que Tami ou le serviteur de soti maître.
Jamais caressé par lui, il ne le caresse jamais. Objet
de mépris, il se nourrit comme il peut et les excré-
ments du douar sont à peu près tout ce qu'on lui
abandonne. 11 garde bien et est féroce pour l'étran-
ger, mais sa couardise le rend peu dangereux pour
peu que l'on soit muni d'un bon bâton,
L'Arabe du Sud nourrit une grande race de lévriers
à formes très élancées, le Slougui, dont la vitesse
est prodigieuse. En quelques bonds, il s'empare d'un
lièvre, et lutte de vitesse même avec les gazelles.
H est mieux traité que le chien de garde par son
maître, qu'il aide dans la chasse aux antilopes.
Hyène. — La Hyène ordinaire est commune dans
toute l'Algérie. Il n'est point rare la nuit d'entendre
ses gémissements mêlés aux glapissements des cha-
cals, avec lesquels elle paraît bien s'entendre. Lâche
et vivant surtout de proie morte, elle n'attaque
jamais Thomme et lui cause peu de dommage. Elle
s'apprivoise bien.
Viverridés. — Dans les Viverridés, nous avons la
Mangouste Iclineumon, et deux Genettes peu distinctes
l'ime de l'autre, la genette de Barbarie et la genette
Bonaparte. La mangouste ichneumon, désignée à
tort par les Algériens sous le nom de Raton, est
assez répandue dans le Tell^ môme aux environs
d'Alger. On en faisait autrefois une espèce à part
(Herpestes numidicus).
Mustélidés. — Les Mustéhdés comprennent la
Loutre, le Putois, le Putois Boccamcle, la Belette de
Numidie [Piitoyius sub/:almatus) et le Zorilla llbyca.
Bien que la Barbarie passe pour être le pays du
236 Lk FAUNE.
Furet, il ne paraît pas qu'on l'y ait jamais ren-
contré.
Ours. — VOurs parait avoir disparu aujourd'hui
de l'Algérie et du nord de l'Afrique, si ce n'est peut-
être de l'Atlas et du Maroc. Il ne paraît cependant
pas avoir été rare du temps des anciens.
La partie de la Libye orientale qu'habitent les nomades,
dit Hérodote, est basse et sablonneuse jusqu'au fleuve Tri-
ton, mais depuis ce fleuve, en allant vers le couchant, le pays,
occupé par des laboureurs, est très montagneux, couvert de
bois et plein de bêtes sauvages. C'est dans celte partie occi-
dentale de la Libye que se trouveut les serpents d'une gran-
deur prodigieuse, les lions et les ours, les éléphants, etc. (1).
Yirg-ile dit (2) :
.... Occurrit Acestcs,
Ilorridus, in jaculis et pelle Libystidis ursœ.
De môme Juvénal (3) :
.... Quod comiuus ursos
Figebat uumidos.
Et Martial (4) :
Quod frenis Libyci domantur ursi.
Au siècle dernier, Shavv cite l'ours dans les mon-
tagnes de l'Atlas, et Poiret (5) dit :
Cependant, comme le mont Atlas s'élève très haut dans le
royaume d'Alger vers celui du Maroc et que plusieurs mou-
(1) Hérodote, lib. IV, cap. cxci. Trad. Larcher.
(2) Virgile, Enéide, liv. V, vers 30-37.
(3) Juvénal, Sat. V :
(4) Martial, lib. I, épigr. ÏOô. De Speclacula.
(5) Poiret, Voyage en Numidie, t. I, p. 238,
MAMMIFÈRES PÉLAGIQUES. 237
tagncs sont couvertes d'une neige presque continuelle, les
ours bruns y habitent. Ils sont très carnassiers, quelquefois
ils descendent dans les plaines. Pendant mon séjour à La
Mazoule, chez Ali-bey, un Arabe rapporta la peau d'un ours
qu'il avait tué à la chasse. L'opinion que Tours lance des
pierres quand il est poursuivi est admise chez les Arabes
comme parmi le peuple de l'Europe. Cet Arabe me montra une
blessure qu'il avait reçue à la jambe, étant poursuivi, disait-il,
à coups de pierres par l'ours qu'il avait tué. Ce rapport ne
me convainquit point, étant très possible que ce chasseur,
poursuivi par l'ours, ait frappé le pied contre quelque pierre
et se soit blessé en fuyant un ennemi trop à craindre pour
laisser de sang-froid le chasseur qui l'attaque.
Loche (1) dit que Tempereur du Maroc a envoyé
au Jardin zoologique de Marseille, un magnilique
ours vivant provenant de ses États.
Il est certain que les ours abondaient en Algérie
dans la période quaternaire. Bourguignat, qui en
a décrit six espèces dans les grottes du Djebel Thaya,
affirme que certains ossements à osséine presque
inaltérée ne remontaient pas à plus de quinze ans.
Il croit être certain d'avoir encore vu des traces
fraîches de ces ours sur le sol de la caverne, etc.
Ces allégations, peu vraisemblables, ne semblent
pas avoir convaincu les naturalistes.
Mammifères pélagiques. — Les Mammifères péla-
giques de l'Algérie sont naturellement ceux de la
Méditerrannée : le Phoque à ventre blanc, plusieurs
Dauphins', de temps à autre, quelques Baleines qui
viennent s'échouer sur nos plages. 11 y a quelques
années, une paire de baleines fut signalée dans les
eaux de Castiglionc. Une d'elles fut prise par des
pécheurs et amenée à Alger, où elle resta plusieurs
(1) Loche, Exploration de fAlqérie, Mammifères, 18G7,
p. 52.
238 LA FAUNE.
jours, exposée sur un chaland. Elle mesurait 12 mètres
de long. Ce n'était pas un Rorqual comme d'habitude,
mais une baleine du groupe des baleines franches.
Les os de la tôte ayant été envoyés au Muséum,
MM. Georges Pouchet et Beauregard y reconnurent
la baleine des Basques.
Éléphant. — Les Éléphants ont été jadis abondants
en Algérie (1). Diverses espèces fossiles se rencon-
trent dans notre sol: Elcphas meridionalis^ E. aiian-
tlcus^ E. jolensis^ meUtensis, etc., compagnons de
l'hippopotame, du Bubalus antiquus aux cornes gigan-
tesques, de la girafe, etc. Mais alors les conditions
cUmatologiques étaient bien différentes. Les dessins
de Tyout nous montrent fréquemment un éléphant
à front très bombé. Les anciens parlent souvent
de l'éléphant d'Afrique, mais sans préciser de loca-
Uté. Pourtant Plutarque (2) rapporte que Pompée
(81 ans avant Jésus-Christ) employa quelques jours de
son séjour en Afrique à chasser le lion et les élé-
phants. Phne le mentionne en Tripohtaine et quelques
passages semblent indiquer que les anciens chas-
saient l'éléphant dans le Deren (Atlas marocain).
Nous avons déjà vu qu'Hérodote le signale dans les
montagnes de la Libye. Il est certain que si l'éléphant
existait encore en Algérie à l'état sauvage du temps
des Romains, le cUmat a dû changer considérable-
ment depuis.
Sanglier. — Le Sanglier est très abondant en
Algérie dans toute la région du Tell. Il diffère légère-
ment de celui d'Europe.
(1) Voy. Lataste, Catalogue critique des mammifères apéla-
ç/iques de la Tunisie, p. 20.
(2) Plutarque, Vie de Pompée, cap. xx.
CHKVAL. 239
Aucune différeucc spécifique, dit Loche (1), ne semble
distinguer le sanglier d'Europe du sanglier d'Algérie. Ce der-
nier seulement est un peu plus petit de taille, ses défenses
sont plus développées et son naturel semble moins méchant ;
sa chair, qui est très délicate, est très estimée.
Dans sa jeunesse, cet animal est marqué de bandes
longitudinales alternativement fauves et brunes, et
ne manque pas de gentillesse. Il s'apprivoise admi-
rablement, suivant son maître sans quitter ses talons
d'une ligne, même dans les foules les plus compactes.
Tout petit, il tient déjà les chiens en respect en
découvrant ses crocs par un simple rictus.
Cheval. — Le cheval est certainement de tous les
animaux domestiques celui que l'Arabe aime et
soigne le mieux. On distingue dans les chevaux des
Indigènes la race arabe et la race barbe^ celle-ci pré-
dominante. Mais cette distinction n'est pas toujours
facile. D'ailleurs, barbe ou arabe, le cheval indigène
est un merveilleux animal. D'une sobriété à toute
épreuve, il sait déployer, suivant l'occasion et malgré
sa petite taille, une force considérable ou une grande
vitesse. En montagne, il a le pied aussi sûr que le
mulet. Docile et doux comme un agneau en temps
ordinaire, il se montre plein de feu à la guerre et
dans les fantasias. Nous avons vu souvent des Arabes,
au lieu d'attacher leur cheval, mettre sa longe à
terre et dessus une pierre grosse comme un œuf
pour indiquer à l'animal qu'il ne doit pas bouger.
Après quoi, l'Arabe allait vaquer à ses occupations,
certain que son cheval resterait aussi tranquille que
s'il eût été solidement attaché.
(1) Loche, Exploration de l'/i/gérie.
240 LA FAUNE.
Les chevaux indigènes, dit Bouvier (1), ont une hauteur
qui varie de 1"»,58 à 1™,48; ils sont sobres, dociles, patients,
mais pleins de courage et de fond. Ils traversent sans hésita-
tion et d'un pied sûr tous les accidents de terrain qu'ils gra-
vissent, descendent et contournent avec une adresse et une
agilité surprenantes, à moins qu'il ne s'agisse de s'enlever au-
dessus d'une éminence ou de sauter dans uue excavation
coupée à pic ou au delà, ce qu'ils exécutent également avec
beaucoup d'énergie et de légèreté; mais ces accidents étant
très fréquents en Afrique, les chevaux sont habitués à passer
entre eux, autour, dessus ou dedans, plutôt que de les fran-
chir tous, pour ainsi dire sans cesse, ce qui causerait la ruine
du cheval et des fatigues extrêmes au cavalier.
Ces précieuses qualités ne nuisent ni à leur force, ni à leur
élan, ni à leur vitesse, ni à leur discipline. Nos chasseurs
d'Afrique sont armés (à l'époque du rapport) d'un fusil de dra-
gon, d'un sabre, d'un pistolet et d'une hache; ils sont ordinai-
rement pourvus, outre leur équipement, de trois paquets de
cartouches, de vivres et de fourrages pour cinq à six jours,
d'un bottillon de bois à brûler, etc.; et ces chevaux, sous ces
robustes cavaliers, si lourdement armés, si pesamment pour-
vus, foutpar jour huit à dix lieues et souvent plus, à toutes les
allures, la plupart du temps à travers des terrains coupés de
ruisseaux, de ravins ou obstrués par des fragments de rochers,
des palmiers nains et des broussailles, sans qu'aucun d'eux
reste en arrière !
J'ai assisté à une course de plus de deux lieues fournie
avec entraînement, à la suite d'une alerte, par le 4" régiment
de chasseurs formé en colonne par pelotons, sous toutes les
conditions que je viens d'indiquer, et pas un seul cheval ne
resta en arrière, tous s'étaient maintenus dans l'alignement,
qu'ils eussent conservé encore s'il avait fallu pousser plus
loin! Sont-ce là des chevaux méprisables? Les meilleurs
d'Europe, s'ils étaient soumis à de pareilles épreuves, ne per-
draient-ils pas dans la lutte un peu de leur haute réputation?
Et cependant il est à remarquer que, par un concours de
circonstances déplorables, non -seulement les plus estimés des
chevaux africains ne sont pas à notre disposition, mais que
nous n'avons pas même le choix parmi ceux dégénérés.
Le général Daumas n'est pas moins affirniatir. El
aujourd'hui que nous pourrions avoir à notre dispo-
(1) Bouvier, Rapport au ministre de l'agriculture.
CHEVAL. 241
sition les plus beaux types de cette précieuse race
qui peut rendre partout de si grands services, qu'au-
cune ne saurait remplacer en Algérie, l'État, sous
prétexte de l'améliorer, la fait croiser en grand par
les étalons les plus variés, et est en train de la
perdre !
Le cheval barbe a généralement la tête courte et
carrée, les plus beaux types seuls ont le museau
efiilé avec les naseaux très dilatables. Le chanfrein
est droit, parfois légèrement busqué. L'élégance de
l'attache à l'encolure laisse peut-être un peu à dési-
rer, les oreilles sont longues, minces et déliées, les
yeux à fleur de tête, grands, bien ouverts, plutôt
doux que vifs. L'encolure droite et élégante est sou-
vent chargée d'une belle crinière soyeuse et vient
se fondre agréablement par la dépression tranchée
du coup de hache avec le garrot bas et musculeux.
Le dos large et concave se termine par des reins
courts et bien nourris; la croupe est oblique et courte
et la queue attachée bas. Le poitrail est large, les
côtes arrondies limitent une cage thoracique bien
développée ; le ventre est parfois un peu gros à cause
du régime en vert, les Arabes ne ramassant pas de
fourrages. Les épaules sont charnues etmusculeuses,
longues, mais manquant d'obliquité; l'avant-bras est
un peu mince, le genou large, le canon grêle et
les tendons bien dessinés, le boulet grêle, le paturon
obUque, le sabot bien fait à corne dure et résis-
tante. La hanche est légèrement saillante et incli-
née, donnant la conformation générale courte en
dessus, longue en dessous; la cuisse est plate,
le jarret souvent courbé, mais large, solide et bien
évidé.
BATTANDipiu et Trabut, — /ilgéne, 16
242 LA FAUNE.
i
D'après Témir Abd-el-Kader (1), les chevaux de
race se distinguent par la finesse des lèvres et du
cartilage inférieur du nez, par la dilatation des
narines, parla maigreur des chairs qui entourent les
veines de la tête, par l'attache élégante de l'encolure,
par la douceur des crins, du poil et de la peau,
par l'ampleur de la poitrine, la grosseur des articula-
tions et la sécheresse des extrémités. Enfin Abd-el-
Kader insiste beaucoup sur la fierté et les qualités
morales.
Un des chevaux qui ont le plus contribué à former
la race des chevaux de courses anglais fut un cheval
barbe, nommé Godolphin. 11 fut acheté à Paris, où il
traînait la charrette d'un porteur d'eau. C'est ensuite
par de fréquents croisements de leurs meilleurs
chevaux avec des chevaux barbes que les Anglais
sont arrivés à perfectionner leurs coureurs au point
que l'on sait. Ils sont d'ailleurs sous bien des rapports
inférieurs aux chevaux barbes.
Le cheval arabe, relativement rare en Algérie, est
plus grand et plus fort que le barbe. On l'y trouve
rarement pur, pour ne pas direjamais.il est presque
impossible de se procurer des étalons arabes pur
sang des races Nedj et Koheil, si estimées en Arabie.
Les chevaux algériens sont assez variables suivant
les régions. Les plus beaux se trouvent dans les
Hauts-Plateaux à Tiaret, et Frendah, dans la province
d'Oran, chez les Nenienchas et les Haractas dans celle
de Constantine. Avec les tendances actuelles de la
remonte, il sera bientôt difficile de trouver en Algérie
des barbes purs et peut-êlre est-ce un bien à ce point
(1) Abd-el-Kader, Lettre au général Daumas.
CHEVAL. 243
de viio que le Maroc soit resté Jusqu'à ce jour
en dehors de notre civilisation, pour conserver
pures nos races africaines d'animaux domes-
tiques (1).
Le cheval barhe aurait, d'après les auteurs, une
vertèbre lombaire de moins que les chevaux d'Europe
et constituerait un type nettement à part dont il serait
curieux de limiter Taire. On a contesté l'importance
de ce caractère spécilique.
Les chevaux barbes et arabes ont probablement
une même origine. L'un et l'autre doivent descendre
des chevaux des Scythes, qui stupéfièrent les anciens
par leur cavalerie. Nul doute que de cette même
souche descendent aussi beaucoup de chevaux euro-
péens; mais la supériorité des chevaux barbes et
arabes s'explique par les grands soins apportés
depuis de longs siècles par les Arabes au choix des
reproducteurs.
D'après Bouvier, les diverses conquêtes du sol de
rAlïique auraient beaucoup nui au perfectionnement
de la race chevaUne, et ce serait la cause que les plus
beaux types se trouvent dans le Sud, où les tribus
primitives ont pu échapper au joug des conquérants.
H attribue l'abus que font les Arabes des marques de
feu sur les pieds de leurs chevaux à une simple ruse
pour éviter que les animaux portant ces marques
(1) D'après le Hvre récemment publié sur les Chevaux du
nord <ie iAfrique par le gouvernement général de l'Algérie,
ou ne trouve plus de barbes purs que dans le Sud. Ceux du
littoral sont tous abâtardis. Les auteurs de ce remarquable
travail sont d'accord pour proscrire tout croisement autre
que ceux entre barbes et arabes. D'après des personnes com-
pétentes, on pourrait peut-être admettre l'étalon andalou, qui
serait un barbe bien conservé.
244 LÀ FAUNE.
déshonorantes ne soient réquisitionnés et enlevés
par les Turcs.
Les Arabes du Sud ne conservent comme mâles
que les animaux d'élite nécessaires à la reproduction,
les autres sont exportés au loin.
Les chevaux de la province d'Oran sont en général
de plus grande taille que ceux de la province de
Constantine. Ils y sont plus beaux et mieux soignés.
Les Arabes ne récoltent pas de fourrage, leurs
chevaux se nourrissent comme ils peuvent de l'herbe
des champs, et Dieu sait si dans la saison sèche les
pâturages sont maigres! Les Arabes plus aisés, leur
donnent un peu de paille et d'orge.
Mulet. — Dans les pays montagneux tels que le
Djurdjura, le cheval est remplacé par le Mulet.
Le mulet kabyle est plus petit que le mulet
d'Europe, il est comme le cheval d'Afrique, sobre et
patient, quoique plus capricieux et plus têtu. Il a le
pied d'une sûreté remarquable et met une véritable
coquetterie à marcher sur l'extrême bord des abîmes.
Anes. — Les Anes sont très nombreux en Algérie.
La race généralement employée est très petite et
très douce. L'âne d'Algérie, vulgairement appelé
bourriquot^ est surtout utilisé comme bête de somme
dans les villes partout où les chariots n'arrivent pas
ou difficilement. Chez les Arabes peu aisés, il rem-
place le cheval comme monture. On ne saurait se
faire une idée du travail que les Indigènes tirent de
cette pauvre bête, qu'ils nourrissent mal ou pas du
tout, lui laissant le soin de chercher sa vie à la ville
dans les caisses d'ordures ménagères; à la campagne,
c'est à lui de se tirer d'affaire comme il peut. Comme
compensatioïi, ils l'accablent de mauvais traitements,
CERFS, DAIMS. 245
le piquant avec un aiguillon dans des plaies sans
cesse avivées. Bien soigné, le bourriquot est une
charmante bête, pleine d'élégance et de gentillesse.
II a les jambes fines, les oreilles courtes; ses yeux
grands et doux reflètent son excellent caractère, qui
n'a rien de commun avec celui de l'àne d'Europe.
Certains à robe gris-perle avec une belle croix noire
sont particulièrement jolis.
C'est de Tunis ou d'Egypte que venaient autrefois
les ânes de plus grande taille, destinés à la production
des mulets. Maintenant les Espagnols en ont amené
un certain nombre de leur pays.
Dromadaire. — Les dromadaires, introduits au
y" siècle, présentent deux races.
Le dromadaire de somme est un animal de grande
laille à robe d'un fauve foncé (fig. 22 et 23), et le
dromadaire coureur ou Méhari.
Le Méhari est plus petit et plus svelte que le
dromadaire ordinaire. 11 en est d'entièrement blancs.
Cet animal peut fournir de très longs trajets avec une
grande vitesse. Lors de sa naissance, les Arabes lui
compriment le ventre avec des bandes pour en dimi-
nuer la capacité au profit de la cage thoracique.
Cerfs. Daims. — Les Cervidés sont représentés en
Algérie par le Cerf et le Daim réfugiés tous les deux
dans les forêts de l'Iist de la province de Constantine
et dans la Kroumirie. C'est là le point de notre pays
le plus voisin de l'Europe par sa situation et par son
climat. Le cerf d'Algérie est très voisin de celui
d'Europe, sans lui être identique. D'après Lataste, sa
robe serait plus mouchetée. D'après Loche, il serait
un peu plus petit. Au surplus, cet animal parait être
assez mal connu, bien qu'il ne soit pas rare. Dans un
I
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o
a
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a.
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ci
ce
248 LA FAUNE.
incendie de la forêt des Béni Sahla de Bône, on en
trouva un groupe de sept individus carbonisés. Nous
en avons vu une tête empaillée, remarquable par ses
formes trapues. Au dire de M. Letourneux, on trou-
verait souvent ses bois dans l'humus des forêts de
l'Edough, où Tonne trouve plus l'animal lui-même.
Le daim habite la même région, mais paraît rare.
Antilope. — Les Antilopes sontbien représentées.
Les plus répandues sont les gracieuses Gazelles, for-
mant deux espèces très voisines :
l°La Gazelle ordinaire [Gazella dorcas Pallas), très
répandue dans toute la région des steppes et le
Sahara.
2° La Corinne {Gazella Kevella Pallas), un peu plus
grosse et à cornes recourbées en arrière, à pelage
plus foncé. Elle se trouve surtout dans le massif du
Djebel Amour. Ces jolis animaux sont parfois l'objet
de chasses désastreuses, les commandants militaires^
les faisant rabattre de loin par des tribus entières
dans la boue des Chotts, oii leurs fines pattes s'empê-
trent et où on les massacre par centaines.
Bubale. — Le Bubale ou Yache de Barbarie, Beur-
el-Ouach des Arabes, assez fréquent dans les mon-
tagnes et les plaines du Sud oranais, a la taille
d'un petit bœuf, le pelage roux, la tête étroite et
allongée, les cornes contournées en spirale, mais
dressées et peu écartées au sommet. Schaw et divers
auteurs ont affirmé que les jeunes bubales se
mêlaient souvent aux troupeaux de bœufs et ne vou-
laient plus les quitter; ils en concluent que cet ani-
mal serait facile à domestiquer. M. le capitaine de
Saint- Julien, qui nourrissait à Méchéria plusieurs
bubales et plusieurs addax, nous a affirmé au con-
MOUTON. 249
traire que le bubale était très sauA^age et que l'addax
s'apprivoisait facilement.
Addax. — L'Addax ou Meha des Arabes a à peu
près la taille du bubale ; la teinte de son pelage est
plus claire, sa tête plus courte, ses cornes en lyre
plus écartées se renversent en arrière. Comme le
bubale, il habite le Sahara et la lisière des Hauts-
Plateaux. On a encore signalé, dans l'intérieur du
Sahara, d'autres grandes antilopes, l'Oryx et le Nan-
guer, mais leur existence sur le territoire algérien
paraît exceptionnelle.
Mouflon. — Les Ovidés sont représentés à Tétat
sauvage par le Mouflon à manchettes, l'Arroui des
Arabes. C'est une très grande espèce (2™, 10 y com-
pris la queue sur 0™,67 à 1 mètre de hauteur), très
répandue dans tout le Sud, de la Tunisie jusqu'au
Maroc.
Mouton. — Les Moutons constituent une des prin-
cipales ressources du pays. Eux seuls peuvent utiliser
les maigres pâturages de la région des steppes. Leur
nombre sur plusieurs points est limité parle manque
d'eau, bien qu'ils puissent rester quatre jours sans
boire, ce qui leur permet de s'éloigner à deux jours
de marche des points d'eau. En outre, ces pauvres
bêtes sont souvent décimées par la bronchite vermi-
neuse, produite par un strongle dont le mode de pro-
pagation n'est pas bien connu, mais qui doit être en
rapport avec la malpropreté de l'eau des Redirs où les
moutons s'abreuvent. Beaucoup meurent de froid et
de misère pendant l'hiver, quand la terre est couverte
de neige, aucune installation n'existant pour les
mettre à l'abri et l'Arabe étant trop indolent pour
récolter des provisions pour les mauvais jours.
250 LA FAUNE.
Le nombre actuel des moutons indigènes est éva-
lué à 7 ou 8000000.
On distingue parmi nos moutons deux races :
L'une est cantonnée à l'est sur la frontière tuni-
sienne, c'est la race à grosse queve] cet appendice
peut en effet dépasser le poids de 5 kilos chez
certains sujets. Cette grosse queue est recherchée
par les Indigènes qui y trouvent une provision
de graisse. Pour l'exportation, ce mouton est peu
recherché.
Aussi l'autre race, dite à queue fne (fig. 24), tend à
se substituer h la race à grosse queue ; elle présente de
grands mérites. Ce mouton est très robuste, très vif,
a les yeux grands, vifs, la tête souvent jaunâtre, le
front busqué, les oreilles horizontales, les cornes man-
quent rarement, parfois deux paires se développent,
le poitrail est large, la poitrine spacieuse, la croupe
large, les membres soHdes et nerveux, souvent jau-
nâtres, bruns ou noirs; le poids moyen brut est
d'environ 48 kilos, d'après Bernis. La qualité de la
viande varie suivant les localités; elle est excellente
et parfumée dans les stations élevées des steppes.
La laine est souvent droite et rigide, grossière,
mais il existe aussi des laines courtes et frisées ou
vrillées et des laines ondulées. On en remarque qui
sont presque aussi fines que celle des mérinos, et
d'autres qui ressemblent à du poil ou à du crin.
Ce mouton, adapté h des conditions d'existence
difficiles, présente non seulement une endurance,
une sobriété extraordinaires, mais aussi une immu-
nité remarquable vis-à-vis des principales maladies
infectieuses; il est réfractaire au charbon, et la
clavelée n'est mortelle que pour les jeunes agneaux.
MOUTON. 251
En présence d'une race présentant des variations
importantes et par consé quent des facilités pour
une amélioration par sélection, les zootechniciens
remarquables^ comme Bernis, avaient tracé la A^oie
qui devait être suivie pour augmenter la valeur de
ce troupeau.
252 LA FAUNE.
L'administration commença l'œuvre de régénéra-
tion par l'élimination des mâles impropres; mais, à
peine cette sélection était-elle commencée, qu'un revi-
rement malheureux se produisit. Sous prétexte de
produire une meilleure laine, on chercha à modifier le
mouton algérien en le croisant avec divers mérinos. La
Bergerie nationale de Moudjebeur fut créée et pendant
vingt ans tous les ans 100 000 francs s'engloutirent
sans qu'il fût possible de constater le moindre résul-
tat. La race soi-disant améliorante manquait de
résistance, elle ne put en rien modifier le type locaL
La question de l'utilisation des steppes algérien-
nes par le mouton est des plus importantes pour
l'Algérie. Elle est assez complexe et a fait peu de
progrès jusqu'à présent. Ce qui manque dans les
steppes, c'est l'eau. Partout où l'on pourra trouver
de l'eau, rien ne sera plus facile que de créer d'ex-
cellents pâturages, mais même là où l'eau fait dé-
faut, c'est-à-dire à peu près partout, il est probable
que des labours légers faits en temps opportun, avec
ou sans ensemencement d'espèces convenablement
choisies, pourraient donner d'excellents résultats. La
première chose à faire serait d'essayer de tirer
parti des meilleures espèces indigènes, en les favori-
sant par un commencement de culture. Un sainfoin
très répandu dans ces végions^V On ob7'ychis argentea
et une Salsolacée, YHalogelon sativus^ mériteraient,
ainsi que bien d'autres, d'être essayées dans ce
sens. Si l'on se borne à l'amélioration des races
ovines, leur extension sera toujours hmitée, carie
pâturage de la steppe est bien pauvre et ne peut
fournir que des ressources limitées, même si l'on
multiplie les points d'eau destinés à l'abreuvage.
BŒUF. 253
Chèvre. — Les Chèvres sont de petite taille, mais
appartiennent à des races assez variées. Les Arabes
élèvent souvent une petite chèvre noire à longs poils
dont ils utilisent la toison pour faire de la toile à
tentes et diverses étoffes, la peau pour faire du ma-
roquin et la viande en guiso de mouton. Près des
villes, les laitiers maltais élèvent la chèvre maltaise
ordinairement blanche, également à longs poils et
bonne laitière; à Oran, les Espagnols ont amené la
chèvre de Grenade à poils ras, un peu plus grande que
les races arabes. Ceux-ci ont également sur certains
points une race à poils ras. Les chèvres causent de
grands dégâts, tant dans la région forestière que dans
la région des Hauts-Plateaux. Dans la région fores-
tière, elles empêchent la repousse des forêts abattues
ou brûlées où on les laisse pénétrer. Dans les Hauts-
Plateaux, elles rendent quelques services en diri-
geant les troupeaux de moutons, mais sur bien des
points leur rôle est néfaste. Tandis que les moutons
se contentent des plantes herbacées, les chèvres
broutent à outrance les plantes ligneuses ou vivaces
qui seules retiennent les terres. Ces plantes dispa-
rues, le ravinement change peu à peu en désert des
contrées antérieurement très propres à l'élève des
troupeaux.
Bœuf. — Les Bœufs arabes sont petits. La race la
mieux caractérisée, la plus typique, porte le nom de
race de Guelma (fig. 25). Ces animaux sont vifs et
alertes, mais bien plus doux que les bœufs d'Europe.
Bien que varié, leur pelage est le plus souvent d'un
gris fauve, avec la tête brune, le tour des yeux et le
bout du mufle plus clairs; les yeux sont vifs, les
oreilles et les cornes petites, les fanons peu déve-
254
LA FAUNE.
loppés. Ils posent de 150 à 250 kilos. Leur chair est
variable suivant les pâturages. Ces animaux pâturent
o
o
=3
O
T3
3
8
fa
toute l'année, même l'été, où ils ne trouvent que
quelques rares brins d'herbo desséchés. Les vaches
soumises à un pareil régime ont peu de lait. Trans-
DIPODINÉS. 255
portés dans les pâturages de France, ces animaux
s'engraissent rapidement.
Chéiroptères. — Les Chéiroptères, assez nombreux
en espèces, sont peu diflerents de ceux des autres
pays méditerranéens.
Insectivores. — Dans le groupe des insectivores,
il y a à signaler l'absence de la Taupe et la présence
d'un Macroscélide, le M. Ilozeti ou rat à trompe.
Les Musaraignes comptent quelques espèces spé-
ciales, mêlées à des espèces d'Europe.
Deux Hérissons complètent ce groupe. Vmx.Erina-
ceus algirus Duvernoy, voisin de l'espèce d'Europe,
est répandu dans le Tell et les Hauts-Plateaux;
l'autre, Erinaceus deserti^esi spécial au Sahara; il
est plus petit et a la teinte sableuse propre à tous
les animaux sahariens.
11 existe peut-être dans l'extrême Sud une espèce
de Daman, l'Akakao des Touaregs.
Rongeurs. — Les Rongeurs sont bien représentés,
malgré l'absence de Campagnols. Le Rat d'Egypte, le
Surmulot et la Souris nous sont communs avec l'Eu-
rope et nous avons en propre diverses espèces parmi
lesquelles le beau Rat rayé de Barbarie, J/ws barbarus
de Linné, agréablement marqué de bandes longitudi-
nales, alternativement jaunes et brun fauve. Cette
espèce, répandue dans tout le pays, est commune près
d'Alger. Les Loirs sont représentés par le Myoxus
Munbijanus Pomel, que Lataste assimile au Lérot.
Dipodinés. — Puis vient le groupe des Dipodinés
avec trois ou quatre espèces de Gerboises, y compris
l'A /ac/a</a des roseaux ; de nombreuses espèces de ^e?*-
billes^ Meriones, Psainmomys ; deux Cténodactyles ;
le Goundi et le Massoidieray décrit dans le Mzab par
256 LA FAUNE.
Lataste. Ces divers animaux forment, avec le Fennec
et la gazelle, la vie et l'ornement du désert. Rien
n'égale la gentillesse et la légèreté des Gerboises, si
communes dans tout le Sahara et en particulier près
de Biskra. Le Goundi, Cienodactylus Massonii, moins
élégant assurément avec son port de marmotte,
n'en plaît pas moins par son air doux et familier.
Le Porc-épic, Flystrix cruiata L., est répandu par-
tout où il reste de la broussaille. Il était commun
près d'Alger, il y a quelques années. On le rencontre
rarement néanmoins, à cause de ses habitudes
nocturnes.
Léporinés. — Les Léporinés comptent deux
espèces : le Lièvre d'Egypte et le Lapin.
Le Uèvre d'Egypte [Lepus legypliacus Desmarets,
Lepus uabellinus Rupp, Lepus médit erranneus Loche
non Wagner) est plus petit que le lièvre d'Europe et
ne le vaut pas comme gibier. 11 pullulait avant la
conquête et est fréquent loin des centres. Il dimi-
nue encore de taille dans le Sahara en prenant
une robe plus claire. On fait parfois du lièvre du
Sahara une espèce à part, sous le nom de Lepus
isabellinus Rupp.
Le lapin d'Algérie, Cuniculus alghnis LerebouUet,
diffère du lapin d'Europe par son pelage plus brun
avec les parties inférieures d'un blanc plus pur. Sa
taille est peul-ôtre un peu plus considérable et ses
oreilles courtes. Il est commun dans tout le Tell.
En résumé, la faune mammalogique du Tell a de
grands rapports avec celle d'Europe et de moindres
avec l'Orient, tout en conservant beaucoup d'espèces
propres. La faune du Sahara est très spéciale.
RAPACES. 257
II. — Oiseaux.
La faune oriiithûlngiqLiii. du Tell est iino faii^^g au piiji4
de l'Europe (l), légèrement modifiée par une vingtaine d'es-
pèces égypliennes et orientales et autant d'espèces spéciales,
dont deux ou trois passent dans la péninsule ibérique. Le
SahaiiujLpart les .ûiseaux migrateurs, qui ne font que le tra-
verser, nîLÇompte ^qu'une quinzaine d'espèces à large disper-
sion et une quarantaine d'espèces spéciales à la région déser-
tique.
Rapaces. — Les Rapaces sont nombreux et
comme espèces et comme individus; d'ailleurs tous
les oiseaux, moins chassés que dans le midi de
l'Europe, sont encore très abondants. Cette remarque
peut aussi s'appliquer aux Mammifères. L'Arabe, es-
sentiellement conservateur, faisait bon ménage
avec toutes les espèces végétales ou animales.
L'Européen, avec ses grands besoins et sa rage de
destruction, y aura bien vite mis ordre. Le gibier
diminue rapidement, drainé par les voies ferrées et
les voitures.
Parmi les vautours, le Gyps fauve et le Néophron
sont assez communs. VOtogyps et le Vautour arrian
sont plus rares. Le Néophron Percnoptère ou Poule
de Pharaon, vulgairement appelé Charognard par les
colons, suit les marchés indigènes dont il connaît
le lieu et la date et se charge d'y faire disparaître les
débris des animaux al)attus.La voirie de ces marchés
lui incombe ; aussi est-il respecté des Indigènes et peu
sauvage.
Au Mansourah de Gonstantine, les nègres font
tous les ans à la même date de grandes fêtes pour
(1) Pomel, Notices sur V Algérie.
Batïandier et Trabut. — Algérie. 17
2S8 LA FAUNE.
célébrer rabolition de l'esclavage. Les vautours, que
Ton ne voit pas d'habitude dans ces parages, arri-
vent à ce moment pour prendre leur part du festin
en faisant disparaître les débris des nombreux mou-
tons immolés. Il est probable qu'ils voient ou enten-
dent de loin le remue-ménage qui se fait alors.
Le Gypaète et l'Aigle impérial sont rares. L'Aigle
fauve ou royal est assez répandu dans les montagnes.
Une espèce plus petite, l'Aigle ravisseur, Aquila
nxvioides Ch. Bonaparte, est fort répandu en Algé-
rie, d'où il s'étend jusqu'au cap de Bonne-Espérance
et jusqu'au Sénégal. Cet animal, représenté sous le
nom. de Falco Belisarius {!), est voisin de l'Aigle criard
et de l'Aigle Bonelli d'Europe, espèces qui se retrou-
vent aussi en Algérie, ainsi que l'Aigle botté, Aquila
pennata Vieillot. A citer encore le Pyrargue, le Bal-
buzard et le Jean-le-Blanc.
Les Buses comptent la Buse ordinaire et une
espèce spéciale, le Buteo cirtensis Gh. Bonap., ainsi
que la Bondrée commune.
Les Faucons, nombreux en espèces, sont utilisés
par les Arabes, qui ont conservé depuis les temps les
plus reculés l'institution de la fauconnerie. On ne
compte d'ailleurs dans toute l'Algérie que trois ou
quatre familles de grands chefs qui se permettent ce
luxe. Un chef ou un fonctionnaire de médiocre im-
portance se couvrirait de ridicule aux yeux de ses
coreligionnaires, s'il se permettait un équipage de
vol. Chacun de ces grands chefs entretient une
famille de fauconniers, où les traditions de la faucon-
nerie se conservent de père en fils. On ne garde les
(1) Atlas de l'Exploration de L'Algérie.
\
RÂPACES. 259
faucons que pendant la saison de la chasse et le temps
nécessaire pour les dresser. Au printemps, on leur
rend la liberté. Ils se reproduisent en liberté, élèvent
leurs petits, et ce n'est qu'en juin ou en juillet que
les fauconniers parviennent à reprendre quebiues-
uns de leurs anciens élèves et qu'ils complètent leur
équipage avec des faucons niVa6' ou jeunes non dres-
sés et des faucons hagards ou adultes, également
ignorants, qu'il faudra dresser sur nouveaux frais.
On chasse au faucon le lièvre, le lapin, la perdrix et
surtout l'Outarde Houbara.
Au printemps, époque où cet oiseau devient fort gras, on
bat la plaine à la recherche des Itoubaras. Celles-ci déploient
des ruses incroyables pour échapper à leurs ennemis, allant,
venant, s'eufonçant dans les broussailles, en ressortant pour y
rentrer; ce n'est que lorsqu'on est parvenu à faire lever un
de ces oiseaux qu'on déchaperonne les faucons; ceux-ci se
lancent à sa poursuite, en prenant le dessus, et redescendent
sur la proie avec la rapidité d'une flèche, ils la frappent de
l'aile et du talon et l'abattent. Quelquefois, se voyant sur le
point d'être saisie par l'oiseau de proie, la Houbara se ren-
verse sur le dos et frappe fortement son ennemi avec ses
pieds (1).
L'espèce la plus recherchée pour la chasse est
spéciale à l'Algérie, où elle est peu commune. C'est le
Lanier de Barbarie, Gennaja barbarus. On emploie
aussi le Faucon vulgaire, le Sacré, Gennaja sacer, le
Lanier commun, etc. Les autres falconidés d'Algérie
sont : le Chiquera macrodactyle et trois Hobereaux
rarement utihsés pour la chasse, l'Lmerillon ordi-
naire, deux Crécerelles et V Erythropus vespertinus ;
l'Autour et l'Epervier ordinaires, le Micronisus niger ;
trois Milans, parmi lesquels le Milan d'Egypte;
(1) Loche, Exploration de r Algérie.
260 LA FAUNE.
V Elanus cxruleus ; le Busard des marais el trois
SWigice'ps.
Les Rapaces nocturnes sont assez nombreux aussi.;
L'Effraie, la Hulotte, le Hibou commun et le Hibouj
brachyote abondent. Le Grand-Duc, le Scops et la
Chevêche numide ne sont point très rares ; le Bra-
chyote du Gap a été rencontré quelquefois. A men-
tionner une espèce saharienne spéciale, le Bubo asca-
laphus Savigny.
Le grand Gorbeau, Corvus corax, a une grande dis-
persion, mais il est peu abondant. On le trouve cà et là
par couples isolés, à Boghar, Teniet. au Zaccar de Mi-
lianah, etc. Quelques couples habitent les falaises ma-
ritimes, surtout près d'Alger, à la Pointe Pescade, etc.
La Gorneille noire, le Choucas et le Grave sont assez
communs soit dans les forêts, soit dans les escarpe-
ments rocheux des hautes montagnes. Le Freux n'a
été vu qu'accidentellement mêlé aux Corneilles.
Garrulidés. — Nous citerons la Pie de Mauritanie,
belle espèce agréablement bariolée de noir, de bleu,
de vert et de blanc; le Geai à tête noire, Garrulm
cervicalis Gh. Bonap. elle Graculus minor.
Sturnidés. — On observe l'Étourneau commun,
qui forme en automne des bandes innombrables,
l'Étourneau unicolore et le Martin roselin.
Passereaux. — Les moineaux se sont multipliés
outre mesure près des habitations. Ils nichent en
quantités innombrables dans les bouquets de Pla-
tanes et A' Eucalyptus et causent aux récoltes des
dégâts que leurs services comme oiseaux insecti-
vores ne sauraient compenser. Pourtant ce sont de
précieux auxiliaires dans la lutte contre les jeunes
criquets. C'est le moineau espagnol qui domine. Le
PASSEREAUX. 261
moineau italien, le moineau marocain et le moineau
vulgaire existent aussi accessoirement. Le Friquet
vulgaire et le Friquet de palmier, propre au Sahara,
complètent la liste de nos moineaux.
Les autres passereaux sont à peu près ceux du
midi de l'Europe, auxquels viennent s'adjoindre
quelques types spéciaux, à savoir : dans le Tell : Frin-
g'i lia spodio gêna ^ Ixos barbatus, Cyaniles ultramarinus^
Parus Ledouxii, Telephonus Tcliagra^ La7iius alge-
riensis ; et dans le Sahara : le Co7'ospiza simplex ou
Moineau de palmier, le Roselin phénicoptère, la
Buccanète githagine, trois Bruants, les Emberiza Sa-
harœ, Cœsia striolata; le Rieur vulgaire, le Rieur à
tête blanche et le Rieur Isabelle, le Motteux du
désert, le Rulicilla Moussieri, les Malurus Saharse et
numidlcus', de nombreuses Alaudidées, groupe riche-
ment représenté dans toute l'Algérie tant pour le
nombre des espèces que pour l'abondance des indi-
vidus; les types sahariens spéciaux de ce groupe sont :
Olocorls bilopha^ Calendrella Reboudlana^ anomanes,
isabellina^ deserti^ eiegons et Régulas ; Rhamphocoris
Clol-bey, Galerlda Randoni et isabellina ; Carthilauda
Dupontii et desertorum.
Dans les Dentirostres, le Sahara nourrit comme
type spécial le Laniiis dealbatus.
Parmi ceux d'entre les passereaux non énumérés
qui frappent le plus l'œil du voyageur, nous citerons
le RoUier ou Geai bleu des colons algériens, assez
répandu et particulièrement abondant dans la forêt
de cèdres de Teniet-el-Haad, digne hôte d'un des
plus beaux sites de l'Algérie ; le Guêpier {Merops
aplaster)^ vulgairement nommé Chasseur d'Afrique^
extrêmement commun. Gomme les hirondelles, il
202 LA FAUNE.
aime à se poser sur les fils télégraphiques, et se plaît
à accompagner ainsi voitures et cavaliers, s'envolant
dès qu'on l'approche pour aller se poser un peu plus
loin, toujours sur les fils. Un autre Merops^ le M. segijp-
tius, est beaucoup plus rare. Enfin la Huppe et le
Martin-Pécheur sont assez abondants.
Grimpeurs. — Ce petit groupe compte plusieurs
types particuliers : un Coucou, VOxglophus glanda-
riiis ; deux Pics, le Pivert à tête rouge [Gecinus
Levaillantii Ch. Bonap. ; Picus algirus Levait., Atl. de
l'Expl.) qui remplace le Pivert d'Europe et le Picus
numidicus Lev., mêlés à quelques espèces euro-
péennes, telles que le Coucou ordinaire qui se plaît
surtout dans les forêts des montagnes, le Pic Epei-
chette et le Torcol.
Colombides. — Cet ordre compte en Algérie
d'abord la Tourterelle vulgaire, commune dans le
Tell au printemps et en partie sédentaire. Le Sahara
possède la Tourterelle du Sénégal. La Palombe
ramier vit en troupes abondantes dans les forêts du
Djurdjura et des Babors, auxquelles elle donne par-
fois une grande animation ; dans l'Ouest, on trouve
une espèce encore plus grande, la Palombe grandis-
sime. On trouve également la Palombelle colombin,
la Colombe à croupion bleu et le Bizet. Le Bizet vit
en Algérie dans les rochers escarpés et parfois dans
les grottes, dont certaines offrent parfois des quan-
tités appréciables de guano. 11 est sédentaire en
Algérie, mais il en arrive aux époques de migration
des passages considérables. Il débauche fréquem-
ment les pigeons domestiques. Il est même des
locahtés où il est impossible d'en conserver, les
Bizets les emmènent.
GALLINACÉS. 263
Gallinacés. — Une belle espèce est particulière à
l'Algérie, le Caccabis petrosa ou Perdrix rouge d'Al-
gérie, El Hadjel des Arabes, Perdrix Gambra des
Européens. Elle est plus grosse que la Perdrix
rouge d'Europe et atteint parfois 32 centimètres de
longueur. C'est la seule perdrix qu'il y ait en Algé-
rie. Elle y était, il y a seulement quelques années
d'une extrême abondance. Autrefois les Arabes ne
chassaient le lièvre et la perdrix qu à coups de
bâtons. Et bien qu'ils fussent à cet exercice d'une
habileté remarquable, ils n'en détruisaient pas
beaucoup; aujourd'hui que les communications
rapides leur permettent de tirer un bon prix du
gibier, ils emploient des moyens moins primitifs.
Braconnant en tout temps, ils détruisent rapidement
le gibier. Telle était jadis l'abondance de la perdrix
en Algérie, que l'Empereur en ayant fait demander
des œufs pour repeupler les fermes impériales, des
agents trop zélés en lirent ramasser d'énormes quan-
tités. Un seul d'entre eux en envoya six mille. Ces
essais d'ailleurs ne réussirent point.
La perdrix d'Algérie constitue un gibier assez
agréable. Sa chair est toutefois un peu sèche et
inférieure à celle des perdrix de France. Les baies
delentisque lui donnent parfois un goût désagréable.
Elle s'apprivoise bien, devient familière et caressante ,
vivant en parfaite intelligence avec les autres habi-
tants des basses-cours ; rien ne serait plus facile que
d'en faire un animal domestique. Quelques essais
dans ce sens ont déjà été tentés, la seule difficulté
parait résider dans l'alimentation des petits pous-
sins.
A mesure que l'on s'éloigne du littoral, la perdrix
264 LA FAUNE.
diminue de taille. Dans le Sahara, elle est bien plus
petite et sa couleur tend vers la teinte Isabelle,
caractéristique des animaux de cette région.
La Caille est aussi abondante ; elle arrive en mars
pour repartir en septembre.
Le groupe des Gangas compte quatre espèces,
deux Pterocles et deux Pte?'oclurus ou Gâtas.
De ces quatre espèces, deux ne se trouvent que
dans l'extrême Sud, ce sont le Pterocles coronatus ou
Ganga couronné, et le Pteroclurus senegalus ou Gâta
du Sénégal, la Gelinotte du Sénégal de Buffon. Les
deux autres espèces, quoique désertiques aussi,
s'avancent dans toute la région des steppes et dans
les plaines du Ghelif et de l'Habra. Ge sont le Ganga
unibande, Pterocles arenarius, Perdrix du désert des
Européens, El Koudry des Arabes, qui vient jusque
sur le littoral; et le Gâta vulgaire, Pteroclurus
alchata, El Geitha des Arabes, Perdrix anglaise des
Algériens. Ges deux espèces sont communes dans le
désert et les steppes. On les trouve parfois, surtout
le Gâta, en bandes innombrables. Près de Méchéria,
nous avons vu sur d'immenses étendues le sol cou-
vert de leurs déjections. Si l'on considère que ces
oiseaux sont friands d'insectes, qu'ils vivent dans
des contrées couvertes d'acridiens, on ne saurait
trop regretter de les voir détruire en masse, comme
on le fait. Lors de notre dernier passage à Méchéria,
un industriel était en train de remplir une commande
de 25 000 paires d'ailes de Ganga pour une maison
de modes, à raison de 25 centimes la paire. Les
Gangas sont pourtant méfiants et volent bien, mais
dans ces régions désertiques, quand les redirs sont
à sec, ils sont bien obhgcs de venir boire aux rares
ÉCHÂSSIERS. 265
points d'eau qui existent et où on les attend pour
les massacrer. On en tue ainsi des quantités invrai-
semblables aux barrages de Laghouat, d'Orléans-
ville, etc., souvent pour l'unique plaisir de tuer, car
la chair noire du Ganga est peu appréciée; celle des
jeunes n'est pourtant pas mauvaise. Ces animaux
s'apprivoisent bien.
La Caille bédouine, Tarnix sylvatica, Semmama
des Arabes, est fort répandue, surtout dans les
plaines voisines du littoral. La femelle est plus
grande que le mâle et a de plus belles couleurs,
chose tout à fait exceptionnelle chez les oiseaux.
Elle est sédentaire. Poursuivie par les chiens, elle se
blottit dans les broussailles et refuse obstinément
de se lever.
Autruche. — L'Autruche ne se trouve plus aujour-
d'hui que dans les parties les plus arides et les plus
reculées du Sahara, où elle dut être fréquente à une
époque relativement récente, étant donnés les nom-
breux débris d'œufs que l'on y rencontre. On a beau-
coup essayé, depuis quelques années, l'élevage des
autruches dans le Tell: au Mazafran, à Kouba, au
Jardin d'essais, etc. Ces essais n'ont guère donné de
résultats pratiques.
Echassiers. — Dans cet ordre, nous trouvons
d'abord le groupe remarquable des Outardes, abon-
damment représenté. L'Outarde barbue, Otis tarda
devenue rare ; la Canepetière ou Poule de Car-
tilage, Telrax campestris, assez commune ; la belle
Outarde Houbara, spéciale à l'Algérie et surtout
saharienne, et enûnV Otis Arabs, également spéciale
à i'Afiique, mais dont l'aire s'étend de l'Arabie au
Sénégal.
266 LA FAUNE.
L'OEdicnènie criard et la SquateroUe helvétique se
rencontrent fréquemment; le Pluvier doré, qui nous
arrive, en automne, dès que les premières pluies ont
détrempé le sol, se trouve, avec le Vanneau huppé,
en troupes nombreuses sur tout le Uttoral. Ces
oiseaux recherchent les grandes plaines bien dé-
couvertes, où ils peuvent voir venir de loin le
chasseur.
Deux Cursoriens , le Court-vite Isabelle et le Plu-
vian d'Egypte, constituent une des principales curio-
sités de notre faune ornithologique ; tous les deux
sont exclusivement africains.
Un Glaréolide, la Glaréole à collier, présente un
intérêt particuher comme destructeur d'Acridiens.
Il devrait être défendu de le chasser.
Nous citerons encore le Tourne-pierre, l'Huitrier,
l'Échasse, l'Avocette, etc.
La Bécasse est répandue dans tout le Tell, mais
peu abondante, ainsi que la Bécassine double. Par
contre, la Bécassine ordinaire est commune dans tous
les marais. Elle passe continuellement de novembre
à mars. On rencontre aussi la petite Bécassine ou
Bécassine sourde, le Combattant, le Bécasseau mau-
bèche, les Barges, les CourUs et un grand nombre
d'autres échassiers coureurs.
Le Balle d'eau est sédentaire en Algérie et fort
recherché des chasseurs. Les autres Alectoridés sonl
la Porzane marouette, les Zapornia pygmœa et mi-
nuta ou Balles crève-chiens, le Balle de genêt, les
Porphyrionsbleu et vert, la Poule d'eau, le Foulque
de Madagascar et le Foulque macroule ou Macreuse
des chasseurs algériens. Cette dernière espèce est
commune sur tous les lacs et sur toutes les rivières
PALMIPÈDES. 267
du littoral. La Réghaïa près d'Alger en est parfois
couverte. Sa chair est peu estimée.
Parmi le groupe des Bérodionés, la Grue cendrée,
l'Anthropoïde demoiselle, la Baléarique couronnée
sont rares ; les Gigognes sont répandues dans toute
l'Algérie et surtout communes dans la province de
Constantine,plus spécialement aux environs de Sétif :
respectées des Arabes et même des Européens, elles
sont peu sauvages. Nous avons aussi le Héron
cendré, le Héron à cou noir, le Héron pourpré,
l'Aigrette blanche, la Garzette aigrette. Un joU petit
Héron blanc, le Garde-bœuf, Bubulcus Ibis, est
surtout fréquent. Il aime à vivre au milieu des trou-
peaux et se pose volontiers sur le dos ou le cou des
ruminants. Il s'apprivoise facilement. Nos autres
ardéides sont le Grabier, l'Ardéirolle gutturale, le
Blangios vulgaire, le Butor étoile et le Bihoreau.
Le Flamant rose ou Phénicoptère est commun
dans les lacs de l'intérieur. Rien n'est plus gracieux
que la vue du Ghott Mzouri, couvert de flamants
roses, lorsqu'on va à Biskra. Le flamant rouge est
plus rare.
La Spatule blanche, l'Ibis sacré des Égyptiens,
rare ou même accidentel, l'Ibis sacré chevelu,
Comatibis comosa et le Falcinelle vert complètent ce
groupe des Hérodiens.
Palmipèdes. — Le groupe des Ayisérés est bien
représenté par le Gygne tubercule, le Gygne à bec
jaune, l'Oie sauvage, TOie cendrée, les Bernaches,
les Nonnettes Gravant et à cou roux. Les Tadorninées
comptent l'Oie d'Egypte, Clielanopex œgt/ptiaca ; le
Tadorne de Belon, et le Gasarca rutilant.
Le Ganard sauvage, la Sarcelle d'été, la Sarcelline
268 LA FAUNE.
d'hiver sont communes en Algérie. Le Canard et la
Sarcelle abondent surtout dans les Chotts. Les autres
Canards sauvages sont : la Marmarronette angusti-
rostre, le Pilet à longue queue, le Siffleur Pénélope,
et le Siffleur huppé, la Mélanette brune, la Macreuse
noire, le Morillon, le Milouin, le Milouinan, la Sar-
celle d'Egypte et le Garrot. Enfin l'Erismature cou-
ronné, le Harle vulgaire, le Bièvre huppé et la
Piette ou petit Harle huppé.
Les palmipèdes marins sont ceux de la Méditer-
ranée. Il existe pourtant quelques types particuUers
ou rares, tels que le Microcarbo d'Algérie, Baliœus
algeriensis, qui niche dans les lacs d'eau douce voi-
sins de la mer, le Gavina Audoidni, les Grèbes, etc.
III. — Reptiles.
L'erpétologie algérienne a été ébauchée par M. Gui-
chenot (1), de la Commission de l'exploration scien-
tifique, qui séjourna deux années en Algérie. Depuis,
les investigations de MM. Mares, Strauch, Letour-
neux, Lallemant, Lataste ont fait connaître bien des
espèces non observées par les premiers chercheurs.
Le dernier travail important sur cette question est
le relevé établi par Boulenger, du British Muséum (2),
d'après les observations de M. Lataste, qui explora
avec soin l'Algérie et la Tunisie.
M. E. Ohvier(3) adonné aussi un catalogue des rep-
tiles algériens, reproduisant et complétant Fénumé-
ration de M. Boulenger.
(1) Guichenot, Reptiles et poissons de r Algérie, ISSO.
(2) Boulenger, Catalogue of Ihe reptiles and Batrachians of
Barbary, 1884.
(;i) E. Olivier, Mémoires de la Sociélé zoologique.
SAURIENS. 269
L'intéret^£ue présente la faune des reptiles alg('3-
riens doit ôi-re attribué à un certain nomlire de for-
mes vivant dnn.s_J,a régiofi^saharienneou sur les
confins du désort. Sur le littoral, nous retrouvons
des espèces européennes types ou seulement des
races locales.
Tortues. — Les Tortues de mer (Chdonia Caouana^
Dum. et Bib.) sont communes dans toute la Méditer-
ranée, les pêcheurs en capturent fréquemment. Il
n'en est pas de même de la Tortue Luth {Sphargis
coriacca)^ qui dépasse parfois 2 mètres, et que Ton
observe accidentellement sur le littoral africain.
Dans les mares et ruisseaux, pullulent les Emys
leprosa^ qui ont une allure vive et plongent comme les
grenouilles quand on passe près des bords qu'elles
occupent pendant les heures chaudes. La Cistude
d'Europe, qui est moins plate, est plus rare; on la
trouve surtout dans la région des chênes-liège de la
province de Constantine.
La tortue qu'il est le plus facile d'observer est le
Testiido mmiritanica, la Tortue de terre, peu différente
delà tortue grecque de l'Lurope méridionale ; elle
est herbivore, on la mange assez couramment.
Sauriens. — On connaît trente-six sauriens;
vingt- deux sont cantonnés dans les steppes ou dans
le Sahara.
Le plus remarquable est le Varan, qu'Hérodote
appelait le Crocodile terrestre \ il peut atteindre un
mètre; sa tête est effdée, portée sur un cou allongé,
ses membres très puissants lui permettent de courir
avec la plus grande vitesse, sa queue est longuement
atténuée en une fine pointe, il s'en sert comme d'un
fouet.
270 LA FAUNE.
Le Varan passe pour l'ennemi de la vipère cornue,
il habite les mêmes stations sahariennes.
Un gros lézard court, à ventre de batracien, àtôte
de tortue et à grosse queue épineuse, V Uromastix ou
Fouette-queue, est encore un des sauriens remarqua-
bles du Sud, il est herbivore; les Arabes le man-
gent, ils Amendent sa dépouille dans tous les bazars.
Ce Fouette-queue, comme les Caméléons, change
de couleur, il est susceptible de s'apprivoiser.
Les Agamcs du même groupe ont de belles cou-
leurs et se font remarquer par des faisceaux d'épines
qui garnissent les côtés de la tête et du cou.
Le Scinque officinal, ou Poisson de sable, vit aussi
dans le désert, court sur le sable et s'y enfonce avec
une grande agihté, les Indigènes le mangent grillé.
Les Scincides, sont assez bien représentés en Algé-
rie par Mabuia vittata^ Eumoces algeriensis, Gongylus
oce//«/w5, excessivement commun dans toute l'Algérie,
quelquefois confondu avec le scinque; trois Seps
et VAnguis fragilis ou orvet, qui est très rare.
Parmi les six Geckoïdes de la faune algérienne,
une espèce, le Tarentula mauritanica ou Tarente, se
trouve partout, de préférence dans le voisinage des
habitations. Grâce à ses pelotes et à ses griffes ré-
tractiles, la Tarente poursuit les insectes dont elle
se nourrit sur les plafonds, et même sur les vitres
des réverbères, où il n'est pas rare d'en observer
à raffut pendant toute la nuit. Cet animal passe à
tort pour venimeux à cause de l'humeur acre sécrétée
par ses doigis. C'est un petit lézard bien inoffensif,
que l'on devrait même tolérer dans l'intérieur des
maisons, où il rend des services.
Le Caméléon, avec ses allures étranges, ses yeux
SERPENTS. 271
mobiles dans tous les sens, son occiput pointu, sa
queue préhensible, est un animal fort curieux, en
raison de la faculté qu'il possède de changer de
couleur, il est commun dans toute l'Algérie, sa mar-
che est lente et il est toujours facile de s'en emparer,
il vit assez bien en captivité, il se nourrit alors de
mouches, qu'il capture en projetant sa langue comme
une flèche.
Le Lézard vert d'Algérie se rapporte au Lacerta
ocellata; mais par l'écaillure, la taille, la coloration,
il constitue une variété qui se rapproche du Lacerla
viridis ; il est commun en Algérie, sur le Littoral et les
Hauts-Plateaux.
Le Lézard de muraille est cantonné dans la région
montagneuse, où il est assez commun. Il est remplacé
sur le littoral par un Psammodrus^ et, dans le désert,
par les Acanthodactyles .
Le groupe des Amphisbènes est représenté par
deux espèces, dont une, Trogonophis Wiegmanni, est
commune. Ce petit saurien vermiforme est le plus
souvent jaunâtre avec des taches noires figurant un
damier; son absence de pattes le fait prendre poiu^
un serpent suspect, il est cependant inoffensif.
Serpents. — On connaît en Algérie dix-huit ser-
pents, dont six venimeux. Quelques types sont assez
intéressants, tel est le Javelot [Ei-yx Jaculus), de la
famille des Boas et Pythons. Ce serpent n'atteint
guère que 85 centimètres de longueur, la queue est
tronquée, obtuse, terminée par une plaque conique.
Sa tête petite est couverte de petites écailles, il
répond assez bien au signalement que l'on donne des
vipères, aussi est-il regardé comme dangereux, bien
qu'inoffensif et même susceptible de s'apprivoiser.
272 LA FAUNE.
Le Javelot vit dans les stations sableuses des steppes
et du désert. On ne le voit pas souvent, parce qu'il
se cache dans le sable.
Parmi les Aglyphes, la couleuvre la plus commune
est le Zamenis hippocrèpis, qui atteint d'assez grandes
dimensions, elle offre un beau coloris, elle tire son
nom de P'^er à cheval, d'une figure formée sur la
nuque par deux bandes jaunâtres. Le corps est brun
avec une série détaches rondes jaunâtres irrégulières,
le dessous est rose. Cette couleuvre est souvent
montée en canne.
Le Zamenis algirus^ découA'crt par le D"" P. Mares,
est une belle couleuvre de la région désertique, le
corps est brun verdâtre, avec des raies transversales
noirâtres et une série de taches noir bleu sur les
flancs. On trouve dans le même région le Zamenis
dladema.
La Couleuvre vipérine est répandue à proximité des
cours d'eau, elle pénètre jusque dans le Sahara, où
elle habite les Seguias.
Trois Opistoglyphes sont assez répandus et carac-
téristiques. La Couleuvre de Montpellier, Cœlopeltis
lacertina, gchiéralementd'un brun verdâtre, atteint de
grandes dimensions, 1™,50 et plus, elle est commune
dans tout le ïell.
Le Cœlopeltis producia, qui habite la région déser-
tique et les steppes, a été découverte en 1853 par le
D'" P. Mares. Ce serpent a la teinte claire des vipères
à cornes et possède, quand on l'irrite, la propriété de
gonfler ses côtes cervicales sur une longueur de 3 à
4 centimètres à partir de la nuque, il a alors un air
redoutable.
Le Psammophis sihilans, le'Zeurig des Arabes, est
SERPENTS. 273
un type désertique curieux, il a la forme d'un fouet
mince, il a la queue très effilée, il atteint souvent
l'",50. Son extrême vivacité et la rapidité de sa course
le font passer pour redoutable auprès des Arabes
qui le craignent au moins autant que les vipères.
Au sud-est de Biskra et dans le sud de la Tunisie
et du Maroc, on rencontre le terrible Naja [Naja Haje)
le serpent des Charmeurs, le fameux Aspis des Grecs
et des Romains. Le Naja se dresse sur la partie pos-
térieure de son corps, gonfle son cou en sifflant et
n'hésite pas à attaquer. La blessure est rapidement
mortelle et, dansle sudde la Tunisie, quand unhomme
d'une caravane est mordu par ce redoutable reptile,
sans tarder, on se met à creuser sa fosse et à pré-
parer ce qui est nécessaire pour la toilette d'un mort.
Des charmeurs arabes dressent ces animaux et leur
font exécuter des mouvements cadencés au son d'une
flûte accompagnée de tambourin. Le Naja est d'une
couleur brun noirâtre, il peut atteindre de grandes
dimensions, i^,^0 et plus.
Une autre vipère également redoutable est la
Vipère mauritanique ( Vipera lebetina ou Echidna
mauritanica) . La tête est large, plate, écailleuse, le
museau arrondi, le corps brun jaunâtre avec des
taches plus sombres, le dessous plus clair avec mou-
chetures grises, longueur de 1 mètre à i^'joO. La
vipère mauritanique habite le littoral oranais et
marocain, les Hauts-Plateaux et principalement la
Tunisie. Sa morsure est dangereuse; mais les acci-
dents sont assez rares.
Sur le littoral, on trouve encore, surtout dans la
région des chônes-Uège, une variété de la vipère am-
modyle, le Vipera Latastel de Bosca, intermédiaire
Rattandier et Tp.abut. — Algérie. 18
274 LA FAUNE.
entre la vipère Aspic et l'Ammodyte ; ce serpent a
été déterminé sous ces deux noms; il ne paraît pas
rare et cependant on note peu de morsures graves
ayant entraîné la mort.
Dans la région saiiarienne, trois vipères sont très
répandues, deux Cérastes et VEchis carinata^ localisé
dans l'extrême sud.
La Yipère à cornes (Cerasles cornutus) (fig. 26) est
très fréquente sur le versant méridional des Hauts-
Plateaux et dans tout le Sahara, elle est delà couleur
jaune du sable. Les plus forts sujets atteignent 80 cen-
timètres, la queue est courte, au-dessus de chaque
œil une écaille allongée et aiguë constitue une
corne. Un autre Céraste {Cérastes Vipera) habite les
mêmes régions, mais vit uniquement dans les sables
et a des habitudes nocturnes qui le font redouter des
nomades, car il vient volontiers dans les bivouacs.
Cette vipère diflere de la précédente par l'absence de
corne et la taille plus petite.
Dans l'intérieur du Sahara, on a encore observé
VEchis carinata^ qui est surtout bien connu en
Egypte. Cette vipère est gris pâle, avec des séries de
taches noires ocellées et une tache blanche triangu-
laire ou cruciforme sur la tête.
IV. — Batraciens.
La Grenouille [Rana esculenla) est commune par-
tout; on observe aussi la Grenouille terrestre (Disco-
glossus pictus); la rainette fréquente les lieux frais;
un gros crapaud, Bufo pantherinus^ est extrême-
ment répandu.
La Salamandre ne se rencontre que dans la région
SERPENTS.
215
:Mmi
W'^ {
276 LA FAUNE.
montagneuse, en Kabylie notamment. On trouve,
dans les mares du littoral, un Triton intéressant pour
les naturalistes, VEuproctes Poiretis.
V. — Poissons.
Poissons de mer. — Les poissons que Ton ren-
contre dans la Méditerranée, sur les côtes algériennes,
sont, pour le plus grand nombre, ceux du littoral
européen ; mais on trouve de plus des espèces des
Canaries et en même temps des représentants des
genres Diagramme, Batracoïde, Hemiramphe, dont
les autres espèces ne se retrouvent que dans les mers
de l'Inde et sur les côtes de l'Afrique australe. Enfin
l'ichtliyologie algérienne, encore peu étudiée, pos-
sède quelques espèces particulières.
Alger est le point de la côte Je plus riche en espèces ;
la pêcherie y est intéressante par la diversité des
types, dont quelques-uns sont des raretés, qui finissent
misérablement dans une bouillabaisse.
On y remarque d'abord un grand nombre de
Percoïdes : le Loup, le Merou, plusieurs Serrans, le
Cernier, le Spet ou brochet de mer, quatre Vives, le
curieux Uranoscope, le rarissime Pomatome Téles-
cope, qui se retrouve à Nice, remarquable par la gran-
deur extraordinaire de son œil.
Les Rougets ou Mulles (Mullus surmuletus et M. bar-
hatus) sont très abondants sur les côtes d'Algérie,
leur chair est appréciée, les anciens déjà en faisaient
grand cas, les Romains de l'époque impériale les
achetaient à des prix fabuleux.
Parmi les Joues cuirassées, notons les Trigles [T. It-
neaia^ T. lyra, T. Iiirudo, T. Lucerna, 7\ aspera)^ le Ma-
POISSONS. 277
larmat, renfermé dans une gaine octogone d'écaillés
relevées par une arcte épineuse, le Dactyloptère ou
Trigle volante, qui se soutient en l'air avec ses na-
«•coires pectorales prolong(''es en ailes, enfin les Ras-
casses ou Scorpènes à grosse tête armée de piquants.
Les Scienoïdes sont représentés par le Maigre, le
Corbs, rOmbrine, le Diagramma Mediterraneum,
espèce propre à Alger et d'un genre étranger à
l'Europe. ,
Les Sparoïdes sont nombreux: six Sargues, la
Daurade, quatre Pageaux ou Pagels, trois Dentés,
deux Canthères, le Bogue, l'Oblade, la Salpa, deux
Pagres, dont l'un , le Pagrus auriga, est une rareté, qui
se retrouve aux Canaries. Citons encore la Mendole
et le rare Picaret Martin-Pécheur.
On trouA^e à la pêcherie d'Alger une grande diver-
sité de Scombres : trois Thons [Tliyunus vulgaris^
ùrachi/pterus et Tliunnlna)^ deux Maquereaux, deux
Pélamides ou Bonites , le Lepidope argenté, l'Espadon ,
le Pilote, deux Liches, le Saurel, deux autres Caraux
plus rares, le Seriole R., le Temnodon sauteur C,
la FiatoleR., le Poisson de Saint-Pierre (Zei<s FaOer),
très comprimé et à bouche très large, la Dorée à
épaule armée {Zeus Pungio), enfin le Sanglier [Zeus
Aper).
La famille des Tœnioïdes ne se trouve représentée
que parla Cépole rougeâtre, dont le corps, de 20 à 25
centimètres, a la forme d'une lanière.
Les Atherines sont de petites espèces appelées
argentines par les pêcheurs, elles vivent en bandes
serrées, si bien qu'un coup de filet en amène quel-
quefois plus de 50 kilos. On vend ce petit fretin, qui
est mangé frit en beignets par la classe pauvre. Les
278 LA FAUNE.
bandes d'Atlierines sont communes dans le port
d'Alger, autour des embarcations et le long des quais.
Les ichthyologistes en distinguent quatre espèces.
Une cinquième Atherine [A. Rissoi) habite les cours
d'eau de la Mitidja, près d'Alger.
Des cinq Mulets ou Muges qui habitent les eaux
d'Algérie, deux remontent dans les rivières.
Les Blennies sont nombreuses dans les eaux sta-
gnantes des ports (12 espèces) ; il en est de même des
Gobies ou Goujons de mer (8 espèces).
La Baudroie et le Batrachoïde représentent la fa-
mille des Pectorales pédiculées , le Batrachoïde
[Batrachus planifrons) est une intéressante espèce
algérienne, décrite par Guichenot sur un échantillon
provenant d'Oran; ce genre n'était pas encore connu
dans la Méditerranée.
Les Labroïdes sont nombreux; les Labres ou
Vieilles de mer, les Girelles aux couleurs vives habi-
tent les endroits rocailleux des côtes, où ils font les
déUces des pêcheurs à la hgne.
Enfin le Centrisque bécasse, de la famille des
Bouches en flûte, est une petite espèce commune,
remarquable par son museau allongé tubuhforme.
Parmi les Malacopférijgiens, notons : l'Aiguille
[Bellone acus), d'un bleu vif, à long bec en aiguille,
avec les arêtes verdâtres, la Saure, l'Exocet volant,
l'Aulope filamenteux.
Les Clupéoïdes comprennent plusieurs poissons
d'une grande utiUtè alimentaire sur les côtes d'Algérie.
Le Hareng n'a été observé qu'une fois par le
D' Bourjot {Harengus virescens de Dekay).
L'Alose {AloMsa fini a) remonte les rivières. La Sar-
dine (Alausa pilchardus) est souvent abondante et
POISSONS. 279
bonne ; mais il ne faut pas la confondre avec l'Aliche
ou Alache [Clupea alacia), qui aune belle ligne clorcc
sur le flanc et dont la chair est sèche, moins blanche
et très inférieure. L'Anchois pullule sur toute la
cote, il est recherché et depuis quelques années mis
en conserve.
On pêche à Alger deux Gades ou Merlans. Le Ga-
dicule argenté de Guichenot est une petite espèce,
propre à la côte africaine, où il est rare. Les Pleuro-
nectes ne sont pas aussi abondants dans la Méditer-
ranée que dans TOcéan, cependant le nombre des
espèces observées à Alger est considérable. Lq Flétan
n'est pas rare, le genre Rhombus ou Turbot est repré-
senté par le Turbot commun {/ih. maximus)^ la
Barbue, le Rh. Candidisslmus, le Rh. podas, le Rk.
mancus et le Rh. Gesncri.
On signale cinq Soles ; mais la Sole cendrée seule
est commune.
Les Lepadogasier, remarquables par le disque con-
cave analogue à celui des Gobies qui leur permet
d'adhérerauxrochers,sontpetitsetaunombredecinq.
Enfin le Rémora [Echineis Naucrates)^ bien connu
par sa ventouse occipitale, transformation de la pre-
mière dorsale, est assez rare à Alger.
Les Anguilhformes marins comptent quatre Con-
gres, deux Murènes, VOphiure serpent^ la Donzelle
barbue et le Fierasfer imberbe.
Aux Lophobr anches se rattachent : deux Hippocam-
pes et sept Syngnathes ; nous trouverons, parmi les
Poissons d'eau douce, une huitième espèce de Syn-
gnathe (S. Algeriensis, Playfer et Lctourneux), qui
a été pêchée dans l'Oued-bou-Hamdan (prov. Cons-
tantine), à 80 kilomètres de la mer.
280 LA FAUNE.
Le Mole vulgaire ou Poisson-Lune n'est pas très
rare ; on prend aussi le Batiste caprisque.
Les Sélaciens sont assez bien représentés, quel-
ques espèces même pullulent et fournissent une
nourriture abondante aux pauvres gens.
Les Requins [Carchai^ias vulgariSy C. ferox et C. leu-
cos) sont rares : de temps à autre, les pêcheurs en exhi-
bent de beaux spécimens ; la grande et la petite
Roussette abondent, ainsi que l'Aiguillât; deux Mar-
teaux, l'Ange ne sont pas rares ; enfin on note encore
cinq autres Squales. Les Raies comprennent le Rbi-
nobate, quatre Torpilles, six Raies, laPastenague, la
Pteroplatée des Canaries (R),la Mourine aigle, le Cépha
loptère de Giornaqui atteint des dimensions énormes.
Poissons d'eaux douces. — Les cours d'eau de
l'Algérie ont une faible étendue, ils parcourent depuis
la région montagneuse où ils prennent naissance
une série de plans très inclinés qu'ils ravinent, ce
sont des torrents, roulant après les pluies des eaux
boueuses et montrant, entre des berges souvent très
éloignées, un lit de gravier et de sables avec un mince
fdet d'eau et quelques flaques croupissantes. Les
rivières les plus considérables, la Mafrag, la Seybouse,
rOued-el-Kebir, l'Harrach, la Macta ont une barre et
à quelques kilomètres au-dessus une certaine quan-
tité d'eau stagnante qui est peuplée de quelques
poissons. Les ruisseaux d'eaux vives se rencontrent
cependant dans la Kabylie orientale, et de véritables
lacs se sont formés dans la région de La Galle. Dans
les Hauts-Plateaux, on observe une série de bassins
fermés, mais les eaux sont trop peu abondantes pour
former des lacs, les Chotts ou Sebkhas se dessèchent
en été.
POISSONS. 281
Dans le Sahara, une partie élevée en terrasse est
privée d'eau, mais le Bas- Sahara, au sud del'Aurès,
est riche en eaux souterraines formant un véritable
réseau qui se montre, çà et là, au fond de puits natu-
rels ou gouffres, que les Indigènes appellent Bahr, et
qui sont habités par des poissons et autres animaux
aquatiques pouvant aller par des voies souterraines
d'un gouffre à un autre ou bien sortir par un puits
artésien rencontré dans ce parcours.
L'Ichthyologie del'Algérie n'est encore qu'imparfai-
tement connue, elle a été étudiée par la Commission
de l'exploration, plus spécialement par Guichenot et
Paul Gervais, plus récemment par M. le colonel
Playfair, consul d'Angleterre à Alger, etpar Gh. A. Le-
tourneux. Ces travaux portent à vingt-trois le
nombre des espèces observées.
Parmi les poissons que l'on rencontre dans les
eaux douces du littoral, il faut noter d'abord sept
espèces qui vivent aussi dans la mer; ce sont :
Gobius rhodopterus^ G. paganeltus, Blennius vulgaris,
AtherinaRissoi^ Mugil cephalus, M. Capilo, Clupeaflin-
ta. Mais les eaux douces ont en propre : le Barbeau de
La Galle, qui se trouve partout en Algérie, parfois en
quantités énormes; il est pour bien des localités de
l'intérieur une ressource précieuse, ce poisson se
retrouve dans le Tage. Plus rarement on trouve le
Barbeau de Sétif, qui diffère par le nombre des séries
longitudinales d'écaillés entre la ligne latérale et
l'insertion delà ventrale, qui est invariablement de six
pour le Barbus callensis et de cinq pour le B.sitifensis.
L'Anguille ne manque dans aucun cours d'eau, lac
ou mare; dans le Felzara et à la Macta, elle est péchée
en grande quantité.
282 LÀ FAUNE.
Une Truite {Sah/io macrostigma)^ qui est le représen-
lant le plus méridional du genre, se rencontre en assez
grande abondance dans l'Oued Zhour, dont les eaux
froides et limpides roulent sur un lit de gneiss et de
granit, à l'ombre des forêts de chênes. Cette truite a été
propagée dans les rivières du littoral constantinois,
et c'est à ces tentatives de propagation que l'on doit
attribuer une croyance erronée assez répandue
touchant l'origine de cette Salmonide, qui aurait été
introduite en Algérie. Il n'en est rien, le Salmo ma-
crostigma est bien ime espèce indigène, commune de
tout temps dans l'Oued Zhour et bien connue des
Kabyles de la région.
Le Leucisciis callensis peuple tous les lacs et tous
les cours d'eau, dans Test de l'Algérie.
Une épinoche [GasterostcMS brachyceniru?) est assez
commune dans la Mitidja.
Le Carassius ou Poisson rouge de Chine s'est natu-
ralisé dans beaucoup de cours d'eau, il abonde
notamment dans la Moulouia.
Nous comptons aussi, au nombre des poissons
d'eau douce du Tell, le Syngnalhus a/geriensis, dont
les congénères vivent dans les mers et deux autres
espèces dans les fleuves africains. Ce poisson, décou-
vert par M. Letourneux, au confluent de l'Oued Cherf
et du Bon Hamdan (Constantine), habite à 80 kilo-
mètres delà mer.
Dans les Hauts-Plateaux, les sources sont peuplées
de petites espèces, qui se propagent parfois avec une
intensité extraordinaire, tels sont les Cypridon cala-
rinaius et C. Iberus^ le Tellia opoda, le Leuciscus cal-
lensis et enfin le Cristiceps argentalus signalé par
MM. Letourneux et Playfair, dans les rigoles d'écou-
CRUSTACÉS. 283
le ment de la fontaine Malakoff, puits artésien creusé
dans le bassin du Zahrez, entre Alger et Laghouat.
Ce blennioïde était connu dans la Méditerranée;
mais sa présence dans les eaux d'un puits artésien
est un fait intéressant pour la faune ichthyologique
de l'Algérie.
La faune ichthyologique du Sahara est surtout
curieuse par les espèces qui habitent les gouffres ou
Bahrs, voyagent dans les nappes souterraines et
seraient rejetées par les puits artésiens, ce sont sur-
tout des Chromides, Chromis Zillii, Ch. Desfontainei^
IJemichromis Sahcume, IL /lollandi^ puis le Cyprino-
don calarmaius.
L'Atherina Rissoi se retrouve aussi dans les Zibans.
Y[. — Articulés.
Les Articulés jouent un rôle important dans la
faune algérienne, ils sont nombreux en espèces et
en individus. Nous trouvons des espèces qui sont
pour nous des ennemis plus ou moins redoutables.
Les spéciaUstes trouveront encore en Algérie bien
des constatations intéressantes à faire.
Crustacés. — Les Crustacés marins sont peu diffé-
rents sur les rivages de la Méditerranée, quelques
espèces communes se rencontrent fréquemment sur
les marchés, telles que la Langouste qui est pêchéc
sur les côtes rocheuses , le Scyllare ou Cigale de
mer, lesPalemon elPeneus caro??ia^e, les Pagures, les
Crabes, le Maia.la Squille.
Parmi les Crustacés d'eau douce, la Telpheuse
[Telphensa fluviatilis) peuple presque tous les cours
d'eau et les moindres sources; ce curieux Crabe peut
284 LA FAUNE.
rester longtemps hors de Teau et on le rencontre
parfois dans des stations arides où il est à la recherche
de sa nourriture, il devient vite familier.
Dans les Hauts-Plateaux, il est fréquent de rencon-
trer VApus cancriformis.
Enfin la Chevrette {Branchipiis stagnalis) se trouve
parfois sur le littoral, dans les ruisseaux et les mares.
Les Cloportes sont communs, notamment VArma-
dille officinal.
Arachnides. — Les Arachnides sont nombreuses,
on connaît déjà un grand nombre d'espèces spéciales.
Dans les terrains arides des steppes, on rencontre
les Galéodes ou Solpuges, qui, très agressives, parais-
sent redoutables avec leurs énormes crochets veni-
meux, mais qui cependant ne sont connues pour
aucun méfait grave.
Il en est de même des grosses Lycoses, qui abondent
dans les plaines chaudes de Tintérieur.
Les Faucheux [Phalangium) sont nombreux en
espèces, presque toutes spéciales au Nord-Afrique.
Enfin les Scorpionides se rencontrent un peu par-
tout, sur le httoral, le Scorpion d'Europe {Se. occi-
lanus) habite sous les pierres ; dans les terrains argi-
leux, dans des trous profonds, vit le Scorpion palmé,
de couleur foncée et à pinces larges; c'est dans la
région désertique seulement que vivent les Scorpions
{Se. jEneas et funestus) susceptibles de causer des
accidents graA^es pendant les fortes chaleurs de l'été.
Myriapodes. — Ils présentent aussi quelques
espèces intéressantes : une Géophile phosphorescente
et le Scolopendra scopoliana^ redouté pour sa mor-
sure douloureuse.
Insectes. — La faune entomologique du nord de
INSECTES. 285
l'Afrique n'a pas, plus que la flore, un caractère propre
bien tranché, la plupart des espèces appartiennent
aux contrées méridionales de l'Europe, quelques-unes
se retrouvent en Egypte, au Sénégal et môme jusqu'au
cap de Bonne-Espérance. Le plus grand nombre
d'espèces rentrent dans les genres européens. Comme
nous l'avons observé à propos de la flore, on trouve
une assez grande différence entre l'Est et l'Ouest,
les affinités de l'Est sont avec la Sicile, l'Italie et la
France méridionale, tandis que, dans l'Ouest, nous
retrouvons une grande ressemblance avec l'Espagne.
La faune entomologique saharienne n'est pas non
plus caractérisée par des espèces algériennes nom-
breuses, les types sont ceux de tout le Sahara, de la
mer Rouge à TOcéan Atlantique.
Les grands Garabiques comme \o^ A ni kia, les Sca-
rites, de nombreux Ténébrionides impriment cepen-
dant un cachet particulier à la faune saharienne.
Les Fourmis sont nombreuses en Algérie et leur
étude présenterait assez d'intérêt pour un naturaliste
qui multiplierait ses investigations. M. Forel, à diffé-
rentes reprises, a passé quelques semaines en Algérie
et y a fait d'intéressantes découvertes.
Dans les plaines, l'espèce qui attire bien vite l'at-
tention est la fourmi moissonneuse, Aphanogaster ou
Me^sor barbarus, qui fait d'abondantes provisions de
grains aux dépens des céréales des colons ; cette
fourmi, dans certaines régions, devient parfois un
fléau.
Dans le Sud, dans les parties sableuses de la région
saharienne, on observe une autre moissonneuse, le
Messor arenarius^ qui fait son nid à une grande pro-
fondeur. Des diverses chambres de ce nid partent des
286 LA FAUNE.
galeries, qui, dans un rayon de 8 à 10 mètres, viennent
s'ouvrir à la surface par de nombreux orifices en-
tourés chacun par un cratère en forme de croissant
et composé de boulettes de sable. Ces petites pelottes
de sable ont 2,5 à 4 millimètres et proviennent du
creusement des galeries et des chambres souter-
raines. Cette fourmi agglutine ainsi les grains de
sable pour en faire une charge suffisante. Dans les
greniers, on trouve une grande variété de graines;
mais dans la région du Drinn (Aristida pungeiis)^ c'est
le grain de cette Graminée qui domine.
Dans les forêts de chene-liége, le Cremaiogaster
sculellaris creuse des galeries dans le liège qu'il
transforme en labyrinthe et cause des dégâts très
sérieux. Sur certains points, on observe aussi sur les
mêmes arbres une autre fourmi du genre Campono-
tus, qui niche de la même façon dans le liège et dont
les galeries sont creusées dans les parois des galeries
du Cremaiogaster^ ce qui forme un nid double.
Le Camponotus ressemble au Cremaiogaster et,
grâce à ce mimétisme et à son agiUté, il peut parfois
circuler sans trop de danger dans les galeries du
Cremaiogaster.
Les Abeilles sont en honneur chez les Indigènes
sédentaires, qui apprécient le miel et en consom-
ment de grandes quantités. Les ruches sont à
proximité des forêts de chêne-hège, formées par un
gros cylindre de liège mâle; dans d'autres régions,
c'est une sorte de panier long en tige de férule ;
l'abeille algérienne est très active et très appréciée
des apiculteurs; le miel est variable suivant les sai-
sons et les régions, généralement parfumé ; il est,
chez les Indigènes, récolté sans soin et mal conservé.
SAUTERELLES. 287
Les Pucerons, Cochenilles et Kermès envahissent
un grand nombre de plantes spontanées et pullulent
parfois dans les cultures.
Les Aphis attaquent les fèves et d'autres Légumi-
neuses, les melons surtout, quand ces plantes sont
exposées à la sécheresse. Les orangers sont souvent
couverts de petites pustules noires, formées par le
Parlaioria Lucasi ; cette cochenille n'est malheureu-
sement pas combattue et envahit de plus en plus les
orangeries. Les oliviers sont parfois attaqués par
différentes cochenilles {Lecanicus), qui déterminent
la production de la fumagine.
Sur les figuiers, le Céroplaste s'implante sur les
rameaux.
La vigne nourrit quelques Cochenilles et porte
parfois sur ses racines et sans en souffrir, le Rhizœcus
falcifer, qu'à un examen superhciel on pourrait con-
fondre avec le phylloxéra. Quelques insectes mé-
ritent une mention spéciale, à cause des dégâts
considérables qu'ils causent dans les cultures. En
première ligne, viennent les Sauterelles, l'Altise de
la vigne et un ver blanc, le Douda des Arabes.
Sauterelles. — L'Écriture sainte a vulgarisé la
notion du terrible fléau que constituent les invasions
de sauterelles, mais ce n'est que de visu que l'on
peut s'en faire une idée exacte.
Les insectes désignés vulgairement sous le nom de
Sauterelles se divisent en deux groupes : les Sauterelles
proprement dites ou Locustiens^ caractérisées par
leurs longues antennes, l'oviscapte en forme de sabre
qui termine l'abdomen de la femelle et l'appareil
musical formé par leurs deux élytres, dont l'une sert
d'archet et l'autre d'instrument musical ; le deuxième
288 LA FAUNE.
groupe, celui des Acridiens, est caractérisé par la
brièveté de ses antennes, l'absence d'oviscapte en
forme de sabre chez la femelle et l'appareil stridula-
toire dans lequel l'archet est formé par les pattes
frottant contre les ély très. C'est à ce dernier groupe des
Acridiens qu'appartiennent les espèces dévastatrices.
Deux espèces sont à redouter en Algérie :
1" V Acridium peregrinum Ohvier, ou Criquet pèle-
rin, Djerad el Arbi des Arabes, qui vient du sud (du
Soudan probablement) en grandes invasions, tous les
dix ans environ. C'est la sauterelle de l'Écriture sainte ;
2° Le Staiironotus maroccanus ïhunberg, le Cri-
quet marocain, Djerad el Adami des Arabes, espèce
plus petite, qui existe toujours dans le pays et pres-
que tout le tour de la Méditerranée, mais qui, se
multipliant extraordinairement à certaines époques,
forme un fléau plus localisé, mais plus persistant
que la première .
Acridium. peregrinum. — Comme aux temps
bibliques, cette Sauterelle vient, de temps à autre, du
Soudan en nuées innombrables, qui se dirigent tou-
jours vers le nord, ravageant tout sur leur passage,
finissant, le plus souvent, par s'abîmer dans la mer,
qui rejette leurs cadavres en énormes cordons sur le
rivage. La putréfaction de ces masses d'insectes
engendre souvent la peste ou le typhus, dont les
ravages s'ajoutent à ceux de la famine produite par
leurs déprédations.
Adulte, le criquet pèlerin a le corps droit tout
d'une venue, ses grandes élytres transparentes et
tigrées dépassent l'abdomen. Sa longueur est de
5 centimètres pour le mâle, 7 pour la femelle. La
couleur varie avec l'âge; il est d'abord d'un rouge
SAUTERELLES.
289
vineux qui devient peu à peu terre de Sienne, puis
jaune citron, surtout chez le mfile. I.a femelle reste
a,
3
o
parfois d'une couleur vineuse ou même le redevient,
après avoir été jaune citron (1). L'abdomen de la
(1) Le prothorax porte certaines marques gravées en creux
Bkttandier et Trabut. — Algérie. 19
290 LA FAUNE.
femelle est muni d'une forte tarière cornée, qui lui]
permet de creuser le sol par un mouvement de rota-
tion, afin d'y enfouir ses œufs. Le trou ainsi creusé'
est cylindrique et vertical, de la grosseur d'un forti
porte-plume et d'une profondeur de 8 à 12 centi-
mètres. Pour creuser cette cavité, la femelle, ayant
son mâle sur le dos, recourbe son abdomen à angle
droit, et à mesure que le trou devient plus profond
les derniers segments abdominaux se développent
comme les étuis d'une lunette. Si l'on arrache vio-
lemment cette femelle de son trou, son abdomen
ressemble à un gros ver blanchâtre et luisant, de 8 à
d2 centimètres. Le trou terminé est enduit d'une
matière albumineuse, puis les œufs sont pondus en
grappe cylindrique de 4 à 6 centimètres de long.
Ils sont longs de 8 à 10 milUmètres sur 1 milUmètre
de largeur, agglutinés entre eux par cette même
substance albumineuse, dont la femelle remplit le
reste du trou jusqu'au ras du sol. C'est une protec-
tion, en même temps qu'une réserve alimentaire
pour les jeunes. Ce bouchon se dessèche en pelh-
cules blanchâtres.
Les sauterelles ne meurent pas, comme on le
croyait, après la ponte. Elles sèment bien des cada-
vres sur leur passage, mais, à moins d'épidémie
parasitaire, ces cadavres sont peu nombreux. Il est
démontré aujourd'hui, surtout par les expériences
de M. Kiinckel d'Herculais, que la même femelle
opère plusieurs pontes successives. Sur leur im-
mense parcours du Soudan au httoral, elles pondent
plusieurs fois et il est probable que ce sont les pro-
qui font dire aux Arabes que chaque criquet porte sur son
collier un numéro matricule.
SAUTERELLES. 29i
diiits additionnés de ces pontes successives qui
arrivent dans le Tell.
Le criquet pèlerin est muni d'ailes puissantes, il
vole comme l'oiseau A^ers le but où il veut aller et
n'est nullement porté par le vent. Bien au contraire,
il vole généralement contre le vent, dont il remonte
le courant. Si le vent est trop violent, il peut être
reporté en arrière, mais sans cesser de faire face,
et dès que la force du vent diminue, il revient
vers son but. Il va généralement du sud au nord,
mais en modifiant fréquemment cette direction sui-
vant les circonstances, pour contourner les massifs
montagneux, suivre les vallées, etc. Arrivées au bord
de la mer, les sauterelles dévient pour suivre le ri-
vage, parfois pourtant elles se lancent en avant, peut-
être dans l'espoir de la traverser et se noient en
masses énormes. Il n'est pas rare que deux vols
arrivent en sens inverse et se rencontrent. Il se
produit alors une certaine confusion, puis les deux
vols réunis prennent une nouvelle direction.
La vue des sauterelles semble avoir une grande
portée, car nous avons été témoins du phénomène
suivant : elles ont traversé la rade d'Alger (18 kil.),
et se sont détournées de la pleine mer.
Les sauterelles volent parfois à une grande hauteur,
formant de véritables nuages qui obscurcissent la
lumière du soleil, mais le plus souvent elles volent
à une faible hauteur, depuis le sol jusques à 3, 4, S ou
6 mètres. Ce sont celles qui cherchent à se poser
pour pondre, ce sont celles-là qui sont à craindre. On
dirait une chute de neige en énormes flocons, maie
ces flocons volent dans une direction horizontale.
Pourtant il s'en pose constamment à terre, d'autres
292 LA FAUNE.
repartent aussi. Le vol commence dès que le soleil
a pris une certaine force, vers huit heures du matin,
il s'arrête vers cinq ou six heures du soir, pour
recommencer le lendemain. Pendant la nuit, les sau-
terelles se posent et mangent. L'importance des vols
est variable. La densité, la largeur, la durée varient
beaucoup. Dans la dernière invasion, un vol très
dense a passé pendant douze jours consécutifs sur
la propriété de l'un de nous, sur une largeur de
2U0 mètres environ, sans que rien ait pu le détourner
de sa route.
Si les sauterelles rencontrent un champ de
légumes : pommes de terre, haricots, etc., il est
dévoré en peu de temps. A l'époque où elles arrivent,
les moissons sont généralement trop avancées et les
herbes sèches pour la plupart. Aussi craint-on sur-
tout pour la vigne alors en pleine végétation. C'est
là que se concentre la lutte. Ce n'est pas que les
sauterelles aiment beaucoup la vigne, et, dans les
vignes mal tenues, elles s'attaquent de préférence
aux mauvaises herbes, mais à défaut d'autre chose
elles mangent les ceps. Elles préfèrent les cépages
blancs, et dans les cépages noirs, ceux qu'elles trou-
vent les plus tendres. Dans l'invasion de i891, les
vignes bien travaillées leur convenant pour la ponte,
il était impossible de les empêcher de s'y poser.
Nous les avons vues couper des ceps gros comme le
petit doigt et finir par manger les feuilles couvertes
de bouilhe bordelais3 et même de soufre Schlœsing,
qui au premier abord les avait fait fuir.
On a souvent dit que les sauterelles s'entassent
sur le sol à un décimètre et plus de hauteur. Nous
croyons qu'il faut dans ces récits faire une large
SAUTERELLES. 293
part à l'exagoration. Nous ne les avons jamais vues
couvrir totalement le soL Le plus que nous en ayons
vu, sauf dans des cas tout h fait particuliers, dus à
l'intervention de l'homme, c'est 200 par mètre
carré.
Pour la ponte, elles choisissent les terrains les plus
meubles et se réunissent en taches rondes, parfois
en Ugnes, suivant la nature du sol. On peut alors
les écraser sans qu'elles bougent.
Pour se défendre contre les sauterelles ailées, on
peut les écraser ou les ramasser la nuit et pendant
la ponte. On y arriverait facilement en pays très peu-
plé, mais en Algérie c'est le plus souvent imprati-
cable. Des filets pourraient aussi arriver aies ramas-
ser en grande quantité et l'on pourrait en faire de
l'engrais; toutefois ce procédé, recommandé par
M. DessoUers, n'a jamais été mis en pratique. On se
borne le plus souvent à faire le possible pour éviter
les pontes et l'on n'y parvient pas toujours, les
nuages artificiels ont été tout à fait impuissants, les
sifflets de machine h vapeur ont, dit-on, écarté quel-
ques vols. On cherche d'ordinaire à les empêcher
de se poser, en faisant le plus de bruit possible en
frappant sur des chaudrons, en les frappant à terre
avec des branches, mais inutilement bien souvent.
Un moyen avantageux pour les vignes est le sui-
vant: un certain nombre de porteurs tendent une
longue corde, d'où pendent des bandes de toile, dans
tous les intervalles des rangs de ceps qui ne sont
pas occupés par un porteur. Ces bandes balayent les
intervalles des rangs. Avec huit porteurs, on peut
ainsi balayer quinze rangs et même vingt-deux. Mal-
gré ces précautions, dans la majorité des cas, les
294 LA FAUNE.
sauterelles pondent quand même, et bientôt après
abandonnent le théâtre de leurs exploits. Que devien-
nent-elles ? Elles continuent plus loin pendant quel-
ques jours la môme manière de faire, puis disparais-
sent totalement. Beaucoup se noient en mer, un
certain nombre se cantonnent dans les marais ; les
autres meurent naturellement ou par des maladies
parasitaires.
Mais la graine qu'elles ont laissée dans le sol est
bien vivante et c'est là qu'est le danger principal.
Les dégâts causés parles sauterelles adultes ne sont
rien, comparés à ceux de leur progéniture. Les œufs
mettent à éclore un temps qui peut varier de dix-
sept à trente-six jours, suivant la nature du sol, la
profondeur où ils ont été enfouis, la température et
peut-être d'autres conditions. D'abord d'un jaune
brunâtre et hyalins, ils ne tardent *pas à se gonfler, à
devenir opaques et d'un blanc grisâtre, le plus sou-
vent ils sont comme poudrés par des efflorescences
blanchâtres de nature cryptogamique. Bientôt, à tra-
vers l'enveloppe de l'œuf, on distingue l'insecte qui
ne tardera pas à éclore. C'est contre l'œuf que porte
surtout la campagne défensive. Les Arabes prêtent
à Mohamed le dicton suivant : « La sauterelle pond
99 œufs ; si elle en pondait 100, le monde n'existerait
plus. » Les grappes sont en effet de 80 à 120 œufs.
Lorsque les pontes sont abondantes dans le sol, elles
le font fendre à mesure que les œufs grossissent.
On peut faire ramasser les œufs à la pioche, en les
payant tant le boisseau. Ils forment un excellent
engrais, mais dans les grandes invasions, il faut des
systèmes plus expéditifs. Les labours rendent de
grands services, mais les résultats varient suivant la
SAUTERELLES. 29o
nature du. terrain. Dans les terres fortes, un seul
labour à 15 centimètres de profondeur suflit pour
tout détruire ou à peu près. SU s'agit d'une vigne, il
faut piocher partout où la charrue n'a pu atteindre.
Si la terre se met en mottes grosses comme le poing
ou même comme les deux poings, les œufs se dessè-
chent totalement. 11 en va autrement dans les ter-
rains meubles et surtout dans le sable. Il vaudrait
mieux alors labourer profondément, car les œufs
enfouis à plus de 15 centimètres de profondeur
n'éclosent pas, ou plutôt les jeunes qui en résultent
ne peuvent pas atteindre la surface (1). Si l'on fait
des labours légers, et il n'est pas possible d'en faire
d'autres dans les vignes, seuls les œufs amenés à
la surface sèchent. A 5 centimètres dans le sable,
tous les œufs, même désagrégés, éclosent. On se
trouve bien, en pareil cas, de hersages fréquents.
Malgré tout, quand les pontes ont été abondantes,
il éclùt beaucoup de criquets dans les terrains
sableux. C'est contre eux qu'il va falloir diriger la
lutte, et non seulement contre ceux de son propre
terrain, mais aussi contre les colonnes venant du
dehors. On peut aussi dans certains cas détruire les
œufs en les noyant. Il suffit d'irriguer à grande eau:
tous pourrissent.
Dès que le jeune criquet éclôt, il est un peu plus
long que l'œuf et tout blanc. A ce moment, il est à
peu près immobile. On peut en écraser beaucoup, en
les frappant soit avec des sacs alourdis par un peu
déterre, soit avec des branches bien feuillées, comme
celles d'Eucalyptus. On peut aussi les arroser avec
(1) C'est ce qui résulte des expérieDces efifectuées par l'un
de nous.
â96 LA FAUNE.
des solutions d'acide phénique à 4 p. iOO ou de
l'huile lourde de houille émulsionnée. Mais sur la
même place, il éclut des criquets sept à huit jours
de suite et il faut recommencer tous les matins. Sitôt
que le soleil a frappé les jeunes criquets, ils devien-
nent tout noirs et fort agiles. Ils semblent s'être
raccourcis, leur tête s'est développée, ils ressemblent
alors à des mouches, et commencent bientôt à man-
ger. Rien ne peut donner une idée de l'appétit du
jeune criquet, Il dévore tout ce qu'il rencontre,
même les champs de tabac, sans paraître incommodé.
Tous les soirs, au coucher du soleil, les jeunes cri-
quets se rassemblent en tas et cherchent d'abord les
rayons du soleil couchant, puis des abris, car Us
sont frileux. Si l'on met à leur portée des paquets
de paille ou de broussailles, ils se cachent dessous.
Si l'on y met le feu à la nuit tombante, aucun
n'échappe. Lorsqu'ils sont dispersés dans les pieds
de vigne, on peut en prendre avec des entonnoirs à
Altises; mais comme ils ont une grande tendance à
se mettre en troupes et h marcher en colonnes com-
pactes, il vaut mieux, pour les détruire, profiter de
cette disposition (1). De distance en distance, on
creuse de petites fosses, et avec des branches on y
conduit les criquets que l'on enterre rapidement.
Après la première mue, ils ont encore leur couleur
noire avec des stries blanches. Ils continuent à gros-
sir, mais sans pouvoir voler jusqu'à la cinquième
mue ; ils deviennent alors des insectes parfaits. A
chaque mue, ils augmentent de volume, deviennent
(l) 11 est bon de relever les branches des ceps et de les lier
toutes ensemble avec du raphia. Les criquets y séjournent
moins et se mettent plus facilement en colonne.
SAUTERELLES. 297
plus vigoureux, et leur corps se bariole de teintes
blanches ou rosées assez élégantes. A mesure qu'ils
grossissent, leur pouvoir dévorant croît en propor-
tion. Ils dévorent tout sur leur passage, même les
cadavres de leurs compagnons moris. Il arrive môme
qu'ils sebatteiit pour s'entre-manger, en vrais canni-
bales. Dés les premières mues, ils cherchent à se ras-
sembler en colonnes si compactes qu'elles couvrent
le sol d'une couche noire continue, de largeur et de
longueur très variables. On dirait une bande d'étoffe
rampant d'elle-même sur le sol, à la manière d'un
reptile. Certaines de ces bandes ont plus d'un kilo-
mètre de longueur. Cette phalange va droit devant
elle, suivant toujours invariablement" la tête de
colonne. Celle-ci peut d'ailleurs prendre une direc-
tion quelconque, suivant qu'elle est effrayée ou
qu'elle trouve un chemin plus propice. On peut la
diriger, en lui préparant des chemins propres et bien
ratisség. La nuit, les colonnes s'arrêtent et dévorent
tout ce qu'elles rencontrent. 11 en est de même le
jour, si elles rencontrent de la verdure. Si l'on creuse
une fosse sur le trajet de la colonne, elle donne
dedans tête baissée jusqu'à ce que la fosse soit
pleine, après quoi le reste passe par-dessus. Cette
tactique réussit partout, si l'on a soin d'empêcher
par des obstacles que la colonne n'évite la fosse.
Mais le principal moyen de combattre les jeunes
criquets consiste à barrer de vastes étendues par un
mur continu, soit en toile, soit en zinc. Les criquets
encore dépourvus d'ailes arrivent contre ce mur et
essayent de l'escalader. Les défenseurs s'y opposent,
soit en rendant le mur glissant (zinc bien net), ou
en mettant au haut du mur de toile une bande con-
298 LA FAUNE.
tinue de un décimètre de largeur environ en toile
cirée, ce qui constitue Tappareil Durand, dit à tort
appareil cypriote, soit en frappant les toiles pour
renverser les assaillants. Ceux-ci se mettent alors à
longer la toile et tombent dans des fosses préparées
d'avance qu'ils remplissent pendant qu'on en pré-
pare d'autres. Les criquets sont détruits dans les
fosses de diverses manières, soit en les piétinant
s'il y en a peu, soit en les recouvrant de terre, soit
en les brûlant par le feu, l'acide phénique ou l'huile
lourde de houille. Leurs cadavres dégagent une odeur
fade écœurante. On peut par ces moyens défendre
une commune, voire même un pays entier aussi bien
qu'un simple champ. 11 arrive aussi que ces défenses,
si longues qu'on les fasse, soient tournées et qu'il
faille se replier en arrière.
Les murs en zinc sont généralement formés de
lames de 45 centimètres de haut sur l^'joOdelong. On
peut les pincer deux ensemble à leurs extrémités en
contact par une pince en fer qui sert en même temps
de piquet, ou bien on les cloue sur des piquets en bois.
Les bandes de toile ont des boutonnières, dans les-
quelles on passe une corde que l'on attache de dis-
tance en distance à des piquets. Devant la toile, on
creuse un léger fossé avec les déblais duquel on
recouvre le bas du mur de toile pour ne pas laisser
de trous. Ce fossé servira de chemin aux jeunes cri-
quets. Le brouillard ternit vite le zinc et alors les
criquets y grimpent très bien individuellement,
comme après les appareils cypriotes, mais les
colonnes sont quand même arrêtées. De simples
planches posées sur champ et couronnées d'une
petite lame horizontale de zinc forment une bonne
SAUTERELLES. 299
protection. Si la lame de zinc ne fait saillie qu'en
dehors du champ à protéger, les criquets intérieurs
peuvent sortir sans que ceux du dehors puissent
entrer. C'est parfois une honne précaution. On peut
encore se défendre avec des fossés h parois verti-
cales, en repoussant avec des branches les criquets
qui les escaladent, mais il faut beaucoup de monde.
Si les criquets couvrent de vastes espaces où l'on
puisse sans grands dommages promener Tincendie,
c'est encore un puissant moyen de destruction.
Dans un pays peuplé, on pourrait facilement
détruire la totahté de ces animaux, mais dans de
vastes étendues broussailleuses, comme il en existe
beaucoup encore en Algérie, de grandes quantités
parviennent à l'état parfait. La sauterelle subit la der-
nière mue et sort avec ses ailes. Sa taille est encore
inférieure à la normale. Dès lors il n'y a plus à s'occu-
per d'elle, tout danger est passé. Pendant un jour
ou deux ces jeunes criquets ailés vont essayer leurs
ailes, se réunir en troupes, puis un beau matin on
n'en voit plus un seul. On assure qu'ils s'élèvent à
une grande hauteur dans Tair et s'en retournent direc-
tement vers le sud.
Les principales invasions de criquets pèlerins ont
eu heu, depuis la conquête de l'Algérie : en 18^5-46,
(mêlés avec le Stauronotus), en 1866, en 1874 et
en 1891. Dès novembre 1890, on signalait les criquets
dans l'extrême Sud.
Stauronotus marocanus. — Le Stauroyiotus maroca-
niis est bien plus petit que V A cridinm peregrinum. Le
mâle a une longueur de 20 à 25 milhmètres, la
femelle a 4 centimètres, sa couleur est grisâtre avec
les derniers articles des pattes rouges. Se multipliant
300 Lh. FAUNE.
dans le pays même, il n'a pas dans son vol de direc-
tion bien déterminée. Beaucoup moins fort que
V Acridium, ses ailes ne servent guère qu'aie soutenir
et c'est le vent qui le pousse. Ses invasions sont
parfois de longue durée : cinq, six, sept et même
huit ans. Les Indigènes'prétendent que de leur temps
il restait moins longtemps. Gela n'a rien d'impos-
sible. N'étant pas détruit et se multipliant à son aise,
il devait succomber à la famine qu'il semait autour
de lui, et plus encore aux maladies parasitaires
résultant de l'encombrement.
Comme celle deVAciidiiim, la femelle du Stauro-
notus pond ses œufs dans les sols légers. Ces œufs, au
nombre de trente environ, sont enfermés dans une
coque ovigère de la grosseur d'un haricot. Ils mettent
neuf l\ dix mois à éclore. Comme pour VAcridium
peregrinum, il faut aux jeunes un peu plus d'un mois
pour atteindre leur développement complet et les
jeunes restent encore une quinzaine de jours avant de
prendre leur vol. Ils s'envolent vers les champs où ils
trouvent de la verdure, puis finissent par disparaître.
Il importe de détruire les œufs, on a pour cela un
temps considérable-. Si l'on ne peut ramasser les
coques, il est bon de faire des labours peu profonds
et de fréquents hersages. Les alouettes, gros becs,
calendres, sansonnets, etc., en sont friands et aident
à leur destruction, mais la dessiccation des coques
est le principal facteur de destruction. Le jeune est
moins agile, dans les premiers jours, que le jeune de
VAcridium.
Les moyens de lutte contre eux sont à peu près
les mêmes que ceux que nous avons déjà exposés.
Ennemis des criquets. — Dans sa lutte contre les
i
SAUTERELLES.
301
sauterelles, l'homme a plusieurs auxiliaires, dont les
plus précieux sont de nature parasitaire.
Les plus apparents sont les oiseaux acridophages,
mais ce ne sont pas eux qui font le plus de besogne au
moment des invasions. Lors des grandes invasions de
pèlerins, les oiseaux disparaissent totalement de l'en-
droit envahi, même les moineaux dans les heux où
ils pullulent le plus. Mais vers la fin de la campagne,
Fjg. 28. — Idia fasciala.
lorsque la majeure partie des jeunes criquets a été
détruite, ils emportent une bonne partie des survi-
vants pour nourrir leurs petits. On a préconisé l'in-
troduction de diverses espèces de Martins et spéciale-
ment du Martin triste, pour combattre les cri quel s.
La destruction des perdrix, cailles, gangas, depuis
la conquête, doit profiter beaucoup à la multiplica-
tion du Stauronotus, dans les Hauts-Plateaux.
Une mouche, Vldia fasciata (fig. 28), détruit souvent
une grande partie des pontes, elle dépose ses œufs
302
LA FAUNE.
sur les coques ovigères qui sont bientôt dévorées
par des larves carnassières.
Altise de la Vigne. — L'Altise de la Vig^ne, Altica
ampelophaga (fig. 29), est un petit coléoptère, assez
semblable à une Bête à bon Dieu, hémisphérique, un
peu allongé, d'un vert métalUque uniforme, très lui-
sant. Quoique connue en France, l'Altise de la Vigne
est loin d'y causer les môme dégâts qu'en Algérie.
Dès que la Vigne commence à pousser, en mars,
Fi*?. 29. — Altise de la viorne.
Fig. 30. — Entonnoir
à Altises.
l'Altise, terrée jusque-là, sort de ses gîtes et envahit
la plantation. Si elle se réveille avant la Vigne, quel-
ques plantes, parmi lesquelles on peut citer le Pal-
tenis spinosa^ peuvent l'héberger quelques jours.
Elle commence par manger les jeunes feuilles de la
Vigne, mais ses dégâts à l'état d'insecte ailé ne sont
rien à côté de ceux de sa larve. 11 faut donc autant
que possible empêcher les pontes. Gomme ses congé-
nères, l'Altise de la Vigne est un insecte très vif, sau-
tant avec agiUté, et par suite difficile à ramasser dans
la journée; mais avant le lever du soleil, il est en-
gourdi et se laisse prendre assez facilement. On se
sert généralement pour cela de larges entonnoirs en
zinc, échancrés sur le côté pour laisser passer le pied
ALTISE DE LA VIGNE. 303
du cep de vigne (fig. 30). Au centre de l'entonnoir,
est un petit tuyau auquel on adapte un sac en toile.
L'entonnoir passé sous le cep, on secoue celui-ci et
les Altises glissent dans le sac, que l'on vide quand
il est plein, après l'avoir immergé dans l'eau bouil-
lante un temps suffi sant pour tuer l'Altise. Cet enton-
noir est parfois remplacé par de grands entonnoirs
en toile, recouverts de goudron. On a essayé en
A^ain de pulvériser sur l'Altise des liquides corrosifs
ou toxiques: pétrole, huiles lourdes, etc., rien ne
peut l'atteindre sous ses élytres. Avec l'émulsionde
pétrole, elle tombe inanimée, on la croit morte; une
demi-heure après elle repart plus vive que jamais.
L'Altise pond ses œufs en plaques à la face inférieure
des feuilles ; rien à faire contre eux, mais dès qu'ils
sont éclos, il faut se mettre à la lutte. La poudre de
chaux, le soufre d'Apt, tuent beaucoup de larves,
mais si elles sont abondantes, le mieux est d'enlever
les feuilles qui en sont chargées. Quand les larves
sont jeunes, on peut laisser sur place les feuilles ar-
rachées, la larve sèche avec elles, mais, si elles sont
déjà grosses, il faut les emporter loin de la Vigne,
car elles regagneraient le pied. Ces larves sont en
forme de petite chenille velue. Leur pouvoir dévo-
rant est considérable. Comme les jeunes criquets,
elles mangent tout le parenchyme des feuilles, ne
laissant que les nervures en forme de dentelle. Elles
exercent en outre sur les feuilles une action délétère
et font sécher celles qui sont attaquées. Souvent
elles rongent l'écorce du pédoncule, des grappes
qu'elles font périr, et même l'écorce tendre des jeunes
pousses. L'Altise fait en Algérie trois pontes par an;
si on ne la combattait activement, elle détruirait
304
LA FAUNE.
totalement les récoltes et pourrait même faire périr
la Vigne. Parfois d'immenses vols viennent s'abattre
sur les vignobles les mieux tenus et réduire à néant
les efforts des viticulteurs. Aussi les pouvoirs publics
se sont-ils préoccupés de rendre l'échenillage obliga-
toire, mais, dans la pratique, ce n'est point facile.
Certaines municipalités ont établi des primes pour
destruction de ces insectes. Lorsque la Vigne perd
ses feuilles, l'Altise cherche des abris. Elle paraît
craindre le froid et la pluie, elle se cache sous les
Fi"r. 31.
Dacus de l'Olivier.
broussailles, sous les tas d'herbe, sous l'écorce des
arbres. On profite de cette disposition pour lui
offrir des abris trompeurs, sous lesquels on la brûlera
l'hiver. Une loi prescrit la destruction des broussailles
h 50 mètres des Vignes.
L'Altise paraît avoir été importée en Algérie, car
certains vignobles et des régions entières en sont
encore indemnes, mais elle envahit rapidement.
L'Altise a pour ennemis : 1° une Punaise de môme
couleur qu'elle, qui perce ses larves et suce leur con-
tenu; 2° un hyménoptère de la famille desBraçonides,
le Perilitus brcvicollis^ qui pond ses œufs un à un dans
chaque larve d'Altise. A l'œuf succède une larve para-
VER BLANC. 305
site, qui détruit sa nourrice, la larve de l'Altise. Cet
insecte n'a pas été retrouvé, il est malheureusement
rare. Les Crapauds mangent aussi un certain nombre
d'AItises, mais ce secours est peu appréciable. Enfin
un Isaria, introduit récemment, se développe pen-
dant l'hiver sur les Altises et a pu à Tlemcen dé-
truire toute la génération qui devait passer Thiver
cachée dans les abris les plus variés.
Les ohviers sont sur certains points attaqués par le
Dacus oleœ (fig. 31), qui pond ses œufs dans les jeunes
olives.
Ver blanc. — C'est un ennemi redoutable des cul-
tivateurs installés dans le haut Tell surtout; ce Ver
n'est pas, comme en France, la larve du Hanneton, mais
celle d'un coléoptère appartenant au même groupe,
le Rhizolrogue. Les Rhizotrogues ont une couleur
marron foncé, sont plus petits que le Hanneton et ne
portent pas d'appendice sur le dernier anneau de
l'abdomen. En été, on les voit, le soir, voler par nuées
au-dessus des champs. Ace moment, les terres argi-
leuses, qu'ils affectionnent, sont crevassées et offrent
des voies nombreuses de pénétration pour les femelles,
qui vont pondre dans la terre les œufs qui devien-
dront la terrible larve que les Arabes appellent Douda.
Ces larves rongent toutes les racines et, dans les
territoires infestés, on voit d'immenses taches ayant
parfois plusieurs hectares où toute végétation a dis-
paru. Ces taches vont s'agrandissant à mesure que
les Vers étendent leurs ravages en s'éloignant du
centre. Les Indigènes sèment une deuxième et même
une troisième fois ces surfaces dénudées. Souvent
les dégâts sont plus tardifs et il est impossible de
j(3ter encore de la semence avec quelque chance de
Battandier et Trabut. — Al^iérie. 20
306 LA FAUNE.
faire une récolte. Une plante résiste cependant, c'est
ï F cbolium elaterium [Concombre d'âne). Cette Cucur-
bitacée couvre parfois à elle seule de très grandes
surfaces où, grâce à ses racines profondes et proba-
blement peu recherchées par le Douda, elle a pu se
maintenir. ]
Le Douda, sur le Uttoral au moins, est sujet à des
maladies qui limitent ses dégâts; quand on visite
pendant l'été les terres à Douda, on trouve facilement
des larves momifiées blanches farineuses et envahies
intérieurement par une trame blanche de champignon.
Ce parasite est un voisin de VIsarïa densa ou Botrylis
tenella du Hanneton. Il se cultive aussi facilement sur
pomme de terre et peut par ce moyen être propagé.
Phylloxéra. — Il a été constaté en Algérie, en 1885,
à Tlemcen. Depuis, le redoutable insecte n'a pas
entamé sérieusement l'ensemble du vignoble. Une
législation spéciale a protégé, dès 1883, l'Algérie
contre toute introduction de sarments et si les viti-
culteurs s'étaient conformés aux avis qui leur ont été
prodigués, ils se seraient abstenus de faire venir en
contrebande des sarments de pays contaminés et
auraient ainsi évité d'introduire ce parasite dange-
reux. A Tlemcen et à Sidi-bel-Abbès, premiers foyers
constatés, la lutte a été soutenue par an syndicat
local digne d'éloges. Il existait à Tlemcen 794 hec-
tares de vigne en 1885 et il en existe aujourd'hui 1 499.
A Sidi-Bel-Abbès :. de 1885 à 1894, l'arrondissement
passe de 1 776 à 7 043. A Mascara, pour des rai-
sons diverses, la lutte n'a pas été entreprise avec
l'énergie désirable ; aussi, sur ce point seul, dans le
département d'Oran, le Phylloxéra n'est pas enrayé.
Dans le département de Constantine, à Philippe-
MOLLUSQUES. 307
ville, la lutte par l'extinction n'a pas non plus été
bien organisée et soutenue ; il en est résulté la con-
tamination entière du vignoble ; il en est de morne à
Jemmapes et à Bùne.
Le département d'Alger est encore indemne.
Les foyers des deux départements contaminés
sont au nombre de quinze : sept dans le département
d'Oran : Tlemcen, Sidi-bel-Abbès, Mascara, Saïda,
Gargenta, Kleber ; huit dans le département de Cons-
tantine : Philippeville, Jemmapes, Gastu, El Arrouch,
Heliopolis, Bùne, La Galle, Sillegue.
Dans la région de Philippeville, les Vignes améri-
caines prennent une grande vigueur et paraissent
devoir assurer, dans de bonnes conditions, la recons-
titution du vignoble détruit, les terres y sont pro-
fondes, fraîches et pas calcaires.
VIL — Mollusques, Vers et Cœlentérés.
Mollusques. — Les Mollusques terrestres et d'eau
douce de l'Algérie, comme les Plantes et comme les
Insectes, se rattachent à des espèces ou à des genres
de la région méditerranéenne. On retrouve sur notre
littoral les Mollusques des îles de la Méditerranée et
des rivages européens; le genre Hélix est représenté
par un très grand nombre de formes.
Les Mollusques marins sont ceux de la Méditerranée ,
les espèces particulières à nos côtes sont peu nom-
breuses.
L'Ostréiculture n'a pas encore été tentée sérieuse-
ment sur les rivages de l'Algérie.
Annélides. — La Sangsue d'Alger [Hirudo inter-
rupta)a, été l'objet d'un grand commerce pendant que
308 LA FAUNE.
florissaient les doctrines de Broussais ; elle est abon-
dante dans les sources et dans les marais perma-
nents, surtout dans la région montagneuse.
Les Lombrics ou Vers de terre se rencontrent sur-
tout dans les jardins. Aux premières pluies, on
observe dans les jardins d'Alger un Photodrilus ou
Lombric phosphorescent qui le soir sort de terre et
illumine le sol; cette phosphorescence doit être pas-
sagère et coïncider avec l'accouplement.
Corail. — L'histoire naturelle du Corail, qui est
abondant sur le httoral Est de l'Algérie, a été faite par
un de nos vénérés maîtres, M. Lacaze-Duthiers (1),
qui consacra une année à cette étude si remarquable
(octobre 1860 à octobre 1861).
Le corail est péché surtout dans la région de La
Galle; la prise du corail s'effectue par l'entortillement
autour de ses rameaux de brins de ficelles ayant
servi à faire des filets; lorsque ces rameaux sont
supposés bien enlacés, une forte traction les casse,
ils restent accrochés et sont retirés avec l'engin.
Mais le corail se fixe et se développe au-dessous des
rochers, et ces rochers, qui sont ainsi garnis, portent
le nom de bancs ; les pêcheurs acquièrent une
grande habileté à relever ces bancs. Ce relèvement
se fait sans instrument, l'habitude seule et une intui-
tion remarquable guident ces pêcheurs. Le corail vit
à partir de 10 mètres de profondeur, mais on le
trouve le plus souvent entre 90 et 150 mètres.
Le corail est péché par des Italiens, sans aucun
bénéfice pour l'Algérie, car les frais de garde et de
surveillance ne sont pas payés par les droits de pêche.
(1) L\iCdiiç,-\}\xi\ùeTQ^ Histoire iiatureUe du Corail, Paris, 1864.
CHAPITRE VITl
GÉOLOGIE
L'âge du relief orographique aussi bien que les
formations scdimenlaircs qui le constituent, ratta-
chent bien plus l'Algérie à l'Europe, plus spéciale-
ment à l'ensemble du bassin de la Méditerranée,
qu'au reste du continent africain, cet immense pla-
teau de roches cristallines ou paléozoïques, très
anciennement émergé et auquel les sédiments du
Nord ne sont venus annexer leur relief qu'à une
époque relativement récente. Aussi on peut dire, avec
M. Pomel, qui, le premier, a mis ce fait en évidence,
que la limite naturelle de l'Europe est bien plutôt le
Sahara que la Méditerranée.
Les massifs montagneux du nord de l'Afrique
sont le résultat d'une série de plissements qui se
sont succédés pendant la période tertiaire. Ces mou-
vements orogéniques sont contemporains de ceux
qui ont produit le relief définitif de la chaîne des
Pyrénées et des grandes Alpes. Les plus importants
ont eu leur influence principalement à la fin de
l'époque éocène; mais c'est surtout dans la dernière
partie du Miocène que les grandes lignes orographi-
ques se sont dessinées.
Les sédiments des terrains tertiaires éocènes ont
été portés aux altitudes les plus élevées dans les
crêtes principales, et les dépôts miocènes ont con-
310 GÉOLOGIE.
tribué à former des chaînes importantes, témoignant
ainsi de leur participation à l'orographie générale.
Les terrains plus récents du Miocène supérieur et
du PUocène se sont au contraire cantonnés sur le
Uttoral, formant des chaînons de moindre importance
et d'une altitude relativement faible.
Tout le reUef orographique de l'Algérie se rattache
au massif principal de l'Atlas, qui se décompose en
chaînes parallèles au bord de la mer. En Algérie, on
distingue facilement deux grands axes principaux,
l'un, dans le ïell, à une faible distance de la mer,
l'autre, plus au sud, à la hmite du Sahara. Dans
la région occidentale ou oranaise surtout, ils sont
séparés par une large zone moins surélevée et formant
une série d'immenses plateaux; mais dans la partie
orientale ou constantinoise, les deux chaînes sont
coupées par des chaînes secondaires, si bien que la
région des plateaux perd son aspect uniforme, elle
se transforme en une série de plaines, limitées par
des chaînons et dominées de tous côtés par des som-
mets souA^ent isolés au miheu d'elles.
Les plissements du nord de l'Afrique ont mis en
rehef surtout des terrains secondaires et des terrains
tertiaires; mais de grandes érosions ont emporté
les couches supérieures et mis à nu les assises in-
férieures, charriant dans les parties plus basses de
puissants dépôts d'alluvions.
La prédominance des terrains de grès et des roches
argileuses est très remarquable et c'est sous l'in-
fluence d'une désagrégation souvent très prompte,
que ces grès fournissent les masses énormes de
sable que les vents charrient, puis accumulent en
dunes, surtout dans la région désertique où la rareté
GÉOLOGIE. 311
(les pluies supprime le manteau protecteur des arbres
et des gazons.
Si, dans le département d'Oran, on trouve les ter-
rains jurassiques à nu dans toute la région monta-
gneuse de Tlemcen, Saïda, Tiaret, c'est que le man-
teau crétacé dont on peut voir encore les lambeaux
sur les flancs des massifs a été en grande partie
détruit et entraîné par les érosions.
Dans l'Est, le Jurassique est recouvert encore et
ne pointe que sur de faibles étendues.
11 paraît évident que les massifs montagneux de
l'Algérie étaient plus élevés à la fin du tertiaire qu'à
l'époque actuelle; mais, par suite de la nature peu
résistante des matériaux et d'nne action érosive
très puissante, les sommets se sont progressivement
abaissés et un nivellement général a commencé pour
se continuer encore de nos jours.
Les massifs plus soUdes ou plus puissants ont
résisté et portent encore leurs cimes au delà de
2 000 mètres, comme les pics de l'Aurès, des Babor,
du Djurjura, de l'Ouarsenis, du Mzi.
Pendant que les actions répétées de plissements
produisaient un relief d'autant plus accidenté que
l'on s'avance plus vers le Nord, le Sud, resté à peu
près en dehors de ces grandes oscillations, conser-
vait l'horizontalité de ses sédiments, dans toute la
partie occupée aujourd'hui par le Sahara.
Le fond de la Méditerranée, par un effet de
compensation de l'exhaussement du Tell, se trouve
abaissé, à une faible distance de la cote, à plus
de 2 000 mètres, et l'Algérie forme ainsi une
sorte de bourrelet montagneux. De l'autre côté du
Sahara, les dépôts plus anciens sont profondément
312 GÉOLOGIE.
découpés et entaillés dans les massifs des Touaregs,
et au delà, c'est l'Afrique primordiale du granit et
des terrains paloozoïques.
La carte géologique de l'Algérie, qui est aujour-
d'hui arrêtée dans ses grands traits, a été surtout
l'œuvre de M. Pomel. Ce traA^ail, entrepris en 1853, a
réclamé de son auteur une activité et une sagacité
au-dessus de tout éloge. C'est à cette source que
nous puiserons les renseignements nécessaires
pour mettre en vue les caractères dominants de la
constitution du sol algérien.
Schistes cristallins et terrains paléozoïques. —
Les terrains cristallisés anciens sont peu développés
en Algérie; cantonnés dans la région littorale, ils
forment des caps ou des massifs voisins de la mer,
disséminés depuis Bône jusqu'à Alger; ce sont les
monts de l'Edough à Bône, le massif qui s'étend de
PhiUppeville à DjidjelU, le massif Kabyle au pied du
Djurjura, la Bouzaréa à Alger. Ces terrains com-
prennent quatre divisions principales :
a. Bu gneiss, formant des masses puissantes;
b. Des micaschistes, généralement superposés au
gneiss ;
c. Des calcaires, plus ou moins cristallins et sou-
vent de véritables marbres qui sont intercalés dans
les gneiss et les schistes et fréquemment accompa-
gnés de gisement de fer magnétique ;
d. Des schistes détritiques, accompagnés de con-
glomérats.
Ces roches cristallophylliennes sont traversées par
des roches granitoïdes éruptives : ce sont des pegma-
tites ou des granuhtes souvent tourmaUnifères.
Dans la province d'Oran, également sur le htto-
TERRAINS JURASSIQUES. 313
rai, on trouve un syslème de schisfes phi/lladiens,
ardoisiers par place, passant aux quarlzilos dans
d'autres, accompagnés aussi de calcaires compacts
souvent cristallins, avec minerai de fer oligiste ou
carbonate. A Oran et dans le massif des Traras, les
assises, relevées jusqu'à la verticale, se présentent
en îlots à relations stratigraphiques obscures, elles
sont de plus privées de fossiles déterminables.
L'âge réel de ces schistes oranais ne peut donc
être précisé et ce n'est que par l'analogie de leur
faciès pétrograpbique avec les régions siluriennes
du midi de l'Europe que les schistes et quartzites
des Traras et de Garrouban ont été rapportés provi-
soirement à cet étage.
Les schistes de Garrouban sont riches en fdons
métalUfères (cuivre, plomb).
Quant aux schistes d'Oran, d'Arzeu, du Rio Salado,
ils seraient moins anciens, mais cependant encore
antérieurs au Jurassique (Trias).
Terrains jurassiques. — La série des terrains
jurassiques est bien développée sur le flanc du
grand Atlas marocain, elle pénètre dans le départe-
ment d'Oran par le bord septentrional des Hauts-
Plateaux et par le chaînon littoral des Traras.
Le Jurassique des Hauts-Plateaux oranais se
continue jusqu'à Taguin et Chellalah. Dans le dépar-
tement d'Alger, les roches jurassiques forment des
pointements entourés par le Tertiaire ou le Crétacé.
C'est ainsi que cette formation presque exclusi-
vement calcaire constitue, sous forme de roches
escarpées, les sommets de FOuarsenis, les crêtes du
Djurjura, la crête du Gourraya de Bougie, les massifs
du Chabet entre Bougie et Sétif et les Babor. Aux
314
GÉOLOGIE.
environs de Batna,ce sont encore des crêtes peu éten-
dues mais culminantes ainsi qu'au Bou-Thaleb et au
Kerdada de Bouçada. Bien que le Jurassique ne
paraisse à découvert que par des îlots dans ces reliefs
montagneux de l'Est, on peut cependant, d'après
M. Pomel, le regarder comme formant le substratum
fondamental de tout l'Atlas oriental. Les caractères
du Jurassique d'Algérie et la distribution de ce terrain
peuvent se résumer dans les tableaux suivants,
d'après la description stratigraphique de l'Algérie
par M. Pomel :
Terrains jurassiques.
Astarto-ptérocérien et Corallien.
SUCCESSION DES ROCHES, FOSsILES.
./Calcaires et Dolomies,
I S l grès rouges et schistes,
>: v^ ' calcaire gris ou bleuà-
•2 p i tre, parfois marneux.
'^ '^ f Nalica hemisp/ierica, né-
^\ i'inées, Ostreasolitaria.
Grès avec lentilles de cal-
caires coralliens.
Polypiers , Cidaris fiori-
gemma^ Glypticus hicro-
fjlyphicus , Hemicidaris
crenularis .
Doloiuie à crinoïdes et po-
lypiers.—Argiles et grès.
Ammonites tortisulcatiis,
Terebratula insignis, Ho-
lectyinis punctulatus ^ Coi-
lifvites bicordata, Cli/peus
Ilugil, Pyguriis Ilausmani^
Crinoïdes.
o
PRINCIPALES LOCALITES.
Très développé dans la pro-
vince d Oran : Tlemcen, aux
Cascades, plateau de Terni.
Oued Tenira, Ain Fekan,
Gery ville, Aflou (dj. amar).
Alger : Djurjura, grès rouge
et schistes.
Constaniine : Bou Thaleb,
Batna (faciès tilhonique à Tere-
bratula janitor.
Oran : Tlemcen, Boumédine,
Lalla Magrhnia, Oued Moui-
lah, les Traras, massif du Ma-
roc à Tlemcen, escarpements
ch< z les Djafra.
Saïda, Ain Nazereg, Crête
des cirques de Tagremare et
de Frenda, les Ouled Sdama,
cascade de la Mina.
TERRAINS JURASSIQUES.
315
SUCCESSION DES ROCHES, FOSSILES.
Argiles et marnes allernanl
avec des lits calcaires ou cal-
caréo-gréseux, marnes et cal-
caires ronges.
Minerai de fer oolithique.
Ammonites ynacrocepltalus,
A. tatricus^ A. plicalilis, A.tor-
lisulcatuSf A, anceps^ A. Ade-
lan, A. lunula, A. permaatus,
A. coronatus, etc. Nautitus
sexnngulalus. Beiemniles lias-
talus, Terebratula diphya.
Groupe oxfordien.
PBINCIPALES LOCALITÉS.
Constantine. — liou Thaleb,
Dj. Tougour, i)j. Chellala.
Alger. — Ouarsenis.
Oran. — Traras, Béni bon
Saïd (Marnes du Slibe), le
Yagoubia, le pied de l'Antar,
Frenda.Dj.Gaada,Ouedïamda.
Groupe oolithique.
SUCCESSION DES ROCHES, FOSSILES.
Dolomie et calcaires (galène,
blende, fer oolithique).
Ammonites Brongnarti. A.
Cycloïdes. A. llumphrlesianiis.
A. Pat'kinsonti, Beiemniles r/i-
ganleus; Colly rites subringens.
iloleclypus tiemispliericns .
ÎXhynclionella variabilis .
PRINCIPALES LOCALITES.
Constantine. — Dj. Afghan
et Dj. Bon liche dans îe Bou
Taleb. — Dj. Chellala et Dj.
Tougour à Batna.
Oran. — Garrouban (Dj. Te-
sidelt et Zouïa, environs de
Saïda, Tifrit, Tafaraoua, les
Assasna Garaba, le Dj. Antar.
Lias.
SUCCESSION DES ROCHES, FOSSILES.
.. / Calcaires en dalles et
^ I ^ couches marneuses.
PRINCIPALES LOCALITES.
'_^ Ammonites mimalensis.
a,/ A.co/icnvus,A.bifrons,
A. radians.
Calcaires compacts blancs i
ou roses ou bleuâtres.
Beiemniles îiiger, Ammo-
nites Vakhmi, A. Los-
co)nhei , A. Collenoll.
Bliynclionella seualn.
Rfi. tetraedra, Terebra-
tula subovoïdes, T. Nu-
mismalis. Spirlferina
rostrata.
Constantine. — Ouest du cap
Cavallo, de l'Oued Taza à Zia-
ma, le Dj. Hadid, le Babor et
les montagnes du Ghabet-el-
Akra, le cap Aokas, le phare
de Bougie, Toudja et Chellata.
Alger. —Les crûtes du Djur-
jura, des îlots au Bou-Zegza,
au Ghénoua: TOuarsenis.
Oran. — Les Traras, Cap
Noé, Dj. Fillaabçen, Béni Snous
à Garrouban ; entre Touadjeir
et Chott Naama.
316 GÉOLOGIE.
. Calcaires compacts. El Kantour (Coustantine)
, S i Belemniles ncutus. Am-
•2 C mojiites Kridion. Pec-
"^"^1 ten Hehli Pentacrinus
'"^ \ tuberculalus.
Terrains crétacés. — Le terrain crétacé est de
beaucoup le plus étendu en surface ; il domine
surtout à l'est et dans le sud et y constitue les
principaux groupes montagneux : les monts de Daya,
les Béni Chougran, le massif de l'Ouarsenis^ le Dahra,
le massif du Zaccar, l'Atlas d'Alger, la chaîne desBiban,
la petite Kabylie, les Mahdid, le Bou Thaleb,le massif
de r Aurès et les montagnes sur son prolongement en
Tunisie jusqu'au cap Bon, les monts des Ksours,
de l'Amour, des Ouled Nayl. Le terrain crétacé
se prolonge dans le Sahara, où il contribue sou-
vent à la formation des Hamada, vastes surfaces
planes ou légèrement ondulées, constituant le vrai
désert.
Le groupe Néocomien se montre en Algérie avec son
faciès méditerranéen; il se compose d'une puis-
sante alternance de calcaires, de marnes et de grès
avec de nombreuses espèces fossiles, dont un grand
nombre spéciales à l'Algérie. Ces terrains néoco-
miens apparaissent dans quelques parties élevées du
Tell, le Zaccar de Miliana, les monts de Teniet-el-
Haad et de Taza, les monts de Daya dans l'ouest ; à
l'est, ils prennent une part importante dans la cons-
titution des crêtes du Bou Thaleb et des chaînes de
l'Aurès. A l'état d'îlots plus ou moins isolés, ils
forment la majeure partie des pointements si re-
marquables entourés par les plaines de Sétif à £1
Guerah et à Batna. Dans le sud, la grande chaîne
TERRAINS CRÉTACÉS. 317
du Djebel Amour et ses prolongements appartiennent
à cette formation.
Le Gault est surtout une formation d'origine
détritique. A Miliana., où il prend un assez grand dé-
veloppement dans la chaîne des Aribs, il est formé
d'argiles brunes, gréseuses, alternant en petits Lits
avec de petits bancs quartziteux renfermant par
place des rognons d'hydroxyde de fer. Il existe sous
cet aspect dans le massif de Blida et au voisinage de
Médea. Au sud de Bouçaada, le Gault joue aussi un
rôle important, il est constitué par des grès à grains
fins en gros bancs avec quelques alternances de
marnes jaunes verdâtres alternant avec des cal-
caires fossilifères.
Les couches puissantes du Cénomanien consti-
tuent une formation géologique des plus remarqua-
bles, en Algérie ; elles contribuent à la formation des
plus grands groupes montagneux. En raison de la
nature lithologique des assises, généralement com-
posées d'alternances de marnes argileuses et de
bancs calcaires, ce terrain prend un faciès particu-
lier, il est nu, raviné, hérissé de crêtes rocheuses
(kef), et partout où les alluvions font défaut,
ces régions se montrent dépourvues de terre vé-
gétale et d'une stériUté remarquable ; seuls les Pins
d'Alep, les Genévriers, quelques souches vivaces y
implantent des racines, qui sont souvent mises à nu
par une désagrégation continue.
Le Cénomanien d'Algérie est particulièrement riche
en fossiles, surtout en Échinides, il a fourni un
très grand nombre d'espèces spéciales.
Le Turonien est surtout constitué par des calcaires
compacts bleus, en gros bancs, à travers lesquels
318 GÉOLOGIE.
des fractures ont ouvert des escarpements attei-j
gnant souvent 200 mètres de hauteur, comme les"^
parois des gorges du Rummel à Conslantine. On
retrouve cette formation dans l'AurèsJes montagnes
du Hodna, dont il constitue une partie des crêtes.
Le Dj. Anini est aussi constitué par du Turonien,
qui est traversé sur ce point par de grands filons de
fer hématite. Dans le Sahara, le Turonien apparaît
sous forme de calcaires dolomitiques formant des
abruptes au-dessus des assises gypsifères du Céno-
manien. Les longs escarpements de cette roche et
les gours ou formations de troncs coniques, dorment
un faciès particulier au paysage saharien. Les cal-
caires cénomaniens et turoniens, en couches presque
horizontales, constituent ces plateaux rocheux uni-
formément nus, connus sous le nom de Hamada,
qui s'étendent sur le grand bourrelet au sud de
Laghouat à El Goléah et dans la région du Mzab.
Les formations sénoniennes prennent aussi, en
Algérie, un développement considérable, mais s'y
présentent avec des caractères lithologiques variés,
différant complètement de ceux des bassins crayeux
de l'Europe ; elles se composent de marnes et de
calcaires presque noirs dans la région httorale, de
calcaires blancs et de marnes grises dans la région
orientale.
L'extension du Sénonien est assez considérable.
Dans les Hauts-Plateaux d'Alger et de Constantine,
ce terrain occupe d'importantes superlicies.
TERRAINS CRÉTACÉS.
319
Teurains crétacés.
5;
^:l)
co
03
S-
•»-»
0
X)
!i^
^
Ci
^
G
K
■=2^
Région occidentale.
j Givs du Cliéiioua, du
tlauc sud duBou-Zeg-
za, etc.
Marnes, grès et cale, à
0. vesicularis^ 0. Ni-
caisei, des Béni Menas-
ser.
Tablât, Palestro, Ben
Haro un.
Cale, et marnes à Cera-
tites de Djelfa.
Turonien. — Calcaires à
rudistes de Djelfa.
Cénoynanien. — Calcaires
et marnes d'Aumale, de
Berrouaghia, de l'Atlas
de Blida.
^ Ammonites ManteUi, Ba-
diolites Nicaisei, Discoi-
dea cylindrica.
Gaidt. — Grès et marnes
gréseuses deMiliana,des
Aribs, d'Aumale, etc.
Etage Rhodanien. — Cal-
caires gréseux et mar-
nes à Orbitolines.
lleterasler oblongus. (Te-
niet-el-Hâd. Djelfa,
Daya).
Couches à Scaphites Yvani
de la Mekerra. — (irès
de Daya. — Grès à dra-
gées du Djebel Amour,
\ du versant au Sahara.
Région urienlale.
Marnes k Ostrea Owerivegi.
Cale, à llelerolampas (sud de
Bordj bou Arreridjj.
Cale, et marnes à Hemi-
pneustes (El Kantara).
Marner à OsLven vesicularis.
0. Nicaisei, d'El Outaïa, Med-
jès Foukani, etc.
Calcaires et marnes à Cera-
tiles de Medjès, de Tebessa.
Cale, à rudistes de Tebessa,
calcaires de Constantine, etc.
Calcaires et marnes de Te-
noukla (Tebessa) à Ostrea sy-
phax. 0. Africana^ etc.
Calcaires et marnes àEchini-
des, Dj. Mahdid, Bou Tha-
leb, etc.
Grès d'Eddis (Bousaada). Cal-
caires à Ammon inflatus du
Bou Thaleb, etc.
Aptien à Ammonites ferru-
gineuses d'Aïn-Zaïrin.
Calcaires gréseux et marnes
à Orbitolines de l'Aurès, —
calcaires à Requiénies (Bou-
Thaleb) et à Ueterastev oblon-
gus Dj. Chellala de Batna).
Grès à dragées du Dj. Bou-
Khaïl.
320 GÉOLOGIE.
Néocomien. — Cale, et
manies gréseuses, à
Pseuclocldaris clunifera,
à polypiers.
Marnes à Ammouitf^s fer-
rugineuses des Flittas
d'Arlal (Ain - ïemou -
C \ chent).
»Hi
Cale., marnes et grès des
plateaux de Constantine, du
Bou-Thaleb, de Bou-Sâàda.
Marnes à Ammonites ferru-
gineuses de Constantine (Dje-
bel Ounch), de Duvivier, etc.
Terrains tertiaires. — Les formations de cette
période sont puissantes ; elles sont aussi très variées,
c'est pendant le dépôt de ses différents étages que le
sol de l'Algérie a, par plissements et cassures, acquis
définitivement le relief orographique qu'il nous
présente.
Le groupe inférieur ou Eocène est caractérisé par
des calcaires nummulitiques en bancs d'une puissance
énorme (gorges de Palestre, contreforts du Djurjara)
et par les grès deNumidie, qui, dans l'est et en Tuni-
sie, constituent toute la région forestière en grande
partie recouverte de chênes-Uège. Ces grès jouent un
rôle capital dans la constitution orographique de tout
le littoral de l'est de l'Algérie où ils se montrent
souvent démantelés, laissant percer sur de grandes
surfaces leur substratum de gneiss et de schistes
anciens.
La partie inférieure de l'Éocène ou Suessonien est
constituée par des marnes à silex reposant sur le
Crétacé en discordance de stratification, les marnes
passent peu à peu à des bancs de calcaires marneux,
puis à de véritables bancs de calcaires qui constituent
la partie essentielle des gisements de phosphate. Ces
phosphates sont distribués en couches interstratillées
à plusieurs niveaux ; le Suessonien inférieur prend
une grande extension dans la régence de Tunis et
TERRAINS TERTIAIRES. 321
sur les Plateaux, Tebessa, Bordj bou Arrerridj,
Bogliari, etc.
Le Miocène est remarquable par ses immenses
surfaces argilo-marneuses qui occupent les vallées
du Tell, ce sont des mamelons dénudés, très ravi-
nés, envahis par les Daucus, Calendula et Hedy-
sarwn; les eaux qui en découlent sont toujours
boueuses et souvent salées.
Ces marnes constituent les plus mauvais terrains
pour l'établissement des travaux publics et spé-
cialement des voies ferrées.
VOsirea crassisswta est le fossile caractéristique de
l'étage moyen, il s'y rencontre parfois desbancspuis-
sants. .'
Au-dessus de ces marnes, on observe une forma-
tion de grès et de poudingues qui prend dans le
Gontas une grande épaisseur.
Les terrains détritiques, poudingues à gros élé-
ments, forment souvent à la base de ces assises des
amas considérables témoignant des puissants phé-
nomènes d'érosion qui ont suivi les dislocations du
sol de cette période.
Dans le département de Constantine, le Miocène est
représenté notamment par les dépôts lacustres d'ar-
giles et de marnes (Smendou); on a découvert dans
ces formations une molaire d'un Mastodonte, voisin
du M. angustidens Cuv. ; les autres fossiles sont des
Unio, Anodonte, Melanopsis.
Pliocène. — A la fin du Miocène, l'Algérie avait
subi les grandes modifications de son relief, de telle
sorte que les eaux marines n'y ont plus occupé que
des zones étroites voisines du rivage actuel.
Le TMiocène marin n'occupe donc qu'un espace
Pattandieu et Tpabpt. — AigL'r|e. 2}
322 GÉOLOGIE.
très limité sur le littoral. A Oran, aux falaises d'El
Oudja, au Cap Figalo, à Mostaganem, il consiste en
un grès calcaire grossier, passant au -poudingue,
surmonté par des sables. Dans le Sahel d'Alger, le
Pliocène commence par des argiles souvent sableuses
et fossilifères (Douera), supportant des mollasses cal-
caires avec grandes huîtres, assez dures par places
pour être exploitées comme moellon et même comme
pierre d'appareil (Mustapha).
L'étage supérieur du Pliocène est formé de grès
calcaires (Kouba), et de sables très étendus dans le
Sahel d'Alger. On rattache au Pliocène lacustre des
calcaires travertineux du télégraphe d'AïQ elHadj Baba j
du Kroubs des environs de Constantine ; on y tro ave en
effet des Planorbes, Limnées, Paludines, Bythinies,
BuHme, indiquant une grande aflinité avec la faune
actuelle. M. Thomas y a recueilU quelques verté-
brés : Sus phacocheroïdes, molaire d'Hippopotame,
Hipparion.
Terrains tertiaires.
Pliocène.
Région d'Oran.
Supérieur.
Marnes et argiles bleuâtres avec lignite. Ceriilnum vulga-
ium. Cardium edule.
Inférieur.
Sables. Grès grossier à Huîtres, Peignes. Echinolampas.
Région d'Alger.
Supérieur.
Poudingues et grès de Kouba. Ostrea foliacea.
Inférieur.
Mollasses calcaires. Osb^ca coclilecu\ Pecten, etc.
Marnes souvent bleues et fossilifères. Terebratula ampulla.
TERRAINS TERTIAIRES.
323
Région de Constantine .
Supérieur.
Dépôts détritiques des Plateaux avec fossiles de l'étage an-
térieur et Cynocepludus atlanttcus. Aniilope Tournoueri. Anti-
lûje Gaudryi. Hippopotames [S]). ?). R/iinocfros (Sp.?). Hi/iparion
(Sp. ?j. Equus Stenonis. Elephas (Sp. ?) aff. du meridionalis.
Miocène.
co
s?
Formations marines dans
J;i région d'Oran :
Calcaire avec lits de Dia-
tomées, Radiolaires, Spi-
culcs de Spongiaires et
Marnes blanches à Forami-
mifères.
Grès micacés du littoral
oranais.
Formation marine.
Grès du Gontas.
Argiles marneuses déli-
tescentes. Oslrœa crassis-
sima.
Calcaire à ' LUhotham-
nium à Oued Fodda, Dji-
diouia.
Marnes et argiles avec
alternance de grès, Ham-
mam-R'hira.
Argiles rouges avec poudingues : Ben Chicao, Berrouag-
hia, Bouïra, versant du Djurjnra.
Marnes brunes et calcaires. Foraminifères, récifs coral-
liens, spongiaires. — Honaï, Mascara. Dahra Oranais. —
ïenes (Cartennae), Cherchell, Milianah.
Poudingues et argiles gréseuses à clypéastres.
Grès quartzeux blancs à ciment calcaire, Amphiope pal-
pebrata Pomel. Glierchell.
. ^.Poudingues de Tyout, du Dj. Amour, d'Elkantara.
longrien . j ^^.^^ ^^ Dellys. Poudingues de Taourga.
Formations lacustres ou con-
tinentales dans la région de
Constantine :
Marnes gypseuses à Hélices.
//. Jobd'.ana. H. Semperana .
Fenissacla alava.
Formation lacustre du Tell
de Constantine.
Argiles brunes. Unio onodon-
les. Plan orbes, etc.
Poudingues.
324 GÉOLOGIE.
Éocène.
%
Grès de Numidie : région forestière de l'Est. Chêne-
liège.
Argiles et marnes à fucoïdes d'El-Arrouch.
Grès et argiles avec plaquettes calcaires à fucoïdes de
Tirourda.
Grès, poudingues et marnes de Guechtoulas et de Drà el
Mizan à Nunimuli tes exponens et N. perforata.
Calcaire nummulitique compact. Alvèolines, NummulUes
j aturica.
Ci, j Poudingues et marnes du Bou-Zegza. Calcaires-brèches
du Djurjura à Nummulites Isevigata.
I
I
\
I Grès du Lakdar à Echinolampas clypeolus.
' Calcaires à IMélobésies et Nummulites Ehrenbergi de
^ , Sidi-Daho.
Calcaires en feuillets avec Nummulites irreqularis du
• l-iZQaker.
^ ^ \ Marnes à Nummulites planulafa et Caillaudi de Ze-
5 rouëla et Sidi Brahim.
Argiles et marnes à Ostrea multicostata.
'^ h\ Calcaires à Nummulites Rotlandi du Degma.
Grès et marnes glauconiennes ou à phosphorites; Naii-
tilus Forbesl et Nummuiiles planulala.
Marnes ou calcaires à Silex, argiles séléniteuses déli-
tcscentes à la base.
Terrains quaternaires. — Les immenses accumu-
lations de dépôts continentaux de la période quater-
naire couvrant la majeure partie des surfaces peu ou
pas déclives, indiquent un climat absolument opposé
à celui de notre époque. Ce sont des chutes torren-
tielles d'eau qui ont entraîné ce cube énorme de ma-
tériaux dispersés, aussi bien dans le Tell que dans
les Hauts-Plateaux et le Sahara. Ce désert, en effet,
comme l'a démontré M. Pomel, n'a jamais été pen-
dant la période quaternaire un bassin de mer, les
alluvions qui le recouvrent ayant tous les caractères
QUATERNAIRE ANCIEN. 325
de dépôts d'attcrrissemenls continentaux, ou de
fonds de chotts.
Les subdivisions du terrain quaternaire sont diffi-
ciles à établir d'une manière satisfaisante, en raison
de l'impossibilité fréquente de saisir les relations
stratigrapbiques des dépôts alluvionnaires ou des
atterrissements continentaux avec des terrains por-
tant eux-mêmes l'indication de leur âge.
M. Pomel établit deux sous-groupes ; l'un ancien,
l'autre récent.
Quaternaire ancien. — Dans le sous-groupe an-
cien, M. Pomel fait rentrer les grands dépôts clys-
miens des vallées telliennes et des Hauts-Plateaux,
et des gradins du versant saharien; ce sont, à la
base, des dépôts de galets, puis des limons gris,
parfois rouges, avec grumeaux calcaires.
Ces atterrissements anciens ou terrain subatlan-
tique de M, Pomel se relèvent sur les flancs des
bassins, sous des angles et à des distances qui indi-
quent un dénivellement postérieur à leur dépôt.
Ces alluvions limoneuses, dans la région saha-
rienne, deviennent dures, rocheuses à la superficie et
prennent alors le nom de IJamada; cette carapace
superficielle est calcaire, elle reparaît aussi sur les
limons quaternaires du Tell et même sur les autres
terrains friables. « Cette croûte dure, dit M. Pomel,
résulte d'une sorte d'incrustation stalagmitique
superficielle par suite de l'évaporation des eaux
calcaires et plus ou moins salées qui remontent par
capillarité. »
Cette croûte travertineuse isolant, sur de très
grandes surfaces, une faible couche superficielle de
terre végétale, devient un obstacle à rétablissement
326 GÉOLOGIE.
d'ane végétation arborescente, qui aurait besoin pour
vivre d'enfoncer des racines dans les épaisses couches
sous-jacentes des dépôts meubles. Aussi la vaste
plaine de Sétif {Ager arboriinfecundus àe Salluste), et
toute la région des Hauts-Plateaux de l'Ouest sont
absolument privées d'arbres, la carapace calcaire y
étant partout superficielle et continue. Cette croûte
calcaire estutiUsée fréquemment pour empierrer les
routes et faire de la chaux. Des colonnes expédition-
naires ont pu s'y creuser des logements en perçant
la voûte calcaire et en déblayant les sables meubles
sous-jacents. — On a pu sur bien des points établir
la culture arbustive, en défonçant cette croûte stéri-
Usante.
La puissance considérable des terrains quaternai-
res dans les dépressions est révélée par les nombreux
sondages artésiens, pratiqués dans les Hauts-Pla-
teaux et particulièrement dans le Sahara. — Ces
puits ont une profondeur moyenne de 70 mètres,
les couches traversées comprennent des séries alter-
nantes de sables, de graviers et d'argile, au miUeu
desquelles on rencontre plusieurs nappes d'eau
ascendantes ou jaillissantes, ahmentées par les
infiltrations pluviales venant se perdre dans les par-
ties absorbantes qui reçoivent aussi les oued des
montagnes du bourrelet saharien.
M . Pomel (1) rattache au quaternaire de puissan-
tes formations de Travei^tins, dont les sources sont
aujourd'hui taries. Ces dépôts forment le sommet de
collines, par suite de l'ablation des surfaces qui les
avaient limitées et de leur ravinement. A Milianah,
(1) Pomel, Massif de Miiianah.
QUATERNAIRE ANCIEN. 327
ces travertins, flanqués sur la pente du Zaccar, cons-
tituent Tassiette de la ville, ils tombent comme de
cascade en cascade solide dans toute la zone des
jardins.
Le travertin deMilianah contient quelques fossiles,
M. Pomel y a reconnu Adianihum capillus Venetis,
Laurus nobilis^ Rubus fruticosus^ Hedera heltx,
Viburnum Tinus et aussi Ficus carica et VUis vinifera,
plantes dont l'indigénat ne peut plus être contesté.
Ces dépôts travertineux sont surtout importants
dans le massif de Tlemcen et le bassin de l'oued
Khemis. Les villages de Mazzer, Béni Achir, Béni
Badel, Zara, Tafessera sont installés, ainsi que leurs
jardins, sur ce travertin déposé dans le milieu des
vallées et formant parfois des escarpements de près
de 100 mètres au débouché de vallées secondaires
(Mazzer Tahtani), qui se terminent ainsi par une
vaste terrasse travertin e use surplombant la vallée
principale. Les habitants de ces régions creusent ces
travertins, pour y établir des demeures ou des réduits
pour leurs animaux. Les jardins établis sar ces
dépôts sont remarquablement fertiles.
L'origine des sources qui ont abandonné ces dépôts
parait se rattacher aux phénomènes de dislocation
de la lin du tertiaire, dont elles ont été la dernière
phase. Un mouvement postérieur, pendant la période
quaternaire, parait avoir détruit les conditions
d'existence de ces sources. Et actuellement les dépôts
d'Hammam Meskoutine et d'Hammam boulladjar et
de quelques autres sources minérales constituent
des travertins actuels, formés dans les mêmes con-
ditions, mais avec moins d'intensité.
Sur une grande partie de la côte, aune altitude
328 GÉOLOGIE.
variable ne dépassant guère une trentaine de mètres,
un cordon de dépôts littoraux marins horizontaux
représente le quaternaire. Ces anciennes plages
émergées ont conservé des coquilles d'espèces vivant
encore pour la plupart dans la mer voisine ; les Pec-
toncles y forment de véritables bancs ; mais on y a
aussi trouvé un gros Strombe, disparu de la Méditer-
ranée (5/rom6ws mediterraneus), un Cône rappelant le
Conusponderosus du Miocène, le Nassa glbbosula^ qui
ne se retrouve plus aujourd'hui que dans le bassin
oriental de la Méditerranée, des molaires d'un Élé-
phant différent, d'après M. Pomel, de 1'^. antiquus.
Ces couches marines sont postérieures aux premiers
grands dépôts quaternaires ; sur les côtes de Tunisie,
ou observe plusieurs exemples de superposition
directe (Pomel).
Dans beaucoup de localités, des sables agglutinés
en grès calcareux surmontent ces couches marines
et ne contiennent plus que des fossiles terrestres ;
ces dépôts sont désignés sous le nom degrés à hélices
et appartiennent à la môme formation que les grès
et calcaires à Pectoncles qu'ils surmontent ; ils repré-
sentent les dunes consoUdées des anciennes plages.
Quaternaire récent. — Dans cette seconde période,
M. Pomel fait rentrer les Unions plus ou moins stra-
tifiés qui forment le sol des vallées souvent en contre-
bas des terrasses du Quaternaire ancien. Dans ces
dépôts, on a trouvé des débris de VElephas africa-
nus^ du grand Buffle [Bubalus antiquus)^ Bos primige-
mus mauritaniens, Antilope Bubalus, Equus africanus
(Cheval barbe), Asinus atlanticus, Sanglier, Au-
truche.
Les terres rouges des coteaux appartiennent aussi
QUATERNAIRE RECENT. 329
à cette époque, le remplissage des grottes préhisto-
riques, comme celles du Grand Rocher, de la Pointe
Pescade, serait ainsi contemporain des hmons à Ek-
phas africanus ; dans ces grottes, avec des déhris de
poterie, on a observé Elephas africanus^ Byœna spe-
lœa. Phacochère, Antilope.
D'autres stations préldsloriques paraissent un peu
plus anciennes, elles sont constituées par des dépôts
de sable, dans le voisinage de sources, à Palikao
près Mascara et sur le littoral, à Aboukir. M. Pomel
a pu recueillir une grande quantité d'ossements
di Elephas atlanticus Pomel, intermédiaire entre
VE. africanus et E. meridionalis , Elephas sp. petit,
voisin de VE. meliiensis, Hippopotamus^ Sus scro-
pha, Camelus lliomasii, Bubalus antiquus^ Rhino-
céros mauritanicus Pom., Equus mauritanicus Pom.,
Hyxna spelsea. On a également découvert, dans les
mêmes stations, quelques outils de forme tout à fait
primitive, éclats de galets en grès quartziteux ou
petits éclats de silex.
Dans le Sahara, dans des fonds d'anciens Chotts
ou Sebkha, on trouve des dépôts gypseux, posté-
rieurs aux quaternaires anciens des Hamada et re-
marquables par la présence du Cardiumedule, d'abord
mêlé avec des espèces lacustres, puis restant seul et
finissant par disparaître, indiquant ainsi les diffé-
rentes phases de l'instauration du régime saharien.
Ce terrain à Cardium edule aune composition variable.
On y trouve des poudingues, des sables, des grès.
des argiles, le tout chargé de gypse.
Les grandes dunes du Sahara appartiennent à
l'époque quaternaire et à l'époque actuelle, elles
sonttoujours superposées aux formations précédentes
330 GEOLOGIE.
et correspondent à l'instauration du régime météo-
rologique actuel, qui remonte très loin dans les temps
préhistoriques. A la surface de ces dunes, on trouve
en efi'et des outils en silex caractéristiques.
Les dunes n'ont pas la mobilité qu'on leur attribue
généralement et elles ne constitueront pas un obstacle
aussi considérable qu'on pourrait le croire à l'ins-
tallation d'une voie transsaharienne. Elles se sont
formées sous l'influence des vents réguliers.
Le vent fait le triage des éléments désagrégés,
enlève l'argile, le gypse, le calcaire, la silice reste
seule, les grains de quartz sont ensuite classés, les
gros restent en place, les fins roulent à la surface du
désert et sont amoncelés en dunes.
Les coquilles marines, recueilhes à la surface des
dunes et sur lesquelles on a voulu baser l'origine
marine de ces formations sahariennes, ont évidem-
ment été apportées par l'homme; tel est le Cyprœa
moneta, coquille-monnaie de toute l'Afrique centrale,
ou encore le Nassa gibbosula perforé et ayant fait
partie d'un chapelet de coquilles.
Divisions du Quatemnaire d'Algérie, d'après M. Pomel.
^. / Grandes dunes du Sahara, silex taillés.
s '
'^ \ n T 7 7 (Terrains des dépressions du Sa-
-; Cardium edule \ u
C V ( hara.
V / ( Terre rouge des coteaux, grottes.
g \ Elephas nfricanvs \ Alluvions des vallées (Cheliff, plaine
S / V de la Mctidja, etc.).
Se,, j ,, ,. ( Stations préhistoriques de Palikao,
^ Elephas atlanticus . . . .^ , • ^
o- 1 '^ / Aboukir.
/ Anciennes plages \
~ 1 émergées. r Grès à hélices.
2 ] Slrombiis médiierra- 1 Grés et calcaires à pecloncles.
g 1 neus. )
ç^ [ Atterrissements anciens ou terrain sub-atlautique et
\ travertins anciens.
HOCHES ÉRUPTIVES. 331
Formations récentes. — Ces formations sont très
peu développées ; on doit cependant y classer :
Les alluvions de l'époque actuelle, formant les lits
des cours d'eau ;
Les sédiments limoneux, apportés chaque hiver
dans les plaines basses et marécageuses de la Mafrag
des Senadja, du lac Haloula, de l'Habra-Macta, de
faibles dépôts dans les lacs et chotts.
Les travertins se produisent encore sur beaucoup
de points, dans les dépôts de sources, dont les plus
remarquables sont ceux d'Hammam-Meskoutine,
d'Hammam bou Hadjar.
Les dunes récentes atteignent une certaine épais-
seur dans la partie Est, aux environs de la Galle, où
elles s'élèvent à une altitude de plus de 150 mètres,
aune certaine distance du rivage.
Roches éruptives. — Les roches éruptives jouent
un rôle important dans la géologie de l'Algérie.
Les roches anciennes sont rares en Algérie, elles
consistent en filons de pegmatite ou de granulite sou-
vent tourmaUnifères, qui percent les terrains primi-
tifs à Bône, dans la Kabylie du Djurjura, à Bordj
Menaiel, au cap Matifou, à Alger.
Un pointement de granité existe à Nedroma, il
est regardé comme postcambrien, tandis qu'un
autre pointement de roche granitique, à Menerville,
paraît récent. L'âge des granuUtes du Djebel Filfila
reste encore indécis.
Les roches éruptives secondaires ne paraissent
pas représentées; mais les roches tertiaires sont très
répandues, elles ont débuté par de vrais granités,
pendant l'Éocène. Après ces granités, sont venues des
granuliies et micro granuUtes, types plus finement
332 GÉOLOGIE.
cristallins de la fin de l'Éocène et du commencement
du Miocène. Pendant l'Helvétien, apparaissent des
roches basaltoïdes (Cap Djinet), puis au début du
Sahélien, ce sont des trachylophyres et des ira-
chyandésites, roches de types acides, dont l'éruption
coïncide avec les importantes dislocations de cette
période.
Durant le Pliocène, les types basaltiques reparais-
sent, mais c'est à la fin de cette période que l'on
semble devoir rapporter les roches granitoïdes de
Gherchell.
Le quaternaire a aussi ses éruptions de basaltes,
elles se sont produites notamment dans la région
d'Aïn Temouchent.
Mines et carrières. — Les mines et carrières sont
nombreuses en Algérie, mais, à cause de Téloigne-
meut et delà cherté relative de la main-d'œuvre, on
n'exploite que des minerais très riches. Nous citerons
parmi les carrières la présence de calcaires argileux
propres à la fabrication de la chaux hydraulique.
Une usine importante s'est fondée à Bougie pour
l'exploitation de ceux qui se trouvent à côté du port
de cette ville ; une autre, dans les gorges de la Chiira.
Les marbres sont très abondants et il en est de
très beaux, ils sont peu exploités cependant à cause
du bas prix de la matière. Les exploitations du Fil-
fdla près de Phihppeville et du Chonoua près de
Gherchell sont les principales. Cette dernière est une
brèche à gros éléments, assez belle, mais pas toujours
assez homogène. Les gites de plâtre sont abon-
dants et il en est de très beaux avec cristaux lamel-
laires de grande dimension absolument incolores
comme à Boa Tléhs près d'Oran. Sur la route d'Oran
i
MINES ET CARRIÈRES. 333
àTlemcen, àAïn Tokbalot, on trouve les célèbres car-
rières d'Onyx zone transparent, admirable calcaire
concrétionné, dont les Romains revêtaient l'intérieur
de leurs palais, et qui a servi à l'ornementation du
nouvel Opéra de Paris. A citer encore les serpentines
deCoUoet de Madaghre, les granités deCherchell,etc.
Le sel est abondant, tantôt ce sont de véritables
montagnes de sel, où cette substance, remarquable-
ment pure, est préservée de la pluie par des couches
d'argile et de gypse (1), tantôt ce sont des lacs salés ou
chotts, qui se dessèchent l'été et où l'on peut ramas-
ser le sel avec des râteaux : les salines de Relizane
et d'Arzew, le chott Mzouri, la Sebka d'Oran, etc.
On trouve des mines de soufre dans le Dahra :
Mazouna, El Bordj, Kef el Djir, etc., ainsi que des
mines de pétrole. Ce dernier, exploité sans succès
jusqu'à ce jour, est actuellement l'objet d'activés
recherches de la part d'une société anglaise.
On a trouvé des lignites sur bien des points. A Bou
Saada, on en avait découvert, il y a quelques années,
d'excellente quaUté, pouvant remplacer la houille,
malheureusement en trop faible quantité. A Mar-
ceau, non loin de Marengo, une mine de lignite ali-
mente en partie une veirerie.
Le plomb argentifère a été exploité à Garrouban et
l'est encore à l'oued Messida, près de La Callc. Les
Romains en avaient exploité aussi à l'Ouarensenis.ll
s'en trouve un gisement remarquable au cap Cavallo
près DjidjelU.
Les mines de cuivre de Mouzaïa-les-Mines ont été
autrefois l'objet d'une grande exploitation, mais les
(1) Djebel Melah, Rocher de sel, Rassoul, Tadjerouna, etc.
334 GÉOLOGIE.
filons s'étant appauvris, l'entreprise fut abandonnée
et les bâtiments tombaient en ruines lorsque la créa-
tion du chemin de fer de Blida-Médéa, qui passe à la
porte de l'usine, engagea une nouvelle compagnie à
reprendre l'exploitation. Des désastres financiers
indépendants de cette entreprise ont de nouveau
paralysé leurs eftbrts. Sur l'autre versant de la
Mouzaïa, on a exploité, puis abandonné les gisements
de l'oued Merdja. D'autres mines ont été concédées,
mais non exploitées, t elles sont celles du cap Ténès,
des Béni Aquil, de l'oued ïaffilés et de Toued Kebir
dans la proAânce d'Alger. 11 existe des gisements de
cuivre dans l'Aurès, ceux d'Aïn Barbaront même eu
un commencement d'exploitation. Dans le Djebel
Amour, entre Ain Sefra et Géryville, se trouve aussi
une mine de cuivre importante.
Le zinc est abondant en Algérie. Les mines les
plus importantes sont dans le département d'Alger.
Celles de Sakamody entre l'Arba et Tablât, sous
riiabile direction de l'ingénieur Delamarre, leur con-
cessionnaire, occupent un millier d'ouvriers. D'autres
sont exploitées à Guerrouma près de Palestro. La
Yieille-Montagne a fait des travaux considérables
pour l'exploitation de celles de l'Ouarensenis, près
Orléansville. Tout le sommet de la montagne est lardé
de filons de calamine. Chose curieuse, on n'y a pas
encore trouvé de blende. Dans la province d'Oran,
les mines de Mazis, du Filhaoucen, où le zinc est
mêlé au plomb, sont concédées et paraissent impor-
tantes. Dans le département de Constantine, la Yieille-
Montagne a acquis les gisements considérables de
Hammam N'bails ; d'autres ont été reconnus au Fedj
Fédoulés, etc.
PHOSPHATES. 335
Vantimoine de Hamimatet de Sensadans le dépar-
tement de Constantine est célèbre par la présence de
deux espèces minéralogiques rares, la Senarmontite
et l'Exitèle. On y trouve également du mercure (1).
Les minerais métallifères les plus importants de
l'Algérie sont les minerais de fer. On en trouve un
peu partout. Le manque de combustible et l'éloigne-
mentdes centres métallurgiques font qu'on n'exploite
que des minerais extrêmement riches, à proximité
des ports ou des voies ferrées. La plus importante
de ces mines est sans contredit celle de Mokta el
Hadid près Bùne où la relie un chemin de fer minier
de 30 kilomètres transportant environ 16 à 1800 ton-
nes de minerai par jour. Le minerai est constitué
par du fer oxydulé. La même compagnie exploite,
dans la province d'Oran, la minière de Béni Saf, d'où
elle expédie annuellement plus de 30 000 tonnes
d'hématite manganésifère. Ce sont là les exploita-
tions les plus florissantes. Nous citerons encore un
certain nombre de mines concédées et ayant été
exploitées pour la plupart, telles sont, dans la pro-
vince d'Alger, celles du Zaccar à Milianah, de Gou-
raya, de Ténès, de Temoulga, de l'Oued Rouina, etc.
Dans la province de Constantine: Aïn Mokra, Aïn
Sedma, Bougaroun près Collo, le Djebel Anini dans la
région sétifienne, etc. Dans le département d'Oran :
Caméra la, Bab M'teurba, Honaïm, ïenikrent, etc.
Phosphates. — En 1878, M. Tissot s'exprime ainsi :
La relation constante du terrain Suessonien avec les régions
fertiles en céréales, permet de penser que le phosphate de
chaux y existe. La structure y est d'ailleurs fréquemment
(I) Notice géologique et miner alogiqiie sur le département de
Constantine.
336 GÉOLOGIE.
noduleuse. Des recherclir's seront faites à ce point de vue.
On parviendra peut-être à trouver là un élément de trafic im-
portant soit pour l'exportation, soit pour fertiliser certaines
plaines, qui, comme la plaine de Bône, sont connues pour leur
peu d'aptitude à donner des céréales.
Ces prévisions se sont réalisées. M. Thomas, qui
dès 1873 avait constaté dans le Sud du département
d'Alger l'existence d'un étage Suessonien renfer-
mant des phosphates fut chargé, de 1883 à 1885, de
l'exploration géologique du sud de la Régence de
Tunis. Ce géologue présenta ses premiers travaux sur
les gisements de phosphates de la Tunisie à l'Asso-
ciation française pour l'avancement des sciences au
congrès de Nancy. Ces gisements importants étaient
ceux de la région de Gafsa.
Depuis cette époque, les recherches ont été pous-
sées actiA^ement tant en Tunisie que sur la territoire
avoisinant le département de Constantine.
Le phosphate de chaux se trouve dans deux for-
mations distinctes, dans la marne, dans le calcaire.
Le phosphate de chaux se trouve à l'état de
nodules dans des marnes feuilletées gypsifères qui
alternent avec les bancs calcaires. On y rencontre
quantité de dents de squales et de sauriens.
Les nodules sont arrondis, recouverts d'une
patine brune et luisante, le phosphate est concentré
dans cet enduit luisant, l'intérieur est calcaire, si bien
que les gros nodules sont pauvres. Les petits nodules,
au contraire, peuvent contenir jusqu'à 70 p. 100 de
phosphate tribasique. Ces phosphates marneux n'ont
été exploités qu'à Djebel Dekma près Soukarras et
cette exploitation n'a pas été rémunératrice.
Les phosphates calcaires sopt exploités à Tebessa ;
PIIOSIMIATHIS. 337
ils se présentent sous forme d'une roche assez
friable, grenue, d'un gris jaunâtre ou brun ver-
datre.
La qualité la plus recherchée s'écrase facilement
dans les doigts. Cette roche est formée par l'agglo-
mération dans un ciment calcaire d'une multitude de
grains fins, bruns, brillants, de grains verdâtres, rap-
pelant la glauconie ; on y rencontre encore des copro-
lithes, des dents de squales, et l'analyse décèle la
présence d'une assez grande quantité de matière
organique et de silice gélatineuse. Ces bancs phos-
phatés ont un développement inégal, leur puis-
sance varie de quelques centimètres à 6 mètres.
Dans le plateau du Dyr, l'exploitation est partie à
ciel ouvert, partie souterraine et passe sous le cal-
caire nu mmuli tique.
Le phosphate est réparti dans plusieurs couches
variant comme richesse, après triage, entre 58 et
63 p. 100 pour la qualité pauvre et 63 et 69 pour la
quahté riche.
La nature de ces phosphates ne laisse rien à désirer
au point de vue de leur transformation en superphos-
phates, leur teneur permet d'obtenir couramment
un titre de 14 à 15 p. 100 d'acide phosphorique dans
le superphosphate grenu sec, facile à broyer et ne
s'agglomérant pas en sac. Ce sont les avantages qui
ont fait apprécier dès leur apparition les phosphates
algériens, notamment en Angleterre, leur marché
principal.
D'après M. Levât, on peut estimer comme suit
le prix de revient actuel de la tonne de phos-
phate pour les exploitations déjà reliées au cheumî
de fer :
Battaindier etTuAiuT. — Algérie. 22
338
GÉOLOGIE.
fr.
fr.
Abatage, boisage, roulage 3 3
Triage, séchage 1 1
Transport en chemin de fer suivant
la distance 0,50 à 1,50
Transport à Bône 9 9
Mise à bord 0,50 0,50
Fret pour les ports de la Méditer-
ranée , 6 »
Fret pour les autres ports d'Europe. » 9
Amortissement du matériel et frais
généraux 3 3
Frais de vente, escompte, etc 1,80 2
24,80 à 29,00
Ce qui laisse sur les prix de vente actuels une
marge de 8 à 10 francs, dont il y a lieu de déduire
les redevances à payer ainsi que l'intérêt et l'amor-
tissement du capital d'achat des gisements.
Les gisements éocènes de Tunisie et de Tebessa
se prolongent dans le Sud et l'Ouest de l'Algérie,
Sétif, Bordj-bou-Arreridj, les contreforts de l'Aurès,
Boghari. Ce niveau de phosphate éocène forme
une bande allant de la Tunisie au Maroc, il est à
présumer que les découvertes de phosphates dépen-
dant du ^uessonien inférieur se multipUeront en
Algérie.
Les gisements de phosphates éocènes reconnus
constituent pour l'Algérie et la Tunisie une richesse
extraordinaire, et quand une sage réglementation
sera appliquée à l'exploitation, cette matière devien-
dra une source sérieuse de revenu pour le budget
algérien.
Indépendamment de ces gîtes éocènes, on exploite
dans le département d'Oran des gisements miocènes
de phosphates très purs et très riches, mais très Umités
EAUX MINÉRALES. 339
comme quantité : ce sont des phosphorites qui tapis-
sent des fentes et cavernes dans le calcaire à mélo-
bésies (helvétien) ou dans les colonies liasiques.
L'intérieur des grottes à phosphates de l'Oranie
est occupé par des dépôts qui se présentent de la
manière suivante:
A la base, une couche de phosphate concrétionné
blanc ou jaune clair très riche, reposant sur le cal-
caire àmélobésies. Au-dessus, des terres phosphatées
ferrugineuses, sableuses ou argileuses. Ces terres
sont recouvertes d'argile. Les grottes à phosphates
communiquent par des conduits, dans lesquels ont
circulé les eaux qui ont déposé le phosphate.
Les phosphates concrétionnés sont exploités aux
environs d'Inkermann (Oran), grotte de Leghar;
mais il existe des gisements importants au Merdja,
à Charon, à Rélizane, à Saint- Aimé. Les échantillons
analysés ont donné de 80 à 30 p. 100 de phosphate
tribasique.
Eaux minérales. — L'Algérie est très riche en
eaux minérales, surtout en eaux thermales, qui
furent utilisées par les Romains et pour lesquelles
les populations indigènes, arabes aussi bien que
kabyles, ont conservé la même estime. La plupart
émergent de terrains tertiaires et ce sont alors les
chlorures et les carbonates alcaUns qui dominent.
Leur température est en général élevée et leur débit
considérable. Leur composition varie beaucoup. Elles
sont répandues dans les trois provinces du littoral
au Sahara.
Les eaux simplement alcalines et gazeuses, comme
celles de Vais et de Vichy, si désirables en Algérie
à cause du climat, y sont malheureusement bien
340 GÉOLOGIE.
rares, c'est à peine si on en connaît une source près
d'El Affroun et une autre près de Bouira, et leur
débit est insignifiant. Les eaux de table non ferrugi-
neuses, comme celles de Saint-Galmier, n'ont guère
pour représentant que l'eau de Takitounc, dans la
région des Babors, laquelle est exploitée, et une
autre source près de l'oued Agrioun.
Les eaux thermales sont en général peu minérali-
sées, sauf celles qui sont chlorurées sodiques comme
Hammam Melouan et Ain Mentil, mais on y trouve
les eaux les plus chaudes du globe après celles du
grand Geyser d'Islande. Ce sont les eaux si curieuses
d' Hammam-MeS'Koutine^ près de Guelma, dont la
température s'élève à 96'' centigrades et dont le
débit atteint 200000 litres à l'heure. Ces eaux sont
situées dans un paysage extraordinaire, où les forces
de la nature paraissent s'être depuis longtemps
donné libre carrière. En arrière, on voit d'abord une
longue chaîne de collines travertineuses, évidemment
formées par les eaux qui les continuent peu à peu
en s'avançant vers l'Ouest. En face, c'est la masse
sombre et bizarre du Djebel Thaya, avec ses immen-
ses grottes creusées peut-être par ces mêmes eaux,
ses minerais de mercure et d'antimoine. Non loin,
les dolmens de Roknia, où, d'après M. Bourguignat,
existait jadis une Hgne de suffioni, dont la supersti-
tion faisait aux temps préhistoriques des émanations
de la divinité ; le lac souterrain et les ruines de
Tibilis, devenue plus tard Announa. Tous ces pays
furent célèbres chez les Romains, les aquie Tibili-
tanœ, eaux actuelles, paraissent avoir été particu-
lièrement en vogue de leur temps, vu les ruines con-
sidérables que l'on y retrouve. Les grottes du Thaya
i
EAUX MINÉRALES. 341
étaient dédiées au dieu Baccax. Certaines parties de
ces grottes sont des abîmes insondables, d'autres
forment une remarquable série de couloirs et de
salles grandioses : galeries Challamel, de Flogny et
de rOurs; salle de La Tour du Pin, des ïibilitains,
de la Djemaa, boudoir de Gabrielle (dédié à la prin-
cesse de Crôy), salle Faidherbe, salle Rouvière, etc. ;
mais il est temps de revenir à nos eaux.
Éminemment incrustantes, elles forment des cônes
d'éruption qui vont sans cesse en s'élevant jusqu'à
ce que la cheminée se bouche ; alors les eaux s'ou-
vrent un passage ailleurs et recommencent de nou-
veaux cônes. Ces cônes éteints, très pittoresques,
ont donné naissance à une légende poétique chez les
Arabes. Ils représentent pour eux une noce inces-
tueuse, subitement pétrifiée comme la femme de
Loth.
En avant, les pétrifications imitent une immense
cascade descendant à pic dans l'oued Chedakra,
affluent du Bou Hamdam. Cette cascade, d'une blan-
cheur éclatante, est relevée çà et là de teintes écar-
tâtes ou vert éclatant, formées par des revêtements
d'algues microscopiques (fig. 32).
Même les forces vitales semblent avoir agi d'une
façon particulière dans ce curieux cadre, de manière
à donner naissance à des espèces absolument parti-
culières à la région, telles que le Stalice globulariœ-
fol'ia Desf. des cascades, et le bizarre Sinapis A7Hsii-
dis du Djebel Thaya.
Les eaux émergent donc à la partie supérieure de
la vaste cascade travertineuse, vraie paroi d'un bar-
rage naturel par lequel elles coulent dans l'Oued
Chedakra. Aux points d'émergence, elles forment
342 GÉOLOGIE.
d'abondants pisolithes d'un blanc éclatant. En cou-
lant dans le Chedakra, leur température fait qu'elles
restent à la surface des eaux de la rivière sans s'y
mêler, leur densité étant moindre. Aussi les pois-
sons ne peuvent-ils dans cet endroit venir à la sur-
face où ils trouvent de l'eau presque bouillante.
Les eaux d'Hammam Meskoutine sont les pre-
mières eaux minérales dans lesquelles on a trouvé
de l'arsenic. L'auteur de cette découverte fut M. Tri-
pier, pharmacien militaire. Voici l'analyse qu'il a
donnée de ces eaux :
Acide carbonique 97 p. 100
— sulfhydrirpie 0,5 —
Azote 5,5 —
g'--
Chlorure de sodium 0.U5G0
— de magnésium 0.078(*)4
— de potassium 0.018;50
— de calcium 0.01085
Sulfate anhydre de chaux 0. ;^808(*)
— de soude 0.17G53
— de magnésie 0.00G73
Carbonate de chaux 0.25722
— de magnésie 0.04235
— de strontiaiie 0,00150
Arsenic dosé à l'état métallique 0.00050
Silice 0.07000
Matières organiques environ 0.00000
Fluor } rr„„„^^
„ - , . Traces.
Oxyde de fer *
Total 1.51917
Outre les sources principales, on trouve encore
à Hammam Meskoutine des sources ferrugineuses, en
remontant l'oued Chedakra d'un kilomètre environ.
Leur température est de 78°.
Ces eaux ferrugineuses sont employées comme
344 GÉOLOGIE.
eaux de table. Un établissement de bains a été établi
près des eaux thermales.
Sans quitter le département de Constantine, on
trouve d'autres eaux thermales, telles sont celles à' El
Bammam, près des gorges du Guergour, à côté des-
quelles on trouve les ruines d'une ville romaine.
Ces eaux, situées sur le bord de l'Oued bon Sellam,
ne sont plus que tièdes aujourd'hui, mais leurs dé-
pôts traA^ertineux témoignent d'une activité jadis
comparable à celle d'Hammam Meskoutine. Les
sources de Sidi Mecid, aux portes de Constantine,
ont une grande réputation; elles sont à peine miné-
ralisées, légèrement carboniques et ont une tempé-
rature de 31°. Sur la route de Bône à Constantine, à
8 kilomètres de Guelma, se trouve la célèbre piscine
d'Hammam Berda, qui montre encore de vastes
constructions romaines, entourant un bassin de
42 mètres de long sur 36 de large, où sourdent 16 à
18 griffons aujourd'hui inutilisés ; c'est à côté, dans
deux lacs, où sourdent une vingtaine de sources, que
se prennent les bains. Quatre griffons sont isolés.
La température ne dépasse pas 30°, l'eau est for-
tement carbonique, la minéralisation est nulle.
Dans la même région, se trouve une autre source
du nom à' Ain- Berda. Sur les bords du Sahara, près
de Biskra, on trouve les grandes sources thermales
inutilisées d'Aïn-Oumach et celles actuellement
exploitées d'Ain Salahin et d'Hammam G'rule (bain
de la gale). L'Ain Salahin, où l'on vient de créer un
établissement balnéaire, débite 3 600 000 litres en
vingt-quatre heures, la température est de 45°, l'eau
est fortement chlorurée et sulfureuse. Tout près se
trouve un lac salé, espèce de cratère à parois
I
EAUX MINÉRALES. 345
abruptes, qui constitue l'Hammam G'rule. Le dia-
mètre de ce cratère n'a pas moins de 300 mètres, on
y voit bouillonner cinq à six sources, qui émettent de
nombreuses bulles gazeuses.
Cette eau est fortement chlorurée et amère, très
désagréable au goût. Elle est inodore. Elle n'est pas
thermale, les Arabes regardent cette eau comme
souveraine contre la gale. Ils ne peuvent se baigner
que vers Féchancrure du cratère d'où sort le ruis-
seau qui lui sert de déversoir. Elle est trouble et
jaunâtre (l).
Dans le département d'Alger, les eaux les plus cé-
lèbres sont d'abord celles à' Hammam Rliira^ Aqine
calidœ des Romains, à proximité de leur capitale Julia
Cesarœa, aujourd'hui Cherchel. Les restes romains
sont nombreux autour des sources, mais sont peu de
chose à côté des grands établissements modernes,
militaire et civil. L'établissement civil, créé par
M. Arlès-Dufour, ne le cède guère pour l'importance
et le luxe aux plus beaux de la métropole. Hammam
R'hira compte de nombreuses sources, les unes ther-
males, les autres froides et ferrugineuses. Leur
débit total est d'environ 2iG 000 litres en vingt-
quatre heures.
Les diverses sources ferrugineuses d'Hammam
R'hira ont des compositions assez diverses. Elles sont
faiblement carboniques et assez fortement minérali-
(1) Nous citerons encore dans le département de Coustantine
le Hammam Mansoura dans les Portes de Ker, assez analogue à
l'Hammam Berda, le Hammam Sétif, le Hammam oued Mimin,
à 41 kilomètres de Philippe ville, 40 à 43°, ferrugineuse et
carbonique faible; Hammam Sahla Bey, à 9 kilomètres de
Constantine ; Hammam Si el Hadj près Biskra ; les eaux de
l'oued Amimin, près de Jemmapes, etc.
346 GÉOLOGIE.
sées, 2 à 3 grammes par litre. Elles contiennent une
assez grande quantité de sulfate de chaux. Elles sont
chaudes ou froides.
Les eaux thermales sont les plus importantes.
Leur température varie de 40 à 70° centigrades . Leur
minéralisation est assez faible. Certaines sources, les
plus chaudes, sont utiUsées en bains, d'autres sont
bues à la buvette. Les analj^ses qui ont été données
de ces eaux sont assez peu concordantes.
Elles contiennent toutes de 2 à 3 grammes de sels
par htre, où dominent les chlorures et les sulfates de
soude^ de chaux et de magnésie, avec quelques car-
bonates des mêmes bases. Des traces d'arsenic ont
été trouvées dans les sources ferrugineuses. On com-
pare, au point de vue médical, ces eaux à celles de
Néris et de Lucques.
Après Hammam R'hira, les eaux thermales les
plus importantes des environs d'Alger sont les eaux
chlorurées sodiques d'Bammam Melouan près de
Rovigo (G g. 33), où existe un établissement balnéaire
plus modeste que le précédent. Ces eaux sourdent au
fond d'une gorge escarpée et étaient autrefois d'un
accès difficile, néanmoins elles ont toujours été tenues
en grande estime. Aujourd'hui, elles ont un chemin
d'accès carrossable et un hôtel modeste mais suffi-
sant. L'ensemble des sources débite environ
345 000 Utres en vingt-quatre heures. Elles sont
claires, onctueuses, inodores et gazeuses. Leur tem-
pérature est de 39 à 40°; leur composition assez voi-
sine de celle de l'eau delà mer. Elles laissent déposer
un peu de fer (1).
(1) Outre ces deux stations principales, on en trouve un grand
nombre d'autres utilisées localement, surtout par les Arabes,
EAUX MINÉRALES.
347
Fi^. 3;]. — Eaux d'Hammam Melouan,
348 GÉOLOGIE.
Dans le département d'Oran, à 50 kilomètres
d'Oran et à 3 kilomètres d'Ain Temouchent, nous
trouvons aussi un établissement thermal de premier
ordre, celui &' Hammam hou Hadjar (bains de la
pierre), ainsi nommé à cause des dépôts traverti-
neux que laissent ces eaux, qui forment en outre dans
les griffons de curieux pisoUtbes, pareils à des pilules
dragéifiées.
Ces eaux sourdent dans un terrain travertineux
formé par elles et, comme à Hammam Meskoutine, il
arrive que les griffons s'obstruent et se déplacent, ou
que l'on trouve de nouvelles sources en creusantdes
tranchées dans ce travertin. L'examen de ces traver-
tins montre que les sources furent d'abord calcaires,
puis ferrugineuses et sont enfin redevenues calcaires.
La température est très variable. Il existe à Hammam
bon Hadjar des sources froides et d'autres dont la
température atteint 78°.
comme le Hammam Ksenua, à 40 kilomètres d'Aumale, dans la
forêt du Kseuna, dont la température varie de 30 à 70° centi-
grades et qui sont fortement sulfureuses ; celles de l'ouod
Okris dans la môme région ; les sources également sulfu-
reuses des Ouled Auteur, prèsdeBoghar; celles deBerrouaghia,
de rOuareusenis, d'Aïn Kebrita près Teniet, etc.
Les eaux ferrugineuses abondent dans le département
d'Alger; outre celles déjà mentionnées, nous signalerons la
source légèrement iodurée de la Bouzareah, celles du Frais-
Vallon, de la forêt de Teniet el Haad, de Mouzaïa, d'Aïn Ham-
maraa, près de Milian;ih, de Boufarick, d'El Achour,du Fondouck,
de i^'ort-Nationai ; les sources de la région de Dellys, de Bcr-
rouaghia, d'Aïn en Nehar, de Mazer, d'Aïn ben Bakti ; d'Aïn el
Hammam à quatre kilomètres de Djelfa, et enfin de Ben
Haroun dans la région de Dra el Mizan. Cette dernière localité
contient aussi des eaux un peu laxatives.
Des eaux salines existent encore près du vieux Tenès, au
Ksar Zerguin, région de Boghar au Cherf, à trente-six kilomè-
mètres de Djelfa, etc.
EAUX MINÉRALES.
349
Les travaux de caplage ont plus d'une fois modilié
la température et la composition des sources. Voici
quelques analyses données parle service des mines :
SOURCE
du
palmier 78".
SOURCE
n» 9
froide.
SOURCE
de la
tranchée oG".
Bicarbonate de chaux...
— de magnésie.
— de soude
— de fer
Sulfate de chaux
Chlorure de calcium
— de magnésium.
— de sodium
Silice
1.070
0.052
1.075
0.120
0.102
O.lOl
0.170
2.070
0.070
1.218
0.045
1.390
0.132
0.105
0.341
0.102
2.215
0.075
0.514
0.030
0.517
0.120
0.102
0.31G
0.177
2.013
0.070
Total au litre
4 . 890
5.G83
3.859
Ajoutons que les pisolithes formés par les sources
contiennent de la strontiane en quantité notable et
un peu d'acide phosphorique.
Le débit de ces sources est considérable.
Ajoutons deux sources à la fois sulfureuses et
chlorurées sodiques fortes : Aïn Nouissy près Mosta-
ganem et Ain Mentil à 18 kilom. d'.Ammi Moussa.
A 3 kilomètres d'Oran, sur la route de Mers-el-
Kébir, dans une grotte au bord de la mer et à 2 mè-
tres en contre-bas, se trouvent les bains de la Reine.
On a construit pour ces eaux, célèbres chez les Ara-
bes et les Espagnols, un établissement important.
Nous citerons encore :
1° Le Hammam Sidi Cheik, près de Lella Marnia.
Ces eaux ont un débit considérable et font tourner
350 GEOLOGIE.
un moulin. Leur température est de 33°, elles sont
faiblement minéralisées, 3 grammes par litre dont
2 environ de sel marin. Elles sont incrustantes ;
2° Le Hammam Sidi bel Khreir, dans la même
région, moins minéralisé, et de même température;
3° Le Hammam oued Khaled, près de Saïda;
Et 4° Sidi bou Mahiedin, sur les bords du Ghélif,
non loin du confluent de la Mina. Toutes ces eaux
sont peu minéralisées, mais thermales.
Deux eaux carbonatées calciques chaudes ont une
certaine importance ; en première ligne, le Hammam
bou Hanifia, sur le chemin de fer de Perrégaux à
Mascara. Ces eauxjouissent d'une grande réputation,
tant chez les indigènes que chez les Européens, pour
le traitement des rhumatismes aigus et de la dysen-
terie. On peut les comparer aux eaux de Bourbonne
et de Luxeuil. L'établissement est aménagé surtout
en vue des indigènes.
La deuxième eau minérale du même genre est
l'AïnSidi Abdein,sur les bords de l'Isser, à deux heures
du Pont de l'Isser. Sa température est de 38° et sa
minéraUsation très faible, 0^\466. On peut encore
citer dans le même genre, moins minéralisé encore,
le Hammam bou R'hara, près Marnia.
Le département d'Oran est, comme les deux autres,
assez riche en eaux ferrugineuses. Ces eaux sont en
général peu minéralisées et froides, ou peu chaudes
(35° pour la plus chaude, l'Ain Madagre). Nous cite-
rons l'Ain Merdja, près de l'embouchure de la Tafna,
FAïn el Hammam, près de Sebdou, l'Hammam el
Hout, près de Tlemcen etl'Aïn Madagre, à 1 kilomètre
de l'embouchure de l'Oued Madagre.
CHAPITRE IX
CONCLUSIONS
En résumé, l'Algérie n'est que le prolongement de
l'Europe, une des terres qui bordent ce grand lac
européen, si justement nommé par les Romains Mare
Méditerraneum. Le Tell est susceptible d'être peuplé
comme l'Espagne ou la Provence et il semble s'être
rapproché de cet idéal sous les Romains. La région
des steppes et le Sahara, avec des ressources moin-
dres, sont pourtant susceptibles d'amélioration. Mal-
gré ses détracteurs, l'Algérie est une magnifique
colonie. Il n'y a qu'une soixantaine d'années que nous
avons commencé la conquête du territoire. 11 n'y a
que vingt-cinq ans que la colonisation, générale-
ment abhorrée sous le régime militaire (1), a enfin
pu prendre tout son essor. Elle s'est faite sans direc-
tion générale, au petit bonheur, avec bien des faus-
ses manœuvres, et cependant les résultats sont déjà
surprenants. Le Tell s'est couvert presque partout
de splendides cultures; Alger, avec ses faubourgs,
forme une agglomération de plus de 130000 âmes,
c'est un de nos plus grands ports de commerce ; Oran
suit de près la capitale.
Sans doute, tout n'est pas pour le mieux, et à
(1) Une honorable exception doit être faite pour le maréchal
CuffoaUd.
352 CONCLUSIONS.
l'heure actuelle de grandes exploitations, créées à
grands renforts de capitaux français, subissent une
crise difficile. Mais il en est de même partout, l'avi-
lissement des prix des denrées rend précaire le
revenu du propriétaire terrien, celui du capitaliste
décroit aussi constamment. Lorsque le colon con-
sommera lui-même les produits du sol, l'Algérie
pourranourrir 12000 000 d'hommes, précieux appoint
pour la mère patrie.
Deux causes ralentiront ce peuplement, deux
fléaux, qui dépendent surtout de la chaleur du cli-
mat : la fièvre et l'alcool.
Contre la fièvre, nous avons un auxiliaire pré-
cieux qui manquait aux Romains, la quinine ; mais
nous leur sommes bien inférieurs sous le rapport
de l'hygiène. Nous plaçons plus mal nos centres et
nous n'apportons pas le même soin qu'eux dans la
recherche des eaux d'alimentation. L'emplacement
de nos centres a généralement été choisi en dehors
de toute préoccupation hygiénique.
La consommation de l'alcool en Algérie, malgré
l'ardeur du chmat, est loin d'être aussi considérable
qu'on se le ligure ; mais les effets nocifs des boissons
alcoohques sont bien plus intenses dans les pays
chauds. Souvent ce sont les nouveaux venus qui
sont les moins sobres. Les malheureux émigrés de
l'Alsace et de la Lorraine ont été vite décimés par
ce fléau, pour n'avoir pas voulu modifier leurs
habitudes.
Si les Français pouvaient prendre l'habitude de
soutenir et d'aimer leurs compatriotes établis à
l'étranger, au lieu de les traiter en suspects; si nous
pouvions nous débarrasser de notre paperasserie
CONCLUSIONS. 353
et de nos rouages administratifs aussi compliques
que vexatoires pour les indigènes, nous serions les
premiers colonisateurs du monde.
On paraît se préoccuper surtout en France de
Tavenir des indigènes. On ne voit en eux que de
pauvres victimes dépossédées, que l'on suppose
maltraitées par les colons. C'est encore une manière
trop étroite de voir les choses. Les indigènes sont
surtout victimes de nos rouages judiciaires et des
spéculateurs éhontés qui traoaillent avec la loi. Le
vrai colon, celui qui cultive, est plutôt leur ami ; il
leur est en tout cas utile. Du reste, quoi que l'on
tasse, il faudra toujours que la terre passe entre les
mains de celui qui la fait produire. Or les arabes
n'ont fait qu'un vaste désert de la riche Afrique
romaine. Ils n'ont qu'un moyen de salut pour
l'avenir, c'est de se mettre résolument au travail.
Cette initiative, ils sont incapables de la prendre
eux-mêmes, et c'est de ce côté que le grand courant
arabophile qui existe en France devrait diriger ses
efforts. Les réformes proposées en leur faveur, telles
que le droit de vote, l'instruction prématurée, ne
contribueront qu'à précipiter leur ruine en les déta-
chant de leur religion et de leurs institutions ; ils le
sentent bien eux-mêmes. On peut dire que l'Arabe
a soif d'un régime juste, mais autoritaire, d'une
direction ferme, intelhgente et suivie. Qu'on leur
apprenne à bien utiliser les terres qui leur restent et
ils pourront redevenir riches. Leur aisance fera
celle des colons. Les intérêts des deux populations
sont soUdaires et non opposés.
Il y a beaucoup à espérer de la population kabyle
dans cet ordre d'idées.
Battandier et Trabut. — Ali?érie. 23
354 CONCLUSIONS.
On nous oppose souvent la colonisation romaine
qui a eu sept siècles pour se perfectionner, mais
dans cinquante ans, nous aurons dépassé les Romains.
Il est vrai que nos moyens d'action sont plus
puissants.
Quoi que l'on ait pu dire, le climat ne semble pas
avoir beaucoup changé depuis les Romains, et si
l'on reprenait leurs procédés de culture, Ton pourrait
rendre prospères des régions que l'on regarde au-
jourd'hui comme propres seulement au pacage des
moutons.
On a dit que, dans certains puits romains de
Tunisie, on ne trouvait plus l'eau qu'à 1 mètre au-
dessous des fondations.
Hérodote rapporte que les Garamantes, habitants
du désert, chassaient les Éthiopiens troglodytes sur
des chars à quatre chevaux et avaient des bœufs qui
paissaient à reculons, leurs grandes cornes courbées
en avant buttant contre terre quand ils voulaient
avancer. Ce bœuf opistonome des Garamantes n'est
pas, comme le dit Schirmer, le Zébu du Soudan,
mais bien une espèce disparue, dont l'École des
sciences d'Alger possède une belle tète. De nombreux
textes signalent à cette époque l'Éléphant dans le
Maghreb. Ces animaux ont donc disparu dans les
temps historiques. Le grand changement chmaté-
rique qui s'opère depuis le quaternaire doit encore
se continuer aujourd'hui. 11 semble que nos forêts ont
une tendance à reculer môme en dehors de l'action de
l'homme et de ses troupeaux. Mais il est d'autre
part évident que ces changements ont été faibles de-
puis les temps historiques. Hérodote nous dit que
de son temps il pleuvait si peu dans les déserts de
CONCLUSIONS. 355
Libye, qu'on y bâtissait les maisons avec du sel.
L'expédition d'Alexandre à l'oasis d'Ainmon nous
montre un désert semblable à celui que nous con-
naissons. Le soin méticuleux avec lequel les Romains
captaient et utilisaient toutes les eaux indique leur
rareté. D'après M. Scliirmer, l'existence de la flore
désertique serait la meilleure preuve de l'antiquité
du Sahara. Évidemment cette flore est ancienne; il
est même possible que la plupart de ses types re-
montent à la période tertiaire ; mais cela prouve
seulement qu'il existait alors dans le continent des
pays où ces espèces pouvaient vivre. Rien ne dit
qu'elles occupaient alors les mêmes espaces qu'au-
jourd'hui. Elles ont dû avancer avec le désert à
mesure que les anciennes plantes du pays rétrogra-
daient ou se réfugiaient sur les montagnes. Au qua-
ternaire, le Sahara semble avoir été déjà un pays de
steppes ; depuis, la steppe a dû passer au désert par
un mouvement très lent. Les modifications du climat
depuis les Romains sont certainement peu sensibles,
et l'Algérie sera encore cultivable pendant bien des
siècles.
FIN.
TABLE ALPHABETIQUE
Abeille, 286.
Abricotier, 8G.
Acacia, 45, 103.
Acridiens, 287.
Acridium peregri-
num, 288.
Addax, 249.
Agaves, 99.
Agriculture, 57.
Aigle, 258.
Alfa, 112, 120,
Altise de lavigDC,302.
Amandier, 44, 86.
Aménagement des
eaux, 61.
Amiu, 218.
Anaïa, 218.
Anes, 244.
Anguille, 281.
Annélides, 307.
Anone, 90.
Anthropologie, 174.
Antilope, 248.
Antimoine, 335.
Aphis, 287.
Arabes, 197.
Arachnides, 284.
Aratins, 195.
Arboriculture fores-
tière, 97.
Arbres et arbustes,
17.
Arroui, 249.
Articulés, 283.
Astarto-ptérocérien
314.
Autruche, 265.
Avocatier, 90.
Avoine, 73.
Baleine, 237.
Bananier, 88.
Batraciens, 274.
Bécasse, 266.
Bécharra, 210.
Belette, 235.
Berbères, 199.
Bizet, 262.
Blé, 69.
Bœuf, 253.
Bourriquot, 244.
Brebis, 251.
Broussailles, 18.
Bubale, 248.
Buses, 258.
Byzantins, 197.
Caille, 264.
Caméléon, 270.
Canaigre, 104.
Canard, 207.
Câprier, 88.
Caracal, 232.
Caroubier, 44, 84.
Carrières, 332.
Carthaginois, 196.
Cédratier, 89.
Cèdre, 37.
Céréales, 69.
Cerf, 245.
Cerisier, 44, 86.
Chacals, 233.
Champignons, 109.
Chananéens, 196.
Charognard, 257..
Chat sauvage, 232.
Châtaignier, 44.
Chéiroptères, 255.
Chêne-liège, 31.
Chêne velaui, 103.
Cheval, 239.
Chèvre, 253.
Chicorée, 105.
Chien, 234.
Chih, 112.
Ghotts, 3, 111.
Chouchet, 182.
Cigogne, 267.
Citronnier, 89.
Climat, 9.
Climatologie, 147.
Clou de Biskra,
229.
Cochenilles, 287. .
Cœlentérés, 307,
Çof, 219.
Colombides, 262.
Conclusions, 351.
358
TABLE ALPHABÉTIQUE.
Conquête française,
198.
Corail, 308.
Corallien, 314.
Corbeau, 2G0.
Corinne, 248.
Corneille, 260.
Cotonnier, 100.
Coucou, 262.
Couleuvre, 272.
Cours d'eau, 7, 150.
Crétacés (terrains),
316.
Criquet pèlerin, 288.
291.
Cromlech, 184.
Crustacés, 283.
Cuivre, 333.
Cultures, 69.
— industrielles, 97.
— maraîchères, 95.
Gursoriens, 266.
Cygne, 267.
Daim, 245.
Daman, 255.
Dattier, 170.
Dauphin, 237.
Démographie, 220.
Désert, 143,
Diffa, 205.
Dipodinés, 255.
Dolique, 74.
Dolmens, 183.
Douar, 204.
Dromadaire, 245.
Dunes, 153.
Eaux(aménagemcnt
des), 61.
Eaux minérales, 339.
Échassiers, 265.
Éléphant, 238.
Eocène, 324.
Essences secondai-
res, 44.
Etourneau, 260.
Eucalyptus, 45, 105.
Faucheux, 284.
Faucons, 258.
Faune, 230.
Fennec, 234.
Fer, 335.
Fève, 74.
Figuier, 44, 83.
Flamant, 267.
Flore herbacée, 46.
— saharienne,
158.
Forêts, 24.
Formations récen-
tes, 331.
Fourmis, 2^5.
Gale bédouine, 22S.
Gallinacées, 263.
Gangas, 264.
Garrulidés, 260
Gazelle, 248.
Geai, 260.
Genettes, 235.
Genévrier de Phéni-
cie, 43.
Géographie physi-
que, 1.
Géologie, 309.
Géranium, 102.
Gerboises, 255.
Gesse, 74.
Gourbis, 204,207.
Goyavier, 90.
Grenouille, 274.
Grimpeurs, 262.
Grue, 267.
Guépard, 233.
Guêpier, 261.
Gypaète, 258.
Gyps, 257.
Halfa, 112, 120.
Haouanet, 186.
Hareng, 278.
Hauts plateaux, 2, 3.
Hérisson, 255.
Hérodionés, 267.
Héron, 267.
Hibou, 260.
Hobb arag, 228.
Homme préhistori-
que, 174.
Hyène, 235.
Idiafasciata, 301.
Indigènes, 199.
Insectes, 284.
Insectivores, 255.
Jardins, 91.
Javelot, 271.
Juifs, 198,219.
Jurassiques (ter-
rains), 313.
Jute, 100.
Kabyles, 199,213.
Kakis, 90.
Kif, 168.
Lacs, 8.
Lagmi, 173.
Lapin, 256.
Lecanora esculenta,
1G3.
Légumineuses, 73.
Léporinés, 256.
Lézard, 270.
Lias, 315.
Liboua, 193.
Lièvre d'Egypte,256.
Lignite, 333.
Lin, 99.
Lion, 231.
Lioua, 193.
Locustiens, 287.
Loir, 255.
Lombrics, 308.
Loutre, 235.
Magot, 230.
Maïs, 73.
Maladies, 227.
Mammifères, 230.
— pélagiques
237.
TABLE ALPHABÉTIQUE.
359
Mangouste, 2:5â.
Marbres, 332.
Mausolée des an-
ciens rois de Nu-
midie, 183.
Modes, 19G.
Medracen, 183.
Mehara, 245.
Méhari, 201, 245.
Mélano-gétules, 105.
Melons, 06.
Menah, 215.
Menthe, 102.
Mer d'alfa, 111.
— intérieure, 143.
Merlan, 270.
Milan, 250.
Mines, 332.^
Miocène, 323.
Moineau, 2G0.
Mollusques, 307.
Montagnes, 4.
Mouflon, 240.
Mouton, 240.
Musaraigne, 255.
Mustclidés, 235.
Myriapodes, 284.
Naja, 273.
Nature des terres,
57.
Nécropole de Bou-
Merzoug, 180.
— deBou-Nouara,
187.
— de Djebel-Mé-
rah, 188.
— de Sigus, 180.
Néflier du Japon, 88.
Nefras, 210.
Néophron, 257.
Oasis, 107, 204.
Oiseaux, 257.
Olivier, 78.
Once des Algériens,
233.
Oolithique(grotipe),
315.
Oninger, 80.
Orge, 72.
Oueds, 7, 111.
Ours, 230.
Outarde, 205.
Oxfordien, 315.
Oxycèdre, 43.
Paléozoïques (ter-
rains), 312.
Palmiers, 02, 173.
Palmipèdes, 207.
Palombe, 202.
Panthère, 231.
Parfumerie (plantes
pour la), 102.
Passereaux, 200.
Pécher, 80.
Perdrix rouge d'Ai-
gérie, 203.
i'héniciens, 100.
Phoque, 237.
Phosphates, 335.
Phylloxéra, 300.
Pie, 200.
Piments, 00.
Pin d'Alep,41.
Pistacia, 45.
Pivert, 202.
Plantes pour la par-
fumerie, 102.
— tannifères,102.
— textiles, 00.
Plâtre, 332.
Pliocène, 321.
Plomb argentifère,
333 .
Pluies, 11.
Poirier, 87.
Pois chiche, 74.
Poissons, 270.
— d'eaux douces,
280.
— de mer, 270.
Pommier, 87.
Porc-épic, 250.
Premiers habitants,
103.
Prunier, 80.
Putois, 235.
Quaternaire ( ter -
rain), 324.
— ancien, 325.
— récent, 328.
Rallc, 200.
Rapaces, 257.
Rat d'Egypte, 255.
Raton, 235.
Renard, 234.
Reptiles, 208.
Requin, 2(S0.
Rhouara, 105.
Riz, 73.
Roches éruptives,
331.
Rokuia, 185.
RoUier, 201.
Romains, 100.
Rongeurs, 255.
Rouget, 270.
Safran, 105.
Sahara, 141.
Salamandre, 274.
Sanglier, 238.
Sapin, 44.
Sarcelle, 207.
Sauriens, 209.
Sauterelles, 287.
Savonnier, 104.
Schistes cristallins,
312.
Scinque, 270.
Seigle, 73.
Sel, 333.
Sépultures mégali-
thiques, 182.
Sériciculture, 110.
Serpents, 271.
Serval, 232.
360
TABLE ALPHABÉTIQUE.
Slougui, 235.
Sole, 279.
Sorbier, 44.
Sorgho, 73, 104.
Sources, 156.
Souris, 255.
Slaurouotus maro-
canus, 299.
Steppe, 111.
Sturnidés, 2G0.
Surmulot, 255.
Tabac, 97.
Tanîiifôres (plantes),
102.
Tarento, 270.
Tell, 2, 4.
Tellis, 204.
Tente, 204.
Terfns, 109, 103.
Terrains crétacés ,
31G.
— jurassiques, 313.
Terrains paléozoï-
ques, 312.
— quaternaires,
324.
— tertiaires, 320.
Terrasses de rete-
nue, 62.
Terres (nature des),
57.
Tertiaires(terrains),
3-20.
Textiles (plantes),
99.
Thokmi, 168.
Thon, 277.
Thuya d'Algérie, 43.
Tortues, 269.
Touareg, 201.
Tourterelle, 262.
Travertins, 326.
Tremble, 44.
Trigle, 276.
Truffes, 109.
Truite, 282.
Tumuli, 182, 184.
Turcs, 197.
Vache de Barbarie,
248.
Vandales, 197.
Varan, 269.
Vautours, 257.
Végétation, 15.
Ver blanc, 305.
Vers, 307.
Vers à soie, 110.
Vers de terre, 308.
Vigne, 74.
Village kabyle, 217.
Vin, 74.
Vipère, 273.
Viverridés, 235.
Zinc, 334.
Zorilla, 235.
FIN DE LA TABLE ALPHABETIQUE
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Gorbcil. Imp. Étl. CnitTÉ.
thèque The Library
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HC 547 .P4B27 1898
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