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Full text of "L'Algérie : le sol et les habitants, flore, faune, géologie, anthropologie, ressources agricoles et économiques"

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University  of  Ottawa 


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.^. 


BIBLIOTHÈQUE    SCIENTIFIQUE  CONTEMPORAINE 


L'ALGÉRIE 


LIBRAIRIE   J.-B.   BAILLIÈRE  et  FILS 


BIBLIOTHÈQUE      SCIENTIFIQUE      CONTEMPORAINE 

Les  Vosges,  le  sol  et  les  habitants,  par  G.  Bleicher.  1  vol. 
m-16,  avec  28  figures 3  fr.  50 

Les  Pyrénées,  par  J.  Trutat.  1  voL  in-16,  400  pages,  avec 

30  figures 3  fr.  50 

Les  Alpes  Françaises,  par  A.  Falsan.  2  vol.  in-16,  avec 
figures.  Prix  de  chaque  volume 3  fr.  50 

L'Egypte  au  temps  des  Pharaons,  la  vie,  la  science  et 
l'art,  par  V.  Lorct,  maître  de  conférences  à  la  Faculté  de 
Lyon.  1  vol.  in-lG,  avec  18  photogravures 3  fr.  50 

Les  Pygmées,  par  A.  de   Quatrefages.  1   vol.  in-16,  avec 

31  gravures 3  Ir.  50 

La  Place  de  l'homme  dans  la  nature,  par  Th.  Huxley. 
1  vol.  in-16,  avec  84  figures 3  fr.  50 

Les  Sciences  naturelles  et  l'éducation,  par  Th.  Huxley, 
membre  de  la  Société  royale  de  Londres.  1  vol.  in-16.     3  fr.  50 

L'Évolution  et  l'origine  des  espèces,  par  Th.  Huxley. 
1  vol.  m-16,  avec  20  figures 3  fr.  50 

Le  Transformisme,  par  Ed.  Perrier,  professeur  au  Muséum 
d'histoire  naturelle  1  vol.  in-16,  avec  88  figures..     3  fr.  50 

Les  Facultés  mentales  des  animaux,  par  le  Dr  Foveau 
DE  CouRMELLES.  1  vol.  in-16,  avcc  31  figures 3  fr.  50 

La  Géographie  zoologique,  par  le  D""  Trouessart.  1  voL 
in-16,  63  figures  et  2  cartes 3  fr.  50 

Au  bord  de  la  mer,  par  le  Dt"  Trouessart.  1  vol.  in-16, 
avec  1 49  figures 3  fr.  50 

Pèches  et  chasses  zoologiques,  par  le  marquis  de  Folin. 
1  vol.  in-16    avec  117  figures 3  fr.  60 

La  Vie  des  oiseaux,  scènes  d'après  nature,  par  le  baron 
D'Hamonville.  1  vol.  in-16,  avec  18  planches 3  fr.  50 

Les  Ancêtres  de  nos  animaux  dans  les  temps  géolo- 
giques, par  Albert  Gaudry,  membre  de  l'Institut,  professeur 
au  Muséum.  I  vol.  in-16,  avec  49  figures 3  fr.  60 

Les  Tremblements  de  terre,  par  Fouqué,  professeur  au 
Collège  de  France,  membre  de  l'Institut.  1  vol.  in-16,  avec 
44  figures 3  fr.  50 

Les  Abeilles.  Organes  et  fonctions,  éducation  et  produits, 
miel  et  cire,  par  Maurice  Girard.  3^  édition.  I  vol.  in-i6, 
avec  s5  figures 3  fr.  50 

La  Truffe.  Étude  sur  les  truffes  et  les  truffières,  par  le  D^" 
G.  Ferry  de  la  Bellone.  1  vol.  in-16,  avec  21  fig..     3  fr.  50 


9440-97.  —  CoRBEiL.  Imprimerie  Éd.  Crété. 


^ 


//S' 


L'ALGÉRIE 


LE  SOL  ET  LES  HABITANTS 

FLORE,   FAUNE,  GÉOLOGIE,  ANTHROPOLOGIE 
RESSOURCES  AGRICOLES  ET  ÉCONOMIQUES 


PAR 


J.-A.  BATTANDIER  et  L.  TRABUT      * 

PROFESSEURS  A    l'ÉCOLE    DE    PLEIN   EXERCICE   DE    MEDECINE 
ET    DE   PHARMACIE    d'aLGER 


PARIS 

LIBRAIRIE   J.-B.    BAILLIÈRE   et    FILS 
19,  rue  Hautefeuille,  près  du  boulevard  Saint-Germain. 


\ 


1898 

Tous  droits  réservés 


BIBUOTHECA 


PREFACE 


L'Algérie  est  encore  peu  et  mal  connue  en  France. 
Elle  demeure  le  pays  des  mirages.  Suivant  les 
impressions  et  les  tempéraments  elle  a  été  décrite 
tantôt  comme  un  eldorado,  tantôt  comme  un  enfer. 
Elle  n'est  ni  l'un  ni  l'autre,  mais  tient  un  peu  des 
de  ux 

Ce  qui  a  pu  provoquer  des  jugements  si  différents, 
c'est  que  l'Algérie  ne  constitue  pas  une  région 
homogène  ;  elle  est  pleine  de  contrastes.  Elle  est 
comme  un  tapis  formé  de  pièces  d'étoffe  les  plus 
disparates  :  ici  d'impénétrables  forets,  là  des  sur- 
faces absolument  nues  ;  près  de  régions  très  plu- 
vieuses des  contrées  désolées  par  la  sécheresse;  là 
des  régions  tempérées,  ailleurs  des  pays  torrides. 
Commençant  par  un  rivage  tout  européen,  elle  finit 
dans  le  mieux  caractérisé  des  déserts. 

Dans  les  populations,  même  diversité.  L'élément 
indigène  est  tantôt  attaché  au  sol  comme  l'Auvergnat, 
tantôt  pasteur  et  nomade  comme  les  peuples  bibli- 
ques. Les  races  riveraines  de  la  Méditerranée  qui 
se  sont  jointes  aux  Français  pour  coloniser  le  pays 
finiront  par  se  fondre  avec  nous  en  modifiant  notre 
caractère  de  façon  très  diverse  à  l'Est  et  à  l'Ouest. 

L'Algérie  a  beaucoup  encore  à  révéler  aux  cher- 


VI  PRÉFACE. 

cheurs   ;    l'exploration    méthodique    n'en  est   pas 
terminée. 

Dans  ce  livre  nous  avons  accumulé  les  notions 
d'histoire  naturelle  que  nous  eussions  désiré  trouver 
nous-mêmes  en  arrivant.  Nous  avons  fait  connaître 
les  ressources  qu'offre  ce  pays  où,  malgré  une 
somme  énorme  d'efforts  isolés,  il  reste  tant  à  faire 
pour  la  mise  en  valeur  du  sol. 

La  France  importe  encore  des  pays  étrangers  trop 
de  blés,  de  vins,  d'huiles,  de  tabacs  analogues  à 
ceux  que  l'Algérie  pourrait  lui  fournir.  Le  bétail 
Algérien  constitue  une  ressource  précieuse.  Les 
mines,  les  phosphates,  les  alfas  sont  exploités  par 
des  étrangers  et  la  France  n'en  tire  aucun  profit. 

Tous  les  efforts  doivent  tendre  à  cette  mise  en 
valeur  du  sol,  œuvre  longue  et  difficile.  C'est  un 
beau  champ  d'activité  pour  ceux  de  nos  compatriotes 
qui  ne  redoutent  ni  le  déplacement,  ni  la  lutte  contre 
les  éléments  les  plus  variés. 

Adonnés  depuis  plus  de  vingt  ans  à  l'étude 
botanique  de  l'Algérie,  nous  l'avons  parcourue  en 
tous  sens  pour  effectuer  le  dénombrement  et  étabUr 
la  répartition  des  plantes  qui  peuplent  ses  plaines, 
ses  montagnes  et  ses  solitudes.  Ce  travail  nous  a 
permis  de  voir  beaucoup,  de  puiser  nos  renseigne- 
ments à  des  sources  sûres  et  d'acquérir  des  convic- 
tions que  nous  cherchons  de  bonne  foi  à  faire 
partager  à  nos  lecteurs. 

J.-A.  Battandier.  —  L.  ïrabut. 
Alger,  15  décembre  1897. 


TABLE  DES   MATIERES 


Préface v 

Chapitre  !«'".  —  Géographie  physique 1 

Chapitre  IL  —  Le  Tell 4 

Montagnes,  4,  —  Çqurs  d'eam  7.  —  Lacs,  8.  —  Climat,  0.  —  Pluies,  H . 
—  Vég(''tation,  15.  —  Arbres  et  arl)ustes,  17.  —  Broussailles,  18.  — 
Forèls,  24.  —  Chêne-liège,  31.  —  Cèdre,  37.  —  Pin  d'Alep,  41.  — 
Thuya  d'Algérie,  43.  —  Oxyccdre  et  genévrier,  43.  —  Sapin,  assenées 
secondaires,  44.  —  Flore  herbacée,  46. 

Chapitre  III.  —  Agriculture 67 

Nature  des  terres,  57.  —  Aménagement  des  eaux,  61.  —  Cultures,  cé- 
réales, 69.  —  Légumineuses,  "3.  —  Vignes,  74.  —  Olivier,  78.  — 
Figuier,  83.  —  Caroubier,  84.  —  Abricolier,  prunier,  cerisier,  pêcher, 
amandier,  86.  — Pommier  et  poirier,  87.  —  Cûprieretnéflii  r  du  Japon  et 
bananier,  88. —  Oranger,  citronnier,  cédratier,  89.  —  Goyaviers,  anones, 
avocatiers,  kakis,  90.  —  Jardins,  91.  —  Cultures  maraîchères,  95.  — 
Cultures  industrielles  et  arboriculture  forestière,  le  tabac.  97.  —  Plantes 
textiles,  99.  —  Plantes  pour  la  parfumerie,  102.  —  Plantes  tannifères, 
102.  —  Eucalyptus,  105.  —  Champignons,  109.  —  Sériciculture,  110. 

Chapitre  IV.  —  La  Steppe 111 

L'Alfa,  120. 

Chapitre  V.  —  Le  Sahara 141 

Mer  intérieure,  143.  —  Climatologie,  147.  —  Cours_illeau,  130.  —  Dunes, 
153.  —  Sources,  136.  —  Fiore   saharienne,  158.  —  Oasis,  167. 

Chapitre  VI.  —  Anthropologie 175 

L'homme  préhistorique,  175.  —  Les  premiers  habitants,  193.  —  Mèdes 
Chananéens,  Phéniciens,  Carthaginois,  Romains,  19G.  —  Vandales, 
Byzantins,  Arabes,  Turcs,  197.  —  Juifs,  198.  — La  conquête  française, 
198.  —  Les  Indigènes,  199.  —  La  tente,  204.  —  Le  gourbi,  207.  — 
Les  habitants  de  la  tente  et  du  gourbi,  208.  —  Kabyles,  213.  —  Les 
Juifs.  219.  —  Démographie,  220.  —  Maladies,  227 


VIII  TABLE  DES   MATIÈRES. 

Chapitre  VII.  —  La  faune 

I.  Mammifères 2:îO 

Magots,  230.  —  Lion,  panthère,  231.  —  Serval,  chat   sauvage,  caracal, 

232.  —  Guépard,  chacals,  233.  — Jieiiard,-fenuec,  cliien,  234.  —  H\ènc, 
\iverridés,  mustélidos,  235.  —  Our-s,  230.  —  Mammilères  pélagique.«, 
237.  —  Élé^hiiul,  sanglier,  238.  —  Cjieval,  239.  —  Mulet,  âne,  244. 

—  Dromadaire,  cerfs,  daims,  245.  —  4JlliJûp£.,  buljale,  248.  —  Addnx, 
mouflon, ^D^ttulon,  249.  —  Chèvre,  bœuf,  253.  —  Chéiroptères,  insec- 
tivores, rongeurs,  dipodinés,  255.  —  Léporinès,  256. 

II.  Oiseaux 257 

Rapaces,  257.  —  Garrulidés,  sturnidcs,  passereaux,  260.  —  Grimpeurs, 
colomi)idés,  262.  —  Gallinacés,  263.  —  Autruche,  échassiers,  265.  — 
Palmipèdes,  267. 

III.  Reptiles 208 

Tortues,  sauriens,  269.  —  Serpents,  271. 

IV.  Batraciens 274 

V.  Poissons 27G 

Poissons  de  mer,  276.  —  Poissons  d'eaux  douces,  280. 

VI.  Articulés 283 

Crustacés,  283.  — Arachnides,  myriapodes,  insectes,  284. —  Sauterelles, 
287.  —  Altise  dà  la  vigne,  302.  —  Ver  blanc,  305.  —  Phylloxéra,  306. 

VII.  —  Mollusques,  vers  et  coelentérés 307 

Mollusques,  Aunélides,  307.  —  Lombrics  ou  vers  de  terre,  corail,    30S. 

Chapitre  VIII.  —  CJéologie 309 

Schistes  cristallins  et  terrains  paléozoïques,  312.  —  Terrains  juras- 
siques, 313.  —   Terrains   crétacés,    316.    —   Terrains  tertiaires,    320. 

—  Terrains  quaternaires,  32'».  —  Quaternaire  ancien,  325.  —  C'O'i- 
teruaire  récent,  328.  —  Formations  récentes,  roches  éruptives,  331.  — 

—  Mines  et  carrières,  332.  —  Phosphates,  335.  —  EiVux,jnainiEaies,_330. 

Chapitre  IX.  —  Conclusions 351 


L'ALGÉRIE 


CHAPITRE  PRI^MIER 
GÉOGRAPHIE     PHYSIQUE 

L'Algérie,  avec  le  Maroc  et  la  Tunisie,  constitue 
le  Maghreb  des  AraJjes  ou  Mauritanie  des  anciens, 
région  bien  nette,  comprise  entre  le  Sahara,  la  Médi- 
terranée et  l'Atlantique.  Toute  la  climatologie  de  ce 
pays  peut  se  résumer  dans  ces  deux  influences: 
vents  du  nord-ouest,  chargés  d'humidité,  apportant 
la  pluie  et  la  fertilité;  vents  du  sud  et  du  sud-est, 
secs  et  torrides,  venant  de  la  région  désertique  et 
amenant  avec  eux  la  sécheresse  et  la  stérilité.  Aussi 
loin  que  les  vents  humides  peuvent  amener  la  pluie 
en  quantité  suffisante  s'étend  le  pays  cultivable;  au 
delà  se  trouvent  d'abord  la  steppe,  puis  le  désert,  où 
la  culture  n'existe  qu'autant  que  des  irrigations  sont 
possibles.  Un  même  relief  montagneux  susceptible 
de  barrer  la  route  aux  nuages  aura  un  versant  déser- 
tique et  un  versant  couvert  de  riches  cultures.  Telle 
est  la  sécheresse  des  vents  désertiques  qu'elle  n'est 
guère  modifiée  par  les  mers  intérieures  comme  le 
golfe  Persique  et  la  mer  Rouge. 

Battandter  et  Tiubut.  —  Algérie,  \ 


2  GÉOGRAPHIE  PHYSIQUE. 

Ainsi  isolé  du  Sud  et  de  l'Orient  par  de  vastes 
déserts,  soumis  à  la  même  influence  vivifiante  que 
l'Europe,  c'est  avec  elle  que  le  Maghreb  a  le  plus  de 
rapports;  il  semble  en  être  un  prolongement.  Pour 
la  plupart  des  géologues,  iln'en  a  été  séparé  qu'assez 
tard  dans  la  série  des  temps  ;  d'ailleurs,  dès  que 
l'homme  a  su  se  servir  d'un  bateau,  le  détroit  de 
Gibraltar  n'a  été  pour  lui  qu'une  faible  barrière,  aussi 
ce  pays  semble-t-il  avoir  été,  de  toute  antiquité,  un 
carrefour  où  sont  veuues  se  heurter  les  populations 
de  l'Europe  et  de  l'Asie,  et  plus  anciennement  encore 
les  flores  de  l'Orient  et  de  l'Occident. 

L'Algérie  constitue  un  vaste  rectangle,  dont  les 
deux  grands  côtés  sont  la  Méditerranée  et  le  Sahara. 
'^  Ce  rectangle  s'inchne  fortement  sur  l'Equateur  de 
l'est  à  l'ouest,  de  sorte  qu'entre  les  latitudes  de  La 
Galle  et  de  Nemours  il  y  a  près  de  2  degrés  de  diffé- 
rence. Il  a  plus  de  1  000  kilomètres  de  long,  et  une 
largeur  indéterminée,  la  limite  poUtique  vers  le 
Sahara  étant  tout  à  fait  virtuelle.  L'orographie  en 
est  très  simple. 

Deux  grands  bourrelets  montagneux  courent  par 
rallèlement  à  la  Méditerranée,  formant  une  bordure 
Ultorale  et  une  bordure  saharienne.  Ces  deux  re- 
Uefs  montagneux  ont  leur  maximum  d'écartement 
dans  la  province  d'Oran  (150  à  200  kil.).  Ils  devien- 
nent au  contraire  confluents  dans  la  province  de 
Constantine  et  ne  sont  plus  séparés  en  Tunisie  que 
par  la  vallée  de  la  Medjerda. 

Le  versant  méditerranéen  du  premier  de  ces  bour- 
relets constitue  le  Tell,  assez  semblable  au  midi  de 
la  France  et  à  peu  près  partout  cultivable.  On  désigne 
gous  le  pom  de  Hauts-Plateaux  une  longue  terrasse 


GEOGRAPHIE   PHYSIQUE.  3 

élevée  de  500  à  1 100  mètres,  comprise  entre  nos  deux 
Êoîirrelets,  et  au  ^^ià^_du__dernK£_se_troiLYe  le 
Sahara.  Toutefois  nous  ne  conserverons  pas  la  di- 
vision géographique  connue  sous  le  nom  de  Hauts- 
Plateaux^  car  elle  ne  constitue  pas  une  région  na- 
turelle. 

pans_ies^  provinces  d'Oran  et  d'Alger  on  trouve, 
sur  une  grande  partie  de  leur  étendue,  la  région  des 
steppes,  trop  sèche  pour  les  cultures,  et  propre  seu- 
lemenj;  aujpacage^des .mouton s;  présentant  çà  et  là 
des  dépressions  où  viennent  se  rendre  les  eaux  peu 
abondantes  qui  coulent,  soit  du  versant  sud-dti  hottr- 
relet  méditerranéeiL,  soit  du  versant  nord  du  bour- 
relet saharien.  Ce  sont  les  Chotts,  bassins  larges  et 
peu  profonds  généralement  à  sec  l'été.  Sur  un  seuî< 
point,  cette  région  est  drainée  par  le  Chéhf.  Dans  la 
province  de  Constantine,  où  les  puissants  rehefs 
montagneux  des  Babors  et  de  l'Aurès  s'anasto- 
mosent entre  eux,  la  steppe  est  réduite  à  peu  de  chose. 
La  latitude  y  est  plus  élevée,  le  golfe  de  Gabès  y 
diminue  l'aridité  des  vents  du  sud-est;  aussi  les 
pluies  y  sont-elles  plus  abondantes.  La  région  des 
Hauts-Plaleaux  ne  saurait  s'y  distinguer  du  Tell. 
C'est  à  peine  si  l'on  y  trouve  encore  quelques  chotts 
à  bassin  peu  étendu,  comme  la  Guerra  el  Tarf. 
Même  le  massif  de  l'Aurès  y  présente  à  peu  près  par- 
tout des  terres  de  culture.  Partout  ailleurs  l'influence 
de  la  steppe  est  dominante  sur  les  montagnes  du 
cordon  saharien  et  ce  n'est  qu'à  une  altitude  assez 
grande  que  des  cultures  y  seraient  possibles. 

îiousjlistinguerons  donc  en_Algériaj._i°  le  Tejl  ou 
région  culturale  ;  ^~lâî^région  des  sie.p]f)es\  3"  le 
^hara. 


CHAPITRE  II 
LE    TELL 

Montagnes.  —  Le  Tell,  région  essentiellement 
montagneuse,  ne  forme  qu'une  longue  chaîne  paral- 
lèle à  la  mer  et  diversement  découpée  et  ramifiée. 
La  plupart  de  ses  reliefs  et  des  plaines  qu'ils  enser- 
rent sont  orientés  comme  la  chaîne  principale.  La 
hgne  de  partage  des  eaux  est  assez  éloignée  de  la 
mer  ;  elle  commence  vers  la  frontière  marocaine  par 
le  massif  tlemcenien,  dont  le  pic  le  plus  élevé,  le 
Tenouchfi,  a  1  842  mètres  et  dont  plusieurs  autres 
dépassent  1  500  mètres.  Ces  monts  de  Tlemcen  ont  en 
général  leurs  parties  abruptes  tournées  vers  la  Médi- 
terranée, tandis  que  la  face  sud  s'incline  lentement 
vers  la  région  des  steppes.  Aussi  ce  versant  nord, 
où  coulent  de  nombreuses  sources  et  même  de  puis- 
santes cascades,  comme  celles  de  Tlemcen,  est-il 
d'une  remarquable  fraîcheur.  On  y  trouve  de  belles 
forets  de  chênes  et  de  pins.  Ce  massif  est  continué 
réguUèrement  par  les  montagnes  de  Tiaret,  de 
Teniet  et  de  Boghar,  qui  se  maintiennent  à  peu  près 
dans  les  mêmes  altitudes,  flanquées  vers  Orléansville 
par  la  belle  pyramide  calcaire  de  l'Ouarsenis  qui 
atteint  près  de  2000  mètres.  Entre  Boghar  et  Blida 
se  trouve  une  série  de  chaînes  parallèles  à  la 
direction   générale.   Ce  sont  les  monts  du  Titteri, 


MONTAGNES.  5 

comprenant  les  monts  de  Bugliar,  les  monts  de 
Médea,  les  Béni  Sahla  de  Blida.  Ces  montagnes,  qui 
dépassent  souvent  1 600  mètres,  semblent  être  le 
véritable  nœud  orographique  de  la  région.  Elles  se 
relient  d'une  part,  par  le  seuil  d'Adelia,  avec  les  deux 
Zaccars  et  le  grand  massif  côtier  du  Dahra  ;  d'autre 
part,  par  le  Bou  Zegza  et  le  Tigremount,  avec  la 
grande  chaîne  kabyle,  et  enfin,  en  arrière,  avec  la 
ligne  de  partage  des  eaux,  qui  sera  loin  désormais 
d'être  la  plus  élevée  et  qui  comprend  le  Dira,  les 
Mahdids,  les  Bibans,  les  monts  de  Gonstantine,  etc. 
Cette  chaîne  s'anastomose  elle-même  avec  l'Aurès. 
Entre  cette  ligne  faîtière  et  la  mer  s'étendent  des 
terrains  variés  :  de  grandes  plaines  parallèles  à  la 
mer,  comme  la  Mitidja  et  la  plaine  du  Chélif,  des 
vallées  le  plus  souvent  perpendiculaires  à  la  direc- 
tion des  plaines  et  des  montagnes  ;  un  cordon  litto- 
ral, commençant  par  la  chaîne  des  Traras  et  se  con- 
tinuant par  les  montagnes  d'Oran,  du  Dahra  et  le 
Sahel  d'Alger.  Ce  sont  généralement  des  collines  ou 
des  montagnes  peu  élevées,  présentant  çà  et  là  quel- 
ques pitons  que  le  voisinage  de  la  mer  fait  paraître 
plus  élevés  qu'ils  ne  le  sont  réellement  ;  tels  sont  les 
Filhausen,  le  Merdjadjou,  la  Montagne  des  lions,  le 
cap  Ténès,  le  Chenoua,  etc.  Ce  cordon  forme  tantôt 
de  vastes  pâtés  comme  le  Dahra,  tantôt  une  faible 
ligne  de  collines  comme  le  Sahel  d'Alger.  A  partir 
des  monts  du  Titteri  commence  la  grande  chaîne 
Kabyle,  arc  de  cercle  allant  de  la  chaîne  faîtière  à  la 
mer,  vers  Bougie  où  elle  se  termine  par  le  cap  Car- 
bon. Cette  chaîne  est  remarquable  par  sa  grande  alti- 
tude, plusieurs  de  ses  pics  atteignent  *2200  et 
2  300  mètres^  ses  cols  se  maintiennent  sur  une  grande 


6  LE  TELL. 

longueur  à  des  altitudes  de  1 200  à  1  800  mètres.  Entre 
cet  arc  de  cercle  et  la  mer  s'étend  la  grande  Kabylie, 
pays  très  montagneux,  très  frais  et  extrêmement 
peuplé.  Cette  haute  muraille  forme  un  écran  qui 
arrête  les  nuages;  tandis  que  son  versant  nord  reçoit, 
plus  d'un  mètre  de  pluie  par  an,  la  région  des  Bibans, 
située  au  sud,  serait  presque  aussi  désertique  que 
le  Sahara,  si  des  montagnes  élevées  comme  le  Dréat, 
les  Mahdids,  le  massif  des  Beni-Abbés  n'y  mainte- 
naient un  peu  d'humidité. 

Au  delà  de  l'oued  Sahel,  dont  la  vallée  longe  la 
muraille  kabyle,  commence  le  massif  considérable 
des  Babors,  qui  arrive  par  les  montagnes  de  Sidi 
Rehan  et  du  Chabet  el  Akra  jusqu'au  bord  de  la  mer, 
tandis  que  d'autre  part  il  s'unit  à  l'Aurès  par  les  pla- 
teaux sétiQens  qui  dépassent  généralement  1000 
mètres  d  altitude.  Les  sommets  des  Babors  approchent 
de  2  000  mètres  et  ceux  de  l'Aurès  s'élèvent  à  2  300 
mètres,  aussi  se  forme-t-il  là  un  énorme  pâté  monta- 
gneux, où  le  Tell  va  presque  jusqu'au  désert.  Ce  pâté 
s'étend  presque  jusqu'à  la  mer,  de  Bougie  à  Philippe- 
ville  ;  au  delà  se  trouvent  les  plaines  de  Bône  et  de 
La  Calle,  séparées  de  la  mer,  vers  Bône,  parle  massif 
de  l'Edough. 

Tout  cet  ensemble  telhen,  constituant  sensible- 
ment le  versant  méditerranéen  de  l'Algérie,  renferme, 
d'après  Elisée  Reclus,  environ  200000  kilomètres 
carrés.  Il  estpresque  partout  cultivable  et  l'on  estime 
qu'il  pourrait  nourrir  12  millions  d'habitants,  à  con- 
dition d'en  tirer  tout  le  parti  possible. 

Aux  points  de  vue  climatologique  et  cultural,  on 
peut  les  diviser  en  : 

1°  Tell  inférieur^  contenanttoute  une  série  de  plaines 


COURS   D'EAU,  7 

et  de  collines  peu  élevées,  dont  on  peut  fixer  la 
limite  vers  600  mètres  d'altitude; 

2°  Tell  supérieur,  contenant  des  plaines  élevées  et 
les  pentes  des  montagnes  de  600  à  1Î200  mètres; 

Et  enfin  3*"  la  région  montagneuse  proprement 
dite,  au-dessus  de  1  200  mètres. 

Cours  d'eau.  —  De  tous  ces  reliefs  montagneux 
s'écoulent  de  nombreux  oueds,  cours  d'eau  torren- 
tueux qui  se  rapprochent  assez  des  qaves  pgénéens. 

Le  plus  considérable  et  le  plus  régulier  de  ces  cours 
d'eau  est  le  Chélif.  C'est  le  seul  qui  traverse  à  la 
fois  la  région  des  steppes  et  le  Tell.  Parti  du  bour- 
relet saharien  au  Djebel  Amour^  il  traverse  et  draine 
toute  la  région  dite  des  hauts  plateaux  entre  Fren- 
dah  et  le  Zahrés  Rharbi,  puis  Adent  butter  contre  le 
massif  du  Dahra  là  où  les  Zaccars,  élevés  de  près 
de  1  800  mètres,  forment  son  plus  puissant  rempart; 
dévié  vers  l'ouest,  il  longe  ce  massif  parallèlement 
à  la  mer,  ce  qui  est  très  rare  parmi  les  rivières  algé- 
riennes, et  va  former  son  embouchure  près  de  Mosta- 
ganem,  après  un  parcours  de  plus  de  700  kilomètres. 
Pourtant  il  ne  forme  jamais  qu'une  bien  modeste 
rivière,  nullement  navigable.  Il  conserve  cependant 
toute  l'année  un  débit  assez  important,  dont  on 
pourra  tirer  de  plus  en  plus  parti  pour  irriguer  la 
longue  plaine  qu'il  traverse.  Son  cours  est  fort  régu- 
her  entre  des  berges  creusées  à  pic  dans  les  allu- 
vions  de  la  plaine. 

La^upart  des._auJzesj20iirs^dlfîauJ£jJimis_s£iJiLdes 
torrents  plus  ou  moins  puissanls^, coulant  d'ordinaire 
dans  la-£égiûii_jï] on tagnausa_el JlejreILiiLû.yfîjx-  dans 
d'étroits  thalwegs  rocheux,.. mais_s',épandant  à  leur 
entrée  en  laj)laine_êurd^^^ 


8  LK  TELL. 

mètres,  qu'ilsji^recouvrent  que  pendant  le s_graiLdes_ 
crues  et  qui  sont  souvent  à  secjf'été.  Le  plus  souvent 
on  y  voit  serpenter  à  travers  les  sables  et  les  gra- 
viers quelques  minces  rubans  liquides  capricieuse- 
ment divisés  et  anastomosés.  Près  de  la  mer,  leur 
cours  se  régularise  souvent.  Ils  forment  alors  une 
nappe  liquide  plus  ou  moins  large,  généralement 
assez  profonde,  limitée  par  des  parois  abruptes.  La 
Seybouse  passe  pour  navigable,  ce  qui  est  un  peu 
prétentieux.  Près  d'Alger,  l'Harrach  et  le  Mazafran 
portent  quelques  canots.  Celte  régularité  et  cette 
profondeur  d'eau  tiennent  à  ce  fait  qu'une  barre 
marine  ferme  leur  embouchure,  ralentit  leur  cours 
et  force  leurs  eaux  à  refluer.  C'est  à  peine  si  elles 
peuvent  en  rampant  le  long  de  celte  barre  s'y  creuser 
un  chenal  de  déversement. 

Dans  la  région  très  boisée  de  l'est^  les  cours  d'eau 
sont  moins  torrentueux,  plus  réguliers  et  plus  sem- 
blables à  ceux  d'Europe. 

Lacs.  —  Les  lacj^^ont  peu  nombreux  dans  le  Tell. 
Tous  ceux  qui  ont  pu  exister  autrefois  ont  été 
comblés  par  les  puissantes  alluvions  quaternaires 
et  forment  maintenant  des  plaines,  où  quelques 
points  seulement  ont  résisté  à  ce  colmatage  et  cons- 
tituent encore  des  lacs  marécageux  temporaires  ou 
en  partie  permanents,  comme  le  Fezzara,  dans  la 
région  de  Bône,  et  le  lac  Halloula  dans  la  Mitidja. 
Lors  de  la  conquêle,  toutes  les  plaines  étaient  maré- 
cageuses. Dans  la  province  d'Oran,  où  il  tombe  peu 
d'eau,  il  existe  un  véritable  chott  littoral,  la  Sebka 
de  Miserghin,  et  quelques  autres  lagunes  salées  de 
faible  étendue.  Près  de  La  Calle,  au  contraire,  on 
trouve  trois  lacs  profonds  et  à  niveau  sensiblement 


CLIMAT.  9 

constant.  Ajoutons  quelques  étani^s  montagnards, 
pompeusement  dénommés  lacs  :  Mouzaia,  Tames- 
guida  dans  les  Babors  et  les  quelques  mares  du 
Djurdjura. 

Climat.  —  Le  climat  du  Tell  est  surtout  carac- 
térisé par  le  régime  des  pluies  qui  y  divise  Tannée 
en  saison  pluvieuse  et  en  saison  sèche.  Les  pluies 
qui  coïncident  en  général  avec  les  tempêtes  de  la 
Méditerranée  sont  le  plus  souvent  amenées  par  le 
vent  du  nord-.ouest.  Elles  commencent  h  la  fm  de 
l'été,  tantôt  aux  derniers  jours  de  septembre,  tantôt 
en  octobre  ou  novembre  seulement.  Elles  finissent 
d'ordinaire  en  mai,  parfois  en  juin.  Pendant  la  sai- 
son sèche,  c'est  à  peine  si,  de  temps  à  autre,  on 
observe  quelque  légère  ondée  dans  le  ïell  inférieur. 
Sur  les  montagnes,  il  tombe  parfois  des  plaies 
d'orage,  assez  faibles  d'ailleurs.  Môme  pendant  la 
saison  pluvieuse,  il  n'est  point  rare  de  voir  le  ciel  se 
maintenir  pur  quinze  jours  ou  un  mois  de  suite,  en 
décembre  et  en  janvier  par  exemple,  avec  une  tem- 
pérature assez  élevée  (20  ou  25°  à  midi).  Ces  phéno- 
mènes très  appréciés  des  hiverneurs  se  produisent 
surtout  pendant  les  années  de  sécheresse. 

C'est  le  Sahara  qui  est  la  principale  cause  de  la 
saison  sèche.  En  effet,  les  vents  qui  en  viennent  sont 
secs  et  brûlants;  ceux  au  contraire  qui  soufflent 
du  nord  au  sud,  vers  des  cUmats  de  plus  en  plus 
chauds,  fussent-ils  saturés  d'humidité  à  leur  arrivée 
en  Algérie,  s'éloignent  de  leur  point  de  saturation  à 
mesure  qu'ils  s'avancent  et  qu'ils  s'échauffent. 

L'air  du  Tell  inférieur,  saturé  de  vapeur  d'eau  au 
contact  de  la  Méditerranée,  est,  au  moins  sur  le  litto- 
ral, très  humide  pendant  la  saison  sèche.  Les  brouil- 


10  LE  TELL. 

lards  n'y  sont  point  rares  la  nuit,  mais  se  dissipent 
de  grand  matin.  Quelquefois  un  épais  brouillard 
dure  un  jour  ou  deux,  mais  le  fait  est  rare.  A  mesure 
que  les  nuits  deviennent  plus  longues,  les  conden- 
sations nocturnes  prennent  plus  d'importance.  En 
août,  il  n'est  pas  rare  de  voir  le  brouillard  persis- 
ter dans  les  bas  fonds  jusque  vers  9  heures  du 
matin  ;  les  rosées  sont  alors  abondantes  et  amènent 
le  réveil  de  quelques  plantes  estivales.  Le  sirocco 
vient  souvent,  en  septembre,  interrompre  ces  conden- 
sations nocturnes  pendant  des  périodes  de  trois  à 
quinze  jours.  L'air  est  alors  très  sec,  le  ciel  terne  et 
voilé  par  les  impalpables  poussières  sahariennes, 
et  la  température  peut  exceptionnellement  dé- 
passer 40°  à  l'ombre. 

Lorsque  ce  vent  saharien  cesse  de  souffler,  on 
voit,  dès  le  mois  de  septembre,  le  ciel,  pur  jusque 
là,  rouler  de  gros  nuages,  prélude  des  pluies  pro- 
chaines. 

Dans  le  Tell  inférieur,  il  n'y  a  presque  jamais 
d'orages  pendant  l'été.  Ce  n'est  guère  que  l'hiver 
que  l'on  entend  le  tonnerre  et  que  la  grêle  est  à 
craindre.  Sur  les  montagnes,  au  contraire,  et  dans  les 
hauts  plateaux,  les  orages  sont  fréquents  pendant  la 
saison  chaude,  mais  les  précipitations  qu'ils  amènent 
sont  peu  abondantes. 

Néanmoins,  plus  on  s'élève  dans  les  montagnes, 
moins  la  sécheresse  estivale  se  fait  sentir. 

Un  phénomène  inverse  se  produit  quand  on 
s'avance  du  Uttoral  vers  le  sud.  La  grande  plaine 
du  Gliélif,  abritée  des  effluves  marines  par  le  massif 
du  Dahra,  est  déjà  bien  plus  sèche  que  la  Mitidja. 
Plus  on  s'avance  vers  le  sud,  plus  l'influence  saha- 


' 


PLUIES.  11 

rienne  se  fait  sentir,  sauf  sur  les  montagnes  très 
élevées. 

Pluies.  —  La  quantité  de  pluie  (1)  qui  tombe 
dans  le  Tell  est  assez  considérable,  supérieure  sur 
bien  des  points  à  celle  qui  tombe  dans  la  majeure 
partie  de  l'Europe.  Mais  cette  eau  tombe  en  masses 
considérables  pendant  une  seule  saison,  au  lieu  de 
se  répartir  régulièrement  dans  le  courant  de  l'année. 
En  outre  la  zone  pluvieuse  étant  voisine  de  la  mer, 
tandis  que  l'intérieur  est  désertique,  nous  n'avons 
que  des  cours  d'eau  insignifiants. 

Les  pluies  sont  au  surplus  très  inégalement  répar- 
ties dans  les  diverses  régions  du  ïell.  La  grande 
différence  de  latitude  qui  existe  entre  La  Galle  et 
Nemours,  amène  dans  le  régime  des  pluies  des 
différences  d'autant  plus  sensibles  que  les  plus 
grands  massifs  montagneux  se  trouvent  vers  l'Est, 
là  où  la  latitude  est  la  plus  élevée.  Aussi,  tandis 
qu'il  tombe  moins  de  40  centimètres  de  pluie  sur  le 
littoral  oranais,  il  en  tombe  75  à  85  centimètres  à 
Alger  et  près  de  1"  mètre  de  Bougie  à  La  Galle.  On 
ne  connaît  pas  encore  bien  la  quantité  de  pluie  qui 
tombe  sur  les  montagnes,  mais  les  quelques  obser- 
A^ations  que  l'on  possède  portent  à  croire  que  cette 
quantité  est,  toutes  choses  égales  d'ailleurs,  plus 
grande  que  dans  la  plaine. 

Le  climat  du  Tell  inférieur  est  tempéré  et  remar- 
quable par  la  douceur  de  ses  hivers.  Sur  le  httoral, 
la  température  descend  peu  au-dessous  de  zéro  et 
ne  s'y  maintient   pas   longtemps.  Rarement   l'eau 

(1)  Voir  la  carte  dressée  par  le  capitaine  Brocard  :  Associa- 
tion française  pour  Vavancement  des  sciences,  Congrès  d'Alger, 
1887. 


12  LE  TELL. 

gèle  la  nuit  sous  une  faible  épaisseur; le  dégel  a  lieu 
dès  le  matin.  Dans  la  Mitidja,  les  gelées  blanches 
sont  assez  fréquentes; la  vigne  y  gèle  même  quelque- 
fois au  mois  de  mai,  ce  qui  n'arrive  jamais  au  bord 
de  la  mer. 

La  neige  est  également  rare  et  de  peu  de  durée 
dans  le  Tell  inférieur.  A  Alger,  on  ne  l'avait  jamais 
vue,  de  mémoire  d'homme,  persister  une  journée 
entière;  en  1891,  elle  a  atteint  19  centimètres  en  rase 
campagne  et  est  restée  trois  jours.  Ces  faits,  quoi- 
que exceptionnels,  interviennent  activement  pour 
limiter  l'aire  des  espèces.  Malgré  tout,  le  froid  se  fait 
assez  désagréablement  sentir  sur  le  Littoral,  à  cause 
de  l'humidité,  et  des  températures  de  +  8°  y  sont 
très  incommodes,  d'autant  que  l'on  n'y  est  pas  orga- 
nisé pour  se  chauffer. 

Cette  humidité  du  littoral  rend  encore  plus  désa- 
gréables les  chaleurs  de  l'été.  La  peau  sans  cesse 
baignée  d'une  sueur  acre  s'irrite  et  produit  la  désa- 
gréable éruption  connue  sous  le  nom  de  gale  bé- 
douine (Lichen  tropicus).  Le  sirocco  amène  parfois  une 
trêve  à  cette  humidité,  mais  est  encore  plus  pénible 
pour  beaucoup  de  personnes,  surtout  pour  les  dys- 
pnéiques.  Les  nuits  sont  par  le  sirocco  souvent  aussi 
chaudes  que  les  jours.  Ce  vent  peut  se  faire  sentir 
toute  Tannée,  mais  en  hiver  il  est  peu  sensible, 
c'est  en  septembre  qu'il  est  le  plus  pénible. 

En  dehors  des  jours  de  sirocco,  il  est  rare  que  le 
thermomètre  dépasse  beaucoup  30°  à  l'ombre  sur  le 
littoral.  La  moyenne  annuelle  y  est  de  20  à  21"*. 

Ce  qui  tend  à  uniformiser  le  chmat  du  Littoral,  ce 
sont  d'abord  les  brumes  nocturnes  qui  empêchent 
le  rayonnement,  en  second  lieu  les  brises  solaires 


I 


PLUIES.  13 

très  régulières.  Tous  les  jours,  vers  dix  heures  du 
matin,  s'élève  la  brise  de  la  mer,  la  nuit  c'est  la 
brise  de  terre  qui  prend  le  dessus.  Aussi  loin  que 
se  font  sentir  les  effluves  marines,  le  climat  demeure 
tempéré.  Dans  la  montagne  où  l'humidité  est 
moindre  et  le  rayonnement  nocturne  plus  considé- 
rable, on  peut  trouver  des  points  où,  en  dehors  de 
quelques  jours  de  sirocco,  la  température  de  l'été 
n'a  rien  de  désagréable  :  Medea,  Ben  Ghicao,  forêt  de 
ïeniet,  etc.  Au  contraire,  dans  les  vallées  encaissées, 
où  ne  parvient  pas  la  brise  de  la  mer,  la  température 
devient  parfois  insupportable,  comme  dans  la  plaine 
du  Chéh'f.  L'air  ne  se  renouvelant  pas  devient  lourd 
et  malsain.  Les  coups  de  chaleur  et  les  insolations 
sont  à  craindre.  11  est  bon  de  se  couvrir  fortement  le 
crâne,  soit  avec  un  casque  en  moelle  de  sureau, 
soit  avec  de  nombreux  doubles  d'étoffe,  comme  font 
les  indigènes. 

Dans  la  région  montagneuse,  le  soleil  est  parfois 
très  chaud,  mais  le  fond  de  l'air  reste  froid.  Les 
nuits  sont  toujours  fraîches,  même  en  été.  La 
moyenne  annuelle  de  température  donnée  par  les 
sources  peut  sur  certains  points  ne  pas  dépasser  8  à 
10°.  Les  froids  doivent  y  être  assez  vifs,  l'hiver;  la 
neige  y  dépasse  souvent  1  mètre  d'épaisseur  et  per- 
siste longtemps.  Sur  les  sommets  du  Djurdjura,  elle 
se  maintient  souvent  jusqu'à  la  fin  de  juillet.  Sur 
les  sommets  moins  élevés  (1  500  à  1  800  mètres),  elle 
reste  souvent  jusqu'au  miheu  d'avril.  L'été,  les 
orages  et  les  brouillards  n'y  sont  point  rares. 

Dans  les  parties  les  plus  méridionales,  mais  aussi 
les  plus  élevées  du  Tell  :  Frendah,  Tiaret,  Sétif,  etc., 
le  froid  est  très  vif  jusqu'en  avril  et  en  mai  et  la 


J4  LE  TELL. 

neige  fréquente.  Même  dans  les  plaines  basses  et 
très  chaudes  Tété,  comme  le  Chélif,  le  rayonnement 
nocturne  est  plus  considérable  que  sur  le  Littoral  à 
cause  de  la  sécheresse  de  l'ajr,  et  les  gelées  y  sont 
plus  fréquentes. 

M.  le  docteur  Pauly  (1)  insiste  sur  le  calme  de  l'air 
si  fréquent  en  Algérie,  sur  sa  stagnation  en  arrière 
des  collines  parallèles  à. la  mer,  et  attribue,  non  sans 
raison,  à  cet  état  de  choses,  l'insalubrité  du  chmat 
et  la  fréquence  des  ûèvres  paludéennes.  Dans  les 
hauts  plateaux  balayés  par  des  vents  fréquents, 
les  marais  mêmes  ne  sont  pas  toujours  insalubres. 

Les  vents  sont  très  instables.  Le  plus  fréquent  est 
le  vent  du  nord-ouest,  qui  souffle  souvent  en  tempête 
pendant  l'hiver.  Les  arbres  du  bord  de  la  mer  sont 
généralement  courbés  dans  cette  direction  quand  ils 
peuvent  résister,  car  les  gouttelettes  d'eau  salée 
qu'il  entraine  sont  mortelles  pour  la  plupart  d'entre 
eux.  Mais  «  dans  Lensemble  les  vents  sont  indécis, 
c'est  tantôt  l'un,  tantôt  l'autre  qui  prévaut,  sans 
grande  durée;  souvent  un  calme  complet  s'établit 
dans  l'atmosphère  (2).  o 

Efi  résumé,  il  n'existe  dans  le  Tell  inférieur  que 
deux  saisons,  la  saison  sèche  et  la  saison  humide. 
C'est  pendant  la  saison  sèche  que  la  terre  se  repose 
et  que  la  végétation  s'arrête.  Dans  le  Tell  supérieur, 
apparaît  une  troisième  saison,  l'hiver,  qui  arrête 
aussi  la  végétation;  mais,  par  contre,  l'humidité  plus 
grande  retarde  et  atténue  la  période  sèche  et  y  rend 
le  cUmat  assez  semblable  à  celui  de  l'Europe. 
Pourtant  de  temps  à  autre   des   siroccos  précoces 

(1)  Pauly,  Climatologie  comparée. 

(2)  Aimé,  cité  par  Reclus. 


' 


VÉGÉTATION.  15 

y  viennent  compromettre  les  plus  belles  récoltes. 

Dans  la  région  montagneuse  proprement  dite, 
le  climat  est  très  semblable  à  celui  de  l'Europe 
moyenne. 

Dans  le  Tell  inférieur,  la  végétation  s'arrête  pres- 
que complètement  pendant  l'été.  Le  sol  nu  et  dessé- 
ché, souvent  crevassé,  paraîtrait  alors  bien  aride, 
sans  la  végétation  arbustive  formée  presque  entière- 
ment d'arbres  toujours  verts.  Pourtant  la  végétation 
herbacée,  quoique  rare,  ne  disparaît  pas  totalement. 
Sans  parler  des  marais  et  autres  Ueux  humides , 
quelques  plantes  choisissent  précisément  cette  épo- 
que où  la  terre  est  libre,  pour  végéter. 

Dès  que  les  nuits  plus  longues  ont  amené  des 
brouillards  nocturnes,  toute  une  petite  flore  spéciale 
se  réveille  et  commence  à  fleurir.  Dès  les  premières 
plaies,  les  plantes  annuelles  germent  en  masse,  les 
plantes  vivaces  repoussent  et  la  terre  est  bientôt 
couverte  d'un  épais  tapis  de  verdure,  qui  durera 
jusqu'à  la  saison  sèche.  Grâce  à  la  douceur  des 
hivers  et  à  la  température  plus  élevée  du  printemps, 
la  végétation  présente  une  avance  considérable  sur 
celle  de  TEurope.  On  fauche  en  mai  et  on  moissonne 
en  juin,  dans  le  Tell  inférieur  et  moyen. 

Végétation.  —  La  floi;g_du  Tell  fait  partie  de  la 
flore  méditerranéenne,  et  telle  en  est  l'homogénéité 
qu'un  naturaUste,  brusquement  transporté  des 
garrigues  de  Montpellier  aux  environs  d'Alger,  à 
plus  de  200  heues  de  distance,  ne  s'apercevrait  guère 
du  changement.  Tout  au  plus  remarquerait-il  quel- 
ques plantes  exotiques  plus  nombreuses  et  plus 
puissantes  :  Opuntia^  Agave^  Eucalyptus,  orangers, 
^t  le  jattier  venu  du  Sud.  Mais  dépouillées  de-nes. 


16  LE  TELL. 

éléments  d'empruîit,  leâ^deux  flores,  seraient-iïè^ 
semblables. 

Au  contraire  il  suffit  de  faire  moins  de  100  lieues, 
soit  au  nord  de  Montpellier,  soit  au  sud  d'Alger,  pour 
trouver  des  flores  très  difl'érentes.  Est-ce  la  Médi- 
terranée qui  a  fait  irruption  dans  une  région  natu- 
relle après  l'établissement  de  la  flore  actuelle  ;  est-ce 
l'égalité  du  climat  qui  règne  sur  ses  bords  qui  a 
amené  la  similitude  de  leurs  flores  :  c'est  un  problème 
que  nous  ne  nous  chargeons  pas  de  résoudre.  De  Can- 
dolle  a  démontré  que  les  mers  de  faible  étendue 
ont  peu  de  pouvoir  pour  limiter  Taire  des  espèces, 
et  sont  bien  inférieures  aux  déserts  sous  ce  rapport. 
En  réalité,  l'Europe  ne  finit  qu'au  Sahara  et  tout  le 
Maghreb  n'est  qu'un  prolongement  de  la  région  de 
l'obvier.  Ce  fait  est  d'autant  plus  frappant  que  l'on 
voit  les  mêmes  espèces  se  répéter  suiA^ant  la  longi- 
tude sur  les  deux  rives  de  la  Méditerranée.  Le  Lotus 
drepanocarpos  Durieu,  de  Bune,  se  retrouve  sur  les 
côtes  de  la  Provence;  le  Campanula  rtiacrorhiza,  sur 
les  rochers  des  Alpes-Maritimes  et  sur  ceux  de  la 
Kabyhe.  Le  Silène  glbrallarica,  le  Bupleurum  gibral- 
iaricum^  etc.,  se  retrouvent  à  Gibraltar  et  à  Oran. 
Toute  une  colonie  de  plantes  espagnoles  se  continue 
suivant  la  longitude  jusque  sur  les  montagnes  de 
l'extrême  Sud  oranais. 

La  flore  du  Tell  varie  d'ailleurs  non  seulement 
suivant  la  longitude,  mais  encore  suivant  la  latitude 
et  le  rebef  du  sol.  A  Nemours,  sur  le  Uttoral,  où  la 
latitude  est  à  peu  près  celle  de  Biskra,  la  flore  médi- 
terranéenne se  mêle  à  celle  de  la  steppe.  A  La  Galle, 
au  contraire,  on  trouve  beaucoup  de  plantes  euro- 
péennes que  l'on  chercherait  vainement  ailleurs  en 


AMBRES  ET  ARBUSTES.  17 

Algérie  :  le  Nymphsea  et  le  Nénuphar,  Ranunculus 
flammula,  RaphanusLandi^a^  Roripa  amphiOia,  Rham- 
nus  Frangula^  Trapa  natans,  Tliapsia  polygama^ 
Statice  Limonium^  Rumex  marUimus^  Pohjyonum  hy- 
dropiper ,  VaUisneria  spiralis,  Asplenium  mari- 
num,  etc. 

De  même,  à  mesui:ai4iifi_roiL-a!éIfi-Ya_siLr  les  mon- 
iagnes.,_ia  végétation  prend  un  caractère  plus  boréal 
et  l'on  y  rencontre  beaucoup  d'espèces  de.  l'Europe 
centrale  ou  des  montagnes  de  la  région  méditer- 
ranéenne. Ces  espèces  commencent  à  des  niveaux 
d'autant  plus  élevés  que  Ton  s'aA^ance  plus  avant 
dans  le  sud,  où  la  flore  des  steppes  tend  à  tout 
submerger.  Chaque  sommet  de  moniagne  y  repré- 
sente une  île  méditerranéenne,  comme  nous  l'avons 
constaté  au  Mzi,  près  de  Figuig. 

Les  diA^erses  flores  de  l'Algérie  sont  bien  caracté- 
risées par  quelques  Graminées  :  les  Festuca  du  groupe 
de  VOvina^  pour  la  région  montagneuse,  le  Diss 
{Ampelodesmos  tenax)  pour  le  Tell;  l'Alfa  {Stipa  tena- 
cissima)  pour  la  steppe  et  enfin  le  Drinn  [Arthrallie- 
rum  pungens)  pour  les  sables  désertiques. 

Arbres  et  arbustes.  —  Outre  le  Diss,  la  flore  du__ 
Tell    prescrite    encore    comme    caractéristique  -uo 
remarquable  ensemble  d'arbres  et  arbustes  toujours 
verts  :    olivier,  lentisque,   chêne-liège,  chêne  vert^_ 
chêne  kermès,  myrte,  phyllireas,  tliuya  d'Algérie, 
pin  d'Alep,  caroubier,  palmier  nain,,  laurier,  laurier-^., 
rose,  arbousier,  alatern-fe^-jeta^JLes  arbres.011  arbustes, 
à  feuilles  caduques  y  sont  trop  peu  nomJDreuxjjOijLr 
rnediiier_aÊt^asp£ct-laujours  vert^  de  la.  florearbusr. 
tive^si  l'on  en  excepte  toutefois  certaines  plaines 
occupées  par  Zizyphus  Lotus  le  Chéhf  par  exemple  ; 
Battandier  et  Thabut.  —  Algérie.  2 


18  LE   TELL. 

mais  cet  arbrisseau,  se  trouvant  en  général  dans  des 
terrains  cultivables,  disparaît  de  plus  en  plus.  Nous 
citerons  comme  autres  essences  à  feuilles  caduques  : 
le  Popnlus  alba,  formant  çà  et  là  des  bouquets  dans 
les  ravins  frais,  le  figuier,  quelques  Salix^  VAnagyris 
fetida,  quelques  génistées,  le  micocoulier,  l'orme, 
les  érables,  le  chêne  Zen,  les  térébinthes,  quelques 
peupliers  noirs  dans  la  région  montagneuse,  etc. 

Jusqu'à  notre  arrivée  en  Algérie,  l'Arabe,  essen- 
tiellement pasteur,  n'avait  guère  modifié  la  distribu- 
tion naturelle  des  espèces  tant  végétales  qu'animales. 
De  vastes  broussailles  ou  maquis  couvraient  plaines 
et  coteaux,  cédant  parfois  la  place  à  des  peuplements 
de  Diss,  dont  les  touffes  rapprochées  forment  cha- 
cune une  butte  d'environ  50  centimètres  de  hauteur. 
C'est  une  botte  de  feuilles  rudes  et  coupantes  d'où 
émergent  quelques  hampes  de  1  à  2  mètres  sem- 
blables à  des  roseaux.  Les  clairières  des  broussailles 
formaient  prairie.  Les  meilleurs  terrains  seuls 
étaient  cultivés  à  la  mode  arabe.  On  labourait  ou 
plutôt  on  grattait  la  terre  entre  les  touffes  de  brous- 
saille.  Même  les  herbes  vivaces  un  peu  profondes 
n'étaient  point  arrachées* 

Broussailles.  —  Les  essences  principales  qui  for- 
ment nos  broussailles  sont  l'olivier,  le  lentisque,  le 
chcne  kermès,  les  cistes,  le  palmier  nain,  etc. 

L'ohvier  est  très  répandu  dans  presque  tout  le 
Tell  jusque  vers  1 200  mètres  d'altitude.  11  est  cer- 
tainement autochtone,  tantôt  à  l'état  de  simple 
broussaille  mêlé  avec  d'autres  essences,  tantôt  for- 
mant de  grands  arbres  plusieurs  fois  séculaires,  par- 
fois de  véritables  géants  comme  celui  du  marabout 
de  Sidi  Rehan  près  Bougie. 


BROUSSAILLES.  10 

Les  Phyllireas,  très  semblables  à  l'olivier,  jouent 
le  même  rôle  dans  les  broussailles  et  poussent 
comme  lui  pêle-mêle  avec  d'autres  essences. 

Le  lentisque  et  le  chêne  kermès  jouent  un  rôle 
prépondérant  dans  la  formation  de  nos  maquis,  tan- 
tôt buissonnants  sur  les  coteaux  secs  ou  très  pâturés, 
tantôt  formant  des  arbres  plus  ou  moins  élevés  dans 
les  vallées  fraîches.  Le  lentisque  pousse  souvent  en 
grandes  touffes  hémisphériques  pareilles  à  des  arbres 
qu'un  cataclysme  aurait  enterrés  jusqu'au  milieu  du 
branchage.  Dans  les  bonnes  terres  de  culture,  ces 
touffes  sont  parfois  énormes  ;  sur  les  dunes  du  bord 
de  la  mer,  elles  résistent  bien  et  prennent,  au  moins 
en  largeur,  un  grand  développement.  Près  d'Alger,  le 
lentisque  donne  parfois  un  peu  d'une  térébenthine 
molle  et  gluante  ne  se  desséchant  pas  comme  le 
mastic.  Il  est  assez  rare  que  le  chêne  kermès  porte 
l'insecte  auquel  il  doit  son  nom  et  que  l'on  trouve 
aussi  sur  les  racines  du  chêne  vert.  Ce  chêne  kermès 
est  encore  connu  sous  le  nom  de  Garouille.  L'écorce 
de  sa  racine  est  recherchée  pour  le  tannage  des 
peaux. 

Le  myrte  pousse  exceptionnellement  aussi  à  l'état 
de  grand  arbre,  mais  le  plus  souvent  il  reste  brous- 
sailleux. Il  est  très  abondant  dans  les  broussailles 
du  littoral  des  provinces  d'Alger  et  de  Constantine, 
mais,  vers  l'ouest,  il  ne  dépasse  guère  Ténès.  Entre 
le  cap  Aokas  et  Tembouchure  de  l'oued  Agrioun,  près 
de  Bougie,  il  forme  avec  le  Laurus  nobilis  une  forêt 
impénétrable  que  l'on  est  en  train  de  détruire  et  qui 
ne  comporte  guère,  outre  ces  deux  essences,  que 
quelques  lianes.  A  part  cette  station,  le  Laurus  nobi- 
lis forme  çà  et  là  quelques  peuplements   dans  les 


20  LE  TELL. 

lieux  frais  des  montagnes  et  du  Sahel.  C'est  plutôt 
un  arbre  forestier  qu'une  broussaille. 

VErica  arborea,  grande  bruyère  arborescente, 
joue  aussi  un  rCAe  important  dans  la  formation  des 
broussailles.  Son  tronc  acquiert  dans  les  bons  ter- 
rains la  grosseur  de  la  cuisse.  11  est  remplacé 
dans  l'Est  par  VE?ica  scoparia.  Une  bruyère  plus 
modeste,  ïEricamultiflora,  et  l'arbousier  sont  aussi 
très  répandus. 

Toutes  ces    broussailles  poussent  généralement 
pêle-mêle  avec  beaucoup  d'autres  essences,  en  pre- 
mière ligne  desquelles  il  faut  citer  le  Caly colonie  spi- 
nosa,  remplacé  dans  une  partie  de  la  province  d'Oran 
par  le  Calycotome  intermedia  et  dans  celle  de  Cons- 
tantine  par  le  C.  villosa.  Divers  genêts,  variant  avec 
les  régions,  sont  aussi  très  abondants.  Les  Légumi- 
neuses sont  encore  représentées  par  des  Coronilles, 
le    Baguenaudier,    l'Anagyre,   le    Psoralea    bitumi- 
nosa^  etc.  Les   Rosacées  par  le  Rubus  discolor,  les 
Cratœgus  oxyacantha  et  Azarollus,  le  Prunus  insititia, 
le  Rosa  sempervirens,  etc.  Citons  encore  les  Rhamnus 
alaternus    et   oleoïdes^    le    Jasminwn    fruticans^    le 
Lonicera  implexa^  le  câprier,  les  Lavatera  olbia  et 
maritima^    le  Daphne  gnidium.   A   Oran,   on  trouve 
abondamment  sur  certains  points  le    Withania  fru- 
tescens  et  le  Rhus  pentaphylla^  dont  l'écorce  et  les 
feuilles  sont  utilisées  par  les  Arabes  pour  le  tannage 
et  la  teinture  en  rouge  des  cuirs. 

A  ces  broussailles,  surtout  lorsqu'elles  sont  éle- 
vées, s'entremêlent  des  lianes.  Nous  citerons  en 
première  ligne  la  vigne,  certainement  indigène  et 
que  M.  Pomel  a  retrouvée  dans  les  travertins  qua- 
ternaires de  Miliana.  Elle  est  partout  où  la  fraîcheur 


BROUSSAILLES.  21 

est  suffisante,  depuis  le  bord  de  la  mer,  jusque  dans 
les  montagnes  élevées  ;  elle  y  grimpe  sur  les  plus 
grands  arbres  et  donne  de  petits  raisins  acidulés.  Le 
lierre  doit  être  cité  ensuite.  Le  lierre  d'Algérie  cons- 
titue une  belle  variété  à  feuilles  grandes  et  peu 
lobées.  Citons  encore  le  Smilax  aspera,  le  Clemalis 
cirrhosa,  le  Hosa  sempervirens ^  VAristolochia  altissima^ 
le  Lonicera  biflora  dans  la  province  d'Oran  et  une 
très  rare,  mais  très  curieuse  liane,  le  Vicia  altissima 
de  Desfontaines,  qui,  au  cap  Aokas,  couvre  de  ses 
grappes  bleuâtres  les  broussailles  les  plus  élevées. 
h'Ephedra  altissima  et  VEpliedra  fragilis  peuvent 
aussi  être  comptés  comme  des  lianes.  Diverses  herbes 
grimpantes  :  C alystegia sœpium ^Tamus  commums^Qic, 
se  joignent  à  elles  pour  former  d'épais  berceaux  de 
verdure. 

Les  genévriers  et  le  thuya  d'Algérie  sont  aussi 
d'importantes  broussailles;  nous  y  reviendrons  à 
propos  des  forêts. 

Une  autre  classe  de  broussailles,  les  broussailles 
sous-frutescentes,  est  représentée  en  première 
ligne  par  les  Cistes  et  les  Hélianthèmes.  Les  Cistes 
forment  souvent  à  eux  seuls  des  broussailles  éten- 
dues, glutineuses  et  denses.  Le  plus  souvent  ils  gar- 
nissent les  clairières  des  forêts  qu'ils  égaient  de 
leurs  belles  fleurs,  mais,  presque  secs  à  la  fin  de  l'été, 
ils  servent  trop  souvent  à  propager  les  incendies. 
Parallèlement  aux  cistes  viennent  quelques  plan- 
tes de  même  consistance  :  les  Lavandula  Stœchas 
et  dental  a,  le  romarin,  qui  forment  aussi  à  eux 
seuls  des  broussailles,  le  Prasium  majus,  le  Teu- 
crium  fruticans,  le  Passerina  hirsiita,  divers  As- 
paragus^ le  Pulicaria    viscosa,    VA?Hemisia    arbores- 


22  LE  TELL. 

ce7is,  le  Ruscus  hypophyllum,  des    euphorbes,  etc. 

Enfin  les  peuplements  de  palmiers  nains,  espèces 
de  broussailles-prairies.  Les  immenses  ténements 
de  palmiers  nains,  mêlés  toujours  d'asphodèles  et  de 
scilles,  occupent  en  etfet  le  plus  souvent  des  prairies, 
dont  leurs  feuilles  ne  dépassent  guère  l'herbe.  Ces 
ténements  sont  aujourd'hui  exploités  pour  la  fabri- 
cation du  crin  végétal;  tout  le  Tell  se  couvre  de 
fabriques,  et  il  est  probable  que  cette  plante,  si  com- 
mune aujourd'hui,  finira  par  devenir  rare.  Le  palmier 
nain  aime  les  terres  de  culture  peu  élevées  et  pas 
trop  sèches.  11  monte  jusque  vers  1  000  à  1 100  mètres, 
mais  est  rare  à  cette  altitude.  On  le  trouve  aussi  dans 
les  rochers.  Une  fois  déraciné,  le  palmier  nain  ne 
reprend  jamais,  aussi  un  labour  à  vapeur  suffit-il 
pour  le  défricher.  Le  cœur  en  est  comestible  et 
il  est  recherché  par  les  Arabes,  ses  fruits  fortement 
astringents  servent  de  nourriture  aux  chacals. 
Lorsque  le  palmier  nain  est  cultivé,  ou  simplement 
protégé  dans  un  bon  terrain,  il  peut  devenir  épigé 
et  son  stipe  peut  atteindre  plusieurs  mètres  (mara- 
bouts de  la  Bouzareah).  Seul  ou  allié  à  l'alfa,  le 
palmier  nain  sert  aux  Arabes  à  confectionner  d'assez 
élégants  objets  de  vannerie.  Il  est  plus  rare  dans  la 
province  de  Gonstantine  que  dans  les  deux  autres. 

Dans  ce  même  type  de  broussaille-prairie,  le  juju- 
bier [Zizyphus  lotus)  remplace  souvent  le  palmier 
nain  sur  de  grands  espaces.  Il  forme  généralement 
des  touffes  occupant  de  5  à  10  mètres  carrés,  for- 
mées de  petites  branches  grêles  peu  élevées  qui 
partent  d'une  même  souche  souterraine.  On  aA^ait 
obtenu  autrefois  avec  son  bois  une  espèce  de  cachou 
qui  n'a  jamais  été  fabriqué  en  grand.  Les  branches 


BROUSSAILLES.  23 

très  épineuses  réunies  en  cordon  autour  des  gourbis 
arabes,  forment  des  clôtures  impénétrables.  Shaw 
et  Desfontaines  ont  \u  dans  cet  arbuste  le  Lotus  des 
Lotophages.  Son  fruit,  un  peu  plus  gros  qu'un  pois, 
est  assez  insipide.  Entre  les  touffes  de  jujubier 
s'élèvent  souvent  de  grandes  ombellifères  :  Thapsia, 
férules,  Cachrys,  etc. 

Le  lit  de  toutes  nos  rivières,  le  bord  des  sources 
sont  peuplés  de  lauriers-roses,  dont  les  fleurs  forment 
l'agrément  du  paysage,  aux  mois  de  juin  et  de  juillet. 
Ils  s'élèvent  jusque  vers  900  mètres.  Comme  les  lieux 
qu'ils  habitent  sont  toujours  fiévreux,  ils  sont  souvent 
regardés  avec  terreur  par  les  colons,  qui  voient  en  eux 
les  propagateurs  de  la  fièvre.  De  graves  docteurs  ont 
même  conseillé  de  les  arracher  partout  pour  couper 
court  à  l'endémie.  Ce  vandalisme  produirait  un  effet 
diamétralement  opposé  à  l'effet  attendu.  Simple 
indicateur  des  endroits  fiévreux,  le  laurier-rose  tend 
au  contraire  à  les  assainir  par  sa  vigoureuse  végé- 
tation. Avec  lui,  poussent  des  tamarix,  des  saules  et 
parfois  le  redoul  ou  le  Bupleurum  fruticosum. 

Tel  est  le  tableau  de  nos  broussailles,  qui  naguère 
couvraient  la  plus  grande  partie  du  Tell,  mais  qui 
reculent  tous  les  jours  devant  les  travaux  des  colons 
et  seront  bientôt  réduites  à  peu  de  chose. 

On  pourrait  encore  citer  quelques  broussailles, 
plus  rares  et  plus  clairsemées,  comme  les  Lyciuni, 
ï  A  triplex  Halimus  et  quelques  Salsolacées  ;  à 
Nemours,  le  Periploca  angustifolia  et  le  ZoUikofferia 
arborescens,  dans  la  province  de  Constantine,  le  Gom- 
phocarpus  fruticosus,  le  Securmega  buxifolia^  etc. 

Dans  la  région  montagneuse,  nous  trouvons  aussi 
quelques    broussailles    spéciales.    Divers   Rosa^    le 


24  LE  TELL. 

Prunus  prosirata^  le  Prunus  spinosa,  V Amelanchier 
vulgaris,  des  Cotoneaster,  le  Bupleurum  spinosum^ 
Juniperus  nana,  Ribes  uva-crispa,  Ribes  petrœum, 
Berberis  hispanica,  Lonicera  etrusca^  Lonicera  arborea, 
Ruscus  aculeatus,  Dapkne  laureola^  etc. 

Le  buis  n'est  connu  en  Algérie  que  dans  trois 
stations  :  les  gorges  du  Guergour,  la  crête  nord  du 
ïababort  et  les  Mahdids. 

Forêts.  —  Des  broussailles  nous  passons  aux 
forêts  par  des  degrés  insensibles.  Malgré  l'opinion 
classique  de  Salluste,  qui,  trop  occupé  à  pressurer 
les  malheureux  colons  de  la  riche  province  qu'il 
administrait,  n'avait  guère  eu  le  temps  de  voyager, 
l'Algérie  n'était  pas,  même  dans  son  temps,  YAger 
arbori  infecundus  qu'il  dépeint.  Sans  doute  les  pla- 
teaux sétifiens,  d'un  si  bon  rapport  pour  lui,  devaient 
être  couverts  de  moissons.  Pour  pouvoir  vivre  et 
satisfaire  aux  exactions  des  proconsuls,  les  co- 
lons avaient  évidemment  dû  cultiver  jusqu'aux 
moindres  recoins  de  ces  riches  contrées.  Mais  il  est 
certain  qu'à  cette  époque  le  Tell  était  un  pays 
essentiellement  forestier,  et  il  l'est  demeuré  jusqu'à 
notre  époque,  même  après  sept  siècles  de  domination 
arabe. 

Les  Arabes,  malgré  leurs  mœurs  pastorales  et 
leurs  habitudes  incendiaires,  nous  avaient  laissé  un 
magnifique  domaine  forestier.  Peu  nombreux  pour 
le  vaste  pays  qu'ils  occupaient,  limités  dans  leur 
accroissement  par  les  famines  qui  succédaient  aux 
invasions  des  sauterelles  et  aux  mauvaises  années, 
et  par  des  épidémies,  très  sobres  de  leur  nature  :  le 
pays,  même  non  cultivé,  suffisait  à  leurs  besoins  et 
ils  y  vivaient  sans  l'épuiser.  Avec  la  conquête,  les 


FORÊTS.  25 

choses  ont  changé  de  face.  Refoulés  des  plaines  aux 
riches  pâturages,  les  Arabes  du  Tell  ont  dû  se  con- 
centrer dans  la  montagne.  Protégés  par  nous  dans 
une  certaine  mesure  contre  les  famines  et  les  épi- 
démies, leur  nombre  s'est  considérablement  accru. 
S'ils  avaient  en  même  temps  modifié  leur  manière 
de  vivre,  s'ils  s'étaient  faits  cultivateurs,  la  terre  qui 
leur  reste  eût  été  bien  plus   que  suffisante;  mais 
l'Arabe, indolent  et  contemplatif,  se  plie  difficilement 
à  ce  genre  d'existence.  Il  a  multiplié  ses  troupeaux. 
I.e  mouton  qui  n'utilise  guère  que  l'herbe  et  est  peu 
destructeur  ne  suffisant  plus,  il  y  a  ajouté  la  chèvre, 
qui  broute  tout  ce  qui  est  à  sa  portée,  arbustes  et 
broussailles,    et    empêche    tout    reboisement;    les 
grands  arbres  dont  elle  ne  réussit  pas  à  entamer 
l'écorce  résistent  seuls,  jusqu'au  jour  où  ils  périront 
eux-mêmes  par  vétusté,  par  incendie  ou  par  toute 
autre  cause.  Alors  la  forêt  aura  cessé  d'exister.  L'admi- 
nistration forestière  conserve  encore,  il  est  vrai,  de 
vastes  ténements,  mais,  presque  partout,  en  présence 
du  flot  des  Arabes  afl"amés,  elle  a  dû  leur  laisser  le 
champ  Ubre.  Des  décrets  ont  livré  aux  troupeaux  la 
plupart  des  forets.  Sans  doute  il  n'y  a  aucun  mal  à 
hvrer  aux  troupeaux  les  forêts  assez  denses,  quitte 
à  les  protéger  de  nouveau,  quand  elles  auront  besoin 
de  se  repeupler,  et  d'établir  ainsi  une  exploitation 
rationnelle;  mais  les  décrets  pris  sous   l'influence 
de  nécessités  pressantes  ne  concordent  pas  toujours 
avec  cette  exploitation  idéale.  D'autre  part,  si  l'on  est 
trop  rigoureux,  les  Arabes  incendient  les  forêts  et  en 
détruisent  ainsi  d'immenses  étendues,  qui  ne  se  repeu-  " 
plent  qu'autant  qu'elles  sont  parfaitement  gardées. 
Toutes  les  forêts  sont  loin  d'appartenir  à  l'État; 


26  LE   TELL. 

beaucoup  ont  été  abandonnées  aux  Arabes  en  toute 
propriété,  et  parmi  celles-ci  des  forêts  de  chênes- 
liège,  dont  l'écorce  est  très  riche  en  tanin.  L'Arabe 
ne  se  donne  pas  la  peine  d'exploiter  son  liège,  il  vend 
ses  arbres  à  bas  prix  à  des  industriels  qui  les  cou- 
pent pour  faire  du  tan  et  rasent  ainsi  les  forêts.  Cette 
opération  accomplie,  l'Arabe  amène  ses  chèvres,  qui 
ont  bientôt  achevé  l'œuvre  de  destruction.  Beaucoup 
de  montagnes  ont  été  totalement  déboisées  :  Dréat, 
Dira,  Ouach,  Meghris,  etc.;  chez  d'autres  :  Aurès, 
Mahdids,  etc.,  l'œuvre  de  destruction  marche  rapi- 
dement. 

Les  résultats  toujours  fâcheuX;  du  déboisement  ne 
sont  pas  les  mêmes  partout.  Sur  certaines  mon- 
tagnes gréseuses,  un  tapis  de  Graminées  ne  tarde  pas 
à  s'établir  et  protège  le  sol  contre  l'action  érosive 
des  eaux,  ou  du  moins  la  ralentit  considérablement. 
Ailleurs  au  contraire,  la  terre  végétale  est  rapidement 
enlevée,  le  rocher  se  dénude,  et  la  ruine  devient 
complète. 

Même  sur  les  montagnes  qui  gazonnent,  comme  le 
Dréat,  le  Dira,  le  Meghris,  rOuach,il  ne  faudrait  pas 
croire  que  le  déboisement  soit  sans  inconvénients. 
Il  pousse  beaucoup  moins  d'herbe  sur  le  sol  dénudé 
qu'à  l'ombre  des  forêts.  Là  où  la  forêt  existe  encore, 
la  végétation  herbacée  devient  luxuriante;  là  où 
l'arbre  a  disparu,  il  n'y  a  plus  qu'un  gazon  ras,  sauf 
près  des  sources  où  l'herbe  est  un  peu  plus  élevée. 
Rien  de  plus  frappant  que  de  voir  sur  nos  montagnes 
un  arbre  resté  seul  sur  un  terrain  déboisé.  A  sa 
base,  sur  un  espace  aussi  large  que  sa  ramure,  l'herbe 
croit  haute  et  touffue,  tranchant  sur  le  gazon  ras  du 
voisinage.  L'arbre  agit  de  plusieurs  manières  :  par 


FORETS.  27 

l'humus  qu'il  produit,  par  son  ombre  qui  tempère  la 
chaleur  du  soleil  et  diminue  l'évaporation,  en  main- 
tenant plus  longtemps  la  neige  et  peut-être  par  des 
causes  moins  connues.  Ce  qui  est  certain,  c'est  qu'avec 
les  déboisements  ,1a  sécheresse  et  l'aridité  augmentent, 
même  lorsque  la  terre  n'est  pas  entraînée  par  les 
eaux  pluviales,  et  le  climat  se  détériore. 

Rien  de  plus  variable  que  les  forêts  algériennes. 
Tantôt  ce  sont  de  maigres  broussailles  d'où  émergent 
çà  et  là  quelques  arbres  malingres  ;  ici  des  pins  assez 
vigoureux  n'ayant  au-dessous  d'eux  que  des  schistes 
nus  ou  peuplés  de  quelques  rares  herbes  ou  arbustes, 
comme  dans  les  Bibans  ;  ailleurs  des  boisements  plan- 
tureux et  touffus  couvrant  une  flore  herbacée  et 
des  sous-bois  luxuriants  ;  quelquefois  de  vraies  forêts 
vierges  entremêlées  de  lianes  et  impénétrables.  Tan- 
tôt une  essence  unique  domine,  tantôt  c'est  un 
pêle-mêle  d'arbres  de  toute  nature. 

C'est  surtout  dans  le  Tell  inférieur  que  les  essences 
sont  le  plus  mélangées.  Les  forêts,  en  général  assez 
maigres,  n'y  occupent  plus  guère  que  de  mauvais 
terrains.  C'est  là  d'ailleurs  que  la  forêt  a  le  moins 
de  raison  d'être.  Pourtant  quelque  essence  finit  par 
dominer,  comme  le  pin  dans  la  forêt  de  Marengo,le 
chêne-liège  à  la  Reghaïa  et  à  Bou  Sfer.  Sur  bien  des 
points  cependant  la  forêt  pourrait  peut-être  consti- 
tuer une  culture  rémunératrice,  par  exemple  dans  la 
plaine  du  ChéHf,  où  la  sécheresse  rend  les  récoltes  si 
aléatoires.  La  culture  de  l'olivier,  du  caroubier  et 
des  arbres  à  tanin  pourrait  y  être  pratiquée  avec 
beaucoup  d'avantages.  Le  cUmat  aujourd'hui  insup. 
portable  s'améhorerait  beaucoup.  Lorsque  la  forêt 
occupe  de  bons  terrains,  dans  nos  plaines  du  Tell 


28  LE  TELL. 

inférieur,  elle  y  prend  une  vigueur  remarquable  et 
pousse  extrêmement  dense,  comme  à  Si  Sliman  près 
de  Marengo  et  Sidi  Rehan  près  de  Bougie. 

Nos  essences  forestières  varient  avec  l'altitude,  la 
longitude  et  la  nature  du  terrain.  Sur  le  littoral,  on 
trouve  des  forêts  de  pins,  de  chênes-liège  et  toute  la 
flore  broussailleuse  ci-dessus  énumérée,  tantôt 
mêlée  à  la  forêt,  tantôt  prenant  elle-même  des  pro- 
portions forestières.  Parfois  quelques  peupliers 
blancs,  quelques  lauriers  peuplent  des  bas-fonds 
humides,  Forme  et  le  frêne  [Fraxinus  australis)  peu- 
vent aussi  jouer  un  certain  rôle.  A  La  Galle,  on  trouve 
des  forêts  d'aunes  si  épaisses  que  l'on  y  voit  à  peine 
jour  en  plein  midi.  Le  pin  maritime  forme  deux  ou 
trois  forêts,  sur  la  côte  orientale,  entre  Bougie  et  La 
Galle. 

De  800  à  1 200  mètres  d'altitude,  le  chêne  bal- 
lote,  simple  variété  du  chêne  vert  (Quercus  Ilex), 
joue  un  rôle  forestier  considérable,  souvent  réduit 
à  l'état  de  broussaille,  mais  souvent  aussi  formant 
de  très  gros  arbres,  assez  sains  de  tronc  et  d'un  bois 
extrêmement  dur  (fig.  \).  Il  est  fort  répandu  dans  les 
trois  provinces  et  jusque  sur  la  lisière  du  Sahara.  Ses 
glands,  généralement  doux,  donnent  une  nourriture 
abondante,  non  seulement  aux  troupeaux  de  porcs, 
mais  même  à  l'homme.  Les  Kabyles  Font  depuis 
longtemps  cultivé  et  sélectionné,  les  glands  étant 
très  variables,  comme  taille  et  comme  saveur. 

A  une  altitude  un  peu  supérieure,  surtout  dans  les 
massifs  montagneux  de  l'Est,  c'est  le  chêne  Zen, 
variété  du  Quercus  lusitanica^  espèce  très  voisine  de 
notre  chêne  rouvre  d'Europe,  qui  devient  prédomi- 
nant. C'est  une  de  nos  plus  belles  essences  fores- 


FORETS. 


29 


3 
rO 


30  LE  TELL. 

tières.  Il  peut  descendre  assez  bas  à  l'état  spora- 
dique,  mais  ce  n'est  guère  qu'à  une  altitude  de  10(30 
à  1800  mètres  qu'il  forme  de  beaux  peuplements 
serrés  et  réguliers  mêlés  çà  et  là  de  cerisiers,  d'éra- 
bles, etc.  A  son  contact  avec  les  lièges,  vers  sa 
limite  inférieure,  il  s'hybride  parfois  avec  eux.  Les 
principaux  ténements  de  Zen  se  trouvent  en  Kabylie 
et  dans  les  Babors.  Les  forêts  de  Yacouren  et  de 
Guerrouch  sont  surtout  remarquables.  Cette  dernière, 
qui  constitue  un  ténement  de  40  000  hectares,  présente 
d'immenses  boisements  d'une  régularité  parfaite, 
formés  d'arbres  très  droits  de  15  à  20  mètres  de  haut. 
Dans  ces  forêts,  que  l'homme  trouble  rarement  par 
sa  présence,  les  singes  et  les  sangliers  abondent. 
On  y  entend  de  tous  côtés  le  chant  des  ramiers,  du 
coucou  et  des  geais.  Les  sous-bois  y  sont  plantu- 
reux, les  clairières  forment  de  grasses  prairies  et  les 
ruisseaux  coulent  à  pleins  bords.  On  ne  trouve  rien 
de  plus  frais,  ni  de  plus  plantureux  dans  le  nord  de 
la  France.  Dans  les  forêts  de  ïlemcen,  le  Zen  joue 
aussi  un  certain  rôle,  mais  il  y  constitue  une  variété 
à  feuilles  plus  petites  et  moins  caduques.  Le  tronc 
du  Zen  peut  atteindre  10  mètres  de  circonférence, 
mais  il  est  alors  généralement  creux. 

Vers  2800  mètres,  le  chêne  Zen  est  lui-même  rem- 
placé par  un  autre  chêne  à  feuilles  caduques,  le 
chêne  à  feuilles  de  châtaignier  [A  far  es  des  Kabyles), 
qui  couronne  les  crêtes  de  la  Kabylie  orientale  et  des 
Babors. 

Le  bois  de  ces  deux  chênes  pourrait  être  utilisé, 
il  est  plus  dur  et  un  peu  plus  difficile  à  travaille^  que 
le  chêne  ordinaire,  on  le  dit  supérieur  pour  conser- 
ver les  eaux-de-vie.  La  forêt  de  Guerrouch  avait  été 


CHENE-LIEGE. 


31 


mise  en  exploitation  avant  1870;  des  routes  nom- 
breuses y  avaient  été  ouvertes,  des  coupes  impor- 
tantes avaient  été  opérées  et  le  bois  équarri.  Cette 
exploitation,  suspendue  parla  guerre,  ne  fut  jamais 
reprise.  Les  bois  coupés  sont  restés  en  place,  et, 
après  plus  de  vingt-cinq  ans,  nous  les  avons  trouvés 
encore  très  sains  à  1  ou  2  centimètres  de  profondeur. 
Les  ténements  rasés  à  cette  époque  ne  se  sont  guère 
repeuplés. 

Chêne-liège.  —  Le  plus  important  de  nos  chênes 
est  sans  contredit  le  Chene-liège,  une  des  espèces  les 


Fi'?.  2.  —  Distribution  du  chêne-liège. 


plus  caractéristiques  de  la  région  méditerranéenne 
occidentale.  Cet  arbre  nettement  sillcicole,  exige  en 
outre  un  certain  degré  d'humidité  et  craint  les  froids 
excessifs.  Dans  le  midi  de  la  France,  il  s'arrête  vers 
000  mètres  d'altitude.  En  Algérie,  il  monte  jusque 
vers  1  300  mètres.  Comme  il  exige  un  climat  assez 
humide,  il  est  fort  rare  sur  le  littoral  oranais  (fig.  il) 
où  il  ne  forme  guère  que  la  forêt  de  Bou  Sfer.  Ce  n'est 
que  vers  ïlemcen  et  Mascara  qu'il  trouve  des  pluies 
suffisantes.  Sur  le  littoral  de  la  province  d'Alger,  il 
habite  surtout  des  terrains  sableux,  reposant  sur  un 
fond  d'argile  imperméable,  où  règne  une  nappe  aqui- 


32  LE  TELL. 

fère  à  peu  près  continue.  L'on  y  trouvée  de  distance 
en  distance  de  nombreuses  mares  temporaires  ou 
permanentes.  Il  craint  les  terres  argileuses  trop 
compactes;  suivant  la  nature  du  terrain,  il  alterne 
avec  le  pin  d'Alep  et  c'est  tantôt  l'un,  tantôt  l'autre 
qui  prédomine;  ses  peuplements  y  sont  peu  com- 
pacts et  mêlés  à  l'olivier  et  à  toute  notre  flore 
broussailleuse.  Dans  l'Est,  ses  peuplements  sont 
beaucoup  plus  importants  et  plus  homogènes;  néan- 
moins les  broussailles  y  servent  trop  souvent  encore 
à  propager  l'incendie  et  leur  destruction  s'impose 
dans  les  forêts  bien  tenues.  La  fougère  aiglière,  tou- 
jours fréquente  dans  ces  forêts,  y  prend  parfois  un 
développement  tel  qu'elle  étouffe  la  broussaille  et 
les  jeunes  semis.  Les  grands  arbres  seuls  peuvent 
lui  résister. 

Le  chêne-liège  est  un  arbre  de  moyenne  grandeur, 
assez  semblable  au  chêne  vert  par  son  feuillage.  Son 
branchage  plus  irréguUer,  plus  étalé,  devient  parfois 
pleureur.  Son  bois,  quoique  très  lourd  et  bien  maillé, 
est  peu  estimé;  son  tronc  se  carie  de  bonne  heure. 
On  a  vu  exceptionnellement  quelques  sujets  dont  le 
tronc  atteignait  10  mètres  de  circonférence,  ces 
arbres  étaient  entièrement  creux.  Le  liège  et  le  tan 
sont  les  seuls  produits  importants  du  chêne-liège, 
ses  glands  peuvent  servir  à  la  nourriture  des  porcs. 

Nous  avons  déjà  parlé  de  l'exploitation  sauvage  du 
tan,  qui  a  fait  disparaître  à  peu  près  complètement 
les  forêts  de  la  Sicile  et  de  la  Sardaigne  ;  cependant 
cette  industrie  serait  compatible  avec  une  bonne 
exploitation  des  forêts,  si  elle  était  bien  surveillée. 
Des  peuplements  trop  épais  ont  besoin  d'être  éclair- 
cis,  et  il  y  a  toujours  intérêt  à  receper  des  vieux 


CHENE-LIÈGE.  33 

arbres  incapables  de  donner  du  bon  liège.  Mais  jus- 
qu'ici cette  industrie  a  été  des  plus  dévastatrices 
malgré  les  lois  édictées.  C'est  l'écorce  débarrassée  du 
li(''ge  que  l'on  exploite,  elle  contient  environ  19  p.  100 
de  tanin  et  vaut  de  12  à  20  francs  le  quintal.  Un 
seul  arbre  peut  en  donner  plusieurs  quintaux.  C'est 
l'Angleterre  et  l'Italie  qui  utilisent  ce  produit. 

Le  liège  est  une  des  plus  grandes  ressources  de 
l'Algérie.   On   a  calculé    que   ses  forêts,  mises  en 
rapport,    pourraient   donner  un  revenu   annuel  de 
,  12000000  à  20 000 000  francs. 

D'après  Lamey  (1),  l'Algérie  compte  450000  hec- 
!  tares  de  forêts  de  chênes  lièges.  Une  notice,  récem- 
ment publiée  par  le  gouvernement  général,  porte 
même  ce  chiffre  à  470000.  Sur  ces  450000  hectares,  la 
province  d'Oran  n'en  possède  que  8000  et  celle 
d'Alger  42  000.  A  elle  seule  la  province  de  Constan- 
tine  en  possède  plus  de  400  000.  Ces  forêts  se  conti- 
nuent en  Tunisie  jusqu'à  BizerLe  et  y  comptent 
encore  116  000  hectares.  Le  Maroc  possède  aussi  de 
vastes  forêts  de  lièges,  encore  mal  connues,  qui 
n'ont  encore  été  exploitées  que  pour  le  lan,  ce  qui  en 
a  fait  disparaître  plusieurs. 

Sur  les  450000  hectares  d'Algérie,  170000  ont  été 
concédés  à  des  particuliers,  16000  aux  communes; 
l'État  reste  propriétaire  de  274  000.  291  000  hectares 
sont  actuellement  en  valeur,  dont:  124  000  à  l'État, 
160000  aux  particuliers  et  7  000  aux  communes. 

L'écorce  du  chêne-liège  est  recouverte  d'une 
cuirasse  de  tissus  subéreux,  mais  ce  liège  naturel, 
dit  liège  mâle,  dur,  irrégulier,  fortement  crevassé,  est 

(1)  Lamey,  Le  chêne-liège.  Paria,  1893. 

B4TTANDIEB  et  Trabut,  —  Algérie,  3 


34  LE  TELL. 

sans  valeur.  Pour  mettre  une  forêt  en  exploitation, 
il  faut  au  moment  de  la  sève  enlever  ce  liège  mâle  ; 
c'est  l'opération  du  démasclage.  Elle  revient  à  envi- 
ron 0  fr.  10  par  arbre.  Cette  opération  est  assez 
délicate  et  réclame  des  ouvriers  soigneux  et  expéri- 
mentés; un  mauvais  démasclage  peut  diminuer  de 
beaucoup  le  rapport  d'une  forêt.  L'arbre  démasclé 
peut  être  desséché  par  un  fort  sirocco  et  ne  saurait 
résister  à  un  incendie.  Même  après  deux  ans,  il  est 
encore  peu  protégé.  On  peut  beaucoup  diminuer  ces 
dangers  en  réliabillant  l'arbre  démasclé  avec  son 
liège  mâle  assujetti  avec  des  fils  de  fer.  C'est  la  mé- 
thode du  recouvrement,  imaginée  par  M.  Capgrand 
Mothes. 

Après  le  démasclage,  l'écorce  mise  à  vif  se  des- 
sèche plus  ou  moins  profondément  et  sous  cette 
partie  desséchée  se  forme  une  nouvelle  production 
de  tissu  subéreux,  qui  va  s'accroître  de  1  à  3  milli- 
mètres par  an  et  qui  constituera  le  liège  de  reproduc- 
tion, le  seul  employé.  Ce  liège  reste  recouvert  par  la 
partie  desséchée  de  l'écorce,  qui  constitue  la  croûte. 
Si  cette  croûte,  toujours  nuisible,  est  trop  épaisse, 
on  pratique  un  second  démasclage  au  bout  d'un  an 
ou  deux.  Le  procédé  du  recouvrement  la  supprime 
presque  totalement.  Pour  que  le  liège  soit  bon  à 
récolter,  il  faut  qu'il  ait  atteint  une  épaisseur  suffi- 
sante, de  20  à  31  milUmètres.  On  pratique  alors  une 
première  tire  ou  récolte.  Les  frais  sont  à  peu  près 
les  mêmes  que  pour  le  démasclage.  Les  tires  se  font 
tous  les  huit  ou  dix  ans.  Les  premières  sont  de  qua- 
lité inférieure.  11  est  rare  que  l'on  puisse  faire  des 
récoltes  régulières  sur  tout  un  quartier  de  forêt,  la 
croissance  du  liège,  comme  la  qualité,  différant  beau- 


CHENE-LIÈGE.  35 

coup  d'un  arbre  à  l'autre.  Les  lièges  à  croissance 
rapide  sont  peu  recherchés. 

Le  lièg"e  est  parcouru  par  des  canaux  irréguliers, 
pleins  d'un  tissu  friable,  qui  laisse  après  nettoyage 
des  trous  et  des  lacunes.  Plus  ces  canaux  seront 
nombreux,  moins  le  liège  aura  de  valeur.  Le  prix 
des  lièges  algériens  varie  de  40  à  120  francs  les 
100  kilos.  Un  arbre  peut  donner  un  revenu  annuel  de 
0  fr.  20  à  0  fr.  50,  et  l'on  peut  compter  sur  un  béné- 
fice net  de  25  francs  par  hectare  environ. 

Le  chêne-liège  peut  être  attaqué  par  divers  insectes, 
par  les  larves  du  Cossus  et  du  grand  Capricorne  ;  la 
chenille  du  Bombyx  dispar  détruit  parfois  son  feuil- 
lage sur  de  grandes  étendues  ;  une  fourmi,  le  Crema- 
togaste?'  scutellatus  creuse  ses  galeries  dans  le  liège 
môme  et  y  produit  de  grands  ravages;  les  récoltes 
de  liège  peuvent  devenir  la  proie  du  Dermestes  vul- 
pinus  et  de  larves  de  mites  ;  enfin  quelques  moisissures 
produisent  sur  le  liège  des  taches  qui  diminuent 
beaucoup  sa  valeur.  Certains  bouchons  neufs  de 
bonne  apparence  donnent  aux  hquides  un  goût  de 
m.oisi. 

Toutes  les  forêts  de  la  région  du  Chêne-liège  sont 
sans  cesse  menacées  par  Fincendie,  il  semble  même 
que  l'épais  revêtement  tubéreux  de  cet  arbre  soit  une 
adaptation  déterminée  par  ce  fléau.  Mais,  en  Algérie, 
ces  incendies,  allumés  et  entretenus  par  des  indi- 
gènes fanatiques,  qui  y  voient  un  moyen  de  lutte  ou 
de  vengeance  contre  le  Roumi  (chrétien),  sont  parti- 
culièrement fréquents  et  terribles.  Toutes  les  fois  que 
vers  le  milieu  de  septembre  arrivent  des  périodes  de 
sirocco  intense,  on  est  sûr  de  voir  surgir  tout  à  coup, 
au  milieu  des  plus  beaux  massifs,  (quinze,  vingt  foyers 


36  LE  TELL. 

d'incendie,  parfois  plusieurs  centaines.  Les  mon- 
tagnes s'embrasent  sur  d'immenses  espaces  ;  on  a  vu 
depuis  la  mer,  les  côtes  toutes  rouges  de  La  Galle  à 
Alger.  Les  foyers  sont  toujours  admirablement 
choisis  pour  rendre  la  lutte  difficile;  d'autre  part,  le 
sirocco  propage  si  vite  l'incendie  que  bien  souvent 
les  défenseurs,  subitement  enveloppés,  périssent 
dans  les  flammes.  D'après  M.  Lamey,  ce  sont  surtout 
les  affiliés  aux  sectes  de  Kouans  qui  sont  les  fauteurs 
de  ces  désastres,  mais  leurs  coreligionnaires  n'ont 
garde  de  les  trahir  malgré  la  responsabihté  collec- 
tive. «  Lors  des  grands  incendies  de  1863  à  1865  dans 
la  province  de  Constantine,  dit  M,  Lamey,  on  a  dé- 
couvert de  nombreux  fourneaux  incendiaires  com- 
posés le  plus  souvent  d'un  cylindre  de  liège  mâle, 
bourré  de  bouse  sèche  et  de  crottin,  mêlés  à  de  la 
paille  hachée  ou  à  de  la  moelle  de  férule.  Ces  engins 
étaient  disposés  dans  les  fourrés  et  recouverts  de 
brindilles  mortes;  pour  mettre  le  feu,  il  suffisait  de 
poser  un  morceau  d'amadou  enflammé  sur  la  bouse 
de  vache.  Bon  nombre  de  ces  canons,  qui  avaient 
manqué  leur  effet,  ont  été  retrouvés.  »  D'autres  fois, 
quand  le  fanatisme  est  à  son  comble,  on  a  pu  voir 
les  incendiaires  courant  la  montagne  même  en  plein 
jour,  allumant  l'incendie  çà  et  là,  et  comptant  pour 
s'échapper  sur  leur  parfaite  connaissance  du  pays. 

Pour  lutter  contre  ces  désastres,  le  meilleur 
moyen  est  d'employer  le  contre-feu,  c'est-à-dire  de 
brûler  les  herbes  sèches  et  les  broussailles  sur  des 
bandes  assez  larges  pour  que  l'incendie,  privé  d'ali- 
ment sur  ces  points,  ne  puisse  les  franchir.  Comme 
mesures  préventives,  le  mieux  est  de  débrous- 
sailler, et  de  sillonner  en  tous  sens  les  forêts  de 


CÈDRE.  37 

bandes  bien  dénudées  et  nettoyées  de  50  mètres  de 
largeur. 

Le  liège  une  fois  tiré  est  mis  en  planches,  c'est-à- 
dire  aplati,  on  lui  fait  par  compression  perdre  la 
forme  de  tuile  et  on  le  rend  aussi  plat  que  possible. 
puis  il  est  nettoyé  et  bouilli.  Le  bouillage,  pour  em- 
ployer l'expression  technique,  rend  le  liège  plus 
élastique,  moins  dense,  et  augmente  son  volume  d'un 
cinquième  environ.  Les  rognures  et  débris  servent 
ordinairement  de  combustible.  Enfin  on  le  soumet 
au  raclage  pour  enlever  la  croûte. 

Les  hybrides  du  chêne-liège  n'ont  pas  d'importance 
industrielle,  on  en  connaît  plusieurs. 

Cèdre.  —  Le  Cèdre,  simple  variété  à  feuilles  un 
peu  plus  courtes  et  parfois  argentées  du  cèdre  du 
Liban,  forme,  sur  nos  montagnes  élevées,  de  majes- 
tueuses forêts  ayant  un  caractère  de  grandeur  tout 
particulier  (fig.  3).  Cette  essence  aime  les  grands 
massifs  montagneux  et  s'y  tient  à  des  altitudes  va- 
riant de  1  300  à  1  800  mètres.  Les  terrains  calcaires 
semblent  lui  plaire  ;  pourtant  à  Teniet  el  Haad,  il 
vient  très  bien  sur  des  grès  sihceux  superposés,  il 
est  vrai,  à  des  marnes  argilo-calcaires.  Il  existe  en- 
viron 35  000  hectares  de  forêts  de  cèdres  en  Algérie, 
à  savoir  :  24  000  hectares  dans  la  province  de  Cons- 
tantine  et  11 000  dans  celle  d'Alger.  Oran  n'en  possède 
point,  bien  que  cette  essence  se  retrouve  au  Maroc. 
Les  ténements  les  plus  considérables  se  trouvent 
dans  l'Aurès.  La  grande  forêt  de  Belezma  près  de 
Batna  ne  compte  pas  moins  de  14000  hectares.  On  en 
trouve  au  Bou  Thaïe b,  dans  les  Mahdids,  dans  les 
Babors  au  Babor  et  au  Tababort  ;  dans  la  province 
d'Alger,  on  le  trouve  sur  les  flancs  du  Djurdjura  où  il 


38 


LE  TELL. 


forme  d'assez  maigres  peuplements,  aux  Béni  Sahla 
de  Blida,  à  Teniet  el  Haad  et  l'Ouarsenis. 
Dans  toute  la  province  de  Constantine  le  cèdre 


semble  en  voie  de  dépérissement  (lig.  4.)  Les  lorôls 
sont  pleines  de  gros  arbres  morts,  mêlés  à  des  percliis 
élancés,  parfois  assez  vigoureux,  avec  de  larges  clai- 


CÈDRE. 


39 


40  LE  TELL. 

ri  ères.  Presque  nulle  part  on  ne  voit  de  tendance  au 
repeuplement.  Ces  forêts  étant  pâturées  à  outrance 
par  les  chèvres,  les  herbes  et  les  menues  brous- 
sailles, à  l'abri  desquelles  s'élevaient  les  jeunes 
cèdres,  ont  disparu.  Les  jeunes  semis,  très  nombreux, 
sont  bien  vite  desséchés  ou  broutés.  Quant  à  la  mor- 
talité générale  des  vieux  sujets,  on  l'attribue  généra- 
lement à  une  période  de  sécheresse  extrême  qui  a 
sévi  dans  la  région  de  1875  à  1881.  La  forêt  des  Béni 
Sahla  et  les  peuplements  de  la  chaîne  kabyle  n'ont 
pas  subi  la  même  mortalité,  mais  là  encore  les 
chèvres  rendent  le  repeuplement  difflcile.  Seule  la 
forêt  de  Teniet  el  Haad,  bien  gardée  jusqu'à  pré- 
sent par  le  service  forestier,  a  conservé  un  air  de 
prospérité  vraiment  remarquable.  Les  repeuplements 
y  sont  nombreux  et  serrés,  les  vieux  arbres  encore 
vigoureux  y  atteignent  des  tailles  considérables.  Le 
Sultan  a  disparu,  mais  la  Sultane  a  7  mètres  de  cir- 
conférence à  hauteur  d'homme,  Messaoud  est  encore 
plus  gros.  Ces  arbres  sont  très  anciens,  on  compte 
qu'un  arbre  deO°',75  de  diamètre  a  cent-vingt-cinq  ans. 
Un  tronc  de  1°',80  de  diamètre,  récemment  abattu, 
avait  trois  cent  dix  ans.  Le  cèdre  est  remarquable 
par  ses  grandes  nappes  horizontales  de  feuillage  à 
étages  superposés.  A  Teniet,  les  arbres  perdent  en 
général  leur  flèche  de  bonne  heure.  Ceux  qui  cou- 
ronnent les  crêtes  n'ont  souvent  qu'un  seul  plan  de 
branches  et  ressemblent  à  de  vastes  parapluies.  Le 
cèdre  forme  rarement  des  peuplements  très  homo- 
gènes. Il  pousse  par  bouquets  entremêlées  de  clai- 
rières occupées  par  des  prairies  et  des  broussailles. 
Avec  lui,  poussent  quelques  ifs  parfois  de  grande 
taille,  des  érables,  quelques  chênes  Zen,  le  houx. 


PIN   D'ALEP.  41 

des  cerisiers,  quelques  Soj^bus  :  S.  Aria  et  S.  iormina- 
lis,  ces  derniers  rares  et  localisés;  comme  sous-bois  : 
divers  Cratœgus  et  les  broussailles  de  la  région 
montagneuse. 

Le  bois  de  cèdre  a  une  odeur  assez  agréable  et 
très  persistante,  il  est  parfois  employé  en  ébénisterie, 
mais  moins  recherché  que  le  pitchpin.  Gomme  bois 
de  menuiserie,  il  est  plus  cassant  et  moins  élas- 
tique que  les  bois  de  pin  et  de  sapin.  Par  contre,  il 
est  à  peu  près  incorruptible.  Il  est  particulièrement 
propre  à  faire  des  traverses  de  chemin  de  fer  (1). 
Lorsqu'il  a  longtemps  séjourné  dans  l'eau,  il  acquiert 
une  dureté  extraordinaire.  —  L'incorruptibiUté  de 
ce  bois  fait  que  les  arbres  morts  des  forêts  de 
l'Aurès  se  trouvent  et  se  trouveront  longtemps  en- 
core dans  d'excellentes  conditions  d'exploitation.  Le 
cèdre  donne  une  petite  quantité  d'une  résine  ayant 
une  odeur  à  la  fois  de  citron  et  d'encens. 

Pin  d'Alep.  —  Le  Pin  d'Alep  est  une  essence  fores- 
tière, qui  est  extrêmement  répandue  en  Algérie  et 
qui  y  couvre  d'immenses  espaces,  depuis  le  Uttoral 
jusqu'à  la  lisière  saharienne.  Doué  d'un  tempérament 
particulièrement  robuste,  presque  tous  les  terrains 
lui  sont  bons.  Il  prospère  aussi  bien  dans  les  régions 
sèches,  comme  les  Bibans,  que  dans  la  région  litto- 
rale, pourvu  que  ses  racines  puissent  aller  chercher 
assez  profondément  l'humidité.  Comme  le  pin  syl- 
vestre, il  aime  les  terrains  fissiles  ou  perméables,  où 
ses  racines  peuvent  plonger  à  de  grandes  profon- 
deurs. Ses  limites  d'altilude  sont  à  peu  près  les 
mêmes  que  celles  du  chêne-liège  et  de  l'oUvier.  Ces 

(1)  On  l'essaie  actuellement  à  Alger  pour  le  pavage  en  bois, 
sans  l'injecter  ni  l'imprégner  d'huile  lourde  de  houille. 


42  LE  TELL. 

limites  s'élèvent  naturellement  à  mesure  que  l'on 
s'avance  dans  le  Sud.  Très  répandu  sur  le  Littoral,  il 
y  occupe  en  général  des  terrains  assez  maigres  et 
ses  peuplements  y  sont  mélangés  à  d'autres  essences. 
Il  n'y  forme  qu'une  zone  très  interrompue.  Au  con- 
traire, à  la  limite  du  Tell  et  des  hauts  plateaux  il 
forme  une  zone  extrêmement  importante  et  presque 
ininterrompue.  C'est  dans  cette  zone  que  la  plupart 
des  oueds  du  versant  méditerranéen  prennent  leur 
source.  On  le  retrouve  encore  dans  les  montagnes 
du  sud,  formant  çà  et  là  quelques  forêts.  Dans 
l'intérieur,  il  se  trouve  souvent  en  alternance  avec 
le  chêne  ballote,  comme  sur  le  littoral  avec  le 
chêne-liège.  Son  bois  n'a  guère  été  utilisé  jusqu'à 
présent.  Les  Arabes  en  tirent  un  peu  de  térébenthine 
et  de  résine,  du  tanin  et  même,  dans  les  moments 
de  disette,  mangent  la  partie  cambiale  de  l'écorce  et 
les  graines.  Ils  l'exploitent  d'une  manière  tout  à  fait 
barbare,  enlevant  un  anneau  d'écorce,  ce  qui  les 
fait  rapidement  périr.  Le  sous-bois,  rare  dans  les 
forêts  bien  peuplées,  est  formé  suivant  les  locahtés 
par  l'olivier,  les  Phyllireas,  le  lentisque,  le  Cistus 
albidus^  le  romarin,  les  genévriers,  etc. 

Nulle  essence  ne  craint  plus  les  incendies.  Chassé 
parle  sirocco,  le  feuy  parcourt  en  peu  de  temps  d'im- 
menses espaces,  ne  brûlant  absolument  que  les 
feuilles,  les  moindres  brindilles;  les  cônes  eux-mêmes 
restent  intacts  ou  à  peu  près.  Mais  aucun  arbre  ne 
survit.  Si  la  forêt  est  bien  gardée,  le  repeuplement 
se  fait  vite.  Sur  bien  des  points  cependant  la  forêt  a 
délinitivement  disparu,  ne  laissant  que  quelques 
témoins  au  miUeu  des  rares  touffes  de  Callitris^  de 
genévriers,  de  Rhamnus  oleoïdes  et  de  romarins,  com- 


OXYCÈDRE   ET  GENÉVRIER  DE  PHÉNICTE.  43 

pagnoiis  habituels  du  pin  dans  la  zone  voisine  des 
liauts  plateaux. 

Thuya  d'Algérie.  —  Le  Callitris  quadrivalvis  ou 
Thuya  d'Algérie  accompagne  fréquemment  les  peu- 
plements de  pins  presque  partout.  Parfois  il  devient 
prépondérant  et  forme  des  peuplements  assez  im- 
portants, surtout  dans  l'intérieur.  Arbre  très  mé- 
diocre comme  taille,  il  est  presque  indestructible, 
repoussant  facilement  du  pied  après  chaque  incendie. 
l/à  souche  finit  par  former  ces  belles  loupes  noueuses, 
si  richement  marbrées  de  rouge  fauve  et  de  brun  qui 
en  font  un  bois  d'ébénisterie  des  plus  précieux.  On 
suppose  que  c'était  là  le  bois  de  citre,  si  estimé  des 
Uomains. 

Oxycèdre  et  Genévrier  de  Phénicie.  —  Deux 
autres  conifères,  les  Jiiniperus  oxycedrus  et  phœnicea 
ont  à  peu  près  la  même  distribution  que  le  pin  d'Alep 
et  le  Tkui/a. 

L'Oxycèdre,  qui  forme  par  place  sur  les  rivages 
maritimes  une  belle  variété,  est  assez  répandu,  quoi- 
que peu  abondant  dans  la  région  littorale,  mais  il  a 
tenu  jadis  une  grande  place  dans  le  boisement  des 
plateaux  élevés  :  Ben  Chicao,  Bordj  bou  Arreridj, 
Aïn  el  Hadjar,  etc.  ;  et  des  montagnes  jusque  dans 
le  sud  :  Ouarsenis,  Mzi,  Djebel  Amour,  etc.  Cette 
essence  paraît  résister  admirablement  au  vent  et 
aux  intempéries  ;  malheureusement  ses  boisements 
ont  presque  tous  disparu  ou  disparaissent  rapide- 
ment, coupés  comme  bois  de  chauffage  ou  distillés 
pour  la  fabrication  de  l'huile  de  Cade;  ailleurs,  comme 
sur  le  pic  de  TOuarsenis,  détruits  par  l'incendie, 
tandis  que  les  chèvres  empêchent  le  repeuplement. 

Le  Genévrier  de  Phénicie  est  aussi  fort  répandu 


44  LE  TELL. 

surtout  sur  le  littoral  et  dans  les  montagnes  du  Sud, 
mais  son  rôle  forestier  est  peu  considérable. 

Sapin.  —  Dans  les  Babors,  on  trouve  une  forêt 
d'un  magnifique  Sapin,  VAbies  numidica  Delannoy, 
que  Cosson  avait  à  tort  rapporté  à  VAbies  Pinsapo. 
C'est  le  témoin  d'une  flore  alpine  disparue. 

Essences  secondaires.  —  Nous  citerons  encore 
quelques  essences  forestières  d'importance  secon- 
daire. 

L'Amandier  est  répandu  dans  toutes  les  mon- 
tagnes de  l'Algérie,  surtout  dans  les  rochers,  et 
forme  parfois,  comme  chez  les  Ouled  Dahn  près 
Guelma,  et  dans  la  région  de  Garrouban,  de  véri- 
tables peuplements.  Les  amandes  de  l'arbre  sauvage 
sont  toujours  amères. 

Le  Cerisier  est  fort  répandu  aussi  à  l'état  sauvage 
dans  la  région  montagneuse. 

Le  Sorbier  domestique  se  trouve  dans  les  Babors. 
Un  grand  Poirier,  le  Pirws  longipes^  joue  un  certain 
rôle  forestier  dans  l'Aurès  avec  le  Fraxinus  dimor- 
pha.  On  les  retrouve  ailleurs  l'un  et  l'autre,  à  l'état 
de  vestiges. 

Dans  l'Edough  et  au  Goufl,  on  trouve  des  boise- 
ments de  Châtaigniers  sauvages.  11  en  existe  aussi 
en  Kroumirie.  Peut-être  quelques  vieux  châtaigniers 
à  fruits  très  petits,  qui  subsistent  encore  dans  les 
ravins  de  la  Bouzareah,  sont-ils  aussi  des  restes 
d'anciens  peuplements  disparus. 

Le  Tremble  existe  encore  dans  les  Babors.  Le  Juni- 
perus  Thurifera  couronne  quelques  crêtes  de  l'Aurès. 
La  variété  naine  du  Juniperus  communis  forme  quel- 
ques buissons  rabougris  sur  les  sommets  kabyles. 

Le  Caroubier  et  le  Figuier  sont  très  répandus  dans 


ESSENCES   SECONDAIRES.  45 

le  Tell  à  l'état  sporadique,  le  premier  formant  pour- 
tant çà  et  là  de  petits  peuplements.  Tous  deux  fruc- 
tifient abondamment,  mais  les  figues  sauvages  ne 
sont  pas  comestibles. 

Le  genre  Pistacia    outre  le  Lentisque  et  le  Pista- 
chier très  cultivé  en  Tunisie,  est  encore  représenté 
par  le  Térébinthe  {Pistacia  Terebinthus)  et  le  Betoum 
ou  pistachier  de  l'Atlas  [Pistacia  atlantica),  qui  n'est 
en  vérité  qu'une  variété  plus  grande  et  plus  robuste 
du  térébinthe  avec  des  feuilles  plus  petites.  Le  téré- 
binthe se  trouve  çà  et  là  à  la  base  des  montagnes, 
souvent  bien  difficile  à  distinguer  du  betoum.  Quant 
à  ce  dernier,  il  constitue  une  essence  forestière  en 
voie  de  disparition,  qui  a  dû  jouer  et  pourrait  jouer 
encore  un  rôle  bien  important  dans  ce  pays.  On  en 
trouve  de  très  gros  pieds  dans  le  Tell,  répandus  çà 
et  là  dans  la  région  montagneuse,  mais  cette  essence 
est  surtout  précieuse,  parce  que  c'est  à  peu  près  la 
seule  qui  pousse  dans  la  région  des  steppes  et  jusque 
dans  le  Sahara,  partout  où  dans  les  dépressions, daïas, 
oueds,    etc.,  ses  racines   peuvent  trouver  un  peu 
d'humidité.  On  ne  voit  plus  aujourd'hui  que  de  gros 
individus,  qui,  vu  la  lenteur  de  sa  croissance,  doivent 
être  bien  vieux  ;  on  n'en  voit  pas  de  jeunes. 

Il  est  impossible  de  terminer  cette  flore  forestière 
sans  dire  quelques  mots  d'éléments  d'emprunt,  qui 
jouent  aujourd'hui  un  rôle  considérable;  tels  sont  : 

Les  Eucalyptus  gloùulus  et  rostrata^  qui  forment 
partout  des  rideaux  dans  les  plaines  et  donnent  déjà 
à  nos  colons  du  bois  en  abondance. 

Les  Acacias  d'AustraUe  qui  sont  très  cultivés 
aussi,  très  rustiques  et  dont  une  espèce,  VA.  pyc- 
nantha^  paraît   devoir  prendre  beaucoup  d'impor- 


48  LE  TELL. 

Aroïdées  résistent  aux  labours.  En  général,  la  cul- 
ture est  fatale  aux  plantes  vivaces  et  favorise  au 
contraire  les  plantes  annuelles. 

Dés  les  premières  pluies,  outre  les  plantes  bul- 
beuses qui  ont  joué  un  rôle  précurseur  et  qui  conti- 
nuent à  fleurir,  tout  se  réveille  :  les  plantes  vivaces 
se  hâtent  de  pousser,  les  espaces  libres  se  couvrent 
de  germinations  ;  en  quelques  jours,  tout  est  trans- 
formé; la  terre,  naguère  calcinée,  s'est  recouverte 
d'un  beau  tapis  de  verdure  déjà  tout  émaillé  de 
fleurs.  C^est  une  des  caractéristiques  de  notre  flore 
d'avoir  des  fleurs  et  de  belles  fleurs  en  toute  saison. 
Au  moment  le  plus  désolé,  tous  nos  ravins  sont  pleins 
de  lauriers-roses  abondamment  fleuris. 

Cependant  c'est  au  mois  d'avril  et  de  mai  dans  le 
Tell  inférieur,  au  mois  de  juin  dans  les  montagnes, 
que  s'opère  la  floraison  et  la  fructification  de  la 
plupart  des  espèces.  Le  Tell  inférieur  est  en  avance 
d'an  mois  environ  sur  la  région  moyenne  de  la 
France. 

Nous  ne  pouvons  passer  en  revue  les  espèces  de 
la  flore  herbacée  comme  nous  l'avons  fait  pour  la 
flore  arbustive,  leur  nombre  est  trop  considérable. 
Il  est  pourtant  certaines  plantes  qui  se  multiplient 
avec  une  telle  profusion,  qu'elles  nécessitent  une 
mention  spéciale.  Telles  sont,  par  exemple,  des 
espèces  du  genre  Daucus  (carottes),  si  abondantes  en 
Algérie  et  dont  une,  le  Daucus  aureus  couvre  de  ses 
peuplements  serrés  les  marnes  argileuses.  Cette 
plante  en  séchant  prend  une  teinte  dorée,  qui  devient 
celle  de  ces  terrains  fort  répandus  dans  le  Tell. 
Ailleurs  c'est  VAmmi  Visnaga^  très  semblable  à  une 
carotte,  qui  joue  le  même  rôle,  mais  qui  tend  h 


FLORE  HERBACÉE.  49 

devenir  plus  rare  devant  le  développement  des  cul- 
tures. Ces  mômes  terres  argileuses,  au  mois  d'avril, 
sont  toutes  bleues  des  fleurs  du  Convolvulus  tricolor, 
à  travers  lesquelles  émergent  ça  et  là  de  grosses 
touffes  d'Bedysariim  flexuosum  ou  d'autres  sainfoins 
variant  avec  les  régions.  De  belles  Malvacées  :  Malope, 
Lavatera  trimestris^  Lavatera  sfenopetala,  Malva  his- 
panica,  etc.,  y  étalent  aussi  leurs  gracieuses  corolles. 

D'autres  plantes  forment  à  certaines  époques  de 
vastes  tapis  rouges  :  Fedia  cornucopix,  Hedysarum 
capitatum,  Silène,  divers  coquelicots,  etc.  Beaucoup  de 
plantes  sauvages  ont  en  Algérie  une  tendance  mani- 
feste à  faire  des  peuplements  vastes  et  denses  : 
AUgylnps,  Ifordeum,  Crucifères,  Galaclites,  Centau- 
rées, etc.  Certaines  prairies  forment  de  véritables 
nappes  éblouissantes  de  couleur  d'or,  les  fleurs 
des  Coleostephus  myconis,  Clausonis,  etc.,  s'y  tou- 
chant toutes.  Le  Periderea  fuscata,  VAlyssum  mari- 
timum  forment  aussi  de   vastes  nappes  blanches. 

Nous  n'avons  pas  le  bleuet  dans  nos  blés  et  la  nielle 
y  est  rare.  Nos  blés  sont  d'ailleurs  envahis  par  une 
foule  d'herbes  sauvages,  dont  quelques-unes  étouffent 
parfois  toutes  les  autres  et  même  le  blé.  Telles  sont  : 
Ridoi/îa  seyetum,  Gladiolus  segetum^  Allium  nigrum, 
Muscari  comosum,  Galium  tricorne,  Btfora  tesHculata, 
Hypecoums,  Rœmeria  h.ybrida^  Ranunculus  arvensis, 
dans  la  montagne  ;  Saponaria  vaccaria,  dans  la  région 
de  Daya,  etc.  VAnchusa  italica  et  quelques  autres 
Borraginées,  quoique  moins  nombreuses,  jouent  un 
rôle  peut-être  encore  plus  néfaste  dans  les  cultures 
des  céréales  en  nourrissant  Vœcidium  d'une  rouille 
du  blé. 

La  facilité  avec  laquelle  poussent  les  plantes  sau- 
Battandier  et  Trabut.  —  Algérie.  4 


oO  LE  TELL.  ^ 

vages  est  cause  du  peu  de  soin  que  l'on  apporte  dans 
le  Tell  inférieur  à  l'établissement  des  prairies  ;  on  se 
borne  à  laisser  de  temps  à  autre  la  terre  en  jachère. 
Elle  se  couvre  rapidement  de  fourrages  grossiers, 
mais  variés  et  souvent  d'assez  bonne  qualité.  Les 
Légumineuses  y  abondent  :  trèfles,  luzernes,  méU- 
lots,  vesces,  lotiers,  chenillettes,  sainfoins,  etc.  Par- 
fois des  crucifères  prennent  le  dessus,  et  donnent  un 
produit  médiocre.  Il  arrive  aussi  que  la  folle  avoine 
s'empare  si  bien  d'un  terrain  que  l'on  jurerait  avoir 
affaire  à  une  culture  des  mieux  soignées.  Souvent 
dans  les  plaines  humides,  comme  la  Mitidja,  le  blé 
est  pourri  par  les  eaux,  il  lui  succède  alors  une  ex- 
cellente récolte  de  fourrage. 

Le  Cynara  Cardunculus^  ancêtre  du  cardon  et  de 
l'artichaut,  est  extrêmement  répandu  en  Algérie  et  y 
caractérise  les  bonnes  terres  de  culture.  Plus  il 
prend  de  développement,  plus  le  sol  est  riche.  Dans 
les  Mouïas,  près  de  Constantine,  il  devient  gigan- 
tesque, chaque  pied  formant  une  demi-sphère  de 
2  à  3  mètres  de  diamètre  et  même  davantage.  Ce 
sont  ces  terres,  très  mal  cultivées  aujourd'hui  par  les 
Arabes  et  pleines  de  ruines  romaines,  qui  durent 
jadis  donner  à  l'Algérie  son  renom  de  fertilité  exu- 
bérante. 

Les  plateaux  sétifiens  sont  caractérisés  par  une 
plante  très  spéciale  d'un  type  oriental,  V  Othonnopsis 
Cheirifolia,  ayant  un  peu  le  faciès  d'un  souci. 

Quelques  autres  plantes  assez  caractéristiques  et 
qui  se  font  en  outre  remarquer  par  leur  taille  élevée, 
appartiennent  surtout  à  la  famille  des  ombelUfères  : 
l'hapsia,  Cachrys^  Férules,  Fenouil,  etc.,  et  aux  Car- 
duacées  :  Cirùumgiganteum^  C.  Kirbense^  Galactites, 


FLORE   HERBACÉE.  51 

Sylibum    Marianum   et    eburneum^    onopordes,   etc. 

La  flore  herbacée  de  l'Algérie  comprend  deux 
flores  principales  bien  distinctes  :  une  flore  déser- 
tico-orientale  et  une  flore  méditerranéenne,  conte- 
nant l'une  et  l'autre  environ  un  quart  d'espèces  spé- 
ciales au  pays. 

La  flore  désertique  occupe  de  vastes  étendues, 
mais  est  peu  riche  en  espèces,  environ  500  d'après 
les  évaluations  des  botanistes  les  plus  recomman- 
dables.  Elle  régne  dans  le  désert,  s'avance  sur  une 
partie  de  la  région  des  steppes,  s'infiltre  par  cer- 
taines vallées,  comme  les  Bibans,  jusque  dans  le 
Tell.  Un  Aristida  d'un  groupe  désertique,  A.  plumosa, 
est  abondant  dans  le  lit  de  l'oued  Sahel,  au  pied  de 
la  grande  muraille  kabyle.  Dans  la  province  d'Oran, 
cette  flore  envoie  une  puissante  colonie  jusqu'au  bord 
delamer,etmême  au  delàjusqu'enEspagne.  Quelques- 
uns  de  ses  représentants  se  retrouvent  en  France  ou 
en  ItaUe,  sans  avoir  pu  se  maintenir  dans  le  nord  de 
l'Algérie  :  Reaumuria  vermiculata^  Medicago  laciniata^ 
Lathyrus  ciliatus,  Galium  ephedroides^  Peganum  Hat- 
mala^  Silène  conica,  Orobanche  cernua^  Sideritis 
montana,  etc.  De  son  côté,  la  flore  méditerranéenne  a 
pénétré  fort  avant  dans  le  sud.  Sans  compter  les 
plantes  rudérales  qui  suivent  l'homme  partout,  on 
trouve  dans  le  désert  toute  une  série  de  plantes  du 
Tell,  les  unes  psammophiles,  comme  VOrlaya  ma- 
rilima^  d'autres  aquatiques  ou  simplement  très  rus- 
tiques, comme  le  chiendent  pied-de-poule,  le  Con- 
volvulus  a?'vensis,  le  Linaria  reflexa^  V Erodium  laci- 
niatum^  etc. 

La  flore  des  steppes,  bien  qu'ayant  en  propre  un 
certain  nombre  d'espèces  comme  l'alfa,  VArtemisia 


52  LE  TELL. 

Herba-Alba,  etc.,  est  surtout  un  mélange  des  flores 
désertique  et  méditerranéenne. 

La  flore  méditerranéenne  varie  beaucoup  sui- 
vant l'altitude,  la  latitude,  la  longitude,  la  nature 
du  sol   et   surtout  le  plus    ou  moins   d'humidité. 

On  trouve  sur  nos  hauts  sommets  quelques  ves- 
tiges d'une  flore  alpine  qui  a  dû  y  régner  pendant 
la  période  glaciaire.  Le  type  le  plus  apparent,  sinon 
le  plus  remarquable  est  le  sapin  des  Babors,  Abies 
>^ww^(i^caDelannoy,  qui  n'existe  plus  que  sur  quelques 
points  de  ces  montagnes;  des  graminées  nettement 
alpines,  comme  Colobachne  Gerardi,  Fesluca  frigida^ 
Poa  Djurdjurx,  nemoralis^  flaccidula,  etc.  Un  Ranun- 
culus  très  voisin  du  R.  Villarsii  couronne  nos  plus 
hauts  sommets,  un  autre  de  la  section  hucoranuri' 
culus,  dont  les  autres  représentants  habitent  les  gla- 
ciers de   l'Europe,  se  retrouve  encore  quelquefois 
dans  quelques  prairies  froides  et  humides  à  Terni, 
au-dessus  de  ïlemcen  et  au  Djebel  Ouacb,  près  de 
Constantine.  On  peut  joindre  à  ce  (te  liste  :  Erodium 
Cheilanthifolium^  Astragalus  depressus^   Centranthus 
nevadensis^    Berberis  Hispanica^   Sedum  majellense^ 
Ononis  cenisia^  etc.  Chose  curieuse,  le  Centranthus 
nevadensis,  au  lieu  de  se  trouver  sur   un   sommet 
élevé,   se  trouve  dans  une  étroite  vallée   toujours 
fraîche  et  humide.  V Erodium  Cheilanthifolium  Bois- 
sier  se  trouve  au  sommet  de  Lella  Khadidja  et  sur 
une  montagne  peu  élevée,  dans  la  région  des  steppes^ 
l'Antar,  près  Méchéria,  et  il  y  est  particulièrement 
vigoureux. 

Avec  ces  plantes  se  trouvent  quelques  types  subal- 
pins, Ranunculus  mille foliatus ^  Arabis  albida^Helian- 
themum  canum^  Cerastium  Boissieri^  Ai'snaria  gran- 


FLORE  HERBACÉE.  53 

diflora,  Ononis  aragonensis^  Ononis  ffmticosa.  Vicia 
glauca,  Rosa  montana^  Potentilla  càulescens,  Rham- 
nus  alpina^  Sedum  nevadense,  Bunium  alpinum,  B. 
Macuca,  Gaya  pyrenaica,  Ribes  petncum^  Cenlranthus 
angustifolius,  Lonicera  arborea,  Scorzonera  pygmœa, 
Erinus  alpinus,  etc. 

Tout  cet  ensemble  a  un  cachet  alpin  peu  en  rap- 
port assurément  avec  la  flore  actuelle  de  nos  som- 
mets, ce  sont  bien  là  les  ruines  d'une  ancienne 
flore  disparue.  Ce  qui  le  démontre,  c'est  que  ces 
quelques  épaves  se  trouvent  noyées  au  milieu 
d'espèces  vulgaires  d'Europe,  devenues  ici  tout  aussi 
alpines  ou  plutôt  tout  aussi  atlantiques  qu'elles  : 
Chelidoniurn  majus^  Aquilegia  vulgaris,  Tussilago 
farfara^  etc.  Certaines  de  ces  espèces,  vrais  fos- 
siles vivants,  n'existent  que  dans  une  seule  station. 
Ce  sont  bien  là  les  traînards  d'une  flore  en  fuite  vers 
le  nord.  Certains  de  ses  représentants  n'existent 
môme  plus  dans  le  midi  de  la  France  ou  y  sont  relé- 
gués sur  les  montagnes. 

On  trouve  de  ces  traînards  isolés  un  peu  partout  : 
VErinus  alpinus^  le  Sedum  majellense,  le  Potentilla 
càulescens^  le  Scier anthus  amiuus,  V Hypericum  hirsu- 
tum,  etc.,  ne  se  trouvent  que  sur  un  ou  deux  points 
du  Djurdjura;  V Herniaria  incana,  sur  le  sommet  du 
Rouis  dans  la  province  de  Constantine  ;  le  Thymus 
Serpillam  ou  une  espèce  très  voisine,  surleDréatet 
le  Dira,  etc.  Ailleurs  ce  sont  les  marais  qui  en  recè- 
lent plusieurs  :  le  Lysimachia  vulgaris  à  Boufarick, 
VOEnanthe  Lachenalii,  à  la  Rassauta,  près  Alger,  le 
Salsola  Tragus,  près  de  Bûne  et  au  Khreider.  Une 
station  bizarre,  c'est  celle  du  Trisetum  Gaudinianum^ 
espèce  du  Valais  et  de  la   Sierra  Nevada,  qui  se 


34  LE  TELL. 

retrouve  au  Khreider  dans  la  région  des  steppes. 

La  flore  de  nos  montagnes  contient  environ 
400  espèces  européennes,  qui  ne  se  retrouvent  que 
rarement  dans  la  plaine,  mais  qui  descendent  d'au- 
tant plus  bas  que  l'on  s'avance  davantage  vers  le 
nord.  Telles  sont  :  Myosurus  minimus,  Ranunculus 
repens^  R.  bulbosus,  Delphinium  Staphysagria,  Pa- 
paver  Argemone^  Thlaspi  perfoliatum^  Draba  mura- 
lis,  Sisymbrium  Alliaria,  Géranium  robertianum^  G. 
lucidum,  Holosteum  umbellatum^  Montia  fontana. 
Vicia  onobrychioides,  etc. 

La  région  de  La  Galle,  point  le  plus  septentrional 
de  l'Algérie,  a  gardé,  jusque  dans  la  plaine,  beau- 
coup d'espèces  européennes,  qui  ne  se  retrouvent 
guère  ailleurs  en  Algérie  :  les  Nymphœas,  le  Ranun- 
culus flammula^  le  Raphanus  Landra,  le  Roripa  am- 
phibia,  le  Rhamnus  Frangula,  etc. 

Un  certain  nombre  d'espèces  européennes  des 
anciennes  flores  de  l'Algérie  semblent  s'être  réfugiées 
non  vers  le  nord,  mais  vers  le  sud  :  Brassica  humi- 
lis^  Hélianthemum  hiitum,  Buffonia  tenuifolia^  Her- 
niaria  iricana,  Filago  montana^  Onopordon  acavle^ 
Asplenium  Buta  mur  aria,  etc.  D'autres  plantes,  qui 
ne  se  retrouvent  que  dans  le  sud  de  l'Algérie  et 
dans  le  midi  de  l'Europe,  proviennent  au  contraire 
d'un  courant  de  plantes  orientales  qui  a  poussé  jus- 
qu'en Europe  sans  pouvoir  prendre  pied  définitive- 
ment dans  le  nord  de  l'Algérie. 

La  flore  du  Tell  contient  donc  en  grande  majorité 
des  espèces  méditerranéennes,  ensuite  un  groupe 
très  important  d'espèces  de  l'Europe  moyenne,  réfu- 
giées sur  les  montagnes  et  dans  les  lieux  très  froids, 
des  vestiges  d'une  flore  alpine,  et  des  infiltrations  de 


FLORE  HERBACÉE.  55 

la  flore  désertique.  Chacune  de  ces  flores  partielles 
contient  environ  un  quart  d'espèces  spéciales. 

Si  nous  étudions  les  rapports  de  la  flore  algérienne 
tout  entière  avec  les  flores  des  pays  voisins,  nous 
trouvons  que  sur  environ  3  000  espèces  qu'elle 
comprend,  1  900  se  retrouvent  en  Espagne,  i  600  au 
moins  sont  communes  à  l'Algérie  et  à  l'Italie,  1 500  à 
l'Algérie  et  à  la  France;  environ  600  sont  spéciales. 
200  plantes  environ  ne  sont  communes  qu'à  l'Espa- 
gne et  à  l'Algérie;  195  qu'à  l'Algérie  et  à  l'Orient;  5  à 
7  plantes  d'Algérie  ne  se  retrouvent  qu'en  Grèce  ; 
3  ne  sont  communes  qu'à  l'Algérie  et  à  la  France; 
avec  l'Italie  méridionale  le  nombre  d'espèces  spé- 
ciales communes  est  de  70.  Une  quarantaine  se 
retrouvent  en  Algérie,  en  Orient  et  en  Espagne,  sans 
s'étendre  à  d'autres  pays,  enfin  une  quarantaine 
aussi,  dont  plusieurs  cosmopolites,  se  trouvent 
répandues  sur  toute  la  calotte  nord  de  notre  globe. 

Les  familles  les  plus  importantes  sont  les  Compo- 
sées qui  forment  les  16  centièmes  de  la  flore  phané- 
rogamique;  les  Légumineuses,  12  centièmes  ;  les 
Graminées,  8  centièmes  ;  les  Crucifères,  7  centièmes  ; 
les  Ombellifères,  Labiées  et  Caryophyllées  viennent 
ensuite.  Les  genres  les  plus  nombreux  en  espèces 
sont  :  Silène^  Ononis,  Centaurea,  Hélianthemum,  Lina- 
ria^  AsU'agalus,  Ranunculus^  Fuphorbia,  Tinfolium, 
Galium^  Erodium^  Medicago,  Vicia^  Carex,  Plantago^ 
Staiice,  Salvia,  Senecio,  Reseda^  Brassica^  Teu- 
crium,  etc. 

Beaucoup  de  genres  sont  spéciaux  au  pays,  sur- 
tout dans  les  Crucifères;  d'autres,  comme  le  genre 
Carduncellus,  y  ont  la  grande  majorité  de  leurs 
espèces. 


56  LE  TELL. 

On  trouve  dans  l'est  une  petite  colonie  d'espèces 
appartenant  à  des  genres  qui  d'ordinaire  ne  s'aven- 
turent pas  sous  une  pareille  latitude  :  Jassiœa,  Gli- 
nùs,  Oldenlandia,  Serpicula,  Ipomœa.  On  peut  y 
joindre  quelques  espèces  qui  y  semblent  tout  aussi 
égarées  :  Colocasia  antiquorum,  Valisneria  spiralis^ 
Utricularia  cxoleta,  Wolfîa  arrhiza. 

Les  Orchidées  et  les  Fougères,  plantes  des  régions 
humides,  sont  naturellement  peu  abondantes  en 
Algérie.  En  dehors  du  ïell,  elles  n'existent  guère  que 
dans  les  montagnes.  Ce  sont  en  général  des  espèces 
du  midi  de  l'Europe,  avec  quelques  types  secondaires 
spéciaux  :  Ophvys  atlantica^  Ophryspectus,  Limodorum 
ïrabutianum,  Platantliera  algeriensis.  Nous  avons 
un  seul  Crocus,  dans  la  région  de  Garrouban,  une 
tulipe  et  unefritillaire,  très  répandues,  une  douzaine 
de  beaux  Iris^  deux  glaïeuls,  divers  narcisses,  Pan- 
erais, etc. 


CHAPITRE  III 
AGRICULTURE 

Le  Tell  est  un  pays  essentielloment  agricole.  Le 
littoral,  les  plaines  du  Tell  intérieur,  les  flancs  des 
montagnes  jusqu'à  la  limite  des  steppes  conviennent 
aux  cultures  les  plus  variées.  Les  steppes  sont 
propres_à  Féleva^e,  enfinjaj:£^ion  déserjigue  a  ses 
oasi^_eLses_^tivrages^ 

Les  conditions  climatériques  du  Tell  algérien  sont 
tellernent-variées  que  presque  toutes  les  plantes  éco- 
nomiques y  donnent  des  produits  abondants  ;  mais 
les  cultures  sont  cantonnées  chacune  dans  des 
limites  qui  sont  aujourd'hui  à  peu  près  déterminées. 

Nature  des  terres.  —  £.ajiatur6-des_.terres  con- 
tribue ^autant  que  les  influences  climatériques,  avarier 
les  conditions  dans  lesquelles  opère  le  cultivateur. 

Les   vallées  ont  des  alluvions  argilo-marneuses 
généralement  fertiles  ;  l'acide   phosphorique  y_est_ 
seul  en  trop  petite  quantité  ;  mais  souvent  la  potasse_ 
y  abonde. 

La  terre  rouge  du  Sahel,  qui  appartient  aux  allu- 
vions quaternaires,  est  pauvre  en  chaux  et  en  acide 
pliosphoriquej  niais^  deyient_avec  quelques  amende- 
ments un  exfiellêiit,  .sdI. 

Les  plateaux  élevés,  qui,  suivant  le  régime  des 
pluies,  font  partie  du  Tell  ou  des  steppes,  sont  cons- 


58  AGRICULTURE. 

titués  par  de  profondes  couches  d'alluvions  anciennes, 
présentant  presque  partout  une  couche  superficielle 
de  calcaires  travertineux. 

Cette  croûte  est  parfois  très  superficielle  et  le  sol 
ne  produit  alors  qu'une  végétation  herbacée,  rabou- 
grie. Quand  la  terre  végétale  est  en  suffisante  quan- 
tité, elle  donne  d'abondantes  récoltes  de  céréales, 
comme  dans  la  région  de  Sétif .  Ce  sol  ne  convient 
pas  aux  arbres,  qui  y  font  absolument  défaut. 

Dans  la  province  de  l'Est,  les  grès  de  Numidie  de 
l'Éocène,  des  argiles  et  des  massifs  de  gneiss  consti- 
tuent une  région  pauvre  en  calcaire  ;  mais  la  végéta- 
tion y  est  entretenue  par  des  pluies  abondantes,  les 
forêts  y  sont  plantureuses. 

Le  Suessonien,  dont  les  terres  sont  riches  en  phos- 
phates, se  trouve  malheureusement  en  grande  partie 
dans  la  zone  des  pluies  peu  abondantes  et  irréguUères. 
La  fertilité  de  ces  terres  est  ainsi  masquée  par  le 
manque  d'eau. 

De  grandes  étendues  occupées  par  les  marnes  du 
Miocène  sont  des  terres  fortes,  riches  en  principes 
utiUsables  par  les  cultures. 

Les  marnes  feuilletées,  les  calcaires  du  Crétacé 
couvrent  d'immenses  surfaces,  occupées  par  des 
broussailles  ou  des  pins.  L'olivier  vient  aussi  dans 
ces  formations.  Là  où  les  marnes  sont  assez  déli- 
tées, elles  forment  des  terres  arables  de  bonne  qua- 
lité pour  les  céréales. 

Parmi  les  influences  cUmatériques,  celle  qui  pré- 
domine est  la  répartition  des  eaux  pluviales.  Si  cette 
répartition  était  plus  régulière,  l'agriculture  trouve- 
rait en  Algérie  des  conditions  extraordinairement 
favorables;  mais   la   grande  difficulté  pour  y  ob- 


NATURE   DES  TERRES. 


59 


tenir  un  rapport  régulier  de  la  terre  provient 
justement  du  régime  des  pluies  sujet  à  de  grandes 
variations.  Les  cultures  arbustives,  oliviers,  figuiers, 
vignes,  caroubiers  échappent  plus  facilement  aux 
inconvénients  de  ces  inégales  répartitions  de  pluies, 
aussi  ces  cultures  ont  toujours  joué  un  grand  rôle 
dans  le  nord  de  l'Afrique.  La  culture  de  l'olivier  a  eu 
son  apogée  sous  les  Romains,  la  vigne  aujourd'hui 
couvre  d'immenses  surfaces,  le  figuier,  qui  n'a 
jamais  été  délaissé,  gagne  tous  les  ans  du  terrain. 
Le  caroubier,  le  frêne,  le  mûrier  font  merveille  dans 
les  sols  qui  leur  conviennent. 

Quantité  de  pluies  en  millimètres,  moyenne  de  10  ans. 


Stations. 

Fort  iNationnl 076 

La  Calle 838 

Boufarik 700 

Giielma 627 

Aumale 425 


Stations. 

Orléansville 357 

Bousaada. .    208 

Laghouat 163 

Biskra 121 


Variations  observées  en  10  ans. 


Fort  National  . 

1878  =  768 

millim. 

1886  =  1231 

millim. 

La  Calle 

1880  =  490 

— 

1877  =  1087 

— 

Boufarik 

1878  =  418 

— 

1886  =  1008 

— 

Guelma 

1878  =  203 

— 

1877  =     818 

— 

Aumale 

1885  =  230 

— 

1877  =    572 

— 

Orléansville..   . 

1882  =  238 

— 

1877  =     552 

— 

Bousaada ...    . 

1887  =  122 

— 

1881  =     277 

— 

Laghouat 

1879  =     46 

— 

1884  =     379 

— 

Le  régime  des  pluies  ne  paraît  pas  avoir  varié 
beaucoup  depuis  l'antiquité  et  les  soins  apportés  à  la 
confection  d'innombrables  barrages,  dont  on  retrouve 
les  vestiges  dans  le  Hodna  et  surtout  en  Tunisie,  dé- 
notent cette  même  nécessité  d'utiliser  toute  l'eau 
tombée. 


58  AGRICULTURE. 

titués  par  de  profondes  couches  d'alluvions  anciennes, 
présentant  presque  partout  une  couche  superficielle 
de  calcaires  travertineux. 

Cette  croûte  est  parfois  très  superficielle  et  le  sol 
ne  produit  alors  qu'une  végétation  herbacée,  rabou- 
grie. Quand  la  terre  végétale  est  en  suffisante  quan- 
tité, elle  donne  d'abondantes  récoltes  de  céréales, 
comme  dans  la  région  de  Sétif.  Ce  sol  ne  convient 
pas  aux  arbres,  qui  y  font  absolument  défaut. 

Dans  la  province  de  rp]st,  les  grès  de  Numidie  de 
l'Éocène,  des  argiles  et  des  massifs  de  gneiss  consti- 
tuent une  région  pauvre  en  calcaire  ;  mais  la  végéta- 
tion y  est  entretenue  par  des  pluies  abondantes,  les 
forêts  y  sont  plantureuses. 

Le  Suessonien,  dont  les  terres  sont  riches  en  phos- 
phates, se  trouve  malheureusement  en  grande  partie 
dans  la  zone  des  pluies  peu  abondantes  et  irrégulières. 
La  fertilité  de  ces  terres  est  ainsi  masquée  par  le 
manque  d'eau. 

De  grandes  étendues  occupées  par  les  marnes  du 
Miocène  sont  des  terres  fortes,  riches  en  principes 
utihsables  par  les  cultures. 

Les  marnes  feuilletées,  les  calcaires  du  Crétacé 
couvrent  d'immenses  surfaces,  occupées  par  des 
broussailles  ou  des  pins.  L'olivier  vient  aussi  dans 
ces  formations.  Là  où  les  marnes  sont  assez  déli- 
tées, elles  forment  des  terres  arables  de  bonne  qua- 
lité pour  les  céréales. 

Parmi  les  influences  cUmatériques,  celle  qui  pré- 
domine est  la  répartition  des  eaux  pluviales.  Si  cette 
répartition  était  plus  régulière,  l'agriculture  trouve- 
rait en  Algérie  des  conditions  extraordinairement 
favorables;  mais   la   grande  difficulté  pour  y  ob- 


NATURE   DES  TERRES.  59 

tenir  un  rapport  régulier  de  la  terre  provient 
justement  du  régime  des  pluies  sujet  à  de  grandes 
variations.  Les  cultures  arbustives,  oliviers,  figuiers, 
vignes,  caroubiers  échappent  plus  facilement  aux 
inconvénients  de  ces  inégales  répartitions  de  pluies, 
aussi  ces  cultures  ont  toujours  joué  un  grand  rôle 
dans  le  nord  de  l'Afrique.  La  culture  de  l'olivier  a  eu 
son  apogée  sous  les  Romains,  la  vigne  aujourd'hui 
couvre  d'immenses  surfaces,  le  figuier,  qui  n'a 
jamais  été  délaissé,  gagne  tous  les  ans  du  terrain. 
Le  caroubier,  le  frêne,  le  mûrier  font  merveille  dans 
les  sols  qui  leur  conviennent. 

QUANTITK   DE  PLUIES   EN   MILLIMÈTRES,    MOYENNE   DE    10  ANS. 

Stations,  Stations. 

Fort  iNationnl 076  Orléansville 357 

La  Galle 838  Bousaada.. 208 

Boufarik 700  Laghouat 163 

Gnelma 627  Biskra 121 

Aumale 425 

Variations  observées  en  10  ans. 

Fort  National  ..  1878  =  768  niillim. 

La  Galle 1880  =  490  — 

Boufarik 1878  =  418  — 

Guelma 1878  =203  — 

Aumale 1885  =  230  — 

Orléansville..   .  1882  =  238  — 

Bousaada 1887  =  122  — 

Laghouat 1879  =     46  — 

Le  régime  des  pluies  ne  paraît  pas  avoir  varié 
beaucoup  depuis  l'antiquité  et  les  soins  apportés  à  la 
confection  d'innombrables  barrages,  dont  on  retrouve 
les  vestiges  dans  le  Hodna  et  surtout  en  Tunisie,  dé- 
notent cette  même  nécessité  d'utiliser  toute  l'eau 
tombée. 


1886  =  1231 

miliim. 

1877  =  1087 

— 

1886  =  1008 

— 

1877  =  818 

— 

1877  =  572 

— 

1877  =  552 

— 

1881  =  277 

— 

1884  =  379 

— 

60  AGRICULTURE. 

La  réputation  de  fertilité  extraordinaire,  que  la 
côte  barbaresque  s'était  acquise  depuis  la  plus  haute 
antiquité,  reposait  certainement  sur  une  meilleure 
utilisation  du  sol  que  pendant  la  période  arabe  et 
même  que  pendant  le  demi-siècle  de  domination 
française. 

A  Carthage,  l'agriculture  était  très  en  honneur  et 
plusieurs  auteurs  carthaginois  ont  écrit  des  traités 
d'agriculture.  Magon  avait  résumé  la  science  agricole 
de  son  temps  en  vingt-huit  hvres,  qui  furent  épargnés 
dans  la  dispersion  de  la  bibliothèque  de  Carthage.  Le 
Sénat  romain  en  ordonna  même  la  traduction  en 
latin.  Ce  traité  a  malheureusement  été  perdu. 

Les  Romains,  qui  introduisirent  en  Afrique  de  nom- 
breuses colonies,  durent  contribuer  aussi  à  l'extension 
de  bonnes  notions  agricoles. 

Après  la  conquête  arabe,  l'état  d'anarchie  et  de 
lutte  qui  régna  pendant  des  siècles  tendit  à  amener 
le  dépeuplement  et  l'abandon  d'une  bonne  partie  du 
territoire  Uvré  à  la  culture.  Cependant  aux  x^  et 
xi''  siècles,  il  y  avait  encore,  dans  le  nord  de 
l'Afrique,  des  populations  agricoles  et  industrieuses. 
Ibn  Hankal  et  Bekri  décrivent  les  irrigations,  la  cul- 
ture des  oliviers  et  de  beaucoup  d'arbres  fruitiers  ; 
la  canne  à  sucre  était  cultivée  à  Kairouan,  le  coton  à 
Sbab,  les  mûriers  et  les  vers  à  soie  à  Gabès,  etc. 

Jusqu'au  moment  de  la  conquête  française,  l'aban- 
don des  cultures  n'a  fait  que  progresser,  la  Régence 
d'Alger  était  plongée  alors  dans  un  véritable  état  de 
barbarie. 

De  1830  à  1842,  la  conquête  absorba  tous  les 
efforts,  les  révoltes  enlevèrent  toute  sécurité  et  il 
fallut  l'énergie  du  maréchal  Bugeaud  pour  mettre 


AMÉNAGEMENT  DES  EAUX.  61 

un  terme  à  la  guerre  et  livrer  aux  colons  les  terres 
conquises. 

Alors  commence  l'œuvre  du  défrichement,  la  lutte 
contre  la  lièvre,  ennemi  autrement  redoutable  que 
l'Arabe  conquis.  Les  plaines  du  littoral,  qui  furent 
d'abord  attaquées  par  les  premiers  colons,  étaient  de- 
puis longtemps  abandonnées  par  les  indigènes,  les 
marais  en  couvraient  une  grande  surface. 

Les  efforts  de  ces  vaillants  colons  de  la  première 
heure  ne  tardèrent  pas  à  donner  à  tout  ce  pays  Taspect 
riant  de  nos  meilleures  régions  agricoles  de  France. 
Les  fermes,  les  villages  apparurent  reUés  par  des 
chemins,  des  routes,  puis  des  chemins  de  fer. 

Aménagement  des  eaux.  —  La  répartition  irrégu- 
Uèredes  eaux  pluviales  a  toujours  été,  dans  l'Afrique^ 
le  grand  obstacle  à  la  prise  de  possession  du  sol  par 
un  peuple  d'agriculteurs.  Les  Carthaginois  et  les 
Romains  n'ont  établi  leur  domination  sur  cette  terre 
que  par  une  conquête  complète  de  l'eau.  Les  recher- 
ches archéologiques  poursuivies  en  Tunisie  et  en 
Algérie,  spécialement  par  le  D""  Carton  et  par  M.  R. 
de  la  Blanchère,  ont  démontré  que,  sous  les  civilisa- 
tions anciennes,  les  eaux,  si  sauvages  aujourd'hui, 
étaient  domptées  par  d'innombrables  travaux  hydrau- 
liques qui  se  succédaient  depuis  les  ravineaux  des 
montagnes  jusqu'aux  plaines  sillonnées  de  canaux. 

Actuellement,  lorsque  viennent  les  pluies,  l'eau  se 
précipite,  se  hâtant  de  fuir  à  la  mer  en  laissant  son 
terrain  de  parcours  sec  et  bouleversé. 

En  montagne,  les  ravins  étaient  garnis  de  terrasses 
de  retenue  étagées  en  paliers,  l'eau  était  répartie 
sur  de  grandes  surfaces  qu'elle  imbibait,  des  sources 
nombreuses  étaient  ainsi  alimentées.  A  leur  entrée 


62  AGRICULTURE. 

en  plaine,  les  oueds  trouvaient  des  barrages  réser- 
voirs et  distributeurs  qui  les  menaient  dans  les 
canaux  d'irrigation.  Ces  ouvrages  anciens  n'ont  pas 
été  conçus  sur  un  plan  d'ensernble,  ni  exécutés 
simultanément,  ils  appartiennent  à  des  âges  diffé- 
rents et  ont  été,  pendant  des  siècles,  la  manifestation 
d'une  colonisation  florissante  :  ils  étaient  dus  non 
seulement  aux  efforts  des  colons,  mais  aussi  et  sur- 
tout aux  pouvoirs  collectifs  ou  à  des  associations. 
Aujourd'hui,  comme  du  temps  des  Romains,  on  peut 
dans  le  territoire  colonisé  distinguer  deux  régions  : 
l'une  recevant  une  masse  de  pluie  abondante  ;  l'autre, 
moins  favorisée,  ne  recevant  qu'une  quantité  le  plus 
souvent  insuffisante. 

Ces  deux  régions,  inégalement  arrosées  l'hiver, 
sont  également  sèches  en  été  et  réclament  à  ce  mo- 
ment leau  d'irrigation.  La  prospérité  de  l'Afrique 
pendant  la  période  romaine  était  le  prix  dun  travail 
opiniâtre,  corrigeant  la  nature  et  assurant  l'eau  aux 
cultures  d'hiver  comme  aux  cultures  d'été. 

Dans  les  travaux  hydrauliques  anciens,  les  terrasses 
de  retenue^  de  construction  rustique,  barraient  tous 
les  torrents,  même  minuscules  ;  elles  se  composaient 
d'un  mur  en  pierres  sèches  de  l^jSO  de  hauteur, 
d'un  peu  plus  d'un  mètre  d'épaisseur  et  d'une  lon- 
gueur variable,  souvent  ne  dépassant  pas  une  dizaine 
de  mètres  dans  les  ravins  étroits.  Vers  l'amoilt,  le 
terrain  retenu  était  plus  ou  moins  horizontal.  Dans 
chaque  ravin,  les  pluies  trouvaient  une  succession  de 
ces  terrasses,  chacune  formait  un  arrêt  suffisant 
pour  les  terres  et  comme  elles  restaient  perméables, 
l'eau  s'écoulait  lentement  par  les  interstices,  par  infil- 
tration, l'excédent  coulait  clair  et  tombait  en  cascade 


AMÉNAGEMENT  DES  EAUX.  63 

à  chaque  échelon.  Le  liquide  gagnait  ainsi  lentement 
les  niveaux  inférieurs  sans  entraîner  les  terres.  Ces 
petits  travaux  ne  coûtaient  pas  très  cher,  ils  étaient 
exécutés  par  les  colons,  faisant  ce  que  font  de  nos 
jours  nos  indigènes  quand  ils  veulent  détourner  un 
cours  d'eau  pour  leurs  irrigations. 

De  tels  travaux  changent  un  torrent  caillouteux  en 
un  ruisseau  inoffensif,  préparé  pour  l'irrigation  delà 
plaine.  Le  régime  des  sources  de  tout  le  versant  se 
ressent  de  ces  infiltrations  et  les  fontaines  fournis- 
sent aussi  une  eau  fertilisante  pour  les  jardins  et  les 
prairies.  Plnfîn,  la  végétation  arborescente  trouve 
dans  ce  sol  une  fraîcheur  profonde  qui  lui  est  favo- 
rable. 

Mais  ces  barrages  rustiques  des  vallons  supérieurs 
ont  encore  un  rôle  plus  important,  ils  permettent 
l'établissement,  avec  quelque  sécurité,  des  barrages 
réservoirs  à  l'entrée  de  l'oued  dans  la  plaine.  Sans  les 
retenues  en  montagne,  les  crues  trop  rapides  em- 
portent les  ouvrages  les  mieux  établis. 

M.  de  la  Blanchère  a  établi  que  les  grands  barrages 
des  anciens  n'étaient  pas  des  œuvres  d'art,  ils  ne 
visaient  point  à  l'effet,  souvent  ils  étaient  établis  sur 
des  bases  très  modestes,  puis  successivement  allongés 
et  élevés. 

«  Nulle  part  on  ne  se  sent  plus  franchement  en 
présence  d'un  ouvrage  rural,  fait  par  les  gens  du  lieu 
pour  leurs  propres  besoins.  Pas  une  ligne  n'est 
droite,  pas  une  direction  mathématique,  pas  une  dis- 
tance exacte  ;  tout  est  fait  et  placé  à  l'œil.  Les  mas- 
sifs de  maçonnerie  ont  les  formes  les  plus  baroques, 
renforcés  d'une  façon  quelconque  là  où  il  a  semblé 
utile.  Une  seule  chose  est  soignée,  le  mortier,  qui  fait 


64  AGRICULTURE. 

de  ces  blocages  grossiers  une  masse  extrêmement 
dure.  Ce  caractère  de  rusticité,  cette  préoccupation 
unique  de  faire  quelque  chose  qui  serve  et  en  même 
temps  cette  maladresse  à  faire  quelque  chose  de 
beau,  sont  à  noter;  ils  se  retrouvent  dans  tous  les 
travaux  de  ce  genre,  sauf  de  très  rares  exceptions. 

«  Il  est  visible  qu'il  s'agit  d'autres  entreprises  que  de 
travaux  publics.  Ce  n'est  point  le  gouvernement  qui 
a  créé  ces  digues,  ces  barrages,  ces  canaux  et  ces 
déversoirs.  Il  faut  y  voir  des  œuvres  d'intérêt  local, 
exécutées  moins  par  des  ingénieurs  que  par  des  pra- 
ticiens de  campagne,  des  agriculteurs  possédant  la 
tradition  et  l'habitude  ;  une  longue  expérience  faisait, 
chez  les  anciens,  que  ces  conceptions,  qui  nous 
semblent  appeler  des  spécialistes  et  pour  l'exécution 
desquelles  nous  entretenons  des  services,  étaient 
dans  la  pratique  courante.  Il  est  vrai  qu'on  ne  se  ris- 
quait à  entreprendre  rien  d'immense;  mais  c'était 
déjà  un  succès  que  d'en  avoir  écarté  le  besoin  (1).  » 

Ces  travaux  hydrauliques  anciens  couvrent  la 
Tunisie  et  la  province  de  Constantine. 

Dès  1864,  le  commandant  Payen  signalait  à  la 
Société  archéologique  de  Constantine  les  vestiges  de 
nombreux  barrages  dans  le  ITodna.  Tous  les  oueds  y 
avaient  leur  barrage;  des  réservoirs,  des  canaux  en- 
digués y  existent  encore  à  profusion  et  les  indigènes 
s'efforcent,  de  nos  jours,  de  réparer  ces  oeuvres  d'un 
autre  âge;  mais  n'employant  que  la  terre  et  les 
fascines,  ils  voient,  à  chaque  crue  unpeu  forte,  leurs 
travaux  emportés. 

A  la  base  du  massif  de  l'Aurès,  à  Markouna,  des 

(1)  De  la  Blanchère,  loc.  cit. 


AMÉNAGEMENT  DES  EAUX.  65 

travaux  hydrauliques  importants  permettaient  d'inon- 
der la  plaine.  Tébessa  devait  sa  prospérité  agricole  à 
l'aménagement  des  eaux  de  l'Aufôs.  A  la  limite  du 
Sahara,  l'oued  Djeddi  présente  des  ruines  de  grands 
barrages. 

Les  importants  travaux  hydrauliques  des  anciens, 
abandonnés,  puis  ruinés,  étaient  oubliés  lors  de  notre 
occupation.  Les  indigènes,  usant  de  leurs  faibles 
moyens,  irriguaient  cependant  encore  de  notables 
surfaces,  au  moyen  des  dérivations  qu'ils  savent  bien 
pratiquer  et  qui  leur  fournissent,  soit  l'irrigation 
d'hiver  dans  les  régions  oii  la  pluie  est  rare,  soit  l'ir- 
rigation d'été  dans  le  voisinage  des  montagnes. 

Les  premiers  administrateurs  militaires  ne  tar- 
dèrent pas  à  entrevoir  le  rôle  bienfaisant  de  l'eau,  et 
d'importants  travaux  furent  réalisés  dans  le  sud  et 
sur  le  littoral.  Un  des  plus  remarquables  est  le 
barrage  de  Marengo,  sur  l'oued  Meurad.  Ce  barrage- 
réservoir  est  le  premier  construit  en  Algérie.  C'est  le 
service  du  génie  qui  l'a  fait  construire  de  1852 
à  1867.  La  digue  en  terre  a  27  mètres  de  hauteur 
au-dessus  du  thalweg;  elle  est  longue  de  80  mètres; 
la  capacité  du  réservoir  est  de  892  000  mètres. 

L'utilisation  des  eaux  est  une  des  questions  capi- 
tales à  résoudre  ;  elle  est  complexe,  car  elle  comporte 
l'étude  et  la  solution  de  bien  des  problèmes  d'ordres 
différents.  On  a  beaucoup  dépensé  pour  édifier  les 
grands  réservoirs,  peut-être  eût-il  été  plus  pratique 
de  commencer  par  de  simples  prises  d'eau  en  rivière, 
qui,  dans  la  vallée  du  Chélif,  notamment,  auraient 
déjà  donné  des  résultats  importants.  Ces  prises  d'eau 
se  font  sans  frais  quand  elles  sont  directes,  ce  qui 
peut  être  souvent  réalisé.  Souvent  ces  prises  d'eau 

Battandier  et  Thabut.  —  Al^ériec.  li 


66  AGRICULTURE. 

ne  peuvent  avoir  un  ^rand  débit  qu'en  hiver,  mais, 
avec  deux  irrigations  pendant  la  période  des  pluies, 
on  peut  obtenir  d'importantes  récoltes  dans  les  con- 
trées si  étendues  qui  ne  reçoivent  que  des  pluies  irré- 
gulières et  presque  toujours  insuffisantes.  Un  hec- 
tare de  céréales  peut,  dans  la  région  d'Orléans  ville, 
produire  30  quintaux  de  blé,  lorsque  dans  une  année 
de  sécheresse,  on  a  pu  donner  deux  fois  de  l'eau. 

Le  barrage  du  GhéLLf  est  la  plus  importante  prise 
d'eau  en  rivière  de  l'Algérie.  Le  Chélif  a  un  débit 
moyen,  en  amont  d'Orléansville,  de  3  à  5  mètres 
cubes  de  mai  à  octobre  et  de  15  à  60  mètres  cubes 
de  novembre  à  février.  Le  débit  peut  descendre 
à  1°'%500  et  atteindre  par  les  grandes  crues  1  200  mè 
très  cubes.  Le  barrage  est  établi  à  25  kilomètres  en 
amont  d'Orléansville,  la  totahté  des  eaux  d'arrosage 
est  dérivée  sur  la  rive  gauche,  au  moyen  d'un  canal 
ouvert  pour  un  débit  de  1"'%5.  Au  village  de  Pontéba, 
ce  canal  se  divise  en  deux  branches,  l'une  continue 
sur  la  rive  gauche,  l'autre  franchit  le  Ghéhf  au  moyen 
d'un  siphon  en  tôle.  La  surface  arrosable  est 
de  2400  hectares  sur  la  rive  gauche  et  de  7  700  hec- 
tares sur  la  rive  droite.  La  dépense  pour  ces  ouvrages 
d'art  importants  s'élève  èi  2  402000  francs.  Les  usa- 
gers doivent  construire  les  canaux  secondaires, 
payer  une  redevance  à  l'État  et  entretenir  les  tra- 
vaux exécutés.  Sur  1 500  Utres  à  la  seconde,  400  seu- 
lement sont  souscrits  par  les  usagers,  les  1100  autres 
retournent  inutiUsés  au  Chélif.  La  cause  de  cette 
anomabe  réside  dans  le  tarif  élevé  d'une  redevance 
perpétuelle. 

Dans  un   pays  où  l'agriculture   est  encore   mal 
assurée,  faute  de  débouchés,  de  moyens  de  commu- 


AMÉNAGEMENT  DES   EAUX.  67 

nication,  de  sécurité,  on  conçoit  qu'un  jDropriétaire 
hésite  à  grever  ses  terres  d'une  redevance  perpé- 
tuelle de  60  à  80  francs  par  hectare.  Dans  les  Indes, 
où  les  irrigations  sont  nombreuses,  la  redevance 
n'est  que  de  15  francs  par  hectare  et  elle  n'est  établie 
qu'après  un  essai  de  trois  ans.  Pourquoi  dans  le 
Chélif  ne  concéderait-on  pas,  moyennant  une  rede- 
vance annuelle,  les  1100  mètres  cubes  qui  sont 
perdus,  faute  des  concessionnaires  perpétuels  qui  ne 
se  présentent  pas  ? 

Les  résultats  remarquables  obtenus  en  Espagne 
par  les  grands  réservoirs  ont  décidé  le  gouvernement 
de  l'Algérie  à  entreprendre  ou  à  favoriser  ces 
grands  travaux  hydrauliques*  dès  1845  ;  au  point  où 
le  Sig  sort  des  gorges  pour  entrer  dans  la  plaine, 
l'autorité  militaire  fit  construire  un  barrage-réservoir. 
Les  vestiges  de  maçonnerie  trouvés  au  même  point 
ont  permis  de  constater  que  les  Turcs,  et  peut-être 
aussi  les  Romains,  avaient  utiUsé  cet  emplacement 
particulièrement  favorable  pour  un  barrage  de  déri- 
vation. En  1858,  ce  premier  barrage  fut  élevé  et  l'eau 
en  réserve  atteint  3  millions  de  mètres  cubes.  Ce 
barrage  devint  bientôt  insuffisant  et  en  1883  le  Syn- 
dicat de  Saint-Denis-du-Sig  fit  construire,  aux 
Cheurfa,  un  deuxième  réservoir  de  18  millions  de 
mètres  cubes.  Deux  ans  après  son  achèvement, 
en  1883,  les  eaux  ouvrirent  une  brèche  de  40  mètres 
de  longueur.  Le  barrage  d'aval  fut  rompu. 

La  Compagnie  franco-algérienne  achevait,  en  1871 , 
un  autre  barrage  sur  l'Habra;  la  capacité  atteignit 
30  millions  de  mètres  cubes.  Des  fissures  ne  tar- 
dèrent pas  à  se  produire  dans  les  maçonneries.  Ces 
fissures  s'agrandirent  en  1878  et  dans  la  nuit  du  14 


68  AGRICULTURE. 

au  15  décembre  i88i,  à  la  suite  d'ane  pluie  torren- 
tielle, les  eaux  s'élevèrent  à  2™, 25  au-dessus  de 
la  crête  du  déversoir  en  emportant  le  barrage  sur 
136  mètres  de  longueur  et  18  mètres  environ  de 
hauteur  en  contre-bas  du  couronnement. 

Les  réparations  ont  été  exécutées  par  l'État 
de  1883  à  1887.  La  dépense  de  premier  établissement 
est  évaluée  à  4  000000  francs,  la  réparation  a  coûté 
1367  000  francs,  la  surface  irriguée  est  de  126  000 
hectares. 

Dans  la  Mitidja,  le  barrage  du  Hamiz  est  établi  en 
avant  du  Fondouk  et  doit  retenir  14  milhons  de 
mètres  cubes;  les  canaux  dominent  30000  hectares, 
mais  la  surface  irriguée  ne  dépassera  pas  10  000  hec- 
tares. 

En  dehors  des  dangers  de  rupture,  ces  réservoirs 
sont  fatalement  condamnés  à  un  envasement  qui 
diminue  d'année  en  année  leur  capacité  et  qui  ne 
pourra  être  prévenu  que  par  des  travaux  de  retenue 
en  amont  dans  le  genre  de  ceux  qu'exécutaient  les 
Romains  et  que  nous  connaissons  par  des  vestiges 
relevés  en  Tunisie. 

En  montagnes,  les  irrigations  faites  par  les  indi- 
gènes sont  le  plus  souA'ent  faites  par  de  simples 
dérivations  de  sources  ou  de  cours  d'eau.  On  observe 
cependant  quelques  travaux  permettant  d'utihser, 
pour  l'irrigation,  des  sources  de  faible  débit  ;  dans 
l'Aurès,  des  bassins  en  terre  sont  construits  et 
retiennent  assez  d'eau  pour  irriguer  un  jardin. 

Dans  le  sud  de  la  province  de  Constantine,  les 
eaux  artésiennes  ont  fait  des  merveilles.  Les  pre- 
miers sondages,  dus  à  l'initiative  du  général  Desvaux 
et  effectués  en  1856,  ont  donné  des  eauxjailhssantes 


CEREALES.  69 

en  grande  abondance  (4500  litres  par  minute).  De- 
puis, les  sondages,  sous  riiabile  direction  de  M.  Jus, 
se  sont  multipliés  dans  l'Oued-Rhir:  cent  vingt  puits 
tubes  et  cinq  cents  puits  indigènes  boisés  enlèvent  à 
la  nappe  environ  -4  000  litres  à  la  seconde.  Les  pre- 
miers puits  tubes  n'ont  pas  sensiblement  varié  de 
débit  depuis  leur  exécution.  Mais  il  est  facile  de  pré- 
voir que  l'on  ne  pourra  pas  indéfiniment  puiser  dans 
la  même  nappe  et  que  les  belles  exploitations  créées 
dans  les  Zibans,  le  Souf  et  rOued-Rhir  auront  forcé- 
ment une  limite.  Cependant  les  eaux  souterraines  sont 
loin  d'être  toutes  utilisées  en  Algérie  et  leur  recherche 
et  utilisation,  dans  le  ïell  comme  dans  les  Hauts- 
Plateaux  et  le  Sahara,  constituent  un  des  côtés  du 
problème  algérien  sur  lequel  on  ne  saurait  trop  faire 
porter  les  efforts  et  les  ressources  des  particuliers  et 
de  l'État. 

Cultures.  —  Dès  le  début  de  la  colonisation  algé- 
rienne se  posait  un  problème,  qui  n'est  pas  encore 
résolu  de  nos  jours. 

Quelles  sont  les  cultures  sur  lesquelles  doit  se 
fonder  l'agriculture  algérienne  ? 

Céréales  (1).  —  Les  Céréales^  qui  de  tout  temps 
cTvMfnt  f  ouriù  d'importantes  quantités  à  Texportation, 
nej)OU valent  être  délaissées  L elles  enricliirent  peu  les 
colons,  les  surfaces  concédées  étant  insuffisantes, 
on  ne  put  donner  à  cette  culture  l'extension  qu'elle 
comporte. 

Les  jLuIiffènes  r.uU.ivent  les_  blés  dans  les  _pjaine,3 
élevée^.at  surtout  d^^ns  les  provinces  de  Cnni^ta^^tine 
eLxL-Ûfâft 

(1)  Surface  ensemencée  annuellement  :  3  800000  hectares. 


70  AGRICULTURE. 

Ces  blés  indigènes  sont  fort  beaux  et  très  nombreux, 
les  cultivateurs  arabes  les  distinguent  bien,  connais- 
sent leurs  mérites  et  leurs  aptitudes  et  l'on  pourrait 
s'étonner  de  trouver  une  telle  diversité  de  races  sou- 
vent en  mélange  dans  le  même  champ. 

Le  grain  est  tantôt  très  clair  et  glacé,  recherché 
pour  les  semoules  et  pâtes,  tantôt  rouge  et  plus 
opaque  et  plus  riche  en  azote. 

Sa  forme  est  courte  [Haynra]^  ou  au  contraire  très 
allongée,  comme  dans  le  Nabel-Bel  (dent  de  chameau) 
ou  le  Bou  richa^  qui  n'est  pas  autre  chose  que  le  blé 
dit  de  Pologne. 

L'épi  est  court  et  compact  dans  VHadjini,  le 
Zedouni;  il  est  au  contraire  allongé  dans  le  Hamra. 

Les  glumes  sont  glabres  [Kahala)  ou  bien  velues 
[Nabel-Bel)',  elles  sont  blanches,  rouges  [Hamra)  ou 
complètement  noires,  comme  dans  le  Zag  Ghorab  ou 
le  Merouani. 

Les  barbes,  très  développées  dans  toutes  les  espè- 
ces, sont  généralement  d'un  beau  noir,  mais  cette 
teinte  ne  se  conserve  bien  que  dans  les  plaines 
sèches  et  élevées  ;  surlehttoral  ce  caractère  disparait 
dès  la  deuxième  génération. 

Les  blés  tendres  se  rencontrent  aussi  chez  les 
indigènes,  l'un  à  barbe  est  appelé  Farina,  l'autre 
sans  barbe,  cultivé  dans  le  sud-est,  le  Fortass,  rap- 
pelle VOdessa  sans  barbe. 

Les  blés  durs  indigènes  peuvent  fournir  toutes  les 
races  désirables  et  il  n'existe  rien  de  mieux  à  leur 
substituer  ;  mais  il  était  nécessaire  de  compléter  la 
série  des  blés  tendres  et  d'acclimater  quelques  races 
précoces  et  prohtiques. 

Les  premières  tentatives  n'ont  pas  réussi,  tous 


CÉRÉALES.  71 

les  blés  tendres  à  grands  rendements  ne  supportent 
pas  les  premières  chaleurs  et  sèchent  sans  donner 
de  grains,  après  avoir  pris  un  très  beau  développe- 
ment pendant  le  printemps.  Seuls,  quelques  blés 
tendres  de  la  région  méditerranéenne  donnent  une 
récolte  régulière. 

La  rouille  est  fréquente  seulement  dans  les  plaines 
*du  littoral,  elle  cause  des  dégâts  énormes,  quand  les 
conditions  climatériques  sont  favorables  à  sa  propa- 
gation. 

L'analyse  chimique  de  bien  des  terres  à  blés 
accuse  une  quantité  trop  faible  d'acide  phosphorique 
et  ce  manque  de  phosphate  joint  à  la  défectuosité 
des  labours,  à  l'irrégularité  des  pluies,  a  pour  con- 
séquence une  insuffisance  de  rendement. 

Depuis  quelques  années,  bien  des  colons  labourent 
dès  le  printemps  et  donnent  à  leur  terre  les  éléments 
fertihsants  qui  leur  manquent;  cette  pratique  leur 
vaut  des  récoltes  non  seulement  supérieures  en 
quantité,  mais  aussi  plus  assurées. 

Les  blés  durs  d'Algérie  ont  toujours  été  appréciés, 
les  anciens  en  faisaient  grand  cas  et,  de  nos  jours,  ils 
ne  sont  peut-être  pas  assez  payés  par  le  commerce 
qui  se  laisse  séduire  par  les  bas  prix  des  blés  étran- 
gers. Le  blé  dur  pèse  plus  de  78  kilos  l'hectolitre; 
il  rend  81  p.  100  de  farine.  D'après  les  anciens,  il 
semble  que  la  terre  d'Afrique  était  plus  fertile  autre- 
fois qu'aujourd'hui;  d'après  les  documents  laissés 
par  PUne,  le  poids  de  nos  blés  aurait  diminué  depuis 
l'époque  romaine. 

On  peut  attribuer  ce  fait  à  la  diminution  de  la 
réserve  »de  phosphates,  contenue  dans  la  couche 
arable,  qui  tous  les  ans  a  perdu,  par  l'exportation  des 


72  AGRICULTURE. 

grains,  quelques  kilos  d'acide  phosphorique  par 
hectare.  Les  grains  de  blé  dur,  qui  sont  insuffisam- 
ment nourris  jusqu'à  maturité,  sont  en  partie  tendres, 
on  les  nomme  juitadïns.  Ces  blés  mitadins  ont  été 
bien  à  tort  regardés  comme  provenant  de  croisement 
avec  des  blés  tendres.  Les  blés  mitadins  deviennent 
ainsi  incomplètement  cornés  ou  durs  par  suite  du 
manque  d'eau,  d'azote  ou  d'acide  phosphorique,  ce 
sont  des  grains  qui  n'ont  pas  atteint  tout  leur  déve- 
loppement. 

Les  blés  importés  par  les  Romains  proA^enaient 
aussi  en  grande  partie  des  régions  privilégiées  de 
la  Nnmidie  et  de  la  Tunisie,  où  les  terres  à  cé- 
réales sont,  dans  la  zone  du  Suessonien,  si  riches  en 
phosphates. 

PUne  parle  d'un  rendement  de  100  p.  1  dans  la 
Byzacône  ;  Strabon  cite  une  touffe  de  400  épis  tous 
sortis  du  même  grain. 

De  nos  jours,  les  rendements  sont  faibles.  Les 
Européens  obtiennent  cependant  des  récoltes  supé- 
rieures d'un  tiers  ou  de  la  moitié.  La  récolte  moyenne 
des  Indigènes  est  de  6  quintaux,  les  Européens  dépas- 
sent rarement  16. 

L'Algérie  produit  de  grandes  quantités  d'orge. 

L'orge  mûrit  en  moins  de  temps  et  échappe  à  la 
sécheresse  plus  facilement  que  le  blé.  Cette  céréale 
donne  de  meilleurs  rendements  que  le  blé,  dans  les 
terrains  non  ameubhs;  elle  convient  aussi  aux  indi- 
gènes pour  leur  nourriture  et  pour  celle  de  leurs 
chevaux.  L'Algérie  pourrait  produire  des  orges  de 
brasserie  pour  l'exportation  ;  mais  on  ne  connaît 
pas  les  variétés  qui  seraient  plus  avantageuses  pour 
le  commerce.  Les  orges  nues  on  orges-blés  donnent 


LÉGUMINEUSES.  73 

de  beaux  rendements  et  conviendraient  pour  l'uli- 
mcntation  des  indigènes. 

L'avoine  n'est  cultivée  que  par  les  Européens,  elle 
rient  très  bien,  mais  elle  est  légère  et  très  sujette  à 
contracter  l'ergot.  Peu  de  variétés  sont  susceptibles 
d'être  cultivées,  le  plus  grand  nombre  est  attaqno 
par  la  rouille. 

Le  seigle  vient  bien  dans  les  terrains  siliceux,  mais 
il  n'est  cultivé  que  pour  la  paille  et  par  les  Européens. 

Le  Sorgho,  Bechena  des  Arabes,  est  une  céréale  pré- 
cieuse pour  les  populations  pauvres  du  littoral,  dans 
les  terres  argileuses  noires  et  fraîches. 

Le  sorgho  rend  jusqu'à  quatre-vingts  fois  la  semence. 

Les  feuilles  après  la  récolte  constituent  une  res- 
source de  fourrage,  pour  une  période  de  l'année 
remarquablement  pauvre  en  herbages. 

Deux  variétés  sont  surtout  cultivées  :  le  sorgho 
blanc  et  le  sorgho  brun  (Dra).  Les  sorghos  viennent 
si  bien  qu'il  est  étonnant  que  les  colons  n'aient  pas 
encore  adopté  la  culture  des  sorghos  à  balais  et  des 
sorghos  sucrés. 

Le  maïs  est  cultivé  par  les  Européens  et  par  les 
Indigènes. 

Le  millet  à  chandelle  est  aussi  cultivé  par  les 
Indigènes,  ainsi  que  le  millet  ordinaire. 

Le  riz  n'a  été  l'objet  que  de  quelques  essais,  il 
viendrait  aussi  bien  en  Algérie  qu'en  Espagne  et  en 
Italie;  mais  la  main-d'œuvre  expérimentée  manque 
pour  cette  culture. 

Légumineuses.  —  Après  les  céréaleg  proprement 
dites,  J^  2l^ry;e.s  qmJ_ouent_un^role^^^  dans 

l^Umen_tation  sont,  parmi  les  Légumineuses,  la  fève, 
le  poia  chichevla^sse,  le  doUque. 


74  AGRICULTURE. 

__  La  FèveJxûoa-Ye-erLAlgénejÊ-SDl-^^^^^ 
convient  et xette  culture  déjà  très^énérale^^^^ 
encûreAtre  étendue.  Dans  certaines  parties  du  Sersou, 
on  trouve  en  grande  quantité,  à  l'état  subspontané 
dans  les  plaines,  une  petite  fève -qui  a  pris  dans  ces 
conditions  un  aspect  de  plante  sauvage . 

L e^  Pois^hiche  {Cicer),  rfieherrhé  par  tontes  Jp^;- 
populations  riveraines  deJaAiédijerranée,  donne  des_ 
récoltes  abondantes  de  grainet  fournit  aussi  une_. 
paille  qui  est  utilisé-e. 

La  Gesse  [Lathyrus  sativus)  n'est  guère  consommée 
que  par  les  Kabyles  et  par  les  Espagnols,  qui  ont 
des  variétés  améliorées  très  belles.  L'usage  prolongé 
de  la  gesse,  une  cuisson  incomplète,  entraînent  des 
accidents  nerveux  graves  (Lathyrisme). 

Le  Dolique  {Bolichos  Lubia)  esX-Cilltivé_£arJ[es 
Indigènes,  il  donne,  dans  les  sols  qui  coaseXYsnt  une_ 
certaine  fraîcheur  en  été,  une  grande  quantité  d'un 
petit  haricot  blanc  portanL_une  tache  noire.  Les 
doliques  croissent  vigoureusement  en  Algérie  et 
il  serait  possible  de  leur  demander  un  fourrage 
abondant. 

Il  en  est  de  même  des  différents  Soja  de  Chine, 
qui  ne  sont  pas  encore  connus  et  qui  pourraient 
cependant  rendre  de  grands  services. 

Vignes.  —  Parmi  les  cultures  arbustives,  celle  de 
la  Vigne  occupe  le  premier  rang  et  l'on  peut  évaluer 
à  plus  de  50  millions  la  production  annuelle  des 
vignes  des  trois  départements  algériens. 

De  tout  temps,  l'Algérie  a  été  la  patrie  de  la  vigne. 
M.  Pomel  en  a  retrouvé  des  feuilles  fossiles  dans  les 
travertins  quaternaires  de  Miliana,  elle  est  abon- 
dante à  l'état  sauvage  et  les  indigènes  cultivent  près 


VIGNES.  75 

de  cinquante  cépages,  dont  certains  ont  une  valeur 
réelle. 

Il  est  assez  singulier  que,  placés  dans  des  condi- 
tions aussi  favorables,  les  premiers  colons  aient  hé- 
sité si  longtemps  à  planter  de  la  vigne  et  à  faire  du 
vin  pour  la  consommation  locale. 

Les  premiers  vignerons  eurent  en  effet  de  la  peine 
à  faire  accepter  leurs  produits,  il  faut  avouer  qu'ils 
étaient  parfois  défectueux.  La  vigne  croissait  bien, 
mais  le  vigneron  algérien  ne  savait  pas  encore  faire 
le  vin  sous  un  climat  très  particulier,  dans  des  condi- 
tions absolument  différentes  de  celles  qui  lui  étaient 
familières. 

Au  milieu  de  ces  tentatives  parfois  heureuses,  mais 
souvent  accompagnées  de  déboires,  quelques  colons 
se  distinguèrent  et  produisirent  des  vins  recherchés 
d'abord  par  la  consommation  locale,  puis  par  l'expor- 
tation dans  la  métropole. 

C'est  vers  1879  que  commença  timidement  une 
exportation  de  6000  hectolitres;  en  1883, 250000  hec- 
tolitres sont  dirigés  sur  la  métropole;  en  1886,  c'est 
500  000,  aujourd'hui  nous  arrivons  à  3000000  hecto- 
htres  Uvrés  à  l'alimentation  française. 

L'Algérie  possède  actuellement  150000  hectares  de 
vignes  et  mérite  de  prendre  rang  parmi  les  pays 
grands  producteurs  de  vin. 

Ces  150000  hectares  représentent  une  valeur  de 
600  milUons  et  tous  les  ans  environ  35  milUons  sont 
distribués  aux  Indigènes  sous  forme  de  main- 
d'œuvre. 

Les  vins  algériens  ont  eu  un  mauvais  moment,  il 
faut  le  reconnaître.  Quand  la  production  eut  pris  une 
grande  proportion,  le  matériel  usité  jusqu'alors  fut 


76  AGRICULTURE. 

insuffisant,  il  fallut  de  grandes  cuves  et  toute  une 
organisation  pour  manipuler  en  grand.  Les  pro- 
duits laissèrent  alors  à  désirer  dans  bien  des  cas. 

Le  défaut  le  plus  commun  fut  une  fermentation 
incomplète,  les  vins  restaient  doux,  puis  sujets  à  des 
reprises  de  fermentation  et  surtout  à  des  maladies. 
Tout  ce  mal  provenait  d'une  certaine  quantité  de 
sucre  non  converti  en  alcool.  On  doit  attribuer 
cet  insuccès  dans  la  fermentation  à  la  température 
trop  élevée  des  cuves,  température  de  40°  produite 
par  le  travail  chimique  d'une  fermentation  débutant 
dans  un  milieu  atteignant  déjà  30''  à  35°  au  moment 
de  la  mise  en  cuve.  La  température  de  l'atmosphère,  la 
température  du  raisin,  sa  trop  grande  richesse  en  sucre 
sont  les  trois  obstacles  à  la  vinification  en  Algérie. 

Ces  faits  sont  aujourd'hui  hors  de  doute  et  un  pro- 
grès immense  a  été  réalisé  par  la  découverte  récente 
d'une  bonne  méthode  de  vinification  en  pays  chauds. 

Tout  viticulteur  sait  aujourd'hui  qu'il  obtiendra  de 
ses  raisins  un  vin  normal  en  se  conformant  aux  indi- 
cations suivantes  : 

1°  Éviter  de  mettre  en  cuve  des  raisins  chauds;  la 
température  initiale  du  moût  joue  un  rôle  capital  sur 
la  marche  de  la  fermentation.  On  devra  aussi  aérer 
le  moût  sortant  du  fouloir. 

2°  Pendant  la  fermentation,  opérer  la  réfrigération 
quand  la  température  dépasse  35°  dans  la  cuve. 

3°  Appliquer  à  toutes  les  manipulations  de  la  cuve 
une  grande  propreté,  une  véritable  asepsie.  Les 
raisins  très  mûrs  qui,  traités  ainsi,  donnent  toujours 
de  meilleurs  vins,  manquent  parfois  d'acidité,  on 
obvie  à  ce  défaut  par  l'addition  de  grappillons  faciles 
à  obtenir. 


VIGNES.  77 

L'Algérie  a  donc  en  quelques  années  obtenu  une 
production  considérable  de  vins,  elle  travaille 
aujourd'hui  à  obtenir  la  qualité  et  l'on  peut  dire  que 
le  problème  est  résolu,  il  reste  seulement  à  vulga- 
riser les  bonnes  méthodes  de  vinification  ;  ce  qui  n'est 
pas  aussi  facile  qu'on  pourrait  le  croire,  chaque  viti- 
culteur étant  généralement  satisfait  de  ses  produits, 
môme  très  défectueux. 

Comme  les  régions  similaires  du  bassin  méditer- 
ranéen, l'Algérie  saura  un  jour  préparer  des  vins  de 
grande  valeur;  mais  pour  y  arriver  de  nombreux 
tâtonnements  sont  nécessaires.  Des  recherches  mé- 
thodiques hâteront  certainement  la  solution  de  cet 
important  problème. 

Au  point  de  vue  économique,  la  viticulture  algé- 
rienne est  dans  de  très  bonnes  conditions.  Dans  les 
terres  profondes  et  riches,  avec  ou  sans  le  secours  des 
fumures  et  d'irrigations  modérées,  on  peut  obtenir 
des  rendements  de  120  à  loO  hectolitres  à  l'hectare, 
h'été  sec  et  chaud  convient  aux  raisins  qui  achèvent 
toujours  leur  maturation.  Les  maladies  cryptoga- 
miques  se  sont  jusqu'à  ce  jourmontréesmoins  tenaces 
et  moins  malfaisantes  qu'en  France,  \q phylloxéra  n'a 
détruit  les  vignobles  de  Philippeville  et  de  Mascara 
que  par  suite  d'une  défense  incomplète,  chez  des 
viticulteurs  peu  disposés  à  se  prêter  aux  exigences 
du  traitement  d'extinction.  A  Tlemcen  et  à  Sidi-bel- 
Abbès,la  lutte  contre  l'insecte  a  été  victorieuse.  Dans 
les  régions  élevées  et  sèches,  le  rendement  est 
moindre,  mais  la  qualité  devient  une  compensation; 
les  maladies  cryptogamiques,  qui  occasionnent  de  si 
grosses  dépenses  dans  les  plaines  et  sur  littoral,  y 
sont  inconnues. 


78  AGRICULTURE. 


I 


En  dehors  de  la  production  du  vin,  la  vigne  joue 
un  rôle  important  dans  l'alimentation.  Des  raisins 
précoces  sont  expédiés  en  quantité  assez  considé- 
rable, des  raisins  tardifs  de  la  région  montagneuse 
pourraient  aussi  être  livrés  à  Texporlation  en  décem- 
bre et  en  janvier.  Enfin  la  consommation  locale  ne 
peut  être  évaluée  exactement  ;  mais  elle  représente 
un  chiffre  important.  Les  Indigènes  mangent  beau- 
coup de  raisins  ;  au  moment  de  la  grande  production, 
beaucoup  ne  prennent  pas  d'autre  nourriture.  Les 
viticulteurs  ont  énormément  de  peine  à  obliger  leurs 
ouvriers  à  manger  du  pain  pendant  les  vendanges. 
Ces  vendangeurs  vivent  exclusivement  du  fruit  qu'ils 
récoltent  et  conservent  ainsi  leur  salaire  intact. 

L'industrie  des  raisins  secs  devrait  aussi  attirer 
l'attention  des  producteurs.  Les  Kabyles  préparent 
en  petite  quantité  des  raisins  secs,  mais  pour  leur 
consommation. 

Olivier.  —  L'Olivier,  par  sa  grande  diffusion  et 
aussi  par  l'importance  de  ses  produits,  est  l'arbre  qui 
mérite  le  plus  d'attirer  l'attention  de  la  colonisation 
nouvelle.  Bugeaud  disait  souvent  aux  premiers 
colons  :  «  Plantez  de  la  vigne  et  greffez  vos  oliviers.  » 
Ce  sage  conseil  n'était  que  bien  peu  suivi,  on  n'a 
planté  de  ia  vigne  que  vingt-cinq  ans  plus  tard  et  on 
a  fait  beaucoup  de  charbon  avec  les  oliviers. 

L'olivier  peut  être  planté  avec  profit  sur  les  flancs 
secs  des  coteaux,  dans  des  terres  légères,  générale- 
ment maigres.  Cette  culture  arbustive  devient  le  com- 
plément des  pâturages  et  des  céréales,  qui  font  parfois 
défaut,  laissant  les  populations  indigènes  sans  aucune 
ressource  pendant  de  longs  mois. 

Dès  l'antiquité^  l'olivier  était  cultivé  en  grand  sur  la 


OLIVIER.  79 

côte  d'Afrique  :  Diodore  de  Sicile  raconte  que  lors  de 
la  descente  d'Agathocle  en  Afrique  (310  avant  J.-C.) 
les  Syracusains  furent  émerveillés  de  la  végétation 
luxuriante  des  oliviers  et  des  vignes.  L'huile  a 
toujours  été  un  important  produit  du  Maghreb.  Do 
nos  jours,  on  retrouve  encore  les  traces  de  ces 
anciennes  plantations,  les  vieux  oliviers  en  quinconce 
ont  frappé  depuis  longtemps  les  observateurs. 

M.  Bourde  (1)  a  récemment  appelé  l'attention  sur 
la  culture  trop  oubliée  de  l'ohvier.  D'aj^rès  cet  obser- 
vateur sagace,  la  culture  fruitière  a  été  l'ancienne 
cause  de  la  prospérité  du  Maghreb.  La  richesse  re- 
Adendra  dans  ces  régions  quand  nous  aurons  recons- 
titué les  anciennes  plantations  et  mis  cette  terre 
fertile  en  exploitation  par  les  racines  profondes  des 
grands  végétaux. 

L'olivier  est  spontané  dans  toute  la  Barbarie  ;  mais 
à  côté  des  races  absolument  sauvages,  Zeboudj  des 
Arabes,  on  rencontre  beaucoup  d'oliAders  semés  par 
les  oiseaux  et  qui  dérivent  des  races  cultivées.  Le 
môme  fait  s'observe  pour  la  vigne.  Il  est  difficile 
qu'il  en  soit  autrement. 

Les  races  cultivées  sont  nombreuses,  beaucoup 
sont  communes  à  toute  la  région  de  l'olivier,  mais 
quelques-unes  paraissent  des  variétés  locales,  qui 
ne  sont  pas  dépourvues  de  valeur.  C'est  en  Kabyhe 
et  dans  la  région  de  Sfax  que  l'on  peut  observer  les 
types  les  plus  intéressants  (fig.  5).  Il  est  fort  curieux 
de  constater  qu'il  n'existe,  en  Algérie,  ni  une  étude  sur 
cette  importante  question  des  races  locales  d'ohviers, 
ni  une  pépinière,  où  seraient  réunies  les  variétés  de 

(1)  Bourde,  Culture  de  l'olivier  dans  le  centre  de  la  Tunisiei 
Tunis,  1893. 


80  AGRICULTURE. 

toutes  provenances  et  qui  rendrait  les  plus  grands 
services.  On  ne  prend  généralement  pas  le  soin  de 
greffer  les  meilleures  variétés  et  cependant  on  peut 
affirmer  que  tout  le  succès  d'une  entreprise  agricole 
ayant  l'olivier  pour  base  dépendra  du  choix  des 
races  adoptées. 

La  chaleur  paraît  avoir  une  influence  considérable 
sur  la  teneur  des  oUves  en  huile.  Les  mêmes 
variétés  sont  plus  riches  en  matières  grasses  en 
Afrique  qu'en  France  et  dans  les  stations  du  sud  que 
dans  celles  du  nord.  M.  Bertainchand  a  déterminé 
la  proportion  de  matière  grasse  contenue  dans  la 
pulpe  de  la  variété  Chemlali  et  a  obtenu  : 

Tuuis 2G,40  p.  100 

Sousse 27,91  — 

Sfax 28,15  — 

Djerba 29,27  — 

Dans  les  uasis,  certaines  ohves  ont  donné  jusqu'à 
31,  34  p.  100  d'huile. 

Tous  ces  chiffres  sont  supérieurs  à  ceux  obtenus 
en  France  avec  le  hlanquetier^  qui  est  la  même  variété 
que  le  Chemlali  et  qui  ne  dépasse  pas  20  p.  100. 

Les  huUes  varient  aussi  de  composition  suivant 
les  régions  et  suivant  les  variétés.  D'une  manière 
générale,  les  huiles  africaines  sont  plus  riches  en 
margarine,  elles  se  figent  plus  vite  et  plus  complè- 
tement à  5  degrés  au-dessus  de  zéro. 

Les  variétés  sont  aussi  inégalement  riches  en  mar- 
garine ;  mais  il  conviendrait  de  fixer  les  cultivateurs 
sur  ce  point  important. 

En  Cahfornie,  la  verdale  donne  une  huile  très 
riche  en  margarine  que  le  commerce  n'accepte  pas 
volontiers,  car  ce  produit  se  clarifie  très  mal  et  com- 


OMVIEII, 


81 


Battandieu  et  Thabijt.  —  Algérie. 


82  AGRICULTURE. 

promet  la  valeur  des  mélanges  dans  lesquels  il  entre. 
L'olivier  a  une  durée  indéfinie,  les  vieux  arbres  se 
creusent,  s'ouvrent,  chaque  fragment  vieillit  et 
meurt  successivement,  puis  de  la  souche  repartent 
des  rejetons  qui  bientôt  sont  dominés  par  une  tige 
principale  reconstituant  ainsi  un  nouvel  arbre. 

Puisque  les  envahisseurs  nomades  ont  détruit 
dans  le  nord  de  l'Afrique  les  ohviers  et  toutes  les 
cultures  arborescentes,  il  est  bien  clair  que,  dans  les 
circonstances  actuelles,  nous  ne  pouvons  rien  faire 
de  mieux  que  de  reprendre  la  tradition  des  colons 
romains  et  de  tenter  la  reconstitution  des  anciennes 
forêts  d'oliviers  dont  nous  voyons  les  traces. 

Les  débouchés  sont  bien  connus,  toutes  les  na- 
tions de  l'Europe  occidentale  utihsent  des  quantités 
considérables  d'huile  d'ohve.  Les  États-Unis  en 
achètent  pour  plus  de  80  milhons  de  francs.  Enfin, 
en  France,  l'importation  atteint  20  milhons  de  kilos. 

Mais  il  faut  attendre  quinze  ans  pour  qu'une 
oUvette  donne  du  bénéfice,  et  ce  n'est  que  la  huitième 
année  que  l'ohvier  paie  ses  frais  d'entretien. 

Ces  longues  années  à  attendre,  dans  un  pays  où 
l'on  est  pressé  de  réahser,  constituent  le  grand 
obstacle  à  l'extension  de  la  culture  des  arbres  en  gé- 
néral et  des  ohviers  en  particulier. 

De  nos  jours,  de  grands  domaines  se  sont  cons- 
titués et  bien  des  propriétaires  font  greffer  leurs 
ohviers  ou  font,  ce  qui  est  préférable,  des  plantations 
avec  des  sujets  obtenus  de  bouture.  Dans  le  dépar- 
tement d'Oran,  l'ohvier  est  souvent  planté  dans  la 
vigne  et  se  trouvera  prêt  à  remplacer  cette  der- 
nière si  le  phylloxéra  en  amenait  la  destruction. 

Dans  les  régions  favorables  à  l'ohvier,  on  pourrait 


FIGUIER.  83 

facilement  provoquer  de  nouvelles  plantations  par 
la  création  de  pépinières  communales  qui  livreraient 
aux  colons  des  oliviers  déjà  formés  et  de  bonnes 
races  ;  la  transplantation  de  l'olivier  est  facile,  il  est 
même  avantageux  de  le  planter  ayant  déjà  acquis 
une  certaine  force. 

Figuier.  —  Après  Tolivier,  le  Figuier  joue  un 
rôle  des  plus  importants  dans  la  production  algé- 
rienne. Le  figuier  est  surtout  cultivé  par  les  Indi- 
gènes des  régions  montueuses,  le  principal  centre  de 
cette  culture  est  la  Kabylie;  Bougie  et  Tizi-Ouzou 
sont  les  deux  marchés. 

Les  races  indigènes  de  figuiers  sont  assez  nom- 
breuses. Les  Kabyles  en  distinguent  vint-cinq  envi- 
ron; certaines  sont  réellement  très  bonnes,  jouis- 
sent d'une  grande  réputation  et  donnent  des  produits 
assez  estimés  par  le  marché  européen. 

Cependant  nous  ne  trouvons  pas  en  Kabylie  ces 
figues  très  fines,  à  chair  savoureuse,  qui  atteignent 
des  prix  très  élevés. 

Une  détermination  rigoureuse  des  races  locales  de 
figuiers,  suivie  de  tentatives  méthodiques  d'intro- 
duction des  meilleures  figues  de  la  région  méditer- 
ranéenne, donnerait  certainement  une  grande  impul- 
sion à  cette  culture,  peut-être  trop  méprisée  par  les 
colons  européens. 

Les  Kabyles  pratiquent  scrupuleusement  la  capri- 
iication  ;  les  figues  de  Caprifiguier  {Dokkar),  qui  attei- 
gnent parfois  des  prix  élevés  sur  les  marchés,  sont 
enfilées  en  chapelets  et  suspendues  aux  branches  des 
figuiers.  Cette  opération  est  renouvelée  quatre  à  cinq 
fois  pendant  l'été,  elle  entraîne  une  dépense  assez 
considérable. 


84  AGRICULTURE. 

L'utilité  de  la  caprification  est  très  contestée  et 
les  Indigènes  considèrent  cette  pratique  comme 
nécessaire  seulement  pour  certaines  variétés. 

Les  figues  jouent  un  grand  rôle  dans  Talimentation 
des  Indigènes  qui  consomment  ce  fruit  frais  et  con- 
servé. La  dessiccation  des  figues  varie  suivant  les 
contrées.  C'est  en  Kal)ylie  seulement  qu'elle  est 
assez  soignée  pour  fournir  un  produit  d'exi)ortation, 
ailleurs  les  figues  sont  séchées  ouvertes,  puis  entas- 
sées, comprimées  en  pains  compacts. 

La  dessiccation  des  figues  se  fait  au  soleil  sur  des 
claies  en  roseaux  ou  en  diss.  Le  soir,  les  claies  sont 
réunies  en  pile  qui  sont  recouvertes  de  paillassons, 
parfois  les  claies  sont  rentrées  sous  un  petit  hangar 
construit  à  cet  effet. 

Les  variétés  ne  sèchent  pas  toutes  avec  la  môme 
facilité  ;  quand  la  saison  est  favorable,  certaines  figues 
sèchent  sur  Farbre  même. 

Les  figues  noires,  qui  ont  moins  de  valeur  pour  la 
vente,  sont  séchées  à  part.  Mais  d'une  manière  gé- 
nérale les  Kabyles  ne  se  préoccupent  pas  de  préparer 
des  figues  de  choix  en  séparant  les  meilleures  races 
et  aussi  les  figues  arrivées  à  maturité  parfaite. 

Caroubier.  —  Le  Caroubier  (fig.  6)  est  un  des  arbres 
économiques  présentant  un  grand  intérêt;  il  est  abon- 
dant dans  la  région  de  Bougie,  où  la  caroube  est  un 
objet  d'exportation  courante.  Le  caroubier  ne  se 
multiplie  pas  aussi  facilement  que  Tohvier,  sa  trans- 
plantation est  difficile,  aussi  cet  arbre  est  relative- 
ment peu  répandu,  il  est  aussi  plus  difficile  que 
l'olivier  sur  la  nature  du  sol  et  du  chmat.  Le  carou- 
bier occupe,  dans  tous  les  pays  méditerranéens  bien 
cultivés,    une   place  importante;  en  Algérie  et  en 


CAtlOUniËR, 


80 


Tunisie,  il  devrait  ôtre  propagé  pour  le  grand  bien 
des  cultivateurs  européens  et  indigènes.  La  caroube 
est  un  excellent  aliment  pour  les  animaux,  elle  peut 
môme,  les  années  de  disette,  êlreutiUsée  par  l'homme. 


Fi-.  (;. 


Caroubier 


L'industrie  en  retire  de  l'alcool  comme  de  toutes  les 
matières  sucrées.  Pour  obtenir  un  bon  rendement 
du  caroubier,  il  faut  grefï'er,  sur  les  pieds  venus  de 
semis,  une  race  améliorée.  Il  faut  aussi  greffer  un 
rameau  mâle,  car  cet  arbre  est  dioïque;  ce  procédé 


86  AGRICULTURE. 

est  préférable  à  celui  qui  consiste  à  avoir  dans  les 
plantations  un  certain  nombre  de  pieds  mâles. 

Abricotier.  —  Il  croît  avec  une  très  grande  vigueur 
dans  les  vallées  des  grands  massifs  montagneux  et 
parfois  dans  le  sud,  dans  les  oasis  à  la  limite  de  la 
région  saharienne.  Dans  l'Aurès,  l'Abricotier  est  très 
fréquemment  cultivé  ;  ces  grands  arbres  sont  repro- 
duits par  noyaux  ;  les  fruits  sont  petits,  mais  exces- 
sivenîent  abondants,  ils  sont  séchés  sur  des  claies 
et  constituent  une  sorte  de  pruneaux  acides,  objet 
d'un  commerce  assez  important. 

Dans  les  jardins  des  Européens,  on  trouve  des 
abricotiers  greffés  donnant  des  fruits  excellents. 

Prunier.  —  Le  Prunier  est  aussi  un  arbre  très 
fertile,  en  Algérie,  dans  les  stations  élevées  ;  il  a  été 
peu  soigné  et  généralement  on  ne  trouve  que  des 
prunes  de  peu  de  valeur;  mais  on  pourrait  récolter 
de  bons  produits  si  on  greffait  de  bonnes  races.  Les 
pruneaux  pourraient  aussi  être  préparés  dans  bien 
des  stations  qui  seraient  aussi  productives  que  celles 
de  Californie. 

Cerisier.  —  Le  Cerisier  croit  à  l'état  sauvage  dans 
les  forêts  d'Algérie,  dans  les  parties  montagneuses, 
il  donne  de  bons  fruits ,  mais  les  cerises  sont  encore 
rares  sur  les  marchés  des  grands  centres,  en  raison  de 
la  difficulté  des  transports. 

Pêcher.  —  Le  Pêcher  est  très  productif  aussi,  en 
montagne,  les  Kabyles  récoltent  des  quantités  con- 
sidérables de  pêches  ;  mais  cette  culture  est  aussi 
faite  sans  soin  et  les  races  usitées  sont  communes. 

Amandier.  —  Il  vient  incontestablement  à  l'état 
sauvage  dans  toute  l'Algérie,  on  en  trouve  de  forts 
beaux  sujets  dans  les  massifs  boisés  de  la  frontière 


POMMIER   ET  POIRIER.  87 

du  Maroc  et  des  peuplements  parfois  abondants  dans 
toutes  les  montagnes  de  la  limite  du  Tell  et  des 
Hauts-Plateaux.  Cette  forme  sauvage  a  des  feuilles 
étroites,  une  amande  petite,  allongée,  amère.  La 
culture  de  cet  arbre  est  assez  répandue,  car  il  est 
un  des  fruitiers  qui  résistent  le  mieux  à  la  sécheresse. 


l'ig.  7.  —  Capparis  spinosa. 


Pommier  et  Poirier.  —  Les  fruits  à  pépins  sont 
encore  très  inférieurs,  les  races  indigènes  sont  rare- 
ment bonnes  et  les  cultures  européennes  du  littoral 
ou  des  plaines  ne  donnent  généralement  que  des 
fruits  médiocres.  Quelques  exceptions  font  cependant 
prévoir  que  la  culture  des  pommes  et  surtout  des 
poires  trouvera  aussi  sa  place  dans  la  région  mon- 
tagneuse. 


§8  AGRICULTURE. 

Câprier  (fig.  7).  —  11  est  très  répandu  eti  Algérie 
depuis  le  littoral  jusque  dans  le  Sahara;  il  aime  les 
roches  escarpées,  les  pentes  abruptes  où  ses  touffes 
épineuses  se  couvrent  de  grandes  fleurs  blanches.  Les 
indigènes  n'utihsent  que  l'écorce  de  sa  racine  [Kabar] 
comme  médicament.  La  récolte  des  câpres  n'est  pra- 
tiquée que  dans  la  région  de  Bougie  et  seulement 
depuis  quelques  années.  11  a  fallu  pour  cela  que  des 
circonstances  fortuites  amènent  dans  un  village  où 
le  câprier  abonde,  un  producteur  de  câpres  de  la 
Métropole.  Ayant  fait  savoir  aux  Indigènes  qu'il  était 
acheteur  des  boutons  floraux  des  Kabar,  femmes  et 
enfants  se  mirent  à  cueilUr  et  bientôt  les  tonneaux 
de  câpres  prirent  la  direction  du  port  de  Bougie. 
D'année  en  année,  cette  petite  industrie  s'est  accrue 
et  un  certain  nombre  de  colons  de  cette  région  sont 
aujourd'hui  exportateurs  de  câpres  à  la  grande 
joie  de  la  population  indigène  pauvre.  Malgré  cette 
démonstration,  pas  un  pied  de  câprier  n'a  été 
planté. 

Néflier  du  Japon.  —  11  est  aujourd'hui  parfaite- 
ment acclimaté  dans  la  région  méditerranéenne,  le 
plus  grand  nombre  des  sujets  ont  été  reproduits 
par  la  voie  des  semis,  les  variétés  sont  donc  très 
nombreuses  et  il  serait  temps  de  les  inventorier  et 
de  propager  les  meilleures  par  la  greffe.  Les  nèfles 
du  Japon,  fraîchement  cueilhes,  bien  mûres,  sont 
excellentes  et  constituent  une  précieuse  ressource 
pour  le  Uttoral  algérien  ;  ces  fruits  printaniers  rem- 
placent la  cerise. 

Bananier.  —  Il  donne  de  bons  produits  dans  les 
stations  très  abritées  du  Uttoral,  mais  la  culture  en 
grand  parait  assez  difficile  à  réaUser,  car  les  banane- 


ORANGER,   CITRONNIER,  CÉDRATIER.  89 

raies  n'ont  pas  pris  beaucoup  d'extension,  malj'ré 
une  vente  assurée  des  produits. 

Oranger,  Citronnier,  Cédratier.  —  Les  Aurantia- 
cées  comprenant  orangers,  mandarines,  citrons, 
cédrats,  limons,  bergamotes,  cbinois,  donnent  en 
Algérie  de  beaux  produits;  mais  l'Espagne  et  l'Italie, 
qui  ont  acquis  dans  ce  genre  de  culture  une  supé- 
riorité incontestable,  tant  par  une  longue  expérience 
que  par  une  application  plus  grande,  font  aux  fruits 
algériens  une  concurrence  qui  devient  presque 
désastreuse,  par  suite  des  difficultés  de  transport  qui 
grèvent  les  produits  algériens. 

L/orange  algérienne  dite  de  Blida  représente  le 
type  le  plus  fréquemment  cultivé;  elle  est  réellement 
très  bonne,  précoce,  mais  sur  les  marchés  d'Europe 
on  lui  préfère  l'orange  d'Espagne  à  peau  fine,  mince 
et  d'un  jaune  pâle.  Dans  la  région  montagneuse, 
comme  à  Toudja,  il  existe  des  races  d'orangers  tar- 
difs; ces  fruits,  produits  encore  en  très  petites  quan- 
tités, sont  vendus,  en  été,  dans  le  pays  à  des  prix  très 
élevés.  L'orange  sanguine,  très  parfumée,  est  assez 
répandue,  tandis  que  l'oranger  de  Jaffa  est  rare.  Une 
importante  plantation  de  cet  oranger,  à  Boufarik, 
chez  M.  Borely  la  Sapié,  démontre  l'intérêt  que  pré- 
sentent en  Algérie  les  essais  méthodiques  de  toutes 
les  bonnes  races  de  fruits  dispersées  dans  la  région 
méditerranéenne. 

Chez  les  Indigènes,  le  plus  souvent,  l'oranger  est 
reproduit  par  graine;  ces  arbres,  qui  atteignent  dans 
les  sols  profonds  de  très  grandes  dimensions,  donnent 
aussi  une  grande  quantité  d'oranges  ;  mais  la  qualité 
est  parfois  défectueuse. 

Peu  après  la  pacification  de  l'Algérie,  la  colonie 


90  AGRICULTURE. 

était  dotée  d'an  Jardin  d'essai  qui  pendant  vingt- 
cinq  ans,  sous  l'habile  direction  de  M.  Hardy,  fut 
enrichi  des  collections  les  plus  variées  des  plantes 
des  régions  chaudes. 

Goyaviers,  Anones,  Avocatiers,  Kakis.  —  Tous 
les  arbres  fruitiers  importants  ont  donc  été  intro- 
duits et  essayés.  Beaucoup  n'ont  pu  résister  à  un 
climat  qui  ne  comporte  pas  la  culture  des  plantes 
tropicales;  mais  quelques  fruits  des  régions  tempé- 
rées chaudes  mûrissent  bien  sur  le  littoral  et  y 
donnent  quelquesproduits  dignes  d'attirer  l'attention. 

Les  Goyaviers  croissent  avec  vigueur  et  se  cou- 
vrent de  fruits  abondants.  Le  goyavier  pomiforme 
[Psidium  Guayavà)  est  le  seul  qui  donne  un  fruit  sus- 
ceptible d'être  vendu  couramment  sur  les  marchés. 
La  goyave  produite  en  Algérie  est  très  parfumée  et 
conviendrait  pour  la  préparation  des  conserves.  Si 
ce  fruit  entrait  dans  la  consommation  européenne, 
le  littoral  algérien  pourrait  produire  une  assez 
grande  quantité  de  goyaves,  la  culture  du  goyavier 
étant  à  peu  près  celle  de  l'oranger. 

V Anona  C lieïrimolia  se  rencontre  aujourd'hui  dans 
les  principaux  jardins  du  Uttoral  ;  certains  fruits  bien 
mûrs  sont  excellents  ;  mais  l'Anone  n'est  encore  recher- 
chée que  par  quelques  rares  amateurs. 

L'Avocatier,  qui  dans  les  stations  bien  abritées 
mûrit  régulièrement  ses  fruits,  est  très  peu  répandu 
et  reste  encore  un  article  de  curiosité. 

Les  Kakis  sont  plus  connus,  mais  la  collection  des 
races  cultivées  en  Algérie  est  encore  trop  réduite,  on 
ne  trouve  couramment  que  les  Dïospyros  Kaki  et  D. 
costata.  Le  dernier  est  un  gros  fruit  hsse  côtelé,  qui 
commence  à  se  vulgariser.  Récemment  une  collée- 


LES  JARDINS.  91 

tion  assez  complète  de  ces  arbres  à  fruits  japonais  a 
été  introduite  par  le  service  botanique  du  gouver- 
nement général.  Il  est  probable  que  certains  Kakis 
s'acclimateront  bien  et  entreront  avant  peu  dans  la 
culture  fruitière  courante. 

Les  jardins.  —  Les  jardins  du  littoral  algérien  sont 
rarement  soignés  à  grands  frais,  comme  les  jardins 
de  la  côte  française  de  la  Méditerranée,  ils  ont 
cependant  un  aspect  qui  plaît,  qui  enchante  parfois. 
Quelques  beaux  arbres  comme  les  Ficus,  les  Éry- 
thrines,  les  Chorisia^  les  A?'aucaria,  les  Jacaranda^  les 
Mimosa,  les  Orangers,  de  nombreux  Palmiers,  Dra- 
c«na,Fwccû[  gigantesques,  Agave,  Strelitzia,  Bambous, 
des  plantes  grimpantes,  qui  enlacent  tout,  comme  les 
Bougainvilles  éclatants,  les  élégantes  Bignones,  les 
Jasmins  suaves,  les  Plumbago  d'un  bleu  céleste, 
donnent  à  tous  les  jardins  un  aspect  exotique 
rehaussé  par  mille  contrastes  dans  les  formes  et 
dans  les  couleurs.  Les  constructions  mauresques 
complètent  ce  riant  tableau  et  l'on  oublie  volontiers 
d'y  rechercher  tous  les  raffinements  de  l'art.  Ce  type 
de  jardin  demi-sauvage  a  enthousiasmé  plus  d'un 
grand  horticulteur.  Sur  cette  côte  africaine  ensoleillée, 
il  semble  que  certaines  plantes  se  trouvent  mieux 
que  dans  leur  patrie,  elles  y  atteignent  un  dévelop- 
pement extraordinaire,  les  étés  sont  cependant 
cruels  pour  plus  d'une,  qui  sèche  insensiblement  si 
un  lilet  d'eau  n'est  pas  venu  lui  donner  de  quoi 
faire  face  à  une  évaporation  parfois  exagérée.  L'été 
devient  ici,  dans  beaucoup  de  jardins,  la  saison  du 
repos  ou  mieux  d'un  engourdissement  par  la  chaleur 
et  la  sécheresse. 

Aux  premières  pluies,  une  fraîcheur  printanière 


92  AGRICULTURE. 

se  manifeste  partout,  dans  les  champs  comme  dans 
les  jardins.  Quelques  arbres  se  dépouillent;  mais, 
d'autre  part,  c'est  un  re\erdissement  général  et  une 
floraison  sans  interruption  pendant  les  neuf  mois 
que  dure  le  printemps  du  littoral. 

Les  palmiers  viennent  facilement  sur  le  littoral 
algérien;  si  le  genre  Phœnix  n'y  est  pas  au  complet, 
c'est  qu'on  a  négligé  d'introduire  toutes  les  espèces. 

Le  Phœnix  canariensis  est,  après  le  Dattier,  l'espèce 
robuste  et  répandue.  Ce  Phœnix,  au  contact  du 
Ph.  recUnata  et  autres  espèces  moins  colossales,  a 
donné  des  hybrides  intéressants  qui  mériteraient 
d'être  mieux  connus.  Les  beaux  Pritchardia  filifera^ 
si  répandus  en  Provence,  nous  manquent  encore,  ou 
du  moins  sont  rares  et  jeunes.  Ce  palmier  a  jusqu'à 
ce  jour  été  dédaigné  des  horticulteurs  de  profession, 
parce  qu'ils  ont  eu  quelques  difficultés  à  l'élever  en 
pot.  Les  LuiAmers^  S abal^Co7'i/p ha,  Chamœrops,Ken- 
tia,  Cocos,  abondent  ;  le  Palmier  nain  a  donné,  au 
jardin  du  Hamma  où  il  est  spécialement  cultivé,  des 
variétés  estimées. 

Les  Musa  et  Strelitzia  viennent  aussi  bien  en  pleine 
terre  que  les  grandes  Aroïdées,  Philodendron  et 
Colocasia. 

Les  bambous  sont  très  beaux  et  variés,  dans  les 
jardins  où  ils  peuvent  recevoir  assez  d'eau  en  été. 

Les  Cycadées  prennent  un  beau  développement  et 
beaucoup  donneraient  des  graines  si  on  avait  soin 
d'assurer  la  fécondation,  mais  le  plus  souvent  chaque 
espèce  n'est  représentée  que  par  un  sexe. 

Les  Conifères  des  contrées  chaudes  fournissent 
aux  jardins  algériens  de  magnifiques  sujets  comme 
la  série  des  Ai^aucaria. 


LES  JARDINS.  93 

Les  Podocaiyus,  les  Dammara  viennent  également 
bien  en  pleine  terre  ;  les  Thuya^  Retinospora,  Fre- 
nella  abondent  ;  le  genre  Cyprès  est  loin  d'être  suf- 
fisamment connu  en  Algérie  ;  en  dehors  des  Cyprès 
communs,  on  ne  rencontre  que  de  rares  Cupvessus 
fanehr'is^  Lamherliana^  Lusitanica. 

De  très  beaux  pins,  P.  Pinea^  P.  longifolia^  P,  insi- 
gnis,  P.  canariensis  commencent  à  se  répandre.  Le 
Taxodium  distichum,  qui  vient  très  bien  dans  les  sta- 
tions humides,  est  rare  ;  il  en  est  de  même  des  T.  sem- 
pervirens.  Le  Wellingtonia  giganlea  n'a  pris  un  beau 
développement  qu'au  Djebel  Ouach,  près  de  Cons- 
tantine;  il  est  là  dans  une  station  fraîche  et  élevée, 
en  compagnie  d'une  série  nombreuse  de  Conifères 
])ien  acchmatés. 

Les  arbres  ou  arbustes  d'ornement  qui  impriment 
aux  jardins  algériens  leur  cachet  particulier  sont 
déjà  nombreux  ;  mais  il  deviendrait  bien  difficile  de 
faire  une  énumération,  si  les  amateurs  de  jardins 
étaient  plus  désireux  de  posséder  des  plantes  rares. 

Les  Aurantiacées  sont  presque  toujours  utihsées 
pour  l'ornement  et  le  rapport.  11  en  est  de  même 
du  Né  Hier  du  Japon,  qui  ne  manque  dans  aucun  jardin  ; 
les  Myrtacées  nous  donnent  les  Eucalyptus,  dont 
quelques-uns  sont  dignes  de  figurer  dans  les  jardins 
soignés,  commeV E . polyiant h ema^  Lehmanii^pumcea, 
les  Eugenia,  Jambosa^  Melaleuca,  Calllstemon,  Metro- 
sideros^    Tristania,   Angophora,  Fabricla,    Psidium. 

Les  Araliacées  se  plaisent  beaucoup  dans  les  jar- 
dins algériens  et  y  atteignent  de  grandes  proportion  s; 
beaucoup  d'espèces  d'un  très  bel  effet  sont  encore 
trop  rares. 

Les  Malvncées  contribuent  largement  à  la  dccoi-a- 


94  AGRICULTURE. 


l 


tion  ;lemagiii(ique  Hibiscus  mutabiliSy  avec  ses  mille 
fleurs  changeantes,  provoque  toujours  l'admiration. 
Les  Hibiscus,  AUhœa,  Abutilon^  Lagunaria,  Malva- 
viscus  fleurissent  abondamment  et  atteignent  de 
grandes  dimensions.  Les  formes  arborescentes  de 
cette  famille,  les  Bombacées,  telles  que  les  Chorisia, 
Eriodendron,  Pachira,  se  couvrent  en  automne  de 
grandes  et  belles  fleurs. 

Les  Sterculiacées  sont  surtout  représentées  par 
quelques  plantes,  les  Sterculia  et  le  Drachjchiton 
populneum,  arbre  très  rustique  et  d'un  feuillage  gai. 

Les  Tilleuls  sont  rares,  mais  le  Sparmania  et  les 
Grewia  émaillent  les  jardins  de  jolies  étoiles  blan- 
ches et  lilas.  Un  lin  frutescent,  le  Linum  trigynm,  se 
couvre  de  grandes  fleurs  jaunes  pendant  tout  l'hiver. 

Un  grand  nombre  de  Térébinthacées  pourraient 
contribuer  à  l'ornementation  des  parcs;  on  utilise 
surtout  les  Schinus,  le  Faux  Poivrier  ou  Molle  est 
fort  répandu,  le  Sch.  ierebinthifolia  est  encore  rare  et 
mérite  cependant  d'être  mieux  connu. 

11  serait  bien  long  d'énumérer  les  Légumineuses 
ornementales  qui  ont  trouvé  une  place  dans  nos 
jardins  algériens,  les  genres  :  Mimosa,  Acacia,  Inga, 
Prosopis,  Cesalpinia,  Bauhinia,  Parkinsonia^  Cassia, 
Poinciana,  Erylhrina,  Kennedya,  Dioctœa^  Dalea,  Tem- 
plelonia  fournissent  des  arbres  ou  arbustes  très  flori- 
fères et  fort  appréciés. 

Quant  aux  Rosacées,  elles  brillent  surtout  par 
l'incomparable  genre  Rosier,  qui  trouve,  sur  le  Uttoral 
algérien,  un  climat  éminemment  favorable,  si  on  en 
juge  par  l'ampleur  des  sujets  et  l'abondance  des 
floraisons. 

Citons  encore  les  Apocynées,  les  Solanées,  les  Lau- 


CULTURES  MARAÎCHÈRES.  9S 

rinées,les  Polygalées,  de  nombreuses  Protéacées  qui 
fournissent  de  beaux  spécimens  à  la  flore  des  jar- 
dins. Enfin  dans  les  stations  sèches,  qui  ne  sont  pas 
rares,  les  plantes  grasses  prennent  une  place  im- 
portante. Les  Agave,  Fourcroija,  Aloe,  Cerevs,  Mamil- 
Iciria,  Opuntia,  Phyllocactus^  Kleinia  sempervirens, 
iLcheveria,  Euphorbia,  enfin  les  nombreux  Mésem- 
brianihemum  égaient  les  rochers  et  les  pentes  stériles. 

Les  fleurs  recherchées  en  Algérie  sont  surtout 
celles  qui  fleurissent  en  hiver  et  au  printemps; pen- 
dant l'été,  beaucoup  d'amateurs  de  jardins  émigrent 
en  France,  d'autres  néghgent  les  parterres  qui  de- 
mandent à  ce  moment  des  soins  et  de  l'eau  en 
abondance.  Aussi  les  Anémones,  les  Renoncules,  .la- 
cinthes.  Tubéreuses,  Narcisses,  Freesia,  Gladiolus, 
Iris,  Ixia,  Tritonia,  S  par  axis  pullulent  dans  tous  les 
jardins.  Les  beaux  Canna  commencent  à  se  répandre, 
ils  auront  bientôt  pris  une  place  importante,  car  ils 
ne  gèlent  pas  et  forment  d'énormes  touffes.  Les 
Chrysanthèmes  sont  aussi  recherchés  depuis  peu. 
Les  Orchidées  sont  encore  à  peu  près  inconnues; 
des  essais  timides  permettent  cependant  d'espérer 
que  la  culture  n'en  serait  pas  difficile. 

Cultures  maraîchères.  —  La  culture  maraîchère 
n'existe  qu'autour  des  grandes  villes;  les  colons  et 
même  les  grandes  exploitations  néghgent  souvent  le 
jardin  potager,  pour  des  causes  multiples  dont  la 
principale  est  l'insécurité,  les  maraudeurs  opérant 
presque  toujours  la  récolte  des  fruits  ou  des  légumes 
avant  maturité  complète.  Sur  le  Uttoral,  la  culture 
maraîchère  vise  principalement  l'exportation.  Tous 
les  légumes  de  France  sont  cultivés  avec  succès.  Les 
artichauts,  pommes   de  terre,  haricots^  petits  pois 


96      :  AGRICULTURE. 

font  l'objet  d'une  exportation  considérable  pendant 
tout  l'hiver. 

Dans  les  jardins  maraîchers  du  littoral,  les  cultures 
se  succèdent  sans  interruption,  grâce  à  d'abondantes 
fumures  et  à  l'eau  qui  ne  fait  pas  défaut,  aussi  un 
hectare  de  jardin  est  le  plus  souvent  loué  plus 
de  1000  francs  à  un  maraîcher  qui  y  vit  avec  sa 
famille.  Quelques  légumes  sont  faits  en  grande  cul- 
ture, comme  les  artichauts  ;  mais  d'un  autre  côté  la 
pomme  de  terre,  pour  la  consommation  locale,  n'est 
pas  produite  en  quantité  suffisante  et  une  importation 
considérable  vient  suppléer  à  ce  défaut.  Les  Indi- 
gènes ne  connaissent  encore  que  fort  peu  cette  cul- 
ture, qui  leur  rendrait  de  grands  services. 

La  Patate  est  assez  largement  cultivée  et  fournit 
un  aliment  très  sain  et  à  très  bas  prix. 

Les  Melons  qui  ont  été  longtemps  importés 
d'Espagne  viennent  sans  aucun  soin  ainsi  que  les 
Pastèques.  Une  Cucurbitacée,  encore  peu  connue,  est 
mûre  en  plein  hiver,  c'est  la  Chayotte,  très  estimée 
au  Mexique  et  à  la  Martinique.  Ce  légume  com- 
mence à  entrer  dans  la  consommation  algérienne  et 
pourra  être  hvré  en  grande  abondance  et  à  bas  prix 
aux  Halles  de  Paris,  le  jour  où  les  Parisiens  le  con- 
naîtront. 

Les  Piments  sont  l'objet  de  cultures  importantes; 
les  gros  piments  doux  sont,  aujourd'hui,  consommés 
par  les  Européens  comme  par  les  Indigènes.  La 
Tomate  produit  énormément  pendant  tout  l'été,  elle 
pourrait  être  faite  en  grande  culture  pour  la  prépa- 
ration de  conserves. 

\J Hibiscus  esculentus  ou  Gombo  est  une  malvacée 
assez  répandue  dans  les  cultures  indigènes   oi^i  le 


! 


LE   TABAC.  97 

fruit,  incomplètement  mûr,  est  cueilli  et  employé 
généralement  comme  condiment  ;  c'est  un  produit 
mucilagineux  très  agréable,  mais  qui  n'est  recherché 
que  par  les  populations  arabes  ou  israéUtes  ;  il  en  est 
de  même  des  fruits  jeunes  de  Lagenaria. 

Cultures  industrielles  et  arboriculture  fores- 
tière. —  Le  Tabac.  —  La  culture  du  Tabac  est  déjà 
ancienne  dans   certaines  parties  de  la  Mauritanie. 

Les  Indigènes  avaient  limité  cette  culture  à  des 
terrains  très  favorables,  siUreux  et  potassiques, 
enrichis  en  azote  par  une  fumure  intense  résultant 
de  parcs  à  bestiaux  ;  ils  avaient  reçu  d'Orient  des 
tabacs  fins  du  type  des  Samsoun  ;  dans  ces  conditions, 
leur  produit  était  de  très  bonne  quaHté.  Encouragés 
par  cette  culture  traditionnelle  des  Arabes,  dès  1843 
les  colons  firent  quelques  essais  de  culture  de  tabacs 
et  l'État  organisa  la  Mission  des  Tabacs  qui  devait 
guider  les  colons  dans  leurs  tentatives  et  acheter 
pour  les  manufactures  les  produits  utiUsables.  Dix 
ans  après,  la  Mission  des  Tabacs  achetait  2  milUons 
de  kilogrammes  de  tabacs.  Depuis  cette  époque, 
l'administration  achète  environ  3  milUons  de  kilo- 
grammes de  tabacs  algériens. 

C'est  vers  1859  que  cette  culture  parait  avoir 
atteint  son  apogée,  et  les  bénéfices  importants  réa- 
hsés  ont  beaucoup  contribué  au  développement  de 
la  colonisation  algérienne.  L'extension  rapide  de  la 
culture  du  tabac  devait  avoir  quelques  inconvénients, 
la  quaUté  laissait  de  plus  en  plus  à  désirer.  Les 
tabacs  cultivés  à  l'irrigation  dans  les  plaines  souvent 
très  chlorurées,  comme  dans  l'Oranie,  deviennent 
grossiers  et  incombustibles.  L'administration  dut 
réagir,  baisser  ses  prix  d'achat  et  refuser  beaucoup 
Battandieh  et  Trabut,  —  Algérie.  7 


98  AGRICULTURE. 


ij 


de  produits  défectueux.  Les  tabacs  algériens  jugés 
très  bons  au  début  perdirent  leur  réputation,  et,  par 
suite  de  ces  généralisations  qui  sont  si  fréquentes,  | 
on   déclara   officiellement  que  les  tabacs  algériens 
étaient  incombustibles. 

La  Kabylie  devait  relever  cette  culture  en  livrant 
des  tabacs  d'une  qualité  supérieure  également  re- 
cberchés  par  le  commerce  et  par  l'administration. 

Pendant  les  premières  années  de  la  culture  du 
tabac,  un  grand  nombre  de  races  furent  importées, 
beaucoup  ont  disparu  et  l'on  ne  retrouve  aujourd'hui 
que  les  types  du  Paraguay  avec  des  inflorescences 
basses  très  denses  en  corymbe,  un  grand  nombre  de 
feuilles,  d'un  contour  assez  variable,  tantôt  à  grosse 
côte,  étroites,  très  pointues,  tantôt,  chez  les  rares 
planteurs  qui  ont  attentivement  choisi  leurs  porte- 
graines,  à  feuilles  larges,  à  nervures  bien  réguUères 
et  divergentes. 

La  culture  du  tabac  est  en  Algérie  susceptible  de 
recevoir  quelques  améliorations  importantes,  qui 
devront  porter  sur  le  choix  des  terrains,  les  soins 
culturaux,  le  choix  judicieux  des  variétés.  Cette  cul- 
ture nécessite  beaucoup  de  main-d'œuvre,  ce  qui 
a  porté  la  générahté  des  planteurs  à  prendre  des 
fermiers  indigènes,  qui,  moyennant  la  moitié  de  la 
récolte,  font  les  travaux  qui  se  répartissent  entre 
tous  les  membres  de  la  famille,  car  ce  sont  les 
femmes  et  les  enfants  qui  font  la  cueillette,  l'enfilage, 
le  séchage  et  le  manoquage  des  feuilles. 

Les  bons  tabacs  d'Algérie  se  caractérisent  par  un 
arôme  doux,  qui  les  classe  dans  la  catégorie  de  ceux 
du  Levant.  Les  cigares  et  surtout  les  cigarettes  algé- 
'riennes  plaisent  et  seraient  facilement  adoptées  par 


PLANTES  TEXTILES.  99 

tout  un  public  qui  les  apprécie,  en  raison  de  la  dou- 
ceur de  leur  arôme. 

Si  les  colons  arrivent  à  produire  couramment  un 
tabac  lin,  léger  et  aromatique,  brûlant  bien,  ils  par- 
viendront ainsi  à  décider  la  Métropole  à  réduire  ses 
achats  à  l'étranger,  pour  les  augmenter  en  Algérie. 

Le  commerce  algérien  fait  aussi  de  très  importants 
achats  à  l'étranger  pour  la  fabrication  locale;  des 
droits  élevés  à  l'entrée  obligeraient  les  fabricants  à 
rechercher  les  bons  tabacs  algériens  et  à  les  payer 
un  prix  rémunérateur  ;  mais  d'un  autre  côté  il  con- 
viendrait de  protéger  aussi  les  fabricants  contre  l'im- 
portation des  tabacs  manufacturés  à  l'étranger, 
qui  ne  sont  pas  frappés  d'un  droit  suffisamment  élevé. 

Le  tabac  à  priser  n'est  cultivé  que  par  les  Indi- 
gènes, ils  ont  pour  cet  usage  une  variété  de  Nico- 
liana  rustica  ou  tabac  à  fleur  jaune,  qu'ils  cultivent 
jusque  dans  les  oasis  du  Souf. 

Plantes  textiles.  —  11  est  probable  que  l'Algérie 
produira  un  jour  des  textiles  ;  mais  jusqu'à  ce  jour 
aucun  essai  n'a  pu  aboutir  et  aucune  plante  textile 
n'est  cultivée. 

Le  Lin  vient  très  bien,  mais  les  difficultés  du 
rouissage  y  ont  fait  renoncer.  La  Ramie  a  fait  aussi 
naître  quelques  espérances  ;  mais  aujourd'hui  on  ne 
croit  plus  à  l'ortie  de  Chine. 

Les  Agaves  n'ont  pas  encore  été  sérieusement 
expérimentés  ;  les  espèces  textiles,  comme  V Agave 
sisaliana  et  d'autres  du  Yucatan  et  des  Bahama,  sont 
d'introduction  récente.  La  plupart  des  Agaves  pren- 
nent un  rapide  développement  sous  le  cUmat  du  Utto- 
ral  africain,  peut-être  sera-t-il  possible  de  réserver  un^ 
jour  quelques  coteaux  secs  à  ces  textiles  trè^^^^^^SS/ta^ 

BIBLÏOTHECA 


JOO  AGRICULTURE. 

Le  Juie  croît,  mais  dans  de  bonnes  terres  bien  irri- 
guées et  le  bas  prix  de  cette  matière  textile  n'engage 
pas  les  cultivateurs. 

Les  Hibiscus  textiles  et  les  Sida  prennent  aussi  un 
grand  développement  ;  mais  aucune  culture  en  grand 
n'a  encore  permis  de  déterminer  la  valeur  de  ces 
plantes  au  point  de  vue  agricole. 

Le  Cotonnier  est  mieux  connu.  Dès  1830,  la  culture 
du  Cotonnier  fut  tentée  en  Algérie,  ces  essais  eurent 
lieu  par  l'initiative  de  l'administration,  des  graines 
furent  délivrées  gratuitement,  et  l'État  achetait  au 
planteur  ses  produits  à  des  prix  fixés  d'avance  selon 
la  qualité.  M.  Hardy,  directeur  du  Jardin  d'essai, 
rédigeait  des  instructions  sur  cette  culture.  Ainsi 
dirigés  et  favorisés,  ces  essais  se  généralisèrent  et, 
lorsque  survint  la  guerre  d'Amérique,  la  hausse  con- 
sidérable des  prix  des  cotons  décida  propriétaires  et 
fermiers  à  entreprendre  cette  culture.  Toutes  les 
terres  irrigables  furent  plantées  de  coton  et  l'on  fit 
même  des  cotons  au  sec  dans  les  terres  fraîches 
et  profondes.  L'hectare  arrosé  se  louait  jusqu'à 
400  francs  et  donnait  un  produit  de  2  000  à 
2  500  francs. 

Le  coton  généralement  cultivé  fut  le  Géorgie  longue 
soie;  sur  bien  des  points,  les  cotonniers  persistaient 
deux  et  trois  ans  et  fournissaient  de  très  beaux  pro- 
duits très  remarqués  dans  toutes  les  expositions. 

A  partir  de  1803,  le  prix  du  coton  commença  à 
baisser;  en  1866  les  sauterelles,  la  sécheresse  rédui- 
sirent la  récolte;  en  1867,  finit  la  guerre  de  Sécession 
et  d'un  couples  prix  tombèrent  de  230  à  90  et  75  francs 
les  100  kilos.  En  1868,  on  ne  planta  guère  ;  la  culture 
du  coton,  (jui  avait  en^brassé  plus  de  4 000  hectares, 


PLANTES  TEXTILES.  101 

tomba  à  1  800,  portant  généralement  sur  des  coton- 
niers de  seconde  année  ;  mais  à  la  fin  de  18G8,  les 
prix  remontèrent  à  125  et  150  francs;  aussi  en  18G9, 
:  le  coton  occupait  3  000  hectares  dans  la  région  du 
'  Sig-,  de  l'Habra  et  de  Relizane.   Les   prix  de  cette 
année  furent    désastreux,    les    cotons    avaient    été 
;  négligés,  la  qualité  fut  médiocre.  En  l'absence  d'un 
'  cours  régulier  du  prix,  les  achats  devinrent  le  mono- 
^  pôle  de  deux  ou  trois  maisons  qui  abusèrent  de  la 
situation  et    s'enrichirent  en  ruinant  de  nombreux 
f  cultiA^ateurs  pressés  de  réaliser. 
'      Depuis  1870,  la  culture  du  coton  est  abandonnée; 
'  mais  le  souvenir  des  beaux  produits  obtenus  pen- 
!  dant  vingt  ans  est  encore  présent  à  la  mémoire  des 
anciens  colons. 

Quand  l'aménagement  des  eaux  sera  plus  avancé, 
les  cultures  industrielles  s'imposeront  et  de  nouveau 
il  y  aura  lieu  de  rechercher  une  surface  importante 
à  consacrer  chaque  année  au  coton. 

De  même  que  l'Indigène  s'est  mis  à  la  culture  du 
tabac  qui  avant  notre  occupation  était  limitée  à  quel- 
ques hectares,  de  même  il  se  mettra  à  toute  culture 
demandant  une  main-d'œuvre  facile  comme  celle 
du  coton.  La  rapidité  avec  laquelle  la  Russie  a  im- 
planté la  culture  du  coton  dans  le  Turkestan  et  le 
Caucase  doit  nous  servir  d'exemple .  Dans  ces  régions, 
il  a  fallu  se  limiter  au  coton  Upland^  Gossi/piumliir- 
sulum,  le  Sea  Island  [G.  Barbadense)  n'arrivant  pas  à 
complète  maturité  comme  en  Algérie. 

Le  Uttoral,  les  plaines  de  l'Oranie  et  du  Cheliff, 
faciles  à  arroser;  à  Bône,  la  plaine  de  la  Seybouse 
qui  un  jour  sera  en  partie  irrigable,  conviennent  à  la 
culture  du  coton.  Dans  le  Sud  constantinois,  d'im- 


102  AGRICULTURE.  - 

menses  surfaces  pourront  aussi,  dans  un  avenir  plus 
ou  moins  éloigné,  être  consacrées  au  coton  et  la 
France  aura  alors  à  proximité  une  matière  première 
qu'elle  ne  peut  produire  et  qu'il  faut  aller  demander 
à  des  pays  lointains. 

Plantes  pour  la  parfumerie.  —  La  culture  du 
Géranium  est  déjà  ancienne  en  Algérie;  de  grandes 
distilleries,  comme  celles  de  MM.  Chiris  et  Gros  à 
Boufarik,  produisent  plus  de  2  000  kilos  d'essence. 
L'Eucalyptus  globulus  est  aussi  depuis  quelques 
années  recherché  par  les  distillateurs,  qui  produisent 
2  à  3000  kilos  d'essence  par  an. 

On  distille  encore  une  Menthe  sauvage  [Mentha 
Pulegium)  et  l'on  extrait  le  parfum  de  la  cassie 
[A cacia  Farnesiana).  Plus  de  20  000  kilos  de  fleurs  sont 
récoltés  tous  les  ans. 

On  fabrique  en  grande  quantité  de  l'Eau  de  fleur 
d'oranger  ;  plusieurs  industriels  ont  tenté  la  pro  duction 
des  essences  de  citron,  de  bergamotte  et  de  bigarrade. 

L'Iris  de  Florence  viendrait  bien. 

Plantes  tannifères.  —  Les  végétaux  riches  en 
tanin  abondent  en  Algérie.  On  exploite  principale- 
ment le  Chêne  kermès  {Quercus  coccifera),  dont 
l'écorce  des  racines  est  l'objet  d'un  commerce  impor- 
tant. Le  Chêne-liège  donne  aussi  un  tanin  très  actif 
et  abondant.  Cette  exploitation  est  Limitée  aux  arbres, 
qui  dépérissent  et  qui  sont  impropres  à  la  production 
du  liège.  Le  Chêne  vert  [Q.  ilex)  est  aussi  l'objet  de 
quelques  exploitations,  mais  le  plus  souvent  clan- 
destines. 

L'exploitation  réguUère  de  ces  différents  chênes 
pourrait  constituer  un  gros  revenu  ;  mais  l'adminis- 
tration forestière,  craignant  des  abus  de  la  part  des 


PLANTES   TANNIFÈHES.  ioa 

exploitants,  cherche  le  plus  possible  à  éviter  la  mise 
en  exploitation,  pour  le  tanin,  des  forêts  ou  brous- 
sailles qui  sont  soumises  au  régime  forestier .  D'autres 
végétaux  sont  exploités  par  les  Indigènes  pour  leur 
usage,  tels  que  la  partie  sèche  et  crevassée  de 
l'écorce  du  Pin  d'Alep,  enfin  les  écorces  des  Chênes 
Zen  et  Afarès  non  utihsées  sont  aussi  riches  que 
celles  du  chêne  Rouvre  de  France. 

En  dehors  de  cette  production  naturelle,  beaucoup 
de  plantes  tanifères  sont  susceptibles  de  culture  en 
Algérie. 

Les  Wattle  ou  Acacia  australiens  ont  été  préconisés 
depuis  longtemps,  on  a  successivement  essayé  les 
Acacia  leiophylla  et  cyanophylla  sans  beaucoup  de 
persévérance,  puis,  dans  ces  dernières  années,  le 
D''  BourUer  s'est  efforcé  de  fixer  les  règles  d'une  exploi- 
tation de  r Acacia  pycnanlha  en  faisant  dans  les  va- 
riétés de  cette  Mimosée  un  choix  Judicieux  de  celles 
qui  constamment  se  montrent  plus  riches  en  tanin. 
Le  D'"  Bourlier  obtient  en  sept  ans  des  écorces  dosant 
30  à  35  p.  100  de  tanin  et  à  raison  de  15  à  20  tonnes 
à  Theclare.  h' Acacia  pycnanlha  produit  aussi  une 
quantité  considérable  de  gomme  médiocre. 

V Acacia  decuiTens  est  encore  un  bon  Acacia  à 
tanin,  mais  en  Algérie  il  paraît  moins  résistant 
que  le  Pycnanlha.  Des  essais  seraient  cependant  à 
faire,  notamment  dans  le  Uttoralde  l'est,  à  Phihppe- 
ville  et  à  Bune. 

Un  autre  arbre  propre  à  effectuer  des  reboisements 
dans  les  coteaux  secs  est  le  Chêne  Yelani  {Quercus 
œgilops),  dont  la  cupule,  connue  sous  le  nom  de  va- 
lonces  ou  gallon  du  Levant^  riche  en  acide  galUque, 
fait  l'objet  d'un  commerce  important  en  Asie  Mineure 


104  AGRICULTURE. 

et  dans r Archipel.  Le  gland  du  Chone  Velani  est  gros 
et  doux. 

Enfin  ces  dernières  années  le  service  botanique 
du  gouvernement  de  FAlgérie  a  introduit  la  Ganaigre 
ou  Patience  à  tanin,  Rumex  hymenosepalus,  qui  parait 
facile  à  cultiver  en  Algérie.  Ce  Rumex  végète  vigou- 
reusement pendant  toute  la  saison  des  pluies  et 
entre  en  repos  à  la  saison  sèche  ;  il  porte  d'énormes 
racines,  qui  contiennent  des  quantités  considérables 
d'un  excellent  tanin  très  apprécié  en  Amérique,  où 
il  existe  déjà  des  usines  pour  son  extraction  sous 
forme  d'extrait  iluide. 

Le  Savonnier  ou  Sapindus  util'is  est  une  des  plus 
intéressantes  plantes  industrielles  de  l'Algérie.  Cet 
arbre,  introduit  en  1845  au  Jardin  d'essai,  y  a  donné 
depuis  quarante  ans  d'abondantes  récoltes  d'un 
fruit  dont  la  coque  contient  environ  37  p.  100  de 
Saponine.  Au  prix  actuel  de  cette  matière,  certains 
arbres  portent  tous  les  ans  pour  100  francs  de  fruits. 
Le  Savonnier  se  multiplie  très  facilement  de  boutures 
et  croît  rapidement  dans  les  stations  un  peu  abritées 
du  Uttoral.  Son  bois  est  aussi  d'un  grain  fin  et  serré 
et  propre  à  l'ébénisterie.  Depuis  deux  ans,  quelques 
plantations  importantes  ont  été  effectuées;  mais  elles 
seront  loin  de  suffire  aux  demandes  des  commer- 
çants qui  importent  le  Sapindus  de  l'Inde  à  un  prix 
assez  élevé. 

Parmi  les  plantes  industrielles  trop  négligées  en 
Algérie,  il  convient  de  citer  le  Sorgho  à  balais  et 
principalement  la  variété  dite  Sorgho  d'Italie,  qui 
n'est  pas  cultivée  avec  beaucoup  de  succès  en 
France.  Un  hectare  peut  produire  1500  kilos  de 
paille  d'une  valeur  de  21  à  30  francs  et  50  hectoUtres 


EUCALYPTUS.  105 

de  graines.  L'Italie  importe  en  France  pour  plus 
d'un  million  de  balais;  il  serait  facile  à  l'Algérie 
de  fournir  ce  produit,  qui  est  à  tort  demandé  à 
l'étranger. 

La  Chicorée  à  café  peut  aussi  être  facilement  cul- 
tivée en  Algérie  et  notre  produit  viendrait  en  déduc- 
tion des  30  millions  de  kilogrammes  de  chicorée 
sèche,  que  nous  payons  chaque  année  à  la  Belgique 
et  à  l'Allemagne. 

Le  Safran  n'est  pas  cultivé  en  Algérie,  bien  à  tort. 
Cette  culture  devrait  être  introduite  chez  les  Indi- 
gènes, qui  dans  certaines  contrées  pourraient  s'y 
livrer  avec  succès,  elle  pourrait  aussi  être  effectuée 
comme  celle  du  tabac  chez  les  colons  par  la  main- 
d'œuvre  de  la  famille  indigène.  Quelques  essais  ont 
démontré  que  le  safran  se  développait  très  bien 
sous  notre  climat  ;  mais  ces  tentatives  timides  n'ont 
pas  encore  pu  convaincre  un  seul  colon,  encore 
moins  un  Indigène. 

Eucalyptus.  —  C'est  en  1861  que  M.  Hardy,  le 
distingué  fondateur  du  Jardin  d'essai,  fit  les  premiers 
semis  importants  dC Eucalyptus  globulus;  en  môme 
temps  M.  Cordier  recevait  aussi  de  M.  Ramel  les 
graines  rapportées  d'Australie.  M.  Trottier  devenait, 
bientôt  après,  Tapôtre  de  cette  nouvelle  culture,  il 
avait  la  foi,  il  le  prouva  par  ses  œuvres.  Planteur 
ardent,  il  montra  cet  enthousiasme  qui  pousse  l'opi- 
nion pubhque.  Aussi  pendant  dix  ans  c'est  par  cen- 
taines de  mUle  que  V Eucalyptus  est  planté  et  les 
noms  de  Ramel  et  de  Trottier  sont  dans  toutes  les 
bouches.  L'Eucalyptus  semble  fait  exprès  pour 
l'Algérie  et  s'alhe  à  merveille  avec  VA  gave  et  le 
Figuier  de  Barbarie,  pour  donner  un  cachet  exotique 


106  AGRICULTURE. 

à  tout  le  littoral  où  ces  trois  plantes  ont  acquis  droit 
de  cité  (fîg.  8). 

\u' Eucalyptus^  une  fois  établi  en  Algérie,  on  a  com- 
mencé à  se  préoccuper  des  avantages  que  l'on  pou- 
vait attendre  de  cette  importation  récente. 

Il  fut  bientôt  évident  que  l'on  avait  exagéré  les 
mérites  de  V Eucalyptus,  une  réaction  se  produisit  et 
il  devint  presque  de  bon  ton  de  regarder  V Eucalyptus 
comme  un  arbre  sans  emploi  et  même  nuisible.  Il 
est  certain  qu'il  y  eut  des  déceptions,  le  bois  du  glo- 
bulus  est  difficile  à  employer,  il  est  sujet  à  se  déjeter, 
à  se  fendre  par  suite  de  retrait;  il  est  très  dur  et  peu 
commode  à  mettre  en  œuvre  quand  il  est  sec. 

Actuellement,  en  raison  du  grand  nombre  d'Euca- 
lyptus disponibles,  beaucoup  de  colons  se  sont  ingé- 
niés à  en  tirer  parti  et  l'on  peut  déjà  constater  que 
V Eucalyptus  rend  de  réels  services  à  ceux  qui  savent 
lui  demander  ce  qu'il  peut  donner.  Quand  des  essais 
plus  nombreux,  et  portant  sur  les  diverses  espèces 
déjà  répandues,  auront  été  poursuivis,  de  nouvelles 
plantations  seront  certainement  faites. 

Le  genre  Eucalyptus  comprend  en  effet  plus  de  cent 
vingt  espèces  bien  caractérisées.  Un  grand  nombre 
sont  déjà  cultivées  dans  les  collections  algériennes, 
notamment  dans  le  domaine  de  M.  Cordier  à  Maison- 
Carrée,  011  l'on  trouve  des  spécimens  de  trente  ans 
provenant  des  premières  graines  envoyées  d'Australie 
par  le  baron  Von  Miiller. 

Ces  Eucalyptus  ainsi  groupés  se  sont  croisés  et  il 
existe  déjà  un  assez  grand  nombre  d'hybrides  qui  pa- 
raissent des  arbres  très  intéressants  et  susceptibles  de 
donner  des  résultats  pratiques.  L'Eucalyptus  Rame- 
liana  ïrab.  est  un  hybride  de  VE.  botryoides  et  de  VE. 


EUCÂIAPTUS. 


107 


CL, 

'cti 


o 


108  AGRICULTURE. 

roslrata^  qui  a  la  résistance  du  lled-Gum  ou  rostrata^ 
mais  un  feuillage  plus  ample  et  une  meilleure  tenue. 

Ces  hybrides  sont  fertiles,  les  nombreuses  varia- 
tions qui  se  produiront  par  ces  crois'ements  facili- 
teront probablement  l'adaptation  de  quelques 
bonnes  races  sur  le  littoral  algérien. 

On  ne  peut  encore  préciser  les  usages  du  bois  des 
différents  Eucalyptus  introduits  en  Algérie.  L'expé- 
rience sera  longue,  car  beaucoup  d'espèces  ne  sont 
représentées  que  par  un  petit  nombre  de  spécimens. 

Le  Red-Gum(^.  rosirata),  qui  est  actuellement  pré- 
féré au  globulus,  est  estimé  comme  bois,  en  Australie, 
où  on  l'emploie  couramment  pour  le  charronnage,  le 
paA^age,  les  pilotis,  les  poteaux.  Sir  Richard  Speight, 
président  delà  commission  des  chemins  de  fer,  a  éta- 
bli que  le  bois  de  Red-Gum,  de  même  que  celui  des 
Eucalyptus  kemiphloia  et  leucoxylon  ont  été  trouvés 
les  meilleurs  pour  les  travaux  de  chemins  de  fer. 

Parmi  les  espèces  d'un  véritable  intérêt  pour  l'Al- 
gérie, il  convient  de  citer  E .  cornuta,  E.  viminalis, 
E.  leucoxylon,  E .  gomphocephala,  E.  diversicolor  ou 
colossea^  E.  corynocalyx,  E.  rudis,  E,  amygdalina^ 
E.  polyanthema.,  E .  maculata. 

Les  àiiïérenls  Eucalyptus  ont  tous  quelques  mérites 
qui  les  rendent  utiles  dans  une  exploitation  rurale; 
quelques-uns  pourraient  fournir  des  traverses  de  che- 
min de  fer,  des  poteaux  télégraphiques  et  des  pavés 
en  bois.  Les  Eucalyptus  sont  très  florifères  et  con- 
tribuent pour  une  large  part  à  l'entretien  des  ruchers 
pendant  les  saisons  pauvres  en  fleurs. 

La  distillation  des  feuilles  d'Eucalyptus  globulus  a 
pris  une  assez  grande  importance  depuis  quelques 
années  et  un  des  premiers  massifs  plantés  par  M .  Trot- 


CHAMPIGNONS.  109 

tier  alimente  au  Fondouk  une  distillerie  qui  produit 
de  20  à  40  litres  d'essence  par  jour. 

Au  point  de  vue  de  l'hygiène,  les  bouquets  à' Eu- 
calyptus autour  des  fermes  tempèrent  la  chaleur, 
donnent  un  abri  précieux  aux  gens  et  aux  bètes;  un 
lideau  à'Eucalyptus  placé  entre  un  foyer  de  malaria 
et  des  habitations  peut  aussi  s'opposer  à  la  diffusion 
du  poison  tellurique.  V Eucalyptus  a  donc  contribué 
à  l'assainissement  des  territoires  colonisés. 

Champignons.  —  Dans  le  Tell,  la  flore  mycolo- 
gique  ne  présente  pas  un  caractère  bien  particulier;  ce 
sont  les  espèces  de  l'Europe  qui  dominent  ;  les  espèces 
comestibles  et  vénéneuses  sont  les  mêmes  que  dans 
le  midi  de  la  France.  Sur  les  marchés,  on  trouve  en 
abondance  l'Agaric  champêtre  et  quelques  formes 
voisines  :1e  Lactaire  déUcieux  ou  Sanguin,  le  Pleurote 
de  la  Férule  qui  est  identique  à  l'Oreille  de  chardon,  la 
grande  Lépiote,  enfin  plus  rarement  l'Oronge  ovoïde, 
quelques  Tricholoma,  le  Bolet  granulé,  le  Cep, 
l'Hydne,  quelques  Clavaires. 

Les  empoisonnements,  qui  ne  sont  pas  très  rares, 
sont  causés  par  les  Ammanites  phalloïde  et  bulbeuse. 
Ces  deux  espèces,  assez  fréquentes  dans  les  stations 
fraîches,  sont  confondues  avec  l'Ammanite  ovoïde. 

Dans  les  steppes  à  Hélianthèmes  qui  s'étendent 
jusque  dans  le  Sahara,  les  Indigènes  récoltent  en 
abondance  les  Terfôs,  sorte  de  grosses  truffes  qui 
entrent  couramment  pour  une  part  importante  dans 
l'aUmentation  des  Nomades. 

Ces  truffes,  bien  étudiées  dans  ces  derniers  temps 
par  M.  A.  Chatin  (1),  appartiennent  à  deux  genres, 

(1)  A.  Chatin,  La  truffe,  Bota^nique  de  la  truffe  et  des  plantes 
truffières.  P£|,ris,  1892, 


110  AGRICULTURE. 

les  Terfezia,  dont  le  Terfezia  Boudieri  est  l'espèce 
abondante  dans  les  hauts  plateaux,  et  les  Tirmania 
[T.  Camboni  et  T.  africana)^  qui  se  rencontrent  dans 
le  Sahara  proprement  dit  après  les  pluies  d'automne. 

Daas  la  région  montagneuse  très  boisée  en  chênes, 
on  n'a  pas  jusqu'ici  trouvé  un  Tuber  ou  une  truffe 
vraie.  Ce  fait  est  assez  curieux,  car  ce  genre  est  bien 
représenté  en  Kspagne  et  en  Italie. 

Dans  les  sables  désertiques,  on  rencontre  après 
les  pluies  quelques  Gastéromycètes  remarquables, 
comme  les  Gyrofihragmium  ,  Secotium ,  Tylostoma, 
Podaxon^  Xylopodium,  Phellorina. 

Sériciculture.  —  La  sériciculture  fut  implantée 
de  bonne  heure  en  Algérie.  Dès  1843,  d'importants 
essais  étaient  faits  sous  l'habile  direction  de  M.  Hardy, 
à  la  Pépinière  centrale,  deA^enue  le  Jardin  d'essai. 
Aa^cc  l'excellent  esprit  d'observation  et  le  zèle  qu'on 
lui  connaît,  M.  Hardy  établit  en  quelques  années  les 
bases  de  l'industrie  séricicole  en  Algérie.  Des  encou- 
ragements administratifs  provoquèrent  la  plantation 
d'une  grande  quantité  de  mûriers  et  l'on  put  croire 
un  moment  à  l'installation  définitive  de  la  séricicul- 
ture sous  un  climat  qui  lui  est  très  favorable. 

Mais  soit  insuccès  de  quelques  essais,  soit  rareté  de 
la  main-d'œuvre, soitabaissement  desprix,  soit  exten- 
sion des  maladies  des  vers,  nous  voyons  les  colons 
abandonner  l'éducation  des  vers  à  soie,  pour  s'adon- 
ner à  d'autres  cultures  en  apparence  plus  lucra- 
tives. 

Cette  question  est  à  reprendre,  il  faut  d'abord  dé- 
truire un  préjugé  bien  établi,  en  démontrant  que  le 
prix  de  revient  du  kilogramme  de  cocons  n'est  pas 
aussi  élevé  qu'on  le  croit  généralement. 


I 


CHAPITRE  lY 
LA    STEPPE 

La  véritable  steppe  algérienne  se  confond  avec 
les  grands  peuplements  d'Alfa,  connus  dans  le  public 
sous  le  nom  de  «  Mer  d'Alfa  ».  Elle  occupe  de  vastes 
plateaux  entre  le  Tell  et  le  bourrelet  saharien  élevés 
de  900  à  1  300  mètres.  Sur  ces  vastes  espaces,  on 
ne  voit  guère  d'accidents  du  sol,  pourtant  une  mince 
arête  (Djebel  Amrag,  Djebel  Antar),  les  traverse  sur 
une  soixantaine  de  kilomètres.  Çà  et  là,  quelques 
petites  collines  insignifiantes.  Près  du  bourrelet 
saharien,  on  rencontre  quelque  mont  pittoresque  ou 
quelques  rochers  ruiniformes;  mais,  pendant  des 
centaines  de  kilomètres,  on  ne  voit  pas  une  pierre, 
pas  un  rocher,  pas  un  arbre;  ni  vallées,  ni  col- 
hnes  ;  de  simples  ondulations  à  grand  rayon,  avec  de 
faibles  différences  de  niveau.  Ce  que  l'on  y  désigne 
sous  le  nom  d'Oueds  ne  ressemble  en  rien  au  lit 
d'une  rivière.  Ce  sont  des  dépressions  irrégulières, 
plus  continues  et  plus  étroites  que  les  autres,  se 
continuant  jusqu'aux  Chotts.  L'herbe  en  tapisse  le 
fond  et  l'on  n'y  voit  ni  sable,  ni  cailloux,  ni  berges 
à  pic,  ni  eau,  sauf  pendant  les  grandes  pluies.  L'en- 
semble de  la  région  s'incline  insensiblement  vers  les 
Chotts,  vastes  cuvettes  lacustres  oi^i  se  déversent  leurs 
eaux.  Véritables  lacs  sans  profondeur  pendant  les 


112  LA  STEPPE. 

pluies,  les  Ghotts  se  dessèchent  presque  totalement 
en  été,  sauf  dans  quelques  bas-fonds  marécageux.  Ils 
se  recouvrent  alors  de  cristaux  miroitants  de  gypse 
et  de  sel,  qui,  à  quelque  distance,  le  mirage  aidant, 
donnent  parfaitement  l'illusion  de  l'eau. 

Deux  plantes  couvrent  alternativement  la  steppe 
de  leurs  peuplements  continus,  et  sauf  quelques 
grandes  férules  qui  se  détachent  sur  l'horizon,  frap- 
pent seules  les  regards  du  voyageur;  ce  sont  l'Alfa 
[Macrochloa  tenacissima)  et  le  Chih  [Àrlemisia  Herba 
alba).  Entre  les  deux,  vient  parfois  s'intercaler  une 
bande  plus  ou  moins  large  de  Sparte  {Lygœum  spar- 
ium). 

L'Alfa  couvre  les  reliefs  des  ondulations.  Le  Chih 
au  contraire  occupe  les  dépressions,  le  fond  limo- 
neux des  cuvettes.  Dans  les  séries  d'années  plu- 
vieuses, le  Chih  gagne  sur  l'Alfa,  qui  redoute  les  eaux 
stagnantes  ou  simplement  les  terrains  humides. 
Actuellement  le  Chih  semble  gagner  d'une  manière 
générale,  l'Alfa  étant  affaibli  par  l'exploitation. 

L'Alfa  forme  de  grosses  touffes  irrégulières,  sépa- 
rées par  des  espaces  Ubres  où  poussent  quelques 
plantes  annuelles  pendant  la  saison  des  pluies.  Ces 
espaces  se  creusent  lentement  sous  l'érosion  produite 
parle  ruissellement  bien  faible  et  les  vents.  En  por- 
tant le  regard  à  une  certaine  distance,  on  voit  l'Alfa 
en  couche  continue,  comme  une  immense  prairie 
s'étendant  j  usqu'à  l'horizon .  C'est  la  mer  d'Alfa  (  tig.  9) . 
Comme  en  mer  rien  ne  vient  accidenter  l'horizon  rond 
et  plat  comme  une  assiette.  Il  se  déplace  sans  chan- 
gement à  mesure  qu'on  avance,  à  moins  que  le  mirage 
ne  sème  ce  monotone  lableau  de  lagunes,  de  baies 
qui  reposent  la  vue.  Deux  Uns  à  grandes  fleurs,  l'u^j 


I 


LA  STEPPE. 


il3 


blanc  [Linum  suffruiicosum],  l'autre  bleu  {Linum 
auslriacwn)^  des  hélianlhèmes  blancs  et  roses,  des 
scabieuses,  des  œillets,  une  grande  variété  de  VEnj- 


< 
t3 


simum  yrandiflorum^  VAllium  tautncum^  un  souci 
vivace,  des  nigelles,  des  dauphinelles,  le  Sedum 
altissimum^  etc.,  s'entremêlent  aux  touffes  de  la 
plante. 

Battandier  ot  Trabut.  —  Algérie.  8 


114  LA  STEPPE. 


1 


Pendant  les  longues  traversées  d'un  point  d'eau  à 
un  autre,  il  arrive  de  temps  à  autre  qu'un  lièvre  se 
lève  sous  les  pieds  des  chevaux.  C'est  alors  une  chasse 
à  courre,  où  le  gibier  ne  trouvant  aucun  abri  n'a 
guère  de  chances  d'échapper.  Les  chevaux  du  pays 
ont  si  bien  l'habitude  de  cette  chasse  qu'ils  s'arrêtent 
d'eux-mêmes  dès  qu'ils  ont  atteint  le  lièvre  pour 
donner  au  cavalier  le  temps  de  tirer.  D'autres  fois, 
ce  sont  des  vols  de  gangas  ou  des  outardes,  que  l'on 
dérange,  rarement  des  gazelles  ou  des  antilopes. 

Les  points  d'eau  sont  en  général  des  puits  plus  ou 
moins  profonds,  où  l'on  trouve  de  l'eau  bonne  à  boire  ; 
des  réserves  ou  mares  d'eau  trouble,  où  les  troupeaux 
viennent  boire,  rarement  quelques  petites  sources 
au  voisinage  des  montagnes.  Le  Khreider,  près  du 
chot  Ghergui,  est  un  des  bien  rares  points  où  coule 
une  source  abondante  pouvant  irriguer  de  grands 
jardins.  Sur  bien  des  points,  les  caravanes  doivent 
transporter  à  dos  de  chameau  l'eau  nécessaire  à  leur 
alimentation . 

Sur  le  pourtour  des  Chotts  et  sur  quelques  points 
au  voisinage  des  montagnes  se  forment  des  dunes 
sablonneuses,  où  apparaît  la  flore  des  sables  déser- 
tiques caractérisée  surtout  par  le  Drinn  {Aristida  pun- 
gens). 

Plus  près  des  cuvettes,  se  trouvent  d'abondantes 
Salsolacées,  dont  quelques-unes  envahissent  même 
le  Ut  des  Chotts  pendant  l'été. 

Enfin  certaines  dépressions  un  peu  plus  fraîches 
et  un  peu  plus  profondes  présentent  des  traces  de 
végétation  arborescente  ;  quelques  Betoum  [Pistacia 
ailaniica)  et  quelques  Jujubiers  [Zizyphus  lotus).  A 
part  ces  deux  plantes  et  le  Rétama  sphœrocarpa^  on 


LA   STEPPE.  \V6 

;  ne  trouve  guère  de  végétation  arbustive  dans   la 
steppe. 
Dans  toute  cette  région,  on  ne  voit  comme  habita - 

i  lions  stables  que  les  gares  fortifiées  du  chemin  de 

■  fer  d'Arzew  à  Aïn  Sefra.  Rarement  on  rencontre  un 

'  douar  (agglomération  de  tentes  des  Arabes  pasteurs). 

,  La  steppe  ne  sert  guère  en  efïet  qu'au  parcours  des 

'  moutons  et  des  chameaux. 

Les  moutons  ne  touchent  guère  à  l'Alfa,  mangent 
un  peu    de  Chih,  mais   se   nourrissent  surtout    de 

}  petites  herbes  intercalaires.  De  petites  plantes,  pa- 
raissant bien  insignifiantes,  jouent  un  rôle  considé- 
rable à  ce  point  de  vue,  tels  sont  le  Pianlago  albi- 
cans  et  le  Schismus  margïnalus. 

Ces  immenses  plaines  stériUsées  par  le  manque 
d'eau  n'ont  probablement  pas  toujours  eu  ce  même 
régime  ;  pourtant  on  n'y  trouve  pas  de  fleuves  morts, 
comme  dans  le  Sahara.  Leur  flore  a  bien  l'air  d'une 
flore  en  ruines,  montrait  encore  de  nombreux  ves- 
tiges d'une  flore  plus  boréale  à  travers  lesquels  s'in- 
filtre la  flore  désertique.  Cette  flore  des  steppes 
est  peu  nombreuse  en  espèces,  on  y  distingue  en- 
core beaucoup  de  plantes  d'Europe  :  Androsace 
maxima.  Sideritis  montana,  Taraxacum  officinale^ 
Buffonia  ternit  folia,  Telephium  Imper  ait,  Barkausia 
taraxacifoliGj  Onopordon  acaule,  les  deux  lins  déjà 
cités,  Aster othrix  hispanica,  Artemisia  compestris,  qui 
est  très  répandu  et  très  commun,  Planta  go  albicans, 
Diplotaxis  muralis^  D.  virgata,  Alyssum  granatense, 
A.  campestre^  etc. 

On  trouve  des  restes  encore  plus  caractéristiques 
sur  l'Antar  :  Linum  tenuifollum,  Brassica  Gravinœ, 
Pimpinella     Tragium^    Lactuca    viminea^     Erodium 


H6  LA  STEPPE. 

cheilanthifolium  ;  et  vers  la  source  du  Kreider  :  Sal- 
sola  tragus,  Triselum  valesiacum^  etc. 

La  flore  endémique  de  ces  régions  semble  elle- 
même  formée  des  débris  d'une  flore  passée,  dont  il 
ne  subsiste  que  quelques  épaves,  comme  ces  genres 
monotypes  ou  à  peu  près  :  Cossonia,  Reboudia,  A^ias- 
tatica,  ISotoceras^  Loncho'phora,  Otocarpus^  Muricaria, 
Erucaria^  Sclerocephalus,  Gymnocarpon,  CalUpellis, 
Gaillonia,  Rhetinolepis^  Brocchia^  Anvillxa^  Lasio- 
pogon,  Kœlpmia,  Gymnarrhena^  Tourneuxia^  Echio- 
chilon^  etc. 

Les  familles  les  plus  abondamment  représentées 
dans  cette  flore  sont  certainement  les  Composées  et 
les  Crucifères.  Nous  citerons  parmi  les  plantes  les 
plus  remarquables  :  Delphinium  mauritanicum, 
Nigella  arvensis,  Ranunculus  chœropkyllos^  Cerato-  m 
cephalus  falcatus  ;  divers  A ^/ow «5,  Matthiola  maroccana^ 
tristis^  livida,  oxyceras,  Clypeola  cyclodontea,  Lepi- 
dium  subulatum,  Alijssum  clypeatum  et  macrocalyx, 
Malcolmia  torulosa,  Erucastrum  leucanthum\  divers 
hélianthèmes,  résédas,  Erodium^  Malva,  Fagonia, 
Zygophyllum^  Paronychia,  Herniaria  fruticosa^  ^^^9y- 
rolobium  uniflorum,  Trigonella  polycerata  ;  divers 
Astragalus^  V Acanthyllis  tragacanthoïdes,  dont  raffo- 
lent les  chameaux;  Ononis  augustissima  et  Columnx^ 
Onobrychis  argentea^  Pimpinella  dichotoma,  Deverra 
divers,  Hohenhackeria^  CruciaiiPÂla  patula^  des  Vale- 
rianella,  diverses  scabieuses,  beaucoup  d'Evax  et  de 
Filago,  Anacyclus  valentinus  et  alexandrinus^  Ackil- 
lea  leptophylla  et  santolina^  Chlamydophora^  Aste- 
ynscus,  Leyssera  capUlifolia^  des  Francœuria^  Perral- 
deria^  Pulicaria^  Bellis  microcephala,  Senecio  corono- 
pifoHuSy  quelquesAw^^emis;  divers  Céntaurea^  Amber^ 


i 


LA  STEPPE.  117 

boa^  Atractylis,  Carlina,  Rhanterium^  Picridium^ 
Zollikoferia^  Spitzelia,  Tragopogon^  Scorzonera^  des 
Linaires  ;  Anarrhinum  fruticosum  ;  Echlum  humile, 
Rochelia  stellulata;  Echinospermum  patulum  et  vah- 
lianum;  Arnebia  decumbens;  Nonnœa  micrantha  et 
phaneranthera  ;  Marrubium  Alyssum  ;  Salvia  phlo- 
moides^  lanigera^  œgypliaca  ;  Thymus  algeriensis  ; 
Ajuga  chamœpiiys^  Statice  wgyptiaca,  Bonduelli, 
echioides;  divers  Stipa,  Kœhleria;  Bromus  rubens, 
Triticum  sqiiarrosum  ;  JEgylops  ovata ,  Ephedra 
alata,  etc. 

Dans  la  steppe  limoneuse,  à  Chih,  on  trouve  :  Arte- 
misia  campesiris,  Lygœum^  Peganurrt  harmala,  Nosea 
spinosissima,  Atriplex  Halimus,  Atriplex  paroifolia, 
Orobanche  cernua,  Phelippœa  arenaria  et  plusieurs 
plantes  de  la  steppe  à  Alfa. 

La  flore  des  sables,  relativement  très  riche,  a  pour 
plantes  caractéristiques,  outre  le  Drinn  :  Euphorbia 
Guyoniana,  E.  calyptrata^  cornuta^  Scrophularia 
Saharœ^  Rumex  tingitanus^  Calligonum  comosum, 
Cleome  'arabica,  Ononis  serrata,  Eremobium  lineare, 
Allium  odo?'atissimum,  Orlaya  maritima,  etc. 

La  zone  à  Salsolacées  qui  entoure  les  Chotts 
contient  un  grand  nombre  de  représentants  de  cette 
famille  :  T?'aganum  nudatum,  Svœda  fruticosa  et 
vermiculata^  Salsola  vermiculata,  tetragona^  Anabasis 
arliculata^  Echinopsilon  muricatus,  S  a  lie  or  nia  fruti- 
cosa et  strobilacea,  Halogeton  salivas^  H alopeplis  per- 
foliata^  etc.  ;  diverses  autres  plantes,  telles  que  :Fran- 
kenia  thymifoiia  et  pulverulenta,  Spergularia  marina, 
Zygophyllum  cornutum^  Plantago  marilima,  Statice 
pruinosUf  Juncus  maritimus,  Festuca  fenas,  Glyceria 
distans,  Triticum  orientale,  etc. 


118  LA  STEPPE. 

Le  climat  de  la  steppe  est  sec  et  chaud,  si  l'on  s'en 
tient  aux  moyennes  annuelles,  mais  il  est  sujet  à  de 
grandes  variations.  A  Mecheria,  vers  1400  mètres,  la 
moyenne  de  température  de  l'hiver  a  été  de  1877  à 
1886  de  7°,1  ;  celle  du  printemps  de  13°,  de  l'été  de 
26%  de  l'automne  de  16^6,  et  enfin  celle  de  l'année 
de  16°, 6.  Les  quantités  de  pluie  qui  y  tombent  sont 
encore  assez  mal  connues,  mais  certainement 
faibles.  L"air  y  est  en  général  très  sec.  De  novembre  à 
avril,  le  sol  est  assez  humide  ;  bien  que  très  sec,  l'été, 
il  est  parfois  humecté  par  des  orages  de  pluie  ou  de 
grêle.  La  chaleur  y  dépasse  souvent  40°  à  l'ombre 
l'été;  l'hiver,  les  froids  de  —  8°  à —  12°  n'y  sont  pas 
très  rares.  Les  nuits  y  sont  fraîches,  presque  toute 
l'année.  On  y  éprouve  parfois  des  variations  de  tem- 
pérature de  25  à  30°,  dans  la  même  journée. 

On  sème  parfois  de  l'orge  dans  les  dépressions  à 
Chih  et  cette  culture  réussit  plus  ou  moins  suivant 
les  années.  Il  est  probable  qu'on  obtiendrait  de 
bien  meilleurs  résultats  avec  des  labours  profonds. 

La  steppe  telle  que  nous  venons  de  la  décrire,  la 
mer  d'Alfa,  se  reUe  au  ïell  par  bien  des  intermé- 
diaires. C'est  ainsi  qu'en  allant  de  Saïda,  regardé 
souvent  comme  la  Umite  du  Tell,  on  traverse  les 
vastes  cultures  d'Aïn-el-Hadjar,  occupant  d'anciens 
terrains  forestiers,  depuis  longtemps  dénudés  et  qui 
ne  servaient  naguère  qu'au  parcours  des  moutons. 
Il  existe  ainsi,  à  la  Lisière  des  hauts  plateaux,  une 
zone  élevée   assez  vaste,  très  propre  aux  cultures. 

Après  avoir  traversé  cette  zone,  on  rencontre  de 
grandes  plaines  pierreuses  couvertes  d'un  court  gazon 
formé  surtout  par  le  Poa  bulbosa,  les  yEgylops,  le 
Kœleria  pubescens.  Des  thyms  :  Thymus  lanceolatus, 


LA  STEPPE.  119 

Thymus  algerien.sis,  des  hélianthèmes  :  //.  Fontanesi, 
pilosum^  virgalum^hirtum^  rubeltum^  etc.  VOnobrychis 
argenteŒy  le  Carduncellus  pectinatus,  les  Stipa  parvi- 
flora  et  gigantea^  V Atraclylis  cespitosa^  les  Phlomis 

!  Herba-venii  et  biloba^  le  Passer Ina  virgata^  etc. 
Dans  les  bas-fonds,  le  Galium  tuneianum  forme  par- 

!  fois  un  véritable  tapis.  Cette  zone  cultivable  sur  bien 

I  des  points  se  rattache  aux  terrains  forestiers  par 
des  vestiges  de  broussailles  de  ballottes,  d'oxycèdres, 

'  par  quelques  genêts  rabougris,  et  d'autre  part  passe 
insensiblement  à  la  steppe  à  Alfa.  Elle  est  précieuse 
pour  les  moutons.  Comme  dans  la  steppe,  les  insectes, 
surtout  les  acridiens  et  les  arachnides  :  lycoses,  sol- 
pugides,  etc.,  y  pullulent. 

Ces  mêmes  terrains  courtement  gazonnés,un  peu 
secs,  n'ayant  souvent  qu'une  faible  couche  déterre  vé- 
gétale, où  l'on  rencontre  presque  toujours  VOnobry- 
chis  argentea  et  beaucoup  des  plantes  ci-dessus  énu- 
mérées,  avec  quelques  autres  qui  prédominent  par 
places  :  Acnnthyllis  iragacantlioides^  Ruta  montana^ 
Santollna  squarrosa,  divers  Carduncellus,  etc.,  sont 
très  répandus  dans  la  région  dite  des  Hauts-Plateaux. 
Ils  fournissent  aux  moutons  des  pâturages  bien  plus 
riches  que  la  steppe  à  Alfa  ;  tels  sont  les  plateaux  du 
Sersou. 

Bien  que  la  steppe  soit  surtout  caractérisée  par 
l'Alfa,  celui-ci  s'étend  bien  en  dehors  de  la  steppe, 
dans  la  région  forestière  et  montagneuse,  partout 
où  le  sol  bien  drainé  ne  reçoit  que  des  plaies  peu 
abondantes  (30  à  AO  centimètres). 

D'autre  part  il  est  de  véritables  steppes  sans  Alfa 
ni  Chih,  mais  où  domine  tantôt  une  seule  plante  : 
Peganum    harmala^   Passerma   microphylla   (celle-ci 


120  LA   STEPPE. 


dans  les  dépressions  comme  le  Chih)  ;  tantôt  une 
série  de  Salsolacées  avec  les  grands  Phelippœa  liitea 
et  violacea,  tantôt  des  mélanges  variables  de  plantes  : 
Atractylis  serratuloides,  Rhanterium  adfressum^Zol- 
tikofferia  spinosa^  etc. 

Nous  ne  pouvons  quitter  ces  régions  sans  consa- 
crer quelques  pages  à  TAlfa,  qui  en  est  la  plante  la 
plus  importante  au  point  de  vue  économique,  comme 
au  point  de  vue  botanique. 

L'Alfa.  —  Le  mot  arabe  halfa  est  donné,  suivant 
les  régions,  à  des  graminées  de  steppes  à  feuilles 
résistantes  jonciformes  à  l'état  sec. 

Actuellement  en  français,  ce  mot  a  pris  un  sen  plus 
précis  et  ne  désigne  qu'une  seule  espèce  de  plante  : 
le  Stipa  tenacissima,  L.,  très  répandu  dans  le  sud- 
est  de  TEspagnc,  le  Maroc,  rAlgérie,  la  Tunisie  et  la 
Tripolitaine. 

L'alfa  doit  être  rapproché  comme  plante  écono- 
mique, non  seulement  du  Sennoc  ou  Albardine 
[Lygeum  Spartum)^  avec  lequel  on  le  confond  souvent 
sous  le  nom  de  Sparte,  mais  aussi  du  Dyss  [Ampe- 
lodesmos  tenax). 

Ce  sont  là  trois  Graminées  très  abondantes  dans  le 
Nord-Afrique.  L'une  dans  le  Tell  et  les  montagnes,  le 
Dyss;  les  deux  autres  dans  le  Tell  et  surtout  sur  les 
Hauts-Plateaux  et  le  bourrelet  saharien,  l'alfa  et  le 
Sennoc  ou  Albardine. 

L'alfa  est  une  herbe  vivace  à  rhizome  très  rameux, 
formant  des  souches  d'abord  compactes  homogènes, 
mais  devenant  circulaires  ou  circinées  par  le  dépé- 
rissement des  rameaux  anciens  du  centre.  Les  ra- 
meaux périphériques  qui  dessinent  ainsi  un  cercle, 
s'isolent  à  mesure  qu'ils  s'éloignent  et  deviennent  à 


L'ALFA.  121 

la  longue  l'origine  de  nouvelles  touffes  compactes 
qui  s'é vident  au  centre,  à  leur  tour,  et  forment  de 
nouveaux  cercles  si  la  nature  du  terrain  le  permet. 
La  feuille,  variable  avec  l'âge  et  l'état  de  la  plante, 
a  une  longueur  de  25  à  120  centimètres  et  une 
moyenne  de  50  à  80. centimètres.  Elle  est,  pendant  la 
période  de  végétation,  étalée  d'une  forme  laminaire, 
plane  et  rubanée,  présentant  :  une  face  supérieure 
relevée  de  sept  fortes  nervures,  séparées  par  des 
sillons  profonds  et  toute  couverte  de  villosités,  une 
face  inférieure,  qui  par  un  mouvement  de  torsion 
dans  la  longueur  de  la  feuille  se  trouve  regarder  le 
ciel;  elle  est  unie,  luisante,  dépourvue  de  nervures 
saillantes.  Sous  l'influence  de  la  sécheresse,  les  deux 
moitiés  de  la  feuille  se  rencontrent  et  forment  un 
limbe  dur,  sec,  jonciforme.  La  pointe  est  fine, 
piquante,  légèrement  scabre,  souvent  jaunissante 
(pointe  dorée  des  alfatiers).  Sur  le  vif  et  dans  la 
saison  humide,  la  couleur  des  feuilles  est  d'un  beau 
vert  foncé;  sous  l'influence  de  la  sécheresse  ou  de  la 
dessiccation,  la  teinte  verte  devient  blanchâtre.  Les 
feuilles  de  l'ail  fa  sont  persistantes,  elles  durent  au 
moins  deux  ans,  les  feuilles  âgées  deviennent  la  proie 
des  crygtogames;  cette  désagrégation  commence  par 
la  pointe  et  gagne  finalement  tout  le  brin  ;  ces  feuilles 
noircies  encombrent  les  souches  et  forment  dans 
bien  des  cas  un  véritable  feutrage  gris,  à  travers  le- 
quel émergent  les  jeunes  feuilles  de  l'année.  Habi- 
tuellement les  feuilles  âgées  meurent,  jaunissent  et 
se  désarticulent  au  point  d'union  du  Umbe  avec  la 
gaine.  L'attaque  précoce  des  pointes  par  les  crypto- 
games dépréciant  les  alfas,  on  distingue  avec  soin  : 
V  la  pointe  verte ',^''   ta  pointe  sèche  aiguo  (pointe 


122  LA  STEPPE. 

dorée)   et  3°   la  pointe  grise  et  désagrégée  par  les 
cryptogames. 

L'alfa  a  une  aire  de  dispersion  très  étendue  et  il  y 
a  bien  peu  d'espèces  de  la  flore  méditerranéenne  qui 
l'emportent  par  le  nombre  d'individus  ou  la  surface 
occupée.  Les  stations  de  celte  Graminée  présentent 
quelques  caractères  communs,  mais  bien  des 
variantes.  On  peut  rencontrer  l'alfa  à  des  altitudes 
très  difl'érentes;  il  croit,  en  effet,  au  bord  même  de 
la  mer  et  à  1  800  mètres,  il  vient  sur  le  littoral,  dans 
le  Tell  inférieur,  les  Hauts -Plateaux  (fig.  10)  et  dans 
la  région  désertique. 

Souvent  l'alfa  recouvre  des  mamelons,  dont  il 
constitue  la  végétation  principale,  abritant  une  flore 
bien  caractérisée  d'humbles  herbes  qui  passent 
presque  inaperçues.  Sur  d'autres  points,  l'alfa 
vient  sous  bois,  c'est  alors  dans  les  forêts,  souvent 
de  pins,  de  chêne  vert  [Q.  ilex)  et  de  CalUtris  [Thuid], 
qu'on  le  rencontre  surtout.  Dans  la  région  désertique, 
au  sud-est  de  Laghouat,  au  sud  de  Tripoli,  par 
exemple,  sur  des  plateaux  pierreux,  l'alfa  trouve 
encore  les  conditions  nécessaires  à  son  dévelop- 
pement. 

Le  sol  argileux  des  dépressions  ne  convient  pas  à 
l'alfa,  son  terrain  préféré  paraît  être  un  sol  léger, 
formé  de  siUce  avec  un  peu  d'argile  et  recouvert  de 
menues  pierrailles  calcaires.  Malgré  ce  tempérament 
rustique,  il  s'en  faut  de  beaucoup  que  l'alfa  occupe 
toute  la  région  des  Hauts-Plateaux  que  l'on  consi- 
dère comme  son  domaine.  De  vastes  surfaces  sont 
couvertes  par  quelques  plantes  qui  semblent  être  en 
concurrence  avec  cette  graminée.  Nous  citerons 
YAlbardine  ou Lygeum  SparlurriQi  VArtemisia  Herba- 


L'ALFA. 


123 


124  LA  STEPPE. 

alba  (le  Chih  des  Arabes).  Dans  les  steppes  du  sud,  il 
est  facile  de  remarquer  que  l'alfa  ne  vient  que  sur 
les  parties  saillantes  ou  déclives  du  sol  ;  les  bas-fonds, 
qui  sont  vastes  et  nombreux,  ne  nourrissent  que 
l'Albardine  et  le  Chih. 

Parmi  les  influences  météorologiques,  c'est  une 
grande  quantité  annuelle  de  pluie  qui  parait,  sur 
bien  des  points,  exclure  l'alfa. 

Si  nous  circonscrivons  sur  une  carte  du  Nord- 
Afrique  les  régions  où  il  tombe  en  moyenne  plus  de 
50  centimètres  de  pluie  par  an,  nous  verrons  que 
l'alfa  ne  pénètre  point  dans  ces  contrées  (fig.  H). 

Jusqu'au  niveau  de  Ténès,  le  Uttoral  de  l'onest  de- 
puis Tanger  reçoit  moins  de  60  centimètres  de  pluie, 
aussi  l'alfa  vient  sur  les  bords  mêmes  de  la  mer. 
De  Ténès  à  Tunis,  une  ligne  passant  à  50-100  kilo- 
mètres sud  de  la  côte,  limite  une  contrée  pluvieuse 
(de  60  à  100  centimètres)  dépourvue  d'alfa.  Les  mon- 
tagnes élevées  du  littoral,  le  Djurjura,  les  Babors 
arrêtent  les  pluies.  Les  régions  placées  immédiate- 
ment en  arrière,  comme  la  forêt  du  Ksenna,  au  sud 
du  massif  kabyle,  la  région  des  Beni-Abbès  à  Sétif, 
au  sud  des  Tababors,  Babors,  etc. , sont  alors  occu- 
pées par  l'alfa. 

Il  en  est  de  même  en  Espagne,  où  l'alfa  n'occupe 
que  le  littoral  et  les  plateaux  recevant  de  faibles 
quantités  annuelles  de  pluie  (40  à  50  centimètres). 

Par  contre,  l'alfa  ne  craint  pas  les  contrées 
sèches,  puisqu'il  végète  encore  avec  vigueur  sur  les 
confins  de  la  région  désertique,  sur  des  points  où  il 
ne  tombe  pas  20  centimètres  de  pluie  par  an, 
Laghouat  (16  centimètres),  Djebel  Gharian,  au  sud  de 
Tripoli. 


I 


L'ALFA. 


125 


L'alfa  occupe  une  vaste  région,  dans  la  partie 
occidentale  et  méridionale  du  domaine  méditerra- 
néen. 

Au  Maroc,  l'alfa  se  trouve  sur  le  littoral  jusqu'à 
Tanger,  sur  les  Hauls-Plateaux  (Dahra),  qui  font 
suite  aux  plateaux  oranais;  sur  le  versant  nord  du 
grand  Atlas  (Keïra,  Sekiana,  etc.),  mais  il  n'est 
exploité  que  près  de  Mogador,  dans  les  deux  provinces 
de  Ghiadma  et  de  Halia,  chez  les  Kabyles  d'Aouirah. 


Fïg.   11.  —  Distribulioa  géographique  de  l'alfa. 

Dans  la  péninsule  ibérique,  il  occupe,  dans  le  sud 
du  Portugal,  une  petite  région  plus  sèche  que  le  reste 
du  pays,  la  province  d'Algarve  (cap  Saint-Vincent). 

En  Espagne,  l'alfa  couvre  une  superlicie  très 
considérable  des  plateaux  compris  dans  un  triangle, 
dont  les  trois  sommets  sont  à  Malaga,  Valence, 
Madrid.  Il  abonde  dans  les  provinces  de  Murcie  et 
d'Almeria,  il  est  exploité  à  Almeria,  Motril,  Alba- 
cete,  Alicante,  Grenade,  Huescar,  Jaen,  Guadala- 
jara,  Giudad  Real,  Tolède,  etc. 


126  LA   STEPPE. 

En  Algérie,  dans  la  province  d'Oran,  l'alfa  est 
répandu  depuis  le  littoral  jusqu'aux  montagnes  des 
Ksours  et  le  plateau  des  Ouled  Sidi-Cheikh.  Les 
grandes  nappes  exploitées  sont  au  sud  d'une  ligne 
passant  par  Sebdou,  Daya,  Saïda,  Frenda. 

Dans  la  province  d'Alger,  l'alfa  ne  vient  pas  Jus- 
qu'au littoral,  il  ne  dépasse  pas  au  nord  une  ligne 
passant  par  Tiaret,  Téniet-el-Haâd,  Aumale,  les 
Beni-Abbès,  les  Bibans.  L'alfa  abonde  dans  les 
Hauts-Plateaux,  dans  la  région  de  Aïn-Oussera,  Chel- 
lata,  Rezdeba,  Djelfa,  autour  de  Bousaâda,  dans  les 
montagnes  des  Ouled  Nayl,  autour  de  Laghouat, 
qu'il  dépasse  au  sud  jusqu'au  versant  de  l'oued 
Mi  a. 

Dans  la  province  de  Constantine,  l'alfa  forme  un 
peuplement  dans  la  région  ouest  et  sud  de  Sétif, 
Beni-Abbès,  les  Bibans,  les  Boutaleb  et  les  Maadid. 
L'alfa  couvre  une  grande  partie  des  contreforts  in- 
férieurs du  massif  de  l'Aurès  (Batna),  il  ne  se  trouve 
dans  ces  régions  que  sur  les  versants  des  mon- 
tagnes, il  ne  forme  pas  de  plaines  comme  dans  les 
plateaux  oranais. 

Les  peuplements  d'alfa  des  montagnes  de  la  pro- 
vince de  Constantine  se  continuent  en  Tunisie,  de 
Tébessa  à  Feriana,  à  Gafsa,  Djebel  Zitouna,  Sbeïlta, 
jusque  dans  les  massifs  montagneux  à  l'ouest  de 
Kairouan.  Au  sud  et  non  loin  du  littoral,  les  pla- 
teaux des  Matmata  et  des  Haouïa  sont  également 
couverts  d'alfa. 

Cette  région  se  continue  vers  Tripoli  et  au  delà 
par  Djado,  Zintan,  Dj.  Nefousa,  Djebel  Yefren,  Djebel 
Gharian,  Djebel  Cherchara,  jusqu'au  niveau  de  Silten 
et  suivant  Rohlfs  (Kufra)  l'alfa  s'avancerait  aussi  jus- 


L'ALFA.  127 

qu'au  30°  vers  le  sud  dans  les  plateaux  tripolitains. 

L'alfa  rentre  dans  la  catégorie  des  végétaux 
toujours  verts,  et  parmiles  Graminées, dans  le  groupe 
physiologique  des  Graminées  de  steppes.  Les  feuilles 
présentent  des  couches  protectrices  qui  les  rendent 
coriaces  pendant  la  sécheresse.  Le  parenchyme  vert 
entre  alors  dans  une  période  de  vie  ralentie  par 
l'insuffisance  d'eau. 

Vienne  la  pluie  ou  une  forte  rosée,  immédiatement 
le  limbe  reprend  de  la  turgescence,  s'ouvre,  se 
colore  en  vert  foncé  et  aussitôt  les  communications 
avec  l'atmosphère  se  trouvent  rétablies,  la  chloro- 
phylle peut  reprendre  le  cours  de  ses  fonctions  orga- 
nisatrices. 

On  peut  diviser  ainsi  les  phases  de  la  végétation 
de  l'alfa  :  au  premier  printemps,  les  feuilles  persis- 
tantes entrent  en  activité  et  commencent  les  recettes 
en  profitant  des  premières  températures  utiles. 

Puis  les  jeunes  feuilles,  déjà  ébauchées  depuis 
l'automne,  sortent  des  gaines,  de  nouvelles  innerva- 
tions se  forment,  les  fonctions  de  nutrition  atteignent 
vers  la  fin  de  cette  période  leur  maximum  d'intensité. 

Vers  la  fin  avril  ou  les  premiers  jours  de  mai,  les 
fleurs  se  montrent  et,  dans  la  seconde  quinzaine  de 
juin,  les  fruits  sont  mûrs. 

L'alfa  ne  paraît  pas  difficile  sur  la  nature  du  sol 
et  l'action  du  terrain  sur  la  plante  se  borne  encore  à 
l'efl'et  produit  par  une  sécheresse  plus  ou  moins 
grande. 

La  saison  des  pluies  peut  présenter  d'une  année  à 
l'autre  de  grandes  différences  dans  la  quantité  d'eau 
tombée  et  aussi  dans  le  mode  de  répartition  des 
ondées.  Les  printemps  pluvieux  sont  favorables  à 


128  LA  STEPPE. 

l'alfa,  l'eau  emmagasinée  permet  une  végétation 
plus  active  et  surtout  de  plus  longue  durée.  Après 
des  hivers  secs,  la  récolte  a  pu  devenir  presque 
nulle  dans  les  alfas  déjà  exploités  l'année  précé- 
dente (Maroc,  1878  et  1879). 

L'influence  de  l'exploitation  est  très  évidente  ;  les 
alfas  vierges  sont  longs,  larges,  durs,  grossiers, 
plus  cassants;  à  mesure  qu'on  les  exploite  et  que  la 
souche  s'épuise,  ils  perdent  leur  longueur,  deviennent 
pins  fuis,  moins  cassants,  plus  uniformes. 

A  ce  degré,  l'exploitation  a  amélioré  le  produit,  au 
point  de  vue  commercial.  Mais  la  continuité  des 
récoltes  épui&ant  de  plus  en  plus  la  souche  finit  par 
réduire  les  feuilles  à  de  petits  brins  de  25  centimètres, 
mais  très  souples,  très  tenaces.  Arrivés  à  ce  degré 
d'épuisement,  les  terrains  à  alfa  ne  sont  pas  toujours 
laissés  en  repos.  Dans  le  voisinage  des  grandes  voies 
de  communication,  des  grands  centres,  on  arrache 
encore  ces  brins  étiolés  qui  sont  assez  estimés. 

L'exploitation  de  l'alfa  remonte  à  une  haute  anti- 
quité et  il  est  probable  que  tous  les  peuples  qui  ont 
occupé  les  terrains  à  alfa  ont  utilisé  cette  précieuse 
Graminée. 

Varron,  en  parle.  Dioscoride  et  Pline  (1),  qui  tous  les 
deux  ont  voyage  et  même  séjourné  en  Espagne,  ont 
écrit  sur  ce  sujet.  Pline  (2)  décrit  très  bien  les  traits 
principaux  de  la  distribution  géographique  des  sta- 
tions de  l'alfa  ;  il  énumère  les  opérations  de  la  ré- 
colte et  les  manipulations  qui  permettent  d'ulihser 
ce  textile.  11  remarque  que  la  cueillette  commence 
souvent    immédiatement  après    l'hiver,   mais   que 

(1)  Pline,  De  re  rustica. 

(2)  Pline,  Eist.  nat.,  cap;  xiv. 


1 


L'ALFA.  129 

l'époque  de  la  maturité  du  produit  est  fin  mai,  juin. 
L'arrachage  se  faisait,  absolument  comme  aujour- 
d'hui, au  moyen  d'un  petit  levier  d'yeuse  ou  d'os, 
autour  duquel  les  feuilles  étaient  enroulées.  Déjà,  du 
temps  de  Pline, l'alfa  était  exporté  surtout  sous  forme 
de  cordages  pour  les  navires,  et  c'est  Carthagène  qui 
était  le  centre  de  production,  d'où  le  nom  de  Campus 
Spartarius  donné  par  les  anciens  au  territoire  de 
Carthago  Nova.  On  lissait  aussi  des  étoffes  et  l'on 
confectionnait  avec  les  brins  d'alfa  des  nattes  et 
des  tapis.  —  Pline  ne  paraît  pas  avoir  bien  connu  les 
alfas  d'Afrique  et  en  dit  :  «  In  Africa  [Spai'tum)  exi- 
guum  et  inutile  cjignitur.  » 

On  a  avancé  que  l'alfa  avait  été  introduit  en  Es- 
pagne par  les  Carthaginois  :  c'est  là  une  assertion 
absolument  sans  fondement;  l'alfa  est  aussi  spon- 
tané en  Espagne  qu'en  Afrique. 

Lécluse  {Clusius),  vers  15G0,  voyagea  en  Espagne 
et  vit  aussi  l'alfa  exploité  ;  rien  n'avait  changé  de- 
puis Pline,  et,  actuellement  encore,  les  procédés 
d'exploitation  sont  à  peu  de  chose  près  ce  qu'ils 
étaient  du  temps  de  Pline. 

L'exploitation  trop  précoce  a  de  nombreux  incon- 
vénients, en  dehors  dos  dommages  causés  à  la  touffe. 

Les  feuilles  non  mûres  ne  sont  pas  encore  com- 
plètement constituées  à  leur  base;  à  la  moindre 
traction,  la  gaine  encore  verte  mit  le  limbe,  l'extrémité 
du  brin  est  alors  aqueuse,  molle  et  ridée  par  la 
dessiccation. 

Les  feuilles  cueillies  dans  ces  conditions  donnent 
par  la  dessiccation  un  déchet  très  considérable,  qui 
peut  atteindre  40  p.  100.  Ces  brins  encore  gorgés 
d'eau  et  non  complètement  constitués  n'ont  pas  la 

Batïandier  et  Thabut.  —  Alfîérie.  ^ 


i30  LA  STEPPE. 

valeur  commerciale  des  feuilles  mûres.  L'examen 
des  produits  d'une  exploitation,  faite  dans  de  si  mau- 
vaises conditions,  révèle  facilement  son  infériorité  ; 
la  fraude  n'est  pas  possible,  lacheteur  recherche 
toujours  les  feuilles  présentant  à  leur  extrémité 
inférieure  le  crochet  caractéristique  et  la  ligule 
velue. 

La  régularité  des  exploitations  donne  de  la  valeur 
aux  produits,  pendant  les  premières  années.  Les 
feuilles  âgées,  dans  les  alfas  vierges,  deviennent 
dures,  cassantes  et  ne  valent  pas  les  feuilles  de 
Tannée  qui  conservent  plus  de  souplesse  et  donnent 
moins  de  déchet  à  la  filature. 

On  cherche  donc  à  obtenir  des  nappes  d'alfa  bien 
nettoyées  et  pouvant  facilement  donner  des  produits 
exempts  de  feuilles  sèches  ou  rompues  à  l'extrémité. 
Les  exploitations  régulières  ont  pour  effet  de  main- 
tenir cette  propreté  des  touffes.  En  Espagne,  on  va 
jusqu'à  nettoyer  (quittar  los  viejos)  avec  la  pioche, 
on  arrache  les  vieux  rhizomes  morts  et  on  butte  les 
autres.  Dans  certains  cas,  on  a  recours  au  flambage 
ou  incinération,  les  parties  superficielles  sont  seules 
atteintes  par  le  feu,  et  la  souche  réveillée  par  un 
apport  considérable  de  sels  ou  engrais,  provenant 
des  cendres,  végète  vigoureusement  et  peut  donner, 
après  cinq  ou  six  ans,  un  alfa  recherché  sous  le 
nom  d'alfa  blanc^  les  feuilles  sont  souples,  saines  et 
conviennent  aux  travaux  de  sparterie  fine 

La  feuille  d'alfa  se  compose  de  deux  parties  très 
distinctes,  quand  elle  est  bien  développée  :  le  limbe 
et  la  gaine  ;  la  réunion  de  ces  deux  parties  se  fait 
par  une  véritable  articulation,  tous  les  tissus  ne  sont 
pas   continus,  les  nombreuses  fibres  qui  donnent 


1 


L'ALFA.  131 

cette  solidité  si  remarquable  au  limbe  cessent  brus- 
quement au  niveau  de  Tarticulation.  Aussi  une 
traction  sépare  facilement  le  limbe  de  la  gaine;  c'est 
cette  faculté  de  se  désarticuler  qui  est  le  point  de 
départ  de  tous  les  procédés  d'extraction  ou  d'arra- 
chage. 

On  peut  glaner  l'alfa  avec  la  main  solidement 
gantée  et  choisir  ainsi  les  brins  ;  ce  procédé  serait  le 
meilleur  pour  la  conservation  de  la  plante,  mais  il 
n'est  pas  suivi  ;  un  ouvrier  ne  récolte  pas  autant  que 
parle  procédé  suivant,  dit  du  bâtonnet,  qui  est  seul 
usité  sur  tous  les  chantiers  depuis  l'antiquité. 

L'alfatier  ayant  à  la  main  gauche  un  bâtonnet 
d'environ  40  centimètres,  fixé  au  poignet  au  moyen 
d'un  brin  de  cuir,  saisit  avec  la  main  droite  une  poi- 
gnée de  feuilles,  l'enroule  sur  le  bâtonnet  tenu  obli- 
quement et  tire  avec  les  deux  mains  et  par  saccades; 
de  nombreux  brins  se  désarticulent  ;  mais  aussi  pres- 
que toujours  deux  ou  trois  rameaux  de  la  souche  se 
rompent  et  suivent  leurs  feuilles.  L'ouvrier  passe 
alors  la  main  droite  sous  les  extrémités  inférieures 
des  brins,  y  rencontre  les  rameaux  pendants  qu'il  re- 
jette avec  les  feuilles  qui  y  adhèrent,  ne  gardant 
autant  que  possible  que  les  limbes  désarticulés,  dont 
il  fait  une  poignée  ou  manoque  en  réunissant  le  pro- 
duit de  plusieurs  touffes.  Malgré  ce  premier  triage, 
l'alfa  porté  au  chantier  contient  encore  de  nom- 
breuses gaines. 

Les  alfas  que  l'on  cueille  comme  fourrage  sont 
arrachés  avec  les  gaines  et  l'extrémité  de  la  tige. 
C'est,  en  effet,  les  bases  engainantes,  formant  une 
espèce  de  bulbe,  qui  sont  recherchées  par  les  chevaux 
et  les  chameaux. 


132  Là  STEPPE. 

Sur  tout  le  bourrelet  saharien,  il  existe  ainsi  de 
nombreux  points  de  ravitaillement  en  alfa,  et  ce 
produit  naturel  est  trop  utile  aux  Nomades,  pour  qu'il 
soit  prudent  de  permettre  une  exploitation  en  vue 
du  commerce,  dans  cette  région. 

Les  alfas  séchés,  triés,  classés,  sont  ensuite  pesés 
et  mis  en  balles  cerclées  à  la  presse  hydraulique, 
puis  transportés  au  port  et  livrés  au  commerce. 

Actuellement,  les  terrains  à  alfa  sont  les  uns  pos- 
sédés par  des  particuliers,  d'autres  sont  communaux, 
d'autres  domaniaux.  Enfin  de  très  grandes  surfaces 
sont  comprises  dans  les  terrains  de  parcours  des 
tribus  et  en  territoire  de  commandement.  On  a 
estimé  à  cinq  millions  d'hectares  la  surface  de  ces 
peuplements  des  Hauts-Plateaux  ;  ce  chiffre  est  évi- 
demment exagéré  ou  bien  comprend,  en  dehors  des 
surfaces  vraiment  exploitables,  de  grandes  étendues 
où  les  toufï'es  d'alfa  sont  très  éloignées  les  unes  des 
autres. 

Les  nappes  d'alfa  sont  généralement  exploitées 
par  des  entrepreneurs  qui  font  un  traité  avec  les 
concessionnaires.  Ces  derniers  ont  obtenu  leur  droit 
d'exploitation  en  payant  une  redevance  assez  faible, 
soit  au  Service  des  Forêts  (10  centimes  par  hectare), 
soit  aux  communes  en  territoire  civil,  soit  enfin  aux 
administrations  militaires  dans  les  territoires  de  com- 
mandement. 

Les  entrepreneurs  établissent  dans  les  régions  à 
exploiter  un  chantier,  c'est-à-dire  une  baraque  ha- 
bitée par  un  gérant,  chargé  de  recevoir  livraison  des 
alfas  cueillis  et  pesés  verts. 

Près  de  cette  construction,  les  manoques  d'alfa 
sont  disposées  en  meulons.  Une  fois   sèches,  elleo 


L'ALFA.  133 

seront  transportées  par  charrettes  ou  bêtes  à  bât 
vers  les  lignes  ferrées  ou  les  ports.  Le  gérant  fournit 
à  tout  un  personnel,  souvent  d'origine  espagnole 
(pour  Oran),  les  comestibles  et  môme  l'eau.  C'est 
autour  de  la  baraque  que  se  groupent  ces  travailleurs 
campés  avec  leur  famille  sous  des  huttes  d'alfa  et 
vivant  dans  la  malpropreté,  supportant  des  privations 
en  raison  du  prix  élevé  des  denrées,  de  l'amour 
du  gain  et  de  la  nécessité  de  recueillir  quelques 
économies. 

Le  matin,  l'alfatier  s'éloigne  de  ce  centre,  choisit 
un  emplacement  qui  fournit  les  brins  en  abondance; 
les  manoques  rapidement  entassées  sont  ensuite 
portées  à  la  bascule,  le  plus  souvent  avec  le  concours 
d'un  âne. 

Les  Indigènes,  qui  dans  les  premiers  temps  res- 
taient à  peu  près  étrangers  à  la  récolte  de  l'alfa,  s'y 
adonnent  de  plus  en  plus;  et,  dans  les  territoires 
militaires,  ils  sont  seuls  autorisés  à  récolter. 

Les  prix  payés  par  les  entrepreneurs  sont  sujets 
à  d'assez  grandes  oscillations;  ils  ont  suivi,  dans  ces 
dernières  années,  la  baisse  générale  des  alfas  et  ont 
ainsi  passé  de  4  francs  les  100  kilos  à  2  francs  et 
même  1  fr.  50. 

Un  ouvrier  ardent  au  travail,  dans  une  journée, 
arrache  en  moyenne,  en  alfa  vert,  300  à  400  kilos  ; 
un  Indigène,  de  i50  à  200  kilos;  une  femme  ou  un 
vieillard,  100  kilos;  un  enfant  de  douze  à  quinze 
ans,  35  à  50  kilos. 

Le  procédé  d'extraction  décrit  est  le  même  dans 
toute  la  région  de  l'alfa,  et  depuis  Pline,  qui  en 
parle  assez  longuement,  rien  ne  paraît  avoir  changé. 

La  cueillette  de  l'alfa  et  toutes  opérations  rela- 


134  LA  STEPPE. 

tives  à  l'achat  de  ce  textile  aux  ouvriers  alfatiers 
sont  soumises,  en  Algérie,  à  une  période  annuelle 
duiterdiction,  dont  la  durée  est  fixée  à  quatre  mois. 

Pour  le  Tell,  la  période  d'interdiction  dure  du 
16  janvier  au  15  mai. 

Pour  les  Hauts-Plateaux,  elle  commence  le  l^""  mars 
et  prend  fm  le  1"^  juillet..  Un  arrêté  du  préfet  ou 
du  général,  rendu  surTavis  du  service  forestier,  peut, 
si  la  maturité  de  la  plante  le  permet  sur  un  point 
donné,  devancerl'époque  fixée  de  quinze  jours  au  plus. 

L'Espagne  a  de  tout  temps  été  un  pays  de  grande 
production  ;  vers  1868-7^,  l'exportation  atteignait 
90000  tonnes;  actuellement,  elle  est  réduite  à 
45  000  tonnes. 

L'Algérie  a  commencé  l'exportation  en  1863  ;  en 
1870,  33  000  tonnes  étaient  Livrées  au  commerce; 
en  1879,  le  maximum  de  110  000  tonnes  est  atteint; 
aujourd'hui,  80000  tonnes  sont  transportées  en 
Europe. 

La  Tunisie  exportait,  en  1879,  33000  tonnes  ;  ac- 
tuellement, son  exportation  est  réduite  à  14000  ton- 
nes ;  mais  une  assez  grande  partie  des  alfas  récoltés 
sont  mis  en  œuvre  et  utiUsés  dans  le  pays.  La  Tunisie 
exporte  aussi  pour  plus  de  100  000  francs  d'alfa 
ouvré. 

La  TripoUtaine  a  produit,  en  1881  et  en  1885, 
80000  tonnes;  son  exportation  se  maintient  vers 
75  000  tonnes. 

Le  Maroc  n'exporte  par  Mogador  que  3000  à 
4  000  tonnes  par  an. 

L'exportation  de  l'alfa  a  subi  dans  ces  dernières 
années  une  marche  ascendante,  en  rapport  avec  une 
consommation  croissante.  De  -1860  à  1869,  l'expor- 


L'ALFA.  135 

tation  totale  s'est  élovée  d'une  quantité  insignifiante 
à  95000  tonnes;  en  1876,  ce  chiffre  a  presque  dou- 
ble (185000);  en  1881,  il  était  de  200000  tonnes  et 
en  1882,  de  225 000  tonnes.  Mais  si  la  consommation 
a  augmenté,  les  prix  ont  singulièrement  baissé  et 
sont  arrivés  aujourd'hui  pour  les  alfas  de  papeterie 
à  un  minimum. 

Les  pâtes  chimiques  de  bois  sont,  de  jour  en  jour, 
mieux  fabriquées  ;  leur  qualité  augmente,  tandis  que 
les  prix  baissent. 

Les  trois  départements  de  l'Algérie  fournissent  une 
part  très  inégale  à  l'exploitation;  c'est  le  département 
d'Oran  qui  a  toujours  conservé  le  monopole  des  alfas, 
dans  les  premières  années  parce  que  les  peu- 
plements étaient  voisins  de  la  mer,  et  aujourd'hui 
en  raison  de  ses  chemins  de  fer  de  pénétration  qui 
permettent  un  transport  économique. 

En  1885,  Oran  exportait  89  000  tonnes  ;  Alger  2  250 
et  Constantine  1  593. 

Alger  et  Constantine  exportent  des  alfas  de  van- 
nerie, sparterie,  à  un  prix  bien  plus  élevé  que  les 
alfas  de  papeterie,  12  à  15  francs  au  lieu  de  7  à 
8  francs. 

La  valeur  des  alfas  exportés  annuellement  est 
d'environ  10  millions. 

Depuis  vingt  ans,  on  peut  estimer  à  150  millions  le 
produit  total  des  ventes. 

Aujourd'hui  que  la  main-d'œuvre  indigène  se  sub- 
stitue à  la  main-d'œuvre  étrangère,  on  comprend 
facilement  que  les  10  millions  d'alfa  vendus  par 
an  constituent,  pour  les  pays  producteurs,  un  revenu 
très  appréciable. 

Il  est  à  désirer  que  le  chemin  de  fer  de  Laghouat 


136  LA  STEPPE. 

permette  bientôt  de  livrer  à  l'industrie  les  alfas  de 
Djelfa.  Lorsque  toutes  les  voies  de  pénétration 
seront  achevées,  l'Algérie  pourra  produire  annuelle- 
ment 400000  tonnes  d'alfa. 

C'est  l'industrie  du  papier  qui  consomme  la  plus 
grande  partie  des  alfas;  sur  les  225  000  tonnes  expor- 
tées des  pays  d'alfa,  210000étaient  destinées  à  la  pape- 
terie. Les  autres  industries  :  sparterie,  vannerie, 
corderie,  emploient  environ  15  000  tonnes. 

Dans  les  pays  de  production,  on  met  souvent  en 
œuvre  une  quantité  notable  d'alfa;  l'Espagne  et  la 
Tunisie  utilisent  une  bonne  part  de  leur  production; 
l'Espagne  même  importe  des  alfas  d'Algérie  pour  la 
sparterie.  En  tenant  compte  de  cette  consommation 
locale,  on  peut  évaluer  ainsi  les  quantités  d'alfa  uti- 
lisées par  année  : 

Papeterie 210,000  tonnes. 

Sparterie 

Corderie j 

Vannerie '    20,000      — 

Gtiaussures \ 

Tissus,  etc / 

L'Angleterre  consomme  la  plus  grande  partie  de 
l'alfa  produit.  Le  papier  de  bois  n'a  pu  y  détrôner  le 
papier  d'alfa  très  apprécié;  sur  les  225  000  tonnes 
récoltées  en  1885,  près  de  200000  ont  été  importées 
en  Angleterre.  —  La  Belgique  et  la  France  ont  quel- 
ques papeteries  qui  produisent  soit  du  papier,  soit 
de  la  pâte  vendue  à  d'autres  usines  pour  faire  des 
mélanges. 

La  France  utilise  très  peu  d'alfa,  en  raison  du 
prix  élevé  du  transport,  des  produits  chimiques  et 
charbons.   L'alfa,  qui  revient  aux  Anglais  et  aux 


L'ALFA.  137 

Belges  à  10  francs  les  100  kilos,  revient  aux  fabri- 
cants fra7}çais  à  14  francs;  l'alfa  rendant  au  maximum 
50  p.  100,  c'est  déjà  une  difïe renée  de  8  francs  par 
100  kilos  de  pâte,  soit  55  francs  au  lieu  de  43  francs. 

L'Allemagne  achète  de  beaux  alfas  pour  la  van- 
nerie et  la  sparteriefme,  le  prix  élevé  (14  à  17  francs) 
compense  la  faible  quantité,  3000  tonnes. 

L'Autriche,  l'Italie  consomment  aussi  des  quantités 
faibles,  mais  croissantes  d'alfa. 

Depuis  les  temps  les  plus  reculés,  l'alfa  a  été  uti- 
lisé pour  ses  fibres;  la  sparterie  et  la  corderie  de 
l'Espagne  étaient  très  estimées  des  Anciens.  De  nos 
jours,  l'alfa  est  employé  pour  les  usages  les  plus 
variés. 

On  peut  grouper  les  industries  de  l'alfa  suivant 
la  forme  que  le  produit  acquiert  dans  les  manipula- 
tions ;  on  aura  ainsi  : 

1°  Industries  qui  emploient  l'alfa  à  l'état  naturel 
ou  simplement  blanchi  ou  teint  :  sparterie,  nattes, 
vannerie,  balais,  chaussures,  bouquets,  cigares  à 
paille,  etc.  ; 

2°  Industries  qui  emploient  les  tissus  dissociés 
par  un  rouissage,  les  fibres  restant  adhérentes 
et  pouvant  être  utilisées  après  un  simple  battage  : 
cordes,  tapis  grossiers;  ou  bien  elles  sont  peignées, 
filées  et  tissées  en  tentures,  tapis,  etc. 

Ces  tissus  ne  résistent  pas  aux  lessives  alcalines, 
les  fibres  courtes  se  décollent  comme  celles  du 
jute;  mais  on  peut  faire  de  superbes  tentures  ou 
rideaux,  etc.  ; 

3°  Industries  qui  emploient  les  fibres  complètement 
dissociées  par  les  produits  chimiques,  en  tête  des- 
quels se  placent  les  alcalis,  soude. 


138  LA  STEPPE. 

Les  fibres  se  feutrent  facilement  et  fournissent  une 
excellente  pâte  à  papier,  employée  pure  ou  mélangée 
à  de  la  pâte  de  chiffon,  de  bois  ou  de  paille  ; 

Pour  la  papeterie,  l'alfa  est  traité  à  peu  près 
comme  la  paille.  On  commence  par  trier  les  brins, 
une  toile  sans  fin  entraîne  les  feuilles  et  des  ouvriers 
saisissent  rapidement  au  passage  les  impuretés. 

L'alfa  est  ensuite  haché  par  un  hache-paille,  qui 
lo  divise  en  fragments  de  3  à  4  centimètres.  Quelques 
fabricants,  au  lieu  de  hacher,  écrasent  entre  des 
cylindres. 

L'alfa  trié,  haché  et  bluté,  est  introduit  dans  le 
lessiveur. 

Le  lessiveur  fermé  est  chauffé  par  injection  de  va- 
peur pendant  six  à  huit  heures. 

Quand  on  emploie  le  lessiveur  boulonné,  la  pression 
ne  doit  pas  dépasser  trois  atmosphères,  c'est-à-dire 
une  température  de  130°  ;  h  une  pression  plus  élevée, 
la  pâte  d'alfa  boutonne  très  facilement. 

Au  sortir  du  lessiveur,  l'alfa  se  déflle  facilement 
et  rapidement  après  un  lavage  prolongé,  on  blancliit 
au  chlorure  de  chaux;  10  kilos  de  chlorure  par 
quintal  sont  suffisants;  on  chauffe  à  55°,  ce  qui  ac- 
célère le  blanchiment;  l'opération  doit  être  conduite 
doucement  ;  on  doit  éviter  avec  soin  la  formation  de 
boules. 

L'analyse  suivante,  faite  en  avril  1887,  au  Muséum, 
par  Fremy,  fait  prévoir  le  rendement  de  l'alfa: 

Matières  solubles  dans  l'alcool 3.35 

Matières  solubles  dans  l'eau 9.95 

Composés  pectiques 7. 80 

Yasculose  et  cutose 17.80 

Cellulose 46.00 

Ceudres 3.20 


L'ALFA.  139 

Le  rendement  le  plus  ordinaire  est,  en  effet,  de 
15  p.  100,  bien  que  certains  industriels  anglais  pré- 
tendent obtenir  50  et  même  52  p.  100. 

Le  prix  de  la  pâte  d'alfa  est  assez  élevé  ;  le  prix 
marchand  est  de  60  à  65  francs  les  100  kilos. 

En  France,  l'alfa  revient  à  14  francs  au  minimum  ; 
dans  ces  conditions,  100  kilos  de  pâte  coûtent  : 

Alla 30  francs . 

Produits  chimiques 10      — 

iVIain-d'œuvre,  frais  géïK^ranx,  char- 
bon    15      — 

Total 55  fr.  les  100  kil. 

En  Angleterre  et  en  Belgique,  l'alfa  revient  à 
10  francs  les  100  kilos;  les  produits  chimiques  sont 
meilleur  marché  aussi;  les  100  kilos  de  pâte  coû- 
tent : 

Alfa  à  10  francs  les  100  kilos 22  francs. 

Produits  chimiques. 8      — 

Main-d'œuvre,   charbon,    frais  géné- 
raux    14      — 

Total 44  fr.  les  100  kil. 

La  pâte  de  bois  blanc  à  la  soude,  qualité  supé- 
rieure, qui  remplace  assez  bien  celle  de  l'alfa, 
revient  à  45  francs. 

La  pâte  de  paille,  bien  inférieure  à  la  pâte  d'alfa, 
revient  à  45  francs. 

La  pâte  de  chiffon  varie  de  30  à  60  francs  suivant 
la  qualité. 

11  résulte  de  ces  chiffres  que  la  seule  raison  qui 
éloigne  les  fabricants  français  de  l'utilisation  de 
l'alfa  comme  succédané  dans  la  même  proportion 


140  LA  STEPPE. 

que  les  fabricants  anglais  ou  belges,  est  le  prix  de 
revient. 

L'alfa  donne  un  papier  souple,  soyeux,  résistant, 
transparent,  d'une  grande  pureté.  Le  papier  d'alfa 
a  beaucoup  plus  d'épaisseur  pour  le  même  poids 
que  tout  autre  papier.  Il  prend  très  bien  l'impression, 
il  fait  matelas  sous  les  caractères  d'imprimerie, 
qualité  très  recherchée;  il  convient  très  bien  pour  les 
éditions  de  luxe,  les  belles  gravures. 

La  paille  pure  donne  un  papier  sonnant,  mais  peu 
solide,  qui  est  beaucoup  améUoré  par  une  addition 
de  pâte  d'alfa.  On  fait  ainsi  un  très  bon  papier  à 
lettre. 


1 


CHAPITRE    V 
LE    SAHARA 

Au  delà  du  dernier  cordon  montagneux  qui  limite 
au  sud  la  région  des  Hauts-Plateaux,  s'étend  le  Sahara, 
le  plus  grand  des  déserts,  continent  longtemps  mys- 
térieux sur  lequel  on  commence  seulement  à  avoir 
des  données  positives,  grâce  aux  voyages  de  Caillé, 
Duveyrier,  Rohlfs,  Barth,  Nachtigal,  Flatters,  Douls, 
Foureau,  etc.,  et  aux  travaux  de  MM.  Pomel,  Rolland, 
Tissot,  etc. 

La  limite  du  Sahara  n'est  pas  toujours  très  nette. 
On  trouve  en  effet  en  deçà  du  cordon  montagneux 
précité,  plusieurs  îlots  désertiques.  Le  bord  des  Chotts 
de  la  région  des  Hauts-Plateaux,  ne  diffère  souvent 
pas  beaucoup  du  bord  des  Chotts  sahariens.  Bou 
Saada  et  Aïn  Sefra,  avec  leurs  dunes,  sont  aussi 
désertiques  que  Biskra.  La  flore  saharienne  s'avance 
même  jusqu'au  grand  massif  kabyle  par  les  Portes  de 
Fer,  où  Mansourah  forme  une  véritable  oasis.  Un  Aris- 
tida  d'un  type  saharien  habite  les  sables  de  l'Oued 
Sahel.  Parfois  la  hmite  paraît  nettement  tranchée, 
comme  vers  cette  féerique  muraille  d'El  Kantara,  qui 
sert  souvent  de  barrière  aux  pluies.  A  peine  a-t-on 
passé  l'étroite  porte  par  où  s'échappe  l'Oued,  que  le 
soleil  succède  à  la  pluie  et  que  l'œil  émerveillé  voit 
se  dérouler  la  belle  oasis  d'El  Kantara  et  la  plaine 
immense.  Ce  spectacle  grandiose  frappe  tellement 
l'imagination  que  l'on  en  exagère  malgré  soi  la  por- 


142  LE  SAHARA. 

tée.  Même  sur  ce  point  la  transition  est  moins  brusque 
qu'il  ne  semble  et  le  vrai  désert  ne  commence 
réellement  qu'au  delà  de  Biskra  (fig.  12). 

Comme  toutes  les  choses  peu  connues,  le  Sahara  a 
servi  de  thème  à  tous  les  écarts  de  l'imagination. 
On  se  l'est  longtemps  représenté  comme  une  mer  de 
sable,  alors  que  le  sable  n'en  recouvre  qu'une  faible 
partie.  Plus  longtemps  encore  on  a  cru  que  c'était  le 
lit  récemment  exondé  d'une  ancienne  mer.  Mais 
rien  n'est  resté  de  cette  théorie  dés  qu'elle  a  été 
sérieusement  discutée.  En  effet,  la  constitution  géo- 
logique du  Sahara  ne  diffère  pas  essentiellement  de 
celle  des  autres  continents.  On  y  trouve  des  terrains 
très  variés.  Le  crétacé  y  est  abondant,  ainsi  que  les 
terrains  tertiaires  qui  ne  paraissent  pas  avoir  été 
recouverts  par  la  mer  depuis  leur  apparition.  On  y 
trouve  d'abondantes  alluvions  quaternaires,  mais  ce 
sont  des  dépôts  laissés  par  les  eaux  douces,  à  une 
époque  où  ces  eaux  étaient  abondantes.  Ces  dépôts 
ne  constituent  pas  le  lit  d'une  ancienne  mer.  On  ne 
retrouve,  ni  les  côtes,  ni  les  coquilles  qui  devraient 
témoigner  de  sa  présence.  «  Au  lieu  d'alluvions 
récemment  abandonnées  par  les  flots,  nous  trouvons 
des  terrains  de  tout  âge;  quelques-uns  aussi  vieux 
que  les  plus  vieux  continents  du  globe  i  au  lieu  de 
l'uniformité  supposée,  une  structure  géologique 
simple,  mais  pourtant  variée.  Le  Sahara  a  ses  gra- 
nits comme  la  Bretagne,  ses  calcaires  crétacés 
comme  la  Champagne,  ses  calcaires  éocènes  comme 
le  bassin  de  Londres,  ses  terrains  volcaniques 
comme  l'Auvergne  (1).  » 

(1)  Schirmer,  Le  Sahara,  p.  13. 


MER  INTÉRIEURE. 


143 


Mer  intérieure.  —  Sur  un  point,  cependant,  l'hypo- 
thèse d'une  ancienne  mer  quaternaire  a  été  vivement 


,j*!.*iiSfiiiiiyffliiiiiiiiiiii| 


'■''i'if'i'i'S''i'W'iî';iij'îiîir!i 


•O) 


discutée,  c'est  aux  environs  des  Chotts  tunisiens. 
C'est  dans  cette  région  seulement  que  la  question 
est  restée  un  peu  douteuse,  à  cause  du  niveau  des 


U4  LE   SAHARA. 

Chotts  Melrhir  et  Rharsa,  niveau  inférieur  à  celui  de 
la  Méditerranée,  ce  qui  avait  donné  au  commandant 
Roudaire  Fidée  de  la  création  d'une  mer  intérieure, 
qui,  à  son  avis,  devait  révolutionner  la  climatologie 
du  Maghreb  et  même  de  l'Europe.  Il  pensait  au 
début  que  tous  les  Chotts  étaient  à  un  niveau  infé- 
rieur à  celui  de  la  mer,  ainsi  que  de  vastes  étendues 
de  terres  avoisinantes,  et  qu'il  suffirait  de  creuser  un 
canal  à  travers  le  seuil  de  Gabès  pour  créer  la  mer 
intérieure.  Chose  remarquable,  c'est  dans  cette  même 
région  que  Ton  a  trouvé  des  coquilles  marines.  Les 
unes  très  abondantes,  comme  le  Cardium  edule^  sont 
plutôt  des  coquilles  d'eau  saumâtre  qui  ont  pu  vivre 
dans  les  Chotts  tant  que  la  salure  n'a  pas  été  trop 
forte.  Elles  sont  du  reste  associées  à  des  coquilles 
d'eau  douce,  qui,  habitantes  des  mêmes  Chotts  avant 
leur  salure,  avaient  pu  s'adapter  à  un  nouvel  état  de 
choses.  Les  coquilles  vraiment  marines  que  l'on  y 
a  trouvées  sont  : 

l*"  Une  valve  unique  d'Arca  paraissant  appartenir 
à  une  espèce  de  l'Océan  indien.  Elle  était  à  la  surface 
du  sol.  Comment  a-t-elle  pu  être  apportée  là?  C'est 
assez  difficile  à  expliquer,  mais  il  serait  téméraire 
de  baser  une  mer  sur  cet  unique  témoignage. 

2°  M.  Thomas  a  trouvé  près  des  ruines  de  Sedrata, 
oasis  du  x*"  siècle,  un  Cauri  [Cypris  moneta),  un 
Cône  percé  d'un  trou  peut-être  accidentel,  peut-être 
aussi  parce  que  cette  coquille  avait  fait  partie  d'un 
collier,  un  Pectoncle  et  un  Triton.  Aucune  de  ces 
coquilles  n'était  en  place. 

3**  Desor  a  de  même  trouvé  dans  le  Souf  quelques 
coquilles  marines  en  place,  mais  dans  les  alluvions 
fluviales,  par  conséquent  dans  les  terrains  remaniés. 


MER  INTÉRIEURE.  145 

Aucune  de  ces  preuves  n'est  décisive  et  la  plupart 
des  géologues  nient  l'existence  de  cette  mer  quater- 
naire. Eût-elle  d'ailleurs  existé,  ce  qui  n'a  rien  d'im- 
possible, elle  n'eût  intéressé  qu'une  infime  partie  du 
Sahara  (1). 

Au  point  de  vue  pratique,  les  mesures  directes 
firent  bientôt  voira  M,  Uoudaire  que  le  grand  Chott 
El  Djerid,  situé  entre  les  précédents  et  la  mer,  au  lieu 
d'être  plus  bas  que  la  Méditerranée,  avait  un  niveau 
très  supérieur.  C'est  alors  qu'il  inventa  cette  bizarre 
hypothèse  que  le  Chott  El  Djerid  serait  formé  d'une 
croûte  solide  surnageant!  un  lac  d'eau  doace;  qu'il 
suffirait  de  faire  communiquer  ce  lac  avec  les  Chotts 
voisins  pour  que  l'eau  s'écoulât  vers  ceux-ci,  ce  qui 
ferait  effondrer  cette  croûte.  Cette  théorie  ne  repose 
sur  aucun  fondement  sérieux.  Môme  en  acceptant 
les  théories  du  capitaine  Roudaire,  les  difficultés 
d'exécution  seraient  telles,  qu'il  est  peu  probable  que 
ce  projet  soit  repris  de  sitôt. 

La  mer  intérieure  fût-elle  possible,  ne  présenterait 
probablement  pas  les  avantages  espérés.  Elle  serait 
de  trop  faible  étendue,  pour  amener  une  modification 
climatérique  importante,  et  d'ailleurs  ce  n'est  ni  sur 
le  Sahara,  ni  peut-être  môme  sur  les  Hauts- Plateaux 
que  ses  vapeurs  iraient  se  condenser  ;  les  bords  de  la 
Caspienne,  du  golfe  Persique,  de  la  mer  Rouge  sont 
aussi  désertiques  que  le  Sahara.  Elle  ferait  dispa- 
raître d'importantes  oasis  susceptibles  d'accroisse- 
ment (2). 

(1)  Voy.  Toarnoucr,   Association  française   pour  l'avance- 
ment des  sciences.  Paris,  1878,  p.  608. 

(2)  Q>o^'?,(n\,  Sur  le  projet  de  la  mer  intérieure  [Comptes  rendus 
de  l'Académie  des  sciences.,  1882). 

Pattand|er  et  Tkabut.  —  Algérie.  IQ 


446  LE  SAHARA. 

Le  Sahara  est,  d'une  manière  générale,  un  continent 
élevé.  On  a  calculé  que  sa  hauteur  moyenne  devait 
dépasser  de  460  mètres  le  niveau  de  la  mer.  Dans 
son  ensemble,  on  peut  le  considérer  comme  une  sur- 
face renflée,  s'abaissant  de  tous  côtés  vers  sa  péri- 
phérie, avec  des  A'ersants  difficiles  à  délimiter  et  un 
peu  confus.  Ce  relief  général  est  assez  varié.  Il  pré- 
sente plusieurs  chaînes  de  montagnes  de  1500  à 
2000  mètres  d'altitude,  comme  le  Ahaggar  souvent 
couvert  de  neige  Thiver,  l'Air,  le  Thibesti,  le  Djebel 
es  Soda,  etc. 

D'immenses  fleuves  ou  plutôt  de  grandes  nappes 
torrentielles  quaternaires  y  ont  déposé  de  vastes 
alluvions  et  produit  des  érosions  puissantes.  L'Ighar- 
ghar,  grossi  de  nombreux  affluents,  s'est  creusé  à 
travers  le  plateau  de  ïinghert  un  lit  large  parfois  de 
deux  à  trois  heures  de  marche  et  si  haut  que  ses 
bords  sont  parfois  quaUfiés  de  montagnes;  uni  à 
l'Oued  Mya,  il  forme  le  grand  bassin  de  l'Oiied  Rhir, 
il  coulait  de  l'intérieur  du  Sahara  vers  les  Chotts. 
L'Oued  Seggueur,  l'Oued  Ouir,  etc.,  avaient  des  bas- 
sins analogues  diversement  orientés.  Tous  aujour- 
d'hui sont  des  fleuves  morts.  Leur  lit,  envahi  par  les 
sables,  n'est  pas  toujours  facile  à  suivre.  Seulement 
lors  des  grandes  pluies, un  torrent  éphémère  en  occupe 
une  faible  partie,  produisant  encore  dans  ces  terres 
meubles,  sans  végétation,  des  érosions  considérables. 
Sous  ces  lits,  à  des  profondeurs  variables,  existent 
souvent  des  nappes  aquifères  importantes. 

Le  Sahara  se  compose  en  somme  de  quelques 
chaînes  de  montagnes;  de  vastes  plateaux,  diverse- 
ment ondulés,  tantôt  formés  de  roche  dure  couverte 
d'éclats  noirâtres  (Hamada),  tantôt  de  nature  allu^ 


CLIMATOLOGIE.  147 

viale  (Reg);  de  dépressions  sans  issue  (Dayas,  Seb- 
kas,  Ghotts,  suivant  leur  importance);  de  dunes 
sableuses,  de  lits  de  torrents  bordés  de  berges 
abruptes,  parfois  disséquées  en  masses  verticales  de 
rell'et  le  plus  piltoresque  (Gour,  au  singulier  Gara), 
et  enfin  d'oasis,  là  où  les  sources  naturelles  ou 
artificielles  créent  une  végétation  luxuriante  qui  se 
traduit  par  une  tache  d'un  vert  sombre  au  milieu  de 
la  désolation  générale. 

Climatologie.  -—Le  climat  seul  stérilise  ces  terres, 
qui  seraient  sans  cela  aussi  riches  que  d'autres. 
A  quoi  tient  cet  état  de  choses?  On  a  prétendu  long- 
temps que  le  grand  facteur  des  déserts  de  l'Asie  et 
du  Sahara  était  Talisé  soufflant  du  pôle  vers  l'équa- 
teur,  dévié  vers  l'ouest  par  la  rotation  de  la  terre.  Cet 
alizé,  pauvre  en  eau,  à  cause  des  basses  températures 
du  nord,  dépouillé  encore  d'une  partie  de  son  humi- 
dité par  les  hauts  plateaux  de  l'Asie,  arrivant  dans 
des  contrées  plus  chaudes,  devait  devenir  très  sec. 
L'observation  directe  n'a  pas  vérifié,  pour  le  Sahara, 
cette  théorie  simple  et  grandiose.  Ce  n'est  que  dans 
le  sud  du  Sahara  et  seulement  en  hiver  que  l'on 
trouve  quelque  chose  d'analogue  à  cet  alizé.  Les 
causes  du  Sahara  paraissent  être  plus  locales.  L'hi- 
ver (1),  le  Sahara,  étant  assez  élevé,  est  plus  froid  que 
les  mers  environnantes;  il  s'y  crée  alors  un  centre 
de  hautes  pressions  et  le  vent  souffle  du  centre  très 
calme  vers  la  périphérie.  L'été,  c'est  un  phénomène 
inverse  qui  se  produit;  le  Sahara  surchauffé  forme 
une  cheminée  d'appel  et  les  vents  soufflent  de  la 
périphérie  vers  le  centre.  Ce  sont  les  seuls  qui  pour- 

(1)0d  observe  presque  partout  des  températures  de —  8",  qui 
doivent  être  bien  dépassées  (Jans  les  moutagnes. 


148  LE  SAHARA. 

raient  apporter  de  Teau,  mais  ceux  qui  viennent  de 
la  Méditerranée  laissent  une  partie  de  leur  humidité 
sur  les  montagnes  du  Tell  et  des  Hauts-Plateaux  et, 
arrivant  dans  les  pays  très  chauds,  sont  bien  éloignés 
de  leur  point  de  saturation  ;  au  lieu  de  laisser  déposer 
leur  humidité,  ils  deviennent  de  plus  en  plus  dessé- 
chants. 

Il  manque  un  réfrigérant  pour  leur  soutirer  le  peu 
d'eau  qu'ils  apportent.  Les  vents  qui  viennent  de 
l'Océan  sont  également  peu  riches  en  vapeur  d'eau, 
à  cause  d'un  courant  d'eau  froide  qui  longe  la  côte 
et  qui  fait  que  la  température  moyenne  est  la  même 
au  cap  Juby  qu'à  Alger.  Les  mêmes  phénomènes  se 
passent  encore  de  ce  coté. 

On  pourrait  objecter  à  cette  théorie  que  la  mous- 
son qui  apporte  la  pluie  au  Soudan  souffle  aussi  de 
la  mer  vers  un  cUmat  plus  chaud,  mais  au  Soudan 
ce  sont  les  hautes  régions  de  l'atmosphère,  plus 
froides  que  la  mer,  qui  condensent  les  vapeurs.  Au 
Sahara,  la  mousson  qui  vient  de  la  Méditerranée 
souffle  du  nord  au  sud  et,  comme  l'atmosphère  va 
en  s'échauffant  à  mesure  que  l'on  se  rapproche  de 
l'Equateur,  elle  ne  trouve  pas,  même  dans  les  régions 
supérieures,  un  froid  capable  de  condenser  sa 
vapeur. 

Telles  semblent  être  en  gros  les  causes  du  chmat 
actuel  du  Sahara  ;  toutefois  des  causes  locales  amè- 
nent çà  et  là  des  complications.  Ainsi  les  Hauts- 
Plateaux  oranais  créent,  de  ce  côté,  un  petit  Sahara 
fonctionnant  à  côté  du  grand. 

Il  pleut  cependant  au  désert,  mais  ces  pluies, 
parfois  diluviennes,  sont  extrêmement  irrégulières. 
Certains  points  peuvent  rester  dix  ans,  peut-être  même 


CLIMATOLOGIE.  149 

vingt,  sans  être  arrosés  sérieusement.  Les  chaînes 
de  montagnes  semblent  pourtant  avoir  des  pluies 
plus  régulières.  L'Aïr,  qui  reçoit  encore  en  été  les 
restes  de  la  mousson  pluvieuse  du  Soudan,  a  des 
vallées  verdoyantes  et  nourrit  encore  des  bœufs.  11 
en  est  de  même  à  l'est  dans  le  Thibosti.  L'Ahaggar 
a  au  contraire  des  pluies  d'hiver  qui  viennent  de  la 
Méditerranée.  Il  a  même  quelquefois  de  la  neige. 
Aussi  y  voit-on  des  sources  d'eau  vive  et  des  cascades, 
avec  des  poissons  et  même  un  petit  lac,  le  lac  Men- 
khough.  Ces  montagnes  agissent  comme  condensa- 
teurs. Quant  aux  pluies,  qui  tombent  sur  les  autres 
parties  du  Sahara,  elles  sont  dues  en  général  à  des 
cyclones.  L'air,  élevé  brusquement  à  de  grandes  hau- 
teurs, se  refroidit  par  détente. 

Au  Sahara,  le  ciel  est  généralement  très  pur,  à 
moins  qu'il  ne  soit  obscurci  par  la  poussière  qu'em- 
porte le  sirocco.  Les  nuits  sont  encore  plus  sereines 
que  les  jours  et  pourtant  la  rosée  et  la  gelée  blanche 
sont  rares.  Bien  que  la  quantité  pondérale  de  vapeur 
d'eau  contenue  dans  l'atmosphère  soit  parfois  très 
appréciable,  l'état  hygrométrique  est  toujours  faible 
l'été,  à  cause  de  la  température.  Certains  jours,  la 
sécheresse  est  telle  que  les  ongles  se  brisent  comme 
du  verre,  les  objets  encorne  se  fendent  en  lamelles, 
l'encre  sèche  au  bout  de  la  plume,  sans  que  l'on 
paisse  écrire. 

La  température  moyenne  de  l'année  est  presque 
tempérée;  elle  varie  de  21°  à  24°,  suivant  les  loca- 
lités, mais  ses  variations  annuelles  ou  même  diurnes 
sont  énormes.  Tandis  que  les  températures  de  —  8° 
ne  sont  pas  rares  l'hiver,  presque  partout,  sauf  vers 
l'Atlantique,  le  thermomètre  sous  abri  peut  atteindre 


150  LE   SAHARA. 

50°  l'été.  Les  variations  diurnes,  qui  atteignent  déjà 
17°  sur  la  lisière  algérienne,  peuvent  dépasser  30° 
dans  l'intérieur.  Le  sable,  les  roches  peuvent  atteindre 
dans  le  jour  des  températures  de  plus  de  70°.  Déjà,  à 
Biskra,  il  est  quelquefois  possible  de  faire  cuire  un 
œuf  dans  le  sable.  Rohlfs  ayant  une  fois  posé  à  terre 
un  thermomètre  gradué  jusqu'à  70°  et  une  bougie,  le 
thermomètre  éclata  et  de  la  bougie  il  ne  trouva  plus 
que  la  mèche.  Il  était  obligé  de  faire  voyager  son 
chien  à  dos  de  chameau,  le  sable  lui  brûlant  les 
pattes.  C'est  le  manque  d'eau,  ce  grand  régulateur, 
qui  rend  le  cUmat  si  excessif. 

Avec  un  pareil  chmat,  on  comprend  que  l'évapora- 
tion  doit  être  énorme.  Le  D''  Amat  était  arrive  au 
Mzab  au  chiffre  fantastique  de  14  mètres  d'évapora- 
tion  en  six  mois.  Mais  les  formules  des  psychro- 
mètres  et  évaporamètres  cessent  d'être  exactes  à  des 
températures  aussi  élevées. 

Cours  d'eau.  —  Aussi  ne  trouve-t-on  guère  au 
Sahara  que  des  cours  d'eau  souterrains,  protégés 
contre  l'évaporation  par  une  épaisse  couche  de 
terre.  Dans  les  Ghotts  où  l'eau  persiste,  elle  est 
beaucoup  plus  salée  que  l'eau  de  mer  et  en  couche 
peu  profonde.  Certains  se  dessèchent  complètement, 
ne  laissant  que  du  sel  et  du  gypse  brillants  sur  un 
sol  dur,  mais  donnant  encore  à  distance  l'illusion 
de  l'eau.  Le  mirage  est  fréquent  dans  les  Ghotts  des- 
séchés. D'autres  restent  toujours  boueux,  comme  le 
Chott-el-Djerid.  Ces  boues  sont  même  souvent  assez 
fluides  pour  que  l'on  puisse  s'y  enhser  facilement. 
Il  faut  avoir  bien  soin  de  suivre  les  pistes  connues. 
Les  Chotts  qui  conservent  de  l'eau  ou  des  boues 
liquides    sont    généralement    entretenus   par    des 


COURS   D'EAU.  151 

sources  ou  des  oueds.  Ce  sont  les  sources  d'eau 
douce  du  Chott-el-Djerid  qui  avaient  fait  croire  à 
l'existence  d'un  lac  souterrain.  Partout  l'évapora- 
tion  possible  est  bien  supérieure  aux  précipitations. 
On  admet  môme  généralement  que  l'évaporation 
réelle  est  plus  considérable  que  les  apports  d'eau, 
en  un  mot  que  les  dépenses  en  eau  dépassent  les 
receltes,  et  que  l'état  du  Sahara  va  toujours  en 
s'aggravant.  Cela  est  probablement  vrai,  mais,  en 
tout  cas,  cette  aggravation  est  extrêmement  lente. 

Un  continent  presque  privé  d'eaux  courantes,  qui  à 
elles  seules  façonnent  à  peu  près  tous  les  autres 
doit  présenter  des  caractères  bien  particuliers. 

«  Le  désert  (1),  dit  Schirmer,  plus  que  toutes  les 
autres  parties  de  la  surface  terrestre,  a  l'apparence 
de  l'immobilité.  Le  climat  implacable  a  dépeuplé 
la  terre;  les  grandes  plaines  nous  offrent  l'image 
absolue  du  vide.  Les  montagnes  sont  comme  des 
squelettes,  dont  le  soleil  a  mangé  la  chair;  les  dunes 
ont  l'air  de  vagues  d'or  mat  solidifiées  ;  l'absence  de 
bruit  est  telle  que,  suivant  l'expression  d'un  voya- 
geur, on  écoute  le  silence.  Tout  cela  parait  immua- 
ble, figé  dans  l'éblouissante  lumière,  et  il  semble 
que  l'homme  seul  change  dans  ces  paysages  éter- 
nellement les  mômes.  » 

Pourtant  cette  immobiUté  est  plus  apparente  que 
réelle.  Le  Sahara,  comme  les  autres  continents, 
quoique  plus  lentement,  se  modifie  d'une  manière 
continue,  et  dans  cette  transformation  l'eau  joue  un 
rôle  un  peu  efTacé  peut-être,  mais  qui  n'est  point 
nul.  Les  averses  puissantes  qui  tombent  de  temps  à 

(1)  Schirmer,  loco  citato.,  p.  139. 


152  LE   SAHARA. 

autre  sur  ce  sol  presque  dénué  de  végétation  pro- 
duisent encore  de  fortes  érosions.  L'eau  de  pluie 
très  riche  en  acide  carbonique  attaque  vivement  les 
roches  calcaires. 

Mais  les  principaux  agents  modificateurs  du 
Sahara  sont  le  soleil  et  le  vent.  Sous  l'influence  des 
énormes  variations  diurnes  de  température,  qui,  dit- 
on,  peuvent  parfois  atteindre  80*",  les  pierres  écla- 
tent et  se  délitent  peu  à  peu.  D'autre  part,  le  vent 
s'empare  de  tous  les  matériaux  à  sa  portée  :  roches 
déUtées,  sables,  alluvions  ;  les  trie,  les  classe,  les 
transporte.  Projetés  par  un  vent  violent,  les  grains 
de  sable  vont  bombarder  les  parois  verticales  des 
Gours,  les  escarpements  rocheux  et  affouillent  les 
parties  les  plus  tendres;  les  roches  dures,  restant  en 
surplomb,  finissent  par  se  briser  sous  leur  propre 
poids  et  tomber. 

Les  mêmes  sables,  projetés  sur  les  surfaces 
rocheuses  et  sur  leurs  éclats,  les  polissent  au  point 
de  donner  aux  plus  rugueuses  un  toucher  savonneux. 
Il  y  a  une  grande  diflerence  dans  le  polissage  des 
roches  ou  des  galets  par  le  sable  et  ce  même  poUs- 
sage  effectué  par  l'eau.  Tandis  que  l'eau  émoussant 
et  supprimant  les  angles,  produit  toujours  des  sur- 
faces arrondies,  le  sable  respecte  la  forme  générale, 
se  bornant  à  donner  aux  moindres  anfractuosités  un 
poli  parfait. 

Les  divers  matériaux  entraînés  par  le  vent  sont 
classés  par  ordre  de  dimensions  avec  une  admirable 
précision.  Les  parties  tendres,  qui  s'effritent  en  pous- 
sières impalpables,  sont  emportées  par  le  sirocco  à 
d'énormes  distances  et  vont  tomber  soit  dans  l'Atlan- 
tique,   soit   dans   la    Méditerranée,  soit  même   en 


dunb;s.  1S3 

Europe.  Les  matériaux  un  peu  gros  ne  vont  jamais 
bien  loin,  mais  les  grains  de  sable  fin,  généralement 
quartzeux,  trop  lourds  pour  flotter  dans  l'air,  rasent 
le  sol  et,  arrêtés  par  un  obstacle  quelconque,  vont 
former  les  dunes. 

Ainsi,  sous  l'influence  de  ces  forces  diverses,  les 
montagnes  mêmes  tombent  lentement  en  ruines,  qui 
imitent  parfois  à  s'y  méprendre  les  ruines  de  l'indus- 
trie humaine,  tours,  vieux  châteaux,  villes.  Ces 
ruines  n'étant  pas  remaniées  par  les  eaux  ont  un 
caractère  fruste  et  abrupt  tout  à  fait  particuHer.  Le 
Sahara  tout  entier  ressemble  lui-même  à  une  ruine 
de  continent,  avec  ses  montagnes  en  escaUers,  ses 
vastes  hamadas  couvertes  d'éclats  de  roches  noi- 
râtres et  comme  calcinés,  son  chaos  de  cuvettes  sans 
issue,  de  Gours  à  pic,  de  dunes  immenses,  dévastes 
plaines  alluviales  presque  nues,  de  lits  de  fleuves 
morts,  comblés  çà  et  là  par  les  dunes.  De  temps  à 
autre,  une  oasis  vient  trancher  sur  l'ensemble,  comme 
une  tache  d'un  vert  sombre. 

Dunes.  —  Les  dunes  couvrent,  d'après  M.  Pomel, 
environ  1/9  de  la  superflcie  totale  du  Sahara.  Elles 
forment  généralement  des  agglomérations  considé- 
rables, des  aregs,  comme  l'Erg  oriental  et  l'Erg 
occidental  en  Algérie,  la  plus  grande  partie  du 
désert  Libyque,  etc.  Un  système  de  dunes  dans  son 
ensemble  représente  assez  bien  les  vagues  d'une 
mer  en  furie  brusquement  pétrifiée.  Toutefois  ces 
A^agues,  dont  quelques-unes  peuvent  atteindre  de  150 
h  300  mètres  de  haut,  sont  extrêmement  inégales  et 
présentent  des  surfaces  plus  régulières  que  les 
vagues  de  la  mer.  Sous  le  soleil  saharien,  elles  pren- 
nent une  teinte  dorée,  qui  rappelle  assez  bien  celle 


154  LE  SAHARA. 

des  tas  de  blé  que  Ton  voit  parfois  sur  nos  ports.  Ces 
vagues  sont  souvent  orientées  dans  un  même  sens, 
présentant  une  pente  douce  du  côté  d'où  vient  le 
vent  et  une  pente  plus  abrupte  du  côté  opposé.  Pous- 
sés par  le  vent,  les  grains  de  sable  gUssent  sur  le 
plan  incliné  de  la  dune,  arrivent  au  sommet  où  ils 
produisent  comme  une  sorte  de  fumée  et  tombent 
par  leur  propre  pesanteur,  en  formant  sur  le  côté 
opposé  un  éboulis  à  45°  d'inclinaison  environ, 
comme  tous  les  éboulis.  Les  choses  se  passeraient 
ainsi,  si  les  vents  étaient  réguliers  toute  l'année, 
mais  ils  changent  souvent.  De  là  bien  des  change- 
ments à  ce  plan  primitif,  des  croisements  des  lignes 
de  vagues  et  des  modifications  infinies.  En  général, 
les  crêtes  restent  vives,  elles  peuvent  être  droites  ou 
courbes  et  diversement  ramifiées. 

Les  dunes  recouvrent  souvent  des  bas-fonds;  elles 
sont  alors  formées  de  sable  homogène  dans  toute 
leur  épaisseur.  Le  sable  des  dunes  est  d'un  grain 
très  fm  et  remarquable  par  sa  régularité.  Parfois  le 
sable  a  été  arrêté  dans  sa  marche  par  un  obstacle 
quelconque,  montagne,  colhne,  etc.,  qui  émerge 
encore  du  sable  çà  et  là.  Quelquefois  ce  sont  des 
touffes  de  Relam  ou  Calligonum^  qui  offrent  un 
obstacle  au  sable  et  commencent  une  petite  dune, 
ou  même  de  simples  plantes  viv^aces  (Drinn,  Astra- 
galus  Gombo,  etc.).  Le  sable  accumulé  finit  par 
recouvrir  la  touffe;  à  la  première  pluie,  celle-ci  perce 
de  tous  côtés  sa  couverture  de  sable,  forme  un  nou- 
vel obstacle  que  la  dune  en  croissant  recouvre 
encore,  et  ainsi  de  suite. 

On  a  cru  longtemps  que  les  dunes  étaient  extrê- 
mement mobiles,  que  le  vent  les  transportait  d'un 


DUNES.  155 

lieu  à  un  autre  et  que  des  caravanes  pouvaient 
être  englouties  dans  ces  rafales  de  sable.  C'est  là  une 
erreur,  contre  laquelle  s'est  élevé  avec  raison 
M.  Pomcl  (1). 

Que  le  sable,  poussé  par  un  sirocco  sec  et  brûlant, 
gcne  considérablement  la  marche  des  caravanes  et 
rende  la  respiration  difficile,  rien  n'est  plus  certain, 
mais,  le  calme  rétabli,  on  en  est  quitte  pour  une 
légère  couche  de  sable  et  de  poussière  à  secouer  de 
ses  vêtements,  et  les  plus  fortes  tempêtes  produi- 
sent assez  peu  de  changement  sur  les  dunes  pour 
que  leurs  sommets,  leurs  cols,  leurs  vallées,  etc., 
aient  des  noms  que  les  Sahariens  se  transmettent  de 
père  en  fils.  En  réahté,  les  dunes  ne  changent  guère 
de  place  et  ne  se  modifient  que  bien  lentement, 
avançant  ou  reculant  suivant  le  sens  du  vent. 

Sur  ces  surfaces  de  sable  pur,  parfaitement  uni,  le 
moindre  insecte  laisse  une  trace  d'une  netteté 
remarquable. 

Contrairement  à  ce  que  l'on  pourrait  croire  àpriori, 
en  dehors  des  oasis,  les  dunes  sont  les  contrées  les 
plus  plantureuses  du  désert.  Aussi,  loin  de  les  fuir, 
les  caravanes  orientent  toujours  leur  route  vers 
elles,  sûres  d'y  trouver  de  l'eau  et  de  l'herbe  pour 
les  chameaux,  ce  que  l'on  chercherait  vainement 
dans  le  Reg  comme  dans  la  Hamada.  Sans  doute, 
avec  un  mauvais  guide  on  risque  de  s'y  perdre,  mais 
sans  elles  il  serait  bien  difficile  de  traverser  le 
désert.  Ces  masses  de  sable  constituent  de  gigantes- 
ques éponges  où  s'emmagasine  la  moindre  averse, 
bien  vite  descendue  à  un  niveau  assez  bas  pour  être 

(1)  Pomel,  Sahara,  p.  19. 


1^6  LE  SAHARA. 

à  l'abri  de  l'évaporation,  et  la  capillarité  maintient 
longtemps  celte  eau  dans  la  profondeur,  ne  la  lais- 
sant écouler  que  lentement.  Si  la  dune  se  trouve 
sur  un  bas-fond,  les  eaux  sous-jacentes,  protégées 
contre  l'évaporation,  peuvent  môme  y  monter  par 
capillarité. 

Sources.  —  Presque  toujours,  près  des  dunes,  on 
trouve  des  sources.  Au  désert,  partout  où  il  y  a  de 
l'humidité,  il  y  a  de  la  végétation  et,  bien  que  le 
sable  soit  peu  fertile  par  lui-même,  comme  les 
plantes  peuvent  en  peu  de  temps  y  produire  des 
racines  extrêmement  longues,  capables  d'aller  cher- 
cher à  des  distances  énormes  l'humidité  et  la  nourri- 
ture, une  abondante  végétation  s'établit  presque 
toujours  vers  la  base  de  la  dune.  Le  Drinn  est  le 
principal  facteur  de  cette  végétation,  mais  avec  lui 
se  trouvent  une  foule  de  plantes  :  Genista  Saharœ^ 
Calligonum  comosum,  Rumex  tingitanuSy  Liyiaria 
agglutinans^  Euphorbia  Guyoniana^  Scropkularia 
Saharœ^  Convolvulus  supinus,  Eremobium  li- 
nea?'e,  etc. 

Ce  n'est  pas  seulement  près  des  dunes  que  Ton 
trouve  de  l'eau  au  Sahara.  Il  ne  peut  guère  en 
subsister  à  ciel  ouvert,  mais  des  nappes  souter- 
raines, parfois  d'une  puissance  extraordinaire,  cir- 
culent çà  et  là,  le  plus  souvent  sous  le  Ut  des  anciens 
fleuves.  Lorsqu'un  pli  de  terrain  imperméable,  brus- 
quement redressé,  les  arrête,  elles  viennent  sourdre 
à  la  surface  et  former  les  oasis  naturelles.  Près  de 
Laghouat,  le  sol  est  imperméable  et  chaque  dépres- 
sion forme  une  Daya  pleine  d'eau  l'hiver.  Dans  ces 
Dayas  poussent  debeauxBetoum  [Phtacia atlantica), 
le    Zizyphus   Lotus,  des    Salsolacées,    des    plantes 


SOURCES. 


157 


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158  LE  SAHARA. 

annuelles,  etc.  On  peut  môme  quelquefois  y  cultiver 
de  rOrge.  Ailleurs  on  voit  çà  et  là  des  ravins  nourris- 
sant quelque  végétation,  indice  d'une  certaine  humi- 
dité que  les  plantes  sahariennes  savent  aller  chercher 
à  d'énormes  profondeurs  (fig.  13). 

D'où  peuvent  provenir  ces  eaux?  probablement 
des  montagnes.  Les  montagnes  quibordentle  Sahara, 
surtout  dans  le  Sud  oranais,  sont  admirablement  dis- 
posées pour  absorber  l'eau  avec  leurs  couches  paral- 
lèles réguUèrement  incUnées.  Sur  le  Mzi,  vers 
2000  mètres,  nous  avons  vu,  au  miheu  de  juin,  un 
magnifique  ruisseau  avec  des  cascades.  Or,  c'est  à 
peine  si,  à  la  base  de  la  montagne,  il  existe  quelques 
puits.  L'eau  de  ce  ruisseau  doit  aller  ressortir 
quelque  part,  au  Figuig  probablement.  Il  semble  évi- 
dent que  les  eaux  des  Zibans proviennent  de  l'Aurès. 
Les  montagnes  sahariennes  peuvent  aussi  ahmenter 
des  cours  d'eaux  souterrains;  enfin  l'eau  qui  tombe  à 
la  surface  du  Sahara  peut  atteindre  les  couches  pro- 
fondes du  sol.  Il  est  rare  de  trouver  de  l'eau  dans  la 
Hamada.  Le  Mzab  est  extrêmement  pauvre  en  eau; 
peut-être  cependant  renferme-t-il  à  une  grande  pro- 
fondeur des  réserves  aquifères.  Yille  a  entendu,  à 
travers  une  fente  du  calcaire,  d'où  sortait  un  vent 
assez  fort  pour  éteindre  une  bougie,  gronder  un 
Oued  souterrain  (i). 

Flore  saharienne.  —  La  flore  saharienne  est  na- 
turellement pauvre.  La  sécheresse  en  exclut  la  plu- 
part des  plantes  ;  les  froids  assez  considérables  de 
l'hiver  n'y  laissent  guère  pénétrer  les  espèces  souda- 
niennes.  Elle  est  remarquablement  homogène.  Les 

(1)  Oa  a,  depuis  que  ceci  était  écrit,  créé  un  véritable  lac  à 
El  Goléa, 


FLORE  SAHARIENNE.  lo9 

plantes  qui  ont  pu  résister  à  de  telles  conditions  cli- 
matériques  doivent  être  peu  difficiles  sur  le  choix 
des  stations.  On  y  distingue  surtout  les  plantes  des 
sables  et  celles  des  terrains  durs. 

Lorsque  le  Sahara  avait  un  régime  aquifère  plus 
riche,  à  l'époque  où  coulaient  ses  fleuves  et  où  se 
déposaient  ses  grandes  alluvions,  il  dut  nourrir  une 
flore  bien  plus  riche,  dont  on  trouvera  peut-être  des 
restes  dans  les  montagnes,  lorsque  celles-ci  seront 
connues.  Mais  même  alors  il  devait  exister  déjà  sur 
cette  immense  surface  des  contrées  désertiques. 
Il  serait  difficile  de  s'expliquer  autrement  l'existence 
de  la  flore  saharienne,  qui  n'a  évidemment  pu 
prendre  naissance  qu'à  une  époque  fort  reculée.  Il 
est  même  possible  que  les  espèces  qui  habitaient 
alors  les  contrées  riches  en  eau  fussent  les  mêmes 
que  nous  trouvons  aujourd'hui  sur  les  Hauts-Pla- 
teaux, le  Tell  et  même  en  Espagne,  et  qui  ont  émigré 
peu  à  peu  en  suivant  les  changements  du  cUmat.  On 
assure  que  l'on  trouve  dans  le  Ahaggar  la  vigne,  le 
laurier-rose,  le  figuier  et  le  Thwja^  ou  plutôt 
le  Juniperus  phenicea  (\).  A  défaut  des  montagnes 
sahariennes,  nous  avons  exploré  le  Mzi  et  l'Aissa 
dans  la  région  d'Ain  Sefra.  Le  Mzi  est  surtout  carac- 
téristique. Jusque  vers  1800  mètres,  on  trouve  des 
peuplements  d'Alfa  et  une  flore  subdésertique.  Là, 
à  l'alfa  succède  VAvena  fiUfoHa^  espèce  d'Espagne, 
puis  apparaît  le  Chêne  vert,  le  Genévrier  oxycèdre. 
Ensuite  viennent  des  prairies,  des  sources,  des  ruis- 
seaux et  une  flore  très  riche  formée  d'espèces  com- 
munes en  Europe  :  Bosa  Pouzini^Geranium  rolundi- 

(1)  Ces  deux  arbres  portent  en  effet  le  même  nom  arabe  ; 
Arrar,  et  le  dernier  est  bien  pitjs  méridional. 


160  LE  SAHARA. 

foliiim,  Lithospennum  incrassatum ,  Belosciadium 
nodiflorum^  No^ium  Oleander,  etc.  ;  toute  une  co- 
lonie de  plantes  qui  n'étaient  alors  connues  qu'en 
Espagne,  d'autres  de  l'Aurès,  du  Djebel  Amour  et 
du  Maroc,  d'autres  enfin  spéciales.  Un  beau  Silène 
nouveau  était  voisin  d'un  Silène  de  Perse.  Cette 
flore  curieuse  forme  une  véritable  île  isolée,  sur  ce 
sommet  de  montagne,  au  milieu  d'une  mer  de  plantes 
désertiques  et  subdésertiques.  Les  montagnes  voi- 
sines présentent  des  pliéiiomènes  analogues. 

II  est  probable  que,  lors  du  changement  de  climat 
du  Sahara,  beaucoup  d'espèces  ont  disparu  totale- 
ment. Nos  genres  monotypes  des  Hauts-Plateaux 
sont  peut-être  des  survivants  de  cette  flore. 

Pomel  et  Cosson  évaluent  à  500  environ  le  nombre 
des  espèces  du  Sahara  algérien  et  peut-être  n'y  en 
a-t-il  pas  plus  de  1000  dans  le  désert  tout  entier. 
Toutefois  cette  évaluation  est  encore  prématurée. 

Un  seul  arbre,  le  Betoum  {Pistacia  atlantica)  y  a 
à  peu  près  l'aspect  des  arbres  d'Europe.  Encore 
n'existe-t-il  que  sur  le  bord  des  Dayas  ou  près  du  lit 
des  Oueds.  En  dehors  de  cette  espèce,  on  n'y  voit 
comme  arbres  que  des  Tamarix  et  quelques  Acacias. 
Un  petit  nombre  d'arbustes  Advent  dans  les  dunes  : 
Calligomnn  comosuiii^  Rétama  Retam^  Genista  Saharœ, 
Ephedra  alaia  (Alenda)  ;  quelques-unes  sur  les  sols 
durs,  surtout  au  bord  des  Oueds  :  Ziz]jphus  Lotiis^ 
Rhiis  dioïca,  Lliiio)nasinun  Gu\ionyanum,  et  vers  la 
lisière,  le  Warionla  Saharie  et  une  espèce  de  câprier, 
plantes  rupestres. 

La  Hamada  même,  très  sèche,  nourrit  un  certain 
nombre  de  plantes  naines,  clairsemées,  d'un  port  sec 
pt    rigide    particulier    :  Salsolacées,    Limoniaslrum 


FLORE  SAHARIENNE.  161 

Feci,  Fagonias,  Hélianthèmes,  Herniarias,  Polycar- 
pœas,  Sclerocephalus^  Gijmnocarpus^  Aristida^  etc. 

Dans  le  fond  des  Oueds,  entre  les  fentes  des  rochers, 
quelques  touffes  de  Dianthus  criniius^  Farseiia,  Zilla, 
Morkandia,  Henophyton^  Galium  ephedroides^  Antirld- 
num  ramosissimum,  fiandonia^Perralderia^IJœmia,  etc. 
Mais  la  flore  la  plus  riche  est  celle  de  la  dune.  Par- 
tout où  il  tombe  de  l'eau  susceptible  d'entretenir  la 
fraîcheur  du  sol  pendant  quelque  temps,  se  développe 
toute  une  flore  de  plantes  annuelles  :  Moricandia  ci- 
nerea,  teretifolia,  Scabiosa  feneslraia,  Plantago  syr- 
tica  et  ovata^  Reboudia  erucarioides,  Diplotaxis^  etc., 
capables  d'accomplir  en  peu  de  temps  le  cycle  de 
leur  existence.  Mais  la  flore  saharienne  est  surtout 
formée  d'espèces  vivaces  et  sous-ligneuses. 

La  famille  des  Synanlhérées  s'y  montre  encore  la 
plus  nombreuse,  avec  plus  de  90  espèces  et  de  nom- 
breux types  génériques  spéciaux  :  Wan'onia,  Gyiiwar- 
rhena^  liheiinolepis^  Rlianierium^  Perraldeina^  Fran- 
cœuria,  Anvillea,  Chlainidophora,  Ifloga^  Lasiopogon^ 
Tourneuxia^  etc.  Puis  viennent  les  Légumineuses, 
avec  une  quarantaine  d'espèces,  dont  5  à  6  Génistées, 
de  nombreux  Astragalus^VAlliagiinaurorum  ow  k\^o\ 
si  caractéristique,  quelques  Acacias,  etc.  Les  Cruci- 
fères aussi  avec  une  quarantaine  d'espèces,  parmi  les- 
quelles de  nombreux  types  spéciaux  et  les  genres  dé- 
sertiques :  Henophyton,  Notoceras,  Savignya,  Farsetia, 
Reboudia,  Anasiatica,  Lonchophora,  Zilla,  Murica- 
ria,  Enarlkrocarpus,  etc.  Puis  les  Graminées,  à  peu 
près  en  même  nombre  avec  leurs  Aristida,  Pennise- 
tum,  Tetrapogon,  Pappophorum,  Andropogon,  Ly- 
geum,  etc.  Les  Salsolacées,  au  moins  aussi  nom- 
breuses, avec  les  genres  :  Fchinopsilon,  Traganum^ 
Battandier  et  Tkabut.  —  Algérie,  i\ 


162  LE  SAHARA. 

Cornulaca,  Noœa ,  Haloxyloiiy  leurs  curieux  Ana- 
basis,  etc.  Les  Boraginées  n'ont  guère  qu'une  ving- 
taine d'espèces,  la  plupart  caractéristiques,  et  les 
genres  spéciaux  Ecfdochiion,  Arnehia,  Megastoma. 
Les  Scrophulariées  et  les  Ombellifères  ont  chacune 
une  quinzaine  d'espèces  et,  parmi  ces  dernières,  les 
genres  très  spéciaux  Deverra  et  Ammodaucus.  Les 
Labiées  et  les  Kutacées  en  ont  chacune  à  peu  près 
une  douzaine.  Parmi  ces  dernières,  les  Fagonia,  Zygo- 
phyllum,  Peganum,  Nitraria  tiennent  une  place  im- 
portante. LesPlombaginées,  les  Résédacées,  avec  les 
genres  Randonia  et  Oligomeris  et  des  Résédas  très  spé- 
ciaux, viennent  ensuite  avec  les  Solanées,  les  Parony- 
chiées,  les  Euphorbiacées.  Les  Euphorbes  déserti- 
ques sont  très  spéciales  et  une  espèce,  YEuphorbia 
Guy oniana client  une  grande  place  dans  la  flore  des 
dunes.  Les  Silénées,  Cistinées,  Tamariscinées,  Dip- 
sacées,  Rubiacées  et  Cypéracées  contiennent  chacune 
5  à  6  représentants.  Les  Rubiacées  off'rent  le  curieux 
genre  Gaitlonia.  Les  Rosacées  sont  représentées  par 
une  curieuse  plante  aussi,  le  Neurada  procumbens  ;  les 
Asclépiadées  par  le  Dsemia  cordata,  et  le  Calotropis 
procera  venu  du  Soudan  ;  les  Urticées  par  le  Forskholea 
tenacissima;  les  Amaranthacées  par  VŒrua  Japo- 
nica,  etc.  Un  grand  nombre  de  familles  ne  sont  repré- 
sentées que  par  une  seule  espèce.  Des  familles  com- 
munes dans  le  bassin  méditerranéen  n'y  sont  pas  re- 
présentées du  tout  :  Yiolariées,  Iridées,  OrchidéeS;,  etc. 
D'ailleurs,  en  dehors  des  Graminées  et  des  Cypéra- 
cées, peu  de  Monocotylédones.  Une  Colchicacée,  Ery- 
throstictus  punctatus  'jUne  AmdiVyUidée,  Pancratium  Sa- 
harœ\  quelques  Lihacées  :  Asphodelus  pendulinus  et 
tenuifolius,  Dipcadi  se?'otinum,  Urginea  nocliflora. 


FLORE  SAIlAHIlilNNE.  103 

Les  Cryptogames  sont  encore  trop  peu  connues. 
Nous  citerons  seulement  un  groupe  de  Tubéracées, 
les  Terfas  [Terfezia^  Tirmania,  etc.)  et  le  Lecanora 
esculen/a,  à  cause  de  leur  rôle  alimentaire.  LesTerfaz, 
IrulTcs  blanches  peu  parfumées,  forment  un  aliment 
sain,  parfois  abondant;  quelques-unes  atteignent  le 
volume  d'une  pomme,  mais,  comme  elles  demandent 
une  certaine  quantité  d'humidité  pour  se  développer, 
elles  ne  poussent  pas  tous  les  ans  au  Sahara.  Le 
Lecanora  esculenia  est  un  lichen  globuleux,  mame- 
lonné, de  la  grosseur  d'un  pois  le  plus  souvent,  d'un 
gris  rosé,  sec,  facile  à  pulvériser  et  formant  une 
farine  nutritive.  On  le  trouve  parfois  en  grande  abon- 
dance amassé  par  le  vent.  Il  est  assez  rare  en  Algé- 
rie et  se  développe  après  les  fortes  pluies.  On  lui 
donne  le  nom  de  Manne  du  désert. 

Toute  cette  llore  a  un  cachet  très  spécial.  Plus  de 
la  moitié  des  espèces  lui  sont  propres.  Beaucoup 
des  genres  sont  également  spéciaux.  On  ne  sait  môme 
pas  à  quelle  sous-famille  des  Synanthérées  attribuer 
le  genre  Wariojiia.  Tout  cela  indique  pour  cette  llore 
une  ancienneté  bien  reculée. 

Là  plus  grande  partie  des  plantes  sahariennes 
sont  vivaces  avec  un  aspect  sec  et  rigide  très  parti- 
culier. Les  Synanthérées  et  les  Crucifères,  si  géné- 
ralement herbacées,  ont  au  Sahara  beaucoup  de  re- 
présentants sous-frutescents  :  Warioma  Saharx, 
divers  AlracU/lis^  Rhanterium,  Henophylon^  Farsclia^ 
Zilla,  etc.  Une  Linaire  et  un  Mufllier  y  sont  également 
ligneux.  Un  Sainfoin  très  caractéristique,  VAlhagi- 
maurorum,  y  forme  un  arbrisseau  épineux  et  presque 
sans  feuilles. 

Beaucoup  de  plantes  sahariennes,  pour  diminuer 


164  LE    SAHARA. 

l'évaporation,  ont  plus  ou  moins  supprimé  leur  feuil- 
lage et  ressemblent  à  des  brindilles  de  bois  mort  ou 
à  des  pailles  sèches  que  l'on  est  étonné  par  moments 
de  A^oir  pousser  et  fleurir  [Dcverra,  Statice  prui- 
nosa,  etc.).  Chez  d'autres,  les  feuilles  deviennent 
extrêmement  petites  et,  appliquées  contre  la  tige,  sont 
à  peine  visibles  (^a/so/asyomescens  et  beaucoup  de  Sal- 
solacées,  les  Tamarix^Calligonum,  les Ephedr a,  etc.). 
Chez  d'autres,  elles  tombent  à  la  moindre  sécheresse 
[Genisla  Saharœ,  Rétama,  etc.).  Les  Graminées  enrou- 
lent les  leurs  pour  cacher  leurs  siomcites. ]j' Ephedra 
alaia  obture  les  siens  d'un  tampon  résineux.  Les 
épidermes  se  revêtent  de  fortes  cuticules,  d'enduits 
cireux  ou  mucilagineux.  Partout  l'évaporation  est 
réduite  à  son  minimum. 

Les  Salsolacées  conservent  dans  leurs  tissus  gras 
et  charnus  des  réserves  d'eau  qui  s'épuiseront  pen- 
dant les  longues  sécheresses.  Pourtant  quelques 
plantes  ont  toujours  un  aspect  tendre  et  vert.  Telle 
est,  dans  les  dunes,  VEuphorbia  Guyoniana  dont  les 
racines  peuvent  aller  chercher  l'humidité  très  bas 
dans  la  dune.  Telle  est  surtout  la  Coloquinte,  assez 
semblable  à  la  Pastèque,  quoique  plus  petite.  Mais 
outre  que  ses  racines  vont  chercher  l'eau  très 
profondément,  elles  sont  charnues  et  forment  une 
réserve  importante. 

Ce  sont  surtout  les  plantes  de  la  Hamada  qui  ont 
l'aspect  le  plus  hgneux.  Les  Fagonia  y  ont  pourtant 
des  feuilles  vertes,  mais  les  uns  ont  ces  feuilles  un 
peu  grasses  comme  celles  des  Salsolacées  et  forte- 
ment cuticularisées  ;  d'autres  les  ont  recouvertes 
d'enduits  visqueux  spéciaux,  qui  leur  servent  peut- 
être  à  prendre  de  la  vapeur  d'eau  d^ns  l'atmosphère. 


FLORE  SAHARIENNE.  165 

Il  est  difficile  que  les  plantes  de  certaines  Hamadas 
très  sèches  puissent  subsister  autrement.  Beaucoup 
de  plantes  désertiques  :  Statice^  Reaumuria^  Ta?narix, 
Cressa,  Linaria  se  recouvrent  d'enduits  de  sels  déli- 
quescents. Ces  enduits  sèchent  à  la  chaleur  du  jour, 
mais  redeviennent  humides  la  nuit  aux  dépens  de 
l'atmosphère.  On  a  constaté  directement  que  le 
Reaumuria  arabica  séchait  quand  on  lui  enlevait  cet 
enduit.  Les  tissus  végétaux,  si  desséchés  pendant  les 
chaudes  journées  d'été  chez  les  plantes  de  la  Hamada, 
doivent  pouvoir  aussi  reprendre  un  peu  de  vapeur 
d'eau  à  l'air  pendant  la  nuit.  Môme  en  dehors  du 
désert,  il  est  difficile  de  s'expliquer  autrement  l'exis- 
tence de  certaines  plantes  algériennes  qui  passent 
Tété  sur  des  blocs  de  rocher  d'un  faible  volume. 

Les  plantes  sahariennes  vivaces  ont  en  général 
des  racines  extrêmement  longues,  et  ces  racines 
poussent  avec  une  très  grande  rapidité  dès  la  germi- 
nation, r.e  yVem^at/apj'ocMmôews, Rosacée  spiréacée,  est 
une  petite  plante  herbacée  appliquée  sur  le  sol,  dont 
les  fruits  restent  enfermés  dans  le  caUce  accrescent. 
Ces  fruits,  pareils  à  des  boutons,  germent  à  la 
moindre  pluie.  La  sécheresse  revient  parfois  avant 
qu'ils  aient  pu  produire  autre  chose  que  des  radicules. 
Si  l'on  essaye  de  ramasser  ces  fruits  qui  semblent 
secs,  on  est  tout  étonné  d'éprouver  une  vive  résis- 
tance. Ce  sont  les  radicules  qui  les  ont  fixés  au  sol. 
On  dirait  qu'on  y  a  cousu  des  boutons. 

Beaucoup  de  ces  plantes  ont  des  moyens  d'ense- 
mencement particuliers.  Les  fruits  des  Erodium^  du 
Monsonia  nivea,  de  diverses  Graminées  se  vissent 
dans  le  sol  à  la  manière  d'une  vrille  par  des  procédés 
bien    connus;    beaucoup   ont    des    fruits    qui    ne 


166  LE  SAHARA. 

s'ouvrent  qu'à  Thumidité.  VAnastatica  hierochuntica 
ou  Rose  de  Jéricho,  se  roule  en  boule  sous  Tinfluence 
de  la  sécheresse,  elle  est  bientôt  arrachée  par  le  vent 
et  roule  à  la  surface  du  désert,  jusqu'à  ce  qu'elle 
rencontre  un  bas-fond  humide  où  elle  laisse  étendre 
ses  rameaux  et  ouvrir  ses  siUcules. 

Contre  la  dent  des  animaux,  les  armes  ne  sont  pas 
plus  considérables  qu'ailleurs;  la  concurrence  n'y  est 
pas  plus  grande  non  plus.  S'il  y  a  peu  de  plantes,  il 
y  a  encore  moins  d'herbivores.  Ces  plantes  sont 
peu  engageantes,  mais  les  animaux  sahariens  ne 
sont  pas  difficiles.  Les  Euphorbes,  la  Coloquinte, 
les  Cleome,  les  Aplophyllum  sont  protégés  par  des 
essences  ou  des  résines  très  acres,  beaucoup  par 
leur  consistance  Hgneuse  et  leurs  souches  vivaces. 
Le  Faleslez,  malgré  des  alcaloïdes  toxiques,  est  brouté 
par  les  ruminants,  mais  tue  les  chevaux.  Enfin  un 
certain  nombre  sont  défendues  par  des  épines.  On  a 
souvent  dit  que  dans  les  pays  secs  toutes  les  plantes 
tendaient  à  devenir  épineuses  et  qu'en  particulier  les 
plantes  du  Sahara  étaient  très  épineuses.  En  réahté, 
elles  ne  le  sont  pas  plus  qu'ailleurs.  Parmi  les 
Génistées  du  Sahara  :  Rétama  Retam,  GenistaSaharœ, 
Argyrolobium  uniflorum^  Argyrolobium  Saharx,  Cro- 
talaria  Saharœ,  aucune  n'est  épineuse.  \J Erinacea 
pungens  ne  dépasse  pas  les  montagnes  des  Hauts- 
Plateaux.  Sur  tant  de  Salsolacées  ligneuses,  seuls  le 
Nosea  spinosissima  et  le  Cornulaca  monacantha  sont 
épineux.  Encore  le  premier  est-il  surtout  des  Hauts- 
Plateaux.  Le  Zlzyphus  Lotus  et  le  Rhus  dioica  sont  des 
plantes  du  Tell  égarées  dans  le  Sahara.  L'Ac«?7«/«?///«s 
tragacantho'ides,  la  mieux  armée  de  toutes,  fait 
d'ailleurs  les  déhces  des  chameaux.  H  est  pourtant  une 


OASIS.  167 

Salsolacée  désertique  qui  mérite  une  mentionspéciale 
pour  sa  défense  contre  la  dent  des  animaux,  c'est 
VAyiabasis  aretioïdes,  ({m\)i'odmi  des  touffes  en  forme 
(le  bouclier  si  serrées  et  si  compactes  qu'elles  résonnent 
sous  le  bâton  qui  les  Trappe  ;  pas  un  brin  ne  dé- 
passe l'autre  ;  on  ne  voit  qu'une  surface  d'un  gris 
bleuâtre,  épineuse  quand  on  y  applique  la  main, 
ayant  l'aspect  et  presque  la  dureté  d'une  roche 
chargée  de  lichens.  Certaines  de  ces  touffes  ont  un 
mètre  de  diamètre. 

Tout  ce  que  nous  venons  de  dire  de  la  flore  ne 
s'applique  qu'au  Sahara  proprement  dit,  et  ce  que 
nous  en  connaissons  le  mieux  n'est  guère  que  sa 
Usière  algérienne.   11  est  temps  de  parler  des  oasis. 

Oasis.  —  Les  terres  les  plus  riches  du  Sahara  sont 
en  même  temps  les  plus  sèches  et  les  plus  stériles, 
aussi,  partout  où  l'irrigation  est  possible  peut-on 
voir  une  végétation  luxuriante.  Rien  ne  serait  plus 
facile  que  d'y  créer  d'épaisses  forêts  ;  mais  on  n'a 
l>as  de  place  à  y  perdre  en  cultures  d'agrément. 
Aussi  le  Dattier  est-il  partout  la  principale  culture, 
car  c'est  jusqu'à  présent  celle  qui  donne  le  plus  de 
produit  dans  le  moindre  espace. 

Sur  la  Usière  saharienne,  au  voisinage  des  mon- 
tagnes, là  où  la  datte,  peu  savoureuse,  mûrit  diffici- 
lement (Bou-Saada,  Laghouat),  on  remplace  parfois 
cet  arbre  par  un  abricotier  presque  sauvage,  qui  de- 
vient énorme  et  porte  de  tout  petits  fruits  que  l'on 
consomme  secs. 

Ou  fait  encore  bien  d'autres  cultures  dans  les  oasis. 
L'Orge,  le  Sorgho,  le  Mil,  couvrent  d'importants 
espaces.  Les  cultures  fruitière  et  maraîchère  sont 
très  développées.  On  y  trouve  le  Figuier,  l'Olivier  à 


i68  LE   SAHARA. 

gros  fruits  pour  conserves,  le  Grenadier,  quelques 
Orangers,  Cédratiers,  la  Yigne,  le  Zizypkus  Spina- 
Christi^  TOIivier  de  Bohême,  etc.  Parmi  les  légumes, 
les  Oignons,  les  Piments,  les  Fèves,  les  Pastèques  et 
autres  Cucurbitacées,  le  Gombo  [Hibiscus  esculentux)^ 
la  Coriandre,  etc. 

La  Luzerne  est  cultivée  comme  plante  fourragère. 

Quelques  plantes  industrielles  végètent  aussi  à 
l'ombre  des  palmiers  :  le  Henné  (Laivsonia  inermis) 
occupe  une  assez  grande  place  ;  ses  feuilles  séchées 
sont  l'objet  d'un  commerce  important,  elles  servent 
aux  femmes  arabes  pour  se  teindre  les  ongles  et  le 
bout  des  doigts,  parfois  les  cheveux. 

Le  tabac  à  priser  [Nicotiana  rustica)  est  aussi  cul- 
tivé par  les  Indigènes  ;  les  tabacs  du  Souf  sont 
l'objet  d'un  commerce  considérable.  On  rencontre 
également  dans  les  cultures  indigènes  une  variété 
naine  de  Chanvre  (Hachich),  dont  les  sommités  flori- 
fères sont  séchées  pour  êlre  fumées  sous  le  nom  de 
Kif  ou  Thokmi. 

La  Garance  est  assez  répandue  et  aussi  la  Réglisse. 

En  dehors  des  cultures  indigènes,  on  trouve  main- 
tenant dans  les  oasis  un  certain  nombre  de  végétaux 
accUmatés  depuis  l'occupation  française. 

Les  Mûriers  viennent  très  bien;  le  Peuplier  blanc, 
le  Saule  pleureur,  les  Cyprès,  les  Ficus  religiosa  et 
nitida^  les  Acacia  nilotica  et  farnesiana,  les  Prosopis 
complètent  la  végétation  arborescente. 

La  plupart  des  cultures  potagères  européennes 
ont  été  introduites  avec  succès  dans  les  oasis.  La  Pa- 
tate peutfournir  en  abondance  un  tubercule  précieux 
et  un  feuillage  à  utiUser  pour  la  nourriture  du 
bétail  ;  certaines  variétés  précoces  de  Pommes  de 


OASIS.  469 

terre  viennent  très  bien  ;  les  Haricots  donnent  de  mau- 
vais résultats,  mais  on  peut  les  remplacer  par  les 
doliques,  lablab,  cajan.  Les  Choux  présentent  un 
beau  développement;  l'Artichaut,  le  Cardon,  les  As- 
perges, les  Navets,  les  Carottes,  etc.,  se  cultivent 
dans  des  conditions  qui  ne  sont  pas  moins  favora- 
bles qu'en  France. 

Avec  les  plantes  cultivées  se  sont  ghssées  un 
grand  nombre  de  nos  mauvaises  herbes  communes 
d'Europe  :  mercuriale,  orties,  etc.  Beaucoup  de 
plantes  sahariennes  deviennent  dans  les  oasis  bien 
plus  luxuriantes,  mais  il  n'y  a  pas  à  proprement  parler 
de  flore  des  oasis. 

De  tout  temps,  le  Saharien  a  su  tirer  parti  des  nappes 
aquifères  pour  créer  des  oasis.  Et  même,  du  temps 
des  Romains,  les  oasis  étaient  bien  plus  prospères  et 
plus  développées  qu'aujourd'hui.  Les  invasions 
arabes,  les  exactions  des  tribus  pillardes  en  ont 
diminué  l'importance. 

Là  où  l'eau  coule  d'elle-même,  comme  au  voisi- 
nage de  l'Aurès,  dans  les  Zibans,  il  sufiit  de  la  cana- 
liser ou  de  faire  quelques  barrages.  Ailleurs,  on  va 
la  chercher  dans  la  nappe  aquifère,  au  moyen  de  puits 
à  bascule,  de  norias,  de  puits  artésiens.  Pour  faire 
ces  puits,  le  Saharien  commençait  par  creuser  dans 
le  sable  en  boisant  tout  autour,  jusqu'à  ce  qu'il  ren- 
contrât la  couche  de  roche  dure  sous  laquelle  se 
trouve  l'eau.  Alors  il  remontait  et  perçait  cette 
couche  avec  un  béUer  de  fer  qu'il  laissait  tomber 
de  tout  son  poids  un  nombre  de  fois  suffisant.  De- 
puis quelque  temps,  ce  procédé  était  tombé  dans 
l'oubli  ;  les  puisatiers  perçaient  la  roche  à  coups  de 
pic,  au  risque  d'être  noyés  par  la  nappe  ascendante. 


170  LE  SAHARA. 

Aujourd'hui,  les  puisatiers  indigènes  [lîetassd)  ont 
disparu  devant  nos  puissants  appareils  de  forage  qui 
ont  déjà  fait  des  merveilles  et  rendront  peut-être  au 
Sahara,  dans  un  avenir  peu  éloigné,  son  antique  pros- 
périté. 

L'eau,  si  précieuse,  est  partagée  et  mesurée  avec 
le  plus  grand  soin.  Ces  partages,  néanmoins,  sont 
la  source  de  noml)reuses  querelles  et  même  de  pe- 
tites guerres.  Dans  les  Zihans,  où  l'eau  canalisée 
arrive  par  les  Seguias  (canaux),  les  jours  d'arrosage 
et  les  quantités  d'eau  sont  réglées  par  une  sorte  de 
syndicat.  La  mesure  se  fait  au  moyen  d'un  tronc 
de  palmier  couché  en  travers  du  canal  sur  un  petit 
barrage.  Ce  tronc  porte  des  échancrures  égales  au 
diamètre  transversal  de  la  main  avec  le  pouce 
redressé,  ce  qui  équivaut  à  un  demi-pied.  L'eau  qui 
passe  par  une  de  ces  échancrures  représente  une 
part. 

Le  Dattier  [Phœnix  dactjilifera)  est  l'arbre  par  excel- 
lence du  désert(fig.  14).  Depuis  lapins  haute  antiquité, 
il  est  connu  dans  cette  vaste  zone  presque  privée  de 
pluies  qui  s'étend  de  l'océan  Antiantique  presque 
jusqu'à  la  vallée  de  l'Indus.  Comme  pour  beaucoup 
de  plantes  anciennement  cultivées,  il  est  fort  difficile 
de  lui  trouver  un  ancêtre  parmi  ses  congénères 
sauvages. 

Il  exige,  pour  mûrir  convenablement  ses  fruits,  des 
températures  extrêmes  de  45  à  48*',  pendant  l'été. 

Dans  les  oasis,  le  dattier  est  cultivé  non  seulement 
pour  l'abondance  et  la  variété  de  ses  produits;  mais 
aussi  pour  son  ombrage  tutélaire,  qui  permet  la  cul- 
ture des  plantes  les  plus  variées  et  les  plus  utiles. 
Les  conditions  qui  paraissent  le  plus  nécessaires  au 


OASIS.  171 

développement  du  dattier  sont  une  grande  somme  de 
chaleur  pendant  un  été  sans  pluie,  et  une  grande 
humidité  du  sol  ;  les  Arabes  disent  :  «  la  tête  dans  le 


élAyoa^j£-c/A' 


'.^:^f:iSj:L't/va 


Fi-.  IL 


Ddttier. 


feu,  les  pieds  dans  l'eau  ».  Ces  conditions  sont  pai 
fois  réaUsées  en  dehors  de  la  zone  désertique  ;  à  Elche 
(Espagne),  aux  Algarves,  le  dattier  donne  des  fruits 


172  LE   SAHARA. 

comestibles;  près  d'Orléansville,  il  existe,  depuis 
quelques  années,  des  dattiers,  apportés  du  Mzab  par 
un  Indigène  éclairé,  qui  mûrissent  très  bien  leurs 
fruits,  sur  les  bords  du  ChélifT.  Les  variétés  de  dat- 
tiers cultivées  dans  les  oasis  algériennes  sont  très 
nombreuses;  on  peut  les  évaluer  à  une  centaine  au 
moins.  Les  caractères  sont  tirés  de  la  forme  ;  cer- 
taines dattes  sont  très  allongées  et  ont  un  noyau 
mince,  effllé;  d'autres,  au  contraire,  sont  courtes, 
grosses,  semblables  à  une  prime,  la  couleur  est 
claire  ou  foncée;  à  maturité,  la  chair  est  molle  ou  dure 
et  sèche,  certaines  dattes  ne  se  conservent  pas  et 
doiv^ent  être  mangées  fraîches. 

Les  Indigènes  distinguent  surtout  les  dattes  sèches, 
qui  peuvent  être  facilement  transportées  [Deglet  bou 
'Sekhraia^  dattes  de  Chamelier),  les  dattes  molles,  dont 
le  type  est  la  datte  El  Ghars,  qui  est  conservée  en 
pain  dans  des  peaux  de  boucs  ou  dans  des  vases  où 
on  les  comprime  fortement.  La  principale  datte 
d'exportation  est  la  Deglet  Nour  (datte  lumière). 

La  culture  du  dattier  réclame  peu  de  soins.  Après 
la  récolte,  il  est  procédé  à  l'élagage  des  vieilles  feuilles 
et  à  la  toilette  du  tronc  qui  est  débarrassé  des  bases 
persistantes  des  feuilles  déjà  enlevées.  Pendant 
l'hiver,  les  cuvettes  creusées  au  pied  de  chaque  arbre 
sont  piochées,  elles  reçoivent  du  fumier  ;  en  mars- 
avril,  on  procède  à  la  récolte  des  régimes  mâles  et 
on  opère  la  fécondation.  L'Indigène  monte,  enferme 
un  rameau  de  l'inflorescence  mâle  dans  la  spathe 
entr'ouverte  qui  contient  le  régime  femelle. 

L'arrosage  se  fait  de  différentes  manières,  suivant 
les  oasis.  Dans  le  Souf,  les  dattiers  sont  plantés  dans 
le  fond  de  puits,  et  trouvent  facilement  l'eau  dans  la 


OASIS.  173 

nappe  souterraine.  Dans  les  Zibans,  ils  sont  irrigués 
par  les  seguias;  dans  le  Mzab,  aux  Oued  Djellal,  ils 
sont  arrosés  au  moyen  de  norias  ou  de  puits  à  bas- 
cule. 

Au  moment  de  la  récolte,  le  fermier  abat  avec  sa 
faucille  les  régimes.  Si  ce  sont  des  dattes  sèches,  il 
les  laisse  tomber  sur  le  sol;  si  ce  sont  des  dattes 
molles,  il  les  descend  avec  une  corde.  Dans  chaque 
jardin,  la  récolte  est  divisée  en  cinq  tas  égaux,  dont 
l'un  constitue  la  rétribution  du  fermier  ou  khamès. 

La  multiplication  du  dattier  ne  se  fait  que  par  dra- 
geons qui  poussent  au  pied  de  chaque  arbre.  On  les 
plante  au  commencement  de  .l'été  et  on  les  arrose  à 
profusion,  après  avoir  coupé  les  feuilles  et  entouré 
le  jeune  plant  de  feuillage  pour  réduire  la  transpi- 
ration. La  proportion  des  reprises  est  très  considé- 
rable. 

Dans  les  oasis  qui  peuvent  produire  la  datte  Deglet 
Nour  pour  l'exportation,  il  serait  à  désirer  que  la 
culture  du  dattier  fût  l'objet  d'une  étude  agricole 
sérieuse,  car  il  est  probable  que  cette  culture  de 
luxe  prendrait  une  extension  considérable,  si  elle 
pouvait  être  faite  d'une  manière  intensive,  par  l'ap- 
plication de  nos  méthodes  perfectionnées. 

Les  dattes  fournissent  aux  Sahariens  leur  princi- 
pale ressource  alimentaire;  elles  sont  consommées 
fraîches,  sèches,  réduites  en  farine;  on  en  retire  par 
expression  un  sirop  ou  miel  de  datte.  On  peut  aussi 
obtenir  une  excellente  eau-de-vie  par  la  distillation. 

Les  palmiers  mâles  ou  de  mauvaise  race  sont  par- 
fois exploités  pour  le  lagmi  ou  sève  qui  s'écoule  par 
une  section  transversale  faite  sur  le  bourgeon  ter- 
minal en  ne  tranchant  que  la  base  des  feuilles  et 


174  LE   SAHARA. 

respectant  le  sommet  de  la  tige  ;  de  cette  section  hori- 
zontale et  un  peu  concave,  il  s'écoule  un  liquide 
sucré,  qui  est  conduit  par  un  roseau  dans  un  vase 
attaché  dans  les  vieilles  feuilles.  Pendant  deux  mois, 
il  est  possible  de  récolter  5  à  10  Utres  de  liquide 
sucré  par  jour.  Cette  opération  se  fait  en  avril. 
Le  dattier  ainsi  mutilé  pousse  à  nouveau,  les  jeunes 
feuilles,  sortant  du  miheu  du  bourgeon  coupé,  s'allon- 
gent et  forment  une  nouvelle  couronne  ;  mais  le 
stipe  reste  plus  grêle  à  ce  niveau,  et  les  palmiers 
ainsi  saignés  portent  de  distance  à  distance  de  véri- 
tables étranglements. 

Le  tronc  du  dattier  est  utihsé  comme  bois  de  cons- 
truction et  comme  combustible;  ce  bois  est  fibreux 
et  résistant,  il  convient  pour  les  charpentes  ;  certains 
dattiers  donnent  un  bois  dur  qui  peut  recevoir  un 
assez  beau  poli. 

Les  feuilles  sont  employées  pour  la  couverture 
des  maisons  et  leurs  lanières  sont  utiUsées  pour  la 
fabrication  des  nattes^  éventails,  paniers  et  cha- 
peaux. 

Le  noyau  de  la  datte  peut,  après  macération,  servir 
à  la  nourriture  du  chameau.  On  utilise  aussi  pour 
le  même  usage  des  régimes  coupés  avant  maturité 
pour  soulager  les  arbres. 


CHAPITRE    YI 
ANTHROPOLOGIE 

L'Homme  préhistorique.  —  En  Algérie,  comme 
en  Em^ope,  l'Homme  a  certainement  été  contemporain 
de  grands  mammifères  quaternaires  aujourd'hui  dis- 
parus. H  se  servait  alors  d'armes  en  pierres  taillées 
par  simple  percussion,  répondant  aux  mêmes  types 
généraux  que  leurs  similaires  d'Europe. 

De  tous  côtés,  on  a  trouvé  des  haches  grossières 
en  silex ,  en  quartzite, parfois  en  calcaire  ou  en  dolomie 
du  type  de  Saint-Acheul  ou  du  type  Moustérien.  On 
a  également  trouvé  des  instruments  plus  perfection- 
nés: couteaux,  scies,  grattoirs  et  pointes  de  flèches 
en  silex  taillé  encore,  mais  parfois  d'un  très  beau 
travail.  Ces  pointes  de  flèches  ne  sont  pas  rares  dans 
le  Tell,  mais  on  les  trouve  à  profusion  dans  certaines 
stations  du  Sahara  (Ouargla,  M'zal),  etc.).  Il  y  en  a 
de  véritables  atehers,  généralement  voisins  d'ancien- 
nes Dayas  desséchées  aujourd'hui,  ou  de  sources 
depuis  longtemps  taries  qui  ne  se  révèlent  plus 
que  par  les  dépôts  travertineux  témoins  de  leur 
ancienne  activité. 

Le  Dr  Weisgerber  a  remarqué  que  ces  flèches  étaient 
d'un  travail  d'autant  plus  grossier  que  l'on  entrait 
plus  avant  dans  le  Sahara.  Il  en  conclut  que  les  peu- 
plades qui  les  ont  taillées  ont  dû  cheminer  du  sud 


176  ANTHROPOLOGIE. 

au  nord,  reculant  peu  à  peu  devant  la  sécheresse 
croissante.  Ces  belles  pointes  de  flèches  paraissent 
appartenir  à  l'âge  de  la  pierre  polie.  On  a  en  effet 
trouvé  avec  elles  des  poteries  grossières,  des  bijoux 
en  coquille  d'œufs  d'Autruche,  et  même  des  haches 
en  pierre  polie. 

Ces  dernières  sont  assez  rares  en  Algérie;  on  en  a 
cependant  trouvé  d'un  travail  admirable.  Il  semble 
que  la  période  néoUthique  ait  été  moins  longue  ici 
qu'en  Europe,  peut-être  par  suite  de  très  anciennes 
relations  avec  l'Egypte,  où  l'usage  du  bronze  et  des 
métaux  fut  connu  de  très  bonne  heure.  Ces  haches 
polies,  en  jaspe,  en  diorite,  etc.,  sont  encore  sem- 
blables aux  types  d'Europe  et  ont  été  aussi  trouvées 
un  peu  partout. 

On  n'a  encore  fouillé  que  peu  de  cavernes  ou  de 
stations  de  la  période  paléoUthique  et  l'on  ne  pos- 
sède aucun  document  ostéologique  sur  l'Homme  algé- 
rien de  cette  époque.  Une  des  plus  anciennes  stations 
fouillées  est  certainement  celle  de  Ternifine  ou 
Palikao,  dans  la  plaine  d'Eghris  au  sud  de  Mascara. 
Là  se  trouvent  des  sables  jadis  accumulés  par  une 
source  artésienne. 

L'exploitation  du  sable  a  amené  la  découverte  de  nom- 
breux ossements  d'animaux  divers,  accumulés  par  l'homme 
qui  n'y  a  laissé  lui-même  aucun  osseinent,  mais  des  haches 
en  quartzite  et  en  grès,  rarement  en  calcaire,  du  type  chelléen, 
et  de  petits  éclats  de  silex  souvent  retouchés  avec  le  nucleus 
dont  ils  étaient  détachés.  Les  traces  de  ces  outils  se  rencoo- 
trent  souvent  sur  les  ossements  ;  elles  sont  loujours  grossières. 
Des  pierres  de  foyer  faites  avec  la  carapace  concrétionnée  du 
terrain  suballanliquc  au  travers  duquel  émerge  la  source,  et 
des  débris  d'une  poterie  très  grossière  attestent  une  industrie 
moius  primitive  que  ne  le  ferait  admettre  la  grossièreté  de 
l'outil  principal,  qu'on  le  nomme  hache  ou  coup  de  poing. 


L'HOMME   PREHISTORIQUE.  177 

11  résulte  de  ces  constatations  que  l'âge  de  cette  station 
n'est  pas  à  proprement  parler  paléolithique,  mais  se  rapporte 
à  une  phase  plus  récente  de  l'évolution  des  races  préhistori- 
ques que  l'on  pourrait  désigner  sous  le  nom  de  mésolithi- 
que (1). 

Les  ossements  recueillis  dans  celte  station  appar- 
tiennent, d'après  M.  Pomel,  aux  espèces  suivantes  : 
Elephas  allanticus  Pomel,  Elephas  melitensis  ou  une 
espèce  extrêmement  voisine,  un  grand  hippopotame, 
un  sanglier,  un  chameau  [Camelus  Thoinasii  Pomel), 
des  bœufs  et  des  antilopes  indéterminés,  un  rhino- 
céros (lih.  mauriianicus  Pomel),  Equus  mauritanicus 
Pomel,  Ihjxnn  Spehea,  etc. 

Une  station  de  la  même  époque  se  trouve  à  Abou- 
kir. 

Ces  stations  sont  antérieures,  d'après  M.  Pomel, 
aux  alluAions  du  Chelif  et  de  la  Mitidja,  ainsi  qu'aux 
ébouUs  de  terre  rouge  de  Kouba  et  du  Cap  Caxhine 
aux  environs  d'Alger.  Dans  toutes  ces  dernières  for- 
mations, on  trouve  en  effet  le  Bubahis  antiquus  Duver- 
noy  etV Elephas  africanus,  espèces  plus  récentes  que 
les  précédentes  (2). 

Il  existe  certainement  en  Algérie  un  grand  nombre 
de  grottes  et  d'abris  qui  ont  servi  de  refuge  à  l'homme 
préhistorique.  Mais  bien  peu,  comme  nous  Pavons 
déjà  dit,  ont  été  fouillés,  elles  débris  de  l'industrie 
humaine  que  Ton  y  a  recueillis  ne  remontent  géné- 
ralement qu'à  l'âge  de  la  pierre  poUe  et  seraient, 
toujours  d'après  M.  Pomel,  contemporains  des  allu- 
vions  du  Ghehf  et  de  la  Mitidja. 

(1)  Pomel,  Ccu-ée  (jéologique  de  l'Algérie^  description  strati- 
graphique  générale,  1889. 

(2)  On  vient  d'y  trouver  récemment  des  hippopotames,  des 
antilopes  Addax,  etc. 

Battandieiî  et  Tuabut.  —  Algérie.  12 


178  ANTHROPOLOGIE. 

La  première  des  grottes  fouillées  est  certainement, 
par  ordre  de  date,  celle  aujourd'hui  disparue  de  la 
Pointe  Pescade  près  d'Alger.  Le  D""  Bourjot-Saint- 
Hilaire  y  avait  trouvé  deux  étages  très  nets. 

L'inférieur  rempli  de  sable,  d'origine  marine,  indi- 
quait un  ancien  niveau  delà  Méditerranée  à  cette  épo- 
que. L'homme  n'y  avait  laissé  aucune  trace,  mais  il  y 
avait  des  restes  de  grands  mammifères  aujourd'hui 
disparus  :  débris  d'une  faune  probablement  anéantie 
par  les  grands  cataclysmes  post-pliocènes  :  une 
mâchoire  d'o*ars,  des  os  de  bovidés^  d'équidés,  etc. 

L'étage  supérieur,  plus  récent,  contenait  quelques 
silex  grossièrement  taillés  et  évidemment  apportés 
de  loin,  le  silex  manquant  dans  la  région  ;  d'énormes 
amas  de  coquilles  d'escargots  et  de buUmes,  des  débris 
de  foyers, des  ossements  appartenant  à  la  faune  actuelle 
de  l'Algérie,  sinon  à  cette  même  région  Uttorale. 

Les  grottes  d'Ouzidan,  près  de  Tlemcen,  n'ont  de 
même  fourni  à  M.  Bleicher  que  des  armes  en  pierre 
taillée. 

A  l'instigation  du  D*"  Bourjot-Saint-Hilaire,  la  So- 
ciété de  chmatologie  d'Alger  a  exécuté  en  1869  et  187U 
des  fouilles  considérables  à  la  caverne  du  Grand 
Rocher,  près  Guyotville  (1).  On  y  a  trouvé  des  silex 
taillés  et  des  haches  polies,  des  poinçons,  des 
aiguilles  et  divers  instruments  en  os,  des  restes  de 
foyers,  de  poteries,  des  ossements  humains,  le  tout 
mêlé  à  des  ossements  d'animaux  existant  encore  ac- 
tuellement, mais  dont  plusieurs,  comme  les  cerfs,  les 
bubales,  les  gerboises,  etc.,  ont  émigré  dans  d'autres 
lieux. 

(1)  Consulter,  pour  ces  diverses  fouilles,  le  Bulletin  de  la  So- 
ciété de  climatologie  d'Alger,  1875-1876. 


L'HOMME  PREHISTORIQUE.  179 

Parmi  les  poteries  exhumées  dans  ces  fouilles,  se 
trouvent  des  vases  à  ornements  losangiques,  de  tout 
point  pareils  à  ceux  figurés  par  sir  Jolin  Lubbock 
et  trouvés  dans  les  Tumuli  anglais.  On  en  a  trouvé 
de  tout  pareils  aussi  dans  des  cavernes  de  Gibraltar. 
Les  Kabyles  du  Djurdjura  en  confectionnent  encore 
de  parfaitement  semblables.  Rien  ne  se  perd  sur 
cette  terre  d'Afrique. 

Au  dessus  de  ces  couches  à  débris  préhistoriques, 
on  a  trouvé,  dans  cette  même  grotte,  de  nombreux 
restes  de  l'époque  romaine. 

Les  auteurs  de  ces  fouilles  insistent  sur  la  remar- 
quable concordance  qui  existe  entre  les  objets  trouvés 
dans  cette  caverne  et  ceux  trouvés  par  les  Anglais 
dans  les  cavernes  de  Gibraltar. 

Des  cavernes  de  la  banheue  d'Oran  ont  donné  des 
résultats  semblables,  moins  les  restes  de  l'époque 
romaine. 

A  Saint-Hippolyte,  à  Raz  el  Ma,  à  Saint-André  de 
Mascara,  le  D"^  ïommasini  a  trouvé  des  grattoirs  et 
des  pointes  de  flèches  des  formes  Moustérienne  et 
Solutréenne.  On  pourrait  citer  un  grand  nombre  de 
stations  analogues. 

En  résumé,  l'homme  préhistorique  a  laissé  en 
Algérie  les  mêmes  vestiges  qu'en  Europe,  soit,  comme 
le  dit  le  D^  Tommasini,  qu'il  y  eût  alors  communica- 
tion entre  l'Europe  et  l'Afrique,  soit  que  les  mêmes 
besoins  eussent  créé  à  peu  près  partout  les  mêmes 
industries. 

C'est  du  reste  à  cette  même  conclusion  que  con- 
duit l'étude  des  sépultures  mégahthiques,  si  nom- 
breuses encore  lors  de  la  conquête,  mais  qui  dispa- 
raissent rapidement  depuis. 


180  ANTHROPOLOGIE. 

Si  l'on  n'a  pas  encore  trouvé  en  Algérie  ces  jolies 
miniatures  d'artistes  préhistoriques  qui  ont  rendu 
célèbres  les  grottes  du  Périgord,  nous  possédons  un 
type  particulier  et  assez  répandu  de  dessins  rupes- 
tres.  Tels  sont  ceux  depuis  longtemps  connus  de 
Tyout  et  Mogbrar,  près  d'Aïn  Sefra,  et  ceux  plus 
récemment  étudiés  par  M.  Flamand,  au  sud  de  Géry- 
ville  et  sur  divers  points  du  Sud  oranais.  D'autres 
ont  été  signalés  au  Maroc  (1),  dans  la  province  de 
Constantine  (2),  dans  le  Fezzan  par  Barth,  dans  la 
Haute-Egypte  par  Ampère  et  jusque  dans  la  vallée  du 
Sinaï  par  Niebuhr. 

On  peut  distinguer  dans  ces  dessins  trois  époques 
principales  (3). 

Les  uns,  nettement  préhistoriques,  sont  dessinés 
d'un  trait  continu  et  arrondi,  très  ferme.  On  y  voit  des 
chasseurs,  ayant  déjà  le  cliienpour  auxiliaire,  coiffés 
de  plumes  d'autruche,  armés  d'arcs  et  de  casse-têtes 
à  peu  près  comme  les  Peaux-Rouges  d'Amérique 
et  accompagnés  de  figures  d'animaux  très  divers, 
parfois  d'un  dessin  très  remarquable,  parfois  diffici- 
lement reconnaissables  :  un  éléphant  à  front  très 
bombé  et  à  oreilles  courtes,  des  bœufs  à  cornes  diri- 
gées en  avant,  des  bubales,  des  girafes,  des  lions,  des 
panthères,  des  autruches,  moins  certainement  l'hip- 
popotame et  le  rhinocéros,  etc.  La  plupart  des  per- 
sonnages portent  une  ceinture  ;  une  femme  a  un 
bracelet.  D'après  MM.  Bonnet  et  Flamand,  c'est  à  tort 
que  l'on  a  voulu  voir  dans  ces  dessins  des  scènes 

(1)  Duveyrier,  Bulletin  de  la  Société  de  géographie,  1876. 
Hamy,  Revue  d'Ethnographie,  1882. 

(2)  Vigueral,  Ruines  romaines  de  r  Alger  le. 
{^]  Revue  d'Ethnographie,  1881). 


L'HOMME  PRÉHISTORIQUE.  18i 

lubriques.  Les  énormes  phallus  paraissent  avoir  été 
ajoutés  après  coup,  et  les  longs  traits  sinueux  qui 
unissent  les  parties  génitales  des  personnages  indi- 
queraient simplement  la  filiation.  Des  instruments 
en  silex  abondent  autour  de  ces  dessins. 

Une  deuxième  époque  libyco-berbère  est  caracté- 
risée par  de  nombreuses  inscriptions  en  caractères 
semblables  à  ceux  des  Touaregs,  et  par  les  traits  du 
dessin  pointillés  et  non  continus.  Les  animaux  que 
représentent  ces  dessins  existent  encore  dans  la 
région  ou  Font  quittée  depuis  peu. 

Enfin  une  troisième  époque  arabe  est  également 
caractérisée  par  des  inscriptions  et  par  la  présence 
du  dromadaire,  introduit  seulement  au  v*"  siècle  de 
notre  ère. 

Parmi  les  autres  monuments  laissés  par  l'homme 
préhistorique  sur  la  terre  d'Afrique,  nous  citerons 
d'abord  les  curieux  cordons  de  pierrailles  signalés 
d'abord  par  Bourguignat  et  dont  on  ignore  la  signi- 
lication.  C'est  sur  le  Kef-Iroud,  au  sud  de  Teniet  el 
Haad,  que  Bourguignat  a  remarqué  un  de  ces  cordons 
hauts  de  1  mètre  à  i™,50,  et  courant  en  droite  Hgne 
à  travers  tous  les  obstacles  du  terrain,  franchissant 
ravins  et  collines  sur  une  longueur  d'au  moins  5 
à  0  kilomètres.  Bourguignat  est  tenté  d'y  voir  une 
représentation  d'un  serpent  analogue  à  celles  que 
l'on  trouve  dans  les  Mounds  des  vallées  de  l'Ohio  et 
du  Mississipi,  du  Wisconsin  et  de  rilhnois.  L'un 
de  nous  (1)  a  vu  de  semblables  cordons  dans  la  ré- 
gion de  Mécheria,  et  les  Arabes  lui  ont  affirmé  que 
cela  était  antérieur  à  leur  occupation.  Bourguignat 

(1)|M.  ïrabiit. 


182  ANTHROPOLOGIE. 

a  cru  remarquer  aussi  que  certains  tumuli  du 
Nahr  Ouassel,  dans  la  région  de  l'Ouarsenis,  étaient 
groupés  de  façon  à  simuler  un  homme  couché,  un 
scorpion,  etc.,  toujours  comme  certains  monuments 
symboliques  américains  (1). 

Ceci  nous  conduit  aux  sépultures  mégahthiques,  si 
nombreuses  et  si  variées  en  Algérie.  On  y  trouve  en 
effet  tous  les  types  généralement  connus  :  tumuli, 
dolmens,  menhirs  isolés  ou  en  lignes,  cromlechs, 
trilithes,  allées  couvertes,  etc.,  et  un  type  très  parti- 
culier de  petites  tours  couvertes  d'une  dalle  ou  ter- 
minées par  un  couronnement  conique  (Djelfa,  Med- 
jana  Djebel  Mahdid,  etc.).  Ce  sont  les  Chouchet  de 
M.  Letourneux(2).  Ce  genre  de  sépultures,  qui  a  peut- 
être  quelque  rapport  avec  les  Nuragbi  de  la  Sardaigne , 
aboutira  plus  tard,  sous  l'influence  de  la  civilisation 
romaine,  aux  magnifiques  mausolées  royaux  tels 
que  le  Médracen  (fig.  15)  et  le  Tombeau  de  la  Chré- 
tienne, et  aura  enfin  sa  décadence  avec  les  Djedar 
de  la  province  d'Oran. 

D'après  de  Quatrefages,  qui  a  examiné  les  crânes 
dolichocéphales  recueilhs  par  le  général  Faidherbe 
dans  les  dolmens  de  Roknia,  les  constructeurs  de  ces 
dolmens  étaient  de  même  race  que  l'homme  de  Cro- 
Magnon  et  que  leurs  contemporains  d'Espagne  et  des 
Canaries.  Pour  Henri  Martin,  ces  dolmens  auraient 
été  construits  par  des  Celtes.  Pour  M.  Cartailhac,  au 
contraire,  il  ne  serait  pas  démontré  que  les  dolmens 
d'Europe  et  d'Algérie  aient  été  construits  par  une 
même  race  d'hommes.  Ce  qui  paraît  certain,  c'est  que 

(1)"  BoLirguigaat,   Souvenirs   d'ime  exploitation    scientifique 
dans  le  nord  de  l'Algérie.  Paris,  1868-1870. 
(2)  Letourneux,  Lettre  à  Desor. 


L'HOMME   PRÉHISTORIQUE. 


183 


cette  architecture  tombale  a  persisté  bien  longtemps 
dans  le  nord  de  1"  Af  ri  que .  Si  certain  s  monuments  méga- 
lithiques semblent  y  remonter  à  une  haute  antiquité, 
d'autres  au  contraire  ne  remontent  pas  au  delà  de 
l'occupation  romaine,  ou  du  moins  étaient  encore 
utilisés  à  cette  époque.  On  a  trouvé  une  colonne 
romaine  engagée  dans  la  construction  d'un  dolmen 
de  l'Aurès,  et  des  monnaies  et  médailles  romaines 


Fig.  15.  —  Medracen  ou  mausolée  des  anciens  rois  de  Nu- 
midie,  au  sud  de  Constantine,  entre  Lambesa  et  Diana. 


dans  le  mobilier  funéraire  de  plusieurs.  LeD^  Reboud 
a  môme  fait  connaître  que  la  tribu  des  Denhadja,près 
de  Philippeville,  élevait  encore  naguère  des  menhirs 
appelés  Snoba.  Ces  Denhadja  s'attribuent  une  très 
ancienne  origine  et  se  qualifient  eux-mêmes  de  fils 
des  païens.  Peut-être  ont-ils  conservé  cette  archi- 
tecture tombale  depuis  les  temps  préhistoriques. 

Les  dolmens  d'Algérie  constituent  en  général  une 
chambre  mortuaire  rectangulaire  entièrement  close. 
Chacune  des  quatre  murailles  latérales  est  généra- 
lement formée  d'une  seule  pierre  plane  sur  les  deux 


184  ANTHROPOLOGIE. 

faces  ou  au  moins  du  côté  interne.  Ces  pierres  sont 
dressées;  les  deux  qui  forment  les  grands  côtés  du 
rectangle  sont  naturellement  plus  grandes  que  les 
deux  autres.  Parfois  le  nombre  de  pierres  qui  consti- 
tuent les  murailles  latérales  est  plus  considérable.  Le 
tout  est  recouvert  d'une  grande  table  débordante. 
Souvent  ces  dolmens  sont  entourés  d'un  cercle  de 
pierres  dressées  [Cromlech).  D'après  beaucoup  d'ar- 
chéologues, et  en  particulier  M.  de  Mortillet,  tous  les 
dolmens  auraient  primitivement  été  enfouis  sous  un 
tumulus,  auquel  le  Cromlech,  lorsqu'il  existe,  servait 
de  limite. 

Il  est  certain  qu'il  en  a  été  souvent  ainsi.  On  trouve 
parfois  encore  l'intervalle  compris  entre  l'enceinte 
et  le  dolmen  rempli  de  pierres  ou  de  moellons,  mais 
la  terre  a  généralement  été  entraînée  par  les  eaux . 
Pourtant  il  paraît  probable  que  certains  dolmens 
algériens  n'ont  jamais  été  recouverts.  C'est  ainsi  que 
M.  Féraud,  interprète  militaire,  a  signalé  des  dolmens 
au  sommet  de  Tumuli.  D'après  M.  le  D"*  Fauvelle  (1), 
beaucoup  de  dolmens  de  Roknia  n'auraient  jamais 
été  recouverts. 

Par  contre,  on  trouve  dans  le  Sud  oranais  beaucoup 
de  tumuli  avec  ou  sans  dolmen.  Souvent  ces  tumuU, 
ayant  été  fouillés  par  les  Arabes  qui  y  cherchaient 
des  trésors,  présentent  une  dépression  au  centre. 

Dans  les  dolmens,  on  trouve  généralement  des 
cadavres  accroupis,  les  genoux  rapprochés  du  menton, 
en  nombre  variable. 

C'est  dans  la  province  de  Constantine  que  les 
nécropoles  mégahthiques  sont  le  plus  abondantes  ; 

(1)  Fauvelle,  Association  française  pour  l'avancement  des 
sciences.  Congrès  de  Limoges. 


L'HOMME  PRÉHISTORIQUE.  185 

nous    allons    en    décrire  sommairement  quelques- 
unes. 

i°  Roknia.  —  La  grande  nécropole  de  Roknia  est 
située  k  la  base  du  Djebel  Thaya,  sur  les  bords  de 
rOued  Meziet  et  non  loin  de  TOued-bou-Hamdam, 
aflluent  delaSeybouse.  Elle  a  été  étudiée  par  le  géné- 
ral Faidherbo  (1)  et  par  Bourguignat  (2).  Elle  com- 
prend, ou  du  moins  comprenait,  plusieurs  milliers 
de  dolmens  sur  une  étendue  de  5  à  6  kilomètres.  La 
plupart  sont  aujourd'hui  ruinés  et  renversés.  Ces 
dolmens  sont  généralement  petits,  serrés  et  formés 
de  blocs  anguleux  plutôt  que  de  belles  dalles.  Le 
D'  Reboud  en  a  pourtant  trouvé  un  très  grand  et  un 
autre  recouvrant  la  margelle  d'un  puits  de  1™,75  de 
profondeur  et  de  95  centimètres  de  diamètre.  Ils  sont 
généralement  entourés  d'enceintes  rondes  ou  carrées, 
plus  hautes  du  côté  de  la  déclivité  du  sol,  de  manière 
à  maintenir  horizontale  l'assiette  du  dolmen.  Une  de 
ces  enceintes  présente  un  menhir  encastré  dans  un 
de  ses  côtés.  Ces  enceintes,  d'après  Bourguignat, 
auraient  jadis  Umité  des  tumuli.  Le  D'"  Fauvelle  est 
d'un  avis  absolument  contraire.  Le  général  Faidherbo 
a  constaté  dans  les  dolmens  de  Roknia  des  aligne- 
ments manifestes.  Déplus,  les  os  légèrement  calcinés 
sont  souvent  recouverts  d'une  sorte  de  béton.  Pour 
Bourguignat,  ces  ahgnements  suivraient  des  Ugnes 
de  fracture  par  où  devaient  s'échapper  jadis  des  éma- 
nations A^olcaniques  qui  auraient  calciné  à  la  longue  les 
ossements  et  cuitl'argile  en  forme  de  béton.  Pour  d'au- 
tres, ce  béton  mis  intentionnellement  aurait  eu  pour 
but  de  préserver  les  cadavres  contre  les  fauves.  Quant 

(1)  Faidherbe,  BuUelin  de  V Académie  d'Hippone. 

(2)  Bourguignat,  loco  citalo. 


186  ANTHROPOLOGIE. 

à  la  raison  qui  aurait  amené  les  anciens  habitants  de 
Roknia  à  aligner  ainsi  leurs  dolmens  le  long  de 
ces  lignes  de  fracture,  Bourguignat  croit  la  trouver 
dans  des  croyances  religieuses.  Ces  dolmens  auraient 
été  placés  là  sous  la  protection  d'une  divinité  infer- 
nale. Sur  le  pourtour  de  la  nécropole,  du  côté  de  la 
montagne,  on  trouve  un  grand  nombre  de  niches 
creusées  dans  le  roc  [Haouanet  de  M.  Letourneux). 
Ces  niches  ont  aussi  servi  de  sépulture,  mais  Bour- 
guignat les  croit  bien  postérieures  aux  dolmens. 

Bourguignat  a  fouillé  vingt-huit  de  ces  dolmens  ;  le 
général  Faidherbe  en  avait  aussi  fouillé  un  grand 
nombre.  Chacun  d'eux  contient  un  ou  plusieurs 
cadavres;  Faidherbe  en  a  trouvé  jusqu'à  sept  dans  un 
même  dolmen.  Ces  sépultures  ne  semblent  pas  extrê- 
mement anciennes.  On  y  a  trouvé  de  nombreuses 
poteries,  des  anneaux  et  des  amulettes  en  bronze.  Les 
crânes  sont  généralement  doUchocéphales,  et  nous 
avonsvuque  deQuatrefages  y  avait  cru  reconnaître  la 
race  de  Cro-Magnon.  Bourguignat  et  Pruner-Bey  se 
sont  livrés  au  sujet  de  ces  crânes  à  des  spéculations 
bien  curieuses,  mais  qui  auraient  peut-être  besoin  de 
confirmation (1).  D'après  ces  auteurs,  les  plus  grands 
dolmens  ne  contiennent  qu'un  ou  deux  squelettes 
paraissant  appartenir  à  la  race  arienne.  Les  autres 
contiennent  en  général  trois  corps,  parfois  sept  ou 
huit  appartenant  aux  races  berbère  et  nègre  ou  à  des 
métis  de  ces  deux  races.  Les  Arias,  venus  probable- 
ment par  la  Sicile  et  identiques  avec  les  Tamahous 
blonds  des  Égyptiens,  devaient  constituer  la  race 
dominante.  A  côté  des  squelettes  d'homme,  on  trouve, 

(1)  Fauvelle,  Congres  de  Limoges. 


L'HOMME  PRÉHISTORIQUE.  187 

d'après  Bourguignat,  un  vase  en  poterie  ;  il  n'y  en  a 
jamais  près  des  squelettes  de  femme.  On  y  trouve 
par  contre  des  bijou.'c  (bagues,  bracelets)  en  bronze 
et  môme  en  argent  doré,  d'un  travail  très  primitif. 
Ces  bijoux  ont  en  général  une  forme  spiralée. 

Les  poteries  sont  pareilles  à  celles  des  dolmens  de 
France,  qui,  à  cette  époque,  n'avaient  pas  encore  d'ob- 
jets en  bronze.  Mais  (toujours  d'après  Bourguignat) 
dos  populations  de  race  japbétique,  parties  d'Asie, 
étaient  arrivées  en  Afrique  bien  longtemps  avant  les 
Phéniciens  et  y  avaient  établi  de  nombreuses  colonies. 
Ces  populations,  souvent  en  guerre  avec  l'Egypte, 
devaient  avoir  une  civilisation  déjà  avancée.  Pruner- 
Bey  a  cru  pouvoir  affirmer  que  parmi  les  crânes  de  Rok- 
nia  se  trouvait  celui  d'une  femme  égyptienne  desXYII° 
et  XAIIP  dynasties,  ce  qui  ferait  remonter  l'âge  de  ces 
dolmens  à  2  000  ans  environ  avant  notre  ère.  Bour- 
guignat estime  qu'à  cette  époque  le  climat  de  Roknia 
était  plus  froid  et  plus  humide  qu'aujourd'hui  et  que 
la  moyenne  de  température  ne  devait  pas  dépasser 
-|-10".  Il  se  base  pour  cela  sur  des  calculs  astrono- 
miques appuyés  sur  la  variation  de  l'excentricité  de 
l'orbite  de  la  terre,  sur  la  variation  de  l'obliquité  de 
l'écUptique,  sur  la  précession  des  équinoxes,  etc.  Il 
arrive  à  des  résultats  analogues  par  l'étude  des  co- 
quilles de  mollusques  enfouies  à  différents  niveaux, 
et  par  d'ingénieuses  déductions  il  est  amené,  d'après 
ces  mômes  coquilles,  à  assigner  encore  la  date  de 
2000  ans  avant  notre  ère  aux  dolmens  de  Roknia. 

2°  Nécropole  de  Bou  Nouara.  —  Cette  nécropole 
se  trouve  sur  la  route  de  Bùne  à  Guelma,  sur  les 
pentes  du  Djebel  Mezala.  Les  dolmens  de  cette  station 
ont  été  également  fouillés  par  le  général  Faidherbe; 


188  ANTHROPOLOGIE. 

ils  sont  très  nombreux  et  souvent  entourés  de 
plusieurs  cercles  de  pierres  dressées. 

Parfois,  lorsque  le  terrain  est  trop  en  pente,  les 
pierres  des  enceintes,  superposées  en  assises  du  côté 
de  la  déclivité,  forment  de  véritables  murs  de  soutè- 
nement. Une  de  ces  enceintes  a  22  mètres  de  dia- 
mètre et  renferme  trois  dolmens  formant  triangle. 
Un  des  sommets  de  ce  triangle  est  tourné  vers  l'est. 

3°  Nécropole  de  Djebel  Mérah.  —  Cette  nécropole 
se  trouve  près  du  SS*"  kilomètre  de  la  route  de  Cons- 
tantine  à  Batna.  Comme  monuments  remarquables, 
on  y  voit  une  allée  couverte  de  1  mètre  de  large  sur 
3'", 50  de  longueur,  dont  les  murailles  sont  larges  de 
plus  de  2  mètres.  Les  parements  de  ces  murailles 
sont  formés  de  grosses  pierres  réunies  en  assises,  le 
milieu  est  rempli  de  moellons  et  peut  d'ailleurs  ren- 
fermer des  chambres  sépulcrales.  Cette  allée  est 
enfermée  dans  un  cercle  de  gros  blocs  dressés,  ayant 
environ  10  mètres  de  diamètre.  Outre  plusieurs 
autres  monuments  analogues,  on  rencontre  encore, 
au  Djebel  Mérah,  un  cromlech  ayant  à  son  centre  une 
chambre  elhptique  dont  les  murs  sont  formés  d'as- 
sises superposées.  Cette  chambre  est  recouverte  par 
trois  dalles.  Ce  monument  est  entouré  d'un  cercle  de 
pierres  levées  d'environ  7  mètres  de  diamètre.  L'in- 
tervalle entre  ce  cercle  et  la  chambre  centrale  est 
rempli  de  pierres  et  de  moellons.  Aux  deux  extrémités 
de  la  chambre,  on  remarque  à  la  surface  du  cromlech 
deux  petits  cercles  de  1  mètre  de  diamètre.  L'orien- 
tation du  monument  est  N.-E.-S.-O.  On  trouve 
encore  dans  cette  même  nécropole  des  dolmens 
doubles  et  triples,  un  Cist-Vaen^  un  dolmen  entouré 
d'une  enceinte  carrée,  etc.  Près  de  cette  station,  se 


L'HOMME   PREHISTORIQUE.  189 

trouvent  quelques  grottes  qui  n'ont  pas  été  fouillées. 

4°  Nécropole  de  Bou  Merzoug.  — Dans  cette  station, 
voisine  de  laprécédente,  les  dolmens  ont  des  dimen- 
sions considérables.  Les  enceintes  sont  circulaires  ou 
carrées  et  il  existe  parfois  plusieurs  enceintes  con- 
centriques. Le  nombre  des  pierres  qui  portent  la 
dalle  est  assez  variable.  Dans  un  dolmen,  il  y  en  a 
cinq  séparés  par  des  intervalles  égaux;  dans  d'autres, 
ces  intervalles  sont  fermés  par  de  menues  pierres. 
Un  a  la  forme  d'une  petite  tour  ronde.  Les  dalles 
ont  parfois  3  à  4  mètres  de  long  sur  2  ou  3  de  large. 

5°  Nécropole  de  Sigus.  —  Cette  nécropole  se  trouve 
sur  la  route  de  Constantine  à  Tebessa,  à  environ 
38  kilomètres  de  la  première  de  ces  villes.  Elle  est 
contiguO  à  un  cimetière  numido-romain.  Elle  a 
environ  1  kilomètre  de  long  sur  un  demi-kilomètre 
de  largeur,  mais  elle  se  relie  par  des  dolmens  épars 
avec  celle  du  Bou  Merzoug.  Les  dolmens  y  sont  très 
serrés,  un  petit  nombre  seulement  sont  demeurés 
intacts. 

Ou  est  frappé,  dit  M.  Reboud,  du  volume  relatif  des  blocs 
anguleux  qui  eutreut  daus  la  coiistructioQ  des  monuments  : 
cromlechs,  cromlcchs-tumulus,  ^algalls.  Le  cromlech  propre- 
ment dit  est  rare.  Comme  nombre,  c'est  le  galgall  qui  domine, 
11  forme  un  véritable  amoncellement  de  blocs  volumineux 
aux  angles  aigus,  assez  irrégulièrement  disposés  en  cercle 
autour  de  la  tombe,  dont  la  dalle  supérieure,  intacte  ou  brisée, 
n'est  souvent  visible  que  de  près,  dominée  qu'elle  est  par  des 
pointes  saillantes. 

Chaque  monument  est  entouré  d'une  enceinte  gé- 
néralement circulaire.  Le  nombre  des  assises  de 
pierres  qui  entrent  dans  la  composition  de  ces  enceintes 
est  très  variable.  Dans  les  parties  déclives,  on  en 
compte  jusqu'à  cinq.  L'enceinte,  dont  le  diamètre 


d90  ANTHROPOLOGIE. 

varie  de  6  à  14  mètres,  d'après  les  mesures  du  D'"  Re- 
boud,  est  parfois  ornée  de  quelques  blocs  isolés  et 
saillants  de  1  mètre  et  plus  de  hauteur,  que  l'on 
serait  disposé  à  prendre  pour  des  menhirs.  Dans 
beaucoup  de  ces  dolmens,  les  murailles  sont  en  tota- 
Uté,  ou  en  partie,  de  vrais  murs  en  pierres  sèches, 
au  Heu  d'être  formés  chacun  par  une  dalle  dressée. 
On  remarque,  sous  un  cromlech-tumulus,  une  grande 
allée  couverte  de  S'^jSO  de  long  sur  i°',20  de  large. 
On  accède  à  cette  allée  couverte  par  un  couloir  per- 
pendiculaire sur  son  mib'eu.  Ce  cromlech  a  12  mètres 
de  diamètre.  Les  monuments  de  Sigus  sont  généra- 
lement orientés  de  l'est  à  l'ouest.  Les  squelettes 
sont  souvent  recouverts  de  dalles,  qui  ont  dû  les  pro- 
téger contre  les  fauves.  C'est  la  même  raison  qui  a 
fait  fermer  entièrement  les  dolmens  de  l'Algérie.  Les 
dolmens  de  Sigus  servaient  encore  de  sépulture  à 
l'époque  romaine,  car  M.  Thomas  y  a  recueilU  une 
monnaie  de  Domitien,  contenue  dans  un  vase  placé 
sous  une  double  rangée  de  dalles.  Quelques  monu- 
ments présentent  un  commencement  détaille,  entre 
autres  une  sorte  de  dolmen  porté  sur  des  piliers 
équarris. 

Outre  les  nécropoles  que  nous  venons  de  passer  en 
revue ,  H  en  existe  beauco up  d'autres  dans  toute  l' éten- 
due de  la  province  de  Constantine  ;  telles  sont  celles 
des  Beni-Medjaled,  de  Bled-Guerfa,  de  Zoia,  du  Tarf 
près  de  La  Galle,  de  Mengoub  au  sud-ouest  de  Biskra. 

Dans  le  bassin  de  l'Oued  Taga,  à  l'est  de  Lambèse, 
on  trouve  quatre  nécropoles,  probablement  numides, 
où  les  dolmens  sont  remplacés  par  de  petites  tours. 
Dans  la  nécropole  de  la  Medjana,  les  dolmens  et  les 
petites  tours  existent  simultanément. 


L'HOMME  PRÉHISTORIQUE.  191 

A  3  kilomètres  de  la  ferme  Markouna,  aux  environs 
de  Lambèse,  se  trouve  un  remarquable  trilithe  (1)  à 
pierres  un  peu  équarries,  placées  sur  un  piédestal 
formé  de  deux  rangs  de  blocs.  Ce  trilithe  paraît  avoir 
été  encadré  d'un  parallélogramme  formé  d'aligne- 
ments, dont  quelques  rangs  persistent. 

Dans  la  province  d'Alger,  les  principales  nécropoles 
mégalithiques  connues  sont  celles  du  Moulin  de 
Djelfa,  de  Laghouat,  d'Aïn  Kerma,  entre  Bou  Saada 
et  Aumale,  et  deGuyotville  près  d'Alger. 

La  nécropole  du  Mouhn  de  Djelfa  est  très  remar- 
quable par  la  présence  de  plusieurs  trilithes,  de 
nombreux  dolmens  alignés  en  rectangle,  de  dolmens 
accouplés,  etc.  Ces  dolmens  sont  constitués  par  de 
petites  tours  rondes,  bien  que  la  chambre  intérieure 
soit  carrée.  La  table  repose  sur  un  mur  circulaire  en 
pierres  sèches  à  plusieurs  assises,  haut  de  1  mètre 
environ.  Ces  dolmens  sont  petits,  parfois  de  grande 
taille,  et  généralement  entourés  d'un  cercle  de 
pierres  plus  ou  moins  rempli  de  moellons.  On  en  a 
fouillé  quelques-uns,  sans  y  trouver  de  cadavres. 
Cependant,  dans  les  Mahdids,  des  tours  toutes  sem- 
blables ont  donné  de  nombreux  crânes,  des  anneaux 
en  bronze,  etc.  Les  cromlechs  sont  plus  élevés  que 
ceux  du  Bou  Merzoug  (2). 

A  Guyotville,  les  dolmens,  qui  étaient  au  nombre 
de  plusieurs  centaines  il  y  a  seulement  quelques 
années,  ont  presque  tous  disparu.  Il  n'en  resterait 
môme  plus  de  trace,  sans  le  professeur  Kuster,  qui  a 
acquis  les  derniers  et  les  conserve  religieusement.  Le 

(1)  Voy.  Henri  Martiu,  Association  française  pour  l'avance- 
ment des  sciences.  Congres  d'Alger. 

(2)  Voy.  Reboud,  loco  cîtato. 


192  ANTHROPOLOGIE. 

D'"  Bertherand,  qui  en  avait  fouillé  quelques-uns,  y 
avait  trouvé  les  débris  de  nombreux  squelettes,  quel- 
ques fragments  de  poterie  et  des  anneaux  en  bronze. 
Tout  près,  sur  les  bords  de  l'Oued  Tarfa,  on  voit 
encore  une  série  de  logettes,  qui  semblent  avoir  servi 
d'habitation  aux  constructeurs  de  ces  dolmens. 

Dans  la  province  d'Oran,  outre  les  nombreux 
tumuU  dont  nous  avons  déjà  parlé  et  qui  contiennent 
des  crânes  dolichocéphales,  comme  ceux  des  dolmens 
de  Roknia,  on  trouve  quelques  curieuses  nécropoles 
sur  les  bords  de  la  Mina  ;  d'abord  les  Souamah  sur  la 
rive  gauche.  Ce  sont  des  chambres  funéraires,  ados- 
sées à  un  rocher  qui  forme  la  paroi  du  fond.  Les 
parois  latérales  sont  formées  de  blocs  superposés  et 
la  couverture  est  formée  par  des  sortes  de  longues 
poutres  en  pierre  brute  juxtaposées.  D'après  M.  R.  de 
La  Blanchère,  les  Souamah  seraient  des  sépultures 
chrétiennes,  mais  il  est  probable  que  ces  monuments 
sont  bien  plus  anciens  qu'il  ne  le  suppose  et  que  les 
quelques  signes  chrétiens  que  l'on  y  rencontre  y 
ont  été  ajoutés  longtemps  après  leur  construction, 
de  même  que  certaines  parties  en  pierre  taillée  et 
ornée,  évidemment  d'origine  chétienne. 

Toujours  sur  la  rive  gauche  delà  Tafna,  mais  plus 
en  aval,  se  trouve  un  groupe  de  tours  rondes  en 
pierre  de  taille  et  renfermant  des  galeries  sur  les- 
quelles s'ouvrent  des  chambres  mortuaires  ;  galeries 
et  chambres  sont  recouvertes  par  de  grandes  dalles 
en  pierre  brute. 

Vis-à-vis  des  Souamah,  sur  la  rive  droite,  se  trou- 
vent des  tumuli  de  grande  dimension,  avec  des 
galeries  et  chambres  mortuaires  pareilles  à  celles 
des  tours  de  la  rive  gauche. 


LES  PREMIERS  HABITANTS.  193 

Quant  aux  Djeddar,  situés  entre  Frendach  et 
Tiaret,  ce  sont  de  grands  monuments  en  forme  de 
pyramides  quadrangulaires  reposant  sur  une  petite 
tour  carrée.  Ces  monuments,  hauts  d'une  vingtaine 
de  mètres,  sont  évidemment  d'origine  chrétienne  et 
ont  prohablement  servi  de  tombeau  à  la  dernière 
dynastie  des  rois  de  Mauritanie  (1). 

Les  premiers  habitants.  —  Quels  furent  les  pre- 
miers habitants  de  l'Algérie?  Quels  sont  les  peuples 
qui  construisirent  ces  sépultures  mégahthiques  ou 
qui  couvraient  de  dessins  les  rochers  du  Sud  ?  On  ne 
peut  encore  faire  à  ce  sujet  que  des  hypothèses. 
Pour  le  général  Faidherbe,  les  dolmens  auraient  été 
construits  par  un  peuple  blond  venu  d'Europe  parle 
détroit  de  Gibraltar.  Ces  blonds  auraient  peuplé  les 
Canaries  et  le  nord  de  l'Afrique;  nous  avons  vu  que 
l'examen  des  crânes  avait  conduit  M.  de  Quatrefages 
à  des  conclusions  identiques.  Les  plus  anciennes 
peuplades  que  l'histoire  mentionne  dans  ces  régions 
se  nommaient  elles-mêmes  Lioua  ou  Liboua.  Ce  sont 
les  Libyens  des  Grecs.  Déjà  l'on  trouvait  chez  elles 
des  bruns  et  des  blonds.  Ces  Libyens  blonds  de 
Scylax  étaient-ils  les  mêmes  que  les  Tamahous  blonds 
figurés  sur  les  monuments  égyptiens,  auxquels  les 
Pharaons  envoyaient  une  ambassade  2800  ans  avant 
notre  ère  (2)  ?  Ces  Libyens  blonds  ou  ces  Tamahous 
•étaient-ils  venus  d'Europe  par  le  détroit  de  Gibraltar 
lors  de  la  grande  invasion,  à  laquelle  se  rattache  la 
légende  des  colonnes  d'Hercule,  sont-ils  les  cons- 
tructeurs de  nos  dolmens  ?  Étaient-ils  au  contraire 

(1)  Voy.  Bulletin  de  la  Société  de  géographie  et  d'archéologie 
d'Oran,  1882,  p.  264. 

(2)  Letourneux,  Lettre  à  M.  E.  Desor. 

Battaisdier  et  Tkabut.  —  Alf^érie.  13 


194  ANTHROPOLOGIE. 

antérieurs  à  cette  invasion  et  ont-ils  été  refoulés  par 
elle,  comme  le  pense  M.  Pomel?  Autant  de  problèmes 
qui  ne  semblent  pas  près   d'avoir  leur   solution. 

Ce  qui  parait  le  mieux  étabU,  c'est  qu'aussi  loin 
que  nous  puissions  remonter,  les  populations  algé- 
riennes comprenaient  des  bruns  et  des  blonds,  indi- 
quant vraisemblablement  un  double  courant  humain, 
les  blonds  ayant  dû  venir  soit  par  Gibraltar,  soit  par 
la  Sicile,  et  les  bruns,  d'Egypte  ou  des  contrées  orien- 
tales. Ces  deux  courants  n'ont  point  cessé  de  se  con- 
tinuer alternativement  jusqu'à  nos  jours.  Invasions 
des  Romains,  Vandales,  Espagnols  et  Français  d'un 
côté  ;  des  Chananéens,  Phéniciens  et  Arabes  de 
l'autre.  Par  sa  position  géographique,  le  Moghrebest 
le  carrefour  où  doivent  se  heurter  forcément  l'Orient 
et  l'Occident.  Les  Guanches  des  Canaries,  préservés 
de  mélanges  trop  fréquents  par  leur  position  insulaire, 
se  composaient  cependant  de  bruns  et  de  blonds, 
comme  les  Kabyles  du  Djurdjura,  comme  les  Chaouïa 
de  l'Aurès. 

Lorsque  le  Sahara  était  encore  habitable  et  couvert 
de  pâturages,  que  ses  fleuves  coulaient  encore,  il  est 
certain  que  les  Nigrites  du  Soudan  ont  dû  s'y  déve- 
lopper et  se  rencontrer  sur  ses  confins  avec  la  race- 
blanche.  Mais  l'élément  nigrite  semble  avoir  eu  en 
somme  assez  peu  d'influence  sur  l'ensemble  de  la 
population  algérienne. 

Ou  pourrait  se  demauder,  dit  M.  Pomel  (I),  ce  que  sont 
deveuus  les  descendants  de  ces  quantités  innombrables  de 
nègres  esclaves  vendus  sur  les  marchés  barbaresques  ;  il  eu 
reste  si  peu  qu'ils  comptent  à  peine  sur  l'ensemble  de  la 
population.  Il  est    très  vrai  que,  chez  les  musulmans,  il  n'y  a 

(1)  Pome\j  Notices  sur  Alger  et  l'Alge'rie.  Alger,  Jourda.u,  188L 


LES   PREMIERS  HABITANTS.  195 

point  de  préjugé  de  couleur  et  que  c'est  par  infusion  que  leur 
influence  a  pu  se  produire.  Ou  s'étonne  néanmoins  de  trouver 
si  peu  de  mulâtres  à  chevelure  crépue,  à  lèvres  lippues  et 
autres  attributs  des  Nigrites  qui  se  soient  maintenus.  Il  faut 
que  les  signes  ataviques  du  nègre  s'affaiblissent  rapidement, 
dans  un  milieu  qui  certainement  n'est  pas  propre  au  déve- 
loppement de  la  race  pure.  C'est  en  effet  un  fait  constaté  que, 
dans  le  Sahara  et  les  parties  les  plus  basses  et  les  moins  sèches 
des  oasis,  le  nègre  a  beaucoup  de  peine  à  se  perpétuer.  Le  village 
de  N'goussa  près  Ouargla,  exclusivement  nègre,  ne  se  main- 
tient que  par  l'addition  de  nouveaux  éléments  venus  du  Soudan. 
Il  est,  aux  oasis  sahariennes,  un  type  particulier  à  peau 
très  foncée,  à  cheveux  non  ou  peu  crépus,  bien  différent  du 
nègre  en  ce  qu'il  est  plutôt  fuligineux  que  noir  bleuâtre,  que 
ses  lèvres  sont  moins  lippues,  qiie  son  nez,  gros  il  est  vrai, 
mais  non  épaté,  est  quelquefois  même  presque  aquilin.  Il  y 
aurait  grand  intérêt  à  déterminer  scientiliquement  si  c'est  un 
mulâtre,  s'il  a  au  contraire  des  caractères  particuliers,  s'il 
est  unique  ou  complexe  (ce  qui  est  plus  probable)  et  quelles 
affinités  il  peut  présenter  avec  certaines  races  de  l'Ethiopie.  On 
les  désigne  sous  le  nom  d'A7-atins  (affranchis)  ou  de   Rhouura. 

Nous  avons  tenu  à  citer  en  entier  l'opinion  de 
M.  Pomel,  bien  que  pour  nous  une  infusion  de  sang 
nègre  soit  évidente,  non  seulement  chez  les  Aralim, 
mais  chez  beaucoup  d'Arabes  à  peau  blanche. 

Plus  loin,  M.  Pomel  se  demande  si  ces  Aratins  ou 
Rhouara  ne  seraient  pas  les  descendants  des  peu- 
plades désignées  par  les  Romains  sous  le  nom  de 
Mélano-Gétules. 

Est-ce  à  leurs  ancêtres,  dit-il,  qu'il  faut  attribuer  ces 
débris  d'une  civilisation  ancienne,  révélée  par  des  monuments 
et  des  dessins  rupestres  des  bords  du  Sahara  et  même  de  la 
région  du  Tell,  qui  semblent  bien  indiquer  une  race  distincte? 
Ne  seraient-ce  point  des  Nigrites,  qui  auraient  été  les  premiers 
occupants  des  régions  barbaresques,  d'où  ils  auraient  été 
refoulés  par  les  Tamahuus  ou  Liouas  envahisseurs  ?  D'où 
seraient  alors  venus  ces  derniers,  si  ce  n'est  par  l'Ibérie  et  par 
le  détroit  de  Gibraltar  franchi  tant  de  fois  et  en  sens  contraire 
par  les  courants  d'émigration  ?  Ces  Libouas  eux-mêmes  n'au- 
raient-ils pas  été  poussés  hors  des  régions  méridionales  de 


196  ANTHROPOLOGIE. 

l'Europe  par  un  autre  flot  d'envahisseurs  blonds,  venus  du 
Nord?  Ce  sont  autant  d'incounues,  mais  ce  ne  sont  peut-être 
pas  des  problèmes  insolubles. 

Mèdes,  Chananéens.  —  Dès  que  nous  entrons 
dans  l'histoire,  nous  trouvons  d'abord  des  récits  dou- 
teux d'invasions  d'Arméniens,  Mèdes,  Perses,  etc. 
Puis  les  invasions  plus  certaines  des  Cliananéens 
et  Jébuséens,  chassés  de  Palestine  par  Josué.  On 
prétend  que  les  Zénata,  peuplades  des  Hauts-Pla- 
teaux et  de  la  bordure  désertique,  géraient  les  des- 
cendants de  ces  Chananéens. 

Phéniciens,  Carthaginois,  Romains.  —  Ensuite 
viennent  les  Phéniciens.  Carthage  fut  pendant  près 
de  sept  siècles  toute-puissante  en  Numidie.  Elle  avait 
même  en  Mauritanie  sa  colonie  d'Auzia  (Aumale). 
Cette  longue  domination  a  dû  certainement  influer 
sur  les  caractères  ethniques  du  pays,  car  les  Cartha- 
ginois y  tinrent  une  grande  place.  De  nombreux 
croisements  eurent  lieu  et  les  historiens  romains 
nous  parlent  de  populations  libo-phéniciennes. 
L'influence  de  Carthage  se  fit  sentir  longtemps  encore 
après  la  conquête  romaine  ;  on  trouve  jusqu'au 
v^  siècle  des  inscriptions  phéniciennes  et  le  clergé  de 
saint  Augustin  prêchait  en  punique  aux  environs  de 
Bône. 

Même  au  temps  de  Carthage,  en  dehors  des  anciens 
blonds  du  pays,  l'influence  arienne  aA^ait  été  main- 
tenue par  la  grande  colonie  grecque  de  Cyrène. 
Bientôt  elle  va  devenir  de  nouveau  prépondérante 
avec  l'invasion  romaine.  La  domination  romaine 
embrassa  la  presque  totahté  du  pays  et  comme  celle 
de  Carthage  dura  sept  siècles.  Rome  versa  en  Afrique 
d'innombrables  colons  européens. 


BYZANTINS,   ARABES,    TURCS.  197 

Vandales.  — Les  Vandales  renouvellent  ensuite  de 
438  à  534  linvasion  des  blonds  préhistoriques,  aux- 
quels Faid herbe  et  Henri  Martin  attribuent  la  cons- 
truction de  nos  sépultures  mégalithiques  .Toutefois 
cette  introduction  ne  paraît  pas  avoir  eu  une  impor- 
tance numérique  bien  considérable. 

Byzantins,  Arabes,  Turcs.  —  Le  courant  oriental 
recommence  avec  les  Byzantins  (534-670),  mais  leur 
occupation,  essentiellement  militaire,  et  ne  dépas- 
sant pas  d'ailleurs  la  Numidie,  ne  paraît  pas  avoir 
eu  non  plus  au  point  de  vue  ethnique  une  grande  im- 
portance. 

Aux  Byzantin  s  succèdent  les  Arabes.  Leur  première 
invasion  avec  Sidi  Okba  ne  fut  qu'un  torrent  dévas- 
tateur. Elle  n'amena  que  des  guerriers,  qui,  pour  se 
créer  des  familles,  durent  s'alUer  aux  Indigènes.  La 
deuxième  invasion  des  Ilillal  et  des  Soleim  au 
xi^  siècle  amena  au  contraire  de  nombreuses  popula- 
tions arabes,  qui  se  substituèrent  sur  bien  des  points 
aux  anciens  habitants  du  pays.  Les  nouveaux  venus, 
étant  pasteurs  et  nomades,  détruisirent  les  cultures 
et  toute  l'ancienne  civilisation  du  pays.  Les  habitants 
primitifs  durent  se  réfugier  dans  les  massifs  mon- 
tagneux. Une  population  nombreuse  d'Arabes  purs 
se  forma  ainsi.  Mais  l'Islamisme  ayant  soumis  à 
la  même  loi  les  populations  du  Maghreb,  il  ne 
paraît  pas  y  avoir  subsisté  de  préjugés  de  race, 
tous  les  croyants  étant  égaux  devant  Dieu,  d'après  le 
Coran.  Il  en  résulte  que  l'Arabe  s'est  souvent  si  bien 
fondu  avec  les  populations  antérieures,  lorsqu'il  ne 
les  avait  point  supprimées,  que  la  distinction  est 
devenue  difficile.  Seuls  les  montagnards  de  l'Aurès 
et  du  Djurdjura  ont  pu  conserver  en  Algérie  leurs 


498  ANTHROPOLOGIE. 


m 


caractères  propres,  et  former  les  curieuses  popu- 
lations Kabyles  et  Chaouïa. 

.  Vers  1518,  vinrent  les  Turcs  qui  dominèrent  une 
grande  partie  du  pays  jusqu'en  1830.  Mais  ce  nouvel 
élément  ethnique,  peu  nombreux  et  cantonné  dans 
ses  garnisons,  n'a  eu  qu'une  très  faible  influence. 
Pourtant  on  reconnaît  encore  chez  quelques  Cou- 
louglis  (métis  de  Turcs  et  de  femmes  indigènes) 
quelques  signes  de  la  race  jaune. 

Le  courant  arien  pendant  cette  période  (534-1830) 
semble  arrêté.  A  peine  peut-on  mentionner  la  mal- 
heureuse croisade  de  saint  Louis  à  Tunis,  les  expé- 
ditions de  Charles-Quint  et  des  Espagnols  contre  les 
corsaires,  l'occupation  par  ce  peuple  de  quelques 
coins  de  la  côte  où  ils  demeurèrent  isolés  et  enfin 
l'introduction  de  quelques  captifs  européens. 

Juifs.  — Aux  éléments  sémites  il  convient  d'ajouter 
encore  les  Juifs,  si  nombreux  dans  tout  le  Nord  de 
l'Afrique  où  ils  se  réfugièrent  à  la  suite  des  persécu- 
tions des  chrétiens,  surtout  lors  de  leur  expulsion 
d'Espagne  par  Ferdinand  V  et  Isabelle  la  Catholique, 
ou  plus  exactement  par  le  dominicain  Torquemada, 
représentant  du  fanatisme  monastique. 

La  conquête  française.  —  La  conquête  française 
rouvre  enfin  le  nord  de  l'Afrique  aux  populations 
européennes  qui  se  juxtaposent  aux  musulmans, 
sans  mélange  appréciable. 

Nous  resterons  peut-être  en  Afrique,  dit  M.  Masque- 
ray  (1),  mais  certainement  aucun  des  peuples  qui  y  sont 
entrés  avant  nous  n'en  est  sorti...  Tous  les  hommes  que  les 
flots  changeants  des  invasions  ont  déposés  sur  cette  terre  y 
demeurent  encore  ;    ils    s'y  sont  lentement   confondus.    Les 

(1)  Masqueray,  Formation  des  cités  Kabyles  et  Chaouïas, 
Paris,  1886. 


LES  INDIGÈNES.  199 

Éthiopiens  chasseurs  d'éléphants  et  de  girafes,  les  ))londs 
constructeurs  de  dolmens,  les  Chanauéens,  les  Coptes,  les 
Syriens  n'ont  pas  de  place  même  dans  les  légendes  populaires 
€t  n'exercent  que  la  sagacité  des  archéologues  ;  les  Européens 
introduits  par  Rome  ont  aussi  disparu  dans  la  masse  qui  les 
environnait,  bien  qu'un  grand  nombre  de  fractions  de  tribus 
tentent  encore  de  se  distinguer  des  autres  en  se  disant  d'ori- 
gine romaine;  les  Arabes  eux-mêmes,  qui  sont  plus  récents, 
se  sont  altérés  en  se  subdivisant  et  en  s'alliant  au  reste  de  la 
population,  à  tel  point  qu'on  retrouve  à  peine  quelques-uns  de 
leurs  groupes  primitifs. 

Après  ce  résumé  historique,  où  nous  avons 
passé  sous  silence  les  peuplades  si  peu  connues, 
nommées  par  les  Romains  Massyles,  Massesyles, 
Gétules,  Mazias,  Numides,  Maures,  Quinquegentans, 
Garamantes,  etc.,  peuplades  dont  l'assimilation  aux 
divers  types  ethniques  serait  bien  difficile  aujour- 
d'hui, nous  passerons  en  revue  les  principales  popu- 
lations actuelles  de  l'Algérie. 

Les  Indigènes.  —  La  grande  masse  de  la  popula- 
tion actuelle  de  l'Algérie  est  sémite.  On  désigne 
généralement  sous  le  nom  dVndigènes  les  Arabes  et 
les  populations  antérieures  à  eux,  réunies  en  bloc 
sous  l'appellation  de  Kabyles  ou  Berbères.  L'en- 
semble des  indigènes  compte  plus  de  trois  millions 
d'habitants.  Il  est  souvent  à  peu  près  impossible  de 
distinguer  les  Arabes  des  Kabyles.  Souvent  Ton  re- 
garde comme  Arabes  les  populations  où  la  propriété 
est  indivise  et  qui  vivent  sous  la  tente  ou  sous  des 
gourbis,  sortes  de  huttes  en  branchages  recouvertes 
de  diss  ;  et  comme  Kabyles  certaines  peuplades 
montagnardes,  qui  habitent  des  maisons  en  pierre  et 
chez  qui  les  propriétés  sont  constituées  à  peu  près 
comme  chez  les  nations  européennes.  Mais  cette 
classification    est  artificielle.  Souvent,  pour  ne  pas 


2Q0  ANTHROPOLOGIE. 

dire  toujours,  c'est  de  la  nature  du  sol  que  dérivent 
les  mœurs  de  ses  habitants.  Les  Touaregs,  qui  par- 
lent la  langue  berbère  et  seuls  savent  l'écrire,  sont 
nomades  (fig.  16).  La  langue  ne  peut  pas  davantage 
servir  de  critérium,  car  beaucoup  de  tribus  Kabyles 
ont  pris  la  langue  des  conquérants  et  oublié  leurs- 
origines.  Les  caractères  ethniques  qui  séparent 
l'Arabe  du  Kabyle  sont  assez  obscurs,  et  de  nombreux 
croisements  ont  rendu  la  distinction  plus  difficile 
encore. 

D'après  lloudas  (1),  les  Kabyles  bruns  (fig.  17)  se 
rapprochent  beaucoup  du  type  arabe. 

D'une  taille  moyenne  assez  élancée,  mais  avec  une  mus- 
culature plus  puissante  et  des  attaches  moins  fines  que  l'Arabe,, 
le  Berbère  brun  a  la  face  d'un  ovale  peu  régulier  qui  tend  en 
quelque  sorte  à  devenir  un  rectangle  à  angles  arrondis;  le 
nez  bien  proportionné  est  droit,  les  lèvres  sont  moyennes  et 
les  joues  peu  saillantes,  la  barbe  rare  et  clairsemée  atteint 
rarement  une  grande  longueur...  Le  type  blond  a  une  struc- 
ture plus  vigoureuse  que  le  type  brun,  sa  taille  est  générale- 
ment plus  élevée  et  ses  membres  sont  fortement  développés; 
le  front  plat  et  bas  se  dresse  verticalement  au-dessus  d'un  nez. 
court  et  un  peu  fort,  la  saillie  des  joues  s'écarte  du  milieu 
de  la  face  et  donne  au  visage  un  aspect  aplati.  La  forme  du 
masque  est  presque  celle  d'un  carré  aux  angles  arrondis.  Ce 
type  est  assez  rare  en  Algérie.  Il  est  plus  fréquent  parmi  les 
Marocains  du  RitF  et  de  l'Atlas. 

Quant  à  nous,  nous  avons  souvent  été  frappés  de 
l'extrême  ressemblance  des  Kabyles  du  Djurdjura 
avec  les  Européens  et  en  particuher  avec  les  Fran- 
çais. 

Chez  les  Berbères,  ajoute  M.  Houdas,  les  os  du  crâne 
ont  une  dureté  excessive  et  une  épaisseur  remarquable.  La 
femme  berbère  est  souvent  jolie  (fig.  18),  elle  a  les  extrémités 
assez  fines  et  l'ensemble  du  corps  svelte  et  gracieux. 

(1)  Hondas,  Ethnographie  de  l'Algérie. 


LES  INDIGÈNES. 


20 1 


irja.  IG.  —  Touareg  sur  son  mclum. 


â02 


ANTHROPOLOGIE. 


L'Arabe  a  le  corps  plus  grêle  que  le  Berbère,  les  extré- 
mités, toujours  élégantes,  sont  finement  attachées,  l'ovale  du 
vis.ige  est  régulier,  le  front  bombé  et  le  nez  busqué,  les  pom- 
mettes des  joues  avoisinent  de  très  près  la  cloison  nasale, 
-accentuent  l'inclinaison  du  méplat  des  joues  et  fout  paraître 


Fjg.  17.  —  Kabyle  du  Djurdjura. 


exagérée  la  saillie  médiane  du  visage.  La  bouche,  de  moyenne 
.grandeur,  est  entourée  de  lèvres  minces  et  les  dents,  toujours 
régulières  et  bien  plantées,  sont  en  général  d'une  blaucheur 
éclatante.  Les  yeux  bruns  ou  noirs  sont  remarquablement 
beaux,  aussi  bien  chez  les  hommes  que  chez  les  femmes. 


Fi''.  18.  —  Femme  de  l'Aurès. 


204  ANTHROPOLOGIE. 

Les  populations  désignées  sous  le  nom  d'Arabes 
sont  nomades  dans  la  région  des  steppes  et  campent 
sous  la  tente,  elles  sont  sédentaires  là  où  se  trouvent 
des  terrains  cultivables  soit  dans  le  Tell,  soit  dans 
les  oasis.  Dans  le  Tell,  l'Arabe  se  construit  des 
gourbis',  les  oasis  sont  de  petites  villes  fortifiées  gé- 
néralement bâties  en  terre. 

La  tente.  —  La  tente  a  la  forme  d'un  bateau  ren- 
versé, elle  est  en  laine  ou  en  poil  de  chameau  (Hg.  19). 
Un  piquet  et  deux  perches  constituent  toute  sa 
charpente.  Les  bords  de  la  toile  sont  fixés  au  sol 
par  des  cordes  attachées  à  des  piquets.  Une  réunion 
de  tentes  porte  le  nom  de  Douai-.  Les  tentes  sont 
toutes  pareilles.  Seules,  celles  des  chefs  se  distinguent 
par  leur  taille  plus  considérable,  et  celles  des  tribus 
appartenant  à  la  noblesse  rehgieuse  portent  parfois 
un  bouquet  de  plumes  d'autruche.  Comme  les  maigres 
pâturages  de  la  steppe  nécessitent  des  déplacements 
presque  journaUers,  la  tente  ne  contient  rien  d'inutile. 
Au  centre,  quelques  sacs  (Tellis)  contenant  les  provi- 
sions, orge,  blé,  dattes.  Sous  ces  sacs,  les  femmes  dis- 
simulent une  peau  de  bouc  renfermant  leurs  bijoux. 
Les  objets  précieux  sont  souvent  contenus  dans 
l'oreiller  en  laine  du  chef  de  la  famille,  pour  éviter 
qu'il  ne  devienne  la  proie  des  voleurs  pendant  son 
sommeil.  Les  peaux  de  bouc  servent  à  contenir  l'eau, 
le  lait,  le  beurre,  les  menus  objets  mobihers,  etc. 
Quelques  tasses,  un  plat  à  couscous,  une  grossière 
marmite  en  terre,  une  natte  en  alfa,  rarement  un  tapis, 
des  cordes  en  poil  de  chameau  ou  en  alfa  pour  atta- 
cher les  chevaux  complètent  cet  ameublement. 

Tout  dans  la  teute  doit  pouvoir  se  plier,  s'enlever,  se  poser 
sur  les  bêtes  de  somme  avec  rapidité  et  facilité,  de  même  que 


-a 
:3 


o 


206  ANTHROPOLOGIE. 

le  maître  doit  toujours  être  prêt  à  monter  à  cheval  et  à  com- 
battre. 

Le  soir  venu,  les  enfants  et  les  vieilles  femmes  couchent 
d'un  côté  et  l'époux  de  l'autre  après  avoir  fermé  la  tente  du 
côté  do  la  campagne. 

Lorsqu'un  soleil  radieux  éclaire  de  ses  gais  rayons  le  tellis 
aux  couleurs  voyantes,  h^s  femmes  et  les  enfants  se  roulant 
pêle-mêle,  les  poules  qui  caquettent,  les  coqs  à  la  démarche 
provocante,  le  chevreau  alerte  et  vif  jouant  avec  l'enfant  en 
bas  âge,  la  poésie  de  la  tente  se  devine;  mais,  eu  Algérie,  le 
climat  est  variable;  un  coup  de  vent,  et  toute  cette  harmonie 
est  rompue.  Les  femuies  sortent  en  hâte  pour  raifermir  les 
piquets.  L'horizon  chargé  de  nuages  annonce  un  orage;  bientôt 
la  pluie  tombe  à  torrents.  La  pioche  à  la  main,  la  femme  se 
hâte  de  creuser  un  fossé  autour  de  la  tente,  soulevée,  bal- 
lottée, couverte  de  boue.  Des  grêlons  gros  comme  des  balles 
meurtrissent  les  troupeaux,  percent  la  toile,  pénètrent  par 
tous  les  interstices.  D'autres  fois  la  neige  couvre  d'un  blanc 
linceul  la  campagne  tout  entière.  Les  troupeaux,  les  arbres, 
les  tentes,  tout  disparaît. 

Que  fait  pendant  ce  temps  le  maître  de  la  tente?  Couché 
sur  sa  natte,  le  capuchon  de  son  burnous  rabattu  sur  les  yeux, 
il  dort  ou  rêve. 

11  faudra  pour  le  tirer  de  sa  rêverie  que  toutes  les  forces 
déchaînées  de  l'ouragan  mettent  l'existence  des  siens  en  péril. 
Qu'importe  que  la  tente,  soulevée  par  les  vents  en  fureur, 
menac^;  d'être  emportée  ou  abattue  sous  les  rafales,  rien  ne 
doit  troubler  la  quiétude  de  son  repos,  ce  n'est  après  tout 
qu'un  des  mille  inconvénients  de  la  vie  libre. 

Mais  s'il  a  eu  l'imprudence  de  planter  sa  tente  dans 
l'estuaire  d'un  de  ces  fleuves  aux  rives  flottantes,  à  sec  durant 
des  années  entières,  qu'un  orage  transforme  eu  une  mer  bon- 
dissante, alors,  on  le  voit  lutter  avec  une  énergie  sans  égale. 
Presque  toujours,  de  pauvres  enfants,  des  femmes,  des  vieil- 
lards sont  victimes  de  ces  tourmentes  imprévues;  mais  la 
mort  est  chose  si  naturelle  dans  cette  vie  de  luttes  et  de  dan- 
gers continuels  qu'on  oublie  vite  ceux  qui  s'en  vont. 

L'homme  se  réserve  tout  ce  qui  n'est  pas  du  domaine  de 
la  tente  ;  c'est  lui  qui  laboure,  qui  moissonne,  qui  dépique  le 
grain  et  l'ensilote.  Il  tond  les  brebis,  surveille  les  troupeaux, 
chasse,  monte  à  cheval,  fait  la  guerre,  va  aux  corvées,  rend 
visite  à  ses  amis,  court  les  marchés. 

La  nuit  venue,  l'homme  se  couche  tard,  la  tête  tournée 
vers  son  troupeau,  le  pistolet  ou  le  fusil  près  de  lui;  au 
moindre  bruit,  il  se  lève,  c'est  un  voleur,  c'est  un  chacal,  c'est 


LE   GOURBI.  207 

uii  amoureux.  Des  chiens  au  poil  fauve,  aux  dents  aiguës, 
l'assisteni  dans  sa  veille  ;  à  l'intensité,  aux  inflexions  de  leurs 
aboiements,  l'Indigène  sait  reconnaître  s'il  s'agit  d'une  bète 
fauve,  d'un  passant  éloigné,  d'un  ou  plusieurs  voleurs.  La 
nuit  n'est  qu'une  veille;  aussi,  pour  en  diminuer  la  longueur, 
prolonge-t-il  la  soirée  autant  que  faire  se  peut. 

Ce  n'est  qu'au  matin  qu'il  s  endort  pendant  que  la 
femme,  ayant  compté  et  envoyé  aux  champs  le  trou- 
peau, procède  aux  soins  du  ménage. 

Vers  midi,  si  elle  trouve  un  moment  de  repos,  elle  s'assied 
et  fait  sa  toilette.  Un  peu  d'eau  sur  le  visage  et  les  cheveux, 
un  coup  d'oeil  jeté  au  miroir  d'un  sou  qui  ne  la  quitte  jauiais  ; 
un  peu  de  koheul  (1)  enfermé  dans  les  plis  de  sa  melhafa,  et 
qui  donnera  à  ses  yeux  de  l'éclat  et  de  la  douceur,  un  peu  de 
henné  au  bout  des  doigts  ;  en  faut-il  davantage  pour  plaire  à 
son  mari? 

C'est  par  la  douce  langueur  des  yeux  et  la  démarche  las- 
cive que  plaisent  les  femmes  arabes...  Il  y  a  des  femmes 
arabes  travailleuses,  économes,  fidèles,  point  coquettes,  mais 
c'est  le  petit,  le  très  petit  nombre.  Toutes  sont  bonnes  mères. 
C'est  une  gloire  pour  elles  que  de  porter  le  plus  lourd  far- 
deau, d'être  prèles  à  abattre  et  à  bâtir  la  tente,  à  seller  le 
cheval  du  maître,  à  faire  le  chargement  du  mulet  lors  des 
migrations. 

Un  enfant  à  la  main,  un  autre  sur  le  dos,  la  femme  arabe 
va,  vient,  travaille,  et,  le  soir,  elle  répète  en  s'endormant  ce 
dicton  populaire  : 

Mule  le  jour  ;  reine  bien-aimée  la  nuit  (2). 

C'est  la  nécessité  des  lieux  qui  fait  les  sédentaires 
et  les  nomades  ;  mais  le  nomade  qui  a  gardé  plus 
purs  et  sa  langue  et  les  préceptes  du  Coran  méprise 
le  tellien  déchu  et  le  regarde  comme  son  inférieur, 
de  même  que  le  Mozabite  commerçant. 

Le  gourbi.  —  Le  gourbi   n'est  qu'une  hutte  en 

(1)  Poudre  de  galène,  servant  à  noircir  les  sourcils  et  le  bord 
des  paupières. 

(2)  Villot,  Mœurs  et  coutumes  des  indigènes  de  L'Algérie. 


208  ANTHROPOLOGIE. 

branchages  recouverte  d'un  toit  de  chaume.  Parfois 
ses  murs  sont  bâtis  en  pierres  ou  en  terre.  A  part 
cela,  il  n'offre  pas  un  grand  progrès  sur  la  tente,  il 
est  seulement  moins  mobile.  Les  cultures  qui  l'en- 
tourent sont  des  plus  rudimentaires.  L'Arabe  gratte 
superficiellement  la  terre  libre  avec  une  charrue  des 
plus   primitives,  contournant    la   broussaille    sans 
l'arracher,  les  pierres  sans  les  déranger,  et  laissant 
le  blé  qu'il  a  semé  pousser  comme  il  plaît  à  Dieu. 
Dans  quelques  terres  très  riches  de  la  province  de 
Constantine,  les  cultures  sont  un  peu  plus  soignées. 
Les  habitants  de  la  tente  et  du  gourbi.  —   Au 
premier  abord,  les  Arabes  sont  très  séduisants.  Chez 
eux,  le  moindre  berger,  noblement,  drapé  dans  son 
burnous,    grave    et    digne,   plein    d'aisance   et   de 
naturel  dans  sa  démarche  comme  dans  ses  paroles, 
nous  apparaît  comme  une  Adsion  biblique  et  tranche 
avantageusement  avec  nous,  que  nos  habits  étriqués 
et  ridicules,  notre  civihsation  affairée  et  pleine  de  be- 
soins rendent  moins  décoratifs.  Mais  il  ne  faudrait 
pas  trop  se  fier  à  cette  première  impression  superfi- 
cielle. Privé  depuis  longtemps  de  tout  gouvernement, 
sans    autre    boussole    directrice    que    de    vagues 
croyances  mal  enseignées  par  des  marabouts  igno- 
rants, ce  peuple  est  tombé  dans  une  profonde  déca- 
dence. Éminemment  reUgieux,  fanatique  même,  il 
subit  sans  s'y  soumettre  les  lois  des  infidèles,  pour 
lesquels  il  a  un  mépris  profond.  Pour  comprendre 
cet  état  d'âme  de  l'indigène,  il  faut  nous  reporter 
au  temps  des  croisades;  notre  horreur  du  juif  à 
cette  époque  peut  seule  nous  donner  une  idée  des 
sentiments  que  l'Arabe  garde  toujours  à  notre  égard 
dans  le  plus  profond  de  son  âme  et  qui  dressent 


LES  HABITANTS  DE  LA   TENTE  ET  DU   GOURBI.      209 

entre  lui  et  nous  une  barrière  qui  sera  longtemps 
encore  infranchissable.  Si  quelqu'un  d'entre  eux,  un 
vieux  soldat  le  plus  souvent,  se  «  civilise  »,  c'est  en 
joignant  nos  défauts  aux  siens.  C'est  par  l'ivrognerie 
qu'il  commence  et  c'est  l'ivrognerie  qui  détruira 
l'Arabe,  s'il  perd  ses  croyances  religieuses.  H  y  a 
certainement  de  braves  gens  chez  les  Arabes  et  là 
comme  partout  le  bien  est  mêlé  au  mal;  cependant, 
sous  des  formes  très  dignes,  la  justice  y  est  essen- 
tiellement vénale.  Les  témoignages  sont  presque 
toujours  dictés  par  l'intérêt  ou  par  la  crainte.  La 
morale  est  souvent  remplacée  chez  eux  par  de 
belles  phrases  déclamatoires,  destinées  à  surprendre 
la  bonne  foi  des  naïfs,  si  par  hasard  il  s'en  trouve. 
Depuis  longtemps  opprimés,  les  Arabes,  pas  plus 
que  les  Kabyles,  ne  comprennent  la  bonté.  Très 
obséquieux,  ils  ne  sont  guère  accessibles  qu'à 
la  crainte;  respectant  la  main  qui  les  frappe,  ils 
sont  toujours  prêts  à  se  révolter  contre  ceux  qui  les 
traitent  avec  douceur.  Ils  attribuent  les  bons  traite- 
ments dont  ils  sont  l'objet  à  la  crainte  qu'ils  inspirent. 
L'Arabe  est  voleur.  Le  vol  est  glorieux  même, 
si  le  volé  est  musulman,  et  méritoire,  s'il  est  chré- 
tien (1).  Ils  déploient  dans  le  vol  beaucoup  d'ha- 
bileté et  de  bravoure.  Parfois  le  colon,  las  d'avoir 
veillé  inutilement  pendant  douze  ou  quinze  nuits, 
s'endort  terrassé  de  fatigue,  se  confiant  à  la 
garde    de    cliiens  vigilants.    Les    larrons  guettent 


(1)  Du  temps  de  sa  puissance,  l'Arabe  fut  toujours  corsaire  ; 
corsaire  il  est  resté  dans  sa  décadence.  Le  Touareg  pille  les 
caravanes  et  les  oasis,  les  tribus  qui  ont  gardé  quelque  indé- 
pendance font  des  razzias.  Là  où  les  grandes  expéditions  sont 
impossibles,  le  corsaire  devient  un  simple  voleur. 

Battandier  et  Trabut.  —  Algérie.  14 


210  ANTHROPOLOGIE. 

dans  l'ombre  à  proximité.  L'un  d'eux  se  débar- 
rasse de  son  burnous,  s'oint  le  corps  de  graisse  de 
fauve,  lion  ou  panthère  et  s'avance  à  quatre  pattes 
vers  le  chenil.  Les  chiens,  sidérés  par  l'odeur  du 
fauve,  restent  muets.  Pendant  ce  temps,  ses  compa- 
gnons se  sont  rapprochés  du  mur  de  l'écurie,  et  bien 
loin  de  s'attaquer  aux  portes,  ce  qui  fait  toujours  du 
bruit,  descellent  une  j^ierre  du  mur,  puis  deux,  puis 
trois,  jusqu'à  ce  que  la  brèche  soit  praticable.  Alors 
on  fait  pénétrer  avec  précaution  par  l'ouverture 
un  bâton  habillé  d'un  burnous.  Si  cette  explo- 
ration n'amène  aucune  alerte,  un  des  compagnons 
pénètre  dans  l'écurie,  détache  les  animaux  pen- 
dant que  les  autres  agrandissent  la  brèche  par  la- 
quelle l'écurie  sera  bientôt  vidée.  Toute  la  troupe, 
armée  jusqu'aux  dents,  aura  vite  conduit  les  bêtes 
en  lieu  sûr,  dans  quelque  ravin  perdu  au  fond  des 
bois.  Le  colon  aura  beau  s'adresser  à  toutes  les 
autorités,  ses  bêtes  demeureront  introuvables.  Si 
quelque  agent  de  l'autorité,  ou  simplement  quel- 
qu'un de  suspect  apparaît  dans  la  région,  tous  ses 
faits  et  gestes  sont  immédiatement  signalés  à  plu- 
sieurs heues  à  la  ronde.  Tous  les  Arabes  du  pays 
manœuvreront  comme  un  seul  homme  pour  dépister 
les  recherches.  11  peut  arriver  qu'au  bout  de  quelques 
jours,  le  colon  volé  voie  venir  à  lui  un  Arabe  qui 
le  tire  à  l'écart  et  lui  tienne  le  discours  suivant  : 

Tu  as  perdu  tes  bœufs,  c'est  pour  toi  une  bien  grande 
perte,  aussi  t'ai-je  bien  plaint  dès  que  je  l'ai  su  et  j'ai  résolu 
de  te  rendre  service.  Écoute-moi,  je  sais  oii  sont  tes  bêtes, 
donne-moi  500  francs  (plus  ou  moins  suivant  l'importance  du 
vol)  et  je  me  charge  de  te  les  faire  retrouver. 

C'est  la  Bécharra.  Ce  que  le  colon  a  de  mieux  à 


LES  HABITANTS  DE   LA  TENTE  ET   DU  GOURBI.      2H 

faire, c'est  d'y  souscrire.  A  l'heure  et  au  jour  conve- 
nus, ses  bêtes  lui  seront  remises.  Mais  malheur 
à  lui  s'il  viole  la  hécharra,  sa  vie  est  fort  en  dan- 
ger et  jamais  il  ne  retrouvera  ses  hôtes.  Ces 
vols  continuels  sont  un  sérieux  obstacle  à  la  colo- 
nisation. 

Les  Arabes  ne  s'épargnent  pas  entre  eux.  Souvent 
ceux  d'un  douar  partent  à  la  maraude  vers  les 
douars  voisins,  mais  ces  expéditions  sont  dange- 
reuses, car  l'Arabe  dort  le  jour  et  veille  la  nuit. 
Aussi  arrive-t-il  souvent  que  quelqu'un  de  l'expédi- 
tion est  tué.  Les  acolytes  emportent  le  cadavre,  en 
essuyant  jusqu'aux  moindres  gouttes  de  sang, 
évitant  les  terres  labourées  pour  ne  pas  laisser  de 
traces,  puis  sur  les  confins  de  leur  douar,  ils  dépo- 
sent le  cadavre,  tirent  quelques  coups  de  fusil,  et 
vont  raconter  aux  leurs  qu'ils  ont  été  attaqués  par  les 
gens  du  douar  qu'ils  avaient  voulu  voler.  Ils  de- 
mandent vengeance  pour  leur  compagnon  tué  pour 
la  défense  commune.  On  fait  semblant  de  les  croire. 

L'éducation  morale  manque  totalement  sous  la 
tente.  La  mère  ne  donne  que  les  soins  matériels  et  la 
tendresse  que  toute  femelle  a  pour  ses  petits.  Elle 
ne  leur  donne  guère  que  de  mauvais  exemples, 
étant  sans  morale  elle-même  et  n'ayant  pour  frein  à 
ses  déportements  que  la  crainte  du  père  et  sa  sur- 
veillance incessante  et  étroite. 

Le  père,  dont  l'autorité  est  absolue  sur  toute  la 
famille,  fait  durement  sentir  son  despotisme. 

Ainsi  élevés,  les  Arabes  sont  capricieux,  volon- 
taires, égoïstes  surtout.  Ces  défauts  sont  communs 
aux  deux  sexes.  Malgré  le  bâton  qui  la  menace  cons- 
tamment, la  femme  arabe  est  loin  d'être  docile,  elle 


1 


212  ANTHROPOLOGIE. 

est,  au  contraire,  violente  et  prompte  à  l'insulte. 
Vivant  dans  la  promiscuité  la  plus  complète  et 
dans  la  plus  grande  liberté,  peu  de  filles  arabes  reste- 
raient vierges,  si  on  ne  les  mariait  dès  Fàge  de 
puberté.  Le  mariage  constitue  une  véritable  vente  de 
la  jeune  fille  par  sa  famille.  L'Arabe  peut  acheter 
autant  de  femmes  qu'il  veut,  à  condition  de  pouvoir 
assurer  leur  subsistance,  mais  seuls  les  riches  ont 
plusieurs  femmes  à  la  fois.  La  polygamie  est  imposée 
par  la  vie  en  promiscuité  sous  la  tente,  c'est  le  seul 
moyen  d'y  maintenir  un  peu  d'ordre.  La  femme 
n'est  jamais  considérée  comme  l'égale  de  l'homme, 
mais  tour  à  tour  comme  une  bête  de  somme  ou 
comme  un  objet  de  plaisir.  Privée  de  toute  con- 
fiance, elle  n'est  maintenue  que  par  la  crainte.  Les 
vieillards  sont  respectés,  mais  les  mâles  seulement. 
La  mère  est  commandée  par  son  fils,  dès  qu'il  n'a 
plus  besoin  de  soins  immédiats.  La  femme  adultère 
est  punie  de  mort  soit  par  son  mari,  soit  le  plus  sou- 
vent par  sa  propre  famille,  sur  la  plainte  du  mari. 

Parmi  les  sentiments  nobles  que  l'on  peut  mettre  à 
l'actif  des  Arabes,  la  bravoure  tient  le  premier  rang. 
Ils  ne  craignent  point  la  mort,  entourée  pour  eux 
d'images  riantes.  C'est  l'entrée  certaine  pour  tout 
bon  musulman  au  paradis  de  Mahomet,  Ueu  plein 
d'éternelles  délices;  aussi  rien  n'est-il  plus  gai  qu'un 
enterrement  arabe.  Comme  presque  tous  les  peuples, 
l'Arabe  aime  et  apprécie  la  justice,  et  cela  d'autant 
plus  qu'il  en  est  généralement  privé. 

Opprimé  de  tout  temps,  il  est  aujourd'hui  plus 
que  jamais  spolié  par  les  juifs  et  les  spéculateurs  de 
toutes  croyances.  Nous  avons  connu  quelques  colons 
justes  établis  au  milieu  des  Arabes,  qui  s'y  étaient 


DÉMOGRAPHIE.  221 

quis  en  dominant  ou  assimilant  l'élément  indigène 
resté  jusqu'à  ce  jour  instinctivement  hostile. 

Les  nombreux  problèmes,  que  soulève  l'établisse- 
ment des  races  implantées,  présentent  donc  un  intérêt 
à  la  fois  scientilique  et  politique,  et  il  serait  im- 
portant de  recueillir  aA^ec  soin  et  avec  intelligence 
tous  les  documents  administratifs  de  la  statistique 
algérienne  ;  malheureusement  ce  travail  est  défec- 
tueux et  incomplet.  Les  municipalités  tiennent  assez 
mal  leurs  archives. 

Pendant  quelques  années,  le  D""  Ricouxfut  chargé, 
par  le  gouvernement  général,  de  la  statistique  démo- 
graphique et  médicale  de  l'Algérie,  et  les  documents 
élaborés  de  1881  à  1889  constituent  un  ensemble 
intéressant;  c'est  dans  ce  fonds  que  nous  puiserons. 

La  densité  de  la  population  algérienne  est  diffi- 
cile à  calculer  en  raison  des  limites  incertaines  du 
territoire  vers  le  sud,  et  aussi  de  l'existence  de 
grandes  surfaces  non  peuplées,  de  steppes  ne  com- 
portant pas  une  population  sédentaire. 

On  évalue  h  44000000  d'hectares  la  superficie  delà 
colonie,  en  négligeant  une  partie  saharienne  inhabitée 
qui  n'a  pas  délimite  vers  le  sud.  Dans  cet  espace,  est 
disséminée  une  population  de  4  394  000,  soit  environ 
9  habitants  par  kilomètre  carré.  Cette  densité 
moyenne  ne  donne  pas  une  idée  juste  du  peuplement 
de  rAlgérie,  car  il  existe  une  énorme  disproportion 
dans  la  densité  de  la  population  suivant  les  territoires  : 
le  Tell,  avec  une  superficie  de  14000000  d'hectares, 
est  la  région  réellement  colonisable  où  il  est  surtout 
intéressant  de  suivre  le  peuplement;  sur  ce  territoire 
les  Indigènes  occupent  encore  12  000  000  d'hectares, 
la  densité  générale  y  est  de  22  Indigènes  par  kilo- 


990 


ANTHROPOLOGIE. 


mètre  carré  et  seulement  de  4  Européens  ;  mais,  pour 
les  2000000  d'hectares  possédés  par  les  Européens» 
on  trouve  une  densité  de  30  Européens  par  kilomètre 
carré.  L'élément  européen  de  la  population  algérienne 
est  composé  surtout  de  Français  (346  870;,  d'Espa- 
gnols (157  500),  d'Italiens  (35  539),  deMaltais.il  faut  y 
ajouter  les  Israélites  indigènes  naturalisés  (53  000), 
qui,  avant  peu  de  temps,  seront  assimilés  au  même 
degré  que  leurs  congénères  de  France,  en  raison  de  la 
grande  facilité  d'adaptation  que  possède  cette  race. 

Les  Français  n'ont  pas  cessé  d'être  les  plus  nom- 
breux, ils  fournissent  plus  de  la  moitié  de  la  popu- 
lation européenne;  en  1896  on  comptait  :  346  870 
Français  et  217  000  autres  Européens.  Les  Espagnols 
viennent  ensuite,  avec  une  tendance  à  s'accroître  par 
immigration  et  par  excédent  de  naissances  ;  les  Italiens 
diminuent;  l'immigration  maltaise  s'est  ralentie  et 
celte  population  baisse,  malgré  sa  forte  natalité. 

Afin  de  bien  apprécier  comment  chaque  peuple  se 
développe  dans  la  colonie,  notons  l'accroissement 
pour  mille  habitants  entre  les  dernières  périodes  de 
recensement,  on  aura  : 


Accroissement  pour  1000  habitants. 


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1876 

1881 

1886 

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235 

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DÉMOGRAPHIE.  223 

L'accroissement  se  produisant  à  la  fois  par  immi- 
gration et  par  excédent  des  naissances  sur  les  décès, 
il  devient  nécessaire  de  rechercher  le  taux  de  chacun 
de  ces  facteurs.  Si  l'excédent  des  naissances  sur  les 
décès  donne  la  mesure  de  la  vitalité  des  habitants, 
de  la  salubrité  delà  colonie,  l'immigration  reste  une 
preuve  de  la  prospérité  d'un  pays  nouveau. 

Pendant  la  période  1872-1870,  l'accroissement  des 
Français  atteint  26  764,  dont  1/iO,  soit  2  610,  par  excé- 
dent des  naissances;  l'accroissement  des  Espagnols 
pendant  la  même  période  est  de  21144  dont  1/7, 
soit  3  243,  par  excédent  des  naissances;  les  Italiens 
s'accroissent  de  7  408,  dont  1/10,  soit  764,  par  excé- 
dent des  naissances. 

Pendantla  période  1876-1881,  les  Français  augmen- 
tent de  49 053,  dont  1/12,  soit  3  834,  par  naissances; 
les  Espagnols  de  21  810,  dont  1/4,  soit  5  205,  par  nais- 
sances; les  Italiens  de  7  934,  dont  1/9,  soit  885,  par 
naissances. 

Pendant  la  période  1881-1886  : 

Les  Français  augmentent  de  23  633,  dont  près  de  1/4,. 
soit  5  359,  par  excédent  de  naissances  ;  les  Espagnols 
de  30  010,  dont  près  de  1/4,  soit  6  982,  par  excédent 
de  naissances;  les  Italiens  de  10622,  dont  près  de  1/7,. 
soit  1  436,  par  excédent  de  naissances. 

Pendantla  période  1886-1891  : 

Les  Français  augmentent  de  48  297, 

Les  Espagnols  de  9  366, 

Les  Italiens  diminuent  de  4  972. 

Pendantla  période  1891-1896  : 

Les  Français  augmentent  de  75  779, 

Les  Espagnols  augmentent  de  3  701 , 

Les  Italiens  diminuent  de  3  662. 


224  ANTHROPOLOGIE. 

La  natalité  générale,  c'est-à-dire  le  rapport  des 
naissances  annuelles  à  la  population  générale,  peut 
seule  être  calculée  avec  les  documents  ofliciels.  Pour 
1000  habitants  français,  de  1873  à  1891,  on  note  de 
^]3  à  35  naissances;  chez  les  Espagnols,  on  a  pendant 
la  même  période  de  35  à  40  naissances. 

La  mortalité  générale,  pendant  la  môme  période  de 
1873  à  1891,  est  de  31  à  30  décès  pour  1  000  habitants 
français;  chez  les  Espagnols,  on  notait  pendant  la 
même  période  27  à  28  décès  par  \  000  habitants.  Si 
nous  comparons  les  coefficients  de  natalité  et  de 
mortahté,  nous  trouverons  chez  les  Français  un 
accroissement  annuel  de  4,2  p.  100. 

Les  Espagnols  sont  aussi  plus  féconds  en  Algérie 
que  chez  eux,  leur  accroissement  annuel  étant  de 
.8  p.  100. 

A  c(jté  des  populations  européennes  implantées,  il 
serait  curieux  de  suivre  le  développement  des  Israé- 
lites; mais  depuis  leur  naturaUsation,  les  registres 
•des  mairies  ne  permettent  pas  toujours  de  le  suivre 
dans  le§  différents  actes  de  l'état  civil.  Chez  eux,  la 
mortalité  est  assez  élevée,  surtout  chez  les  enfants, 
mais  la  natalité  est  considérable  ;  aussi  les  statis- 
tiques officielles  accusent  une  augmentation  très 
sensible.  fi]nl872,on  comptait  34  574  Israéhtes  indi- 
gènes ;  en  1896,  on  en  a  recensé  53  303;  beaucoup  ont 
dû  être  comptés  avec  les  Français  d'origine  et  malgré 
€ela  on  voit  que,  d'après  cette  marche,  la  population 
Israélite  double  en  quarante-sept  ans  par  l'excédent 
de  ses  naissances  sur  ses  décès. 

Des  recherches  de  M.  Ricoux  il  résulte  que  les  na- 
tionalités européennes  fixées  en  Algérie  bénéficient 
d'un  accroissement  par  natalité,  les  Allemands  seuls 


Dl'ilMOGRAPniF:.  225 

font  exception;  pour  1  000  naissances,  ils  présentent 
1 343  décès.  La  race  germanique  ne  s'acclimate 
donc  pas  dans  le  nord  de  TAfrique,  elle  nous  a  paru 
décimée  par  la  malaî'ia  et  aussi  par  l'alcoolisme,  qui 
est  plus  rapidement  funeste  qu'en  Europe. 

Il  est  naturel  de  rencontrer  une  mortalité  plus 
élevée  chez  le  sexe  masculin,  plus  exposé  aux  tra- 
vaux meurtriers  de  la  colonisation  et  à  Talcoolisme. 

La  terre  d'Afrique,  réputée  meurtrière  aux  Euro- 
péens, ne  mérite  donc  plus  la  réputation  d'insalubrité 
qu'elle  s'est  faite  pendant  la  période  de  1830-1855. 

L'ennemi  de  l'Européen  en  Algérie  est  la  malaria; 
s'il  y  échappe,  il  manifeste  de  suite  une  fécondité 
inconnue  en  Europe.  La  ville  de  Mustapha  peut 
donner  une  idée  du  développement  que  prend  notre 
race  quand  elle  est  implantée  dans  une  station  saine. 
La  population  de  Mustapha,  qui  comprenait  16416 
Européens  en  i886,  était  en  1891  de  21 '464,  dont  les 
deux  tiers  Français.  Pendant  cette  période,  l'état  civil 
a  enregistré  4108  naissances,  326  mort-nés  et 
2778  décès.  Pendant  ces  cinq  années,  l'augmentation 
de  la  population  a  donc  emprunté  73  p.  100  à  l'immi- 
gration et  27  p.  100  à  l'excédent  des  naissances  sur 
les  décès.  En  1896,  la  population  dépassait  32000  ha- 
bitants. 

La  population  indigène  de  l'Algérie  s'accroît  régu- 
lièrement, elle  a  passé  de  2  400  000  en  1856  à 
3  757  000  en  1896. 


Battandiep.  et  ïkabut.  —  Algérie.  15 


226 


ANTHROPOLOGIE. 


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MALADIES.  227 

Maladies.  —  L'Algérie,  qui  appartient  par  son 
climat  et  par  sa  flore  aux  régions  méditerranéennes, 
ne  présente  pas  une  pathologie  spéciale  ;  mais  l'Al- 
gérie est  en  contact  avec  des  régions  plus  chaudes 
et  plus  insalubres,  où  l'Européen  peut  diflicilement 
supporter  la  saison  chaude  ;  de  plus,  pendant  les 
mois  d'été,  l'influence  thermique  augmente  la  mor- 
bidité et  la  mortalité  même  sur  le  httoral. 

L'endémie  palustre  est  partout,  pour  l'indigène 
comme  pour  l'Européen,  le  principal  obstacle  à  la 
prise  de  possession  du  sol.  Les  plaines  sont  presque 
toutes  plus  ou  moins  malsaines;  avant  l'occupation 
française,  les  Indigènes  n'y  étaient  pas  établis;  mais 
depuis  l'établissement  de  la  colonisation  les  cultures 
occupent  les  terres  jadis  en  marais,  les  drainages  et 
les  plantations  assèchent  les  bas-fonds.  Aussi  voit- 
on  l'endémie  palustre  restreindre  ses  ravages,  et  les 
stations  les  plus  mal  famées,  il  y  a  quarante  ans, 
comme  Boufarik,  se  peupler  par  l'excédent  des  nais- 
sances. 

La  variole  chez  les  Indigènes  a  toujours  causé  une 
mortahté  considérable,  surtout  pendant  l'enfance  ; 
depuis  que  la  pratique  de  la  vaccination  se  répand, 
la  mortahté  de  l'enfance  est  surtout  causée  par 
la  syphilis  et  par  la  cachexie  palustre  dans  les 
plaines. 

La  fièvre  typhoïde  sévit  surtout  sur  les  Européens, 
elle  se  montre  assez  bénigne  ;  les  Indigènes  sont 
surtout  sujets  au  typhus,  qui  est  endémique  dans  la 
grande  et  la  petite  Kaljyhe . 

La  syphilis  est  très  fréquente  et  commet  de  grands 
ravages  dans  toutes  les  classes  de  la  population 
indigène. 


228  ANTHROPOLOGIE. 

La  dysenterie  est  assez  rare  ;  elle  sévit  également 
sur  les  Européens  et  les  Indigènes.  .. 

L'ophtalmie  granuleuse  est  endémique,  surtout  sur 
les  populations  de  la  Kabylie  et  des  Oasis,  les  Nomades 
y  sont  moins  sujets.  Les  maisons  sont  en  effet 
obscures,  mal  aérées,  très  sales,  les  animaux  vivent 
dans  une  promiscuité  complète  avec  les  gens.  Aussi 
compte-t-on  un  aveugle  ou  un  borgne  sur  64  indi- 
vidus. Quelques  mesures  d'hygiène  et  un  peu  de 
propreté  restreindraient  beaucoup  ce  mal,  qui  passe 
facilement  des  Indigènes  aux  Européens,  surtout 
quand  ces  derniers  vivent  dans  des  conditions 
d'hygiène  qui  laissent  à  désirer. 

La  tuberculose  se  rencontre  fréquemment  en  Algé- 
rie, comme  en  Europe,  mais  les  tuberculeux  trouvent 
sur  la  cùte  africaine  un  cUmat  favorable  qui  leur 
permet  souvent  d'atteindre  un  âge  avancé. 

Cependant  ce  sont  les  formes  lentes,  torpides  de 
la  tuberculose  pulmonaire  qui  se  trouvent  le  mieux 
du  climat  d'Algérie;  les  guérisons  de  ces  phtisies 
sont  même  assez  communes. 

Les  phtisies  à  marche  rapide  sont  aggravées  par 
les  chaleurs  de  l'été  qui  précipitent  l'issue  fatale. 

Chez  les  Indigènes,  la  phtisie  tend  à  faire  des 
progrès,  elle  sévit  surtout  chez  ceux  qui  abandonnent 
les  sages  prescriptions  du  Coran  et  se  livrent  à 
l'alcoolisme.  L'alcooUsme  du  reste,  chez  les  Euro- 
péens, de  même  que  chez  les  Indigènes,  paraît  une 
des  causes  fréquentes  de  tuberculose. 

Pendant  la  saison  chaude,  des  éruptions  cutanées 
très  fatigantes  s'ajoutent  aux  incommodités  de  la 
saison  ;  c'est,  sur  le  littoral,  la  gale  bédouine,  liobb 
arag  ou  bouton  de  sueur  des  Arabes,  éruption  vési- 


xMALADIES.  229 

culo-papiileuse,  que  les  dermatologistes  nomment 
Lichen  tropicus.  Précédée  de  sueurs,  de  démangeai- 
sons, la  gale  bédouine  est  caractérisée  par  une  érup- 
tion souvent  très  confluente,  occupant  les  épaules,  les 
bras,  la  poitrine^  plus  rarement  le  ventre  et  les 
cuisses,  formée  de  petites  élevures  rouges,  tantôt 
papuleuses,  tantôt  vésiculeuses  au  sommet.  Des 
éruptions  successives  peuvent  prolonger  la  maladie 
pendant  plusieurs  semaines. 

Des  affections  furonculeuses  ulcéreuses  sont  fré- 
quentes, pendant  la  saison  chaude,  et  à  Biskra  une 
affection  ulcéreuse  particulière  de  la  peau  a  reçu  le 
nom  de  clou  de  Biskra;  elle  ne  se  montre  que  pendant 
les  fortes  chaleurs,  mais  elle  attaque  toutes  les  races, 
le  nègre,  l'i^rabe,  comme  l'Européen. 

La  suppuration  du  foie  s'observe  aussi  et  coïncide 
avec  la  dysenterie  et  les  ulcérations  du  gros  intestin. 


CHAPITRE  yil 
LA    FAUNE 

I.  —  Mammifères. 

Parmi  les  Mammifères  qui  habitent  l'Algérie,  il 
est  juste,  immédiatement  après  l'homme,  de  citer  le 
Magot. 

Magot  [Pithecus  inuus  E.  GeofTr.).  —  Très  répandu 
et  très  abondant,  nous  l'avons  vu  en  troupes  nom- 
breuses dans  les  gorges  de  la  Chiffa  et  dans  celles  de 
Palestro,  avant  la  construction  des  hgnes  de  chemin 
de  fer  qui  les  traversent,  dans  les  rochers  escarpés 
de  Bou-Zecza  et  de  tout  le  Djurdjura,  et  surtout  dans 
les  grandes  forêts  du  massif  des  Babors  qu'il  con- 
tribue à  animer.  Il  habite  surtout  les  lieux  inacces- 
sibles à  l'homme,  ou  ceux  qu'il  fréquente  rarement. 
Il  n'est  cependant  pas  trop  sauvage  et  nous  avons 
souvent  pu  l'observer  de  très  près.  Il  est  toujours  en 
troupes  nombreuses.  Cet  animal  paraît  vivre  et 
grandir  très  longtemps.  Nous  en  avons  vu,  dans  les 
gorges  de  la  Chiffa,  dont  le  corps  était  aussi  gros  que 
celui  d'un  enfant  de  treize  à  quatorze  ans.  Ordinai- 
rement sa  taille  varie  depuis  celle  d'un  gros  chat  à 
celle  d'un  chien  courant.  Comme  la  plupart  des 
singes,  le  magot  est  d'une  vigueur,  d'une  agilité  et 
d'une  adresse  remarquables.  Dans  les  forêts,  il  che- 


PANTHERE.  231 

mine  en  sautant  d'arbre  en  arbre.  Le  magot,  très 
sociable,  s'apprivoise  facilement.  Il  est  omnivore  ; 
fruits,  herbes,  racines,  crabes  d'eau  douce,  scorpions, 
larves,  œufs  d'oiseaux,  etc.,  tout  lui  est  bon. 

Lion.  —  La  famille  des  Félins  est  admirablement 
représentée  en  Algérie,  et  tout  d'abord  par  le  Lion. 
Le  lion  de  l'Atlas,  ce  roi  des  animaux,  qui  a  tenu 
tant  de  place  dans  nos  arts,  notre  littérature  et 
nos  légendes,  voit  aujourd'hui  sa  race  près  de 
s'éteindre.  On  en  tue  tous  les  ans  encore  quelques- 
uns  dans  la  province  de  Constantine  et  en  Tunisie. 
C'est  à  peine  s'il  en  existe  encore  dans  la  pro- 
vince d'Alg-er.  Celle  d'Oran  n'en  a  plus  depuis  long- 
temps. Les  marabouts  du  couvent  de  Sidi-Moham- 
med  ben  Aouda,  près  Zemmorah,  dans  la  région 
de  Relizane,  qui  promènent  dans  toute  l'Algérie  des 
lions  aveugles,  achètent  aujourd'hui  leurs  élèves 
soit  dans  les  ménageries,  soit  au  Jardin  zoologique 
d'Anvers.  Nous  sommes  bien  loin  du  temps  où  les 
Romains  tiraient  ces  animaux  d'Afrique  par  centaines 
pour  les  jeux  du  Cirque. 

Panthère.  —  Si  le  lion  a  presque  disparu,  il 
n'en  est  pas  de  même  du  Léopard  des  anciens, 
connu  aujourd'hui  sous  le  nom  de  Panthère,  et  qui 
paraît  d'ailleurs  différer  fort  peu  de  la  panthère 
d'.\sie.  La  panthère  d'Afrique  abonde  encore  dans  les 
trois  provinces,  en  Tunisie  et  ai]_Maroc.  Elle  abonde 
surtout  dans  les  forets  et  brotrssaillesd^s-^ïiontagnes. 
Nous  l'avons  plusieurs  fois  entendue  ru gir"èn^ plein 
jour  dans  les  forets  du  Djurdjura  et  des  Babors.  Ar^n 
juger  par  ses  déjections,  elle  se  nourrit  principalement 
de  sangber;  mais  le  chacal,  le  singe,  la  gazelle,  les 
chèvres,    les    moutons   et   les   chiens  lui    servent 


232  LA   FAUNE. 

de  nourriture,  ainsi  que  bien  d'autres  animaux.  Les 
gardes  forestiers  de  Yakouren  et  de  Guerrouch  ne 
peuvent  conserver  de  chiens.  La  panthère  s'approche 
souvent  des  maisons  écartées,  on  l'a  même  vue  entrer 
dans  les  villages.  Elle  est  extrêmement  vigoureuse. 
Il  est  presque  sans  exemple  qu'elle  se  soit  jetée 
sur  l'homme  sans  provocation.  Comme  le  Uon  et 
tous  les  carnassiers,  elle  s'apprivoise  facilement  et 
complètement  et,  comme  le  chat  domestique,  se 
montre  avide  de  caresses.  On  en  tue  tous  les  ans  de 
grandes  quantités  et  elle  diminue,  quoique  lentement. 
D'après  Lataste  (1),  en  1880  on  a  tué  16  lions  et 
112  panthères;  en  1881,  6  Uons  et  71  panthères;  en 
1882,  4  hons  et  48  panthères. 

Serval.  —  Le  Serval  est  encore  un  beau  féhn, 
de  taille  médiocre.  Il  ne  mesure  qu'un  mètre,  du 
bout  du  museau  à  l'extrémité  de  la  queue.  De  forme 
plus  élancée,  il  rappelle  la  panthère  par  ses  belles 
couleurs,  mais  les  taches  de  sa  robe  n'ont  pas  la 
forme  de  rosaces.  Cet  animal  existe  dans  les  trois 
départements,  mais  en  petit  nombre.  C'est  près  de 
Bône  qu'on  en  trouve  le  plus. 

Chat  sauvage.  —  Le  Chat  sauvage  paraît  rare.  Le 
chat  de  Libye  ou  chat  botté,  dont  on  doit  rapprocher 
le  Felis  MargarUa  de  Loche  (2),  se  retrouve  dans 
toute  l'Algérie.  C'est  une  espèce  un  peu  plus  grande 
et  d'une  teinte  plus  uniforme  et  plus  pâle  que  le  chat 
sauvage. 

Caracal.  —  Le  sous-genre  Lynx  est  représenté  par 
le  Caracal^  petite  espèce  d'une  couleur  grise  uni- 
forme, longue  de  l'^jlO,  dont  30  centimètres  pour 

(1)  Lataste,  Mamw.ifh'es  opélaf/ir/iœs  de  la  Tunisie. 

(2)  Loche,  Exploration  de  V Algérie. 


CHACALS.  233 

la  queue.  Le  caracal  est  assez  répandu  dans  tout 
le  pays.  Poiiet  cite  également  le  lynx,  mais 
probablement  par  confusion  avec  quelque  variété  de 
caracal. 

Guépard.  —  Le  Guépard  ou  Once  des  Algériens 
[Cynofelisgutlaia  Lesson  ;  Cynailurus  guttalus  Herm.  ; 
Felis  jubata  Erxleb.),  taille  du  serval  et  du  caracal. 
De  forme  très  élancée,  il  a  à  peu  près  la  robe 
de  la  panthère  avec  des  taches  pleines;  mais  ses 
ongles  non  rétractiles,  ses  habitudes  diurnes,  les 
poils  du  cou  un  peu  plus  longs  que  les  autres  for- 
mant une  sorte  de  crinière,  en  font  un  animal  un  peu 
intermédiaire  entre  les  Félins  et  les  Canidés.  Il 
habite  surtout  le  Sud,  où  on  le  dresse  pour  lâchasse. 

Chacals.  — Les  Canidés  sont  représentés  en  Algérie 
par  les  chacals,  les  renards  et  le  fennec.  On  peut 
aussi  en  rapprocher  les  Hyènes,  sans  parler  du  loup 
cité  probablement  à  tort  par  l'abbé  Poiret. 

Le  Chacal  [Canis  aureusL.)  est  extrêmement  abon- 
dant dans  toute  l'Algérie  et  dans  les  pays  voisins. 
Il  est  probable  que  les  renards  de  l'histoire  de  Sam- 
son  étaient  des  chacals.  Vers  le  Sahara,  on  trouve  une 
espèce  très  voisine,  le  chacal  du  Sénégal  {Canis  an- 
i/ius  Cuv.),  un  peu  plus  haut  sur  pattes  et  à  museau 
plus  effilé.  Le  chacal  est  un  peu  intermédiaire  entre 
le  chien  et  le  renard.  Il  a  la  grosse  queue  et  les 
mœurs  astucieuses  de  ce  dernier.  Comme  lui,  il  vit 
dans  des  terriers,  mais  sa  fourrure  est  plus  grossière 
et  si  abondante  qu'elle  est  à  vil  prix. 

Il  s'accommode  aussi  bien  de  fruits  de  toute  sorte 
que  de  proie  morte  ou  vivante.  Il  a  la  curieuse  habi- 
tude de  déposer  ses  déjections  sur  des  pierres  ou  de 
petits  tertres,  ou  tout  objet  un  peu  élevé  au-dessus 


234  L\  FAUNE. 

du  sol.  Il  s'accouple  avec  le  chien  et  il  paraît  être,  au 
moins  pour  une  bonne  part,  l'ancêtre  du  chien  de 
garde  kabyle,  qui,  couleur  à  part, lui  ressemble  énor- 
mément. 

Renard.  —  On  trouve  fréquemment  en  Algérie  le 
Renard  doré  (  Vulpes  niloticus  Lesson),  voisin  pour  la 
forme  du  Renard  d'Europe,  mais  plus  petit  et  surtout 
remarquable  par  la  beauté  de  sa  fourrure.  D'après 
Lataste,  le  Vulpes  algeriensis  de  Loche,  qui  habite  les 
forêts  du  Tell,  n'en  serait  qu'une  variété.  Dans  tous 
les  cas,  il  se  rapproche  beaucoup  plus  du  Renard 
d'Europe.  Dans  le  Sahara,  on  trouve  une  autre  espèce 
plus  petite,  le  Vulpes  famelkus^  à  teinte  assez  uni- 
forme, d'un  gris  ardoisé,  très  clair  et  très  doux  à  l'œil. 
Il  est  remarquable  par  les  longs  poils  qui  couvrent  la 
plante  de  ses  pieds. 

Fennec.  —  Le  Fennec  [Canis  Zerda  h.)  est  bien 
plus  petit  que  les  Renards,  qu'il  rappelle  beaucoup 
par  ses  formes  et  ses  mœurs.  Ce  joU  petit  animal  est 
remarquable  par  ses  grandes  et  larges  oreilles  garnies 
intérieurement  de  longs  poils  blancs,  par  sa  vivacité 
et  son  agihté  incroyables.  L'acuité  de  ses  sens  est 
très  grande.  C'est  à  tort  que  l'on  a  prétendu  qu'il 
grimpait  aux  arbres.  Il  joue  avec  sa  proie  comme  les 
chats,  et  comme  eux  recouvre  ses  excréments.  Il  fouit 
avec  une  rapidité  prodigieuse.  Il  s'apprivoise  bien. 
Ce  gracieux  animal  est  propre  à  la  région  saharienne; 
comme  tous  les  animaux  de  cette  région,  il  a  une 
teinte  fauve  pâle,  qui  s'harmonise  parfait ement  avec 
la  couleur  des  sables  désertiques.  11  est  assez  rare. 

Chien.  —  Les  Indigènes  n'ont  qu'un  petit  nombre 
de  races  de  cldens  domestiques. 

D'abord  le  chien  de  garde  kabyle,  chacal  à  peine 


MUSTÉLIDÉS.  235 

modifié.  Il  est  d'un  fauve  clair.  Il  est  le  commensal 
plutùl  que  Tami  ou  le  serviteur  de  soti  maître. 
Jamais  caressé  par  lui,  il  ne  le  caresse  jamais.  Objet 
de  mépris,  il  se  nourrit  comme  il  peut  et  les  excré- 
ments du  douar  sont  à  peu  près  tout  ce  qu'on  lui 
abandonne.  11  garde  bien  et  est  féroce  pour  l'étran- 
ger, mais  sa  couardise  le  rend  peu  dangereux  pour 
peu  que  l'on  soit  muni  d'un  bon  bâton, 

L'Arabe  du  Sud  nourrit  une  grande  race  de  lévriers 
à  formes  très  élancées,  le  Slougui,  dont  la  vitesse 
est  prodigieuse.  En  quelques  bonds,  il  s'empare  d'un 
lièvre,  et  lutte  de  vitesse  même  avec  les  gazelles. 
H  est  mieux  traité  que  le  chien  de  garde  par  son 
maître,  qu'il  aide  dans  la  chasse  aux  antilopes. 

Hyène.  —  La  Hyène  ordinaire  est  commune  dans 
toute  l'Algérie.  Il  n'est  point  rare  la  nuit  d'entendre 
ses  gémissements  mêlés  aux  glapissements  des  cha- 
cals, avec  lesquels  elle  paraît  bien  s'entendre.  Lâche 
et  vivant  surtout  de  proie  morte,  elle  n'attaque 
jamais  Thomme  et  lui  cause  peu  de  dommage.  Elle 
s'apprivoise  bien. 

Viverridés.  —  Dans  les  Viverridés,  nous  avons  la 
Mangouste  Iclineumon,  et  deux  Genettes  peu  distinctes 
l'ime  de  l'autre,  la  genette  de  Barbarie  et  la  genette 
Bonaparte.  La  mangouste  ichneumon,  désignée  à 
tort  par  les  Algériens  sous  le  nom  de  Raton,  est 
assez  répandue  dans  le  Tell^  môme  aux  environs 
d'Alger.  On  en  faisait  autrefois  une  espèce  à  part 
(Herpestes  numidicus). 

Mustélidés.  —  Les  Mustéhdés  comprennent  la 
Loutre,  le  Putois,  le  Putois  Boccamcle,  la  Belette  de 
Numidie  [Piitoyius  sub/:almatus)  et  le  Zorilla  llbyca. 
Bien  que  la  Barbarie  passe  pour  être  le  pays  du 


236  Lk  FAUNE. 

Furet,  il  ne  paraît  pas  qu'on  l'y   ait  jamais  ren- 
contré. 

Ours.  —  VOurs  parait  avoir  disparu  aujourd'hui 
de  l'Algérie  et  du  nord  de  l'Afrique,  si  ce  n'est  peut- 
être  de  l'Atlas  et  du  Maroc.  Il  ne  paraît  cependant 
pas  avoir  été  rare  du  temps  des  anciens. 

La  partie  de  la  Libye  orientale  qu'habitent  les  nomades, 
dit  Hérodote,  est  basse  et  sablonneuse  jusqu'au  fleuve  Tri- 
ton, mais  depuis  ce  fleuve,  en  allant  vers  le  couchant,  le  pays, 
occupé  par  des  laboureurs,  est  très  montagneux,  couvert  de 
bois  et  plein  de  bêtes  sauvages.  C'est  dans  celte  partie  occi- 
dentale de  la  Libye  que  se  trouveut  les  serpents  d'une  gran- 
deur prodigieuse,  les  lions  et  les  ours,  les  éléphants,  etc.  (1). 

Yirg-ile  dit  (2)  : 

....  Occurrit  Acestcs, 

Ilorridus,  in  jaculis  et  pelle  Libystidis  ursœ. 

De  môme  Juvénal  (3)  : 

....  Quod  comiuus  ursos 
Figebat  uumidos. 

Et  Martial  (4)  : 

Quod  frenis  Libyci  domantur  ursi. 

Au  siècle  dernier,  Shavv  cite  l'ours  dans  les  mon- 
tagnes de  l'Atlas,  et  Poiret  (5)  dit  : 

Cependant,  comme  le  mont  Atlas  s'élève  très  haut  dans  le 
royaume  d'Alger  vers  celui  du  Maroc  et  que  plusieurs  mou- 

(1)  Hérodote,  lib.  IV,  cap.  cxci.  Trad.  Larcher. 

(2)  Virgile,  Enéide,  liv.  V,  vers  30-37. 

(3)  Juvénal,  Sat.  V  : 

(4)  Martial,  lib.  I,  épigr.   ÏOô.  De  Speclacula. 

(5)  Poiret,  Voyage  en  Numidie,  t.  I,  p.  238, 


MAMMIFÈRES  PÉLAGIQUES.  237 

tagncs  sont  couvertes  d'une  neige  presque  continuelle,  les 
ours  bruns  y  habitent.  Ils  sont  très  carnassiers,  quelquefois 
ils  descendent  dans  les  plaines.  Pendant  mon  séjour  à  La 
Mazoule,  chez  Ali-bey,  un  Arabe  rapporta  la  peau  d'un  ours 
qu'il  avait  tué  à  la  chasse.  L'opinion  que  Tours  lance  des 
pierres  quand  il  est  poursuivi  est  admise  chez  les  Arabes 
comme  parmi  le  peuple  de  l'Europe.  Cet  Arabe  me  montra  une 
blessure  qu'il  avait  reçue  à  la  jambe,  étant  poursuivi,  disait-il, 
à  coups  de  pierres  par  l'ours  qu'il  avait  tué.  Ce  rapport  ne 
me  convainquit  point,  étant  très  possible  que  ce  chasseur, 
poursuivi  par  l'ours,  ait  frappé  le  pied  contre  quelque  pierre 
et  se  soit  blessé  en  fuyant  un  ennemi  trop  à  craindre  pour 
laisser  de  sang-froid  le  chasseur  qui  l'attaque. 

Loche  (1)  dit  que  Tempereur  du  Maroc  a  envoyé 
au  Jardin  zoologique  de  Marseille,  un  magnilique 
ours  vivant  provenant  de  ses  États. 

Il  est  certain  que  les  ours  abondaient  en  Algérie 
dans  la  période  quaternaire.  Bourguignat,  qui  en 
a  décrit  six  espèces  dans  les  grottes  du  Djebel  Thaya, 
affirme  que  certains  ossements  à  osséine  presque 
inaltérée  ne  remontaient  pas  à  plus  de  quinze  ans. 
Il  croit  être  certain  d'avoir  encore  vu  des  traces 
fraîches  de  ces  ours  sur  le  sol  de  la  caverne,  etc. 
Ces  allégations,  peu  vraisemblables,  ne  semblent 
pas  avoir  convaincu  les  naturalistes. 

Mammifères  pélagiques. —  Les  Mammifères  péla- 
giques de  l'Algérie  sont  naturellement  ceux  de  la 
Méditerrannée  :  le  Phoque  à  ventre  blanc,  plusieurs 
Dauphins',  de  temps  à  autre,  quelques  Baleines  qui 
viennent  s'échouer  sur  nos  plages.  11  y  a  quelques 
années,  une  paire  de  baleines  fut  signalée  dans  les 
eaux  de  Castiglionc.  Une  d'elles  fut  prise  par  des 
pécheurs  et  amenée  à  Alger,  où  elle  resta  plusieurs 

(1)  Loche,  Exploration  de  fAlqérie,  Mammifères,  18G7, 
p.  52. 


238  LA  FAUNE. 

jours,  exposée  sur  un  chaland.  Elle  mesurait  12  mètres 
de  long.  Ce  n'était  pas  un  Rorqual  comme  d'habitude, 
mais  une  baleine  du  groupe  des  baleines  franches. 
Les  os  de  la  tôte  ayant  été  envoyés  au  Muséum, 
MM.  Georges  Pouchet  et  Beauregard  y  reconnurent 
la  baleine  des  Basques. 

Éléphant.  —  Les  Éléphants  ont  été  jadis  abondants 
en  Algérie  (1).  Diverses  espèces  fossiles  se  rencon- 
trent dans  notre  sol:  Elcphas  meridionalis^  E.  aiian- 
tlcus^  E.  jolensis^  meUtensis,  etc.,  compagnons  de 
l'hippopotame,  du  Bubalus  antiquus  aux  cornes  gigan- 
tesques, de  la  girafe,  etc.  Mais  alors  les  conditions 
cUmatologiques  étaient  bien  différentes.  Les  dessins 
de  Tyout  nous  montrent  fréquemment  un  éléphant 
à  front  très  bombé.  Les  anciens  parlent  souvent 
de  l'éléphant  d'Afrique,  mais  sans  préciser  de  loca- 
Uté.  Pourtant  Plutarque  (2)  rapporte  que  Pompée 
(81  ans  avant  Jésus-Christ)  employa  quelques  jours  de 
son  séjour  en  Afrique  à  chasser  le  lion  et  les  élé- 
phants. Phne  le  mentionne  en  Tripohtaine  et  quelques 
passages  semblent  indiquer  que  les  anciens  chas- 
saient l'éléphant  dans  le  Deren  (Atlas  marocain). 
Nous  avons  déjà  vu  qu'Hérodote  le  signale  dans  les 
montagnes  de  la  Libye.  Il  est  certain  que  si  l'éléphant 
existait  encore  en  Algérie  à  l'état  sauvage  du  temps 
des  Romains,  le  cUmat  a  dû  changer  considérable- 
ment depuis. 

Sanglier.  —  Le  Sanglier  est  très  abondant  en 
Algérie  dans  toute  la  région  du  Tell.  Il  diffère  légère- 
ment de  celui  d'Europe. 

(1)  Voy.  Lataste,  Catalogue  critique  des  mammifères  apéla- 
ç/iques  de  la  Tunisie,  p.  20. 

(2)  Plutarque,  Vie  de  Pompée,  cap.  xx. 


CHKVAL.  239 

Aucune  différeucc  spécifique,  dit  Loche  (1),  ne  semble 
distinguer  le  sanglier  d'Europe  du  sanglier  d'Algérie.  Ce  der- 
nier seulement  est  un  peu  plus  petit  de  taille,  ses  défenses 
sont  plus  développées  et  son  naturel  semble  moins  méchant  ; 
sa  chair,  qui  est  très  délicate,  est  très  estimée. 

Dans  sa  jeunesse,  cet  animal  est  marqué  de  bandes 
longitudinales  alternativement  fauves  et  brunes,  et 
ne  manque  pas  de  gentillesse.  Il  s'apprivoise  admi- 
rablement, suivant  son  maître  sans  quitter  ses  talons 
d'une  ligne,  même  dans  les  foules  les  plus  compactes. 
Tout  petit,  il  tient  déjà  les  chiens  en  respect  en 
découvrant  ses  crocs  par  un  simple  rictus. 

Cheval.  —  Le  cheval  est  certainement  de  tous  les 
animaux  domestiques  celui  que  l'Arabe  aime  et 
soigne  le  mieux.  On  distingue  dans  les  chevaux  des 
Indigènes  la  race  arabe  et  la  race  barbe^  celle-ci  pré- 
dominante. Mais  cette  distinction  n'est  pas  toujours 
facile.  D'ailleurs,  barbe  ou  arabe,  le  cheval  indigène 
est  un  merveilleux  animal.  D'une  sobriété  à  toute 
épreuve,  il  sait  déployer,  suivant  l'occasion  et  malgré 
sa  petite  taille,  une  force  considérable  ou  une  grande 
vitesse.  En  montagne,  il  a  le  pied  aussi  sûr  que  le 
mulet.  Docile  et  doux  comme  un  agneau  en  temps 
ordinaire,  il  se  montre  plein  de  feu  à  la  guerre  et 
dans  les  fantasias.  Nous  avons  vu  souvent  des  Arabes, 
au  lieu  d'attacher  leur  cheval,  mettre  sa  longe  à 
terre  et  dessus  une  pierre  grosse  comme  un  œuf 
pour  indiquer  à  l'animal  qu'il  ne  doit  pas  bouger. 
Après  quoi,  l'Arabe  allait  vaquer  à  ses  occupations, 
certain  que  son  cheval  resterait  aussi  tranquille  que 
s'il  eût  été  solidement  attaché. 

(1)  Loche,  Exploration  de  l'/i/gérie. 


240  LA   FAUNE. 

Les  chevaux  indigènes,  dit  Bouvier  (1),  ont  une  hauteur 
qui  varie  de  1"»,58  à  1™,48;  ils  sont  sobres,  dociles,  patients, 
mais  pleins  de  courage  et  de  fond.  Ils  traversent  sans  hésita- 
tion et  d'un  pied  sûr  tous  les  accidents  de  terrain  qu'ils  gra- 
vissent, descendent  et  contournent  avec  une  adresse  et  une 
agilité  surprenantes,  à  moins  qu'il  ne  s'agisse  de  s'enlever  au- 
dessus  d'une  éminence  ou  de  sauter  dans  uue  excavation 
coupée  à  pic  ou  au  delà,  ce  qu'ils  exécutent  également  avec 
beaucoup  d'énergie  et  de  légèreté;  mais  ces  accidents  étant 
très  fréquents  en  Afrique,  les  chevaux  sont  habitués  à  passer 
entre  eux,  autour,  dessus  ou  dedans,  plutôt  que  de  les  fran- 
chir tous,  pour  ainsi  dire  sans  cesse,  ce  qui  causerait  la  ruine 
du  cheval  et  des  fatigues  extrêmes  au  cavalier. 

Ces  précieuses  qualités  ne  nuisent  ni  à  leur  force,  ni  à  leur 
élan,  ni  à  leur  vitesse,  ni  à  leur  discipline.  Nos  chasseurs 
d'Afrique  sont  armés  (à  l'époque  du  rapport)  d'un  fusil  de  dra- 
gon, d'un  sabre,  d'un  pistolet  et  d'une  hache;  ils  sont  ordinai- 
rement pourvus,  outre  leur  équipement,  de  trois  paquets  de 
cartouches,  de  vivres  et  de  fourrages  pour  cinq  à  six  jours, 
d'un  bottillon  de  bois  à  brûler,  etc.;  et  ces  chevaux,  sous  ces 
robustes  cavaliers,  si  lourdement  armés,  si  pesamment  pour- 
vus, foutpar  jour  huit  à  dix  lieues  et  souvent  plus,  à  toutes  les 
allures,  la  plupart  du  temps  à  travers  des  terrains  coupés  de 
ruisseaux,  de  ravins  ou  obstrués  par  des  fragments  de  rochers, 
des  palmiers  nains  et  des  broussailles,  sans  qu'aucun  d'eux 
reste  en  arrière  ! 

J'ai  assisté  à  une  course  de  plus  de  deux  lieues  fournie 
avec  entraînement,  à  la  suite  d'une  alerte,  par  le  4"  régiment 
de  chasseurs  formé  en  colonne  par  pelotons,  sous  toutes  les 
conditions  que  je  viens  d'indiquer,  et  pas  un  seul  cheval  ne 
resta  en  arrière,  tous  s'étaient  maintenus  dans  l'alignement, 
qu'ils  eussent  conservé  encore  s'il  avait  fallu  pousser  plus 
loin!  Sont-ce  là  des  chevaux  méprisables?  Les  meilleurs 
d'Europe,  s'ils  étaient  soumis  à  de  pareilles  épreuves,  ne  per- 
draient-ils pas  dans  la  lutte  un  peu  de  leur  haute  réputation? 
Et  cependant  il  est  à  remarquer  que,  par  un  concours  de 
circonstances  déplorables,  non -seulement  les  plus  estimés  des 
chevaux  africains  ne  sont  pas  à  notre  disposition,  mais  que 
nous  n'avons  pas  même  le  choix  parmi  ceux  dégénérés. 

Le  général  Daumas  n'est  pas  moins  affirniatir.  El 
aujourd'hui  que  nous  pourrions  avoir  à  notre  dispo- 

(1)  Bouvier,  Rapport  au  ministre  de  l'agriculture. 


CHEVAL.  241 

sition  les  plus  beaux  types  de  cette  précieuse  race 
qui  peut  rendre  partout  de  si  grands  services,  qu'au- 
cune ne  saurait  remplacer  en  Algérie,  l'État,  sous 
prétexte  de  l'améliorer,  la  fait  croiser  en  grand  par 
les  étalons  les  plus  variés,  et  est  en  train  de  la 
perdre  ! 

Le  cheval  barbe  a  généralement  la  tête  courte  et 
carrée,  les  plus  beaux  types  seuls  ont  le  museau 
efiilé  avec  les  naseaux  très  dilatables.  Le  chanfrein 
est  droit,  parfois  légèrement  busqué.  L'élégance  de 
l'attache  à  l'encolure  laisse  peut-être  un  peu  à  dési- 
rer, les  oreilles  sont  longues,  minces  et  déliées,  les 
yeux  à  fleur  de  tête,  grands,  bien  ouverts,  plutôt 
doux  que  vifs.  L'encolure  droite  et  élégante  est  sou- 
vent chargée  d'une  belle  crinière  soyeuse  et  vient 
se  fondre  agréablement  par  la  dépression  tranchée 
du  coup  de  hache  avec  le  garrot  bas  et  musculeux. 
Le  dos  large  et  concave  se  termine  par  des  reins 
courts  et  bien  nourris;  la  croupe  est  oblique  et  courte 
et  la  queue  attachée  bas.  Le  poitrail  est  large,  les 
côtes  arrondies  limitent  une  cage  thoracique  bien 
développée  ;  le  ventre  est  parfois  un  peu  gros  à  cause 
du  régime  en  vert,  les  Arabes  ne  ramassant  pas  de 
fourrages.  Les  épaules  sont  charnues  etmusculeuses, 
longues,  mais  manquant  d'obliquité;  l'avant-bras  est 
un  peu  mince,  le  genou  large,  le  canon  grêle  et 
les  tendons  bien  dessinés,  le  boulet  grêle,  le  paturon 
obUque,  le  sabot  bien  fait  à  corne  dure  et  résis- 
tante. La  hanche  est  légèrement  saillante  et  incli- 
née, donnant  la  conformation  générale  courte  en 
dessus,  longue  en  dessous;  la  cuisse  est  plate, 
le  jarret  souvent  courbé,  mais  large,  solide  et  bien 
évidé. 

BATTANDipiu  et  Trabut,  —  /ilgéne,  16 


242  LA  FAUNE. 


i 


D'après  Témir  Abd-el-Kader  (1),  les  chevaux  de 
race  se  distinguent  par  la  finesse  des  lèvres  et  du 
cartilage  inférieur  du  nez,  par  la  dilatation  des 
narines,  parla  maigreur  des  chairs  qui  entourent  les 
veines  de  la  tête,  par  l'attache  élégante  de  l'encolure, 
par  la  douceur  des  crins,  du  poil  et  de  la  peau, 
par  l'ampleur  de  la  poitrine,  la  grosseur  des  articula- 
tions  et  la  sécheresse  des  extrémités.  Enfin  Abd-el- 
Kader  insiste  beaucoup  sur  la  fierté  et  les  qualités 
morales. 

Un  des  chevaux  qui  ont  le  plus  contribué  à  former 
la  race  des  chevaux  de  courses  anglais  fut  un  cheval 
barbe,  nommé  Godolphin.  11  fut  acheté  à  Paris,  où  il 
traînait  la  charrette  d'un  porteur  d'eau.  C'est  ensuite 
par  de  fréquents  croisements  de  leurs  meilleurs 
chevaux  avec  des  chevaux  barbes  que  les  Anglais 
sont  arrivés  à  perfectionner  leurs  coureurs  au  point 
que  l'on  sait.  Ils  sont  d'ailleurs  sous  bien  des  rapports 
inférieurs  aux  chevaux  barbes. 

Le  cheval  arabe,  relativement  rare  en  Algérie,  est 
plus  grand  et  plus  fort  que  le  barbe.  On  l'y  trouve 
rarement  pur, pour  ne  pas  direjamais.il  est  presque 
impossible  de  se  procurer  des  étalons  arabes  pur 
sang  des  races  Nedj  et  Koheil,  si  estimées  en  Arabie. 

Les  chevaux  algériens  sont  assez  variables  suivant 
les  régions.  Les  plus  beaux  se  trouvent  dans  les 
Hauts-Plateaux  à  Tiaret,  et  Frendah,  dans  la  province 
d'Oran,  chez  les  Nenienchas  et  les  Haractas  dans  celle 
de  Constantine.  Avec  les  tendances  actuelles  de  la 
remonte,  il  sera  bientôt  difficile  de  trouver  en  Algérie 
des  barbes  purs  et  peut-êlre  est-ce  un  bien  à  ce  point 

(1)  Abd-el-Kader,  Lettre  au  général  Daumas. 


CHEVAL.  243 

de  viio  que  le  Maroc  soit  resté  Jusqu'à  ce  jour 
en  dehors  de  notre  civilisation,  pour  conserver 
pures  nos  races  africaines  d'animaux  domes- 
tiques (1). 

Le  cheval  barhe  aurait,  d'après  les  auteurs,  une 
vertèbre  lombaire  de  moins  que  les  chevaux  d'Europe 
et  constituerait  un  type  nettement  à  part  dont  il  serait 
curieux  de  limiter  Taire.  On  a  contesté  l'importance 
de  ce  caractère  spécilique. 

Les  chevaux  barbes  et  arabes  ont  probablement 
une  même  origine.  L'un  et  l'autre  doivent  descendre 
des  chevaux  des  Scythes,  qui  stupéfièrent  les  anciens 
par  leur  cavalerie.  Nul  doute  que  de  cette  même 
souche  descendent  aussi  beaucoup  de  chevaux  euro- 
péens; mais  la  supériorité  des  chevaux  barbes  et 
arabes  s'explique  par  les  grands  soins  apportés 
depuis  de  longs  siècles  par  les  Arabes  au  choix  des 
reproducteurs. 

D'après  Bouvier,  les  diverses  conquêtes  du  sol  de 
rAlïique  auraient  beaucoup  nui  au  perfectionnement 
de  la  race  chevaUne,  et  ce  serait  la  cause  que  les  plus 
beaux  types  se  trouvent  dans  le  Sud,  où  les  tribus 
primitives  ont  pu  échapper  au  joug  des  conquérants. 
H  attribue  l'abus  que  font  les  Arabes  des  marques  de 
feu  sur  les  pieds  de  leurs  chevaux  à  une  simple  ruse 
pour  éviter  que  les  animaux  portant  ces  marques 


(1)  D'après  le  Hvre  récemment  publié  sur  les  Chevaux  du 
nord  <ie  iAfrique  par  le  gouvernement  général  de  l'Algérie, 
ou  ne  trouve  plus  de  barbes  purs  que  dans  le  Sud.  Ceux  du 
littoral  sont  tous  abâtardis.  Les  auteurs  de  ce  remarquable 
travail  sont  d'accord  pour  proscrire  tout  croisement  autre 
que  ceux  entre  barbes  et  arabes.  D'après  des  personnes  com- 
pétentes, on  pourrait  peut-être  admettre  l'étalon  andalou,  qui 
serait  un  barbe  bien  conservé. 


244  LÀ  FAUNE. 

déshonorantes  ne  soient  réquisitionnés  et  enlevés 
par  les  Turcs. 

Les  Arabes  du  Sud  ne  conservent  comme  mâles 
que  les  animaux  d'élite  nécessaires  à  la  reproduction, 
les  autres  sont  exportés  au  loin. 

Les  chevaux  de  la  province  d'Oran  sont  en  général 
de  plus  grande  taille  que  ceux  de  la  province  de 
Constantine.  Ils  y  sont  plus  beaux  et  mieux  soignés. 

Les  Arabes  ne  récoltent  pas  de  fourrage,  leurs 
chevaux  se  nourrissent  comme  ils  peuvent  de  l'herbe 
des  champs,  et  Dieu  sait  si  dans  la  saison  sèche  les 
pâturages  sont  maigres!  Les  Arabes  plus  aisés, leur 
donnent  un  peu  de  paille  et  d'orge. 

Mulet.  —  Dans  les  pays  montagneux  tels  que  le 
Djurdjura,  le  cheval  est  remplacé  par  le  Mulet. 

Le  mulet  kabyle  est  plus  petit  que  le  mulet 
d'Europe,  il  est  comme  le  cheval  d'Afrique,  sobre  et 
patient,  quoique  plus  capricieux  et  plus  têtu.  Il  a  le 
pied  d'une  sûreté  remarquable  et  met  une  véritable 
coquetterie  à  marcher  sur  l'extrême  bord  des  abîmes. 

Anes.  —  Les  Anes  sont  très  nombreux  en  Algérie. 
La  race  généralement  employée  est  très  petite  et 
très  douce.  L'âne  d'Algérie,  vulgairement  appelé 
bourriquot^  est  surtout  utilisé  comme  bête  de  somme 
dans  les  villes  partout  où  les  chariots  n'arrivent  pas 
ou  difficilement.  Chez  les  Arabes  peu  aisés,  il  rem- 
place le  cheval  comme  monture.  On  ne  saurait  se 
faire  une  idée  du  travail  que  les  Indigènes  tirent  de 
cette  pauvre  bête,  qu'ils  nourrissent  mal  ou  pas  du 
tout,  lui  laissant  le  soin  de  chercher  sa  vie  à  la  ville 
dans  les  caisses  d'ordures  ménagères;  à  la  campagne, 
c'est  à  lui  de  se  tirer  d'affaire  comme  il  peut.  Comme 
compensatioïi,  ils  l'accablent  de  mauvais  traitements, 


CERFS,   DAIMS.  245 

le  piquant  avec  un  aiguillon  dans  des  plaies  sans 
cesse  avivées.  Bien  soigné,  le  bourriquot  est  une 
charmante  bête,  pleine  d'élégance  et  de  gentillesse. 
II  a  les  jambes  fines,  les  oreilles  courtes;  ses  yeux 
grands  et  doux  reflètent  son  excellent  caractère,  qui 
n'a  rien  de  commun  avec  celui  de  l'àne  d'Europe. 
Certains  à  robe  gris-perle  avec  une  belle  croix  noire 
sont  particulièrement  jolis. 

C'est  de  Tunis  ou  d'Egypte  que  venaient  autrefois 
les  ânes  de  plus  grande  taille,  destinés  à  la  production 
des  mulets.  Maintenant  les  Espagnols  en  ont  amené 
un  certain  nombre  de  leur  pays. 

Dromadaire.  —  Les  dromadaires,  introduits  au 
y"  siècle,  présentent  deux  races. 

Le  dromadaire  de  somme  est  un  animal  de  grande 
laille  à  robe  d'un  fauve  foncé  (fig.  22  et  23),  et  le 
dromadaire  coureur  ou  Méhari. 

Le  Méhari  est  plus  petit  et  plus  svelte  que  le 
dromadaire  ordinaire.  11  en  est  d'entièrement  blancs. 
Cet  animal  peut  fournir  de  très  longs  trajets  avec  une 
grande  vitesse.  Lors  de  sa  naissance,  les  Arabes  lui 
compriment  le  ventre  avec  des  bandes  pour  en  dimi- 
nuer la  capacité  au  profit  de  la  cage  thoracique. 

Cerfs.  Daims.  —  Les  Cervidés  sont  représentés  en 
Algérie  par  le  Cerf  et  le  Daim  réfugiés  tous  les  deux 
dans  les  forêts  de  l'Iist  de  la  province  de  Constantine 
et  dans  la  Kroumirie.  C'est  là  le  point  de  notre  pays 
le  plus  voisin  de  l'Europe  par  sa  situation  et  par  son 
climat.  Le  cerf  d'Algérie  est  très  voisin  de  celui 
d'Europe,  sans  lui  être  identique.  D'après  Lataste,  sa 
robe  serait  plus  mouchetée.  D'après  Loche,  il  serait 
un  peu  plus  petit.  Au  surplus,  cet  animal  parait  être 
assez  mal  connu,  bien  qu'il  ne  soit  pas  rare.  Dans  un 


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248  LA  FAUNE. 

incendie  de  la  forêt  des  Béni  Sahla  de  Bône,  on  en 
trouva  un  groupe  de  sept  individus  carbonisés.  Nous 
en  avons  vu  une  tête  empaillée,  remarquable  par  ses 
formes  trapues.  Au  dire  de  M.  Letourneux,  on  trou- 
verait souvent  ses  bois  dans  l'humus  des  forêts  de 
l'Edough,  où  Tonne  trouve  plus  l'animal  lui-même. 

Le  daim  habite  la  même  région,  mais  paraît  rare. 

Antilope.  —  Les  Antilopes  sontbien  représentées. 
Les  plus  répandues  sont  les  gracieuses  Gazelles,  for- 
mant deux  espèces  très  voisines  : 

l°La  Gazelle  ordinaire  [Gazella  dorcas  Pallas),  très 
répandue  dans  toute  la  région  des  steppes  et  le 
Sahara. 

2°  La  Corinne  {Gazella  Kevella  Pallas),  un  peu  plus 
grosse  et  à  cornes  recourbées  en  arrière,  à  pelage 
plus  foncé.  Elle  se  trouve  surtout  dans  le  massif  du 
Djebel  Amour.  Ces  jolis  animaux  sont  parfois  l'objet 
de  chasses  désastreuses,  les  commandants  militaires^ 
les  faisant  rabattre  de  loin  par  des  tribus  entières 
dans  la  boue  des  Chotts,  oii  leurs  fines  pattes  s'empê- 
trent et  où  on  les  massacre  par  centaines. 

Bubale. —  Le  Bubale  ou  Yache  de  Barbarie,  Beur- 
el-Ouach  des  Arabes,  assez  fréquent  dans  les  mon- 
tagnes et  les  plaines  du  Sud  oranais,  a  la  taille 
d'un  petit  bœuf,  le  pelage  roux,  la  tête  étroite  et 
allongée,  les  cornes  contournées  en  spirale,  mais 
dressées  et  peu  écartées  au  sommet.  Schaw  et  divers 
auteurs  ont  affirmé  que  les  jeunes  bubales  se 
mêlaient  souvent  aux  troupeaux  de  bœufs  et  ne  vou- 
laient plus  les  quitter;  ils  en  concluent  que  cet  ani- 
mal serait  facile  à  domestiquer.  M.  le  capitaine  de 
Saint- Julien,  qui  nourrissait  à  Méchéria  plusieurs 
bubales  et  plusieurs  addax,  nous  a  affirmé  au  con- 


MOUTON.  249 

traire  que  le  bubale  était  très  sauA^age  et  que  l'addax 
s'apprivoisait  facilement. 

Addax.  —  L'Addax  ou  Meha  des  Arabes  a  à  peu 
près  la  taille  du  bubale  ;  la  teinte  de  son  pelage  est 
plus  claire,  sa  tête  plus  courte,  ses  cornes  en  lyre 
plus  écartées  se  renversent  en  arrière.  Comme  le 
bubale,  il  habite  le  Sahara  et  la  lisière  des  Hauts- 
Plateaux.  On  a  encore  signalé,  dans  l'intérieur  du 
Sahara,  d'autres  grandes  antilopes,  l'Oryx  et  le  Nan- 
guer,  mais  leur  existence  sur  le  territoire  algérien 
paraît  exceptionnelle. 

Mouflon.  —  Les  Ovidés  sont  représentés  à  Tétat 
sauvage  par  le  Mouflon  à  manchettes,  l'Arroui  des 
Arabes.  C'est  une  très  grande  espèce  (2™, 10  y  com- 
pris la  queue  sur  0™,67  à  1  mètre  de  hauteur),  très 
répandue  dans  tout  le  Sud,  de  la  Tunisie  jusqu'au 
Maroc. 

Mouton.  —  Les  Moutons  constituent  une  des  prin- 
cipales ressources  du  pays.  Eux  seuls  peuvent  utiliser 
les  maigres  pâturages  de  la  région  des  steppes.  Leur 
nombre  sur  plusieurs  points  est  limité  parle  manque 
d'eau,  bien  qu'ils  puissent  rester  quatre  jours  sans 
boire,  ce  qui  leur  permet  de  s'éloigner  à  deux  jours 
de  marche  des  points  d'eau.  En  outre,  ces  pauvres 
bêtes  sont  souvent  décimées  par  la  bronchite  vermi- 
neuse,  produite  par  un  strongle  dont  le  mode  de  pro- 
pagation n'est  pas  bien  connu,  mais  qui  doit  être  en 
rapport  avec  la  malpropreté  de  l'eau  des  Redirs  où  les 
moutons  s'abreuvent.  Beaucoup  meurent  de  froid  et 
de  misère  pendant  l'hiver,  quand  la  terre  est  couverte 
de  neige,  aucune  installation  n'existant  pour  les 
mettre  à  l'abri  et  l'Arabe  étant  trop  indolent  pour 
récolter  des  provisions  pour  les  mauvais  jours. 


250  LA  FAUNE. 

Le  nombre  actuel  des  moutons  indigènes  est  éva- 
lué à  7  ou  8000000. 

On  distingue  parmi  nos  moutons  deux  races  : 

L'une  est  cantonnée  à  l'est  sur  la  frontière  tuni- 
sienne, c'est  la  race  à  grosse  queve]  cet  appendice 
peut  en  effet  dépasser  le  poids  de  5  kilos  chez 
certains  sujets.  Cette  grosse  queue  est  recherchée 
par  les  Indigènes  qui  y  trouvent  une  provision 
de  graisse.  Pour  l'exportation,  ce  mouton  est  peu 
recherché. 

Aussi  l'autre  race,  dite  à  queue  fne  (fig.  24),  tend  à 
se  substituer  h  la  race  à  grosse  queue  ;  elle  présente  de 
grands  mérites.  Ce  mouton  est  très  robuste,  très  vif, 
a  les  yeux  grands,  vifs,  la  tête  souvent  jaunâtre,  le 
front  busqué,  les  oreilles  horizontales, les  cornes  man- 
quent rarement,  parfois  deux  paires  se  développent, 
le  poitrail  est  large,  la  poitrine  spacieuse,  la  croupe 
large,  les  membres  soHdes  et  nerveux,  souvent  jau- 
nâtres, bruns  ou  noirs;  le  poids  moyen  brut  est 
d'environ  48  kilos,  d'après  Bernis.  La  qualité  de  la 
viande  varie  suivant  les  localités;  elle  est  excellente 
et  parfumée  dans  les  stations  élevées  des  steppes. 

La  laine  est  souvent  droite  et  rigide,  grossière, 
mais  il  existe  aussi  des  laines  courtes  et  frisées  ou 
vrillées  et  des  laines  ondulées.  On  en  remarque  qui 
sont  presque  aussi  fines  que  celle  des  mérinos,  et 
d'autres  qui  ressemblent  à  du  poil  ou  à  du  crin. 

Ce  mouton,  adapté  h  des  conditions  d'existence 
difficiles,  présente  non  seulement  une  endurance, 
une  sobriété  extraordinaires,  mais  aussi  une  immu- 
nité remarquable  vis-à-vis  des  principales  maladies 
infectieuses;  il  est  réfractaire  au  charbon,  et  la 
clavelée  n'est  mortelle  que  pour  les  jeunes  agneaux. 


MOUTON.  251 

En  présence  d'une  race  présentant  des  variations 
importantes  et  par  consé  quent  des  facilités  pour 
une  amélioration   par  sélection,  les  zootechniciens 


remarquables^  comme  Bernis,  avaient  tracé  la  A^oie 
qui  devait  être  suivie  pour  augmenter  la  valeur  de 
ce  troupeau. 


252  LA  FAUNE. 

L'administration  commença  l'œuvre  de  régénéra- 
tion par  l'élimination  des  mâles  impropres;  mais,  à 
peine  cette  sélection  était-elle  commencée,  qu'un  revi- 
rement malheureux  se  produisit.  Sous  prétexte  de 
produire  une  meilleure  laine,  on  chercha  à  modifier  le 
mouton  algérien  en  le  croisant  avec  divers  mérinos.  La 
Bergerie  nationale  de  Moudjebeur  fut  créée  et  pendant 
vingt  ans  tous  les  ans  100  000  francs  s'engloutirent 
sans  qu'il  fût  possible  de  constater  le  moindre  résul- 
tat. La  race  soi-disant  améliorante  manquait  de 
résistance,  elle  ne  put  en  rien  modifier  le  type  locaL 

La  question  de  l'utilisation  des  steppes  algérien- 
nes par  le  mouton  est  des  plus  importantes  pour 
l'Algérie.  Elle  est  assez  complexe  et  a  fait  peu  de 
progrès  jusqu'à  présent.  Ce  qui  manque  dans  les 
steppes,  c'est  l'eau.  Partout  où  l'on  pourra  trouver 
de  l'eau,  rien  ne  sera  plus  facile  que  de  créer  d'ex- 
cellents pâturages,  mais  même  là  où  l'eau  fait  dé- 
faut, c'est-à-dire  à  peu  près  partout,  il  est  probable 
que  des  labours  légers  faits  en  temps  opportun,  avec 
ou  sans  ensemencement  d'espèces  convenablement 
choisies,  pourraient  donner  d'excellents  résultats.  La 
première  chose  à  faire  serait  d'essayer  de  tirer 
parti  des  meilleures  espèces  indigènes,  en  les  favori- 
sant par  un  commencement  de  culture.  Un  sainfoin 
très  répandu  dans  ces  végions^V On ob7'ychis  argentea 
et  une  Salsolacée,  YHalogelon  sativus^  mériteraient, 
ainsi  que  bien  d'autres,  d'être  essayées  dans  ce 
sens.  Si  l'on  se  borne  à  l'amélioration  des  races 
ovines,  leur  extension  sera  toujours  hmitée,  carie 
pâturage  de  la  steppe  est  bien  pauvre  et  ne  peut 
fournir  que  des  ressources  limitées,  même  si  l'on 
multiplie  les  points  d'eau  destinés  à  l'abreuvage. 


BŒUF.  253 

Chèvre.  —  Les  Chèvres  sont  de  petite  taille,  mais 
appartiennent  à  des  races  assez  variées.  Les  Arabes 
élèvent  souvent  une  petite  chèvre  noire  à  longs  poils 
dont  ils  utilisent  la  toison  pour  faire  de  la  toile  à 
tentes  et  diverses  étoffes,  la  peau  pour  faire  du  ma- 
roquin et  la  viande  en  guiso  de  mouton.  Près  des 
villes,  les  laitiers  maltais  élèvent  la  chèvre  maltaise 
ordinairement  blanche,  également  à  longs  poils  et 
bonne  laitière;  à  Oran,  les  Espagnols  ont  amené  la 
chèvre  de  Grenade  à  poils  ras,  un  peu  plus  grande  que 
les  races  arabes.  Ceux-ci  ont  également  sur  certains 
points  une  race  à  poils  ras.  Les  chèvres  causent  de 
grands  dégâts,  tant  dans  la  région  forestière  que  dans 
la  région  des  Hauts-Plateaux.  Dans  la  région  fores- 
tière, elles  empêchent  la  repousse  des  forêts  abattues 
ou  brûlées  où  on  les  laisse  pénétrer.  Dans  les  Hauts- 
Plateaux,  elles  rendent  quelques  services  en  diri- 
geant les  troupeaux  de  moutons,  mais  sur  bien  des 
points  leur  rôle  est  néfaste.  Tandis  que  les  moutons 
se  contentent  des  plantes  herbacées,  les  chèvres 
broutent  à  outrance  les  plantes  ligneuses  ou  vivaces 
qui  seules  retiennent  les  terres.  Ces  plantes  dispa- 
rues, le  ravinement  change  peu  à  peu  en  désert  des 
contrées  antérieurement  très  propres  à  l'élève  des 
troupeaux. 

Bœuf.  —  Les  Bœufs  arabes  sont  petits.  La  race  la 
mieux  caractérisée,  la  plus  typique,  porte  le  nom  de 
race  de  Guelma  (fig.  25).  Ces  animaux  sont  vifs  et 
alertes,  mais  bien  plus  doux  que  les  bœufs  d'Europe. 
Bien  que  varié,  leur  pelage  est  le  plus  souvent  d'un 
gris  fauve,  avec  la  tête  brune,  le  tour  des  yeux  et  le 
bout  du  mufle  plus  clairs;  les  yeux  sont  vifs,  les 
oreilles  et  les  cornes  petites,  les  fanons  peu  déve- 


254 


LA   FAUNE. 


loppés.  Ils  posent  de  150  à  250  kilos.  Leur  chair  est 
variable  suivant  les  pâturages.  Ces  animaux  pâturent 


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toute  l'année,  même  l'été,  où  ils  ne  trouvent  que 
quelques  rares  brins  d'herbo  desséchés.  Les  vaches 
soumises  à  un  pareil  régime  ont  peu  de  lait.  Trans- 


DIPODINÉS.  255 

portés  dans  les  pâturages  de  France,  ces  animaux 
s'engraissent  rapidement. 

Chéiroptères. — Les  Chéiroptères,  assez  nombreux 
en  espèces,  sont  peu  diflerents  de  ceux  des  autres 
pays  méditerranéens. 

Insectivores.  —  Dans  le  groupe  des  insectivores, 
il  y  a  à  signaler  l'absence  de  la  Taupe  et  la  présence 
d'un  Macroscélide,  le  M.  Ilozeti  ou  rat  à  trompe. 

Les  Musaraignes  comptent  quelques  espèces  spé- 
ciales, mêlées  à  des  espèces  d'Europe. 

Deux  Hérissons  complètent  ce  groupe.  Vmx.Erina- 
ceus  algirus  Duvernoy,  voisin  de  l'espèce  d'Europe, 
est  répandu  dans  le  Tell  et  les  Hauts-Plateaux; 
l'autre,  Erinaceus  deserti^esi  spécial  au  Sahara;  il 
est  plus  petit  et  a  la  teinte  sableuse  propre  à  tous 
les  animaux  sahariens. 

11  existe  peut-être  dans  l'extrême  Sud  une  espèce 
de  Daman,  l'Akakao  des  Touaregs. 

Rongeurs.  —  Les  Rongeurs  sont  bien  représentés, 
malgré  l'absence  de  Campagnols.  Le  Rat  d'Egypte,  le 
Surmulot  et  la  Souris  nous  sont  communs  avec  l'Eu- 
rope et  nous  avons  en  propre  diverses  espèces  parmi 
lesquelles  le  beau  Rat  rayé  de  Barbarie,  J/ws  barbarus 
de  Linné,  agréablement  marqué  de  bandes  longitudi- 
nales, alternativement  jaunes  et  brun  fauve.  Cette 
espèce,  répandue  dans  tout  le  pays,  est  commune  près 
d'Alger.  Les  Loirs  sont  représentés  par  le  Myoxus 
Munbijanus  Pomel,  que  Lataste  assimile  au  Lérot. 
Dipodinés.  —  Puis  vient  le  groupe  des  Dipodinés 
avec  trois  ou  quatre  espèces  de  Gerboises,  y  compris 
l'A /ac/a</a  des  roseaux  ;  de  nombreuses  espèces  de  ^e?*- 
billes^  Meriones,  Psainmomys  ;  deux  Cténodactyles  ; 
le  Goundi  et  le  Massoidieray  décrit  dans  le  Mzab  par 


256  LA  FAUNE. 

Lataste.  Ces  divers  animaux  forment,  avec  le  Fennec 
et  la  gazelle,  la  vie  et  l'ornement  du  désert.  Rien 
n'égale  la  gentillesse  et  la  légèreté  des  Gerboises,  si 
communes  dans  tout  le  Sahara  et  en  particulier  près 
de  Biskra.  Le  Goundi,  Cienodactylus  Massonii,  moins 
élégant  assurément  avec  son  port  de  marmotte, 
n'en  plaît  pas  moins  par  son  air  doux  et  familier. 

Le  Porc-épic,  Flystrix  cruiata  L.,  est  répandu  par- 
tout où  il  reste  de  la  broussaille.  Il  était  commun 
près  d'Alger,  il  y  a  quelques  années.  On  le  rencontre 
rarement  néanmoins,  à  cause  de  ses  habitudes 
nocturnes. 

Léporinés.  —  Les  Léporinés  comptent  deux 
espèces  :  le  Lièvre  d'Egypte  et  le  Lapin. 

Le  Uèvre  d'Egypte  [Lepus  legypliacus  Desmarets, 
Lepus  uabellinus  Rupp,  Lepus  médit erranneus  Loche 
non  Wagner)  est  plus  petit  que  le  lièvre  d'Europe  et 
ne  le  vaut  pas  comme  gibier.  11  pullulait  avant  la 
conquête  et  est  fréquent  loin  des  centres.  Il  dimi- 
nue encore  de  taille  dans  le  Sahara  en  prenant 
une  robe  plus  claire.  On  fait  parfois  du  lièvre  du 
Sahara  une  espèce  à  part,  sous  le  nom  de  Lepus 
isabellinus  Rupp. 

Le  lapin  d'Algérie,  Cuniculus  alghnis  LerebouUet, 
diffère  du  lapin  d'Europe  par  son  pelage  plus  brun 
avec  les  parties  inférieures  d'un  blanc  plus  pur.  Sa 
taille  est  peul-ôtre  un  peu  plus  considérable  et  ses 
oreilles  courtes.  Il  est  commun  dans  tout  le  Tell. 

En  résumé,  la  faune  mammalogique  du  Tell  a  de 
grands  rapports  avec  celle  d'Europe  et  de  moindres 
avec  l'Orient,  tout  en  conservant  beaucoup  d'espèces 
propres.  La  faune  du  Sahara  est  très  spéciale. 


RAPACES.  257 


II.  —  Oiseaux. 


La  faune  oriiithûlngiqLiii.  du  Tell  est  iino  faii^^g  au  piiji4 
de  l'Europe  (l),  légèrement  modifiée  par  une  vingtaine  d'es- 
pèces égypliennes  et  orientales  et  autant  d'espèces  spéciales, 
dont  deux  ou  trois  passent  dans  la  péninsule  ibérique.  Le 
SahaiiujLpart  les .ûiseaux  migrateurs,  qui  ne  font  que  le  tra- 
verser, nîLÇompte  ^qu'une  quinzaine  d'espèces  à  large  disper- 
sion et  une  quarantaine  d'espèces  spéciales  à  la  région  déser- 
tique. 

Rapaces.  —  Les  Rapaces  sont  nombreux  et 
comme  espèces  et  comme  individus;  d'ailleurs  tous 
les  oiseaux,  moins  chassés  que  dans  le  midi  de 
l'Europe,  sont  encore  très  abondants.  Cette  remarque 
peut  aussi  s'appliquer  aux  Mammifères.  L'Arabe,  es- 
sentiellement conservateur,  faisait  bon  ménage 
avec  toutes  les  espèces  végétales  ou  animales. 
L'Européen,  avec  ses  grands  besoins  et  sa  rage  de 
destruction,  y  aura  bien  vite  mis  ordre.  Le  gibier 
diminue  rapidement,  drainé  par  les  voies  ferrées  et 
les  voitures. 

Parmi  les  vautours,  le  Gyps  fauve  et  le  Néophron 
sont  assez  communs.  VOtogyps  et  le  Vautour  arrian 
sont  plus  rares.  Le  Néophron  Percnoptère  ou  Poule 
de  Pharaon,  vulgairement  appelé  Charognard  par  les 
colons,  suit  les  marchés  indigènes  dont  il  connaît 
le  lieu  et  la  date  et  se  charge  d'y  faire  disparaître  les 
débris  des  animaux  al)attus.La  voirie  de  ces  marchés 
lui  incombe  ;  aussi  est-il  respecté  des  Indigènes  et  peu 
sauvage. 

Au  Mansourah  de  Gonstantine,  les  nègres  font 
tous  les  ans  à  la  même  date  de  grandes  fêtes  pour 

(1)  Pomel,  Notices  sur  V Algérie. 

Batïandier  et  Trabut.  —  Algérie.  17 


2S8  LA   FAUNE. 

célébrer  rabolition  de  l'esclavage.  Les  vautours,  que 
Ton  ne  voit  pas  d'habitude  dans  ces  parages,  arri- 
vent à  ce  moment  pour  prendre  leur  part  du  festin 
en  faisant  disparaître  les  débris  des  nombreux  mou- 
tons immolés.  Il  est  probable  qu'ils  voient  ou  enten- 
dent de  loin  le  remue-ménage  qui  se  fait  alors. 

Le  Gypaète  et  l'Aigle  impérial  sont  rares.  L'Aigle 
fauve  ou  royal  est  assez  répandu  dans  les  montagnes. 
Une  espèce  plus  petite,  l'Aigle  ravisseur,  Aquila 
nxvioides  Ch.  Bonaparte,  est  fort  répandu  en  Algé- 
rie, d'où  il  s'étend  jusqu'au  cap  de  Bonne-Espérance 
et  jusqu'au  Sénégal.  Cet  animal,  représenté  sous  le 
nom.  de  Falco  Belisarius  {!),  est  voisin  de  l'Aigle  criard 
et  de  l'Aigle  Bonelli  d'Europe,  espèces  qui  se  retrou- 
vent aussi  en  Algérie,  ainsi  que  l'Aigle  botté,  Aquila 
pennata  Vieillot.  A  citer  encore  le  Pyrargue,  le  Bal- 
buzard et  le  Jean-le-Blanc. 

Les  Buses  comptent  la  Buse  ordinaire  et  une 
espèce  spéciale, le  Buteo  cirtensis  Gh.  Bonap.,  ainsi 
que  la  Bondrée  commune. 

Les  Faucons,  nombreux  en  espèces,  sont  utilisés 
par  les  Arabes,  qui  ont  conservé  depuis  les  temps  les 
plus  reculés  l'institution  de  la  fauconnerie.  On  ne 
compte  d'ailleurs  dans  toute  l'Algérie  que  trois  ou 
quatre  familles  de  grands  chefs  qui  se  permettent  ce 
luxe.  Un  chef  ou  un  fonctionnaire  de  médiocre  im- 
portance se  couvrirait  de  ridicule  aux  yeux  de  ses 
coreligionnaires,  s'il  se  permettait  un  équipage  de 
vol.  Chacun  de  ces  grands  chefs  entretient  une 
famille  de  fauconniers,  où  les  traditions  de  la  faucon- 
nerie se  conservent  de  père  en  fils.  On  ne  garde  les 

(1)  Atlas  de  l'Exploration  de  L'Algérie. 


\ 


RÂPACES.  259 

faucons  que  pendant  la  saison  de  la  chasse  et  le  temps 
nécessaire  pour  les  dresser.  Au  printemps,  on  leur 
rend  la  liberté.  Ils  se  reproduisent  en  liberté,  élèvent 
leurs  petits,  et  ce  n'est  qu'en  juin  ou  en  juillet  que 
les  fauconniers  parviennent  à  reprendre  quebiues- 
uns  de  leurs  anciens  élèves  et  qu'ils  complètent  leur 
équipage  avec  des  faucons  niVa6' ou  jeunes  non  dres- 
sés et  des  faucons  hagards  ou  adultes,  également 
ignorants,  qu'il  faudra  dresser  sur  nouveaux  frais. 
On  chasse  au  faucon  le  lièvre,  le  lapin,  la  perdrix  et 
surtout  l'Outarde  Houbara. 

Au  printemps,  époque  où  cet  oiseau  devient  fort  gras,  on 
bat  la  plaine  à  la  recherche  des  Itoubaras.  Celles-ci  déploient 
des  ruses  incroyables  pour  échapper  à  leurs  ennemis,  allant, 
venant,  s'eufonçant  dans  les  broussailles,  en  ressortant  pour  y 
rentrer;  ce  n'est  que  lorsqu'on  est  parvenu  à  faire  lever  un 
de  ces  oiseaux  qu'on  déchaperonne  les  faucons;  ceux-ci  se 
lancent  à  sa  poursuite,  en  prenant  le  dessus,  et  redescendent 
sur  la  proie  avec  la  rapidité  d'une  flèche,  ils  la  frappent  de 
l'aile  et  du  talon  et  l'abattent.  Quelquefois,  se  voyant  sur  le 
point  d'être  saisie  par  l'oiseau  de  proie,  la  Houbara  se  ren- 
verse sur  le  dos  et  frappe  fortement  son  ennemi  avec  ses 
pieds  (1). 

L'espèce  la  plus  recherchée  pour  la  chasse  est 
spéciale  à  l'Algérie,  où  elle  est  peu  commune.  C'est  le 
Lanier  de  Barbarie,  Gennaja  barbarus.  On  emploie 
aussi  le  Faucon  vulgaire,  le  Sacré,  Gennaja  sacer,  le 
Lanier  commun,  etc.  Les  autres  falconidés  d'Algérie 
sont  :  le  Chiquera  macrodactyle  et  trois  Hobereaux 
rarement  utihsés  pour  la  chasse,  l'Lmerillon  ordi- 
naire, deux  Crécerelles  et  V Erythropus  vespertinus  ; 
l'Autour  et  l'Epervier  ordinaires,  le  Micronisus  niger  ; 
trois   Milans,   parmi   lesquels   le    Milan    d'Egypte; 

(1)  Loche,  Exploration  de  r Algérie. 


260  LA  FAUNE. 

V Elanus    cxruleus  ;  le   Busard  des    marais  el  trois 
SWigice'ps. 

Les  Rapaces  nocturnes  sont  assez  nombreux  aussi.; 
L'Effraie,  la  Hulotte,  le  Hibou  commun  et  le  Hibouj 
brachyote  abondent.  Le  Grand-Duc,  le  Scops  et  la 
Chevêche  numide  ne  sont  point  très  rares  ;  le  Bra- 
chyote du  Gap  a  été  rencontré  quelquefois.  A  men- 
tionner une  espèce  saharienne  spéciale,  le  Bubo  asca- 
laphus  Savigny. 

Le  grand  Gorbeau,  Corvus  corax,  a  une  grande  dis- 
persion, mais  il  est  peu  abondant.  On  le  trouve  cà  et  là 
par  couples  isolés,  à  Boghar,  Teniet.  au  Zaccar  de  Mi- 
lianah,  etc.  Quelques  couples  habitent  les  falaises  ma- 
ritimes, surtout  près  d'Alger,  à  la  Pointe  Pescade,  etc. 
La  Gorneille  noire,  le  Choucas  et  le  Grave  sont  assez 
communs  soit  dans  les  forêts,  soit  dans  les  escarpe- 
ments rocheux  des  hautes  montagnes.  Le  Freux  n'a 
été  vu  qu'accidentellement  mêlé  aux  Corneilles. 

Garrulidés.  —  Nous  citerons  la  Pie  de  Mauritanie, 
belle  espèce  agréablement  bariolée  de  noir,  de  bleu, 
de  vert  et  de  blanc;  le  Geai  à  tête  noire,  Garrulm 
cervicalis  Gh.  Bonap.  elle  Graculus  minor. 

Sturnidés.  —  On  observe  l'Étourneau  commun, 
qui  forme  en  automne  des  bandes  innombrables, 
l'Étourneau  unicolore  et  le  Martin  roselin. 

Passereaux.  —  Les  moineaux  se  sont  multipliés 
outre  mesure  près  des  habitations.  Ils  nichent  en 
quantités  innombrables  dans  les  bouquets  de  Pla- 
tanes et  A' Eucalyptus  et  causent  aux  récoltes  des 
dégâts  que  leurs  services  comme  oiseaux  insecti- 
vores ne  sauraient  compenser.  Pourtant  ce  sont  de 
précieux  auxiliaires  dans  la  lutte  contre  les  jeunes 
criquets.  C'est  le  moineau  espagnol  qui  domine.  Le 


PASSEREAUX.  261 

moineau  italien, le  moineau  marocain  et  le  moineau 
vulgaire  existent  aussi  accessoirement.  Le  Friquet 
vulgaire  et  le  Friquet  de  palmier,  propre  au  Sahara, 
complètent  la  liste  de  nos  moineaux. 

Les  autres  passereaux  sont  à  peu  près  ceux  du 
midi  de  l'Europe,  auxquels  viennent  s'adjoindre 
quelques  types  spéciaux,  à  savoir  :  dans  le  Tell  :  Frin- 
g'i lia spodio gêna ^ Ixos  barbatus,  Cyaniles  ultramarinus^ 
Parus  Ledouxii,  Telephonus  Tcliagra^  La7iius  alge- 
riensis  ;  et  dans  le  Sahara  :  le  Co7'ospiza  simplex  ou 
Moineau  de  palmier,  le  Roselin  phénicoptère,  la 
Buccanète  githagine,  trois  Bruants,  les  Emberiza  Sa- 
harœ,  Cœsia  striolata;  le  Rieur  vulgaire,  le  Rieur  à 
tête  blanche  et  le  Rieur  Isabelle,  le  Motteux  du 
désert,  le  Rulicilla  Moussieri,  les  Malurus  Saharse  et 
numidlcus',  de  nombreuses  Alaudidées, groupe  riche- 
ment représenté  dans  toute  l'Algérie  tant  pour  le 
nombre  des  espèces  que  pour  l'abondance  des  indi- 
vidus; les  types  sahariens  spéciaux  de  ce  groupe  sont  : 
Olocorls  bilopha^  Calendrella  Reboudlana^  anomanes, 
isabellina^  deserti^  eiegons  et  Régulas  ;  Rhamphocoris 
Clol-bey,  Galerlda  Randoni  et  isabellina  ;  Carthilauda 
Dupontii  et  desertorum. 

Dans  les  Dentirostres,  le  Sahara  nourrit  comme 
type  spécial  le  Laniiis  dealbatus. 

Parmi  ceux  d'entre  les  passereaux  non  énumérés 
qui  frappent  le  plus  l'œil  du  voyageur,  nous  citerons 
le  RoUier  ou  Geai  bleu  des  colons  algériens,  assez 
répandu  et  particulièrement  abondant  dans  la  forêt 
de  cèdres  de  Teniet-el-Haad,  digne  hôte  d'un  des 
plus  beaux  sites  de  l'Algérie  ;  le  Guêpier  {Merops 
aplaster)^  vulgairement  nommé  Chasseur  d'Afrique^ 
extrêmement  commun.  Gomme  les  hirondelles,   il 


202  LA   FAUNE. 

aime  à  se  poser  sur  les  fils  télégraphiques,  et  se  plaît 
à  accompagner  ainsi  voitures  et  cavaliers,  s'envolant 
dès  qu'on  l'approche  pour  aller  se  poser  un  peu  plus 
loin,  toujours  sur  les  fils.  Un  autre  Merops^  le  M.  segijp- 
tius,  est  beaucoup  plus  rare.  Enfin  la  Huppe  et  le 
Martin-Pécheur  sont  assez  abondants. 

Grimpeurs.  —  Ce  petit  groupe  compte  plusieurs 
types  particuliers  :  un  Coucou,  VOxglophus  glanda- 
riiis  ;  deux  Pics,  le  Pivert  à  tête  rouge  [Gecinus 
Levaillantii  Ch.  Bonap.  ;  Picus  algirus  Levait.,  Atl.  de 
l'Expl.)  qui  remplace  le  Pivert  d'Europe  et  le  Picus 
numidicus  Lev.,  mêlés  à  quelques  espèces  euro- 
péennes, telles  que  le  Coucou  ordinaire  qui  se  plaît 
surtout  dans  les  forêts  des  montagnes,  le  Pic  Epei- 
chette  et  le  Torcol. 

Colombides.  —  Cet  ordre  compte  en  Algérie 
d'abord  la  Tourterelle  vulgaire,  commune  dans  le 
Tell  au  printemps  et  en  partie  sédentaire.  Le  Sahara 
possède  la  Tourterelle  du  Sénégal.  La  Palombe 
ramier  vit  en  troupes  abondantes  dans  les  forêts  du 
Djurdjura  et  des  Babors,  auxquelles  elle  donne  par- 
fois une  grande  animation  ;  dans  l'Ouest,  on  trouve 
une  espèce  encore  plus  grande,  la  Palombe  grandis- 
sime. On  trouve  également  la  Palombelle  colombin, 
la  Colombe  à  croupion  bleu  et  le  Bizet.  Le  Bizet  vit 
en  Algérie  dans  les  rochers  escarpés  et  parfois  dans 
les  grottes,  dont  certaines  offrent  parfois  des  quan- 
tités appréciables  de  guano.  11  est  sédentaire  en 
Algérie,  mais  il  en  arrive  aux  époques  de  migration 
des  passages  considérables.  Il  débauche  fréquem- 
ment les  pigeons  domestiques.  Il  est  même  des 
locahtés  où  il  est  impossible  d'en  conserver,  les 
Bizets  les  emmènent. 


GALLINACÉS.  263 

Gallinacés.  —  Une  belle  espèce  est  particulière  à 
l'Algérie,  le  Caccabis  petrosa  ou  Perdrix  rouge  d'Al- 
gérie, El  Hadjel  des  Arabes,  Perdrix  Gambra  des 
Européens.  Elle  est  plus  grosse  que  la  Perdrix 
rouge  d'Europe  et  atteint  parfois  32  centimètres  de 
longueur.  C'est  la  seule  perdrix  qu'il  y  ait  en  Algé- 
rie. Elle  y  était,  il  y  a  seulement  quelques  années 
d'une  extrême  abondance.  Autrefois  les  Arabes  ne 
chassaient  le  lièvre  et  la  perdrix  qu  à  coups  de 
bâtons.  Et  bien  qu'ils  fussent  à  cet  exercice  d'une 
habileté  remarquable,  ils  n'en  détruisaient  pas 
beaucoup;  aujourd'hui  que  les  communications 
rapides  leur  permettent  de  tirer  un  bon  prix  du 
gibier,  ils  emploient  des  moyens  moins  primitifs. 
Braconnant  en  tout  temps,  ils  détruisent  rapidement 
le  gibier.  Telle  était  jadis  l'abondance  de  la  perdrix 
en  Algérie,  que  l'Empereur  en  ayant  fait  demander 
des  œufs  pour  repeupler  les  fermes  impériales,  des 
agents  trop  zélés  en  lirent  ramasser  d'énormes  quan- 
tités. Un  seul  d'entre  eux  en  envoya  six  mille.  Ces 
essais  d'ailleurs  ne  réussirent  point. 

La  perdrix  d'Algérie  constitue  un  gibier  assez 
agréable.  Sa  chair  est  toutefois  un  peu  sèche  et 
inférieure  à  celle  des  perdrix  de  France.  Les  baies 
delentisque  lui  donnent  parfois  un  goût  désagréable. 
Elle  s'apprivoise  bien,  devient  familière  et  caressante , 
vivant  en  parfaite  intelligence  avec  les  autres  habi- 
tants des  basses-cours  ;  rien  ne  serait  plus  facile  que 
d'en  faire  un  animal  domestique.  Quelques  essais 
dans  ce  sens  ont  déjà  été  tentés,  la  seule  difficulté 
parait  résider  dans  l'alimentation  des  petits  pous- 
sins. 

A  mesure  que  l'on  s'éloigne  du  littoral,  la  perdrix 


264  LA  FAUNE. 

diminue  de  taille.  Dans  le  Sahara,  elle  est  bien  plus 
petite  et  sa  couleur  tend  vers  la  teinte  Isabelle, 
caractéristique  des  animaux  de  cette  région. 

La  Caille  est  aussi  abondante  ;  elle  arrive  en  mars 
pour  repartir  en  septembre. 

Le  groupe  des  Gangas  compte  quatre  espèces, 
deux  Pterocles  et  deux Pte?'oclurus  ou  Gâtas. 

De  ces  quatre  espèces,  deux  ne  se  trouvent  que 
dans  l'extrême  Sud,  ce  sont  le  Pterocles  coronatus  ou 
Ganga  couronné,  et  le  Pteroclurus  senegalus  ou  Gâta 
du  Sénégal,  la  Gelinotte  du  Sénégal  de  Buffon.  Les 
deux  autres  espèces,  quoique  désertiques  aussi, 
s'avancent  dans  toute  la  région  des  steppes  et  dans 
les  plaines  du  Ghelif  et  de  l'Habra.  Ge  sont  le  Ganga 
unibande,  Pterocles  arenarius,  Perdrix  du  désert  des 
Européens,  El  Koudry  des  Arabes,  qui  vient  jusque 
sur  le  littoral;  et  le  Gâta  vulgaire,  Pteroclurus 
alchata,  El  Geitha  des  Arabes,  Perdrix  anglaise  des 
Algériens.  Ges  deux  espèces  sont  communes  dans  le 
désert  et  les  steppes.  On  les  trouve  parfois,  surtout 
le  Gâta,  en  bandes  innombrables.  Près  de  Méchéria, 
nous  avons  vu  sur  d'immenses  étendues  le  sol  cou- 
vert de  leurs  déjections.  Si  l'on  considère  que  ces 
oiseaux  sont  friands  d'insectes,  qu'ils  vivent  dans 
des  contrées  couvertes  d'acridiens,  on  ne  saurait 
trop  regretter  de  les  voir  détruire  en  masse,  comme 
on  le  fait.  Lors  de  notre  dernier  passage  à  Méchéria, 
un  industriel  était  en  train  de  remplir  une  commande 
de  25  000  paires  d'ailes  de  Ganga  pour  une  maison 
de  modes,  à  raison  de  25  centimes  la  paire.  Les 
Gangas  sont  pourtant  méfiants  et  volent  bien,  mais 
dans  ces  régions  désertiques,  quand  les  redirs  sont 
à  sec,  ils  sont  bien  obhgcs  de  venir  boire  aux  rares 


ÉCHÂSSIERS.  265 

points  d'eau  qui  existent  et  où  on  les  attend  pour 
les  massacrer.  On  en  tue  ainsi  des  quantités  invrai- 
semblables aux  barrages  de  Laghouat,  d'Orléans- 
ville,  etc.,  souvent  pour  l'unique  plaisir  de  tuer,  car 
la  chair  noire  du  Ganga  est  peu  appréciée;  celle  des 
jeunes  n'est  pourtant  pas  mauvaise.  Ces  animaux 
s'apprivoisent  bien. 

La  Caille  bédouine,  Tarnix  sylvatica,  Semmama 
des  Arabes,  est  fort  répandue,  surtout  dans  les 
plaines  voisines  du  littoral.  La  femelle  est  plus 
grande  que  le  mâle  et  a  de  plus  belles  couleurs, 
chose  tout  à  fait  exceptionnelle  chez  les  oiseaux. 
Elle  est  sédentaire.  Poursuivie  par  les  chiens,  elle  se 
blottit  dans  les  broussailles  et  refuse  obstinément 
de  se  lever. 

Autruche.  —  L'Autruche  ne  se  trouve  plus  aujour- 
d'hui que  dans  les  parties  les  plus  arides  et  les  plus 
reculées  du  Sahara,  où  elle  dut  être  fréquente  à  une 
époque  relativement  récente,  étant  donnés  les  nom- 
breux débris  d'œufs  que  l'on  y  rencontre.  On  a  beau- 
coup essayé,  depuis  quelques  années,  l'élevage  des 
autruches  dans  le  Tell:  au  Mazafran,  à  Kouba,  au 
Jardin  d'essais,  etc.  Ces  essais  n'ont  guère  donné  de 
résultats  pratiques. 

Echassiers.  —  Dans  cet  ordre,  nous  trouvons 
d'abord  le  groupe  remarquable  des  Outardes,  abon- 
damment représenté.  L'Outarde  barbue,  Otis  tarda 
devenue  rare  ;  la  Canepetière  ou  Poule  de  Car- 
tilage, Telrax  campestris,  assez  commune  ;  la  belle 
Outarde  Houbara,  spéciale  à  l'Algérie  et  surtout 
saharienne,  et  enûnV Otis  Arabs,  également  spéciale 
à  i'Afiique,  mais  dont  l'aire  s'étend  de  l'Arabie  au 
Sénégal. 


266  LA  FAUNE. 

L'OEdicnènie  criard  et  la  SquateroUe  helvétique  se 
rencontrent  fréquemment;  le  Pluvier  doré,  qui  nous 
arrive,  en  automne,  dès  que  les  premières  pluies  ont 
détrempé  le  sol,  se  trouve,  avec  le  Vanneau  huppé, 
en  troupes  nombreuses  sur  tout  le  Uttoral.  Ces 
oiseaux  recherchent  les  grandes  plaines  bien  dé- 
couvertes, où  ils  peuvent  voir  venir  de  loin  le 
chasseur. 

Deux  Cursoriens ,  le  Court-vite  Isabelle  et  le  Plu- 
vian  d'Egypte,  constituent  une  des  principales  curio- 
sités de  notre  faune  ornithologique  ;  tous  les  deux 
sont  exclusivement  africains. 

Un  Glaréolide,  la  Glaréole  à  collier,  présente  un 
intérêt  particuher  comme  destructeur  d'Acridiens. 
Il  devrait  être  défendu  de  le  chasser. 

Nous  citerons  encore  le  Tourne-pierre,  l'Huitrier, 
l'Échasse,  l'Avocette,  etc. 

La  Bécasse  est  répandue  dans  tout  le  Tell,  mais 
peu  abondante,  ainsi  que  la  Bécassine  double.  Par 
contre,  la  Bécassine  ordinaire  est  commune  dans  tous 
les  marais.  Elle  passe  continuellement  de  novembre 
à  mars.  On  rencontre  aussi  la  petite  Bécassine  ou 
Bécassine  sourde,  le  Combattant,  le  Bécasseau  mau- 
bèche,  les  Barges,  les  CourUs  et  un  grand  nombre 
d'autres  échassiers  coureurs. 

Le  Balle  d'eau  est  sédentaire  en  Algérie  et  fort 
recherché  des  chasseurs.  Les  autres  Alectoridés  sonl 
la  Porzane  marouette,  les  Zapornia  pygmœa  et  mi- 
nuta ou  Balles  crève-chiens,  le  Balle  de  genêt,  les 
Porphyrionsbleu  et  vert,  la  Poule  d'eau,  le  Foulque 
de  Madagascar  et  le  Foulque  macroule  ou  Macreuse 
des  chasseurs  algériens.  Cette  dernière  espèce  est 
commune  sur  tous  les  lacs  et  sur  toutes  les  rivières 


PALMIPÈDES.  267 

du  littoral.  La  Réghaïa  près  d'Alger  en  est  parfois 
couverte.  Sa  chair  est  peu  estimée. 

Parmi  le  groupe  des  Bérodionés,  la  Grue  cendrée, 
l'Anthropoïde  demoiselle,  la  Baléarique  couronnée 
sont  rares  ;  les  Gigognes  sont  répandues  dans  toute 
l'Algérie  et  surtout  communes  dans  la  province  de 
Constantine,plus  spécialement  aux  environs  de  Sétif  : 
respectées  des  Arabes  et  même  des  Européens,  elles 
sont  peu  sauvages.  Nous  avons  aussi  le  Héron 
cendré,  le  Héron  à  cou  noir,  le  Héron  pourpré, 
l'Aigrette  blanche,  la  Garzette  aigrette.  Un  joU  petit 
Héron  blanc,  le  Garde-bœuf,  Bubulcus  Ibis,  est 
surtout  fréquent.  Il  aime  à  vivre  au  milieu  des  trou- 
peaux et  se  pose  volontiers  sur  le  dos  ou  le  cou  des 
ruminants.  Il  s'apprivoise  facilement.  Nos  autres 
ardéides  sont  le  Grabier,  l'Ardéirolle  gutturale,  le 
Blangios  vulgaire,  le  Butor  étoile  et  le  Bihoreau. 

Le  Flamant  rose  ou  Phénicoptère  est  commun 
dans  les  lacs  de  l'intérieur.  Rien  n'est  plus  gracieux 
que  la  vue  du  Ghott  Mzouri,  couvert  de  flamants 
roses,  lorsqu'on  va  à  Biskra.  Le  flamant  rouge  est 
plus  rare. 

La  Spatule  blanche,  l'Ibis  sacré  des  Égyptiens, 
rare  ou  même  accidentel,  l'Ibis  sacré  chevelu, 
Comatibis  comosa  et  le  Falcinelle  vert  complètent  ce 
groupe  des  Hérodiens. 

Palmipèdes.  —  Le  groupe  des  Ayisérés  est  bien 
représenté  par  le  Gygne  tubercule,  le  Gygne  à  bec 
jaune,  l'Oie  sauvage,  TOie  cendrée,  les  Bernaches, 
les  Nonnettes  Gravant  et  à  cou  roux.  Les  Tadorninées 
comptent  l'Oie  d'Egypte,  Clielanopex  œgt/ptiaca  ;  le 
Tadorne  de  Belon,  et  le  Gasarca  rutilant. 

Le  Ganard  sauvage,  la  Sarcelle  d'été,  la  Sarcelline 


268  LA   FAUNE. 

d'hiver  sont  communes  en  Algérie.  Le  Canard  et  la 
Sarcelle  abondent  surtout  dans  les  Chotts.  Les  autres 
Canards  sauvages  sont  :  la  Marmarronette  angusti- 
rostre,  le  Pilet  à  longue  queue,  le  Siffleur  Pénélope, 
et  le  Siffleur  huppé,  la  Mélanette  brune,  la  Macreuse 
noire,  le  Morillon,  le  Milouin,  le  Milouinan,  la  Sar- 
celle d'Egypte  et  le  Garrot.  Enfin  l'Erismature  cou- 
ronné, le  Harle  vulgaire,  le  Bièvre  huppé  et  la 
Piette  ou  petit  Harle  huppé. 

Les  palmipèdes  marins  sont  ceux  de  la  Méditer- 
ranée. Il  existe  pourtant  quelques  types  particuUers 
ou  rares,  tels  que  le  Microcarbo  d'Algérie,  Baliœus 
algeriensis,  qui  niche  dans  les  lacs  d'eau  douce  voi- 
sins de  la  mer,  le  Gavina  Audoidni,  les  Grèbes,  etc. 

III.  —  Reptiles. 

L'erpétologie  algérienne  a  été  ébauchée  par  M.  Gui- 
chenot  (1),  de  la  Commission  de  l'exploration  scien- 
tifique, qui  séjourna  deux  années  en  Algérie.  Depuis, 
les  investigations  de  MM.  Mares,  Strauch,  Letour- 
neux,  Lallemant,  Lataste  ont  fait  connaître  bien  des 
espèces  non  observées  par  les  premiers  chercheurs. 

Le  dernier  travail  important  sur  cette  question  est 
le  relevé  établi  par  Boulenger,  du  British  Muséum  (2), 
d'après  les  observations  de  M.  Lataste,  qui  explora 
avec  soin  l'Algérie  et  la  Tunisie. 

M.  E.  Ohvier(3)  adonné  aussi  un  catalogue  des  rep- 
tiles algériens,  reproduisant  et  complétant  Fénumé- 
ration  de  M.  Boulenger. 

(1)  Guichenot,  Reptiles  et  poissons  de  r Algérie,  ISSO. 

(2)  Boulenger,  Catalogue  of  Ihe  reptiles  and  Batrachians  of 
Barbary, 1884. 

(;i)  E.  Olivier,  Mémoires  de  la  Sociélé  zoologique. 


SAURIENS.  269 

L'intéret^£ue  présente  la  faune  des  reptiles  alg('3- 
riens  doit  ôi-re  attribué  à  un  certain  nomlire  de  for- 
mes vivant  dnn.s_J,a  régiofi^saharienneou  sur  les 
confins  du  désort.  Sur  le  littoral,  nous  retrouvons 
des  espèces  européennes  types  ou  seulement  des 
races  locales. 

Tortues.  —  Les  Tortues  de  mer  (Chdonia  Caouana^ 
Dum.  et  Bib.)  sont  communes  dans  toute  la  Méditer- 
ranée, les  pêcheurs  en  capturent  fréquemment.  Il 
n'en  est  pas  de  même  de  la  Tortue  Luth  {Sphargis 
coriacca)^  qui  dépasse  parfois  2  mètres,  et  que  Ton 
observe  accidentellement  sur  le  littoral  africain. 

Dans  les  mares  et  ruisseaux,  pullulent  les  Emys 
leprosa^  qui  ont  une  allure  vive  et  plongent  comme  les 
grenouilles  quand  on  passe  près  des  bords  qu'elles 
occupent  pendant  les  heures  chaudes.  La  Cistude 
d'Europe,  qui  est  moins  plate,  est  plus  rare;  on  la 
trouve  surtout  dans  la  région  des  chênes-liège  de  la 
province  de  Constantine. 

La  tortue  qu'il  est  le  plus  facile  d'observer  est  le 
Testiido  mmiritanica,  la  Tortue  de  terre,  peu  différente 
delà  tortue  grecque  de  l'Lurope  méridionale  ;  elle 
est  herbivore,  on  la  mange  assez  couramment. 

Sauriens.  —  On  connaît  trente-six  sauriens; 
vingt- deux  sont  cantonnés  dans  les  steppes  ou  dans 
le  Sahara. 

Le  plus  remarquable  est  le  Varan,  qu'Hérodote 
appelait  le  Crocodile  terrestre  \  il  peut  atteindre  un 
mètre;  sa  tête  est  effdée,  portée  sur  un  cou  allongé, 
ses  membres  très  puissants  lui  permettent  de  courir 
avec  la  plus  grande  vitesse,  sa  queue  est  longuement 
atténuée  en  une  fine  pointe,  il  s'en  sert  comme  d'un 
fouet. 


270  LA   FAUNE. 

Le  Varan  passe  pour  l'ennemi  de  la  vipère  cornue, 
il  habite  les  mêmes  stations  sahariennes. 

Un  gros  lézard  court,  à  ventre  de  batracien,  àtôte 
de  tortue  et  à  grosse  queue  épineuse,  V  Uromastix  ou 
Fouette-queue,  est  encore  un  des  sauriens  remarqua- 
bles du  Sud,  il  est  herbivore;  les  Arabes  le  man- 
gent, ils  Amendent  sa  dépouille  dans  tous  les  bazars. 
Ce  Fouette-queue,  comme  les  Caméléons,  change 
de  couleur,  il  est  susceptible  de  s'apprivoiser. 

Les  Agamcs  du  même  groupe  ont  de  belles  cou- 
leurs et  se  font  remarquer  par  des  faisceaux  d'épines 
qui  garnissent  les  côtés  de  la  tête  et  du  cou. 

Le  Scinque  officinal,  ou  Poisson  de  sable,  vit  aussi 
dans  le  désert,  court  sur  le  sable  et  s'y  enfonce  avec 
une  grande  agihté,  les  Indigènes  le  mangent  grillé. 

Les  Scincides,  sont  assez  bien  représentés  en  Algé- 
rie par  Mabuia  vittata^  Eumoces  algeriensis,  Gongylus 
oce//«/w5,  excessivement  commun  dans  toute  l'Algérie, 
quelquefois  confondu  avec  le  scinque;  trois  Seps 
et  VAnguis  fragilis  ou  orvet,  qui  est  très  rare. 

Parmi  les  six  Geckoïdes  de  la  faune  algérienne, 
une  espèce,  le  Tarentula  mauritanica  ou  Tarente,  se 
trouve  partout,  de  préférence  dans  le  voisinage  des 
habitations.  Grâce  à  ses  pelotes  et  à  ses  griffes  ré- 
tractiles,  la  Tarente  poursuit  les  insectes  dont  elle 
se  nourrit  sur  les  plafonds,  et  même  sur  les  vitres 
des  réverbères,  où  il  n'est  pas  rare  d'en  observer 
à  raffut  pendant  toute  la  nuit.  Cet  animal  passe  à 
tort  pour  venimeux  à  cause  de  l'humeur  acre  sécrétée 
par  ses  doigis.  C'est  un  petit  lézard  bien  inoffensif, 
que  l'on  devrait  même  tolérer  dans  l'intérieur  des 
maisons,  où  il  rend  des  services. 

Le  Caméléon,  avec  ses  allures  étranges,  ses  yeux 


SERPENTS.  271 

mobiles  dans  tous  les  sens,  son  occiput  pointu,  sa 
queue  préhensible,  est  un  animal  fort  curieux,  en 
raison  de  la  faculté  qu'il  possède  de  changer  de 
couleur,  il  est  commun  dans  toute  l'Algérie,  sa  mar- 
che est  lente  et  il  est  toujours  facile  de  s'en  emparer, 
il  vit  assez  bien  en  captivité,  il  se  nourrit  alors  de 
mouches,  qu'il  capture  en  projetant  sa  langue  comme 
une  flèche. 

Le  Lézard  vert  d'Algérie  se  rapporte  au  Lacerta 
ocellata;  mais  par  l'écaillure,  la  taille,  la  coloration, 
il  constitue  une  variété  qui  se  rapproche  du  Lacerla 
viridis  ;  il  est  commun  en  Algérie,  sur  le  Littoral  et  les 
Hauts-Plateaux. 

Le  Lézard  de  muraille  est  cantonné  dans  la  région 
montagneuse,  où  il  est  assez  commun.  Il  est  remplacé 
sur  le  littoral  par  un  Psammodrus^  et,  dans  le  désert, 
par  les  Acanthodactyles . 

Le  groupe  des  Amphisbènes  est  représenté  par 
deux  espèces,  dont  une,  Trogonophis  Wiegmanni,  est 
commune.  Ce  petit  saurien  vermiforme  est  le  plus 
souvent  jaunâtre  avec  des  taches  noires  figurant  un 
damier;  son  absence  de  pattes  le  fait  prendre  poiu^ 
un  serpent  suspect,  il  est  cependant  inoffensif. 

Serpents.  —  On  connaît  en  Algérie  dix-huit  ser- 
pents, dont  six  venimeux.  Quelques  types  sont  assez 
intéressants,  tel  est  le  Javelot  [Ei-yx  Jaculus),  de  la 
famille  des  Boas  et  Pythons.  Ce  serpent  n'atteint 
guère  que  85  centimètres  de  longueur,  la  queue  est 
tronquée,  obtuse,  terminée  par  une  plaque  conique. 
Sa  tête  petite  est  couverte  de  petites  écailles,  il 
répond  assez  bien  au  signalement  que  l'on  donne  des 
vipères,  aussi  est-il  regardé  comme  dangereux,  bien 
qu'inoffensif  et  même  susceptible  de  s'apprivoiser. 


272  LA   FAUNE. 

Le  Javelot  vit  dans  les  stations  sableuses  des  steppes 
et  du  désert.  On  ne  le  voit  pas  souvent,  parce  qu'il 
se  cache  dans  le  sable. 

Parmi  les  Aglyphes,  la  couleuvre  la  plus  commune 
est  le  Zamenis  hippocrèpis,  qui  atteint  d'assez  grandes 
dimensions,  elle  offre  un  beau  coloris,  elle  tire  son 
nom  de  P'^er  à  cheval,  d'une  figure  formée  sur  la 
nuque  par  deux  bandes  jaunâtres.  Le  corps  est  brun 
avec  une  série  détaches  rondes  jaunâtres  irrégulières, 
le  dessous  est  rose.  Cette  couleuvre  est  souvent 
montée  en  canne. 

Le  Zamenis  algirus^  découA'crt  par  le  D""  P.  Mares, 
est  une  belle  couleuvre  de  la  région  désertique,  le 
corps  est  brun  verdâtre,  avec  des  raies  transversales 
noirâtres  et  une  série  de  taches  noir  bleu  sur  les 
flancs.  On  trouve  dans  le  même  région  le  Zamenis 
dladema. 

La  Couleuvre  vipérine  est  répandue  à  proximité  des 
cours  d'eau,  elle  pénètre  jusque  dans  le  Sahara,  où 
elle  habite  les  Seguias. 

Trois  Opistoglyphes  sont  assez  répandus  et  carac- 
téristiques. La  Couleuvre  de  Montpellier,  Cœlopeltis 
lacertina,  gchiéralementd'un  brun  verdâtre,  atteint  de 
grandes  dimensions,  1™,50  et  plus,  elle  est  commune 
dans  tout  le  ïell. 

Le  Cœlopeltis  producia,  qui  habite  la  région  déser- 
tique et  les  steppes,  a  été  découverte  en  1853  par  le 
D'"  P.  Mares.  Ce  serpent  a  la  teinte  claire  des  vipères 
à  cornes  et  possède,  quand  on  l'irrite,  la  propriété  de 
gonfler  ses  côtes  cervicales  sur  une  longueur  de  3  à 
4  centimètres  à  partir  de  la  nuque,  il  a  alors  un  air 
redoutable. 

Le  Psammophis  sihilans,  le'Zeurig  des  Arabes,  est 


SERPENTS.  273 

un  type  désertique  curieux,  il  a  la  forme  d'un  fouet 
mince,  il  a  la  queue  très  effilée,  il  atteint  souvent 
l'",50.  Son  extrême  vivacité  et  la  rapidité  de  sa  course 
le  font  passer  pour  redoutable  auprès  des  Arabes 
qui  le  craignent  au  moins  autant  que  les  vipères. 

Au  sud-est  de  Biskra  et  dans  le  sud  de  la  Tunisie 
et  du  Maroc,  on  rencontre  le  terrible  Naja  [Naja  Haje) 
le  serpent  des  Charmeurs,  le  fameux  Aspis  des  Grecs 
et  des  Romains.  Le  Naja  se  dresse  sur  la  partie  pos- 
térieure de  son  corps,  gonfle  son  cou  en  sifflant  et 
n'hésite  pas  à  attaquer.  La  blessure  est  rapidement 
mortelle  et,  dansle  sudde  la  Tunisie,  quand unhomme 
d'une  caravane  est  mordu  par  ce  redoutable  reptile, 
sans  tarder,  on  se  met  à  creuser  sa  fosse  et  à  pré- 
parer ce  qui  est  nécessaire  pour  la  toilette  d'un  mort. 
Des  charmeurs  arabes  dressent  ces  animaux  et  leur 
font  exécuter  des  mouvements  cadencés  au  son  d'une 
flûte  accompagnée  de  tambourin.  Le  Naja  est  d'une 
couleur  brun  noirâtre,  il  peut  atteindre  de  grandes 
dimensions,  i^,^0  et  plus. 

Une  autre  vipère  également  redoutable  est  la 
Vipère  mauritanique  (  Vipera  lebetina  ou  Echidna 
mauritanica) .  La  tête  est  large,  plate,  écailleuse,  le 
museau  arrondi,  le  corps  brun  jaunâtre  avec  des 
taches  plus  sombres,  le  dessous  plus  clair  avec  mou- 
chetures grises,  longueur  de  1  mètre  à  i^'joO.  La 
vipère  mauritanique  habite  le  littoral  oranais  et 
marocain,  les  Hauts-Plateaux  et  principalement  la 
Tunisie.  Sa  morsure  est  dangereuse;  mais  les  acci- 
dents sont  assez  rares. 

Sur  le  littoral,  on  trouve  encore,  surtout  dans  la 
région  des  chônes-Uège,  une  variété  de  la  vipère  am- 
modyle,  le  Vipera  Latastel  de  Bosca,  intermédiaire 
Rattandier  et  Tp.abut.  —  Algérie.  18 


274  LA   FAUNE. 

entre  la  vipère  Aspic  et  l'Ammodyte  ;  ce  serpent  a 
été  déterminé  sous  ces  deux  noms;  il  ne  paraît  pas 
rare  et  cependant  on  note  peu  de  morsures  graves 
ayant  entraîné  la  mort. 

Dans  la  région  saiiarienne,  trois  vipères  sont  très 
répandues,  deux  Cérastes  et  VEchis  carinata^  localisé 
dans  l'extrême  sud. 

La  Yipère  à  cornes  (Cerasles  cornutus)  (fig.  26)  est 
très  fréquente  sur  le  versant  méridional  des  Hauts- 
Plateaux  et  dans  tout  le  Sahara,  elle  est  delà  couleur 
jaune  du  sable.  Les  plus  forts  sujets  atteignent  80  cen- 
timètres, la  queue  est  courte,  au-dessus  de  chaque 
œil  une  écaille  allongée  et  aiguë  constitue  une 
corne.  Un  autre  Céraste  {Cérastes  Vipera)  habite  les 
mêmes  régions,  mais  vit  uniquement  dans  les  sables 
et  a  des  habitudes  nocturnes  qui  le  font  redouter  des 
nomades,  car  il  vient  volontiers  dans  les  bivouacs. 
Cette  vipère  diflere  de  la  précédente  par  l'absence  de 
corne  et  la  taille  plus  petite. 

Dans  l'intérieur  du  Sahara,  on  a  encore  observé 
VEchis  carinata^  qui  est  surtout  bien  connu  en 
Egypte.  Cette  vipère  est  gris  pâle,  avec  des  séries  de 
taches  noires  ocellées  et  une  tache  blanche  triangu- 
laire ou  cruciforme  sur  la  tête. 

IV.  —  Batraciens. 

La  Grenouille  [Rana  esculenla)  est  commune  par- 
tout; on  observe  aussi  la  Grenouille  terrestre  (Disco- 
glossus  pictus);  la  rainette  fréquente  les  lieux  frais; 
un  gros  crapaud,  Bufo  pantherinus^  est  extrême- 
ment répandu. 

La  Salamandre  ne  se  rencontre  que  dans  la  région 


SERPENTS. 


215 


:Mmi 


W'^  { 


276  LA   FAUNE. 

montagneuse,  en  Kabylie  notamment.  On  trouve, 
dans  les  mares  du  littoral,  un  Triton  intéressant  pour 
les  naturalistes,  VEuproctes  Poiretis. 

V.  —  Poissons. 

Poissons  de  mer.  —  Les  poissons  que  Ton  ren- 
contre dans  la  Méditerranée,  sur  les  côtes  algériennes, 
sont,  pour  le  plus  grand  nombre,  ceux  du  littoral 
européen  ;  mais  on  trouve  de  plus  des  espèces  des 
Canaries  et  en  même  temps  des  représentants  des 
genres  Diagramme,  Batracoïde,  Hemiramphe,  dont 
les  autres  espèces  ne  se  retrouvent  que  dans  les  mers 
de  l'Inde  et  sur  les  côtes  de  l'Afrique  australe.  Enfin 
l'ichtliyologie  algérienne,  encore  peu  étudiée,  pos- 
sède quelques  espèces  particulières. 

Alger  est  le  point  de  la  côte  Je  plus  riche  en  espèces  ; 
la  pêcherie  y  est  intéressante  par  la  diversité  des 
types,  dont  quelques-uns  sont  des  raretés,  qui  finissent 
misérablement  dans  une  bouillabaisse. 

On  y  remarque  d'abord  un  grand  nombre  de 
Percoïdes  :  le  Loup,  le  Merou,  plusieurs  Serrans,  le 
Cernier,  le  Spet  ou  brochet  de  mer,  quatre  Vives,  le 
curieux  Uranoscope,  le  rarissime  Pomatome  Téles- 
cope, qui  se  retrouve  à  Nice,  remarquable  par  la  gran- 
deur extraordinaire  de  son  œil. 

Les  Rougets  ou  Mulles  (Mullus  surmuletus  et  M.  bar- 
hatus)  sont  très  abondants  sur  les  côtes  d'Algérie, 
leur  chair  est  appréciée,  les  anciens  déjà  en  faisaient 
grand  cas,  les  Romains  de  l'époque  impériale  les 
achetaient  à  des  prix  fabuleux. 

Parmi  les  Joues  cuirassées,  notons  les  Trigles  [T.  It- 
neaia^  T.  lyra,  T.  Iiirudo,  T.  Lucerna,  7\  aspera)^  le  Ma- 


POISSONS.  277 

larmat,  renfermé  dans  une  gaine  octogone  d'écaillés 
relevées  par  une  arcte  épineuse,  le  Dactyloptère  ou 
Trigle  volante,  qui  se  soutient  en  l'air  avec  ses  na- 
«•coires  pectorales  prolong(''es  en  ailes,  enfin  les  Ras- 
casses ou  Scorpènes  à  grosse  tête  armée  de  piquants. 
Les  Scienoïdes  sont  représentés  par  le  Maigre,  le 
Corbs,  rOmbrine,  le  Diagramma  Mediterraneum, 
espèce  propre  à  Alger  et  d'un  genre  étranger  à 
l'Europe.     , 

Les  Sparoïdes  sont  nombreux:  six  Sargues,  la 
Daurade,  quatre  Pageaux  ou  Pagels,  trois  Dentés, 
deux  Canthères,  le  Bogue,  l'Oblade,  la  Salpa,  deux 
Pagres,  dont  l'un ,  le  Pagrus  auriga,  est  une  rareté,  qui 
se  retrouve  aux  Canaries.  Citons  encore  la  Mendole 
et  le  rare  Picaret  Martin-Pécheur. 

On  trouA^e  à  la  pêcherie  d'Alger  une  grande  diver- 
sité de  Scombres  :  trois  Thons  [Tliyunus  vulgaris^ 
ùrachi/pterus  et  Tliunnlna)^  deux  Maquereaux,  deux 
Pélamides  ou  Bonites ,  le  Lepidope  argenté,  l'Espadon , 
le  Pilote,  deux  Liches,  le  Saurel,  deux  autres  Caraux 
plus  rares,  le  Seriole  R.,  le  Temnodon  sauteur  C, 
la  FiatoleR.,  le  Poisson  de  Saint-Pierre  (Zei<s  FaOer), 
très  comprimé  et  à  bouche  très  large,  la  Dorée  à 
épaule  armée  {Zeus  Pungio),  enfin  le  Sanglier  [Zeus 
Aper). 

La  famille  des  Tœnioïdes  ne  se  trouve  représentée 
que  parla  Cépole  rougeâtre,  dont  le  corps,  de  20  à  25 
centimètres,  a  la  forme  d'une  lanière. 

Les  Atherines  sont  de  petites  espèces  appelées 
argentines  par  les  pêcheurs,  elles  vivent  en  bandes 
serrées,  si  bien  qu'un  coup  de  filet  en  amène  quel- 
quefois plus  de  50  kilos.  On  vend  ce  petit  fretin,  qui 
est  mangé  frit  en  beignets  par  la  classe  pauvre.  Les 


278  LA   FAUNE. 

bandes  d'Atlierines  sont  communes  dans  le  port 
d'Alger,  autour  des  embarcations  et  le  long  des  quais. 
Les  ichthyologistes  en  distinguent  quatre  espèces. 
Une  cinquième  Atherine  [A.  Rissoi)  habite  les  cours 
d'eau  de  la  Mitidja,  près  d'Alger. 

Des  cinq  Mulets  ou  Muges  qui  habitent  les  eaux 
d'Algérie,  deux  remontent  dans  les  rivières. 

Les  Blennies  sont  nombreuses  dans  les  eaux  sta- 
gnantes des  ports  (12  espèces)  ;  il  en  est  de  même  des 
Gobies  ou  Goujons  de  mer  (8  espèces). 

La  Baudroie  et  le  Batrachoïde  représentent  la  fa- 
mille des  Pectorales  pédiculées ,  le  Batrachoïde 
[Batrachus  planifrons)  est  une  intéressante  espèce 
algérienne,  décrite  par  Guichenot  sur  un  échantillon 
provenant  d'Oran;  ce  genre  n'était  pas  encore  connu 
dans  la  Méditerranée. 

Les  Labroïdes  sont  nombreux;  les  Labres  ou 
Vieilles  de  mer,  les  Girelles  aux  couleurs  vives  habi- 
tent les  endroits  rocailleux  des  côtes,  où  ils  font  les 
déUces  des  pêcheurs  à  la  hgne. 

Enfin  le  Centrisque  bécasse,  de  la  famille  des 
Bouches  en  flûte,  est  une  petite  espèce  commune, 
remarquable  par  son  museau  allongé  tubuhforme. 

Parmi  les  Malacopférijgiens,  notons  :  l'Aiguille 
[Bellone  acus),  d'un  bleu  vif,  à  long  bec  en  aiguille, 
avec  les  arêtes  verdâtres,  la  Saure,  l'Exocet  volant, 
l'Aulope  filamenteux. 

Les  Clupéoïdes  comprennent  plusieurs  poissons 
d'une  grande  utiUtè  alimentaire  sur  les  côtes  d'Algérie. 

Le  Hareng  n'a  été  observé  qu'une  fois  par  le 
D'  Bourjot  {Harengus  virescens  de  Dekay). 

L'Alose  {AloMsa  fini  a)  remonte  les  rivières.  La  Sar- 
dine (Alausa  pilchardus)  est  souvent  abondante  et 


POISSONS.  279 

bonne  ;  mais  il  ne  faut  pas  la  confondre  avec  l'Aliche 
ou  Alache  [Clupea  alacia),  qui  aune  belle  ligne  clorcc 
sur  le  flanc  et  dont  la  chair  est  sèche,  moins  blanche 
et  très  inférieure.  L'Anchois  pullule  sur  toute  la 
cote,  il  est  recherché  et  depuis  quelques  années  mis 
en  conserve. 

On  pêche  à  Alger  deux  Gades  ou  Merlans.  Le  Ga- 
dicule  argenté  de  Guichenot  est  une  petite  espèce, 
propre  à  la  côte  africaine,  où  il  est  rare.  Les  Pleuro- 
nectes  ne  sont  pas  aussi  abondants  dans  la  Méditer- 
ranée que  dans  TOcéan,  cependant  le  nombre  des 
espèces  observées  à  Alger  est  considérable.  Lq  Flétan 
n'est  pas  rare,  le  genre  Rhombus  ou  Turbot  est  repré- 
senté par  le  Turbot  commun  {/ih.  maximus)^  la 
Barbue,  le  Rh.  Candidisslmus,  le  Rh.  podas,  le  Rk. 
mancus  et  le  Rh.  Gesncri. 

On  signale  cinq  Soles  ;  mais  la  Sole  cendrée  seule 
est  commune. 

Les  Lepadogasier,  remarquables  par  le  disque  con- 
cave analogue  à  celui  des  Gobies  qui  leur  permet 
d'adhérerauxrochers,sontpetitsetaunombredecinq. 

Enfin  le  Rémora  [Echineis  Naucrates)^  bien  connu 
par  sa  ventouse  occipitale,  transformation  de  la  pre- 
mière dorsale,  est  assez  rare  à  Alger. 

Les  Anguilhformes  marins  comptent  quatre  Con- 
gres, deux  Murènes,  VOphiure  serpent^  la  Donzelle 
barbue  et  le  Fierasfer  imberbe. 

Aux  Lophobr anches  se  rattachent  :  deux  Hippocam- 
pes et  sept  Syngnathes  ;  nous  trouverons,  parmi  les 
Poissons  d'eau  douce,  une  huitième  espèce  de  Syn- 
gnathe (S.  Algeriensis,  Playfer  et  Lctourneux),  qui 
a  été  pêchée  dans  l'Oued-bou-Hamdan  (prov.  Cons- 
tantine),  à  80  kilomètres  de  la  mer. 


280  LA  FAUNE. 

Le  Mole  vulgaire  ou  Poisson-Lune  n'est  pas  très 
rare  ;  on  prend  aussi  le  Batiste  caprisque. 

Les  Sélaciens  sont  assez  bien  représentés,  quel- 
ques espèces  même  pullulent  et  fournissent  une 
nourriture  abondante  aux  pauvres  gens. 

Les  Requins  [Carchai^ias  vulgariSy  C.  ferox  et  C.  leu- 
cos)  sont  rares  :  de  temps  à  autre,  les  pêcheurs  en  exhi- 
bent de  beaux  spécimens  ;  la  grande  et  la  petite 
Roussette  abondent,  ainsi  que  l'Aiguillât;  deux  Mar- 
teaux, l'Ange  ne  sont  pas  rares  ;  enfin  on  note  encore 
cinq  autres  Squales.  Les  Raies  comprennent  le  Rbi- 
nobate,  quatre  Torpilles,  six  Raies,  laPastenague,  la 
Pteroplatée  des  Canaries  (R),la  Mourine  aigle, le  Cépha 
loptère  de  Giornaqui  atteint  des  dimensions  énormes. 

Poissons  d'eaux  douces.  —  Les  cours  d'eau  de 
l'Algérie  ont  une  faible  étendue,  ils  parcourent  depuis 
la  région  montagneuse  où  ils  prennent  naissance 
une  série  de  plans  très  inclinés  qu'ils  ravinent,  ce 
sont  des  torrents,  roulant  après  les  pluies  des  eaux 
boueuses  et  montrant,  entre  des  berges  souvent  très 
éloignées,  un  lit  de  gravier  et  de  sables  avec  un  mince 
fdet  d'eau  et  quelques  flaques  croupissantes.  Les 
rivières  les  plus  considérables,  la  Mafrag,  la  Seybouse, 
rOued-el-Kebir,  l'Harrach,  la  Macta  ont  une  barre  et 
à  quelques  kilomètres  au-dessus  une  certaine  quan- 
tité d'eau  stagnante  qui  est  peuplée  de  quelques 
poissons.  Les  ruisseaux  d'eaux  vives  se  rencontrent 
cependant  dans  la  Kabylie  orientale,  et  de  véritables 
lacs  se  sont  formés  dans  la  région  de  La  Galle.  Dans 
les  Hauts-Plateaux,  on  observe  une  série  de  bassins 
fermés,  mais  les  eaux  sont  trop  peu  abondantes  pour 
former  des  lacs,  les  Chotts  ou  Sebkhas  se  dessèchent 
en  été. 


POISSONS.  281 

Dans  le  Sahara,  une  partie  élevée  en  terrasse  est 
privée  d'eau,  mais  le  Bas- Sahara,  au  sud  del'Aurès, 
est  riche  en  eaux  souterraines  formant  un  véritable 
réseau  qui  se  montre,  çà  et  là,  au  fond  de  puits  natu- 
rels ou  gouffres,  que  les  Indigènes  appellent  Bahr,  et 
qui  sont  habités  par  des  poissons  et  autres  animaux 
aquatiques  pouvant  aller  par  des  voies  souterraines 
d'un  gouffre  à  un  autre  ou  bien  sortir  par  un  puits 
artésien  rencontré  dans  ce  parcours. 

L'Ichthyologie  del'Algérie  n'est  encore  qu'imparfai- 
tement connue,  elle  a  été  étudiée  par  la  Commission 
de  l'exploration,  plus  spécialement  par  Guichenot  et 
Paul  Gervais,  plus  récemment  par  M.  le  colonel 
Playfair,  consul  d'Angleterre  à  Alger,  etpar  Gh.  A.  Le- 
tourneux.  Ces  travaux  portent  à  vingt-trois  le 
nombre  des  espèces  observées. 

Parmi  les  poissons  que  l'on  rencontre  dans  les 
eaux  douces  du  littoral,  il  faut  noter  d'abord  sept 
espèces  qui  vivent  aussi  dans  la  mer;  ce  sont  : 
Gobius  rhodopterus^  G.  paganeltus,  Blennius  vulgaris, 
AtherinaRissoi^  Mugil cephalus,  M.  Capilo,  Clupeaflin- 
ta.  Mais  les  eaux  douces  ont  en  propre  :  le  Barbeau  de 
La  Galle,  qui  se  trouve  partout  en  Algérie,  parfois  en 
quantités  énormes;  il  est  pour  bien  des  localités  de 
l'intérieur  une  ressource  précieuse,  ce  poisson  se 
retrouve  dans  le  Tage.  Plus  rarement  on  trouve  le 
Barbeau  de  Sétif,  qui  diffère  par  le  nombre  des  séries 
longitudinales  d'écaillés  entre  la  ligne  latérale  et 
l'insertion  delà  ventrale,  qui  est  invariablement  de  six 
pour  le  Barbus  callensis  et  de  cinq  pour  le  B.sitifensis. 

L'Anguille  ne  manque  dans  aucun  cours  d'eau,  lac 
ou  mare;  dans  le  Felzara  et  à  la  Macta,  elle  est  péchée 
en  grande  quantité. 


282  LÀ   FAUNE. 

Une  Truite  {Sah/io  macrostigma)^  qui  est  le  représen- 
lant  le  plus  méridional  du  genre,  se  rencontre  en  assez 
grande  abondance  dans  l'Oued  Zhour,  dont  les  eaux 
froides  et  limpides  roulent  sur  un  lit  de  gneiss  et  de 
granit,  à  l'ombre  des  forêts  de  chênes.  Cette  truite  a  été 
propagée  dans  les  rivières  du  littoral  constantinois, 
et  c'est  à  ces  tentatives  de  propagation  que  l'on  doit 
attribuer  une  croyance  erronée  assez  répandue 
touchant  l'origine  de  cette  Salmonide,  qui  aurait  été 
introduite  en  Algérie.  Il  n'en  est  rien,  le  Salmo  ma- 
crostigma  est  bien  ime  espèce  indigène,  commune  de 
tout  temps  dans  l'Oued  Zhour  et  bien  connue  des 
Kabyles  de  la  région. 

Le  Leucisciis  callensis  peuple  tous  les  lacs  et  tous 
les  cours  d'eau,  dans  Test  de  l'Algérie. 

Une  épinoche  [GasterostcMS  brachyceniru?)  est  assez 
commune  dans  la  Mitidja. 

Le  Carassius  ou  Poisson  rouge  de  Chine  s'est  natu- 
ralisé dans  beaucoup  de  cours  d'eau,  il  abonde 
notamment  dans  la  Moulouia. 

Nous  comptons  aussi,  au  nombre  des  poissons 
d'eau  douce  du  Tell,  le  Syngnalhus  a/geriensis,  dont 
les  congénères  vivent  dans  les  mers  et  deux  autres 
espèces  dans  les  fleuves  africains.  Ce  poisson,  décou- 
vert par  M.  Letourneux,  au  confluent  de  l'Oued  Cherf 
et  du  Bon  Hamdan  (Constantine),  habite  à  80  kilo- 
mètres delà  mer. 

Dans  les  Hauts-Plateaux,  les  sources  sont  peuplées 
de  petites  espèces,  qui  se  propagent  parfois  avec  une 
intensité  extraordinaire,  tels  sont  les  Cypridon  cala- 
rinaius  et  C.  Iberus^  le  Tellia  opoda,  le  Leuciscus  cal- 
lensis et  enfin  le  Cristiceps  argentalus  signalé  par 
MM.  Letourneux  et  Playfair,  dans  les  rigoles  d'écou- 


CRUSTACÉS.  283 

le  ment  de  la  fontaine  Malakoff,  puits  artésien  creusé 
dans  le  bassin  du  Zahrez,  entre  Alger  et  Laghouat. 
Ce  blennioïde  était  connu  dans  la  Méditerranée; 
mais  sa  présence  dans  les  eaux  d'un  puits  artésien 
est  un  fait  intéressant  pour  la  faune  ichthyologique 
de  l'Algérie. 

La  faune  ichthyologique  du  Sahara  est  surtout 
curieuse  par  les  espèces  qui  habitent  les  gouffres  ou 
Bahrs,  voyagent  dans  les  nappes  souterraines  et 
seraient  rejetées  par  les  puits  artésiens,  ce  sont  sur- 
tout des  Chromides,  Chromis  Zillii,  Ch.  Desfontainei^ 
IJemichromis  Sahcume,  IL  /lollandi^  puis  le  Cyprino- 
don  calarmaius. 

L'Atherina  Rissoi  se  retrouve  aussi  dans  les  Zibans. 

Y[.  —  Articulés. 

Les  Articulés  jouent  un  rôle  important  dans  la 
faune  algérienne,  ils  sont  nombreux  en  espèces  et 
en  individus.  Nous  trouvons  des  espèces  qui  sont 
pour  nous  des  ennemis  plus  ou  moins  redoutables. 

Les  spéciaUstes  trouveront  encore  en  Algérie  bien 
des  constatations  intéressantes  à  faire. 

Crustacés.  —  Les  Crustacés  marins  sont  peu  diffé- 
rents sur  les  rivages  de  la  Méditerranée,  quelques 
espèces  communes  se  rencontrent  fréquemment  sur 
les  marchés,  telles  que  la  Langouste  qui  est  pêchéc 
sur  les  côtes  rocheuses ,  le  Scyllare  ou  Cigale  de 
mer,  lesPalemon  elPeneus  caro??ia^e,  les  Pagures,  les 
Crabes,  le  Maia.la  Squille. 

Parmi  les  Crustacés  d'eau  douce,  la  Telpheuse 
[Telphensa  fluviatilis)  peuple  presque  tous  les  cours 
d'eau  et  les  moindres  sources;  ce  curieux  Crabe  peut 


284  LA   FAUNE. 

rester  longtemps  hors  de  Teau  et  on  le  rencontre 
parfois  dans  des  stations  arides  où  il  est  à  la  recherche 
de  sa  nourriture,  il  devient  vite  familier. 

Dans  les  Hauts-Plateaux,  il  est  fréquent  de  rencon- 
trer VApus  cancriformis. 

Enfin  la  Chevrette  {Branchipiis  stagnalis)  se  trouve 
parfois  sur  le  littoral,  dans  les  ruisseaux  et  les  mares. 

Les  Cloportes  sont  communs,  notamment  VArma- 
dille  officinal. 

Arachnides.  — Les  Arachnides  sont  nombreuses, 
on  connaît  déjà  un  grand  nombre  d'espèces  spéciales. 
Dans  les  terrains  arides  des  steppes,  on  rencontre 
les  Galéodes  ou  Solpuges,  qui,  très  agressives,  parais- 
sent redoutables  avec  leurs  énormes  crochets  veni- 
meux, mais  qui  cependant  ne  sont  connues  pour 
aucun  méfait  grave. 

Il  en  est  de  même  des  grosses  Lycoses,  qui  abondent 
dans  les  plaines  chaudes  de  Tintérieur. 

Les  Faucheux  [Phalangium)  sont  nombreux  en 
espèces,  presque  toutes  spéciales  au  Nord-Afrique. 

Enfin  les  Scorpionides  se  rencontrent  un  peu  par- 
tout, sur  le  httoral,  le  Scorpion  d'Europe  {Se.  occi- 
lanus)  habite  sous  les  pierres  ;  dans  les  terrains  argi- 
leux, dans  des  trous  profonds,  vit  le  Scorpion  palmé, 
de  couleur  foncée  et  à  pinces  larges;  c'est  dans  la 
région  désertique  seulement  que  vivent  les  Scorpions 
{Se.  jEneas  et  funestus)  susceptibles  de  causer  des 
accidents  graA^es  pendant  les  fortes  chaleurs  de  l'été. 

Myriapodes.  —  Ils  présentent  aussi  quelques 
espèces  intéressantes  :  une  Géophile  phosphorescente 
et  le  Scolopendra  scopoliana^  redouté  pour  sa  mor- 
sure douloureuse. 

Insectes.  —  La  faune  entomologique  du  nord  de 


INSECTES.  285 

l'Afrique  n'a  pas,  plus  que  la  flore,  un  caractère  propre 
bien  tranché,  la  plupart  des  espèces  appartiennent 
aux  contrées  méridionales  de  l'Europe,  quelques-unes 
se  retrouvent  en  Egypte,  au  Sénégal  et  môme  jusqu'au 
cap  de  Bonne-Espérance.  Le  plus  grand  nombre 
d'espèces  rentrent  dans  les  genres  européens.  Comme 
nous  l'avons  observé  à  propos  de  la  flore,  on  trouve 
une  assez  grande  différence  entre  l'Est  et  l'Ouest, 
les  affinités  de  l'Est  sont  avec  la  Sicile,  l'Italie  et  la 
France  méridionale,  tandis  que,  dans  l'Ouest,  nous 
retrouvons  une  grande  ressemblance  avec  l'Espagne. 
La  faune  entomologique  saharienne  n'est  pas  non 
plus  caractérisée  par  des  espèces  algériennes  nom- 
breuses, les  types  sont  ceux  de  tout  le  Sahara,  de  la 
mer  Rouge  à  TOcéan  Atlantique. 

Les  grands  Garabiques  comme  \o^  A  ni kia,  les  Sca- 
rites,  de  nombreux  Ténébrionides  impriment  cepen- 
dant un  cachet  particulier  à  la  faune  saharienne. 

Les  Fourmis  sont  nombreuses  en  Algérie  et  leur 
étude  présenterait  assez  d'intérêt  pour  un  naturaliste 
qui  multiplierait  ses  investigations.  M.  Forel,  à  diffé- 
rentes reprises,  a  passé  quelques  semaines  en  Algérie 
et  y  a  fait  d'intéressantes  découvertes. 

Dans  les  plaines,  l'espèce  qui  attire  bien  vite  l'at- 
tention est  la  fourmi  moissonneuse,  Aphanogaster  ou 
Me^sor  barbarus,  qui  fait  d'abondantes  provisions  de 
grains  aux  dépens  des  céréales  des  colons  ;  cette 
fourmi,  dans  certaines  régions,  devient  parfois  un 
fléau. 

Dans  le  Sud,  dans  les  parties  sableuses  de  la  région 
saharienne,  on  observe  une  autre  moissonneuse,  le 
Messor  arenarius^  qui  fait  son  nid  à  une  grande  pro- 
fondeur. Des  diverses  chambres  de  ce  nid  partent  des 


286  LA   FAUNE. 

galeries,  qui,  dans  un  rayon  de  8  à  10  mètres,  viennent 
s'ouvrir  à  la  surface  par  de  nombreux  orifices  en- 
tourés chacun  par  un  cratère  en  forme  de  croissant 
et  composé  de  boulettes  de  sable.  Ces  petites  pelottes 
de  sable  ont  2,5  à  4  millimètres  et  proviennent  du 
creusement  des  galeries  et  des  chambres  souter- 
raines. Cette  fourmi  agglutine  ainsi  les  grains  de 
sable  pour  en  faire  une  charge  suffisante.  Dans  les 
greniers,  on  trouve  une  grande  variété  de  graines; 
mais  dans  la  région  du  Drinn  (Aristida  pungeiis)^  c'est 
le  grain  de  cette  Graminée  qui  domine. 

Dans  les  forêts  de  chene-liége,  le  Cremaiogaster 
sculellaris  creuse  des  galeries  dans  le  liège  qu'il 
transforme  en  labyrinthe  et  cause  des  dégâts  très 
sérieux.  Sur  certains  points,  on  observe  aussi  sur  les 
mêmes  arbres  une  autre  fourmi  du  genre  Campono- 
tus,  qui  niche  de  la  même  façon  dans  le  liège  et  dont 
les  galeries  sont  creusées  dans  les  parois  des  galeries 
du  Cremaiogaster^  ce  qui  forme  un  nid  double. 

Le  Camponotus  ressemble  au  Cremaiogaster  et, 
grâce  à  ce  mimétisme  et  à  son  agiUté,  il  peut  parfois 
circuler  sans  trop  de  danger  dans  les  galeries  du 
Cremaiogaster. 

Les  Abeilles  sont  en  honneur  chez  les  Indigènes 
sédentaires,  qui  apprécient  le  miel  et  en  consom- 
ment de  grandes  quantités.  Les  ruches  sont  à 
proximité  des  forêts  de  chêne-hège,  formées  par  un 
gros  cylindre  de  liège  mâle;  dans  d'autres  régions, 
c'est  une  sorte  de  panier  long  en  tige  de  férule  ; 
l'abeille  algérienne  est  très  active  et  très  appréciée 
des  apiculteurs;  le  miel  est  variable  suivant  les  sai- 
sons et  les  régions,  généralement  parfumé  ;  il  est, 
chez  les  Indigènes,  récolté  sans  soin  et  mal  conservé. 


SAUTERELLES.  287 

Les  Pucerons,  Cochenilles  et  Kermès  envahissent 
un  grand  nombre  de  plantes  spontanées  et  pullulent 
parfois  dans  les  cultures. 

Les  Aphis  attaquent  les  fèves  et  d'autres  Légumi- 
neuses, les  melons  surtout,  quand  ces  plantes  sont 
exposées  à  la  sécheresse.  Les  orangers  sont  souvent 
couverts  de  petites  pustules  noires,  formées  par  le 
Parlaioria  Lucasi  ;  cette  cochenille  n'est  malheureu- 
sement pas  combattue  et  envahit  de  plus  en  plus  les 
orangeries.  Les  oliviers  sont  parfois  attaqués  par 
différentes  cochenilles  {Lecanicus),  qui  déterminent 
la  production  de  la  fumagine. 

Sur  les  figuiers,  le  Céroplaste  s'implante  sur  les 
rameaux. 

La  vigne  nourrit  quelques  Cochenilles  et  porte 
parfois  sur  ses  racines  et  sans  en  souffrir,  le  Rhizœcus 
falcifer,  qu'à  un  examen  superhciel  on  pourrait  con- 
fondre avec  le  phylloxéra.  Quelques  insectes  mé- 
ritent une  mention  spéciale,  à  cause  des  dégâts 
considérables  qu'ils  causent  dans  les  cultures.  En 
première  ligne,  viennent  les  Sauterelles,  l'Altise  de 
la  vigne  et  un  ver  blanc,  le  Douda  des  Arabes. 

Sauterelles.  —  L'Écriture  sainte  a  vulgarisé  la 
notion  du  terrible  fléau  que  constituent  les  invasions 
de  sauterelles,  mais  ce  n'est  que  de  visu  que  l'on 
peut  s'en  faire  une  idée  exacte. 

Les  insectes  désignés  vulgairement  sous  le  nom  de 
Sauterelles  se  divisent  en  deux  groupes  :  les  Sauterelles 
proprement  dites  ou  Locustiens^  caractérisées  par 
leurs  longues  antennes,  l'oviscapte  en  forme  de  sabre 
qui  termine  l'abdomen  de  la  femelle  et  l'appareil 
musical  formé  par  leurs  deux  élytres,  dont  l'une  sert 
d'archet  et  l'autre  d'instrument  musical  ;  le  deuxième 


288  LA  FAUNE. 

groupe,  celui  des  Acridiens,  est  caractérisé  par  la 
brièveté  de  ses  antennes,  l'absence  d'oviscapte  en 
forme  de  sabre  chez  la  femelle  et  l'appareil  stridula- 
toire  dans  lequel  l'archet  est  formé  par  les  pattes 
frottant  contre  les  ély  très.  C'est  à  ce  dernier  groupe  des 
Acridiens  qu'appartiennent  les  espèces  dévastatrices. 

Deux  espèces  sont  à  redouter  en  Algérie  : 

1"  V Acridium  peregrinum  Ohvier,  ou  Criquet  pèle- 
rin, Djerad  el  Arbi  des  Arabes,  qui  vient  du  sud  (du 
Soudan  probablement)  en  grandes  invasions,  tous  les 
dix  ans  environ.  C'est  la  sauterelle  de  l'Écriture  sainte  ; 

2°  Le  Staiironotus  maroccanus  ïhunberg,  le  Cri- 
quet marocain,  Djerad  el  Adami  des  Arabes,  espèce 
plus  petite,  qui  existe  toujours  dans  le  pays  et  pres- 
que tout  le  tour  de  la  Méditerranée,  mais  qui,  se 
multipliant  extraordinairement  à  certaines  époques, 
forme  un  fléau  plus  localisé,  mais  plus  persistant 
que  la  première . 

Acridium.  peregrinum.  —  Comme  aux  temps 
bibliques,  cette  Sauterelle  vient,  de  temps  à  autre,  du 
Soudan  en  nuées  innombrables,  qui  se  dirigent  tou- 
jours vers  le  nord,  ravageant  tout  sur  leur  passage, 
finissant,  le  plus  souvent,  par  s'abîmer  dans  la  mer, 
qui  rejette  leurs  cadavres  en  énormes  cordons  sur  le 
rivage.  La  putréfaction  de  ces  masses  d'insectes 
engendre  souvent  la  peste  ou  le  typhus,  dont  les 
ravages  s'ajoutent  à  ceux  de  la  famine  produite  par 
leurs  déprédations. 

Adulte,  le  criquet  pèlerin  a  le  corps  droit  tout 
d'une  venue,  ses  grandes  élytres  transparentes  et 
tigrées  dépassent  l'abdomen.  Sa  longueur  est  de 
5  centimètres  pour  le  mâle,  7  pour  la  femelle.  La 
couleur  varie  avec  l'âge;  il  est  d'abord  d'un  rouge 


SAUTERELLES. 


289 


vineux  qui  devient  peu  à  peu  terre  de  Sienne,  puis 
jaune  citron,  surtout  chez  le  mfile.  I.a  femelle  reste 


a, 


3 


o 


parfois  d'une  couleur  vineuse  ou  même  le  redevient, 
après  avoir  été  jaune  citron  (1).  L'abdomen  de  la 

(1)  Le  prothorax  porte  certaines  marques  gravées  en  creux 
Bkttandier  et  Trabut.  — Algérie.  19 


290  LA   FAUNE. 

femelle  est  muni  d'une  forte  tarière  cornée,  qui  lui] 
permet  de  creuser  le  sol  par  un  mouvement  de  rota- 
tion, afin  d'y  enfouir  ses  œufs.  Le  trou  ainsi  creusé' 
est  cylindrique  et  vertical,  de  la  grosseur  d'un  forti 
porte-plume  et  d'une  profondeur  de  8  à  12  centi- 
mètres. Pour  creuser  cette  cavité,  la  femelle,  ayant 
son  mâle  sur  le  dos,  recourbe  son  abdomen  à  angle 
droit,  et  à  mesure  que  le  trou  devient  plus  profond 
les  derniers  segments  abdominaux  se  développent 
comme  les  étuis  d'une  lunette.  Si  l'on  arrache  vio- 
lemment cette  femelle  de  son  trou,  son  abdomen 
ressemble  à  un  gros  ver  blanchâtre  et  luisant,  de  8  à 
d2  centimètres.  Le  trou  terminé  est  enduit  d'une 
matière  albumineuse,  puis  les  œufs  sont  pondus  en 
grappe  cylindrique  de  4  à  6  centimètres  de  long. 
Ils  sont  longs  de  8  à  10  milUmètres  sur  1  milUmètre 
de  largeur,  agglutinés  entre  eux  par  cette  même 
substance  albumineuse,  dont  la  femelle  remplit  le 
reste  du  trou  jusqu'au  ras  du  sol.  C'est  une  protec- 
tion, en  même  temps  qu'une  réserve  alimentaire 
pour  les  jeunes.  Ce  bouchon  se  dessèche  en  pelh- 
cules  blanchâtres. 

Les  sauterelles  ne  meurent  pas,  comme  on  le 
croyait,  après  la  ponte.  Elles  sèment  bien  des  cada- 
vres sur  leur  passage,  mais,  à  moins  d'épidémie 
parasitaire,  ces  cadavres  sont  peu  nombreux.  Il  est 
démontré  aujourd'hui,  surtout  par  les  expériences 
de  M.  Kiinckel  d'Herculais,  que  la  même  femelle 
opère  plusieurs  pontes  successives.  Sur  leur  im- 
mense parcours  du  Soudan  au  httoral,  elles  pondent 
plusieurs  fois  et  il  est  probable  que  ce  sont  les  pro- 

qui  font  dire  aux  Arabes  que   chaque  criquet  porte  sur  son 
collier  un  numéro  matricule. 


SAUTERELLES.  29i 

diiits  additionnés  de  ces  pontes  successives  qui 
arrivent  dans  le  Tell. 

Le  criquet  pèlerin  est  muni  d'ailes  puissantes,  il 
vole  comme  l'oiseau  A^ers  le  but  où  il  veut  aller  et 
n'est  nullement  porté  par  le  vent.  Bien  au  contraire, 
il  vole  généralement  contre  le  vent,  dont  il  remonte 
le  courant.  Si  le  vent  est  trop  violent,  il  peut  être 
reporté  en  arrière,  mais  sans  cesser  de  faire  face, 
et  dès  que  la  force  du  vent  diminue,  il  revient 
vers  son  but.  Il  va  généralement  du  sud  au  nord, 
mais  en  modifiant  fréquemment  cette  direction  sui- 
vant les  circonstances,  pour  contourner  les  massifs 
montagneux,  suivre  les  vallées,  etc.  Arrivées  au  bord 
de  la  mer,  les  sauterelles  dévient  pour  suivre  le  ri- 
vage, parfois  pourtant  elles  se  lancent  en  avant,  peut- 
être  dans  l'espoir  de  la  traverser  et  se  noient  en 
masses  énormes.  Il  n'est  pas  rare  que  deux  vols 
arrivent  en  sens  inverse  et  se  rencontrent.  Il  se 
produit  alors  une  certaine  confusion,  puis  les  deux 
vols  réunis  prennent  une  nouvelle  direction. 

La  vue  des  sauterelles  semble  avoir  une  grande 
portée,  car  nous  avons  été  témoins  du  phénomène 
suivant  :  elles  ont  traversé  la  rade  d'Alger  (18  kil.), 
et  se  sont  détournées  de  la  pleine  mer. 

Les  sauterelles  volent  parfois  à  une  grande  hauteur, 
formant  de  véritables  nuages  qui  obscurcissent  la 
lumière  du  soleil,  mais  le  plus  souvent  elles  volent 
à  une  faible  hauteur,  depuis  le  sol  jusques  à  3, 4,  S  ou 
6  mètres.  Ce  sont  celles  qui  cherchent  à  se  poser 
pour  pondre,  ce  sont  celles-là  qui  sont  à  craindre.  On 
dirait  une  chute  de  neige  en  énormes  flocons,  maie 
ces  flocons  volent  dans  une  direction  horizontale. 
Pourtant  il  s'en  pose  constamment  à  terre,  d'autres 


292  LA  FAUNE. 

repartent  aussi.  Le  vol  commence  dès  que  le  soleil 
a  pris  une  certaine  force,  vers  huit  heures  du  matin, 
il  s'arrête  vers  cinq  ou  six  heures  du  soir,  pour 
recommencer  le  lendemain.  Pendant  la  nuit,  les  sau- 
terelles se  posent  et  mangent.  L'importance  des  vols 
est  variable.  La  densité,  la  largeur,  la  durée  varient 
beaucoup.  Dans  la  dernière  invasion,  un  vol  très 
dense  a  passé  pendant  douze  jours  consécutifs  sur 
la  propriété  de  l'un  de  nous,  sur  une  largeur  de 
2U0  mètres  environ,  sans  que  rien  ait  pu  le  détourner 
de  sa  route. 

Si  les  sauterelles  rencontrent  un  champ  de 
légumes  :  pommes  de  terre,  haricots,  etc.,  il  est 
dévoré  en  peu  de  temps.  A  l'époque  où  elles  arrivent, 
les  moissons  sont  généralement  trop  avancées  et  les 
herbes  sèches  pour  la  plupart.  Aussi  craint-on  sur- 
tout pour  la  vigne  alors  en  pleine  végétation.  C'est 
là  que  se  concentre  la  lutte.  Ce  n'est  pas  que  les 
sauterelles  aiment  beaucoup  la  vigne,  et,  dans  les 
vignes  mal  tenues,  elles  s'attaquent  de  préférence 
aux  mauvaises  herbes,  mais  à  défaut  d'autre  chose 
elles  mangent  les  ceps.  Elles  préfèrent  les  cépages 
blancs,  et  dans  les  cépages  noirs,  ceux  qu'elles  trou- 
vent les  plus  tendres.  Dans  l'invasion  de  i891,  les 
vignes  bien  travaillées  leur  convenant  pour  la  ponte, 
il  était  impossible  de  les  empêcher  de  s'y  poser. 
Nous  les  avons  vues  couper  des  ceps  gros  comme  le 
petit  doigt  et  finir  par  manger  les  feuilles  couvertes 
de  bouilhe  bordelais3  et  même  de  soufre  Schlœsing, 
qui  au  premier  abord  les  avait  fait  fuir. 

On  a  souvent  dit  que  les  sauterelles  s'entassent 
sur  le  sol  à  un  décimètre  et  plus  de  hauteur.  Nous 
croyons  qu'il  faut  dans  ces  récits  faire  une  large 


SAUTERELLES.  293 

part  à  l'exagoration.  Nous  ne  les  avons  jamais  vues 
couvrir  totalement  le  soL  Le  plus  que  nous  en  ayons 
vu,  sauf  dans  des  cas  tout  h  fait  particuliers,  dus  à 
l'intervention  de  l'homme,  c'est  200  par  mètre 
carré. 

Pour  la  ponte,  elles  choisissent  les  terrains  les  plus 
meubles  et  se  réunissent  en  taches  rondes,  parfois 
en  Ugnes,  suivant  la  nature  du  sol.  On  peut  alors 
les  écraser  sans  qu'elles  bougent. 

Pour  se  défendre  contre  les  sauterelles  ailées,  on 
peut  les  écraser  ou  les  ramasser  la  nuit  et  pendant 
la  ponte.  On  y  arriverait  facilement  en  pays  très  peu- 
plé, mais  en  Algérie  c'est  le  plus  souvent  imprati- 
cable. Des  filets  pourraient  aussi  arriver  aies  ramas- 
ser en  grande  quantité  et  l'on  pourrait  en  faire  de 
l'engrais;  toutefois  ce  procédé,  recommandé  par 
M.  DessoUers,  n'a  jamais  été  mis  en  pratique.  On  se 
borne  le  plus  souvent  à  faire  le  possible  pour  éviter 
les  pontes  et  l'on  n'y  parvient  pas  toujours,  les 
nuages  artificiels  ont  été  tout  à  fait  impuissants,  les 
sifflets  de  machine  h  vapeur  ont,  dit-on,  écarté  quel- 
ques vols.  On  cherche  d'ordinaire  à  les  empêcher 
de  se  poser,  en  faisant  le  plus  de  bruit  possible  en 
frappant  sur  des  chaudrons,  en  les  frappant  à  terre 
avec  des  branches,  mais  inutilement  bien  souvent. 
Un  moyen  avantageux  pour  les  vignes  est  le  sui- 
vant: un  certain  nombre  de  porteurs  tendent  une 
longue  corde,  d'où  pendent  des  bandes  de  toile,  dans 
tous  les  intervalles  des  rangs  de  ceps  qui  ne  sont 
pas  occupés  par  un  porteur.  Ces  bandes  balayent  les 
intervalles  des  rangs.  Avec  huit  porteurs,  on  peut 
ainsi  balayer  quinze  rangs  et  même  vingt-deux.  Mal- 
gré ces  précautions,   dans  la  majorité  des  cas,  les 


294  LA  FAUNE. 

sauterelles  pondent  quand  même,  et  bientôt  après 
abandonnent  le  théâtre  de  leurs  exploits.  Que  devien- 
nent-elles ?  Elles  continuent  plus  loin  pendant  quel- 
ques jours  la  môme  manière  de  faire,  puis  disparais- 
sent totalement.  Beaucoup  se  noient  en  mer,  un 
certain  nombre  se  cantonnent  dans  les  marais  ;  les 
autres  meurent  naturellement  ou  par  des  maladies 
parasitaires. 

Mais  la  graine  qu'elles  ont  laissée  dans  le  sol  est 
bien  vivante  et  c'est  là  qu'est  le  danger  principal. 
Les  dégâts  causés  parles  sauterelles  adultes  ne  sont 
rien,  comparés  à  ceux  de  leur  progéniture.  Les  œufs 
mettent  à  éclore  un  temps  qui  peut  varier  de  dix- 
sept  à  trente-six  jours,  suivant  la  nature  du  sol,  la 
profondeur  où  ils  ont  été  enfouis,  la  température  et 
peut-être  d'autres  conditions.  D'abord  d'un  jaune 
brunâtre  et  hyalins,  ils  ne  tardent  *pas  à  se  gonfler,  à 
devenir  opaques  et  d'un  blanc  grisâtre,  le  plus  sou- 
vent ils  sont  comme  poudrés  par  des  efflorescences 
blanchâtres  de  nature  cryptogamique.  Bientôt,  à  tra- 
vers l'enveloppe  de  l'œuf,  on  distingue  l'insecte  qui 
ne  tardera  pas  à  éclore.  C'est  contre  l'œuf  que  porte 
surtout  la  campagne  défensive.  Les  Arabes  prêtent 
à  Mohamed  le  dicton  suivant  :  «  La  sauterelle  pond 
99  œufs  ;  si  elle  en  pondait  100,  le  monde  n'existerait 
plus.  »  Les  grappes  sont  en  effet  de  80  à  120  œufs. 
Lorsque  les  pontes  sont  abondantes  dans  le  sol,  elles 
le  font  fendre  à  mesure  que  les  œufs  grossissent. 

On  peut  faire  ramasser  les  œufs  à  la  pioche,  en  les 
payant  tant  le  boisseau.  Ils  forment  un  excellent 
engrais,  mais  dans  les  grandes  invasions,  il  faut  des 
systèmes  plus  expéditifs.  Les  labours  rendent  de 
grands  services,  mais  les  résultats  varient  suivant  la 


SAUTERELLES.  29o 

nature  du.  terrain.  Dans  les  terres  fortes,  un  seul 
labour  à  15  centimètres  de  profondeur  suflit  pour 
tout  détruire  ou  à  peu  près.  SU  s'agit  d'une  vigne,  il 
faut  piocher  partout  où  la  charrue  n'a  pu  atteindre. 
Si  la  terre  se  met  en  mottes  grosses  comme  le  poing 
ou  même  comme  les  deux  poings,  les  œufs  se  dessè- 
chent totalement.  11  en  va  autrement  dans  les  ter- 
rains meubles  et  surtout  dans  le  sable.  Il  vaudrait 
mieux  alors  labourer  profondément,  car  les  œufs 
enfouis  à  plus  de  15  centimètres  de  profondeur 
n'éclosent  pas,  ou  plutôt  les  jeunes  qui  en  résultent 
ne  peuvent  pas  atteindre  la  surface  (1).  Si  l'on  fait 
des  labours  légers,  et  il  n'est  pas  possible  d'en  faire 
d'autres  dans  les  vignes,  seuls  les  œufs  amenés  à 
la  surface  sèchent.  A  5  centimètres  dans  le  sable, 
tous  les  œufs,  même  désagrégés,  éclosent.  On  se 
trouve  bien,  en  pareil  cas,  de  hersages  fréquents. 

Malgré  tout,  quand  les  pontes  ont  été  abondantes, 
il  éclùt  beaucoup  de  criquets  dans  les  terrains 
sableux.  C'est  contre  eux  qu'il  va  falloir  diriger  la 
lutte,  et  non  seulement  contre  ceux  de  son  propre 
terrain,  mais  aussi  contre  les  colonnes  venant  du 
dehors.  On  peut  aussi  dans  certains  cas  détruire  les 
œufs  en  les  noyant.  Il  suffit  d'irriguer  à  grande  eau: 
tous  pourrissent. 

Dès  que  le  jeune  criquet  éclôt,  il  est  un  peu  plus 
long  que  l'œuf  et  tout  blanc.  A  ce  moment,  il  est  à 
peu  près  immobile.  On  peut  en  écraser  beaucoup,  en 
les  frappant  soit  avec  des  sacs  alourdis  par  un  peu 
déterre,  soit  avec  des  branches  bien  feuillées,  comme 
celles  d'Eucalyptus.  On  peut  aussi  les  arroser  avec 

(1)  C'est  ce  qui  résulte  des  expérieDces  efifectuées  par  l'un 
de  nous. 


â96  LA  FAUNE. 

des  solutions  d'acide  phénique  à  4  p.  iOO  ou  de 
l'huile  lourde  de  houille  émulsionnée.  Mais  sur  la 
même  place,  il  éclut  des  criquets  sept  à  huit  jours 
de  suite  et  il  faut  recommencer  tous  les  matins.  Sitôt 
que  le  soleil  a  frappé  les  jeunes  criquets,  ils  devien- 
nent tout  noirs  et  fort  agiles.  Ils  semblent  s'être 
raccourcis,  leur  tête  s'est  développée,  ils  ressemblent 
alors  à  des  mouches,  et  commencent  bientôt  à  man- 
ger. Rien  ne  peut  donner  une  idée  de  l'appétit  du 
jeune  criquet,  Il  dévore  tout  ce  qu'il  rencontre, 
même  les  champs  de  tabac,  sans  paraître  incommodé. 
Tous  les  soirs,  au  coucher  du  soleil,  les  jeunes  cri- 
quets se  rassemblent  en  tas  et  cherchent  d'abord  les 
rayons  du  soleil  couchant,  puis  des  abris,  car  Us 
sont  frileux.  Si  l'on  met  à  leur  portée  des  paquets 
de  paille  ou  de  broussailles,  ils  se  cachent  dessous. 
Si  l'on  y  met  le  feu  à  la  nuit  tombante,  aucun 
n'échappe.  Lorsqu'ils  sont  dispersés  dans  les  pieds 
de  vigne,  on  peut  en  prendre  avec  des  entonnoirs  à 
Altises;  mais  comme  ils  ont  une  grande  tendance  à 
se  mettre  en  troupes  et  h  marcher  en  colonnes  com- 
pactes, il  vaut  mieux,  pour  les  détruire,  profiter  de 
cette  disposition  (1).  De  distance  en  distance,  on 
creuse  de  petites  fosses,  et  avec  des  branches  on  y 
conduit  les  criquets  que  l'on  enterre  rapidement. 
Après  la  première  mue,  ils  ont  encore  leur  couleur 
noire  avec  des  stries  blanches.  Ils  continuent  à  gros- 
sir, mais  sans  pouvoir  voler  jusqu'à  la  cinquième 
mue  ;  ils  deviennent  alors  des  insectes  parfaits.  A 
chaque  mue,  ils  augmentent  de  volume,  deviennent 

(l)  11  est  bon  de  relever  les  branches  des  ceps  et  de  les  lier 
toutes  ensemble  avec  du  raphia.  Les  criquets  y  séjournent 
moins  et  se  mettent  plus  facilement  en  colonne. 


SAUTERELLES.  297 

plus  vigoureux,  et  leur  corps  se  bariole  de  teintes 
blanches  ou  rosées  assez  élégantes.  A  mesure  qu'ils 
grossissent,  leur  pouvoir  dévorant  croît  en  propor- 
tion. Ils  dévorent  tout  sur  leur  passage,  même  les 
cadavres  de  leurs  compagnons  moris.  Il  arrive  môme 
qu'ils  sebatteiit  pour  s'entre-manger,  en  vrais  canni- 
bales. Dés  les  premières  mues,  ils  cherchent  à  se  ras- 
sembler en  colonnes  si  compactes  qu'elles  couvrent 
le  sol  d'une  couche  noire  continue,  de  largeur  et  de 
longueur  très  variables.  On  dirait  une  bande  d'étoffe 
rampant  d'elle-même  sur  le  sol,  à  la  manière  d'un 
reptile.  Certaines  de  ces  bandes  ont  plus  d'un  kilo- 
mètre de  longueur.  Cette  phalange  va  droit  devant 
elle,  suivant  toujours  invariablement"  la  tête  de 
colonne.  Celle-ci  peut  d'ailleurs  prendre  une  direc- 
tion quelconque,  suivant  qu'elle  est  effrayée  ou 
qu'elle  trouve  un  chemin  plus  propice.  On  peut  la 
diriger,  en  lui  préparant  des  chemins  propres  et  bien 
ratisség.  La  nuit,  les  colonnes  s'arrêtent  et  dévorent 
tout  ce  qu'elles  rencontrent.  11  en  est  de  même  le 
jour,  si  elles  rencontrent  de  la  verdure.  Si  l'on  creuse 
une  fosse  sur  le  trajet  de  la  colonne,  elle  donne 
dedans  tête  baissée  jusqu'à  ce  que  la  fosse  soit 
pleine,  après  quoi  le  reste  passe  par-dessus.  Cette 
tactique  réussit  partout,  si  l'on  a  soin  d'empêcher 
par  des  obstacles  que  la  colonne  n'évite  la  fosse. 
Mais  le  principal  moyen  de  combattre  les  jeunes 
criquets  consiste  à  barrer  de  vastes  étendues  par  un 
mur  continu,  soit  en  toile,  soit  en  zinc.  Les  criquets 
encore  dépourvus  d'ailes  arrivent  contre  ce  mur  et 
essayent  de  l'escalader.  Les  défenseurs  s'y  opposent, 
soit  en  rendant  le  mur  glissant  (zinc  bien  net),  ou 
en  mettant  au  haut  du  mur  de  toile  une  bande  con- 


298  LA  FAUNE. 

tinue  de  un  décimètre  de  largeur  environ  en  toile 
cirée,  ce  qui  constitue  Tappareil  Durand,  dit  à  tort 
appareil  cypriote,  soit  en  frappant  les  toiles  pour 
renverser  les  assaillants.  Ceux-ci  se  mettent  alors  à 
longer  la  toile  et  tombent  dans  des  fosses  préparées 
d'avance  qu'ils  remplissent  pendant  qu'on  en  pré- 
pare d'autres.  Les  criquets  sont  détruits  dans  les 
fosses  de  diverses  manières,  soit  en  les  piétinant 
s'il  y  en  a  peu,  soit  en  les  recouvrant  de  terre,  soit 
en  les  brûlant  par  le  feu,  l'acide  phénique  ou  l'huile 
lourde  de  houille.  Leurs  cadavres  dégagent  une  odeur 
fade  écœurante.  On  peut  par  ces  moyens  défendre 
une  commune,  voire  même  un  pays  entier  aussi  bien 
qu'un  simple  champ.  11  arrive  aussi  que  ces  défenses, 
si  longues  qu'on  les  fasse,  soient  tournées  et  qu'il 
faille  se  replier  en  arrière. 

Les  murs  en  zinc  sont  généralement  formés  de 
lames  de  45  centimètres  de  haut  sur  l^'joOdelong.  On 
peut  les  pincer  deux  ensemble  à  leurs  extrémités  en 
contact  par  une  pince  en  fer  qui  sert  en  même  temps 
de  piquet,  ou  bien  on  les  cloue  sur  des  piquets  en  bois. 
Les  bandes  de  toile  ont  des  boutonnières,  dans  les- 
quelles on  passe  une  corde  que  l'on  attache  de  dis- 
tance en  distance  à  des  piquets.  Devant  la  toile,  on 
creuse  un  léger  fossé  avec  les  déblais  duquel  on 
recouvre  le  bas  du  mur  de  toile  pour  ne  pas  laisser 
de  trous.  Ce  fossé  servira  de  chemin  aux  jeunes  cri- 
quets. Le  brouillard  ternit  vite  le  zinc  et  alors  les 
criquets  y  grimpent  très  bien  individuellement, 
comme  après  les  appareils  cypriotes,  mais  les 
colonnes  sont  quand  même  arrêtées.  De  simples 
planches  posées  sur  champ  et  couronnées  d'une 
petite  lame  horizontale  de  zinc  forment  une  bonne 


SAUTERELLES.  299 

protection.  Si  la  lame  de  zinc  ne  fait  saillie  qu'en 
dehors  du  champ  à  protéger,  les  criquets  intérieurs 
peuvent  sortir  sans  que  ceux  du  dehors  puissent 
entrer.  C'est  parfois  une  honne  précaution.  On  peut 
encore  se  défendre  avec  des  fossés  h  parois  verti- 
cales, en  repoussant  avec  des  branches  les  criquets 
qui  les  escaladent,  mais  il  faut  beaucoup  de  monde. 
Si  les  criquets  couvrent  de  vastes  espaces  où  l'on 
puisse  sans  grands  dommages  promener  Tincendie, 
c'est  encore  un  puissant  moyen  de  destruction. 

Dans  un  pays  peuplé,  on  pourrait  facilement 
détruire  la  totahté  de  ces  animaux,  mais  dans  de 
vastes  étendues  broussailleuses,  comme  il  en  existe 
beaucoup  encore  en  Algérie,  de  grandes  quantités 
parviennent  à  l'état  parfait.  La  sauterelle  subit  la  der- 
nière mue  et  sort  avec  ses  ailes.  Sa  taille  est  encore 
inférieure  à  la  normale.  Dès  lors  il  n'y  a  plus  à  s'occu- 
per d'elle,  tout  danger  est  passé.  Pendant  un  jour 
ou  deux  ces  jeunes  criquets  ailés  vont  essayer  leurs 
ailes,  se  réunir  en  troupes,  puis  un  beau  matin  on 
n'en  voit  plus  un  seul.  On  assure  qu'ils  s'élèvent  à 
une  grande  hauteur  dans  Tair  et  s'en  retournent  direc- 
tement vers  le  sud. 

Les  principales  invasions  de  criquets  pèlerins  ont 
eu  heu,  depuis  la  conquête  de  l'Algérie  :  en  18^5-46, 
(mêlés  avec  le  Stauronotus),  en  1866,  en  1874  et 
en  1891.  Dès  novembre  1890,  on  signalait  les  criquets 
dans  l'extrême  Sud. 

Stauronotus  marocanus.  —  Le  Stauroyiotus  maroca- 
niis  est  bien  plus  petit  que  V A cridinm  peregrinum.  Le 
mâle  a  une  longueur  de  20  à  25  milhmètres,  la 
femelle  a  4  centimètres,  sa  couleur  est  grisâtre  avec 
les  derniers  articles  des  pattes  rouges.  Se  multipliant 


300  Lh.  FAUNE. 

dans  le  pays  même,  il  n'a  pas  dans  son  vol  de  direc- 
tion bien  déterminée.  Beaucoup  moins  fort  que 
V Acridium,  ses  ailes  ne  servent  guère  qu'aie  soutenir 
et  c'est  le  vent  qui  le  pousse.  Ses  invasions  sont 
parfois  de  longue  durée  :  cinq,  six,  sept  et  même 
huit  ans.  Les  Indigènes'prétendent  que  de  leur  temps 
il  restait  moins  longtemps.  Gela  n'a  rien  d'impos- 
sible. N'étant  pas  détruit  et  se  multipliant  à  son  aise, 
il  devait  succomber  à  la  famine  qu'il  semait  autour 
de  lui,  et  plus  encore  aux  maladies  parasitaires 
résultant  de  l'encombrement. 

Comme  celle  deVAciidiiim,  la  femelle  du  Stauro- 
notus  pond  ses  œufs  dans  les  sols  légers.  Ces  œufs,  au 
nombre  de  trente  environ,  sont  enfermés  dans  une 
coque  ovigère  de  la  grosseur  d'un  haricot.  Ils  mettent 
neuf  l\  dix  mois  à  éclore.  Comme  pour  VAcridium 
peregrinum,  il  faut  aux  jeunes  un  peu  plus  d'un  mois 
pour  atteindre  leur  développement  complet  et  les 
jeunes  restent  encore  une  quinzaine  de  jours  avant  de 
prendre  leur  vol.  Ils  s'envolent  vers  les  champs  où  ils 
trouvent  de  la  verdure,  puis  finissent  par  disparaître. 
Il  importe  de  détruire  les  œufs,  on  a  pour  cela  un 
temps  considérable-.  Si  l'on  ne  peut  ramasser  les 
coques,  il  est  bon  de  faire  des  labours  peu  profonds 
et  de  fréquents  hersages.  Les  alouettes,  gros  becs, 
calendres,  sansonnets,  etc.,  en  sont  friands  et  aident 
à  leur  destruction,  mais  la  dessiccation  des  coques 
est  le  principal  facteur  de  destruction.  Le  jeune  est 
moins  agile,  dans  les  premiers  jours,  que  le  jeune  de 
VAcridium. 

Les  moyens  de  lutte  contre  eux  sont  à  peu  près 
les  mêmes  que  ceux  que  nous  avons  déjà  exposés. 

Ennemis  des  criquets.  —  Dans  sa  lutte  contre  les 


i 


SAUTERELLES. 


301 


sauterelles,  l'homme  a  plusieurs  auxiliaires,  dont  les 
plus  précieux  sont  de  nature  parasitaire. 

Les  plus  apparents  sont  les  oiseaux  acridophages, 
mais  ce  ne  sont  pas  eux  qui  font  le  plus  de  besogne  au 
moment  des  invasions.  Lors  des  grandes  invasions  de 
pèlerins,  les  oiseaux  disparaissent  totalement  de  l'en- 
droit envahi,  même  les  moineaux  dans  les  heux  où 
ils  pullulent  le  plus.  Mais  vers  la  fin  de  la  campagne, 


Fjg.  28.  —  Idia  fasciala. 


lorsque  la  majeure  partie  des  jeunes  criquets  a  été 
détruite,  ils  emportent  une  bonne  partie  des  survi- 
vants pour  nourrir  leurs  petits.  On  a  préconisé  l'in- 
troduction de  diverses  espèces  de  Martins  et  spéciale- 
ment du  Martin  triste,  pour  combattre  les  cri  quel  s. 
La  destruction  des  perdrix,  cailles,  gangas,  depuis 
la  conquête,  doit  profiter  beaucoup  à  la  multiplica- 
tion du  Stauronotus,  dans  les  Hauts-Plateaux. 

Une  mouche,  Vldia  fasciata  (fig.  28),  détruit  souvent 
une  grande  partie  des  pontes,  elle  dépose  ses  œufs 


302 


LA  FAUNE. 


sur  les  coques  ovigères  qui  sont  bientôt  dévorées 
par  des  larves  carnassières. 

Altise  de  la  Vigne.  —  L'Altise  de  la  Vig^ne,  Altica 
ampelophaga  (fig.  29),  est  un  petit  coléoptère,  assez 
semblable  à  une  Bête  à  bon  Dieu,  hémisphérique,  un 
peu  allongé,  d'un  vert  métalUque  uniforme,  très  lui- 
sant. Quoique  connue  en  France,  l'Altise  de  la  Vigne 
est  loin  d'y  causer  les  môme  dégâts  qu'en  Algérie. 

Dès  que  la  Vigne  commence  à  pousser,  en  mars, 


Fi*?.  29.  —  Altise  de  la  viorne. 


Fig.  30.  —  Entonnoir 
à  Altises. 


l'Altise,  terrée  jusque-là,  sort  de  ses  gîtes  et  envahit 
la  plantation.  Si  elle  se  réveille  avant  la  Vigne,  quel- 
ques plantes,  parmi  lesquelles  on  peut  citer  le  Pal- 
tenis  spinosa^  peuvent  l'héberger  quelques  jours. 
Elle  commence  par  manger  les  jeunes  feuilles  de  la 
Vigne,  mais  ses  dégâts  à  l'état  d'insecte  ailé  ne  sont 
rien  à  côté  de  ceux  de  sa  larve.  11  faut  donc  autant 
que  possible  empêcher  les  pontes.  Gomme  ses  congé- 
nères, l'Altise  de  la  Vigne  est  un  insecte  très  vif,  sau- 
tant avec  agiUté,  et  par  suite  difficile  à  ramasser  dans 
la  journée;  mais  avant  le  lever  du  soleil,  il  est  en- 
gourdi et  se  laisse  prendre  assez  facilement.  On  se 
sert  généralement  pour  cela  de  larges  entonnoirs  en 
zinc,  échancrés  sur  le  côté  pour  laisser  passer  le  pied 


ALTISE  DE  LA  VIGNE.  303 

du  cep  de  vigne  (fig.  30).  Au  centre  de  l'entonnoir, 
est  un  petit  tuyau  auquel  on  adapte  un  sac  en  toile. 
L'entonnoir  passé  sous  le  cep,  on  secoue  celui-ci  et 
les  Altises  glissent  dans  le  sac,  que  l'on  vide  quand 
il  est  plein,  après  l'avoir  immergé  dans  l'eau  bouil- 
lante un  temps  suffi sant  pour  tuer  l'Altise.  Cet  enton- 
noir est  parfois  remplacé  par  de  grands  entonnoirs 
en  toile,  recouverts  de  goudron.  On  a  essayé  en 
A^ain  de  pulvériser  sur  l'Altise  des  liquides  corrosifs 
ou  toxiques:  pétrole,  huiles  lourdes,  etc.,  rien  ne 
peut  l'atteindre  sous  ses  élytres.  Avec  l'émulsionde 
pétrole,  elle  tombe  inanimée,  on  la  croit  morte;  une 
demi-heure  après  elle  repart  plus  vive  que  jamais. 
L'Altise  pond  ses  œufs  en  plaques  à  la  face  inférieure 
des  feuilles  ;  rien  à  faire  contre  eux,  mais  dès  qu'ils 
sont  éclos,  il  faut  se  mettre  à  la  lutte.  La  poudre  de 
chaux,  le  soufre  d'Apt,  tuent  beaucoup  de  larves, 
mais  si  elles  sont  abondantes,  le  mieux  est  d'enlever 
les  feuilles  qui  en  sont  chargées.  Quand  les  larves 
sont  jeunes,  on  peut  laisser  sur  place  les  feuilles  ar- 
rachées, la  larve  sèche  avec  elles,  mais,  si  elles  sont 
déjà  grosses,  il  faut  les  emporter  loin  de  la  Vigne, 
car  elles  regagneraient  le  pied.  Ces  larves  sont  en 
forme  de  petite  chenille  velue.  Leur  pouvoir  dévo- 
rant est  considérable.  Comme  les  jeunes  criquets, 
elles  mangent  tout  le  parenchyme  des  feuilles,  ne 
laissant  que  les  nervures  en  forme  de  dentelle.  Elles 
exercent  en  outre  sur  les  feuilles  une  action  délétère 
et  font  sécher  celles  qui  sont  attaquées.  Souvent 
elles  rongent  l'écorce  du  pédoncule,  des  grappes 
qu'elles  font  périr,  et  même  l'écorce  tendre  des  jeunes 
pousses.  L'Altise  fait  en  Algérie  trois  pontes  par  an; 
si  on  ne  la  combattait  activement,  elle  détruirait 


304 


LA   FAUNE. 


totalement  les  récoltes  et  pourrait  même  faire  périr 
la  Vigne.  Parfois  d'immenses  vols  viennent  s'abattre 
sur  les  vignobles  les  mieux  tenus  et  réduire  à  néant 
les  efforts  des  viticulteurs.  Aussi  les  pouvoirs  publics 
se  sont-ils  préoccupés  de  rendre  l'échenillage  obliga- 
toire, mais,  dans  la  pratique,  ce  n'est  point  facile. 
Certaines  municipalités  ont  établi  des  primes  pour 
destruction  de  ces  insectes.  Lorsque  la  Vigne  perd 
ses  feuilles,  l'Altise  cherche  des  abris.  Elle  paraît 
craindre  le  froid  et  la  pluie,  elle  se  cache  sous  les 


Fi"r.  31. 


Dacus  de  l'Olivier. 


broussailles,  sous  les  tas  d'herbe,  sous  l'écorce  des 
arbres.  On  profite  de  cette  disposition  pour  lui 
offrir  des  abris  trompeurs,  sous  lesquels  on  la  brûlera 
l'hiver.  Une  loi  prescrit  la  destruction  des  broussailles 
h  50  mètres  des  Vignes. 

L'Altise  paraît  avoir  été  importée  en  Algérie,  car 
certains  vignobles  et  des  régions  entières  en  sont 
encore  indemnes,  mais  elle  envahit  rapidement. 

L'Altise  a  pour  ennemis  :  1°  une  Punaise  de  môme 
couleur  qu'elle,  qui  perce  ses  larves  et  suce  leur  con- 
tenu; 2°  un  hyménoptère  de  la  famille  desBraçonides, 
le  Perilitus  brcvicollis^  qui  pond  ses  œufs  un  à  un  dans 
chaque  larve  d'Altise.  A  l'œuf  succède  une  larve  para- 


VER  BLANC.  305 

site,  qui  détruit  sa  nourrice,  la  larve  de  l'Altise.  Cet 
insecte  n'a  pas  été  retrouvé,  il  est  malheureusement 
rare.  Les  Crapauds  mangent  aussi  un  certain  nombre 
d'AItises,  mais  ce  secours  est  peu  appréciable.  Enfin 
un  Isaria,  introduit  récemment,  se  développe  pen- 
dant l'hiver  sur  les  Altises  et  a  pu  à  Tlemcen  dé- 
truire toute  la  génération  qui  devait  passer  Thiver 
cachée  dans  les  abris  les  plus  variés. 

Les  ohviers  sont  sur  certains  points  attaqués  par  le 
Dacus  oleœ  (fig.  31),  qui  pond  ses  œufs  dans  les  jeunes 
olives. 

Ver  blanc.  —  C'est  un  ennemi  redoutable  des  cul- 
tivateurs installés  dans  le  haut  Tell  surtout;  ce  Ver 
n'est  pas, comme  en  France,  la  larve  du  Hanneton, mais 
celle  d'un  coléoptère  appartenant  au  même  groupe, 
le  Rhizolrogue.  Les  Rhizotrogues  ont  une  couleur 
marron  foncé,  sont  plus  petits  que  le  Hanneton  et  ne 
portent  pas  d'appendice  sur  le  dernier  anneau  de 
l'abdomen.  En  été,  on  les  voit,  le  soir,  voler  par  nuées 
au-dessus  des  champs.  Ace  moment,  les  terres  argi- 
leuses, qu'ils  affectionnent,  sont  crevassées  et  offrent 
des  voies  nombreuses  de  pénétration  pour  les  femelles, 
qui  vont  pondre  dans  la  terre  les  œufs  qui  devien- 
dront la  terrible  larve  que  les  Arabes  appellent  Douda. 

Ces  larves  rongent  toutes  les  racines  et,  dans  les 
territoires  infestés,  on  voit  d'immenses  taches  ayant 
parfois  plusieurs  hectares  où  toute  végétation  a  dis- 
paru. Ces  taches  vont  s'agrandissant  à  mesure  que 
les  Vers  étendent  leurs  ravages  en  s'éloignant  du 
centre.  Les  Indigènes  sèment  une  deuxième  et  même 
une  troisième  fois  ces  surfaces  dénudées.  Souvent 
les  dégâts  sont  plus  tardifs  et  il  est  impossible  de 
j(3ter  encore  de  la  semence  avec  quelque  chance  de 
Battandier  et  Trabut.  —  Al^iérie.  20 


306  LA  FAUNE. 

faire  une  récolte.  Une  plante  résiste  cependant,  c'est 
ï F cbolium  elaterium  [Concombre  d'âne).  Cette  Cucur- 
bitacée  couvre  parfois  à  elle  seule  de  très  grandes 
surfaces  où,  grâce  à  ses  racines  profondes  et  proba- 
blement peu  recherchées  par  le  Douda,  elle  a  pu  se 
maintenir.  ] 

Le  Douda,  sur  le  Uttoral  au  moins,  est  sujet  à  des 
maladies  qui  limitent  ses  dégâts;  quand  on  visite 
pendant  l'été  les  terres  à  Douda,  on  trouve  facilement 
des  larves  momifiées  blanches  farineuses  et  envahies 
intérieurement  par  une  trame  blanche  de  champignon. 
Ce  parasite  est  un  voisin  de  VIsarïa  densa  ou  Botrylis 
tenella  du  Hanneton.  Il  se  cultive  aussi  facilement  sur 
pomme  de  terre  et  peut  par  ce  moyen  être  propagé. 

Phylloxéra.  —  Il  a  été  constaté  en  Algérie,  en  1885, 
à  Tlemcen.  Depuis,  le  redoutable  insecte  n'a  pas 
entamé  sérieusement  l'ensemble  du  vignoble.  Une 
législation  spéciale  a  protégé,  dès  1883,  l'Algérie 
contre  toute  introduction  de  sarments  et  si  les  viti- 
culteurs s'étaient  conformés  aux  avis  qui  leur  ont  été 
prodigués,  ils  se  seraient  abstenus  de  faire  venir  en 
contrebande  des  sarments  de  pays  contaminés  et 
auraient  ainsi  évité  d'introduire  ce  parasite  dange- 
reux. A  Tlemcen  et  à  Sidi-bel-Abbès,  premiers  foyers 
constatés,  la  lutte  a  été  soutenue  par  an  syndicat 
local  digne  d'éloges.  Il  existait  à  Tlemcen  794  hec- 
tares de  vigne  en  1885  et  il  en  existe  aujourd'hui  1 499. 
A  Sidi-Bel-Abbès  :.  de  1885  à  1894,  l'arrondissement 
passe  de  1  776  à  7  043.  A  Mascara,  pour  des  rai- 
sons diverses,  la  lutte  n'a  pas  été  entreprise  avec 
l'énergie  désirable  ;  aussi,  sur  ce  point  seul,  dans  le 
département  d'Oran,  le  Phylloxéra  n'est  pas  enrayé. 

Dans  le  département  de  Constantine,  à  Philippe- 


MOLLUSQUES.  307 

ville,  la  lutte  par  l'extinction  n'a  pas  non  plus  été 
bien  organisée  et  soutenue  ;  il  en  est  résulté  la  con- 
tamination entière  du  vignoble  ;  il  en  est  de  morne  à 
Jemmapes  et  à  Bùne. 

Le  département  d'Alger  est  encore  indemne. 

Les  foyers  des  deux  départements  contaminés 
sont  au  nombre  de  quinze  :  sept  dans  le  département 
d'Oran  :  Tlemcen,  Sidi-bel-Abbès,  Mascara,  Saïda, 
Gargenta,  Kleber  ;  huit  dans  le  département  de  Cons- 
tantine  :  Philippeville,  Jemmapes,  Gastu,  El  Arrouch, 
Heliopolis,  Bùne,  La  Galle,  Sillegue. 

Dans  la  région  de  Philippeville,  les  Vignes  améri- 
caines prennent  une  grande  vigueur  et  paraissent 
devoir  assurer,  dans  de  bonnes  conditions,  la  recons- 
titution du  vignoble  détruit,  les  terres  y  sont  pro- 
fondes, fraîches  et  pas  calcaires. 

VIL  —  Mollusques,  Vers  et  Cœlentérés. 

Mollusques.  — Les  Mollusques  terrestres  et  d'eau 
douce  de  l'Algérie,  comme  les  Plantes  et  comme  les 
Insectes,  se  rattachent  à  des  espèces  ou  à  des  genres 
de  la  région  méditerranéenne.  On  retrouve  sur  notre 
littoral  les  Mollusques  des  îles  de  la  Méditerranée  et 
des  rivages  européens;  le  genre  Hélix  est  représenté 
par  un  très  grand  nombre  de  formes. 

Les  Mollusques  marins  sont  ceux  de  la  Méditerranée , 
les  espèces  particulières  à  nos  côtes  sont  peu  nom- 
breuses. 

L'Ostréiculture  n'a  pas  encore  été  tentée  sérieuse- 
ment sur  les  rivages  de  l'Algérie. 

Annélides.  —  La  Sangsue  d'Alger  [Hirudo  inter- 
rupta)a,  été  l'objet  d'un  grand  commerce  pendant  que 


308  LA  FAUNE. 

florissaient  les  doctrines  de  Broussais  ;  elle  est  abon- 
dante dans  les  sources  et  dans  les  marais  perma- 
nents,  surtout  dans  la  région  montagneuse. 

Les  Lombrics  ou  Vers  de  terre  se  rencontrent  sur- 
tout dans  les  jardins.  Aux  premières  pluies,  on 
observe  dans  les  jardins  d'Alger  un  Photodrilus  ou 
Lombric  phosphorescent  qui  le  soir  sort  de  terre  et 
illumine  le  sol;  cette  phosphorescence  doit  être  pas- 
sagère et  coïncider  avec  l'accouplement. 

Corail.  —  L'histoire  naturelle  du  Corail,  qui  est 
abondant  sur  le  httoral  Est  de  l'Algérie,  a  été  faite  par 
un  de  nos  vénérés  maîtres,  M.  Lacaze-Duthiers  (1), 
qui  consacra  une  année  à  cette  étude  si  remarquable 
(octobre  1860  à  octobre  1861). 

Le  corail  est  péché  surtout  dans  la  région  de  La 
Galle;  la  prise  du  corail  s'effectue  par  l'entortillement 
autour  de  ses  rameaux  de  brins  de  ficelles  ayant 
servi  à  faire  des  filets;  lorsque  ces  rameaux  sont 
supposés  bien  enlacés,  une  forte  traction  les  casse, 
ils  restent  accrochés  et  sont  retirés  avec  l'engin. 

Mais  le  corail  se  fixe  et  se  développe  au-dessous  des 
rochers,  et  ces  rochers,  qui  sont  ainsi  garnis,  portent 
le  nom  de  bancs  ;  les  pêcheurs  acquièrent  une 
grande  habileté  à  relever  ces  bancs.  Ce  relèvement 
se  fait  sans  instrument,  l'habitude  seule  et  une  intui- 
tion remarquable  guident  ces  pêcheurs.  Le  corail  vit 
à  partir  de  10  mètres  de  profondeur,  mais  on  le 
trouve  le   plus  souvent   entre  90   et  150  mètres. 

Le  corail  est  péché  par  des  Italiens,  sans  aucun 
bénéfice  pour  l'Algérie,  car  les  frais  de  garde  et  de 
surveillance  ne  sont  pas  payés  par  les  droits  de  pêche. 

(1)  L\iCdiiç,-\}\xi\ùeTQ^  Histoire iiatureUe  du  Corail,  Paris,  1864. 


CHAPITRE  VITl 
GÉOLOGIE 

L'âge  du  relief  orographique  aussi  bien  que  les 
formations  scdimenlaircs  qui  le  constituent,  ratta- 
chent bien  plus  l'Algérie  à  l'Europe,  plus  spéciale- 
ment à  l'ensemble  du  bassin  de  la  Méditerranée, 
qu'au  reste  du  continent  africain,  cet  immense  pla- 
teau de  roches  cristallines  ou  paléozoïques,  très 
anciennement  émergé  et  auquel  les  sédiments  du 
Nord  ne  sont  venus  annexer  leur  relief  qu'à  une 
époque  relativement  récente.  Aussi  on  peut  dire,  avec 
M.  Pomel,  qui,  le  premier,  a  mis  ce  fait  en  évidence, 
que  la  limite  naturelle  de  l'Europe  est  bien  plutôt  le 
Sahara  que  la  Méditerranée. 

Les  massifs  montagneux  du  nord  de  l'Afrique 
sont  le  résultat  d'une  série  de  plissements  qui  se 
sont  succédés  pendant  la  période  tertiaire.  Ces  mou- 
vements orogéniques  sont  contemporains  de  ceux 
qui  ont  produit  le  relief  définitif  de  la  chaîne  des 
Pyrénées  et  des  grandes  Alpes.  Les  plus  importants 
ont  eu  leur  influence  principalement  à  la  fin  de 
l'époque  éocène;  mais  c'est  surtout  dans  la  dernière 
partie  du  Miocène  que  les  grandes  lignes  orographi- 
ques se  sont  dessinées. 

Les  sédiments  des  terrains  tertiaires  éocènes  ont 
été  portés  aux  altitudes  les  plus  élevées  dans  les 
crêtes  principales,  et  les  dépôts  miocènes  ont  con- 


310  GÉOLOGIE. 

tribué  à  former  des  chaînes  importantes,  témoignant 
ainsi  de  leur  participation  à  l'orographie  générale. 

Les  terrains  plus  récents  du  Miocène  supérieur  et 
du  PUocène  se  sont  au  contraire  cantonnés  sur  le 
Uttoral,  formant  des  chaînons  de  moindre  importance 
et  d'une  altitude  relativement  faible. 

Tout  le  reUef  orographique  de  l'Algérie  se  rattache 
au  massif  principal  de  l'Atlas,  qui  se  décompose  en 
chaînes  parallèles  au  bord  de  la  mer.  En  Algérie,  on 
distingue  facilement  deux  grands  axes  principaux, 
l'un,  dans  le  ïell,  à  une  faible  distance  de  la  mer, 
l'autre,  plus  au  sud,  à  la  hmite  du  Sahara.  Dans 
la  région  occidentale  ou  oranaise  surtout,  ils  sont 
séparés  par  une  large  zone  moins  surélevée  et  formant 
une  série  d'immenses  plateaux;  mais  dans  la  partie 
orientale  ou  constantinoise,  les  deux  chaînes  sont 
coupées  par  des  chaînes  secondaires,  si  bien  que  la 
région  des  plateaux  perd  son  aspect  uniforme,  elle 
se  transforme  en  une  série  de  plaines,  limitées  par 
des  chaînons  et  dominées  de  tous  côtés  par  des  som- 
mets souA^ent  isolés  au  miheu  d'elles. 

Les  plissements  du  nord  de  l'Afrique  ont  mis  en 
rehef  surtout  des  terrains  secondaires  et  des  terrains 
tertiaires;  mais  de  grandes  érosions  ont  emporté 
les  couches  supérieures  et  mis  à  nu  les  assises  in- 
férieures, charriant  dans  les  parties  plus  basses  de 
puissants  dépôts  d'alluvions. 

La  prédominance  des  terrains  de  grès  et  des  roches 
argileuses  est  très  remarquable  et  c'est  sous  l'in- 
fluence d'une  désagrégation  souvent  très  prompte, 
que  ces  grès  fournissent  les  masses  énormes  de 
sable  que  les  vents  charrient,  puis  accumulent  en 
dunes,  surtout  dans  la  région  désertique  où  la  rareté 


GÉOLOGIE.  311 

(les  pluies  supprime  le  manteau  protecteur  des  arbres 
et  des  gazons. 

Si,  dans  le  département  d'Oran,  on  trouve  les  ter- 
rains jurassiques  à  nu  dans  toute  la  région  monta- 
gneuse de  Tlemcen,  Saïda,  Tiaret,  c'est  que  le  man- 
teau crétacé  dont  on  peut  voir  encore  les  lambeaux 
sur  les  flancs  des  massifs  a  été  en  grande  partie 
détruit  et  entraîné  par  les  érosions. 

Dans  l'Est,  le  Jurassique  est  recouvert  encore  et 
ne  pointe  que  sur  de  faibles  étendues. 

11  paraît  évident  que  les  massifs  montagneux  de 
l'Algérie  étaient  plus  élevés  à  la  fin  du  tertiaire  qu'à 
l'époque  actuelle;  mais,  par  suite  de  la  nature  peu 
résistante  des  matériaux  et  d'nne  action  érosive 
très  puissante,  les  sommets  se  sont  progressivement 
abaissés  et  un  nivellement  général  a  commencé  pour 
se  continuer  encore  de  nos  jours. 

Les  massifs  plus  soUdes  ou  plus  puissants  ont 
résisté  et  portent  encore  leurs  cimes  au  delà  de 
2  000  mètres,  comme  les  pics  de  l'Aurès,  des  Babor, 
du  Djurjura,  de  l'Ouarsenis,  du  Mzi. 

Pendant  que  les  actions  répétées  de  plissements 
produisaient  un  relief  d'autant  plus  accidenté  que 
l'on  s'avance  plus  vers  le  Nord,  le  Sud,  resté  à  peu 
près  en  dehors  de  ces  grandes  oscillations,  conser- 
vait l'horizontalité  de  ses  sédiments,  dans  toute  la 
partie  occupée  aujourd'hui  par  le  Sahara. 

Le  fond  de  la  Méditerranée,  par  un  effet  de 
compensation  de  l'exhaussement  du  Tell,  se  trouve 
abaissé,  à  une  faible  distance  de  la  cote,  à  plus 
de  2  000  mètres,  et  l'Algérie  forme  ainsi  une 
sorte  de  bourrelet  montagneux.  De  l'autre  côté  du 
Sahara,  les  dépôts  plus  anciens  sont  profondément 


312  GÉOLOGIE. 

découpés  et  entaillés  dans  les  massifs  des  Touaregs, 
et  au  delà,  c'est  l'Afrique  primordiale  du  granit  et 
des  terrains  paloozoïques. 

La  carte  géologique  de  l'Algérie,  qui  est  aujour- 
d'hui arrêtée  dans  ses  grands  traits,  a  été  surtout 
l'œuvre  de  M.  Pomel.  Ce  traA^ail,  entrepris  en  1853,  a 
réclamé  de  son  auteur  une  activité  et  une  sagacité 
au-dessus  de  tout  éloge.  C'est  à  cette  source  que 
nous  puiserons  les  renseignements  nécessaires 
pour  mettre  en  vue  les  caractères  dominants  de  la 
constitution  du  sol  algérien. 

Schistes  cristallins  et  terrains  paléozoïques.  — 
Les  terrains  cristallisés  anciens  sont  peu  développés 
en  Algérie;  cantonnés  dans  la  région  littorale,  ils 
forment  des  caps  ou  des  massifs  voisins  de  la  mer, 
disséminés  depuis  Bône  jusqu'à  Alger;  ce  sont  les 
monts  de  l'Edough  à  Bône,  le  massif  qui  s'étend  de 
PhiUppeville  à  DjidjelU,  le  massif  Kabyle  au  pied  du 
Djurjura,  la  Bouzaréa  à  Alger.  Ces  terrains  com- 
prennent quatre  divisions  principales  : 

a.  Bu  gneiss,  formant  des  masses  puissantes; 

b.  Des  micaschistes,  généralement  superposés  au 
gneiss  ; 

c.  Des  calcaires,  plus  ou  moins  cristallins  et  sou- 
vent de  véritables  marbres  qui  sont  intercalés  dans 
les  gneiss  et  les  schistes  et  fréquemment  accompa- 
gnés de  gisement  de  fer  magnétique  ; 

d.  Des  schistes  détritiques,  accompagnés  de  con- 
glomérats. 

Ces  roches  cristallophylliennes  sont  traversées  par 
des  roches  granitoïdes  éruptives  :  ce  sont  des  pegma- 
tites  ou  des  granuhtes  souvent  tourmaUnifères. 

Dans  la  province  d'Oran,  également  sur  le  htto- 


TERRAINS  JURASSIQUES.  313 

rai,  on  trouve  un  syslème  de  schisfes  phi/lladiens, 
ardoisiers  par  place,  passant  aux  quarlzilos  dans 
d'autres,  accompagnés  aussi  de  calcaires  compacts 
souvent  cristallins,  avec  minerai  de  fer  oligiste  ou 
carbonate.  A  Oran  et  dans  le  massif  des  Traras,  les 
assises,  relevées  jusqu'à  la  verticale,  se  présentent 
en  îlots  à  relations  stratigraphiques  obscures,  elles 
sont  de  plus  privées  de  fossiles  déterminables. 

L'âge  réel  de  ces  schistes  oranais  ne  peut  donc 
être  précisé  et  ce  n'est  que  par  l'analogie  de  leur 
faciès  pétrograpbique  avec  les  régions  siluriennes 
du  midi  de  l'Europe  que  les  schistes  et  quartzites 
des  Traras  et  de  Garrouban  ont  été  rapportés  provi- 
soirement à  cet  étage. 

Les  schistes  de  Garrouban  sont  riches  en  fdons 
métalUfères  (cuivre,  plomb). 

Quant  aux  schistes  d'Oran,  d'Arzeu,  du  Rio  Salado, 
ils  seraient  moins  anciens,  mais  cependant  encore 
antérieurs  au  Jurassique  (Trias). 

Terrains  jurassiques.  —  La  série  des  terrains 
jurassiques  est  bien  développée  sur  le  flanc  du 
grand  Atlas  marocain,  elle  pénètre  dans  le  départe- 
ment d'Oran  par  le  bord  septentrional  des  Hauts- 
Plateaux  et  par  le  chaînon  littoral  des  Traras. 

Le  Jurassique  des  Hauts-Plateaux  oranais  se 
continue  jusqu'à  Taguin  et  Chellalah.  Dans  le  dépar- 
tement d'Alger,  les  roches  jurassiques  forment  des 
pointements  entourés  par  le  Tertiaire  ou  le  Crétacé. 
C'est  ainsi  que  cette  formation  presque  exclusi- 
vement calcaire  constitue,  sous  forme  de  roches 
escarpées,  les  sommets  de  FOuarsenis,  les  crêtes  du 
Djurjura,  la  crête  du  Gourraya  de  Bougie,  les  massifs 
du  Chabet  entre  Bougie  et  Sétif  et  les  Babor.  Aux 


314 


GÉOLOGIE. 


environs  de  Batna,ce  sont  encore  des  crêtes  peu  éten- 
dues mais  culminantes  ainsi  qu'au  Bou-Thaleb  et  au 
Kerdada  de  Bouçada.  Bien  que  le  Jurassique  ne 
paraisse  à  découvert  que  par  des  îlots  dans  ces  reliefs 
montagneux  de  l'Est,  on  peut  cependant,  d'après 
M.  Pomel,  le  regarder  comme  formant  le  substratum 
fondamental  de  tout  l'Atlas  oriental.  Les  caractères 
du  Jurassique  d'Algérie  et  la  distribution  de  ce  terrain 
peuvent  se  résumer  dans  les  tableaux  suivants, 
d'après  la  description  stratigraphique  de  l'Algérie 
par  M.  Pomel  : 

Terrains  jurassiques. 

Astarto-ptérocérien  et  Corallien. 


SUCCESSION  DES  ROCHES,  FOSsILES. 


./Calcaires    et    Dolomies, 

I    S  l    grès  rouges  et  schistes, 

>:  v^  '    calcaire  gris  ou  bleuà- 

•2  p  i    tre,    parfois   marneux. 

'^  '^  f  Nalica  hemisp/ierica,  né- 

^\    i'inées,  Ostreasolitaria. 


Grès  avec  lentilles  de  cal- 
caires coralliens. 

Polypiers ,  Cidaris  fiori- 
gemma^  Glypticus  hicro- 
fjlyphicus  ,  Hemicidaris 
crenularis . 

Doloiuie  à  crinoïdes  et  po- 
lypiers.—Argiles  et  grès. 

Ammonites  tortisulcatiis, 
Terebratula  insignis,  Ho- 
lectyinis  punctulatus ^  Coi- 
lifvites  bicordata,  Cli/peus 
Ilugil,  Pyguriis Ilausmani^ 
Crinoïdes. 


o 


PRINCIPALES    LOCALITES. 

Très  développé  dans  la  pro- 
vince d  Oran  :  Tlemcen,  aux 
Cascades,  plateau  de  Terni. 

Oued  Tenira,  Ain  Fekan, 
Gery ville,  Aflou  (dj.  amar). 

Alger  :  Djurjura,  grès  rouge 
et  schistes. 

Constaniine  :  Bou  Thaleb, 
Batna  (faciès  tilhonique  à  Tere- 
bratula  janitor. 

Oran  :  Tlemcen,  Boumédine, 
Lalla  Magrhnia,  Oued  Moui- 
lah,  les  Traras,  massif  du  Ma- 
roc à  Tlemcen,  escarpements 
ch<  z  les  Djafra. 

Saïda,  Ain  Nazereg,  Crête 
des  cirques  de  Tagremare  et 
de  Frenda,  les  Ouled  Sdama, 
cascade  de  la  Mina. 


TERRAINS  JURASSIQUES. 


315 


SUCCESSION  DES  ROCHES,  FOSSILES. 

Argiles  et  marnes  allernanl 
avec  des  lits  calcaires  ou  cal- 
caréo-gréseux,  marnes  et  cal- 
caires ronges. 

Minerai  de  fer  oolithique. 

Ammonites  ynacrocepltalus, 
A.  tatricus^  A.  plicalilis,  A.tor- 
lisulcatuSf  A,  anceps^  A.  Ade- 
lan,  A.  lunula,  A.  permaatus, 
A.  coronatus,  etc.  Nautitus 
sexnngulalus.  Beiemniles  lias- 
talus,  Terebratula  diphya. 


Groupe   oxfordien. 

PBINCIPALES    LOCALITÉS. 

Constantine.  —  liou  Thaleb, 
Dj.  Tougour,  i)j.  Chellala. 

Alger.  —  Ouarsenis. 

Oran.  —  Traras,  Béni  bon 
Saïd  (Marnes  du  Slibe),  le 
Yagoubia,  le  pied  de  l'Antar, 
Frenda.Dj.Gaada,Ouedïamda. 


Groupe  oolithique. 


SUCCESSION  DES  ROCHES,  FOSSILES. 

Dolomie  et  calcaires  (galène, 
blende,  fer  oolithique). 

Ammonites  Brongnarti.  A. 
Cycloïdes.  A.  llumphrlesianiis. 
A.  Pat'kinsonti,  Beiemniles  r/i- 
ganleus;  Colly rites  subringens. 
iloleclypus  tiemispliericns . 
ÎXhynclionella  variabilis . 


PRINCIPALES    LOCALITES. 

Constantine.  —  Dj.  Afghan 
et  Dj.  Bon  liche  dans  îe  Bou 
Taleb.  —  Dj.  Chellala  et  Dj. 
Tougour  à  Batna. 

Oran.  —  Garrouban  (Dj.  Te- 
sidelt  et  Zouïa,  environs  de 
Saïda,  Tifrit,  Tafaraoua,  les 
Assasna  Garaba,  le  Dj.  Antar. 


Lias. 


SUCCESSION  DES  ROCHES,  FOSSILES. 

..  /  Calcaires    en   dalles    et 
^  I  ^     couches  marneuses. 


PRINCIPALES    LOCALITES. 


'_^     Ammonites   mimalensis. 
a,/     A.co/icnvus,A.bifrons, 
A.  radians. 


Calcaires  compacts  blancs  i 
ou  roses    ou   bleuâtres. 

Beiemniles  îiiger,  Ammo- 
nites Vakhmi,  A.  Los- 
co)nhei ,  A.  Collenoll. 
Bliynclionella  seualn. 
Rfi.  tetraedra,  Terebra- 
tula subovoïdes,  T.  Nu- 
mismalis.  Spirlferina 
rostrata. 


Constantine.  —  Ouest  du  cap 
Cavallo,  de  l'Oued  Taza  à  Zia- 
ma,  le  Dj.  Hadid,  le  Babor  et 
les  montagnes  du  Ghabet-el- 
Akra,  le  cap  Aokas,  le  phare 
de  Bougie,  Toudja  et  Chellata. 

Alger.  —Les  crûtes  du  Djur- 
jura,  des  îlots  au  Bou-Zegza, 
au  Ghénoua:  TOuarsenis. 

Oran.  —  Les  Traras,  Cap 
Noé,  Dj.  Fillaabçen,  Béni  Snous 
à  Garrouban  ;  entre  Touadjeir 
et  Chott  Naama. 


316  GÉOLOGIE. 

.     Calcaires  compacts.  El  Kantour  (Coustantine) 

,    S  i  Belemniles  ncutus.  Am- 
•2  C         mojiites  Kridion.  Pec- 
"^"^1     ten  Hehli  Pentacrinus 
'"^  \      tuberculalus. 

Terrains  crétacés.  —  Le  terrain  crétacé  est  de 
beaucoup  le  plus  étendu  en  surface  ;  il  domine 
surtout  à  l'est  et  dans  le  sud  et  y  constitue  les 
principaux  groupes  montagneux  :  les  monts  de  Daya, 
les  Béni  Chougran,  le  massif  de  l'Ouarsenis^  le  Dahra, 
le  massif  du  Zaccar, l'Atlas  d'Alger,  la  chaîne  desBiban, 
la  petite  Kabylie,  les  Mahdid,  le  Bou  Thaleb,le  massif 
de  r  Aurès  et  les  montagnes  sur  son  prolongement  en 
Tunisie  jusqu'au  cap  Bon,  les  monts  des  Ksours, 
de  l'Amour,  des  Ouled  Nayl.  Le  terrain  crétacé 
se  prolonge  dans  le  Sahara,  où  il  contribue  sou- 
vent à  la  formation  des  Hamada,  vastes  surfaces 
planes  ou  légèrement  ondulées,  constituant  le  vrai 
désert. 

Le  groupe  Néocomien  se  montre  en  Algérie  avec  son 
faciès  méditerranéen;  il  se  compose  d'une  puis- 
sante alternance  de  calcaires,  de  marnes  et  de  grès 
avec  de  nombreuses  espèces  fossiles,  dont  un  grand 
nombre  spéciales  à  l'Algérie.  Ces  terrains  néoco- 
miens  apparaissent  dans  quelques  parties  élevées  du 
Tell,  le  Zaccar  de  Miliana,  les  monts  de  Teniet-el- 
Haad  et  de  Taza,  les  monts  de  Daya  dans  l'ouest  ;  à 
l'est,  ils  prennent  une  part  importante  dans  la  cons- 
titution des  crêtes  du  Bou  Thaleb  et  des  chaînes  de 
l'Aurès.  A  l'état  d'îlots  plus  ou  moins  isolés,  ils 
forment  la  majeure  partie  des  pointements  si  re- 
marquables entourés  par  les  plaines  de  Sétif  à  £1 
Guerah  et  à  Batna.  Dans  le  sud,  la  grande  chaîne 


TERRAINS  CRÉTACÉS.  317 

du  Djebel  Amour  et  ses  prolongements  appartiennent 
à  cette  formation. 

Le  Gault  est  surtout  une  formation  d'origine 
détritique.  A  Miliana.,  où  il  prend  un  assez  grand  dé- 
veloppement dans  la  chaîne  des  Aribs,  il  est  formé 
d'argiles  brunes,  gréseuses,  alternant  en  petits  Lits 
avec  de  petits  bancs  quartziteux  renfermant  par 
place  des  rognons  d'hydroxyde  de  fer.  Il  existe  sous 
cet  aspect  dans  le  massif  de  Blida  et  au  voisinage  de 
Médea.  Au  sud  de  Bouçaada,  le  Gault  joue  aussi  un 
rôle  important,  il  est  constitué  par  des  grès  à  grains 
fins  en  gros  bancs  avec  quelques  alternances  de 
marnes  jaunes  verdâtres  alternant  avec  des  cal- 
caires fossilifères. 

Les  couches  puissantes  du  Cénomanien  consti- 
tuent une  formation  géologique  des  plus  remarqua- 
bles, en  Algérie  ;  elles  contribuent  à  la  formation  des 
plus  grands  groupes  montagneux.  En  raison  de  la 
nature  lithologique  des  assises,  généralement  com- 
posées d'alternances  de  marnes  argileuses  et  de 
bancs  calcaires,  ce  terrain  prend  un  faciès  particu- 
lier, il  est  nu,  raviné,  hérissé  de  crêtes  rocheuses 
(kef),  et  partout  où  les  alluvions  font  défaut, 
ces  régions  se  montrent  dépourvues  de  terre  vé- 
gétale et  d'une  stériUté  remarquable  ;  seuls  les  Pins 
d'Alep,  les  Genévriers,  quelques  souches  vivaces  y 
implantent  des  racines,  qui  sont  souvent  mises  à  nu 
par  une  désagrégation  continue. 

Le  Cénomanien  d'Algérie  est  particulièrement  riche 
en  fossiles,  surtout  en  Échinides,  il  a  fourni  un 
très  grand  nombre  d'espèces  spéciales. 

Le  Turonien  est  surtout  constitué  par  des  calcaires 
compacts  bleus,  en  gros  bancs,  à  travers  lesquels 


318  GÉOLOGIE. 

des  fractures  ont  ouvert  des  escarpements  attei-j 
gnant  souvent  200  mètres  de  hauteur,  comme  les"^ 
parois  des  gorges  du  Rummel  à  Conslantine.  On 
retrouve  cette  formation  dans  l'AurèsJes  montagnes 
du  Hodna,  dont  il  constitue  une  partie  des  crêtes. 
Le  Dj.  Anini  est  aussi  constitué  par  du  Turonien, 
qui  est  traversé  sur  ce  point  par  de  grands  filons  de 
fer  hématite.  Dans  le  Sahara,  le  Turonien  apparaît 
sous  forme  de  calcaires  dolomitiques  formant  des 
abruptes  au-dessus  des  assises  gypsifères  du  Céno- 
manien.  Les  longs  escarpements  de  cette  roche  et 
les  gours  ou  formations  de  troncs  coniques,  dorment 
un  faciès  particulier  au  paysage  saharien.  Les  cal- 
caires cénomaniens  et  turoniens,  en  couches  presque 
horizontales,  constituent  ces  plateaux  rocheux  uni- 
formément nus,  connus  sous  le  nom  de  Hamada, 
qui  s'étendent  sur  le  grand  bourrelet  au  sud  de 
Laghouat  à  El  Goléah  et  dans  la  région  du  Mzab. 

Les  formations  sénoniennes  prennent  aussi,  en 
Algérie,  un  développement  considérable,  mais  s'y 
présentent  avec  des  caractères  lithologiques  variés, 
différant  complètement  de  ceux  des  bassins  crayeux 
de  l'Europe  ;  elles  se  composent  de  marnes  et  de 
calcaires  presque  noirs  dans  la  région  httorale,  de 
calcaires  blancs  et  de  marnes  grises  dans  la  région 
orientale. 

L'extension  du  Sénonien  est  assez  considérable. 
Dans  les  Hauts-Plateaux  d'Alger  et  de  Constantine, 
ce  terrain  occupe  d'importantes  superlicies. 


TERRAINS  CRÉTACÉS. 


319 


Teurains  crétacés. 


5; 

^:l) 

co 

03 

S- 

•»-» 

0 

X) 

!i^ 

^ 

Ci 

^ 

G 


K 

■=2^ 


Région  occidentale. 

j  Givs  du  Cliéiioua,  du 
tlauc  sud  duBou-Zeg- 
za,  etc. 


Marnes,  grès  et  cale,  à 
0.  vesicularis^  0.  Ni- 
caisei,  des  Béni  Menas- 
ser. 

Tablât,  Palestro,  Ben 
Haro  un. 

Cale,  et  marnes  à  Cera- 
tites  de  Djelfa. 

Turonien.  —  Calcaires  à 
rudistes  de  Djelfa. 

Cénoynanien.  —  Calcaires 
et  marnes  d'Aumale,  de 
Berrouaghia,  de  l'Atlas 
de  Blida. 
^  Ammonites  ManteUi,  Ba- 
diolites  Nicaisei,  Discoi- 
dea  cylindrica. 

Gaidt.  —  Grès  et  marnes 
gréseuses  deMiliana,des 
Aribs,  d'Aumale,  etc. 

Etage  Rhodanien.  —  Cal- 
caires gréseux  et  mar- 
nes à  Orbitolines. 

lleterasler  oblongus.    (Te- 
niet-el-Hâd.      Djelfa, 
Daya). 


Couches  à  Scaphites  Yvani 
de  la  Mekerra.  —  (irès 
de  Daya.  —  Grès  à  dra- 
gées du  Djebel  Amour, 
\     du  versant  au   Sahara. 


Région  urienlale. 

Marnes  k  Ostrea  Owerivegi. 
Cale,  à  llelerolampas  (sud  de 
Bordj  bou  Arreridjj. 

Cale,  et  marnes  à  Hemi- 
pneustes  (El  Kantara). 

Marner  à  OsLven  vesicularis. 
0.  Nicaisei,  d'El  Outaïa,  Med- 
jès  Foukani,  etc. 

Calcaires  et  marnes  à  Cera- 
tiles  de  Medjès,  de  Tebessa. 


Cale,  à  rudistes  de  Tebessa, 
calcaires  de  Constantine,  etc. 

Calcaires  et  marnes  de  Te- 
noukla  (Tebessa)  à  Ostrea  sy- 
phax.  0.  Africana^  etc. 

Calcaires  et  marnes  àEchini- 
des,  Dj.  Mahdid,  Bou  Tha- 
leb,  etc. 

Grès  d'Eddis  (Bousaada).  Cal- 
caires à  Ammon  inflatus  du 
Bou  Thaleb,  etc. 

Aptien  à  Ammonites  ferru- 
gineuses d'Aïn-Zaïrin. 

Calcaires  gréseux  et  marnes 
à  Orbitolines  de  l'Aurès,  — 
calcaires  à  Requiénies  (Bou- 
Thaleb)  et  à  Ueterastev  oblon- 
gus Dj.  Chellala  de  Batna). 

Grès  à  dragées  du  Dj.  Bou- 
Khaïl. 


320  GÉOLOGIE. 


Néocomien.  —  Cale,  et 
manies  gréseuses,  à 
Pseuclocldaris  clunifera, 
à  polypiers. 
Marnes  à  Ammouitf^s  fer- 
rugineuses des  Flittas 
d'Arlal  (Ain  -  ïemou  - 
C  \     chent). 


»Hi 


Cale.,  marnes  et  grès  des 
plateaux  de  Constantine,  du 
Bou-Thaleb,  de  Bou-Sâàda. 

Marnes  à  Ammonites  ferru- 
gineuses de  Constantine  (Dje- 
bel Ounch),  de  Duvivier,  etc. 


Terrains  tertiaires.  —  Les  formations  de  cette 
période  sont  puissantes  ;  elles  sont  aussi  très  variées, 
c'est  pendant  le  dépôt  de  ses  différents  étages  que  le 
sol  de  l'Algérie  a,  par  plissements  et  cassures,  acquis 
définitivement  le  relief  orographique  qu'il  nous 
présente. 

Le  groupe  inférieur  ou  Eocène  est  caractérisé  par 
des  calcaires  nummulitiques  en  bancs  d'une  puissance 
énorme  (gorges  de  Palestre,  contreforts  du  Djurjara) 
et  par  les  grès  deNumidie,  qui,  dans  l'est  et  en  Tuni- 
sie, constituent  toute  la  région  forestière  en  grande 
partie  recouverte  de  chênes-Uège.  Ces  grès  jouent  un 
rôle  capital  dans  la  constitution  orographique  de  tout 
le  littoral  de  l'est  de  l'Algérie  où  ils  se  montrent 
souvent  démantelés,  laissant  percer  sur  de  grandes 
surfaces  leur  substratum  de  gneiss  et  de  schistes 
anciens. 

La  partie  inférieure  de  l'Éocène  ou  Suessonien  est 
constituée  par  des  marnes  à  silex  reposant  sur  le 
Crétacé  en  discordance  de  stratification,  les  marnes 
passent  peu  à  peu  à  des  bancs  de  calcaires  marneux, 
puis  à  de  véritables  bancs  de  calcaires  qui  constituent 
la  partie  essentielle  des  gisements  de  phosphate.  Ces 
phosphates  sont  distribués  en  couches  interstratillées 
à  plusieurs  niveaux  ;  le  Suessonien  inférieur  prend 
une  grande  extension  dans  la  régence  de  Tunis  et 


TERRAINS  TERTIAIRES.  321 

sur  les   Plateaux,   Tebessa,   Bordj    bou  Arrerridj, 
Bogliari,  etc. 

Le  Miocène  est  remarquable  par  ses  immenses 
surfaces  argilo-marneuses  qui  occupent  les  vallées 
du  Tell,  ce  sont  des  mamelons  dénudés,  très  ravi- 
nés, envahis  par  les  Daucus,  Calendula  et  Hedy- 
sarwn;  les  eaux  qui  en  découlent  sont  toujours 
boueuses  et  souvent  salées. 

Ces  marnes  constituent  les  plus  mauvais  terrains 
pour  l'établissement  des  travaux  publics  et  spé- 
cialement des  voies  ferrées. 

VOsirea  crassisswta  est  le  fossile  caractéristique  de 
l'étage  moyen,  il  s'y  rencontre  parfois  desbancspuis- 
sants.  .' 

Au-dessus  de  ces  marnes,  on  observe  une  forma- 
tion de  grès  et  de  poudingues  qui  prend  dans  le 
Gontas  une  grande  épaisseur. 

Les  terrains  détritiques,  poudingues  à  gros  élé- 
ments, forment  souvent  à  la  base  de  ces  assises  des 
amas  considérables  témoignant  des  puissants  phé- 
nomènes d'érosion  qui  ont  suivi  les  dislocations  du 
sol  de  cette  période. 

Dans  le  département  de  Constantine,  le  Miocène  est 
représenté  notamment  par  les  dépôts  lacustres  d'ar- 
giles et  de  marnes  (Smendou);  on  a  découvert  dans 
ces  formations  une  molaire  d'un  Mastodonte,  voisin 
du  M.  angustidens  Cuv.  ;  les  autres  fossiles  sont  des 
Unio,  Anodonte,  Melanopsis. 

Pliocène.  —  A  la  fin  du  Miocène,  l'Algérie  avait 
subi  les  grandes  modifications  de  son  relief,  de  telle 
sorte  que  les  eaux  marines  n'y  ont  plus  occupé  que 
des  zones  étroites  voisines  du  rivage  actuel. 

Le   TMiocène  marin  n'occupe  donc  qu'un   espace 
Pattandieu  et  Tpabpt.  —  AigL'r|e.  2} 


322  GÉOLOGIE. 

très  limité  sur  le  littoral.  A  Oran,  aux  falaises  d'El 
Oudja,  au  Cap  Figalo,  à  Mostaganem,  il  consiste  en 
un  grès  calcaire  grossier,  passant  au  -poudingue, 
surmonté  par  des  sables.  Dans  le  Sahel  d'Alger,  le 
Pliocène  commence  par  des  argiles  souvent  sableuses 
et  fossilifères  (Douera),  supportant  des  mollasses  cal- 
caires avec  grandes  huîtres,  assez  dures  par  places 
pour  être  exploitées  comme  moellon  et  même  comme 
pierre  d'appareil  (Mustapha). 

L'étage  supérieur  du  Pliocène  est  formé  de  grès 
calcaires  (Kouba),  et  de  sables  très  étendus  dans  le 
Sahel  d'Alger.  On  rattache  au  Pliocène  lacustre  des 
calcaires  travertineux  du  télégraphe  d'AïQ  elHadj  Baba  j 
du  Kroubs  des  environs  de  Constantine  ;  on  y  tro  ave  en 
effet  des  Planorbes,  Limnées,  Paludines,  Bythinies, 
BuHme,  indiquant  une  grande  aflinité  avec  la  faune 
actuelle.  M.  Thomas  y  a  recueilU  quelques  verté- 
brés :  Sus  phacocheroïdes,  molaire  d'Hippopotame, 
Hipparion. 

Terrains  tertiaires. 

Pliocène. 

Région   d'Oran. 

Supérieur. 

Marnes  et  argiles  bleuâtres  avec  lignite.  Ceriilnum  vulga- 
ium.  Cardium  edule. 

Inférieur. 

Sables.  Grès  grossier  à  Huîtres,  Peignes.  Echinolampas. 

Région  d'Alger. 

Supérieur. 

Poudingues  et  grès  de  Kouba.  Ostrea  foliacea. 

Inférieur. 

Mollasses  calcaires.  Osb^ca  coclilecu\  Pecten,  etc. 

Marnes  souvent  bleues  et  fossilifères.  Terebratula  ampulla. 


TERRAINS   TERTIAIRES. 


323 


Région  de  Constantine . 
Supérieur. 

Dépôts  détritiques  des  Plateaux  avec  fossiles  de  l'étage  an- 
térieur et  Cynocepludus  atlanttcus.  Aniilope  Tournoueri.  Anti- 
lûje  Gaudryi.  Hippopotames  [S]).  ?).  R/iinocfros  (Sp.?).  Hi/iparion 
(Sp.  ?j.  Equus  Stenonis.  Elephas  (Sp.  ?)  aff.  du  meridionalis. 

Miocène. 


co 


s? 


Formations  marines  dans 
J;i  région  d'Oran  : 

Calcaire  avec  lits  de  Dia- 
tomées, Radiolaires,  Spi- 
culcs  de  Spongiaires  et 
Marnes  blanches  à  Forami- 
mifères. 

Grès  micacés  du  littoral 
oranais. 

Formation  marine. 

Grès  du  Gontas. 

Argiles  marneuses  déli- 
tescentes.  Oslrœa  crassis- 
sima. 

Calcaire  à  ' LUhotham- 
nium  à  Oued  Fodda,  Dji- 
diouia. 

Marnes  et  argiles  avec 
alternance  de  grès,  Ham- 
mam-R'hira. 


Argiles  rouges  avec  poudingues  :  Ben  Chicao,  Berrouag- 
hia,  Bouïra,  versant  du  Djurjnra. 

Marnes  brunes  et  calcaires.  Foraminifères,  récifs  coral- 
liens, spongiaires.  —  Honaï,  Mascara.  Dahra  Oranais.  — 
ïenes  (Cartennae),  Cherchell,  Milianah. 

Poudingues  et  argiles  gréseuses  à  clypéastres. 

Grès  quartzeux  blancs  à  ciment  calcaire,  Amphiope  pal- 
pebrata  Pomel.  Glierchell. 


.     ^.Poudingues  de  Tyout,  du  Dj.  Amour,  d'Elkantara. 
longrien  .  j      ^^.^^  ^^  Dellys.  Poudingues  de  Taourga. 


Formations  lacustres  ou  con- 
tinentales dans  la  région  de 
Constantine  : 

Marnes  gypseuses  à  Hélices. 
//.  Jobd'.ana.  H.  Semperana . 
Fenissacla  alava. 


Formation  lacustre  du  Tell 
de  Constantine. 


Argiles  brunes.  Unio  onodon- 
les.  Plan  orbes,  etc. 
Poudingues. 


324  GÉOLOGIE. 


Éocène. 


% 


Grès  de  Numidie  :  région  forestière  de  l'Est.  Chêne- 
liège. 

Argiles  et  marnes  à  fucoïdes  d'El-Arrouch. 

Grès  et  argiles  avec  plaquettes  calcaires  à  fucoïdes  de 
Tirourda. 

Grès,  poudingues  et  marnes  de  Guechtoulas  et  de  Drà  el 
Mizan  à  Nunimuli tes  exponens  et  N.  perforata. 

Calcaire  nummulitique  compact.  Alvèolines,  NummulUes 
j  aturica. 
Ci,  j     Poudingues  et  marnes  du  Bou-Zegza.  Calcaires-brèches 


du  Djurjura  à  Nummulites  Isevigata. 

I 

I 

\ 


I     Grès  du  Lakdar  à  Echinolampas  clypeolus. 
'      Calcaires  à  IMélobésies  et  Nummulites  Ehrenbergi  de 
^  ,  Sidi-Daho. 

Calcaires  en  feuillets  avec  Nummulites  irreqularis  du 
•  l-iZQaker. 

^  ^  \      Marnes  à  Nummulites  planulafa  et  Caillaudi  de  Ze- 
5         rouëla  et  Sidi  Brahim. 

Argiles  et  marnes  à  Ostrea  multicostata. 
'^  h\     Calcaires  à  Nummulites  Rotlandi  du  Degma. 

Grès  et  marnes  glauconiennes  ou  à  phosphorites;  Naii- 
tilus  Forbesl  et  Nummuiiles   planulala. 

Marnes  ou  calcaires  à  Silex,  argiles  séléniteuses  déli- 
tcscentes  à  la  base. 


Terrains  quaternaires.  — Les  immenses  accumu- 
lations de  dépôts  continentaux  de  la  période  quater- 
naire couvrant  la  majeure  partie  des  surfaces  peu  ou 
pas  déclives,  indiquent  un  climat  absolument  opposé 
à  celui  de  notre  époque.  Ce  sont  des  chutes  torren- 
tielles d'eau  qui  ont  entraîné  ce  cube  énorme  de  ma- 
tériaux dispersés,  aussi  bien  dans  le  Tell  que  dans 
les  Hauts-Plateaux  et  le  Sahara.  Ce  désert,  en  effet, 
comme  l'a  démontré  M.  Pomel,  n'a  jamais  été  pen- 
dant la  période  quaternaire  un  bassin  de  mer,  les 
alluvions  qui  le  recouvrent  ayant  tous  les  caractères 


QUATERNAIRE  ANCIEN.  325 

de  dépôts  d'attcrrissemenls  continentaux,  ou  de 
fonds  de  chotts. 

Les  subdivisions  du  terrain  quaternaire  sont  diffi- 
ciles à  établir  d'une  manière  satisfaisante,  en  raison 
de  l'impossibilité  fréquente  de  saisir  les  relations 
stratigrapbiques  des  dépôts  alluvionnaires  ou  des 
atterrissements  continentaux  avec  des  terrains  por- 
tant eux-mêmes  l'indication  de  leur  âge. 

M.  Pomel  établit  deux  sous-groupes  ;  l'un  ancien, 
l'autre  récent. 

Quaternaire  ancien.  —  Dans  le  sous-groupe  an- 
cien, M.  Pomel  fait  rentrer  les  grands  dépôts  clys- 
miens  des  vallées  telliennes  et  des  Hauts-Plateaux, 
et  des  gradins  du  versant  saharien;  ce  sont,  à  la 
base,  des  dépôts  de  galets,  puis  des  limons  gris, 
parfois  rouges,  avec  grumeaux  calcaires. 

Ces  atterrissements  anciens  ou  terrain  subatlan- 
tique de  M,  Pomel  se  relèvent  sur  les  flancs  des 
bassins,  sous  des  angles  et  à  des  distances  qui  indi- 
quent un  dénivellement  postérieur  à  leur  dépôt. 

Ces  alluvions  limoneuses,  dans  la  région  saha- 
rienne, deviennent  dures,  rocheuses  à  la  superficie  et 
prennent  alors  le  nom  de  IJamada;  cette  carapace 
superficielle  est  calcaire,  elle  reparaît  aussi  sur  les 
limons  quaternaires  du  Tell  et  même  sur  les  autres 
terrains  friables.  «  Cette  croûte  dure,  dit  M.  Pomel, 
résulte  d'une  sorte  d'incrustation  stalagmitique 
superficielle  par  suite  de  l'évaporation  des  eaux 
calcaires  et  plus  ou  moins  salées  qui  remontent  par 
capillarité.  » 

Cette  croûte  travertineuse  isolant,  sur  de  très 
grandes  surfaces,  une  faible  couche  superficielle  de 
terre  végétale,  devient  un  obstacle  à  rétablissement 


326  GÉOLOGIE. 

d'ane  végétation  arborescente,  qui  aurait  besoin  pour 
vivre  d'enfoncer  des  racines  dans  les  épaisses  couches 
sous-jacentes  des  dépôts  meubles.  Aussi  la  vaste 
plaine  de  Sétif  {Ager  arboriinfecundus  àe  Salluste),  et 
toute  la  région  des  Hauts-Plateaux  de  l'Ouest  sont 
absolument  privées  d'arbres,  la  carapace  calcaire  y 
étant  partout  superficielle  et  continue.  Cette  croûte 
calcaire  estutiUsée  fréquemment  pour  empierrer  les 
routes  et  faire  de  la  chaux.  Des  colonnes  expédition- 
naires ont  pu  s'y  creuser  des  logements  en  perçant 
la  voûte  calcaire  et  en  déblayant  les  sables  meubles 
sous-jacents.  —  On  a  pu  sur  bien  des  points  établir 
la  culture  arbustive,  en  défonçant  cette  croûte  stéri- 
Usante. 

La  puissance  considérable  des  terrains  quaternai- 
res dans  les  dépressions  est  révélée  par  les  nombreux 
sondages  artésiens,  pratiqués  dans  les  Hauts-Pla- 
teaux et  particulièrement  dans  le  Sahara.  —  Ces 
puits  ont  une  profondeur  moyenne  de  70  mètres, 
les  couches  traversées  comprennent  des  séries  alter- 
nantes de  sables,  de  graviers  et  d'argile,  au  miUeu 
desquelles  on  rencontre  plusieurs  nappes  d'eau 
ascendantes  ou  jaillissantes,  ahmentées  par  les 
infiltrations  pluviales  venant  se  perdre  dans  les  par- 
ties absorbantes  qui  reçoivent  aussi  les  oued  des 
montagnes  du  bourrelet  saharien. 

M .  Pomel  (1)  rattache  au  quaternaire  de  puissan- 
tes formations  de  Travei^tins,  dont  les  sources  sont 
aujourd'hui  taries.  Ces  dépôts  forment  le  sommet  de 
collines,  par  suite  de  l'ablation  des  surfaces  qui  les 
avaient  limitées  et  de  leur  ravinement.  A  Milianah, 

(1)  Pomel,  Massif  de  Miiianah. 


QUATERNAIRE  ANCIEN.  327 

ces  travertins,  flanqués  sur  la  pente  du  Zaccar,  cons- 
tituent Tassiette  de  la  ville,  ils  tombent  comme  de 
cascade  en  cascade  solide  dans  toute  la  zone  des 
jardins. 

Le  travertin  deMilianah  contient  quelques  fossiles, 
M.  Pomel  y  a  reconnu  Adianihum  capillus  Venetis, 
Laurus  nobilis^  Rubus  fruticosus^  Hedera  heltx, 
Viburnum  Tinus  et  aussi  Ficus  carica  et  VUis  vinifera, 
plantes  dont  l'indigénat  ne  peut  plus  être  contesté. 

Ces  dépôts  travertineux  sont  surtout  importants 
dans  le  massif  de  Tlemcen  et  le  bassin  de  l'oued 
Khemis.  Les  villages  de  Mazzer,  Béni  Achir,  Béni 
Badel,  Zara,  Tafessera  sont  installés,  ainsi  que  leurs 
jardins,  sur  ce  travertin  déposé  dans  le  milieu  des 
vallées  et  formant  parfois  des  escarpements  de  près 
de  100  mètres  au  débouché  de  vallées  secondaires 
(Mazzer  Tahtani),  qui  se  terminent  ainsi  par  une 
vaste  terrasse  travertin e use  surplombant  la  vallée 
principale.  Les  habitants  de  ces  régions  creusent  ces 
travertins,  pour  y  établir  des  demeures  ou  des  réduits 
pour  leurs  animaux.  Les  jardins  établis  sar  ces 
dépôts  sont  remarquablement  fertiles. 

L'origine  des  sources  qui  ont  abandonné  ces  dépôts 
parait  se  rattacher  aux  phénomènes  de  dislocation 
de  la  lin  du  tertiaire,  dont  elles  ont  été  la  dernière 
phase.  Un  mouvement  postérieur,  pendant  la  période 
quaternaire,  parait  avoir  détruit  les  conditions 
d'existence  de  ces  sources.  Et  actuellement  les  dépôts 
d'Hammam  Meskoutine  et  d'Hammam  boulladjar  et 
de  quelques  autres  sources  minérales  constituent 
des  travertins  actuels,  formés  dans  les  mêmes  con- 
ditions, mais  avec  moins  d'intensité. 

Sur  une  grande  partie  de  la  côte,  aune  altitude 


328  GÉOLOGIE. 

variable  ne  dépassant  guère  une  trentaine  de  mètres, 
un  cordon  de  dépôts  littoraux  marins  horizontaux 
représente  le  quaternaire.  Ces  anciennes  plages 
émergées  ont  conservé  des  coquilles  d'espèces  vivant 
encore  pour  la  plupart  dans  la  mer  voisine  ;  les  Pec- 
toncles  y  forment  de  véritables  bancs  ;  mais  on  y  a 
aussi  trouvé  un  gros  Strombe,  disparu  de  la  Méditer- 
ranée (5/rom6ws  mediterraneus),  un  Cône  rappelant  le 
Conusponderosus  du  Miocène,  le  Nassa  glbbosula^  qui 
ne  se  retrouve  plus  aujourd'hui  que  dans  le  bassin 
oriental  de  la  Méditerranée,  des  molaires  d'un  Élé- 
phant différent,  d'après  M.  Pomel,  de  1'^.  antiquus. 

Ces  couches  marines  sont  postérieures  aux  premiers 
grands  dépôts  quaternaires  ;  sur  les  côtes  de  Tunisie, 
ou  observe  plusieurs  exemples  de  superposition 
directe  (Pomel). 

Dans  beaucoup  de  localités,  des  sables  agglutinés 
en  grès  calcareux  surmontent  ces  couches  marines 
et  ne  contiennent  plus  que  des  fossiles  terrestres  ; 
ces  dépôts  sont  désignés  sous  le  nom  degrés  à  hélices 
et  appartiennent  à  la  môme  formation  que  les  grès 
et  calcaires  à  Pectoncles  qu'ils  surmontent  ;  ils  repré- 
sentent les  dunes  consoUdées  des  anciennes  plages. 

Quaternaire  récent.  —  Dans  cette  seconde  période, 
M.  Pomel  fait  rentrer  les  Unions  plus  ou  moins  stra- 
tifiés qui  forment  le  sol  des  vallées  souvent  en  contre- 
bas des  terrasses  du  Quaternaire  ancien.  Dans  ces 
dépôts,  on  a  trouvé  des  débris  de  VElephas  africa- 
nus^  du  grand  Buffle  [Bubalus  antiquus)^  Bos  primige- 
mus  mauritaniens,  Antilope  Bubalus,  Equus  africanus 
(Cheval  barbe),  Asinus  atlanticus,  Sanglier,  Au- 
truche. 

Les  terres  rouges  des  coteaux  appartiennent  aussi 


QUATERNAIRE   RECENT.  329 

à  cette  époque,  le  remplissage  des  grottes  préhisto- 
riques, comme  celles  du  Grand  Rocher,  de  la  Pointe 
Pescade,  serait  ainsi  contemporain  des  hmons  à  Ek- 
phas  africanus  ;  dans  ces  grottes,  avec  des  déhris  de 
poterie,  on  a  observé  Elephas  africanus^  Byœna  spe- 
lœa.  Phacochère,  Antilope. 

D'autres  stations  préldsloriques  paraissent  un  peu 
plus  anciennes,  elles  sont  constituées  par  des  dépôts 
de  sable,  dans  le  voisinage  de  sources,  à  Palikao 
près  Mascara  et  sur  le  littoral,  à  Aboukir.  M.  Pomel 
a  pu  recueillir  une  grande  quantité  d'ossements 
di  Elephas  atlanticus  Pomel,  intermédiaire  entre 
VE.  africanus  et  E.  meridionalis ,  Elephas  sp.  petit, 
voisin  de  VE.  meliiensis,  Hippopotamus^  Sus  scro- 
pha,  Camelus  lliomasii,  Bubalus  antiquus^  Rhino- 
céros mauritanicus  Pom.,  Equus  mauritanicus  Pom., 
Hyxna  spelsea.  On  a  également  découvert,  dans  les 
mêmes  stations,  quelques  outils  de  forme  tout  à  fait 
primitive,  éclats  de  galets  en  grès  quartziteux  ou 
petits  éclats  de  silex. 

Dans  le  Sahara,  dans  des  fonds  d'anciens  Chotts 
ou  Sebkha,  on  trouve  des  dépôts  gypseux,  posté- 
rieurs aux  quaternaires  anciens  des  Hamada  et  re- 
marquables par  la  présence  du  Cardiumedule,  d'abord 
mêlé  avec  des  espèces  lacustres,  puis  restant  seul  et 
finissant  par  disparaître,  indiquant  ainsi  les  diffé- 
rentes phases  de  l'instauration  du  régime  saharien. 
Ce  terrain  à  Cardium  edule  aune  composition  variable. 
On  y  trouve  des  poudingues,  des  sables,  des  grès. 
des  argiles,  le  tout  chargé  de  gypse. 

Les  grandes  dunes  du  Sahara  appartiennent  à 
l'époque  quaternaire  et  à  l'époque  actuelle,  elles 
sonttoujours  superposées  aux  formations  précédentes 


330  GEOLOGIE. 

et  correspondent  à  l'instauration  du  régime  météo- 
rologique actuel,  qui  remonte  très  loin  dans  les  temps 
préhistoriques.  A  la  surface  de  ces  dunes,  on  trouve 
en  efi'et  des  outils  en  silex  caractéristiques. 

Les  dunes  n'ont  pas  la  mobilité  qu'on  leur  attribue 
généralement  et  elles  ne  constitueront  pas  un  obstacle 
aussi  considérable  qu'on  pourrait  le  croire  à  l'ins- 
tallation d'une  voie  transsaharienne.  Elles  se  sont 
formées  sous  l'influence  des  vents  réguliers. 

Le  vent  fait  le  triage  des  éléments  désagrégés, 
enlève  l'argile,  le  gypse,  le  calcaire,  la  silice  reste 
seule,  les  grains  de  quartz  sont  ensuite  classés,  les 
gros  restent  en  place,  les  fins  roulent  à  la  surface  du 
désert  et  sont  amoncelés  en  dunes. 

Les  coquilles  marines,  recueilhes  à  la  surface  des 
dunes  et  sur  lesquelles  on  a  voulu  baser  l'origine 
marine  de  ces  formations  sahariennes,  ont  évidem- 
ment été  apportées  par  l'homme;  tel  est  le  Cyprœa 
moneta,  coquille-monnaie  de  toute  l'Afrique  centrale, 
ou  encore  le  Nassa  gibbosula  perforé  et  ayant  fait 
partie  d'un  chapelet  de  coquilles. 

Divisions  du  Quatemnaire  d'Algérie,  d'après  M.  Pomel. 

^.  /  Grandes  dunes  du  Sahara,  silex  taillés. 

s  ' 

'^  \  n      T  7   7  (Terrains   des   dépressions  du  Sa- 

-;     Cardium  edule \     u 

C  V  (     hara. 

V  /  (  Terre  rouge  des  coteaux,  grottes. 

g  \  Elephas  nfricanvs \  Alluvions  des  vallées  (Cheliff,  plaine 

S  /  V     de  la  Mctidja,  etc.). 

Se,,     j  ,,     ,.  (  Stations  préhistoriques  de  Palikao, 

^     Elephas  atlanticus . . .         .^     ,  •  ^ 

o- 1        '^  /     Aboukir. 

/      Anciennes   plages     \ 

~  1  émergées.  r  Grès  à  hélices. 

2  ]  Slrombiis     médiierra- 1  Grés  et  calcaires  à  pecloncles. 

g  1  neus.  ) 

ç^  [  Atterrissements    anciens    ou   terrain    sub-atlautique   et 
\     travertins  anciens. 


HOCHES  ÉRUPTIVES.  331 

Formations  récentes.  —  Ces  formations  sont  très 
peu  développées  ;  on  doit  cependant  y  classer  : 

Les  alluvions  de  l'époque  actuelle,  formant  les  lits 
des  cours  d'eau  ; 

Les  sédiments  limoneux,  apportés  chaque  hiver 
dans  les  plaines  basses  et  marécageuses  de  la  Mafrag 
des  Senadja,  du  lac  Haloula,  de  l'Habra-Macta,  de 
faibles  dépôts  dans  les  lacs  et  chotts. 

Les  travertins  se  produisent  encore  sur  beaucoup 
de  points,  dans  les  dépôts  de  sources,  dont  les  plus 
remarquables  sont  ceux  d'Hammam-Meskoutine, 
d'Hammam  bou  Hadjar. 

Les  dunes  récentes  atteignent  une  certaine  épais- 
seur dans  la  partie  Est,  aux  environs  de  la  Galle,  où 
elles  s'élèvent  à  une  altitude  de  plus  de  150  mètres, 
aune  certaine  distance  du  rivage. 

Roches  éruptives.  —  Les  roches  éruptives  jouent 
un  rôle  important  dans  la  géologie  de  l'Algérie. 

Les  roches  anciennes  sont  rares  en  Algérie,  elles 
consistent  en  filons  de  pegmatite  ou  de  granulite  sou- 
vent tourmaUnifères,  qui  percent  les  terrains  primi- 
tifs à  Bône,  dans  la  Kabylie  du  Djurjura,  à  Bordj 
Menaiel,  au  cap  Matifou,  à  Alger. 

Un  pointement  de  granité  existe  à  Nedroma,  il 
est  regardé  comme  postcambrien,  tandis  qu'un 
autre  pointement  de  roche  granitique,  à  Menerville, 
paraît  récent.  L'âge  des  granuUtes  du  Djebel  Filfila 
reste  encore  indécis. 

Les  roches  éruptives  secondaires  ne  paraissent 
pas  représentées;  mais  les  roches  tertiaires  sont  très 
répandues,  elles  ont  débuté  par  de  vrais  granités, 
pendant  l'Éocène.  Après  ces  granités,  sont  venues  des 
granuliies   et   micro  granuUtes,  types  plus   finement 


332  GÉOLOGIE. 

cristallins  de  la  fin  de  l'Éocène  et  du  commencement 
du  Miocène.  Pendant  l'Helvétien,  apparaissent  des 
roches  basaltoïdes  (Cap  Djinet),  puis  au  début  du 
Sahélien,  ce  sont  des  trachylophyres  et  des  ira- 
chyandésites,  roches  de  types  acides,  dont  l'éruption 
coïncide  avec  les  importantes  dislocations  de  cette 
période. 

Durant  le  Pliocène,  les  types  basaltiques  reparais- 
sent, mais  c'est  à  la  fin  de  cette  période  que  l'on 
semble  devoir  rapporter  les  roches  granitoïdes  de 
Gherchell. 

Le  quaternaire  a  aussi  ses  éruptions  de  basaltes, 
elles  se  sont  produites  notamment  dans  la  région 
d'Aïn  Temouchent. 

Mines  et  carrières.  —  Les  mines  et  carrières  sont 
nombreuses  en  Algérie,  mais,  à  cause  de  Téloigne- 
meut  et  delà  cherté  relative  de  la  main-d'œuvre,  on 
n'exploite  que  des  minerais  très  riches.  Nous  citerons 
parmi  les  carrières  la  présence  de  calcaires  argileux 
propres  à  la  fabrication  de  la  chaux  hydraulique. 
Une  usine  importante  s'est  fondée  à  Bougie  pour 
l'exploitation  de  ceux  qui  se  trouvent  à  côté  du  port 
de  cette  ville  ;  une  autre,  dans  les  gorges  de  la  Chiira. 

Les  marbres  sont  très  abondants  et  il  en  est  de 
très  beaux,  ils  sont  peu  exploités  cependant  à  cause 
du  bas  prix  de  la  matière.  Les  exploitations  du  Fil- 
fdla  près  de  Phihppeville  et  du  Chonoua  près  de 
Gherchell  sont  les  principales.  Cette  dernière  est  une 
brèche  à  gros  éléments,  assez  belle,  mais  pas  toujours 
assez  homogène.  Les  gites  de  plâtre  sont  abon- 
dants et  il  en  est  de  très  beaux  avec  cristaux  lamel- 
laires de  grande  dimension  absolument  incolores 
comme  à  Boa  Tléhs  près  d'Oran.  Sur  la  route  d'Oran 


i 


MINES  ET  CARRIÈRES.  333 

àTlemcen,  àAïn  Tokbalot,  on  trouve  les  célèbres  car- 
rières d'Onyx  zone  transparent,  admirable  calcaire 
concrétionné,  dont  les  Romains  revêtaient  l'intérieur 
de  leurs  palais,  et  qui  a  servi  à  l'ornementation  du 
nouvel  Opéra  de  Paris.  A  citer  encore  les  serpentines 
deCoUoet  de  Madaghre,  les  granités  deCherchell,etc. 

Le  sel  est  abondant,  tantôt  ce  sont  de  véritables 
montagnes  de  sel,  où  cette  substance,  remarquable- 
ment pure,  est  préservée  de  la  pluie  par  des  couches 
d'argile  et  de  gypse  (1),  tantôt  ce  sont  des  lacs  salés  ou 
chotts,  qui  se  dessèchent  l'été  et  où  l'on  peut  ramas- 
ser le  sel  avec  des  râteaux  :  les  salines  de  Relizane 
et  d'Arzew,  le  chott  Mzouri,  la  Sebka  d'Oran,  etc. 

On  trouve  des  mines  de  soufre  dans  le  Dahra  : 
Mazouna,  El  Bordj,  Kef  el  Djir,  etc.,  ainsi  que  des 
mines  de  pétrole.  Ce  dernier,  exploité  sans  succès 
jusqu'à  ce  jour,  est  actuellement  l'objet  d'activés 
recherches  de  la  part  d'une  société  anglaise. 

On  a  trouvé  des  lignites  sur  bien  des  points.  A  Bou 
Saada,  on  en  avait  découvert,  il  y  a  quelques  années, 
d'excellente  quaUté,  pouvant  remplacer  la  houille, 
malheureusement  en  trop  faible  quantité.  A  Mar- 
ceau, non  loin  de  Marengo,  une  mine  de  lignite  ali- 
mente en  partie  une  veirerie. 

Le  plomb  argentifère  a  été  exploité  à  Garrouban  et 
l'est  encore  à  l'oued  Messida,  près  de  La  Callc.  Les 
Romains  en  avaient  exploité  aussi  à  l'Ouarensenis.ll 
s'en  trouve  un  gisement  remarquable  au  cap  Cavallo 
près  DjidjelU. 

Les  mines  de  cuivre  de  Mouzaïa-les-Mines  ont  été 
autrefois  l'objet  d'une  grande  exploitation,  mais  les 

(1)  Djebel  Melah,  Rocher  de  sel,  Rassoul,  Tadjerouna,  etc. 


334  GÉOLOGIE. 

filons  s'étant  appauvris,  l'entreprise  fut  abandonnée 
et  les  bâtiments  tombaient  en  ruines  lorsque  la  créa- 
tion du  chemin  de  fer  de  Blida-Médéa,  qui  passe  à  la 
porte  de  l'usine,  engagea  une  nouvelle  compagnie  à 
reprendre  l'exploitation.  Des  désastres  financiers 
indépendants  de  cette  entreprise  ont  de  nouveau 
paralysé  leurs  eftbrts.  Sur  l'autre  versant  de  la 
Mouzaïa,  on  a  exploité,  puis  abandonné  les  gisements 
de  l'oued  Merdja.  D'autres  mines  ont  été  concédées, 
mais  non  exploitées, t  elles  sont  celles  du  cap  Ténès, 
des  Béni  Aquil,  de  l'oued  ïaffilés  et  de  Toued  Kebir 
dans  la  proAânce  d'Alger.  11  existe  des  gisements  de 
cuivre  dans  l'Aurès,  ceux  d'Aïn  Barbaront  même  eu 
un  commencement  d'exploitation.  Dans  le  Djebel 
Amour,  entre  Ain  Sefra  et  Géryville,  se  trouve  aussi 
une  mine  de  cuivre  importante. 

Le  zinc  est  abondant  en  Algérie.  Les  mines  les 
plus  importantes  sont  dans  le  département  d'Alger. 
Celles  de  Sakamody  entre  l'Arba  et  Tablât,  sous 
riiabile  direction  de  l'ingénieur  Delamarre,  leur  con- 
cessionnaire, occupent  un  millier  d'ouvriers.  D'autres 
sont  exploitées  à  Guerrouma  près  de  Palestro.  La 
Yieille-Montagne  a  fait  des  travaux  considérables 
pour  l'exploitation  de  celles  de  l'Ouarensenis,  près 
Orléansville.  Tout  le  sommet  de  la  montagne  est  lardé 
de  filons  de  calamine.  Chose  curieuse,  on  n'y  a  pas 
encore  trouvé  de  blende.  Dans  la  province  d'Oran, 
les  mines  de  Mazis,  du  Filhaoucen,  où  le  zinc  est 
mêlé  au  plomb,  sont  concédées  et  paraissent  impor- 
tantes. Dans  le  département  de  Constantine,  la  Yieille- 
Montagne  a  acquis  les  gisements  considérables  de 
Hammam  N'bails  ;  d'autres  ont  été  reconnus  au  Fedj 
Fédoulés,  etc. 


PHOSPHATES.  335 

Vantimoine  de  Hamimatet  de  Sensadans  le  dépar- 
tement de  Constantine  est  célèbre  par  la  présence  de 
deux  espèces  minéralogiques  rares,  la  Senarmontite 
et  l'Exitèle.  On  y  trouve  également  du  mercure  (1). 

Les  minerais  métallifères  les  plus  importants  de 
l'Algérie  sont  les  minerais  de  fer.  On  en  trouve  un 
peu  partout.  Le  manque  de  combustible  et  l'éloigne- 
mentdes  centres  métallurgiques  font  qu'on  n'exploite 
que  des  minerais  extrêmement  riches,  à  proximité 
des  ports  ou  des  voies  ferrées.  La  plus  importante 
de  ces  mines  est  sans  contredit  celle  de  Mokta  el 
Hadid  près  Bùne  où  la  relie  un  chemin  de  fer  minier 
de  30  kilomètres  transportant  environ  16  à  1800  ton- 
nes de  minerai  par  jour.  Le  minerai  est  constitué 
par  du  fer  oxydulé.  La  même  compagnie  exploite, 
dans  la  province  d'Oran,  la  minière  de  Béni  Saf,  d'où 
elle  expédie  annuellement  plus  de  30  000  tonnes 
d'hématite  manganésifère.  Ce  sont  là  les  exploita- 
tions les  plus  florissantes.  Nous  citerons  encore  un 
certain  nombre  de  mines  concédées  et  ayant  été 
exploitées  pour  la  plupart,  telles  sont,  dans  la  pro- 
vince d'Alger,  celles  du  Zaccar  à  Milianah,  de  Gou- 
raya,  de  Ténès,  de  Temoulga,  de  l'Oued  Rouina,  etc. 
Dans  la  province  de  Constantine:  Aïn  Mokra,  Aïn 
Sedma,  Bougaroun  près  Collo,  le  Djebel  Anini  dans  la 
région  sétifienne,  etc.  Dans  le  département  d'Oran  : 
Caméra  la,  Bab   M'teurba,   Honaïm,  ïenikrent,  etc. 

Phosphates. — En  1878,  M.  Tissot  s'exprime  ainsi  : 

La  relation  constante  du  terrain  Suessonien  avec  les  régions 
fertiles  en  céréales,  permet  de  penser  que  le  phosphate  de 
chaux  y  existe.  La  structure   y  est  d'ailleurs  fréquemment 

(I)  Notice  géologique  et  miner alogiqiie  sur  le  département  de 
Constantine. 


336  GÉOLOGIE. 

noduleuse.  Des  recherclir's  seront  faites  à  ce  point  de  vue. 
On  parviendra  peut-être  à  trouver  là  un  élément  de  trafic  im- 
portant soit  pour  l'exportation,  soit  pour  fertiliser  certaines 
plaines,  qui,  comme  la  plaine  de  Bône,  sont  connues  pour  leur 
peu  d'aptitude  à  donner  des  céréales. 


Ces  prévisions  se  sont  réalisées.  M.  Thomas,  qui 
dès  1873  avait  constaté  dans  le  Sud  du  département 
d'Alger  l'existence  d'un  étage  Suessonien  renfer- 
mant des  phosphates  fut  chargé,  de  1883  à  1885,  de 
l'exploration  géologique  du  sud  de  la  Régence  de 
Tunis.  Ce  géologue  présenta  ses  premiers  travaux  sur 
les  gisements  de  phosphates  de  la  Tunisie  à  l'Asso- 
ciation française  pour  l'avancement  des  sciences  au 
congrès  de  Nancy.  Ces  gisements  importants  étaient 
ceux  de  la  région  de  Gafsa. 

Depuis  cette  époque,  les  recherches  ont  été  pous- 
sées actiA^ement  tant  en  Tunisie  que  sur  la  territoire 
avoisinant  le  département  de  Constantine. 

Le  phosphate  de  chaux  se  trouve  dans  deux  for- 
mations distinctes,  dans  la  marne,  dans  le  calcaire. 

Le  phosphate  de  chaux  se  trouve  à  l'état  de 
nodules  dans  des  marnes  feuilletées  gypsifères  qui 
alternent  avec  les  bancs  calcaires.  On  y  rencontre 
quantité  de  dents  de  squales  et  de  sauriens. 

Les  nodules  sont  arrondis,  recouverts  d'une 
patine  brune  et  luisante,  le  phosphate  est  concentré 
dans  cet  enduit  luisant,  l'intérieur  est  calcaire,  si  bien 
que  les  gros  nodules  sont  pauvres.  Les  petits  nodules, 
au  contraire,  peuvent  contenir  jusqu'à  70  p.  100  de 
phosphate  tribasique.  Ces  phosphates  marneux  n'ont 
été  exploités  qu'à  Djebel  Dekma  près  Soukarras  et 
cette  exploitation  n'a  pas  été  rémunératrice. 

Les  phosphates  calcaires  sopt  exploités  à  Tebessa  ; 


PIIOSIMIATHIS.  337 

ils  se  présentent  sous  forme  d'une  roche  assez 
friable,  grenue,  d'un  gris  jaunâtre  ou  brun  ver- 
datre. 

La  qualité  la  plus  recherchée  s'écrase  facilement 
dans  les  doigts.  Cette  roche  est  formée  par  l'agglo- 
mération dans  un  ciment  calcaire  d'une  multitude  de 
grains  fins,  bruns,  brillants,  de  grains  verdâtres,  rap- 
pelant la  glauconie  ;  on  y  rencontre  encore  des  copro- 
lithes,  des  dents  de  squales,  et  l'analyse  décèle  la 
présence  d'une  assez  grande  quantité  de  matière 
organique  et  de  silice  gélatineuse.  Ces  bancs  phos- 
phatés ont  un  développement  inégal,  leur  puis- 
sance varie  de  quelques  centimètres  à  6  mètres. 

Dans  le  plateau  du  Dyr,  l'exploitation  est  partie  à 
ciel  ouvert,  partie  souterraine  et  passe  sous  le  cal- 
caire nu  mmuli  tique. 

Le  phosphate  est  réparti  dans  plusieurs  couches 
variant  comme  richesse,  après  triage,  entre  58  et 
63  p.  100  pour  la  qualité  pauvre  et  63  et  69  pour  la 
quahté  riche. 

La  nature  de  ces  phosphates  ne  laisse  rien  à  désirer 
au  point  de  vue  de  leur  transformation  en  superphos- 
phates, leur  teneur  permet  d'obtenir  couramment 
un  titre  de  14  à  15  p.  100  d'acide  phosphorique  dans 
le  superphosphate  grenu  sec,  facile  à  broyer  et  ne 
s'agglomérant  pas  en  sac.  Ce  sont  les  avantages  qui 
ont  fait  apprécier  dès  leur  apparition  les  phosphates 
algériens,  notamment  en  Angleterre,  leur  marché 
principal. 

D'après  M.  Levât,  on  peut  estimer  comme  suit 
le  prix  de  revient  actuel  de  la  tonne  de  phos- 
phate pour  les  exploitations  déjà  reliées  au  cheumî 
de  fer  : 

Battaindier  etTuAiuT.  — Algérie.  22 


338 


GÉOLOGIE. 


fr. 


fr. 


Abatage,  boisage,  roulage 3  3 

Triage,  séchage 1  1 

Transport  en  chemin  de  fer  suivant 

la  distance 0,50  à  1,50 

Transport  à  Bône 9  9 

Mise  à  bord 0,50  0,50 

Fret  pour  les  ports  de  la  Méditer- 
ranée  , 6  » 

Fret  pour  les  autres  ports  d'Europe.  »  9 

Amortissement  du  matériel  et  frais 

généraux 3  3 

Frais  de  vente,  escompte,  etc 1,80  2 

24,80  à  29,00 


Ce  qui  laisse  sur  les  prix  de  vente  actuels  une 
marge  de  8  à  10  francs,  dont  il  y  a  lieu  de  déduire 
les  redevances  à  payer  ainsi  que  l'intérêt  et  l'amor- 
tissement  du  capital  d'achat  des  gisements. 

Les  gisements  éocènes  de  Tunisie  et  de  Tebessa 
se  prolongent  dans  le  Sud  et  l'Ouest  de  l'Algérie, 
Sétif,  Bordj-bou-Arreridj,  les  contreforts  de  l'Aurès, 
Boghari.  Ce  niveau  de  phosphate  éocène  forme 
une  bande  allant  de  la  Tunisie  au  Maroc,  il  est  à 
présumer  que  les  découvertes  de  phosphates  dépen- 
dant du  ^uessonien  inférieur  se  multipUeront  en 
Algérie. 

Les  gisements  de  phosphates  éocènes  reconnus 
constituent  pour  l'Algérie  et  la  Tunisie  une  richesse 
extraordinaire,  et  quand  une  sage  réglementation 
sera  appliquée  à  l'exploitation,  cette  matière  devien- 
dra une  source  sérieuse  de  revenu  pour  le  budget 
algérien. 

Indépendamment  de  ces  gîtes  éocènes,  on  exploite 
dans  le  département  d'Oran  des  gisements  miocènes 
de  phosphates  très  purs  et  très  riches,  mais  très  Umités 


EAUX  MINÉRALES.  339 

comme  quantité  :  ce  sont  des  phosphorites  qui  tapis- 
sent des  fentes  et  cavernes  dans  le  calcaire  à  mélo- 
bésies  (helvétien)  ou  dans  les  colonies  liasiques. 

L'intérieur  des  grottes  à  phosphates  de  l'Oranie 
est  occupé  par  des  dépôts  qui  se  présentent  de  la 
manière  suivante: 

A  la  base,  une  couche  de  phosphate  concrétionné 
blanc  ou  jaune  clair  très  riche,  reposant  sur  le  cal- 
caire àmélobésies.  Au-dessus,  des  terres  phosphatées 
ferrugineuses,  sableuses  ou  argileuses.  Ces  terres 
sont  recouvertes  d'argile.  Les  grottes  à  phosphates 
communiquent  par  des  conduits,  dans  lesquels  ont 
circulé  les  eaux  qui  ont  déposé  le  phosphate. 

Les  phosphates  concrétionnés  sont  exploités  aux 
environs  d'Inkermann  (Oran),  grotte  de  Leghar; 
mais  il  existe  des  gisements  importants  au  Merdja, 
à  Charon,  à  Rélizane,  à  Saint- Aimé.  Les  échantillons 
analysés  ont  donné  de  80  à  30  p.  100  de  phosphate 
tribasique. 

Eaux  minérales.  —  L'Algérie  est  très  riche  en 
eaux  minérales,  surtout  en  eaux  thermales,  qui 
furent  utilisées  par  les  Romains  et  pour  lesquelles 
les  populations  indigènes,  arabes  aussi  bien  que 
kabyles,  ont  conservé  la  même  estime.  La  plupart 
émergent  de  terrains  tertiaires  et  ce  sont  alors  les 
chlorures  et  les  carbonates  alcaUns  qui  dominent. 
Leur  température  est  en  général  élevée  et  leur  débit 
considérable.  Leur  composition  varie  beaucoup.  Elles 
sont  répandues  dans  les  trois  provinces  du  littoral 
au  Sahara. 

Les  eaux  simplement  alcalines  et  gazeuses,  comme 
celles  de  Vais  et  de  Vichy,  si  désirables  en  Algérie 
à  cause   du  climat,  y  sont  malheureusement  bien 


340  GÉOLOGIE. 

rares,  c'est  à  peine  si  on  en  connaît  une  source  près 
d'El  Affroun  et  une  autre  près  de  Bouira,  et  leur 
débit  est  insignifiant.  Les  eaux  de  table  non  ferrugi- 
neuses, comme  celles  de  Saint-Galmier,  n'ont  guère 
pour  représentant  que  l'eau  de  Takitounc,  dans  la 
région  des  Babors,  laquelle  est  exploitée,  et  une 
autre  source  près  de  l'oued  Agrioun. 

Les  eaux  thermales  sont  en  général  peu  minérali- 
sées, sauf  celles  qui  sont  chlorurées  sodiques  comme 
Hammam  Melouan  et  Ain  Mentil,  mais  on  y  trouve 
les  eaux  les  plus  chaudes  du  globe  après  celles  du 
grand  Geyser  d'Islande.  Ce  sont  les  eaux  si  curieuses 
d' Hammam-MeS'Koutine^  près  de  Guelma,   dont  la 
température  s'élève   à  96''  centigrades  et    dont  le 
débit  atteint  200000  litres  à  l'heure.  Ces  eaux  sont 
situées  dans  un  paysage  extraordinaire,  où  les  forces 
de  la   nature   paraissent   s'être    depuis   longtemps 
donné  libre  carrière.  En  arrière,  on  voit  d'abord  une 
longue  chaîne  de  collines  travertineuses,  évidemment 
formées  par  les  eaux  qui  les  continuent  peu  à  peu 
en  s'avançant  vers  l'Ouest.  En  face,  c'est  la  masse 
sombre  et  bizarre  du  Djebel  Thaya,  avec  ses  immen- 
ses grottes  creusées  peut-être  par  ces  mêmes  eaux, 
ses  minerais  de  mercure  et  d'antimoine.  Non  loin, 
les  dolmens  de  Roknia,  où,  d'après  M.  Bourguignat, 
existait  jadis  une  Hgne  de  suffioni,  dont  la  supersti- 
tion faisait  aux  temps  préhistoriques  des  émanations 
de  la  divinité  ;   le  lac    souterrain   et  les  ruines  de 
Tibilis,  devenue  plus  tard  Announa.  Tous  ces  pays 
furent  célèbres  chez  les  Romains,  les  aquie  Tibili- 
tanœ,   eaux  actuelles,  paraissent  avoir  été  particu- 
lièrement en  vogue  de  leur  temps,  vu  les  ruines  con- 
sidérables que  l'on  y  retrouve.  Les  grottes  du  Thaya 


i 


EAUX   MINÉRALES.  341 

étaient  dédiées  au  dieu  Baccax.  Certaines  parties  de 
ces  grottes  sont  des  abîmes  insondables,  d'autres 
forment  une  remarquable  série  de  couloirs  et  de 
salles  grandioses  :  galeries  Challamel,  de  Flogny  et 
de  rOurs;  salle  de  La  Tour  du  Pin,  des  ïibilitains, 
de  la  Djemaa,  boudoir  de  Gabrielle  (dédié  à  la  prin- 
cesse de  Crôy),  salle  Faidherbe,  salle  Rouvière,  etc.  ; 
mais  il  est  temps  de  revenir  à  nos  eaux. 

Éminemment  incrustantes,  elles  forment  des  cônes 
d'éruption  qui  vont  sans  cesse  en  s'élevant  jusqu'à 
ce  que  la  cheminée  se  bouche  ;  alors  les  eaux  s'ou- 
vrent un  passage  ailleurs  et  recommencent  de  nou- 
veaux cônes.  Ces  cônes  éteints,  très  pittoresques, 
ont  donné  naissance  à  une  légende  poétique  chez  les 
Arabes.  Ils  représentent  pour  eux  une  noce  inces- 
tueuse, subitement  pétrifiée  comme  la  femme  de 
Loth. 

En  avant,  les  pétrifications  imitent  une  immense 
cascade  descendant  à  pic  dans  l'oued  Chedakra, 
affluent  du  Bou  Hamdam.  Cette  cascade,  d'une  blan- 
cheur éclatante,  est  relevée  çà  et  là  de  teintes  écar- 
tâtes ou  vert  éclatant,  formées  par  des  revêtements 
d'algues  microscopiques  (fig.  32). 

Même  les  forces  vitales  semblent  avoir  agi  d'une 
façon  particulière  dans  ce  curieux  cadre,  de  manière 
à  donner  naissance  à  des  espèces  absolument  parti- 
culières à  la  région,  telles  que  le  Stalice  globulariœ- 
fol'ia  Desf.  des  cascades,  et  le  bizarre  Sinapis  A7Hsii- 
dis  du  Djebel  Thaya. 

Les  eaux  émergent  donc  à  la  partie  supérieure  de 
la  vaste  cascade  travertineuse,  vraie  paroi  d'un  bar- 
rage naturel  par  lequel  elles  coulent  dans  l'Oued 
Chedakra.   Aux  points  d'émergence,  elles  forment 


342  GÉOLOGIE. 

d'abondants  pisolithes  d'un  blanc  éclatant.  En  cou- 
lant dans  le  Chedakra,  leur  température  fait  qu'elles 
restent  à  la  surface  des  eaux  de  la  rivière  sans  s'y 
mêler,  leur  densité  étant  moindre.  Aussi  les  pois- 
sons ne  peuvent-ils  dans  cet  endroit  venir  à  la  sur- 
face où  ils  trouvent  de  l'eau  presque  bouillante. 

Les  eaux  d'Hammam  Meskoutine  sont  les  pre- 
mières eaux  minérales  dans  lesquelles  on  a  trouvé 
de  l'arsenic.  L'auteur  de  cette  découverte  fut  M.  Tri- 
pier, pharmacien  militaire.  Voici  l'analyse  qu'il  a 
donnée  de  ces  eaux  : 

Acide  carbonique 97      p.   100 

—  sulfhydrirpie 0,5      — 

Azote 5,5      — 

g'-- 

Chlorure  de  sodium 0.U5G0 

—  de  magnésium 0.078(*)4 

—  de  potassium 0.018;50 

—  de  calcium 0.01085 

Sulfate  anhydre  de  chaux 0. ;^808(*) 

—  de  soude 0.17G53 

—  de  magnésie 0.00G73 

Carbonate  de  chaux 0.25722 

—  de  magnésie 0.04235 

—  de  strontiaiie 0,00150 

Arsenic  dosé  à  l'état  métallique 0.00050 

Silice 0.07000 

Matières  organiques  environ 0.00000 

Fluor }  rr„„„^^ 

„       -     ,     .  Traces. 

Oxyde  de  fer * 

Total 1.51917 

Outre  les  sources  principales,  on  trouve  encore 
à  Hammam  Meskoutine  des  sources  ferrugineuses,  en 
remontant  l'oued  Chedakra  d'un  kilomètre  environ. 
Leur  température  est  de  78°. 

Ces  eaux  ferrugineuses  sont  employées  comme 


344  GÉOLOGIE. 

eaux  de  table.  Un  établissement  de  bains  a  été  établi 
près  des  eaux  thermales. 

Sans  quitter  le  département  de  Constantine,  on 
trouve  d'autres  eaux  thermales,  telles  sont  celles  à' El 
Bammam,  près  des  gorges  du  Guergour,  à  côté  des- 
quelles on  trouve  les  ruines  d'une  ville  romaine. 

Ces  eaux,  situées  sur  le  bord  de  l'Oued  bon  Sellam, 
ne  sont  plus  que  tièdes  aujourd'hui,  mais  leurs  dé- 
pôts traA^ertineux  témoignent  d'une  activité  jadis 
comparable  à  celle  d'Hammam  Meskoutine.  Les 
sources  de  Sidi  Mecid,  aux  portes  de  Constantine, 
ont  une  grande  réputation;  elles  sont  à  peine  miné- 
ralisées, légèrement  carboniques  et  ont  une  tempé- 
rature de  31°.  Sur  la  route  de  Bône  à  Constantine,  à 
8  kilomètres  de  Guelma,  se  trouve  la  célèbre  piscine 
d'Hammam  Berda,  qui  montre  encore  de  vastes 
constructions  romaines,  entourant  un  bassin  de 
42  mètres  de  long  sur  36  de  large,  où  sourdent  16  à 
18  griffons  aujourd'hui  inutilisés  ;  c'est  à  côté,  dans 
deux  lacs,  où  sourdent  une  vingtaine  de  sources,  que 
se  prennent  les  bains.  Quatre  griffons  sont  isolés. 

La  température  ne  dépasse  pas  30°,  l'eau  est  for- 
tement carbonique,  la  minéralisation  est  nulle. 

Dans  la  même  région,  se  trouve  une  autre  source 
du  nom  à' Ain- Berda.  Sur  les  bords  du  Sahara,  près 
de  Biskra,  on  trouve  les  grandes  sources  thermales 
inutilisées  d'Aïn-Oumach  et  celles  actuellement 
exploitées  d'Ain  Salahin  et  d'Hammam  G'rule  (bain 
de  la  gale).  L'Ain  Salahin,  où  l'on  vient  de  créer  un 
établissement  balnéaire,  débite  3  600  000  litres  en 
vingt-quatre  heures,  la  température  est  de  45°,  l'eau 
est  fortement  chlorurée  et  sulfureuse.  Tout  près  se 
trouve    un    lac  salé,    espèce   de  cratère  à  parois 


I 


EAUX  MINÉRALES.  345 

abruptes,  qui  constitue  l'Hammam  G'rule.  Le  dia- 
mètre de  ce  cratère  n'a  pas  moins  de  300  mètres,  on 
y  voit  bouillonner  cinq  à  six  sources,  qui  émettent  de 
nombreuses  bulles  gazeuses. 

Cette  eau  est  fortement  chlorurée  et  amère,  très 
désagréable  au  goût.  Elle  est  inodore.  Elle  n'est  pas 
thermale,  les  Arabes  regardent  cette  eau  comme 
souveraine  contre  la  gale.  Ils  ne  peuvent  se  baigner 
que  vers  Féchancrure  du  cratère  d'où  sort  le  ruis- 
seau qui  lui  sert  de  déversoir.  Elle  est  trouble  et 
jaunâtre  (l). 

Dans  le  département  d'Alger,  les  eaux  les  plus  cé- 
lèbres sont  d'abord  celles  à' Hammam  Rliira^  Aqine 
calidœ  des  Romains,  à  proximité  de  leur  capitale  Julia 
Cesarœa,  aujourd'hui  Cherchel.  Les  restes  romains 
sont  nombreux  autour  des  sources,  mais  sont  peu  de 
chose  à  côté  des  grands  établissements  modernes, 
militaire  et  civil.  L'établissement  civil,  créé  par 
M.  Arlès-Dufour,  ne  le  cède  guère  pour  l'importance 
et  le  luxe  aux  plus  beaux  de  la  métropole.  Hammam 
R'hira  compte  de  nombreuses  sources,  les  unes  ther- 
males, les  autres  froides  et  ferrugineuses.  Leur 
débit  total  est  d'environ  2iG  000  litres  en  vingt- 
quatre  heures. 

Les  diverses  sources  ferrugineuses  d'Hammam 
R'hira  ont  des  compositions  assez  diverses.  Elles  sont 
faiblement  carboniques  et  assez  fortement  minérali- 

(1)  Nous  citerons  encore  dans  le  département  de  Coustantine 
le  Hammam  Mansoura  dans  les  Portes  de  Ker,  assez  analogue  à 
l'Hammam  Berda,  le  Hammam  Sétif,  le  Hammam  oued  Mimin, 
à  41  kilomètres  de  Philippe  ville,  40  à  43°,  ferrugineuse  et 
carbonique  faible;  Hammam  Sahla  Bey,  à  9  kilomètres  de 
Constantine  ;  Hammam  Si  el  Hadj  près  Biskra  ;  les  eaux  de 
l'oued  Amimin,  près  de  Jemmapes,  etc. 


346  GÉOLOGIE. 

sées,  2  à  3  grammes  par  litre.  Elles  contiennent  une 
assez  grande  quantité  de  sulfate  de  chaux.  Elles  sont 
chaudes  ou  froides. 

Les  eaux  thermales  sont  les  plus  importantes. 
Leur  température  varie  de  40  à  70°  centigrades .  Leur 
minéralisation  est  assez  faible.  Certaines  sources,  les 
plus  chaudes,  sont  utiUsées  en  bains,  d'autres  sont 
bues  à  la  buvette.  Les  analj^ses  qui  ont  été  données 
de  ces  eaux  sont  assez  peu  concordantes. 

Elles  contiennent  toutes  de  2  à  3  grammes  de  sels 
par  htre,  où  dominent  les  chlorures  et  les  sulfates  de 
soude^  de  chaux  et  de  magnésie,  avec  quelques  car- 
bonates des  mêmes  bases.  Des  traces  d'arsenic  ont 
été  trouvées  dans  les  sources  ferrugineuses.  On  com- 
pare, au  point  de  vue  médical,  ces  eaux  à  celles  de 
Néris  et  de  Lucques. 

Après  Hammam  R'hira,  les  eaux  thermales  les 
plus  importantes  des  environs  d'Alger  sont  les  eaux 
chlorurées  sodiques  d'Bammam  Melouan  près  de 
Rovigo  (G g.  33),  où  existe  un  établissement  balnéaire 
plus  modeste  que  le  précédent.  Ces  eaux  sourdent  au 
fond  d'une  gorge  escarpée  et  étaient  autrefois  d'un 
accès  difficile,  néanmoins  elles  ont  toujours  été  tenues 
en  grande  estime.  Aujourd'hui,  elles  ont  un  chemin 
d'accès  carrossable  et  un  hôtel  modeste  mais  suffi- 
sant. L'ensemble  des  sources  débite  environ 
345  000  Utres  en  vingt-quatre  heures.  Elles  sont 
claires,  onctueuses,  inodores  et  gazeuses.  Leur  tem- 
pérature est  de  39  à  40°;  leur  composition  assez  voi- 
sine de  celle  de  l'eau  delà  mer.  Elles  laissent  déposer 
un  peu  de  fer  (1). 

(1)  Outre  ces  deux  stations  principales,  on  en  trouve  un  grand 
nombre  d'autres  utilisées  localement,  surtout  par  les  Arabes, 


EAUX   MINÉRALES. 


347 


Fi^.  3;].  —  Eaux  d'Hammam  Melouan, 


348  GÉOLOGIE. 

Dans  le  département  d'Oran,  à  50  kilomètres 
d'Oran  et  à  3  kilomètres  d'Ain  Temouchent,  nous 
trouvons  aussi  un  établissement  thermal  de  premier 
ordre,  celui  &' Hammam  hou  Hadjar  (bains  de  la 
pierre),  ainsi  nommé  à  cause  des  dépôts  traverti- 
neux  que  laissent  ces  eaux,  qui  forment  en  outre  dans 
les  griffons  de  curieux  pisoUtbes,  pareils  à  des  pilules 
dragéifiées. 

Ces  eaux  sourdent  dans  un  terrain  travertineux 
formé  par  elles  et,  comme  à  Hammam  Meskoutine,  il 
arrive  que  les  griffons  s'obstruent  et  se  déplacent,  ou 
que  l'on  trouve  de  nouvelles  sources  en  creusantdes 
tranchées  dans  ce  travertin.  L'examen  de  ces  traver- 
tins montre  que  les  sources  furent  d'abord  calcaires, 
puis  ferrugineuses  et  sont  enfin  redevenues  calcaires. 
La  température  est  très  variable.  Il  existe  à  Hammam 
bon  Hadjar  des  sources  froides  et  d'autres  dont  la 
température  atteint  78°. 

comme  le  Hammam  Ksenua,  à  40  kilomètres  d'Aumale,  dans  la 
forêt  du  Kseuna,  dont  la  température  varie  de  30  à  70°  centi- 
grades et  qui  sont  fortement  sulfureuses  ;  celles  de  l'ouod 
Okris  dans  la  môme  région  ;  les  sources  également  sulfu- 
reuses des  Ouled  Auteur,  prèsdeBoghar;  celles  deBerrouaghia, 
de  rOuareusenis,  d'Aïn  Kebrita  près  Teniet,  etc. 

Les  eaux  ferrugineuses  abondent  dans  le  département 
d'Alger;  outre  celles  déjà  mentionnées,  nous  signalerons  la 
source  légèrement  iodurée  de  la  Bouzareah,  celles  du  Frais- 
Vallon,  de  la  forêt  de  Teniet  el  Haad,  de  Mouzaïa,  d'Aïn  Ham- 
maraa,  près  de  Milian;ih,  de  Boufarick,  d'El  Achour,du  Fondouck, 
de  i^'ort-Nationai  ;  les  sources  de  la  région  de  Dellys,  de  Bcr- 
rouaghia,  d'Aïn  en  Nehar,  de  Mazer,  d'Aïn  ben  Bakti  ;  d'Aïn  el 
Hammam  à  quatre  kilomètres  de  Djelfa,  et  enfin  de  Ben 
Haroun  dans  la  région  de  Dra  el  Mizan.  Cette  dernière  localité 
contient  aussi  des  eaux  un  peu   laxatives. 

Des  eaux  salines  existent  encore  près  du  vieux  Tenès,  au 
Ksar  Zerguin,  région  de  Boghar  au  Cherf,  à  trente-six  kilomè- 
mètres  de  Djelfa,  etc. 


EAUX   MINÉRALES. 


349 


Les  travaux  de  caplage  ont  plus  d'une  fois  modilié 
la  température  et  la  composition  des  sources.  Voici 
quelques  analyses  données  parle  service  des  mines  : 


SOURCE 

du 

palmier  78". 

SOURCE 

n»  9 
froide. 

SOURCE 

de  la 

tranchée  oG". 

Bicarbonate  de  chaux... 

—  de  magnésie. 

—  de  soude 

—  de  fer 

Sulfate  de  chaux 

Chlorure  de  calcium 

—  de  magnésium. 

—  de  sodium 

Silice 

1.070 
0.052 
1.075 
0.120 
0.102 
O.lOl 
0.170 
2.070 
0.070 

1.218 
0.045 
1.390 
0.132 
0.105 
0.341 
0.102 
2.215 
0.075 

0.514 
0.030 
0.517 
0.120 
0.102 
0.31G 
0.177 
2.013 
0.070 

Total  au  litre 

4 .  890 

5.G83 

3.859 

Ajoutons  que  les  pisolithes  formés  par  les  sources 
contiennent  de  la  strontiane  en  quantité  notable  et 
un  peu  d'acide  phosphorique. 

Le  débit  de  ces  sources  est  considérable. 

Ajoutons  deux  sources  à  la  fois  sulfureuses  et 
chlorurées  sodiques  fortes  :  Aïn  Nouissy  près  Mosta- 
ganem  et   Ain  Mentil  à  18  kilom.  d'.Ammi  Moussa. 

A  3  kilomètres  d'Oran,  sur  la  route  de  Mers-el- 
Kébir,  dans  une  grotte  au  bord  de  la  mer  et  à  2  mè- 
tres en  contre-bas,  se  trouvent  les  bains  de  la  Reine. 

On  a  construit  pour  ces  eaux,  célèbres  chez  les  Ara- 
bes et  les  Espagnols,  un  établissement  important. 

Nous  citerons  encore  : 

1°  Le  Hammam  Sidi  Cheik,  près  de  Lella  Marnia. 
Ces  eaux  ont  un  débit  considérable  et  font  tourner 


350  GEOLOGIE. 

un  moulin.  Leur  température  est  de  33°,  elles  sont 
faiblement  minéralisées,  3  grammes  par  litre  dont 
2  environ  de  sel  marin.  Elles  sont  incrustantes  ; 

2°  Le  Hammam  Sidi  bel  Khreir,  dans  la  même 
région,  moins  minéralisé,  et  de  même  température; 

3°  Le  Hammam  oued  Khaled,  près  de  Saïda; 

Et  4°  Sidi  bou  Mahiedin,  sur  les  bords  du  Ghélif, 
non  loin  du  confluent  de  la  Mina.  Toutes  ces  eaux 
sont  peu  minéralisées,  mais  thermales. 

Deux  eaux  carbonatées  calciques  chaudes  ont  une 
certaine  importance  ;  en  première  ligne,  le  Hammam 
bou  Hanifia,  sur  le  chemin  de  fer  de  Perrégaux  à 
Mascara.  Ces  eauxjouissent  d'une  grande  réputation, 
tant  chez  les  indigènes  que  chez  les  Européens,  pour 
le  traitement  des  rhumatismes  aigus  et  de  la  dysen- 
terie. On  peut  les  comparer  aux  eaux  de  Bourbonne 
et  de  Luxeuil.  L'établissement  est  aménagé  surtout 
en  vue  des  indigènes. 

La  deuxième  eau  minérale  du  même  genre  est 
l'AïnSidi  Abdein,sur  les  bords  de  l'Isser, à  deux  heures 
du  Pont  de  l'Isser.  Sa  température  est  de  38°  et  sa 
minéraUsation  très  faible,  0^\466.  On  peut  encore 
citer  dans  le  même  genre,  moins  minéralisé  encore, 
le  Hammam  bou  R'hara,  près  Marnia. 

Le  département  d'Oran  est,  comme  les  deux  autres, 
assez  riche  en  eaux  ferrugineuses.  Ces  eaux  sont  en 
général  peu  minéralisées  et  froides,  ou  peu  chaudes 
(35°  pour  la  plus  chaude,  l'Ain  Madagre).  Nous  cite- 
rons l'Ain  Merdja,  près  de  l'embouchure  de  la  Tafna, 
FAïn  el  Hammam,  près  de  Sebdou,  l'Hammam  el 
Hout,  près  de  Tlemcen  etl'Aïn  Madagre,  à  1  kilomètre 
de  l'embouchure  de  l'Oued  Madagre. 


CHAPITRE  IX 
CONCLUSIONS 

En  résumé,  l'Algérie  n'est  que  le  prolongement  de 
l'Europe,  une  des  terres  qui  bordent  ce  grand  lac 
européen,  si  justement  nommé  par  les  Romains  Mare 
Méditerraneum.  Le  Tell  est  susceptible  d'être  peuplé 
comme  l'Espagne  ou  la  Provence  et  il  semble  s'être 
rapproché  de  cet  idéal  sous  les  Romains.  La  région 
des  steppes  et  le  Sahara,  avec  des  ressources  moin- 
dres, sont  pourtant  susceptibles  d'amélioration.  Mal- 
gré ses  détracteurs,  l'Algérie  est  une  magnifique 
colonie.  Il  n'y  a  qu'une  soixantaine  d'années  que  nous 
avons  commencé  la  conquête  du  territoire.  11  n'y  a 
que  vingt-cinq  ans  que  la  colonisation,  générale- 
ment abhorrée  sous  le  régime  militaire  (1),  a  enfin 
pu  prendre  tout  son  essor.  Elle  s'est  faite  sans  direc- 
tion générale,  au  petit  bonheur,  avec  bien  des  faus- 
ses manœuvres,  et  cependant  les  résultats  sont  déjà 
surprenants.  Le  Tell  s'est  couvert  presque  partout 
de  splendides  cultures;  Alger,  avec  ses  faubourgs, 
forme  une  agglomération  de  plus  de  130000  âmes, 
c'est  un  de  nos  plus  grands  ports  de  commerce  ;  Oran 
suit  de  près  la  capitale. 

Sans  doute,  tout  n'est  pas  pour  le  mieux,    et  à 

(1)  Une  honorable  exception  doit  être  faite  pour  le  maréchal 
CuffoaUd. 


352  CONCLUSIONS. 

l'heure  actuelle  de  grandes  exploitations,  créées  à 
grands  renforts  de  capitaux  français,  subissent  une 
crise  difficile.  Mais  il  en  est  de  même  partout,  l'avi- 
lissement des  prix  des  denrées  rend  précaire  le 
revenu  du  propriétaire  terrien,  celui  du  capitaliste 
décroit  aussi  constamment.  Lorsque  le  colon  con- 
sommera lui-même  les  produits  du  sol,  l'Algérie 
pourranourrir  12000  000  d'hommes, précieux  appoint 
pour  la  mère  patrie. 

Deux  causes  ralentiront  ce  peuplement,  deux 
fléaux,  qui  dépendent  surtout  de  la  chaleur  du  cli- 
mat :  la  fièvre  et  l'alcool. 

Contre  la  fièvre,  nous  avons  un  auxiliaire  pré- 
cieux qui  manquait  aux  Romains,  la  quinine  ;  mais 
nous  leur  sommes  bien  inférieurs  sous  le  rapport 
de  l'hygiène.  Nous  plaçons  plus  mal  nos  centres  et 
nous  n'apportons  pas  le  même  soin  qu'eux  dans  la 
recherche  des  eaux  d'alimentation.  L'emplacement 
de  nos  centres  a  généralement  été  choisi  en  dehors 
de  toute  préoccupation  hygiénique. 

La  consommation  de  l'alcool  en  Algérie,  malgré 
l'ardeur  du  chmat,  est  loin  d'être  aussi  considérable 
qu'on  se  le  ligure  ;  mais  les  effets  nocifs  des  boissons 
alcoohques  sont  bien  plus  intenses  dans  les  pays 
chauds.  Souvent  ce  sont  les  nouveaux  venus  qui 
sont  les  moins  sobres.  Les  malheureux  émigrés  de 
l'Alsace  et  de  la  Lorraine  ont  été  vite  décimés  par 
ce  fléau,  pour  n'avoir  pas  voulu  modifier  leurs 
habitudes. 

Si  les  Français  pouvaient  prendre  l'habitude  de 
soutenir  et  d'aimer  leurs  compatriotes  établis  à 
l'étranger,  au  lieu  de  les  traiter  en  suspects;  si  nous 
pouvions  nous  débarrasser  de  notre  paperasserie 


CONCLUSIONS.  353 

et  de  nos  rouages  administratifs  aussi  compliques 
que  vexatoires  pour  les  indigènes,  nous  serions  les 
premiers  colonisateurs  du  monde. 

On  paraît  se  préoccuper  surtout  en  France  de 
Tavenir  des  indigènes.  On  ne  voit  en  eux  que  de 
pauvres  victimes  dépossédées,  que  l'on  suppose 
maltraitées  par  les  colons.  C'est  encore  une  manière 
trop  étroite  de  voir  les  choses.  Les  indigènes  sont 
surtout  victimes  de  nos  rouages  judiciaires  et  des 
spéculateurs  éhontés  qui  traoaillent  avec  la  loi.  Le 
vrai  colon,  celui  qui  cultive,  est  plutôt  leur  ami  ;  il 
leur  est  en  tout  cas  utile.  Du  reste,  quoi  que  l'on 
tasse,  il  faudra  toujours  que  la  terre  passe  entre  les 
mains  de  celui  qui  la  fait  produire.  Or  les  arabes 
n'ont  fait  qu'un  vaste  désert  de  la  riche  Afrique 
romaine.  Ils  n'ont  qu'un  moyen  de  salut  pour 
l'avenir,  c'est  de  se  mettre  résolument  au  travail. 
Cette  initiative,  ils  sont  incapables  de  la  prendre 
eux-mêmes,  et  c'est  de  ce  côté  que  le  grand  courant 
arabophile  qui  existe  en  France  devrait  diriger  ses 
efforts.  Les  réformes  proposées  en  leur  faveur,  telles 
que  le  droit  de  vote,  l'instruction  prématurée,  ne 
contribueront  qu'à  précipiter  leur  ruine  en  les  déta- 
chant de  leur  religion  et  de  leurs  institutions  ;  ils  le 
sentent  bien  eux-mêmes.  On  peut  dire  que  l'Arabe 
a  soif  d'un  régime  juste,  mais  autoritaire,  d'une 
direction  ferme,  intelhgente  et  suivie.  Qu'on  leur 
apprenne  à  bien  utiliser  les  terres  qui  leur  restent  et 
ils  pourront  redevenir  riches.  Leur  aisance  fera 
celle  des  colons.  Les  intérêts  des  deux  populations 
sont  soUdaires  et  non  opposés. 

Il  y  a  beaucoup  à  espérer  de  la  population  kabyle 
dans  cet  ordre  d'idées. 

Battandier  et  Trabut.  —  Ali?érie.  23 


354  CONCLUSIONS. 

On  nous  oppose  souvent  la  colonisation  romaine 
qui  a  eu  sept  siècles  pour  se  perfectionner,  mais 
dans  cinquante  ans,  nous  aurons  dépassé  les  Romains. 
Il  est  vrai  que  nos  moyens  d'action  sont  plus 
puissants. 

Quoi  que  l'on  ait  pu  dire,  le  climat  ne  semble  pas 
avoir  beaucoup  changé  depuis  les  Romains,  et  si 
l'on  reprenait  leurs  procédés  de  culture,  Ton  pourrait 
rendre  prospères  des  régions  que  l'on  regarde  au- 
jourd'hui comme  propres  seulement  au  pacage  des 
moutons. 

On  a  dit  que,  dans  certains  puits  romains  de 
Tunisie,  on  ne  trouvait  plus  l'eau  qu'à  1  mètre  au- 
dessous  des  fondations. 

Hérodote  rapporte  que  les  Garamantes,  habitants 
du  désert,  chassaient  les  Éthiopiens  troglodytes  sur 
des  chars  à  quatre  chevaux  et  avaient  des  bœufs  qui 
paissaient  à  reculons,  leurs  grandes  cornes  courbées 
en  avant  buttant  contre  terre  quand  ils  voulaient 
avancer.  Ce  bœuf  opistonome  des  Garamantes  n'est 
pas,  comme  le  dit  Schirmer,  le  Zébu  du  Soudan, 
mais  bien  une  espèce  disparue,  dont  l'École  des 
sciences  d'Alger  possède  une  belle  tète.  De  nombreux 
textes  signalent  à  cette  époque  l'Éléphant  dans  le 
Maghreb.  Ces  animaux  ont  donc  disparu  dans  les 
temps  historiques.  Le  grand  changement  chmaté- 
rique  qui  s'opère  depuis  le  quaternaire  doit  encore 
se  continuer  aujourd'hui.  11  semble  que  nos  forêts  ont 
une  tendance  à  reculer  môme  en  dehors  de  l'action  de 
l'homme  et  de  ses  troupeaux.  Mais  il  est  d'autre 
part  évident  que  ces  changements  ont  été  faibles  de- 
puis les  temps  historiques.  Hérodote  nous  dit  que 
de  son  temps  il  pleuvait  si  peu  dans  les  déserts  de 


CONCLUSIONS.  355 

Libye,  qu'on  y  bâtissait  les  maisons  avec  du  sel. 
L'expédition  d'Alexandre  à  l'oasis  d'Ainmon  nous 
montre  un  désert  semblable  à  celui  que  nous  con- 
naissons. Le  soin  méticuleux  avec  lequel  les  Romains 
captaient  et  utilisaient  toutes  les  eaux  indique  leur 
rareté.  D'après  M.  Scliirmer,  l'existence  de  la  flore 
désertique  serait  la  meilleure  preuve  de  l'antiquité 
du  Sahara.  Évidemment  cette  flore  est  ancienne;  il 
est  même  possible  que  la  plupart  de  ses  types  re- 
montent à  la  période  tertiaire  ;  mais  cela  prouve 
seulement  qu'il  existait  alors  dans  le  continent  des 
pays  où  ces  espèces  pouvaient  vivre.  Rien  ne  dit 
qu'elles  occupaient  alors  les  mêmes  espaces  qu'au- 
jourd'hui. Elles  ont  dû  avancer  avec  le  désert  à 
mesure  que  les  anciennes  plantes  du  pays  rétrogra- 
daient ou  se  réfugiaient  sur  les  montagnes.  Au  qua- 
ternaire, le  Sahara  semble  avoir  été  déjà  un  pays  de 
steppes  ;  depuis,  la  steppe  a  dû  passer  au  désert  par 
un  mouvement  très  lent.  Les  modifications  du  climat 
depuis  les  Romains  sont  certainement  peu  sensibles, 
et  l'Algérie  sera  encore  cultivable  pendant  bien  des 
siècles. 


FIN. 


TABLE   ALPHABETIQUE 


Abeille,  286. 

Abricotier,  8G. 

Acacia,  45,  103. 

Acridiens,  287. 

Acridium  peregri- 
num,  288. 

Addax,  249. 

Agaves,  99. 

Agriculture,  57. 

Aigle,  258. 

Alfa,  112,  120, 

Altise  de  lavigDC,302. 

Amandier,  44,  86. 

Aménagement  des 
eaux,  61. 

Amiu,  218. 

Anaïa,  218. 

Anes,  244. 

Anguille,  281. 

Annélides,  307. 

Anone,  90. 

Anthropologie,  174. 

Antilope,  248. 

Antimoine,  335. 

Aphis,  287. 

Arabes,  197. 

Arachnides,  284. 

Aratins,  195. 

Arboriculture  fores- 
tière, 97. 

Arbres  et  arbustes, 
17. 


Arroui,  249. 
Articulés,  283. 
Astarto-ptérocérien 

314. 
Autruche,  265. 
Avocatier,  90. 
Avoine,  73. 
Baleine,  237. 
Bananier,  88. 
Batraciens,  274. 
Bécasse,  266. 
Bécharra,  210. 
Belette,  235. 
Berbères,  199. 
Bizet,  262. 
Blé,  69. 
Bœuf,  253. 
Bourriquot,  244. 
Brebis,  251. 
Broussailles,  18. 
Bubale,  248. 
Buses,  258. 
Byzantins,  197. 
Caille,  264. 
Caméléon,  270. 
Canaigre,  104. 
Canard,  207. 
Câprier,  88. 
Caracal,  232. 
Caroubier,  44,  84. 
Carrières,  332. 
Carthaginois,  196. 


Cédratier,  89. 
Cèdre,  37. 
Céréales,  69. 
Cerf,  245. 
Cerisier,  44,  86. 
Chacals,  233. 
Champignons,   109. 
Chananéens,  196. 
Charognard,  257.. 
Chat  sauvage,  232. 
Châtaignier,  44. 
Chéiroptères,  255. 
Chêne-liège,  31. 
Chêne  velaui,  103. 
Cheval,  239. 
Chèvre,  253. 
Chicorée,  105. 
Chien,  234. 
Chih,  112. 
Ghotts,  3,  111. 
Chouchet,  182. 
Cigogne,  267. 
Citronnier,  89. 
Climat,  9. 
Climatologie,  147. 
Clou      de     Biskra, 

229. 
Cochenilles,  287.    . 
Cœlentérés,  307, 
Çof,  219. 
Colombides,  262. 
Conclusions,  351. 


358 


TABLE  ALPHABÉTIQUE. 


Conquête  française, 

198. 
Corail,  308. 
Corallien,  314. 
Corbeau,  2G0. 
Corinne,  248. 
Corneille,  260. 
Cotonnier,  100. 
Coucou,  262. 
Couleuvre,  272. 
Cours  d'eau,  7,  150. 
Crétacés    (terrains), 

316. 
Criquet  pèlerin,  288. 

291. 
Cromlech,  184. 
Crustacés,  283. 
Cuivre,  333. 
Cultures,  69. 

—  industrielles, 97. 

—  maraîchères,  95. 
Gursoriens,  266. 
Cygne,  267. 
Daim,  245. 
Daman,  255. 
Dattier,  170. 
Dauphin,  237. 
Démographie,   220. 
Désert,  143, 

Diffa,  205. 

Dipodinés,  255. 

Dolique,  74. 

Dolmens,  183. 

Douar,  204. 

Dromadaire,  245. 

Dunes,  153. 

Eaux(aménagemcnt 
des),  61. 

Eaux  minérales,  339. 

Échassiers,  265. 

Éléphant,  238. 

Eocène,  324. 

Essences  secondai- 
res, 44. 

Etourneau,  260. 


Eucalyptus,  45,  105. 

Faucheux,  284. 

Faucons,  258. 

Faune,  230. 

Fennec,  234. 

Fer,  335. 

Fève,  74. 

Figuier,  44,  83. 

Flamant,  267. 

Flore  herbacée,  46. 
—  saharienne, 
158. 

Forêts,  24. 

Formations  récen- 
tes, 331. 

Fourmis,  2^5. 

Gale  bédouine,  22S. 

Gallinacées,  263. 

Gangas,  264. 

Garrulidés,  260 

Gazelle,  248. 
Geai,  260. 
Genettes,  235. 
Genévrier  de  Phéni- 

cie,  43. 
Géographie    physi- 
que, 1. 
Géologie,  309. 
Géranium,  102. 
Gerboises,  255. 
Gesse,  74. 
Gourbis,  204,207. 
Goyavier,  90. 
Grenouille,  274. 
Grimpeurs,  262. 
Grue,  267. 
Guépard,  233. 
Guêpier,  261. 
Gypaète,  258. 
Gyps,  257. 
Halfa,  112,  120. 
Haouanet,  186. 
Hareng,  278. 
Hauts  plateaux,  2,  3. 
Hérisson,  255. 


Hérodionés,  267. 
Héron,  267. 

Hibou,  260. 

Hobb  arag,  228. 

Homme  préhistori- 
que, 174. 
Hyène,  235. 

Idiafasciata,  301. 

Indigènes,  199. 

Insectes,  284. 

Insectivores,  255. 

Jardins,  91. 

Javelot,  271. 

Juifs,  198,219. 

Jurassiques       (ter- 
rains), 313. 

Jute,  100. 

Kabyles,  199,213. 

Kakis,  90. 

Kif,  168. 

Lacs,  8. 

Lagmi,  173. 

Lapin,  256. 

Lecanora  esculenta, 
1G3. 

Légumineuses,  73. 

Léporinés,  256. 

Lézard,  270. 

Lias,  315. 

Liboua,  193. 

Lièvre  d'Egypte,256. 

Lignite,  333. 

Lin,  99. 

Lion,  231. 

Lioua,  193. 

Locustiens,  287. 

Loir,  255. 

Lombrics,  308. 

Loutre,  235. 

Magot,  230. 

Maïs,  73. 

Maladies,  227. 

Mammifères,  230. 
—      pélagiques 
237. 


TABLE  ALPHABÉTIQUE. 


359 


Mangouste,  2:5â. 

Marbres,  332. 

Mausolée  des  an- 
ciens rois  de  Nu- 
midie,  183. 

Modes,  19G. 

Medracen,  183. 

Mehara,  245. 

Méhari,  201,  245. 

Mélano-gétules,  105. 

Melons,  06. 

Menah,  215. 

Menthe,  102. 

Mer  d'alfa,  111. 

—  intérieure,  143. 
Merlan,  270. 
Milan,  250. 
Mines,  332.^ 
Miocène,  323. 
Moineau,  2G0. 
Mollusques,  307. 
Montagnes,  4. 
Mouflon,  240. 
Mouton,  240. 
Musaraigne,  255. 
Mustclidés,  235. 
Myriapodes,  284. 
Naja,  273. 

Nature    des    terres, 

57. 
Nécropole  de   Bou- 

Merzoug,  180. 

—  deBou-Nouara, 
187. 

—  de  Djebel-Mé- 
rah,  188. 

—  de  Sigus,  180. 
Néflier  du  Japon,  88. 
Nefras,  210. 
Néophron,  257. 
Oasis,  107,  204. 
Oiseaux,  257. 
Olivier,  78. 

Once  des  Algériens, 
233. 


Oolithique(grotipe), 
315. 

Oninger,  80. 

Orge,  72. 

Oueds,  7,  111. 

Ours,  230. 

Outarde,  205. 

Oxfordien,  315. 

Oxycèdre,  43. 

Paléozoïques     (ter- 
rains), 312. 

Palmiers,  02,  173. 

Palmipèdes,  207. 

Palombe,  202. 

Panthère,  231. 

Parfumerie  (plantes 
pour  la),  102. 

Passereaux,  200. 

Pécher,  80. 
Perdrix  rouge  d'Ai- 

gérie,  203. 
i'héniciens,  100. 
Phoque,  237. 
Phosphates,  335. 
Phylloxéra,  300. 
Pie,  200. 
Piments,  00. 
Pin  d'Alep,41. 
Pistacia,  45. 
Pivert,  202. 
Plantes  pour  la  par- 
fumerie, 102. 

—  tannifères,102. 

—  textiles,  00. 
Plâtre,  332. 
Pliocène,  321. 
Plomb    argentifère, 

333 . 
Pluies,  11. 
Poirier,  87. 
Pois  chiche,  74. 
Poissons,  270. 

—  d'eaux  douces, 
280. 

—  de  mer,  270. 


Pommier,  87. 
Porc-épic,  250. 
Premiers  habitants, 

103. 
Prunier,  80. 
Putois,  235. 
Quaternaire     (  ter  - 

rain),  324. 

—  ancien,  325. 

—  récent,  328. 
Rallc,  200. 
Rapaces,  257. 
Rat  d'Egypte,  255. 
Raton,  235. 
Renard,  234. 
Reptiles,  208. 
Requin,  2(S0. 
Rhouara,  105. 
Riz,  73. 
Roches  éruptives, 

331. 

Rokuia,  185. 

RoUier,  201. 

Romains,  100. 

Rongeurs,  255. 

Rouget,  270. 

Safran,  105. 

Sahara,  141. 

Salamandre,  274. 

Sanglier,  238. 

Sapin,  44. 

Sarcelle,  207. 

Sauriens,  209. 

Sauterelles,  287. 

Savonnier,  104. 

Schistes  cristallins, 
312. 

Scinque,  270. 

Seigle,  73. 

Sel,  333. 

Sépultures  mégali- 
thiques, 182. 

Sériciculture,  110. 

Serpents,  271. 

Serval,  232. 


360 


TABLE  ALPHABÉTIQUE. 


Slougui,  235. 
Sole,  279. 
Sorbier,  44. 
Sorgho,  73,  104. 
Sources,  156. 
Souris,  255. 
Slaurouotus   maro- 

canus,  299. 
Steppe,  111. 
Sturnidés,  2G0. 
Surmulot,  255. 
Tabac,  97. 
Tanîiifôres  (plantes), 

102. 
Tarento,  270. 
Tell,  2,  4. 
Tellis,  204. 
Tente,  204. 
Terfns,  109,  103. 
Terrains    crétacés  , 

31G. 
—  jurassiques, 313. 


Terrains     paléozoï- 
ques,  312. 

—  quaternaires, 
324. 

—  tertiaires, 320. 
Terrasses    de   rete- 
nue, 62. 

Terres  (nature  des), 

57. 
Tertiaires(terrains), 

3-20. 
Textiles     (plantes), 

99. 
Thokmi,  168. 
Thon,  277. 
Thuya  d'Algérie,  43. 
Tortues,  269. 
Touareg,  201. 
Tourterelle,  262. 
Travertins,  326. 
Tremble,  44. 
Trigle,  276. 


Truffes,  109. 
Truite,  282. 
Tumuli,  182,  184. 
Turcs,  197. 
Vache  de  Barbarie, 

248. 
Vandales,  197. 
Varan,  269. 
Vautours,  257. 
Végétation,  15. 
Ver  blanc,  305. 
Vers,  307. 
Vers  à  soie,  110. 
Vers  de  terre,  308. 
Vigne,  74. 
Village  kabyle,  217. 
Vin,  74. 
Vipère, 273. 
Viverridés,  235. 
Zinc,  334. 
Zorilla,  235. 


FIN  DE   LA  TABLE  ALPHABETIQUE 


I 


9440-9^ 


Gorbcil.  Imp.  Étl.  CnitTÉ. 


thèque  The  Library 

:l'Ottawa  University  of  Ottawa 

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HC  547  .P4B27  1898 

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CE  HC   0547 
•A4B27  1898 
COO   BATTANDIER, 
ACC#  1376107 


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