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Full text of "La méthode expérimentale appliquée au droit criminel en Italie"

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HARVARD LAW LIBRARY 



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FROM THE LIBRARY 



'ÏIETTSTRICH LAMM^VSCH 



Reeeivcd May 25, 1922. 



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LA 



MÉTHODE ËXPÉRIMËMÂLE 



APPLIQUÉE 



AU DROIT CRIMINEL EN ITALIE 



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OUVRAGES DU MÊME AUTEUR 



Lcê Moratfistcs français au XVI^ siècle, 2^ édit., 1870, in-12 4 >» 
Ouvmi;e cuNruisiiiï p^f rinstitut. 

Essai sur Itis Piaithi/vrs de Dèniosthène^ 186?, in-8" (épuisé) *» » 

Dcjave apud FranciJivam Baconuni (thèse), 1862, iiî-8°. . 2 » 
Dû kl rompimmttîon et des demandes j^econvenCionnclles 
dans le droit romain ut dans le droit français ancien et 

moderne , 1864 , iu-S" (épuisé) » » 

De rEnseigntimpjit. da Droit, d'après Bacon, 1865, in-8°. 2 » 

E^E Irait lia b Ri^tti ht.ilon'que de Di'oit français et étranger. 

De V Histoire cnil^ue des Lettres, 1866, in-8° 1 » 

De r Action Prœscriptis cerbis, 1866, in-S** 1 » 

Elirai L dt* Li lln'Uf hixlorique de Droit français et liranger. 

Les deux Formules des actions Depositi et Comniodaii, 
1867j in-S" 1 » 

Extr^U lit" Jji Rsvtia hkiorigue de Droit franç4iis et étranger. 

Mechcrdies sur l'ort^uie de la régie : Donner et retenir ne 
vaut, 1866, in-8" 2 » 

E^tr^it diLr b Ret-m tHtique de légitlaiion. 

Lepoucoir vieil an Voneilc de Trente y 2* édit., 1870, in-8° 1 50 

E^lrOrit d^ b Ervitc critique de législation. ^ 

La Libertù des Pères un Concile de Trente, 1870, in-8'. . . 1 »> 

Kjf.l.raii Je lu Ikv tu- critique de légishiion. 

Projet de loi sur V h rv^f^^e publique. Rapport déposé au nom 

de la commission de TAssemblée nationale, 1872, in-8'. l » 
Etudes sifr CïnamoçiUlité de la Magistrature, 1880, in-12 1 50 
L'Inamocibitfté de la Magistrature dans l'ancienne 
France, 1880, în-8\ '. 1 « 

Eïtrait de Lu Fruma judiciaire. 

Le Juge d'ifhutrueiioa et le Ministère public dans le nou- 
veau code d'instrtiition criminelle, 1883, in-12 (épuisé). » » 

Traité du roi dnus le.^ principales législations de Vanti- 
qtdié H spécialement dans le Droit romain, 1881, in-8".- 8 » 

Les cahiers dca Eiats-Gméraux en 1789 et la législation 
criminvUt, 1883, in-8' 8 » 



Eléments de Droit pètml : Pénalités, Juridictions, Procé- 
dure^ suivant la science rationnelle, la législation posi- 
tive et ia juriîspruilence, avec les données de nos statisti- 
ques crimînoUes, par J. Ortolan. 5^ édition, revue, com- 
plétée et mi:?c au courant de la législation française et 
éU-angèi'c, jsar M. Al Ijert Desjardins, 1886, 2 vol. in-8'. 18 

î^/ft^^ms. inij^riiiieric D. PERE. A. CARTIER, k'érant. 



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APPLIQUÉE 



AU DROIT CRIMINEL EN ITALIE 



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Albert OESJAUDINS 

Professeur a la Faculté de Droit de Paris 



PARIS 

A. DURAND ET PEDONE-LAURIEL, ÉDITEURS 

LIBRAIRES DE LA COUR d' APPEL ET DE l'ORDRE DES AVOCATS 

G. PEDONE-LAURIEL. Successeur 

13, RUE SOUFFLOT, 13 
1892 



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LA 

MÉTHODE EXPÉRIMENTALE 

APPLIQUÉS 

AU DROIT CRIMINEL EN ITALIE 



Z^IVRE: FFIEMIER. — I^o Systùxxie 



CHAPITRE PREMIER 
M. LOMBROSO ^^ ' '^ 

rUOMO DEHNQUENTE U) 



*fl POLETTl 

THÉORIE DE LA TUTEf.LE 



I 

La science du droit criminel n'a pas cessé d*ètre cultivée 
en Italie depuis lo Traité des Délits et des Peines. La célé- 
brité promptement acquise par l'auteur a créé parmi ses 
compatriotes une tradition d'honneur national; on ne 
délaisse pas les traditions de ce genre au-delà des Alpes. 
Ceux qui ont écrit après Bsccaria ne se sont pas crus 
obligés de penser toujours comme lui ; mais, alors même 
qu'ils ne transmettaient pas ses leçons, on reconnaissait 
bien et ils ne cachaient pas qu'ils les avaient reçues. Au 
désir de prouver que le droit pénal avait (( trouvé dans 



(I) VUomo delinquente in rapporta all'nntropologia, gmrisprudenza 
e aile discipline carcerarie. S* éd. 1873 ; 3" cd. 1881 ; c'e^t à la ?ecoiule 
édition que nous no is aUichcrons , qaand nous aurons à par'cr du 
plan général de l'ouvrage. 

•1 



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— ,6 — 

ritalîe sa première, sa véritable pairie r^ (l), se joignait 
une préoccupation triine luiLure dilïérente , mais où le 
patriûlisme avait aussi sa part. Il n'est pas de pays où se 
commettent autant de crimes qu'eu Italie; les écrivains 
italieDsl*atte&teiit i c'est, clisenl-ils eux-mêmes, leprimatOr 
triste primauté, qu'on ne peut contestera leur nation (2). 
D'où vient le mal ? Comment y remédier ? Voilà deux 
questions que tout Italien doit se poser, pour peu qu'il 
songe î'i sa sécurité personnelle el à rtionneur de son pays. 

Si Ton comprend sans peine pourquoi l'étude du droit 
criminel attire si vivement nus contemporains d'Italie, il 
n'est pas non pins diiïieile de s'exiïUijUf^r Tespril qu'ils y 
portent et la méthode qu'ils y sviivenl. Ce siècle est avant 
tout celui de Tobservation ; il ne se borne pas à la vanter ; 
il la pratique, il la pousse jusqnïi un point au delà duquel 
il semble qu'elle ne puisse s'avancer et oiï cependant il ne 
lui permet pas de s'arriMer, Des sciences physiques et 
naturelles, il la transporte dans les sciences morales. L'Ita 
lie tient à ce qu'aucun pro^^^rês ne s'accomplisse sans elle ; 
elle a voulu avoir sa part dans les applieations nouvelles 
données â la métliode expérimentale ; elle a eu la princi- 
pale dans celles qui ont été faites au droit criminel. Elle 
ne trouvait en elle-même qu'une trop abondante matière 
d'observation, et c était son propre imérrH qui lui imposait 
la méthodeà suivre, comme il lui indiquai t le sujet à étudier. 

M. Lombroso, professeur de médecine Ik^gale àl'Univer- 
silé de Turin, est an premier vnn^ parmi ceux qui se sont 
proposé d'introduire la méthode expérimentale dans la 
science du droit criminel : c'est dans cette vue qu'il a écrit 
un livre jus te nient renommé, t/Uomo th'Unquente, qui con- 
tient à la fois un véritable maniteste et une puissante 
démonstration ; celle ci est fondée sur un grand nombre 



il) M. Emilio Dnisa, De H science pji géiêral fl <î^^ P école péniten- 
tiaire italienne en particulier. Discours d*enlrùe Ui le 16 février 1878 à 
t'Univerfitâ d'Amsterdam, p. a 

(2) V. M. Lombroso, SultHncremento deldeUitn in Italia e 8ui meezi 
ppr arrestlarlo. p. r>. — M. Orano, la criminalîlà nfUe sve relazioni col 
ciima, p. 5. — M. F. Aguglia, L'impotenza ûelV Q^ione repressiva in 
Italia e sue cause. 



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r^r^ 



-^ 7 — 

de faits, recueillis avec la plus remarquable patience, 
examinés avec la plus scrupuleuse attention. 

Une contradiction singulière règne en ce monde, nous 
dit M Lombroso; la justice sépare en quelque sorte le 
délinquant du délit, pour prononcer comme si le délit 
était un fait complet, à lui tout seul, et formait, dans la vie 
de ragent, un incident dont il n'y eût pas à craindre le 
renouvellement, et, d'un autre côté, tout prouve que le 
délit a des causes profondes, dont l'action doit entraînei 
régulièrement et presque nécessairement la récidive, des 
récidives à Tinfini. En vain ceux qui approchent, qui étu- 
dient les délinquants les trouvent-ils différents des autres 
hommes, au moins de ceux qui ont Tintelligence saine; en 
vain les déclarent-ils faibles d'esprit, presque toujours 
incapables de s'amender, les législateurs persistent à pen- 
ser que les altérations du libre arbitre sont rares, excep- 
tionnelles ; ils n'y veulent croire que lorsqu'elles sont 
assez caractérisées pour constituer l.'aliénation mentale 
proprement dite. Trop de métaphysique et trop peu d'ex- 
périence. Il faut connaître les hommes sur le sort desquels 
on est chargé de prononcer, et cette connaissance, on ne 
saurait l'obtenir qu'au moyen de recherches patientes et 
complètes sur les conditions matérielles et morales où ils 
se trouvent, sur leurs corps comme sur leurs facultés intel- 
lectuelles, sur leurs dispositions naturelles comme sur 
l'éducation qu'ils ont reçue, sur les influences physiques 
qu'ils subissent, sur les inclinations dont une hérédité 
souvent malfaisante dépose en eux le germe trop fécond. 
Il ne s'agit pas de considérations générales à développer; 
il s'agit de faits à relever et à rassembler; il ne sera permis 
d'arriver à des conclusions, à des lois, qu'après des obser- 
vations suffisamment nombreuses, exactement contrôlées ; 
ce sont les préceptes de Bacon appliqués au droit criminel. 

Signaler, d'après cette méthode, les caractères qu'offre 
l'espèce particulière formée dans le genre humain par les 
délinquants, telle est la première partie de la tâche que 
s'impose le savant écrivain, et il commence par l'examen 
du corps. 



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— 8 — 

Après avoir constaté sur cent un crânes (trois cent cin- 
quante dans la troisième édition) de très nombreuses et 
très graves déformations, M. Lombroso se demande si les 
hommes chez qui elles se présentent peuvent être regardés 
comme ayant le même degré d'intelligence, les mêmes 
(acuités a fïoctives que les personnes dont les crânes offrent 
toutes les conditions normales (1). 

Il éludie l'anthropométrie et la physionomie sur 1,279 
(3,839 dans la troisième édition) délinquants italiens ; 
pour donner une juste idée de la manière dont il procède, 
nous indiquons une partie des résultats qu'il signale. Les 
délinquants, comparés à la moyenne des hommes, ont 
la taille plus haufe et le thorax plus large, les cheveux 
plus noirs; ils pèsent davantage, sauf en Vénélie ; en 
revanche, ils sont plus faibles ; il n'y a que les aliénés qui 
le soient davantage. Ils ont le plus souvent les yeux châ- 
tains ou foncés, la chevelure épaisse et noire ; les bossus 
commettent peu d'homicides, mais il y a beaucoup de 
viols, de faux et d'incendies à leur charge. Chez les incen- 
diaires et plus encore chez les voleurs, l'iris est de couleur 
grise* On voit à quel détail minutieux descend l'auteur, 
et noua sommes loin de le suivre partout. Tout ce travail 
est, d\iilleurs, d'autant plus important, qu'il s'accomplit 
sur les êtres vivants, tandis que la cràniologie opère sur 
des cadavres (2). 

Après les accidents relatifs à la conformation naturelle 
vient le tatouage, fait postérieur et tout volontaire, étrange 
habitude^ longtemps très répandue en Italie dans les classes 



(11 C'€Bt par l'étade des cr&aes que commence la deuxième édUion. 
Bans la troisième, elle oavre la deuxième partie seulement. La deuxième 
èdUion m contient sur ce sujet qa*un chapitre : Examen de cent un 
crânes tie Minquants italiens; la troisième édition, dans sa dernière 
partie, ajoate des développements importants à cet examen qu'elle fait 
porter sur un nombre triple de sujets. Elle conUent un chapitre entiè- 
rement nouveau : Anomalies du cerveau et des entrailles chez les délin- 
quanliiy comprenant Tétude du cerveau, rhisto'ogie et l'anatomie patbo- 
Jogique ûa cerveau, l'anatomie pathologique du cœur, des vaisseaux 
du foie, etc. 

(îï :î' édition, p. 214. 



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- 9 — 

inférieures, commençant toutefois à se restreindre aux 
délinquants, leur servant à se reconnaître les uns les 
autres, mais pouvant aussi aider la justice, quand elle 
cherche, soit à constater l'identité d'une personne, soit à 
se .faire une idée de ses mœurs et de sa conduite passée. 
M. Lombroso passe à des phénomènes qui ne se révèlent 
plus à la seule inspection de la vue, ceux de la sensibilité, 
entendue comme exprimant la triste faculté de souffrir. Il 
constate que la sensibilité physique est émoussée chez les 
délinquants, comme elle Test chez ceux dont l'esprit n'est 
pas sain ou qui sont dominés par une forte passion (1). La 
sensibilité morale l'est plus encore ; d'ordinaire les délin- 
quants regardent avec indifférence, soit les victimes qu'ils 
ont frappées, soit les traces des crimes odieux qu'ils ont 
accomplis ; il arrive même que leur propre sort les touche 
peu ; des condamnés a mort font des épigrammes, des 
plaisanteries ; on argumente contre la peine de mort de 
ce que les crimes qui l'entraînent sont souvent commis 
par des gens qui viennent d'assister à une exécution capi- 
tale. A certains moments, les malfaiteurs semblent des 
héros, et, d'autre part, un péril considéré de sang-froid 
les trouve lâches ; leurs actes de courage ne tiennent pro- 
bablement qu'à une certaine insensibilité, qu'à une impé- 
tuosité pour ainsi dire enfantine, qui ne leur permet pas 
de croire à un danger même certain, qu'à un véritable 
aveuglement causé par la passion. L'insensibilité explique 
pourquoi la gravité du crime dépasse souvent l'importance 
du mobile, pourquoi la cruauté éclate chez un homme qui 
paraît capable de faire de bonnes actions. Elle permet 
aussi de comprendre que les délinquants se donnent si 
fréquemment la mort ; ils n'ont pas l'instinct de la conser- 
vation ; ils sont imprévoyants, impatients ; le plus grand 



(1) L'aotear dit, dans la troisième édition, p. 327 : « A vrai dire, à 
force d'interroger les gardiens et les médecins des prisons, j'ai pa gla- 
ner quelques cas de vraie analgésie ; mais le plus souvent les délin- 
quants dont il s'agissait, étaient des aliénés ou à peu près. » En 
dehors de la folie, ces cas présentaient moins les caractères de rinçen- 
slbilité que ceux d'une passion prédominante. 



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— 10 — 

mal^ s'il ne dure qu'un instant, leur semble plus facile à 
supporter qu'un mal moins grave qui se prolongerait ; il 
leur est moins pénible de mourir que de vivre sans satis- 
faire leurs passions. 

Le mot sensibilité exprime aussi pour nous la faculté 
d'éprouver des sentiments qui ne se rapportent pas tous, 
au moins directement, à la douleur ou à la jouissance ; 
ces sentiments sont bons ou mauvais ; les premiers ne 
sont pas nécessairement éteints chez les délinquants ; 
le suicide môme en est quelquefois la preuve ; certains 
criminels se donnent la mort dans l'espoir de se réhabi- 
liter ; mais ce qu'il reste de bon dans ces âmes troublées 
est toujours maladif, excessif et instable ; l'empire appar- 
tient à des passions telles, que l'orgueil portant jusque sur 
la profondeur du crime, poussant les criminels à se trahir 
eux-mêmes en parlant de ce qu'ils comptent faire ou de ce 
qu'ils ont fait, l'orgueil entraîne le désir de se venger 
pour les causes les plus futiles. Une fois qu'on a goûté le 
plaisir de répandre le sang, on éprouve le besoin de le 
répandre encore ; les professions qui exposent à le voir 
couler, la seule vue qu'en cherche la curiosité ou qu'en 
donne le hasard font naître ou entretiennent cette dispo- 
sition ; M. Lombroso est très frappé de ce fait que Robes- 
pierre naquit dans l'année où un terrible supplice fut 
infligé au régicide Damiens ; il y insiste à deux reprises. 
Les passions de l'amour viennent s'ajouter aux autres. 
Comme si se n'était pas assez de ce qui est commun à 
tous les hommes, il y a comme une altération profonde de 
i'àme, vraiment propre aux délinquants et aux fous, d'où 
résulte à certains moments une irascibilité bien connue 
des gardiens. Les délinquants aiment le vin et les jeux, 
fréquentent les cabarets. La cupidité n'agit guère sur eux 
que parce que sans argent les passions brutales ne 
trouvent point à s'assouvir ; le vrai avare excite plus d'an- 
tipathie que le prodigue, et cependant il est moins enclin 
au crime. 

Ce que l'auteur étudie avec tant de soin, c'est la nature, 
c'est l'empire des passions chez les délinquants de tempe- 



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— 11 — 



rament et d'habitude ; il laisse hors de son cadre, ceux 
qui n'agissent que par l*eflet d'un premier mouvement, 
personnes dont le tempérament est sanguin ou nerveux, 
dont les. impressions sont vives et excessives; souvent des 
jeunes g^ns qui ont été irréprochables jus(ju'à l'heure 
funeste du crime, qui se troublent sans mesuré une fois 
qu'ils l'ont commis, éprouvent de cruels remords, se 
laissent aller au suicide. A la différence des délinquants 
ordinaires, non seulement ils ne cherchent pas Valibi, 
mais encore ils s'empressent de faire des aveux, comme 
pour apaiser leur conscience agitée. Les passions qui 
animent les criminels de cette classe ne sont pas de celles 
qui font lentement leur chemin dans une àme et qu'il est 
possible de contenir, comme l'avarice et l'ambition, mais 
de celles qui éclatent à Timproviste, comme la colère, 
comme ce désir de vengeance qu'excite l'amour trahi ou 
l'honneur offensé, passions souvent généreuses, qui pren- 
nent quelquefois un caractère sublime, tandis que celles 
qui dominent chez les délinquants ordinaires sont féroces, 
basses et môme ignobles. Les délinquants ordinaires 
obéissent quelquefois aux motifs les plus faibles ; au 
contraire, il y a une sorte de proportion entre les crimes 
de premier mouvement et les causes qui les font com- 
mettre. Ces causes amènent immédiatement leurs redou- 
tables conséquences ; ni secret, ni guet-apens, ni complices, 
ni armes préparées de longue naain, bien choisies et 
appropriées. Les auteurs frappent à droite, à gauche, un 
peu comme les fous ; c'est le plus souvent aux personnes 
qu'ils s'attaquent, rarement aux propriétés. 

N'y a-t-il pas du moins, même dans l'âme d'un délin- 
quant ordinaire, une force préparée en quelque sorte pour 
combattre ces passions mauvaises et basses, dont le germe 
s'y trouve déposé au jour de la naissance? Non, répond 
l'auteur ; le sens moral fait complètement défaut chez la 
plupart; ils ne comprennent pas l'immoralité de leurs 
actions ; l'idée du devoir est intervertie en euXj à ce point, 
qu'ils trouvent un mérite dans ces actions mêmes, que 
tout au moins ils croient user d'un droit. Le remords leur 



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- i2 — 

est étranger. M. Lombroso reproche vivement à notre 
illustre compatriote, M. Caro, d'avoir émis cette propo- 
sition que le coupable lui-môme trouve la peine juste et 
nie sa propre culpabilité sans nier le caractère criminel 
du fait commis. Rêves poétiques, répond Tauteur ; dans 
les manifestations de repentir, il ne faut voir que des 
bizarreries ou d'hypocrites calculs, quelquefois des hallu- 
cinations alcooliques ; quand elles sont sincères, elles 
sont inspirées par la crainte de la mort ou par les idées 
religieuses ; ce ne sont jamais que des apparences sans 
réalité ; M. Lombroso n'a rencontré qu'un seul cas de 
véritable métamorphose morale chez un délinquant de 
naissnncc ; il était devenu Insensé; la folie avait changé 
le brigand en un apôtre et en un philantrope (1). Ceux des 
criminels qui comprennent la perversité de leurs actes n'y 
attachent pas la même imporlance que les autres hommes; 
il leur semble qu'elle est atténuée, soit par la bonté des 
intentions, comme dans le cas où l'on tue pour donner du 
pain aux siens, soit par l'impunité do plus grands cou- 
pables, soit par le manque do preuves ; ils se disent qu'on 
en fait autant ou plus qu'eux dans les sphères supérieures 
de la société. En tout cas, si leur esprit perçoit encore la 
notion du bien ou du mal, leur cœur ne la sent pas, elle y 
est étouffée par les passions et les mauvaises habitudes. 
Mais, dit on, depuis la plus haute antiquité, les malfaiteurs 
font des conventions cptre eux et ils les exécutent ; ils 
observent une certaine justice dans l'accomplissement 
même du mal, dans la répartition de leurs gains coupables. 
Justice forcée, qui n'a qu'un temps, disparaissant dès 
qu'elle cese de favoriser l'intérêt, dès que s'élève une 
forte passion ; les délinquants se manquent de foi les uns 
aux autres ; ils n'hésite pas à se dénoncer réciproque- 
ment, eux qu'indignent si fort les dénonciations (}ont ils 
souffrent. Les chefs de bande sont souvent injustes et 
violents envers leurs complices secondaires. 



(1) 3« édition, p. 430. 



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-- 13 - 

Différents des autres hommes devant la soulïrance et 
par les sentiments, les délinquants le sont aussi par l'igno- 
rance ; ils oflrent une moyenne inférieure. Certes ils s'en 
faut qu'ils soient tous fous, idiots ou bornés ; mais chez 
tous l'esprit a quelque chose de défectueux. La plupart ne 
pensent qu'à ne pas travailler. Leur esprit est mobile et 
léger; ils sont toujours surpris, quand on les arrête; ils^ 
avouent facilement, parce qu'ils prennent dans leurs asso- 
ciations l'habitude des épanchements ; ils s'ouvrent surtout 
à ceux qui parlent argot comme eux et chez lesquels ils 
comptent trouver des semblables. Ils ne connaissent guère 
la logique, ni môme la prudence ; presque toujours, en 
exécutant leurs desseins coupables, ils commettent quel- 
ques maladresses. La fréquente répétition de leurs actes 
leur fait acquérir parfois une habileté qui paraît merveil- 
leuse ; mais ce n'est là qu'une application spéciale de leurs 
facultés. A cette étude de l'intelligence chez les délinquants 
se rattachent de nombreuses et ingénieuses observations 
sur leur langage propre, qui est l'argot, sur leur écriture, 
sur leur littérature, sur les livres qu'ils préfèrent. 

L'auteur discerne avec soin ce qu'il y a de différent dans 
la criminalité des deux sexes; sur le nombre total des 
coupables, le contingent des femmes est inférieur à celui 
des hommes, au moins d'après la statistique ; mais peut- 
être les délis commis par les premières sont-ils plus faciles 
à cacher; l'inégalité, d'ailleurs, si elle est réelle, peut s'ex- 
pliquer par diverses circonstances ; la vie des femmes est 
ordinairement plus retirée que celles des hommes, et par 
suite, elles ont des occasions moins fréquentes pour cer- 
tains délits; elles ont moins de force, et, quoique à certains 
moments leurs passions les entraînent à des actes de 
férocité (1) dont on ne croirait pas leur sexe capable, elles 
doivent se rendre plus rarement coupables de crimes 
violents; l'infériorité de leur instruction a cette consé- 
quence qu'il n'y a pas beaucoup de délits de presse à leur 
reprocher. 

(1) 3« édiUon, p. JOO. 



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- 14 - 



H 



M. Lombroso ne cosse d*6tablir, à propos de chaque série 
d'observations, les rapprochements les plus intéressants 
entre les délinquants et d'autres catégories de personnes. 

lo C'est d'abord et naturellement aux aliénés qu'il les 
compare. Que d'analogies! mômes maladies, mêmes ano- 
malies dans l'organisme; les uns et les autres présentent 
une égale Insensibilité physique (1), une égale irascibilité. 
Bien des passions leur sont communes ; il leur est, presque 
au même point, difficile de les dominer; on croirait que 
certains délinquants sont subjugués par une manie impul- 
sive, tandis que la préméditation et la dissimulation 
donnent une apparence criminelle aux actes de certains 
fous; il est souvent difficile de savoir si l'on a devant soi 
un criminel ou un insensé; il y a des aliénés qui ont la 
conscience claire de l'acte coupable qu'ils ont commis et 
qui se savent couverts par la loi à cause de leur état 
mental; il y a des délinquants qui ne prévoient rien, et il 
y a des fous qui suivent un dessein formé à l'avance, on 
combinent l'exécution avec des complices, se ménagent 
l'impunité, se procurent les moyens de fuir. Le discerne- 
ment est plus difficile encore, quand il s'agit, soit de ce 
que les Anglais appellent la folie morale, où le sens moral 
est seul altéré, les facultés intellectuelles demeurant en- 
tières, soit de la manie transitoire, « où la folie paraît 
comme un éclair dans un ciel serein , pour quelques 
minutes, pour quelques heures au plus, avec hallucina- 
tions et souvent tendances homicides, et est suivi d'un 
sommeil profond et de la perte de toute mémoire, soit 
enfin de cette espèce d'aliénation nommée folie des exctn- 
triqiies par M. Tardieu, néoi'ose nesanique par M. Maudsley, 
qui montre toutes les facultés humaines surexcitées, 



(1) ^*ous avons vu plus haut, que sur ce point les idées do M. Lambroso 
s'étaient légèrement modillée^, et que, dâus la troisième édition, il ne 
croit plus a une compiétc analgésie chez les délinquants. 



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^!^-^ 



- 15- 

eniantant, selon les cas, de merveilleux chefs-d'œuvre ou 
de détestables forfaits. » 

L'auteur ne dissimule pas les différences. Les aliénés 
aiment rarement le jeu et les orgies. Ils ont une dispo- 
sition qui ne se rencontre pas chez les malfaiteurs ù 
prendre en aversion leurs plus proches parents, leurs 
femmes, leurs enfants. Les délinquants ont besoin de 
compagnons, les aliénés cherchent la solitude; les premiers 
conspirent beaucoup plus souvent que les seconda. Leur 
tendance aux actes méchants et immoraux est la même, 
mais elle n'a pas la même origine; elle existe dès la nais- 
sance chez les délinquants, c'est la maladie qui la produit 
chez les aliénés; parmi ces derniers, les uns se vantent de 
tout ce qu'ils ont fait, les autres éprouvent une crise salu- 
taire, se dénoncent, non avec un cynique orgueil, mais 
avec TeBusion du pécheur qui se repent ou de l'hypo- 
coudre qui s'épanche ; s'ils dissimulent, c'est pour obéir A 
des camarades ou à un avocat, et ils n'apportent dans 
leurs mensonges ni habileté ni obstination. M. Lombroso 
relève avec soin d'autres différences à propos de Tintelll- 
gence, de l'instruction, de l'écriture. En pratique, la 
distinction est suffisamment saillante, au moins pour les 
personnes compétentes; elle ressort des détails physiques, 
des antécédents, des habitudes de langage et de vie, des 
mobiles, des circonstances qui ont précédé, accompagné, 
suivi l'action. Dès la deuxième édition, M. Lombroso se 
plaignait assez vivement dans sa préface de ce qu'on 
l'accusait d'avoir confondu le délinquant et le fou; il 
rappelait qu'il y a loin de l'analogie à l'identité; en signa- 
lant les ressemblances, il avait pris le soin qui n'avait pu 
échapper qu'aux ignorants et aux malveillants, de cher- 
cher les différences, et il avait ainsi fourni à la distinction 
à faire entre le délinquant et le fou, un fondement non 
plus hypothétique, mais positif. 

2o Les délinquants ressemblent aux sauvages plus encore 
qu'aux aliénés; cette sensibilité toujours en éveil, ces 
passions si facilement excitées, ce besoin de vengeance 
pour les motifs les moins Tniportants^ cette absence de 



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— 16 — 

reiiiord^jj ou, pour mieux dire, cette disposition à se vanter 
de ce qu'on a fait, ce défaut de sens moral, ce respect de 
la force, tous ces caractères se trouvent chez les uns et 
chez les autres. L'analogie existe jusque dans le physique, 
barbe rare, force et poids inférieurs à ce qu'ils sont en 
jiiQyeone, peu de capacité du crâne, front fuyant, grand 
dêveloppeiiient de courbures frontales, grand nombre des 
sutures niédio-frontales, etc. Délinquants et sauvages 
aiment à se tatouer, ont le goût des métaphores, emploient 
iiiïïtinctivBmeiit les onomatopées. 

3» U y a pour les femmes une voie pénible et honteuse 
qui s'ouvre parallèlement à celle du crime, c'est la voie de 
la prostilutîoiL M, Lombroso en vient à appeler la prosti- 
tution une mmvviminalité. Nous n'insisterons pas sur les 
analogies qu'il indique entre les délinquants et les pros- 
tituées; nous dirons seulement qu'elles sont nombreuses 
et frappantes et nous relèverons ce fait signalé par l'auteur 
que, dans les familles où les fils s'adonnent au crime, les 
iiMes s'adonnunt à la débauche, les deux sexes suivant 
leurs lendauces diverses, que l'auteur rattache à une même 
cause, qui Tune et l'autre ont les rapports les plus étroits 
avec los maladies et les anomalies du système nerveux. 

4^^ t]es divers rapprochements mènent à ce qu'on pour- 
rait appeler fa théorie des dérivatifs, des soupapes de 
siireté, si Fuii ne se devait garder de tout mot qui pourrait 
faire croire qu'il y eût ici autre chose que des constatations 
de faits. 

Les rircouïjtauces feront du même homme, tantôt un 
scélérat, tantiH un aliéné; de la même femme, soit une 
criminelle, soit ujîe prostituée. La statistique nous signale 
moins de délinquants dans le sexe féminin que dans le 
suxe masculin ; la prostitution rétablit l'équilibre ou môme 
fait pencher la balance d'un autre côté. Le suicide est 
aussi une soupape de sûreté; il se produit dans telle àme 
une crise qui peut également conduire à l'homicide de soi- 
même ou à celui d'autrui. Aussi les suicides et les crimes 
violeuls sont-ils d'ordinaire en proportion inverse dans un 
pays et dans un temps donnés. 



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- 17 - 



m 



Ainsi sont marqués les. caractères auxquels se recon- 
naissent les délinquants proprement dits ; ainsi sont 
établies les analogies qui rapprochent, les différences qui 
séparent leur état physique et mental de Tétat où se 
trouvent aliénés, sauvages et prostituées. Il faut mainte- 
nant rechercher les causes du délit, disons Tétiologie du 
délit, comme la médecine dirait : Tétiologie d'une maladie, 
II y en a une, en effet, nous dit M. Lombroso, pour un 
crime ainsi que pour une maladie quelconque, et peul 
être est-ce encore la seconde qui offre le moins de 
difficultés. II n'y a pas de crime qui n'ait des causes 
multiples ; il faut les reconnaître et les distinguer, sans 
oublier que plusieurs se réunissent souvent pour agir. 

Cette partie du travail présente naturellement un cer- 
tain nombre de points communs avec celle dont nous 
avons parlé d'abord, mais Ton y trouve aussi beaucoup 
d'observations et d'idées nouvelles. 

L'auteur s'applique d'abord à l'étude des influences 
météorologiques ; il leur accorde une grande puissance ; il 
en a été assez frappé pour en faire l'objet d'un ouvrage 
spécial. La température surtout lui semble exercer une 
action souvent décisive, presque souveraine ; le crime, 
selon lui, pourrait avoir son calendrier comme la flore ; la 
criminalité change avec les climats ainsi qu'avec les sai- 
sons; tel pays, ainsi que tel mois, produit tels délits en 
plus grande quantité que tels autres. Les influences n'agis- 
sent parfois que d'une manière indirecte ; si le mois de 
janvier produit plus de vols et de faux que n'importe quel 
autre, c'est que la saison qui est dure ajoute aux besoins 
et diminue les ressources. 

Une large part doit être faite à la race ; toutes les obsci- 
vations recueillies sur les sauvages montrent un tempéra- 
ment spécial, et le sang des sauvages circule encore dans 
les veines d'un grand nombre de nos délinquants. S'il 
s'agit du monde civilisé, les documents ont beau être rares 

*2 



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i 



— 18 — 

et incertains, ils mènent à une conclusion analo^^ue; 
chatiuc pays a sa criminalité propre, les diverses parties 
crua miiine pays ont leurs difiérentos et fâcheuses tradi- 
tions. A Londres, il y a, parmi les voleurs, beaucoup de 
liïs dlrlandais qui sont venus* s'établir dans la grande 
ville; les plus habiles voleurs de toute l'Angleterre sont 
originnirea du Lancashire ; en Russie, après la capitale, 
c'est la Bessarabie et la Crimée qui donnent le plus de 
délinquants ; rAlleniagnc a les colonies bohémiennes et 
ritaiie les colonies albanaises. 

M. Lonibroso passe, en outre, en revue la civilisation, 
rulimeiilaliou, Falcoolisme, l'hérédité, Tàge, l'état civil, 
la profession, réducation, le rachitisme, la conformation 
du corps, les blessures reçues, la conception, les sensa- 
lionS} rimitation, les passions. La folie n'est pas seulement 
un analogue et un dérivatif du crime, elle en est une cause 
dêlcroiinanle, soit directe, soit indirecte; tantôt ce sont 
des fous qui engendrent des délinquants, tantôt ce sont des 
délinquants eux-mêmes qui donnent des signes d'aliéna- 
tion niontalû. 

A rhércdité, dont la constatation est facile, on doit 
ajouter ratavisme, aussi puissant que mystérieux, cmbras- 
Hnni jusqu'à une longue suite de siècles, étendant son 
action plus loin que la famille, que la race elle-mi-mc, 
faisant retrouver dans uu homme de nos jours le sauvage 
qui fut un de ses ancéïres et qui vécut peut-être il y a des 
milliers d'années, au moment où éclate, aux regards stu- 
péfaits de rhunianitô civilisée, une étrange férocité qui, 
comprimée longtemps par l'éducation, par toutes les 
înïluences dn dehors, par la terreur de la peine, reçoit de 
telles ou telles circonstances une impulsion subite. 

Tout serait à citer dans ces pages remplies de faits 
curieux et de fines remarques; l'auteur a le plus vif désir 
de se mettre hors des idées préconçues, quelles qu'elles 
soient ; s'il n accepte pas les antiques doctrines de la méta- 
physique, il ne veut pas davantage subir le joug des 
banalités modernes» On peut être étonné au premier abord 
d'entendre parler de la civilisation à propos des causes 



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— 19 — 

du délit; les chilïresde la statistique semblent lui attribuer 
une influence funeste, la statistique se tromperait-elle ? 
ou condamnerait-elle k civilisation? Il ne faut pas seule- 
ment rappeler que, plus un peuple est civilisé, plus les 
faits prévus par son code pénal spot nombreux et plus les 
moyens de constatation sont efficaces ; il faut reconnaître 
que la civilisation a, tout conimo Ja barbarie, sa crimi- 
nalité spécifique ; à la barbarie le saîif; rôpanctu et les 
associations de malfaiteurs ; k la civilisation qui multiplie 
les besoins, les attentats contre la propriété et contre les 
mœurs. Si la civilisation ne peut faire davantage, si son 
action consiste à changer le caractère des délits, peut-être 
à en augmenter le nombre, c'est un fait pénible à constater 
sans doute, mais facile i\ comprendre pour quiconque sait 
combien le progrès do rinstruction aide â combattre la 
société plus qu'à la défenclre (1), Les pays civilisés sont 
ceux où se forment les grands centres de population, et 
c'est dans les grands centres que se réunissent les délin- 
quants ordinaires; ra^glomération par elle-même pousse 
au crime et à Timmoralité. L'auteur se f^arde trop soigneu- 
sement des illusions pour ne pas signaler les dangers de 
la presse comme il signale ceux de Tinstruclion elle-mùrae : 
nulle puissance ne devient pour lui une idole, nul courant 
ne l'entraîne . Il se détend de proférer contre la civilisation 
un blasphèmequi ne servirait à rien, il se borne à constater 
le bien à côté du mal ; les délits augmentent pour un 
temps, mais ils offrent un caractère moins cruel; les plaies 
sociales sont mieux soignées ; les maisons destinées aux 
aliénés criminels, les prisons cellulaires, les établissements 
industriels, les caisses d'épargne et spécialement les 
caisses d'épargne postales, les sociétés formées pour 
protéger les enfants vagabonds, voilà du moins des bien- 
faits, voilà des garanties dont on est redevable à la 
civilisation. 
M. Lombroso est loin d'être un adversaire do la démo- 



(1) 2« ôdi«on, p. 254. 



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- 20 — 

cratie, mais il constate que les institutions nouvelles, qui 
gagnent tous les pays, encouragent à former des associa- 
tions et que des entreprises les plus généreuses, dans les 
états où elles sont établies, on passe bien vite aux desseins 
immoraux et criminels. • 

Il ne méconnaît pas non plus la part que la misère a 
dans les fautes des hommes, mais la vérité révélée par 
l'expérience ne lui permet pas d'admettre qu'on doive la 
rendre principalement responsable de la prostitution chez 
les femmes, du vol chez les hommes. Hommes et femmes, 
c'est avant tout à leurs propres et naturelles dispositions 
qu'ils obéissent. 

IV 

11 ne suffit pas de savoir quelles sont les causes du délit, 
il faut se demander quelle en est la puissance. Elle est 
grande assurément ; mais ne connait-elie pas, ne peut-elle 
pas recevoir de frein ? L'homme qu'elle pousse au mal est- 
il capable de lui résister? C'est une question qu'on se 
pose avec inquiétude, quand on songe à la précocité d'un 
grand nombre de délinquants, précocité qui s'ajoute à 
d'autres preuves pour attester l'existence de véritables 
afiections congénitales, quand on pense à l'empire de l'ata- 
visme, quand on constate ce fait certain qu'une quantité 
donnée de délits revient toujours d'une manière constante 
et périodique : a Le crime, en somme, parait, d'après la 
statistique, comme d'après l'examen anthropologique, un 
phénomène naturel, un phénomène nécessaire , comme la 
mort, la conception (1). » Si choquante que semble tout 
d'abord cette nécessité, on en retrouve l'idée chez un Platon, 
chez un saint Augustin , chez un saint Bernard ; elle est 
implicitement admise par tous les auteurs, une fois qu'ils 
en viennent aux faits, et les législateurs, par la rédaction 
défectueuse des textes où ils traitent de la responsabilité^ 
trahissent l'embarras où elle les jette. Le mal, sous quelque 



i) r édition, p. 380. 



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- 21 - 

forme qu'il se présente, sous celle de la prostiluLioa ou 
sous celle du vol, est d'autant plus difficile à prévenir ou à 
guérir. Mais la difficulté n'est pas rimpossibilité. Les soins 
de la famille, les bons exemples, une éducation bienclingt'e, 
le souci d'un nom honorable aident à contenir les lUîmvais 
instincts que l'enfant a pu apporter en naissHDt. Un frein 
est plus nécessaire encore à la femme qu'à l'homme, parce 
qu elle est plus faible et plus passionnée à la fois. En 
revanche, quel n'est pas le déplorable effet de rimitatiou 
et d'une éducation mauvaise sur une nature qui n'avait 
pas des instincts pervers? Quelles conséquences n'ont pas 
les premières faiblesses des parents? 

Après avoir cité un gran J nombre d'écrivains qui con- 
cluent à la difficulté ou à l'impossibilité de rendre une 
personne complètement responsable de ses actes, M. Lom- 
broso s'arrête à l'objection : De quel droit punir ? et 
répond : « Il n'y a rien de moins logique que ce qui leut 
l'être trop, rien de plus imprudent que de vouloir tirei- 
des théories, même les plus sûres, des conclusions qui 
peuvent causer un trouble, mi?me le plus lè^er, à lu 
société. Le médecin, au lit d'un malade et en itU*,e- d un 
grave péril, révoque encore en doute le système dont il 
est le plus certain ; ainsi doit faire le philanthrope, qui, 
d'ailleurs, en essayant une innovation de ce genre, n'arri- 
verait pas à montrer l'inutilité et l'impuissance df la 
science (1). » Si le délit est un fait nécessaire, la défense 
et par conséquent la peine sont aussi des faits nécessaires. 
Il n'y a sur le droit de punir qu'une théorie solide, celle 
qui se fonde sur l'indispensable besoin de la peine, qui 
invoque le droit de défense, la théorie qui n'a pas cessé 
d'être professée en Italie depuis Beccaria et qui a trouvé 
de chaleureux adhérents, même dans d'autres pays. 

M. Lombroso relève, nous nous permettrons dédire, en 
l'exagérant, une tendance du droit criminel dans les temps 
modernes. La sévérité des peines, la fréquenlefipi)liratîon 



(1) 2« édUlon, p. 382. 



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— 22 — 

du dernier supplice lui font dire : « On partait de l'idée 
que le méohaiU ne s^amôliore jamais et donne naissance à 
des enEants qui .sont des méchants comme lui ; on tuait le 
coupable, et la mort prévenait les récidives (1). » Il combat 
coDStamment la théorie qui fait de l'amendement le but 
de la peine. « On sait très bien, iHl-il encore (2), que 
l'amendement est toujours ou presque toujours excep- 
tionnel, que la récidive est la règle et que la prison, 
quand elle n'est pas cellulaire, ce qui est économiquement 
împraLiccible sur une grande échelle, non seulement 
n'améliore pas, mais empire le coupable, pour qui elle 
est une école de niaL Et comment, avec cette théorie, 
punir les crimes politiques, ceux de premier mouvement, 
suivis presque toujours d'un soudain et complet repentir, 
ceux qui sont inspirés par un senllment généreux, comme 
ce vol commis par un neveu au préjudice de sa tante pour 
acquitter la dette da celle-ci envers un pauvre ?» La 
plupart de ceux qui soutiennent la théorie de Tamende- 
ment tombent dans d'étranges contradictions ; on flétrit 
le coupable par le chiUiment qu'on lui inflige, en lui 
disant : Améliore-toi î M. Lombroso ne combat pas avec 
moins d'énergis les autres théories au fond desquelles il 
ne retrouve pas la défense sociale. Nous remarquerons 
particulièrement le soin avec lequel il paraît exclure 
ridée de justice ; il ne veut pas qu'on subordonne le délit 
d l'exercice d'une volonté a la fois perverse et libre: 
u Comnieûl croire, dit-il (3), à un principe absolu, éternel, 
de justice dans Thunianîté, quand nous voyons sur ce 
sujet tant de diflérences a si peu de distance dans le temps 
et dans Tespace ? « 

V 

Le délit â, comme les maladies, son étiologie ; il a 
aussi sa thérapeutique. M. Lombroso pose le principe en 



(]] S^ édition, p. 385. 
(S) Îbi4 , p. vï8fl. 
(3J ifrid., p. dEK 



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— 23 — 

ces termes : « Plutôt que de soigner le délit qunnd il est 
déjà adulte, nous devons tenter de le prévenir, sinoii eu 
supprimant, ce qui est impossible, du moins en afl^iiblis- 
sant rinfluence des causes précédemment étudiées (1), » 
On ne peut annuler Faction du climat et de la race, mais 
on fera les lois de manière à en limiter les efTots, Il y a 
des restes et des retours de barbarie ; on abattra les lorûts 
où les malfaiteurs se réunissent, on désarmera les popu* 
lalions, on se gardera d'emprunts prématurés a la civili- 
sation, rénergie de la répression dominera celle des 
instincts, on intimidera ceux qui seraient tentes de devenir 
coupables. L'auteur se montre fort opposé au droit de 
grâce. La civilisation a ses dangers, comme la barbarie ; 
mais plus elle rendra facile l'organisation du crime, plus 
il faudra que l'organisation de la police soit savante ; k 
de nouveaux périls seront opposés de nouveaux moyens de 
défense ; la presse fait du mal, mais elle peut le réparer, 
en portant à la connaissance de tous le sigualenient et 
même le portrait du criminel qu'on veut anùter ; Tins- 
truction est loin de répondre à toutes les espérances 
qu'elle a fait concevoir; mais qu'on ne se contente pas 
d'enseigner l'alphabet, qu'on inspire aux enfants des 
sentiments élevés, en décernant des récompenses pour le 
travail, le bon caractère, les élans généreux, en répandant 
ces utiles institutions des temps modernes, les caisses 
d'épargne, les magasins coopératifs. 

C'est dans cette partie de l'ouvrage que sont exposés, 
et de la manière la plus intéressante, les idées de 
M. Lombroso sur le régime pénitentiaire. Contre le vaga*^ 
bondage et l'oisiveté, il propose de créer des élabl isscmenlSj 
principalement des colonies agricoles, où le travail obliga- 
toire, sous une rigoureuse surveillance, finira par triom- 
pher delà paresse. Il attache avec beaucoup de raison une 
grande importance aux institutions faites pour lenfance 
et la jeunesse ; il juge très sévèrement les maisons de 



(1) 2* édUlon, p. 380. 



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i 



- 24 — 

réforme, telles qu'elles existent, avec le contact nécessai- 
rement pernicieux auquel elles soumettent les détenus, 
avec leur nombreuse population, rendant impossibles toute 
direction, toute action individuelle ; il faudrait modifier 
sensiblement celles de ces maisons qui seraient conser- 
vées, en ouvrir de spéciales pour les orphelins ou les 
abandonnés, développer ce qu'on pourrait appeler les 
internats de jour, espèce d'asiles forcés pour les enfants 
de six à douze ans qui sont privés de tous moyens d'édu- 
cation, soit à cause de leur propre opiniâtreté, soit à cause 
de l'incapacité des parents, ou qui vont déjà courir les 
places publiques et chercher des associés de leur âge 
pour commettre des vols. La prison cellulaire n'améliore 
pas, mais elle empêche l'homme de devenir plus mauvais, 
et c'est déjà beaucoup : il est vrai qu'elle est très coûteuse, 
qu'on ne saurait l'organiser complètement et que le pas- 
sage immédiat de l'isolement forcé à la vie libre et 
commune est singulièrement dangereux. Comment l'amé- 
lioration peut-elle être obtenue ? Il faut prendre l'homme 
tel qu'il est, lui offrir des avantages matériels ou flatter sa 
vanité ; ces moyens réussiront mieux que les prédications. 
Que son sort s'adoucisse, que la liberté lui soit rendue 
plus tôt, s'il se conduit bien. L'auteur tient aux senti- 
ments moraux, car il veut relever les condamnés à leurs 
propres yeux en leur faisant comprendre qu'ils peuvent 
recouvrer l'estime du monde. S'il accepte le système 
irlandais, c'est sans illusion, et il veut ajouter ce qui se 
pratique à Zwickau, en Saxe, mais ce qui est beaucoup 
plus difficile à obtenir dans un grand pays, une répression, 
une méthode de direction et un genre de travail appropriés 
aux individus ; un médecin n'applique pas le même traite- 
ment à deux sujets différents pour la même maladie. 
Justement méfiant à l'égard des condamnés, M. Lombroso 
ne veut pas laisser leur pécule à leur disposition, non pas 
même après leur peine finie ; la somme accumulée devrait 
être déposée dans la caisse des communes ou des patrons, 
dépôt qui serait, en même temps qu'une épargne forcée, 
une garantie de moralité, la caisse ne versant que l'intérêt 



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- 25 - 

et retenaaft iodëfimment le capital ea cas de récidive. Le 
patronage des adultes n'a guère que des ioconvéoients 
aux yeux de M. Lonibroso. 

Il combat vivement la déportation, m^is demande des 
établissements d'incorrigibles, où ceux qui ont lassé la 
patience de la société par leurs nombreuses récidives 
seraient retenus jusqu'à ce que leur amendement ou plu- 
tôt leur impuissance à nuire fussent enfm assurés, assu- 
rance qui, d'ailleurs, ne pourrait résulter que de preuves 
vraiment extraordinaires. On ne peut entrer dans le 
détail de l'organisation qu'il réclame; mais ici comme 
partout, quelques divergences qui se puissent élever sur 
les principes, il faut admirer la profonde connaissance du 
sujet, la finesse et la sûreté des observations, la sagesse 
pratique. 

L'indépendance habituelle de l'auteur se montre bien, 
quand, tout en faisant la part de notre civilisation et de 
ses délicatesses, il conseille de substituer à l'emprisonne- 
ment, si souvent pernicieux, non seulement l'amende à 
laquelle tant de gens sont si sensibles, mais aussi des 
peines corporelles, le jeûne, la douche, le fouet, à côté du 
travail obligatoire, de la séquestration imposée à une 
personne dans son propre domicile et sous garde, de 
l'envoi dans une contrée inhospitalière. 

L'auteur a traité, avec un soin particulier, une question 
à laquelle aboutit en quelque sorte tout son livre, quand 
il s'est occupé de maisons de fous criminels. N'est-ce pas la 
conclusion logique et pratique à la fois d'un ouvrage qui 
tend à démontrer que le délinquant occupe une position 
intermédiaire entre l'homme sain d'esprit et l'aliéné, plus 
près toutefois du second que du premier ? Qu'il ne soit pas 
puni, celui qui ne jouissait certainement pas de sa raison, 
quand il a versé le sang d'un autre, mais que la société se 
protège elle-même contre un membre si dangereux ; que, 
dans le doute, la conscience du juge ne soit pas mise à la 
torture par la nécessité de laisser des citoyens paisibles 
sans défense ou de prononcer une condamnation immé- 
ritée ; que la simulation, plus facile à déjouer qu'on ne le 



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— 26 — 

croit, soit en tout cas découragée par la craiote d'une 
dëtentioa perpétuelle dans un établissement soumis à une 
discipline sévère. Cette détention empêchera le crime de 
se perpétuer par l'hérédité, de se propager par Tasso- 
cicition. Les objections sont réfutées, la part est faite à ce 
qu'elles coutiennent de fondé, les règles générales sont 
posées avec Ja plus grande impartialité. 

VI 

M. Lombroso, dans un travail particulier, a fait Tappli- 
catîon de son système à toute une classe de faits punis- 
sables, aux délits politiques (1). Lui-môme nous avertit 
que cette application est singulièrement utile : a Ce qui 
nous a frappé le plus, en étudiant le délit politique au point 
de vue de l'anthropologie criminelle, c'est la nouvelle 
lumière qui se répand sur ce sujet lorsqu'on prend pour 
guide les critères et les méthodes de cette science qui étu- 
die, non plus le crime, mais le criminel ». 

Les délits politiques sont produits par trois séries de 
causes, pliysiques, sociales et anthropologiques. 

Les causes physiques sont notamment le climat, les sai- 
sons, la position géographique et la configuration du pays, 
la chaleur. 

Parmi les causes sociales, nous trouvons la lutte pour la 
suprématie entre les différentes classes, la disproportion 
entre Télat de civilisation et les conditions économiques, 
— d'où la Révolution française et les mouvements socia- 
listes de nos jours, — surtout le désaccord entre les formes 
politiques et les sentiments ou les besoins nationaux, ainsi 
que le contraste des diverses croyances religieuses. Voilà 
les causes vraiment constantes, celles qui en tout pays 
amènent des révolutions. Il y en a d'autres qui ont un 
caractère plus fortuit, qui tiennent aux occasions ; telles 
sont Tapparition de chefs révolutionnaires, comme un 



(1) Bu délit polUiqvs au point de vue de V anthropologie cHminelle, 
Nouvelle Revue, l" mai 1886, p. 71 et suivantes. 



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— 27 — 

Rienzi oa un Masaniello, l'influence de grands écrivains, 
comme les encyclopédistes, l'action de la presse, Tiraita- 
tion : la Commune s'inspirait de 1793 et 1793 s'était inspiré 
de Cromwell. 

Enfin au nombre des causes anthropologiques sont : « La 
coexistence de races inassimilables, la tendance de cer- 
taines races aux changements politiques, aiosi qu'une fou le 
d'anomalies individuelles de fonctions cérébrales ; anoma- 
lies innées, telles que la criminalité ou la folie morale ; ou 
anomalies acquises, telles que l'ateoo/ïsme et la folie, qui, 
toutes, concourent à former, môme pour les délinquants^ 
politiques, les trois catégories de délinquants-nés, habituels 
et fous que l'anthropologie criminelle a désormais éta- 
blies. » 

Comment concevoir que des criminels-nés ou fous moraw j? 
fournissent à la criminalité politique un contingent consi- 
dérable? <£ La chose s'explique par le fait que, si les cri- 
minels-nés ou les fous moraux sont inférieurs aux per- 
sonnes normales pour ce qui est du sentiment, ils leurs 
sont supérieurs pour la promptitude avec laquelle ils 
embrassent les idées les plus neuves et les plus auda- 
cieuses, en opposition au misonéisme, c'est-à-dire l'horreur 
du nouveau, qui est inné chez les botes, chez les sauvages, 
ainsi que chez une bonne partie de la masse ignorante. Le 
manque même de sens moral fait en sorte qu'ils se déta- 
chent plus facilement des tendances habituelles et com- 
mettent des homicides, des régicides, etc., devant lesquels 
les hommes moraux reculent. — L'impulsivité qui les 
pousse leur fait exécuter ces actes avec une ténacité et une 
rapidité extrêmes ; ils deviennent ainsi des hommes d'ac- 
tion, et par conséquent des instruments de changements 
souvent nuisibles, mais quelquefois avantageux dans This- 
toire politique d'une nation ». En toute matière, dans 
l'ordre intellectuel aussi bien que dans l'ordre social, c'est 
le culte de la routine qui est la règle, « la création est 
l'exception et n'a lieu que par l'œuvre d'individus anor- 
maux, qu'ils soient des génies, des fous, des criminels ou 
des mattoïdes. » Il ne faut pas, d'ailleurs^ traiter de même 



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— 28 ~ 

tous les criminels. Il y ea a qu'attire la nouveauté, qm 
veulent détruire les vieilles choses : « Le Code pénal devra 
se montrer plus doux envers eux. Mais il y en a d'autres 
qui ne cherchent dans le crime politique qu'un prétexte à 
Tassouvissement de leurs tendances criminelles, sachant 
bien qu1l répugne moins à la conscience publique, et aussi 
pour se venger de la justice qui les a punis et qu'ils con- 
fondent avec la constitution en vigueur. » Ces gens-là sont 
les plus dangereux, à cause de l'ignorance des masses et 
de l'indulgence des honnêtes gens. 

Les instincts délictueux profitent des circonstances favo- 
rables, d'où les excès de tout genre, les cruautés qui se 
commettent au milieu des révolutions, qui se commirent 
HU milieu et à la faveur de la Révolution française. 

L'auteur dit un peu plus loin : « Nous observons que la 
criminalité n'est pas tellement éloignée du mouvement 
socialiste qui préoccupe à juste titre l'époque moderne; 
elle se révèle précisément au sein de la fraction du parti 
socialiste qui, à cause de ses intempérances, est animée du 

ilésirdetout détruire par des moyens quelconques » 

Les exemples ne manquent pas à l'appui de cette observa- 
tion. 

Ils viennent aussi confirmer cette autre idée, « que sous 
l'influence d'éléments criminels, des associations instituées 
dans un but honnête, purement politique et social, dégé- 
nèrent en vraies associations de malfaiteurs ». 

Dans ce qui précède, M. Lombroso trouve « une nouvelle 
preuve de la nécessité de l'étude subjective du délinquant ; 
la société ayant le droit de se défendre contre ceux qui 
attentent à sa sûreté ainsi qu'à la tranquillité de son déve- 
loppement progressif, elle l'a à plus forte raison si l'examen 
du délinquant politique révèle son caractère de criminel- 
né, de cet ennemi éternel de tout arrangement social, qu'il 
cache sous la couleur politique ou qu'il développe d'une 
manière quelconque son activité funeste. C'est pourquoi 
nous réclamons pour les criminels-nés ou fous moraux, 
qui, en dehors des caractères anthropologiques, crânio- 
logiques, etc., se distinguent facilement par le manque de 



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- r"^i^^:î^-.-^î*^'^''^i(7V 



— 29 — 

sens moral et par la cruauté de leurs actes, Tapplication 
des peines établies par les délits communs équivalents, 
graduées selon la dépravation plus ou moins grande mani- 
festée par leurs auteurs ; exception faite cependant de la 
peine de mort ou d'autres peines très sévères et perpé- 
tuelles pour ceux que Télément passionnel aurait contraints 
à exécuter un délit purement politique dans Tinteution ou 
dans Texécution. El, comme les délinquants-nés et les 
délinquants par habitude sont tout aussi dangereux, à cause 
de répidémie d'imitation qu'ils propageront parmi les 
masses, qu'ils le sont par eux-mêmes, nous croyons néces- 
saire tout un système judiciaire qui empêche cette propa- 
gation et la délinquance : c'est-à-dire, des maisons de cor- 
rection pour les mineurs, dos pénalités plus fortes contre 
les récidivistes. 

La folie, qui commence par être une cause, devient 
ensuite un effet dans les révolutions, et la société, qui se 
défend contre le crime, doit aussi se défendre contre elle : 
(( La haine du milieu, auquel les fous attribuent les souf- 
frances qu'ils doivent à leur propre organisation et qu'ils 
espèrent faire cesser en modifiant ce milieu », substitue le 
philonéisme au misonéisme, disposition commune dans l'état 
normah Pour ces fous politiques, comme pour les fous 
criminels en général, M. Lombroso réclame l'institutioa 
« d'asiles d'aliénés criminels , dans lesquels on devrait 
rendre l'admission aisée en temps de troubles, tandis que 
les mattoïdes , beaucoup moins dangereux que les fous et 
qui ne le sont que dans des circonstances déterminées, 
devraient être renfermés justement à l'occasion d'événe- 
mentsT)olitiquëS^ extniôrdînaTres^ou lors qu^îlg m anîfggtent 
l'intention de passer de la théorie à la pratique. )) 

Les mesuTes à prendre contre l'alcoolisme rentrent dans 
les moyens qui doivent prévenir les délits politiques. 

La difficulté de décider est plus grande quand il s'agit 
de délinquants par passion : « En effet, rien chez eux n'est 
physiquement anormal, saut peut être une hyperesthésie 
qui leur fait ressentir plus vivement le poids de l'oppres- 
sion étrangère et celle du tyran, ainsi (|*ieleé souffrances 




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— 30 — 

et les préjugés qui en découlent pour le peuple et pour le 
pays. — Au aorabre de ces gens-là se trouvent les Luther, 
les Corday, les Orsini, etc., que Thistoire enregistre parmi 
les plus nobles figures de martyrs. » En condamnant les 
supplices atroces, la science positive pénale « londe sa 
mission de tutelle sociale contre les coupables politiques 
sur le droit de la majorité d'exiger que le régime constitu- 
tionnel, social et religieux qu'elle s'est donné soit respecté, 
la vie et le bien des citoyens sauvegardés. » Comment, 
d'après quelles données anthropologiques déterminer aies 
coupables politiques par passion? w Une première donnée, 
toute négative, est « Tabsence complète du type criminel » ; 
ensuite la conduite qui suit le délit : a Loin de chercher à 
l'atténuer, ils afllrment l'avoir accompli, convaincus de 
son utilité; ou bien, s'ils s'en repentent, ils en afîrontent 
les consi^quences avec la sérénité d'une âme forte et géné- 
reuse ; enfin le nombre considérable de suicides qu'ils 
commettent immédiatement après le délit est la preuve 
d'une impulsion tout à fait passionnée. . . > 

Restent les coupables d'occasion, ceux sur lesquels agis- 
sent toutes les causes sociales indiquées plus haut, notam- 
ment le manque de proportion et d'accord entre l'état de 
civilisation et les conditions économiques, « surtout quand 
rinstruction n'est pas solide, mais incomplète, H donne 
lieu à celte foule d'oisifs, de déclassés, de gens ayant honte 
du travail manuel, chez lesquels une grande ambition est 
accompagnée d'une force intellectuelle minime ou faible, » 
Les moyens qui permettront de lutter « doivent ici être 
prcvenliEs et fournis par la sociologie »; quant au régime 
pénal, il sera <t semblable à celui qui s'applique aux délin- 
quants politiques par passion, mais avec moins d'égards, 
parce que leur sensibilité est moins élevée et parce que 
généralement ce n'est pas l'impulsion seule qui agit chez 
eux. » 

Ainsi s'applique le système général à une catégorie 
spéciale de délits; peut-être vaudrait-il mieux dire qu'il 
s'adapte ainsi même à la catégorie de délits pour laquelle 
il semblait le moins fait. 



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— 31 - 



VU 



C'est M. Lombroso lui-même qui a voulu compléter son 
œuvre, en publiant u la suite la Théorie de la lutelte pénale, 
brièvement exposée, de M, Poletli (i), dont le caractère est 
plus proprement philosophique et juridique. 

L'auteur commence par signaler ce qui innuque aux 
théories jusqulci produites, surtout à celles de la di^feûse 
sociale et à celle de Tamendement. H redoute particulière- 
ment la confusion du droit et de la morale; o^est cette 
confusion qui empêche de recou naître les vrais foude- 
ments du droit social; elle ne permet pas de voir que la 
morale naît directement de la conscience individuelle^ la 
droit de la conscience collcclive, où se forment ces senti- 
ments, ces opinions, ces habitudes cjui se traduisent en 
lois et régissent à ce titre Tassociation civile. Si cette 
dernière idée est vraie, le droit de la société sur le délin- 
quant ne peut aller, d*une part, jusqu'à punir les actes qui 
ne dépassent pns, d'une manière indubitable, le domaine 
de la conscience individuelle; d*autre part, jusqu'à frapper 
la racine même du droit, qui est la personnalité du délin- 
quant. Le droit pénal a sa matière propre qu'il faut ana- 
lyser; on devrait étudier, et la personne juridique du 
délinquant, et la personne juridique de Tétre collectif : 
c'est à cette condition seulement que Ton peut découvrir 
les lois multiples et complexes qui entreront dans une 
théorie enfin complète et solide. Jusqu'à présent, les 
criminalistes se sont laissé enchaîner par les textes des 
lois positives ; ils ont fait rentrer n dans le Ht de Procuste * 
d'un principe unique des faits innombrables; ils n'ont pas 
voulu étendre leurs recherches au delà du phénomène 
juridique, pour rencontrer les vrais facteurs de l'action 
criminelle, de rimputabiiîtô, et par conséquent de la 
répression sociale. Ecrivains et législateurs se sont attachés 



(1) Page 613 et sulv., î^" édilion. 



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i 



à ce qui est seulement iiitrinsèquo; ils ont défini les délits 
d'une manière abstraite. Sur cette matière, on en est 
encore au temps de Grolius, au temps même des Romains. 

M, Poletli s'applique à la tâche qui a été trop négligée; 
il étudie le délit « par rapport à réconomie de la nature 
humaine. » (1) — « Le délit» considéré par rapport aux 
lois de la nature, prises dans leur signification la plus 
étendue, est un évéueiiient innocent. Qu'importe, en effet, 
SL dans ce perpétuel va-et-vieul de la vie, dans cette répé- 
tition continuelle d'un acte tout-puissant, par lequel les 
êtres sont conduits de l'existence à la dissolution, et de la 
dissolution à l'existence, ta matière organique passe d'une 
forme à une autre sous l'inlluence des ardeurs cuisantes 
du soleil, des froids meurtriers, du plaisir qui affaiblit ou 
de la douleur qui détruit, du sacrifice spontané de soi- 
miïme ou du poiiiMard homicide de l'assassin? La nature 
ne distio^uc pas entrt^ ley modes : le charme des voluptés, 
Taltraction de Tamour, la fureur des batailles la servent 
également, puisque la vie trouve précisément dans la mort 
son aliment principal fi), » Mais, « si le délit ne peut être 
rej;ardé comme un mal par rap[>ort à ses conditions les 
plus générales ei a la nécessité invincible qui en cause 
rappaiition parmi l*universelle multiplicité des phéno- 
mènes sociaux, il devient tel, au contraire, dans un sens 
relatif, par rapport aux qualités, aux 'caractères et aux 
formes que cette loi prend dans Thomme. » 

Quelle part sera faite à la jiislice dans la répression? La 
justice est le caractère particulier de l'humanité, et ce 
caractère, Thomme le communique à toutes ses actions. Il 
réprouve le délit, mf>ius psrce qu'il se sent lésé dans 
ses intérêts que parce qu*il se sent offensé dans une 
partie plus intime et plus dêlit-ale, dans celle qui con- 
stitue sa nature même : « Eu fait, le délit est-il seule- 
ment un acte nuisible aux intérêts sociaux ? ■ On punit, 



(1^ ChapUrè ni 

(i!) page tiTâ et suivante a 



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- 33 - 

alors même qu'il n'y a pas de dommage causé. Le parri- 
cide ne fait pas craindre le parricide, le crime est trop 
atroce pour trouver des imitations. Il y a donc pour punir 
des motifs plus forts que Tintérôt, « qui, par lui-môme, ne 
pourrait en aucune façon, justifier une peine. > 

Mais dequelie justice est-il question? Apres avoir écarté, 
entre autres principes, la justice idéale et immuable, le 
pur sentiment du bien et du mal ou sens moral, Tau leur 
arrive à cette conclusion : « Les caractères jïénéraux par 
lesquels on acquerra la certitude qu'une aclioo est criiiii- 
nelle et doit être qualifiée telle ne pourront se tirer de nos 
sentiments, de Tintérôt social, de l'idée môme de justice 
en particulier ; mais seulement d'une chose plus complexe 
par sa nature et plus vaste , et en même temps plus 
invariable et plus sûre. » 

Assurément, il n'y a pas de témoins qui méritent plus 
de confiance que notre raison, que notre conscience ; mais 
il faut chercher ce qui se cache sous leurs attestations, et, 
pour le trouver, aller jusqu'aux conditions générales, 
invariables, nécessaires qui constituent Téconomie hu- 
maine ; qu'on ne parle plus de droits et de devoirs naturels; 
on sera en présence d'une économie que nul ne pourra" 
contester. La raison en est une partie intégrante, allons 
plus loin, la partie principale et caractéristique : elle n est 
pas tout, et par conséquent elle ne peut, à elle seule, 
fournir le caractèrç et les éléments essentiels du délit; 
quand l'homme agit, c'est avec toutes ses fonctions, suivant 
les modes particuliers de la vie, conformément à des lois 
dont l'immutabilité se confond avec celle du destin. 

Le délit se reconnaît à des signes qui ne laissent aucune 
place au doute ; la conscience de Thumanifé. qui est essen- 
tiellement juste, se soulève contre les actes qui lui inspirent 
une invincible répugnance et auxquels elle oppose, comme 
un puissant bouclier, cet ensemble merveilleux de ten- 
dances, de sentiments, d'idées qui se rencontrent dans 
l'individu et dans la société pour assurer la tranquilité de 
leur existence. Un acte révèle la férocité d'une personne, 
son intention perverse ; il montre un péril ou undoiiunajïe 

3 



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— 34 - 

suspendu sur la société ; Tépouvante saisit les consciences. 
Aussitôt une activité spontanée se manifeste; la loi qui 
conserve Téquilibre humain, la justice déploie une série 
de mouvements de défense ou de résistance, au moyen 
desquels la société et Tindividu, cédant à une impulsion 
naturelle, s'appliquent à faire cesser Toflense, le dommage 
et le péril résultant du méfait, et, s'élevant plus haut, 
cherchent à en eflacer Timpression funeste, TefTicace mau- 
vaise, rinfluence immorale. Là où Ton voit ces signes, est 
le délit. Le caractère essentiel du délit consiste dans cette 
opposition manifeste d'un acte avec les propriétés mêmes 
de notre nature : les dissentiments qui se sont élevés sur 
Tessence du délit tiennent à ce que les penseurs n*ont pas 
considéré Thomme dans Tensemble de son économie et 
n*ont pas regardé les grandes manifestations de l'humanité 
comme des effets divers de la loi de conservation qui régit 
cet organisme ainsi que tous les autres. L'expérience 
démontre aujourd'hui cette « loi irrésistible, qui entraîne 
la société à déployer contre le délit tous les moyens de 
résistance dont elle se trouve heureusement munie pour en 
combattre efficacement l'activité funeste et dissolvante » (1). 

Cette loi, qui est celle de la justice, étant établie par la 
nature, se fait sentir à l'auteur même de l'offense; de là 
les effets habituels d'évanouissement, de terreur, d'impré- 
voyance et de remords : « Cette réaction, par laquelle la 
loi suprême de la nature humaine poursuit, afflige, torture 
la conscience du coupable, est la seule et vraie peine du 
délit, et c'est elle qui n'est pas infligée par une force extra- 
ordinaire, mais qui s'applique spontanément, par suite des 
dispositions mêmes de la nature humaine » (2). 

Ainsi caractérisé, le délit (( ne pourra pas être considéré 
comme un événement fortuit et comme un trouble acci- 
dentel de l'ordre; on devra le tenir pour l'effet régulier 
de propriétés qui sont inséparables de la nature humaine, 



(1) Page 085. 

(2) Page 68<3. 



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- 35 - 

eltet combattu, d'ailleurs, par de prévoyantes résistances, ») 
— Il est donc lemp3 que « la justice sociale, se conformaiU 
à des principes différents de ceux qu'elle a suivis jusqu'à 
présent, comme guides de ses jugements, renonce à s'armer 
de lois inhumaines pour frapper, comme des monstres^ 
quelques êtres qui, à la lumière de la vraie science, pour- 
raient souvent paraître fort malheureux. Il est temps 
qu'elle sorte de ces termes dans lesquels on veut la tenir 
encore enfermée, et qu'elle abandonne son point de départ 
habituel, quand elle veut juger du délit, pour qu'il ne lui 
arrive pas de commettre une iniquité par l'acte même qui 
tend à rétablir le droit violé » (1). 

Du délit, M. Poletti passe à l'imputabilité (2) : « Si tout 
homme est mis dans la nécessité d'agir par une loi dont 
l'éternel mouvement n'a pas un instant de trêve ; si les 
qualités intrinsèques, qui nous sont données par l'orga- 
nisme, impriment un caractère particulier à nos actions ; 
si chacun de nous ignore les conséquences éloignées de 
ses actes, ou peut seulement les entrevoir très douteuses 
et très confuses dans l'obscurité de l'avenir; si l'activité 
et la volonté de tous modifient constamment celles de 
chacun en particulier ; si enlin chacun, en agissant, ne 
peut faire mieux que de se conformer aux lois de la nature , 
suivant la connaissance plus ou moins exacte qu'il en 
possède et suivant son sentiment, comment pourra-t-on 
déterminer la mesure vraie de l'imputabilité des actes 
humains? — La raison est effrayée, quand elle se meta 
examiner ce nonabre extraordinaire d'influences, de con- 
cours, de prémisses, dont l'origine est dans l'ensemble de 
toutes les volonté» actives et qui viennent ensuite déter- 
miner la valeur particulière des actes de chaque individu . 
En concluera-t-on que l'imputabilité n'existe pas, que 
l'auteur d'un délit n'en doit pas répondre? Loin de noua 
cette conclusion! »(3). 

L'activité humaine est dirigée vers une fin; elle tend k 



(Il Pag-î 687. 
[î] Chapitre iv. 
;H) Page 093. 



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— 36 — 

Ufi état de bien-ètre supérieur, de perfectioQ et de justice. 
La somme des vérités utiles et des bienfaits sociaux 
s'augmente sans cesse; les lumières s'accroissent. Les 
forces et les volontés extrinsèques viennent aider notre 
activité personnelle, tout en la limitant. Dans toute action 
se trouvent des caractères qui tiennent aux tempi^raments, 
aux instincts, aux aptitudes originaires de Tagent; mais 
on voit aussi combien l'expérience, Téducatiou, l'exemple, 
la volonté ont de pouvoir pour modifier les tendances 
premières du cœur, pour le disposer à la verlu, aux 
nobles sentiments. L'obstacle même qui vient d*aulrui, 
s'il décourage les faibles, stimule les forts. 

La conscience a un sentiment intime de riniputabilité ; 
mais il faut aller plus loin : « On ne dira pas tjue les 
actions bumaines sont imputables parce que rbomme a 
une volonté ou parce qu'il est libre, mais parre que, pen- 
dant qu'il est formé par la toute-puissance des lois 
naturelles, pendant qu'elles lui tracent une direction^ 
t[ui est celle de l'humanité vraie, lui, dans les rapports 
qu'il établit et échange avec le concours de r^r^uvï c et les 
délibérations des associés, apporte quelques aptitudes rai- 
sonnables et humaines, qui donnent nécessairement à 
tous ses actes un caractère, celui de lui être imputables. 
U résulte évidemment de tout cela que, pour déterminer 
riniputabilité d'un acte, il faudra prendre en considération 
tout ce qui concourt à le développer: puissance des lois 
naturelles, état originaire ou accidentel de Tindividu, sa 
situation économique, l'éducation qu'il a reçue, les 
influences sociales qui, bonnes ou mauvaises, s'imposent 
à chacun comme autant de règles de conduite publique ou 
privée, en un mot, l'ensemble de conditions constantes et 
multiples dont il faut connaître les rapports avec l'acte 
pour en déterminer avec justice l'imputabilité. » (!) 

Peut-il y avoir imputabitité sans volonté (2) ? Mais y 
a-t-il vraiment une volonté, une volonté libre ? A de telles 



1) Page 697. 

2) Cbap. IV , De la volonté comme cause déterminante du aétit* 



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'^mmm^' 



- 37 - 

questions on ne peut répondre que par J 'étude des causes 
les plus intimes. Il est nécessaire d'écarter toute illusion , 
la principale, d'après la remarque d'Herbert Spencer, 
« semble consister dans la suppositiou que, à tout instant, 
le moi est quelque chose de plus qu'un agrégat d'idées et 
de sentiments actuels et naissants, qui existe uIovb en 
lui. » Or, le sujet considéré psychiquement est identique 
à la situation de conscience qui détermine l'action ; il 
croit avoir voulu, erreur étrange l ce qui détermine 
Taction, c'est une certaine cohésion d'états psychiques; 
sont-ce les états psychiques qui déterminent leur propre 
cohésion? Il serait absurde de le soutenir- L'acLe volitif 
résulte de cet ensemble de conditions qui mettent Thomma 
en mouvement, de cette somme de stimulants ou de 
mobiles qui peuvent le faire agir. Dès lors il faut chercher 
comment se forment ces mobiles eux-mêmes. L'auteur 
compare trois personnes qui reçoivent une injure grave: 
c'est d'abord un homme d'un esprit délicat et sensible, 
qu'elle jette dans un abattement subît et profond, qui ne 
trouve ni parole pour s'expliquer, ni force pour réagir 
contre l'injuste agresseur. C'en est un autre chez qui etle 
éveille une excitation aussi prompte qu'énergique d'où 
sort aussitôt une réaction violente, C'en est un troisième, 
qui n'est ni passif et impuissant comme le premier, ni 
impétueux comme le deuxième, qui îîe lève avec dignité, 
qui oppose à l'auteur de l'injure une fermeté admirable et 
un juste mépris : « Des deux premiers on dira que, dans 
cette occasion particulière, ils n'ont pas été maîtres de 
leur volonté; du troisième, au contraire, qu'il a su en 
conserver la possession ; l'on dirait plus exactement, non 
qu'il a su, mais qu'il a pu la conserver, — que montrent 
ces faits ? que la volonté, elle aussi, a des limites dans les 
cas particuliers ; mais, si ces limites existent dans les cas 
particuliers, on soutiendra avec raison que Taclion volon- 
taire en général doit se dérouler dans les limites déter- 
minables et certaines » (1). — « Une de ces limites est celle 

(1) Page 701 et sulv. 



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4 



- 38 — . 

qu'on rencontre dans les actes automatiques ou instinc- 
tifs : ces actes s'accomplissent en dehors de la volonté, 
parce que la parfaite adaptation des organes qui ont 
reçu pour mission de les produire leur assure par avance 
une évolution spontanée et régulière. » A ces actes s'op- 
posent les actes qu'on appelle volontaires, « en tant qu'ils 
ont besoin d'un ordre rationnel, qui s'y introduit pour 
tenir lieu de cette spontanéité originaire, appelée à gou- 
verner les premiers et à en assurer la manifestation régu- 
lière. » A propos de cette seconde classe d'actions, peut-il 
être question de limites? N'y a-t-il pas aussi quelques 
principes qui les forcent à suivre une certaine marche? 
Les habitudes qui dérivent des associations créées par 
l'éducation, par les usages sociaux, par les sanctions 
pénales elles-mêmes, sont précisément celles qui ont pour 
fin de subordonner à une loi rationnelle les actes étrangers 
à l'aveugle domaine de l'automatisme et de l'instinct. 
Mais les habitudes, fussent-elles dirigées vers une fin juste 
et légitime, produisent nécessairement ce singulier effet, 
que par elle la liberté du vouloir perd en étendue dans la 
même mesure qu'elle gagne en intensité et en certitude, « le 
propre de l'habitude, d'après une loi psychique bien connue, 
étantde rendre spontanées et même inconscientes beaucoup 
d'actions qui étaient d'abord conscientes et volontaires. » 

Si l'action dépend d'un développement d'énergies orga- 
niques, dont les éléments sont donnés par un certain 
nombre d'idées et de sentiments qui entrent dans le 
domaine de la conscience, le délit peut être ramené à un 
groupe d'idées «et de mouvements affectifs comme à ses 
antécédents, à ses causes. Ces idées, ces mouvements, d'où 
viennent-ils? obéissent-ils à quelque loi ? 

« Tilius a médité, préparé, consommé son crime en 
mettant le feu à la maison de son voisin. Tout concourt à 
prouver que le fait a été commis avec une froide prémédi- 
tation; il l'a donc voulu..., qu'on examine; une cause 
quelconque a d'abord agi sur l'esprit de cet homme ; on 
peut supposer qu'un dommage souffert, un gain manqué, 
une violence subie aient fait d'abord naître en lui l'idée de 



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— 39 — 

se venger ea livrant aux flammes la maison de celui qui 
Tavait offensé. L'efiet cependant n'a pas suivi aussitôt 
ridée; tout au contraire, celle-ci a sommeillé, a paru dis- 
paraître de l'horizon de sa conscience. La vérité était bien 
différente 1 pendant ce temps de calme s'accomplissait au 
contraire un travail inconscient; l'idée se combinait avec 
d'autres, et ensuite elle a reparu plus puissante cl plus 
pressante dans une association de forces qui, maintenant, 
éclatent menaçantes jet auxquelles cet homme ne résiste 
qu'avec une grande difliculté. — On dit : il résiste; mais 
d'où vient cette résistance? Est-ce du futur délinquant 
contre lui-môme?... Nous devrons reconnaître qu'aux 
énergies qui se précipitent pour le pousser au délit, il 
pourra seulement opposer d'autres groupes d'énergies qui 
résulteront d'associations d'idées et de sentiments, asso- 
ciations déjà formées et comme préparées pour la défense. 
Il y a deux courants; auquel sera la victoire? Certaine- 
ment au plus fort. » Les choses, du reste, se passent fré- 
quemment d'une manière toute différente. « Le délit est 
bien souvent l'effet immédiat. . . d'un violent transport de 
passions qui, par un développement subit, entraînent une 
personne à violer la loi. La science pénale a toujours 
trouvé dans ce concours d'impulsions passionnées une 
cause puissante, dont l'effet était d'atténuer ou même de 
supprimer complètement l'imputabilité de l'acte. — Nous 
devrons encore admettre, d'après une expérience con- 
stante, qu'il y a des hommes dont la volonté ne trouve 
aucun obstacle au délit dans la pensée du devoir qui leur 
est imposé de respecter la personne, l'honneur ou les biens 
des citoyens, de n'apporter ni danger, ni trouble à la sécu- 
rité de la société civile ». — Il y a enfin une autre espèce 
de délinquants, peu nombreuse, il est vrai, qui, par suite 
de penchants venant de leur nature, ne sentent pas de 
répugnance pour le délit, mais semblent au contraire con- 
duits par une attraction inquiète à y chercher une satis- 
faction féroce. Ce sont d'ordinaire les auteurs des plus 
grands crimes; bêtes k face humaine, ils en ont les ins- 
tincts et les désirs. . . » 



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— 40 — 

Quelt|uo différents que tous ces cas semblent être au pre- 
mier abord, ne peut-on pas les ramener sous l'empire d'une 
règle unique ? « La marche de ces actes, pour qui les 
examine de près, est toujours la même ; les dispositions 
intérieures des agents varient seules, parce que les formes 
du sentiment ne sont pas identiques chez eux et ne répon- 
dent pas toujours de la môme manière aux idées avec 
lesquelles elles sont en relations inséparables et immé- 
diates»,. — Cette disposition du - sentiment, qui est 
toujours en partie native, en partie due à l'influence de 
la société et de la nature même, nous fournit l'explication 
et le sens de ce qu'on désigne communément par senti- 
ment moral. Au lieu d'être un sentiment particulier et 
originaire de l'âme humaine, il résulte de l'harmonie et 
et de réquilibre de notre affectivité avec les principes que 
nous prenons pour règles de notre conduite morale... » 
Ce n'est pas seulement le sentiment moi^al que l'auteur 
déclare avoir expliqué au moyen des faits rapportés par 
lui, c'est aussi, c'est plus encore l'acte volitif : « Car ils 
nous démontrent que l'action, que nous qualifions de 
volontaire, a pour causes les énergies idéales et affectives 
qui constituent notre personnalité dans ce qu'elle a de 
plus noble et de plus élevé. A la différence des actions 
automatiques et instinctives, dont la production régulière 
est assurée par la perfection des organes et par la coordi- 
nation certaine des fonctions de relation, l'action volon- 
taire doit ce qu'elle peut avoir de régularité à l'association 
rationnelle des idées et des sentiments, fortifiée et confir- 
mée par la répétition des actes et par l'expérience. » 

La délibération qui précède iine résolution, bonne ou 
mauvaise, sert d'argument à l'auteur : « Étant admis, et 
Von ne peut faire autrement que d'admettre que, pour 
produire l'état d'indécision, il a fallu une combinaison 
précédente des énergies intérieures, il paraît clairement 
que Fefîet devra correspondre à la somme et à la qualité 
des stimulants qui, dans telle occasion donnée, ont conduit 
la personne à agir ; d'où Ion peut raisonnablement con- 
clure que, si un seul de ces stimulants eût manqué, ou si 



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— 41 — 

quelqu'autre s'y fût ajouté, elle aurait agi autrement ou së 
serait désistée de Tactioa. Ces énergies, qu'il nous a été 
donné de disposer par avance..., coQstîtueut précisémeEt 
cette force de réserve qui, évoquée et suscitée à tempa, 
nous fournit le moyen de résister à ces desseins et à ces 
passions qui teadeat à nous entraîner à la honte et au 
crime. ». 

L'auteur arrive ainsi à déterminer cette seconde limite 
à la recherche de laquelle il s'était mis : « Si, loin d'être 
une faculté simple et primitive, la volonté est, au con- 
traire, comme tout le prouve, une résultante due au 
concours de plusieurs fonctions et de plusieurs forces, il 
dépendra essentiellement du mode originaire et acquis, 
suivant lequel ces fonctions se trouvent remplies chez les 
individus et de l'aspect sous lequel ces forces se mani- 
festent et se lient, que la volonté eUe-mème se manifeiifte 
avec des directions plus pratiques et plus variées, » 

La manière d'apercevoir les choses et la manière de 
sentir en les apercevant, voilà ce qui donne à Taction son 
caractère, ce qui fait la vertu ou le délit ; tout dépend des 
conditions intimes» faites à Tagent : «t Or, moins ces condi- 
tions ont d'intensité, de cohésion, d'abondance de forces, 
plus elles rendent faible et incertain l'empire de la volonléj 
qui va s'affaiblissant graduellement jusqu'au point où il 
s'évanouit dans la folie morale ou dans la manie impul- 
sive du délit. » Ainsi se produit le rapprochement, 
acquis à la science, entre les délini^uants et les fous : 
« La criminalité n'est certainement ni la lolie morale, ni 
la manie impulsive; mais, dans ses caractères les plus 
saillants, elle offre quelque chose de congénère, en tant 
qu'elle est rendue possible par l'absence de ces senti- 
ments... qui font reculer les honnêtes gens devant les 
actions délictueuses. » 

La conclusion est « que la volonté est toujours relative, 
qu'on la considère dans les limites positives entre les- 
quelles elle se développe, ou dans les facteurs qui la 
composent ; aussi les actes qui se rapportent â elle auront 
toujours une valeur morale relative, qu'ils soient qualifiés 



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I 



^ 42 — 

de verludux ou de criminels. De là une dernière consé- 
tjuenrc : nul délit n'est jamais absolument imputable à 
son auteur ». 

Le délit a eu son évolution historique (i). M. Poletti ne 
voit quu des mots vides de sens dans Tordre éternel dont 
on parle^ dans les lois, toujours et partout présentes à la 
conscience humaine. Il n'y a rien de tel dans les nations 
sauvages; il n'y avait rien de tel chez les barbares dont 
nous habitons les anciens territoires ou de qui nous des- 
cendons. Le délit est inconnu à un certain âge de la vie 
sociale, tant qu'il ne s'est pas formé dans le sentiment 
commun une impulsion, et, à la suite, une notion tendant 
à réprimer certains actes comme injustes et dommageables. 
Les fiïits qui sont aujourd'hui la matière du délit avaient 
lieu jadi8 ; ils étaient conformes à la vie sauvage, dont ils 
Koiit parmi nous comme la prolongation, mais la répression 
les a fmppés. 

N'eu concluons pas que l'humanité primitive ait été 
corrompue : a L'élévation exquise de la conscience juri- 
dique, chez les modernes, nous fait regarder comme une 
corruption immorale et criminelle un état de choses qui, 
dans les temps très reculés, n'était repoussé ni condamné 
par la conscience de personne ». Il y a un point plus 
important encore à noter: « Le délit a dû s'étendre de 
plus en plusù mesure que de nouveaux rapports juridiques 
se sont déterminés dans la conscience humaine et affermis 
dans la société sous forme de coutumes et de lois. Il est en 
eiïet naturel que le délit se distingue en un nombre 
d'espèces d'autant plus grand, qu'un plus grand nombre de 
rapports juridiques peuvent être lésés et par consé- 
quent peuvent être placés sous la tutelle d'une sanction 
pénale « (2). 

Plus le nombre de faits classés par la loi parmi les 
délits est considérable, plus on peut affirmer que, dans 



ÎD Cbapllre vi. 
{i) Page 719, 



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- 43 — 

la communauté oivile, économique eit sociale qui «*est 
donné cette loi, rôgae un respect profond pour la personne 
et la propriété d*autrui. A côté des sanctions pénales ^v 
développe une espèce de garantie, placée dans Topinion oL 
dans la volonté communes, et ce n^est pas la plus faiblr 
de celles qui protègent le droit; bien plus, celte somtnii 
de sentiments et de volontés contribue à diminuer con- 
stamment rintensité des délits, ù enlever peu à peu aux 
lois pénales leur caractère répressif, pour en accrottn* 
Tefficacité préventive : changement qui mène à « colUi 
forme plus parfaite dont nous sommes les défenseur^;, 
parce que c'est, à notre avis, la seule conforme a la raison 
et à la justice » (1). 

C'est de cette forme plus parfaite que s'occupe rauteiir 
dans son dernier chapitre (2). 

On ne conteste pas à la société la tutelle juridique; mai^ 
faut-il donner à cette tutelle la forme d'un système pénni 
préventif et coercitif ? 

Dans les anciennes institutions apparaissent les trois 
caractères suivants: 1° Le pouvoir positif de l'Etat est 
chargé de pourvoir à la sécurité publique ; 2» La peine est 
le moyen propre à garantir cette sécurité par la contrainît^ 
physique et à prévenir le crime par l'intimidation ; 3<> Le 
coupable est l'instrument destiné à produire ces effets. 

En tête des théories et des institutions pénales, dans los 
temps modernes, se placent deux idées essentielles, qui 
marquent la limite où doit s'arrêter l'action du pouvoir : 
i^ La souveraineté sociale et la personnalité du coupable : 
2° Le caractère de moyen préventif regardé comme inhé- 
rent à la peine. 

Pour les anciens législateurs, la peine implique la dou- 
leur physique; le condamné est enfermé dans une prison 
où il devient plus mauvais. Maintenant on travaille à ce 
qu'il y devienne meilleur, et cela dans l'intérêt de lu 



(1) Page 728. 

(3) Cbapitre vu. la peine et la luUllepénûU. 



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— 44 — 

société mêm« ; on s'attache aux phénomènes psychiques. 
Mais l'élément matériel est le seul qui dépende de la loi ; 
l'élément psychique lui échappe. Quand on veut agir sur 
rame du délinquant, il faut recourir à des moyens qui ne 
peuvent être regardés comme des peines, à l'instruction et 
au travail . 

Ranger ces moyens parmi les peines, ce serait leur 
enlever cette haute valeur morale^ qui contribue à en faire 
les deux plus puissants facteurs du progrès économique 
et civil. 

C'est le fondement du droit de punir, c'est la nature de 
la peine qu'on n'a pas su déterminer. 

La peine, telle qu'on l'a entendue jusqu'à ce jour, soulève 
trois objections irréfutables : 1^ Elle est inefficace, car, si 
la privation de la liberté est propre à produire dans l'âme 
une douleur profonde, la loi n'en connaît pas la mesure ; 
2° Elle n'est pas adaptée à tous les coupables ; dure pour 
les uns, elle ne l'est pas pour les autres ; 3o Elle repose sur 
une erreur ; le châtiment doit être mesuré à l'imputabilité ; 
mais il est certain que l'imputabilité n'est jamais complète, 
et il est absurde de chercher à déterminer la mesure de 
l'imputabilité, par conséquent celle du châtiment. 

La peine sera reléguée au second plan. Ce qui dominera, 
ce sera l'action sociale, avec la fonction qui répond à sa 
vraie nature, avec la tutelle juridique de l'association 
civile et des citoyens, y compris le coupable. 

« La répression du délinquant, dans les limites mar- 
quées par la souveraineté sociale et par la personnalité du 
coupable, pour être rationnelle et légitime, doit consister 
en une action qui s'attache essentiellement à son activité 
libre pour la soumettre à une règle, à une mesure. Mais, 
comme cette action sociale doit se régler sur l'intensité et 
sur la gravité du méfait, sur l'importance du droit violé, 
sur les garanties dont la société a besoin pour obtenir une 
vie commune tranquille, laborieuse et ordonnée, elle devra 
prendre le caractère pénal, et la raison en est qu'elle porte 
principalement sur la personne du coupable. Ainsi est 
profondément modifiée l'essence et même la forme du 



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- 43 — 

droit criminel. » Il n'est plus question dliilliger au délin- 
quant lin certain mal dans une certaine mnure, ce qui 
serait faire de lui un instrument matériel de vengeance 
publique. D'un autre côté, la société, pour exercer sa 
tutelle, « devant sur toute chose pourvoir au rétablisse- 
ment et à la préservation du droit, règïera en ce sens le 
sort du délinquant, qui doit à la société ofïensée, non 
seulement une satisfaction , mais aussi des f^aranties ; 
celles-ci, quand on parle de tutelle, ne peuvent se com- 
prendre que si la personnalité est respectée, sauf certaines 
précautions, qui, en restreignant la liberté, tendent en 
même temps à l'amélioration. C'est en ce sens élevé, en 
ce sens humain, qu'il faut entendre la transformation du 
droit criminel, la tutelle remplaçant le châtiment ». 



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CHAPITRE DEUXIÈME 



M. Enrico FElUtl 



La « nouvelle école » de droit criminel a Ironvi* un Uni- 
lant défenseur en M. Enrico Ferri, actuellement professeur 
à rUniversité de Sienne, écrivain el orateur distingué» 
salué à régal des maîtres malgré sa jeunesse, M. Ferri ne 
s'est pascontenlé de répandre la doctrine, il a voulu y 
ajouter par ses propres travaux, il en a proclamé les plus 
hardies conséquences. Sa méthode est !a méthode positive; 
son principe est la négation du libre arbitre. Telles sont 
les deux idées essentielles qui ont inspire tous ses écrits. 

§ 1". — De la méthode positive et des réHiillal» 
auxquels elle conduit* 

I 

M. Ferri n*adrnetque la méthode expérimentale ou plutùf 

p ositive (1); n'est-il pas temps d'appliquer aux sciences 

morales et sociales, spécialement au droit criminel, les 

procédés de recherches qui ont si bien réussi aux sciences 

naturelles? Plus d'idées à priori, plus de métaphysique 



(1) Teorica deU'lmputabilità, Averlissement. 



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— 48 — 

uniquement fondée sur la déduction (1) : c'est aux faits 
qu'on doit enfin s'attacher. 

Est-ce là rompre, soit avec la tradition des grands 
penseurs qui ont été les maîtres de la philosophie mo- 
derne, soit avec celle des illustres publicistes qui, depuis 
Beccaria, ont tant fait pour la science du droit criminel ? En 
aucune façon. D'une part, quoique M. Ferri parle constam- 
ment de la méthode positive, ce n'est pas d'Auguste Comte 
qu'il se dit l'élève, c'est de Galilée, de Bacon, de Descartes, 
de ceux qui ont cherché à connaître la vérité au moyen 
de l'investigation; d'autre part, Beccaria a rempli une 
noble tâche , mais il en reste une aussi importante à ses 
successeurs. Deux grandes écoles se sont produites dans 
l'ordre scientifique et dans l'ordre lép^islatif : c La première, 
née d'une réaction généreuse contre la férocité du Moyen- 
Age, avait pour drapeau la mitigation de toutes les peines 
et l'abolition de beaucoup d'entre elles ; malgré l'oppo- 
sition acharnée et déloyale de nombreux adversaires, qui 
l'accusaient de protéger les voleurs et les assassins et de 
renverser les bases de la société, elle a fourni un cycle 
brillant d'évolution, et sa doctrine est maintenant pro- 
clamée par ses partisans le nec plus ultra de la science 
criminelle. L'autre école, qui n'en est qu'à ses débuts, se 
propose une entreprise non moins humaine, non moins 
utile à la société civile : elle veut obtenir la diminution des 
délits, qui désormais menacent sérieusement cette société, 
si l'on ne remplace des remèdes demeurés jusqu'à présent 
inutiles » (2). 

Ainsi les deux écoles de droit criminel se rattachent 
l'une à l'autre, mais la seconde est en progrès sur la pre- 
mière : « Le philanthrope Lombard et, avec lui, tous les 
criminalistes italiens de l'époque classique, enfermés dans 



(1) Teorica deU'ImpulabilUà, Introduction, p. 4 et suivantes. 

(2) Il Dirito di punire, corne funzione soctato, p 3. — Con/'.M. F^ri, 
/ nuovi orizzonti del Diritto e délia procedura pénale, 2* éd., 1884, 
Introd., p. 1 et 8uivant<>8. 



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-- 49 - 

leurs consciences d'hommes honnêtes et généreux, de- 
mandent au sentiment l'impulsion qui leur sert à combattre 
Tempirismo du Moyen-Age, et au raisonnement philoso- 
phique seul les théories abstraites que les législateurs se 
sont vainement efforcés de saisir et de rendre concrètes dans 
les lois positives, que les juges se sont vainement épuisés 
à vouloir appliquer aux réalités de la vie quotidienne. » 

En dehors d'eux, il y a eu, il y a des hommes, des natu- 
ralistes, dit M. Ferri, qui, inspirés, eux aussi, par une 
philanthropie véritable, mais pensant aux citoyens hon- 
nêtes ainsi qu'aux malfaiteurs, entraient dans les maisons 
de fous et dans les prisons, entreprenaient une tâche 
difficile et pénible, Tanatomie physique et psychique du 
délinquant; ils écartaient les théories pour observer les 
faits. Qu'y avait-il donc de mieux à faire? Partir de soi- 
même, d'une conscience honnête, que l'on aurait à tort 
considérée comme le miroir où se serait reflété le monde 
criminel, quand il en diffère si complètement? Ou, tout 
au contraire, étudier ce monde en lui-môme, en pénétrer 
la structure et le développement maladifs? C'est cette 
seconde méthode qu'a choisie la nouvelle école, et ce 
choix a plus d'importance encore, l'opposition entre les 
deux écoles est plus marquée encore que ne le dit M. Lora- 
broso ; pas d'alliance, pas de connubio possible entre les 
. anciennes doctrines des crimiualistes et l'anthropologie. 
Sans doute la nouvelle méthode scientifique n'a pas encore 
vaincu toutes les résistances ; ceux qui furent les réfor- 
mateurs d'hier combattent la réforme d'aujourd'hui et 
l'accusent à leur tour, comme ils furent accusés jadis, do 
ruiner en môme temps les bases de la société et celles de la 
science. Il faut avouer, d'ailleurs, que la nouvelle doctrine 
a encore de grands progrès à faire ; quelques services 
qu'elle puisse rendre dès maintenant, son œuvre est loin 
d'être achevée ; il n'en est pas moins vrai qu'elle a pour 
elle les partisans des idées modernes ; son succès, quoi 
qu'on en dise, est aussi désirable que certain, car elle 
seule peut efficacement garantir le droit de punir et assurer 
par là le maintien de la société. 

4 



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-30- 



II 



Aa point où elle est parvenue, il est facile de dégager la 
conclusion scientifique qu'elle tire des faits et d'en tirer 
parti. Nous trouvons ici une de ces synthèses partielles 
(fiii, avant le complet développement d'une science, per- 
mettent de contrôler çt d'employer les résultats déjà 
obtenus. 

Que faut-il voir dans le délit? que faut-il voir, par suite^ 
dans le droit criminel? Tandis que, d'après l'ancienne 
école, le délit « n'est pas un être de fait, mais un être juri- 
dique », n'est pas une action, mais une infraction (i), 
pour la nouvelle, c'est avant tout « une action humaine 
qui, considérée dans ses rapports, se rattache à l'ordre 
juridique, mais qui, d'abord, doit être étudiée comme un 
phénomène naturel, dans ses conditions physiques, phy- 
siologiques, sociales. D'où cette importante conséquence 
que le droit criminel, s'il appartient par ses résultats et 
par son but à l'encyclopédie juridique, est, dans sa base 
et par ses moyens de recherches, une partie de la vraie 
sociologie, et qu'il a pour sciences préliminaires ou auxi- 
liaires, la biologie, la psychologie, l'anthropologie, la sta- 
tistique » (2). 

On ne s'attache plus à tel genre de délit d'une manière 
abstraite, mais à tel fait commis en tel lieu, à tel moment, 
par telle personne, d'une manière concrète. C'est une 
règle générale que posait le premier système, règle appli- 
cable à quiconque aurait commis le délit ; c'est une me- 
sure individuelle que prescrit le second, mesure qui doit 
être adaptée^ avec les changements nécessaires, aux diffé- 
rents cas. La peine, ou, pour employer des termes à la fois 
plus exacts et plus généraux» la mesure de défense, répa- 
ration civile ou châtiment proprement dit, ne sera pas la 



{ij M. Carrara, Programme. §34. 

m H Diriito dijmnire, p. 5. — Cf. p, 17 et 18. — / nuovi OrizzorUi 

p. L 



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-M - 

même à l'égard d'un coupable et à l'égard de l'autre. Dès 
lors, il n'y aura plus d'uniformes et d'égales que les règles 
juridiques à suivre pour ranger le fait commis dans telle 
ou telle classe de délits ; puis il faudra s'en rapporter aux 
règles psycho-anthropologiques (1)-, pour placer l'individu 
dans telle ou telle classe de délinquants. 

Classer les délinquants, c'est l'œuvre essentielle de la 
science. Elle distingue les délinquants fous et à demi-fous, 
les délinquants-71^5, les délinquants d'occasion, de passion 
ou d'habitude (2). On remarquera particulièrement la caté- 
gorie des délinquants-nés : (( il ya des délits qui, sans dériver 
de la véritable folie, révèlent des natures sauvages, atavis- 
tiques , incorrigibles » (3). Anomalies qui constituent la 
deuxième classe tout entière. Il s'en présente de sem- 
blables dans la troisième : de là vient que certains hommes 
sont incapables de résister aux occasions ou à riniluence 
malsaine du milieu, m II n'y a pas encore un siècle, on 
punissait les fous comme les délinquants, parce qu'on 
imputait à la volonté malfaisante ce qui n'était que TefTet 
d'un organisme malade. Le changement qui s'est produit 
dans la manière de traiter les fous doit se produire main- 
tenant dans celle de traiter les délinquants, victimes de 
leur nature. Cette distinction, déjà faite d'une manière 
incidente et incomplète par quelques anthropolôgistes- 
criminalistes, et maintenant acceptée par tous les positi- 
vistes dans sa partie substantielle est, je crois, l'idée la plus 
féconde que j'aie produite dans la science criminelle ». 

in 

Mais comment arrive-t-on à l'établir? Quels moyens 
la science emploie-t-elle pour accomplir son œuvre essen- 
tielle ? En d'autres termes, comment se forme la science? 



(i; Il Diritio, p. 19. 

(2) Conf. I nuovi orizzonti, cb. ii, p. 174 ?l salv., spécialement p. ?5e 
et suivantes. 

(3) Il Dirillo, p. 8 6l suivantes. 



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— 32 — 

Culte première question résolue, une seconde se pré- 
sente. Comment s'y prendre pour appliquer les règles dont 
la science a démontré la vérilé? Gomment doit se rendre 
la justice ? 

Cest ù l'observation directe, sans cesse répétée, qu'il 
faut demander les éléments dont se formera la science, en 
so servant, d'ailleurs, de toutes les notions que peuvent 
fournir les sciences préliminaires ou auxiliaires, fondées 
cffulement sur l'observation. 

Nous n'avons plus besoin d'exposer la théorie tout 
entière, que nous avons déjà étudiée dans le livre de 
M* Lombroso. Signalons les applications qu'en a faites 
spécialement M. Ferri à la physionomie (1) et aux senti- 
ments (2) des meurtriers. 

L'expérience fait bien apprécier l'importance de la phy- 
sîognomonie, sans permettre de l'exagérer. Cette science 
n, comme la phrénologie, un point de départ positif, « le 
rapport généralement observé et admis par l'expérience 
générale entre les traits de la physionomie et les disposi- 
tions lïiorales de l'individu )). Sauf les exceptions, plus 
ou moins réelles, qui sont inévitables dans les débuts de 
toute science naturelle, c*est un fait incontestable que 
Tobservation commune surprend très souvent dans la phy- 
sionomie la révélation, les mouvements et les étals psy- 
chiques internes. Puisque celte conviction est générale 
dans rhumanité civilisée, comme le prouvent le langage 
même, les proverbes, les écrits des plus anciens philoso- 
phes, et puisque, à la connaissance de tous, beaucoup 
d*honiraes doivent à leur perspicacité naturelle un art 
spécial de juger le moral de leurs semblables sur la phy- 
sionomie, il est évident que, si à cette faculté naturelle et 
empirique s'ajoutent les recherches systématiques et pa- 
tientes de la science, on devra parvenir à réunir un certain 



[1] Siudi Senesi, La fisionomia degli omicidi, vol. n p. 123 et soi- 
vafjles. — - _ - 

\it} Ib I Bmlimenli eiaffeUi negli omicidi, vol. ni, p. 136 et suivantes. 



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— 53 — 

nombre de conclusions positives, destinées ù s'accroître et 
à se rectifier dans l'avenir, mais dès maintenant suscep- 
tibles d'une application pratique. — Mais, comme on est 
toujours préoccupé par !a crainte de voir détruire les rè- 
gles traditionnelles deTimputabilité en matière de délits, le 
sens commun se montre hostile, soit aux études craniolo- 
gîques en général, soit aux recherches entreprises sur la 
physionomie des délinquants : ces indices que l'on recon- 
naît chez l'artiste, chez le vieux militaire, on ne les admet 
plus quand il s'agit des délinquants. Il faut une certaine 
habitude pour saisir dans une physionomie ce qu'elle offre 
de caractéristique, et précisément il y a peu de personnes 
qui aient des connaissances précises sur ce qu*il y a de 
spécial à ia physionomie des sauvages, physionomie « que 
les délinquants, dans leurs types les plus saillants, repro- 
duisent beaucoup moins atténuée que les hommes civilisés 
dans leur physionomie normale ». 

La science explique ce rapport entre la physionomie et 
Tespritde l'homme:* Les mouvements musculaires dé- 
terminés par les émotions internes, en se répétant quand 
celles-ci se renouvellent, deviennent habituels et se 
fixent par conséquent dans les traits de l'individu, non 
seulement dans la peau et dans les muscles, mais môme 
dans l'ossature de la tôte; ils se transmettent par l'héré- 
dité aux descendants, avec les modifications propres à l'hé- 
rédité naturelle, en même temps que la constitution orga- 
nique et psychique, par laquelle ils ont été en principe 
déterminés ». Voilà les idées générales qui devront s'ap- 
pliquer à la physionomie des meurtriers. 

On remarquera, d'ailleurs, que les signes extérieurs les 
plus sensibles correspondent aux cas psychologiques les 
plus saillants, que les meurtriers n'ont pas tous la même 
physionomie, parce qu'ils n'ont pas tous le môme type 
psychique. Chez l'assassin de naissance, incorrigible, véri- 
table sauvage, on trouvera une physionomie brutale; mais 
il n'en sera pas de même chez celui qu'a entraîné un élan 
de passion. Qu'on ne tire pas argument de ces variétés pour 
soutenir qu'il n'y a pas unité de type parmi ceux qui com- 



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— 54 — 

mettent le môme crime, parmi les meurtriers : « Il est, 
en effet, facile de répondre ; môme en dehors des variétés 
ethniques, de celles qu'offrent les diverses provinces 
d'Italie, cette unité ne saurait exister, dès que parmi lea 
meurtriers eux-mêmes il y a beaucoup de catégories 
anthropologiques, très diverses entre elles, par Torga- 
nisme comme par Tétat psychique. C'est seulement pour 
chaque classe de délinquant qu'on peut relever cette 
iriste unifm'mité de visage dont parle Bittinger, déjà obser- 
vée par les directeurs de prison les plus sagaces et surtout 
par les agents de police ». 

M. Ferri nous parle en détail des anomalies physiques 
relevées sur 1,7H individus, suivant la méthode de M. Lom- 
broso. Le type du meurtrier d'habitude signalé par celui- 
ci est exact dans les traits essentiels. Il a suffi à M. Ferri, 
visitant une prison, pour reconnaître le genre de criminel 
auquel il avait affaire. 

Qu'on laisse de côté l'avantagea tirer de telles recherches 
pour discerner les moyens répressifs qui doivent être 
employés à l'égard de telle ou telle catégorie de crimi- 
uels; il est au moins impossible de nier les services 
qu'elles peuvent rendre dans l'information. « Ainsi se con- 
firme l'utilité théorique et pratique de ces études positives 
sur le délit, que la myopie de certains critiques leur fait 
considérer comme étrangères au ministère plénal, tout 
simplement parce que les criminalistes de la nouvelle école, 
n'ayant pas encore formulé d'une manière explicite et 
systématique toutes les conclusions juridiques des faits 
recueillis, ne peuvent accomplir facilement le travail de 
1 Induction scientifique ». 

Après la physionomie, les sentiments ; après les signes 
physiques, l'état psychique. 

« L^'étude des ouvrages relatifs à la psychologie crimi- 
nelle, dit M. Ferri, et surtout les observations que j'ai 
faites dans les prisons, me donnent une conviction que je 
résume au sujet des délinquants, y compris les meur- 
triers. Si on laisse de côté ce qu'il y a d'anormal dans leur 
sens moral, ils sont, pour les sentiments particuliers, ordi- 



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— 55 — 

nairemeoti peu près semblables aux autres hommes, spé- 
cialement à€©ux des classes iolériuures, d'ûù iis sortent 
pour le plus graad nombre. — Cequi revient à dire que chez 
les meurtriers Ton retrouve, en dépit de ce qu^on s'imagine 
en général, tous les sentiments bons ou ma u vais qui f arment 
rétat normal de Vàme humaine. Mais voici, en fait de sen^ 
timents, €6 qne leur constitution a de particulier; d'après 
la psychologie positive, le sens moraJ, au lieu d'être tin 
sentiment distinct et spécial, doit plutôt être considéré 
comme la tonalité générale de toute ia partie affective de 
l'homme, comme ce qu'on pourrait iippeler )e tempéra^ 
meut psychique; dès lors le défaut ou Fatropbîe du sens 
moral, constaté chez les meurtriers ordinaires, agit sur 
les autres sentiments qui leur sont communs avec les 
hommes normaux. Le manque efiectif et originaire de »;ens 
moral donne à leur ^oisme le caractère exagéré et (aux 
qui mène au délit ». L'insensibilité morale constitue l'élé- 
ment négatif, l'exagération des autres sentiments, Télé- 
ment positif du mal ; dénué par la première de toute force 
pour résister, l'homme est entraîné par la seconde à com- 
mettre des actions coupables, à tuer. L'écrivain vérifie sa 
thèse sur les divers sentiments de Ttlme humaine; tous 
existent chez le jneurlrier, même le sentiment religieux, 
même ces sentiments qu'une certaine termiuologie qualifie 
d'altruistes, peu durables, il est vrai , et surtout adaptés à 
ce tempérament psychique où le sens moral fait défaut, 



IV 



Nous supposons la science arrivée à des conclusions 
certaines, inattaquables. Une tâche nouvelle commence; 
les vérités découvertes doivent fournir des règles à Fadmi- 
nistration de la justice. Dès maintenant, n'esl-on pas 
assez fixé sur les points essentiels pour introduire des 
changements très importants dans une pratique où 
dominent depuis si longtemps l'erreur et le préjugé ? 

L'anthropologie trouvera ici une double utilité. Elle 
servira d'abord au juge pour déterminer qu'elle mesure 



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— 56 — 

il convient de prendre à l'égard du délinquant, s'il doit 
être privé de la liberté, ensuite, pour le cas où sur ce dernier 
point la décision auraitété affirmative, au directeur du péni- 
tencier pour déterminer la nature et la durée de la peine, 
toute fiction a priori qui aurait pour objet de déterminer 
à l'avance cette durée étant écartée désormais » (1). 

Nous avons parlé du juge. Il n'est pas seulement à sou- 
haiter que ceux qui prononcent tiennent plus de compte 
de la psychiatrie et de ses réponses ; il faut encore que les 
experts aient plus de liberté dans leurs conclusions (2) ; 
à vrai dire, n'est-ce pas le droit môme de prononcer qu'il 
serait nécessaire de déplacer, de transporter de ceux qui 
ne savent pas à ceux qui savent? Le jugement ne devra- 
t-il pas être la conséquence inévitable de l'expertise ? 

L'auteur s'élève avec vivacité contre l'usage absurde, dit- 
il, de faire trancher des questions par des tiommes incom- 
pétents. Tous les fois qu'une question, pour la soliition de 
laquelle des connaissances spéciales sont indispensables, 
est portée devant les juges, ceux-ci s'en rapportent aux 
personnes qui possèdent ces connaissances ; mais s*agil-il 
des infirmités mentales? Ils ne font plus de même. Les 
juristes se prononcent hardiment sur les points les plus 
embarrassants, sur les cas de manie pariiclle, de folie 
morale, d'intervalles lucides ; ils n'ont, pour s'éclairer, que 
le bon sens et les idées préconçues de la vieille métaphy- 
sique sur les facultés dont jouit une âme normale. Si les 
juges consultent des experts, c'est moins avec la pensée 
de déférer à l'opinion de ceux-ci que pour se conformer à 
un usage ou à un texte de loi ; ils pensent que l'avocat se sert 
de la maladie mentale comme d'un moyen de défense tou- 
jours prêt à défaut d'autres, par devoir professionnel plutôt 
que par conviction , que les médecins aliénistes se prêtent 
complaisamment à inventer de nouvelles maladies faites 
pour paralyser le bras de la justice. Le public, d'ailleurs, 



(1) IlDiritto, p. 19. 

(2) Ibid ; p. 32. 



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jutà 



- 57 — 

pense comme les juges. « Depuis Kaat, roploion s'était de 
plus en plus enracinée dans le commun public que Tétude 
des maladies mentales appartient a la philosophie de prè- 
férence à la médecine, et que ce sont des anomalies 
touchant exclusivement à Tàme pensante, laissant sain et 
sauf le corps qui la revêt ». On s'imagine ainsi que ces 
maladies éclatent toujours au dehors, par le désordre des 
discours, par la fureur des emportements : a Mais désor- 
mais la science expérimentale a démontré que la folie 
est elle-même une vraie maladie physique des centres 
nerveux et qu'elle prend des formes assez variées pour se 
cacher souvent » sous l'apparence menteuse du calme et 
delà malice, même à l'œil le plus expérimenté.,, La 
vérité qu'avait pénétrée la science a été contirmée par la 
publication de journaux que tenaient des fous et qu'on a 
trouvés dans les asiles d'aliénés d'Italie (1). 

Ainsi la question qui domine toutes les autres, dons 
l'examen d'un prévenu, semble bien être la question de 
savoir s'il avait la plénitude de rintetligence. C'est toujours 
là que tend l'école anthropologique. Question' toujours 
posée à laquelle il est souvent difiicile de répondre. Les 
nuances sont innombrables de la pleine sagesse à la folie 
complète (2). M. Ferri admet l'existence de cette folie 
morale, qui € en apparence laisse intacte ia faculté de rai- 
sonner et de discerner, n'altérant que les sentiments 
moraux » (3). Il ne craint pas le reproche adressé aux 
médecins aliénistes de mettre en péril la société^ en lais- 
sant tomber toute notion de responsabilité. Si un abus est 
possible, la crainte qu'il inspire ne doit pas empêcher de 
reconnaître une vérité bien établie, dont chaque cas, étudié 
séparément, permettra de faire l'application et la vérilica- 
tion (4). Il n'en résultera, d'ailleurs, aucun préjudice pour 
la société, nous le verrons. 



(1) Teorica, p. 482-484. Conf. p. 490. 

(2) Ib., p. 476. 

(3) Ib., p. 488. 

(4) Ib„ p. 484. 



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— S8 — 

Forte de la coovictioii qu'dlc travaille dans i'iirtérttde 
la société» bien loia de lui nuire, Técol^ lait elle-mèoie lufte 
comparaison où elle se plaint qu'on veuille voir une assi- 
milation complète entre les crimin^^s et les fous. Depuis 
moins d'un siècle, la société , éclairée par de courageux 
savants, laisse aux fous le triste avantage de leur irrespon- 
sabilité : « Je crois, dit M. Ferri(l), qu'un destin analogue 
est réservé à ces délinquants qui maintenant attirent sur 
eux les épithètes les plus outrageantes et ie plus impla- 
cable sentiment de mépris et de vengeanee 9. 

11 ne doute pas qu'il n'y ait un grand nombre de véri- 
tables aliénés rangés parmi les délinquants, tout en pro- 
testant qu'on accuse à tort les aliénistes de vouloir faire 
passer pour fou et par conséquent pour irresponsable tout 
délinquant ; M. Canonico est un de ceux qui portent cette 
accusation; elle n'est pas méritée. Si les aliénistes ne 
disent pas que leurs principes doivent être limités à une 
partie des délinquants, c'est qu'ils ne devraient pas avoir 
besoin de le dire; et l'on n'a besoin, pour s'en convaincre, 
que d'examiner attentivement, soit leurs écrits, soit les 
faits relevés par eux. a Ils ne clierchent pas à ébranler les 
bases de l'ordre social, en niant la légitimité de la peine , 
ainsi que le fait croire une crainte exagérée, mais ils pré- 
tendent faire disparaître de nombreuses injustices qui, 
par l'eSet de l'habitude et de la tradition, passent mainte- 
nant inaperçues et sont défendues à outrance par des fau- 
teurs trop ardents des vieilles idées » (2). 

La maison d'aliénés criminels fournit la solution du 
problème : ne punir pas ceux qui n'ont pas la jouissance 
de leur raison, ne laisser pas la société sans défense contre 
ceux qui sont dangereux. « Comme entre le vrai délinquant 
et le vrai aliéné se trouvent des gens qui participent de la 
nature de Tun et de l'autre, ainsi entre la vraie prison et 
la vraie maison d'aliénés il doit y avoir un anneau des- 



(1) // Diritto, p. 7. Conf. Teorica, p. 475. 

(2) reortca, p. 479et480. 



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— 59 - 

iiné à cette classe spéciale de délinquanls qui présentent 
des conditions physiques et psychiques nuomales , la 
maison d'aliénés criminels. Quand nous soutenons qu'une 
telle personne, à laquelle est imputé quelque dtMit, ne peut 
être justement punie, parce qu'elle est épîLeptique ou mo- 
ralement imbécile, ou monomane, ou coupable d'habitude 
et incorrigible, nous ne voulons nullement, comme ou s'ob- 
stine à le croire, que la société reste exposée à de nouveaux 
périls, par suite de Timpunité accordée ù ce malheureux. 
Nous disons, au contraire, qu'il est plus que jamais dan- 
gereux de le renfermer dans une prison ordinaire ou dans 
un simple hospice, parce qu'il y peut commettre de nou- 
veaux délits, faute d'une surveillance spéciale et appi'o- 
priée, et parce qu'il porte nécessaireme[it le désordre 
dansées lieux... » (1). 




L'auteur, embrassant la science entière du droit crimi- 
nel, nous montre l'application des doclrines positives k 
la procédure (2). 

Cette application peut se résumer en trois principes 
généraux : « i^ les données de Tantropologie et de la sta- 
tistique criminelle fournissent de nombreux indices; — 
2^ il faut rétablir l'égalité des droits et des garanties entre 
l'individu qui a commis un délit et la société honnête, 
pour obvier aux exagérations individualistes qu'a produites 
l'école classique dans sa noble réaction contre les exagé- 
rations opposées du Moyen-Age en faveur de l'État et au 
préjudice de l'individu... ; — 3^ une fois que la culpabilité 
matérielle d'un prévenu est établie, l'essence du jugement 
pénal est, non pas de constater la responsabiliLé morale de 
ce prévenu, mais de déterminer la catégorie anthropolo- 
gique à laquelle il appartient et, par suite, la mesure de 
la crainte qu'il doit inspirer. 



(1) Teorica, p. 480. 

(2) I wtovi Orizz^nti, ch. iv loot entier. 



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— 60 — 

1. « Il est évident, en effet, que l'étude des facteurs 
anthropologiques du délit, en déterminant les caractères 
organiques et psychiques du délinquant, et les diverses 
inlluences de Tâge, du sexe, de Tétat-civil, de la profes- 
sion, etc., sur les diverses espèces de délits , offrira à la 
police judiciaire et à la justice elle-même le secours de 
moyens nouveaux et plus sûrs pour la recherche des cou- 
pables. Les marques indélébiles du tatouage, les traits de la 
physionomie et les caractères du crâne, les données relatives 
Dux conditions physiopsychologiques, les nouvelles études 
faites sur l'activité réflexe, sur les réactions vasculaires 
chez les délinquants, etc., en rendant plus facile et plus 
complète la réunion si importante des preuves qui éta- 
blissent l'identité personnelle et de s indices j 
sur la di^sition à commettre des dél its, g ideront le plus 
"Smiyeni les agents de la pouce judiciaire et les juges 
dlnstructioa à sortir des voies fausses et rendront moins 
douteuse cette réponse qui doit être une absolution ou une 
condamnation ». Il sera aussi plus facile de discerner entre 
les vraies et les fausses infirmités. La société, grâce à la 
nouvelle méthode, n'aura plus à craindre que l'insuffisance 
ou le manque de preuves entraîne l'impunité dans un grand 
nombre de cas. 

% « Le deuxième principe indiqué plus haut amènera 
toute une série d'innovations théoriques et pratiques dans 
la procédure. En effet, tandis que, depuis Beccaria, le droit 
pénal déterminateur s'est toujours développé sous l'empire 
d'une réaction contre la sévérité excessive et empirique 
du Moyen- Age, dans le sens d'une diminution continuelle 
des peines, la procédure pénale de notre siècle a été et est 
aussi une réaction contre les abus du système inquisitorial, 
tendant à augmenter sans cesse les garanties individuelles 
contre le pouvoir social v. Dans l'une et dans l'autre partie 
de la science, il faut s'opposer à des exagérations, qui font 
méconnaître la « suprême nécessité de la défense sociale ». 

Ainsi, « la présomption de l'innocence et en même temps 
cette règle plus générale, in dubio pro reOy ont certaine- 
ment un fond de vérité, et l'on peut même dire qu'elles 



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r 



"- 61 - 

s'imposent obligatoirement dans la période préparatoire 
au jugement ou dans Tinstruction du procès, quand il n'y 
a encore que de simples suppositions ou de faibles indices 
contre Tinculpé. Mais, s'il y a flagrant délit, s'il y a un aveu 
confirmé, d'ailleurs, par l'inculpé, l'aflaire arrivant ensuite 
à la phase définitive des débats, après une instruction en 
forme, cette présomption de faveur pour le justiciable ne 
me semble plus avoir autant de force logique ou juri- 
dique. Supposons qu'il ne s'agisse pas d'un délinquant 
d'occasion tombé pour la première fois, réputé auteur d'un 
délit d'occasion, mais d'un récidiviste, d'un délinquant 
de métier; supposons que le délit en lui-même, par les 
motifs, par les circonstances de fait, révèle un délinquant- 
né ou fou : à plus forte raison. Il y a preuve évidente; le 
procès est passé par la filière longue et compliquée de 
l'instruction, et il s'agit d'un fait très grave ; dès lors, ou 
l'accusé est réellement victime d'une erreur judiciaire, et 
alors il est certain que, dans la plus grande partie des cas, 
et quelques exceptions très rares n'infirment point la règle, 
l'erreur ressortira avec évidence des débats publics, et il 
ne sera pas besoin de la présomption pour garantir l'inno- 
cent; ou une erreur judiciaire ne se révèle pas, ce qui pro- 
vient de ce que la très grande probabilité se tourne contre 
l'accusé, spécialement, comme je disais, dans les cas où les 
indices organiques et psychiques relevés par l'anthropo- 
logie et par la statistique criminelle concourent à démon- 
trer sa culpabilité. Les délinquants mêmes que l'on inter- 
roge à ce sujet reconnaissent combien la présomption 
contraire est raisonnable y>. 

M. Ferri montre qu'un certain nombre de règles pra- 
tiques de procédure disparaîtraient avec cette présomption 
d'innocence qui en est le fondement : la justice, l'intérêt 
de la société n'auraient qu'à y gagner. M. Ferri signale la 
mise en liberté provisoire d'un condamné qui a formé un 
appel ou un pourvoi en cassation. Il indique aussi une 
dernière réforme comme devant mieux garantir la société 
contre les délinquants, l'action populaire, subsidiaire à 
l'action pénale du ministère public, confiée à l'oUensé, 



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— 62 — 

peut-être même à tous les citoyens, pourvu qu'elle fût 
entourée de précautions suffisantes. 

3. Quant au troisième principe, il ne ferait que nous 
ramener à un point que nous avons dû signaler tout 
d'abord, comme l*un des plus essentiels du système tout 
entier, comme appartenant^ d'ailleurs, au fond du droit 
pénal plutôt qu'à l'organisation de la procédure. 

S SS^ - Do libre arbitre; de rimpntablllté ; 
du droit de punir. 

Collaborateur très distingué de la nouvelle école, M. Ferri 
s'est de plus assigné une tâche à part; il a entrepris d'en 
faire la philosophie, de renouveler la théorie de Timputabi- 
lité par la négation du libre arbitre et de réédifier le droit 
criminel sur de nouveaux fondements après et malgré la 
négation An libre arbitre. 

I 

La croyance au libre arbitre est, d'après M. Ferri (1), 
une de ces idées, de ces conceptions dogmatiques imposées 
par ceux qui ont eu si longtemps ]e monopole de l'ensei- 
gnement et de la science, fortifiées par le concours des 
despotes et des prêtres qui entravaient l'indépendance de 
la pensée. Les personnes qui ont cette croyance sont prises 
d'une jiorreur sacrée, quand elles entendent émettre des 
théories contraires à la liberté morale de l'homme; elles 
sont dominées par le sentiment, par le fanatisme, par 
rignorance. Il faut braver leurs anathèmes pour triompher 
de leurs erreurs. La première partie de l'ouvrage, qui 
forme la partie de beaucoup la plus considérable du volume, 
a pour titre : « La question du libre arbitre », et pour 
objet la démontration de cette thèse que le libre arbitre 
n'existe pas. Vainement, pour se soustraire aux preuves 



(1) Teorica, p. 1 et 3. Le sujet est traité au chap. x, dans / nuovi 



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que la science moderne aecumule en faveur de cette vérité, 
propose-t-on d'admettre un libre arbitre limité, concessioa 
qui ruine le système, puisqu'il n'y a vraiment une volonté 
libre, que si elle n'est soumise à aucune condition, bornée 
par aucune limite ; vainement reporte-t-on la liberlé en 
arrière, au moment où l'homme a choisi entre deux voies 
celle où il a ensuite marché nécessairement. Pourquoi 
l'homme serait-il plus libre à un moment qu'à un autre ? 
La chaîne des causes et des effets remonte à l'infilni dans 
le passé. Ce premier choix a lui-même été déterminé d'une 
manière nécessaire. Faut-il dire que, si l'homme est libre, 
c'est seulement dans son premier âge, et qu'il cesse de 
l'être quand vient pour lui le moment d'agir ? (1) 

Pour M. Ferri, la volonté n'est pas une faculté diatîncte 
dans l'âme humaine; il entend par volonté l'abstraction de 
nos actes volitifs (2), une synthèse de ce qu'il y a de com- 
mun à tous les actes volontaires accomplis durant la vie, 
un souvenir des volitions antérieures : « Voici, dit- il (3), 
à quoi se réduit l'origine de la croyance au libre arbitre, 
exprimée par cette formule : La volonté est libre. Les 
hommes, par leur expérience propre et par celle qu'ils ont 
reçue en héritage des générations précédentes, en pensant 
aux divers actes volontaires accomplis par eux et en 
cherchant à les expliquer, ont suivi la marche de Fabstrac- 
tîon, sauf à l'oublier ensuite, comme ils font toujours. En 
comparant les actes volontaires, ils en ont comparé les 
caractères les plus saillants, parce qu'ils étaient communs 
à-tous : l'impulsivité et l'autonomie apparente. De ces deux 
caractères qu'ils obtenaient par l'abstraction et auxquels 
ils donnaient un corps, ils en ont fait deux facultés de 
rân>e, concrètes et distinctes. . . » Ainsi se sont formées â 
leurs yeux « la volonté, parce que, après toute volition, il*? 
ont remarqué l'aetion musculaire que produirait l'iiiipul- 



(1) Jeoriea, p. 21 et 22. — Conf., p. 54, 

(2) ma., p. 33. 

3) ffttrf., p. 33 et suivantes. 



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é 



âion interne », et la liberté, a parce que, en tout acte 
volontaire, ils ont remarqué l'autonomie apparente, l'ab- 
sence de toute loi, de toute cause connues ». Les hommes 
ne cherchent pas plus loin; n'est-ce pas leur habitude 
d'expliquer tous les phénomènes psychiques au moyeu 
de l'âme, des puissances, des vertus, des énergies, etc., que 
se représente leur imagination? 

Mais que vaut cette explication, spécialement en ce qui 
touche la liberté ? Nous sommes les jouets d'une illusion : 
(( Libre signifie ce qui est entièrement soustrait à l'influence 
nécessitante des causes, et l'homme, ne connaissant pas ou 
ne remarquant pas tous les motifs, toutes les causes qui 
le déterminent à tel acte volontaire plutôt qu'à tel autre, 
est conduit à croire que, en conséquence, sa volition 
échappe à l'action des causes, est libre, est à elle-même sa 
propre cause. Voilà pourquoi l'homme croit à un libre 
arbitre. Pour dissiper le mensonge, il faudrait laisser 
encore de côté les abstractions de la volonté et de la liberté, 
et poser ainsi la question : un acte de volition est-il, oui 
ou non, reflet de causes qui le déterminent? L'homme. . . 
serait contraint d'admettre que tous ses actes volitifs 
résultent nécessairement de causes, connues ou inconnues 
de lui, conscientes ou inconscientes. » Si nous nous croyons 
libres, c'est que nous ne connaissons pas les causes, innom- 
brables autant qu'obscures, qui agissent sur nous ; le défaut 
des connaissances tient souvent au défaut d'observation. 
[1 y a tout un ensemble de phénomènes psychiques; est-ce 
le hasard qui le produit? est-ce « l'action régulière et sûre, 
bien que cachée, de toutes ces causes si diversement asso- 
ciées entre elles? Causes et lois nous sont inconnues, 
mais toutefois nous ne pouvons raisonnablement en nier 
l'existence et l'efficacité ». 

Toute action que nous accomplissons dans la vie sociale 
a, en nombre infini , des causes cachées, qu'on ne remar- 
que pas, mais qui n'en influent pas moins sur notre 
volonté. Ainsi, par exemple, quand un délit qui est connu 
reste impuni , non seulement les citoyens éprouvent la 
crainte des méchants, mais encore ils pensent que la peine 



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-.65 - 

ne suit pas le délit d'une manière inévitable. Cette pensée 
naît; elle passe bien vite, mais non sans laisser une trace 
dans le patrimoine idéologique de celui qui Ta conrue, et, 
devenue latente, elle n'en subsiste pas moins. Elle sera uu 
jour la cause déterminante du délit chez quelqu'un de 
ceux à qui leur organisation même ou de pernicieux 
exemples ont donné des tendances funestes ; « Plus les 
cas d'impunité seront nombreux, plus profond sera le 
sillon qu'une telle pensée creusera dans l'esprit des citoyens, 
plus grande en sera l'efiicace pour pousser au délit. Là 
est la secrète raison qui exige absolument que les peines 

soient certaines » Mais tout le monde s'en rend-il 

compte? « Quand nous connaissons toutes les causes qui 
produisent un effet donné, nous disons que cet elîet est 
produit nécessairement; à l'inverse, quand nous ne con- 
naissons pas toutes les causes dont il provient, il nous 
paraît capricieux et arbitraire, c'est-à-dire qu'il nous 
semble n'avoir point de causes propres. C'est ce qui nous 
arrive pour le libre arbitre humain ; faute de connnUre ou 
de remarquer tous les motifs qui entraînent une déLenui- 
nation, nous disons qu'elle est arbitraire, qu'elle ne dépend 
d'aucune cause, que, en somme, elle est libre ». Spinoza 
ne se trompait pas quand il écrivait que la crovunco au 
libre arbitre vient de la connaissance des effets de notre 
volonté et de Tignorance des lois qui la gouvernent : a Ce 
n'est pas de la libre volonté que dépend la diversité dans 
la manière d'agir, c'est de la diversité du caractère, ou des 
tempéraments, ou des motifs; de la diversité dans les 
idées fondamentales qu'on a de la moralité, du droit, de 

l'honneur La môme personne peut, en divers 

temps, étant données les mêmes circonstances extérieures, 
agir de deux manières contraires, non parce qu'elle est 
libre, mais parce qu'elle n'a pas les mêmes dispositions ù. 
subir l'influence de ces circonstances, de ces moLils n (1)* 
« Il ne sert à rien de dire que cette maxime si vantée : 



(1). reofica, page 103. 



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— 66 — 

L'homme suit toujours le plus fort motif, est une pure 
tautologie, sinon une erreur, qu'autant vaudrait dire • 
L'homme suit toujours le motif qu'il suit ; la nécessité qui 
s'impose à nous d'employer celte expression prouve seule- 
ment l'ignorance où nous sommes à l'avance de la force 
des motifs qui agissent sur Thomme, et non le manque de 
force dans les motifs. A première vue, en effet, il semble 
oiseux, par exemple, d'affirmer que, certaines causes étant 
données, il n*en peut résulter que l'efiet qui en résultera; 
mais si cette affirmation démontre que nous ne pouvons 
d'avance connaître la nature de cet ellet, elle établit cepen- 
dant le principe que cet eflet, qui nous sera connu plus 
tard, dérive nécessairement de ces causes et ne peut différer 
de ce qu'il est. Nous disons que l'homme suit toujours le 
plus fort motif, uniquement parce que le spectacle de l'ac- 
tion nous amène nécessairement à dire que cet effet, pour 
être produit, doit être la conséquence d'une force supé- 
rieure à celle qui en aurait produit un autre. C'est donc 
dans l'action môme que se trouve la mesure du motif, et 
il est juste de dire que l'homme qui se décide à une action 
donnée, le fait parce qu'il est nécessité par le plus fort motif ; 
par là nous arrivons à dire qu'un effet a une cause corres- 
pondante et que, si cet homme a fait telle action et non une 
autre, c'est parce que tout autre eût été l'effet de motifs 
qui se sont trouvés moins forts que celui qui a produit 
l'action réellement accomplie. En vain dira-ton, avec 
Reid, M. Jouffroy, M. J. Simon, que, dans le cas où il y a 
plusieurs motifs divers, nulle commune mesure ne permet 
de déterminer quel est le plus fort, en admettant même 
que nous puissions exprimer cette mesure. C'est pour- 
tant un fait que, de plusieurs motifs, il doit y en avoir un, 
soit un seul, soit un groupe qui l'emporte sur les autres : 
c'est précisément faute de cette commune mesure que nous 
ne pouvons prévoir les actes humains, le motif qui est le 
plus fort sur un homme, étant le plus faible sur un autre. 
Toute personne se décide dans le sens du motif qui pour 
elle est le plus fort; l'intensité du motif étant tout indi- 
viduelle et par conséquent changeant d'homme à homme, 



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— 67 — 

il ne pourrait y avoir de mesure connue à Tavance que si 
Ton connaissait parfaitement toutes les particularités les 
plus minutieuses de l'organisme individuel, ce qui est 
impossible. Il est vrai de dire qu'il peut y avoir une com- 
mune mesure entre l'espérance de cent lires et celle d'une 
lire, les deux motifs étant de même qualité, de même 
nature, et non entre l'espérance de cent lires et la crainte 
du déshonneur, deux motifs qui sont par leur nature hété- 
rogènes et incommensurables. En effet, si je ne puis dire 
à l'avance lequel de ces deux motifs sera le plus fort pour 
un individu donné, cette impossibilité prouvera mon igno- 
rance, mais ne détruira pas la réalité, à savoir que l'un 
des deux motifs doit être plus fort que Tautre et qu'il déci" 
dera la personne à agir dans un sens donné. . . Les exem^ 
pies mêmes que l'on croit contraires à ce principe, que 
l'homme suit toujours le plus fort motif », ne font que le 
confirmer. Ce qui décide l'homme à sacrifier son plaisir^ 
son intérêt, c'est qu'il subit une contrainte, et alors on ne 
saurait nier l'actiou du plus fort motif, ou que son choix, 
échappant à toute pression d'autrui, est, pour ce qu*il juge 
être, soit le moindre de deux maux, soit le plus grand de 
deux biens. L'intérêt peut être moral, spirituel, intellec- 
tuel ; il est quelquefois très noble ; il consiste, par exemple, 
à gagner le ciel ; on le trouve dans la satisfaction d'avoir 
fait son devoir. 

Pour être puissants^ les motifs ne sont peut-être pas irré- 
sistibles. Mais, s'il y a des causes, elles entraînent néces- 
sairement leurs effets; toute cause entraîne nécessairement 
son effet (1). Un homme, après avoir délibéré, agit, et les 
fâcheux résultats de son action lui apparaissent aussitôt ; 
lui qui prétencUètinp libre n'en dit pas moins : Si j'avais su 
telle chose, si j'avais pensé à telle chose, je me serais décidé 
autrement. A qui n'est-il pas arrivé de se parler ainsi ou 
de parler ainsi à d'autres ? Que veut dire cela, si non que, 
pour amener une autre décision, il eût fallu l'influence 



(l) Tearica, p. 51 et 52; 



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. à 



- 68 — 

d'un autre motif qui déplaçât l'équilibre? Ce n'est donc pas 
du libre arbitre que tout dépendrait» mais des pensées, des 
sentiments, des sensations présentes à rintelligence au 
moment de la délibération; or pensées, sentiments et sen- 
sations naissent et se développent en nous indépendam- 
ment de notre volonté. 

Quand un partisan du libre arbritre tel que M. Joui- 
froy, admet l'influence des motifs sur les détermina- 
tions, M. Ferri déclare qu'il le surprend en flagrant délit 
de contradiction (1). 

Ainsi se développe une doctrine, bien éloignée du fata- 
lisme théologique, auquel on pense ordinairement, et que 
M. Ferri trouve absurde, doctrine dont le vrai caractère 
serait d'être un fatalisme scientifique, dont le vrai nom est 
causalisme (2). 

Pour frayer le chemin à cette doctrine, l'auteur écarte 
celle dont il veut lui faire prendre la place. Il nous suffira 
d'indiquer la part très considérable faite à la réfuiation des 
arguments donnés en faveur du libre arbitre. On nous 
permettra de ne n'y pas insister; c'est le système de M. Ferrî, 
c'est spécialement les conséquences tirées par l'auteur de 
ce système, appliquées par l'auteur au droit pénal, que 
nous avons entrepris de faire connaître. 

Nous compléterons ce système en disant que M. Ferri 
écarte « les incertitudes de la théologie et de la métaphy- 
sique » c'est-à-dire Dieu, l'àme, en môme temps que le 
libre arbitre (3). Il reproche à M. Carrara et de soutenir 
qu'il est impossible de construire une théorie scientiDque 
du droit criminel en dehors du libre arbitre, et de fonder 
sa doctrine sur le dogme « de la création opérée par un 
Être éternel et infini en sagesse comme en bonté, comme 
en puissance, sans craindre que quelqu'un ne se lève pour 
dire que celui qui fonde le droit de punir sur un mandat 



(U Teorica, p. 55. 

m Ib., p. 20. 

(3) Ib , Avertissement 



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— 69 — 

tacite ou exprès confié par Dieu à là société , est oblifçé avant 
tout de prouver d'une manière irréfrngable l'existence 
môme de ce Dieu » (1). 

La théorie qu'il semblait à M. Ferri le plus nécessaire 
de renouveler était celle de l'imputabilitë. A rLime, a la 
liberté morale, il faut substituer désormais les influenças 
du climat, de la race, de la religion, de la civilisation, de 
l'hérédité, de Tàge, du sexe, des professions, de Téducation, 
de l'imitation (2); il faut reconnaître l'existence d'une res- 
ponsabilité sociale. L'imputabilité individnelle va-t-elle 
donc disparaître? Non, mais elle doit se transformer : « Il 
faut se rappeler que, en perdant la liberté morale, rhomnio 
n'en garde pas moins Tintelligence et la volonti^, ractivité 
et la spontanéité » (3). Volonté, activité^ spontaoeitù sont 
indispensables pour que l'acte à punir soit proprement 
l'œuvre de telle ou telle personne. Quant ii rintcUigence, 
c'est à elle à placer la menace de la loi parnn les motifs 
« qui produiront nécessairement la décision et Taction cri- 
minelles ». Ni imputabilité, ni peine pour celui qui ne 
pouvait, au moment de l'action, connaître et calculer rai- 
sonnablement la force et l'autorité du motif légal : Tiaipu- 
tabilité s'appuie sur l'intégrité de la raison humaine et se 
mesure à la part qu'on en possède ». Voilà donc à quoi se 
réduit, sans qu'on ait besoin du libre arbitre, le critérium 
de l'imputabilité humaine. Celui qui a violé le droit d'au- 
trui et par conséquent l'ordre juridique n'u pas à s'imputer 
son action, s'il. a agi sans l'usage de la raison ou s'il a été 
poussé par des motifs juridiques : « Quand Thomme pos- 
sède la plénitude de sa raison, il est par cela seul capable 
d'être auteur imputable d'un délit. Il est alors imputable 
en puissance. S'il est ensuite déterminé par des motifs 
antijuridiques à violer le droit d'autrui, il est imputable 
effectivement, L'imputabilité en puissance peut donc être. 



(1) Teorica, Introdacllon, p. 6, note 2 et 7. 

(?) Ib., Introduction, p. 4. — Conf. Il DirilLû, p. n et 33. 

[3) /&.,p., 468 et 477. 



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— 70 — 

dans UQ seul et môme individu, séparée de l'impotabilité 
effective, tandis que celle-ci ne peut se présenter chea un 
homme sans le concours de celle-là ». 

ÏI 

On n*a pas encore exposé une théorie de Timputabilité, 
et du droit de punir en général, en faisant abstraction de 
ce que l'auteur appelle la controverse du libre arbitre, sans 
s'appuyer essentiellement sur l'existence du libre arbitre. 
C'est cela que M. Ferri prétend faire, plus logique en cela 
que ceux de ses devanciers qui, tout en considérant les 
actions humaines comme nécessaires, ont fait encore une 
place à la liberté morale dans leurs systèmes (1). Il espère 
obtenir un double avantage : l'un absolu, en ce qu'il fon- 
dera le -droit criminel sur le terrain de la vérité ; l'autre 
relatif, en ce que la doctriqe de la nécessité dans les actions 
humaines deviendra indiscutable, quand il sera démontré 
qu'elle n'exclut nullement le droit de punir. Pour lui- 
même, il aura la conscience d'avoir obéi à ses convictions 
en faisant voir daosj'homme une machine « machine 
très noble, merveilleusement supérieure à toute autre 
chose créée, mais uniquement une machine, c'est-à-dire 
un organisme soumis par la nature à des lois insurmon- 
tables, et non pas un être séparé, comme une exception 
miraculeuse, de la grande famille des vivants » (2). 

La négation du libre arbitre entraîne l'auteur à nier la 
possibilité du repentir et de l'amendement : « L'homme 
n'est pas libre : dès lors, que sert-il de le contraindre à s'a- 
mender ? C'est la société qu'il faut amender en détruisant 
les causes du mal et en fortifiant celles du bien, pour que 
l'individu s'amende. Celui qui sera sorti de prison , înême 
après avoir donné des preuves de résipiscence, retournera 
là où le délit a son foyer, là où il donne son impulsion, 



(1) Teoricat Introd., p. 6. 

(S)/6.,t(<., p.8 6t9. 



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— 71 — 

préparant une société corrompue et corruptrice ; il sera 
peut-être poussé à commettre de nouvelles fautes, quel- 
ques projets qu'il ait formés pour rester honixôte. » Et 
Fauteur ajoute en note : « Ainsi s'explique ce fait si com- 
mun que beaucoup de personnes, souvent animées des sen- 
timents les plus droits, tombent et retombent dans le vice. 
Preuve éloquente de l'inexistence de tout libre arbitre » (1). 
Ce sont les idéalistes qui proclament la possibilité du 
repentir, qui se représentent le coupable comme accessible 
aux bons sentiments, à l'honneur même. La vraie science 
ne croit à l'amendement, ni par la prison, ni par l'instruc- 
tion (2). 

M. Férri poursuit ailleurs la même idée, en s'occupant 
du remords chez le délinquant (3), en s'attaquant aux illu- 
sions qu'entretiennent les poètes et les romanciers, des 
écrivains dénués de connaissances exactes en psychologie. 
L'origine des erreurs qui ont cours sur ce sujet çst encore 
dans la faute que commettent de fort honnêtes gens en se 
régardant eux-mêmes au lieu d'observer les coupables. Ils 
prêtent à ceux-ci le dégoût qui est en eux pour le mal : 
a Mais le criminaliste psychologue, qui étudie le délinquant 
avec la patience d'une clinique morale, pour trouver les 
conditions naturelles du délit, les règles théoriques et pra- 
tiques de la défense sociale à organiser contre le délit, 
trouve que, sauf les délinquants entraînés au délit par 
l'élan d'une passion ou par la tentation d'occasions extraor- 
dinaires, les malfaiteurs, par reQet d'une insensibilité qui 
Ifeur est propre, ne sentent pas plus le remords après avoit 
commis le mal qu'ils n'éprouvent de répugnance avant 
de le commettre ». Si l'on croit en trouver chez eux quel- 
ques manifestations, ce ne sont que de vaines appa- 
rences. 



(1) Teorica, p. 442 et 443. 

(2) Ib,, p. 496 et 497. - Conf. I nuovi orizzonti,y. 19. 

(3) Il rimorso nel delinquente. — Studi Setiesif vol. i, p. 156 et sui- 
vantes. 



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— 72 — 



III 



La tliéorin du droit de punir se renouvelle en même 
temps que celle de Timputabilité : « Il me paraît, dit 
M* FeiTi (1), que Tétude de la psychologie, de Tanthropo- 
logîe et de la statistique criminelle conduit à Tidée résu- 
mée dans le titre de cet écrit, par lequel je veux exprimer 
que le droit de punir doit désormais se dépouiller de tout 
autre caractère! que celui d'une simple fonction consistant 
à éliminer, pour un temps ou pour toujours, du corps 
social les éléments criminels ou antisociaux. Etant donné 
le délit, non seulement la société n'a pas à venger une 
ofïense, â imposer l'expiation d'un péché, comme on disait 
avant Beccaria, mais elle ne doit même pas prendre pour 
basedeson ministère l'idée, trop souvent illusoire, d'arriver 
àramendemcnt du coupable, ni le rétablissement d'un ordre 
juridique abstrait, ni la réalisation d*une justice distribu- 
live, comme le soutiennent encore les diverses écoles ortho- 
doxes. Elle doit seulement considérer le délit comme l'eflet 
d'anomalies individuelles ou comme un symptôme de pa- 
thologie sociale, réclamant de toute nécessité l'isolement 
dos éléments d'infection et l'assainissement de l'atmosphère 
où s*en développent les germes » (2). 

Ainsi la société humaine rentre dans l'ordre général de 
la nature, d'où l'on a, pendant si longtemps, prétendu la 
faire sortir : « La société humaine est un organisme, comme 
le corps d'un individu; ce n'est pas là simplement une 
métaphore ou une similitude. . .; il y a une série d'analo- 
gies véritables et substantielles, avec un petit nombre de 
flilïérences partielles. . . Comme le corps individuel ne vit 
que par un processus continu qui tend au bien-être de l'in- 
dividu et en est, en même temps, la condition première, 
ainsi une société humaine ne peut exister ni prospérer sans 



i\) U DiHito, p. 6. 

if) îh.f p. ?) — Cf., Inuovi Orizzonii, p. 32. 



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— 73 — 

cet infatigable labeur d'assimilation, soit naturel (nais- 
sances), soit artificielle (immigration) et de désassimila- 
tion (émigration plus ou moins forcée d'individus antiso- 
ciaux, non assimilables à cause des maladies contagieuses, 
de la folie, du délit), et cette conception, déjà entrevue par 
quelques partisans de la nouvelle direction, acquiert désor- 
mais une importance scientifique et pratique beaucoup plus 
grande, parce qu'elle est soutenue par toute une série de 
recherches et d'instructions positives réunies pour la pre- 
mière fois en un système juridique ». Ainsi l'évolution 
scientifique fait entrer dans une phase toute nouvelle la 
manière de concevoir la répression (1). 

A vrai dire, ce qu'il y a de plus nouveau, ce n'est pas la 
conception, c'est l'expression dont on la revêt, c'est l'argu- 
mentation dont on l'appuie. L'évolution, M. Ferri le dit 
lui-même, ne fait que ramener le droit criminel au carac- 
tère qu'il eût dès l'origine, à celui d'une défense sociale (2). 
D'ailleurs, « on sait que beaucoup des plus célèbres crimi- 
nalistes ont fondé le droit de punir sur un concept d'uti- 
lité sociale, de défense indirecte, de défense continuée, de 
conservation, de nécessité politique, etc. Mais la différence 
substantielle entre ces théories et la nôtre, c'est que Bec- 
caria, Bentham, Romagnosi, Comte, Martin, Schulzer, 
Thiercelin, Carmignani, etc., enfermaient toujours dans 
leurs systèmes ces concepts de responsabilité morale de 
l'homme, que nous excluons complètement du terrain juri- 
dique, comme un débris d'époques antérieures » (3). 

L'élimination des éléments nuisibles au moyen de la jus- 
tice pénale nous montre l'application d'une première loi 
commune à toute la nature animée ; la réaction nécessaire 
spontanée contre l'action qui s'est produite n'est que 
l'effet d'une seconde loi. 

« L'existence de tout animal résulte d'une vie interne ou 



(1) IlDiritlo, p. G et 9. 

(2) Ib,, p. 12 et 13. 

(3) !&., p. 11, noie 2. 



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— 74 — 

physiologique et d'une vie externe ou vie de reliatioil ou 
vie sociologique, Tune et l'autre allant toujours croissant 
et se compliquant à mesure que l'animal est plus près des 
derniers degrés de l'échelle zoologique. Chez l'homme, qui 
forme jusqu'à présent le dernier et le plus parfait degré 
de cette échelle, la vie de relation prend un développement 
extrordinaire en comparaison des espèces inférieures, et à 
son tour elle ne cesse de croître à mesure que, de l'état 
sauvage, elle s'avance vers les sociétés civilisées de notre 
siècle. Cette vie sociale n'est qu'une série, indéfinie dans 
le temps et dans l'espace, d'actions et de réactions sans 
lesquelles elle n'existe pas. D'où la conséquence que toute 
action individuelle, même indifférente, en déterminant 
dans le milieu physique un nombre infini de mouvements, 
détermine toujours dans le corps social une réaction cor- 
respondante, en quantité et eu qualité, soit du côté des 
autres individus considérés n/ singuli, soit du côté de la 
société entière ou de ceux qui la représentent ». 

IV 

En commençant son ouvrage sur VImputabilité, M. Ferri 
disait : « Le principe essentiel de l'ordre moral tel qu'il est 
établi par les nouvelles docirines, c'est la négation du 
libre arbitre. La plus grave des conséquences qui en déri- 
veraient, d'après les adversaires de ces idées, est l'impossi- 
bilité de tout droit pénal, de toute science pour le régula- 
riser » (1). 11 promettait, au contraire, de donner au droit 
pénal un fondement plus solide que jamais (2) : « J'ai for- 
mulé, dit-il, en concluant (3), une théorie complète de 
l'imputabilité, fondée exclusivement sur ces données expé- 
rimentales, dont l'existence n'a été et ne sera jamais mise 
en doute par un penseur quelconque , et spécialement sur 
cette loi universelle et nécessaire de causalité. . . » 



(1) Teoriea, Introd., p. 5. 

(*2] Ib., Avertissement. 

(3) Ib.y Gonclas., p. 610 et 611. 



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Ainsi doit être obtenu un triple avantage pour là sociétèi 
Le droit qui lui appartient de se défendre est mis au des- 
sus de toute contestation; il est dégagé de toute iiicoM- 
renée, il est dégagé de toute entrave. 

Il était facile, en effet, de contester ces théories qui ne 
s'appuyaient que sur des assertions gratuites, sur des hypo* 
thèses mystiques, sur des traditions aveuglém^nt trans- 
mises par des préjugés séculaires. Quand la réalité enfin 
observée nous révèle la vérité si longtemps méconnue, il 
n'est pas plus permis, disons mieux, il n'est pas plus 
possible de nier la seconde que de fermer les yeu^à la 
première; personne ne refusera plus à la société le droit 
de se défendre, quand elle est attaquée. 

Toute doctrine qui repose sur le libre arbitre ne pèche pas 
seulement par défaut de preuve ; elle offre une incohérence 
inévitable. Il n'y a pas de moyen terme entre ces deux 
idées : la liberté morale existe ou elle n'existe pas ; si elle 
existe, elle ne saurait être limitée ni par conséquent sou ' 
mise à une simple influence de motifs; son essence même 
est de pouvoir se décider indépendamment des motifs, con- 
trairement aux motifs; que sert-il donc aux législateurs 
d'établir des lois pénales, c'est-à-dire d'annoncer à ceux 
qui seraient tentés de devenir des malfaiteurs que, s'ils 
succombent à cette tentation, ils encourront un châtiment? 
Se flattent-ils de l'espoir que la perspective du mal à subir 
à titre de peine les détournera du mal à commettre? Mais 
sur un être vraiment libre, le motif est nécessairement 
impuissant, les motifs légaux tout aussi bien que les motifs 
moraux. Quand le législateur, au contraire, s'adresse à 
un être que les motifs déterminent de toute nécessité, il 
peut espérer que sa menace fera pencher la balance en 
faveur de l'abstention du délit. Cet effet préventif, le plus 
important de ceux que poursuivent les rédacteurs des lois 
pénales, ne saurait se concilier avec la doctrine du libre 
arbitre. 

Enfin cette doctrine fait disparaître les entraves qui 
gênaient la défense de la société : « Si le droit de punir est 
une simple fonction défensive et non une rétribution jurî- 



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— 76- 

dique de la faute par le châtiment, il en résulte qu'il pourra 
s'exercer dans le cas même où n'existe certainement ni 
faute, ni responsabilité morales, mais où existe un dom- 
mage, un péril social. — Qu'on ne croie pas cette idée aussi 
révolutionnaire qu'elle semble l'être; car dès aujourd'hui 
elle a une sanction dans nos Codes criminels ou civils ». 
Elle trouve son application à propos de l'homicide invo- 
lontaire, dans la responsabilité civile pour le fait d'une autre 
personne, même d'un animal, car la responsabilité civile 

est aussi un moyen de défense Le droit de la société à 

se défendre contre les individus qui lui nuisent ou qui la 
menacent est indépendant de leur responsabilité morale ; 
il existe toujours, même pour ceux qui nient la responsabi- 
lité morale. Tout consiste à adapter aux diverses catégories 
d'actions les moyens les plus opportuns de défense 
sociale... » (1). Ainsi la société reprend des droits qu'on 
lui avait enlevés à tort, et nul ne peut être à couvert des 
mesures, très diverses d'ailleurs, que sa sécurité rend 
nécessaires. 



(1) JldiriUo, p. 11 f 119. 



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CHAPITRE TROISIÈME. 



La mélhode expérimenlale appliquée au droit criminel en Italie, 
— GoDgrôs ioternatiooal d'anthropologie cri mioel le, Rome, 
novembre 1885 (1). 

Les progrès de Técole positiviste ont été rapides en Ita- 
lie. Le tableau en a été tracé par M. Brissaud (2) avec 
autant de compétence que de talent ; tout récemment un 
magistrat distingué, M. Fournez, avocat général, en fai- 
sait le sujet d*un remarquable discours de rentrée devant 
la Cour d'appel de Montpellier. L'action des réformateurs 
italiens s'est fait sentir dans les pays voisins, et leur 
exemple a suscité des travaux importants en France et en 
Allemagne. Il était naturel que ceux qui avaient soutenu 
et répandu les doctrines nouvelles voulussent en constater 
le succès, en hâter encore le développement, en assurer le 
triomphe théorique, ne fût-ce que pour en préparer le 
triomphe pratique. 

L'idée d'un congrès, où la nouvelle école trouverait 
a .l'occasion d'affirmer ses tendances et d'indiquer les 
réformes qu'elle réclame dans la législation pénale » (3), 
mise en avant dès 1882 par M. Puglia, reprise ensuite par 



(1) Actes du premier congrès international d'anthropologie crimi- 
neUe, biologie et sociologie. 

(2) Revue générale du droit, de la législaUon et de la jurisprudence, 
Une nouvelle école de criminalistes, 1880, p. 325. — La statistiqtie pénale 
et les criminalistes italiens, 1884, p. 36 et 97. 

(3) Préface, de M. Edmond Mayor, p. 10. 



V ~ 



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— 78 — 

M. Pavia, après avoir été sur le point d'être mise à exécu- 
tion en 1884, lors de l'exposition de Turin, se réalisa enfin 
en novembre 1885 ; un congrès d'anthropologie criminelle 
s'ouvrit à Rome, en même temps qu'un congrès péniten- 
tiaire. 

Les dispositions, comme les doctrines, étaient les mêmes 
chez ceux qui se rendirent au congrès que chez ceux qui 
l'avaient convoqué. C'était à une cause commune que les 
uns et les autres avaient travaillé et voulaient travailler 
encore ; l'unanimité était regardée comme établie à l'avance 
môme sur des points où des divergences auraient pu se 
produire sans détruire la communauté des vues essen- 
tielles : « Nous ne discutons pas ici, dit M. Sergi (1), la 
théorie de la descendance ; il nous faudrait rebrousser 
chemin. Nous acceptons ici la théorie de Darwin sans la 
discuter^ » ' 

Le dogme de la fatalité héréditaire a été, dès la première 
séance du congrès, exposé par M. Moleschott : « Vous l'avez 
abordée (la justice), vous l'avez ébranlée , en étudiant 
l'homme dans la société, dans sa dépendance héréditaire 
et naturelle, et par une autorité inflexible vos études ont 
confirmé le mot terrible de l'Écriture qui dit que les péchés 
des pères seront punis dans leurs enfants. — Mais cette 
sentence elle-même n'a pu échapper à votre critique 
inexorable. Elle n'a fait que vous inspirer une nouvelle 
demande : vous voulez savoir dans quelle mesure le fils 
peut être responsable du malheur de descendre d'un 
père vicieux » (2). En résumant les travaux du congrès, 
M. Ferri a pu dire : « Le premier congrès international 
d'anthropologie criminelle a affirmé hautement la nou- 
velle école » (3). Entre les partisans des mêmes idées, on 
peut bien signaler des nuances ; les Français semblent 
avoir pris en général le parti de la modération. Mais il n'y 



(i) Page 177. 

(2) Id, 52. 

(3) Id. 424. 



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— 79 -^ 

a guère eu d'opposition proprement dite, si Ton met à 
part la tentative faite par M. Righi en faveur du libre^ 
arbit re, tentative dont nous reparlerons plus loin. Du 
^este, on comprend que ceux qui ne partageaient pas la 
doctrine soient restés en dehors. 

Les positivistes se plaignent souvent de leurs adver- 
saires, et leur défense ne se distingue pas toujours d'uue 
attaque : <c On dit, lisons-nous dans un rapport de M. Vito 
Porto (1)^ et l'autorité dont jouissent quelques-uns de nos 
adversaires, de qui Ton ne saurait méconnaître robslina- 
tion, sinon la bonne foi, fait considérer la chose comme 
certaine, on dit que pour les positivistes, plus le crime est 
atroce, moins est grande la responsabilité des coupables. 
— Et il n'est pas toujours possible de neutraliser les eflelâ 
de la mauvaise foi, attendu que certains avocats d'occasion 
cherchent de mille façons à retarder le triomphe de la 
vérité ». M. Lombroso, à son tour, repoussant l'accusaliou 
dirigée contre les positivistes d'être « les défenseurs obs- 
Unes des coupables », s'exprime ainsi (2) : « Il est des 
gens qui, n'ayant pas le temps d'étudier ou n'ayant pas 
l'esprit ouvert aux conceptions nouvelles, trouvent plus 
facile et plus commode d'en sourire. . . Les gens dont nous 
parlons ont pour alliés, j'oserais dire pour complices, dans 
cette œuvre de dénigrement et de défiance^ des savants à 
vues étroites, qui se renferment dans un seul ordre d'idées, 
où quelquefois ils excellent. . . Il ne manque pas non plus 
parmi eux de ces forts penseurs au regard d'aigle, qui fer* 
ment les yeux pour ne pas voir, parce que, à l'aspect des 
découvertes d'autrui, ils éprouvent cette aversion instinc- 
tive. . . que la pauvreté de Tintelligence détermine chez les 
impuissants. . . Voilà les trois catégories de personnes chc^ 
lesquelles se recrutent nos adversaires. . . » 

La « nouvelle école » tient beaucoup à montrer, en 
réponse aux accusations de ses adversaires, que ses doc- 



(1) Page sa. 

(2) Id. 50. 



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n 



— 80 — 



triaes, loin de désarmer la société, doivent avoir pour con- 
séquence de fortifier la répression : « Nous, dit M. Lom- 
broso (1), qui voulons l'élimination des criminels, la 
perpétuité de la peine dans des cas aussi nombreux ». 

— a Je conclus, dit M. Ferri (2), que l'application com- 
plète des doctrines positivistes dans lés lois et dans les pro- 
cès, comme elle corrigera le jugement erroné de l'opinion, 
publique sur les mômes doctrines, aura l'utilité d'accroître 
de plus en plus le premier de leurs effets, c'est-à-dire d'aug- 
menter les moyens de découverte des criminels, et d'éli- 
miner tout à fait le second, c'est-à dire leur fréquente 
impunité ». 

L'école n'a pas semblé goûter les attaques, mais elle a 
paru redouter aussi les exagérations. D'après M. Al- 
brecht (3), a il est absolument erroné de dire que les 
hommes descendent des singes ». Nous ne descendons pas 
des singes, nous le sommes encore aujourd'hui : tous les 
hommes ensemble ne forment qu'une seule espèce de 
singes que M. Albrecht appelle Simia homo. Mais, au point 
de vue morphologique, nous né soimnes^ pas même des 
singes supérieurs ; au contraire, l'anatomie comparée nous 
force irrésistiblement à déclarer que, au point de vue mor- 
phologique, l'homme est le plus inf(S>rimir dfts sinp;fl$. a^ 
L'autre partie de la thèse soutenue par M. Albrecht, est 
« qu'on ne peut dire que l'homme honnête soit un être 
normal, l'homme criminel un être anormal, et que la 
vérité est précisément dans le contraire (4). . . — Que les 
hommes criminels soient normaux, cela n'empêche pas 
que leurs crimes soient punissables. Les hommes anor- 
maux, savoir les hommes honnêtes, tuent et punissent les 
hommes normaux, savoir criminels, précisément, parce 
que ceux-ci ne veulent pas se laisser anormaliser. . . » 



(1) Page 50. 

(2) Id, 338. 

(3) Id. 104. 

(4) Id. 110 et 111. 



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- 81 - 

« Le fait que Thomme criminel n'est pas L'homme anor- 
mal, mais rhomme normal, ne doit pas atténuer les puDî- 
tions; au contraire il doit plutôt amener à les doubler, 
puisque le plus grand crime contre une société est une 
action subversive, attentatoire à Texistence de celte sociélé, 
et que chaque action criminelle qui se produit chez les 
hommes est en dernier lieu une action contre l'existence 
de la société humaine. . . » La communicalton hardie de 
M. Albrecht semble avoir plutôt intéressé que convaincu 
le congrès ; elle n'a obtenu l'adhésion ni de M. Lombroso, 
ni de M. Ferri, et elle a fourni à M. Lacassague a l'occasion 
de protester coritre cette tendance, qu'il trouve regrettable, 
d'introduire les hypothèses les moins jusliliées dans le 
domaine des sciences sociales » (1). 

Nous retrouverons naturellement dans les travaux du 
congrès les questions déjà posées par Técole positiviste, 
celles que nous avons eu l'occasion de toucher en rendant 
compte des ouvrages de M. Lombroso et de M, Ferri, et 
nous nous demanderons quel est, sur ces questions, l'état 
de l'opinion parmi les savants en général, parmi les maîtres 
de la nouvelle école en particulier. Nous ne nous attache- 
rons d'ailleurs qu'à celles qui nous paraissent les plus 
essentielles, les plus caractéristiques pour Tétude dont 
nous poursuivons le cours. 

I 

Le congrès était partagé en deux sections, section 
de biologie criminelle, section de sociologie criminelle. 
Nous suivrons l'ordre qu'il a lui-même indiqué en l'a- 
doptant. 

1. La première thèse posée par la section de biologie cri- 1 
minelle est celle-ci : « En quelles catégories doit*ou diviser 1 
les délinquants et par quels caractères essontiols, orga- 1 
niques et psychiques, peut-on les distinguer ? » 



(1) Page 113. 



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^ 82 - 

M. Ferrî s'exprime ainsi (1) : « Je crois que, au point de 
vue psychologique, comme au point de vue physiologique, 
qui en est la base, les criminels présentent d'abord deux 
types caractéristiques opposés: le criminel inetinctifidélin' 
quente nato), pour lequel le crime est surtout un effet de 
la constitution héréditaire, organique et psychique, a 
laquelle le milieu physique et social ne donne que le pré- 
texte de son action, et le criminel passionné (delinquente 
per impeto di passione), qui est poussé au crime surtout 
par des circonstances extraordinaires, à un certain moment 
de sa vie ; qui traverse, pour ainsi dire, un orage psycho- 
logique, avant et après lequel il est à peu près un homme 
normal. — Comme variété antropologique du premier type, 
nous avons le criminel aliéîié. . . Au second type appartient 
le criminel d*occasion, qui est aussi poussé au crime par 
les circonstances du milieu, mais qui, ayant une constitu- 
tion moins normale, cède à des impulsions d'une force 
ordinaire, contre lesquelles les hommes normaux résistent 
sans grand effort ou sans effort aucun. — Entre les deux 
variétés du premier type et les deux du second, il existe 
une sorte de trait d*union dans la catégorie du criminel 
d'habitude... » M. Ferri spécifie « les principaux sym- 
tômes psychiques, qui caractérisent chacune de ces cinq 
catégories anthropologiques ». 

Un autre rapporteur, M. Marro, propose une classifi- 
cation différente : « La classification des criminels, dit- 
il (2), peut avoir plusieurs points de départ, selon que l'on 
observe les causes de la criminalité, les formes variées de 
sa manifestation, ou les caractères prédominants chez les 
criminels mêmes. . . — En considérant dans leur ensemble 
les caractères anormaux présentés par les criminels que 
j'ai observés, et épars chez les hommes en liberté, je les 
ai divisés en trois classes, c'est-à-dire : 1<> en cx)ngénitaux 
ataviques, ou de retour, comme les fronts fuyants, les sinus 



(1) Page 116. 

(2) /d. 183 et saivantes. 



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>.%a 



r 



— 83 — 

froQtanx (1), les yeux fendus à la chinoise, le progna- 
tisme, etc., qui reproduisent des caractères normaux de 
races inférieures; 2^ en congénitaux morbides ou aty- 
piques, tel que les déviations du nez, les déformations du 
crâne, etc., qui sont presque toujours dues à une maladie 
du fœtus dans la matrice et ne reproduisent plus une 
forme normale, môme chez des êtres inférieurs ; 3** enfin, 
en morbides acquis j parésies (2) de certains muscles, cica- 
trices de blessures, de chutes ou de coups, etc. — Or ces 
caractères se présentent différemment groupés selon la 
forme diverse de la criminalité des individus. Ainsi, c'est 
chez les assassins, chez les voleurs de grand chemin, chez 
les voleurs avec effraction que j'ai trouvé le plus grand 
nombre d'anomalies ataviques, tandis que les anomalies 
atypiqms étaient plus nombreuses chez les incendiaires et 
chez les obscènes, et les anomalies morbides acquises chez 
les voleurs, les rebelles et les brutaux. — De ces considé- 
rations, il s'ensuit qu'en anthropologie on pourrait grou- 
per les criminels selon la nature spéciale des caractères 
anormaux prédominants chez eux, et ce serait Tunique 
classification naturelle ; tandis que toutes les autres clas- 
sifications fondées sur l'étiologie des dispositions crimi- 
nelles, n'ayant pas une base organobiologique typïtjue et 
qui leur soit propre, sont nécessairement imparfaites, 
conime serait imparfaite une classification des aliénés 
fondée sur l'étiologie de l'aliénation ». 

Dans la discussion qui s'est engagée sur les deux rap- 
ports, M. Garofalo a proposé de ramener la classification 
de M. Ferri à des termes plus simples : « Je pense, a-l-il 
dit (3), que tout le monde pourra se trouver (raccord, si 



(l) M. Litlré, Dictionnaire de la langue française : « Sinnjn, terme 
d*anatomie. Nom donné à des cavités osseuses plas larges ^l l'iittt^rieur 
qa'à leur ouverture, creusées dans l'épaisseur de certains oâ du crâ lo 
et de la face. Sinus maxillaire, sinus frontaux ». 

(21 Id., ib. Parésie : « Paralysie légère avec privation du mouvement, 
mais non du sentiment ». 

(3) Page 139. 



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— 84 — 

l'on se contente de distinguer les criminels en deux classes 
très générales : Tune, comprenant tous ceux, aliénés ou 
non aliénés, chez lesquels on peut constater une anomalie 
psychique déterminant le crime, et c'est souvent le genre 
même du crime ou les circonstances dans lesquelles il a 
été commis qui suffisent à indiquer cette anomalie ; l'autre 
classe comprenant tous ceux chez qui il n'existe pas d'ano- 
malie frappante de ce genre, mais qui sont entraînés au 
délit principalement par les circonstances extérieures ». 

M. Benedikt a distingué (1) quatre catégories : 1® le 
délinquant accidentel; 2^ le délinquant professionriel ; 3° le 
délinquant par maladie ; 4® le délinquant dégénéré. 

Sur ce sujet, il n'y a pas eu de vote émis. M. Benedikt (2) 
a seulement fait constater que l'assemblée, bien qu'un 
grand nombre de ses membres refusassent d'émettre un 
vote, se trouvait d'accord avec M. Ferri sur les parties 
essentielles de son rapport. 

— C'est à propos de la première thèse que M. Lombroso 
est revenu sur cette doctrine de l'atavisme chère à son 
école: fn Analogie, dit-il, entre le sauvage et V homme criminel. 
— L'étude de ces anomalies rapproche le délinquant plus 
encore du sauvage que du f ou . . , (3). Nous trouvons en 
cela une preuve anatomique de la stratification de la cri- 
minalité, c'est-à-dire de la tendance des coupables à hériter 
des formes, non seulement de l'homme sauvage préhis 
torique, mais aussi de l'homme antique, historique > (4). 

Mais les Français sont venus, à propos de l'atavisme, 
comme dans plusieurs autres circonstances, sinon con- 
tredire, au moins tempérer des conclusions qui leur sem- 
blaient excessives : « Pour l'école italienne, comme pour 
M. Sergi, a dit M. Lacassagne (5), répondant à un rapport 



(1) Page 142. 

(2) Id, 146. 

(3) Id, 63. 

(4) Id. 654. 
(6) Id. 15. 



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- 85 - 

de M. Sergi (1), Talavisme est la clef de voûte de tout le 
système. — Il y a là une exagération et une fausse inter- 



prétation. Ce serait faire une confusion que d'assimiler 
l'atavisme a l'évolution ou au transformisme. Qu'est-ce 
donc que l'atavisme ? C'est un phénomène en vertu duquel 
il se manifeste dans l'hérédité des accidents que l'on croit 
devoir rattacher à l'influence d'un aïeul.., — On s'aper- 
çoit de la diflSculté qu'il y a à admettre Vatavisme pré- 
humain ou humain de M. Sergi. Ce sont là des suppositions, 
des théories ingénieuses, je le veux bien, mais après tout 
des hypothèses sur lesquelles il est impossible d'édifier uq 
ensemble systématique. J'ajoute que cette théorie est dan- 
gereuse au point de vue pratique ; on lance dans la circu- 
lation ou dans le langage juridique ce gros mot d'atavisme, 
dont certainement on abusera, parce qu'on n'en compren - 
dra pas la valeur. Remarquez encore le côté mystique de 
cette hypothèse ; l'atavisme devient une sorte de tare indé- 
lébile, de péché originel que nous déplorons, que Lom- 
broso et ses adeptes constatent, mais contre lequel il n'y a 
rien à faire. . . Cette implacable influence ancestrale est là, 
on ne saurait s'y soustraire, et il faut s'attendre à l'inva- 
sion soudaine de ces revenants, les types sauvages, ceux 
de Cro-Magnon ou de l'époque de la pierre polie ». 
■ 2. La deuxième thèse était rédigée ep ces termes : c Y 
a-t-il un caractère général biopatoiogique qui prédispose 
au crime? » 

C'est à propos de cette thèse qu'il a été traité de l'objec- 
tion, de la double objection nécessairement soulevée contre 
les doctrines anthropologiques : N'y a-t-il pas des gens 
honnêtes chez qui l'on retrouve les signes indiqués comme 
propres aux criminels? N'y a-t-il pas des criminels chez 
qui ces signes font défaut ? 

« On objectera, dit M. Lombroso (2), que le type cri- 
minel se remarque aussi chez les gens honnêtes. — Une 



(1) Pages 159 et saivantea. 

(?) W, 79. 



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^ 



- 86 — 

observation ici est nécessaire. S'il y a des points douteux 
dans Tétude des criminels, il y en a bien plus dans celle 
des gens présumés honnêtes. Ces derniers, en eflet, ne sont 
pas tous ni toujours réellement honnêtes. On en connaît bien 
tous les caractères physiques, mais non pas tous les carac- 
tères moraux, qui ne se révèlent qu'après une longue 
fréquentation ». Il y a un certain nombre de signes typi- 
ques, mais le type vrai, complet du criminel suppose la 
réunion de quatre à six de ces signes; chez les hommes 
honnêtes, tel ou tel de ces signes pourront se rencontrer, 
mais isolés : « en résumé, la physionomie typique du cri- 
minel se rencontre, par exception, une fois sur cent chez 
l'homme honnête, et presque régulièrement chez l'homme 
délinqnant ». Encore ces signes isolés peuvent-ils bien 
annoncer une criminalité latente, qui ne demandait pour 
se développer que l'occasion, la circonstance. « — Il est 
très vrai qu'il y a des criminels à capacité crânienne 
notable, avec d'admirables conformations du crâne, et 
qu'il y en a aussi dont la physionomie est parfaitement 
régulière, surtout parmi les habiles filous et même parmi 
les chefs de bandits... — Mais ce sont des exceptions 
qui nous frappent par leur contraste, et qui bien des fois 
peuvent s'expliquer ». 

D'un autre côté, M. Benedikt observe (i) « qu'il n'est 
ni juste ni exact oiTiirèlendré^que l'on doive toujours 
trouver quelque chose d'anormal dans l'individu criminel. 
Ce n'est ni juste ni exact, parce que le fait psychologique 
est en partie le produit de phénomènes moléculaire et que 
la science est encore très loin d'une anatomie des molé- 
cules, et d'une physiologie moléculaire, surtout chez les 
vivants... 1** Il y a des individus dont on peut dire avec 
certitude qu'ils ne peuvent pas être des individus normaux. 
Leur sphère motrice, ou intellectuelle, ou morale, ou bien 
ces trois sphères, ou deux des trois, combinées entre elles, 
doivent être anormales; 2» des individus sur la normalité 




(1) Page 102. 



k. 



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-- 87 — 

ou l'anormalité desquels nous ne saurions nous prononcer 
d'après Texamen extérieur, et pour qui nous devons atteu: 
dre la manifestation de symptômes psychiques moraux, etc., 
ou dont encore il nous faut étudier la vie ; 3^ il est enfiu des 
individus criminels, des délinquants, même graves, chez 
lesquels nous sommes impuissants à trouver jusqu'à ce 
jour des symptômes anthropologiques certains de crimi- 
nalité >. 

3. La troisième thèse de biologie criminelle portait : 
(( Comment doit-on classifier les actions humaiues par 
rapport aux affections qui les déterminent? Comment 
l'éducation morale peut-elle influer sur l'intensité des 
accès de passion et indirectement sur les actions crimi- 
nelles ? Thérapie préventive de la délinquance ». 

Le rapporteur, M. Sciamanna, s'excusait, en quelque 
sorte, de traiter un tel sujet (1). <k Aujourd'hui, que le 
monde savant a cessé de disserter sur les abstractions 
pour s'adonner à l'étude des phénomènes, aujourd'hui 
que, grâce surtout à la nouvelle école d'anthropologie 
criminelle, ont succédé aux discussions sur les délits et 
les crimes les recherches expérimentales sur les délin- 
quants, se mettre à parler des actions humaines, ou 
proposer un essai de classification pourra paraître, pour 
ainsi dire, un pas en arrière ». Cependant, « comme il 
est montré qu'on peut, par l'observation des caractères 
biologiques et anthropologiques, descendre par degrés 
infinitésimaux de l'homme honnête au délinquant, je 
crois qu'il y a lieu de rechercher dans les actions humaines 
une échelle correspondante qui commence à l'honnêteté 
pour finir au crime. — En comparant les actions humaines 
entre»elles d'après leurs effets sociaux, nous constations 
deux grandes catégories parfaitement distinctes et facile- 
ment reconnaissables : les actions honnêtes et les actions 
non honnêtes. -- Si, au contraire, nous les considérons au 
point de vue subjectif, chaque action nous apparaîtra 



(1) Page 185. 



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à 



comme ud phénomène complexe produit par de nom- 
breux facteurs, et si nous examinons analytiquement ces 
[acteurs, nous reconnaissons que les différences entre les 
actions honnêtes et les actions criminelles ne sont repré- 
sentées que par des différences de rapports entre des 
quantités et dans la successipn de différentes énergies 
psychiques. — A ce point de vue, rhonnéteté ou la crimi- 
nalité dans les actions humaines devient une accidentalité, 
et nous pouvons facilement repousser l'objection de ceux 
qui, trouvant des caractères anthropologiques criminels 
chez des gens n'ayant jamais commis d'actîons pré- 
vues par le Code pénal , et n'en trouvant pas , par contre, 
chez de grands malfaiteurs, accusent dans nos observations 
de simples coïncidences et appellent variétés insigni- 
fiantes ce que la statistique criminelle signale comme des 
formes spéciales de la délinquance. En mettant ainsi en 
évidence les liens étroits qui unissent les différents carac- 
tères anthropologiques et les différents facteurs des actions 
humaines, on pourra éliminer d'apparentes exceptions b. 

On comprend que la première conclusion du rapport 
ait été ainsi conçue : « Toute action humaine doit être 
considérée comme la résultante nécessaire des excitations 
qui, modifiées et divisées de différentes manières par les 
cellules cérébrales, sont transmises simultanément ou 
successivement aux divers centres moteurs ». 

La question de l'éducation est ainsi posée : — « L'édu- 
cation morale, dit M. Sciamanna (1), concourt à em- 
pêcher qu'il y ait excès ou défaut de correspondance 
entre les excitations sensitives et les excitations affectives, 
en produisant des impressions dans les centres plus élevés ; 
impressions qui, suscitées au moment du passage du 
courant nerveux, puissent rendre plus complète la percep- 
tion et exercer de la sorte une action modificatrice sur 
l'aiguillon destiné aux sens psychiques. — L'éducation 
morale influe à maintenir au passage des courants ner- 



(1) Page 17. ^ Cf p. 199 et sqiv., pour le développement de cesidéçs. 



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— 89 — 

veux l'exercice des voies les plus longues qui relient les 
sens psychiques aux centres moteurs; et elle y parvient» 
en unissant les excitations sensibles à des impressions 
déterminées qui, une fois réveillées au moment opportpn, 
puissent produire les phénomènes de rimciginatioD, agir 
sur le sens psychique comme un aiguillon différent^ et 
fassent ensuite dévier le courant de la voie la plus courte. 
— Les pratiques éducatives, en établissant des habitudes 
dans les phénomènes de la cérébration, qui peut être 
modifiée surtout par rapport au temps, font que les 
réactions affectives terminales soient moins rapides^ 
moins dérangées, essentiellement différentes. C'est pour 
cela que, dans l'éducation bien dirigée, se trouve la 
meilleure thérapeutie préventive de la dôliaquance par 
habitude^ occasion et passion » . 

Le passage suivant (l)complète lesidéesdeM. Sciamanna^ 
au sujet de l'éducation : « Pour que l'éducation ait toute 
son influence, il faut qu'aucun vice de conformation^ 
aucun état pathologique, aucune condition héréditaire, 
ayant duré pendant une longue suite de génération», 
n'aient rendu certains centres absolument inexcitables. 
Mais lorsque son effet peut être complet, Tinilueuce de 
l'éducation sur le caractère moral de l'individu est telle 
qu'elle peut en faire un membre utile de la société^ dont, 
sans elle, il eût été un membre nuisible, vivant aux dépens 
de ses semblables. — S'il est vrai (et la chose, à mes 
yeux, ne saurait être révoquée en doute), s'il est vrai que 
les habitudes fonctionnelles qu'un individu acquiert dans 
le cours de sa vie, se reproduisent en partie chez ses 
descendants, les bienfaits d'une éducation jutlicieusement 
dirigée seront ressentis par les générations successives > 
Rendue plus facile pour ceux qui viendront, puisqu'elle 
trouvera en eux un terrain déjà préparé par l'hérédité, 
l'éducation pourra, en se répandant, donner avec le temps 
des résultats dépassant toute espérance. — Si l'éducation 



(1) Page 301. 



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- 90 - 

morale devenait une fonction sociale, si TEtat s'occnpait 
plus directement des mineurs, surtout des plus jeunes 
parmi eux, si la grave mission de ramélioration du carac- 
tère moral des générations successives était confiée à des 
hommes compétents, et si rien n'était négligé de ce qui 
peut concourir à ce but, je crois, je suis convaincu que 
nous verrions rapidement décroître le nombre des délin- 
quants habituels, d'occasion et passionnels ». 

3 et 4. Nous signalerons enfin un rapport de M. Frigerio, 
sur Vépilepsie et la folie morale dans les prisons et les asiles 
d'aliénés, qui tire cette conséquence* de la doctrine : 
t Nous appelons de tous nos vœux le moment non éloigné 
où le triomphe de la méthode expérimentale arrachera 
des prisons les délinquants de naissance pour les confier 
aux cliniques criminalistes » (1), et un ordre du jour, 
voté à l'unanimité sur la proposition de M. Ferri : « Le 
congrès, se référant aux vœux émis pour l'étude cli- 
nique des condamnés vivants, émet aussi le vœu qu'on 
institue un Musée central d'anthropologie criminelle » (2). 

II 

Les travaux relatifs à la sociologie criminelle ont donné 
lieu à une discussion entre les représentants de l'école 
anthropologique française et les positivistes italiens. 

M. Lacassagne a marqué sur un point essentiel, sur le 
plus essentiel, la différence des deux écoles, italienne et 
française, c (Pour nous) l'important est le milieu social. 
Permettez-moi une comparaison empruntée à la théorie 
moderne. Le milieu social est le bouillon de culture de la 
criminalité; le microbe, c'est le criminel, un élément qui 
n'a d'importance que le jour où il trouve le bouillon qui le 
fait fermenter. — Le criminel, avec ses caractères anthro- 
pométriques et autres, ne nous semble avoir qu'une impor- 



(1) Pagd 231. 

(2) M. 294. 



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— 91 — 

tance très médiocre. Tous ces caractères peuvent se 
trouver d'ailleurs chez de fort honnêtes gens. — Mais 
vous devez voir de suite la portée sociale différente de ces 
deux points de vue. — Au fatalisme immobilisant qui 
découle inévitablement de la théorie anthropométrique 
s'oppose rinitiative sociale. Si le milieu social est tout et 
s'il est assez défectueux pour favoriser Tessor des natures 
vicieuses ou criminelles, c'est sur ce milieu et ses 
conditions de fonctionnement que doivent porter les 
réformes... » (1). 

Cette accasaUoQ d'avoir négligé « l'influence du milieu 
social, » M. Fioretti s'est empressé de la relever au nom de 
l'école italienne (2) : « Il suffit, pour se convaincre du peu de 
fondement de cette accusation, de regarder la manière 
dont chacun des trois principaux représentants de l'école 
positive italienne a accompli la tâche qui lui est propre dans 
la construction de la nouvelle doctrine. — M. Lombroso 
étudie de préférence le facteur individuel ou anthropo- 
logique du crime ; il fait de l'anthropologie criminelle pure. 
MM. Ferri et Garofalo tirent de l'œuvre de M. Lombroso 
les conséquences pratiques, l'un dans le domaine de la 
sociologie criminelle proprement dite, l'autre dans celui do 
la criminologie, c'est-à-dire dans l'étude strictement juri- 
dique du crime, au point de vue de la philosophie » . M. Lom- 
broso lui-môme a protesté (3) en termes assez vifs : « Notre 
école , dit encore M. Garofalo (4), n'a jamais nié l'influence 
du milieu social, mais elle soutient qu'une grande partie 
de la criminalité est due à une sorte de monstruosité 
morale qu'on peut souvent signaler dès l'enfance et contre 
laquelle échouent tous les efforts de l'éducation et les meil- 
leurs exemples du milieu ambiant. . . » Tous les Italiens, 
nous l'avons vu par le rapport de M. Sciamanna, ne se 
montrent pas si incrédules aux résultats de l'éducation. 



(1) Page 166. 

(2) Id. 169. 

(3) Id. 174. 

(4) Id. 175. 



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- 92 — 

Ce n'est pas une pure recherche théorique que fait 
l'école expérimentale d'Italie; elle aspire à autre chose; 
elle prétend faire passer dans la pratique, c'est-à-dire tlaus 
rœuvre des législateurs et dans la manière doul procèdent 
les tribunaux, ce qu'elle considère comme la vérité défi- 
nitivement acquise. De là notamment ces deu^ questions 
posées (1) à la section de sociologie oriminBlle : 1° « Si 
les théories de l'anthropologie criminelle peuvent être 
acceptées dans la rédaction du nouveau Code pénal itaHen 
et de quelle utilité elles peuvent être »; — 2o « Application 
et conséquences des doctrines positives dans tes procès 
criminels d'aujourd'hui ». 

1. C'est M. Garofalo lui-même qui dit dans son rap- 
port (2) : a Le projet du nouveau Code pénal italien n'est 
qu'une exacte application des théories de l'école classique^ 
sans le moindre souci de l'intérêt social et de Tétat de la 
criminalité en Italie. A ce point de vue, cette réforme 
serait très dangereuse, et il vaut mieux s'en tenir pour le 
moment au Code des États-Sardes de 1859, qui s*éloigne 
un peu moins des idées de l'école positiviste » , Le savant 
auteur ajoute: « On pourrait toutefois y introduire les 
modifications suivantes qui, tout en laissant subsister le 
système général de la législation, constitueraient un pro- 
grès très important dans le sens de la nouvelle théorie ». 
Ces modifications sont au nombre de cinq. 

a) Les coupables devenus fous, ou les fous devenus 
auteurs de faits qualifiés crimes ou délits, seraient ren- 
voyés dans une maison spéciale aux aliénés criminels: 
«La détermination de la durée ne sera pas établie d'avance. 
Après un délai fixé selon les circonstances, le tribunal ou 
la cour, sur le rapport du directeur de l'établissement, 
pourra examiner s'il y a lieu d'ordonner la mise en liberté 
du détenu ». 

b) «La relégation, récemment introduite dans la lègisla- 



(1) Pages 3 et 4. 

(2) Id. 22. 



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- 93 - 

tioû française pour les récidivistes, sera appliquée aux 
coupables d'habitude »• 

c) « Un individu âgé de plus de 12 et moins de 18 ans 
ne sera jamais condamné aux peines ordinaires. Dans le 
cas de crime punissable de mort ou des travaux forcés à 
perpétuité, il sera condamné à la déportation perpétuelle 
comme les récidivistes. Hors de ces cas, le coupable sera 
enfermé dans un établissement agricole ou dans un asile 
industriel pour une durée non moindre de deux ans. La 
détermination du maximum de cette durée sera laissée à la 
direction de rétablissement, pourvu qu'elle n'excède pas 
l'âge de la majorité. Si la direction pense qu'il s'agit d'un 
incorrigible, avis lui sera donné que, en cas de récidive, 
il sera soumis aux mesures en vigueur pour les criminels 
habituels » . 

d) « Le minimum de l'emprisonnement sera fixé à quatre 
mois, le maximum à deux ans, pour tous les délits contre la 
propriété, les personnes et les bonnes mœurs. Cette peine 
sera expiée selon le système cellulaire. — Lorsque le délin- 
quant n'est pas récidiviste et que sa bonne conduite 
précédente est prouvée, le délit qui, d'après la loi existante, 
n'est punissable que par une peine inférieure à quatre 
mois de prison^ sera puni, en substitution de cette peine, 
par le paiement immédiat d'une somme destinée à indem- 
niser le plaignant et, en outre, par le paiement d'une 
amende au bénéfice de l'État, amende proportionnée aux 
conditions économiques du coupable. — Si le condamné 
n'est pas dans l'absolue impossibilité de payer et que, 
malgré cela, il s'y refuse ou demande un sursis, il sera 
arrêté et détenu jusqu'à ce qu'il ait obéi. — Les frais de 
son entretien en prison sont à sa charge. — Mais, s'il 
s'agit d'un insolvable, on lui imposera une taxe hebdoma- 
daire ou mensuelle sur son salaire, jusqu'à l'extinction de 
la dette, sous peine d'enrôlement dans une compagnie 
d'ouvriers employés à des travaux pour compte du goi|- 
vernement, ouvriers nourris et logés, mais sans aucun 
salaire. Le gain de chaque journée sera déduit dé la 
somme fixée. L'État pourra anticiper au plaignant le paie- 
ment total ou partiel r>. 



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- 94 - 

e) (( L*eiirôlemeiit dans une compagnie d'ouvriers pour 
les travaux au bénéflce de l'État (voir ci-dessus) sera 
substitué à la peine de Temprisonnement pour les coupa- 
bles d'oisiveté, de vagabondage ou de mendicité. La 
détermination de la durée sera laissée à la direction de la 
compagnie t>. 

M. Vito Porto commence par déclarer « qu'il n'est pas 
avantageux de tenfr compte, quant à présent, de toutes 
les conclusions de l'école criminelle positive; et, lors 
même que cela fût avantageux, ii n'y aurait pas lieu de 
l'espérer ». Il se borne « ne pouvant, pour le moment, 
réaliser ce qui est le mieux », à « empêcher qu'on ne fasse 
pis », réclame le maintien du Code pénal sarde, « qui, s'il 
ne pourvoit pas convenablement à la défense sociale, est 
cependant moins nuisible que le projet ministériel pré- 
senté à 1a Chambre des députés, et pourrait subir facile- 
ment quelques modifications utiles». Parmi les innovations 
proposées, nous ne signalerons que celles qui semblent se 
rattacher le plus étroitement aux principes de la nouvelle 
école : « L'orsqu'un crime puni des travaux forcés à temps 
ou de la réclusion n*est pas dû à de mauvais instincts, le 
juge remplace, au même degré, les travaux forcés ou la 
réclusion par la relégation. — ... Accorder une plus ample 
application aux dispositions... qui tiennent compte du 
degré de perversité, en laissant le juge libre d'appliquer la 
peine qui correspond à la qualité du criminel. Faire, dans 
ce but, avec une plus grande largeur, la détennination 
relative des peines, de manière que le juge soit mis à 
même de tenir compte de la qualité des délinquants ». 

M. Puglia dit à son tour : « En ce temps de lutte entre 
deux écoles, est-il possible de lutter pour obtenir un Code 
pénal conforme aux idées positimstes ? Nous ne le croyons 
pas, attendu que les doctrines de la nouvelle école n'ont 
pas encore acquis cette popularité qui a été de tout temps 
nécessaire pour qu'une idée scientifique pût devenir opé- 
rative dans la vie sociahu H est cependant du devoir des 
partisans du naturalisme juridique de proposer les réformes 
qui peuvent être introduites dans un Code, indépendam- 
ment de l'accueil plus ou moins favorable que peuvent 



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rencontrer les principes fondamentaux de tel ou tel 
système scientifique ». Nous remarquerons les proposi- 
tions suivantes : a On ne peut accuser de délit quiconque 
se trouvera, au moment où il a commis le fait, dans un 
état d'aliénation mentale, ou s'il y est poussé par une im- 
pulsion éthiquSf à laquelle il n'a pu résister. — ... Les 
délinquants fous ou demi-fous seront renfermés dans un 
asile d'aliénés criminels. lis ne pourront être mis en 
liberté qu*en vertu d'une sentence prononcée par des 
experts médecins phrénologues, nommés expressément 
par le gouvernement, sur la requête du directeur de l'asile • 
Les criminels-nés et incorrigibles seront condamnés à la 
réclusion perpétuelle, lorsqu'ils sont jugés dangereux pour 
l'ordre social. — La préméditation y comme circonstance 
aggravante de la responsabilité, doit être abolie et rem- 
placée par d'autres circonstances qui révèlent la nature 
dépravée du criminel, ou plutôt son caractère dangereux. 
La formule législative pourrait être ainsi conçue : Tous les 
délits sont aggravés : 1^ si le criminel a agi par quelque 
passion ignominieuse et déshonorante, ou par des causes 
légères et frivoles ; 2^ si le fait renferme la violation de 
devoirs graves et spéciaux, ou s'il blesse les sentiments 
d'humanité, de patriotisme, de famille ; 3^ si dans la per- 
pétration il y a eu perfidie, ingratitude, fraude ou trahison^ • 
abus d'autorité, sévices, cruauté » (1). 

Le professeur Solivetti demande que les dispositions en 
vigueur ou en projet, qui reconnaissent chez les aliénés 
un état de responsabilité partielle, soient, les premières 
abrogées, les secondes abandonnées : « La responsabilité 
partielle est inadmissible chez les aliénés, car, l'aliénation 
mentale étant un fait pathologique, consistant en une 
maladie cérébrale, elle doit nécessairement amener l'alté- 
ration de toutes les activités psychiques , attendu que 
celles-ci ne peuvent être considérées comme indépendantes 
les unes des autres, de la même façon que la fonction 



(1) Cf p. 460 et saivantes. 



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- 96 — 

d'une partie du cerveau ne peut être considérée comme 
indépendante des fonctions de ses autres parties. — 
. . . Lorsque l'on arrive à constater, chez un préveau, 
Texistence d'une psychopathie, quelles que puissent en 
être la forme et l'intensité, on devrait l'envoyer dans un 
asile d'aliénés pour les criminels, où il serait soumis au 
traitement qui lui convient, et d'où il ne sortirait que sur 
l'autorisation du procureur du roi, autorisation qui devrait 
être demandée par le directeur de l'asile ». 

La discussion qui a eu lieu dans les séances des 17 et 
18 novembre 1885, s'est terminée par l'approbation presque 
unanime de l'ordre du jour suivant, qu'avait présenté 
M. Molesch ott : « Le Congrès, convaincu de l a diRicuUé 
jie faire des recommandations aux corps lé gisIalW,^^ 
reconnaissant que ce ne sont que les idées mîTrîës'qtil 
peuvent pénétrer dans la vie pratique, et cela en vertu de 
leur propre force, — émet le vœu que la législation, daus 
son évolution progressive, tienne compte des principes de 
l'école positive d'anthropologie criminelle ». 

2. En attendant que les législateurs modifient les Codes 
conformément aux doctrines de la nouvelle école, quelles 
en peuvent être les applications et les conséquences dans 
les procès criminels d'aujourd'hui ? Telle était la deuxième 
question posée par la section de sociologie criminelle. 

« Dans l'état actuel de la législation pénale, disent 
MM. E. Ferri et Vito Porto (1), les doctrines positives, 
portées d'une manière erronée dans les tribunaux parles 
avocats et devant les juges imbus de tous autres principes 
juridiques, peuvent avoir et ont deux efiets principaux; 
a) La symptômatologie anatomique et psychologique des 
différents types criminels peut être utile à l'agent de police, 
au juge d'instruction et au juge définitif^ dans les cas fré- 
quents d'accusations fondées seulement sur des indices. 
On ne tend qu'à rendre scientifique ce qui jusqu'à présent 
n'est qu'une intuition empirique sur la physionomie, le 



(1) Page 29. - Cf p. 334. 



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t.. 



- 97 - 

mode d*agir du criminel, etc. — b) Le développement 
scientifique donné à Tétude des causes individuelles et 
sociales du crime, peut aboutir réellement dans cette 
époque de transition à un affaiblissement de la répression 
par un plus grand abus de la force irrésistible et des cir- 
constances atténuantes. Car, dans les procès, on accepte 
les doctrines positivistes, les prémisses sur les causes qui 
ont déterminé les individus au crime ; mais on prend des 
législations actuelles la conséquence que, plus la volonté 
du criminel a été forcée, et moins il doit être puni (c'est-à- 
dire que la société doit se défendre en raison de sa per- 
versité, temibilità), qu'on établit justement selon la nature 
des causes naturelles du crime, mais non pas en raison 
toujours inverse de celle-ci. — De sorte que l'application 
complète des doctrines positivistes , dans la législation et 
dans les procès, aura l'utilité d'accroître le premier de ces 
effets et d'éliminer complètement le second » (1). 

Un autre rapporteur, M. Pugliese, conclut ainsi : 
a) (d'instruction des procès criminels devrait non seulement 
recueillir des preuves, mais scruter et déterminer les 
causes criminelles , les^ précédents som ^tiqu es et psychi- 
ques du prévenu, les conditions du milieu où le phénomène 

^criminel .s'est 'produit. — — e) Les défenseurs 

devraient avoir la faculté d'étudier anthropologiquement 
les procès et leurs clients. — f) Les dispositions relatives 
aux expertises judiciaires, soit durant l'instruction, soit 
au cours des débats publics, devraient être profondément 
modifiées. On pourrait essayer du jury technique dans les 
questions de médecine légale et de psychiatrie. — .... 
— /) On devrait déterminer dans le projet du Code pénal la 
classification des peines, par rapport aux causes crimi- 
nelles et à la perversité du délinquant.... — m) L'empri- 
sonnement préventif et l'institution de la liberté provisoire 
devraient aussi être coordonnés, selon la nature des 
causes criminelles et la perversité du délinquant 



(1) Cf. p. 337 el 338. 



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I 



II 



w 



3. La troisième question posée à la section de Sociologie 
criminelle était aiosi conçue: t de Faction de Texpert- 
médecin dans les procès judiciaires ». 

Il y a un grand nombre d'observations utiles dans les 
rapports de MM. Tamassia et Lacassagne ; d'autres ont été 
échangées dans la discussion ; la question si les experts 
devraient décider n'a pas été indiquée. 

4. La septième et dernière question, « si et comment 
Ton doit admettre dans les établissements pénitentiaires 
ceux qui s*adonnent aux études de droit pénal, » question 
sur laquelle se sont produits des travaux distingués (1} 
avant la réunion du Congrès, a été traitée, d'un côté, par 
MM. Tarde et Ferri,,d'un autre par M. Aguglia, tous les 
trois étant d'accord sur la nécessité de soumettre à de 
sérieuses garanties le droit qui serait accord é^es de ux 
premiers cherchant, en outre, à en faire tournérTexercice 
"Surprofit des condamnés, en exigeant que « les étudiants 
en droit ne fussent admis au cours de droit criminel qu'à 
la condition de se faire préalablement inscrire comme 
membres d'une Société de patronage des prisonniers pré- 
sidée par leur professeur (2), le troisième se prononçant 
contre l'admission des étudiants (3). 

L'ordre du jour suivant a été voté à une forte majorité : 
€ Le Congrès, — cohérent à la tendance scientifique de 
l'anthropologie criminelle, — exprime le vœu que Tadminis- 
tiration des prisons, en adoptant les précautions nécessaires 
pour la discipline intérieure et pour la liberté individuelle 
des prisonniers condamnés, admette à Tétude clinique 
des criminels les professeurs et les^gl^u^ftO^sde droit pénal 
et de médecine légale, sous la direction et responsabilité de 
leurs professeurs et préférablement sous forme de Société 
de patronage des prisonniers et des libérés des prisons» (4). 



(l) M. E. Ferri, Scoladi diriUo criminale in Bologna. ^ SUidi sui 
caratleri neiie coie càrretionali e penati, 4884. 

(3) Actes, p. 40^ 3Jâ et suivantes. 

(3) Cf. p. 495 et suiv. — M. BenelJi. Vantropologie dans Us prisons. 

(4) Ibid. 



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-99 



III 

Il est difficile de ne pas remarquer que de toutes les 
questions agitées par la nouvelle école il en est une au 
moins sur laquelle le Congrès n*a point semblé tenir à 
provoquer la discussion, encore moins à émettre un vote, 
celle du libre arbitre. 

M. do Holtzendorfï, tout en déclarant « que le siècle est 
redevable à ces sciences (physiques et naturelles), de ses 
plus belles conquêtes, ... qu'il faut saluer avec joie leur 
entrée dans le domaine du droit par la porte de la méde- 
cine légale, » et que « l'idée d'une justice absolue s'écroule 
dans l'esprit humain, » dit: « Médecins et juristes feront 
bien de s'en tenir aux résultats positifs, aux faits acquis, 
et de ne pas rentrer dans le domaine des idées de philoso- 
phie pure, dans la question du libre arbitre, par exemple. 
Tout en reconnaissant que la jurisprudence et la législation 
ont commis des erreurs graves (applaudissements), il ne 
faut pas vouloir déraciner le principe éthique sûr lequel 
se basait l'école du passé » (1). 

« Vous avez voulu démolir, nier le libre arbitre, dit 
dans la môme séance M. Lacassagne (2). Tout cela était 
inutile ou compromettant ». 

La question que M. de Holtzendorfï et M. Lacassat^ne 
voulaient faire écarter, le premier du programme du 
Congrès, le second du progratnme de l'école, n'a pas pu 
être complètement évitée. Dans une séance du Congrès, 
NL_Righijulétoâdu (3) contre M. Garofalo l'école classique, 
en même temps que la commission parlementaire chargée 
du nouveau Code pénal, commission dont il se déclarait 
solidaire. Il n'a pas craint de s'attaquer à la théorie posi- 
tiviste elle-même : « Je déclare que tout ce qu'il y a 



(1) Page 150. 

(2) îd. 167. 

(3) Id. 317 et sQlvaûies. 



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(. 



d'acceptable, à mon avis, duns les théories de Técole 
positiviste, a été déjà accepté, ou le sera bientôt par toutes 
les nations civiles, —c'est-à-dire tout ce qui conceroe les 
asiles pour les aliénés criminels. —Je crois que la doctrine 
positiviste ne pourra jamais être pratiquement acceptée 
dans les Codes pénaux, parce qu'elle s appuie â un systèmo 
qui n'a jamais été admis, mais qui, au contraire, a 
toujours été vigoureusement combattu par riiumanité. 
(M. Ferri: « L'humanité a plusieurs fois changé d'opi- 
nion. ))) Vous niez à l'iiomme la liberté de l'arbitre : vous 
reprochez aux disciples de Técole classique de confondre 
la faculté de réaliser par les muscles les décisions internes 
de l'esprit avec la faculté d'être libre, c'es*-à dire de 
vouloir une chose plutôt que laulre. Vous dîtes à Thorarae 
qu'il n'est pas libre de vouloir, qu'il exécute et veut seule- 
ment ce qu'il doit vouloir et ce qu'il ne peut s'empècber 
d'exécuter en vertu de sa spéciale éducation, en vertu de 
l'atavisme, du milieu ambiant, etc, — Cette théorie, 
Messieurs, je n'ai pas besoin de vous le dire, n'est pas du 
tout nouvelle ; elle date de celui qui, le premier, a réfléchi 
à l'existence d'un Dieu créaleur. En voulant attribuer â 
la Divinité lomniscience et romnipuissance, il fallait lui 
reconnaître aussi ce qui est intimement lié à ces deux 
qualités, la prescience. Le premier penseur se demanda 
alors, à lui-même, si l'iiomme pouvait être libre, lorsqu'il 
était déjà établi à^œitrnQ ce qu'il devait faire ou non* Et 
il répondit en niant le libre arbitre, — Cette théorie, que 
les théologiens appellent le déterminisme, n'entraîne que 
les esprits disposés aux subtilisations métaphysiques, parce 
que, comme il arriva au Moyen-Age, elle se rapportait tout 
simplement au droit pénal d'outre-tomhe, qui aurait dû se 
réaliser dans une condition de choses tout à fait difTérente 
de celle où se trouve Thumanité sur la terre. Mais elle ne 
se rapportait pas à la vie terrestre, à laquelle seulement 
le législateur doit avoir affaire. — Or, les choses sont tout 
à fait différentes, lorsque l'absence complète dn libre 
arbitre est affirmée en thèse générale, et Técole positive 
veut bâtir sur ce fondement* . , — Cette idée, à mon avis, 



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— 101 — 

ne pourra jamais être accueillie, en premier lieu, parce 
qu'elle contredit à une conviclion que je pourrais appeler 
organique, par laquelle Thomme normal se reconnaît 
libre, et, lorsqu'il ne Test pas, il croit aussi connaître par 
quelle raison cela arrive. — Cette idée ne pourra, non 
plus, être accueillie en vertu de la logique, qui nous 
démontre que Thonime, en se prévoyant exposé à devoir 
choisir, en certaine circonstance de la vie, entre une 
action licite, mais douloureuse, et une action illicite, maîâ 
attrayante, a créé potestativement à soi-raérae un motif 
artificiel, qui doive le déterminer, dans l'actualité du 
dilemme pratique, à choisir l'action licite plutôt que 
l'action illicite. Que Ton me dise, en eBet, en que c'est que 
la création, toute propre de l'homme, d'un Code pénal, en 
vertu duquel l'humanité impose à soi-mtïme des sanctions 
et des peines, afin qu'à l'occasion chacun de nous puisse 
se décider dans un sens plutôt que dans Tautre* si ce 
n'est pas l'exercice le plus élevé de la liberté humaine 
pleine et indéterminée ! — ... Je me résume, en disant 
que j'accepte toute cette partie des doctrines îintlnopo- 
logiques et positivistes qui concerne la pathologie du 
délit, et que je refuse absolument toute la partie de ces 
doctrines qui, en franchissant le domaine de l'excep- 
tionnel et du morbide, voudrait ôter à l'individu la liberté 
de vouloir et de se déterminer. 

La question ainsi posée, disons plus, l'opinion ainsi 
soutenue par M. Righi, ont été écartées en ces termes par 
M. Moleschott. « Je vous dois deux mots sur PalTirmation 
du libre arbitre que M. Righi vient do nous donner. Il 
nous a dit qu'il sent d'être libre : or, c'est une déclaration 
qui a la même valeur que s'il disait : c'est lo soleil qui se 
lève ; car je le vois. — Messieurs, quant à la conscience 
qui nous fait choisir le bien et le mal, permettez-moi de 
vous le dire : je suis venu ici avec l'intention de ne pas 
toucher à la question du libre arbitre. — Pour moi, la 
question est résolue, et elk est la base de nos /rnrauj^. Si 
nous voulons la discuter de nouveau, nous entrerons 
malgré nous dans la métaphysique et nous ne pourrons 



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- 102 — 

faire un pas. — Je vous avoue que cela me semblerait fort 
inutile >. 

Une manifestation presque unanime a témoigna de 
l'adhésion qu'obtenait la doctrine de M. Molescbott. Le 
procès-verbal porle : ApplandissemenU très t^/i ; pve&tjae 
tous les membres du Congrès présents vont seirer la maifi à 
l'orateur. On le voit ; exclure du programme la question 
du libre arbitre, c'était exclure de la doctrine le libre 
arbitre lui-même. 



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I^IVRE DSUXIÊIME:. — I^a Résistance 



CHAPITRE QUATRIÈME 



L'école expérimentale a fait bien des conquêtes en 
Italie; mais elle n*a pas touteouquis. Non seulement il 
s'est encore trouvé des hommes de talent pour soutenir 
avec vigueur et enseigner avec éclat ces doctrines qu'elle 
appelle, un peu dédaigneusement peut-être, classiques; 
mais encore elle a quelquefois rencontré une résistance 
ouverte, au lieu de recueillir des adhésions. Il y a eu, il y 
a encore une lutte, dans le pays même où elle a levé si 
fièrement son étendard. C'est de cette lutte que nous 
devons nous occuper à présent. 

I 

En 1885, M. Aristide Gabelli (1) a vivement attaqué 
l'école expérimentale, qui, « à proprement parler, disait-il^ 
ne semblerait pas être une école de droit pénal, puisque 
la conséquence la plus évidente de ses principes paraît à 
la plupart la suppression de la peine. Cette école s'est 
formée naturellement, quand la méthode appliquée aux 
sciences physiques s'est introduite dans les sciences 



(1) La scuola di dirilto pénale in Italia (Nuova Antok)gia, 16 août 
1^5, 2« série vol. lu), p. 669 et suiv, 



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_IUl 



— 104 — 

morales. Mais, s'il est permis aux savants d'user d'un 
instrument nouveau, encore faut-il qu'ils sachent en user, 
et qu'ils se gardent bien de dépasser les limites de l'obser- 
vation en proposant des conclusions précipitées ï, 

M. Gabelli réduit la doctrine expérimentale ù deux 
points principaux : « Avant tout, elle donne pour fonde- 
ment au droit de punir les sciences naturelles et notam- 
ment l'anthropologie. Le principe de tout doit Ôtre la 
connaissance du délinquant, et par conséquent de rfiom me, 
non pas une connaissance abstraite, générique et vague, 
telle que pouvait la procurer la psychologie convention- 
nelle et académique d'un autre temps, mais la counais- 
sauce déterminée et précise qui s'acquiert par l'étude de 
rindividu. Cette étude doit être, autant que possible, 
naturaliste, s'appuyant sur ce qu'on peut voir et loucher^ 
et s'appliquant à l'examen de l'organe duquel dépendent 
les pensées et les sentiments humains, le cerveau, l'exa- 
men du crâne remplaçant celui du cerveau, qui est impos- 
sible. Le second point « est la négation absolue de toute 
volonté libre », négation qui n'empêche pas la doctrine 
de soutenir qu'il est permis d'appliquer des peines, « par 
besoin de défense, par instinct de conservation propre, par 
effet de la lutte pour l'existence, enfin, par nécessité =. 

Sans refuser pour la science du droit criminel toi/t con- 
cours de l'anthropologie, M. Gabelli s'élève contie une 
tardive résurrection des théories jadis émises par Gall et 
Lavater, et jadis combattues au moyen d'arguments qui 
n'ont jamais été réfutés : c Tous confessent encore aujour- 
d'hui qu'il n'y a pas de différence sensible entre le cerveau 
d'un fou et celui d'un sage ». Mais alors, que pourra-t-on 
découvrir, en examinant, non pas le cerveau mùmc, mais 
la boîte osseuse où il est contenu, examen qui se réduit ù 
reconnaître la mesure et la forme de celle-ci? Le plus 
souvent un homme devient fou d'un jour à l'autre, ou d'une 
semaine à l'autre. Or, son crâne était d'abord celui d'un 
sage, autrement on pourrait avec assurance prévoir la 
folie, ce qui est impossible, et il deviendrait ensuite celui 
d'un fou, tout en restant le même, puisqu'il ne change pus 



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— 105 — 

en une semaine et môme en un niois^! Ce changemeut, 
qui s'est produit dans le cerveau, les os ne !e révèlent 
donc pas! D'ailleurs, « qui Ee sait que les proéminences 
du crâne ne répondent pas toujours à celles du cerveau, 
soit parce que l'os peut avoir et a souvent plus d'épj^isseur 
là où il est plus proéminent, soit aussi parce qu'à la proé- 
minence peut répondre une dépression du cerveau . H y a 
encore des physiologistes qui continuent à nier la locali- 
sation des facultés dans le cerveau », surtout quand on en 
vient au détail pour se conformer aux règles et aux habi- 
tudes de la société civile : c Ils croient par conséquent que 
Ton ne peut distinguer un voleur d'un honnête banquier 
ou d'un bon père de famille attentif, pendant une longue 
vie, à épargner et à augmenter ses revenus, par la dilTé- 
rence que l'on constaterait dans le développement de 
l'organe relatif à la propriété et au soin des biens. — Pour 
conclure, on ne fait point un pas sans rencontrer des doutes 
et des objections, on se trouve dans un monde de contro- 
verses, d'énigmes et de mystères, parce que la vie est un 
mystère. Comment demander à une science si incertaine 
le fondement d'une autre science, si importante? L'école 
expérimentale argumente contre le principe de la justice 
absolue des changements qui se sont produits i\ travers les 
siècles comme des différences qu'où trouve à travers les 
pays dans les incriminations des lois criminelles ; M. Lom- 
broso n'aurait pas manqué, en tout temps et en tout pays, 
de signaler dans les crânes un état conforme à la législa- 
tion régnante. Que ferait-il, quand il s'agit de ces hommes 
dont les actes sont criminels, mais qui n'en répondent pas 
devant la justice, et qui parfois en retirent de la gloire? 
Quand se produisent des séries de crimes par suite de 
divers événements, ou qu'au contraire une répression 
vigoureuse rétablit l'ordre dans le pays, et l'auteur cite des 
exemples empruntés à l'Italie, du dix-neuvième siècle, les 
protubérances des crânes; apparaissent elles ou disparais- 
sent-elles dans le môme espace de temps? Entre les dîHé^ 
rents pays, comme la France et l'Italie, entre les différentes 
provinces d'un même pays, ritallcj on remarque des pro- 



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— i06 — 

portions très inégales, quand on dresse la statistique des 
crimes commis! Y a-t-il dans les crânes une diflérence qui 
y réponde? « Dans la province de Bergame, les sourds- 
muets, les crétins, -les fous abondent, et Ton rencontre & 
chaque pas des tètes à faire peur; les endroits où Ton fait 
ces rencontres sont ceux où Ton peut sans aucun danger 
dormir les portes ouvertes et sortir la nuit les mains 
pleines d*or, tandis que dans la province de Rome, qui a 
la plus belle^ la plus saine et la plus robuste population du 
iiiûode, qui fournit des modèles aux peintres de toute 
VEurope, il faut faire attention à sa bourse et se tenir sur 
ses gardes ». 

Ou complète les reoseiguements fournis par le crâne, au 
moyen d'indices recueillis sur d'autres parties du corps, 
nnlamment sur le visage. Mais éprouverait-on le besoin de 
forlifier les résultats, certains par eux-mêmes, que donne- 
rail, que garantirait une science véritable? On prétend 
mettre de Tordre et de la clarté dans une espèce d'instinct 
populaire, qui fait dire chaque jour, d'après l'expression 
générale de la physionomie : Quelle mine d'honnête 
homme 1 ou : Quel museau de coquin 1 Mais combien de 
fois l'on se trompe I La science doit combattre et non 
seconder ces chimères de la vanité humaine, fière de 
deviner. 

u Personne ne nie que les sentiments et les affections 
qui prédominent dans l'âme, les occupations ordinaires, 
les habitudes et le genre de vie donnent souvent une cer- 
taine expression à la physionomie, une certaine appa- 
rence à toute la personne; il semble que par là on puisse 
toujours distinguer à première vue un notaire d'un pein- 
tre, un chirurgien d'un poète et un prêtre d'un soldat. 
Mais , d'abord , ce n'est pas la même chose que de péné- 
trer dans les inclinations et les sentiments de la personne ; 
cen^est pas assez pour distinguer un notaire honnête d'un 
autre notaire peu délicat, un soldat courageux d'un soldat 
qui ne l'est pas, et c'est là tout ce qui est important ici. 
Ensuite, si peu de chose que soit ce caractère extérieur, 
et à si peu de chose qu'il puisse servir, demandons-nous à 



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- 107 — 

quel moment nous sentons en nous cette aptitude à le 
reconnaître ». C'est quand nous apercevons quelques-uns 
des signes extérieurs habituels à la profession de la per- 
sonne, le costume, par exemple. La plupart du temps, 
dans la rue, « nous prendrons Tun pour Tautre Tavocat et 
le médecin, le commerçant et l'employé, à plus forte rai- 
son les gens honnêtes et ceux qui ne le sont pas, quoiqu'ils 
ne tombent pas sous le coup du Code pénal ». 

M. Gabelli accepte les types fournis par M. Lombroso ; 
si l'on n'était pas prévenu, on n'y reconnaîtrait, d'après 
lui, rien de particulier : « On dira que ia science pénètre 
au delà de trompeuses apparences. Mais alors pourquoi, 
avant tout, se donne-t-elle l'air de s'appuyer sur un cer- 
tain instinct du vulgaire, sauf à le trouver si trompeur, 
comme si le vulgaire révélait dans ses instincts une intui- 
tion directe de la vérité? Quand on entre dans une prison, 
on croit voir le crime peint sur tous les visages. C'est la 
nature humaine, avec son imagination, qui produit cet 
effet. D'ailleurs, si l'on veut y regarder plus près, les signes 
qui résultent de la vie en prison se confondent souvent 
^vec ceux de l'inclination au crime. Le tatouage est sur- 
tout reflet de la vie oisive qu'on mène dans la prison, et, 
eopme le montrent les chiflres mêmes de M. Lombroso, il 
y en a de nombreux exemples dans oertaines prisons, 
tandis qu'il n'y en a pas dans d'autres. . . ». 

Les expériences de M, Lombroso deviendraient décisives 
s'il eu faisait une de plus : s'il examinait, au moment où 
lui-même y penserait témoins, des délinquants déguisés 
en gens de bien ou des gens de bien déguisés en galériens, 
et qu'il fit le discernement exact au moyen de ses seules 
théories ; encore cette dernière et décisive expérience 
prouverait-elle autre chose que son habileté personnelle ? 
Supposons même l'exactitude de la doctrine prouvée par 
rinfaillibilité du discernement : a Ce qui serait nécessaire 
pour que l'anthropologie procurât au droit pénal l'utilité 
promise par Técole, ce serait un médecin supérieur à 
tous les autres ; les médecins n'exercent leur diagnostic 
que 3ur les maladies physiques, et ils s'y trompent f réquem- 



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— 108 — 

ment ; celui-là ferait sur le physique le diagnostic du 
moral, et il ne commettrait pas d'erreurs, quoiqull rea- 
contrât de plus grandes difficultés. Cette hnbiloté devrait 
être communiquée à tous les médecins pour qu'il se 
formât une science pratique, servant de fondement à 
l'administration de la justice. Or personne n'oserait, 
M. Lombroso lui-même n'oserait pas affirmer qu'un 
homme est un délinquant-né, c'est-à-dire un -ïélinquaut 
destiné à retomber inévitablement dans le délit par la 
forme de son crâne ou de ses traits, par Tcxpression de 
son visage, et, sur cette prévision, le coodaroner à mort 
ou à une prison perpétuelle. Condamner quelqu'un pour 
ses actions, tout le monde le comprend ; le condamner 
pour son crâne, pour ses lèvres fines ou ses oreilles tom- 
bantes, c'est ce que personne ne comprend actuellement ». 
M. Gabelli porte ensuite son effort sur le second point, 
sur la négation du libre arbitre et de Fimputabilité. Il 
montre les eflorts tentés par l'école expérimentale pour 
conserver le droit de punir ceux qui n'ont pas eu la liberté 
de s'abstenir de tel ou tel acte, la responsabilité tran- 
sportée vainement de la volonté à rinlelligence sous 
l'influence de Schopenhauer, le choix éclairé, mais indé- 
pendant, entre les motifs, remplacé par une irrésistible 
nécessité, le fait accompli érigé en fait nécessaire par 
cette unique raison qu'il est accompli, et, se défendant de 
vouloir « résoudre en deux ou trois pages les questions 
qui depuis tant de siècles tourmentent eu vain la curiosité 
humaine », il se retranche derrière un sentiment indes- 
tructible dont ne triompheront pas les plus subtils raison- 
nements, les efforts les plus répétés, derrière la croyance 
intime que l'homme lui-même a de sa liberté : k Les philo- 
sophes pourront bien lui expliquer ses sacrifices ou ses 
méfaits, en les attribuant, selon l'état de la civilisation, 
tantôt au destin, tantôt à la prescience divine, à Tinfluence 
des planètes, aux cellules des nerfs et du cerveau^ Thomme 
continuera à se croire libre et à se déclarer responsable î... 
Le sentiment de la liberté, non pas d'une liberté absolue 
et dégagée de motifs, mais d'une liberté guidée par la 



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— 109 — 

raison et apte à faire un choix entre les moLifs, subsiste et 
subsistera, malgré toutes les objections, comme une règle 
de ce sens commun, où Thumanité a toujours cherché un 
refuge et une consolation contre les exagérations de la 
science ». 

Une philosophie toute théorique, arrivant à se convaincre 
que la volonté n'est pas libre, peut professer hautement 
sa conviction, quelles qu'en soient les conséquences ; 
« Mais le droit pénal, qui n a d'autre fin que de trouver 
les moyens les plus propres à défendre la société contre 
les malfaiteurs, doit prendre l'homme tel qu'il est, avec 
ses besoins, ses affections, ses sentiments, avec ses illu^ 
sions môme, qui lui sont propres à un temps donné. . . Il 
est très douteux que, pour détourner les hommes du mal, 
il faille commencer par leur dire qu'ils ne peuvent s'empâ- 
cher de le commettre... » 

Après avoir réfuté la doctrine dite expérimentale sur les 
deux points dont elle a fait ses points fondamentaux, 
M. Gabelli s'attaque à la manière dont elle considère la 
peine. La peine, d'après elle, devient un moyen de sélec- 
tion artifkieUe. Elle sert à éliminer les éléments qui 
manquent des qualités morales indispensables à rexls- 
tence de la société civile, qui ne peuvent s'y assimiler ; 
le délit n'est que l'occasion qui les fait reconnaître, L'État, 
dont l'attention est appelée sur l'auteur, se saisit de lui, le 
sépare provisoirement des autres hommes^ examine le 
caractère de l'action criminelle, soumet la personne même 
du délinquant à une sérieuse étude, s'informe de son 
origine, mesure son crâne, observe sa physionomie, et 
quand, d'après tous ces indices, il le juge dangereux, le 
retranche pour jamais du corps social, par la mort ou par 
l'exil perpétuel. 

Il n'en vient pas toujours à de telles extrcinîlés ; si le 
délit n'est pas grave, s'il est né d'une occasion, si Théréditô 
et les caractères anthropologiques ne font pas regarder un 
homme comme très dangereux, la peine devient un moyen 
d*adaptation artiftcielle par la correction, par l'amende- 
ment. 



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— uo — 

« Jusqu'à présent, la chose ne diffère pas essentielle- 
ment de ce qui se fait dans les pays civilisés, sauf sur un 
point, et il est grave; il s'agit de l'importance attribuée à 
l'hérédité et aux caractères anthropologiques pour distin- 
guer les délinquants-nés ou délinquants d'instinct des 
délinquants d'occasion ou de hasard. Ces indices, en effet, 
n'ont pas, pour la nouvelle école, la valeur vague d'un 
complément subsidiaire et comme d'une preuve surabon- 
dante... Ce sont des signes caractéristiques... d'après 
lesquels un homme est classé parmi les délinquants d'ins- 
tinct plutôt que parmi les délinquants d'occasion, et, en 
conséquence, condamné à mort ou retranché pour toujours 
du corps social de toute autre manière plutôt que renvoyé 
dans une colonie agricole pour s'y améliorer ». Ainsi, 
notamment, parmi les raisons qui décident de la condam- 
nation à telle ou telle peine, on place un délit commis par 
le père ou les aïeux du coupable : ec Ce n'est pas seulement 
l'hérédité directe, c'est encore l'atavisme qu'on met au 
compte de celui-ci ; il en est exactement comme dans les 
sciences naturelles, où l'on explique par l'atavisme les 
défauts ou les maladies de certains animaux, qui ne se 
manifestent pas dans la génération la plus proche ; mais 
les sciences naturelles se bornent à expliquer ici s'il s'agit 
d'inculper. Tout cela d'abord serait bien difficile pour les 
juges. H faudrait les changer tous, car il n'y en a peut-être 
pas aujourd'hui un seul en Italie qui trouve uike preuve 
infaillible de perversité dans la forme du crâne ou qui ne 
croie commettre une étrange et cruelle injustice en ajoutant 
à la peine du délinquant pour la faute de son père ou de 
son grand-père. Il faut tout au moins, pour employer le 
langage usité, uae grande évolution, tant dans la science 
que dans la conscience publique, élément bien digne de 
respect aussi quand il s'agit de punir et qui est actuelle- 
ment bien loin de se trouver préparé. Pour le moment, en 
effet, la conscience dit qu'on ne peut faire supporter au 
fils la peine du délit commis par son père ou par son 
aïeul, et la science ne peut expliquer comment il se ferait 
que le fils d'une femme honnête et d'un père voleur dût 



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hériter de l'incHaation de celui-ci au vol plutôt que du 
respect de la première pour la propriété. Pourquoi, si un 
père scélérat constitue une circonstance aggravante, une 
mère vertueuse ne fournira-t-elle pas une circonstance 
atténuante »? 

Ce n'est pas tout. Qu'est-ce que l'imputabilité imaginée 
par la nouvelle école ? Les écrivains qui en font partie ne 
sont pas tous d'accord sur la manière de classer les délin- 
quants. Tantôt on fait quatre catégories, tantôt deux, ce 
qui, soit dit en passant, montre que personne n'a pu 
trouver un critérium assez sûr pour s'imposer à tout le 
monde. En tous cas, l'école fait une place pour les délin- 
quants fous : (( Les écoles précédentes plaçaient la folie 
parmi les causes qui suppriment ou diminuent l'imputa- 
bilité ». Celle-ci, non contente de « trouver un grand 
nombre de ressemblances entre les fous et les délinquants, 
met à part une classe entière de délinquants en état de 
folie, et non plus pour les exonérer en tout ou en partie 
de la responsabilité, mais pour les assujettir à la peine 
comme tous les autres. C'est là un des effets de la sup- 
pression du libre arbitre. Puisqu'il n'existe ni chez les 
fous, ni chez les sages, pourquoi faire une différence entre 
les uns et les autres, quand il s*agit d'appliquer une 
peine » ? Mais du moins l'intelligence n'est pas la même, 
et c'est sur l'intelligence que la nouvelle école fonde la 
responsabilité : ne devrait-elle pas décharger les insensés? 
L'école n'accepte pas cette conséquence , qui semblerait 
sortir de ses principes ; elle ne fait pas de distinction 
dans l'application de la peine ; nul n'a soutenu plus nette- 
ment que M. Garofalo la nécessité de l'égalité, tout au 
moins d'une parfaite ressemblance entre les précautions 
(tue Ton prend contre les fous, en les enfermant dans des 
maisons spéciales, et celles par lesquelles la société 
cherche à se défendre contre les malfaiteurs ; n'a-t-il pas 
dit « que, si le fou homicide est réellement et en perma- 
nence dangereux, comme le serait un délinquant-né, il 
ne verrait aucune raison pour distinguer l'un de l'autre 
devant la guillotine 9? — « Ici, au moins, dit M, Gabelli, 



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— 112 — 

personne ne pourra dire qu'il n'y a rien de nouveau dans 
récole. Envoyer les fous au gibet, au lieu de les garder et 
de les soigner, c'est vraiment une idée originale ». 

Tout en s'accordant avec la nouvelle école pour écarter 
la doctrine, jadis professée par M. Rossi, qui voit dans la 
peine la rétribution du mal parle mal, M. Gabelli refuse 
de se laisser entraîner à l'extrémité opposée où l'école: 
voudrait le conduire, faisant de la peine la réaction de la 
société atteinte contre celui de ses membres qui lui a 
causé un dommage, une défense directe contre des êtres 
dans lesquels un délit commis fait reconnaître des êtres 
dangereux, qu'ils aient d'ailleurs agi avec plus ou moins 
dlntelligence ou de liberté, avec ou sans intelligence ou 
liberté, cherchant à prévenir tout dommage ultérieur de 
la part de celui qui, pour une raison quelconque, se 
montre, par ses actions, disposé à lui nuire. Les précau- 
tions consistent dans la privation de la liberté, pour un 
temps ou pour toujours, elles peuvent aller jusqu'à celle 
de la vie. Sans doute le coupable contre lequel on les 
prend y trouve et ressent un mal ; ce n'est pas ce mal que 
cherche nécessairement la société, quoiqu'il puisse avoir 
une salutaire influence, soit sur le coupable lui-même, 
soit sur ceux qui seraient tentés de suivre son exemple : 
opposer un obstacle à celui dont la conduite a révélé une 
disposition à nuire, voilà tout ce que la société doit se 
proposer, et l'un des moyens qui peuvent lui permettre 
d'atteindre cette fin, c'est d'empêcher la procréation d'en- 
fants qui se transmettraient fatalement de mauvais et 
dangereux instincts. Mais ce système, que d'objections ne 
soulève-t-il pas ? Comment fait-on pour distinguer les fous 
des malfaiteurs? « On enferme un fou, même quand il 
n'a pas commis de délit, uniquement parce qu'il est 
possible qu'il nuise à autrui ou qu'il se nuise à lui-même. 
Pourra-t-on retirer la liberté à une personne saine d'esprit, 
eût-elle un très mauvais caractère, à un homme qui serait 
à craindre, mais qui n'aurait fait aucun, mal ? En confon- 
dant la réclusion des fous avec la peine des malfaiteurs, 
on ôte à celle-ci tout caractère ignominieux ; on en fait 



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— 113 - 

une précaution, une mesure de prudence, et rien de plus î 
la sanction pônàlc s'aflaiblit dans la pensée du public 
honnête, et la conscience populaire est blessée. — Si la 
peine n'a qu'une fin, la précaution prise contre le méchanl, 
et que cette unique fin soit ce qui la justifie, elle no peut 
consister que dans uû empêchement de faire le mal. Le 
condamné aura donc droit à toutes les atténuations qui no 
suppriment pas ou n'afiaiblissent pas cet empêchement; 
il pourra, par exemple, en payant, avoir sa nourriture a 
part, une chambre à lui, etc., ce qui atténue toujours la 
peine, tout en lui enlevant de ce qui pourrait détourner 
du délit les méchants à venir. — Si la peine dépend du 
caractère plus où moins dangereux qu'on présume chez le 
coupable, elle peut logiquement devenir très longue, per- 
pétuelle même pour un petit délit, quand les conditions 
héréditaires, pathologiques, etc, où se trouve le condamné, 
laissent prévoir qu'il peut recommencer. Les peines, pour 
être efficaces, devraient, en eflet, être susceptibles de 
prolongation, de changement, d'élasticité, confiées aux 
juges, en ce qui regarde la qualité comme la durée, sauf 
à eux à apprécier à leur manière jusqu'à quel point le 
délinquant est redoutable, ce qui engendrerait un arbi- 
traire sans comparaison plus odieux que celui dont on se 
plaint aujourd'hui au sujet de l'admonition et du domicile 
forcé. La logique conduirait à mettre la peine à la discré- 
tion, non des juges, mais des directeurs d'établissement b 
pénitentiaires , puisque ces derniers seuls , et non les 
juges, sont en état de connaître le délinquant; mais que 
resterait-il d'exemplaire dans la peine, si la sentence 
portait qu'un tel est condamné, sans dire à quoi » ? Quelle 
police, quelle inquisition pour apprendre à pénétrer dans 
le caractère du délinquant et pour le classer dans telle ou 
telle catégorie ! L'écrivain .proteste encore contre la doc- 
trine qui fait rentrer le droit pénal dans la théorie de la 
lutte pour l'existence, où le dernier mot reste à la force* 
Il conclut enfin, après avoir rappelé le peu de certitude 
dogmatique qu'offre la nouvelle école, les grandes difTi- 
cultes qu'on rencontrerait à la mettre en pratique, par ce 

8 



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— 114 — 

reproche : « Pour le moment, il n'y a qu'un seul eflet 
qii'tiïle puisse produire d'une manière certaine, visible 
pour tous ; malgré son apparente sévérité, avec sa négation 
du libre arbitre, avec les instincts héréditaires, avec les 
impulsions qui dépendent de la forme du crâne, elle 
ajoute encore à la compassion déjà grande, pour les délin- 
quants, et aflaiblitla répression pénale ». 

L'Important travail de M. Gabelli donna lieu à une 
réponse de M. Maino, dans le Moniteur des Tribunaux; 
M. Gabelli, à son tour, répliqua dans la Rivista pénale (1). 

Le dissentiment porte sur deux points: l'introduction 
totale ou partielle de Tanthropologie dans le droit pénal, 
la négation de Timputabilité individuelle. 

lo De quelle utilité l'anthropologie peut-elle être en 
droit pénal? Les progrès rapides de la science peuvent 
faire penser qu'un jour viendra où elle arrivera à des con- 
clusions certaines sur les rapports du corps avec les 
sentiments et la pensée de l'homme : « Actuellement, il est 
hors de doute qu'on n'y a découvert, non seulement 
aucune connexion nécessaire, mais encore aucune coïnci- 
dence constante, et par conséquent on ne peut tirer de la 
forme du crâne ou de celle du corps tout entier aucune 
présomption raisonnable sur les dispositions de l'âme ». 
Nulle connaissance assurée de ce qu'est actuellement, de 
ce que sera dans l'avenir tel ou tel homme ; autrement à 
quinze ans on placerait dans une maison de réclusion les 
enfants qui présenteraient certains signes, pour les empê- 
cher de devenir des malfaiteurs... Un anthropologiste qui 
aurait à prendre un serviteur pourrait se contenter de lui 
mesurer le crâne, au lieu de prendre des informations ». 

Leîs incriminations changent; tel fait qualifié crime 
aujourd'hui ne l'était pas autrefois. Y avait-il alors, y 
a-l-il maintenant des signes corporels d'une prédisposition 
à ce fait ? « Il y a sans doute, répond-on, les délits qui 
dépendent de nos conventions ; mais il y a des délits 



(1) 30 juin 1886, SuUa scuola positiva del diriito pénale in lialia. 



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- H5 - 

naturels; comment les reconnaître »? Si ce n'est pas uil 
délit naturel de tuer ses propres enfants, fait commandé à 
Sparte au père qui avait des enfants contrefaits, fait 
permis à Rome, où en trouverons-nous un? La nature 
devrait, par la déformation du crâne et du corps chez les 
délinquants, seconder docilement les variations des lois 
humaines ; ce n'est pas ce qu'elle fait. 

Un grand nombre de médecins nient qu'il soit possible 
de discerner par les seules lumières de Tanthropologic, des 
malfaiteurs mêlés à des hommes honnêtes. Le cerveau de 
riiomme sain ne diffère pas de celui du fou, même pour 
celui qui le tient sous la main et Tétudie au microscope ; 
qu'est-ce donc, lorsqu'il est dans la boîte osseuse ? 

En supposant l'anthropologie beaucoup plus sûre qu'elle 
ne semble l'être, on trouvera qu'elle peut rendre de grands 
services à l'hygiène, à la médecine aliénisle, qu'elle peut 
faire prévoir, permettre même de prévenir certaines mala- 
dies. Il n'y a là rien pour le droit pénal : « Personne 
assurément ne prétend qu'un homme doive être arrêté 
uniquement parce qu'il a le crAne allongé ou déprimé, les 
mâchoires avançantes, les oreilles retombantes, les bras 
longs, un sourcil plus haut que l'autre. La nouvelle école 
est tout entière d'accord pour maintenir, avec tout le 
monde, que la perversité ou, comme elle dit, la qualité 
d'être dangereux doit se manifester par le délit pour qu'on 
puisse prendre des précautions contre un homme ». Une 
fois le délit commis, une fois la qualité d'être dangereux 
révélée par un fait externe : « Quel usage voulez-vous 
faire de l'anthropologie ? Prétendez-vous vous en servir 
pour un complément de preuve? Consentirez-vous, par 
exemple, à ce que le ministère public vienne dire : Mes- 
sieurs les jurés, l'accusé n'a pas avoué et les indices qui 
le chargent ne suffisent pas pour engendrer dans vos 
esprits une conviction absolue, mais les médecins experts 
l'ont examiné ; ils lui ont trouvé un angle facial de tant 
de degrés et un crâne d'une forme irrégulière. Regardez-le 
en face ; son front est bas, ses cheveux hérissés et plantés 
au milieu du front, son teint foncé, son regard est de 



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- 116 — 

travers, ses bras longs, il est taloué. Eq outre, son père a 
subi une condamnation pour vol et est mort dans une 
maison de fous. Les signes corporels et Thérédité com- 
plètent la preuve insuffisante par elle-même, de sorte que 
vous pouvez tenir pour certain que cet homme est cou- 
pable et le déclarer tel. — Je crois qu'il n'y aurait 
personne, môme dans la nouvelle école, qui approuvât un 
tel discours ». L'auteur suppose ensuite un président qui, 
à son tour, dans la chambre, du conseil, s'appuie sur 
d'autres signes pour empêcher la réduction de peine que 
sollicitent les circonstances atténuantes les plus mani- 
festesj et qui ne convainc personne : « Si cette anthropo- 
logie ne peut être employée aujourd'hui, ni comme moyen 
préventif, avant le délit commis, ce dont l'école convient, 
ni après, pour fournir, soit un complément de preuve, 
soit des circonstances aggravantes ou atténuantes pour la 
mesure de la peine, je ne parviens pas, malgré tous mes 
efTorts, à voir quel usage on en peut faire dans le droit 
pénal, et je crains beaucoup que les autres ne le voient 
pas mieux que moi ». 

2*> Le dissentiment porte en second lieu sur cette impu- 
tabilité ou responsabilité personnelles qui, d'après tous 
les criminalistes, a ne peut exister que si la personne a 
agi en connaissance et avec liberté », que M. Ferri cherche 
bien à maintenir, mais en niant la liberté. 

Après avoir maintenu le raisonnement qu'il avait fondé 
sur la substitution de la responsabilité dans l'intelligence 
à la responsabilité dans la volonté, M. Gabelli insiste sur 
la nécessité de mettre la loi d'accord avec la conscience, 
f guide pratique de la vie ». Mais que deviennent les droits 
de la science et de la vérité ? Si la conscience se trompe, 
ses erreurs s'imposent-elles à la loi ? Fallait-il laisser 
subsister les peines d'autrefois contre les sorciers, les 
bûchers et la torture, pour respecter les préjugés de la 
conscience publique ? Sans doute il faut remercier et 
glorifier ceux qui se sont élevés contre des institutions avi- 
lissantes pour l'humanité; mais, au moment où ils les ont 
combattues, « il n'y avait plus de péril et les institutions 



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— 117 — 

même ne répondaient plus à la conscience publique. Autre- 
ment, malgré un, deux ou dix penseurs solitaires, elles 
auraient continué à subsister ». Peut-on comparer avec 
ces erreurs le sentiment de la responsabilité individuelle 
fondé sur la supposition de Ja liberté, que nous trouvons 
dans toutes les consciences ? Est-ce que ce sentiment est 
nuisible à la vie sociale, est il urgent de l'extirper, qu'a- 
t-il d'humiliant ? Que gagnera- ton à supprimer cette 
sentinelle inquiète ? Mais la science y voit une erreur. — 
Qu'elle prouve d'abord l'erreur, clairement, d'une façon 
efficace, à la portée de tout le monde, comme jadis on a 
combattu la sorcellerie et la torture ; elle en est très loin, 
car, s'il n'est pas sûr que l'homme soit libre, il n'est pas 
du tout hors de doute qu'il soit un automate ». 

D'après M. Maino, M. Ferri ne détruit pas la responsabi- 
lité; il ne fait que substituer celle de la société à celle de 
l'individu ; la société est naturellement dans la nécessité 
de se défendre contre le tort qui lui serait causé, sans avoir 
égard à une faute morale : théorie « qui nous transporte 
à des milliers d'années en arrière, aux débuts de la vie 
civile, rendant inutile le long et fatigant chemin qui a 
conduit l'humanité aux idées qu'elle a, aux conditions où 
elle se trouve aujourd'hui ». M. Gabelli la réfute en mon- 
trant toutes les difiérences qui séparent le droit de punir 
du droit de défense : « Sans doute la peine est une défense 
sociale, et c'est, on le sait, comme telle qu'elle a été pré- 
sentée par les écrivains les plus accrédités et les plus 
autorisés. Cette défense même est la vraie, l'unique raison 
qui la justifie, parce que, si l'on met la défense décote, les 
hommes n'ont pas le droit de s'ériger en jugés de leurs 
semblables, ceux-ci eussent-ils commis le mal. Si l'on 
appelle la peine une défense, c'est évidemment parce qu'il 
y a de l'analogie entre cette défense, artificielle, pour ainsi 
dire, de la société, et la défense naturelle par laquelle 
chacun pourvoit à sa propre sûreté ». Mais il ne faut pas 
aller jusqu'à les confondre; les difiérences, que l'auteur 
indique avec soin, sont trop nombreuses. La peine a des 
fins multiples ; il est impossible de les réduire à l'unique 



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- 118 - 

idée de défense directe contre le malfaiteur, il faut bien 
que la peine, infligée après l'acte commis, quel que soit le 
repentît- tlu coupable, si résolu qu'il soit A ne pas reconi- 
mencer; ait aussi une fin de déft^nse indirecte, qu'elle serve 
à H rendre effective la menace de la loï, sans quoi celle-ci 
perdrait son efficacité et le nombre des malfaiteurs croî- 
trait à Tinfini » ; la défense directe peut manquer dans 
certains cas, la défense indirecte ne fait jamais défaut lor«i- 
qu*oïi prononce une peine : « Comment atteindre ce but, 
le plus essentiel, si on le laisse de c6lé pour ne s'occuper 
que de la défense directe contre le malfaiteur »? Ce qu'il 
y a de plus fâcheux, c'est que l'assimila tîou du malfaiteur 
au fou enlève à la peine'le caractère ignominieux, qui fait 
une grande partie de sa force. L'un, comme Tautre, n'aura 
eu qu'un malheur. La notion, dttjà trop obscurcie du juste, 
va s'éteindre tout à fait. Sans doute les tribunaux se trom- 
pent souvent quand ils recherchent, quand ils apprécient 
la responsabilité morale. Faul-tl ajouter aux chances 
d'erreur? 

tf On dira que la nouvelle école n'accepte pas toutes les 
cooséquences de ses principes. Mais, en fait, si elle admet 
des peines plus ou moins graves, elle entend les mesurer 
au plus ou moins grand danger que présente le délinquant. 
Et d'où vient ce danger, si ce n'est de rintention criminelle 
ou de la perversité qu'on cherche dès maintenant à recon- 
naître et à déterminer? El d'où peut on les déduire, si ce 
n'est du fait et des circonstances qui l'on accompagné? La 
nouvelle école a beau dire qu'elle s'appuie sur les condi- 
tions psifchiques anomales. Ce sont des mots. Comment 
prétenii^on découvrir ces conditions psychiques, c'est-à- 
dire lire dans l'àme d'un délinquant? Serait-ce à l'aide de 
ranthropologie? Mais alors fautil attendre qu'un homme 
ait commis un délit pour protéger la société contre lui ? 
Vous avez, de votre propre aveu, besoin de ce fait extérieur 
qui vous révèle le caractère de son auteur, et ensuite vous 
prétendez lire au fond de son îiuïe, en laissant de côté ces 
autres faits où se révèlent cependant ses inclinations et 
son caractère! Si vous avez cette habileté, il fallait Tem- 



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— H9 — 

pêcher de commettre son délit, préserver la société d'un 
dommage en le préservant lui-même d'une peine; il ne 
fallait pas attendre qu'il eût failli pour le condamner 
ensuite, en usant de données étrangères au délit lui-mènie, 
qui. existaient auparavant. — Ajoutons que, lorsque la 
peine est mesurée d'après les circonstances «le fait qui ont 
accompagné le délit, qui le qualifient, qui lui donnentp 
pour ainsi dire, son entité, elle est proportionnée à quel- 
que chose de prouvé et de notoire, qui met la peine elle- 
même en harmonie avec la conscience publique, dans des 
conditions données de temps et de lieu. Mais c\ quoi répond- 
elle quand elle s'appuie sur des conditions psychiques 
déduites des signes de son corps, de la pliysiononiie, de 
l'hérédité, et constatées au moyen d'un jugement médical ? 
Pour qui sont-elles sûres et claires, si Ton trouve diflîoile- 
ment deux médecins qui tombent d'accord, môme sur les 
maladies physiques? Qui peut avoir la conviction qu'elles 
constituent la raison d'une peine plus douce cm plus forte ? 
Quelle impression produira sur les autres une peine mesu- 
rée de cette manière ? Qui pourra comprendre et respecter 
cette justice. . . ? Mais le plus difficile est toujours decoin- 
prendre quelle est l'utilité pratique à laquelle prétond toulr^ 
cette révolution. . . Je vois que, eu s'appuyant sur le clora- 
mage matériel, on étend la responsabilité envers le pou- 
voir social jusqu'à y comprendre les fous eux-mêmes. Mais 
quels sont proprement les fous qui constitueut un périt 
pour notre société ? Certainement, si l'on prend pour fous 
tous ceux qui commettent des délits, en tant qu'ils ne se 
font pas une idée claire du monde et cèdent à Tillusion 
d'un intérêt momentané et faux, qui les empêche de com - 
prendre le vrai, il faut biçn déclarer que les fous eux- 
mêmes sont responsables, sans quoi une loi pénale serait 
inutile. Mais, si par fous on entend, selon le langage com- 
mun, ceux qui ne se rendent pas compte de ce qu'ils font, 
on ne voit pas à quoi sert de les déclarer respcmsables, 
puisqu'un fou ne s'abstiendra jamais de faire ce qu'a fait 
un autre fou en pensant que celui-ci a été puni ». Ainsi la 
principale fin de la peine fait défaut, et avec elle ce qui 



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— 120 — 

rend la peine utile et juste. La société ne s'en tiendra pas 
moins en garde contre les fous; elle les enfermera, mais 
uniquement pour les empocher de nuire et non pour les 
punir. 

M. Gabelli n'insiste pas sur la classification des délin- 
quants, l'accord n'ayant pu s'établir à ce sujet entre les 
théoriciens de l'école, ce qui montre bien qu'il n'y a pas de 
signes certains pour déterminer les catégories, et colles-ci 
n'offrent d'ailleurs aucune importance en pratique : « S'il 
y a une école à laquelle ces divisions en classes, filles de 
l'esprit humain, devraient répugner, c'est précisément celle 
qui se propose de mettre dans l'étude du délinquant un soin 
plus diligent et plus minutieux qu'on ne l'a fait jusqu'à 
présent », qui d'ailleurs avoue que cette étude avait tou- 
jours été négligée et qui devrait attendre pour présenler 
des conclusions définitives. 

L'auteur conclut en approuvant la nouvelle école d'avoir 
entrepris la lutte contre un doctrinarisme de convention, 
qui séparait la science du monde réel, et, prétendant la 
déduire de principes innés dans la conscience, se mettait 
en opposition avec la réalité, mais en lui reprochant de ne 
s'être pas bornée ù employer dans cette science, toute 
morale, la méthode d'observation qui avait produit de si 
beaux fruits dans les sciences physiques, d'y avoir trans- 
porté ces sciences elles-mêmes, d'avoir pris des coïnci- 
dences, qui peuvent ùtre accidentelles, pour des connexions 
nécessaires de cause à effet, appuyé sur de simples analo- 
gies les conclusions les plus audacieuses, tiré d'un petit 
nombre de faits des lois qui devraient être éternelles, 
échangé prématurément une vérité prouvée contre une 
supposition, un présage, un soupçon, en employant, pour 
assaisonner le tout, la terminologie des sciences physi- 
ques, qui peut faire illusion, mais qui n'est pas exacte, en 
tant que le caractère des faits auxquels elle se rapporte 
n'est pas le même. L'ancienne école cherchait à flatter la 
vanité humaine, la nouvelle s'attache à tout ce qui peut la 
rabaisser, « et à l'ancienne métaphysique, dissipée et mise 
en fuite, en succède une nouvelle, d'autant plus dange- 



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— 121 — 

reuse, celle-ci, qu'elle se dissimule davantage, sous des 
formes et sous des apparences qui ne pernielteal pas tou- 
jours ni à tous de la reconnaUie »» 

Après avoir montré que Textcnçion prise par la crimi- 
nalité en Italie doit être attribuée, non aux principes de 
l'école classique, mais à des circonstances loules spéciales^ 
toutes relatives, les unes qui dalent do Taocien régime, 
les autres, qui* appartiennoiil au nouvcnu. M* Gabelli fait 
la part de la nouvelle école dans les rôf ormes utiles qui 
pourraient être réalisées eu praliquc : suppression des 
textes législatifs, qui admettent une moilié de responsa- 
bilité, institution des maisons d'aliénés crimînL'Is, niodifi- 
cation de la loi en ce qui touche le jeune âge, le régime 
pénitentiaire, suppression du jury, toutes réformes qui, 
d'ailleurs, n'entraînent nullement la condamnalion du 
système qui a présidé à rétablissement de notre droit 
criminel et qui donne satisiaclion à la cooscience publique 
dans son état présent. 



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CHAPITRE CINQUIÈME 



M, Emilio BRUSA 



M. Emilio Biuga, dont renseignement illustre aujour- 
d'hui Tuniversité de Turin, ouvrait, il y a dix ans, un 
cours à l'université d'Amsterdam. Il se déclarait < disciple 
convaincu de l'école italienne » et a de son plus grand 
représentant actuel, le professeur Carrara, de Pise ». Eu 
effec, il disait : a Excepté les écoles surannées, qui se rat- 
taclieut à l'idée de vengeance, d'intimidation, de défense 
sociale, et dont les deux dernières ne cessent pourtant pas 
de compter des défenseurs, aujourd'hui la plupart des 
savants semblent se décider pour un principe foncièrement 
égal, bien que divers par sa forme : c'est la protection de 
Tordre juridique », et plus loin : « Pour préserver la loi 
morale et juridique du danger commun aux théories empi- 
ristes ou matérialistes, pour lui assurer une base réelle- 
inenl solide et à l'abri de tout arbitraire, il suffit de lui 
accorder sa place naturelle dans la conscience intime de 
l'homme » (1). 

Deux ans après, c'était à Turin que professait M. Brusa; 



(1^ De ia Bcitftùe en général et de Vécole pénale italienne enparticuUêr 
— Z>iscours d'mtrh, lu le 16 février 1878, p. 4, 16, 18 



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— 123 — 

repoussant également la qualification de matérialiste et 
eelle de spiritualiste, il n'acceptait que celle de critîcistet 
pour marcher dans la seule voie où liberté, morale, devoir 
et droit pussent trouver le salut; il défendait la liberté 
murale contre Tintolérance du déternilnisme et du positi- 
visme : « Il s'agit, disait-il (1), d'ouvrir les yeux, d'exami- 
ner les périls dont une doctrine déterministe, qu^elte soit 
ou non protégée sous les grandes ailes de la philosophie 
naturaliste en vogue, menace... les ecieuces morales et 
juridiques, et particulièrement celles qui traitent du droit 
criminel ». 

M. Brusa résumait ailleurs (2) sa doctrine : il défendait 
toujours la liberté contre des attaques qu'il trouvait à la 
fois étonnantes et dangereuses : « Ce n'est pas, dtsait-il, 
avec de si audacieuses propositions que la science du droit 
criminel peut se réédiûer sur une base positive, comme on 
a l'habitude de le donner à croire ». La liberté est le * fon- 
dement nécessaire de la responsabilité en général et de la 
pénalité en particulier ». 

Le savant professeur n'a fait que poursuivre son oeu* 
vre, en publiant un nouveau livre sur le nouveau 
positivisme dans la justice pénale (3). Une large intro- 
duction nous fait connaître son dessein. Le prodigieux 
essor que les sciences ont pris de nos jours aide le positi- 
visme à franchir les bornes de la théorie pour pénétrer 
dans la pratique, et c'est sous une nouvelle forme qu'il 
aspire à s'étendre ainsi. En quoi consiste ce nouveau 
positivisme? Il n'est pas facile à définir : « Mais, dit 
M. Brusa (4), ce n'est pas à moi (full faut imputer un 
défaut de précision, et d'ailleurs mon projet môme était 



(1) La morale e il diritto criminale al limbo. ~ Discorso inauguraU, 
8 mars 1880, p. 17. - Conf. p. il et 12. 

(2) Apprunli per una introduzione al corso di diriilo e procedura 
pénale, v. not. p. 37, 55, 57. 

(3) Sul nuovo positivismo nella gutstizia pénale. -^ Rifle^sioni di un 
eriticista, che preferireble il vecchio, — Turin» 1887. 

(4) Page xn et suivantes. 




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— 124 — 

et est d'examiner ce que les réformateurs de la justice 
pénale entendent aujourd'hui par cette expression, avec 
rintention de faire honneur à leur système ». Il y a une 
« guerre engagée contre le principe de responsabilité 
morale dans le délit et contre les notions de droit de j)ro* 
cédure pénale qui en dérivent logiquement dans la légis- 
lation et dans la pratique des juges ». Le meux positivisme, 
celui des déterministes anglais, avait au moins sur le nou- 
veau cet avantage qu'il « maintenait la responsabilité 
morale et l'obligation, dans des vues, il est vrai, pure- 
ment utilitaires. Des divers positivismes, c'est celui que 
je préfère. — Il reste entendu cependant (et tout le livre 
doit le démonter) que, en fait d'obligation, de justice, 
de responsabilité morale, je reste ce que j'ai été de tout 
temps, un criticiste ». M. Brusa distingue, on le voit, 
parmi les différentes doctrines qui prennent le nom de 
positivism ej il e n compte jusqu'à six. La plus dangereuse, 
c'est ceTîequi s'intitule le nou'c mu positivisme , parce que, 
tout en prétendant qu'elle s'en tient strictement aux faits, 
elle confond le parti-pris d'un système avec la réalité, 
au grand préjudice des principes sur lesquels repose la 
société , c'est l'ennemi qu'il faut combattre pour main- 
tenir ces principes. 

Le système repose en effet sur cette idée préconçue, ou, 
pour mieux dire, sur cette pure hypothèse que l'invariable 
nécessité des actes humains peut être prévue d'après la 
connaissance des éléments qui leur donnent naissance (1). 
Sans doute la psychologie appliquée peut et doit faire des 
progrès « et, avec elle, la connaissance empirique » de tout 
ce qui concourt à former les caractères humains et les réso- 
lutions individuelles. Mais de là il y a bien loin à conclure 
que ridéal de la science soit de prévoir tous les actes, tous 
les événements, que produira un ensemble de conditions 
préexistantes, que, en principe, toute chose future soit 
susceptible de prévision, sauf à l'homme à ne pouvoir. 



(1) Pages XX et suivantes. 



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— 125 — 

dans la pratique, arriver à un tel résultat : « La fantaisie, 
dit M. Brusa, ne résiste pas à Teflort titanîque d'une telle 
hypothèse, et Thypothèse se résout en une création méta- 
physique dont le /îa(... n*est plus lui-mûme qu'un écho, 
récho universel du déterminisme scientifique lui même y^. 
Il n'est pas plus facile de démontrer la causation absolue 
m infinitum, c'est-à-dire, renchaînemcnt indéfini des 
causes aux effets, que la liberté elle-môme. Pourquoi donc 
adopter la première plutôt que la seconde? Pourquoi 
ériger en axiome ce mécanisme universel inconciliable 
avec Tordre moral ? 

On peut, d'ailleurs, accuser la nouvelle école d'in- 
conséquence, lorsqu'elle maintient la peine, en niant la 
liberté : « La peine n'est plus alors un châtiment réproba- 
teur du mal moral; c'est une simple soulîrance, qu'il 
s'agira de représenter aux instincts et aux fantaisies, in- 
conscients ou incapables d'opérer librement une diversion 
qui les détourne des tendances dangereuses; celte souf- 
france se résout en un simple moyen de défense contre les 
hommes qui sont à craindre » (1). 

Le système s'appuie sur la statistique, on peut même 
dire qu'il lui doit naissance, car ce sont les tableaux et les 
calculs qui ont frappé les imaginations : (t Et de là^ par un 
mouvement improvisé et rapide, l'attention alla se fixer 
sur les notions mêmes de délit et de responsabilité morale. 
Les inductions sans mesure, les systèmes philosophiques 
à la mode persuadèrent qu'on pouvait, qu'on devait s'en 
prendre à ces notions mêmes, et donnèrent Tespérance 
d'en triompher » (2). 

L'auteur trouve qu'on a singulièrement abusé de la sta- 
tistique. «L'homme de la statistique, dit il uu peu plus 
loin (3), celui qui, en moyenne, sur un certain nombre 
donné, est tous les ans coupable d'un délits est, sauf la pér- 



il) Page XXXII. 
(•2) Id, XXXIII. 
(3) Id, xxxvi. 



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- 126 - 
mission des nouveaux positivistes de la justice pénale, 
prôts à taxer d'abstractions métaphysiques les notions de 
délit et de responsabilité morale, est, disais-je, en réalité 
une abstraction. . . Qu'il doive y avoir, qu'il y ait un indi- 
vidu, sur un certain nombre, qui, par l'efîet dune con- 
stante influence exercée sur chacun de nous, se rende 
Tauteur d'un délit, cela se comprend très bien ; cet homme, 
c*est dans les couches inférieures de la société que vous le 
trouverez le plus facilement. Mais la moyenne statistique 
ne nous révèle rien de plus. Elle ne nous dit pas notam- 
ment que cet homme, qui, sur un nombre donné, se rend 
coupable, ^ii été individuellement, lui, déterminé au délit, 
sans pouvoir faire autrement. C'est là, et c'est là seulement 
qu'est le problème de la moralité et de la liberté pratique, 
La cause abstraite des actes individuels, considérés dans 
leurs moyennes approximatives et dans leurs résultantes, 
est tout autre chose que la cause active et concrète d'un 
acte individuel concret ». 

Quelles que doivent être un jour les découvertes de la 
science, la complète connaissance de ThomniCt si jamais 
il est donné à l'homme lui-même de l'acquérir, peut dé- 
mentir aussi bien que confirmer les divers systèmes qu'a 
fait édifier une connaissance encore insuffisante. Dans 
rincerlitude où Ton est sur ces révélations toujours dou- 
teuses d'un avenir si éloigné, ne faut-il pas choisir, parier 
pour celle des méthodes qui, en attendant, nous otîre en 
ce monde les plus grands avantages? «Or ratlirmatîoa 
libre d'un ordre moral dans le monde, au-dessus des phé- 
nomènes sans moralité, présente l'incomparable avantage 
de satisfaire à un sentiment actuel qui a la plus grande 
elTicacité pour nous permettre d'obtenir ensuite ce que 
nous désirons... — Quanta l'ordre moral, le nomma 
posiiivisme n'est pas encore assez matérialiste pour le nier 
entièrement dans les institutions civiles et dans les rap- 
ports sociaux. Il prétend quelquefois, à tort, comme on 
sait, avoir dans les moyennes statistiques une des diver- 
ses preuves delà nécessité absolue, maïs le plus souvent 
il n'a pas cette audace. C'est que nous ne pouvons pas 



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- 127 - 

comprendre comment une personne jugerait un acte mau- 
vais sans le déplorer au moment où il est commig, ni 
comment elle éprouverait ce déplaisir, si elle n'admettait 
pas en même temps qu'un acte bon était possible aussi. La 
science a beau enseigner que le sentiment de deux pos- 
sibles simultanés dans le moment de la délibération est 
une illusion, une superstition héréditaire, et que le pro- 
cédé de la sélection se charge de le réduire peu à peu dans 
les bornes les plus étroites, pour arriver à le faire dispa- 
raître complètement. La science a beau répéter que Pacte 
bon, qui était possible, ne s'étant pas réaligé^ était vrai- 
ment impossible. .. L'homme... (init par agir, par se 
comporter dans les jugements et dans les actes pratiques 
tout comme le peuple, qui prouve sa foi à la réalité du 
libre arbitre, en exprimant son déplaisir, sa douleur, sa 
réprobation, en condamnantles actes qu'il trouve mauvais, 
quand ils sont accomplis et quand il se les représente 
comme possibles » (1). 

Ainsi sont atténués dans la pratique les dangers que 
présentent les systèmes philosophiques contraires à la 
liberté, atténuation insuffisante d'ailleurs, car, si le monde 
souffre de quelque chose, c'est de ce que la croyance à la 
liberté n^est pas assez ferme. 

M. Littré lui-môme a fini par faire rentrer la liberté 
dans un système où il semblait qu'elle ne diU pas trouver 
place. Diaprés lui (2), « un homme est libre de s'enivrer 
ou de ne s'enivrer pas ; mais, une fois réduit à l'état d^é- 
briété, il n'est plus libre de résister aux impulsions pro- 
duites par cet état. L'homme est libre d'accroître les 
motifs de sa conduite en fortifiant par l'habitude ceux qui 
portent au bien; mais, une fois qu'ils existent, les motifs 
ont une force nécessitante. Cette franche conlessioo n'en 
suffit pas moins pour rendre possible une loi morale ^ qui 
n'aurait pas auparavant trouvé de fondement quelconque. 



(1) Pages XLi et soldantes. 

(9) Id. XLVIII. 



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- 128 - 

Ce sera une loi utilitaire, admettant des sentiments Dobles, 
élevés; ce sera Taltruisme, ou quelque chose de sembla- 
ble, mais ce sera une loi possible en pratique *, Ce n'est 
pas que cette doctrine ne présente un vice et un vice ra- 
dical, plus sensible encore dans ta h^gislation et dans 
l'administration de la justice que dans l:i logique et dans 
la spéculation. C'est une liberté embarrassante que celle 
qu'on trouve dans la formation des motifs, qu'on ne 
trouve plus après les motifs formés : que fait-on de la res- 
ponsabilité ? Celle-ci disparaît au moment où s'accomplit 
Tacte préjudiciable ; pour la saisir, i! laut remonter plus 
haut, beaucoup plus haut peut-être dans la vie de ragent, 
interroger bien des moments passés depuis longtemps, en 
quantité innombrable, où se sont produits des faits qui 
n'attiraient pas l'attention et ne laissaient pas de traces. 
«Avec une telle conception, les précédents intimes qui bles- 
sent la moralité. . . deviennent l'unique bise de l'imputa- 
bilité et de l'imputation criminelle, le jour où la détente 
finale présente un péril effectif ou une lésion de droit con- 
sommée... Ou l'inculpé n'est jamais coupable, ou il Test 
aussi en raison des actes intimes dont il ne devrait répon- 
dre qu'à sa conscience morale et> dans certains cas, aux 
exigences utilitaires de la prévention sous un bon gouver* 
nement ». On applique dès lors au droit criminel des prin- 
cipes exclusivement propres au droit civil; «En somme, 
la justice réparatrice et la prévention se confondent avec 
le droit répressif, sans qu'on aperçoive le moyen de faire 
la distinction. La responsabilité, tout en restant morale 
par la présence de la liberté dans la formation des motifs, 
devient toute fictive (si bien qu'on ta qualifie sociale par 
opposition à morale) dans cette partie des anneaux de la 
chaîne où devrait commencer à paraître le caractère de 
la responsabilité juridique, essentielle et spécifique en 
droit pénal». 

On revient toujours « en dernière analyse, à la respon- 
sabilité morale supposée dans toute la vie pratique, et, 
par suite, dans toutes les institutions politiques et judi- 
ciaires... nonobstant l'ingénieuse et féconde élaboration 



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d'uae [)hilosopbie du caractère intJividpe! ». Oo a uae 
théorie; mais, dans la pratique, on n'iie^sile pas ïi s'eu sé- 
parer pour le temps présent. Aujourd'hui « il s*agil seule- 
ment d*exercer des influences utiles et de les exercer sur 
dm êtres qui se croient constituésspécifiquemeut, qui par 
conséqueut agissent comme s'ils avaient en principe une 
iacullê cnracLéristique et propre, c est-à-dire la volonté 
libre. Alors se comprend, en pratique, la double sphère 
d'action : l'une, pour les mesures de prévention et d'édu- 
cation générales et spéciales, prises du dehors, alln de for- 
tifier les bons caractères, de corriger les mauvais ; Tautre, 
pour les mesures de répression et de rétriJbuLion générales 
et spéciales, prises aussi du dehors, devant produire des 
effets semblables sur des caractères diiïérentSj en vue de 
donner au sens moral de la justice la satisfaction qu'il 
attend. — En peu de mots, il reste l'homme dangereux, le 
délinquant ; mais il reste aussi )e délit, comme être juri- 
dique, 11 reste le péril, comme phénomène juridico-politi- 
que ou seulement politique, et non pas comme phéno- 
mène exclusivement pèdagogico-social et pédagogico-in- 
dividuel ». 

M. Brusa résume (1) tous les reproches (|u'il fait au 
nouveau positicUmi' dans un reproche général, celui de 
f( s'être trop défié des forces inhérentes aux facteurs indi- 
viduels, de les avoir même niées, le plus souvent en pa- 
roles, il est vrai, plutùt qu'en fait, en supposant qu'un 
caractère individuel est le produit exclusif des solidarités 
naturelles et sociales : Je ne lui impute, ajoute-t-il, qu'une 
usurpalioo sur rinconnu, on si l'on préfère, un exercice 
arbitraire de ses droits supposés. . . » et plus loin (2) : « Le 
nommu posiUvàme dam la imites pénale a enfanté, eo 
grand nombre, les propositions de réforme ou dft boule- 
versement. Toutes, si je ne me trompe, aboutissent à cette 
erreur, qui est la réduction arbitraire des facteurs indivi- 



il) Page Lxii. 

(2} Id, LXIIK t 



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- 130 - 

duels des actes à la loi exclusive de la solidarité. C'est ce 
que nous voyons dans les inductions exagérées auxquelles 
donnent lieu les chiffres statistiques de la crîininalité, 
dans les elïorLs faits pour supprimer de la procédure crimi- 
nelle les garanties accordées a la légalité, à la liberté 
civile, dans la double substitutîoû, que tout le nioude 
connaît désormais, de la qualité d'homme dangereux chez 
un individu au crime moralement imputable, réellement 
tenté ou consommé par lui, et de la sélection arlîficielleau 
chAtimenl réprobateur du méfait ». 

Au cours de Tannée 1888, M. Brusa a lait paraître un 
bel ouvrage dédié à la mémoire de M, Carrara (1); en y 
exposant sa doctrine, il y a de nouveau rencontré celle 
qu'il avait déjà combattue, et il a recommencé la lutte- 
Nous ne pouvons mieux faire que de Iradutre littérale- 
ment Tim portant passage ou il Texpose et la réfuie, 

« Une étude, dit-il (2), qu'un certain nombre de per- 
sonnes voudraient aujourd'hui subtîtuer au droit pénal 
proprement dit, d'autres à la politique criminelle ou à Ja 
police répressive, est ce qu*on appelle la sodologk^ crimi- 
arAlCj qu'on dénomme de préférence anthropologie crimî' 
ne lie BOUS le point de vue naturaliste. Mais, comme ces 
études ne font point partie de la science du droit pénal, le 
droit pénal n'en fait point partie non plus, et il y est en- 
core moins absorbé. Quelques tentatives qu'on ait faites, 
la science sociale ou sociologie est restée indépendante de 
la biologie. Cela est encore plus manifeste pour le droit 
pénal. La sociologie ou anthropologie criminelle s'entend 
aujourd'hui de telle sorte que le criminaliste att à y consi- 
dérer des aspects nouveaux ou plRcés plus haut qu*aupa* 
ra vaut, des recherches et des connaissances utiles ou néces- 
saires â la précention pénale, administrative, économique. 
Comme subsidiaires, le droit pénal en doit tenir compte, 
grâce aux étroites relations qui existent entre la prêven- 



[i) Prologemeni al diriUo penah. 
\2} Pages 17 ci saivantes. 



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— 131 — 

lio» des délits futurs et le châtiment des délits commis.. . 
— Pour la sociologie criminelle, le délit est un phénomène 
social, la peine ime fonclion sociale. Les idées de mérite et 
de démérite moral, de récompense, de châtiment et de 
peine ne seraient, dit-on, que le produit de révolution des 
mœurs, des intérêts et des circonstances, comme le prou- 
verait rhistoire des conditions diverses où s'est trouvée la 
sociélé aux époques les plus caractéristiques de sa civili- 
sation. — Gomme phénoinèm social. Je délit se présente 
sous des formes qui correspondent avec les moeurs, le 
milieu, etc. D'oii une recherche, par robservalion systé- 
matique des données statistiques, sur les facteurs qui ont 
coucourn à produire le délit et sur les moyens de le com- 
battre. Cela fera connaître la tendance au délit dans le 
sexe, dans Fàge, dans la profession, dans la nationalité, et 
permettra de déduire les causes déterminantes de la cri- 
minalité. Ces causes sont ou physiqufs {climat, nature du 
sol, etc.), ou sociates (alimentation, hygiène, instruction, 
situation économique, etc.), ou indivédudtes;de ces der- 
nières, quelques-unes sont innées ou héréditaires, d'au- 
très acquises ou habituelles, et d'autres occasionnelles 
(abus de Talcool, provocation, séduction, étourdcrie, etc.). 
Ainsi rintérét de la sociologie criminelle est la connais- 
sance, moins des délits que des caractères personnels des 
délinquants; elle distingue ceux-ci en délinquants de nais- 
sance, d'habitude, d'occasion ou de passion, plus simple- 
ment en incorrigibles ou incapables de s'adapter au milieu 
social et corrigibles on capables de s'adapter. Les facteurs 
naturels travaillent à produire les premiers, et contre eux 
la société est impuissante. Sa puissance varie davantage à 
regard de ceux qui sont corrigibles ; elle consiste spéciale- 
ment à améliorer l'éducation, ralimontation, le bien-être, 
surtout dans les classes ou la crinniialité poïlalc le plus 
facilement : en substance, il s'agit de la politique sociale. 
La sociologie criminelle déploierait sa plusgrande activité 
préservatrice sur les délinquants d'habitude et d'occasion, 
puisqu'il n'y a pas d'impulabilité pour les délinquants 
aés ou héréditaires, quoique les sociologues, à dire vrai, 



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— 132 — 

ne soient pas tous d'accord, ni pour nier rimpulabilité des 
premiers, ni pour admettre celle des seconds. Quelques- 
uns^ en efïet, nient absolument la notion d'impulabilîté ou 
responsabilité individuelle ; et, si ensuite il ne reste plus 
de place pour les notions de délit, de peine et de droit de 
punir, loin de s*en préoccuper, ils s'en réjouissent, parce 
quBj disent-ils, Thomme, en agissant, est déterminé et 
non pas libre, qu'il n'y a par conséquent ni mérite, ni 
démérite pour lui, qu'il ne peut y avoir non plus de justice 
morale. 

tt Comme fonction sociale, la peine , considérée dans les 
phases historiques à travers lesquelles s'en est lentement 
iormée la notion, depuis les formes primitives des asso- 
ciations religieuses, sexuelles ou pacifiques, jusqu'à la 
cessation de la vengeance ou à sa transformation en vraie 
peine d*État, apparaît comme un effet naturel, soit d'un 
instinct qui ne cesse de s'affirmer, soit d'une force physi- 
que qui ne cesse de se modérer, à mesure que l'expérience 
et les habitudes des associés portent à sentir quelque 
chose au delà du besoin immédiat de la réaction ou de la 
défense. Devenue en dernier lieu un intérêt social de 
rÉtal, la réaction acquiert le caractère de peine en vue 
d'un but de tutelle' publique, désormais réputé tel, calculé 
comme tel par la raison, but qui a conscience de lui-même, 
devenu un acte volitif et noii plus simplement ressenti 
comme un mouvement impulsif, jugement et non plus 
seulement coercition. La môme chose serait arrivée pour 
le délit» r^e délit, de simple conflit avec rinlérét public 
[ustînctivement et habituellement ressenti^ se serait peu à 
peu transformé en violation d'intérêts désormais rendus 
sacrés par la coutume, c'est-à-dire de biens juridiques 
protégés par des commandements, qui sont eux-mêmes 
munis de menace et qui par là forcent à robéissance. De 
cette manière, la peine, dans la sociologie criminelie, 
serait une pure coac lion plutôt qu'un châtiment pour un 
tort intérieur qui a causé un dommage extérieur. Elle est 
aussi indirecte, en tant qu'elle opère sur un coupable 
comme sur un moteur, et sert ainsi d'adaptation artifi- 



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— 133 — 

cielte pour lui à la société ; adaptation à poursuivre en 
faisant pénétrer dans Tànie de quelqu'un qui n'est pas 
adapté les passions sociales, et ces mêmes sentiments 
égoïstes que fait naître la peine, qui n'en sont pas moins 
capables de le tourner vers les tendances favorables à la 
société et propres à Taméliorer. La coaction est directe, 
quand elle s'applique dans sa forme mécanique, et ce n'est 
qu'une violeuce ; violence dont Tobjet est de rendre le 
coupable, pour un temps plus ou moins long ou pour 
toujours, impuissant à faire le mal. De là le séquestre 
comme moyen de sélection artificielle de l'individu socia- 
lement dêsadapté, sauf à le restituer à la société, s'il 
s'améliore ou s'adapte. Cela conlirme Tidée que la peine, 
entendue comme fonction sociale, tend uniquement iï com- 
battre les facteurs individuels du délit, en rendant inno- 
cents les coupables incorrigibles, en amendant ceux qui 
sont susceptibles de correction, et en intimidant les 
coupables d'occasion. 

& Tel est en résumé le programme de la science dite 
sociologie criminelle, au moins selon quelques-uns de sas 
partisans. Parmi eux, du reste, il faut distinguer ceux qui 
la rendent inconciliable avec les principes essentiels du 
droit répressif de ceux qui, moins exagérés, n'en font au 
contraire qu'une étude auxiliaire du droit môme. Quoi 
qu'il en soit, on peut très bien étudier la science du droit 
pénal, même sans la sociologie criminelle. Ceux qui s'en 
éprennent doivent prendre beaucoup de précautions pour 
maintenir intacts ces incomparables soutiens du droit 
pénal (par exemple, le respect de la chose jugée, la déter- 
mination légale de la valeur comparative des délits entre 
eux et des délits avec les peines respectives, etc.), qui sont 
la base de l'ordre social en matière de défense pénale. 
Nulle dilTiculté, d'ailleurs, à tenir compte du besoin de 
peines spéciales oli d'un traitement spécial pour les réci- 
divistes d'habitude ou de métier. Pour enseigner cette 
idée, pour démontrer que la police préventive doit aussi 
assurer la garde de ces fous dangereux, qui sont exempts 
de peines après avoir lésé autrui, il n'est besoin, ni de la 



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— 134 — 

sociologie, ni de ranthropologie crimiDelle, avec leurs 
principes propres, étrangers, contraires nièineâ ceux du 
droit de punir, tel que serait, par exemple, le principe do 
la sélection artificielle uni à une prétendue loi universelle 
d'évolution. 

« La distinction môme des coupables en corrigibles et 
iûcorpigibles, qui, au premier abord, semble clair j el assise 
sur des criteria certains, a le défaut énorme de substituer 
au précepte tutùlaire delà loi l'arbitraire souverain el sans 
contrôle de Thomme, juge ou expert. La distinction a sa 
valeur, et pour la police préventive, et comme moyen de 
rendre propre à l'éducation, s'il est possible, Texpiation de 
la peine, Kn droit pénal, cependant, il faut bien distinguer 
entre les offenses réelles au droit des associés, selon leur 
qualité et leur gravité, non, comme !e voudrait la socio- 
logie, d*après le caractère dangereux des coupables ou leur 
inaptitude à s'amender. Les caractères physiques ou psy- 
chiques qui peuvent signaler l'homme dangereux ou incor- 
rigible, sont des données dignes d'étude, parce qu'on en 
peut tirer parti dans la recherche relative au mal existant 
et aux moyens de le soigner, de le prévenir ou de le com - 
battre. Mais ces caractères n'ont en eux rien qui soit juri- 
diquement appréciable pour légitimer la réprobation cl U 
condamnation sociale; nous sommes même enrore très 
loin de pouvoir nous y fler, au moins comme à des auxi- 
liaires dans la preuve judiciaire, tant est profonde sur le 
sujet la divergence de ceux qui s'en occupent, et tant les 
cnierm d'appréciation sont hypothétiques. A rnoius qu'il 
ne se présente un de ces cas singuliers, à la délmition des- 
quels suffit la science pénale aidée des sciences diverses 
qui jusqu'ici lui ont prêté un puissant concours, de ces cas 
où raliènation mentale, la passion véhémente ou la pure 
imprudence viennent supprimer le délit, en diminuer beau- 
coup rintensité morale ou en faire une faute, tout indice 
qu'on érigerait en règle pour discerner les gens capables 
de s'amender de ceux qu'on veut enfermer absolumeul 
parce qu'ils ne peuvent pas s'amender, doit se réduire en 
grande partie à un critérium conjectural, aiterium qui 



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— 13îi — 

sert après que Ton est déjà certain de la culpabilité de 
TageDt, qui sert même amnt le délit pour surveiller par- 
ticulièramenl les gens dangereux, mais qui ne sert a peu 
près à rien pour démontrer si un individu est, oui ou non, 
l'auteur d'un délit, s'il est Coupable de l'iivoir commis. 
Quant au reste, d'une part, la médecine aliêniste a tou- 
jours su, plus ou m^îins bien, appliquer le nom d'infirmes 
d'esprit à ceux dont aujourd'hui ou voudrait fiiirc des cou- 
pables héréditaires ou nés ; d'autro part, pour nvoîr égard 
à i'intluence des passions qui aveuglent (colûre, peur, 
amour^ juiite douleur, etc.), à h manière imprudente ou 
négligente d'agir, pour déterminer les degrés dans le 
caractère dangereux des coupables, il a toujours snfii du 
droit pénaL 

ft Mais entre Tune et l'autre catégorie do délinquants 
ou hommes dangereux, il y a le nombre inrmimenl plus 
considéra hle de ceux que des caractères connai&Hablea â 
l'avance ne classent ni parmi les incorrigibles, ni dans le 
groupe de ceux qui peuvent s'amender. Même en llalie, 
comme d'habitude dans les pays méridiouaux , où les 
délits commis sous l'empire des passions sont certaine- 
ment beaucoup plus nombreux que dans les autres con- 
trées, infestées plul6t par les délits prémédités, par ceux 
d'habitude et de métier, cetle Kone intermédiaire s'étend 
très loin. L'es^stmtiet est que le droit pénal s'occupe du 
délit seulement comme fait imputable à l'individu^ et non 
comme indice du caractère personnel du coupable, de ce 
qui le rend plus ou moins dangereux. De môme le droit 
pénal s*occupe de la peine seulement comme d'un moyen 
de justice et de réprobation sociale pour le mal du délit, 
et non comme d'une des innombrables manifestations 
d'une prétendue loi d'évolution., 

« Il y a deux proportions qui sont des conditions néces- 
saires du droit répressif : 1*^ la proportion entre le mal du 
délit et l'imputation de ce délit à son auteur; 2« la pro- 
portion entre le mal du délit et la peine. Ces proportions 
doivent être concrètes; mais la sociologie criminelle ne 
saurait les réclamer, ni d'une manière abstraite, ni d'une 



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— 136 — 

manière concrète, parce que, tendant uniquement à adap- 
ter les coupables aux exigences sociales, si elle concourt 
avec le procédé de la sélection, elle n'a rien à voir avec 
de semblables proportions, qu'elle les rejette même comme 
des empêchements nuisibles à'ia poursuite de ses fios, qui 
appartiennent à la police plus qu'à la justice t, 



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CHAPITRE SIXIÈME 



M. Ll'ici LUCCHIiM 

/ ^emplicisH (anthropologie, psycbofogie et sociologie), — Il 
dirittopmale (Essai critîciuej (t). 



C'est ea iSS2 que rémîaent professeur de l'Université 
de Bologne, directeur de la îiivî s ta pénates a publié sod 
Essai critique sur la simplification tentée du droit pénal 
par rantlipopologicp la psychologie et la sociologie. Il était 
déjà au premier raog parmi les partisans de la résistance^ 
mais il lui a paru nécessaire de faire un travail d'en- 
semble, de donner un travail définitif sur cet ensemble 
d'assertions contraires à celles qui sont généralement 
reçues, depuis la négatiou du libre arbibre jusqu'à la 
configuration antbropologique du délinquant, depuis la 
classification des coupables jusqu'au principe répressif de 
rélimination, depuis le retour aux soins préventifs, legs 
chagrinant des basses époques, jusqu'au renouvellement de 
la procédure inquisitoriate (2). Cet essai répondait à un 
désir très répandu, non seulement en Italie, mais encore 
dans d'autres pays ; on réclamait un examen attentif des 
thèses soutenues par Técole anthropologique de droit 
pénal, une critique complète et sans préjugés, qui en 
reconnût la légitimité ou Terreur, qui dissipât Tincer- 
titude attachée d'ordinaire à des doctrines nouvelles. 



(l) Ouvrage traduit en f cannai» sûqs le litre : Le Droit pénal ëI les 
nouvelles Théories, par M. Iberli Prud*liomine , .-^abatilut du procorear 
de ta République k Sens. Paris, Ptction , rae Soufflot, ^1. 

(j) / s^mpiicisti, préface, p. vi et p. S79, 



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— 138 — 

L'école, avant d'être connue, s'était composé tout un 
système, fort habilement construit, présentant, surtout de 
loin, l'aspect d*un édifice scientifique à bases solides, aux 
lignes harmonieuses et bien proportionnées. Cette science 
nouvelle obtenait le respect, grâce a un appareil d'érudi- 
tion emprunté à toutes les branches du savoir humain, 
cartes, cartogrammes, diagrammes, photographies, avec 
des oracles fournis par l'anthropologie^ la biologie, l'ethno- 
graphie, la pathologie des maladies mentales, avec un 
cortège de crânes et de cerveaux , avec tout ce qui peut 
frapper l'imagination et en même temps donner rjliusîon 
d'un examen approfondi, pénétrant pour la première fois les 
réalités les plus secrètes des phénomènes de toute nature. 

Sans doute, il y a toujours place pour le progrès dans le 
droit criminel; mais, en tout ordre de faits et de science, 
la condition du progrès est une évolution partielle: a On 
pourrait déjà regarder comme condamnées préjudicielle- 
ment des doctrines qui se donneraient évidemment pour 
fin de changer la face des institutions sociales et des choses 
de ce monde ». 

La nouvelle école a pris pour base des thèses et des 
postulats « tirés des sciences plus ou moins nuturelles, 
qui ne se fondent pas toujours sur les faits et que les faits 
sont loin d'avoir encore démontrés comme vrafs et positifs; 
en second lieu, elle a fait sortir Tétude du droit criminel 
de son domaine propre, l'a transformée en une ency- 
clopédie dont le caractère scientirmue, pour ne parler 
point d'autre chose, est en contradiction avec la direction 
qui gouverne le développement sérieux et efTicace du savoir 
humain, en le conduisant à la spécialisation. Lorsqu'on 
inféode le droit pénal à l'anthropologie, il me parait en 
effet qu'on le fait tomber dans le mi^me goufïre od va se 
perdre la psychologie confiée à la physiologie» Ceux qui 
professent avec le plus d'éclat cette dernière science 
reconnaissent qu'elle est encore très imparfaite » (1). 



(1) I semplicisti, priHace, p. xi. 



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— 139 ~ 

A ce premier vice de la nouveUe école s'en ajoute un autre : 
l'étude des délits et des peines est transportée de la scieuce 
juridique dans ]a grande mer de la sociologie. C'est une 
grave erreur de croire que le droit crimitiel soit un 
chapitre d« la sociologie. Sans doute, celle-ci s'occupe des 
peiueSf des crimes et des délinquants ; mais la psychologie, 
rhistoire, Thygiène, radministration s'en occupent aussi : 
« parce qu'un sujet se prête à plusieurs ordres d'idées 
difïéreutes, il ne s'ensuit pas que ces ordres concourrent ù 
former une seule et même science. » 

On n'a pas fait un emploi plus judicieux delà statistique, 
dont il serait fort utile et légitime de se servir dans une 
mesura raisotinahle; on a fondé une science d'observation 
sur des éléments incomplets, défectueux, controuvés, et 
c'est avant de pouvoir garantir des faits qu'on a avancé 
des théories , sans profiter des exemples donnés par des 
hommes érainents, qui avaient été condamnés à la stérilité 
pour avoir étudié trop exclusivement des théories tout 
opposées (1). 

M. Lucchini rappelle qu'il a été l'un des premiers en 
Italie qui aient recommandé Tapplicalion de l'hypothèse 
darwiniste à la méthode introduite dans la science juri- 
dique, convaincu, comme il l'était, de la nécessité de 
vérifier 1 état des sciences morales et sociales par l'obser- 
vât ion des faits, et c'est justement ce souvenir qui le porte 
à s'élever • contre ce qu'il regarde comme des exagérations 
et des excentricités d'observateurs superficiels et bien 
peu positivistes, qui, abusant de la méthode et de la direc- 
tion actuelle de la science, confondentl'analogîe avec l'iden- 
tité f prônent la stérile domination des sciences naturelles 
au lieu d'une alliance féconde, et je^récjjMt^ntdan fr la syn - 
thése, quand ils ont commen£éli peine Tanalyse* sllsFonL 
"^"coinmencèe » (^)T C'est quand on se pique de pratiquer la 
^mSthode expértmentale bien comprise, qu'on doit s'élever 



[]) I iempUcisti, p. xv, xi. 
{2} lb.,p. 1, \u 



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r 



— 140 — 

contre les indactions hâtives et les déductions de fantaisie 
qui, sous renseigne des positivistes, n'aboutissent qu'à 
faire rentrer dans la science la métaphysique^ la plus 
transcendantale. 

L'auteur insiste beaucoup sur ce qu'il ne reproche pas à 
récole de protéger les brigands et de miner le code pénal 
en niant la responsabilité humaine. II ne crie pas non 
plus au scandale, parce qu'elle nie la volonté libre, sans 
égard pour les doctrines spiritualistes et religieusos. Le 
critique n'a pas pour point de départ rorthodoxie de 
l'école nommée par pension llécak classique^ f^^ pensée est 
libre ; il ne s'assujettit à aucun dogme. Mais il ne peut 
admettre qu'il y ait deux écoles en antagonisme : l'une 
bonne à placer dans un musée, la seconde représentant 
le progrès de la civilisation ; il ne saurait y avoir qu'une 
science, la science juridique, et l'école qui ne serait pas 
juridique se condamnerait elle-même comme privée de 
sens commun. 

Le chapitre consacré à la doctrine de la défense sociale 
s'ouvre par une réfutation de l'analogie établie entre le 
code pénal et la sociologie ou la géologie. Ces deux sciences 
et toutes les autres sciences naturelles ne se proposent que 
de découvrir le processus des forces physiques ou vitales, 
dans leurs manifestations usuelles et permanentes, ou de 
décrire et d'exposer ce qui est dans la nature; tandis que 
les sciences qui touchent au magistère pénal, au point de 
vue philosophique et spéculatif, tendent à une fin essen- 
tiellement différente, c'est-à-dire à induire ou à déduire 
ce qui doit être. La nouvelle école ne se borne pas à établir 
comment et pourquoi la législation pénale et ses divers 
aspects revêtent tels caractères donnés, offrent tel dévelop- 
pement donné qu'on observe aujourd'hui ; s*il en était 
ainsi, elle nous conduirait dans le domaine de la socio- 
logie, et l'argument d'analogie emprunté à la zoologie et à 
la géologie s'appliquerait jusqu'à un certain point; elle ne 
se propose rien moins que d'abattre l'édifice élevé par le 
travail assidu de tant de siècles, pour nous apprendre que 
tous les âges, tous les législateurs passés et présents ont 



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^ 141 — 

été et sont autant d'ignorants et de visionnaires, et pour 
ouvrir nos esprits à des horizons nouveaux et inexplorés (1). 

Le résultat auquel aboutit cette recherche n'a rien de 
commun avec celui que se proposent les naturalistes. 
D'un côté, Ton observe et Ton décrit, sans aller au delà du 
présent ; de l'autre, on se livre à un travail de spécu- 
lation, où l'on s'attache surtout à l'avenir. 

La prétention d'aller demander l'origine des institutions 
humaines, même de celles qui se produiront dans Tavenir, 
aux Indiens de l'Amérique du Nord, aux bêtes carnivores 
et insectivores, ne saurait se soutenir. On aboutit à cette 
nouveauté de la lutte pour les existences, à la réaction 
défensive, directe ou indirecte, déterminée par l'action ! 
Sans doute, on ne peut contester que cette réaction soit 
une espèce de défense; mais on s'est beaucoup trop hâté en 
parlant d'une analogie parfaite : un peu de ressemblance, 
voilà tout. Les animaux n'ont jamais organisé une réaction 
collective systématique contre les délinquants de leur 
espèce. Quand ils se défendent d'une agression externe, 
ils peuvent prêter à un certain rapprochement, il n'y en a 
aucun de possible pour l'hypothèse d'une agression interne. 

Il ne faut pas même pousser trop loin l'analogie. « Ce 
n'est pas la défense qui expliquerait l'essence de la réac- 
tion de l'individu ou de la société contre l'agression 
individuelle ou collective, interne ou externe, mais le 
principe de conservation. — Là est le nœud de la question. 
— Les positivistes n'en cherchent pas tant et ne se posent 
pas même la question. De but en blanc, ils ajoutent un 
adjectif au mot défense et disent sans façon : Le ministère 
répressif est purement et simplement une fonction de 
défense sociale. — Si l'on examine psychologiquement 
cette expression, elle résulte d'une triple équivoque : on 
confond la réaction que l'on oppose sous la forme de la 
guerre à un ennemi étranger avec celle qui s'opère 
contre le délinquant intérieur : on confond le sujet et 



(1) Page 2. 



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— 142 — 

Tobjet du droit répressif : on ne distingue pRS entre la 
sociélë Iiumaioe en général et la forme particulière de 
Tassociation civile et politique qui se nomme TÉtat. 

ta La confusiou établie entre la fonction militaire et la 
fonction répressive a naturellement laissé croire que cette 
collectivité absorbante, qui impose la souveraineté pour 
combattre un ennemi interne, n*a d*aulre objet qu'elle* 
même dans la lutte coutre te délit,.* Non seulement la 
fusion de ces deux procédés défensîEs a été bis torique m eut 
transitoire, mais encore en elte^mémela fonction militaire 
est transitoire, contingente, éphémère; elle est allée tou- 
jours en s*alîaiblissant ; Thistoire et la raisoji s'accordent 
pour faire croire qu'elle est destinée à disparaître dans un 
temps plus ou moins long de la face de la terre ; il en 
est tout autrement de la fonction pénale, qui est toujours 
allée en s'étendant et en se constituant ; tout la lait croire 
immortelle et perpétuelle. 

« La seconde raison de ce mirage de la défense soriale 
se trouve dans ce qu'on a considéré la pénalité comme 
administrée par un pouvoir de caractère social, bien qu'il 
n'y ait rien d'impossible ti ce que dans rorigine elle ait été 
de caractère Lout â fait individueL-, U faut démontrer que 
Ton commet tout simplement un non-sens eu attribuant à 
la société le profit et la destination du ministère répressif. 
D*autres ont déjà établi que le principe en question con- 
tredit le concept essentiel et logique de la défense, qui se 
rapporte à un péril futur dont on est menacé, non à no 
préjudice accompli et passé. Il ne sert à rien d'opposer que 
la pénalité, se proposant do réagir contre la tendance du 
délinquint k retomber et le mauvais exemple donné 
par lui, est l'expression d^une défense différée, puisque, 
même en admettant la persistance du concept de défense 
dans les prévisions si lointaines de l'attaque et de son 
éventualité, ce qu'on tend à faire prévoir n'est pas une 
cbose qui appartiennes la société, dans les cas nouveaux, 
mais une chose qui relève des individus, et qu*on pourra 
parler abusivement de défense, mais jamais de défense 
Booiale. . , Cette ostentation de sollicitude pour défendre la 



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" 143 — 

société est-elle vraiment sérieuse? Il me semble qu1l ne 
manque pas de bonnes raisoas pour en douter» Malgré 
tantd'éûormités, ct'ini(iuités, d'erreurs et de désordres, la 
société, prise dans son ensemble^ n'a jamais souffert sen- 
siblement; elle ne s'est pas arrêtée, elle n*a pas reculé 
dans sa marche. Pourquoi donc s attacher à organiser une 
défense de la société, qui n'a besoin d*aucun secours arti- 
Jîcîel, mais qui possède en elle même la force nécessaire 
pour se conserver et se développer * (1). 

< A considérer le délit au point de vue social, il y a lieu 
de douter sérieusement s'il y a tant d'intérêt à le réprimer^ 
ou du moins si cet intérêt est constant et universel* D'une 
part, le délit apparaît comme un fait naturel, comme tout 
autre fait, naissance, mort, commerce, industrie, elc, 
réglé, lui aussi, par les mêmes lois statistiques qui en 
assurent la périodicité, le retournormal, qui en expliquent 
en grande partie les vicissitudes et les oscillations. D'autre 
part, en pensant aux grands bienfaits sociaux qui résultent 
quelquefois des crimes les plus noirs (par exemple Ten- 
lèvement des Sabines, le meurtre de César, le crucifie- 
ment du Christ, la persécution des premiers chrétiens, la 
férocité des barbares et des Sarrasins d'abord, des catho- 
liques ensuite, les massacres fie 89 et le poignard des cons- 
pirateurs de tous les temps), on considérerait comme des 
faits providentiels, au point de vue sociologique, la faute et 
la violence, ces deux manifestations pathologiques de l'ac- 
tivité humaine. Et, pour prendre les choses dans leur 
ensemble, tous les désastres, les calamités, les fléaux qui 
frappent le genre humain ne sont-ils pas féconds en avan- 
tages sociaux? 

« La défense sociale, sous le nom de salut public, de 
raison d'État, de Sainte-Alliance ou de Sacrée-Inquisition, 
a bien fourni un prétexte pour répandre la terreur parmi 
les peuples, immoler des victimes sans nombre à la 
cruauté, à Tavarice ou à Fignorance des hommes ; aujour- 



a) Page 10- 



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n 



— 144 - 



d'hui encore, quand on ne trouve pas d'autre raison pour 
étayer l'édifice vermoulu du despotisme politique, oo 
recourt à l'argument do la sécurité publique, de l'ordre à 
Varsovie; témoin le gibet : s'il s'élève encore dans la jus- 
tice militaire, ce n'est pas la protection des soldats qui le 
justifie, et les soldats sont cependant dignes de protection ; 
ce sont les exigences de la discipline dans l'armée, autre 
formalité que le militarisme fournit à la défense sociale. 
Cette figure de rhétorique de la défense sociale est mise eo 
avant pour couvrir tous les abus, tous les actes arbitraires 
ou absurdes que suggèrent les passions humaines mas- 
quées sous l'apparence du bien public. 

« La défense sociale est donc une absurdité, parce que 
la société, par lien de droit d'une part, éternelle et intan- 
gible, de l'autre, n'a besoin d'aucune défense que les 
hommes lui procurent, plus ou moins artificiellemeut. 

« De là résulte que la société ne peut être regardée 
comme l'objectif du méfait, qui ne la regarde pas. » 

L'empirisme moderne commet une nouvelle absurdité, 
en confondant la société avec l'État, ce qu'il fait quand il 
proclame cette grande découverte que le magistère pénal et 
par conséquent le droit en général et la police sont des ra- 
mifications de la sociologie. Comme si ces deux sphères 
d'action n'étaient pas bien différentes pour la société, 
association humaine, et pour l'État, association politique ! 
Dans la société se trouve le principe de la lutte pour la 
vie, dont les premiers éléments apparaissent avec les 
bètes ; dans l'État, on lutte pour le droit. Le droit rentre- 
t-il dans la sociologie? Est-ce un progrès, pour la nou- 
velle école , que de l'y faire rentrer ? 

On ne peut pas dire non plus que le droit puisse être 
regardé comme une fonction sociale. Pur pléonasme, s'il 
s'agit du droit, comme institution qui intéresse la société. 
Alors il en est de même de l'art de l'accoucheur ou du 
vétérinaire. 

Enfin la théorie de la défense sociale mène à l'into- 
lérance la plus excessive au profit d'une religion donnée 
ou d'une forme de gouvernement. 



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!• 



- 145 — 

Certes la nouvelle école est fière de ce qu'elle appelle ses 
découvertes, des vérités dout elle prétend avoir la pre- 
mière constaté l'existence ou apprécié Fimportance ; mais 
elle tient à honneur le fond de ses idées encore moins que 
la méthode par laquelle elle arrive à les obtenir. M. Luc- 
chini s'en prend à ces règles essentielles d'une nouvelle 
logique, d'un novum organum, pour empêcher qu'elles ne 
deviennent les dogmes fondamentaux d'une nouvelle phi- 
losophie, philosbphia moralis. C'était à l'assimilation ou 
pour mieux dire, à la confusion du droit criminel avec les 
sciences naturelles proprement dites qu'il s'attaquait tout à 
l'heure ; dans un chapitre intitulé Délit et délinquant, il 
met en saillie cette théorie que l'étude du délit, considéré 
en lui-même, in abstracto , doit céder le pas à l'étude du 
délinquant, considéré in concrelo, « que c'est celui-ci, être 
réel et concret, et non pas celui-là, être idéal et abstrait, 
qui doit être l'objet de la répression. — Privé de connais- 
sances techniques en fait de sciences physiques, me fiant 
peu à mon court entendement, qui pouvait s'émerveiller 
à tort du curieux système que suivait aujourd'hui la 
médecine, je m'en suis rapporté aux experts dans la 
matière pour savoir s'il est bien vrai, théoriquement et 
pratiquement, que l'étude des infirmes doit précéder celle 
des infirmités. La réponse me fit presque rougir de la 
question. » — « En fait, il me semblait assez étrange, pour 
le moins, qu'un médecin, partisan de la méthode expéri- 
mentale, dût d'abord, dans l'étude, mettre la cliiiique 
avant la pathologie, l'examen personnel du malade avant 
le diagnostic de la maladie (1). Il y a là une raison de plus 
pour distinguer la science pénale des sciences médicales . 
Tandis que le médecin n'a à voir que le malade à soigner, ce 
n'est pas seulement l'auteur du délit que doit considérer 
le législateur pénal, il faut encore qu'il fasse entrer dans 
son examen et quelquefois beaucoup plus les autres mem- 
bres de la société et l'autorité de l'État, les bons associés 



(1) Pages 21 et Sd. 

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- 146 - 

que ce délit épouvante, les .associés pei^vers et dangereux 
que Tattrait du mal excite. Dans le délinquant lui-même^ 
le médecin social ne se borne pas â voir un mallieureux, 
dont rintérêt personnel réclame b sollicitude; niais la 
sanction pénale, quel qu'en doive <^tre le caractère essen- 
tiellement correctif et régénérateur, doit être avant tout 
dirigée vers rintérêt des tiers. Mais pourquoi taire le 
suprême objet du délinquant et non pas du délit ? 

L'analogie en question ne se présaiilerait que dans le 
cas où il s'agit d'une maladie contagieuse, d'une peste ou 
d'une épidémie. Même, quand ce cns se présente, il inut 
que l'office sanitaire songe aux précautions à prendre 
dans l'intérêt des associés bien portants, la préoccupation 
principale consistant toujours à obtenir la guérison des 
malades. S'il en était autrement, si les conclusions de la 
noicvelle écolCf qui tendent à l'exterinination des infirmes 
sociaux dans l'intérêt des honnêtes gens, recevaient leur 
application dans la pratique médicale, eu présence d'une 
épidémie, du choléra, par exemple, la première chose à 
faire, au nom de la défense sociale, serait de détruire les 
malades par le fer et le feu, ce serait le moyen préventif 
par excellence. 

La tâche du législateur serait bien simplifiée, s*il n'avait 
devant lui que la personne du délinquant actuel, soît qu'il 
dût travailler à le guérir comme un malade, soit que sou 
désir fût de défendre contre lui la société, et, pouriitiein- 
dre cette dernière fin, la nouvelle école ne reculerait pas 
devant un traitement radical. 

Mais la pénalité est dirigée aussi contre les délinquants 
futurs et possibles : mais à la répression qui iutimide et 
qui prévient, il faut ajouter une sanction satisfactoire et 
moralisatrice. 

Alors reparaît la conception du délit, tel qu'il est réelle- 
ment, et non comme une formule abstraite et convention- 
nelle, en tant que réalité concrète, présentant une action 
et une lésion, un fait de Thomme et une violation de la 
loi ; une infraction et un sujet d'elTroi pour la société, 
dans tous ses éléments subjectifs et objectifs, phénomène 



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- 147 — 

natiirei, lié aux diverses causes provenant d*un mîHeu 
physique, moral et social. Il s'agit donc d'autre cliose que 
de soigner te$ délits, comme on Ta reproché par plaisan- 
terie au droit pénal classique. 

Cette conception n*est pas la seule : « Les juristes nous - 
ont donné les caractères de Taction punissable, non du 
délit naturel : voilà le mot nouveau. Mais en quoi consiste 
le délit naturel ? C'est une action qui viole les mjles 
sociales de suprême importance et dont l'immoralité eH 
unidcrsellement sentie » (1). Que vaut cette conception? 
C'est de la pure métaphysique, « qui fait remonter aux pré- 
tendus éléments altruistes mis à la mode par Herbert 
Spencer et dont Texistence est très contestable. Comment 
les reconnaître? Puis comment les classer? C'est bcUir sur 
le sable que de les réduire aux deux sentiments d'hu- 
manité et de probité. On ne saurait, d'ailleurs, prendre le 
sentiment pour m^eriti/n principal, essentiel, de la notion 
du délit, c'est-à-dire en chercher l'origine dans une 
source d'un caractère absolument subjectif, dérivatit et 
abstrait, tel qu'elle échappe à une analyse concrète, à une 
science pratique et positive, comme il en faut dans ce 
monde pratique d'hommes qui mangent, qui dorment et 
qui s'habillent; il semble que cela ne doit pas faire trop 
d'honneur à une école qui traite avec tint d'ironie t'étre 
abstrait de Tancienne doctrine criminelte » (2). 

t Le sentiment, non pas défini et classé arbitrairement, 
mais étudié dans ses expressions et ses manifestations 
multiples, est un précieux auxiliaire, représentant les plus 
intimes aspirations des hommes, qui ne doit pas être 
négligé par Fhommed'État et par le législateur; mais il ne 
doit pas non plus être le pivot de leurs spéculations et de 
leurs décisions, parce qu'il ne se conforme pas toujours 
aux exigences réelles de la vie humaine et sociale, et ne 
se prête pas à un calcul exact et clair de ces exigences, » 



(1) Page S8. 



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— 148 — 

On ne se serait pas trompé, si Ton s'était borné à dire 
que tout délit se résout dans un de ces deux types, la vio- 
lence et la fraude ; mais on n'aurait fait que répéter une 
vérilé rebattue, et l'on aurait été loin de définir l'essence 
objective du délit. 

En admettant qu'on place dans la catégorie des délits 
loiis les faits qui présentent en eux-mêmes une immoralité 
répugnante, on laisse en dehors d'innombrables actions 
simplement défendues, qui sont susceptibles d'une sanc- 
tion pénale, quelquefois des plus graves. Qu^on refuse de 
les îippeler des délits naturels, ce sont au moins des délits 
furidiques, et il faut bien en tenir compte, quand on 
étudie, non pas la biologie ou la sociologie, mais le 
droit. Force est bien aux juristes d'étudier le droit et de 
s'attaclier au délit, qui redevient le but réel et concret 
du droit de punir. 

Il y a encore une autre cause à cette erreur que Ton 
commet, quand on enseigne que le droit criminel doit 
s'appliquer au délinquant et non au délit. C'est que la peine, 
dans sa réalité concrète, frappe la personne du délinquant 
et non le délit. Dire : tel délit est puni, c'est une impro- 
priété, c'est un non-sens. En quoi consiste la différence 
entre Tobjet et le sujet passif de la pénalité, entre l'organe 
de la répression et sa fonction, entre l'office du législateur 
et celui du juge? Le juge applique la peine, et celle-ci 
frappe directement le coupable ; mais la raison de la peine 
et le principal critérium de la loi comminatoire tiennent 
au délit, dans tous les rapports personnels et imperson- 
nels , préventifs ou répressifs , intéressant le coupable ou 
les autres associés. ' . 

Enfin le droit de punir est légitimé par une raison 
po1ili(iue et sociale; les associés à qui le délit cause un 
préjudice direct ou indirect, qui s'épouvantent à la nou- 
velle du mal commis, qui sont troublés, dans la jouissance, 
jusqu'alors paisible, de leurs biens, réclament, d'une ma- 
nière ex presse ou tacite, qu'il soit pris des précautions pour 
compenser le détriment éprouvé, pour dissiper les alarmes, 
pour écarter le péril ; ce n'est pas seulement du délit 



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— 149 — 

commis qu'ils se préoccupent et de ceux que Tauteur du 
premier peut commettre de nouveau, mais de tous reux 
qui peuvent être accomplis à Ta venir, et par irimporte 
qui. Ce qu*ils demandent, c'est de n'être a l'avenir 
inquiétés par personne. 

On en revient ainsi à comparer le droit pénal avec la 
science médicale; quand il s'agit d'une maladie épidé- 
mique, c'est beaucoup moins au malade que l'on songe, 
qu'à la maladie elle-même. On soigne le nialheun^ux au 
lieu d'entrer en lutte avec lui, et l'on emploie, pour le 
sauver, tous les moyens que suggère un égoïsme bien 
entendu. 

« En mettant à part les analogies et les métaphores, 
conclure plutôt que l'étuie rationnelle et complète du 
délit, étude juridique, en comprend tous les éléments 
objectifs et subjectifs, et par conséquent l'élude du délin- 
quant. L'analyse du délinquant a beau être subordonnée; 
elle doit être complète, et, quand elle n'aurait pas d'autre 
résultat, celui-là suffit pour rendre puérile Taccusation 
écrite d'un cœur léger que l'on représente et définit le délit 
comme un être abstrait et conventionnel, en mc^me temps 
que l'on affermit la nécessité théorique et pratique de 
considérer le délit, être réel et concret, et non pas le pré- 
venu, comme objet primitif, essentiel, de nature à épuiser 
tout le magistère pénal » (1). 

L'auteur aborde ensuite la question du libre arbitre. Il 
lui fait d'abord sa juste place; le libre arbitre^ d'après 
lui, sert pour la loi morale et individuelle; il ne s'agit 
que d'un simple fait volontaire dans la loi générale et pour 
la conscience collective : « Il est naturel, il est nécessaire 
que la loi morale se fonde sur le sentiment du libre 
arbitre ; n'ayant d'autre réaction que les avertissements 
delà conscience, celle-ci ne pourrait se faire juge de m 
conduite sans la supposition que la volonté est libre et 
autonome dans ses délibérations. Mais, dans rapprécialiou 



(1) Page 38. 



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— 150 — 

civile des actions humaines, la considération dominante 
n'étant plus formée par l'élément interne, moral, subjec- 
tif, Tétant par l'élément extprne, objectif, il est également 
naturel et nécessaire de substituer à la suppositioji de la 
liberté d'élection celle de la liberté d'action, et conservant 
seulement comme attribut le caractère de volontaire, pour 
correspondre subjectivement au concept de la personnalité 
humaine, et objectivement à la fonction politique et 
sociale de la sanction pénale. 

« D'où résulte Tintérôt purement académique, je dirais 
volontiers arcadien, eu ce qui concerne les rapports juri- 
diques, de la négation qu'on étale du libre arbitre, à 
propos de laquelle il me semble qu'on s*est inutilement 
battu dans un sens ou dans l'autre » (1). 

L'auteur n'en prend pas moins nettement parti pour le 
libre arbitre, en rejetant l'hypothèse de la psychophysio- 
logie, qui réduit tout à des mouvements nerveux (2). 

On veut remplacer le libre arbitre par la responsabilité 
sociale, le fait que l'homme vit en société créant à sa 
charge une responsabilité particulière, abstraction faite 
de la responsabilité morale, qui disparait avec la volonté 
autonome ; mais, en poussant au bout l'analyse des motifs 
que le juge est forcé de prendre eu considération, M. Luc- 
chini arrive à d'imontrer que les positivistes ne peuvent 
pas arriver à éliminer complètement la responsabilité 
subjective, par conséquent l'élément volontaire, dans les 
faits qui donnent lieu à l'application de la peine. 

Une autre donnée fondamentale de la nouvelle école 
est la classification des délinquants au lieu de celle des 
délits. Une telle classification n'est pas difficile à faire au 
premier abord, suivant les divers tempéraments, sanguin, 
bilieux, nerveux, lymphatique, suivant l'âge, le sexe, l'état 
d'esprit, selon la religion professée, le degré d'instruction, 



(1) Page 146. 

(2) Id. 147 et 179. 



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~ 131 - 

d'éducalioû, de civilisation, do sensibilité morale, le 
rang social. Oo n'hésiterait pas à répondre en distinguant, 
suivant le degré de moralité, en honnûtes de dessein , 
iionni^tes par occasion, étourdis et imprudents, violents et 
impétueux ou faux de caraclère, pervers, en mettant do 
côté les fous et les imbéciles. 

Il ne faut pas une grande sagesse pour faire ces distinc- 
tions qui, souvent, se justifient plus ou moins. Qu'on 
prenne un dirccleur quclconquo dD prisoji, un employé 
loférieur, et qu'on If^ur demande de classer les détenus, 
en se mettant au point de vue de leur caraetêro moral, il 
répondra promptcment : tels ont nn bon caractère, et ont 
failli par la faute des circonstances; tels autres sont d'une 
bonne pàtc, mais d'une susceptibilité excessive: d'autres, 
sous l'empire de 1 éducation, de Fair ambiant, ont perdu 
le sens moral et ont été inconsciemment entraînés au 
vice ou au crime ; pour d'autres, le vice est devenu une 
seconde nature. 

Les positivistes ont travaillé beaucoup pour faire cette 
classification. Ils ne se sont pas encore mis d'accord ; ils 
font deux, trois, quatre ou cinq catégories de délinquants ; 
ils rangent par exemt>le les délinquants d'occasion dans 
une classe ou dans deux, etc. , 

Mais, d'abord, celte classification est^elle une nouveauté? 
Elle est reconnue par les plus distingués des juristes 
classiques, par la sagesse romaine, par les statuts italiens 
et par la politique intermédiaire. 

En second lieu, quelle en est l'orit^lne et quel en est le 
fondement ? M. Lucchini déclare n'avoir pas encore trouvé 
de trace d'un enter hun précis qui serve à discerner un 
délinquant d'occasion d'un délinquant d'babitude ou 
d'instinct. 

Eu troisième Heu, et c'est ce qu'il y a de plus intéressant 
è noter, non seulement l'idée originaire de cetle classifi- 
cation, mais les systèmes adoptés par les positivistes les 
plus modernes sont tout à fait en dehors de Tanthropo- 
]ogie< Ce n*est pas par les caractères anthropologiques que 
SG distinguent les divoraes catégories, non pas même que 



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— 152 — 

]a catégorie des délinquants nés pourrait être séparée de 
celles entre lesquelles on répartirait les autres déliti* 
quants ; car, si certains caractères anthropologiques appa- 
raissent comme prédominants dans la première catég^orie, 
ils ne manquent pas dans les autres. Tout eu reconnais- 
sant que les facteurs sociaux entrent dans la récidive, et 
en étant d'accord sur la rareté et le peu de sûreté des 
matériaux qui font l'objet de notre travail, encore ces 
matériaux nous fournissent-ils de quoi déterminer les 
criteria distinclifs des délinquants-nés, incorrigibles et 
habituels, réunis pour la plus grande commodité en une 
seule phalange. 

M. Lucchini conteste que les récidivistes doivent être 
rangés parmi les délinquants d'habitude, si Ton adroet ce 
classement : « C'est un pur préjugé, lit-on dans les Nou- 
veaux horizons eux-mêmes, de croire que dans la nature 
existent réellement des distinctions précises que le langage 
humain est forcé d'employer et que, par exemple, il y ait 
une différence spéciale entre l'homme sain et l'homme 
fou, et non pas seulement une dégradation continue et 
indéterminée. Je pense ainsi moi-même, puisque lanthro- 
pologie n'en donne aucune démonstration scientifique. Je 
crois que Mandsley a parfaitement raison d'assurer que 
la majorité ne se forme ni d'hommes complètement rai- 
sonnables, ni d'hommes complètement fous, mais que les 
immenses limbes de la majorité humaine sont repré- 
sentées par ce qu'il a appelé la zone intermédiaire, qui ne 
résulte pas seulement des mattoides de quelques médecins 
aliénistes, c'est-à-dire d'une variété de fous, mais de tous 
les faibles d'esprit, de tous les gens faciles à exciter, doués 
d'une certaine volubilité d'esprit, étranges dans leurs 
désirs et dans leurs appétits. J'arriverais même à dire que 
l'on rencontre difficilement un homme qui ne présente 
pas à un degré plus ou moins élevé de son afTeclivitè, 
quelque déviation, inversion ou anomalie, en vue de se 
procurer la satisfaction de tel ou tel besoin ou sentiment» 
A part les sujets, et ils ne sont pas rares, qui reçoivent 
dans la société le nom d'originaux, se trouve fondé ce 



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— 153 — 

dicton populaire qui attribue à tout homme un petit grain 
de folie » (1). 

Et alors il devient cîaîr que ce n'est qu'un simpJe pré- 
jugé de croire qu'il y ait dans le monde de ces distinctions 
précises, selon lesquelles on prétend pouvoir diviser les 
délinquants en troî^, quatre ou cinq classes, sur lesquelles 
les anlhropologistes discutent avec tnut d'ardeur et si peu 
de notions scientifiques, sans arriver à se mettre d'accord : 
si parmi les liommes on ne trouve que des dégradations 
imperceptibles, à plus forte raison en est-il de même 
parmi ceux qu'un même titre de méfait rapproclie et 
réunit. 

1! n'y a pas besoin d'oracles anthropologiques pour faire 
comprendre qu'il y a parmi les délinquants des aliénés 
reconnus et des mattoïdes \ mais qui en expliquera les 
signes caractéristiques et distinctifs ? 

Pour les uns, ce sont les délinquants-nés et incorrigibles 
chez lesquels on note, d'une manière plus saillante, les 
caractères spéciaux révèles parranlhropologie criminelle. 
Pour d'autres, par exemple, pour Tauteur de VUomo 
déUnquenb' , cette classe de délinquants n'existe pas par 
elle-même ; les délinquants-nés et les fous moraux ne font 
qu'un. Viennent ensuite les délinquants d'habitude, qu'il 
faudrait caractériser par une propre faiblesse de nature 
jointe à Timpulsion des circonstances et de Tintluence d'un 
milieu corrompu. 

tt Voilà des doctrines qui se prétendent fondées sur la 
méthode expérimentale ! Et c'est sur des calculs et des 
appréciations de cette nature qu'on prétend élever à la 
dignité d'une science la' classification des délinquants! » 

Epuisons l'analyse ; après avoir mis de côté les fous, 
qu'on a l'absurdité de confondre dans la classe des déliu- 
quants, les fous, que déjà la doctrine et la loi distinguent 
bien nettement, après avoir mis de côté les délinquants 
d'habitude, que la doctrine et la loi soumettent également 



(1) Page 81, 



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— 154 — 

à un traitement spécial, quelque sérieux et imparfait qu'il 
soit, sans le titre de récidive; après avoir mis en quaran- 
taine les délinquanls-nés, restent les deux catégories, 
graude découverte de la nouvelle école : les délinquants 
par passion et les délinquants d'occasion. 

En voici la notion comparative, que Ton tire des Nou- 
veaux horizons. 

A tout homme, si pur et si honnête qu'il soit, se présente 
djns tertaincs occasions la pensée fugitive d'une action 
déslionuéte et délictueuse. Mais dans rbonnèle homme, 
précisôiiient parce qu'il est honnête, orf^auiquement et 
morîileracnt, cette image tentatrice réveille subitement 
ridée des conséquences possibles; dans Thomnie moins 
fort et moins prévoyant, elle fait brèche plus facilement 
et résiste à la répulsion, peu énergique d'ailleurs, du sens 
moral. Le délinquant par passion est un homme qui, 
assez fort pour résister aux tentations communes et peu 
violentes, ne Test pas assez pour résister aux tempêtes 
psychologiques qui atteignent quelquefois un degré de 
violence auquel nul homme, si fort qu'il soU, ne saurait 
tenir tête. 

Au total, il y a dans tout cela plus de métaphores que 
d'anthropologie. Sans les examiner toutes les unes après 
les autres, on peut admettre que, dans la multitude des 
délinquants communs, qui ne sont ni dL^liiiquanls d'ha- 
hitudn, ni fous, il y en a plusieurs qui sont entraînés au 
délit par une impulsion malsaine de sentiments qui éclatent 
facilemejit, par le caractère, par rintentîou, par les 
circonstances rendues insurmontables. C'est trailleursun 
fait connu de tous et qui a suggéré au législateur, bien 
avant la naissance des anthropologistes et sous Tinspira- 
lîon de crileria, plus droits et plus précis , la notion des 
délits de premier mouvement, pour déterminer chez leurs 
auteurs un degré spécial d'imputabilitè et de responsa- 
bilité, et par suite une mesure distincte de pénalité. 

Voilà à quoi se réduit la nouveauté tant célébrée de la 
classification des délinquants; à un simple mélange, mal 
réussi, de choses rebattues, dont l'analyse appropriée 



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— 153 - 
remet encore en évidence la fausseté de l'accusation 
dirigée contre les vieux criniinalîstes de n'avoir pas lait 
attention à Tétude subjective des délinquants. 

En somme, tout le mérite de la nouvelle école est de 
prendre sa classificalioD comme base essentielle de la 
sanction répressive. C'est un vain et ridicule palliatif 
d'évaluer les caractères difïérentiels à Teflet d'augmenter 
ou d'abaîsser la peine d'un ou de deux degrés* A un 
caractère, à une nature, à une susceptibilité diverse , doi^ 
vent correspondre des caractères, une nature et une essence 
divers de sanctions répressives, ou rien n'est elTicaco. 

Mais sera-ce avec le diagnostic et les criieria imaginés 
jusqu'il présent que l'on veut établir cette classification 
comme base essentielle de la pénalité? 

tt Allons, confessons de nouveau que, du moins pour 
l'heure, la science n'est pas en état (et qui sait quand elle 
sera en état?) do pouvoir déterminer d'une manière suflî- 
sammcnt exacte, comme il le faudrait, à laquelle des caté- 
gories, étant donné que la notion et le nombre do celles-ci 
fussent scientifiquement assuréFj peut appartenir un délin- 
quant et même en mettant de côté l'anthropologie cl en 
prenant pour de la bonne monnaie les con^^eptions exposées 
précédemment, on no peut trouver la lumière dans les 
métaphores employées, Ilestcertainement important d'ap- 
précier le caractère et la susceptibilité d*un accusé, mais 
d*une manière subordùunéOj réservée, comme l'exige Tétat 
actuel des connaissances sur ce sujet, si nous voulons être 
réellement et avant tout positifs et pratiques. 11 est pos- 
sible que, en conséquence, dans un avenir plus ou moins 
éloigné, la scient:e nous enseigne à découvrir, par la con- 
formation du crâne et par des signes corporels, l'étûlîe 
dont est fait le dêlinquant-né, habituel, par passion ou 
par occasion. Mais, en attendant, vu le peu que nous sa- 
vons, il est prudent de ne courir pas à bride abattue et 
anticiper sur les postulats de la science , d'autant plus 
que, comme nous l'avons vu, nous ne possédons pas du 
tout de vrai critcria positifs, certains, qu'ils soient anthro- 
pologiques ou non. 



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1 



— 156 — 

Quelle belle chose se serait si, non seulement tous les 
délinquants, mais tous les hommes pouvaient être classés 
avec une rigueur scientifique et positive^ selon les caractères 
respectifs, les habitudes, les tendances, etc! Lesystème de 
la classification serait adopté comme une panacée univer- 
selle et s'appliquerait, non seulement par rapport au 
crime, mais eu égard à tout genre d*intenlion ou de fonc- 
tion sociale. Qu'il serait commode, par exemple, de pré- 
voir la conduite que tiendrait un commerçant, un indus- 
triel, un orateur, un fonctionnaire, dans rexernice de leur 
profession, fonction ou emploi! Comme il estconnu que les 
affaires humaines marchent suivant la conscience et la mo- 
ralité de ceux qui s'y appliquent, ce serait bien le cas 
d'élever un monument à ces vaillants hommes, qui nous 
enseigneraient à découvrir dans notre fournisseur, dans un 
artiste ou un fonctionnaire une forte constitution psijchiqm 
que n'entraîne pas Vimage tentatrice, qui résiste aux iem- 
frètes psychologiques y ({wx en ^ommQ n'est pas atteint d'in- 
^rmité morale. Mais, tant que la science ne nous donne 
pas la clef de ce mystère, il n'y a pas de figure de rhéto- 
rique qui puisse nous tirer d'embarras; il faut laisser cha- 
cun ouvrir boutique à son gré, permettre à tout étudiant 
d'apprendre par cœur les leçons de son^ maître et laisser 
entrer dans les fonctions publiques quiconque satisfait aux 
conditions exigées par les lois (1). 

Quant aux délinquants, il y a plus, il se pose k leur 
sujet une question préjudicielle. Si Ton admet que la 
science soit en état ou puisse se mettre avec le temps en 
état de les classer en quatre, cinq ou six catégories, 
comme fait la botanique pour les plantes et la zoologie 
pour les animaux, ce travail de classification ne pourrait 
avoir qu'un résultat pratique très subordonné , et Ton ne 
pourrait adopter ce critérium primitif dans la science du 
magistère pénal. Revient alors la thèse sur Tobjectivité de 
ce mystère. Et s'il reste suffisamment établi (comme je 



(1) Page 87. 



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- 1S7 ~ 

crois l'avoir démontré) que c'est le délit, non le délinquant, 
qui représente celteobjectivilé, il faut se résignera replacer 
à son poste d'honneur cette classification à tort méconnue 
des délits; il faut r^ippeier cette proportion pénale qui 
nous conseille, avant d'étudier le malade, de nous ins- 
truire de la maladie, de déterminer le cbiffre de la peine 
selon le caractère, les précédents, la moralité du coupable, 
de la mesurer à reutité et à la qualité du délit, pour ne 
pas tomber dans l'aberration, pour ne pas envoyer à la 
potence Tîncorrigible auteur de contraventions à Fammo- 
nition ou un coupable de pâture abusive, pour peu qu'il 
soit reconnu et démontré un délinquant-né, ou condamner 
à Tamende, à quelques mois de relégation, le traître à la 
patrie, l'auteur d'un vol ou d'un assassinat, pourvu qu'on 
atteste avec évidence qu'il est un coupable d'occasion ou 
par passion. 

Il faut toutefois noter par l'étude dinérentielle des 
délinquants, subordonnée à celle des délits, qu*on dit a tort 
être mise de côté par les criniinalistes modernes, ne se 
limite pas, pour ceux-ci, à la considération de toutes ces 
causes qui les augmentent ou diminuent, les excusent 
nettement, les justifient ou les aggravent» qui, en rapport 
avec toutes les conditions de sexe, d'âge, d'anomalies 
organiques ou psychiques innées ou acquises, en rapport 
avec la conduite précédente, avec Thabitudedu délit, avec 
rinfluence des aHections, le caractère des motifs, font va- 
rier, dans une même forme de délit, le degré d'imputation 
et par conséquent le traitement pénal d'individu à indi- 
vidu ; mais, selon les plus récents enseignements de la 
science, elle constitue un des criterîa primitifs dans la 
science des peines, quoique toujours d'une manière coor- 
donnée avec le critérium du délit. 

Depuis 1806, par conséquent longtemps avant les débuts 
dé l'anthropologie criminelle , sur la proposition de 
M. Pessina qui, certainement, n'est pas suspect d'avoir 
été le prophète de la noutelle émit, la commission du 
nouveau code pénal italien (séance du io mars) jetait les ba- 
ses des deux systèmes parallèles de peines détentives selon 



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-^ d'étude par M 



- 158 - 

la coaceptioD affirmée plus haut (séance du 16 décembre 
1867), de « donner UQ caractère correctif a u X pei 11 es des ti nées 
pour les délits de perversité, et celui d'une siinplo priva- 
lion de la liberté aux peines pour les délits polïLiqucs et 
de premier mouvement ». Cette conception et celte dualité 
des peines furent maintenues et développâmes dans les pro- 
jets successifs. Ainsi nous voyons figurer les deux séries 
pénales dans le projet Vigliani, dans celui du Sénut de 
1873. De môme dans le projet Mancini, lequel pourtant 
complétnit le système avec une disposition (art. 77), auto- 
risant le juge à appliquer Tune ou l'autre des peines 
arallèles, selon le motif qui avait poussé au délit. Ces 
spositions restèrent dans le projet approuvé par la 
ambre en 1877 et dans celui qui fut laissé en cours 

Zanardelii. 

La disposition complémentaire fut supprimée par le 
ministre Savelli, qui trouvait contraire à Tcspril moderne 
de laisser ù la disposition du juge ce qui devait appartenir 
au législateur, Tesprit de la loi étant do subordonner 
l'espèce de peine à la nature du délit. Msiis M. Pessina, 
étant arrivé au ministère, reprit le projet qu'il avait 
présentç. 

Un tel système pénal, de telles règles de prolecLion et les 
raisons données à Tappui, semblent attester su fTisam nient 
le soin pris par les criminalistes modernes pour tenir 
compte de la personne de Taccusé, de sn nature, de son 
caractère, de sa moralité, non pas d'une manière abstraite 
sur la base de présomptions plus ou moins exactes, mais 
grâce à la faculté discrétionnaire laissée au juge, d'une 
manière concrète, dans la particularité de chaque cas et 
de chaque individu. 

Il est certain que la classification des délinquants, du 
point de vue de l'impulsion, n'est que bien peu de cbosc, 
comparée à la classification visée par la nontdk école. 
«Mais, puisque les sources des arguments, des criteria dont 
on prétend tirer cette fameuse classification, sont celles 
que j'ai passées en examen, en vérité, il faut croire que 
les apôtres de cette école doivent encore attendre un bon 



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- 159 — 
moment la lumière limpide et )éeondank des nouvQlles 
conclusions de raothropûlogiecrimiaelle. Et en Pttendant, 
ils me permettront d^apprécier autrement qu'eux ce quils 
appellent, avec un souverain dédain, Ici^ prcmièrcis et incer- 
taines lueurs de la doctrine romaine. Le système des peines 
parallèles, en correspondant avec le caractère divers des 
délits et des accusés, n'est que le développement d'une 
conception qui existe depuis longtemps dans la législation 
et dans la doctrine, trouvée par la sagesse des juriscon- 
sultes romaias, remise en vigueur par le droit canonique, 
systématiquement édifiée par la science contemporaine, 
mise à la base de la réforme pénale nécessaire aujour- 
d'hui )). 

M. Lucchini passe ensuite à l'analyse du type crimi- 
nel (1). Lliomme délinquant a subi une évolution 
progressive : on commençait par le distinguer avec soin 
des fous et de riiomme saiu d'esprit ; on en est venu â le 
comprendre avec le fou moral, et tandis qu'on grossit tous 
les jours la phalange des loua moraux, on diminue le 
bataillon des délinquants pour faire place aux deux, trois 
ou quatre autres classes de délinquants bûtards, 

La fusion est digne de la science anthropologique. En 
établissant Tanalogie et Tidentité entre le lou moral et le 
délinquant-né, elle fait cesser un conflit entre les mora- 
listes, les juristes et les aliénistes. Vous discutez les uns 
contre les autres pour savoir si un tel est fou moral ou 
délinquant- né; pour vous mettre d*accord, on vous donne 
raison à tous les deux ; le sujet est à la fois un fou moral 
et un délinquant-Dé. 

C*est un fait curieux â noter que les mêmes données, 
les mêmes arguments, les mêmes résultats, qui ont servi 
à nous présenter le délinquant avant la fusion, tendent â 
nous en donner le portrait, plus ou moins vivant et par- 
lant, après la fusion. Seulement, à la place du chapitre 
qui nous démontrait, comme deux et deux font quatre, 



{]) CliapUre vu 



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- 160 — 

que le délinquant est un type complètement distinct du 
fou moral, se trouve un chapitre qui prouve, comme un et 
un font deux, que le fou moral fait la paire avec le délin- 
quant, auquel on donne en dernier lieu Tattribut de 
délinquant né. Il n'est pas moins curieux d'observer 
comment, dans le développement des doctrines, on trouve 
çà et là cet attribut accolé à ce substantif sans que l'im- 
perturbable doctrine expérimentale en soit le moins du 
monde troublée, et qu'elle cesse de répéter pour le délin- 
quant-né le même ordre de recherches et d'argumentations 
sur cette multitude de sujets, comme s'il s'agissait tou- 
jours du délinquant qui est à naître. 

On hésite beaucoup sur ce qu'il y a de fondé dans l'une 
et l'autre donnée, qui se contredisent si radicalement 
l'une l'autre, et qui cependant se remplacent l'une l'autre 
successivement. 

Voyons comment cette figure des délinquants est définie 
par celui-là même qui Ta posée et illustrée. 

La donnée principale est celle-ci, que le délinquant est 
un être anomal , malade par arrêt de développement, et 
en même temps un phénomène d'atavisme , une repro- 
duction de l'homme sauvage. 

Il ne s'agit plus de savoir si parmi les délinquants, 
comme parmi tous les autres hommes qui ne commettent 
pas d'action prévue par le Code pénal, il existe des natures 
organiquement et psychiquement conformées ou réduites 
par l'éducation et par le milieu, à ce point que pour elles 
le monde des sensations, des besoins, des désirs, des 
appétits, des sentiments, soit directement renversé, qu'ils 
aiment ce qui est un objet de haine pour le commun des 
hommes, et vice versa; qu'ils se complaisent en cela que 
chez les autres existe de la répugnance, de l'aversion ; 
qu'ils fuient les satisfactions et les attraits que recherche 
l'homme en général. La variété immense des affections et 
des idées nous présente déjà le mode de penser et de 
sentir si divers d'homme à homme qu'il serait impossible 
d'en trouver deux seulement qui offrissent une identité 
constante d'idées et de sentiments, comme il ne serait pas 



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— 161 — 

possible de trouver deux choses, noo pas naêrne deux 
moiécules identiques. De ces diversités dans les parti- 
culiers la distance ii*est pas gnmde , à ce qu*on appelle 
des excentricités, sans pourtant se heurter à Tune ou à 
Tautre forme de lolie. Puis viennent en très petite pro- 
portion ceux en qui la manière de penser et de sentir est 
directement intervertie : ils fuient la société au Heu de la 
rechercher j abhorrent l'autre sexe, ont en horreur les 
beaux-arts, spécialement la musique, désertent le travail, 
la famille, les enfants. Qui oserait nier qu'il existe do tels 
malheureux? Mien détonnant à ce que, mèrae parmi 
les délinquants, il se trouve en plus ou moins grand 
nombre de ceux pour qui le délit est une seconde nature, 
qui ne le subissent pas sous Tempire d'un concours de 
circonstances extrêmes ou par faiblesse individuelle à y 
faire face ; mais parce que pour eux il représente un bien 
souhaité» un désir naturel a satisfaire, l'incarnation de leurs 
appétits et de leur caractère. Et cela, on le remarque 
aussi chez les animaux, parmi les chevaux, chiens, etc, 
au milieu desquels se rencontrent quelquefois des 
exemples de monstruosité morale, comme parmi les ani- 
maux et les hommes se rencontrent plus ou moins fré- 
quemment des exemples de monstruosité physique. 

Tout cela a été toujours universellement connu et admis, 
et il n'est pas besoin d'attendre les réponses de la science 
pour s'en persuader. Il asembléque c'était du temps perdu 
d'en donner la preuve, et non seulement en accumulant 
les exemples sur les exemples, assez souvent très discu- 
tables, de sujets communs criminels, mais encore en nous 
présentant, à titre de genèse des tendances criminelles, 
autant de sujets animaux qui se comportent d'une manière 
analogue dans leur race respective. 11 est très douteux si 
c'est par des conditions congénitales ou par des circon- 
stances externes qu'ils sout instruits à commettre des 
délits. 

Le nœud de la question, de laquelle dérive le caractère 
propre et original de Tanthropologie moderne, no consiste 
pas par conséquent à savoir si parmi les délinquants 

11 



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- 162 - 

existent ces êtres dépravés et brutaux, récalcitrants à tout 
frein et a tout seutiment honnête, tel qu'on les décrit trop 
souvent dans les romans et sur le théâtre; et telle n'est 
pas ridée caractéristique de la nouvelle école. Elle s'occupe 
plutôt de démontrer : !<> que, sinon la majorité, près de la 
moitié appartient à cette malheureuse tribu des prédesti- 
nés au crime; 2° que cette prédestination est déterminée 
par des conditions organiques congénitales non modiCa- 
blés ; 3^ que par conséquent, l'examen anthropologique du 
délinquant donne lA preuve de son caractère. Et cela sans 
compter que ledit caractère anthropologique ne ferait pas 
défaut dans les autres sujets, quoiqu'ils ne fussent pas 
délinquants-nés. 

On comprend sans peine comment il y a un abîme entre 
le Init ci-devant signalé et les données maintenant indi- 
quées. Eh bien! voici comment l'auteur de VUomo delm- 
qumte le comble : 

K L'anthropologie criminelle a prétendu appeler à son 
aide toutes les sciences biologiques et psychologiques pour 
photographier le type criminel, et a été accusée de res- 
treindre ses études à la seule criminologie. Il est bien 
vrai qu'elle a montré sa préférence pour celle-ci, parce 
qu'il lui suffit d'avoir entre les mains un crâne avec des 
anomalies, pour porter un diagnostic et déclarer le délin- 
quant-né infailliblement convaincu. Mais il est juste de 
reconnaître que les recherches ont été poussées plus avant, 
comprenant jusqu'à la rougeur du visage, l'écriture et les 
chansonnettes usitées. 

^ Avec la multiplication des observations et des mensu- 
rations du crâne, les résultats ont été des plus négatifs, 
sans tenir compte des conclusions absolument négatives 
d'aothropologistes et d'anatomistes de la valeur de Mante- 
gazza, etc. Ceux mêmes qui se trouvaient engagés à soute- 
nir le type criminel se sont vus forcés de conclure que ces 
recherches ne correspondent pas au désir dans l'exécution. 
Il suffit d'un regard sur la table où sont résumés les résul- 
tats multiples des observations, qui sont en complet dé- 
saccord, pour comprendre la stérilité des conclusions 



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..^n^UJl 



^ 163 — 

auxquelles on arrive, eu voulant tout analyser pour en 
tirer un tout homogène. r> 

Du reste, il s*agit d'au moins soixante anomalies, toutes 
relatives au crâne, et, pour la plus grande partie, appré- 
ciables à la discrétion des observateurs, qui regardent ce 
développement et les dimensions plus ou moins grandes ; 
on comprend bien comment, avec ces recherches faites sur 
un nombre de minimum de sujets, un peu de bonne 
volonté aidant, les résultats peuvent répondre au désir. En 
toute cette ailaire, les anomalies crâniennes, peut-être 
parce qu'elles sont moins à la portée des profanes, portent 
sur un petit nombre de traits inorganiques, désagrégés, 
dans lesquels on a prétendu justifier les incohérences évi- 
dentes entre les obversations de Tun et de l'autre, pour 
aboutir à une opposition plus incohérente encore entre 
les crimes des délinquants, ceux des hommes sains, des 
fous et des sauvages. A propos de ces derniers, M. Luc- 
chini fait une remarque d'un intérêt général : quand on 
parle des sauvages, avec l'intention de se référer aux races 
humaines qui ont précédé la nôtre, on ne peut faire ce 
que font les nombreux anthropologistes, toucher au point 
de comparaison chez les hommes plus ou moins sauvages 
du temps présent, Indiens, Chinois, Noirs, Malais, qui 
présentent une masse de révolutions, laquelle, à côté du 
souvenir des origines humaines, montre un mélange de 
conditions et de circonstances susceptibles de modifier 
profondément leurs organismes. 

« Si les résultats fragmentaires et incohérents de l'examen 
crâniologique ne viennent pas à l'appui de la thèse, quelle 
valeur scientifique auront ceux qu'on obtient en appli- 
quant le mètre et le compas aux tètes vivantes? Quant 
M. Amadei ne l'aurait pas remarqué, on comprend facile- 
ment combien la crànioraétrie sur le vif doit être impar- 
faite, à cause de l'enveloppe charnue des appendices carti- 
lagineux et des cheveux qui s'interposent entre la boîte 
osseuse et les intruments de mesurage. Mais l'étrange est 
que des vivants donnent souvent des résultats opposés à 
ceux des morts ou présentent des anomalies auxquelles on 



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— 164 — 

attribue une importance qu'on ne calcule pas dans leur 
examen, à cause de la diversité du contingent. Aussi la 
capacité crânienne ne serait plus anomale par défaut, 
mais par excès, spécialement dans les homicides ; la hau- 
teur du front qui, dans ces crânes, était laissée de côté, 
est t^evée chez les vivants, à une haute dignité ; on peut en 
dire autaot de la circonférence inférieure et du diamètre 
mandibulaire qui étaient reconnus comme ne concluant 
pas sur les crânes morts, tandis que le front fuyant s'éva- 
nouit, le nombre 31 que fournissaient les crânes des morts 
se réduisant à 9 %. 

Mais il ne s'agit pas seulement dé la rareté et de l'inco- 
hérence des données et d'une plus grande rareté dans les 
résultats différentiels, que les anthropologistes eux-mêmes 
de la itoucelle école reconnaissent bien, ou d'une apprécia- 
tion peu bienveillante ou préjugée de tel ou tel méthaphy- 
sicieu sur les déductions qu'on en tire. Il s'agit des résul- 
tais combattus et contredits par d'autres anthropologistes 
et anatomistes, qui, sans être inscrits à ladite école, n'en 
sont pas moins compétents et autorisés dans la matière. 
A part ïes déclarations générales, mais explicites, du prési- 
dent de la Société anthropologique italienne, qui nie abso- 
lument qu'il y ait rien de sérieux dans les études ^r la 
configuration typique du crâne, comme, en général, dans 
le type anthropologique des délinquants, et d'autres spé- 
cialistes réputés, voici un anatomiste italien, Monti, et un 
anthropologiste étranger, M. Huger, président de la Société 
anthropologique belge, qui rejettent solennellement les 
rares résultats allégués par les maîtres de la nouvelle 
éeok^ et non pas avec de vagues assertions, mais avec des 
faits et des données scrupuleusement certifiés et recueillis. 
M. MoiUi, en examinant 92 crânes de délinquants, pres- 
que tous homicides, qui se rencontrent presque tous au 
musée de Bologne, a trouvé par exemple, par rapport à 
Undex cèphalique, « que le degré des divers types appar- 
tenant aux individus d'une même province (comme étaient 
ceux des crânes examinés et comparés d'individus sains 
et fous du même pays), ne change pas, quoiqu'ils appar- 



y 



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— 165 — 



lîeuDent à des individus sains ou fous ou délinquants ; que 
l'asymétrie dans les crânes des malfaiteurs est moins fré- 
quente que dans les crânes des fous et des gens sains ; que 
la circonférence verticale longitudinale est à peu près égale 
dans les Bolonais sains, fous ou délinquants; quil y a 
égalité de circonférence verticale transversale entre les 
délinquants et les fous et le diamètre transversal du grand 
forum occipital. Quant â la face, à laquelle la nouvelle 
phrénologie anthropologique assignait la localisation éma- 
lionnelle, après avoir noté qu'il n'y a pas de dilïérenees 
apprécialjles par rapport au fameux prognatisme, à la 
longueur de la face elle-niôme, de la non moins fameuse 
obliquité des orbites (qui suivrait proportionnellement la 
longueur du nez, ce qui ferait que le nez serait plus ou 
moins long suivant Taptitudeet la facilité a commettre des 
délits), et de la longueur de la portion maxillaire; puis, 
après avoir réduit à de jusles termes les anomalies de la 
face supérieure, dents canines, mandibules, qui pèseraient 
moins dans les malfaiteurs, au coutraîre de ce qu'affirme 
M. Manouvrier, il arrive à cette j^rave conclusion, intuitive 
si Ton veut : a Dans Tétude comparative du squelette de la 
face des malEaiteurs, nous n'avons pas trouvé de carac- 
tères spéciaux qui dussent les dillérencier des autres, et 
par conséquent cette empreinte de Tassassinat, qui se ren- 
contre dans le visage de ces individus, doit être attribuée 
non au squelette, mais à l'attitude que prennent les parties 
velues de la face par suite de déterminations contenues 
et coupables de la volonté (sur les crdnes des délin- 
quants) IL 

Meyer nous fait connaître le résultat de ses diligentes 
éteécr"Sïïf la beauté de 13â crânes, en grande partie d'as- 
sassins exhumés par la justice, des musées de Bruxelles, 
Liège et Gand, mesurés et disséqués au moyen des systè- 
mes et des instruments les plus perfectionnés, et eux 
aussi rebelles à la voix de la nouceUe école. Les données 
recueillies par Meyer confirment que l'index céphalique 
ne peut servir à caractériser les délinquants, que Toccipul 
ne présente pas la fossette que M. Lombroso disait avoir 



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— 166 — 

8\ souveat trouvée chez les assassins italiens » que le 
diamètre frontal n'offre rien de particulier pour ce qui 
coDcerne les assassins; que les dimensions de la face, 
des mâchoires, des zygômes, des orbites, répondent au 
caractère de la race et n'ont rien de commun avec le déve- 
loppement énorme des os zygmatiques, considéré par 
M* Lombroso comme propre aux assassins, et que, en 
résumé, les assassins ne constituent nullement une variété 
de l'espèce ; un assassin bruxellois ressemble beaucoup 
p]uB à un autre Bruxellois non assassin, qu'à un crâne 
quelconque de la série des assassins liégeois. ^ 

£n présence de ces résultats non hypothétiques, mais 
directs, expérimentaux, établis sur des séries de sujets 
assez considérables et suffisamment homogènes, obtenus 
par des observateurs autorisés et respectables à tous 
égards, sujets à un contrôle facile, comment se soutien- 
nent les prétendus résultats obtenus par les anthropo- 
logues théoriques ? (1). 

a Ceci est la partie qu'on pourrait dire étroitement scien- 
litique de la théorie, celle où domine l'observation tech- 
nique, directe, sur l'organisme humain. D'où me semble 
résulter une seule chose à savoir, que l'anthropologie 
n'arrive à démontrer que le manque ou le défaut de 
connaissance, si Ton aime mieux, de caractères déter- 
minés et constants qui servent h distinguer nettement un 
homme délinquant d'un homme normal, comme la science 
n*cst p^s encore parvenue à distinguer, toujours au regard 
de raulliiopologie, un sage d'un fou (chose qui devrait 
sembler beaucoup plus facile). 

ti Et si tels sont, sans doute, les résultats de cette re- 
cherche anthropologique, de manière que les apôtres de 
la foi positiviste concluent que les caractères purement 
anthropologiques ne peuvent fournir qu'un critérium 
mb&idiaire pour reconnaître un délinquant instinctif, ne 
scrait'il pas prudent d'attendre, en travaillant à l'indue- 



(Il Pages 1C4, 106. 



I 



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— 1(17 - 

lîoo, avant d'arriver aux fànneuscs doctrines qui doivent 
renverser toutes les sciences du droit pénal? » (1). 

Mais la ferveur anLhroiioIogique ne s'arrête pas aux 
recherches anatomiques, à Tétude du corps. Après avoir 
repoussé comme une calomnie h tacliede vouloir restau- 
rer la phrénoloî^ic, ranthropologie théorique est allée 
chercher dans les profocdcurs, dans les Qoyfles» dans les 
couches, les indices qui doivent lui révéler son homme. 
Elle qui proteste que Lnvaler et ceux qui l'ont suivi ne 
sont que des visionnaires, elle demande à la couleur du 
poil, rie la peau, de ririSp a la position des oreilles, du 
nez, des dents, des yeux, des cheveux, à la mauière de 
regarder, de rire ou de pleurer , ces révélations que le 
crùne, le cerveau et les entrailles n'onl pas voulu lournir. 
Mais tout se réduit encore à quelque description de types 
plus ou moins sortie du cerveau, accompagnée de quelques 
laides figures honorées do plusieurs éditionsi à qui Ton 
oppose d'autres fif^ures plus ou moins communes ou qui 
ont l'empreinte du génie, et à réoumération de quelques 
rares sujets pris sur cent dans un nombre déjà infime ; et 
tout cela, sans avoir pu faire la comparaison avec les 
hommes honnêtes. Je dis mal ; la comparaison est faite 
une fois par rapport à la couleur des cheveux, et elle 
aboutît à direque, dans l'ensemble, bien quHI n'y ait pas 
peu d'homicides avec le poîl blond, la prépondérance est 
toujours aux bruns, peut-être parce que la couleur blonde 
s'unit à un corps moins robuste* Sur ce poil blond, il est 
permis de douter beaucoup, quand la pensée se reporto 
seulement au type du Nord, tandis que sur le tempérament 
robuste il n'y aurait rien à redire, et que même un pro- 
fane en anthropologie remarquerait facilement que» pour 
assommer son prochain, il ne faut pas avoir un tempéra- 
ment flasque et mou, un coeur de lapin, un caractère 
timide et peureux, 

A ce propos deux pensées reviennent à Tesprit: la pre- 



(1) Paga 111. 



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- 168 — 

mièrej c'est qu'à toute espèce d'activité criminelle doit 
correspondre uù tempérament spécial, une aptitude 
psychologique^ une prédisposition organique et morale 
corrélative, à laquelle correspondront éventuellement, à 
leur tour, les signes externes (le corps svelte ou robuste, 
agilité ou perspicacité, caractère sanguin ou lymphatique, 
expression (îêre ou bonasse du visage, négligence ou re- 
cherche des manières, des vêtements, du langage); et la 
deuxième, c'est que toute forme d'activité criminelle ayant 
réquivalent opposé d'activité honnête ou relativement 
bonnéte (Hiomicide, par exemple, trouve en face de lui 
la police ou Farruée, l'adresse commerciale, etc.). Ce môme 
tempérament , prédisposition , aptitude et caractéristi- 
ques, rechercheront cette bonne et honorable activité. 
Et alors, de tels caractères seront indifférents pour bien 
des natures criminelles, à moins que la preuve de cette 
nature ne sorte du délit qui leur est imputé, ce qui rend 
inutile l'horoscope anthropologique (1). 

Qu'on ne dise pas que cette comparaison tentée ne peut 
être achevée, parce que l'opposition des caractéristiques 
lait défaut dans les individus normaux. Elle ferait défaut, 
en ce sens qu'au contingent des exemples d'une spécialité 
criminelle donnée ne s'oppose pas le contingent d'autant 
d'exemples dans la spécialité analogue non criminelle, 
pendant que, jusqu'à présent, à un certain nombre de 
voleurs et d'assassins on est venu comparer une masse 
incohérente d'hommes normaux. 

« Mais je retire, plein d'horreur, le pied du scabreux 
sentier de la métaphysique anthropologique où je m'étais 
aventuré; quoique, à propos de faussaires et d'escrocs, je 
trouve VUônw driinquente lui-même qui me donne raison, 
en observant que beaucoup avaient une physionomie 
empreinte d'une bonhomie régulière, rappelant la phy- 
sionomie rlérkak qui, du reste, dans leur triste carrière, 
était une condition nécessaire pour ne mettre pas en garde 



(1) Pagen3. 



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-..^lii 



~ 169 — 

la victime î — Oh ! les malioâ, qui dans 1b seio de leur 
mère (coupables-nés) se sout assuré la bonhomie de la face 
pour tromper leur victime » (Ij, 

Du reste, qui ne reconnaît, même sans être anthropo- 
logue ou lils d'anthropologue, que souvent (nous uoua 
appliquons aussi une pas exapférer), surtout s1l s'agit d'un 
délinquant d'babitude, d'un détenu sans barbe, on lit le 
délit, et non seulement sur sa face, mais aussi dans toute 
sa personne, dans ses gestes, dans son parler, dans son 
regard ; comme d'après des signes semblables on connaît 
le soldat, l'ouvrier, Fartiste, le préire, le facckino, le 
paysan, même sans qu*il porte les insignes de sa pro- 
fession. 

Les anthropologis tes ne veulent pas entendre parler de 
cela, et alors, avec leur babiluelle tranquillité, ils mettent 
ep avant le type du délinquant; en générai, la plupart des 
délinquants ont les oreilles ouvertes, les cheveux abon- 
dants, la barbe rare, un type ressemblant au mongol et 
quelquefois au nègre. Pauvres mongols qui deviendraient 
une bonne pâte de cens s'ils étaient mieux élevés! en 
comparaison avec bien des espèces de la racecaucasique! 

L'anthropologue, qui lient surtout à jicagner de Tascen- 
dantsur les masses, ne se contente pas de rapporter les ré- 
sultats de ses observations et de ses impressions propres, 
il veut aussi s'associer le lecteur. Et, après avoir surpris 
l'imagination dès le frontispice du livre, avec ces cinq ou 
six figures de brutes dont j'ai déjà parlé, photographies de 
délinquants de tel on tel pays, auteurs de tel ou tel crime, 
mêlés et groupés, il les présente reproduits et réduits, de 
manière à faire dire que ce sont là les vraies tables par- 
lantes du délinquant, 

a On a déjà observé que la vue de ce caléîdoscope pho- 
tographique, où Ton ne cherche pas les tètes les plus insi- 
gniOantes, produit un effet parfaitement contraire à celui 
qu'on voulait obtenir, toutes les létes paraissent en grand 



(1) Page 114. 



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— 170 — 

Donibre, régulières et géniales, et, pour Ig plus graod 
nombre» indidérentes. A cette impressioo l'anthropologue 
répondra, naturellement, en haussant las épaules, que 
c'est certainement le fruit de la prévention, de \n myopie, 
d'une certaine direction d'esprit. Va pour la myopie, qui, 
au dire des anthropologues, serait une des caractéristiques 
de l'homme civil, pendant que l'acuité de la vue devrait 
être un indice d'atavisme; va encore pou r lïi brièveté d'es* 
prit. Mais, quant à la prévention, qui pourrait tiès bien 
vutler rintelligence, il faudrait que les anthropologues 
eux-mêmes fussent les premiers à s'en dépouiller. Quand, 
en eflet, on voit faire le diagnostic de Thom me avec une 
photographie pour base, quand on voit retracer les dlmon< 
slons des mandibules dans les portraits des hommes qui 
portent la barbe (23 Vo), la rareté de la barbe sur les faces 
rasées par le barbier, le strabisme (plusieurs ont des lu- 
nettes et les yeux fermés ù dessein, on le note à cause de 
rimportance de cet indice), la physionomie douce, mais 
fausse; quand on prétend découvrir tout cela et d'autres 
belles choses dans les photographies^ il me semble qu'il 
faut do la bonne volonté pour venir à une conclusion. 
Allons! la chose n'est pas sérieuse et fait souvenir de cer- 
tains épisodes de superstition et d'hallucination humaines, 
quij mémo aujourd'hui, sont assez fréf]uenLs, où, non pas 
une ou deux personnes, mais une foute de peuple voit des 
apparitions miraculeuses de saints et de madones » (1)- 

C'est un phénomène psychologique assez élémentaire, 
mais qu'il ne faut pas laisser passer inaperçu. L'esprit 
élevé dans un ordre d'idées donné, mû par certaines vues 
particulières caressées pendant longtemps, se trouve natu- 
rellement disposé à en lire le reflet dans tous les faits et 
toutes les choses qui paraissent y donner lieu , quelque 
lucide et sereine que soit l'inlelligence, et plus Tcsprit est 
vif, plus il travaille ù voir dans le inonde externe son 
idéal de prédilection. C'est un soin long et minutieux, de 



(l) Page 116. 



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— 17i — 

chercher partout la correspondance, et ane satisfaction 
inellable de se persuader que tout procède selon nos 
désirs. Dans une telle diapositîon d*esprit, il est trop natu- 
rel que, dans Ja femme aimée, vous n*apercevîez pas les 
petites et grosses taches, que dans les cérémonies de tous 
ceux qui nous cntoiïrent, nous ne voyions qu'autant 
d'expressions de sincère estime, que dans les vicissitudes 
sociales et politiques, nous nous imaginions que tout se 
conforme à lldéal du gouvernement qui se dresse dans nos 
aspirations, et ainsi de suite. 

Il arrive aussi que nous agrandissons, sans nous en 
apercevoir, ce qui nous concerne, en i^petissnnt et même 
en n'apercevant pas ce qui ne nous concerne pas, et nos 
sens, déjà si faillibles à apercevoir la qualité des choses 
internes, nous secondent ù merveille en nous faisant croire, 
voir, entendre cl toucher ce qui n'existe pas réellement «i 
vice versa. Tout cela de très t)onnc foi et avec la certitude 
morale de ne pas nous tromper. L'expérience démontre 
f|n'il n*est pas dilTicile que les préoccupations scientifiques 
deTétudiant exercent leur inlluence sur la reproduction 
et le calcul arithmétique des chiffres. 

Par conséquent, on ne doit pas s'étonner si un partisan 
deTanthropolo^ie criminelle, en palpant les crânes, croit, 
par une illusion du tact, découvrir des choses là où elles 
n'existent pas, ou par une illusion de la vue sur les pho- 
tographies, voir rœil sinistre et noir, la où au contraire il 
était doux et insignifiant. 

De toute manière, cette diagnose, opérée sur les photo- 
graphies, ne nflènc pas à des résultats anthropologiques 
trop satisfaisants. Les plus lameuses caractéristiques de 
l* homme iîéUnquauî, même dans ces portraits choisis au 
hasard, seraient représentées par ries chifïres misérables 
sur cent ; oreilles à anse, 18 Vol front fuyant, S Vo ; 
prognatisme, 4 °/o; asymétrie faciale et front bas et étroit, 
3 *^/o, et le caractère typique, par ce concours de deux 
anomalies physîooomiques et plus, 23 ^/o^ eu comparaison 
de 16 % où se rencontre le manque total de caractère 
morbide, toujours en parlant de sujets choisie au hasanL 



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â 



^ 



— 172 — 

Doûc la délinquance peut exister sans type crinaineL Et, 
puisque le type anormal peut aussi exister sans délin- 
quance, quoiqu'on ne comprenne pas comment, parmi 
les 213 sur 400 normaux qu'on dit avoir examinés, on peut 
certifier Texistence de plusieurs avec des tendances cri- 
mineJîes (dans l'espèce de ce très riche seigneur, qui 
déclarait que, s'il avait été pauvre, il aurait été voleur, 
assassin même), à quoi bon alors la recherche physiono - 
mique ? Mais on dira : c'est une conlirmation des données 
anthropométriques. Mais les données craniologiques ne 
donneraient pas moins de 58 Vt> ou au moins 43 "/o; 
alors la confirmation manquerait pour la moilié! on 
ajoutera : Le type sert à caractériser les coupables-nés 
et pas les autres. Ces données anthropométriques devraient 
également concorder à la fois (ceci est encore plus curieux): 
en classant, il n'apparaît pas avec quel critérium^ les 
sujets de 213 photographies, on trouve que, dans les délin- 
quants par passions, le type criminel surpasse la moyenne 
précédemment signalée, allant jusqu'à près de 25 ^/a, et 
reste à peu de distance de celle qu*on appelle les coupables 
d'occasion (19 o/o). 

En attendant, rendant hommage aux proverbes popu- 
JaireSj élevés par l'anthropologie criminelle à la hauteur 
de la dignité scientifique, il faudrait éliminer toutes les 
lemmes {en certains lieux il y en a à profusion) et les 
hommes imberbes, parce que « peu de barbe et aucune 
couleur sous le ciel, il n'y a rien de pis. )) Faisons des 
vœux pour que cela n'arrive pas pour l'heure, en attendant 
que les nouveaux magistrats anthropologues puissent 
découvrir et confondre, non pas l'assassin qui a déjà 
refroidi sa victime, mais celui qui se dispose à le faire, 
avec la divination de ce comte de N... cité par Lavater, 
qui, rien qu'à voir la physionomie bouleversée d'un ami, 
lui dit : Vous n'êtes qu'un assassin, et obtint du malheu- 
reux, devenu pâle, l'aveu que c'était vrai» 

Mais jusqu'ici il ne s'agit que d'une étude anatomique 
et anthropométrique, bien que la première soit exclusive- 
ment circonscrite à cette malheureuse boîte osseuse qui 



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~ 173 "- 

fait faire tant de mauvaises plaisanteries au ^enre humain, 
et la seconde étenrLueavec les illuslralioris physionomiques 
dont nous avons parlé; de Texamen du corps on passe à 
l'exameii de Tàrae, toujours pour trouver la coniiraiation 
successive du type criminel, el ici encore il faut nous 
arrêter (1)* 

Le chemin serait long à parcourir, si nous voulions 
passer en revue toutes les données, toutes les appréciations, 
qui se mettent en avant, s'accumulent, se mêlent comme 
une vraie fanlasmagorici pour nous faire comprendre 
comment tout conjure à inoculer le type de ce malbeu- 
reux délinquant. Le tatouage, la sensibilité, la religion, 
rinteliîgence, Tinstruction, l'argot, récriture, mt^me la 
littérature font les frais de cette décadence psychique, dans 
laquelle on ne sait qu'admirer le plus de la fantaisie de 
l'observateur, ou de Tingénieuse habileté du dialecticien. 

Si toute cette étude biologique, plus sérieusement déve- 
loppée, sans prétentions et sans préoccupation de ces 
fameux résumés, surtout sans inductions exagérées et pré- 
cipitées, avait pour but l'analyse psychologique du délin- 
quant, ou mieux, de la classe du délinquant, pour en con- 
naître les mœurs, la manière de penser et de sentir, le 
milieu moral où il respire, la susceptibilité jointe à la 
capacité d'amendement, ce serait la chose la plus intéres- 
sante du monde. Le législateur, T boni me de gouverne- 
ment, le fonctionnaire de police, celui qui étudie les sciences 
pénales et pénitentiaires, y devraient apprendre beaucoup, 
et la psychologie mériterait vraiment, plus qu'aujour- 
d'hui, de tout cet ensemble de lois et d'institutions qui 
tendent à la répression et à la prévention des délits , sans 
parler du prolil qui en reviendrait à la même branche de 
savoir qui scrute les fonctions et les mystères de riotelli- 
gence humaine, en relation avec les causes qui en déter- 
minent l'activité* De la sorte, la biologie et la psychologie, 
plus directement dans la science et Tadministration des 



{1) Page 119. 



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— 174 — 

prisons, plus ladirectement, au regard de la péualité et de 
la police, devraient être considérées comme des sciences 
auxiliaires et complémentaires à cultiver avec un soin 
amoureux (1). 

Malheureusement, cette thèse bénàe, qui vetrt trouver 
partout des indices paur coBftrnier Tétat anomal, Tarrct du 
développeoaeni et Tatavisme chez les délinquants, nous 
retarde et compromet le puissant secours que la psycho- 
logie, sainement entendue, devrait apporter. Et cette 
recherche maladive du délinquant a désorganisé la science 
et enlève toute sécurité à l'observation, dégagée de toute 
règle systématiqueicomme elle Test au service de théories 
préconçues et paradoxales. 

Que le vrai ait le dessus; avant tout, le nombre des 
sujets à examiner est toujours arbitraire et équivoque; le 
plus souvent la manière de les déterminer est vague. Par 
exemple, pour le tatouage, on met confusément ensemble 
soldats et bourgeois, Français et Itnlicus, adultes et 
mineurs; on parle de détenus, de mineurs emprisonnés, 
de délinquants et de gens emprisonnés dans un seul éta- 
blissement, sans nous faire savoir s'ils sont déjà condam- 
nés ou si ce sont des gens à corriger; pour la sensibilité 
physique, on parle de 68 criminels, sans dire de quelle 
espèce ; on expose des observations algométriqucs sur 5 in- 
dividus, ailleurs on étudie la vision d'un certain nombre 
de criminels très jeunes, on limite l'examen de la réaction 
vitale aux mineurs et aux prostituées; pour l'écriture, la 
confusion, Tindétermination et la rareté des sujets se don- 
nent la main ; pour la littérature, on ne nous offre qu'une 
anthologie de chansonnettes populaires et d'airs de pri- 
sons (2). 

Mais ensuite, pénétrons dans le mérite des arguments; 
il devient difficile d'entendre Timportance anthropoloiiiquc 
attribuée au tatouage, quand on trouve, par exemple, le 



(1) Pages 110. 1?0. 

(2) M, 120. 



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— 175 "- 

CDDlîn^eiit de ceux qui en portent les traces extrêmement 
variables (1 à 18 Vo parmi les soldats italîeas, 20 V^ parmi 
les soldats français, 40 parmi les mineurs de la Générale^ 
et puis à peine 6 % parmi les adultes dans les prisons de 
Turin, Pavie et Bergamc]; quand il n'est pns possible de 
faire des comparaisons avec la population libre (il est 
déjà assez ditlicile d*eii faire une avec la population spé- 
ciale des casernes) , ou quand on nous fait savoir que, daus 
une réunion considérable du Piémont même, il y eut vingt 
associés qui se tatouèrent à Tépoque de la clôture, comment 
peut-on soutenir que le tatouage ait une relation quel- 
conque avec la délinquance? Gomment le ranger parmi 
les causes qui déterminent la vengeance, lorsqu'une seule 
, fois on en retrouvera le symbole? Et comment ne saule-til 
pas aux yeux, en laissant de côté le temps où le tatouage 
fut opéré, que la cause première, sans compter le loisir et 
rimitation, est la manière de vivre particulière au milieu, 
ce qui le rend précisément plus fréquent parmi les gens de 
mer, les mineurs et les soldats (i). 

L*auteur énumère rapidement ; mais on le voit, le résul- 
tiU do ses propres recherches est tout à fait contraire à celui 
que tire des siennes Lombroso, sur Tàge, Torigine, la 
profession, la couleur du poil, la sensibilité physique ou 
morale, la religion, l'argotp récriture. 

« C*e5t une chose contradictoire que de tirer de la statis- 
tique do la récidive une preuve caractéristique d'un cri- 
minel inné, quand lesanthropologues sont forcés de recon- 
naître que le régime des prisons est la cause principale de 
la récidive » (2). 

(3) Après avoir apprécié pour ce qu^elles valent les expé- 
riences et les déductions faites à propos de ce qu'on a 
appelé rétude biologique et psychologique du délinquant, 
et évalué ses caractéristiques hypothétiques résultant de 



(1) PageiaK 

(3) M. ui, cb, VII : Type criminel, aynihfrae. 



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T^ 



— 176 — 

rexamendelaseQsibilitéetd^ raft«ctivité,dii langage et de 
l'écriture, delaroligioûétderinslructioû, la confiance avec 
laquelleon prétend coiicl y re: voici le type de rtionime-dêlia- 
quant, c'est-à-dire tic corps et d'Ame diffèrent des autres 
hommes, coDgénitalemeot déformé, anomal daDssoo orga- 
nisme et dans toutes les manifestations de son individua- 
lité, et cela par dégénéra tien et par arrêt de développement 
et en même temps par atavisme, parait devoir nous sur- 
prendre. 

Si l'on admet, pour un instant, l'existence réelle des 
caractéristiques et anomalies, une objection générale 
se présente aussitôt. L'observation expérimentale, par 
laquelle elles seraient constituées, ne concerne presque 
jamais ni le même choix, ni le même nombre de sujets 
examinés, tandis que chacune des expériences plus ou 
moins fondées dont il est parlé plus haut concerne un 
contingent plus ou moins moyen, toujours diJTéreni. 

Toutes les recherciies, soit sur le corps, soit sur lïime, 
ont pour objet ce contingent plus ou moins grand d'indi- 
vidus qui portent le stigmate légal delà délinquance, mais 
sans arrivera une conclusion, qui, dans ce nombre inco- 
hérent de sujets, nous fasse reconnaître et distinj^uer 
l^une de l'autre les classes des coupables^ ou qui nous 
amène à établir le concours des prétendues caractéris- 
tiques correspondantes dans un nombre donné de sujets 
examinés. Ainsi^ pour donner un exemple, l'étude anUiro- 
pométrique concerne quelques centaines de prisonniers 
qui n'ont rien à voir avec le petit nombre de douzaines 
d'individus soumis aux expérimentations sphigraogra- 
phiques;la physionomie est explorée dans les condamnés 
appartenant aux nationalités les plus variées, tjui sont tout 
à fait étrangers aux données sur le tatouage ou sur l'argot, 
et sur l'écriture desquels on ne sait absolument rien. Per- 
sonne ne sait quelles affections et quelles pensées agî- 
tèreuL les cerveaux de ces 350 crânes, qui appartenaient 
à des délinquants de toute race et de toute espèce, mesu- 
rés avec les systèmes et les instruments les plus divers. Par 
conséquent, en admettant que les observations fragmen- 



/Google «i* 



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— 177 — 

taires t;t désagrégées coiTespondisseulà Ja vérité, on igiioro 
absolament sî dans chacun des sujets examinés» el du 
moias dans la plus içrimde partie, concourraient tous les 
caractères essentiels ou la plupart descaracltres ossentiels 
qui distingueraient, au dire des anthropologues, le type 
criminel. Il me parait que, si un caractère typique est la 
luicrocépliaVie, el un autre le frout fuyaut, et un autre 
l'acuité de vue, et encore un autre le fait que Ton rougit 
d*uno seule joue, et ainsi de suite, mais que le délinquant 
est microcépliaie , a le front légèrement recourbé, y 
voit peu et rougit également des deux joues, ou ne peut 
pas le regarder comme une incarnation du type. Et si pré* 
cisémeut ces diverses recherches regardent toujours des 
sujets divers, qui nous dira que, ayant rencontré nn ou 
plusieurs caractères de la même série^ on n'y trouve pas 
joints d'autres caractères des autres séries, pourtant regar- 
dés comme appartenant au type eu question ? Peut-être 
tous les hommes seront-ils au milieu de cette masse d'indi- 
vidus mesurés, pesés, éleclrisés, interrogés, etc., qui pré- 
senteront chacun un ou beaucoup des caractères indiqués; 
si pourtant il en est, ils constituent une exception échap- 
pant à toute appréciation systématique. Maintenant, si ces 
fameux caractères varientd'un sujet à un autre, qui attes- 
tera quand il y aura ou quand il n'y aura pas le type cri- 
minel? [1). 

Et alors ce u^est plus les hommes- délinquants, mais 
la masse des hommes-délinquants qu'on étudie ; dans 
cette masse, quand robservalion se limite à peu de 
sujets, choisis comme il faut, il ne sera pas diificile, à 
cause des particularités de la vie, des travaux, du milieu, 
de trouver Tune ou Tautre de plusieurs des anomalies 
hypothétiques qui, d'ailleurs, ne feront pas défaut chez les 
hommes normaux! <r J'insiste, dit M. Lucchini, sur ce défaut 
de méthode, précisément parce que les anomalies, qu'on 
prétend les plus saillantes, sont celles qui regardent non 



Uj Page ik*. 



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— 178 — 

le crÂae et les organes du corps, mats les maDifestatioas 
psychiques » (i). 

Avec un peu de bonne volonté, je crois (c'est ainsi qu'on 
raisonne maintenant dans la science) que, si Ton se met- 
tait à étudier anthropologiqueinenl magistrats et avocats, 
prêtres et soldats, dans chacun de ces groupes sociaux, on 
trouverait facilement, en commençant par le crâne et par 
la face, pour finir par l'argot et par récriture, tout ce qui 
sufTit pour établir un type; et Ton aurait ainsi Thomme- 
légfsle, rhomnie-prôtre; et, si les anthropologues se met- 
taient sincèrement à Touvragc, nous aurions bien vite une 
bibliothèiiue anthropologico-religieuse , anthropologico- 
militaire, etc., comme nous avons déJK une bibliothèque 
anthropologico-juridique, qui, du reste, n'est pas plus an- 
thropologique que juridique (2). 

Dailleurs, quand on pourrait admettre {chose absurde et 
contradictoire) qu'un caractère fût suffisant pour former 
un type, même sans être accompagné, même en étant con- 
tredit par d'autres, les contingents respectifs, très variables, 
seraient tout à fait rebelles à un calcul constant et homo- 
gène. L'anthropologie s'en aperçoit^ quand, faisant son 
titre, avec cette facilité d'appréciation qui lui est familière, 
elle constate que les exemples donnés fourniraient par 
exemple un type de 23 Vm, tandis que le terrible indice de 
la mâchoire fournirait 36, le manque dn barbe seulemeot 
3% la cràniologie 38, le tatouage 10 «/u, et la sensibilité 
générale amoindrie 6 ^o* 

Eh bien ! a quoi peuvent servir ces observations frag- 
mentaires et cependant prétentieuses, quand on n'arrive 
pas à savoir si sur 100 délinquants il y en a 10 ou 40, 20 
ou 60 qui portent les empreintes du type? 11 n'y aurait 
pas de mal, s'il s'agissait de recherches esthétiques et 
abstraites; mais il s'agit de trouver la base d'un système 
répressif qui aurait pour objet la défense sociale, cette 



(I) Page Ud. 




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— Ï19 — 

base parail peu solide, et la question mérite un renvoi à uq 

ttjmps indéterminé (1), 

On Institue avec désinvolture un cal cul scientifique pour 
accorder les divers tant pour cent des caractéristiques. 
Uuomo fh'Unquente ne trouve pas risqué un calcul approxi- 
malil qui Jixe la quote des coupables -nés à plus de 40 «/o. 

C'est par le calcul iipproxiniatîf qu'on finit, apt'és <ivoir 
entonné tant de chants de Ifiomphe à la science anthropo- 
logique, on oublie que la répression par le jugement porte 
m concrvtQ sur un individu déteranné. 

D'oï'i la doctrine du cumul des indict's. Si la masse ofîre, 
quelques variables que soient les tant pour cent, tels ou 
tels caractères typiques, Tun peut être remplacé par Tau tre ; 
que deux ou trois soient réunis, et Tou aura le type de 
rhomme délinquant. C'est le raisonnement sur lequel repo- 
sait autrefois le système des preuves judiciaires. 

Admettons que Ton réclame le concours de la note judi- 
ciaire pour rajouter au calcul anthropologique, que Ton 
pr^'Jère pour le résultat de tel ou tel procès les indices 
qu'on a déjà obtenus, quoique l'anthropologie perde beau- 
coup de son mérite à ce concours sollicité; encore faut-il 
savoir quand le tltOît est constant, à quel moment il faudra 
faire entrer en ligues de compte les notes anthropolo- 
giques. 

S'il s'af^issâit d*un prévenu suspect, ou comprend le 
service que pourraient rendre les indices anthropolo- 
giques, en contribuant à établir la conviction; mais, puis- 
que la science admet que les anomalies anthropologiques 
se présentent même dans des non-délinquants, on com- 
prend qu'il faut les exclure. 

Pour que la science anthropologique pilt aboutir, il fau- 
drait, en premier lieu, qu'elle lût en état de nous ofirir non 
pas des indices probables, possibles, par conséquent ar- 
bitraires, mais des preuves concrètes, les seules scienti- 
fiques et positives du type ; et, en second lieu, qu'elle pût 



dï Page 144. 



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positivemeat exclure rèventualité dû prendre un Itonnéle 
homme pour un bandit; il semble que rnntliropotogîe 
soit bien loin de là. 

On en est rôduit ù écarler la note judicfaire avec les 
notes aulliropologiqucs, quand le vcrclîcl est prononcé. 
Alors rnnthropologie prononce et assigne U délinquant à 
telle catégorie, dans la classificalian qui est ainsi con- 
firmée. Mais c'est ici précisément que le magistère anibro* 
pologique s'évanouit <le nouveau. 

On dirait que les indices anthropologiques dussent four- 
nir les caractères distinctifs de diverses classes de cou- 
pables ou au moifî^jJlps^rt^aracléres propres do cette classe 
spéciale et prééminenie qu'on nomme celle des coupables- 
nés ou instinctifs; telle, est ïa doctrine de ïuomQdelingui'^ile 
et de la erânioloffit'. Les caractères anlbropologîqaes n'ap- 
partiennent pas aux seuls délinquants-nés, mais on les 
trouve aussi chez les hommes honnêtes ; en second lieu, 
pour trouver le vrilerium qui sert à identifier le type, on 
emprunte toute autre chose que les fameuses notes anthro- 
pologiques (1). 

M. Lucchini répèle qu'il sulTit de parcourir les (li verses 
et multiples analyses, *çrandes et petites, qui ont été laites 
sur les coupables, et surtout dans Vaomo dt^linquente, pour 
se convaincre que la recherche du type et des caractères 
est indépendante du placement du su jet dans Tune ou Taulre 
des classes hypothétiques. D'habiludej <'c type prévaut dans 
ce qu'on appelle les coupables-nés, mais on affirme fré- 
quemment que tous les principaux caractères, ou beau- 
coup, ou les principaux dVntro eux prévalent chez ceux 
qui appartiennent a des classes diverses. Ainsi, par exem- 
ple, en recherciiant le type dans la physionomie, il résul- 
terait qu'on aurait 20 7u des coupablcs-nts, et 23 "/* des 
coupables par passion. 

Le plus souvent, on n'arrive pas h comprendre pourquoi 
les sujets sont réputés appartenir à une classe plutôt qu'à 



{\} Fago 148. 



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- 181 - 

une autre, sans que le type (iu délinquanl-né passe en évi- 
dence. 

Quelquefois i[ arrive aux auteurs d'oubltcr la source' 
à laquelle ils prennent tel ou tel critérium distinctîf. Mais 
ni6nie alors J'anthropologîc reste en dehors, et cV^st la 
pénalité qui ofTre 1h critei-iitm. Ainsi les déliquants-nes 
sont d*habitude reléfçuùs parmi les brigands, escrocs, cou- 
peurs de bourses et voleurs qualifias, pendant que les cou- 
pables par passion sont ceux qui tuent par jalousie, par 
colère, par provocation, miïnie si ce sont des contreban- 
diers; et les coupables d'occasion ^sont les caissiers qui 
s'enfuientjes banqueroutiers et Itfsbi^mes, etc.; de mémo 
la classiftcaLion des nuoiù oî7>-o;i/^ "par rapport aux déte- 
nus du bagne do Pesaro et de la maison de peine de Cas- 
teHranco, les premiers placés parmi les coupables nés, le> 
seconds parmi les coupables d'occasion, ne pourrait so 
justifier que si Ton se reportait an crikriiim de la condam- 
nation, criminelle pour les uns, correctionnelle pour les 
autres. *. (I), 

C'est encore la récidive qui ofirc le criUriam principal. 
M. Luccbinî revient sur cette idée qui Ta déjù arrêté plus 
d'une £ûU, fiâuc bi combattre (2). 

« La critique de la doetrine de Vuomo dditiqmnie ne 
serait pas épuisée si Ton n'appréciait pas les liypotlièses 
avec lesquelles l'auteur croit donner Texplicatton aliquote 
des anomalies qui constitueraientrindlvidualité typique et 
en même temps en rendraient impliciteniûnt plus percep- 
titres la consistance et la vraisemblance. Ces liypotlièscs 
sont au nombre de deux, aussi absurdes qu'ingénieuse- 
ment trouvées; la première, r.*cst que les anomalies 
répondent a un arr^t du développement; la seconde, c'est 
rinfluence atavistique. D'où la contusion des deux causes, 
en établissant l'identité des sauvages et des fous moraux, 

tk Pour ce qui regarde l'atavisme, il me parait au moins 



(Ij Page 149 et lâO. 
(2J I± 150-155. 



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— 182 — 

oiseux d& descendre k considérer technlquemeat si les 

caractères attribués avec tant de désinvolture aux délia- 
quauts tmiivent vraiment un analogue dans les sauvages 
hypothétiques, soit au regard pbysique, surtout en crânio- 
iogie, soit au regard moral; je me contente seulement de 
demander un peu de suite aux anthropologues » (i). 

Pour en venir â conclure que le déiit n'est pas autre 
chose que Talavisme, on a commencé par en montrer la 
genèse dans les planleb, puis dans les animaux, pour 
passer aux sauvages, de là aux enfants, puis aux adultes^ 
qui se relieraient aux sauvages. Mais ils n'ont pas réfléchi 
que, avec cette incursion comique sur Torigine du délit, 
ils ont eux-mêmes préparé la réfutation de leurs concep- 
tions. Si le délit préexistait comme un fait normal et habi- 
tuel dans les plantes, dans les animaux^ chez les sauvages 
et dans les enfants, la cause ne pourrait en être que nor- 
male et liée naturellement aux conditions propres deTorga- 
nisnie eldu milieu. Le délit, dit-on, est une exception, une 
anomalie de Thomme civilisé; mais c'est le produit ordi- 
naire, la coutume de telle plante, de telle race animale^ et 
en genne le caractère constant de Te n fan ce humaine, men- 
teuse, fausse, colère, violente, étourdie, impressionnable; 
donc, le délit est un phénomène répressif atavistique. — 
Mais non, ceci est un paradoxe. Ou lUiumanité sauvage 
tout entière serait un phénomène immense et collectif de 
Tatavisme animal. . . < (2)* 

n est admis de tout temps, même par Lombroso, que 
les enfants, avant leur première éducation, ne connaissent 
pas la dinctinetiou du bien et du mal, volent, battent, 
mentent sans remords. Mais c^est précisément pour cette 
raison, c'est lui qui continue, que nous comprenons com- 
ment le caractère le plus odieux du coupable, la malfai- 
sance sans cause, est une prolongation de l'enfance, com- 
ment le délinquant peut se manifester par le seul fait 



{h Pag^e 158. 



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- 183 — 

d'une mauvaise éducation qui ne lui impose pas de frein, 
mais stimule de mauvaises tendances congénitales, 

A la bonne heure; accusons l'enfance prolongée, qui, 
associée aux aptitudes spécifiques de Torganisme et de 
Tâme, secondée par les circonstances, par le milieu et par 
les occasions, produit le délit el le délinquant. C'est préci- 
sément ce qui fait partir en fumée atavisme, sauvage et 
type criminel. S'il est vrai, connue on n'en peut douter, 
que Tentant montre toutes les inclinations qui prédis- 
posent k l'immoralité, au délit, tous les hommes sont des 
délinquants en puissance 1 

Quant H ridentilé entre !e délinquant type et le fou 
moral, je ne vois pas ce qu'y gagne l'anthropologie, en 
dehors de l'avantage de calmer les conflits entre les 
savants, la figure du délinquant n'en reste pas moins 
obscure. 

En effet, à toutes ces incertitudes préexistantes surve- 
nues au sujet du caractère individuel du délinquant, on 
ajoute celles, %n grand nombre, qui regardent la coflcep- 
tioo, la nature elle diagnostic du fou moral. Il est impor- 
tant de noter que cette bienheureuse folio morale n'est pas 
seulement attaquée par beaucoup de juristes, gens qui, on 
le sait, ont toujours la tète dans les nuages^ dont Tesprit 
est emporté dans de vieilles habitudes psychiques qui les 
empêchent de saisir les nouveaux postulats de la science. 
Elle est contredite par quelques adeptes de la psychiatrie 
qui, n'admettant pas l'existence autonome de la folie 
morale, décline pour beaucoup, prend autorité en la ma- 
tière, appelle une nébuleuse qui traverse rhorizon de la psy- 
chiatrie. En Italie seulement, où ces éludes ont pris beau- 
coup de développement. j*ai pu compter trois courants 
plus ou moins hostiles a cette dernière, celui qui n'admet 
absolument pas cette preuve de maladie, celui qui l'admet, 
maïs non comme une maladie autonome. 



^ 



ji 



/-•< 



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B£JLUVA1S, TYPOGRAPUIE D* PERE, A* CARTIER, fîKHAXT. 



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