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L'ANNEE LITURGIQUE.
E TEMPS PASCAL
LE TEMPS PASCAL. — T. Ill
De licentia Superiorum.
IMPRIMATUR
t HENRICIJ&, Episc. Pictaviensi
l8 Februarii igtO.
L'ANNÉE LITURGiaUE
PAR LE
R, P. DOM PROSPER GUÉRANGER
ABBÉ DE SOLESMES
13 x:
LE TEMPS PASCAL
TOME III
Q uin 'pleine édition
LIBRAIRTE RELIGIEUSE H. OUDIX
PARTS I POITIERS
24, RUE DE CONDÉ j 9, RUE DU CHAUDRON-d'oR
IQIO
7 Ht INSTITUTE OF PFDl^rVAl STUDIE3
10 ELMSLEY PLACE
TORONTO 5, CANADA,
FEB î 5 1832
S^^iô^^^Eèfeî^i
LANNÉE LITURGIQUE
PRKFACE
E Volume est consacré prin-
cipalement à l'exposition
des mystères de l'Ascension
et de la Pentecôte ; et l'im-
portance de la matière nous a contraint
à ne pas dépasser 1 intervalle des trois
semaines qui sont les dernières du Temps
Pascal. Nous n'avons inséré dans ce vo-
lume que les fêtes des Saints des douze
vj Préface.
derniers jours du mois de mai. Le nombre
des jours auxquels elles sont admises
durant cette courte période est fort res-
treint. Cependant le mouvement de la
Pàque, qui s'étend au delà d!un mois,
nous eût obligé d'accumuler un nombre
excessif de ces fêtes pour correspondre
aux éventualités qui peuvent se rencon-
trer tout au plus sur dix à onze jours.
On devra donc prendre au tome précédent
ou aux suivants les fêtes qui ne se trou-
veront pas dans celui-ci.
Le volume qui doit suivre traitera des
fêtes de la Trinité, du Saint-Sacrement,
du Sacré-Cœur de Jésus, et commencera
la longue période du Temps après la
Pentecôte. On entrera alors dans la se-
conde partie du Cycle liturgique, bien
que la date des fêtes de la Trinité et du
Saint-Sacrement dépende originairement
de celle de Pâques; mais ces solennités
sont détachées du Cycle mobile, quant à
leur objet.
Préface.
^'V
Nous continuons de réclamer avec la
même confiance l'intervention de nos
lecteurs auprès de' Dieu, afin qu'il daigne
nous permettre de mener à une heureuse
fin cette oeuvre entreprise pour sa gloire
et l'utilité de nos frères.
TEMPS PASCAL
CHAPITRE PREMIER.
PRIERES DU MATIN ET DU SOIR, AU TEMPS PASCAL.
u Temps pascal, le chrétien, dès
son réveil, s'unira à la sainte
Eglise qui, dans l'Office des
Matines, vient de faire entendre
ces paroles solennelles :
u RR E X I T
Domi
LE Seigneur est véritable- i o v
ment ressuscité. Alléluia! | O vere. Alléluia.
Le moment étant venu de faire la Prière
du Matin, il pourra puiser en cette manière,
dans les prières de l'Eglise elle-même, la
forme de ses sentiments.
LE TEMPS PASC.VL. — T. UI.
Le Temps Pascal.
PRIERE DU MATIN.
Tpv'ABORD, la louange et l'adoration à la très
sainte Trinité
, Oenedicamus Pa-
^' iJ trem et Filium,
cum Sancto Spiritu ;
^. Laudemus ctsuper-
exaltemus eum in sœcula.
f. Gloria Patri, et Fi-
lio. et Spiritui Sancto ;
^. Sicut erat in prin-
cipio, et nunc et semper,
et in saecula saeculorum.
Amen.
i D ÉNISSONS Dieu, le
Dieu,
Père, le Fils et le
Saint-Esprit ;
B;r. Louons-le, et exaltons •
le dans tous les siècles.
f. Gloire au Père, et ua
Fils, et au Saint-Esprit ;
:ç. Comme il était au com-
mencement, et maintenant et
toujours, et dans les siècles
des siècles. Amen.
Puis, la louange à Jésus-Christ, notre Sau-
veur :
■>■ r
N resurrectione
tua, Christe, al-
léluia.
^. Cœli et terra la--
tentur, alléluia.
a, A VOTRE résurrection
^" i».ô Christ, alléluia.
1^. Les cieux et la terre
tressaillent d'allégresse, al-
léluia.
Ensuite, l'invocation au Saint-Esprit :
^ ENI, Sancte Spiritus,
reple tuorum corda
fideliiim. et tui amoris in
eis ignem accende.
"W ENEZ, Esprit-Saint, rem-
' plissez les cœurs de vos
fidèles, et allumez en eux le
feu de votre amour.
Après cjs actes fondamentaux, on récitera
i'Oraison Dominicale, la Salutation Angéli-
que, le Symbole de la Foi et les formules qui
suivent, s'appliquant à entrer dans les pen-
sées spéciales à ce saint temps en la manière
développée au premier volume de cette sai-
son liturgique.
L ORAISON DOMINICALE.
N
OTRE Père qui êtes aux
cieux, que votre Nom
soit sanctifié ; que votre règne
arrive ; que votre volonté
soit faite sur la terre comme
au ciel.
Donnez-nous aujourd'hui
notre pain quotidien ; par-
donnez-nous nos offenses,
comme nous pardonnons à
ceux qui nous ont offensés ;
et ne nous laissez pas suc-
comber à la tentation, mais
délivre^ -nous du mal. Ainsi
soit-il !
i_j ATER noster. qui es in
• cœlis, sanctiticetur
Nomen tuum : adveniat
regnumtuum : fiatvolun-
tas tua, sicut in cœlo, et
in terra.
Panem nostrum quoti-
dianum da nobis hodie :
et dimitte nobis débita
nostra. sicut et nos
dimittimus debitoribus
nostris : et ne nos indu-
cas in tentationem : sed
libéra nos a malo. Amen.
LA SALUTATION ANGELIQUE.
JE VOUS salue, Marie, pleine
de grâce ; le Seigneur est
avec vous ; vous êtes bénie
entre toutes les femmes, et
Jésus, le fruit de vos en-
trailles, est béni.
Sainte Marie,- Mère de
Dieu, priez pour nous pau-
vres pécheurs, maintenant et
à l'heure de notre mort.
Ainsi soit-il !
A VE, Maria, gratiaple-
^^ na :Dominus tecum :
benedicta tu in mulieri-
bus, et benedictus fruc-
tus ventris tui Jésus.
Sancta Maria, Mater
Dei, ora pro nobis pecca-
toribus. nunc et in hora
raortis noslrœ. Amen.
LE SYMBOLE DES APOTRES.
1 E crois en Dieu le Père
»• tout-puissant, créateur du
ciel et de la terre.
Et en Jésus-Christ, son
Fils unique, notre Seigneur ;
qui a été conçu du Saint-
Esprit, est né de la Vierge
Marie, a souffert sous Ponoe-
CRE
ti
EDO m Deum, Pa-
rem omnipotentem,
creatorem cœli et terrae.
Et in Jesum Christum
Filium ejus unicum, Do-
minum nostrum : qui
conceptus est de Spiritu
Sanct.o natus ex Maria
Le Temps Pascal.
Virgine, passus sub Pon-
tio Pilato, crucifixus,
mortiius, et sepuUus :
descendit ad inferos :
tertia die resurrexit a
mortuis : ascendit ad
cœlos, sedet ad dcxteram
Dei Patrisomnipotentis :
inde venturus est judi-
care vivos et raortuos.
Credo in Spiritum
Sanctum, sanclam Eccle-
siam catholicam, Sancto-
rum communionem, re-
missionem peccatorum,
carnis resurrectionem,
vitam aîternam. Amen.
Pilate. a été crucifié, est mort
et a été enseveli ; est des-
cendu aux enfers, le troisième
jour est ressuscité des morts,
est monté aux deux, et est
assis à la droite de Dieu, le
Père tout-puissant : d'où il
viendra juger les vivants et
les morts.
Je crois au Saint-Esprit, la
sainte Eglise catholique, la
communion des Saints, la ré-
mission des péchés, la résur-
rection de la chair, la vie
éternelle. Ainsi soit-il I
AURORA cœlum pur-
purat,
jEther résultat laudibus,
Mundus triumphans ju-
bilât,
Horrens avernus infre-
mit.
Rex ille dum fortissi-
mus
De mortis inferno specu
Patrum senatum liberum
Educit ad vitae jubar.
Cujus sepulcrum plu-
rimo
Custcde signabat lapis,
Victor triumphat, et suo
Mortem sepulcro fune-
raL
L'aurore empourpre les
cieux : un chant de lou-
ange retentit dans les airs ;
la terre, dans son triomphe,
se livre aux transports de la
joie ; l'enfer frémit d'horreur
et d'épouvante.
C'est l'heure où le Roi de
force entraîne sur ses pas,
vers la lumière de vie, l'ar-
mée des anciens pères affran-
chie des ténèbres où la mort
les retenait captifs.
De nombreux gardiens veil-
laient autour de son tombeau
scellé ; il est vainqueur, il
triomphe de la mort ; il l'en-
ferme pour jamais dans le
sépulcre où lui-même re-
posa.
Prière du Matin.
a Plus d'apprêts funèbres,
plus de larmes, assez de
regrets ; il est ressuscité, le
vainqueur du trépas », s'é-
crie l'Ange éclatant de lu-
mière.
Pour être toujours, o Jésus,
la joie pascale de nos âmes,
daignez sauver de la cruelle
mort du péché ceux que vous
avez fait renaître à la vie.
A. Dieu le Père soit la
gloire ! gloire au' Fils res-
suscité d'entre les morts ! et
gloire au Paraclet, dans les
siècles éternels !
Amen.
LA CONFESSION
JE confesse à Dieu tout-
puissant, à la bienheureuse
Marie toujours Vierge, à
saint Michel Archange, à
saint Jean-Baptiste, aux
Apôtres saint Pierre et saint
Paul, et à tous les Saints, que
j'ai beaucoup péché, en pen-
sées, en paroles et en œuvres :
par ma faute, par ma faute,
par ma très grande faute.
C'est pourquoi je supplie la
bienheureuse Marie toujours
Vierge, saint Michel Ar-
change, saint Jean-Baptiste,
les Apôtres saint Pierre et
saint Paul, et tous les Saints,
de prier pour moi le Seigneur
notre Dieu.
Sat funeri, sat lacry-
mis,
Sat est datum doloribus :
Surrexit exstinctor necis,
Clamât coruscans Angé-
lus.
Ut sis perenne menti-
bus
Paschale, Jesu, gaudium,
A morte dira criminum
Vitîe re.natos libéra.
Deo Patri sit gloria.
Et Filio qui a morluis
Surrexit, ac Paraclito,
In sempiterna sœcula.
Amen.
DES PÉCHÉS.
f^ ONFiTEOR Deo omni-
^-' potenti, beatœ Mariae
semper Virgini, beato
Michaeli Archangelo,
beato Johanni Baptistae,
sanctis Apostolis Petro
et Paulo, et omnibus
Sanctis, quia peccavi ni-
mis cogitatione, verbo, et
opère : mea culpa, mea
culpa, mea maxima culpa.
Ideo precor beatam
Mariam semper Virgi-
nem, beatum Michaelem
Archangelum, beatum
Johanncm Baptistam,
sanctos Aposlolos Pe-
trum et Paulum, et om-
nes Sanctos, orare pro
me ad Dominum Deum
nostrum.
Le Temps Pascal.
OUE le Dieu tout-puissant
ait pitié de nous ; qu'il
nous pardonne nos péchés et
nous conduise à la vie éter-
nelle. Ainsi soit-il !
Que le Seigneur tout-puis-
sant et' miséricordieux nous
accorde l'indulgence, l'abso-
lution et la rémission de nos
péchés. Ainsi soit-il 1
MisEREATL'R nostri
omnipotens Deus,
et dimissis peccatis nos-
tris, perducat nos ad
vitam aeternam. Amen.
Indulgentiam, absolu-
tionem, et remissionem
peccatorum nostrorum
tri.buat nobis omnipotens
et misericors Dominas.
Amen.
Ici on pourra faire la Méditation, si l'on
est dans l'usage de ce saint exercice. Apres
quoi, on demandera à Dieu par les prières
suivantes la grâce d'éviter toute sorte de
péchTs, durant la journée qui commence,
disant, toujours avec l'Eglise :
Y>. OMiNE , exaudi
T-J^ orationem
meam ;
If. Et clamor meus aa
te veniat.
. ^EIGNEUR, exaucez ma
*• ^ prière;
Vf. Et que mon cri par-
vienne jusqu'à vous.
ORAISON.
DOMINE Deus omnipo-
tens, qui ad princi-
pium hujus diei nos per-
venire fecisti • tua nos
hodie salva virtute, ut
in hac die ad nullum
declinemus peccatum ;
sed semper ad tuam jus-
titiam faciendam nostra
procédant eloquia, diri-
gantur cogitationes et
opéra. Per Dominum
nostrum Jesum Chris-
tum Filium tuum, qui
tecum vivit et régnât in
SEIGNEUR Dieu tout-pms-
sant, qui nous avez fait
parvenir au commencement
de ce jour, sauvez-nous au-
jourd'hui par votre puis-
sance; afin que, durant le
cours de cette journée, nous
ne nous laissions aller a au-
cun péché , mais que nos pa-
roles, nos pensées et nos œu-
vres tendent toujours à 1 ac-
complissement de votre jus-
tice. Par notre Seigneur Je-
sus-Christ votrs Fils, qui,
étant Dieu, vit et règne avec
Prière du Matin.
vous, en l'unité du Saint-
Esprit, dans tous les siècles
des siècles. Ainsi soit-il !
unitate Spiritus Sancti
Deus, per omnia saecula
sœculorum. Amen.
On implorera ensuite le secours divin pour
bien faire toutes les actions de la journée,
disant trois fois :
jt /^ Dieu, venez à mon
^- U aide 1
fij. Seigneur, hâtez-vous de
me secourir.
f. O Dieu, venez à mon
aide !
^. Seigneur, hâtez-vous de
me secourir.
f. O Dieu, venez à mon
aide !
^. Seigneur, hâtez-vous de
me secourir.
a. pv EUS, in adjuto-
^' LJ rium meum in-
tende,
^. Domine, ad adju-
vandum me festina.
f. Deus, inadjutorium
meum intende.
b;:. Domine, ad adju-
vandum me festina.
>'*•. Deus, inadjutorium
meum intende.
^. Domine, ad adju-
vandum me festina.
DAIGNEZ, Seigneur Dieu,
Roi du ciel et de la terre,
diriger, sanctifier, conduire
et gouverner, en ce jour, nos
coeurs et nos corps, nos sens,
nos discours et nos actes, sui-
vant votre loi et les œuvres
de vos préceptes; afin que,
ici-bas et dans l'éternité ,
nous méritions, par votre se-
cours, ô Sauveur du monde,
d'être sauvés et affranchis.
Vous qui vivez, et régnez
dans les siècles des siècles.
Ainsi soit-il 1
DIRIGERE et sanctifi-
care, regere et gu-
bernare dignare, Domi-
ne Deus, Rex cœli et ter-
rae, hodie corda et cor-
pora nostra, sensus, ser-
mones et actus nostros
in lege tua, et in operi-
bus mandatorum tuo-
rum : ut hic et in aster-
num, te auxiliante, salvi
et liberi esse mereamur,
Salvator mundi. Qui
vivis et régnas in saecula
saeculorum. Amen.
Le Temps Pascal.
PRIERE DU SOIR.
A D regias Agni dapes.
'^ Stolis amicti candi-
dis,
Post transitum maris
Rubri,
Christo canamus prin-
cipi.
Divina cujus charitas
Sacrum propinat sen-
guinem,
Almique membra corpo-
ris
Amor sacerdos immolât.
Sparsum cruorem pos-
tibus
Vastator horret Angé-
lus :
Fugitque divisum mare,
Merguntur hostes flucti-
bus.
Jam Pascha nostrum
Christus est,
Paschalis idem victima,
Et para puris mentibus
Sinceritatis azyma.
O vera cœli victima,
Subjecta cui sunt tartara,
Soluta mortis vincula,
Recepta vita; praemia.
Victor subactis inferis,
Trophasa Christus expli-
cat,
A PRÈS le passage de la mer
^ Rouge, couverts de nos
robes blanches et assis au
festin royal de l'Agneau ,
chantons au Christ notre roi.
C'est lui dont la charité
divine nous verse à boire son
propre sang ; c'est son amour
qui sacrifie en victime les
membres de son corps sacré.
L'Ange exterminateur est
saisi de crainte à la vue du
sang dont nos portes sont
marquées ; la mer divisée en
deux fuit devant nous; nos
ennemis sont submergés sous
les flots.
Notre Pâque, c'est le
Christ ; il est notre victime
pascale ; il est l'azyme de sin-
cérité pour les cœurs purs.
O victime véritable venue
du ciel, par qui l'enfer est
abattu, les liens de la mort
brisés, les dons de la vie res-
titués.
Vainqueur de la mort qu'il
a terrassée, le Christ déploie
son étendard ; il rouvre le
Prière du Soir.
ciel, et traîne en captif le
roi des ténèbres.
Pour être toujours, ô Jésus,
la joie pascale de nos âmes,
daignez sauver de la cruelle
mort du péché ceux que vous
avez fait renaître à la vie.
A Dieu le Père soit la
gloire ! gloire au Fils ressus-
cité d'entre les morts! et
gloire au Paraclet dans les
siècles éternels !
Amen.
Coeloque aperto, subdi-
tum
Regem tenebrarum tra-
hit.
Ut sis perenne menti-
tibus
Paschale, Jesu, gaudium,
A morte dira criminum
Vitas renatos libéra.
Deo Patri sit gloria,
Et Filio, qui a mortuis
Surrexit, ac Paraclito,
In sempiterna sœcula.
Amen.
Après cette Hymne, on récitera l'Oraison
Dominicale, la Salutation Angélique et le
Symbole des Apôtres. On fera ensuite l'Exa-
men de conscience ; on récitera le Confiteor
et on ajoutera un Acte explicite de Contri-
tion, qui sera suivi des Actes de Foi, d'Espé-
rance et de Charité.
ACTE DE CONTRITION.
Mon Dieu, je suis grandement afTligé de vous avoir
. . pnense et je me repens de tout mon cœur de mes
pèches. Je les hais et les déteste au-dessus de tout autre
mal, parce que, en péchant, non seulement j'ai perdu le
Paradis et mérité l'enfer, mais bien plus encore parce
que )e vous ai offensée. Bonté infinie. à\sne d'être aimée
par-dessus toutes choses ; je fais un ferme propos de ne
jamais plus vous offenser à l'avenir, movennant votre
divine grâce, et de fuir l'occasion du péch'é.
ACTE DE FOI.
I ° v^,'.^"' i? "^'^^ fermement tout ce que la sainte
liglise Catholique-Apostolique-Romaine m'or-
10
Le Temps Pascal.
donne de croire, parce que vous le lui avez révélé, vous
qui êtes la Vérité même.
ACTE d'espérance.
MON Dieu, connaisant que vous êtes tout-puissant, in-
finiment bon et miséricordieux, j'espère que, par
les mérites de la Passion et de la Mort de Jésus-Christ,
notre Sauveur, vous me donnerez la vie éternelle, que
vous avez promise à quiconque fera les oeuvres d un
bon Chrétien, comme je me propose de faire avec votre
secours.
ACTE DE CHARITE.
M'
[ON Dieu, connaissant que vous êtes le souverain
Bien, je vous aime de tout mon cœur et par-dessus
toutes choses ; je suis disposé à tout perdre plutôt que
de vous offenser; et aussi, pour votre amour, j'aime et
je veux aimer mon prochain comme moi-même.
ANTIENNE A LA SAINTE VIERGE.
REGINA cœli,
al
laetare,
ïUeluia ;
Quia quem meruisti
portare. alléluia,
Resurrexit sicut dixit,
alléluia.
Ora pro nobis Deum,
alléluia.
f. Gaude et lœtare,
Virgo Maria, alléluia;
^. Quia surrexit Do-
minus vere, alléluia.
REINE du ciel, réjouissez-
vous, alléluia ;
Car celui que vous avez
mérité de porter, alléluia,
Est ressuscité comme il
l'avait dit, alléluia.
Daignez prier Dieu en
notre faveur, alléluia.
f. Soyez dans l'allégresse,
ô Vierge Marie, alléluia ;
IÇ[. Car le Seigneur est
vraiment ressuscité, alléluia.
pvEUS
1-/ re^
qui per Resur-
rectionem Filii tui
Dominî nostri J e s u
Chrisli, mundum Ixtifi-
care dignatus es : prxsta,
ODiEU, qui avez daigné
réjouir le monde par la
Résurrection de Jésus-Christ,
votre Fils; daignez nous faire
arriver aux joies de la vie
Prière du Soir. j r
lernelle, en vue de sa sainte
quaesumus, ut per cjus
Genitricem Virginem
Mère, la Vierge Marie. Par
le même Jésus-Christ notre
Mariam, perpetuae capia-
Seigneur. Amen.
mus gaudia vita-. Per
eumdemChristum Domi-
num nostrum. Amen.
LES LITANIES DE LA SAINTE VIERGE.
^IGNEUR, ayez pitié de
O nous.
YYRlP., eleison.
Christ, ayez pitié de nous.
Christe, eleison.
Seigneur, ayez pitié de nous.
Kyrie, eleison.
Christ, écoutez-nous.
Christe, audi nos.
Christ, exaucez-nous.
Christe, exaudi nos.
Dieu Père, du haut des cieux,
Pater de cœlis, Deus,
ayez pitié de nous.
miserere nobis.
Dieu Fils, Rédempteur du
Fili, Redernptor mundi,
monde, avez pitié de nous.
Deus, miserere nobis.
Dieu Saint-Esprit, ayez pi-
Spiritus Sancte, Deus,
tié de nous.
miserere nobis.
Trinité Sainte, un seul Dieu,
Sancta Trinitas, unus
ayez pitié de nous.
Deus, miserere nobis.
Sainte Marie, priez pour
Sancta Maria, ora pro
nous.
nobis.
Sainte Mère de Dieu, priez,
Sancta Dei Genitrix,
etc.
ora, etc.
1
Sainte Vierge des vierges.
Sancta Virgo virginum.
Mère du Christ.
Mater Chrisii.
Mère de la divine grâce
Mater divinae gratiae.
Mère très pure.
Mater purissima.
Mère très chaste.
Mater castissima.
Mère inviolable.
Mater inviolata.
Mère sans tache.
Mater intemerata.
Mère aimable.
Mater amabilis.
Mère admirable.
Mater admirabilis.
Mère du bon conseil.
Mater boni consilii.
Mère du Créateur.
Mater Creatoris.
Mère du Sauveur.
Mater Salvatoris.
Vierge très prudente.
Virgo prudentissima.
Vierge digne de tout honneur.
Virgo veneranda.
Vierge digne de toute lou-
Virgo praîdicanda.
ange.
Le Temps Pascal.
Virgo potens.
Virgo clemcns.
Virgo fidelis.
Spéculum justitirc.
Scdes Sapientiae.
Causa nostrae laetitiae
Vas spirituale.
Vas honorabile.
Vas insigne devotionis.
Rosa mystica.
Turris Davidica.
Turris eburnea,
Domus aurea.
Fœderis arca.
Janua cœli.
Stella matutina.
Salus infirmorum.
Refugium peccatorum.
Consolatrix afflictorum.
AuxiliumChristianorum.
Regina Angelorum.
Regina Patriarcharum.
Regina Prophetarum.
Regina Apostolorum.
Regina Martyrum.
Regina Confessorum.
Regina Virginum.
Regina Sanctorum om-
nium.
Regina sine labe origi-
nali concepta.
Regina sacratissimi Ro-
sarii.
Agnus Dci. qui tollis
peccata mundi, parce
nobis, Domine.
Agnus Dei, qui tollis
peccata mundi, exaudi
nos. Domine.
Agnus Dei, qui tollis
peccata mundi, mise-
rere nobis.
Vierge puissante.
Vierge clémente.
Vierge fidèle.
Miroir de justice.
Siège de la Sagesse.
Cause de notre joie.
Vase spirituel.
Vase honorable.
Vase insigne de dévotion.
Rose mystique.
Tour de David.
Tour d'ivoire.
Maison d'or.
Arche d'alliance.
Porte du ciel.
Etoile du matin.
Salut des infirmes.
Refuge des pécheurs.
Consolatrice des affligés.
Secours des Chrétiens.
Reine des Anges.
Reine des Patriarches.
Reine des Prophètes.
Reine des Apôtres.
Reine des Martyrs.
Reine des Confesseurs.
Reine des Vierges.
Reine de tous les Saints.
Reine conçue sans la tache
originelle.
Reine du très saint Rosaire.
Agneau de Dieu, qui ôtez les
péchés du monde, pardon-
nez-nous. Seigneur.
Agneau de Dieu, qui ôtez les
péchés du monde, exaucer-
nous. Seigneur.
Agneau de Dieu, qui ôtez les
péchés du monde, ayez pi-
1 lié de nous.
Prière du Soir
i3
f. Priez pour nous, sainte
Mère de Dieu ;
l]f. Afin que nous soyons
ignés des
de Jésus-Christ.
f. Ora pro nobis ,
sancta Dei Genitrix.
Ff'. Ut digni efliciamur
promissionibus Christi.
SEIGNEUR Dieu, daignez ac-
corder à nous, vos servi-
teurs, la grâce de jouir cons-
tamment de la santé de l'âme
et du corps ; et, par la glo-
rieuse intercession de la bien-
heureuse Marie toujoursVier-
ge, délivrez-nous de la tris-
tesse du temps présent, et
faites-nous jouir de réternelle
félicité. Par Jésus-Christ
notre Seigneur. Amen.
CONCEDE nos famulos
tuos, quaesumus Do-
mine Deus , perpétua
mentis et corporis sani-
tate gaudere : et gloriosa
b e a t as Mariae semper
Virginis intercessione, a
prœsenti liberari tristitia
et îeterna perfrui lastitia.
Per Christum Domi-
num nostrum. Amen.
PRIÈRE AUX SAINTS ANGES.
SAINTS Anges, nos gardiens,
défendez-nous dans le
combat, afin que nous ne pé-
rissions pas au jour du juge-
ment redoutable.
f. Dieu a commandé à ses
Arîges.
"Bf. De vous garder dans
toutes vos voies.
SANCTI Angeli, custo-
des nostri, defendite
nos in praelio, ut non pe-
reamus in tremendo ju-
dicio.
f. Angelis suis Deus
mandavit de te.
rj\ Ut custodiant te in
omnibus viis tuis.
ODiEU, qui,
vidence i
par une pro-
nefFable, dai-
gnez commettre vos saints
Anges à notre garde, accor-
p.EUS, qui
ineffabili
providentia sanctos
Angelos tuos ad nostram
custodiammittere digna-
14
Le Temps Pascal.
ris : largire supplicibus
tuis, et eorum semper
protectione defendi, et
jEterna societate i;audere.
Per Christum Domuium
nostrum. Amen.
A TOUS
. , ç ANCTI D e i
^^^' O omnes, in-
tercedere dignemini pro
nostra oniniumque sa-
lute.
dcz à vos humbles serviteurs
d'être sans cesse défendus par
leur protection, et de jouir
éternellement de leur société.
Par Jésus-Christ notre Sei-
gneur. Amen.
LES SAINTS.
. , C; AINTS de Dieu,
ANT. ^ daignez tous in-
tercéder pour notre salut et
celui de tous.
PSAUME CXXIX.
DE profundis^ clamavi
ad te, Domine : Do-
mine, exaudi vocem me-
am.
Fiant aures tuae inten-
dentes : in vocem depre-
cationis mea».
Se iniquitates obser-
vaveris, Domine : Domi-
ne, quis sustinebit ?
Quia apud te propitia-
tiocst: et propter legem
tuam sustinui te, Domi-
ne.
Sustinuit anima mea
in verbo ejus : speravit
anima mea in Domino.
A custodia matutina
usque ad noctem : speret
Israël in Domino.
Quia apud Dominum
misericordia : et copiosa
apud eum redemptio.
Et ipse redimet Israël :
ex omnibus iniquitatibus
ejus.
Du fond de l'abîme j'ai crié
vers vous. Seigneur !
Seigneur, écoutez ma voix.
Que vos oreilles soient
attentives aux accents de ma
supplication.
Si vous recherchez les ini-
quités. Seigneur! Seigneur,
qui pourra subsister ? _ _
Mais parce que la miséri-
corde est avec vous, et à
cause de votre loi. je vous ai
attendu, Seigneur!
Mon àme a attendu avec
confiance la parole du _ Sei-
gneur ; mon âme a espère en
Tui- . ,. .
Du point du jour a 1 arri-
vée de la nuit. Israël doit es-
pérer dans le Seigneur.
Car dans le Seigneur est la
miséricorde, et en lui une
abondante rédemption.
Et lui-même rachètera Is-
raël de toutes ses iniquités.
Prière du Soir.
i5
Donnez-leur, Seigneur, le
repos éternel ; et que la lu-
mière qui ne s'éteint pas
luise sur eux.
f. Des portes de l'enfer.
"Sf. Arrachez leurs âmes-
Seigneur.
i^. Qu'ils reposent en paix.
R|. Amen.
f. Seigneur, exaucez ma
prière ;
^. Et que mon cri par-
vienne jusqu'à vous.
Requiem aeternam do-
na eis. Domine : et lux
perpétua luceat eis.
f. A porta inferi,
K. Erue, Domine, ani-
mas eorum.
f. Requiescantinpace.
Ri- Amen.
j^. Domine, exaudiora-
tionem meam ;
Bî. Et clamor meus ad
te veniat.
ODiEUr Créateur et Ré-
dempteur de tous les
fidèles, accordez aux âmes de
vos serviteurs et de vos ser-
vantes la rémission de tous
leurs péchés, afin que, par la
prière de votre Eglise, elles
obtiennent le pardon qu'elles
désirèrent toujours. Vous qui
vivez et régnez dans les siè-
cles des siècles. Amen.
UlDELiUM Deus om-
* nium Conditor et
Redemptor, animabus
Êamulorum famularum-
que tuarum remissionem
cunctorum tribue pecca-
torumrut indulgentiam
quam semperoptaverunt,
piis supplicationibus
consequantur. Qui vivis
et régnas in saecula saecu-
lorum. Amen.
ANTIENNE.
SAUVEZ-NOUS, Seigneur ,
durant la veille; gardez-
nous durant le sommeil : afin
que nous puissions veiller
avec Jésus-Christ, et que
nous reposions dans la paix.
f. Daignez, Seigneur, du-
rant cette nuit,
^. Nous garder de tout
péché.
SALVA nos, Domine,
vigilantes ; custodi
nos dormientes : ut vigi-
lemus cum Christo, et
requiescamus in pace.
f. Dignarc, Domine,
nocte ista,
'Bf.. Sine peccato nos
custodire.
i6
Le Temps Pascal.
t. Miserere nostri, Do-
mine.
iç:. Miserere nostri.
y. Fiat misericordia
tua, Domine, super nos,
Vf. Qucmadmodum
speravimus in te.
f. Domine, exaudi
orationem meam ;
^. Et clamor meus ad
te veniat.
f. Ayez pitié de nous, Sei-
gneur !
11). Ayez pitié de nous.
j^. Que votre miséricorde
soit sur nous. Seigneur,
j^. Dans la mesure que nous
avons espéré en vous.
j^. Seigneur, exaucez ma
prière :
^. Et que mon cri par-
vienne jusqu'à vous.
VISITA, quœsuraus Do-
mine, habitationem
istam. et omnes insidias
inimici ab ea longe re-
pelle : Angeli tui sancti
habitent in ea, qui nos
in pace custodiant ; et
benedictio tua sit super
nos semper. Per Domi-
num nostrum Jesum
Christum, Filium tuum,
qui tecum vivit et régnât
in unitate Spiritus Sanc-
ti Deus, per omnia s3e-
cula saeculorum. Amen.
V
ISITEZ, s'il vous plaît,
Seigneur, cette maison,
et éloignez-en toutes les em-
bûches de l'ennemj. Que vos
saints Anges y habitent,
qu'ils nous y gardent dans la
paix ; et que votre bénédic-
tion demeure toujours sur
nous. Par Jésus-Christ votre
Fils, notre Seigneur, qui,
étant Dieu, vit et règne avec
vous, en l'unité du Saint-Es-
prit, dans tous les siècles des
siècles. Amen.
Enfin, pour terminer la journée dans les
sentiments (que doit inspirer le Temps pas-
cal, on répétera ces touchantes paroles que
l'Eglise emprunte aux disciples d'Emmaùs,
dans son Onice du soir:
^ r^ EMEUREZ avec nous,
'■•--' Seigneur, alléluia;
^ » « ANE nobiscum,
'' IVl Domine, allé-
luia ;
^. Quonlam advcspe-
rascit. alléluia.
'Bf. Car il se fait tard, allé-
luia.
^mm^i^'^jMé
CHAPITRE 11.
DE L ASSISTANCE A LA SAINTE MESSE,
AU TEMPS PASCAL.
E Dimanche, si la Messe à la-
quelle on assiste est parois-
siale, deux rites solennels, l'As-
persion de l'Eau bénite, et en
beaucoup d'églises la Proces-
sion, devront d'abord intéresser
ANTIENNE DE L ASPERSION.
piete
Jll vu une eau qui sortait
du temple, au côté droit,
alléluia ; et tous ceux que
cette eau a touchés ont été
sauvés, et ils diront : Allé-
luia, alléluia.
Ps. Louez le Seigneur,
parce qu'il est bon, et sa misé-
ricorde est à jamais.
Gloire au Père. J'ai vu une
eau.
\IDI aquam egrcdien-
tem de templo a la-
tere dextro, alléluia : et
omnes ad quos pervenit
aqua ista salvi facti sunt,
et dicent : Alléluia, allé-
luia.
Ps. Confitemini Do-
mino, quoniam bonus :
quoniam in saeculum mi-
sericordia ejus.
Gloria Patri. Vidi
aquam.
LE TEMPS PASCAL. — T. III.
j8
Le Temps Pascal.
y. Ostende nobis. Do-
mine, misericordiam
tiiam, alléluia ;
^. Et Salutare tuum
da nobis, alléluia.
y. Domine, exaudi
orationem meam ;
f^. Et clamer meus ad
te veniaL
t. Dominus vobiscum ;
î^. Et cum spiritu tuo.
f. Montrez-nous, Sei-
gneur, votre miséricorde, al-
léluia ;
^. Et donnez-nous le Sau-
veur que vous nous avez des-
tiné, alléluia.
f. Seigneur, exaucez ma
prière ;
^. Et que mon cri monte
jusqu'à vous.
"f. Le Seigneur soit avec
vous ;
^. Et avec votre esprit.
EXAUDI nos, Domine
sancte, Pater omni-
potens, œterne Deus : et
mittere digneris sanctum
Angelum tuum de cœlis,
qui custodiat, foveat,
protegat, visitet, atque
defcndat omnes habitan-
tes in hoc habitaculo.
Per Christum Dominum
nostrum. Amen.
EXAUCEZ-NOUS, Seigneur
saint, Père tout-puissant,
Dieu éternel ; et daignez en-
voyer du ciel votre saint
Ange qui garde, visite et
défende tous ceux qui sont
rassemblés en ce lieu. Par
Jésus-Christ notre Seigneur.
Amen.
L'ORDINAIRE DE LA MESSE.
IN nomine Patris, et
Filii, et Spiritus
Sancti. Amen.
j^. Introibo ad altare
Dei :
Vf. Ad Deum qui laeti-
ficat juventutem meam.
JUDICA me, Deus, et
discerne causam meam
Au nom du Père, et du
Fils, et du Saint-Esprit.
Ainsi soit-il !
Je m'unis, ô mon Dieu, à
votre sainte Eglise qui se
réjouit en la Résurrection de
Jésus-Christ votre Fils, l'Au-
tel véritable.
COMME elle, je vous supplie
de me défendre contre la
Ordinaire de la Messe.
'9
malice des ennemis de mon
salut.
C'est en vous que j'ai mis
mon espérance ; et cependant
je me sens triste et inquiet à
cause des embûches qui me
sont tendues.
Faites-moi donc voir celui
qui est la Lumière et la Vé-
rité : c'est lui qui nous ou-
vrira l'accès à votre sainte
montagne, à votre céleste ta-
bernacle.
Il est le Médiateur, l'Autel
vivant ; je m'approcherai de
lui, et je serai dans la joie.
Quand je l'aurai vu, je
chanterai avec allégresse. O
mon âme, ne t'attriste donc
plus, ne sois plus troublée ;
le temps de la tristesse est
passé.
Espère en lui ; car il a
vaincu tes ennemis, la mort
et l'enfer, et il t'a associée à
son triomphe.
Gloire au Père, et au Fils,
et au Saint-Esprit ;
Comme il était au commen-
cement, et maintenant et tou-
jours, et dans les siècles des
siècles. Ainsi soit-il 1
Je vais donc m'approcher
de l'autel de Dieu, et sentir
la présence du divin ressus-
cité.
Cette confiance est en moi,
non à cause de mes mérites,
mais par le secours tout-puis-
sant de mon Créateur.
de gente non sancta : ab
homine iniquo et doloso
erue me.
Quia tu es, Deus, for-
titudo mea : quare me
repulisti ? et quare tris-
tis incedo, dum affligit
me inimicus ?
Emitte lucem tuam et
veritatem tuam : ipsa me
deduxerunt et adduxe-
runt in montem sanctum
tuum, et in tabernacula
tua.
Et introibo ad altare
Dei : ad Deum qui laeti-
ficat juventutem meam.
Confitebor tibi in ci-
thara, Deus, Deus meus :
quare tristis es, anima
mea ? et quare conturbas
me ?
Spera in Deo, quo-
niam adhuc confitebor
illi : Salutare vultus mei,
et Deus meus.
Gloria Patri, et Filio,
et Spiritui Sancto ;
Sicut erat in principio,
et nunc, et semper, et in
ssecula saeculorum.
Amen.
j^. Introibo ad altare
Dei :
^. Ad Deum qui laeti-
ficat juventutem meam.
j^. Adjutorium nos-
trum in nomine Domini,
fî. Qui fecit coelum et
terram.
Le Temps Pascal.
Cette pensée qu'il va paraître devant le
Seigneur excite dans l'âme du Prêtre un vif
sentiment de componction. 11 ne veut pas
aller plus loin sans confesser publiquement
qu'il est pécheur et indigne de cette grâce.
Écoutez avec respect cette confession de
l'Homme de Dieu, et faites ensuite votre con-
fession avec le ministre, disant à votre tour
avec contrition :
C'V)NFiTEOR Deo omni-
^ potenti, beat;K Mariae
semper Virgini, beato
Michaeli Archangelo,
beato Johanni l'aptistae,
sanctis Apostolls Petro
et Paulo, omnibus Sanc-
tis, et tibi. Pater, quia
peccavi nimis cogita-
tione, verbo et opère :
mea culpa, raea culpa,
mea maxima culpa. Ideo
precor beatam Mariam
semper Virginem, bea-
tum Michaelem Archan-
gelum. beatum Johannem
Baptistam, s a n c t o s
Apostolos Petrum et
Paulum. omnes Sanctos,
et te. Pater, orare pro
me ad Dominura Deum
nostrum.
MISEREATUR V e S t r i
omnipotens Deus,
et dimissis peccatis ves-
tris. perducat vos ad vi-
lam œternam.
^. Amen.
Indulgentiam, absolu-
JE confesse à Dieu tout-
puissant, à la bienheureuse
Marie toujours Vierge, à saint
^ïichei Archange, à saint
Jean-Baptiste, aux Apôtres
saint Pierre et saint Paul, à
tous les Saints, et à vous,
mon Père, que j'ai beaucoup
péché en pensées, en paroles
et en œuvres : par ma faute,
par ma faute, par ma très
grande faute. C'est pourquoi
je supplie la bienheureuse
Marie toujours Vierge, saint
Michel Archange, saint Jean-
Baptiste, les Apôtres saint
Pierre et saint Paul, tous les
Saints, et vous, mon Père, de
prier pour moi le Seigneur
notre Dieu.
OUE le Dieu tout-puissant
ait pitié de vous, qu'il
vous remette vos péchés et
vous conduise à la vie éter-
nelle.
^. Amen.
Que le Seigneur tout-puis-
Ordinaire de la Messe.
sant et miséricordieux nous
accorde l'indulgence, l'abso-
lution et la rémission de nos
péchés.
Rj. Amen.
- /^ Dieu, d'un seul
^*v-V regard vous nous
donnerez la vie;
fi|. Et votre peuple se ré-
jouira en vous.
j^. Montrez-nous, Seigneur,
votre miséricorde ;
Rj. Et donnez-nous le Sau-
veur que vous nous avez pré-
paré.
j^. Seigneur, exaucez ma
prière ;
^. Et que mon cri parvienne
jusqu'à vous.
f. Le Seigneur soit avec
vous ;
fij. Et avec votre esprit.
FAITES disparaître de nos
cœurs, ô mon Dieu, toutes
les taches qui les rendent
indignes de vous être présen-
tés; nous vous le demandons
par votre divin Fils notre
Seigneur.
tionem, et remissionem
peccatorum nostrorum
tribuat nobis omnipotens
et misericors Dominus.
^. Amen.
i. TA EUS, tu conver-
"■ JL/ sus vivificabis
nos ;
l<i. Et picbs tua Inetabi-
tur in te.
f. Ostendc nobis, Do-
m i n e, misericordiam
tiiam ;
l^. Et Salutare tuum da
nobis.
f. Domine, exaudi ora-
tionem meam ;
^. Et clamor meus ad
te veniat,
f. Dominusvobiscum;
Rj. Et cum spiritu tuo.
OREMUS.
AUFER a nobis, quœ-
sumus Domine, ini-
quitates nostras ; ut ad
Sancla Sanctorum puris
mereamur mentibus in-
troire. Per Christum
Dominum n o s t r u m.
Amen.
Quand le Prêtre baise l'autel par respect
pour les os des Martyrs qu'il couvre, on
dira :
GÉNÉREUXsoldats de Jésus- |>^ ramus te, Domine,
Christ, qui avez mêlé lvJ per mérita Sancto-
Le Temps Pascal.
rum tuorum quorum re-
liquiae hic sunt, et om-
nium Sanctorum ; ut in-
dulgere digneris omnia
peccata mea. Amen
votre sang au sien, faites ins-
tance pour que nos pécliés
soient remis, afin que nous
puissions, comme vous, ap-
procher de Dieu.
Si la Messe est solennelle, le Prêtre en-
cense l'autel. Il dit ensuite l'Introït, qui est
suivi des Kyrie.
Au Père, qui nous a envoyé sonF ils pour nous
délivrer de la mort.
KYRIE, eleison.
Kyrie, eleison.
Kyrie, eleison.
SEIGNEUR, ayez pitié !
Seigneur, ayez pitié
Seigneur, ayez pitié!
Au Fils qui, par sa Résurrection, a détruit
la mort, et nous a frayé le chemin de la vie
éternelle.
Christe, eleison.
Christe, eleison.
Christe, eleison.
Christ, ayez pitié !
Christ, ayez pitié!
Chr
5t, ayez pitie
Au Saint-Esprit, qui est venu répandre ses
dons sur l'Eglise tout entière.
Kyrie, eleison.
Kyrie, eleison.
Kyrie, eleison.
.Seigneur, ayez pitié!
Seigneur, ayez pitié!
Seigneur, ayez pitié!
L HYMNE ANGELIQUE.
GORIA in ex cel s i s
Deo, et in terra pax
hominibus bonae volun-
tatis.
Laudamus te : benedi-
cimus te : adoramus te
glorificamus te : gratias
GLOIRE à Dieu au plus
haut des cieux, et sur la
terre paix aux hommes de
bonne volonté.
Nous vous louons, nous
vous bénissons, nous vous ado-
rons, nous vous glorifions ;
Ordinaire de la Messe.
23
nous vous rendons grâces à
cause de votre grande gloire.
Seierneur Dieu, Roi céleste.
beigi
Dieu P
ère tout-puissant
Seigneur Jésus-Christ ,
Fils unique !
Seigneur Dieu, Agneau de
hieu, Fils du Père!
Vous qui ôtez les péchés du
monde, ayez pitié de nous.
Vous qui ôtez les péchés du
monde, recevez notre humble
prière.
Vous qui êtes assis à la
droite du Père, ayez pitié
de nous.
Car vous êtes le seul Saint,
vous êtes te seul Seigneur,
vous êtes le seul Très-Haut,
ô Jésus-Christ, avec le Saint-
Esprit, dans la gloire de
Dieu le Père. Amen.
agimus tibi propter ma-
gnam gloriam tuam.
Domine Deus , Rcx
cœlestis, Deus Pater om-
nipotens.
Domine, Fili unige-
nite, Jesu Christe.
Domine Deus, Agnus
Dci, Filius Patris.
Qui toUis peccata
mundi, miserere nobis.
Qui tollis peccata
mundi, suscipe depreca-
tionem nostram.
Qui sedes ad dexteram
Patris, miserere nobis.
Quoniam tu solus San-
ctus, tu solus Dominus,
tu solus Altissimus, Jesu
Christe, cum Sancto
Spiritu, in gloria Dei
Patris. Amen.
Le Prêtre salue le peuple. Vient ensuite la
Collecte ou Oraison, qui se trouve au Propre
du Temps ou au Propre des Saints, et à la-
quelle on doit répondre ^»2e«, avec le minis-
tre qui sert la Messe. On lira ensuite l'Epître,
puis les Versets alléluiatiques.
Pour préparation à bien entendre l'Evan-
gile, on peut dire en union avec le Prêtre et
avec le Diacre :
SEIGNEUR , purifiez mes
oreilles trop longtemps
remplies des vaines paroles
du siècle, afin que j'entende
la Parole de la vie éternelle
et que je la conserve dans
mon cœur ; par Jésus-Christ,
M
UNDA cor meum ac
labia mea, omnipo-
tens Deus, qui labia
Isaiaï prophetae calcule
mundasti ignito : ita me
tua grata miseratione di-
gnare mundare, ut sanc-
24
Le Temps Pascal.
tum Evangelium tuum
digne valeam nuntiare.
Per Christiim Dominum
nostrum. Amen.
Dominus sit in corde
mco, et in labiis mois ;
ut digne et compctenter
annuntiem Evangelium
suum • In nominc iPatris,
et Filii, et Spiritus
Sancti. Amen,
votre Fils, notre Seigneur.
Amen.
Donnez à vos ministras la
grâce d'être les fidèles inter-
prètes de votre loi, afin que,
pasteurs et troupeau, nous
nous réunissions tous en vous
à jamais.
On se tiendra debout, par respect, pendant
la lecture de l'Evangile; on fera sur soi le
signe de la Croix, et on suivra toutes les
paroles du Prctrc ou du Diacre.
Après l'Evangile, si le Prêtre récite le Sym-
bole de la Foi, on dira avec lui .
SYMBOLE DE NICEE.
-.^ REDO in unum Deum
C^ Patrem omnipoten-
rem, factorem cœli et
terrée, visibilium om-
nium et invisibilium.
Et in unum Dominum
Jesum Christum, Fiiium
Dei unigenitum. Et ex
Pâtre natum ante omnia
saecula. Deum de Deo,
lumen de lumine, Deum
verum de Deo vero. Ge-
nitum, non factum, con-
substantialem Patri • per
guem omnia facta sunt.
Qui propter nos homines
et propter nostram salu-
tem, descendit de cœlis.
Et incarnatus est de Spi-
ritu Sancto ex Maria
Virgine . et HOMO FAC-
. E crois en un seul Dieu, le
1 Père tout-puissant, qui a
Tait le ciel et la terre, et
toutes les choses visibles et
invisibles.
Et en un seul Seigneur Jé-
sus-Christ, Fils unique de
Dieu; qui est né du Père
avant tous les siècles; Dieu
de Dieu, lumière de lumière,
vrai Dieu de vrai Dieu , qui
n'a pas été fait, mais engen-
dré . consubstantiel au Père,
par qui toutes choses ont été
faites. Qui est descendu des
cieux pour nous autres hom-
mes, et pour notre salut. Et
qui a pris chair de la Vierge
Âlarie par l'opération du
Saint-Esprit , ET QUI s'est
FAIT HOM.ME. Qui a été aussi
Ordinaire de la Messe.
2 5
TUS EST. Crucifixus
etiam pro nobis sub Pon-
tio Pilato, passus, et se-
pultus est. Et resurrexit
tertia die, secundum
Scripturas. Et ascendit
in ccelum : sedet ad dex-
teram Patris. Et iterum
venturus est cum gloria
judicare vivos et mor-
tuos : cujus regni non
erit finis.
Et in Spiritum Sanc-
tum, Dominum et vivifi-
cantem, qui ex Pâtre Fi-
lioque procedit. Qui cum
Pâtre et Filio simul ado-
ratur, et conglorifica-
mur : qui locutus est per
Prophetas. Et Unam,
Sanctam, Catholicam et
Apostolicara Ecclesiam.
Confiteor unum Baptis-
ma in remissionem pec-
catorum. Et exspecto re-
surrectionem mortuo-
rum, et vitam venturi
saeculi. Amen.
Nous entrons dans cette seconde partie de
la sainte Messe qui est appelée Oblation. Le
Prêtre salue encore le peuple, pour l'avertir
d'être de plus en plus attentif. Lisons avec
lui l'Offertoire ; et quand il présente à Dieu
l'Hostie, joignons-nous à lui et disons :
TOUT ce que nous avonsi
Seigneur, vient de vous
crucifié pour nous sous Pon-
ce-Pilate; qui a souffert, qui
a été mis dans le sépulcre :
qui est ressuscité le troisième
jour, selon les Ecritures. Et
qui est monté au ciel, qui est
assis à la droite du Père, et
qui viendra encore avec
gloire pour juger les vivants
et les morts ; et dont le règne
n'aura point de fin.»'
Je crois au Saint-Esprit,
Seigneur et vivifiant, qui pro-
cède du Père et du Fils; qui
est adore et glorifié conjointe-
ment avec le Père et le Fils ;
qui a parle par les Prophè-
tes. Je crois l'Eglise qui est
Une, Sainte, Catholique et
Apostolique. Je confesse qu'il
y a un Baptême pour la ré-
mission des péchés; et j'at-
tends la résurrection des
morts, et la vie du siècle à
venir. Amen.
est à vous ; il est donc
juste que nous vous le ren-
dions. Mais combien vous
êtes admirable dans les in-
usciPE, sancte Pater,
omnipotens œterne
eus, hanc immacula-
tarahostiara, quam ego,
indignus famulus tuus
ofFero tibi Deo meo vivo
§,
26
Le Temps Pascal.
et vero, pro innumerabi-
libus peccatis et ofTcn-
sionibus et nee;ligentiis
meis, et pro omnibus cir-
ciimstantibus, sed et pro
omnibus fidelibus chris-
tianis vivis atque defunc-
tis ; ut mihi et illis profi-
ciat ad salutem in vitam
aeternam. Amen.
Quand le Prêtre met dans le calice le vin,
auquel il mêle ensuite un peu d'eau :
DEUS, qui humanaesub-
stantiae dignitatera
mirabiliter condidisti, et
mirabilius reformasti :
da nobis, per hujus
aquae et vini mysterium,
ejus divinitatis esse con-
sortes, qui humanitatis
nostrae fieri dignatus est
particeps, Jésus Christus
Filius tuus Dominus
noster ; qui tecum vivit
et régnât in unitate Spi-
ritus Sancti Deus, per
omnia saecula saeculorum.
Amen.
Le Prêtre offre ensuite le mélange de vin
et d'eau :
ventions de votre puissante
charité ! Ce pain que nous
vous offrons va bientôt céder
la place à votre sacré Corps;
recevez, dans une même obla-
tion, nos cœurs qui vou-
draient vivre de vous, et non
plus d'eux-mêmes.
Qeigneur, qui êtes la véri-
table Vigne, et dont le
sang, comme un vin géné-
reux, s'est épanché sous le
pressoir de la Croix, vous
avez daigné unir votre na-
ture divine à notre humble
humanité, figurée ici par
cette goutte d'eau ; venez
nous faire participants de
votre divinité, en vous mani-
festant en nous par votre
douce et puissante visite.
OFFERIMUS tibi, Do-
mine, calicem salu-
taris, tuam deprecantes
clementiam : ut in cons-
pectu divinre Majestatis
tuae, pro nostra et totius
mundi salute, cum odore
suavitatis ascendat.
Amen.
A GRÉEZ ces dons, souve-
^*- rain Créateur de toutes
choses ; qu'ils soient ainsi
préparés pour la divine trans-
formation qui, de cette sim-
ple offrande de créatures, va
faire l'instrument du salut du
monde.
Ordinaire de la Messe.
27
SI nous avons la hardiesse
d'approcher de votre au-
tel, Seigneur, ce n'est pas que
nous puissions oublier ce que
nous sommes. Faites-nous
miséricorde, afin que nous
puissions paraitre en la pré-
sence de votre Fils, qui est
notre Hostie salutaire.
\J ENEZ, Esprit divin, fécon-
' der cette offrande qui est
sur l'autel, et produire en
nos cœurs celui que nos cœurs
attendent.
ENi, Sanctificator
omnipotenr œterne
V
Deus, et benedic hoc sa-
crificium tuo sancto No-
mini prasparatum.
Si c'est une Messe solennelle, le Prêtre
encense le pain et le vin qui viennent d'être
offerts, et ensuite l'autel lui-même; puis il
lave ses mains.
iN spiritu humilitatis,
l et in animo contrito
suscipiamur a te, Domi-
ne : et sic fiât sacrificium
nostrum in conspectu tuo
hodie, ut placeat tibi,
Domine Deus.
DU PSAUME XXV,
JE veux laver mes mains.
Seigneur, et me rendre
semblable à ceux qui sont
dans l'innocence, pour être
digne d'approcher de votre
autel, d'entendre vos sacrés
cantiques, et de raconter vos
merveilles. J'aime la beauté
de votre maison, le lieu dont
vous allez faire l'habitation
de votre gloire. Ne me lais-
sez pas retourner, ô . Dieu,
dans la compagnie de vos
ennemis et des miens. Depuis
que votre miséricorde m'en
a retiré, je suis revenu à l'in-
nocence, en rentrant en grâce
avec vous ; mais ayez encore
pitié de mes faiblesses, rache-
I AVABO inter innocen-
*-" tes manus meas : et
circumdabo altare tuum,
Domine.
Ut audiam vocem lau-
dis : et enarrem universa
mirabilia tua.
Domine, dilexi déco-
rem domus tuas : et lo-
cum habitationis gloriae
tuœ.
Ne perdas cum impiis,
Deus, animam meam: et
cum viris sanguinum vi-
tam meam.
In quorum manibus
iniquitates sunt : dextera
eorum repleta est mune-
ribus.
Ego autem in innocen-
tia mca ingressus sum :
redirae me, et miserere
mai.
Pes meus stetit in di-
recte: in ecclesiis bene-
dicam te, Domine.
Gloria Patri, et Filio,
et Spiritui Sancto ;
Sicut erat in principio,
et nunc. et semper, et in
saecula saeculorum .
Amen.
tez-moi encore, vous qui
avez, par votre bonté, remis
mes pas dans le sentier; ce
dont je vous rends grâces au
milieu de cette assemblée.
Gloire au Père, et au Fils, et
au Saint-Esprit ; comme il
était au commencement,
maintenant et toujours, et
dans les siècles des siècles.
Amen.
Le Prêtre, au milieu de l'autel, s'incline
respectueusement :
SusciPE, sancta Tri-
nitas, hanc o'olatio-
nem, quam tibi ofterimus
ob memoriam Passionis,
Resurrectionis, et As-
censionis Jesu Christi
Domini notri : et in ho-
norem beatae Marias sem-
per Virginis, et beati
johannis" Baptistœ, et
sanctorum Apostolorum
Pétri et Pauli, et isto-
rum, et omnium Sancto-
rum, ut illis proficiat ad
honorem, nobis autem ad
salutem: et illi pro no-
bis intercedere dignentur
in cœlis, quorum memo-
riam agimus in terris.
Per eumdem Christum
Dominum nostrum.
Amen.
Le Prêtre se tourne une dernière foi:
le peuple, et il dit ;
-T- RINITE samte, agréez ce
1 Sacrifice ainsi préparé,
qui va renouveler la mémoire
de la Passion, de la Résur-
rection et de l'Ascension de
Jésus-Christ, notre Seigneur.
Souffrez que votre Eglise y
joigne l'intention d'honorer
la glorieuse Vierge Marie,
les saints Apôtres Pierre
et Paul, les Martyrs dont les
ossements attendent la résur-
rection sous cet autel, et les
Saints dont aujourd'hui nous
honorons la mémoire. Aug-
mentez la gloire dont ils
jouissent ; et qu'ils daignent
eux-mêmes intercéder pour
notre salut.
Ordinaire de la Messe.
2q
PIEZ, mes Frères, afin que
mon Sacrifice, qui est
aussi le vôtre, soit accepta-
ble auprès de Dieu le Père
tout-puissant.
E le Seigneur re-
çoive le Sacrifice
de vos mains, pour la lou-
ange et la gloire de son
Nom, pour notre utilité et
pour celle de toute sa sainte
Eglise.
,.q;
a AIE. Fratres : ut
meum ac vestrum
sacrificium acceptabile
fiât apud Deum Patrem
omuipotentem.
jj QjsciPlAT Domi-
^' '-'nus sacrificium
de manibus tuis, ad lau-
dem et gloriam Nominis
sui, ad utilitatem quoque
nastram,totiusque Eccle-
siae sucC sanctre.
Le Prêtre récite les Oraisons Secrètes, qu'il
termine à haute voix :
r^NS tous les siècles des
*-^ siècles.
fij. Amen.
Le Seigneur soit avec vous;
^. Et avec votre esprit.
Les cœurs en haut !
^. Nous les avons vers le
Seigneur.
Rendons grâces au Sei-
gneur notre Dieu.
19. C'est une chose digne et
iuste.
01, c'est une chose digne
et juste, équitable" et
salutaire, de célébrer vos
grandeurs en tout temps.
Seigneur; mais surtout en ces
jours où le Christ notre
Pâque a été immolé ; car il
Per omnia saecula sae-
culorum.
Bl. Amen.
Dominus vobiscum ;
^. Et cum spiritu tuo.
Sursum corda !
Ri. Habemus ad Domi-
num.
Gratias agamus Do-
mino Deo nostro.
^. Dignum et justum
est.
V^RE dignum et justum
est, aequum et salu-
tare, te quidem. Domine,
omni tempore, sed in hoc
potissimum gloriosius
praedicare, quum Pascha
nostrum immolatus est
I. Les Préfaces de l'Ascension et de la Pentecôte se
trouvent aux Messes de ces fêtes.
3o
Le Temps Pascal.
Christus. Ipse enim ve-
rus est Agnus, qui abs-
tulit peccata mundi. Qui
mortem nostram inorien-
do destruxit, et vitam
resurgendo reparavit. Et
idco cum Angelis cl Ar-
changelis, cum Thronis
et Dominationibus, cum-
que omni militia cœlestis
exercitus, hymnum glo-
rije tuœ canimus, sine
fine dicentes •
SA N c T u s, Sanctus,
Sanctus Dominas
Deus Sabaoth !
Pleni sunt cœli et terra
gloria tua.
Hosannain excelsis 1
Benedictus qui venit in
nomine Domini.
Hosanna in excelsis !
est le véritable Agneau qui a
ôté les péchés du monde.
C'est lui qui, par sa mort, a
détruit notre mort, et qui,
par sa résurrection, a réta-
bli notre vie. C'est pourquoi,
avec les Anges et les Ar-
changes, avec les Trônes et
lc<! Dominations, avec l'ar-
mce entière des cieux, nous
chantons l'hymne à votre
gloira, disant sans jamais
cesser :
SAINT. Saint, Saint est le
Seigneur, le Dieu dés-
armées 1
Les cieux et la terre sont
remplis de sa gloire.
Hosannah au plus haut des
cieux 1
Béni soit Celui qui vient
Cil nom du Seigneur.
Hosannah soit à lui au plus
haut des cieux !
LE CANON DE LA MESSE.
TE igitur, clementis-
sime Pater, perJesum
Christum Filium tuum
Dominum nostrum sup-
plices rogamus ac peti-
mus, uti accepta habeas,
et benedicas hsc dona,
haec munera, haec sancta
sacrificia illibata, in prl-
mis quœ tibi offerimus
pro Ecclesia tua sancta
catholica : quam pacifi-
care, custodirc. adunare,
et regcre digneris toto
^^ Dieu, qui vous m.anifes-
\_) tez au milieu de nous
par le moyen des Mystères
dont vous avez fait déposi-
taire notre Mère la sainte
Eglise, nous vous supplions,
au nom de ce divin Sacrifice,
de détruire tous les obstacles
qui s'opposent à son pèleri-
nage en ce monde. Donnez-
lui la paix et l'unité ; con-
duisez vous-même notre
Saint-Père le Pape, votre
Vicaire sur la terre ; dirigez
Ordinaire de la Messe.
notre Evêque, qui est pour
nous le lien sacré de l'unité ;
sauvez le prince qui nous
gouverne, afin que nous me-
nions une vie tranquille ;
conservez tous les orthodoxes
enfants de l'Eglise Catho-
lique-Apostolique-Romaine.
y-jERMETTEZ-MOI, Ô mon
j Dieu ! de vous demander
de répandre vos bénédictions
spéciales sur vos serviteurs
et vos servantes, pour les-
quels vous savez que j'ai une
obligation particulière de
prier... Appliquez-leur les
fruits [de ce divin Sacrifice
qui vous est offert au nom de
tous. Visitez-les par votre
grâce ; pardonnez leurs pé-
chés ; accordez-leur les biens
de la vie présente et ceu.x de
la vie éternelle.
MAIS non seulement, ô mon
Dieu, l'offrande de ce
_ jrifice nous unit à nos
frères qui sont encore dans
cette vie voyagera de l'é-
preuve ; il resserre aussi nos
liens avec ceux qui déjà sont
établis dans la gloire. Nous
l'offrons donc pour honorer
la mémoire de la glorieuse et
toujours Vierge Marie, des
Apôtres, des Martyrs, des
Confesseurs, des Vierges, en
un mot de tous les Justes,
afin qu'ils nous aident par
leur puissant secours à deve-
orbe terrarum, una cum
famulo tuo Papa nostro
N. et Antistite nostro jV.,
et omnibus orthodoxis,
atque catholica; et apos-
tolica; fidei cultoribus.
MEMENTO, Domine,
famulorum famula-
rumque tuarum N. et JV.,
et omnium circumstan-
tium, quorum tibi fides
cognita est, et nota devo-
tio : pro quibus tibi of-
ferimus. vel qui tibi offe-
runt hoc sacrificium lau-
dis, pro se, suisque om-
nibus, pro redemptione
animarum suarum. pro
spe salutis et incolumi-
tatis suœ ; tibique red-
dunt vota sua aeterno Deo,
vivo et vero.
COM.MUNICANTES, et
memoriam vénéran-
tes, in primis ^loriosœ
semper \'irginis Mariœ,
Genitricis Dei et Domini
nostri Jesu Christi : sed
et beatorum Apostolo-
rum, ac Martyrum tuo-
rum. Pétri et Pauli, An-
dréas, Jacobi. Johannis,
Thomas, Jacobi, Philip-
pi, Bartholomœi, Mat-
thaei, Simonis et Thad-
dœi : Lini, Cleti, Cle-
mentis, Xysti, Cornelii,
C y p r i a n i, Laurentii,
32
Le Temps Pascal.
nir dignes de vous contem-
Pairs, efï) nia: pTer-- iamais comme eux,
n.! et omnTum Sancto- Sans le se>ur de votre glo.re
?am taorum : quorum meritis prec.busque conÇedas u
in omnibus proicction.s tuae mun.amur aux.ho. Fer
cumdem Christum Dominum nostrum. Amen
H»!
.NC igitur oblatlo-
nem servitutis nos-
trœ, sed et cunctae fami-
liae tuae, quxsumus Do-
mine, ut placatus acci-
pias : diesque nostros in
tua pace disponas, atque
ab œterna damnatione
noseripi, et in eleclorum
tuorum jubeas grege nu-
merari. Per Christum
Dominum nostrum.
Amen.
Quam oblationera tu,
Deus, in omnibus, quœ-
sumus, benedictam, ad-
scriptam, ratam. rationa-
bilem. acceptabilemque
facere digneris ; ut nobis
Corpus et Sanguis fiât
dilectissimi Filii tui Do-
mini nostri Jesu Christi.
Ol pridie quam pa-
teretur, accepit pa~
nem in sanctas ac vene-
Irabiles manus suas : et
elevatis oculis in cœlum.
ad te Deum Patrem
suum omnipotentem, tibi
gratias agens, benedixit,
fregit, deditque discipu-
lis suis, dicens : Acci-
pite, et manducate ex
hoc omnes. Hoc est
ENiM Corpus meum.
r\viGNEZ recevoir, ô Dieu,
*-^cette offrande que toute
votre famille vous présente,
comme l'hommage de son
heureuse servitude. En
échange, donnez-nous la paix,
sauvez-nous de votre colère,
mettez-nous au nombre de
vos élus ; par Jésus-Christ,
notre Seigneur, qui va paraî-
tre.
Car il est temps que ce pam
devienne son Corps sacre,
qui est notre nourriture, et
que ce vin se transforme en
son Sang, qui est notre breu-
vage ; ne tardez donc plusa
nous introduire en la pré-
sence de ce divin Fils, notre
Sauveur !
QE ferai-je en ce moment,
ô Dieu du ciel e;de la
terre. Sauveur. Rédempteur
du monde, vainqueur de la
mort, si ce n'est de vous ado-
rer en silence comme mon
souverain Maître, (de vous
ouvrir mon cœur, comme a
son Roi plein de douceur .
Venez donc, Seigneur Jésus 1
venez 1
Ordinaire de la Messe.
33
SANG divin, prix de mon sa-
lut, je vous adore. Lavez
mes iniquités, et rendez-moi
plus blanc que la neige.
Agneau sans cesse immolé et
cependant toujours vivant,
vous venez effacer les péchés
du monde ; venez aussi régner
en moi par voire force et par
votre douceur.
Lix Sanguinis mei, novi et
C I.MILI modo postquam
- cœnatum est, acci-
piens et hune prœclarum
Calicem in sanctas ac
venerabiles manus suas :
item tibi gratias agens,
benedixit, deditque dis-
cipulis suis dicens : Ac-
cipitc et bibite ex eo om-
nes. Hic est enim Ca-
JETERNI TESTAMENTI :
MYSTERIU.M FIDEI : QUI PRO VOBIS ET PRO MULTIS
EFFUNDETUR IN REMISSIONEM PECCATORUM. Haec quo-
tiescumque feceritis, in mei memoriam facietis.
LA voici donc, ô Père saint,
l'Hostie si longtemps at-
tendue. Voici ce Fils éternel
qui a souffert, qui est ressus-
cité glorieux, qui est monté
triomphant au ciel. Il est
votre Fils ; mais il est aussi
notre Hostie, Hostie pure et
sans tache ; notre Pain et
notre Breuvage d'immorta-
lité.
Vous avez agréé autrefois
le sacrifice des tendres
agneaux que vous offrait
Abel ; le sacrifice qu'Abra-
ham vous fit de son fils Isaac,
immolé sans perdre la vie ;
enfin le sacrifice mystérieux
du pain et du vin que vous
présenta Melchisédech. Rece-
vez ici l'Agneau par excel-
lence, la victime toujours vi-
[ Tndf. et memores, Do-
*" mine, nos servi tui,
sed et picbs tua sancta,
ejusdem Christi Filii tui
Domini nostri tam beatae
Passionis, nec non et ab
inferis Resurrectionis,
sed et in cœlos gloriosae
Ascensionis : offerimus
prœclarœ Majestati tuae
de tuis donis ac datis
Hostiam puram, Hostiara
sanctam, Hostiam imma-
culatam : Panem sanctum
vitae œternas, et Calicem
salutis perpetuae.
Supra quae propitio ac
sereno vultu respicere
digneris, et accepta ha-
bere, sicuti accepta ha-
bere dignatus es munera
pueri tui justi Abel, et
sacrificium Patriarchae
nostri Abrahœ, et quod
tibi obtulit summus Sa-
cerdos tuus Melchisé-
dech, sanctum sacrifi-
LE TEMPS PASCAL.
34
Le Temps Pascal.
cium, iramacuiatam hos-
tiam.
UPPLiCES te rogamus,
'^s omnipotens Deus :
]uhc hœc perferri per
manus sancli Angeli tui
in sublime Altare tuum,
in conspectii divinas Ma-
jestatis tua?- ut quotquot
ex hac altaris participa-
tions sacrosanctum Fi-
lii tui Corpus et Sangui-
nem sumpserimus, omni
benedictione cœlesti et
gratia renleamur. Per
eumdem Christum Do-
minum nostrum. Amen.
MEMENTO etiam, Do-
mine , famulorum
lularumque tuarum
N, et N., qui nos prae-
cesserunt cum signe fi-
dei, et dormiunt in som-
no pacis. Ipsis, Domi-
ne, et omnibus in Chris-
to quiescentibus, locum
refrigerii, lucis et pacis,
ut indulgeas, depreca-
mur. Per eumdem Chris-
tum Dominum nostrum.
Amen.
î^
OBIS quoque pecca-
toribus famulis tuis,
e' multitudine misera-
M
vante, le Corps de votre Fils,
qui est le Pain de vie, son
Sang, qui est à la fois un
breuvage pour nous et une
libation à votre gloire.
Aïs, ô Dieu tout-puis-
sant ! ces dons sacres
ne' reposent pas seulement
sur cet autel terrestre ; l'A-
gneau vivant et immolé re-
pose aussi sur l'Autel sublime
du ciel, devant le trône de
votre divine Majesté ; et ces
deux autels ne sont qu'un
même autel, sur lequel s'ac-
complit le grand mystère de
votre gloire et de notre sa-
lut : daignez nous rendre par-
ticipants du Corps et du
Sang de l'auguste Victime de
laquelle émanent toute grâce
et toute bénédiction.
- -'excluez personne de
fs] votre visite, ô Jésus!
Votre aspect réjouit la Cité
sainte avec ses élus ; nos yeux
encore mortels vous contem-
plent, quoique sous un voile-
ne vous cachez plus à ceux
de nos frères qui sont dans le
lieu des expiations. Soyez-
leur un rafraîchissement
dans leurs flammes, une lu-
mière dans leurs ténèbres,
une paix dans leurs doulou-
reux transports.
ous sommes pécheurs, ô
ÎnJ Père saint ! et cepen-
dant nous attendons de votre
Ordinaire de la Messe.
35
infinie miséricorde une part
dans votre Royaume, par le
mérite de ce Sacrifice que
noils vous offrons, et non à
cause de nos œuvres, qui ne
sont dignes que de votre co-
lère. Mais souvenez-vous de
vos saints Apôtres, de vos
saints Martyrs, de vos sain-
tes Vierges, de tous les Bien-
heureux, et donnez-nous, par
leur intercession, la grâce et
la gloire éternelle que nous
vous demandons au nom de
Jésus-Christ notre Seigneur,
votre Fils; c'est par lui que
vous répandez sur nous vos
bienfaits de vie et de sancti-
fication ; par lui encore, avec
lui et en lui, dans l'unité du
Saint-Esprit , soit à vous
honneur et gloire à jamais,
bis : per ipsum, et cum ipso,
Patri omnipotenti, in unitate
honor et gloria.
tionum tuarum speranti-
bus, partem aliquam ei
societatem donare di-
gneris cum tuis sanctis
Apostolis et Martyribus :
cum Johanne, Stephano,
Mathia, Barnaba, Igna-
tio, Alexandro, Marcel-
lino, Petro, Felicitate,
Perpétua, Agatha, Lu-
cia. Agnète, Cascilia,
Anastasia, et omnibus
Sanctis tuis ; intra quo-
rum nos consortium, non
œstimator meriti, sed ve-
nix, quœsumus. largitor
admitte : per Christum
Dominum nostrum. Per
quem hœc omnia. Domi-
ne, semper bona créas,
sanctificas, vivificas, be-
nedicis, et praestas no-
et in ipsj, est tibi Deo
Spiritus Sancti, omnis
D
ANS tous les siècles des
siècles.
^. Amen.
PRIONS. Instruits par un
précepte salutaire, et sui-
vant fidèlement la forme de
l'instruction divine qui nous
a été donnée, nous osons
dire :
PER omnia srecula sae-
culorum.
W. Amen.
OREMUS . Praeceptis
salutaribus moniti,
et divina institutione for-
mati, audemus dicere :
L ORAISON DOMINICALE.
NOTRE Père, qui êtes aux
cieux, que votre Nom
i' soit sanctifié; que votre rè-
PATER noster, qui es
in cœlis : Sanctifice-
tur Nomem tuum Ad-
36
Le Temps Pascal.
veniat regnum tuum •
Fiat voluntas tua, sicut
in cœlo, et in terra. Pa-
nem nostrum qiiotidia-
num da nobis hodic : Et
dimitte nobis débita
nostra, sicut et nos di-
mittimus debitoribus
nostris : Et ne nos indu-
cas in tentationem.
1^. Sed libéra nos a
malo.
AMEN. Libéra nos, qure-
sumus Domine, ab
omnibus malis, pra;teri-
tis, prœsentibus et futu-
ris ; et intercedente beata
et gloriosa semper Vir-
gine Dei Génitrice Ma-
ria, cum beatis Apostolis
tuis Petro et Paulo, atque
Andréa, et omnibus San-
ctis. da propitius pacem
in diebus nostris : ut ope
misericordiae tua? adjuti,
et a peccato simus sem-
per liberi, et ab omni
perturbatione securi. Per
eumdem Dominum nos-
trum Jesum Christum
Filium tuum, qui tecum
vivit et régnât in unitate
Spiritus Sancti Deus.
Oer omnia sascula sac-
^ culorum.
^. Amen.
gne arrive ; que votre volonté
soit faite sur la terre comme
au ciel. Donnez-nous au-
jourd'hui notre pain quoti-
dien; et pardonnez-nous nos
offenses comme nous pardon-
nons à ceux qui nous ont
offensés. Et ne nous laissez
pas succomber à la tentation.
Rj. Mais délivrez-nous du
mal.
T^ois sortes de maux nous
^ désolent, Seigneur: les
maux passés, c'est-à-dire les
péchés dont notre âme porte
les cicatrices, et qui ont for-
tifié ses mauvais penchants;
les maux présents, c'est-a-
dire les taches actuellement
empreintes sur cette pauvre
âme. sa faiblesse et les ten-
tations qui l'assiègent ; enfin
les maux avenir, c'est-à-dire
les châtiments de votre jus-
tice. En présence de l'Hostie
du salut, nous vous prions,
Seigneur, de nous délivrer
de tous ces maux, et d'agréer
en notre faveur l'entremise
de Marie, Mère de Dieu, et
de vos saints Apôtres Pierre,
Paul et André. Affranchis-
sez-nous, délivrez-nous, don-
nez-nous la paix. Par Jésus-
Christ votre Fils, qui vil et
règne avec vous.
DANS tous
siècles.
% Amen.
les siècles des
Ordinaire de la Messe.
^7
Que la Paix du Seigneur 1 Pax Domini sit semper
soit toujours avec vous ; vobiscum ;
^. Et avec votre esprit. | 'Ef. Et cum spiritu tuo.
Le Prêtre divise llHostie sainte, et l'ayant
séparée en trois parts, il met une de ces parts
dans le Calice :
GLOIRE à vous, Sauveur du
monde, qui avez souffert
que, dans votre Passion, vo-
tre précieux Sang fût séparé
de votre sacré Corps, et qui
les avez réunis ensuite par
votre vertu !
AGNEAi; de Dieu, qui ôtez
les péchés du monde,
ayez pitié de nous.
Agneau de Dieu, qui ôtez
les péchés du monde, ayez
pitié de nous.
Agneau de Dieu, qui ôtez
les péchés du monde, donnez-
nous la Paix.
SEIGNEUR Jésus-Christ, qui
avez dit à vos Apôtres :
« Je vous laisse ma paix, je
« vous donne ma paix, » ne
regardez pas mes péchés,
mais la foi de cette assem-
blée qui est à vous, et dai-
gnez la pacifier et la réunir
selon votre sainte volonté.
H.EC commixtio et con-
secratio Corporis et
Sanguinis Domini nos-
tri Jesu Christi, fiât ac-
cipientibus nobis in vi-
tam aeternam. Amen.
AGNUS Dei, qui tollis
peccata mundi, mi-
serere nobis.
Agnus Dei, qui tollis
peccata mundi, miserere
nobis.
Agnus Dei. qui tollis
peccata mundi, dona no-
bis pacem.
Do.MiNE Jesu Christe,
qui dixisti Aposto-
lis tuis : Pacem relinquo
vobis ; pacem meam do
vobis : ne respicias pec-
cata mea, sed fîdem Ec-
clesiœ tuas : eamque se-
cundum voluntatem tuam
pacificare, et coadunare
digneris. Qui vivis et
régnas Deus, per omnia
ScEcula sœculorum.
Amen.
Après cette Oraison, le Prêtre en signe de
paix, si la iMesse est solennelle, donne le
38
Le Temps Pascal.
baiser fraternel au Diacre, qui le donne lui-
même au Sous-Diacre, lequel va le porter au
Chœur.
DOMINE Jesu Christe,
' Fili Dei vivi, qui ex
voluntate Patris, coopé-
rante Spiritu Sancto, per
mortem tuam mundura
vivificasti : libéra me per
hoc sacrosanctum Cor-
pus, et Sanguinem tut'.m,
ab omnibus iniquitatibus
meis, et universis malis,
et fac me tuis semper
inhaerere mandatis. et a
le nunquam separari per-
mittas. Qui cum eodem
Deo Pâtre et Spiritu
Sancto vivis et régnas
Deus in saecula soeculo-
rum. Amen.
FRCEPTio Corporis
tui, Domine Jesu
Christe, quod ego indi-
gnus sumere praesumo,
non mihi proveniat in
judicium et condemna-
tionem : sed pro tua pie-
tate prosit mihi ad tuta-
mentum mentis et corpo-
ris. et ad medelam per-
cipiendam. Qui vivis et
régnas cum Deo Pâtre in
unitate Spiritus Sancti
Deus. per omnia sarcula
saeculorum. Amen.
Ceioneur Jésus-Christ ,
*- Fils du Dieu vivant, qui,
par la volonté du Père et la
coopération du Saint-Esprit,
avez donné par votre mort la
vie au monde ; délivrez-moi,
par ce saint et sacré Corps
et par votre Sang, de tous
mes péchés et de toutes sor-
tes de maux. Faites que je
m'attache toujours inviola-
blement à votre loi, et ne
permettez pas que je me sé-
pare jamais de vous.
S
EIGNEUR Jésus-Christ,
faites que la réception de
votre Corps, que je me pro-
pose de prendre, tout indigne
que j'en suis, ne tourne pas à
mon jugement et à ma con-
damnation : mais que, par
votre bonté, il me serve de
défense pour mon âme et
pour mon corps, et qu'il me
soit un remède salutaire.
Le Prêtre prend l'Hostie et se dispose à s'en
communier :
Ordinaire de la Messe.
yENEZ, Seigneur Jésus !
Il
f^ANEM cœlestera acci-
I piam, et Noraen Do-
I mini invocabo.
Il frappe sa poitrine et confesse son indi-
gnité, disant trois fois :
^IGNEUR, je ne suis pas di-
gne que vous entriez en
moi ; mais dites seulement
une parole, et mon âme sera
guérie.
L) OMINE, non sum di-
gnus ut intres sub
tectummeum: sed tan-
tum die verbo, et sanabi-
tur anima mea.
Au moment de consommer 1
tie:
Je me donne
Sauveur, pour être votre
demeure . faites en moi seion
votre bon plaisir.
vous, o mon
sainte Hos-
v>ORPUS Domini nostri
Jesu Christi custo-
diat animam meam in
vitam aeternam. Amen.
Le Prêtre prend le Calice avec action de
grâces :
C^E pourrai-je rendre à
Dieu pour tous les biens
qu'il m'a faits ? Je prendrai
le Calice du salut, j'invoque-
rai le Nom du Seigneur, et je
serai délivré de mes ennemis.
Je m'unis à vous, ô mon
Sauveur! Unissez-vous à
moi -, que nous ne nous sépa-
rions jamais !
Q
UID retribuam Do-
mino pro omnibus
quœ retribuit mihi ? Ca-
licem salutaris accipiam,
et Nomcn Domini invo-
cabo. Laudans invocabo
Dominum, et ab inimicis
meis salvus ero.
Languis Domini nos-
tri Jesu Christi custo-
diat animam meam invi
tam aeternam. Amen.
La Communion étant faite, pendant que
le Prêtre purifie le Calice pour la première
fois :
yous m'avez visité dans le 1 \J uoi
temps, ô mon Dieu ; fai- | D
UOD ore sumpsimus,
omine, pura men-
40
Le Temps Pascal.
tes que je garde les fruits de
cette visite pour l'éternité.
te capiamus : et de niu-
nere temporali fiât nobis
remedium sempiternum.
Pendant q^uc le Prêtre purifie le Calice pour
la seconde lois :
^ ORPUS tuum, Domi-
V_^ ne, quod sumpsi, et
Sanguisquempotavi, ad-
hasreat visceribus meis :
et praesta ut in n^e non
remaneat scelerum macu-
la, quem pura et sancta
refecerunt Sacramenta.
Qui vivis et régnas in
saecula sœculorum.
Amen.
Le Prêtre ayant lu l'Antienne dite Commu-
nion, se retourne vers le peuple et le salue;
après quoi il récite les Oraisons appelées
Postcommiinion . Puis il dit :
BENI soyez -vous, o mon
Sauveur, qui m'avez ini-
tié au sacré mystère de votre
Corps et de votre Sang. Que
mon cœur et mes sens con-
servent, par votre grâce, la
pureté que vous leur avez
donnée, et que votre sainte
présence demeure toujours en
moi.
■p\ OMINUS vobiscum.
%. Et cura spiritu tuo.
T TE, Missa est.
V\. Deo gratias.
PLACEAT tibi, Sancta
Trinitas, obsequium
servitutis meae, et praîsta
ut saorificium, quod ocu-
lis tu£e Majestatis indi-
gnus obtuli, tibi sit ac-
ceptabile, mihique, et om-
nibus, pro quibus illud
obtuli, sit, te miserante,
T E Seigneur soit avec vous ;
1^. Et avec votre esprit.
RETIREZ-VOUS, la Messe est
finie.
IÇ!. Grâces soiem rendues à
Dieu.
GRACES vous soient ren-
dues, adorable Trinité,
pour la miséricorde dont
vous avez daigné user envers
moi, en me permettant d'as-
sister à ce divin Sacrifice ;
pardonnez la négligence et
la froideur avec lesquelles
j'ai reçu un si grand bienfait,
Ordinaire de la Messe.
41
propitiabile. Per Chris-
tum Dominum nostrum.
Amen.
et daignez ratifier la béné-
diction que votre Ministre va
répandre sur moi en votre
saint Nom.
Le Prêtre étend ses mains et bénit, en di-
sant :
QUE le Dieu tout-puissant
vous bénisse, le Père,
le Fils et le Saint-Esprit !
% Amen.
^ T E Seigneur soit avec
^' L vous ;
R|. Et avec votre esprit.
BENEDICAT vos omni-
potens Deus, Pater,
et Filius, et Spiritus
Sanctus.
yç,. Amen,
OMINUS vobis-
cum ;
Et cum spiritu tuo.
D
LE DERNIER EVANGILE.
Le commencement du saint
Evangile selon saint Jean.
Chap. I.
. U commencement était le
/\ Verbe, et le Verbe était
avec Dieu, et le Verbe était
Dieu. Il était dans le prin-
cipe avec Dieu. Toutes cho-
ses ont été faites par lui :
et rien n'a été fait sans lui.
Ce qui a été fait, était vie en
lui, et la vie était la lumière
des hommes : et la lumière
luit dans les ténèbres, et les
ténèbres ne l'ont point com-
prise. Il V eut un homme en-
voyé de Dieu, qui s'appelait
Jean. Il vint pour servir de
témoin, pour rendre témoi-
gnage à la lumière, afin que
tous crussent par lui. Il n'é-
tait pas la lumière, mais il
Initium sancti Evangelii
secundum Johannem.
Cap. I.
1 N principio erat Ver-
I bum, et Verbum erat
apud Deum, et Deus erat
Verbum. Hoc erat in
principio apud Deum.
Omnia per ipsum facta
sunt ; et sine ipso fac-
tura est nihil. Quod fac-
tum est, in ipso vita erat,
et vita erat lux hominum :
et lux in tenebris lucet,
et tenebrae eam non com-
prehenderunt. Fuit ho-
mo missus a Deo, cui
nomen erat Johannes.
Hic venit in testimo-
nium, ut testimonium
perhiberet de lumine,
ut omnes crederent per
42
Le Temps Pascal.
illum. Non erat ille
lux, sed ut testimonium
perhiberet de lumine.
Erat lux vera, quœ illu-
minât omnem hominem
venientem in hune mun-
dum. In mundo erat, et
mundus per ipsum fac-
tus est, et mundus eum
non cognovit. In propria
venit, et sui eum non re-
ceperunt. Quotquot au-
tera receperunt eum, de-
dit eis potestatem filios
Dei fieri, his qui credunt
in Nomine ejus : qui non
ex sanguinibus. neque ex
voluntate carnis, neque
ex voluntate viri, sed ex
Deo nati sunt. Et Ver-
BUM CARO FACTUM EST,
et habitavit in nobis : et
vidimus gloriam ejus,
gloriam quasi Unigcniti
a Pâtre, plénum gratine
et veritatis.
était venu pour rendre té-
moignage à celui qui était la
lumière. Celui-là était la vraie
lumière qui éclaire tout
homme venant en ce monde.
Il était dans le monde, et le
monde a été fait par lui ; et
le monde ne l'a point connu.
Il est venu chez soi, et les
siens ne l'ont point reçu. Mais
il a donné à tous ceux qui
l'ont reçu le pouvoir d'être
faits enfants de Dieu, à ceux
qui croient en son Nom, qui
ne sont point nés du sang,
ni de la volonté de la chair,
ni de la volonté de l'homme,
mais de Dieu même. Et le
\'erbe s'est fait chair,
et il a habité en nous; et
nous avons vu sa gloire, sa
gloire comme du Fils unique
du Père, étant plein de grâce
et de vérité.
CHAPITRE III.
PRATIQUE DE LA SAINTE COMMUNION,
AU TEMPS PASCAL.
AVANT LA COMMUNION.
ACTE DE FOI.
ÉCLAT de VOS œuvres, ô Sauveur des hom-
mes, inonde vos fidèles d'une lumière si
vive, qu'ils ne peuvent s'empêcher de vous
rendre gloire, et de protester que vous êtes
le Fils de Dieu. Nous crûmes en vous, lorsque
vous appariJtes dans l'humilité de la crèche au milieu
de la nuit ; un aimant secret nous attirait vers vous, et
50US les langes nous vous adorions déjà avec les Esprits
célestes. Naguère nous vous vîmes attaché à la croix,
honni et blasphémé de tout un peuple; mais nous n'a-
vons pas cessé pour cela de vous reconnaître pour le Roi
suprême. Avec le bon larron nous vous disions : « Sei-
gneur, souvenez-vous de nous, quand vous serez dans
votre royaume. » Mais aujourd'hui que vous avez
triomphé de la mort, que le sépulcre vous a rendu vivant
et victorieux; aujourd'hui que la terre entière retentit
de vos louanges, et que le bruit de votre Résurrection,
accomplie il y a tant de siècles, ébranle toutes les na-
44 ^e Temps Pascal.
lions, qui pourrait ne pas rendre hommage à votre divi-
nité, ne pas confesser vos mystères, ne pas dire avec le
disciple qui fut incrédule un moment : « Vous êtes mon
Seigneur et mon Dieu » ? Je n'ai pas l'avantage de voir
de mes yeux mortels et de toucher de mes mains trem-
blantes vos plaies sacrées et rayonnantes ; mais je crois
fermement que vous êtes aussi mon Seigneur et mon
Dieu. Vous avez dit : « Heureux ceux qui n'ont pas vu
et qui néanmoins ont cru; » je veux être du nombre de
ces heureux croyants, ô Jésus ! Je confesse que vous êtes
véritablement ressuscité, Fils de Dieu et fils de
l'homme. Je crois aussi que vous êtes le Pain vivant
descendu du ciel pour donner la vie au monde, et que
c'est vous-même que je vais recevoir en moi tout à
l'heure. Augmentez encore cette foi, mon Seigneur et
mon Dieu, afin que je vous rende tous les hommages que
vous avez droit d'attendre de votre humble et heureuse
créature.
ACTE d'humilité.
Ul ne tremblerait à la seule pensée de vous voir dans
l'éclat de votre majesté, 6 divin triomphateur de
la^ort ? Avant votre Passion, vous laissâtes apparaî-
tre quelques rayons de votre gloire à trois de vos disci-
ples sur le Thabor. et ils tombèrent comme morts; nous
voici dans les jours où les splendeurs de votre victoire
éblouissent les regards même des Anges ; et vous «vou-
lez faire plus que vous montrer à moi. Vous daignez
descendre jusque dans mon néant, m'incorporer à vous,
moi faible et indigne créature, à vous qui n'êtes plus dans
les langes de la crèche, ni sur le bois douloureux de la
croix, à vous qui allez vous asseoir pour l'éternité dans la
gloire de votre Père. Auteur de la lumière, Lumière infinie
et sans ombres, vous voulez vous mêler à mes ténèbres.
Mon néant tressaille à cette pensée; mais ma conscience
pécheresse en est plus effrayée encore. Quel rapproche-
ment peut-il exister entre votre souveraine sainteté et
ma vie pleine d'infidélités ? « La lumière a lui dans les
ténèbres, nous dit votre Evangéliste ; mais les ténèbres,
ne l'ont pas comprise. » Les ténèbres de l'orgueil ont
cru être la lumière, et elles n'ont pas reconnu la vraie
Lumière; qu'il n'en soit pas ainsi de moi, ô Jésus! J'hu-
La Communion. 45
milie mon être tout entier devant vous ; je reconnais ma
misère : elle est immense ; daignez donc agir en moi, ô
Lumière ineffable, selon toute l'étendue de votre misé-
ricorde.
ACTE DE CONTRITION.
\J ous venez en moi, ô libérateur des hommes, vain-
' queur de l'enfer, et je ne suis qu'un pécheur. Vous
voulez donc me traiter comme vous traitâtes vos disci-
ples, au jour de votre résurrection. Ils vous avaient lâche-
ment abandonné dans votre Passion, et vous êtes revenu
près d'eux; afin de rassurer leurs inquiétudes, vous ne
leur avez témoigné que de la bonté; aucun reproche sur
leur conduite passée n'est sorti de votre bouche. Vous
vouliez, ô Jésus, qu'ils comprissent, par cette indulgence
de votre part, à quel point ils avaient été coupables de
vous abandonner. J'accepte pour moi-même cette leçon
du meilleur des maîtres; mais qu'il y a loin de la faute
de ces hommes qui vous connaissaient à peine, à mes
péchés qui sont ceux d'un chrétien tant de fois rebelle à
la lumière de vos divins mystères ! L'ensemble de tant
de vérités sublimes était ignoré encore de vos apôtres,
lorsqu'ils se laissèrent effraver par vos ennemis; ils
n'avaient pas reçu encore l'Ësprit-Saint qui m'a été si
abondamment communiqué. Je m'unis. Seigneur, aux
regrets qu'ils éprouvèrent à la vue de votre générosité ;
je déteste mes fautes qui ont blessé si cruellement votre
Cœur divin ; je sens que le péché est la mort, et qu'il n'a
rien de commun avec la vie que vous renouvelez en nous
par votre résurrection. Je veux être mort au péché, et
vivre à votre grâce. Daignez, par ce mystèi-e de vie
que vous allez communiquer à mon âme repentante,
la préserver pour jamais du malheur de perdre votre
grâce.
ACTE d'amour.
'WoTRE résurrection, ô Jésus, n'est pas seulement le
' trophée de votre victoire; elle est bien plus encore
le suprême triomphe de votre amour. C'est par amour
que vous avez pris notre humble chair; c'est par amour
que vous avez enduré votre cruelle Passion; mais ces
monuments de votre adorable bonté envers nous ne sont
4 fi Le Temps Pascal.
que la préparation du dernier effort de cet amour d'un
Dieu pour sa créature coupable. En ces jours, vous sor-
tez du tombeau, vous entrez en possession de l'immor-
talité; mais vous ne voulez pas jouir seul de ces avan-
tages conquis par vos humiliations et vos souffrances.
Si vous triomphez, c'est pour nous. Qu'aviez-vous
besoin de la crèche et de la croix, ô vous. Dieu éternel
et souverainement heureux? Quelle nécessite de mourir
et de ressusciter ensuite, de passer par le tombeau pour
reprendre ensuite la vie ? Je le comprends, ô mon Dieu!
vous nous avez aimés, nous qui avions mérité de mou-
rir en punition de nos péchés. Dans votre amour incom-
préhensible, vous avez voulu partager notre mort, afin
de nous donner part à votre résurrection. Attaché à la
croix, sortant de votre tombeau glorieux, toujours vous
êtes à nous, vous êtes pour nous ; mais c'est par ce der-
nier acte de votre toute-puissante bonté que vous mettez
lô comble à vos bienfaits. Que pouvons-nous faire, ô
Jésus, si ce n'est de vous offrir en retour l'humble et
fervent hommage de notre amour ? Et à quel moment
vous l'exprimerai-je avec plus d'effusion, si ce n'est à
celui-là même où vous vous préparez à me communiquer
ce Pain sacré qui est vous-même, et par lequel vous
venez m'unir à votre divine chair ressuscitée, afin de
m'incorporer à votre gloire et à votre immo-rtalité ? O
Jésus, mon libérateur, qui êtes à moi dans votre mort et
dans votre vie, je veux être tout à votre amour dans le
temps et dans l'éternité.
APRES LA COMMUNION.
ACTE d'.\D0R.\T10N.
- . otJS êtes en moi, et je suis en vous. Majesté infinie!
V Au moment où vous vous élanciez du tombeau, la
terre trembla à l'aspect de votre gloire; à cette heure
fortunée où je vous sens en moi-même, mon être tout
entier tressaille d'émotion, car vous êtes le grand Dieu
à qui il n'a fallu qu'un acte de sa volonté pour faire jail-
lir la lumière du sein du chaos, à qui il n'a fallu qu'un
La Communion.
47
instant pour réunir son àme à son corps et s'échapper
des liens du tombeau. Que puis-je faire, sinon adorer pro-
fondément cette puissance, cette grandeur qui m'est unie
en ce moment ? O Dieu à qui rien ne résiste, je m'anéantis
devant vous, je confesse votre domaine sur moi ; recevez
mon hommage que vous êtes venu chercher du haut du
ciel, en descendant jusqu'au fond de cet abîme de néant.
Je succombe sous Je poids de l'insigne honneur que vous
daignez me faire. Vous êtes le souverain Etre, l'auteur
et le conservateLir de toutes choses : je vous adore comme
mon maître absolu, je confesse avec bonheur ma dépen-
dance, et je vous offre de tout mon cœur mon humble
service.
ACTE DE REMERCIEMENT.
^->^UI me donnera de reconnaître, comme je le dois, le
() bienfait de votre visite, ô Jésus ? C'est pour me
faïre part de votre propre vie que vous êtes venu en moi.
Faible comme je le suis, le souvenir de ce que vous avez
opéré en ma faveur ne suffirait pas à me soutenir dans
la voie nouvelle que votre résurrection m'a ouverte ; dans
votre aimable condescendance pour mon infirmité, vous
êtes A'enu dans mon âme sans bruit, mais avec toute votre
puissance et toute votre gloire. Vous vous montrâtes
ainsi aux Apôtres réunis dans le Cénacle, ô divin Res-
suscité! « C'est moi, leur dites-vous; n'ayez pas de
crainte. » J'entends au dedans de moi les mêmes paro-
les. Vous me dites de ne pas me troubler, quelles que
soient votre grandeur et ma bassesse, votre souveraine
sainteté et mon indignité. " La paix soit avec vous 1 »
c'est le salut que vous donnâtes à vos disciples ; en ce
moment, c'est à moi-même que vous l'adressez. Je le
reçois, ô Jésus, de votre bouche adorable, et j'y réponds
par mes actions de grâces. Soyez béni pour cette divine
prévenance, pour cette tendre sollicitude qui vous porte
à vous unir ainsi à mon indignité, à abaisser toutes
les barrières qui me captivaient sous l'empire de la mort,
à m'associer intimement à votre triomphe, à me prému-
nir contre le retour de la mort, en m'incorporant, par
ce Pain sacré, votre immortelle vie. Je dirai donc avec
le Roi-Prophète : « Mon âme, et tout ce qui est en moi.
48 Le Temps Pascal.
bénis le Seigneur, et n'oublie jamais son bienfait, c'est
lui qui t'a rachetée de la mort, et qui a renouvelé ta
jeunesse comme celle de l'aiijle. »
ACTE d'amour.
OMBLE de vos plus chères faveurs, que dois-je faire,
ô Jésus, sinon répondre à votre amour par tout
l'amour dont je suis capable ? Madeleine, à votre sépul-
cre, n'a entendu de vous qu'une seule parole, et son cœur
se fond; elle ne peut repondre que par cette exclama-
tion : « Mon maitre ! mon cher maître ! » Et moi, ô
Jésus, qui n'entends pas seulement votre parole, mais
qui vous sens en moi-même, qui suis tout pénétré de
vous, quels termes emploierai-je pour exprimer mon
amour? Les disciples d'Emmaiis n'avaient eu avec vous
qu'un simple entretien, et ils disaient : « Notre cœur
n'était-il pas brûlant au dedans de nous, pendant qu'il
nous parlait dans le chemin? » Que dirai-je ? que rcs-
sentirai-je en ce moment où vous reposez dans ma poi-
trine ? J'oserai vous dire que moi aussi je vous aime, ô
mon Sauveur ressuscité ! Vous daignâtes agréer l'amour
de Madeleine et encourager par votre bonté celui de vos
disciples; agréez aussi le mien. S'il est faible, vous pou-
vez l'accroître; je prends la résolution de ne le plus
contrarier, de le développer en moi, avec l'aide de votre
sainte grâce, et de recourir souvent, pour cet effet, à
l'adorable Sacrement dans lequel vous avez déposé
toutes les ressources et tous les secrets de ce saint
amour.
ACTE d'offrande.
J'ÉTAIS à vous, ô Jésus, parce que vous m'aviez racheté ',
je suis maintenant à vous, parce que vous m'avez
rendu la vie par votre Résurrection ; et dans le divin
mystère dont vous venez de me faire part, vous m'avez
associé à tout ce que votre victoire sur la mort a de plus
glorieux. Mon sort est donc désormais uni au vôtre ;
comme vous, je >uis mort au péché, et je vis à Dieu.
Que dois-je donc faire, sinon m'offrir et me donner à
vous pour ne m'en plus séparer jamais? Disposez de
moi, ô Jésus ! Je suis votre racheté et votre compagnon
La Communion. 4g
de gloire; tout mon présent, tout mon avenir est en
vous jusque dans l'éternité. Je renonce donc à moi-
même, pour être à toutes vos volontés ; je renonce au
monde et à ses maximes, qui sont l'opposé de la vie
nouvelle que je veux mener désormais ; mais je sens que,
pour être fidèle, j'ai besoin d'un secours puissant qui
m'assiste sans cesse. Ce secours, ô Jésus, c'est la venue
en moi de votre Esprit-Saint ; c'est sa demeure en moi.
Vous l'avez promis; il doit, par son arrivée, mettre le
sceau à toutes les joies pascales. Envoyez-le-moi, ô
Fils du Père! Vous montez au ciel : ne me laissez pas
orphelin. Votre divin Sacrement me reste ; mais je n'y
puis participer à toute heure, et mes besoins sont de
chaque instant. Daignez donc renouveler en moi la pré-
sence de ce divin Esprit, qui conservera et dévelop-
pera, pour votre gloire, les dons que vous venez de me
communiquer en vous unissant à moi.
O Marie, je vous en supplie par la joie dont votre
cœur maternel est inondé dans la résurrection de votre
divin Fils, gardez en moi le fruit de l'heureuse visite
qu'il a daigné me faire. Anges de Dieu, montrez-vous
jaloux de conserver intacte la demeure de votre Maître.
Saints et Saintes, priez, afin que je ne perde pas le
souverain Bien dont l'immuable possession vous rend à
jamais heureux.
LE TEMPS PASCAL. —
CHAPITRE IV.
DES OFFICES DE TIERCE, SEXTE ET NONE,
AU TEMPS PASCAL.
A TIERCE.
mine , ad
me festina.
Gloria Patri, et Filio,
et Spiritul Sancto ;
Sicuterat in priticipio,
et nunc. et semper, et in
s 36 c u I a saeculorum.
Amen. Alléluia.
Dieu ! venez
à mon aide.
Ij?. Hâtez-
vous, Seigneur, de me se-
courir.
Gloire au Père, et au Fils,
et au Saint-Esprit ;
Comme il était au com-
mencement, et maintenant, et
toujours, et dans les siècles
des siècles. Amen. Alléluia.
NUNC Sancte nobis
Spiritus,
Unum Pairi cum Filio,
Dignare promptus in-
Noslro refusas pccton.
Esprit-Saint . substance
unique avec le Père et le
Fils, daignez, à cette heure,
descendre en nous, et vous
répandre dans nos coeurs.
A Tierce.
5i
Que notre bouche, notre
langue, notre esprit , nos
sens, nos forces, publient vos
louanges ; que le feu de la
charité s'allume -, que son ar-
deur embrase tous nos frères.
Exaucez-nous , Père très
miséricordieux, Fils unique
égal au Père, et vous. Esprit
consolateur, qui régnez dans
tous les siècles. Amen.
Os, lingua, mens, sen-
sus, vigor,
Confessionem personent,
Flammescat igné chari-
tas,
Accendat ardor proxi-
mos.
Praesta, Pater piissime,
Patrique compar unice,
Cum Spiritu Paraclito,
Regnans per omne szecu-
lum. Amen.
DIVISION DU PS.AIJME CXVIII.
DONNEZ-MOI pour loi, Sei-
gneur, la voie de vos vo-
lontés pleines de justice, et
je ne cesserai point de la
rechercher.
Donnez-moi l'intelligence,
et je scruterai votre loi, et je
la garderai de tout mon
cœur.
Conduisez-moi dans le sen-
tier de vos préceptes : c'est
lui que je désire.
Inclinez mon cœur vers
vos commandements, et dé-
tournez-le de la cupidité.
Détournez mes yeux, afin
qu'ils ne voient pas la vanité ;
vivifiez-moi dans votre voie.
Affermissez votre parole
en votre serviteur, par la
crainte de vous offenser.
Eloignez demoi l'opprobre
que j'appréhende ; car vos
jugements sont pleins de dou-
ceur.
Voilà que j'ai désiré rem-
LtGEM pone mihi, Do-
mine, viam justifica-
tionum tuarum : * et ex-
quiram eam semper.
Da mihi intellectum,
et scrutabor legem tuam :
* et cuslodiam illam in
toto corde meo.
Deduc me in semitam
mandatorum tuorum ■ *
quia ipsam volui.
Inclina oor meum in
testimonia tua : * et non
in avaritiam.
Averte oculos meos ne
videant vanitatem : * in
via tua vivifica me.
Statue servo tue elo-
quium tuum : * in timoré
tuo.
Amputa opprobrium
meum quod suspicatus
sum : * quia judicia tua
jucunda.
Ecce concupivi man-
52
Le Temps Pascal.
data tua : * in œquitate
tua vivifica me.
Et veniat super me mi-
sericordia tua, Domine
* salutare tuum. secun-
dum eloquium tuum.
Et respondebo cxpro-
brantibus mihi verbum ;
* quia speravi in serrao-
nibus tuis.
Et ne auferas de ore
meo verbum veritatis
usqucquaque : * quia in
judiciis tuis supersperavi.
Et custodiam legem
tuam semper : * in sœcu-
lum et in sseculum ss-
culi.
Et ambulabam in lati-
tudine . * quia mandata
tua exquisivi.
Et loquebar in testi-
moniis tuis in conspectu
regum : * et non confun-
debar.
Et meditabar in man-
dat.is tuis : * qune dilexi.
Et levavi manus meas
ad mandata tua, qiice di-
lexi ; * et exercebar in
justificationibus tuis.
Gloria Patri, etc.
M
E.MOR esto verbi tui
serve tuo : * in quo
mihi spem dedisti.
Haec me consolata est
inhumilitate mea : *quia
plir vos commandements ;
dans votre justice, donnez-
moi la vie ;
Et que votre miséricorde
vienne sur moi, ce salut que
vous avez promis.
Et je répondrai à ceux qui
m'outragent, aux ennemis de
mon àme, que j'avais espéré
dans votre parole.
Et n'enlevez jamais de ma
bouche la parole de votre vé-
rité ; car mon espérance en
vos justices a été sans bornes.
Et je garderai votre loi
toujours, dans les siècles des
siècles.
Et je marcherai dans la vie,
avec la joie de mon cœur,
parce que j'ai recherché vos
commandements.
Et je parlerai de votre loi
en présence des rois, et je
n'en rougirai point.
Et je méditerai sur vos pré-
ceptes, objet de mon amour.
Et je lèverai mes mains
vers vos commandements que
j'ai aimés, et je m'exercerai
dans la pratique de votre
justice.
Gloire au Père, etc.
CouvKsEZ-vous de votre
^ parole à votre serviteur,
par laquelle vous m'avez
donné l'espérance.
C'est elle qui m'a consolé
en mon humiliation ; car
A Tierce.
53 ?
votre parole m'a donné la
vie.
Les esprits de superbe
m'ont attaqué de toutes parts
avec injustice ; mais je ne
me suis point détourné de
votre loi.
Je me suis souvenu, Sei-
gneur, des jugements que
vous avez exercés dès le
commencement du monde : et
j'ai été consolé.
La défaillance s'est empa-
rée de moi, à la vue des pé-
cheurs qui désertent votre
loi.
Votre loi de justice a été
le sujet de mes chants, dans
le lieu de mon pèlerinage.
Seigneur, je me suis sou-
venu de votre Nom durant la
nuit, et j'ai gardé votre loi.
Ce bonheur m'est arrivé,
parce que j'ai recherché vos
justices.
J'ai dit : Mon partage,
Seigneur, est de garder votre
loi.
J'ai imploré votre assis-
tance du fond de mon cœur ;
selon votre parole , ayez
pitié de moi.
J'ai réfléchi sur mes voies,
et j'ai ramené mes pas dans
le sentier de vos préceptes.
Je suis prêt et je veux, sans
trouble , garder désormais
vos commandements.
Les filets des pécheurs
m'ont environné, et je n'ai
point oublié votre loi.
eloquium tuum vivifica
vit me.
Superbi inique age-
bant usquequaque : ' a
lege autem tua non decli-
navi.
Memor fui judiciorum
tuoriim a saeculo. Domi-
ne ; * et consolatus sum.
Defectio tenuit me : *
pro peccatoribus dere-
linquentibus legem tuam.
Cantabiles mihi erant
justificationes tuas : * in
loco peregrinationis mea;.
Memor fui nocte No-
minis tui. Domine : * et
custodivi iegem tuam.
Haec facta est mihi : *
quia justificationes tuas
exquisivi.
Portio mea. Domine :
* dixi custodire legem
tuam.
Deprecatus sum faciem
tuam in toto corde meo •
* miserere mei secundum
eloquium tuum.
Cogitavi vias meas : *
et converti pedes meos
in testimonia tua.
Paratus sum, et non
sum turbatus : * ut cus-
todiam mandata tua.
Funes peccatorum cir-
cumplexi sunt me : * et
legem tuam non sum
obiitus.
54
Le Temps Pascal.
Media nocte surgebam
ad confitendum tibi : *
super judicia justifica-
tionis tux.
Particeps ego sum
omnium timentium te : *
et custodientium manda-
ta tua.
Misericordia tua. Do-
mine, plena est terra : *
justificationes tuas doce
me.
Gloria Patri, etc.
BONITATEM fecisti cum
serve tuo, Domine :
* secundum v e r b u m
tuum.
Bonitatem, et disci-
plinam , et scientiam
doce me : * quia manda-
tis tuis credidi.
Priusquam humiliarer
ego deliqui : * propterea
eloquium tuum custodivi.
Bonus es tu : * et in bo-
nitate tua doce me justi-
ficationes tuas.
Multiplicata est super
me iniquitas superbo-
rum : ' ego aatem in
toto corde meo scrutabor
mandata tua.
Coagulatura est sicut
lac cor eorum : * ego
vero legem tuam medita-
tu8 sum.
Bonum mihi quia hu-
miliasti me : * ut discam
justificationes tuas.
V
Je me levais au milieu de
la nuit, pour vous rendre ,
gloire sur les jugements de
votre justice.
Je suis uni à tous ceux qui
vous craignent et qui gardent
vos commandements.
Toute la terre est pleine de
votre miséricorde, Seigneur :
enseignez-moi votre justice.
Gloire au Père, etc.
ous avez signalé votre
bonté envers votre ser-
viteur, selon votre parole,
Seigneur.
Enseignez-moi la miséri-
corde , la sagesse et la
science ; car j'ai cru à vos
préceptes.
Avant que vous m'eussiez
humilié, j'ai péché; c'est
pourquoi, éclairé maintenant,
l'observe votre loi.
Vous êtes bon ; dans cette
bonté , enseignez-moi vos
justices.
Mes ennemis superbes ont
multiplié sur moi leur ini-
quité ; mais mon cœur s'atta-
chera tout entier à la recher-
che de vos commandements.
Leur cœur s'est épaissi
comme le lait ; pour moi, j'ai
médité votre loi.
Il m'a été bon que vous
m'ayez humilié, afin que j'ap-
prisse la justice de vos pré-
ceptes.
A Tierce.
55
Votre Verbe qui est la loi
sortie de votre bouche, o Père
céleste, est plus précieux pour
moi que les monceaux d'or et
d'argent.
Vos mains m'ont fait et
m'ont façonné ; donnez-moi
l'intelligence, et j'apprendrai
vos décrets.
Ceux qui vous craignent
me verront, et se réjouiront ;
car j'ai grandement espéré en
vos paroles.
J'ai connu. Seigneur, que
vos jugements sont l'équité,
et que vous m'avez humilié
avec justice.
Que votre miséricorde dai-
gne venir me consoler, selon
la promesse que vous fîtes à
votre serviteur.
Viennent sur moi vos misé-
ricordes, et je vivrai ; car
votre loi est toute mon occu-
pation.
Que mes ennemis superbes
soient confondus, puisqu'ils
m'ont persécuté avec injus-
tice ; moi je m'exercerai sur
vos préceptes.
Que ceux qui vous crai-
gnent et qui entendent vos
oracles se tournent vers moi.
Que mon cœur devienne
pur par la pratique de vos
afin que je ne
Bonum mihi lex oris
tui : * super millia auri
et argenti.
Manus tuae fecerunt
me, et plasmaverunt me : *
da mihi intellectum, et
discam mandata tua.
Qui timent te, vide-
bunt me et laetabuntur : *
quia in verba tua supers-
peravi.
Cognovi, Domine, quia
œquitas judicia tua : * et
in veritate tua humiliasti
me.
Fiat misericordia tua
ut consoletur me : * se-
cundum eloquium tuum
servo tuo.
Veniant mihi misera-
tiones tuas, et vivam : *
quia lex tua meditatio
mea est.
Confundantur superbi,
quia injuste iniquitatem
fecerunt in me : * ego
autem exercebor in man-
datis tuis.
Convertantur mihi ti-
mentes te : * et qui nove-
runt testimonia tua.
Fiat cor meum imma-
culatum in justificationi-
bus tuis : * ut non con-
fundar.
préceptes, aiin que je ne sois
pas confondu, au jour où vous
paraître:^ dans votre justice.
L'Antienne, le Capitule, le Répons bref, le
Verset et l'Oraison qui complètent l'Office de
Tierce, ainsi que les Offices de Sexte et de
56
Le Temps Pascal.
None, se trouvent ci-après, dans leurs lieux
et places, aux fôtes solennelles dont nous
donnons les Offices.
A SEXTE.
i VS EUS, in adjuto-
^'^-^ rium, etc.
Gloria Patri, etc.
^ (~\ Dieu 1 venez à mon
^' ^-^ aide, etc.
Gloire soit au Père, etc.
RECTOR potens, verax
Deus,
Qui temperas rerum vi-
ces,
Splendore mane illumi-
nas.
Et ignibus meridiem.
Exstingue flammas li-
tium ;
Aufer calorem noxium,
Confer salutem corpo-
rum,
Veramque pacem cor-
dium.
Praesta, Pater piissime,
Patrique compar Unice,
Cum Spiritu Paraclito,
Regnans per omne ssecu-
lum.
Amen.
A
RBITRE tout-puissant,
Dieu de vérité, qui réglez
l'ordre de toutes choses, vous
dispensez au matin sa splen-
deur, et au midi ses feux.
Eteignez la flamme des dis-
cordes, dissipez toute ardeur
nuisible ; donnez à nos corps
la santé, à nos cœurs la paix
véritable.
Exaucez-nous, Père très
miséricordieux. Fils unique
égal au Père, et vous, Esprit
consolateur, qui régnez dans
tous les siècles.
Amen.
D
DIVISION DU PS.A.UME CXVIII.
défailli dans
EFECIT in salutare
tuum anima mea : *
et in verbura tuum su-
persperavi.
MON ame a deiauu dans
l'attente du Sauveur que
vous avie^ promis ; mais j'ai
mis toute mon espérance en
votre parole.
Mes yeux se sont lassés à
relire vos promesses, et je
disais : Quand meconsolerez-
vous ?
Je me suis desséché comme
la peau exposée à la gelée ;
mais je n'ai point oublié vos
justices.
Je disais : Combien de
jours restent encore à votre
serviteur ? quand ferez-vous
justice de mes persécuteurs ?
Les impies me racontaient
leurs fables ; mais ce qu'ils
disent n'est pas comme votre
loi.
Toutes vos ordonnances
sont vérité ; ils me poursui-
vent injustement : aidez-moi.
Ils m'ont presque anéanti
sur la terre ; mais je n'ai
point abandonné vos com-
mandements.
Vivifiez-moi selon votre
miséricorde ; et je garderai
les oracles de votre bouche.
Votre parole, Seigneur,
demeure à jamais dans le
ciel.
Votre vérité passe de géné-
ration en génération. C'est
vous qui avez affermi la terre,
et elle est stable.
Par votre ordre, le jour
subsiste ; car tout vous est
assujetti.
Si votre loi n'eût été le
sujet de mes méditations,
j'aurais péri déjà dans mon
affliction.
Je n'oublierai jamais vos
Defecerunt oculi mei
in eloquium tuum : * di-
ceates : Quando conso-
laberis me ?
Quia factus sum sicut
uter in pruina : * justifi-
•ationes tuas non sum
oblitus.
Quot sunt dies servi
tui ? * quando faciès de
persequentibus me judi-
cium ?
Narraverunt mihi ini-
qui fabulationes : * sed
non ut lex tua.
Omnia mandata tua
Veritas : * iniqui perse-
cuti sunt me ; adjuva me.
Paulo minus consum-
maverunt me in terra : *
ego autem non dereliqui
mandata tua.
Secundum misericor-
diam tuam vivifica me : *
et custodiam testimonia
oris tui.
In aeternum, Domine : *
verbum tuum permanet
in coelo.
In generationem et ge-
nerationem veritas tua : *
fundasti terram et per-
manet.
Ordinatione tua persé-
vérât dies : * quoniam
omnia serviunt tibi.
Nisi quod lex tua me-
ditatio mea est : * tune
forte periissem in humi-
litate mea.
In asternum non obli-
58
Le Temps Pascal.
V i se a r justificationes
tuas : ' quia in ipsis vivi-
ficasti me.
Tuus sum ego, salvum
me fac : ' quooiam justi-
ficationes tuas exquisivi.
Me exspectaverunt pec-
catores ut perderent me : '
testimonia tua intcUexi.
Omnis consummatio-
nis vidi finem : " latum
mandatum tuum nimis.
Gloria Patri, etc.
QUOMODO dilexilegem
tuam, Domine : *
tota die meditatio mea
est.
Super inimicos mecs
prudentem me fecisti
mandate tuo : * quia in
aeternum mihi est.
Super omnes docentes
me intellexi : * quia tes-
timonia tua meditatio
mea est.
Super senes intellexi : *
quia mandata tua quae-
sivi.
Ab omni via mala pro-
hibui pedes mecs : * ut
custodiam verba tua.
A judiciis tuis non de-
clinavi : * quia tu legem
posuisti mihi.
Quam dulcia faucibus
meis eloquia tua : * super
\ mel ori meo.
justices ; car c'est par elles
que vous m'avez vivifié.
Je suis à vous ; sauvez-
moi : car j'ai recherché vos
préceptes.
Les pécheurs m'ont attendu
pour me perdre ; mais j'avais
fixé mon attention sur vos
oracles.
J'ai vu venir la fin de toutes
choses ; votre loi seule est
infinie.
Gloire au Père, etc.
/^ UE j'aime votre loi, Sci-
Vç^ gneur 1 toute la journée
elle est le sujet de mes médi-
tations.
Vous m'avez rendu plus
sage que mes ennemis par les
préceptes que vous m'avez
donnés : je les ai embrassés à
jamais.
J'ai surpassé en intelli-
gence tous mes maîtres, parce
que je médite vos oracles.
Je suis devenu plus pru-
dent que les vieillards, parce
que j'ai recherché vos com-
mandements.
J'ai détourné mes pieds de
toute mauvaise voie, pour
garder vos ordonnances.
Jene mesuis point écartéde
vos régies ; car c'est vous-mê-
me qui m'avez prescrit la loi.
Que vos paroles sont dou-
ces à ma bouche ! elles sont
plus suaves que le miel à
mon palais.
A Sexte.
59
Vos préceptes m'ont donné
l'intelligence ; c'est pourquoi
je hais toute voie d'iniquité.
Votre parole est la lampe
qui éclaire mes pas : elle est
la lumière de mes sentiers.
J'ai juré et j'ai résolu de
garder les décrets de votre
justice.
J'ai été réduit, Seigneur,
à une extrême humiliation :
rendez-moi la vie selon votre
parole.
Agréez, Seigneur, le sacri-
fice volontaire que vous offre
ma bouche, et enseignez-moi
vos commandements.
Mon âme est toujours entre
mes mains ; et je n'ai point
oublié votre loi.
Les pécheurs m'ont tendu
des lacs ; mais je ne me suis
point écarté de vos ordon-
nances.
J'ai pris vos préceptes pour
être à jamais mon héritage ;
car ils sont la joie de mon
cœur.
J'ai incliné mon cœur à
l'accomplissement de vos com-
mandements pour jamais, à
cause de la récompense.
Gloire au Père, etc.
J'ai haï les méchants, et j'ai
aimé votre loi.
Vous êtes mon secours et
mon asile ; en votre parole
j'ai mis toute mon espérance.
Retirez-vous de moi, mé-
chants ; et je rechercherai les
préceptes de mon Dieu.
A mandatis tuis intel-
lexi : * propterea odivi
omnem viam iniquitatis.
Lucerna pedibus meis
verbum tuum : * el lumen
semitis meis.
Juravi, et statui : * cus-
todire judicia justitias
tuœ.
Humiliatus sum usque-
quaque. Domine : * vivi-
fica me secundum verbum
tuum.
Voluntaria oris mei
beneplacita fac. Domi-
ne : * et judicia tua doce
me.
Anima mea in manibus
meis semper : * et legem
tuam non sum oblitus.
Posuerunt peccatores
laqueum mihi : * et de
mandatis tuis non erravi.
Hœreditate acquisivi
testimonia tua in ster-
num : * quia exsultatio
cordis mei sunt.
Inclinavi cor meum ad
faciendas justificationes
tuas in aeternum : * pro-
pter retributionem.
Gloria Patri, etc.
T NIQUOS odio habui : *
1 et legem tuam dilexi.
Adjutor et susceptor
meus es tu : * et in ver-
bum tuum supersperavi.
Declinate a me mali-
gni : * et scrutabor man-
data Dei mei.
6o
Le Temps Pascal.
Suscipe me secundum
eloquium tuum, et vivam :
* et non confundas me ab
exspectatione mea.
Adjuva me, et salvus
ero : * et meditabor in
justificationibus tuis sem-
per.
Sprevisti omnes disce-
dentes a judiciis tuis : *
quia injusta cogitatio eo-
rum.
Praevaricantes r»pu-
tavi omnes peccatores
terrJE : " ideo diiexi tes-
timonia tua.
Confige timoré tuo car-
nes meas : * a judiciis
enim tuis timui.
Feci judicium et justi-
tiam : * non tradas me
calumniantibus me.
Suscipe servum tuum
in bonum : * non calum-
nientur me superbi.
Oculi mei defecerunt
in salutare tuum : ' et in
eloquium justitiae tua?.
Fac cum servo tuo se-
cundum misericordiam
tuam : * et justificationes
tuas doce me.
Servus tuus sum ego : *
da mihi intellectum, ut
sciam testimonia tua.
Tempus faciendi, Do-
mine : * dissipaverunt
legem tuam.
Ideo diiexi mandata
Recevez-moi selon votre
parole, et je vivrai ; ne per-
mettez pas que je sois con-
fondu dans mon attente.
Aidez-moi, et je serai
sauvé ; et je méditerai con-
tinuellement vos ordon-
nances.
Vous rejetez avec mépris
tous ceux qui s'écartent de
vos commandements ; car leur
pensée est injuste.
J'ai regardé tous les pé-
cheurs de la terre comme des
prévaricateurs ; et pour cela
j'ai chéri vos oracles.
Transpercez ma chair de
votre crainte ; car vos juge-
ments remplissent mon âme
de terreur.
J'ai pratiqué l'équité et la
justice : ne me livrez pas aux
ennemis qui me calomnient.
Recevez votre serviteur et
affermissez-le dans le bien :
que les superbes cessent de
m'opprimer.
^ies yeux s'étaient épuisés
à attendre le salut que vous
m'apportez, et l'effet des ora-
cles de votre justice.
Faites donc maintenant se-
lon votre miséricorde avec
votre serviteur, et enseignez-
moi vos commandements.
Je suis votre serviteur :
donnez-moi l'intelligence, afin
que jeconnaisse vos préceptes.
11 est temps d'agir. Sei-
gneur ; ils ont dissipé votre
loi.
C'est pour cela que j'ai aimé
A None.
bi
vos commandements plus que
l'or et la topaze.
C'est pour cela que je me
suis réglé en tout selon vos
commandements, et que j'ai
haï toute voie injuste.
tua : super aurum et
topazion.
Propterea ad omnia
mandata tua dirigebar : *
oranem viam iniquam
odio habui.
A NONE.
^ j j Dieu 1 venez à
'^' V-' mon aide, etc.
Gloire au Père, etc.
O
a. p^Eus, in adjuto-
^' L/ rium, etc.
Gloria Patri, etc.
HYMNE.
ODiEU dont la puissance
soutient tous les êtres,
toujours immuable en votre
essence, vous partagez le
temps par les révolutions de
la lumière du jour.
Versez la lumière sur le
soir de nos jours ; que notre
vie ne s'éloigne jamais d'elle;
et qu'une gloire immo^-telle
soit la récompense d'une
mort sainte.
^ Exaucez-nous, Père très
miséricordieux, Fils unique
égal au Père, et vous Esprit
consolateur, qui régnez dans
tous les siècles.
Amen.
ERUM Deus tenax vi-
n te perma-
K gor
Immotu
nens,
Lucis diurnae tempora
Successibus determi-
nans.
Largire lumen vespere,
Quo vita nusquam déci-
dât,
Sed prsemium mortis sa-
crae
Perennis instet gloria.
Praesta, Pater piissime,
Patrique compar Unice,
Cum Spiritu Paraclito,
Regnans per omne saecu-
lum.
Amen.
DIVISION DU PSAUME CXVIII.
VOS témoignages sont ad-
mirables, ô Dieu! c'est
pour cela que mon âme les a
recherchés avec ardeur.
Mir;
tL
IRABILIA testimonia
;ua : * ideo scrutata
est ea anima mea.
62
Le Temps Pascal.
Declaratio sermonum
tuorum illuminât: ' et
intellectum dat parvulis.
Os meum aperui, et
attraxi spiritum : ' quia
mandata tua desidera-
bam.
Aspice in me, et mise-
rere mei : * secundum
iudicium diligentium
Nomen tuum.
Gressus meos dirige
secundum eloquium tu-
um :* et non dominetur
mei omnis injustitia.
Redime me a calum-
niis hominum : ut custo-
diam mandata tua.
Faciem tuam illumina
super servum tuum : * et
doce me justificationes
tuas.
Exitus aquarum dedu-
xerunt oculi mei : * quia
non custodierunt legem
tuam.
Justus es, Domine : *
et rectum judicium tuum.
Mandasti justitiam tes-
timonia tua : * et verita-
tem tuam nimis.
Tabescere me fecit ze-
lus meus : * quia obliti
sunt verba tua inimici
mei.
Ignitum eloquium tu-
um vehementer : * et ser-
vus tuus dilexit iliud.
Adolcscentulus sum
La révélation de vos pro-
messes répand la lumière ;
elle donne l'intelligence aux
petits.
J'ai ouvert la bouche, et
j'ai aspiré le souffle ; car j'ai
désiré vos commandements.
Jetez un regard sur moi ;
ayez pitié de moi, selon vo-
tre coutume à l'égard de
ceux qui aiment votre Nom.
Dirigez mes pas selon vo-
tre parole ; que null^ iniquité
ne domine en moi.
Délivrez-moi de la calom-
nie des hommes ; afin que
je garde vos commande-
ments.
Faites reluire sur votre ser-
viteur l'éclat de votre visage ;
enseignez-moi vos justices.
Mes yeux ont répandu des
ruisseaux de larmes; parce
que Us hommes n'ont pas
gardé votre loi.
Vous êtes juste, Seigneur,
et vos jugements sont droits.
Vos commandements près-*
crivent la justice ; rien n'en
peut altérer la vérité.
Mon zèle m'a desséché
dans son ardeur ; car mes
ennemis ont oublié vos pa-
roles.
Votre Verbe, o Père céles-
te ! est un feu consumant ;
c'est pourquoi votre servi-
teur l'aime avec ardeur.
Je suis jeune et méprisé;
A None.
63
mais je n'ai point oublié vos
préceptes.
Votre justice est justice à
jamais, et votre loi, vérité.
La tribulation et l'angoisse
ont fondu sur moi ; vos ora-
cles ont été tout mon entre-
tien.
Vos jugements sont l'équité
éternelle : donnez-moi l'in-
telligence, et je vivrai.
Gloire au Père, etc.
I 'ai crié du fond de mon
•^ cœur : Seigneur, exaucez-
moi : et je rechercherai vos
justices.
J'ai crié vers vous, sauvez-
moi ; et j'accomplirai vos
décrets.
J'ai devancé l'aurore, et
j'ai poussé des cris ; car j'es-
pérais vivement en vos pro-
messes.
Mes yeux se tournaient
vers vous dès le point du
jour, pour méditer votre loi.
Ecoutez ma voix selon vo-
tre miséricorde, Seigneur ;
vivifiez-moi selon votre jus-
tice.
Mes persécuteurs ont em-
brassé l'iniquité ; ils se sont
éloignés de votre loi.
Vous êtes près de nous,
Seigneur, et toutes vos voies
sont la vérité.
ego, et contemptus :
justificationes tuas non
sum oblitus,
Justitia tua, justitia in
œternum : * et lex tua
Veritas.
Tribulatio et angustia
invenerunt me: * man-
data tua meditatio mea
est.
iEquitas testimonia
tua in ieternum : * intel-
lectum da mihi. et vi-
vam.
Gloria Patri, etc.
/^ LAMAVi in toto corde
^^ meo, exaudi me. Do-
mine : * justificationes
tuas requiram.
Clamavi ad te, salvum
me fac : * ut custodiam
mandata tua.
Prœveni in maturitate,
et clamavi : * quia in ver-
ba tua supersperavi.
Prœvenerunt oculi mei
ad te diluculo : * ut me-
ditarer eloquia tua.
Vocem meam audi se-
cundum misericordiam
tuam. Domine : * et se-
cundum judicium tuum
vivifica me.
Appropinqua verunt
persequentes me iniqui-
tati : * a lege autem tua
longe facti sunt.
Prope es tu. Domine :
* et omnes viae tuae Ve-
ritas.
64
Le Temps Pascal
Initio cognovi de tes-
titnoniis : * quia in aeter-
num fundasti ea.
Vide humilitatem
meam, et eripe me : *
quia legem tuam non
sum oblitus.
Judica judicium meum,
et redime me : * propter
eloquiiim tuum vivifica
me.
Longe a peccatoribus
salus : * quia justificatio-
nes tuas non exquisie-
runt.
Misericordiœ tuae mul-
tae, Domine : * secun-
dum judicium tuum vivi-
fica me.
Multi qui persequun-
tur me, et tribulani me :
* a testimoniis tuis non
declinavi.
Vidi praevaricantes, et
tabescebam : * quia elo-
quia tua non custodie-
runt.
Vide quoniam manda-
ta tua dilexi. Domine : *
in misericordia tua vivi-
fica me.
Principium verborum
tuorum Veritas : * in aster-
num omnia judicia jus-
titiae tuse.
Gloria Patri, etc.
P^^
iNCirES persecuti
sunt me gratis : * et
a verbis tuis formidavit
cor meum.
Dès le commencement, j'a-
vais reconnu que vous aviez
établi vos témoignages pour
durer éternellemeut.
Voyez mon humiliation, et
délivrez moi; car je n"ai pas
oublié votre loi.
Jugez ma cause et rache-
tez-moi ; rendez-moi la vie
à cause de votre parole.
Le salut est loin des pé-
cheurs ; parce qu'ils n'ont
pas recherché vos comman-
dements.
Vos miséricordes sont infi-
nies. Seigneur; rendez-moi
la vie selon vos oracles.
Ils sont nombreux, ceux
qui me persécutent et m'affli-
gent ; mais je ne me suis
point écarté de vos préceptes.
J'ai vu les prévaricateurs,
et j'en ai séché de douleur ;
car ils n'ont pas gardé vos
ordonnances.
Voyez, Seigneur, que j'ai
toujours aimé vos comman-
dements; rendez-moi la vie,
dans votre miséricorde.
Le principe de vos paroles
est la vérité : tous les décrets
de votre justice demeurent à
jamais.
Gloire au Père, etc.
LES princes m'ont persécuté
, injustement ; mais mon
cœur n'a craint que votre
parole.
A None.
65
Je me réjouirai daos vos
promesses, comme un homme
qui a trouvé de riches dé-
pouilles.
J'ai haï l'iniquité, et je l'ai
eue en horreur; mais j*ai
aimé votre loi.
Sept fois le Jour, j'ai chan-
té vos louanges, sur les ju-
gements de votre justice.
Paix abondante à ceux qui
aiment votre loi ; il n'y a pas
pour eux de scandale.
J'attendais votre Salut, ô
Seigneur! et dans cette attente,
j'ai aimé vos commande-
ments.
Mon âme a gardé vos pré-
ceptes ; elle les a aimés d'un
amour ardent.
J'ai observé vos lois et vos
ordonnances ; car toutes mes
voies sont en votre présence.
Que ma prière, Seigneur,
monte jusqu'à vous; donnez-
moi l'intelligence, selon vo-
tre parole.
Que mes supplications pé-
nètrent jusqu'en votre pré-
sence : délivrez-moi, selon
vos promesses.
Mes lèvres éclateront en
cantiques, lorsque vous m'au-
rez enseigné vos justices.
Ma langue publiera vos
oracles ; car tous vos com-
mandements sont l'équité.
Laetabor ego super
eloquia tua : * sicut qui
invenit spolia multa.
Iniquîtatem odio ha-
bui, et abominatus sum .
* legem autem tuam di-
lexi.
Septies in die laudem
dixi tibi : * super judicia
justitiae tuae.
Pax multadiligentibus
legem tuam : " et non est
illis scandalum.
Exspectabam Salutare
tuum, Domine : * et man-
data tua dilexi.
Custodivit anima mea
testimonia tua : * et di-
lexit ea vehementer.
Servavi mandata tua,
et testimonia tua : * quia
omnes viœ meœ in cons-
pectu tuo.
Appropinquet depre-
catio mea in conspectu
tuo, Domine : * juxta
eloquium tuum da mihi
intellectum.
Intret postulatio mea
in conspectu tuo ; * se-
cundum eloquium tuum
eripe me.
Éructabunt labia mea
hymnum : * cum docue-
ris me justificationes
tuas.
Pronuntiabit lingua
mea eloquium tuum : *
quia omnia mandata tua
asquitas.
LE TEMPS PASCAL.
66
Le Temps Pascal.
Fiat nianus tua, ut
salvet me : * quoniam
mandata tua clegi.
Concupivi Salutare tu-
um, Domine : * et lex tua
meditatio mea est.
Vivet anima mea, et
laudabit te : * et judicia
tua adjuvabunt me.
Erravi sicut ovis quae
periit : * quasre servum
tuum, quia mandata tua
non sum oblitus.
Etendez votre main, et sau-
vez-moi ; car j'ai choisi vos
préceptes pour mon partage.
Seigneur, Pùic saint ! j'ai
désiré avec ardeur votre Sa-
lut promis ; et votre loi est
tout mon entretien.
Maintenant qu'il est venu,
mon âme vivra, et vous
louera ; et vos justices me
protégeront.
J'errais comme une brebis
perdue ; divin Pasteur des-
cendu du ciel, daignez cher-
cher votre serviteur ; car je
n'ai point oublié vos com-
mandements.
CHAPITRE V.
DE L OFFICE DES VEPRES DES DIMANCHES ET FETES,
AU TEMPS PASCAL.
Dieu, venez
à mon aide.
de
Hàtez-
me se-
vous, Seigneur,
courir.
Gloire au Père, et au Fils,
et au Saint-Esprit ;
Comme il était au commen-
cement, et maintenant, et tou-
jours, et dans les siècles des
siècles. Amen. Alléluia.
mine , ad
me festina.
Gloria Patri, et Filio,
et Spiritui Sancto ;
Sicut erat in principio,
et nunc, et semper, et in
sœcula sœculorum. A-
men. Alléluia.
CELUI qui est le Seigneur a
dit à son Fils mon Sei-
gneur : Asseyez-vous à ma
droite et résinez avec moi :
Jusqu a ce que, an jour ae
votre dernier avènement, je
tasse de vos ennemis l'esca-
beau de vos pieds.
O Christ ! le Seigneur votre
PSAUME CIX.
r^ ixiT Dominas Domi-
dextris meis.
Donec ponam inimicos
tuos : * scabellum pedum
tuorum.
Virgam virtutis tuœ
68
Le Temps Pascal.
emittet Domiaus ex
Sion : " dominare in me-
dio inimicorum luorum.
Tecum princlpium in
die virtutis tuœ in splen-
doribus Sanctorum : * ex
utero ante luciferum ge-
nui te.
Juravit Dominus , et
non pœnitebit eum : * Tu
es Sacerdos in asternum
secundum ordinem Mel-
chisedech.
Dominus a d e x t r i s
tuis : * confregit in die
irae suae rages.
Judicabit in nationi-
bus : implebit ruinas • *
conquassabit capita in
terra multorum.
De torrente in via bi-
bet : * propterea exalta-
bit caput.
Père fera sortir de Sion le
sceptre de votre force ; c'est
de là que vous partire? pour
dominer au milieu ae vos
ennemis.
La principauté éclatera en
vous, au jour de votre force,
au milieu des splendeurs des
Saints ; car le Père vous a
dit : Je vous ai engendré de
mon sein avant l'aurore.
Le Seigneur l'a juré, et
sa parole est sans repentir :
il a dit en vous y-irlant : Dieu-
Homme, vous êtes Prêtre à
jamais, selon l'ordre de Mel-
chisédech.
O Père ! le Seigneur votre
Fils est donc à votre droite :
c'est lui qui, au jour de sa
colère, viendra juger les rois.
Il jugera aussi les nations :
dans cet avènement terrible, il
consommera la ruine du
monde, et brisera contre terre
la tête de plusieurs.
Il s'est abaissé pour boire
l'eau du torrent des afflic-
tions; mais c'est pour cela
même qu'j» jour de son
triomphe sur la mort, il élè-
vera la tête.
PSAUME ex.
CONFITEBOR tîbi, Do-
mine, in toto corde
meo : * in concilio justo-
rum et congregatione.
Magna opéra Domini :
* exquisita in omnes vo-
luntates ejus.
J'
vous louerai. Seigneur,
de toute la plénitude de
mon cœur, dans l'assemblée
des justes.
Grandes sont les œuvres du
Seigneur ; elles ont été con-
certées dans les desseins de
sa sagesse.
A Vêpres.
6g
Elles sont dignes de lou-
ange et magnifiques, et la
justice de Dieu demeure dans
les siècles des siècles.
Le Seigneur clément et mi-
séricordieux nous a laissé un
mémorial de ses merveilles ;
// est le Pain de vie, et il a
donné une nourriture à ceux
qui le craignent.
Il se souviendra à jamais
de son alliance avec les hom-
mes : il viendra et fera écla-
ter aux yeux de son peuple la
vertu de ses œuvres.
Il donnera à son Eglise
l'héritage des nations : tout
ce qu'il fait est justice et
vérité.
Ses préceptes sont immua-
bles et garantis par la suc-
cession des siècles ; ils sont
fondés sur la vérité et la jus-
tice.
Il a envoyé à son peuple
un Rédempteur; il rend par
là son alliance éternelle.
Son Nom est saint et ter-
rible ; le commencement de
la sagesse est de craindre le
Seigneur.
La lumière et l'intelligence
sont pour celui qui agit selon
cette crainte : gloire et lou-
ange à Dieu dans les siècles
des siècles.
Confessio et magnifi-
centia opus ejus : * et
justitia ejus manet in sae-
culum saeculi.
Memoriam fecit mira-
bilium suorum, miseri-
cors et miserator Domi-
nus : * escam dédit ti-
mentibus se.
Memor erit in saecu-
lum testamenti sui : *
virtutem operum suorum
annuntiabit populo suc.
Ut det'illis h^redita-
tem gentium : * opéra
manuum ejus veritas et
judicium.
Fidelia omnia manda-
ta ejus, confirmata in
S3eculum sœculi : * facta
in veritate et œquitate.
Redemptionem misit
populo suo : * mandavit
in asternum testamentum
suum.
Sanctum et terribile
Nomen ejus : * initium
sapientiae timor Domini.
Intellectus bonus om-
nibus facientibus enm: *
laudatio ejus manet in
saeculum sœculi.
PSAUME CXI.
HEUREUX l'homme qui I r> eatus vir, qui ti
craint le Seigneur, et | LJ Dominum : * in n
met
man-
70
Le Temps Pascal.
datis ejus volet nimis.
Potens in terra erit se-
raen ejus : * generatio
rectorum benedicetur.
Gloria et divitiœ in
domo ejus : * et jusiitia
ejus manet in sœculum
saeculi.
Exortum est in tene-
bris lumen redis : * mi-
sericors, et miscrator, et
justus.
Jucundus homo, qui
miseretur et coramodat,
disponet sermones siios
in judicio : * quia in
œternum non commove-
bitur.
Inmemoria asterna erit
justus : * ab auditione
mala non timcbit.
Paratum cor ejus spe-
rare in Domino, confir-
matum est cor ejus : *
non commovebitur donec
despiciat inimicos suos.
Dispersit. dédit paii-
peribus: justitia ejus ma-
net in sœculum sœculi ;
* cornu ejus exaltabitur
in gloria.
Peccator videbit, et
irascetur, dentibus suis
fremet et tabescet : * de-
siderium peccatorum pe-
ribit.
qui met tout son zèle à lui
obéir !
Sa postérité sera puissante
sur la terre : la race du juste
sera en bénédiction.
La gloire et la richesse
sont dans sa maison, et sa
justice demeure dans les siè-
cles des siècles.
Tout à coup une lumière se
lève sur les justes au milieu
des ténèbres : c'est le Sei-
gneur, le Dieu miséricor-
dieux, clément et juste, sor-
tant du tombeau.
Heureux alors l'homme qui
a fait miséricorde , qui a
prêté au pauvre, qui a réglé
jusqu'à ses paroles avec jus-
tice ! car il ne sera point
ébranlé.
La mémoire du juste sera
éternelle : s'il entend une nou-
velle fâcheuse, elle ne lui
donnera point à craindre.
Son cœur est toujours prêt
à espérer au Seigneur; son
cœur est en assurance : il ne
sera point ému. et méprisera
la rage de ses ennemis.
Il a répandu l'aumône avec
profusion sur le pauvre : sa
lustice demeurera à jamais ; sa
force sera élevée en gloire.
Le pécheur le verra, et il
entrera en fureur; il grincera
des dents et séchera de co-
lère : mais les désirs du pé-
cheur périront.
A Vêpres.
7r
PSAUME CXII.
p, ERVITEURS du Seigneur,
î^ faites entendre ses lou-
anges : célébrez le Nom du
Seigneur.
Que le Nom du Seigneur
soit béni, aujourd'hui et jus-
que dans l'éternité.
De l'aurore au couchant,
le Nom du Seigneur doit
être à jamais célébré.
Le Seigneur est élevé au-
dessus de toutes les nations ;
sa gloire est par delà les
cieux.
Qui est semblable au Sei-
gneur notre Dieu, dont la
demeure est dans les hau-
teurs ? C'est de là qu'il abais-
se ses regards sur les choses
les plus humbles dans le ciel
et sur la terre.
C'est de là qu'il soulève de
terre l'indigent; qu'il élève
le pauvre de dessus le fumier
où il languissait,
Pour le placer avec les
princes, avec les princes mê-
mes de son peuple.
C'est lui qui a fait habiter
pleine de joie dans sa maison
celle qui, auparavant, fut sté-
rile, et qui maintenant est
mère de nombreux enfants.
LAUDATE, pueri, Domi-
num : * laudate No-
men Domini.
Sit Nomen Domini be-
nedictum : * ex hoc nunc
et usque in sreculum.
A solis ortu usque ad
occasum : * laudabile
Nomen Domini.
Excelsus super omnes
gcntes Dominus : * et
super cœlos gloria ejus.
Quis sicut Dominus
Deus noster, qui in altis
habitat : * et humilia
respicit in cœlo et in
terra?
Suscitans a terra ino-
pem : * et de stercore eri-
gens pauperem.
Ut collocet eum cum
principibus : * cum prin-
cipibus populi sui.
Qui habitare facit ste-
rilem in domo : * matrera
filiorum la'tantem.
PSAUME CXIII.
_. ORSQtiE Israël sortit d'E-
I gypte, et la maison de
Jacob du milieu d'un peuple
barbare;
[N exitu Is'-ael de Egyp-
to : * domus Jacob de
populo barbare :
72
Le Temps Pascal.
Facta est Judaja sanc-
tificatio cjus : * Israël po-
testas ejus.
Mare vidit, et fugit : *
Jordanis conversus est
retrorsum.
Montes exsultaverunt
utarietes : * et colles si-
cut agni ovium.
Quid est tibi, mare,
Jiiod fugisti : * et tu,
ordanis, quia conversus
es retrorsum ?
Montes cxsultastis si-
cut arietes : * et colles
sicut agni ovium ?
A facie Domini mota
est terra : * a facie Dei
Jacob.
Qui convertit petrara
in stagna aquarum : * et
rupera in fontes aqua-
rum.
Non nobis, Domine,
non nobis : ' sed Nomini
tuo da gloriam.
Super misericordia
tua, et veritate tua : * ne-
quando dicant gentes :
Ûbi est Deus eorum ?
Deus autem noster in
cœlo : * omiiia quascum-
que voluit, fecit.
Simulacra gentium ar-
gentum et aurum : * opé-
ra manuum horainum.
Os habent, et non lo-
quentur • * oculos habent,
et non videbunt,
Aures habent, et non
La nation juive fut consa-
crée à Dieu, Israël fut son
domaine.
La mer le vit et s'enfuit ;
le Jourdain remonta vers sa
source.
Les montagnes bondirent
comme des béliers, et les col-
lines comme des agneaux.
O mer, pourquoi fuyais-
tu ? Et toi, Jourdain, pour-
quoi remontais-tu vers ta
source ?
Montagnes, pourquoi bon-
dissiez-vûus comme des bé-
liers ? Et vous , collines ,
comme des agneaux ?
A la face du Seigneur, la
terre a tremblé : à la face du
Dieu de Jacob,
Qui changea la pierre en
torrents, et la roche en fon-
taines.
Non pas à nous, Seigneur,
non pas à nous, mais à votre
Nom donnez la gloire :
A cause de votre miséri-
corde et de votre vérité, de
peur que les nations ne di-
sent : Où est leur Dieu ?
Notre Dieu est au ciel : il
a fait tout ce qu'il a voulu.
Les idoles des nations ne
sont que de l'or et de l'ar-
gent, et l'ouvrage des mains
des hommes.
Elles ont une bouche, et ne
parlent point ; des yeux et
ne voient point.
Elles ont des oreilles, et
A Vêpres.
73
n'entendent point ; des nari-
nes, et ne sentent point.
Elles ont des mains, et ne
peuvent rien toucher ; des
pieds, et ne marchent point;
un gosier, et ne peuvent se
faire entendre.
Que ceux qui les font leur
deviennent semblables, avec
tous ceux qui mettent en elles
leur confiance.
La maison d'Israël a es-
péré dans le Seigneur : il est
leur appui et leur protecteur.
La maison d'Aaron a es-
péré dans le Seigneur : il est
leur appui et leur protecteur.
Ceux qui craignent le Sei-
gneur ont espéré en lui : il
est leur appui et leur protec-
teur.
Le Seigneur s'est souvenu
de nous, et il nous a bénis.
Il a béni la maison d'.Is-
raël ; il a béni la maison
d'Aaron.
Il a béni tous ceux qui
craignent le Seigneur, grands
et petits.
Que le Seigneur ajoute
encore à ses dons sur vous,
sur vous et sur vos enfants.
Bénis soyez-vous du Sei-
gneur, qui a fait le ciel et la
terre 1
Au Seigneur, les hauteurs
du ciel; la terre est aux hom-
mes par sa largesse.
Ce ne sont pas les morts
audient : * nares habent,
et non odorabunt.
Manus habent, et non
palpabunt; pedes habent,
et non ambulabunt : *
non clamabunt in gut-
ture suo.
Similes illis fiant qui
faciunt ea : "et omnes
qui confidunt in eis.
Domus Israël speravit
in Domino : * adjutor
eorum, et protector eo-
rum est.
Domus Aaron speravit
in Domino : * adjutor
eorum, et protector eo-
rum est.
Qui timent Dominum
speraverunt in Domino :
* adjutor eorum, et pro-
tector eorum est.
Dorainus memor fuit
nostri : * et benedixit
nobis.
Benedixit domui Is-
raël : * benedixit domui
Aaron.
Benedixit omnibus qui
timent Dominum : * pu-
sillis cum majoribus.
Adjiciat Dominus su-
per vos : * super vos, et
super filios vestros.
Benedicti vos a Domi-
no : * qui fecit cœlum et
terram.
Cœlum cœli Domino :
* terram autem dédit fi-
liis hominum.
Non mortui laudabunt
Le Temps Pascal.
te. Domine : * neque om-
nes qui descendunt in
infernum.
Sed nos qui vivimus,
benedicimus Domino : *
ex hoc nunc et usque in
sœculum.
qui vous loueront, ô Seigneur l
ni tous ceux qui descendent
dans le sépulcre;
Mais nous qui vivons, nous
bénissons le Seigneur, au-
jourd'hui et à jamais.
AD regias Agni dapes,
Stolis amicti candi-
dis,
Post transitum maris
Rubri
Christo cannmus prin-
cipi.
Divina cujus charitas
Sacrum propinat sangui-
nem,
Almique membra corpo-
ris
Air.or sacerdos immolât,
Sparsum cruorem pos-
tibus
Vastator horret Angé-
lus :
Fugitque divisum mare,
Merguntur hostes flucti-
bus.
Jam pascha nostrum
Christus est,
l'aschalis idem victima,
Et pura puris mentibus
Sinccritatis azyma.
O vera cœli victima,
Subjecta cui sunt tar-
tara.
APRÈS le passage de la mer
Rouge, couverts de nos
robes blanches et assis au
festin royal de lAgneau,
chantons au Christ notre roi.
C'est lui dont la charité
divine nous verse à boire son
propre sang; c'est son amour
qui sacrifie en victime les
membres de son corps sacré.
L'Ange exterminateur est
saisi de crainte à la vue du
sang dont nos portes sont
marquées ; la mer divisée en
deux fuit devant nous; nos
ennemis sont submergés sous
les flots.
Notre Pàque , c'est le
Christ; il est notre victime
pascale; il est l'azyme d«
sincérité pour les cœurs purs.
O victime véritable venue
du ciel, par qui l'enfer est
abattu, les liens d« la mort
A Vêpres.
brisés, les dons de la vie res-
titués.
Vainqueur de la mort qu'il
a terrassée, le Christ déploie
son étendard ; il rouvre le
ciel, et traîne en captif le roi
des ténèbres.
Pour être toujours, ô Jé-
sus, la joie pascale de nos
âmes, daignez sauver de la
cruelle mort du péché ceux
que vous avez fait renaître à
la vie.
A Dieu le Père soit la
gloire! gloire au Fils, res-
suscité d'entre les morts ! et
gloire au Paraclet dans les
siècles éternels !
Amen.
f. Demeurez avec nous,
Seigneur, alléluia ;
If. Car le soir est venu,
alléluia.
Soluta mortis vincula,
Recepia vita; prasmia.
Victor subactîs inferis
Trophasa Christus expli-
cat,
Cœloque aperto, subdi-
tum
Rcgem tenebrarum tra-
' hit.
Ut sis perenne menti-
bus
Paschale, Jesu, gaudium,
A morte dira criminum
Vitre renatos libéra.
Dee Patri sit gloria,
Et Filio, qui a mortuis
Surrexit, ac Paraclito,
In sempiterna sa;cula.
Amen.
f. Mane nobiscum ,
Domine, alléluia ;
r). Quoniam advespe-
rnscit, alléluia.
CANTIQUE DE MARIE,
MON âme glorifie le Sei-
gneur ;
Et mon esprit tressaille en
Dieu mon Sauveur :
Car il a regardé la bas-
sesse de sa servante ; et
pour cela, toutes les nations
m'appelleront bienheureuse.
MAGNIFICAT : ' anima
mea Dominum.
Et exsultavit spiritus
meus * in Deo Salutari
meo.
Quia respexit humili-
tatem ancilL-e suae • *
ecce enim ex hoc beatam
me dicent omnes gene-
rationes.
76
Le Temps Pascal.
Quia fecitmihi magna
qui potens est : * et Sanc-
tum Nomen ejus.
Et misericordia ejus a
progenie in progenies :
timentibus eum.
Fecit potentiam in
brachio suo : * dispersit
superbos mente cordis
sui.
Déposait potentes de
sedc : * et exaltavit hu-
miles.
Esurientes implevit
bonis : * et divites di-
misit inanes.
Suscepit Israël puerum
suum : * recordatus mi-
sericordiae suœ.
Sicut locutus est ad
patres nostros : * Abra-
ham et semini ejus in sae-
cula.
Il a fait en moi de grandes
choses, celui qui est puis-
sant et de qui le Nom est
Saint.
Et sa miséricorde s'étend
de génération en génération
sur ceux qui le craignent.
lia opéré puissamment par
son bras, et dispersé ceux
qui suivaient les orgueilleu-
ses pensées de leur cœur.
Il a mis à bas de leur
trône les puissants, et il a
élevé les humbles.
Il a rempli de biens ceux
qui avaient faim, et renvoyé
vides ceux qui étaient riches.
Il a reçu sous sa protection
Israël son serviteur, se sou-
venant de la miséricordieuse
promesse
Qu'il fit autrefois à nos
pères, à Abraham et à sa
postérité pour jamais.
Les Antiennes de Magyxificat et les Orai-
sons se trouvent en leur lieu, aux Dimanches
et fêtes.
CHAPITRE VI.
DK L OFFICE DE COMPLIES, AU TEMPS PASCAL.
ON Père, veuil-
ez me bénir.
BÉNÉD I c -
TION. Que le
Dieu tout-puissant nous
accorde une nuit tranquille
et une fin heureuse.
i^. Amen.
UBE, Do-
mne, be-
nedicere.
Bene-
D I CTI o.
Noctem quietam et finem
perfectum concédât no-
bis Dominus omnipo-
tens.
^. Amen.
LEÇON BRÈVE. (I Petr. V.)
MES Frères, soyez sobres
et vigilants ; car votre
adversaire le diable tourne
autour de vous comme un
lion rugissant, cherchant qui
il pourra dévorer ; résistez-
lui, étant forts dans la foi.
Mais vous , Seigneur, ayez
pitié de nous.
Bj Rendons grâces à Dieu.
j^. Tout notre secours est
dans le Nom du Seigneur.
FRATRES : Sobrii esto-
te, et vigilate : quia
adversarius vester dia-
bolus, tamquam leo ru-
giens circuit, quœrens
quem devoret : cui resis-
tité fortes in fide. Tu
autem, Domine, miserere
nobis.
% Deo gratias.
f. Adjutorium nos-
trum in Nomine Domini.
78
Le Temps Pascal.
^. Qui fecit cc)el':tn et 1 tf. C'est lui qui a fait le
terram. | ciel et la terre.
On récite ensuite l'Oraison Dominicale en
silence ; puis le Prctrc dit le Conjîteor, et le
Chœur le répète après lui.
Y l^ ONVERTE nOS ,
V-» Deus Salutaris
no'^ter.
1^. Et averte iram tuam
a nobis.
f. Deus, in adjutorium
meum intenda.
^. Domine, ad adju-
vandum me festina.
Gloria Patri, etc.
^' V^ ô Dieu, notre Sau-
veur !
i^. Et détournez votre co-
Lie de dessus nous.
f. O Dieu, venez à mon
aide !
^. Seigneur, hâtez-vous de
me secourir.
Gloire au Père, etc.
PSAUME IV.
CUM invocarem exaudi-
vit me Deus justitias
meae : * in tribulatione
dilatasti mihi.
Miserere mai : * et ex-
audi orationem meam.
Filii hominum, usque-
quo gravi corde ? * ut
qiiid diligitis vanitatem,
et quaeritis mendacium ?
Et scitote quoniam mi-
rificavit Dominus sanc-
tum suum : * Dominus
exaudiet me, cum clama-
vero ad eum. /
Irascimini , et nolite
peccare : * qune dicitis in
cordibus vestris, in cubi-
libus vestris compungi-
mini.
Au milieu de ma prière, le
Dieu de ma justice m'a
exaucé ; vous m'avez mis au
Inrge, quand j'étais dans l'af-
llivt^n.
Ayez pitié de moi , et
exaucez ma prière.
Enfants des hommes, jus-
ques à quand aurez-vous le
cœur appesanti, aimerez-vous
la vanité, et chercherez-voub
le mensonge ?
Sachez que le Seigneur a
rendu admirable celui qui lui
e-^t consacré : le Seigneur
m'exaucera quand je crierai
vers lui.
Si vous vous irritez, faite«-
le sans pécher; repassez avec
componction, dans le repos
de votre couche, les pensées
de vos cœurs.
A Compiles.
79
Offrez un sacrifice de jus-
tice, et espérez au Seigneur.
Il en est plusieurs qui disent :
Qui nous montrera le bon-
heur que nous cherchons ?
La hiiiiière de votre risjgt.
Seigneur, se rcJJéchit sur
nous: c'est vous qui donnez
la joie à mon cœur.
Par l'abondance du vin, de
l'huile et du froment, vos en-
fants se sont multipliés.
Je m'endormirai donc, et
me reposerai dans la paix ;
Parce que vous m'avez. Sei-
gneur, affermi dans l'espé-
rance.
Sacrifîcate sacrificium
justitiae. et sperate in Do-
mino : * multi dicunt :
Quis ostendit nobis bo-
na ?
Signatum est super
nos lumen vuitus tui.
Domine : * dedisti lœti-
tiam in corde meo.
A fructu frumenti, vini
et olei sui : * multiplî-
cati sunt.
In pace in idipsum : *
dormiam et requiescam.
Quoniam tu, Domine,
singulariter in spe ■ *
constituisti me.
PS.\UME XXX.
C N vous, Seigneur, j'ai mis
*- mon espérance ; que je
ne sois pas confondu : sau-
vez-moi dans votre justice.
Inclinez votre oreille vers
moi, hâtez-vous de me déli-
vrer.
Soyez moi un Dieu pro-
tecteur et une maison de re-
fuge, pour me sauver.
Car vous êtes ma force et
mon refuge; et vous me con-
duirez, vous me nourrirez, à
cause de votre Nom.
Vous me tirerez du piège
qu'on m'a tendu en secret;
car vous êtes mon protec-
teur.
Je remets mon esprit en-
tre vos mains : c'est vous qui
T N te. Domine speravi,
* non confundar in aeter-
num : * in justitia tua li-
béra me.
Inclina ad me aurem
tuam : * aocelera ut eruas
me.
Esto mihi in Deum
protectorem, et in do-
mum refugii : * ut sal-
vum me facias.
Quoniam fortitudo
mea. et refugium meum
es tu : * et propter No-
men tuum deduces me,
et enutries me.
Educes me de laqueo
hoc, quem absconderunt
mihi : " quoniam tu es
protector meus.
In manus tuas com-
mendo spiritum meuTn :
8o
Le Temps Pascal.
* redemisti, me Domine, 1 m'avez
Deus veritatis. Dieu de
racheté,
vérité.
Seigneur,
PSAUME XC.
QUI habitat in adjuto-
rio Altissimi : * in
protectione Dei cœli
commorabitur.
Dicet Domino: Sus-
ceptor meus es tu et rc-
fugium meum : * Deus
meus, sperabo in eum.
Quoniam ipsc libera-
vit me de laqueo venan-
tium : * et a verbo as-
pero.
Scapulis suis obum-
brabit tibi : * et sub pen-
nis ejus sperabis.
Scuto circumdabit te
Veritas ejus : * non time-
bis a timoré nocturno.
A sagitta volante in
die, a negotio perambu-
lante in tenebris : * ab
incursu, et dsemonio me-
ridiano.
Cadent a latere tuo
mille, et decem millia a
dextris tuis : * ad te
autem non appropinqua-
bit.
Verumtamem oculis
tuis considerabis : * et
retributionem peccato-
rum videbis.
Quoniam tu es, Domi-
ne, spes mea: * Altissi-
mum posuisti refugium
tuum.
C
EUn qui habile dans l'a-
sile du Très-Haut, de-
meurera sous la protection
du Dieu du ciel.
Il dira au Seigneur : Vous
êtes mon protecteur et mon
refuge! Il est mon Dieu, j'es-
pérerai en lui.
Car c'est lui qui m'a déli-
vré du filet des chasseurs et
des paroles fâcheuses.
Le Seigneur te couvrira de
son ombre : tu seras dans
l'espérance sous ses ailes.
Sa vérité sera ton bouclier:
tu ne craindras ni les alarmes
de la nuit,
Ni la flèche qui vole au
milieu du jour, ni la conta-
gion qui se glisse dans les
ténèbres, ni les attaques du
démon du Midi.
Mille tomberont à ta gau-
che, et dix mille à ta droite :
mais la mort n'approchera
pas de toi.
Cependant tu jetteras les
yeux autour de toi, et tu con-
templeras le sort de l'impie.
Parce que tu as dit: Sei-
gneur, vous êtes mon espé-
rance ! parce que tu as placé
ton refuge dans le "Très-
Haut ;
A Compiles.
Si
Le mal n'approchera pas
de toi, et les fléaux s'éloigne-
ront de ta tente ;
Car le Seigneur a com-
mandé à ses Anges de te gar-
der en toutes tes voies.
Ils te porteront sur leurs
mains, dans la crainte que tu
ne heurtes ton pied contre la
pierre.
Tu marcheras sur l'aspic
et le basilic, et tu fouleras
aux pieds le lion et le dra-
gon.
Dieu dira de toi. Parce
qu'il a espéré en moi, je le
délivrerai. Je le protégerai,
parce qu'il a connu mon
Nom.
Il criera vers moi, et je
l'exaucerai : je suis avec lui
dans la tribulation ; je l'en
retirerai et le glorifierai.
Je le rassasierai de longs
jours, et je lui montrerai le
Sauveur que je lui ai préparé.
Non accedet ad te ma-
lum : * et flagellum non
appropinquabit taberna-
culo tuo.
Quoniam Angelis suis
mandavit de te : * ut cu-
stodiant te in omnibus
viis tuis.
In manibus portabunt
te : * ne forte offendas ad
lapidem pedem tuum.
Super aspidem et basi-
liscum ambulabis : * et
conculcabis leonem et
draconem,
Quoniam in me spera-
vit, liberabo eum :* pro-
tegam eum. quoniam co-
gnovit Nomen meum.
Clamabit ad me , et
ego exaudiam eum : *
eum ipso sum in tribula-
tione, eripiam eum et
glorificabo eum.
Longitudine dierum
replebo eum : * et osten-
dam illi Salutare meum.
PSAUME CXXXIII.
BÉNISSEZ maintenant le
Seigneur, vous tous qui
le servez.
Vous qui êtes dans la mai-
son du Seigneur, sous les
portiques de la maison de
notre Dieu,
Elevez vos mains durant
les nuits vers le Sanctuaire,
et bénissez le Seigneur.
U CCE nunc benedicite
^ Dominum : * omnes
servi Domini.
Qui statis in domo Do-
mini : * in atriis do-
mus Dei nostri.
In noctibus extollite
manus vestras in Sancta:
* et benedicite Dominum
LE iEMPS PASCAL.
5j
Le Temps Pascal.
Bcnedicat te Dominus
ex Sion : * qui fecit cœ-
lum et terrain.
Ant. Alléluia,
luia, alléluia.
alle-
Dites à Israël : Que le Sei-
gneur te bénisse de Sion, le
Seigneur qui a fait le ciel et
la terre.
A.MT. Alléluia, alléluia, al-
léluia.
1"E liicis ante termi-
num.
Rerum Creator, posci-
mus,
Ut pro tua clementia
Sis prœsul et custodia.
Procul recédant som-
nia.
Et noctium phantasma-
ta,
Hostemque n o s t r u m
comprime.
Ne polluantur corpora.
Deo Patri sit gloria.
Et Filio qui a mortuis
Surrexit, ac Paraclito,
In sempiterna saecula.
Amen.
CAPITULE.
TU autem in nobis es,
Domine, et Nomen
sanctum tuum invocatum
est super nos ; ne dere-
linquas nos , Domine
Dcus noster.
i"^. Deo gratias.
A , T N manus tuas,
•^^ ^'■•1 Domine,
AVANT que la lumière dis-
paraisse, nous vous sup-
plions, ô Créateur de toutes
choses, d'être dans votre clé-
mence notre protecteur et
notre gardien.
Que les songes et les fan-
tômes de la nuit s'enfuient
loin de nous. Comprimez
notre ennemi ; qu'il ne pro-
fane point nos corps.
Gloire soit à Dieu le Père !
Gloire au Fils ressuscité des
morts! Gloire à l'Esprit con-
solateur dans les siècles des
siècles !
Amen.
[Jerem. xiv.)
\j ous êtes en nous. Sei-
gneur, et votre saint Nom
a été invoqué sur nous : ne
nous abandonnez pas, Sei-
gneur notre Dieu !
^. Rendons grâces à Dieu.
% br, £
NTRE vos mains,
Seigneur, je re-
A Compiles.
83
mets mon esprit. ' Alléluia,
alléluia.
On yépète : Entre vos
mains, Seigneur, etc.
f. Vous nous avez rache-
tés, Seigneur, Dieu de véri-
té. On répète : * Alléluia, al-
léluia.
Gloire au Père, etc. Entre
vos mains, etc.
f. Gardez-nous, Seigneur,
comme la prunelle de l'œil,
alléluia.
^. Protégez-nous de l'om-
bre de vos ailes, alléluia.
commendo spiritum me-
um. * Alléluia, alléluia.
In manus tuas.
j^. Redemisti nos. Do-
mine Deus veritatis. *
Alléluia, alléluia.
Gloria. In manus tuas.
y. Custodi nos, Do-
mine, ut pupillam oculi,
alléluia.
R]. Sub umbra alarum
tuarum protège nos, al-
léluia.
CANTIQUE DE SI.MEON.
C'est maintenant . Sei-
gneur, que vous laisserez
aller en paix votre serviteur,
selon votre parole;
Parce que mes yeux ont vu
le Sauveur,
Que vous avez destiné à
être exposé aux regards de
tous les peuples ;
Pour être la lumière qui
éclairera les nations, et la
gloire de votre peuple d'Is-
raël.
Ant. Sauvez-nous , Sei-
gneur, durant la veille ; gar-
dez-nous durant le sommeil ;
afin que nous puissions veil-
ler avec Jésus-Christ, et que
nous reposions dans la paix.
Alléluia.
NUNC dimittis servum
tuum, Domine : *
secundum verbura tuum
in pace.
Quia viderunt oculi
mei : * Salutare tuum.
Quod parasti : * ante
faciem omnium populo-
rum.
Lumen ad revelatio-
nem gentium : * et glo-
riam plebis tuœ Israël.
Ant. Salva nos, Do-
mine, vigilantes ; custo-
di nos dormientes : ut
vigilemus cum Christo,
et requiescamus in pace.
Alléluia.
84
Le Temps Pascal.
WlSlTA, quaesumus Do-
' mine, habitationem
istatn, et omnes insidias
inimici ab ea longe re-
polie : Angeli lui sancti
habitont in ea. qui nos in
pace custodiant : et be-
nedictio tua sit super
nos semper. Per Domi-
num nostrum J e s u m
Christum Filium tuum,
qui tecum vivit et régnai
in unitate Spiritus Sancti
Deus, per omnia saecula
sœculorura. Amen.
j^. Dominusvoblscum;
ip. Et cum spiritu tuo.
y. Benedicamus Do-
mino.
^. Deo gratias.
Bcnedicat et custodiat
nos omnipotens et mise-
ricors Dominus. Pater,
et Filius, et Spiritus
sanctus.
S. Amen.
WlslTEZ, s'il vous plaît ,
Seigneur, cette maison,
et éloignez-en toutes les em-
bûches de l'ennemi ; que vos
saints Anges y habitent ,
qu'ils nous y gardent dans la
paix, et que votre bénédiction
demeure toujours sur nous.
Par Jésus-Christ votre Fils,
notre Seigneur, qui, étant
Dieu, vit et régne avec vous
en l'unité du Saint-Esprit,
dans tous les siècles des siè-
cle. Amen.
y. Le Seigneur soit avec
vous ;
fil. Et avec votre esprit.
y. Bénissons le Seigneur.
Ri. Rendons grâces à Dieu.
Que le Seigneur tout-puis-
sant et miséricordieux . le
Père, le Fils et le Saint-Es-
prit, nous bénisse et nous
conserve.
W. Amen.
ANTIENNE A LA SAINTE VIERGE.
REGINA cœli, laetare, al-
léluia;
Quia quem meruisti por-
tare, alléluia.
Rcsurrexit sicut dixit, al-
Ora pro nobis
alléluia.
Deum.
Deine du ciel, réjouissez-
vous, alléluia ;
Car celui que vous avez
mérité de porter, alléluia.
Est ressuscité comme il
l'avait dit, alléluia.
Daignez prier Dieu en no-
tre faveur, alléluia.
A Compiles.
85
f. Soyez dans l'allégresse,
ô Vierge Marie, alléluia;
^. Car le Seigneur est
vraiment ressuscité, alléluia.
f. Gaude et laetarc,
Virgo Maria, alléluia;
R). Quia surrexit Do-
minus vere, alléluia.
ODiEU, qui avez voulu
réjouir le monde par la
Résurrection de Jésus-Christ,
votre Fils ; daignez-nous fai-
re arriver aux joies de la vie
éternelle, par le secours de
sa sainte Mère la Vierge
Marie. Par le même Jésus-
Christ notre Seigneur. A-
men.
f. Que le secours divin
demeure toujours avec nous 1
fi|. Amen.
DEijs, qui per Resur-
rectionem Filii tui
Domini nostri Jesu
Christi mundum lœti-
ficare dignatus es : praes-
ta quaesumus, ut per ejus
G e n i t r i c e m Virginem
Mariam. perpétues capia-
mus gaudia vitœ. Per
euradem Christum Do-
minum nostrum. Amen,
j^. Divinum auxilium
maneat semper nobis-
cum.
]\ Amen.
PROPRE DU TEMPS
NCORE quatre jours, et le divin
ressuscité, dont la société nous
était si chère et si précieuse,
aura disparu de la terre. C'est
par cette annonce que ce cin-
quième dimanche après la
joyeuse Pâque semble nous préparer à la sé-
paration. Le dimanche suivant ouvrira la
longue série de ceux qui doivent se succéder
d'ici qu'il revienne pour juger le monde. A
cette pensée, le coeur du chVétien se serre ;
caril sait qu'il ne verra son Sauveur qu'après
cette vie; et il s'unit à la tristesse que res-
sentirent les Apôtres à ladernière Cène, lors-
qu'il leur dit cette parole : « Encore un peu de
temps, et vous ne me verrez plus i. »
Mais après la résurrection de leur Maître,
quelle dut être l'angoisse de ces hommes
privilégiés qui comprenaient enfin ce qu'il
était, lorsqu'ils s'aperçurent comme nous
I. JOHAN. XVI, i6.
8 s Le Temps Pascal.
(jue l'heureuse quarantaine, si rapidement
écoulée, touchait bientôt à sa fin! Avoir vécu,
pour ainsi dire, avec Jésus glorifié, avoir
ressenti les effets de sa divine condescen-
dance, de son ineffable familiarité, avoir reçu
de sa bouche tous les enseignements qui de-
vaient les mettre en état d'accomplir ses vo-
lontés, en fondant sur la terre cette Eglise
qu'il était venu choisir pour son Epouse; et
se trouver tout d'un coup livrés à eux-mêmes,
privés de sa présence visible, ne plus voir
ses traits, ne plus entendre sa voix, et mener
jusqu'au bout leur carrière avec de tels sou-
venirs : c'est le sort qui attendait les Apôtres
et qu'ils avaient à accepter.
Nous éprouverons quelque chose de ce
qu'ils durent ressentir, si nous nous sommes
tenus unis à notre mère la sainte Eglise. De-
puis le jour où elle ouvrit en notre faveur la
série des émotions qui la transportent chaque
année, lorsqu'elle repasse successivement
tant de sublimes anniversaires, à partir de
celui de la Naissance de son Emmanuel, jus-
qu'à celui de sa triomphante Ascension au
ciel, n'est-il pas vrai que nous aussi nous
avons vécu en société avec son divin Epoux,
qui est en même temps notre Rédempteur, et
qu'au moment de le voir disparaître aux re-
gards de notre foi attentive jusqu'à cette
heure ù le suivre dans tous ses états, Témo-
tion que ressentirent les Apôtres vient nous
gagner nous-mêmes .■'
Mais il est sur la terre, à la veille du jour
où Jésus doit la quitter pour le ciel, une
créature dont nous ne pourrons jamais sonder
ni décrire les sentiments ; c'est Marie qui
Derniers jours avant V Ascension 8g
avait retrouvé son tils, et qui voit approcher
le moment où il va s'éloigner encore. Jamais
cœur ne fut plus soumis'aux volontés de son
Maître souverain ; mais jamais aussi sem-
blable sacrifice ne fut demandé à une créa-
ture. Jésus veut que l'amour de Marie croisse
encore, et c'est pour cela qu'il la soumet à
répreuve de l'absence. Il veut en outre qu'elle
coopère à la formation de l'Eglise, qu'elle ait
la main dans ce grand œuvre qui ne devait
s'élever qu'avec son concours. C'est en cela
que se montre encore l'amour de Jésus pour
sa mère; il désire pour elle le mérite le plus
grand, afin de déposer sur sa tète le diadème le
plus glorieux, au jour où elle montera au
ciel à son tour pour y occuper le trône qui a
été préparé pour elle au-dessus de toute la
création glorifiée.
Ce n'est plus, il est vrai, un glaive de
douleur qui transpercera le cœur de xMarie;
c'est le feu d'un amour que nul langage ne
saurait décrire qui consumera ce cœur dans
une angoisse à la fois poignante et délicieuse,
sous l'elfort de laquelle elle tombera un jour,
comme le fruit mûr que la branche de
l'arbre ne soutient plus, parce qu'elle n'a
plus rien à lui donner. Mais à ces instants
suprêmes où nous sommes, dans les der-
nières étreintes de ce fils divin qui va la lais-
ser en exil, quel serrement au cœur d'une
telle mère qui n'a joui que durant quarante
jours du bonheur de le voir glorieux et
triomphant, et de recevoir ses divines et
filiales caresses! C'est la dernière épreuve de
Marie; mais en face de cette épreuve elle n'a
encore que sa même réponse : « Voici la
go Le Temps Pascal.
servante du Seigneur ; qu'il me soit fait
selon votre parole. » Sa vie tout entière est
dans le bon plaisir de Dieu, et c'est ainsi
qu'elle devient toujours plus grande, plus
rapprochée de Dieu. Une sainte âme du
xvii" siècle, favorisée des plus sublimes révé-
lations, nous a appris que le choix fut donné
à Marie d'entrer dans le repos de la gloire
avec son fils, ou de demeurer encore sur la
terre dans les labeurs de l'enfantement de la
sainte Eglise; mais qu'elle préféra retarder
les joies maternelles que lui réservait l'éter-
nité, et servir, aussi longtemps qu'il plai-
rait à la divine Majesté, au grand œuvre qui
importait tant à l'honneur de son hls et au
bien de la race humaine, dont elle était de-
venue aussi la mère.
Si un tel dévouement éleva la coopératrice
de notre salut au plus haut degré de la sain-
teté, en lui faisant atteindre le point culmi-
nant de sa mission, on est en droit de con-
clure que l'amour de Jésus pour sa mère
s'accrut encore, lorsqu'il reçut d'elle une
marque si sensible de l'union qu'elle avait aux
plus intimes désirs de son cœur sacré. De
nouveaux témoignages de sa tendresse furent
pour Marie la recompense de cet oubli d'elle-
même, et de cette conformité aux desseins
qui l'appelaient à être véritablement dès ici-
bas la Reine des Apôtres, comme l'appelle
l'Eglise, et la coadjutrice de leurs travaux.
Le Seigneur, durant ces dernières heures,
allait multipliant les témoignages de sa bonté
envers tous ceux qu'il avait daigné admettre
dans sa familiarité. Pour plusieurs d'entre
eux la séparation devait être longue Jean le
Derniers jours avant l'Ascension. gi
bien-aimé aurait à attendre plus de cinquante
années sa réunion à son Maître divin. Ce ne
serait qu'après trente ans que Pierre monte-
rait à son tour sur l'arbre delà croix, pour se
réunir à celui qui lui avait confié les clefs du
royaume des cieux. Le même intervalle de
temps devait être rempli par les soupirs en-
flammés de Madeleine ; mais aucun d'eux ne
murmurait ; car tous sentaient qu'il était
juste que le divin Rédempteur du monde,
ayant suffisamment établi la foi de sa résur-
rection, « entrât enfin dans sa gloire K »
Jésus avait fait donner ordre "à ses disciples
par les Anges, le jour même de sa résurrec-
tion, de se'rendre en Galilée pour y jouir de
sa présence. Nous avons vu comment ils
obéirent à cet ordre, et en quelle manière le
Sauveur se manifesta à sept d'entre eux sur
les bords du lac de Génézareth ; ce fut la
huitième des manifestations que les Evan-
giles ont enregistrées. La neuvième eut lieu
pareillement dans la Galilée. Jésus aimait
cette contrée, au sein de laquelle il avait pris
la plupart de ses disciples, où Marie et Jo-
seph avaient habité, et où lui-même avait
passé tant d'années dans le travail et l'obscu-
rité. La population, plus simple et plus
morale que celle de la Judée, l'attirait da-
vantage. Saint Matthieu nous révèle que la
plus solennelle des manifestations de Jésus
ressuscité, celle que nous compterons pour la
dixième de fait, et pour la neuvième de celles
que rapportent les Evangélistes, eut lieu sur
une montagne de cette contrée 2.
I. Luc. XXIV, 26. — 2. Matth. xxvni. 16.
Le Temps Pascal.
Selon le sentiment de saint Bonaventure et
celui du pieux et savant Denys le Chartreux,
cette montatîne fut le Thabor, dont le som-
met avait déjà été honoré par le mystère de
la Transhguration. Là se trouvèrent réunis,
comme nous l'apprenons de saint Paul, plus
de cinq cents disciples de Jésus •, assemblée
formée en grande partie des habitants de la
Galilée qui avaient cru en Jésus dans le cours
de sa prédication, et qui avaient mérité d'être
témoins de ce nouveau triomphe du Naza-
réen. Jésus se montra à leurs regards, et leur
donna une telle certitude de sa'résurrection
que l'Apôtre des Gentils, écrivant auxchrétiens
de Corinthe,in\ oque leur témoignage à l'appui
de ce mystère fondamental de notre foi.
Désormais nous demeurons sans rensei-
gnements positifs sur ce qui se passa encore
dans la Galilée, quant à ce qui est des mani-
festations du Sauveur ressuscité ; mais nous
savons qu'il intima à ses disciples l'ordre de
se rendre à Jérusalem, où il devait bientôt
reparaître à leurs yeux une dernière fois,
avant de monter aux cieux. Suivons en ces
jours la marche des disciples vers la ville
coupable. Combien de fois, dans cette même
ville. Jésus avait voulu réunir ses fils comme
la poule ramasse ses poussins sous ses ailes,
et elle ne Ta pas voulu ~ ! Il va revenir dans
ses murs ; mais elle ne le saura pas. Il ne se
montrera pas à elle, il ne se révélera qua
ses amis, et il partira en silence, pour ne plus
revenir qu'au jour où il viendra juger ceux
qui n'ont pas connu le temps de saVisite.
I. I Cor. XV, 6. — 2. Matth. xxili, 3?.
LE CINQUIÈME DIMANCHE
APRÈS PAQUES.
E cinquième dimanche après
Pâques, dans l'Eglise grecque,
est appelé le dimanche de
V Aveugle-né, parce qu'on y lit
le récit de l'Evangile où est
rapportée la guérison de cet
aveugle. On l'appelle aussi le dimanche de
\'Episo:{0)ni'ne, qui est un des noms par les-
quels les Grecs désignent le mystère de l'As-
cension, dont la solennité, chez eux comme
chez nous, interrompt le cours de cette
semaine liturgique.
A LA MESSE.
le
ISAiE, le plus
fourni la matière
sublime des Prophètes, a
de l'Introït. Sa voix
éclatante et mélodieuse convie toutes les
nations de la terre à célébrer la victoire que
le divin ressuscité a remportée, et dont le
prix a été notre délivrance.
g4 Le Cinquième Dimanche après Pâques.
VOCEM jucunditatis an-
nuntiate, et audia-
tur, alléluia : annuntiate
usque nd extremum ter-
rae : liberavit Dominus
populum suum, alléluia,
alléluia.
Ps. Jubilate Deo om-
nis terra : psalmum dici-
te Nomini ejus, date glo-
riam laudi ejus. Gloria
Patri. Vocem jucundita-
tis.
POUSSEZ des cris de joie, et
qu'on les entende de tou-
tes parts, alléluia : publiez
jusqu'aux extrémités de la
terre que le Seigneur a déli-
vré son peuple, alléluia, allé-
luia.
Ps. Peuples de la terre en-
tière, chantez au Seigneur
avec allégresse ; faites enten-
dre un cantique à son Nom,
rendez-lui gloire par vos lou-
anges. Gloire au Père. Pous-
sez des cris.
Dans la Collecte, la sainte Eglise nous ap-
prend que nos pensées et nos actions, pour
être méritoires de la vie éternelle, ont be-
soin de la grâce qui inspire les unes et aide
notre volonté à accomplir les autres.
r^ EUS, a quo bona
•*-^ cuncta procedunt ,
largire supplicibus tuis :
ut cogitemus, te inspi-
rante, quœ recta sunt, et,
te gubernante, eadem fa-
ciamus. Per Dominum.
ODiEU, vous de qui pro-
cèdent tous les biens,
accordez à nos humbles priè-
res que, par votre inspira-
tion, nos pensées se portent à
ce qui est bien, et daignez
nous accorder votre conduite
pour l'accomplir. Par Jésus-
Christ.
De la très sainte Vierge.
CONCEDE nos famulos
tuos, quassumus Do-
mine Deus , perpétua
mentis et corporis sani-
SEIGNEUR Dieu, daignez ac-
corder à nous, vos servi-
teurs, la grâce de jouir cons-
tamment de la santé de l'âme
A la Messe.
95
et du corps ; et par la glo-
rieuse intercession de la bien-
heureuse Marie toujours
Vierge, délivrez-nous de la
tristesse du temps présent,
et faites-nous jouir de l'éter-
nelle félicité.
tate gaudere : et gloriosa
beatœ Mariae semper Vir-
ginis intercessione , a
praesenti liberari tristi-
tia, et œterna perfrui lœ-
titia.
Contre les persécuteurs de V Eglise.
DAIGNEZ, Seigneur, vous
laisser fléchir par les
prières de votre Eglise, afin
que, toutes les adversités et
toutes les erreurs ayant dis-
paru, elle puisse vous servir
dans une paisible liberté. Par
Jésus-Christ.
ECCLESi.E tuas, quaesu-
mus Domine, preces
placatus admitte, ut, des-
tructis adversitatibus et
erroribus universis, se-
cura tibi serviat liber-
tate. Per Dominum.
Pour le Pape.
ODiEU, qui êtes le Pas-
teur et le conducteur de
tous les fidèles, regardez d'un
œil propice votre serviteur
N. que vous avez mis à la
tête de votre Eglise en qualité
de Pasteur ; donnez-lui, nous
vous en supplions , d'être
utile par sa parole et son
exemple à ceux qui sont
sous sa conduite, afin qu'il
puisse parvenir à la vie
éternelle avec le troupeau qui
lui a été confié. Par Jésus-
Christ.
r> EUS omnium fidelium
*^ Pastor et rector, fa-
mulum tuum A^. , quem
Pastorem Ecclesiœ tuse
prœesse voluisti, propi-
tius respice • da ei, quœ-
sumus, verbo et exem-
ple, quibus prœest pro-
ficere ; ut ad vitam una
cum grege sibi credito
perveniat sempiternam.
Per Dominum.
Lecture de l'Epître de saint
Jacques, Apôtre. Chap. I.
ES bien-aimés , accom-
plissez la parole qui
M
Lectio Epistolae beati Ja-
cobi Apostoli. Cap. i.
CHARissiMi,Estote fac-
tores verbi, et noa
i6 Le Cwquième Dimanche après Pâques.
vous est enseignée, ne vous
contentant pas de l'écouter,
en vous trompant vous-mê-
mes. Car celui qui écoute la
parole sans la pratiquer, est
semblable à un homme qui
considère son visage naturel
dans un miroir, et qui à peine
l'y a vu. s'en va, et oublie à
l'instant même quel il était.
Mais celui qui considère d'un
œil ferme la loi parfaite de
la liberté, et qui s'arrête à
elle, n'étant pas seulement
un auditeur oublieux, mais
accomplissant dans ses œu-
vres ce qu'il a entendu : celui-
là trouvera son bonheur dans
ce qu'il fait. Si quelqu'un
d'entre vous croit être un
homme religieux, et qu'il ne
mette pas un frein à sa lan-
gue, mais qu'il séduise son
propre cœur, sa religion est
vaine. Une religion pure et
sans tache aux yeux de Dieu
notre Père, est de visiter les
orphelins et les veuves dans
leurs afflictions, et de se con-
server purs de la corruption
de ce monde.
T E saint Apôtre dont nous venons d'enten-
L dre les conseils avait reçu les leçons du
Sauveur ressuscité; nous ne devons donc pas
être étonnés du ton d'autorité a\-ec lequel U
nous parle. Jésus, ainsi aue nous l'avons ra-
conté, avait même daigne lui accorder une de
ses manifestations particulières : ce qui nous
montre l'atYection dont il honorait cet Apotrc,
auquel les liens du sang le rattachaient par
ouditores tantum, fallen-
tes vosmetipsos. Quia si
quis auditor est verbi, et
non factor, hic compa-
rabitur viro considérant!
vultum nativitatis suae
in speculo consideravit
enim se, et abiit, et st;:-
tim oblitus est qualis
fuerit. Qui aulem per-
spexerit in legem perfec-
tam libertatis, et per-
manserit in ea. non audi-
tor obliviosus factus, sed
factor operis ; hic bea-
tus in facto suo erit. Si
quis autem putat se reli-
giosum esse, non refra?-
nans linguam suam, sed
seducens cor suum. hujus
vana est religio. Religio
munda. et immaculata
apud Deum et Patrem.
haec est : Visitare pupil-
los et viduas in tribula-
tione eorum, et immacu-
latum se custodire ab hoc
saeculo.
A la Messe. g y
sa mère nommée aussi Marie. Nous avons vu
cette sainte femme se rendre au sépulcre,
avec Salomé sa sœur, dans la compagnie de
Madeleine. Jacques le Mineur est véritable-
ment TApôtre du Temps pascal, où tout
nous parle de la vie nouvelle que nous devons
mener avec leChristressuscite.il est l'Apôtre
des œuvres, et c'est lui qui nous a transmis
cette maxime fondamentale du christia-
nisme, que si la foi est nécessaire avant tout
au chrétien, cette vertu, sans les œuvres, est
une foi morte qui ne pourrait le sauver.
Il insiste aujourd'hui sur l'obligation où
nous sommes de cultiver en nous-mêmes
l'attention aux vérités que nous avons une
fois comprises, et de nous tenir en garde
contre cet oubli coupable qui cause tant de
ravages dans les âmes inconsidérées. Parmi
ceux en qui s'est accompli le mystère de la
Pâque, il en est qui n'y persévéreront pas ; et
ce malheur leur arrivera, parce qu'ils se
livreront au monde, au lieu d'user du monde
comme n'en usant pas i. Rappelons-nous tou-
jours que nous devons marcher dans une vie
nouvelle, à l'imitation de celle de notre divin
ressuscité qui ne peut plus mourir.
Les deux Versets de l'Alleluia célèbrent
l'éclat de sa résurrection ; mais déjà son As-
cension prochaine y est annoncée. Sorti du
Père éternellement, descendu dans le temps
jusqu'à notre terrestre demeure , il nous
avertit que sous peu de jours il va remonter
à son Père.
I. I Cor. vu, 3i.
LE TEMPS PASCAL. — T. III.
g 8 Le Cinquième Dimanche après Pâques.
A LLELUIA, alléluia,
j^. Surrexit Christiis,
et illuxit nobis, quos re-
deiiiit sanguine suo.
Alléluia.
f. Exivi a Pâtre, et
veni in mundum ; iterum
relinquo mundum et va-
do ad Patrem, alléluia.
A LLELUIA, alléluia.
j^. Le Christ est ressuscité,
il a fait luire sa lumière sur
nous, qu'il a rachetés de son
sang.
Alléluia.
t. Je suis sorti du Père, et
je suis venu dans le monde :
maintenant je laisse le mon-
de, et je vais à mon Père,
alléluia.
Seqiientia sancti Evan-
gelii secundum Johan-
nem. Cap. xyi.
IN illo tempore : Dixit
Jésus discipulis suis :
Amen, amen dico vobis :
si quid petieritis Patrem
in nomine meo, dabit
vobis. Usque modo non
petistis quidquam in no-
mine meo : petite et ac-
cipietis, ut gaudium ves-
trum sit plénum. Hœc in
proverbiis locutus sum
vobis. \'enit hora cum
jam non in proverbiis
loquar vobis, sed palam
de Pâtre annuntiabo vo-
bis. In illo die in nomine
meo petetis : et non dico
vobis quia ego rogabo
Patrem de vobis : ipse
enim Pater amat vos,
quia vos me amastis,
et credidistis quia ego a
Deo exivi. Exivi a Pâtre,
La suite du saint Evangile
selon saint Jean. Chap.
XVI.
EN ce temps-là, Jésus dit à
ses disciples : En vérité,
en vérité je vous le dtis : Si
vous demandez quelque chose
au Père en mon nom. il vous
le donnera. Jusqu'à présent
vous n'avez rien demandé en
mon nom : demandez et vous
recevrez, afin que votre joie
soit pleine. Je vous ai dit ces
choses en paraboles : l'heure
vient où je ne vous parlerai
plus en paraboles, mais où je
vous enseignerai ouvertement
sur le Père. En ce jour, vous
demanderez en mon nom, et
je ne vous dis pas que je
prierai pour vous le Père ;
car le Père vous aime lui-
même, parce que vous m'avez
aimé, et que vous avez cru
que je suis sorti de Dieu. Je
suis sorti du Père et suis
A la Messe.
99
venu en ce monde : mainte-
nant je quitte le monde et je
vais au Père. Ses disciples
lui dirent : Voilà que main-
tenant vous parlez ouverte-
ment, et sans dire de para-
boles. A présent nous savons
que vous savez toutes choses,
et qu'il n'est pas besoin qu'on
vous interroge : en cela nous
croyons que vous êtes sorti
de Dieu.
et veni in mundum : ite-
rum relinquo mundum,
et vado ad Patrem. Di-
cunt ei discipuli ejus :
Ecce nunc palam loque-
ris, et proverbium nul-
lum dicis : nunc scimus
quia scis omnia, et non
opus est tibi ut quis te
interroget : in hoc cre-
dimus quia a Dec existi.
I ORSQUE le Sauveur, à la dernière Cène,
L annonçait ainsi à ses Apôtres son prochain
départ, ils étaient loin encore de compren-
dre tout ce qu'il était. Déjà cependant ils
croyaient « qu'il était sorti de Dieu ». Mais
cette croyance était faible, puisqu'elle devait
s'éteindre sitôt. Dans les jours où nous som-
mes, entourant leur Maître ressuscité, illu-
minés par sa parole, ils savent mieux ce qu'il
est. Le moment est arrivé « où il ne leur
parle plus en paraboles »; nous avons vu
quels enseignements il leur donne, comme il
les prépare à devenir les docteurs du monde.
C'est maintenant qu'ils peuvent lui dire :
« O Maître, vous êtes véritablement sorti de
Dieu ». Mais par là même ils com.prennent
davantage la perte dont ils sont menacés; ils
ont l'idée du vide immense que son absence
leur fera sentir.
Jésus commence à recueillir le fruit que sa
divine bonté a semé en eux, et qu'il a at-
tendu avec une si ineffable patience. Si ,
lorsqu'ils étaient autour de lui à la table de
la Cène, il les félicitait déjà sur leur foi;
maintenant qu'ils l'ont vu ressuscité, qu'ils
100 Le Cinquième Dimanche après Pâques.
l'ont entendu, ils méritent bien autrement
ses éloges ; car ils sont devenus plus fermes
et plus fidèles. « Le Père vous aime, leur
disait-il lors de cette dernière cène, parce
que vous m'avez aimé » ; combien plus le
Père doit-il les aimer, maintenant que leur
amour s'est accru ! Que cette parole nous
donne espérance. Avant la Pâque, nous
aimions faiblement le Sauveur, nous étions
chancelants à son service; maintenant que
nous avons été instruits par lui, nourris de
ses mystères, nous pouvons espérer que le
Père nous aimera; car nous aimons davan-
tage, nous aimons mieux son Fils. Ce divin
Rédempteur nous invite à demander au
Père en son nom tous nos besoins. Le pre-
mier de tous est la persévérance dans l'esprit
de la Pàque ; insistons pour l'obtenir, et
offrons à cette intention la divine Victime
qui dans peu d'instants sera présentée sur
l'autel.
L'Offertoire est emprunté des Psaumes ;
c'est un chant d'actions de grâces que le
fidèle, uni à Jésus ressuscité, oflre à Dieu
qui a daigné l'établir dans la vie nouvelle,
en lui faisant part de ses miséricordes les plus
choisies.
OFFERTOIRE.
BENEDICITE, g e n t e S,
Dominutn Dcum nos-
trum, et obnudite vocera
laiidis ejus : qui posuit
animam mcani ad vitam.
et non dédit commoveri
pedes mcos. Benedictire
PEUPLES, bénissez le Sei-
gneur notre Dieu, et fai-
tes entendre ses louanges. 11
a donné la vie à mon àme,
il n'a pas permis que mes
pieds fussent ébranles. Béni
soit le Seigneur qui n'a pas
A la Messe.
I 01
rejeté ma prière, ni retiré de
moi sa miséricorde, alléluia.
Dominus, qui non amo-
vit deprecationem meam,
et misericordiam suam
a me, alléluia.
Dans la Secrète, l'Eglise demande pour
nous l'entrée dans la gloire céleste, dont la
Pâque terrestre est l'introduction. Tous les
mystères divinement opérés ici-bas ont
pour but de nous sanctifier, afin que nous
devenions mûrs pour la vision et la posses-
sion éternelle de Dieu ; c'est ce que l'Eglise,
instruite par les divines Ecritures, appelle la
gloire.
SECRÈTE.
RECEVEZ, SeigacLir , les
prières des fidèles, avec
ces hosties qui vous sont
offertes ; et en retour de l'ac-
complissement de ce devoir
de notre religion, faites-nous
parvenir à la gloire céleste.
Par Jésus-Christ.
SUSCIPE, Domine, fide-
lium preces cum obla-
tionibus hostiarum : ut
per hsec piœ devotionis
officia, ad cœlestem glo-
riam trauseamus. Per
Dominum.
De la très sainte Vierge.
DAIGNEZ, Seigneur , nous
être propice, et par l'in-
tercession de la bienheureuse
Marie toujours Vierge, faire
que cette oblation nous pro-
cure la prospérité et la paix,
en ces jours et à jamais.
T' UA, Domine, propitia-
tione, et beatœ Ma-
riœ semper Virginis in-
tercessione, ad perpe-
tuam atque prsesentem
hajc oblatio nobis profi-
ciat prosperitatem et
pacem.
Contre les persécuteurs de V Eglise.
PROTÉGEZ-NOUS, Seigneur,
nous qui célébrons vos
Mystères, afin que nous atta-
chant aux choses divines, nous
PROTEGE nos, Domine,
tuis mysteriis ser-
vientes : ut divinis rébus
inhaerentes, et corpore
102 Le Cinquième Dimanche après Pâques.
tibi famulemur et mente.
Per ûominum.
Fout
OBLATIS , quaesumus
Domine , placare
muneribus : et famulum
tuum N., quem Pastorem
Ecclesiae tua» praeesse
voluisti, assidua protec-
tione guberna. Per Do-
minum.
vous servions dans le corps
et dans l'âme. Par Jésus-
Christ.
le Pape.
LAISSEZ-VOUS fléchir, Sei-
■ gneur, par l'offrande de
ces dons, et daignez gouver-
ner par votre continuelle
protection votre serviteur N.
que vous avez voulu établir
Pasteur de votre Eglise. Par
Jésus-Christ.
L'Antienne de la Communion est un chant
de jubilation qui exprime l'allégresse conti-
nue de la Pâque, et dont les accents sont em-
pruntés au Roi-Prophète.
COMMUNION.
CANTATE Domino, al-
léluia : cantate Do-
mino, et benedicite No-
men ejus : bene nuntiate
de die in diem salutare
ejus, alléluia, alléluia.
CHANTEZ au Seigneur, al-
léluia ; chantez au Sei-
gneur et bénissez son Nom ;
célébrez chaque jour le salut
qu'il nous donne, alléluia, al-
léluia.
La sainte Eglise nous suggère dans la Post-
communion la formule de" nos demandes à
Dieu. Il nous faut désirer le bien ; deman-
dons ce désir, et continuons notre prière jus-
qu'à ce que le bien lui-même nous arrive. La
grâce descendra alors, et ce sera à nous de ne
la pas négliger.
POSTCOMMUNION.
TRIBUE nobis. Domine,
cœlestis mensae vir-
|N
oi'S sommes rassasies,
Seigneur, par la puis-
A la Messe.
io3
santé nourriture de la table
céleste ; donnez-nous de dési-
rer ce qui est bien, et d'obte-
nir ce que nous désirons. Par
Jésus-Christ.
tute satiatis, et deside-
rare qu.-e recta sunt et
desiderata percipere. Per
Dominum.
De la très sainte Vierge.
^ous venons, Seigneur, de
* ' recevoir le puissant se-
cours du salut; daignez faire
que nous soyons en tous
lieux couverts de la protec-
tion de la bienheureuse Marie
toujours Vierge, en l'honneur
de laquelle nous avons offert
ce Sacrifice à votre Majesté.
SUMl
tis
UMPTis, Domine, salu-
nostras subsidiis,
da quœsumus, beatae Ma-
riœ sempcr Virginis pa-
trociniis nos ubique pro-
tegi, in cujus venera-
tione ha;c tuce obtulimus
majestati.
Contre les persécuteurs de VEglise.
Nous vous supplions, Sei-
gneur notre Dieu, de ne
pas laisser exposés aux périls
de la part des hommes ceux
à qui vous accordez de parti-
ciper aux Mystères divins.
Par Jésus-Christ.
Qu.EsuMUS , Domine
Deus noster, ut quos
divina tribuis participa-
tione gaudere, humanis
non sinas subjacere pe-
riculis. Per Dominum.
Pour le Pape.
OUE la réception de ce di-
vin Sacrement nous pro-
tège, Seigneur; qu'elle sauve
aussi et fortifie à jamais,
avec le troupeau qui lui est
confié, votre serviteur A'^.
que vous avez établi Pasteur
de votre Eglise. Par Jésus-
Christ.
H.EC nos, qusesumus
Domine, divini Sa-
cramenti perceptio
protegat : et famulum
tuum AT., quem Pastorem
Ecclesiœ tuaeprceesse vo-
luisti, una cum commis-
so sibi grege, salvet sem-
per et muniat. Per Do-
minum.
104
Le Temps Pascal.
A VEPRES.
ANTIENNE DE Magnificat.
PETITE et accipietis, ut
gaudium vestrum sit
plénum : ipse enim Pa-
ter amat vos, quia vos
me amastis, et credidis-
tis, alléluia.
DEMANDEZ et vous rece-
vrez, afin que votre joie
soit complète ; car mon Père
lui-même vous aime, parce
que vous m'avez aimé, et
que vous avez cru en moi,
alléluia.
DEUS, a quo bona cun-
cta procedunt, lar-
gire supplicibus tuis : ut
cogitemus, te inspirante,
qua» recta sunt. et, te gu-
bernante, eadem facia-
mui. Per Dominum.
ODiEU, vous de qui pro-
cèdent tous les biens,
accordez à nos humbles priè-
res que. par votre inspira-
tion, nos pensées se portent
à ce qui est bien, et daignez
nous accorder votre conduite
pour l'accomplir. Par Jésus-
Christ.
V ; ous terminons la journée par cette grave
^^ exhortation que l'Eglise gothique d'Es-
paî:^ne adressait aux fidèles au milieu même
des joies pascales, afin. de les avertir des pré-
cautions qui leur étaient nécessaires pour
conserver en eux la vie nouvelle qu'ils avaient
reçue.
MISSA.
[Feria V post Pascha.)
ABEANT, dilectissimi 1 Qachons, frères bien-aimés,
fratres, vota caute- | »^ unir nos transports avec la
H
Le Cinquième Dimanche après Pâques. io5
réserve, nos fêtes avec la vi-
gilance, nos joies avec la
règle. Il est juste que nous
soyons dans l'allégresse ,
puisque nous sommes ressus-
cites ; mais il nous faut crain-
dre aussi, de peur qu'il ne
nous arrive de tomber. Entre
la vie nouvelle et la mort qui
l'a précédée, connaissons
bien celle des deux à laquelle
nous avons échappé, et choi-
sissons celle que nous devons
aimer. Ce n'est pas erreur,
c'est mépris, de pécher quand
on est averti. Une peine plus
sévère attend après la réci-
dive celui qui fut d'abord
gracié ; et ce serait une chose
indigne si celui que l'on a
racheté allait de nouveau
retomber dans les fers. Ou-
tre la bonté, Dieu possède la
puissance ; cette puissance
est de nature à nous faire
trembler, et la crainte qu'elle
inspire vient de ce qu'elle est
vengeresse. Si Dieu s'est
montré si miséricordieux en-
vers l'homme, c'est que sa
colère s'était déchargée d'a-
bord contre le démon. Une
grâce toute gratuite nous a
rendu nos forces : n'allons
pas retomber par le péché
dans notre première maladie.
C'est dans le but de nous voir
corrigés que Dieu nous a
octroyé le pardon, et son in-
dulgence demeurera sur nous,
si nos offenses ne se renou-
vellent pas. En nous remet-
lam, festa diligentiam,
gaudia disciplinam. Ex-
sultare decet quod resur-
rexerimus : sed timere
convenit ne cadamus. In-
ter novam vitam veterem-
que mortem oportet scire
quid evasimus, oportet
eligere quid amemus
Non enim error, sed con-
temptus est peccare com-
monitum. Major post ve-
niam pœna sequitur con-
tumaces : gravius est
captivos fieri jam re-
demptos. Habet ista pie-
tas potestatem, habet po-
testas ista terrorem, ha-
bet terror iste vindictam.
Non enim fuisset plus in
hominc, nisi prius iratus
fuisset in dœmone. Con-
forlamur gratia doni, si
non corrumpamur lege
peccati. Ratio parcen-
di est prœvisio corri-
gendi. Non mutamur in-
dulgentia, si non reno-
vetur offensa. Qui nobis
quod peccavimus indui-
sit, et ne ultra peccare-
mus admonuit. Profuit
clementia. si profecit di-
sciplina. Jam quidem ho-
minem gratia adoptavit,
sed necdum dasmonem
gehenna suscepit. Vio-
ientia peccatum perdidit,
non naturam. Dimicandi
est facultas, non secu-
ritas otiandi. Spoliatus
est adversarius, non ex-
io6
Le Temps Tascal.
stinclus. Gravius necesse
est ut frendeat in amis-
sis, quibus praeerat do-
minando subjectis. Acce-
pimus castra per fidcm,
arma per crucem. signa
per carnem, vexiila per
sanguinem : restât causa
certaminis. Qui enim
auferre necessitatem no-
luit pugnas, spem voluit
probare victoriae. Prîe-
cessit quidem in adop-
tione donum, sed adhuc
restât in conversationc
judicium. Hic promissio
est de munere, illic vi-
cissitude futura est post
laborem. Sit itaqiie ille
ante oculos nostros Do-
mini miserantis affectu>,
quod in taxatione nostia
non aro;enti pondus, non
auri talentum dédit, non
gratiarum fudit ornatum,
sed convitio subdidît se
patibuli, sepulcro susti
nens carneam injuriam,
sepulturani. Nihil majus
potuit dare, nihil melius.
Ut utique sit probandum
quod diligentius nos sibi
servire voluit, qui pre-
tiosiusnos rcdemit.Ergo
ut in nobis redemptionis
suas bénéficia dignetur
perficere, constanter nos
convenit ac perseveran-
ter orare.
tant nos péchés, il nous a
avertis de ne pécher plus. Sa
clémence a été pour nous un
bien, si la pénitence nous a
changés. La grâce divine a
daigné adopter un pécheur ;
mais l'enfer n'a pas encore
reçu le démon, et ne s'est pas
refermé sur lui. On lui a
arraché violemment le pé-
cheur ; mais la nature qui
produit le péché est restée.
L'arène du combat est ou-
verte, et le repos n'aurait
aucune sûreté. L'adversaire
a été dépouillé, mais non tué;
sa rage doit être au comble
d'avoir perdu les sujets qu'il
dominait avec tant d'empire.
La foi est devenue pour nous
un camp, la croix une arme,
la chair et le sang du Christ
un étendard ; reste à attendre
le moment de la bataille. Ce-
lui qui a voulu nous assujettir
au combat comme à une né-
cessité, approuve en nous
l'espoir de la victoire. Il a
commencé par nous octroyer
le don de l'adoption; le juge-
ment lui reste à porter sur
notre vie. Maintenant il nous
promet ses bienfaits : après
l'heure du travail viendra le
moment critique. Ayons donc
devant les yeux le bienfait
du Seigneur plein de miséri-
corde qui, lorsqu'il s'est agi
de notre rançon, n a pas verse
un poids d'argent, un talent d'or, ne s'est pas borné à
répandre ses grâces, mais s'est soumis à un infâme gi
bet, acceptant jusqu'à la plus sanglante insulte dans sa
Le Cinquième Dimanche après Pâques. loy
chair, l'insulte du tombeau. Certes, il ne pouvait rien
faire de plus grand que ce qu'il a fait pour nous, rien
de plus avantageux ; mais il a du exiger que notre ser-
vice envers lui fût d'autant plus soigneux, qu'il a dai-
gné nous rachètera un plus grand prix. Afin donc qu'il
daigne achever en nous les bienfaits de sa rédemption,
attachons-nous avec constance et persévérance à la
prière.
E LUNDI DES ROGATIONS.
ujourd'hui commence une série de
trois jours consacrés à la péni-
tence. Cet incident inattendu paraît
au premier abord une sorte d'ano-
malie dans le Temps pascal ; et néanmoins,
quand on y réfléchit, on arrive à reconnaître
que cette institution n'est pas sans une rela-
tion intime avec les jours auxquels elle se
rapporte. 11 est vrai que le Sauveur disait
avant sa Passion que (( durant le séjour de
l'Epoux au milieu de nous, il ne serait pas
temps de jeûner i ; u mais ces dernières heures
qui précèdent son départ pour le ciel n'ont-
elles pas quelque chose de mélancolique } et
n'étions-nous pas portés tout naturellement
hier à penser à la tristesse résignée et con-
tenue qui oppresse le cœur de la divine
Mère et celui des disciples, à la veille de
perdre celui dont la présence était pour eux
i'avant-goût des joies célestes?
Il noiis faut maintenant raconter comment
et à quelle occasion le Cycle liturgique s'est
complété, dans cette saison, par l'introduc-
tion de ces trois jours durant lesquels la
sainte Eglise, toute radieuse qu'elle était des
splendeurs de la Résurrection, semble vouloir
tout à coup rétrograder jusqu'au deuil qua-
I . Luc. V, 34.
Le Lundi des Rogations. log
dragésimal. L'Esprit-Saint, qui la dirige en
toutes choses, a voulu qu'une simple Église
des Gaules, un peu après le milieu du v" siècle,
vît commencer dans son sein ce rite impo-
sant qui s'étendit rapidement à toute la
catholicité, dont il fut reçu comme un com-
plément de la liturgie pascale.
L'Eglise devienne, l'une des plus illustres
et des plus anciennes de la Gaule méridio-
nale, avait alors saint Mamert pour évoque.
Des calamités de tout genre étaient venues
désoler cette province récemment conquise
par les Burgundes. Des tremblements de
terre, des incendies, des phénomènes ef-
frayants agitaient les populations, comme
autant de signes de la colère divine. Le saint
évêque désirant relever le courage de son
peuple, en le portant à s'adresser à Dieu
dont la justice avait besoin d'être apaisée,
prescrivit trois jours d'expiation durant les-
quels les fidèles se livreraient aux œuvres de
la pénitence, et marcheraient en procession
en chantant des psaumes. Les trois jours qui
précèdent l'Ascension furent choisis pour
l'accomplissement de cette pieuse résolution.
Sans s'en douter, le saint évêque de Vienne
jetait ainsi les fondements d'une institution
que l'Eglise entière allait adopter.
Les Gaules commencèrent , comme il
était juste. Saint Alcime Avit, qui succéda
presque immédiatement à saint Mamert sur
le siège de Vienne, atteste que la pratique des
Rogations était déjà consolidée dans cette
Eglise ^ Saint Césaire d'Arles, au commen-
1. Homil. de Rogationibi:
Le 7 emps Pascal.
cernent du vi^ siècle, en parle comme d'une
coutume sacrée déjà répandue au loin, dési-
gnant au moins par ces paroles toute la por-
tion des Gaules qui se trouvait alors sous le
joug des \isigoths '. On voit clairement que
la Gaule tout entière ne tarda pas d'adopter
ce pieux usage, en lisant les canons portés à
ce sujet dans le premier concile d'Orléans
tenu en 5i i, et réuni de toutes les provinces
qui reconnaissaient l'autorité de Clovis. Les
règlements du concile au sujet des Rogations
donnent une haute idée de l'importance que
l'on attachait déjà à cette institution. Non
seulement l'abstinence de chair est prescrite
pendant les trois jours, mais le jeûne est de
précepte. On ordonne également de dispenser
de leur travail les gens de service, atîn qu'ils
puissent prendre part aux longues fonctions
par lesquelles ces trois jours étaient pour
ainsi dire remplis 2. En 367, le concile de
Tours sanctionnait pareillement l'obligation
du jeûne dans les Rogations 3 ; et quant à
l'obligation de férier durant ces trois jours,
on la trouve reconnue encore dans les Capi-
tulaires de Charlemagne et de Charles le
Chauve.
Le principal rite des Eglises des Gaules
durant ces trois jours consista, dès l'origine,
dans ces marches solennelles accompagnées
de cantiques de supplication, et que Ton a
appelées Processions, parce que l'on se rend
d'un lieu dans un autre. Saint Césaire d'Arles
nous.apprend que celles qui avaient lieu dans
I. Serm. CLXXii, parmi les Sermons de saint Augus-
tin. — 2. Canon xxvn. — 3. Canon ,\vn.
Le Lundi aes Rogations.
les Rogations duraient six heures entières;
en sorte que le clergé se sentant fatigué par
la longueur des chants, les femmes chantaient
en chœur à leur tour, afin de laisser aux mi-
nistres de l'Eglise le temps de respirer i. Ce
détail emprunté aux mœurs des Eglises des
Gaules à cette époque primitive, peut nous
aider à apprécier l'indiscrétion de ceux qui,
en nos temps modernes, ont poussé à l'abo-
lition de certaines processions qui prenaient
une partie notable de la journée, et cela dans
l'idée que cette longueur devait être en
elle-même considérée comme un abus.
Le départ de la Procession des Rogations
était précédé de l'imposition des cendres sur
la tète de ceux qui allaient y prendre part, et
c'était le peuple tout entier. L'aspersion de
l'eau bénite avait lieu ensuite ; après quoi le
pieux cortège se mettait en marche. La Pro-
cession était formée du clergé et du peuple de
plusieurs églises d'un rang secondaire, qui
marchaient sous la croix d'une église princi-
pale dont le clergé présidait la fonction. Tout
le monde, clercs et laïques, marchait nu-
pieds. On chantait la Litanie, des Psaumes,
des Antiennes, et l'on se rendait à quelque
basilique désignée pour la Station, où l'on
célébrait le saint Sacrifice. Sur la route on
visitait les églises qui se rencontraient, et
l'oç y chantait une Antienne à la louange du
mystère ou du saint, sous le titre duquel elles
avaient été consacrées.
Tels étaient à l'origine, et tels ont été long-
Le Temps Pascal.
temps les rites observés dans les Rogations.
Le Moine de Saint-Gall, qui nous a laissé de
si précieux mémoires sur Charlemagne, nous
apprend que le ^rand empereur, en ces
jours, quittait sa chaussure comme les plus
simples tidcles, et marchait nu-pieds à la suite
delà croix, depuis son palais jusqu'à l'église
de la Station i. Au xiir siècle, sainte Elisa-
beth de Hongrie donnait encore le même
exemple; son bonheur était, durant les Ro-
gations, de se confondre avec les plus pauvres
femmes du peuple, marchant aussi nu-pieds,
et couverte d'un grossier vêtement de laine 2.
Saint Charles Borromée, qui renouvela dans
son Eglise de Milan tant d'usages précieux de
l'antiquité, n'eut garde de négliger les Roga-
tions. Par ses soins et par ses exemples, il
ranima dans son peuple l'ancien zèle pour
une pratique si sainte. Il exigea de ses dio-
césains le jeûne pendant ces trois jours, et il
l'accomplissait lui-même au pain et à l'eau.
La Procession, à laquelle tout le clergé de la
ville était tenu d'assister, et qui commençait
Êar l'imposition des cendres , partait du
lôme au point du jour, et ne rentrait qu'à
trois ou quatre heures après midi , ayant
visité le lundi treize églises, neuf le mardi, et
onze le mercredi. Le saint Archevêque célé-
brait le saint Sacrifice dans une de ces églises,
et adressait la parole à son peuple 3, ^
Si l'on compare le zèle de nos pères pour
la sanctification de ces trois journées avec
I. De rcbus bellicis Caroli Magni . cap. xvi. —
2. SURIUS, ad diem xix \ovembris. — 3. GlUSSANO.
Vie de saint Charles Borromée.
Le Lundi des Rogations.
l'insouciance qui accompagne aujourd'hui,
surtout dans les villes, la célébration des
Rogations, on ne saurait manquer de recon-
naître ici encore une des marques de l'affai-
blissement du sens chrétien dans la société
actuelle. Combien cependant sont impor-
tantes les fins que se propose la sainte Eglise
dans ces Processions auxquelles devraient
prendre part tant de fidèles qui ont des loisirs
pieux, et qui, au lieu de les consacrer à ser-
vir Dieu par les œuvres de la vraie piété
catholique, les consument dans des exer-
cices privés qui ne sauraient ni attirer sur eux
les mêmes grâces, ni apporter à la commu-
nauté chrétienne les mêmes secours d'édifi-
cation !
Les Rogations s'étendirent rapidement des
Gaules dans toute l'Eglise d'Occident. Elles
étaient déjà établies en Espagne au vu" siècle,
et elles ne tardèrent pas à s'introduire en
Angleterre, et plus tard dans les nouvelles
Eglises de la Germanie, à mesure qu'elles
étaient fondées. Rome elle-même les adopta
à la fin du viii« siècle, sous le pontificat de
saint Léon III. G était peu de temps aprèsque
les Eglises des Gaules ayant renoncé à la
liturgie gallicane pour prendre celle de Rome,
eurent à admettre dans leurs usages la Pro-
cession de saint Marc. Mais il y eut cette dif-
férence qu'à Rome on conserva à la Proces-
sion du 25 avril le nom de Litanie majeure,
et l'on appela Litanies mineures celles des
Rogations, tandis qu'en France on désigna
ces dernières par l'appellation de Litanies
majeures, en réservant le nom de mineure
pour la Litanie de saint Marc. Mais l'Eglise
LE TEMPS PASCAL
114
Le Temps Fiscal.
romaine, sans blâmer la dévotion des Eglises
des Gaules qui avaient cru devoir intro-
duire dans le Temps pascal trois journées
d'observance quadragésimalc, n'adopta pas
cette rigueur. Il lui répugnait d'attrister par
le jeûne la joyeuse quarantaine que Jésus
ressuscité accorde encore à ses disciples ; elle
s'est donc bornée à prescrire l'abstinence de
la viande durant ces trois jours. L'Eglise de
Milan, qui garde si sévèrement, ainsi que
nous l'avons vu, l'institution des Rogations,
l'a placée aux lundi, mardi et mercredi qui
suivent le dimanche dans l'Octave de l'As-
cension, c'est-à-dire au delà des quarante
jours consacrés à célébrer la Résurrection.
Il faut donc, pour être dans cette véritable
mesure dont l'Eglise romaine ne se départ
jamais, envisager les Rogations comme une
institution sainte qui vient tempérer nos joies
pascales et non les anéantir. La couleur
violette employée à la Procession et à la
Messe de la Station n'a pas pour but de nous in-
diquer encore la fuite de l'Epoux ' ; mais elle
nous avertit que son départ est proche ; et
l'abstinence qui nous est imposée , bien
qu'elle ne soit pas accompagnée du jeûne,
est déjà comme un témoignage anticipé de
nos regrets pour cette chère présence de notre
Rédempteur qui va nous être sitôt ravi.
En écrivant ces lignes destinées à expli-
quer aux fidèles les motifs d'une institution
que l'Eglise a sanctionnée par ses ordon-
nances, \\ nous vient en mémoire que, dans
ces dernières années, l'abaissement des mœurs
I. Gant. fin.
Le Lundi des Rogations. 1 15
chrétiennes est venu à tel point parmi nous,
que plusieurs Eviiques ont cru devoir solli-
citer du Siège apostolique la remise de l'ab-
stinence en ces trois jours, après tant de
siècles, et dans cette même France qui, par
son exemple, avait impose à toute la chré-
tienté la solennité des Rogations. C'est donc
une expiation de moins, une intercession de
moins, un secours de moins, en un siècle
déjà si appauvri des moyens par lesquels la
vie chrétienne se conserve, par lesquels le
ciel est fléchi, les grâces de salut obtenues.
Puissent les vrais "fidèles en conclure que
l'assistance aux Processions de ces trois )ours
est devenue plus opportune que jamais, et
qu'il est urgent de compenser, en s'unissant à
la prière fiturgique, l'abolition d'une loi sa-
lutaire qui datait de si loin, et qui, dans ses
exigences, pesait si légèrement sur notre
mollesse !
Selon la discipline actuelle de l'Eglise, les
Processions des Rogations, dont l'intention
est d'implorer la miséricorde de Dieu offensé
par les péchés des hommes, et d'obtenir la
protection céleste sur les biens de la terre,
sont accompagnées du chant des Litanies des
Saints, et complétées par une Messe spéciale
qui se célèbre soit dans l'église de la Station,
soit dans l'église même d'où la Procession
est partie, si elle ne doit pas s'arrêter dans
quelque sanctuaire.
On ne saurait trop estimer les Litanies des
Saints, à cause de leur puissance et de leur
efiicacité. L'Eglise y a recours dans toutes
les grandes occasions, comme à un moyen de
se rendre Dieu propice, en faisant un appel à
ii6
Le Lundi des Rogations.
la cour céleste tout entière. Si l'on ne pou-
vait prendre part aux Processions des Roga-
tions, que l'on récite du moins ces Litanies
en union avec la sainte Eglise : on aura part
aux avantages d'une si sainte institution, et
on contribuera à obtenir les grâces que la
chrétienté sollicite de toutes parts en ces
trois )ours ; entin on aura fait acte de ca-
tholique.
Nous insérons ici la Messe des Rogations,
qui est la. même pour les trois jours. Tout y
parle de la nécessité et de la puissance de la
prière. La sainte Eglise y revêt la couleur
quadragésimale pour exprimer ses intentions
expiatrices; mais tout en elle respire la con-
tîance et l'espoir d'être exaucée ; on sent
qu'elle s'appuie sur l'amour de son Epoux
ressuscité.
LA MESSE DES ROGATIONS.
I 'Introït tiré des Psaumes annonce d'avance
^ la miséricorde du Seigneur, qui a exaucé
la prière de son peuple, tout aussitôt qu'elle
est montée vers lui.
EXAUDiviT de templo
sancto suo vocem
meam, alléluia : et cla-
mor meus in conspectu
ejus introivit in aures
cjus, alléluia, alléluia.
Ps. Diligam te, Domi-
ne, viriusmea . Dominus
firmamentum meum et
D
E son temple saint, le Sei-
gneur a exaucé ma prière,
alléluia ; et le cri que j'ai
poussé en sa présence a péné-
tré jusqu'à ses oreilles, allé-
luia, alléluia.
Ps. Je vous aimerai, Sei-
gneur qui 'èies ma force ; le
Seigneur est mon appui, mon
La Messe des Rogations.
ïiy
refuge et mon libérateur.
Gloire au Père. De son tem-
ple.
refuglum meum, et libe-
rator meus. Gloria Patri.
Exaudivit.
Dans la Collecte, l'Eglise expose à Dieu les
besoins de ses enfants, le priant de recon-
naître la confiance avec laquelle ils recourent
à lui, et implorant pour eux sa protection
dans leurs nécessités.
FUTES, s'il vous plaît, ô
Dieu tout-puissant, que
nous qui, dans nos afflictions,
mettons notre confiance en
votre bonté, nous soyons for-
tifiés par votre protection
contre toute adversité. Par
Jésus-Christ notre Seigneur.
Amen.
Pr^sta. quassumus
omnipotens Deus, ut,
qui in afflictione nostra
de tua pietate confidimus,
contra adversa omnia,
tua semper protectione
muniamur.Per Dominum
nostrum Jesum Chris-
tum. Amen.
On ajoute les autres Collectes, comme à la
Messe du cinquième Dimanche après Pâques,
ci-dessus, page 94 .
Lecture de l'Epître de saint LectioEpistolae beati Ja-
Jacques, Apôtre. Ch.\p. v. cobi Apostoli. Cap. v.
MES bien-aîmés, confessez
vos fautes les uns aux
autres, et priez les uns pour
les autres, afin que vous soyez
sauvés ; car la prière persé-
vérante du juste peut beau-
coup. Elie était un homme
semblable à nous, sujet à la
souffrance ; cependant, quand
il eut prié avec instance pour
obtenir que la pluie cessât de
CHARISSI.MI, Confite-
mini alterutrum pec-
cata vestra, et orate pro
invicem ut salvemini •
multum enijn valet de-
precatio justi assidua.
Elias homo erat similis
nobis, passibilis : et ora-
tione oravit ut non plue-
ret super terram, et non
pluit aunos très, et men-
ses sex. Et rursum ora-
vit : et ccelum dédit plu-
viam, et terra dédit fruc-
tum suum. Fratres mei,
si quis ex vobis errave-
rit a veritnte, et conver-
terit quis eum : scire dé-
bet quoniam qui converti
fecerit peccatorem ab
errore viœ suœ, salvabit
animam ejus a morte, et
operiet multitudinem pcc-
catorum.
tomber sur la terre, il n'y eut
pas de pluie durant trois ans
et six mois ; puis il pria de
nouveau, et le ciel donna de
la pluie, et la terre produisit
son fruit. Mes frères, si l'un
de vous s'écarte de la vérité,
et que quelqu'un l'y fasse
rentrer, il doit savoir que
celui qui aura fait sortir un
pécheur de l'erreur de sa voie,
sauvera de la mort son âme à
soi, et couvrira la multitude
de ses péchés.
C'est encore à l'Apôtre saint Jacques le
Mineur que la sainte Eglise emprunte
l'Epître aujourd'hui ; et l'on ne saurait trop
admirer l'à-propos que présentent les paroles
de l'écrivain inspiré. L'une des fins de l'insti-
tution des Rogations est d'obtenir de la bonté
de Dieu la température convenable pour les
fruits de la terre, et saint Jacques nous
montre, par l'exemple d'Elie, que la prière
peut rendre le ciel serein, ou en faire des-
cendre une pluie fécondante. Imitons la foi
du prophète, et recommandons au Seigneur
les moissons, qui ont tant besoin encore de
sa bonté pour arriver à leur maturité, et
pour échapper aux fléaux qui pourraient
fondre sur elles. Un autre but des Rogations
est d'obtenir la rémission des péchés. Si nous
prions avec ferveur pour nos frères qui sont
égarés, nous obtiendrons en leur faveur des
miséricordes particulières. Nous ne connaî-
trons peut-ctre pas en ce monde ceux que
notre prière, unie à celle de la sainte Eglise,
aura retirés de la voie du péché ; mais
La Messe des Rogations.
^'9
l'Apôtre nous apprend que notre charité
recevra la plus précieuse récompense, l'ef-
fusion de la miséricorde de Dieu sur nous-
mêmes.
Pour exprimer le deuil et la componction
dans cette Messe des Rogations, l'Eglise, qui
a revêtu la couleur violette, arrête la jubila-
tion de ses cantiques ; elle ne se permet
qu'un seul Verset alléluiatique, lequel d'ail-
leurs continue d'exprimer ses espérances'
f. Louez le Seigneur, parce
qu'il est bon, parce que sa
miséricorde est à jamais.
A
j^. Confitemini Domi-
no, quoniam bonus : quo-
niam in sœculum miseri-
cordia ejus.
La suite du saint Evangile
selon saint Luc. Chap. xi.
EN ce temps-là, Jésus dit à
ses disciples : Si l'un de
vous a un ami, et que, l'al-
lant trouver au milieu de la
nuit, il lui dise : Mon ami,
prête-moi trois pains, parce
qu'un de mes amis en voyage
est venu chez moi, et je n'ai
rien à lui donner ; et que du
dedans de la maison l'autre
réponde : Ne m'importune
pas, la porte est fermée, et
mes serviteurs sont au lit
comme moi ; je ne puis me
Sequentia sancti Evan-
gelii secundum Lucam.
Cap. XI.
I N illo tempore : Dixit
1 Jésus discipulis suis :
Quis vestrum habebit
amicum, et ibit ad illum
média nocte, et dicet illi :
Amice, commoda mihi
très panes, quoniam arni-
cas meus venit de via ad
me, et non habeo quod
ponam ante illum ; et ille
deintus respondens di-
cat : Noii mihi molestus
esse, jam ostium clausum
est, et pueri mei mecum
J20
Le Lundi des Rofçations.
sunt in cubili : non pos-
sum surgere, et date tibi.
Et si ille perseveraverit
pulsans : dico vobis, et
si non dabit illi surgens
eo quod amicus ejus sit,
propter improbitatem ta-
roen ejus surget, et dabit
illi quotquot habet neces-
sarios. Et ego dico vobis :
Petite, et dabitur vobis :
quaerite, et invenietis :
Eulsate, et aperietur vo-
is. Omnis enim qui pe-
tit, accipit : et qui quns-
rit, invenit : et pulsanti
aperietur. Quis autem ex
vobis patrem petit pa-
nem, numquid lapidem
dabit illi ? Aut piscem :
numquid pro pisce ser-
pentem dabit illi ? Aut si
petierit ovum : numquid
gorriget illiscorpionem ?
ai ergo vos, cura sitis
mali, nostis bona data
dare filiisvestris : quanto
magis Pater vcster de
cœlo dabit spiritum bo-
num petentibus se !
lever et te rien donner. Si
cependant le premier conti-
nue de frapper, quand même
il ne se lèverait pas d'abord
et ne lui donnerait rien par le
motif de l'amitié ; à cause de
son importunité, je vous le
dis, il se lèvera et lui don-
nera ce dont il a besoin. Je
vous dis de même : Deman-
dez, et l'on vous donnera ;
cherchez, et vous trouverez ;
frappez, et l'on vous ouvrira.
Car quiconque demande, re-
çoit ; et qui cherche, trouve ;
et à qui frappe, on ouvrira.
Est-il parmi vous un père qui
donnât à son fils une pierre,
lorsqu'il lui demande du pain ?
ou qui lui donnât un serpent,
lorsqu'il lui demanderait un
poisson ? ou qui lui donnât
un scorpion, lorsqu'il lui
demanderait un œuf ? Si
donc vous, qui êtes mauvais,
savez donner de bonnes
choses à vos enfants ; com-
bien plus votre Père céleste
donnera-t-il l'Esprit bon à
ceux qui le lui demandent !
UsT-iL rien, dans les sai-ots Evangiles, qui
soit plus expressif sur la toute-puissance
de la prière que ces paroles de notre Sau-
veur ? La sainte Eglise, en nous les taisant
lire aujourd'hui , nous montre assez sans
doute l'importance des Rogations, puisque
c'est en ces jours qu'elle nous révèle la vertu
de l'intercession, qui triomphe des refus
même de Dieu. Le choix des lectures de la
La Messe des Rotations.
sainte Ecriture dans la Liturgie est un en-
seignement permanent et toujours à propos :
on a dû le reconnaître jusqu'ici. En ces trois
jours où il s'agit de fléchir le ciel offensé, rien
n'était plus nécessaire que de faire bien com-
prendre aux chrétiens le pouvoir qu'exerce
sur Dieu lui-même l'insistance dans la
prière. Les Litanies qui ont été chantées dans
le cours de la Procession nous offrent un
modèle de cette sainte obstination dans la
prière. Nous n'avons cesse de répéter : « Sei-
gneur ! ayez pitié; délivrez-nous, Seigneur!
Nous vous en supplions, exaucez-nous ! » En
ce moment la médiation de notre divin
Agneau pascal offert sur l'autel se prépare, et
dans peu d'instants il joindra à nos faibles
vœux son entremise toujours efficace. Muni
d'un tel gage, nous nous retirerons, assurés de
n'avoir pas prié en vain. Prenons donc aussi
la résolution de ne plus nous tenir éloignés
de la sainte FIglise dans ses pratiques, et de
préférer toujours la prière faite avec elle à
toute autre que nous offririons à Dieu en
notre particulier, dans les jours où cette
Epouse du Sauveur, cette mère commune,
veut bien nous convier à prendre part aux
devoirs de supplication que, dans notre
intérêt, elle rend à son céleste Epoux,
Dans l'Offertoire emprunté aussi à David,
elle loue le Seigneur qui, malgré l'indignité
de l'homme pécheur, s'est laissé vaincre par
ses instances, et s'est levé pour le défendre
et subvenir à ses besoins.
Le Lundi des Rogations.
OFFERTOIRE.
CONFITEBOR Domino
nimis in ore meo :
et in medio multorum
laudabo eum, qui adsti-
tit a dextris pauperis . ut
salvam faceret a perse-
quentibus animam meam,
alléluia.
I E louerai le Seigneur avec
J tous les accents de ma
voix ; je chanterai ses lou-
anges au milieu d'une nom-
breuse assemblée ; car il s'est
tenu à la droite du pauvre,
et il a sauvé mon âme des
atteintes de ceux qui la pour-
suivaient, alléluia.
Les liens de nos péchés nous tenaient en-
chaînés, et nous ne pouvions pas nous-mêmes
revenir à Dieu; la victime pascale nous a
rendus à la liberté, et chaque fois que son
Sacrifice se renouvelle sur l'autel, c'est notre
délivrance qui s'opère de nouveau. La
sainte Eglise, dans la Secrète, représente au
Dieu tout-puissant les motifs sur lesquels
s'appuie notre confiance dans l'Hostie divine
dont il nous a fait don.
HJEC munera, quœsu-
mus Domine, et
vincula nostrœ pravitatis
absolvant, et tuœ nobis
misericordias dona conci-
lient. PerDominum.
PAR cette oblation, Sei-
gneur, daignez nous dé-
gager des liens de notre ma-
lice, et nous concilier les
dons de votre miséricorde.
Par Jésus-Christ.
On ajoute les autres Secrètes, comme à la
Messe du cinquième Dimanche après Pâques,
ci-dessus, page loi.
L'Antienne de la Communion répète avec
jubilation les paroles du Sauveur que nous
avons entendues dans notre Evangile. C'est
lui-même qui nous autorise à tout oser dans
La Messe des Rogations.
123
la prière. Nul de nous n'aurait osé dire :
« Quiconque demande à Dieu reçoit l'effet
de sa demande » ; mais maintenant que le
Fils de Dieu est venu du ciel en terre pour
nous l'apprendre, notre consolation doit être
de le répéter sans cesse.
COMMUNION.
DEMANDEZ, et VOUS rece-
vrez ; cherchez, et vous
trouverez ; frappez, et on
vous ouvrira. Car quiconque
demande, reçoit ; quiconque
cherche, trouve ; et à celui
qui frappe, on ouvrira, allé-
luia.
PETITE, et accipietis :
quaerite, et invenie-
tis : pulsatc, et aperietur
vobis : omnis enim qui
petit accipit : et qui quœ-
rit invenit : et pulsanti
aperietur, alléluia.
Le Sacrifice de paix est consommé, et la
confiance de l'Eglise s'épanche dans les
paroles d'actions de grâces que renferme la
Postcommunion. Le don sacré a apporté la
consolation , la sainte Eglise espère que ses
enfants en profiteront pour faire de nouveaux
progrès dans l'amour.
POSTCOMMUNION.
DAIGNEZ, Seigneur, agréer
favorablement nos vœux ;
afin qu'en recevant vos dons
au milieu de notre tribula-
tion, la consolation que vous
nous donnez nous fasse croî-
tre dans votre amour. Par
Jésus-Christ.
VOTA nostra, qusesu-
mus Domine, pio fa-
vore prosequere : ut, dum
dona tua in tribulatione
percipimus, de consola-
tione nostra in tuo amore
crescamus. Per Domi-
num.
On ajoute les autres Postcommunions ,
comme à la Messe du cinquième Dimanche
après Pâques, ci-dessus, page io3.
124
Le Temps Pascal.
XTous aioutons ici un fragment liturgique
\^ tire de la Messe des Rogations selon l'an-
tique rite gallican. Cette prière fait partie
des supplications du premier jour, et doit
remonter à la plus haute antiquité. On est à
même d'y reconnaître l'importance que l'on
attachait au jeûne des Rogations dans l'Eglise
des Gaules, au temps des Mamert de Vienne
etdesCésaire d'Arles.
•yu
POST NOMINA.
A sunt, Domine, ali-
monia, quibus in
quotidiano victu ad sus-
tentationem reficimur :
tuaque jejunia, quibus
carnem a lubrica volup-
tate. te praecipiente. res-
tringimus. Tu ad conso-
lationem nostram vicis-
situdines temporum dis-
posuisti • ut tempus
edendi corpora nostra
refectio sobria aleret ;
et jejunandi tempus ea
io justitiam tibi placitam
faceret macerata. -Hanc
hostiam ob jejunia tri-
duanœ macerationis a
nobis oblatam sanctifi-
cans dignanter adsume,
et prjesta placatus : ut
sopita delectatione cor-
porea. mens ab iniquita-
tibus pariterconquiescat.
Per Christum Dominum
nostrum. Amen,
en même
ILS sont à vous, Seignetir,
}■ ces aliments dont chaque
jour nous nous servons pour
soutenir nos forces ; ils sont
à vous aussi, les jeûnes par
lesquels nous contenons, pour
V0US obéir, nos sens entraî-
nés par le désir d'être satis-
faits. C'est VOUS qui, pour
notre consolation, avez ré-
glé l'ordre des temps, en sorte
que nos corps eussent à atten-
dre une réfection sobre des-
tinée à les nourrir, dans la
saison où il est opportun de
le faire, et que, en d'autres
temps, le devoir du jeûne les
châtiât, et fît d'eux un hom-
mage à votre justice. Daignez
recevoir aujourd'hui et sanc-
tifier l'hostie que nous vous
offrons pour accompagner la
sévérité de es jeûne de trois
jours, et accordez-nous la
grâce de sentir en notre âme
le penchant au mal s'apaiser.
temps que nous retirons à nos corps les
tactions ordinaires. Par Jésus-Christ notre Sei,
atis-
gneur.
nous-y,
le ciel,
yyyyyyyyyyyyyy
LE MARDI DES ROGATIONS.
ES Supplications de l'Eglise conti-
nuent aujourd'hui encore, et l'ar-
mée du Seigneur parcourt pour la
seconde fois les rues des cités et les
chemins ombragés des campagnes. Joignons-
et faisons entendre ce cri qui pénètre
Kyrie eleison ! Seigneur, aye^ pitié !
Songeons au nombre immense de péchés
que chaque jour et chaque nuit voient se
commettre, et implorons miséricorde. Aux
)ours du déluge, « toute chair avait corrompu
sa voie ^ » ; mais les hommes ne songeaient
pas à demander grâce au ciel. « Le déluge
« vint et les perdit tous », dit le Seigneur 2,
S'ils eussent prié, s'ils eussent fait amende
honorable à la divine justice, la main de
Dieu se fût arrêtée ; elle n'eût pas déchaîné
sur -la terre les cataractes du grand abîme 3.
Un jour doit venir aussi, où non plus les eaux,
mais un feu allumé à la colère céleste s'élan-
cera tout à coup, et il embrasera cette terre
que nous foulons. Il brûlera jusqu'aux racines
des montagnes *, et dévorera les pécheurs
qui seront surpris dans leur fausse sécurité,
comme il arriva aux jours de Noé.
Mais auparavant la sainte Eglise, opprimée
par ses ennemis, décimée par le martyre de
ses enfants, réduite aux abois par les défec-
I. Gcn. VI, 12. — 2. Luc. XVII, 27. — 3. Gen. viii, 2.
— 4. Dcut. xxxii, 22.
126 Le Temps Pascal.
lions, dépourvue de tout appui terrestre,
sentira que le jour est proche; car la prière
sera devenue rare comme la foi. Veillons
donc et prions, atin que ces jours de la con-
sommation soient retardes, afin que la vie
chrétienne si épuisée reprenne un peu de
vigueur, et que ce monde vieilli ne s'atfaisse
pas en nos temps. Nous sommes encore par-
tout, mais notre nombre a diminué visible-
ment. L'hérésie occupe de vastes régions où
la catholicité fleurissait autrefois ; dans les
pays épargnés par l'hérésie, l'incrédulité et
l'indifférence ont amené la plupart des
hommes à n'être plus chrétiens que de nom,
et à enfreindre sans remords les devoirs reli-
gieux les plus essentiels; chez un grand
nombre de ceux qui remplissent encore leurs
obligations de catholiques, les vérités sont
diminuées^, l'énergie de la foi a fait place à.
la mollesse dans les convictions, des conci-
liations impossibles sont tentées et suivies,
les sentiments etles actions des saints qu'ani-
mait l'Esprit de Dieu, les actes et les ensei-
gnements de l'Eglise sont taxés d'exagération
et d'incompatibilité avec un soi-disant pro-
grès ; la recherche des aises est devenue une
étude sérieuse, la poursuite des biens ter-
restres une noble passion, l'indépendance
une idole à laquelle on sacrifie tout, la sou-
mission une honte qu'il faut fuir ou dissimu-
ler ; enfin le sensualisme, comme une im-
pure atmosphère, imprègne de toutes parts
une société que l'on dirait axoir résolu d'a-
bolir jusqu'au souvenir de la Croix.
I. Psalm. XI.
Le Mardi des Rogations. i 2j
De là tant de périls pour cette société qui
rêve d'autres conditions que celles que Dieu
lui a voulu imposer. Si l'Evangile est divin,
comment les hommes en pourraient-ils
prendre le contre-pied, sans provoquer le
ciel à lancer sur eux ces fléaux qui écrasent
quand ils ne sauvent pas ? Soyons justes, et
sachons convenir de nos misères devant la
souveraine sainteté : les péchés de la terre se
multiplient en nombre et en intensité d'une
manière effrayante ; et pourtant, dans le
tableau que nous venons de tracer, nous
n'avons parlé ni de l'impiété forcenée, ni
des enseignements pervers dont le poison
circule partout, ni des pactes avec Satan qui
menacent notre siècle de descendre au niveau
des siècles païens, ni de la conspiration
ténébreuse organisée contre tout ordre, toute
justice, toute'vérité. Encore une fois, unis-
sons-nous à la sainte Eglise, et crions avec
elle en ces jours : « De votre colère, délivrez-
nous. Seigneur ! »
Une autre rîn des Rogations est d'attirer la
bénédiction de Dieu stir les moissons et les
fruits de la terre ; c'est la demande du jpain
quotidien qu'il s'agit de présenter solennel-
lement à la majesté divine. « Tous les êtres,
tt dit le Psalmiste, élèvent avec espoir leurs
« yeux vers vous, Seigneur, et vous leur don-
« nez leur nourriture en la saison conve-
« nable ; vous ouvrez la main, et vous répan-
« dez votre bénédiction sur tout ce qui res-
« pire 1. » Appuyée sur ces touchantes pa-
roles, la sainte Eglise supplie le Seigneur de
1. Psalm. cxLiv.
/2 c*? Le Temps Pascal.
donner, cette année encore, aux Ixibitants de
la terre la nourriture dont ils onr besoin.
Elle confesse qu'ils en sont indignes par
leurs offenses; reconnaissons avec elle les
droits de la divine justice sur nous, et con-
jurons-la de se laisser vaincre par la miséri-
corde. Les tîéaux qui pourraient arrêter tout
court lesespérancesorgueilleusesde l'homme
sont dans la main de Dieu ; il ne lui en
coûterait pas un effort pour anéantir tant de
belles spéculations : un dérangement dans
l'atmosphère suffirait pour mettre les peuples
aux abois. La science économique a beau
faire ; bon gré, mal gré, il lui faut compter
avec Dieu. Elle parle de lui rarement ; il
semble consentir à se voir oublié ; mais (( il
ne dort pas, celui qui garde Israël i. » Qu'il
retienne sa main bienfaisante, et nos travaux
agricoles, dont nous sommes si fiers, nos
cultures, à l'aide desquelles nous nous van-
tons d'avoir rendu la famine impossible, sont
aussitôt frappés de stérilité. Une maladie
dont la source demeurera inconnue fondra
tout à coup, nous l'avons vu, sur les produits
de la terre ; et ce serait assez pour affamer
les peuples, assez pour amener les plus
terribles perturbations dans un ordre social
qui s'est affranchi de la loi chrétienne, et n'a
plus d'autre raison de tenir debout que la
compassion divine.
Et cependant, si le Seigneur daigne cette
année encore octroyer fécondité et protec-
tion aux moissons que nos mains ont semées,
il sera vrai de dire qu'il aura donné la nour-
Le Mardi des Rogations. 12g
riture à ceux qui l'oublient, à ceux qui le
blasphèment, comme à ceux qui pensent à
lui et l'honorent. Les aveugles et les pervers,
abusant de cette longanimité, en profiteront
pour proclamer toujours plus haut l'invio-
labilité des lois de la nature; Dieu se taira
encore, et il les nourrira. Pourquoi donc
n'éclate-t-il pas ? pourquoi contient-il son
indignation ? C'est que son Eglise a prié,
c'est qu'il a reconnu sur la terre les dix
justes i, c'est-à-dire le contingent si faible
dont il se contente dans son adorable bonté.
Il laissera donc parler et écrire ces savants
économistes qu'il lui serait si aisé de con-
fondre. Grâce à cette patience, il adviendra
que plusieurs se lasseront de courir ainsi les
voies de l'absurde ; une circonstance inat-
tendue leur dessillera les yeux, et un jour ils
croiront et prieront avec nous. D'autres s'en-
fonceront toujours plus avant dans leurs
ténèbres ; ils défieront la justice divine jus-
qu'à la fin, et mériteront que s'accomplisse
sur eux ce terrible oracle : « Le Seigneur a
fait toutes choses pour lui-même, et l'impie
pour le jour mauvais -. »
Pour nous qui nous faisons gloire de la sim-
Ê licite de notre foi, qui attendons tout de
lieu et rien de nous-mêmes, qui nous recon-
naissons pécheurs et indignes de ses dons,
nous implorerons, durant ces trois jours, le
pain de sa pitié, et nous dirons avec la sainte
Eglise ; « Daignez donner et conserver les
fruits de la terre : Seigneur, nous vous en sup-
plions, exaucez-nous ! » Qu'il daigne exaucer
LE TEMPS PASCAL.
i3o Le Temps Pascal.
cette fois encore le cri de notre détresse ! Dans
un an nous reviendrons lui adresser la même
demande. Marchantsous l'étendard de la croix,
nous parcourrons encore les mêmes sentiers,
faisant retentir les airs des mûmes Litanies,
et notre confiance se fortifiera de plus en plus,
à la pensée que, par toute la chrétienté, la
sainte Eglise conduit ses enfants dans cette
marche aussi solennelle qu'elle est suppliante.
Depuis treize siècles, le Seigneur est accou-
tumé à recevoir les vœux de'ses fidèles à cette
époque de l'année ; nous ne voudrons plus
désormais atténuer les hommages qui lui sont
dus, et nous ferons nos efforts pour suppléer,
par l'ardeur de nos prières, à l'indiftcrencc
et à la mollesse qui s'unissent trop souvent,
pour faire disparaître de nos mœurs tant de
signes de catholicité qui furent chers à nos
pères.
La Messe des Rogations est la même que
celle d'hier; on la trouvera ci-dessus, ;?<30'^ 1 16.
"M eus ajouterons ici une prière empruntée h.
^^ l'antique Liturgie gallicane, et composée
à l'époque où la pieuse institution à laquelle
sont consacrés ces trois jours était encore dans
sa première ferveur.
CONTESTATIO.
\J ERE dignum et jus-
tum est. te tota cor-
dis contritione in jejunio
laudare, omnipotens sera-
pilerne Deus, per Chris-
T L est juste et raisonnable, ô
Dieu tout-puissant et éter-
nel, de vous offrir nos vœux,
en accompagnant ce jeune
annuel de toute la contrition
Le Mardi des Rotations.
de nos cœurs, par Jésus-
Christ notre Seigneur, qui
étant venu à nous pour nous
manifester la profondeur de
vos mystères, nous a révélé
le symbole qui fut offert aux
yeux de Noé dans la branche
de l'olivier pacifique que la
colombe portait dans son
bec, lorsqu'il nous a présenté
le signe glorieux de la croix,
qui est l'arbre verdoyant.
Cet arbre, que la colombe
mystique a dédié à l'honneur
du Christ, elle l'a en même
temps sanctifié par la grâce
de l'Esprit-Saint. afin qu'il
fût pour tous l'objet d'un
culte religieux, et nous inspi-
rât le désir de retracer en
nous l'innocence de cet oi-
seau, et ds recevoir la sancti-
fication par le divin Esprit
dont il figura un jour la pré-
sence. Nous offrons donc nos
vœux dans ce jeûne et cette
humiliation de trois jours,
portant en tète des bataillons
formés de fidèles le signe
invincible de la croix, et
faisant retentir dans le chant
■tum Dominum nostrum.
Qui nos mysteriorum
tuorum secretis infor-
mans, pacificum nemus
ore columbœ gestatum,
Noe oculis ostendens,
nobis de virente arbore
crucis gloriosum signum
expressit : quem colum-
hœ species in Christi de-
coravit honore, cunctis
colendum Spiritus sanc-
tificatione demonstrans.
Cujus animalis innocen-
tia esse similes prœop-
tantes. ab eoque sancti-
ficari Spiritu. cujus ipse
sumpsit speciem, exoran-
tes ; in hoc jejunio tri-
duana humiliatione ins
tituto, invictum hoc si-
gnum cum plebium cu-
neis prœferentes. atque
Majestatem tuam psal
lencii modulatione lau-
dantes, petimus, omnipo-
tens Deus : ut accipias
cuncta plebis vota, quas-
que quoquo ritu tibi red-
dit subjecta : et ita eos
in hoc jejunio sanctifices,
ut a cunctis mereantur
exui peccatis.
des psaumes la louange de
votre divine Majesté. Nous
vous supplions, ô Dieu tout-puissant, d'agréer tous le
hommages que vous présente votre peuple et tous les
rites sous lesquels il les exprime, et de nous accorder,
au moyen de ce jeûne, la sanctification de nos âmes, en
eur faisant mériter d'être affranchies de tout péché.
«tlA ftlA i\lX (VIA fXlA, <tlA eX^ CXiX CXlA <\iX CtlA «TiA
LE MERCREDI DES ROGATIONS
LA VIGILE DE l'aSCENSION.
!ouR la troisième fois la sainte Eglise
reprend sa marche, et .=ort du saint
temple, atin de faire un dernier
appel à la divine miséricorde. Ran-
geons-nous sous sa bannière, et unissant nos
voix à la sienne, invoquons avec elle le secours
des Saints. Elle est glorieuse, mais aussi elle
est puissante, la Litanie dans laquelle sont
invoqués tour à tour les chœurs de la Jéru-
salem céleste. C'est l'Eglise triomphante s'u-
nissant à l'Eglise militante pour obtenir le
salut de la teVre.
Marie, Mère de Dieu, Vierge des vierges,
miracle de la puissance divine, employez en
notre faveur votre maternelle médiation
auprès de celui qui étant Dieu est aussi votre
fils.
Michel l'invincible, Gabriel, heureux mes-
sager du salut, Raphaël, médecin compatis-
sant de nos misères ; Anges et Archanges qui
veillez à notre défense et coopérez a notre
salut ; hiérarchies célestes qui attendez les
élus de la terre pour renforcer vos rangs,
intercédez pour vos frères et vos clients.
Jean-Baptiste, précurseur de l'Agneau de
Dieu ; Joseph, époux de Marie immaculée,
père nourricier du Fils de Dieu ; Patriarches,
ancêtres majestueux de la race humaine,
Le Mercredi des Rogations. i33
aïeux du divin Messie ; Prophètes qui avez
annoncé sa venue et décrit tous ses traits,
afin que la terre reconnût en lui son Sau-
veur • souvenez-vous des habitants de cette
terre lointaine sur laquelle vous avez été
voyageurs.
Pierre, Pasteur universel, porte-clefs du
royaume des cieux , Paul, apôtre des Gentils,
armé du glaive de la parole et consommé par
le glaive du martyre ; André, crucifié comme
votre Maître , Jacques le Majeur, enfant du
tonnerre, fondateur du royaume Catholique,
Jean le Bien-Aimé, fils et gardien de Marie,
Evangcliste et le dernier des Prophètes ; Tho-
mas, apôtre des Indes, immolé par la lance ;
Jacques le Mineur, appelé frère du Seigneur ,
Philippe, qui avez évan^élisé les Scythes et
rencontré la croix à Hierapolis ; Barthélemi,
docteur de l'Arménie, arrosée de votre sang ;
Evangéliste Matthieu, qui êtes allé porter "la
foi jusque dans les régions brûlantes de l'E-
thiopie ; Simon, dont la Mésopotamie a en-
tendu la voix ; Thaddée, qui avez affronté
l'Egypte et ses idoles ; Mathias, appelé à pren-
dre la place du traître Judas, et digne d'un
tel honneur ; Barnabe, compagnon de Paul,
et plus tard la lumière de rile" de Chypre ;
Luc, disciple de l'Apôtre des Gentils, histo-
rien du Verbe incarné ; Marc, disciple de
Pierre, qui avez écrit sous sa dictée l'Evan-
gile du salut : nous vous saluons tous avec
amour comme nos pères dans la foi ; priez en
ces jours avec nous et pour nous.
Disciples du Seigneur, qui, sans avoir été
élevés jusqu'au rang des Apôtres, fûtes choi-
sis par lui pour être leurs coopérateurs, et
i34 Le Temps Pascal.
qui, au jour de la Pentecôte, avez été rem-
plis des feux de l'Esprit-Saint ; tendres
enfants de Bethlchem, prémices des Martyrs :
daignez tous vous associer à nos supplica-
tions.
Etienne le Couronné, Laurent, dont le front
est ceint de lauriers, Vincent le Victorieux,
tous trois unis dans la forte milice du dia-
conat ; Fabien, pontife désigné par la colombe
céleste ; Sébastien, noble chevalier de la sainte
Eglise ; Jean et Paul, Corne et Damien, Ger-
vais et Protais, généreux frères qui avez com-
battu le même combat : armée innombrable
des Martyrs, protégez-nous à l'ombre de vos
palmes.
Silvestre, pontife de la paix ; Grégoire,
vicaire du Christ dans sa m^ansuétude comme
dans son autorité ; Ambroise, dont la parole
fut douce comme le miel, et la force indomp-
table comme celle du lion ; Augustin, soleil
de vérité, apôtre de la charité divine ; Jérôme,
interprète inspiré de la parole de Dieu ;
Martin, thaumaturge .de l'Occident ; Nicolas,
thaumaturge de l'Orient : saints pontifes,
saints docteurs, ramenez à Jésus ses brebis
errantes.
Antoine, la gloire du désert, le vainqueur
de Satan ; Benoît, nouvel Abraham, entouré
d'une postérité sans nombre ; Bernard, sou-
tien de la sainte Eglise, favori de l'auguste
Reine des cieux ; Dominique, prédicateur de
ta vraie doctrine, tiéau de l'hérésie ; Fran-
çois, amant et époux de la pauvreté, crucifié
avec le Christ : nous vous honorons tous ;
ranimez dans nos âmes le sentiment de la per-
fection chrétienne.
Le Mercredi des Rogations i35
Prêtres du Seigneur, saints moines, saints
ermites, saints confesseurs, priez pour ce peu-
ple qui implore votre secours.
Marie-xMadeleine , pécheresse sanctifiée ,
amante du Rédempteur , obtenez-nous la
componction du cœur qui répare le péché par
l'amour.
Agathe et Lucie, fleurs odorantes de l'heu-
reuse Sicile ; Agnès, qui suivez partout l'A-
gneau divin ; Cécile, couronnée de roses et
de lis, brillante reine de l'harmonie ; Cathe-
rine, vierge sage qui confondîtes la fausse
sagesse des philosophes ; Anastasie, femme
forte qui avez triomphé des épreuves de la
vie et de la rigueur des supplices : vous
toutes, vierges sacrées ou épouses fidèles,
jetez un regard de compassion sur les habi-
tants de la terre.
Saints et saintes de Dieu, justes de tout
âge, de tout sexe et de toute condition, qui
peuplez déjà l'empyrée, souvenez-vous de
nous qui gémissons encore dans cette vallée de
larmes, e"t élevez nos cœurs jusqu'au séjour
de l'éternel bonheur çque les vanités de ce
monde nous feraient si souvent oublier.
La Litanie est achevée; et, pour la troi-
sième fois, l'auguste Sacrifice va sceller la
réconciliation dïi Dieu offensé avec ses en-
fants coupables ; espérons désormais une
année tranquille et féconde. Daigne le Sei-
gneur, en l'année qui suivra celle-ci, accroître
le nombre de ceux qui viendront s'unir à son
Eglise pour implorer le pardon général !
"^La Messe des Rogations se trouve ci-dessus,
au 'Lyjindi, page ii6. Assistons-y avec le sen-
i36
Le Temps Pascal.
timcnt de l'insuffisance de nos réparations
personnelles, mais avec une entière con-
fiance dans les mérites infinis de la victime
pascale.
P NFiN nous nous pénétrerons une dernière
fois de l'esprit de pénitence qui animait
en ces trois jours l'antique Eglise des Gaules,
en lui empruntant cette pieuse prière qu'elle
présentait aujourd'hui même à la Majesté
divine.
IMMOLATIO.
\^ ERE dignum et jus-
tum est. satisque est
dignum : te solum a jeju-
nantihus quœrere, qui es
magister abstinentias, et
conîinentiae remunerator
œterne : quique a jeju-
nantibus fideli tantum
corde exposcunt abstergi
omnem maculam, quam
saturitas contrahit inde-
cens. Hoc itaque sanc-
tum jejuniura in Leviti-
cis apicibus per famulum
tuum Moysen evidentius
declarasti: in quo jus-
sisti ut humiîiaremus
animas noslras, ne exter-
minaremur; sicut esu
gulae deditus populus,
exterminatur. Q u o d
etiam nobis Unigenitus
tuus ita sanctificavit im-
plcndo: etutregnum per-
ditum per jejunium paa-
I L est juste et raisonnable,
ô Dieu tout-puissant et
éternel, que ceux qui se li-
vrent au jeûne se tournent
vers vous qui avez été, par
votre exemple, le maître de
l'abstinence , et qui êtes
maintenant le rémunérateur
éternel de nos privations;
puisque dans ceux qui jeû-
nent avec les dispositions
d'un cœur fidèle, vous dai-
gnez, à leur demande, effacer
toutes les taches que lintcm-
pérance leur avait fait con-
tracter. C'est vous-même qui
avez proclamé l'institution
du jeune sacré, par votre
serviteur Moïse, au livre du
Lévitique, nous ordonnant
d'humilier nos âmes, afin que
nous ne fussions pas exter-
minés, comme le fut ce peu-
ple qui s'était abandonne aux
excès de la sensualité. Votre
La Vigile de V Ascension. i3y
Fils unique est venu sancti-
fier cette institution en s'y
soumettant lui même, nous
rouvrant, par son jeûne, l'ac-
cès du royaume que nous
avions perdu, et nous accordant le pardon de nos péchés.
Daignez donc recevoir avec bonté l'hommage d'une
pratique dont la première institution vient de vous, et
nous accorder en retour la remise de toutes nos offenses.
deret, et peccatis veniam
daret. Et ideo quae ins-
tituisti, jejunia suscipe
libens, per ea nos a rea-
tihus cunctis absolvons.
L
A troisième matinée des Rogations s'est
écoulée, l'heure de midi se fait entendre ;
elle vient ouvrir la dernière journée que le
Fils de Dieu doit passer sur la terre avec les
hommes. Nous avons semblé perdre de vue,
durant ces trois jours, le moment si proche
de la séparation ; toutefois, le sentiment de
la perte qui nous menace vivait au fond de
nos cœurs, et les humbles supplications que
nous présentions au ciel, en union avec la
sainte Eglise, nous préparaient à célébrer le
dernier des mystères de notre Emmanuel.
A ce moment, les disciples sont tous ras-
semblés à Jérusalem. Groupés autour de
Marie dans le Cénacle, ils attendent l'heure
à laquelle leur Maître doit se manifester à
eux pour la dernière fois. Recueillis et silen-
cieux, ils repassent dans leurs cœurs les
divines marques de bonté et de condescen-
dance qu'il leur a prodiguées durant ces
quarante jours, et les solennels enseignements
qu'ils ont reçus de sa bouche. C'est mainte-
nant qu'ils le connaissent, qu'ils savent qu'il
est sorti de Dieu; quant à ce qui les concerne,
ils ont appris de lui la mission à laquelle il
les a destinés: ce sera d'enseigner, eux igno-
138 Le Temps Pascal.
rants, les peuples de la terre ; mais, ô regret
inconsolable ! il s'apprête à les quitter ;
« encore un peu de temps, et ils ne le ver-
ront plus ^ »
Par un touchant contraste avec leurs tristes
pensées, la nature entière semble s'être mise
en devoir d'oftrir à son auteur le plus splen-
dide triomphe ; car ce départ doit être un
départ triomphant. La terre s'est parée des
prémices de sa fécondité, la verdure des
campagnes le dispute à l'émeraude, les fleurs
embaument l'air de leurs parfums, sous le
feuillage des arbres les fruits se hâtent de
mûrir, et les moissons grandissent de toutes
parts. Tant d'heureux dons sont dus à l'in-
fluence de l'astre qui brille au ciel pourvivi-
tier la terre, et qui a reçu le noble privilège
de figurer par son royal éclat, et dans ses
phases successives, le passage de l'Emmanuel
au milieu de nous.
Rappelons-nous ces jours sombres du sol-
stice d'hiver, où son disque pâle, tardif vain-
queur des ténèbres, ne montait dans le ciel
que pour y parcourir une étroite carrière,
dispensant la lumière avec mesure, et n'en-
voyant à la terre aucun rayon assez ardent
pour résoudre la constriction qui tenait gla-
cée toute sa surface. Tel se leva, comme un
astre timide, notre divin Soleil, dissipant à
peine les ombres autour de lui, tempérant
son éclat, afin que les regards des hommes
n'en fussent pas éblouis. Comme le soleil
matériel, il élargit peu à peu sa carrière ;
mais des nuages'vinrent souvent dissimuler
I. JOHAN. XVI. i6.
La Vigile de V Ascension. i3g
son progrès. Le séjour en la terre d'Egypte,
la vie obscure de Nazareth, dérobèrent sa
marche aux yeux des hommes ; mais l'heure
étant venue où il devait laisser poindre les
rayons de sa gloire, il brilla d'un souverain éclat
sur la Galilée et sur la Judée, lorsqu'ilse mit
à parler a comme ayant puissance ^ » lorsque
ses œuvres rendirent témoignage de lui 2, et
que l'on entendit la voix des peuples qui fai-
sait retentir « Hosannah au tils de David ».
Il allait atteindre à son zénith, quand tout
à coup l'éclipsé momentanée de sa passion
et de sa mort persuada pourquelques heures
à ses ennemis jaloux que leur malice avait
suffi pour éteindre à jamais sa lumière im-
portune à leur orgueil. Vain espoir ! notre
divin Soleil échappait dès le troisième jour à
cette dernière épreuve ; et il plane mainte-
nant au sommet des cieux, versant sa lumière
sur tous les êtres qu'il a créés, m.ais nous
avertissant que sa carrière est achevée. Car
il ne saurait descendre ; pour lui, pas de
couchant ; là s'arrête son rapport avec
l'humble flambeau qui éclaire nos yeux mor-
tels. C'est du haut du ciel qu'il brille désor-
mais, et pour toujours, ainsi que l'avait an-
noncé Zacharie, lors de la naissance de
Jean 3 ; et comme l'avait prédit encore aupa-
ravant le sublime Psalmiste, en disant : « Il a
« fourni sa carrière comme un géant, il est
« arrivé au sommet des cieux, d'où il était
« parti, et nul ne peut se soustraire à l'ac-
« tion de sa puissante chaleur *. »
I. Matth. VII. 29. — 2. JoHAN. X, 25. — 3. Luc. I,
79. — 4. Psalm. xviu.
140 Le Temps Pascal.
Cette Ascension , qui établit l'Homme-
Dieu centre de lumière pour les siècles des
siècles, il en a fixé le moment précis à l'un
des jours du mois que les hommes appellent
Mai, et qui révèle dans son plus riant éclat
l'œuvre que ce Verbe divin trouva belle lui-
même, au jour où, l'ayant fait sortir du néant,
il la disposa avec tant de complaisance.
Heureux mois, non plus triste et sombre
comme Décembre, qui vit les joies modes-
tes de Bethléhem, non plus sévère et lugu-
bre comme Mars, témoin du Sacrifice sanglant
de l'Agneau sur la croix, mais radieux, épa-
noui, "surabondant de vie et digne d'être
offert, chaque année, en hommage à Marie,
Mère de Dieu ; car c'est Le mois du triomphe
de son fils.
O Jésus, notre créateur et notre frère, nous
vous avons suivi des yeux et du cœur depuis
le moment de votre aurore ; nous avons célé-
bré, dans la sainte liturgie, chacun de vos
pas de g-^fin? par une solennité spéciale ; mais
en vous voyant monter ainsi toujours, nous
devions prévoir le moment où vous iriez
prendre possession de la seule place qui vous
convienne, du trône sublime où vous serez
assis éternellement à" la droite du Père. L'é-
clat qui vous entoure depuis votre résur-
rection n'est pas de ce monde ; vous ne pou-
vez plus demeurer avec nous ; vous n'êtes resté
durant ces quarante jours, que pour la con-
solidation de votre œuvre; et demain, la
terre qui vous possédait depuis trente-trois
années sera veuve de vous. Avec Marie votre
mère, avec vos disciples soumis, avec Made-
leine et ses compagnes, nous nous réjouis-
La Vigile de V Ascension. 141
sons du triomphe qui vous attend ; mais à la
veille de vous perdre, permettez à nos cœurs
aussi de ressentir la tristesse ; car vous étiez
l'Emmanuel, le Dieu avec 7ioits, et vous allez
être désormais l'astre divin qui planera sur
nous; et nous ne pourrons plus « vous voir,
ni vous entendre, ni vous toucher de nos
mains, ô Verbe de vie 1 ! » Nous n'en disons
pas moins : Gloire et amour soient à vous!
car vous nous avez traités avec une miséri-
corde infinie. Vous ne nous deviez rien, nous
étions indignes d'attirer vos regards, et vous
êtes descendu sur cette terre souillée par le
péché ; vous avez habité parmi nous, vous
avez payé notre rançon de votre sang, vous
avez rétabli la paix entre Dieu et les hom-
mes. Oui, il est juste maintenant que « vous
retourniez à celui qui vous a envoyé » -. Nous
entendons la voix de votre Eglise, de votre
Epouse chérie qui accepte son exil, et qui ne
pense qu'à votre gloire : « Fuis donc, ô mon
« bien-aimé, vous dit-elle ; fuis avec la rapi-
« dite du chevreuil et du faon de la biche,
« jusqu'à ces montagnes où les fleurs du ciel
« exhalent leurs parf"ums 3. » Pourrions-nous,
pécheurs que nous sommes, ne pas imiter
la résignation de celle qui est à la fois votre
Epouse et notre mère ?
I. I JOHAN, I, I. — 2. JOHAN, XVI, 5. — 3. Cant.
VIII, 14,
L'ASCENSION DF NO TRE-SEIGN RUR.
E jour s'est levé radieux, la terre
qui s'émut à la naissance de
l'Emmanuel ' éprouve un tres-
saillement inconnu; l'ineffable
succession des mystères de
l'Homme-Dieu est s'ur le point
de recevoir son dernier complément. Mais
l'allégresse de la terre est montée jusqu'aux
cieux ; les hiérarchies angéliques s'apprêtent
à recevoir le divin chef qui leur fut promis,
et leurs princes sont attentifs aux portes,
prêts à les lever quand le signal de l'arrivée
du triomphateur va retentir. Les âmes saintes,
délivrées des limbes depuis quarante jours,
planent sur Jérusalem, attendant l'heureux
moment où la voie du ciel, fermée depuis
cjuatrc mille ans par le péché, s'ouvrant tout
à coup, elles vont s'y précipiter à la suite de
leur Rédempteur. L'heure presse, il est temps
que notre divin ressuscité se montre, et qu'il
reçoive les adieux de ceux qui l'attendent
I. Psalra. xcv, xcvi, xcvii.
L'Ascension de Notre-Seigneur. 148
d'heure en heure, et qu'il doit laisser encore
dans cette vallée de larmes.
Tout à coup il apparaît au milieu du Cé-
nacle. Le cœur de Marie a tressailli, les dis-
ciples et les saintes femmes adorent avec
attendrissement celui qui se montre ici-bas
pour la dernière fois. Jésus daigne prendre
place à table avec eux ; il condescend jusqu'à
partager un dernier repas, non plus dans le
but de les rendre certains de sa résurrection ;
il sait qu'ils n'en doutent plus ; mais, au
moment d'aller s'asseoir à la droite du Père,
il tient à leur donner cette marque si chère
de sa divine familiarité. O repas ineffable,
où Marie goûte une dernière fois en ce monde
le charme d'être assise aux côtés de son fils,
où la sainte Eglise représentée par les dis-
ciples et par les saintes femmes est encore
présidée ; visiblement par son Chef et son
Epoux !
Qui pourrait exprimer le respect, le recueil-
lement, l'attention des convives, peindre leurs
regards fixés avec tant d'amour sur le Maître
tant aimé ? Ils aspirent à entendre encore
une fois sa parole ; elle leur sera si chère à
ce moment du départ ! Enfin Jésus ouvre la
bouche ; mais son accent est plus grave que
tendre. Il débute en leur rappelant l'incré-
dulité avec laquelle ils accueillirent la nou-
velle de sa résurrection 1. Au moment de
leur confier la plus imposante mission qui ait
jamais été transmise à des hommes, il veut
les rappeler à l'humilité. Sous peu de jours
ils seront les oracles du monde, le monde
I. Marc, xvi, 14.
144- -^e Temps Pascal.
devra croire sur leur parole, et croire ce qu'il
n'a pas vu, ce qu'eux seuls ont vu. C'est la
foi qui met les hommes en rapport avec Dieu ;
et cette foi, eux-mêmes ne l'ont pas eue tout
d'abord : Jésus veut recevoir d'eux une der-
nière réparation pour leur incrédulité passée,
afin que leur apostolat soit établi sur l'hu-
milité. ,
Prenant ensuite le ton d'autorité qui con-
vient à lui seul, il leur dit : « Allez dans le
monde entier, prêchez l'Evangile à toute créa-
ture. Celui qui croira et sera baptisé, sera
sauvé ^ mais celui qui ne croira pas sera con-
damne » 1. Et cette mission de prêcher l'E-
vangile au monde entier, comment l'accom-
pliront-ils ? par quel moyen réussiront-ils à
accréditer leur parole ? Jésus le leur indique :
« Voici les miracles qui accompagneront ceux
qui auront cru : ils chasseront les démons en
mon nom ; ils parleront des langues nouvelles ;
ils prendront les serpents avec la main ; s'ils
boivent quelque breuvage mortel, il ne leur
nuira pas ; ils imposeront les mains sur les
malades, et les malades seront guéris » -. Il
veut que le miracle soit le fondement de son
Eglise, comme il l'a choisi pour être l'argu-
ment de sa mission divine. La suspension des
lois de la nature annonce aux hommes que
l'auteur de la nature va parler ; c'est à eux
alors d'écouter et de croire humblement.
Voilà donc ces hommes inconnus au monde,
dépourvus de tout moyen humain, les voilà
investis de la mission de conquérir la terre et
d'y faire régner Jésus-Christ. Le monde
I. Marc. xvi. — 2. Ibid.
L'Ascension de Notve-Seigneiir. 145
ignore jusqu'à leur existence ; sur son trône
impérial, Tibère, qui vit dans la frayeur des
conjurations, ne soupçonne en rien cette expé-
dition d'un nouveau genre qui va s'ouvrir, et
dont l'empire romain doit être la conquête.
Mais à ces guerriers il faut une armure, et
une armure de trempe céleste. Jésus leur
annonce qu'ils sont au moment de la rece-
voir, « Demeurez dans la ville, leur dit-il,
« jusqu'à ce que vous ayez été revêtus de la
« vertu d'en haut 1 », Or, quelle est cette ar-
mure ? Jésus va le leur expliquer. Il leur
rappelle la promesse du Père, « cette promesse,
dit-il, que vous avez entendue par ma bou-
che, Jean a baptisé dans l'eau ; mais vous,
sous peu de jours, vous serez baptisés dans le
Saint-Esprit 2 »,
Mais l'heure de la séparation est venue.
Jésus se lève, et l'assistance tout entière se
dispose à suivre ses pas. Cent vingt personnes
se trouvaient là réunies avec la mère du divin
triomphateur que le ciel réclamait. Le Cé-
nacle était situé sur la montagne de Sion,
l'une des deux collines que renfermait l'en-
ceinte de Jérusalem. Le cortège traverse une
partie de la ville, se dirigeant vers la porte
orientale qui ouvre sur la vallée de Josaphat.
C'est la dernière fois que Jésus parcourt les
rues de la cité réprouvée. Invisible désormais
aux yeux de ce peuple qui l'a renié, il s'avance
à la tête des siens, comme autrefois la colonne
lumineuse qui dirigeait les pas du peuple
Israélite. Qu'elle est'belle et imposante cette
marche de Marie, des disciples et des saintes
I. Luc. XXIV, 49.— 2. Act. I.
LE TEMPS PASCAL. — T. III. lO
I
146
Le Temps Pascal.
femmes, à la suite de Jésus qui ne doit plus
s'arrêter qu'au ciel, à la droite du Père ! La
piété du moyen âge la célébrait jadis par une
solennelle procession qui précédait la Messe
de ce grand jour. Heureux siècles, où les chré-
tiens aimaient à suivre chacune des traces
du Rédempteur, et ne savaient pas se conten-
ter, comme nous, de quelques vagues notions
qui ne peuvent enfanter qu'une piété vague
comme elles !
On songeait aussi alors aux sentin>ents qui
durent occuper le cœur de Marie durant ces
derniers instants qu'elle jouissait de la pré-
sence de son fils. On se demandait qui devait
l'emporter dans ce cœur maternel, de la tris-
tesse de ne plus voir Jésus, ou du bonheur
de sentir qu'il allait entrer enfin dans la gloire
qui lui était due. La réponse venait prompte-
ment à la pensée de ces véritables chrétiens,
et nous aussi, nous nous la ferons à nous-
mêmes. Jésus n'avait-il pas dit à ses disciples •
« Si vous m'aimiez, vous vous réjouiriez de
ce ce que je m'en vais à mon Père ^ >> ? Or, qui
aima plus Jésus que ne l'aima Marie ? Le
cœur de la mère était donc dans l'allégresse
au moment de cet ineffable adieu. Marie ne
pouvait songer à elle-même, quand il s'agis-
sait du triomphe dû à son fils et à son Dieu.
Après les scènes du Calvaire, pouvait-elle
aspirer à autre chose qu'à voir glorifié enfin
celui qu'elle connaissait pour le souverain
Seigneur de toutes choses, celui qu'elle avait
vu si peu de jours auparavant renié, blas-
phémé, expirant dans toutes les douleurs ?
1. JOHAN. XIV, 28.
L'Ascension de Notre-Seigneur. 14^
Le cortège sacré a traversé la vallée de
Josaphat, il a passé le torrent de Cédron, et
il se dirige sur la pente du mont des Oliviers.
Quels souvenirs se pressent à la pensée ! Ce
torrent, dont le iMessie dans ses humiliations
avait bu l'eau bourbeuse, est devenu aujour-
d'hui le chemin de la gloire pour ce même
Messie. Ainsi l'avait annoncé David 1. On laisse
sur la gauche le jardin qui fut témoin de la
plus terrible des agonies, cette grotte où le
calice de toutes les expiations du monde fut
présenté à Jésus et accepté par lui. Après
avoir franchi un espace que saint Luc mesure
d'après celui qu'il était permis aux Juifs de
parcourir le jour du Sabbat, on arrive sur le
territoire de Béthanie, cet heureux village où
Jésus, dans les jours de sa vie mortelle, re-
cherchait l'hospitalité de Lazare et de ses
sœurs. De cet endroit de la montagne des
Oliviers on avait la vue de Jérusalem, qui
apparaissait superbe avec son temple et ses
palais. Cet aspect émeut les disciples. La
patrie terrestre fait encore battre le cœur de
ces hommes ; un moment ils oublient la
malédiction prononcée sur l'ingrate cité de
David, et semblent ne plus se souvenir que
Jésus vient de les faire citoyens et conqué-
rants du monde entier. Le rêve de la gran-
deur mondaine de Jérusalem les a séduits
tout à coup, et ils osent adresser cette ques-
tion à leur Maître : « Seigneur, est-ce à ce
« moment que vous rétablirez le royaume
« d'Israël ? »
Jésus répond avec une sorte de sévérité à
Psalm. cix.
14^
Le 7\'mps Pascal.
cette demande indiscrète : « Il ne vous appar-
tient pas de savoir les temps et les moments
que le Père a réservés à son pouvoir. » Ces
paroles n'enlevaient pas l'espoir que Jérusa-
lem fut un )our rééditiée par Israël devenu
chrétien; mais ce rétablissement de la cité
de David ne devant avoir lieu que vers la
tin des temps, il n'était pas à propos que le
Sauveur tît connaître le secret divin. La con-
version du monde païen, la fondation de
l'Eglise, tels étaient les objets qui devaient
préoccuper les disciples. Jésus les ramène
tout aussitôt à la mission qu'il leur donnait il
y a peu d'instants : « \'ous allez recevoir, leur
dit-il, la vertu du Saint-Esprit qui descendra
sur vous, et [vous serez mes témoins dans
Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie,
et jusqu'aux extrémités de la terre ^ ».
Selon une tradition qui remonte aux pre-
miers siècles du christianisme 2, il était
l'heure de midi, l'heure à laquelle Jésus avait
été élevé sur la croix, lorsque, jetant sur l'as-
sistance un regard de tendresse qui dut s'ar-
rêter avec une complaisance filiale sur Marie,
il éleva les mains et les bénit tous. A ce
moment ses pieds se détachèrent de la terre,
et il s'élevait au cielî^. Les assistants le sui-
vaient du regard, mais bientôt il entra dans
une nuée qui le déroba à leurs yeux *.
C'en était fait : la terre avait perdu son
Emmanuel. Quarante siècles l'avaient at-
tendu, et il s'était rendu enfin aux soupirs
des Patriarches et aux vœux enflammés des
I. Act. I, 6-8. — 2. Constit. apost. lib. V, cap. xix.
— 3. Luc. XXIV, 5 1 . — 4. Act. I.
L'Ascension de Notre- Seigneur. 14g
Prophètes. Nous l'adorâmes, captif de notre
amour, dans les chastes flancs de la vierge
bénie. Bientôt l'heureuse mère nous le pré-
senta sous l'humble toit d'une étable à Beth-
léhem. Nous le suivîmes en la terre d'Egypte,
nous l'accompagnâmes au retour, et nous
vînmes nous fixer avec lui à Nazareth. Lors-
qu'il partit pour exercer sa mission de trois
ans dans sa patrie terrestre, nous nous atta-
châmes à ses pas, ravis des charmes de sa
Eersonne, écoutant ses discours et ses para-
oies, assistant à ses prodiges. La malice de
ses ennemis étant montée à son comble, et
l'heure venue où il devait mettre le sceau à
cet amour qui l'avait attiré du ciel en terre
par la mort sanglante et ignominieuse de la
croix, nous recueillîmes son dernier soupir
et nous fûmes inondés de son sang divin. Le
troisième jour, il s'échappait de son sépulcre
vivant et victorieux, et nous étions là encore
pour applaudir à son triomphe sur la mort,
par lequel il nous assurait la gloire d'une
résurrection semblable à la sienne. Durant
les jours qu'il a daigné habiter encore cette
terre, notre foi ne l'a pas quitté ; nous eus-
sions voulu le conserver toujours; et voici
qu'à cette heure même il échappe à nos
regards, et notre amour n'a pu le retenir !
Plus heureuses que nous, les âmes des justes
qu'il avait délivrées des limbes l'ont suivi
dans son vol rapide, et elles jouissent pour
l'éternité des délices de sa présence.
Les disciples tenaient encore les yeux fixés
au ciel, lorsque soudain deux Anges vêtus
de blanc se présentèrent à eux et leur dirent :
« Hommes de Galilée, pourquoi vous arrê-
i5o
Le Temps Pascal.
« tez-vous à regarder au ciel ? Ce Jésus
« qui vous a quittés pour s'élever au ciel
« reviendra un jour en la même manière
« que vous l'avez vu monter * ». Ainsi, le
Sauveur est remonté, et le juge doit un jour
redescendre : toute la destinée de l'Eglise est
comprise entre ces deux termes. Nous vivons
donc présentement sous le régime du Sau-
veur; car notre Emmanuel nous a dit que
(« le tils de l'homme n'est pas venu pour juger
le monde, mais afin que le monde soit sauvé
par lui 2 » ; et c'est dans ce but miséricor-
dieux que les disciples viennent de recevoir
la mission d'aller par toute la terre et de
convier les hommes au salut, pendant qu'il
en est temps encore.
Quelle tâche immense Jésus leur a confiée !
et au moment où il s'agit pour eux de s'y
livrer, il les quitte ! Il leur faut descendre
seuls cette montagne des Oliviers d'où il est
parti pour le ciel. Leur cœur cependant n'est
pas triste ; ils ont Marie avec eux, et la géné-
rosité de cette mère incomparable se com-
munique à leurs âmes. Ils aiment leur Klaî-
tre; leur bonheur est désormais de penser
qu'il est entré dans son repos. Les disciples
rentrèrent dans Jérusalem, « remplis d'une
« vive allégresse », nous dit saint Luc ^,
exprimant par ce seul mot l'un des caractè-
res de cette ineffable fête de l'Ascension, de
cette fête empreinte d'une si douce mélanco-
lie, mais qui respire en même temps plus
qu'aucune autre la joie et le triomphe. Durant
son Octave, nous essayerons d'en pénétrer
L'Ascension de Notre- Se igneur> r5i
les mj^stères et de la montrer dans toute sa
magnificence; aujourd'hui nous nous borne-
rons à dire que cette solennité est le complé-
ment de tous les mystères de notre divin
Rédempteur, qu'elle est du nombre de celles
qui ont été instituées par les Apôtres eux-
mêmes 1 ; enfin qu'elle a rendu sacré pour
jam.ais le jeudi de chaque semaine, jour rendu
déjà si auguste par l'institution de la divine
Eucharistie.
Nous avons parlé de la procession solen-
nelle par laquelle on célébrait, au moyen
âge, la marche de Jésus et de ses disciples vers
le mont des Oliviers ; nous devons rappeler
aussi qu'en ce jour on bénissait solennelle-
ment du pain et des fruits nouveaux, en
mémoire du dernier repas que le Sauveur
avait pris dans le cénacle. Imitons la piété
de ces temps où les chrétiens avaient à cœur
de recueillir les moindres traits de la vie de
l'Homme-Dieu, et de se les rendre propres,
pour ainsi dire, en reproduisant dans leur
manière de vivre toutes les circonstances
que le saint Evangile leur révélait. Jésus-
Christ était véritablement aimé et adoré dans
ces temps où les hommes se souvenaient
sans cesse qu'il est le souverain Seigneur,
comme il est le commun Rédempteur. De
nos jours, c'est l'homme qui règne, à ses ris-
ques et périls; Jésus-Christ est refoulé dans
l'intime de la vie privée. Et pourtant il a
droit à être notre préoccupation de tous les
jours et de toutes les heures ! Les Anges
dirent aux Apôtres : « En la manière que
I. Augustin. Epist. ad Januar.
7 52 L'Ascension de Notre-Seigneur.
vous l'avez vu monter, ainsi un )our il des-
cendra. » Puissions-nous l'avoir aimé et servi
durant son absence avec assez d'empresse-
ment, pour oser soutenir ses regards lorsqu'il
apparaîtra tout a coup
Nous ne donnons point ici l'Office des pre-
mières \'êpres de l'Ascension, parce que
cette fcte étant fixe au jeudi, sa Vigile ne
peut jamais se rencontrer le dimanche, tandis
qu'il en est autrement pour les solennités
auxquelles nous avons accordé ce dévelop-
pement. Au reste, sauf le Verset et l'Antienne
de Magnificat, les premières et les secondes
Vêpres de l'Ascension sont entièrement sem-
blables.
A TIERCE.
I 'Hymne et les trois Psaumes dont se com-
L pose l'Office de Tierce, se trouvent ci-
dessus, page 3o.
. ^ UMQUE in-
K^ tuerentur in
cœlum euntem illum. di-
xerunt alléluia.
Ant l ^ voyant donc qui
■ L montait au ciel,
ils prononcèrent l'alleluia.
CAPITULE. {Act. I.)
^ RIMUM quidem sermo
1 nem feci de omnibus,
o Théophile, quœ cœpit
Jésus fncere et docere,
usque in diem qua prre-
cipiens Apostolis per
J'ai parlé dans mon premier
livre, ô Théophile, de
tout ce que Jésus a fait et
enseigné, jusquau jour où il
fut élevé au ciel, après avoir
instruit par le Saint-Esprit
A la Messe.
i53
les Apôtres qu'il avait choi-
br.
s C EN D IT
A Deus in
jubilatione, * Alléluia,
alléluia. Ascendit.
jtf. Et Dominus in voce
tubae. * Alléluia, alléluia.
Gloria Patr
dit.
Asccn-
A L . ï~\ lEU est tçonte
^' ''LJ ^^^ acclama-
tions de la joie, * Alléluia, al
leluia. Dieu est monté.
f. Et le Seigneur s'est élevé
au son des trompettes. *Alle
luia, alléluia.
Gloire au Père. Dieu es
monté.
f . Le Christ montant dans
les cieux, alléluia,
Hl. A emmené avec lui ceux
qui furent captifs, alléluia.
L'Oraison est la Collecte de la Messe, page
i55,
-4P-
Spiritum Sanctum, quos
elegit, assumptus est.
f. Ascendens Chrislus
in altum, alléluia,
Rj. Captivam duxit
captivitatem, alléluia.
A LA MESSE.
T 'Eglise romaine indique aujourd'hui pour
^ la Station la basiliquede Saint-Pierre. C'est
une belle pensée de réunir en un tel jour
l'assemblée des fidèles autour du glorieux
tombeau d'un des principaux témoins de la
triomphante Ascension de son Maître. Cette
Station est toujours maintenue ; mais, depuis
plusieurs siècles, le Pape se rend avec le
sacré Collège des Cardinaux à la basilique
du Latran, afin de terminer dans cet antique
sanctuaire, dédié par Constantin au Sauveur
des hommes, la série annuelle des mystères
par lesquels le Fils de Dieu a opéré et con-
somme aujourd'hui notre salut.
Dans ces deux augustes basiliques, comme
i54 LiA scansion de Notre-Seigneur.
dans les plus humbles églises de la chrétienté,
le symbole liturgique de la fcte est le Cierge
pascal, que nous vîmes allumer dans la nuit
de la résurrection, et qui était destiné à figu-
rer, par sa lumière de quarante jours, la
durée du séjour de notre divin ressuscité au
milieu de ceux qu'il a daigné appeler ses
frères. Les regards des fidèles rassemblés
s'arrêtent avec complaisance sur sa flamme
scintillante, qui semble briller d'un éclat plus
vif, à mesure qu'approche l'instant où elle va
succomber. Bénissons notre mère la sainte
Eglise à qui l'Esprit-Saint a inspiré l'art de
nous instruire et de nous émouvoir à l'aide
de tant d'ineffables symboles , et rendons
gloire au F"ils de Dieu qui a daigné nous
dire : « Je suis la lumière du monde '. »
L'Introït annonce avec éclat la grande
solennité qui nous rassemble. II est formé
des paroles des Anges aux Apôtres sur le
mont desOliviers. Jésus est monté aux cieux ;
Jésus en doit redescendre un jour.
IRI Galilasi, quid ad-
Y miramini,adspicien-
tes in cœlum ? alléluia :
quemadmodum vidistis
eum ascendentcm in cœ-
lum, ita veniet, alléluia,
alléluia, alléluia.
Ps. Omnes gentes
plaudite manibus: jubi-
late Deo in voce exsulta-
OMMES de Galilée, pour-
Jh quoi regardez-vous au
ciel avec tant d'étonnement?
alléluia ! en la manière dont
vous l'avez vu monter au ciel,
ainsi il reviendra, alléluia 1
alléluia ! alléluia !
Ps. Peuples, battez des
mains ; célébrer Dieu avec
transport par des chants
I. JOHAN. vm, 12.
A la Messe.
i55
d'allégresse. Gloire au Père.
Hommes de Galilée.
tionis. Gloria Patri. Viri
Galilaîi.
La sainte Eglise recueillant les vœux de ses
enfants dans la Collecte, demande pour eux
à Dieu la grâce de tenir leurs cœurs attachés
au divin Rédempteur, que leurs désirs doi-
vent désormais chercher jusqu'au ciel où il
est monté le premier.
COLLECTE.
FAITES-NOUS cette grâce, o
Dieu tout-puissant, que
nous qui croyons que votre
Fils unique, notre Rédemp-
teur, est aujourd'hui monté
au ciel, nous y habitions dé-
jà aussi nous-mêmes par l'ar-
deur de nos désirs. Par le
même Jésus-Christ notre
Seigneur.
CONCEDE, quaesumus
omnipotens Deus :
ut qui hodierna die Uni-
genitum tuum Redemp-
torem nostrum ad cœlos
ascendisse credimus, ipsi
quoque mente in cœles-
tibus habitemus. Pcr
eumdem Dominum nos-
trum Jesum Chri&tum.
Lecture des Actes des Apô-
tres. Chap. I.
J'ai parlé dans mon pre-
mier livre, ô Théophile,
de tout ce que Jésus a fait et
enseigné, jusqu'au jour où il
fut élevé dans le ciel, après
avoir instruit par le Saint-
Esprit les Apôtres qu'il avait
choisis ; auxquels aussi il
s'était montré depuis sa Pas-
sion, et leur avait fait voir
par beaucoup de preuves
qu'il était vivant, leur appa-
raissant durant quarante
iours, et leur parlant du
Royaume de Dieu. Et pre-
Lectio Actuum Aposto-
lorum. Cap. i.
PRLMUM quidem sermo-
nem feci de omnibus,
o Théophile, quae cœpit
Jésus facere et docere,
usque in diem qua prœ-
cipiens Apostolis per
Spiritum Sanctum, quos
elegit, issumptus est :
quibus et praïbuit seip-
sum vivum post Passio-
nem suam in multis ar-
gumentis, per dies qua-
draginta apparens eis, et
loquens de regno Dei.
Et conveïcens, praecepit
i56 V Ascension de Notre-Seîgneur.
eis ab Jerosolymis ne
discederent, sed exspec-
tarenl promissionem Pa-
tris. quam audistis (in-
5uit) per os meum : quia
ohannes quidem bapti-
zavit aqua, vos autem
bapiizabimini Spiritu
Sancto non post multos
hos dies. Igitur qui con-
venernnt, interrogabant
tum dicentcs : Domine,
si in tempore hoc resti-
tues regnum Israël ?
Dixit autem eis : Non est
vestrum nosse tempora
vel momcnta, qurc Pater
posuit in sua potestate :
sed accipietis virtutem
supervenientis Spiritus
Sancti in vos, et eritis
mihi testes in Jérusalem
et in omni Juda?a, et Sa-
maria, et usque ad ul-
timum terrœ. Et cum
hase dixisset, videntibus
illis, elevatus est: et nu-
bes suscepit eum ab ocu-
lis eorum. Cumque in-
tuerentur in cœhim eun-
tem illum, ecce duo viri
adstiterunt juxta illos in
vcstibus albis, qui et di-
xerunt: Viri GaliLti,
quid statis adspicientes
in cœlum ? Hic Jésus,
qui assumptus est a vobis
in cœlum, sic veniet,
qucmadmodum vidistis
eum euntem in cœlum.
nant un repas avec eux, il
leur commanda de ne pas
sortir de Jérusalem, mais
d'attendre la promesse du
Père, que vous avez, leur
dit-i-1, entendue de ma propre
bouche ; car Jean a baptisé
dans l'eau ; mais vous, sous
peu de jours, vous serez bap-
tisés dans le Saint-Esprit.
Alors ceux qui se trouvaient
résents lui demandèrent ■
ë"
gneur, sera-ce en ce
moment que vous rétablirez
le royaume d'Israël ? mais il
leur dit : Il ne vous appar-
tient pas de savoir les temps
et les moments que le Père a
réservés à son pouvoir; mais
vous recevrez la vertu du
Saint-Esprit qui descendra
sur vous, et vous serez mes
témoins dans Jérusalem, et
dans toute la Judée et la Sa-
marie, et jusqu'aux extrémi-
tés de la terre. Et après qu'il
eut dit ces choses, ils le vi-
rent s'élever vers le ciel, et il
entra dans une nuée qui le
déroba à leurs yeux. Et
comme ils le suivaient du
regard montant au ciel, deux
hommes vêtus de blanc se
présentèrent tout à coup à
eux, et leur dirent : Hom-
mes de Galilée, pourquoi
vous arrêtez-vous à regarder
au ciel ? Ce Jésus qui en
vous quittant s'est élevé au
ciel, viendra de la même
manière que vous l'y avez vu
monter. »
A la Messe.
M eus venons d'assister, en suivant cet ad-
mirable récit, au départ de notre Emma-
nuel pour les cieux. Est-il rien de plus atten-
drissant que ce regard des disciples fixé sur
leur Maître divin qui s'élève tout à coup
en les bénissant ? Mais un nuage vient s'in-
terposer entre Jésus et eux, et leurs yeux
mouillés de larmes ont perdu la trace de
son passage. Ils sont seuls désormais sur la
montagne ; Jésus leur a enlevé sa présence
visible. Dans ce monde désert, quel ne serait
pas leur ennui, si sa grâce ne les soutenait,
si l'Esprit divin n'était au moment de des-
cendre sur eux et de créer en eux un nouvel
être? Ce n'est donc plus qu'au ciel qu'ils le
reverront, celui qui, étant Dieu, daigna durant
trois années être leur Maître, et qui, à la
dernière Cène, voulut bien les appeler ses
amis !
Mais le deuil n'est pas pour eux seulement.
Cette terre qui recevait en frémissant de
bonheur la trace des pas du Fils de Dieu, ne
sera plus foulée par ses pieds sacrés. Elle a
perdu cette gloire qu'elle attendit quatre
mille ans, la gloire de servir d'habitation à
son divin auteur. Les nations sont dans l'at-
tente d'un Libérateur ; mais, hors de la Judée
et de la Galilée, les hommes ignorent que ce
Libérateur est venu et qu'il est remonté aux
cieux. L'œuvre de Jésus cependant n'en
demeurera pas là. Le genre humain connaîtra
sa venue ; et, quant à son Ascension au ciel
en ce jour, écoutez la voix de la sainte
Eglise qui dans les cinq parties du monde
retentit et proclame le triomphe de l'Emma-
i58 L'Ascension de Notre-Seigneur.
nuel. Dix-huit siècles se sont écoulés depuis
son départ, et nos adieux pleins de respect
et d'amour s'unissent encore à ceux que lui
adressèrent ses disciples, pendant qu'il s'éle-
vait au ciel. Nous aussi nous pleurons son
absence ; mais nous sommes heureux aussi
de le voir glorifié, couronné, assis à la droite
de son Père. \'ous êtes entré dans votre repos,
Seigneur; nous vous adorons sur votre trône,
nous qui sommes vos rachetés, votre con-
quête. Bénissez-nous, attirez-nous à vous, et
daignez faire que votre dernier avènement
soit notre espoir et non notre crainte.
Les deux Versets de l'Alleluia répètent les
accents de David célébrant d'avance le Christ
qui monte dans sa s;loire, les acclamations
des Anges, les sons éclatants des trompettes
célestes, le superbe trophée aue le vainqueur
entraîne après lui dans ces neureux captifs
qu'il a délivrés de la prison des limbes.
A LLELUIA, alléluia,
f. Ascendit Deus in
jubilatione, et Dominus
in voce tubae.
Alléluia.
f. Dominus in Sina in
sancto, ascendens in al-
tum, captivam duxit cap-
tivitatem, alléluia.
A
LLELUIA, alléluia.
f. Dieu est monté au ciel
au milieu des cris de joie ; le
Seigneur est monté au son
des trompettes.
Alléluia.
^. Le Seigneur du Sina est
entre dans son sanctuaire; il
est monté en haut, et il a em-
mené avec lui ceux qui furent
captifs, alléluia.
A la Messe.
i5g
La suite du saint Evangile
selon saint Marc. Chap.
XVI.
^N ce temps-là, les onze
disciples étant à table.
Jésus leur apparut, et il leur
reprocha leur incrédulité et
la dureté de leurs cœurs, de
n'avoir pas cru à ceux qui
avaient vu qu'il était ressus-
cité. Et il leur dit : Allez
par le monde entier, prêchez
l'Evangile à toute créature.
Celui qui croira et qui sera
baptisé, sera sauvé ; niais ce-
lui qui ne croira pas sera con-
damné. \'oici les miracles qui
accompagneront ceux qui
auront cru : ils chasseront les
démons en mon nom ; ils par-
leront des langues nouvelles;
ils prendront les serpents
avec la main ; et s'ils boivent
quelque breuvage mortel, il
ne leur nuira pas ; ils impose-
ront les mains sur les mala-
des, et les malades seront
guéris. Et après leur avoir
parlé, le Seigneur Jésus fut
é^evé au ciel, où il est assis à
la droite de Dieu. Et eux
étant partis prêchèrent par-
tout, le Seigneur coopérant
avec eux, et confirmant leur
parole par les miracles qui
l'accompagnaient.
Sequentia sancti Evan-
gelii secundum Mar-
cum. Cap. xvi.
I N illo tempore : Recum-
bentibus undecim dis-
cipulis, apparuit illis Jé-
sus, et exprobravit incre-
dulitatem eorum et duri-
tiam cordis : quia iis,
qui viderant eum resur-
rexisse. non crediderunt.
Et dixit eis : Euntes in
mu n d u m universum,
praedicate Evangelium
orani creaturse. Qui cre-
diderit. et baptizatus fue-
rit, salvus erit : qui vero
non crediderit, condem-
nabitur. Signa autem
eos, qui crediderint, haec
sequentur : In nomine
meo dasmonia ejicienf,
linguis loquentur novis :
serpentes toUent : et si
mortiferum quid bibe-
rint, non eis nocebit :
super œgros manus im-
ponent. et bene habe-
bunt. Et Dominus qui-
dam Jésus, postquam lo-
culus est eis, assumptus
est in cœlum, et sedet a
dextris Dei. Illi autem
profecti prasdicaverunt
ubique, Domino coopé-
rante, et sermonem con-
firmante sequentibus si-
gnis.
i6o L'Ascension de Notre-Seif^neuv
I E diacre ayant achevé ces paroles, un
*- acolyte monte à l'ambon, et éteint silen-
cieusement le Cierge mystérieux qui nous
rappelait la présence de Jésus ressuscité. Ce
rite expressif annonce le commencement du
veuvage de la sainte Eglise, et avertit nos
âmes que pour contempler désormais notre
Sauveur, il nous faut aspirer au ciel où il
réside. Que rapide a été son passage ici-bas !
que de générations se sont succédé, que de
générations se succéderont encore jusqu'à ce
qu'il se montre de nouveau !
Loin de lui, la sainte Eglise ressent les
langueurs de l'exil ; elle persévère néanmoins
à habiter cette vallée de larmes ; car c'est là
qu'elle doit élever les enfants dont le divin
Époux l'a rendue mère par son Esprit ; mais
la vue de son Jésus lui manque, et si nous
sommes chrétiens, elle doit nous manquer
aussi à nous-mêmes. Oh! quand viendra le
jour où de nouveau revêtus de notre chair,
« nous nous élancerons dans les airs à la
rencontre du Seigneur, pour demeurer avec
lui à jamais ^ ! » C'est alors, et seiilement
alors, que nous aurons atteint la fin pour
laquelle nous fûmes créés.
Tous les mystères du Verbe incarné que
nous avons vu se dérouler jusqu'ici devaient
aboutir à son Ascension ; toutes les grâces
que nous recevons jour par jour doivent se
terminer à la nôtre. « Ce monde n'est qu'une
figure qui passe - » ; et nous sommes en marche
l. I Thcss. IV, i6. — 2. I Cor. va, 3i,
A la Messe. 16 1
pour aller rejoindre notre divin Chef. En lui
est notre vie, notre félicité ; c'est en vain que
nous voudrions les chercher ailleurs. Tout
ce qui nous rapproche de Jésus nous est bon ;
tout ce qui nous en éloigne est mauvais et
funeste. Le mystère de l'Ascension est le
dernier éclair que Dieu fait luire à nos regards
pour nous montrer la voie. Si notre cœur
aspire à retrouver Jésus, c'est qu'il vit de la
vraie vie; s'il est concentré dans les choses
créées, en sorte qu'il ne ressente plus l'at-
traction du céleste aimant qui est Jésus, c'est
qu'il serait mort.
Levons donc les yeux comme les disciples,
et suivons en désir celui qui monte aujour-
d'hui et qui va nous préparer une place. En
haut les cœurs! Sursum corda ! c'est le cri
d'adieu que nous envoient nos frères qui
montent à la suite du divin Triomphateur;
c'est le cri des saints Anges accourus au-
devant de l'Emmanuel, et qui nous invitent à
venir renforcer leurs rangs.
Sois donc béni, 6 Cierge de la Pâque,
colonne lumineuse, qui nous as réjouis qua-
rante jours par ta flamme joyeuse et bril-
lante ! Tu nous parlais de Jésus, notre flam-
beau dans la nuit de ce monde; maintenant
ta lumière éteinte nous avertit qu'ici-bas on
ne voit plus Jésus, et que pour le voir désor-
mais, il faut s'élever au ciel. Symbole chéri
que la main maternelle de la sainte Eglise
avait créé pour parler à nos cœurs en attirant
nos regards, nous te faisons nos adieux; mais
nous conservons le souvenir des saintes émo-
tions que ta vue nous fit ressentir dans tout
le cours de cet heureux Temps pascal que tu
LE TEMPS PASCAL. — T. III.
102 L'Ascension de Notre-Seigneur.
fus chargé de nous annoncer, et qui à peine
te survivra de quelques jours.
Pour Antienne de l'Offertoire, l'Eglise
emploie les mêmes paroles de David qu'elle
a fait retentir avant la lecture de l'Evangile.
Elle n'a qu'une pensée : le triomphe de
Epoux, la joie du ciel qu'elle veut voir
tagée par les habitants de la terre.
son
par-
OFFERTOIRE.
^ SCENDIT Deus in ju-
A bilatione : et Domi-
nus in voce tubœ, allé-
luia.
DIEU est n. jntc aux accla-
mations de la joie : le
Seigneur s'est élevé au son
des trompettes, alléluia.
Entrer à la suite de Jésus dans la vie éter-
nelle, éviter les obstacles qui peuvent se
rencontrer dans la voie, tels doivent être nos
désirs en ce jour, telle est aussi la demande
que la sainte Eglise adresse pour nous à Dieu
dans l'oraison Secrète.
SUSCIPE. Domine, mu
nera, qua» pro Filii
tui gloriosa Ascensione
deferimiis : et concède
propitius; ut a prœsen-
libus periculis liberemur
et ad vitam perveniamus
asternam. Per eumdem
Dominum nostrum Je-
sum Christum.
n<
ECEVEZ, Seigneur , les
dons que nous vous of-
frons en mémoire de l'As-
cension glorieuse de votre
Fils; et daignez faire que
nous soyons délivrés des
périls de la vie présente, e'
que nous parvenions à la vi<
éternelle. Par le même Jé?us
Christ notre Seigneur.
PRÉFACE.
ERE dignum et jus- U-^ Ul, c'est une chose dign
Y tum est, aequum et k^ et juste, équitable e
salutare, nos tibi semper | salutaire, de vous rendr
A la Messe.
i63
et ubique gratias agere :
Domine sancte , Pater
omnipotens , œ t e r n e
Deus, per Christum Do-
minum nostrum ; qui
post resurrectionem suam
omnibus discipulis suis
manifestus apparuit, et
ipsis cernentibus est ele-
vatus in cœlum, ut nos
divinitatis suoe tribueret
esse participes. Et ideo
cum Angelis et Archan-
gelis. cum Thronis et
Dominationibus, cumque
omni militia cœlestis
exercitus, hymnum glo-
rise tuae canimus, sine
fine dicentes : Sanctus,
Sanctus, Sanctus.
Un nouveau verset de David fournit l'An-
tienne de la Communion. Le roi-prophète y
annonce, mille ans à l'avance, que c'est à
l'Orient que l'Emmanuel s'élèvera aux cieux.
C'est en effet de la montagne des Oliviers
située au Levant de Jérusalem que nous avons
vu aujourd'hui Jésus partir pour le royaume
de son Père.
grâces en tout temps et en
tous lieux, Seigneur saint,
Père tout-puissant , Dieu
éternel , par Jésus-Christ
notre Seigneur, qui après sa
résurrection apparut à ses
disciples rassemblés, et à
leurs yeux s'éleva au ciel, afin
de nous rendre participants
de sa divinité. C'est pour-
quoi, unis aux Anges et aux
Archanges, aux Trônes et
aux Dominations, à la milice
entière de l'armée céleste,
nous chantons l'hymne de
votre gloire ; et nous répé-
tons sans fin : Saint ! Saint !
Saint!
COMMUNION.
CHANTEZ des hymnes au
Seigneur, qui est monté
vers l'Orient jusqu'au plus
haut des cieux, alléluia.
p. SALLITE Domino, qui
f ascendit super cœlos
cœlorum ad Orientera,
alléluia.
Le peuple fidèle vient de sceller son alliance
avec son divin Chef en participant à l'au-
guste Sacrement ; l'Eglise demande à Dieu
que ce mystère, qui contient Jésus désormais
104 L'Ascension de Notre-Seigneur.
invisible, opère en nous ce qu'il exprime à
l'extérieur.
POSTCOMMUNION.
PR.tSTA nobis, qujesu-
mus omnipotens et
misericors Deus , ut
quae visibilibus myste-
riis sumenda percepi-
mus, invisibili consequa-
mur effectu. Per Domi-
num.
D
AIGNEZ, ô Dieu tout
puis-
nous faire ressentir les effets
invisibles des Mystères aux-
quels nous participons visi-
blement. Par Jésus-Christ.
A SEXTE.
L 'Hymne et les trois Psaumes dont se com-
pose l'Office de Sexte, se trouvent ci-
dessus, page 56.
Av-rU LEVATis ma-
_P nibus bene-
dixit eis, et ferebatur in
cœlum, alléluia.
CAPITULE. ( Act. I.)
LEVANT les mains,
il les bénit, et il
s'enlevait au ciel, alléluia.
Ant£
E\
convescens, praece-
pit eis ab Jerosoly-
mis ne discederent, sed
exspectarent promissio-
nem Patris, quam au-
distis (inquit) per os
meum : quia Johannes
quidem baptizarit aqua.
vos autem baptizabiraini
Spiritu Sancto non post
multos hos dies.
^. brA SCENDENS
i i Lhristus in
altum, * Alléluia, allé-
luia. Ascendens.
ET prenant un repas avec
eux, il leur commanda de
ne pas sortir de Jérusalem,
mais d'attendre la promesse
du Père, que vous avez, leur
dit-il, entendue de ma propre
bouche; car Jean a baptisé
dans l'eau; mais vous, sous
peu de jours, vous serez
baptisés dans le Saint-Esprit.
a i J E Christ montant
''- dans les cieux, *
Alléluia, alléluia. Le Christ.
Midi.
i65
f. A emmené avec lui ceux
qui furent captifs. *Alleluia,
alléluia.
Gloire au Père. Le Christ.
^. Je monte vers mon Père
et votre Père, alléluia,
fi|. Vers mon Dieu et votre
Dieu, alléluia.
j^. Captivam duxit
captivitatem. * Alléluia,
alléluia.
Gloria Patri. Ascen-
dens.
f. Ascendo ad Patrem
meum, et Patrem ves-
trum. alléluia,
fil. Deum meum , et
Deum vestrum. alléluia.
L'Oraison est la Collecte de la Messe, ci-
dessus, page i55.
MIDI.
r Jne tradition descendue des premiers siè-
clés et confirmée par les révélations des
saints, nous apprend que l'heure de l'Ascen-
sion du Sauveur fut l'heure de midi. Les
Carmélites de la réforme de sainte Thérèse
honorent d'un culte particulier ce pieux sou-
venir. A l'heure où nous sommes, elles sont
réunies au chœur, vaquant debout à la con-
tem.plation du dernier des mystères de Jésus,
et suivant l'Emmanuel de la pensée et du
cœur aussi haut que son vol divin l'em-
porte.
Suivons-le aussi nous-mêmes; mais avant
de fixer nos regards sur le radieux midi qui
éclaire son triomphe, revenons un moment
par la pensée à son point de départ. C'est à
minuit, au sein des ténèbres, qu'il éclata
tout à coup dans l'étable de Bethléhem. Cette
heure nocturne et silencieuse convenait au
début de sa mission. Son œuvre tout entière
i66 L'Ascension de Notre-Seif^neur.
était devant lui, et trente-trois années devaient
être employées à l'accomplir. Cette mission
se déroula année par année, jour par jour,
et elle allait touchant à sa fin, lorsque les
hommes, dans leur malice, se saisirent de
lui et l'attachèrent à une croix. On était au
milieu du jour, lorsqu'il parut élevé dans les
airs; mais son Père ne voulut pas que le
soleil éclairât ce qui était une humiliation et
non un triomphe. D'épaisses ténèbres couvri-
rent la terre entière; cette journée fut sans
midi. Quand le soleil reparut, il était déjà
l'heure de None. Trois jours après, il sortait
du tombeau aux premiers rayons de l'au-
rore.
Aujourd'hui, à ce moment même, son œuvre
est consommée. Jésus a payé de son sang la
rançon de nos péchés, il a vaincu la mort en
ressuscitant glorieux; n'a-t-il pas le droit de
choisir pour son départ l'heure où le soleil,
son image, verse tous ses feux et inonde de
lumière cette terre que son Rédempteur va
échanger pour le ciel? Salut donc, heure de
midi deux fois sacrée, puisque tu nous redis
chaque jour et la miséricorde et la victoire
de notre Emmanuel ! Gloire à toi pour la
double auréole que tu portes : le salut de
l'homme par la croix, et l'entrée de l'homme
au royaume des cieux !•
Mais n'êtes-vous pas aussi vous-même le
Midi de nos âmes, ô Jésus, Soleil de justice !
Cette plénitude de lumière à laquelle nous
aspirons, cette ardeur de l'amour éternel qui
seul peut nous rendre heureux, où les trou-
verons-nous, sinon en vous qui êtes venu ici-
bas éclairer nos ténèbres et fondre nos glaces.''
A Nonc. TÔy
Dans cette espérance, nous écoutons les mélo-
dieuses paroles de Gertrude votre fidèle
épouse, et nous sollicitons la grâce de pou-
voir un jour les répéter après elle : « O amour,
« ô Midi dont l'ardeur est si douce, vous êtes
a l'heure du repos sacré, et la paix entière
« que l'on goûte en vous fait nos délices. O
« mon Bien-Aimé, élu et choisi au-dessus de
« toute créature, faites-moi savoir, montrez-
« moi le lieu où vous paissez votre troupeau,
« où vous prenez votre repos à l'heure de
« midi. Mon cœur s'enflamme à la pensée de
« vos doux loisirs à ce moment. Oh ! s'il m'é-
« tait donné d'approcher de vous assez près
« pour n'être plus seulement près de vous,
« mais en vous! Par votre influence, 6 Soleil
« de justice, toutes les fleurs des vertus sor-
« tiraient de moi qui ne suis que cendre et
« poussière. Fécondée par vos rayons, 6 mon
« Maître et mon Epoux, mon âme produi-
« rait les nobles fruits de toute perfection.
« Enlevée de cette vallée de misère, admise à
« contempler vos traits si désirés, mon bon-
ce heur éternel serait de penser que vous
« n'avez pas dédaigné, 6 miroir sans tache,
« de vous unir à une pécheresse telle
« que moi i. »
A NO NE.
T'HvMNE et les Psaumes, ci-dessus, page Gi.
Axr-r /^ OMME ils le COn- I . \/IDENTIBUS
^^^- \^ sidéraient, il I ^^^- ^ illis eleva-
I. Exercitia S. Gertrudis. Diev.
tus est, et nubes suscepit
cum in cœlo, alléluia.
s'éleva, et une nuée le reçut
pour le porter jusqu'au ciel,
alléluia.
\lRI Galilaei, quid sta-
tis adspicientes in
cœlum ? Hic Jésus, qui
assumptus est a vobis
in cœlum, sic veniet,
qiiemadmodum vidistis
eum euntem in cœlum.
CAPITULE. {Act. I.)
}-^MMES de Galilée, pour-
quoi vous arrêtez-vous
à regarder au ciel ? Ce Jésus
qui en vous quittant s'est
élevé au ciel, viendra de la
même manière que vous l'y
avez vu monter.
hr.A
„ u LX SCENDO ad
^. t>r.^ P a t r e m
meum, et Patrem ves-
trum,* Alléluia, alléluia.
Ascendo.
f. Deum meum , et
Deiim vestrum. * Allé-
luia, alléluia.
Gloria Patri. Ascendo.
f. Dominus in cœlo,
alléluia,
^. P a r a v i t sedem
suam, alléluia.
„ , I E monte vers mon
Père, * Alléluia, alléluia. Je
monte.
f. Vers mon Dieu et votre
Dieu. * Alléluia, alléluia.
Gloire au Père. Je monte.
f. Au ciel, le Seigneur,
alléluia,
'Bf. A préparé son trône,
alléluia.
L'Oraison, page i55.
A VEPRES.
Le Seigneur Jésus a disparu de la terre;
mais son souvenir et ses promesses sont
demeurés au fond du cœur de la sainte
Eglise. Elle suit par la pensée le triomphe si
splendide de son Epoux, triomphe si mérité
après l'œuvre accomplie du salut des hom-
mes. Elle ressent son veuvage ; mais elle
A Vêpres.
JÔg
attend d'une foi ferme le Consolateur promis.
Cependant les heures s'écoulent, le soir appro-
che; elle rassemble alors ses enfants, et dans
l'Office des Vêpres, elle repasse avec eux le
profond mystère de ce grand jour.
Les Antiennes des Psaumes reproduisent
le récit de l'événement qui s'est accompli à
l'heure de midi; elles sont mélodieuses, mais
non sans une expression triste comme il con-
vient au jour des adieux.
I. Ant. HT,''^''^^^"-
lilee, pour-
quoi regardez-vous au ciel?
Ce Jésus qui en vous quittant
s'est élevé au ciel, viendra
de la même manière, allé-
luia.
I. Ant.
\J ïRi Gali-
Lxi, quid
adspicitis in cœlum ? Hic
Jésus qui assumptus est
a vobis in cœlum, sic
veniet, alléluia.
Psaume cix. Dixit Dominus, page 67.
2. Ant. Le voyant donc
qui montait au ciel, ils pro-
noncèrent l'alleluia.
2. Ant. Cumque in-
iLierentur in cœlum eun-
tem illum, dixerunt allé-
luia.
Psaume ex. Confitebor, page 68.
3. Ant. Elevant les mains,
il les bénit, et il s'enlevait au
ciel, alléluia.
3. Ant. Elevatis ma-
nibus, benedixit eis, et
ferebatur in cœlum, al-
léluia.
Psaume cxi. Beatus vir, page 69.
4. Ant. Exaltate Re-
gem regum, et hymnum
dicite Deo, alléluia.
4. Ant. Célébrez avec
transport le Roi des rois, et
chantez une hymne à Dieu,
alléluia.
Psaume cxii. Laudate, pueri, page 71.
5. Ant. Comme ils le con- I 5. Ant. Videntibus
sidéraient, il s'éleva, et une | illis elevatus est, et nu-
i~o L'Ascension de Notre-Seigncur.
bes suscepit eum in 1 nuée le reçut pour le porter
ccelo, alléluia. | jusqu'au ciel, alléluia.
PSAUME CXVI,
LAUDATE Dominum ,
' omnes gentes : * lau-
date eum, omnes populi.
Quoniam confirmata
est super nos misericor-
dia ejus : * et veritas Do-
mini manec in aeternum.
Tot'TES les nations, louez le
Seigneur; tous les peu-
ples, proclamez sa gloire.
Car sa miséricorde s'est
affermie sur nous, et la vérité
du Seigneur demeure éter-
nellement.
CAPITULE. {Ad. I.)
PIMUM quidem sermo-
nem feci de omnibus,
G Théophile, quae cœpit
Jésus facere et docere,
usque in diem quvT prae-
cipiens Apostolis per
Spiritum Sanctum, quos
elegit, assumptus est.
Tai parlé dans mon premier
-^ livre, ô Théophile, de
tout ce que Jésus a fait et
enseigné, jusqu'au jour où il
fut élevé au ciel, après avoir
instruit par le Saint-Esprit
les Apôtres qu'il avait choi-
sis.
L'Hymne, pleine de suavité, a pour auteur
saint Ambroise; mais elle a été retouchée
plus ou moins heureusement au xvii' siècle.
Calutis humanne sator,
^ Jesu, voluptas cor-
dium,
Orbis redempti conditor,
Et casta lux amantium.
Qua victus es clemen-
tia,
Ut nostra ferres crimina,
Mortem subires inno-
cens,
A morte nos ut tôlières !
A UTEUR du salut de l'hom-
me, ô Jésus, amour des
cœurs, créateur de ce monde
que vous avez racheté, chaste
lumière de ceux qui vous
aiment.
Vaincu par votre clémence,
vous vous étiez chargé de
nos crimes ; innocent, vous
snuff"rîtes la mort, afin dj
nous arracher nous-mêmes
au trépas.
Votre bras a brisé les por-
tes des enfers, vous avez fait
tomber les chaînes des cap-
tifs ; après votre victoire vous
avez obtenu le plus noble
triomphe, et vous êtes venu
vous asseoir à la droite du
Père.
Laissez-vous fléchir par
votre bouté, daignez réparer
nos malheurs nouveaux ;
montrez-nous votre visage
divin, donnez-nous le bon-
heur au sein de la lumière qui
rend heureuses les âmes.
Vous êtes notre guide et
notre sentier jusqu'aux cieux;
soyez aussi le but que dési-
rent nos cœurs ; soyez la joie
de nos larmes et la douce ré-
compense d'une vie consacrée
à vous.
Amen.
a, A U ciel, le Seigneur,
"■ -** alléluia,
B?. A préparc son trône,
alléluia.
Perrumpis infernum
chaos,
Vinctis catenas detrahis :
Victor triumpho nobili.
Ad dexteram Patris se-
des.
Te cogat indulgentia,
Ut damna nostra sarclas,
Tuique vultus compotes
Dites beato lumine.
Tu dux ad astra et se-
mita,
Sis meta nostris cordi-
bus.
Sis lacrymarum gau-
dium,
Sis dulce vitas praemium.
Amen.
^ PVîMINUS in cœ-
^- ^ lo, alléluia,
fil. P a r a V i t sedem
suam, alléluia.
L'Antienne qui accompagne le Cantique
de Marie est une invitation à Jésus de se sou-
venir de sa promesse, et de ne pas tarder à
consoler son Epouse par l'envoi du divin
Esprit. La sainte Eglise la répétera chaque
jour, jusqu'à l'arrivée du don céleste.
ANTIENNE DE Magnificat.
(~\ Roi de gloire, Seigneur 1 (^ Rex glorias, Domi-
des armées, qui aujour- | ne virtutum, qui
Ï'J2
Le Temps Pascal.
triumphator hodie super
omnes cœlos ascendisti,
ne derelinquas nos orpha-
nps ; sed mitte promis-
sum Patris in nos Spi-
ritum veritatis, alléluia.
d'hui Êtes monté triom-
phant au-dessus de tous les
cieux, ne nous laissez pas
orphelins ; mais envoyez-
nous l'Esprit de vérité, selon
la promesse du Père, allé-
luia.
^jONCEDE , quaîsumus
omnipotens Deus :ut
qui hodierna die Unige-
nitum tuum Redempto-
rem nostrum ad cœlos
ascendisse credimus, ipsi
quoque mente in cœles-
tibus habitemus. P e r
eumdem Dominum nos-
trum Jesum Christum.
KftiTES, nous vous en
prions, Dieu tout-puis-
sant, que, croyant fermement
que votre Fils unique, notre
Rédempteur, est aujourd'hui
monté au ciel, nous y habi-
tiocs aussi nous-mêmes en
esprit par l'ardeur de nos
désirs. Nous vous en prions
par Jésus-Christ notre Sei-
gneur.
|\Tous entendrons, dans tout le cours de l'Oc-
tave, le concert des antiques Eglises de
la chrétienté, célébrant sur des modes divers,
mais dans un même sentiment, le médiateur
de Dieu et des hommes qui s'élève aux cieux
par sa propre vertu. Donnons aujourd'hui la
parole à l'Eglise grecque qui, dans son génie
pompeux, cherche à rendre les magnihcen-
ces du mystère. C'est l'Hymne de l'Ôlfice du
soir.
IN ASSUMPTIONE DOMINI, AD VESPERAS.
T ORSQUE tu fus arrivé, ô
*- Christ, sur le mont des
Oliviers, afin d'accomplir la
OUANDO pervenisti ,
Christe, in montera
Olîvarum, Patris adim-
pleturus beneplacitum ,
)lonté du Père, les Anges
L'Ascension de Notre- Seicçneur. i-j3
célestes furent dans l'étonne-
ment, et les esprits infernaux
frémirent. Les disciples
éprouvaient un sentiment de
bonheur mêlé de crainte,
tandis que tu leur parlais. En
face, à l'Orient, un nuage
apparaissait semblable à un
trône préparé ; le ciel dont
les portes étaient ouvertes se
montrait dans toute sa beau-
té ; et la terre allait appren-
dre comment Adam, après sa
chute, pourra remonter en-
core. Mais tout à coup tes
pieds s'élèvent dans les airs,
comme si une main les soute-
nait, ô Christ! ta bouche
répète des bénédictions aussi
longtemps que ses accents se
font entendre ; le nuage te
reçoit, et bientôt le ciel lui-
même. Telle est l'œuvre su-
blime que tu as opérée, Sei-
gneur, pour accomplir le
salut de nos âmes.
La nature d'Adam (fui
était tombée jusque dans les
profondeurs de la terre, cette
nature que tu as renouvelée,
ô Dieu, tu l'élevés aujour-
d'hui avec toi au-dessus des
Principautés et des Puissan-
ces. Dans ton amour pour
elle, tu l'établis là même où
tu résides ; dans ta compas-
sion, tu te l'étais unie, tu
avais souffert en elle, toi qui
es impassible : et à cause de
ses souffrances que tu as par-
tagées, tu l'associes aujour-
d'hui à ta gloire. Les esprits
obstupuerunt cœlestes
Angeli. et horruerunt in-
ferorum habitatores. Ad-
stabant autem dirscipuli
cum gaudio trementes,
dum ipsis loquereris ;
tamquam thronus vero,
ex adverso praeparata
erat nubcs exspectans ;
portis autem apertis in
décore suo cœlum appa-
rebat ; et terra abscon-
dita révélât, ut notus fiât
Adag descensus et reas-
census. Sed vestigia qui-
dem exaltabantur tam-
quam a manu ; os vero
m u 1 t u m benedicebat,
quamdiu audiebatur; nu-
bes excipiebat, et cœlum
te intus suscepit. Opus
istud magnum prœter re-
rum ordinem operatus
es. Domine, ad salutem
animarum nostrarum.
Delapsam in inferiores
partes terrae naturam
Adae a te, Deus, renova-
tam, super omnem prin-
cipatum et potestatem te-
cum hodie sustulisti ;
quia enim diligeba*, te-
cum coUocasti ; quia
commiserebaris, tibi uni-
visti ; quia unieras, si-
mul passus es; quia pas-
sus es impassibilis, con~
glorificasti. At incorpo-
rel : Quis est, aiebant,
iste vir speciosus ? sed
non tantum homo, Dcus
^74
Le Temps Pascal.
autem et homo, utram-
que proferens naturam.
Unde alii An^îeli in sto-
lis circum discipulos vo-
lantes, clamabant : Viri
Galilai, qui a vobis abiit
hic Jésus homo Deus ,
rursum veniet Deus ho-
mo, judex vivorum et
mortuorum, fidelibus au-
tem dans peccatorum ve-
niam et magnam miseri-
cordiam.
Quando assumptus es
in gloria. Christe Deus,
videntibus discipulis ,
nubes te cum carne sus-
cipiebant, porta; cœli su-
blatîB sunt ; Angelorura
chorus in exsultatione
lœtabatur, supernœ Vir-
lutes clamabant dicentes :
AttoUite portas, princi-
pes, vestras, et introibit
rex gloriae. Discipuli au-
temobstupefactidicebant:
Ne separeris a nobis.pas-
tor bone. sed mitte nobis
sanctissimum Spiritum
tiium, dirigentera et fir-
mantem animas nostras.
Domine, postquam ut-
pote bonus, mysterium a
sa:culis et generationibus
absconditum implevisti,
in montem Olivarum
cum discipulis tuis ve-
célestes se sont écriés :
« Quel est cet homme écla-
tant de beauté, et qui n'est
pas seulement un homme ,
mais un Dieu-homme, ayant
les deux natures ? » Cepen-
dant, d'autres Anges au vol
rapide et vêtus de longues
tuniques, descendaient vers
les disciples et leur disaient :
« Hommes de Galilée, Jésus,
homme-Dieu, qui vient de
vous quitter, reviendra Dieu-
homme, pour juger les vi-
vants et les morts, et pour
faire part à ceux qui croient
en lui du pardon et de sa
grande miséricorde. »
Lorsque tu fus enlevé dans
la gloire aux regards de tes
disciples, 6 Christ Dieu, un
nuage reçut ton humanité,
les portes du ciel s'élevèrent,
le chœur des Anges tressail-
lit d'allégresse et les Vertus
célestes criaient avec trans-
port : « Princes, élevez vos
portes, et le Roi de gloire
entrera. » Cependant, les dis-
ciples dans la stupeur di-
saient : « Ne vous séparez
pas de nous, o bon Pasteur,
mais envoyez-nous votre Es-
prit très saint, pour diriger
et affermir nos âmes. »
Après avoir accompli dans
ta bonté, Seigneur, le mys-
tère qui avait été caché aux
siècles et aux générations,
tu es venu sur le mont des
Oliviers avec tes disciples,
L'Ascension de Notre-Seigneur. ij5
ayant avec toi celle qui t'a
enfanté, ô créateur et auteur
de toutes choses ! Il était
juste que celle qui, dans ta
Passion, avait souffert plus
que tout autre dans son cœur
maternel, fût appelée à jouir
aussi plus que tout autre du
triomphe de ton humanité.
Nous donc qui entrons en
participation de sa joie dans
ton Ascension , Seigneur,
nous glorifions ta grande mi-
séricorde envers nous.
nisti. habens eam qua; te
creatorem et omnium
opificem genuit. Eam
enim qua^ in passione tua
materno more praî omni-
bus doluit, oportebat et
ob gloriam carnis .tuœ
majori perfrui gaudio;
cujus et nos participes
cffecti. in tua ad cœlos
ascensione, Domine, ma-
gnam tuam in nos mise-
ricordiam glorificamus.
Terminons la journée par cette belle prière
du Bréviaire mozarabe.
T^ ILS unique de Dieu, ô
r vous qui, vainqueur de
la mort, avez passé de la
terre au ciel ; Fils de
l'Homme dans votre nature
extérieure, éblouissant d'é-
clat sur votre trône, objet
continuel des louanges de
toutes les milices célestes,
ne permettez pas que nous
nous laissions enchaîner par
les liens coupables de ce
monde, nous qui, dans les
transports de notre foi, célé-
brons votre Ascension vers
le Père. Faites que l'œil de
notre cœur soit à jamais fixé
là où vous êtes monté plein
de gloire, après avoir été
blessé ici-bas. Amen.
NOTRE Emmanuel !
parvenu au terme de
O
j^ 1 NiGENiTE Dei Filius,
l^^ qui devicta morte
de terrenis ad cœlestia
transitum faciens, quasi
filius hominis apparens,
in throno magnam clari-
tatcm habens, quem om-
nis militia cœlestis exei -
citus Angelorum laudut:
prasbe nobis, ut nullis
flagitiorum vinculis in
corde hujus sœculi illi-
gemur, qui te ad Patrcm
ascendisse gloriosa fidei
devotione conciniraus ;
ut illic indesinenter cor-
dis nostri dirigatur ob-
tutus, quo tu ascendisti
post vulnera gloriosus.
Amen.
VOUS êtes donc enfin
votre œuvre, et c'est
i-jô Le Temps Pascal.
aujourd'hui mcme que nous vous voyons entrer
dans votre repos. Au commencement du
monde, vous aviez employé six jours pour
disposer toutes les parties de cet univers créé
par votre puissance; après quoi vous rentrâ-
tes dans votre repos. Plus tard, lorsque vous
eûtes résolu de relever votre œuvre tombée
par la malice de l'ange rphelle, votre amour
vous fit passer, durant le cours de trente-
trois années, par une succession sublime
d'actes à l'aide desquels s'opéraient notre
rédemption et notre rétablissement au degré
de sainteté et de gloire dont nous étions
déchus. Vous n'avez" rien oublié, 6 Jésus, de
ce qui avait été arrêté éternellement dans les
conseils de la glorieuse Trinité, de ce que les
Prophètes avaient annoncé de vous. \'otre
triomphante x\scension met le sceau à la mis-
sion que vous avez daigné accomplir dans
votre miséricorde. Pour la seconde fois vous
entrez dans votre repos ; mais vous y entrez
avec la nature humaine appelée désormais
aux honneurs divins. Déjà les justes de notre
race que vous avez retirés des limbes pren-
nent rang dans les chœurs angéliques, et en
partant vous nous avez dit à'^nous-mêmes :
« Je vais vous préparer ime place >. »
Confiants dans votre parole, 6 Emmanuel,
résolus à vous suivre dans tous vos mystères
qui n'ont été accomplis que pour nous, à voi>6
accompagner dans l'humilité de votre Beth-
léhem, dans la participation aux douleurs de
votre Calvaire, dans la résurrection de votre
Pàque, nous aspirons à imiter aussi, quand
L* Ascension de Notre-Seigneiir. jjj
l'heure sera venue, votre triomphante Ascen-
sion. En attendant, nous nous unissons aux
chœurs des saints Apôtres qui saluent votre
arrivée, à nos Pères dont l'heureuse multi-
tude vous accompagne et vous suit. Tenez
vos regards divins fixés sur nous, 6 divin
Pasteur! le moment de la réunion n'est pas
arrivé encore. Gardez vos brebis, et veillez
à ce que pas une ne s'égare et ne manque au
rendez-vous. Instruits désormais de la fin
qui nous attend, fermes dans l'amour et la
méditation des mystères qui nous ont con-
duits à celui d'aujourd'hui, nous l'adoptons
en ce jour comme l'objet de notre attente,
comme le terme de nos désirs. C'est le but
que vous vous êtes proposé en venant en ce
monde, descendant jusqu'à notre bassesse,
pour nous enlever ensuite jusqu'à vos gran-
deurs, vous faisant homme afin de faire de
nous des dieux. Mais jusqu'au moment qui
nous réunira à vous, que ferions-nous ici-
bas, si la Vertu du Très-Haut que vous nous
avez promise ne descendait bientôt sur nous,
si elle ne nous apportait la patience dans
l'exil, la fidélité dans l'absence, l'amour seul
capable de soutenir un cœur qui soupire
après la possession ? Venez donc, ô^ divin
Esprit! Ne nous laissez pas languir, afin que
notre œil demeure fixé au ciel où Jésus règne
et nous attend, et ne permettez pas que cet
œil mortel soit tenté, dans sa lassitude, de
s'abaisser sur un monde terrestre où Jésus
ne se laissera plus voir.
LE TEMPS PASCAL. — T. U
LE VENDREDI
DANS L'OCTAVE DE L ASCENSION.
Çy Rex gloriae, Do-
mine virtutum, qui
triumphator hodie super
omnes cœlos asceridisti,
ne derelinquas nos or-
phanos ; sed mitte pro-
missum Patris in nos
Spiritum veritatis, allé-
luia.
r~) Roi de gloire, Seigneur
des armées, qui aujour-
d'hui êtes monté triomphant
au-dessus de tous les cieux,
ne aous laissez pas orphe-
lins ; mais envoyez-nous
l'Esprit de vérité, selon la
promesse du Père, alléluia.
entier,
cous voici arrivés, pour ainsi dire, au
point culminant de l'œuvre divine,
et ce n'est véritablement qu'aujour-
d'hui qu'elle nous apparaît dans son
Chaque jour la sainte Eglise, dans
l'auguste Sacrifice, à la suite des paroles
sacrées qui ont amené sur l'autel celui qui
est à la fois le Dieu et la victime, s'adressant
à la majesté du Père, exprime ainsi les motifs
de sa confiance : « Ayant donc présents à la
« pensée, nous vos se'rviteurs et votre peuple
« saint, la bienheureuse Passion de ce même
« Christ, votre Fils et notre Seigneur, sa
« Résurrection du tombeau, et aussi sa glo-
(( rieuse Ascension dans les cieux, nous vous
a offrons cette hostie pure, sainte et imma-
« culée. )• 11 ne suffit donc pas à l'homme de
s'appuyer sur les mérites de la Passion du
Rédempteur qui a lavé nos iniquités dans
son sang; il ne lui suffit pas de joindre à ce
Le Vendr. dans l'Oct. de l'Ascension, ijg
souvenir celui de la Résurrection qui a donné
à ce divin Libérateur la victoire sur la mort; |
l'homme n'est sauvé, n'est rétabli, que par |
l'union de ces deux mystères avec un troi- ^
sième, avec le mystère de la triomphante f
Ascension de Celui qui est mort et ressus- \
cité. Jésus, durant les quarante jours de sa
vie glorieuse sur la terre, n'est encore qu'un
exile; et nous demeurons exilés comme lui,
jusqu'à ce que la porte du ciel, close depuis
quatre mille ans, se rouvre pour lui et pour
nous.
Dans son ineffable bonté. Dieu n'avait pas
seulement appelé l'homme à la royauté sur
tous les êtres dont cette terre est couverte;
il ne l'avait pas destiné seulement à connaî-
tre la vérité dans la proportion des besoins
de sa nature, à réaliser le bien selon les for-
ces de sa vie morale, à rendre un lointain
hommage à son créateur. Par un dessein de sa
toute-puissance unie à son amour, Dieu avait
assigné à cet être si chétif et si faible une fin
au-clessus de sa nature. Inférieure l'Ange, et
réalisant dans son être l'union de l'esprit et
de lamatière, l'homme était appelé à la même
fin que l'Ange. Le ciel devait les recevoir l'un
et l'autre ; l'un et l'autre étaient appelés à
trouver éternellement leur bonheur dans la
vue de Dieu face à face, dans la possession
intime du souverain bien. La grâce, secours
divin et mystérieux, devait les adapter à cette
fin sublime que leur avait gratuitement pré-
•parée la bonté de leur créateur. Telle était la
pensée dans laquelle Dieu s'était complu éter- '.
nellement : élever jusqu'à lui ces fils du néant :
et verser sur eux, selon la mesure de leur !
i
» —
i8o Le Temps Pascal.
être agrandi, les torrents de son amour et de
sa lumière.
Nous savons quelle catastrophe arrêta tout
à coup une partie des Anges sur le chemin
de la béatitude suprême. Au moment de l'é-
preuve qui devait décider de l'admission de
chacun d'eux au bonheur sans fin, un cri de
révolte se fit entendre. Dans tous les chœurs
angéliques il y eut des rebelles, des esprits
qui refusèrent de s'abaisser devant le com-
mandement de l'ordre divin; mais leur chute
ne nuisit qu'à eux-mêmes, et les Esprits fidè-
les admis en récompense à la vue et à la pos-
session béatihante du souverain bien, com-
mencèrent leur éternité de bonheur. Dieu dai-
gnait admettre des êtres créés à la jouissance
de sa propre félicité, et les neuf chœurs glori-
fiés s'épanouirent sous son regard éternel.
Créé plus tard, l'homme aussi tomba, et
son péché brisa le lien qui l'unissait à Dieu.
La race humaine n'était alors représentée que
par un seul homme et une seule femme : tout
avait donc sombré à la fois. Après la faute,
le ciel demeurait fermé désormais à notre
race ; car dans leur chute Adam et Eve avaient
entraîné leur postérité future, à laquelle ils
ne pouvaient transmettre un droit qu'ils
avaient perdu. Au lieu de ce passage agréa-
ble et rapide sur la terre, auquel devait mettre
fin une heureuse ascension vers le séjour
éternel de la gloire, il ne nous restait plus
qu'une courte "vie remplie de douleurs, et,
pour perspective, le tombeau où notre chair
sortie de la poussière serait elle-même réduite
en poussière. Quant à notre âme, créée pour
le bonheur surnaturel, lors même qu'elle y
eût aspiré, ce n'eût été que pour s'en voir à
jamais frustrée. L'homme avait préféré la
terre ; elle lui demeurait pour quelques jours,
après lesquels il la laisserait à d'autres qui
disparaîtraient également jusqu'à ce qu'il plût
à Dieu d'en finir avec cette œuvre manquée.
Ainsi avions-nous mérité d'être traités ;
mais telle ne fut pas cependant l'issue de
notre création. Quelle que soit la haine que
Dieu porte au péché, il avait appelé l'homme
à jouir des trésors de sa gloire, et il ne con-
sentit pas à déroger aux desseins sublimes de
sa sagesse et de'^sa bonté. Non, la terre ne
sera pas un séjour où l'homme ne fera que
naître et s'éteindre bientôt. Lorsque la pléni-
tude des temps sera arrivée, un homme paraî-
tra ici-bas, non point le premier d'une créa-
tion nouvelle, mais un homme comme nous,
de notre race, « fait de la femme », comme
parle l'Apôtre L Or, cet homme à la fois
céleste et terrestre s'associera à notre dis-
grâce ; comme nous il passera par la mort,
et la terre le possédera trois jours dans son
sein. iMais elle sera forcée de le rendre, et
vivant, il apparaîtra aux regards éblouis des
autres hommes. Nous l'avons vu, et nous qui
sentons en nous-mêmes une « réponse de
mort 2 », nous nous sommes réjouis de voir
la c'nair de notre chair, le sang de notre sang
remporter une si belle victoire.
Ainsi donc les intentions divines n'auront
pas été frustrées en tout. Voici que la terre
présente au Créateur un second Adam qui,
ayant vaincu la mort, ne peut plus s'arrêter
I. Gai. IV, 4. — 2. II Cor. i, 9.
i82 Le Temps Pascal.
ici-bas. Il faut qu'il monte ; et si la porte eu
ciel est fermée, il faut qu'elle s'ouvre pour
lui. « Princes, élevez vos portes ; portes éter-
« nelles, élevez-vous, et le Roi de gloire en-
« trera dans le séjour qui l'attend ^ ». Ori ! s'il
daignait nous attirer après lui ! car il est notre
frère, et nous savons que « ses délices ici-bas
« étaient d'être avec les enfants des hom-
« mes -. » Mais qu'il monte, que son Ascension
soit dès aujourd'hui. Il est le plus pur sang
de notre race, le tils d'une mère sans tache ;
qu'il aille nous représenter tous dans cet heu-
reux séjour que nous devions habiter. C'est
la terre qui l'envoie ; elle n'est plus stérile
du moment qu'elle l'a produit ; car elle a
enfin fructifié pour le ciel. Ne semble-t-il pas
qu'un rayon de lumière est descendu jusqu'au
fond de cette vallée de larmes, lorsque les
portes du ciel se sont levées pour lui ouvrir
passage ? « Elevez-vous donc, 6 Seigneur des
« hommes ! élevez-vous dans votre puissance,
« et nous, sur cette terre, nous chanterons
« les grandeurs de votre triomphe 3. » Père
des siècles, recevez cet heureux frère que vos
fils disgraciés vous envoient. Toute maudite
qu'elle'semblait être, « la terre a donné son
« fruit •i ». Oh! s'il nous était permis devoir
en lui les prémices d'une plus abondante
moisson que votre majesté daignerait agréer,
nous oserions penser alors que ce jour est
celui où vous rentrez en possession de votre
œuvre primitive.
I. Psalm. XXIII. — 2. Prov. vill, 3l. — 3. Psalm.
t. — 4. Psalm. Lxvi.
Le Vendr. dans l'Oct. de V Ascension. i83
EMPRUNTONS aujourd'hui la voix de l'Eglise
arménienne, toujours si mélodieuse, et
unissons-nous comme elle aux transports
qu'éprouvèrent les saints Anges, au moment
où ils virent s'élever d» la terre l'homme nou-
veau qui venait s'asseoir au plus haut des
cieux.
LES Puissances du ciel ont
, été émues en vous voyant
monter, ô Christ ! Elles se
disaient l'une à l'autre dans
leur tremblement : « Quel
est ce Roi de gloire ? »
— C'est le Dieu Verbe in-
carné, qui a anéanti le péché
sur la croix, et qui, s étant
envolé avec gloire, vient au
ciel. Seigneur qu'il est, dans
sa force et sa vertu.
— C'est celui qui s'est
levé du sépulcre et a détruit
la mort ; aujourd'hui il
monte avec gloire, et vient
au Père : il est le Seigneur
puissant dans les combats.
— C'est lui qui, par un
pouvoir divin, est monté au-
jourd'hui sur le char de son
Père, servi par les chœurs
des Anges, qui chantaient et
s'écriaient : « Princes, ou-
vrez vos portes, et le Roi de
gloire entrera ».
Les Puissances célestes
étaient dans l'étonnement, et
se demandaient d'une voix
tremblante : « Quel est ce
F TESTATES cœlt ter-
ritae sunt, videntes
ascensum tuum, Christe;
alter ad alterum paves-
centes dicebant : Quis
est iste Rex gloriœ ?
Hic est incarnatus
Deus Verbum, qui in
cruce peccatum occidit,
et supervolans gloriose,
venit in cœlum, Domi-
nus fortis virtute sua.
Hic est qui de monu-
mento surrexit, et des-
truxit infernum, atque
superscandens gloriose
venit ad Patrem, Dorai-
nus potens in praelio.
Qui ascendit hodie di-
vina potestate in Patrie
curru, ministrantibus ei
angelicis choris, qui ca-
nebant dicentes : Attol-
lite portas, principes
vestras, et introibit Rex
glorise.
Stupuerunt supernae
Potestates, et tremenda
voce clamabant ad invî-
cera: Quis est iste Rex
j84
Le Temps Pascal.
gloriae, qui venit in carne
et mira virtute ; attoUite,
attollite portas, principes
vestras, et introibit Rex
gloriae.
Modulabantur superni
Principatus , mirabili
voce cantabant canticum
novum, dicentes : Ipse
est Rex gloriae, salvator
niundi et liberator gene-
ris humani ; attollite
portas, principes vestras,
et introibit Rex gloriae.
Qui complantati facti
suinus similitudinis mor-
tis tuae, Fili Dei, dignos
fac nos conformes fieri
tibi, gloriae Rex : tibi
cantent Ecclesiae sancto-
rum cantica spiritualia.
Veterem hominem
concrucifixum tibi fecis-
ti, et stimulum peccati
exstinxisti ; liberasti nos
vivifico ligno, cui affixus
es, et guttœ sanguinis
tui inebriarunt orbem ,
tibi cantent Ecclesiae
sanctorum cantica spiri-
tualia.
Propter miserationem
divinie humanitionis tuae,
participes fecisti no» cor-
poris tui et sanguinis,
Çer sacrificium tuum
'atri in odorem suavita-
tis oblatum, corporis a
(I Roi de gloire qui vient
« dans la chair et revêtu
« d'un si merveilleux pou-
« voir? Princes, ouvrez vos
« portes, et le Roi de gloire
M entrera. »
Les Hiérarchies supérieu-
res faisaient entendre un
concert harmonieux ; elles
chantaient un cantique nou-
veau, et disaient : « C'est le
« Roi de gloire, le sauveur
<i du monde et le libérateur
« du genre humain. Princes,
« ouvrez vos portes, et le
0 Roi de gloire entrera. »
Et nous, qui avons été
entés sur toi par la ressem-
blance de ta mort, 6 Fils de
Dieu, rends-nous dignes d'ob-
tenir aussi cette autre res-
semblance , ô Roi de gloire !
Toutes les Eglises des saints
célèbrent ton triomphe par
des cantiques spirituels.
Tu as crucihé avec toi le
vieil homme, tu as brisé l'ai-
guillon du péché, tu nous as
délivrés par ce bois vivifiant
auquel tu fus attaché, et les
gouttes de ton sang ont eni-
vré le monde : toutes les
Eglises des saints célèbrent
ton triomphe par des canti-
ques spirituels.
Dans ta compassion pour
nous, ta nature divine a dai-
gné s'incarner, et tu nous as
fait participer à ton corps et
à ton sang dans le Sacrifice
d'agréable odeur que tu as
offert à ton Père, en lui im-
Le Vendr. dans l'Oct. de F Ascension. i85
molant ton corps, emprunté
à notre nature. Ensuite tu
es monté sur un nuage écla-
tant, à la vue des Puissances
et des Principautés qui, dans
leur admiration, se deman-
daient : « Quel est celui qui
« arrive d'Edom d'un pas si
« rapide ? » Et les membres
de ton Eglise ont appris à
connaître les ressources de
ton infinie sagesse. Que toutes
les Eglises des saints célè-
brent ton triomphe par des
cantiques spirituels.
nobis sumpti, et ascen-
disti pellucidis nubibus,
manifestatus Potestati-
bus ac Principatibus,
qui stupefacti interroga-
bant : Quis est iste qui
properans venit de
Edom ; et per Ecclesiam
tuam didicerunt multi-
formem sapientiam
tuam ; tibi cantent Ec-
clesias sanctorum cantica
spiritualia.
LE SAMEDI
DANS LOCTAVF DE L'ASCENSION.
ORex gloriae, Do-
mine virtutum, qui
triumphator hodie su-
per omnes cœlos ascen-
disti, ne derelinquas nos
orphanos ; sed mitte
promissum Patris in nos
Spiritum veritatis, allé-
luia.
a^o\ de gloire, Seigneur
des armées, qui aujour-
d'hui êtes monté triomphant
au-dessus de tous les cieux,
ne nous laissez pas orphe-
lins ; mais envoyez-nous
lEsprit de vérité, selon la
promesse du Père, alléluia.
L est donc monté aux cieux, l'homme
que possédait la terre et qui résu-
mait en lui toute sainteté. Elle n'est
donc plus stérile pour le ciel, cette
terre pourtant maudite ; la porte des cieux,
fermée à notre race, a donc pu s'ouvrir pour
laisser passer un hls d'Adam. Tel est le m^ys-
tère de l'Ascension ; mais ceci n'en est qu'une
partie, et il importe de le connaître tout
entier. Ecoutons ce que nous dit l'Apôtre des
nations : « Dieu qui est riche en miséricorde,
« mû par l'excessive charité dont il nous a
M aimés, nous qui étions morts par nos péchés,
« il nous a rendus à la vie avec Jésus-Christ;
« il nous a ressuscites avec lui, et il nous a
« fait asseoir dans les cieux en sa personne 1. »
Ainsi, de même que nous avons célébré la
résurrection de notre Sauveur dans la Pâque
I. Eph. II, 4-6.
Le Samedi dans VOct. de V Ascension. 187
comme notre propre résurrection, l'Apôtre
nous convie à célébrer l'Ascension de ce divin
Rédempteur comme étant aussi la nôtre.
Mesurons la force de l'expression : « Dieu
« nous a fait asseoir dans les cieux en Jésus-
« Christ » ; dans cette Ascension, ce n'est pas
lui seulement qui monte aux cieux, nous y
montons avec lui ; ce n'est pas lui seulement
qui est intronisé dans la gloire, nous le sommes
avec lui.
Et, en effet, le Fils de Dieu n'était pas venu
se revêtir de notre nature pour que la chair
qu'il a prise en Marie fût seule établie dans
les conditions de la gloire éternelle ; il est
venu afin d'être notre Chef, mais un Chef
qui réclame ses membres dans l'adhésion
desquels consiste l'intégrité de son corps. « O
« Père ! s'écrie-t-il à la dernière Cène, ceux
« que vous m'avez donnés, je veux qu'ils
« soient là où je suis, afin qu'ils voient la
« gloire dont vous m'avez fait part 1. » Et
quelle gloire le Père a-t-il donnée à son Fils ?
Écoutons David qui a célébré cette auguste
journée de l'Ascension : « Celui qui est le
« Seigneur a dit à mon Seigneur : Asseye:{-
« vous à ma droite '^. » C'est'donc sur le trône
même du Père, à la droite même du Père,
que nous verrons éternellement celui que
l'Apôtre appelle « notre avant-coureur ^ »;et
nous lui adhérerons comme étant réellement
les membres de son corps, en sorte que sa
gloire sera la nôtre, et que nous serons rois
avec lui, rois de sa royauté à jamais ; car il
I. JoHAN. XVII, 24. — 2. Psalm. cix. — 3. Heb vi
20.
j88 Le Temps PascaK
a dû partager tout avec nous, ayant voulu
que nous fussions « ses cohéritiers i. »
Il suit de là que l'auguste mystère de l'As-
cension, ouvert aujourd'hui, se con-tinue à
chaque instant, jusqu'à ce que le dernier des
élus, étant nnonté aux cieux, le corps mys-
tique de notre Emmanuel ait atteint son en-
tier complément. Voyez cette nuée innom-
brable d'âmes saintes qui se presse sur ses
pas en ce jour : nos premiers parents à la
tête, les patriarches, les prophètes, les justes
de toute race, que quatre mille ans avaient
préparés pouT ce triomphe. Captifs naguère
dans les demeures souterraines des limbes,
maintenant brillants de clarté, ils suivent
avec la rapidité de l'aigle celui dont ils ornent
le triomphe. Ils sont ses trophées, en même
temps qu'ils forment sa cour dans le trajet
de la terre au ciel. En les suivant du regard,
écrions-nous donc dans les transports de
David : « Royaumes de la terre, chantez au
« Seigneur, chantez à Dieu qui s'élève sur les
« cieux des cieux, vers l'Orient -. »
De leur côté les milices angéliques se pres-
sent au-devant de l'Emmanuel, et alors com-
mence le sublime dialogue que l'oreille pro-
phétique de David entendit, et qu'il nous a
rendu à l'avance. La légion innombrable et
triomphante qui suit et accompagne l'Em-
manuel crie aux gardiens de la Jérusalem
céleste : « Princes," élevez vos portes ! portes
« éternelles, élevez-vous ; c'est le Roi de
« gloire qui va entrer. » Et les An^es tidèles
répondent avec ma^sté : « Et quel est-il, ce
I. Rom. VIII, 17. — 2. Psalm. lxvii.
Le Samedi dans VOct. de l'Ascension. i8g
« Roi de gloire ?» — « C'est le Seigneur »,
répondent "les élus de la terre, u le Seigneur
« fort et puissant, le Seigneur puissant dans
« les combats » , comme l'attestent les
victoires qu'il a remportées sur Satan, sur la
mort et l'enfer, les victoires dont nous som-
mes l'heureux trophée ^. x\près une seconde
interpellation qui donne lieu d'exalter une
seconde fois les grandeurs de l'Emmanuel,
les portes éternelles se lèvent, et le Christ
vainqueur pénètre dans les cieux avec son
glorieux cortège.
Elles ne retomberont plus désormais pour
nous fermer le passage, ces portes éternelles
qui ont donné entrée à notre libérateur : et
c'est ici qu'il faut admirer l'incommunicable
grandeur du mystère de l'Ascension. Ce mys-
tère s'est ouvert aujourd'hui, Jésus l'a inau-
guré en s'élançant de la terre au ciel, mais il
ne l'a pas clos ; il a voulu qu'il fût permanent,
qu'il s'accomplît en tous ses élus successive-
ment, soit qu'ils montent du lieu des expia-
tions, soit qu'ils s'élèvent de notre terrestre
vallée avec le vol de la colombe. Salut donc,
ô glorieux mystère que tant d'autres mystères
ont préparé, terme et accomplissement du
dessein éternel de Dieu! mystère qui fus
suspendu durant des siècles par notre chute,
mais qui reprends aujourd'hui ton cours en
l'Emmanuel , pour ne plus l'interrompre
qu'au moment solennel où la voix éclatante
de l'Ange criera : « Le temps n'est plus 2, »
Jusque-là tu demeures ouvert pour nous, et
iqo Le Temps Pascal.
l'espérance vit dans notre cœur que tu t'ac-
compliras aussi en nous.
Daignez donc permettre, 6 Jésus, que nous
prenions pour nous cette parole que vous
avez dite : « Je vais vous préparer une
« place 1. » XoMS avez tout disposé dans ce
but ; et vous êtes venu en ce monde pour
nous ouvrir la voie que vous avez vous-
même franchie aujourd'hui. La sainte Eglise,
votre Epouse, nous ordonne d'élever nos
regards; elle nous montre le ciel ouvert, et
lesillon lumineux que tracent jusqu'à nous
les âmes qui montent à chaque instant pour
s'unir à vous. Nos pieds posent encore sur la
terre ; mais Toeil de notre foi vous découvre
au terme de cette voie, vous, « le Fils de
« l'homme, assis à la droite de l'Ancien des
« jours -. » Mais comment franchir l'espace
qui nous sépare de vous? Nous ne pouvons,
comme vous, nous élever par notre propre
vertu; il faut, 6 Emmanuel, que vous nous
attiriez à vous. Vous l'avez promis •"*, et nous
n'attendons plus que l'heure. Marie, votre
mère, qui consent à demeurer encore avec
nous, l'attendit aussi, cette heure, dans la
soumission et dans l'amour; elle l'attendit
dans la fidélité et dans le labeur, vivant avec
vous sans vous voir encore. Donnez-nous,
Seigneur, une part à cette foi et à cet amour
de notre commune mère, afin que nous
puissions nous appliquer cette parole de
l'Apôtre : « Déjà par l'espérance nous som-
« mes sauvés *. » Il en sera ainsi, si vous
I. JoHAN. XIV, 2. — 2. Dan. VII, i3. — 3. Johan. xii,
3a. — 4. Rom. viii, 24.
Le Samedi dans VOct. de l'Ascension, i
9'
daignez, selon votre promesse, nous envoyer
votre Esprit que nous attendons avec ardeur ;
car il doit venir confirmer en nous tout ce
que la succession de vos mystères y a déjà
préparé, et être le gage assuré de notre as-
cension glorieuse.
M ous résumerons aujourd'hui tous nos
vœux, en nous appropriant les sublimes
enseignements que l'Eglise gothique d'Es-
l'Eglise
pagne adressait a ses fidèles dans la solen-
nité de l'Ascension.
M^ ous vous convions, nos
■^ ' très chers Frères, à dépo-
ser-le fardeau des pensées du
siècle, et à donner en ces
jours l'essor à vos pensées,
en les dirigeant vers le ciel.
Il s'agit de considérer des
yeux du cœur votre propre
nature humaine s'élevant
dans le Christ au plus haut
des cieux. L'objet que nous
sommes appelés à contempler
au milieu d'une lumière in-
comparable est Jésus notre
Seigneur, qui change la bas-
sesse de notre terrestre exis-
tence avec la gloire des cieux.
Combien doit être pénétrante
notre vue, pour apercevoir ce
séjour où nous sommes appe-
lés à le suivre ! C'est aujour-
d'hui que notre Sauveur,
après avoir revêtu la chair
ici-bas, est remonté sur le
p LACEAT, dilectissimi
^ fratres, sascularium
cogitationum fasce depo-
sito, erectis in sublime
mentibus subvolare : et
impositam œtheris fasti-
gio assumpti hominis
communionem. sequaci-
bus cordis oculis con-
tueri. Ad incomparabi-
lem nobis claritatem at-
tonitus vocandus aspec-
tus, est Jésus Dominus
noster : humilitatem no-
bis terrarum cœlorum
dignitate commutât :
acutus necesse est visas
esse respicere quo sequi-
mur. Hodie salvator nos-
ter post assumptionem
carnis , sedem repetit
deitatis. Hodie hominem
suum intulit Patri, quem
obtulit passioni. Hune
iy2
Le Temps Pascal.
exaltans in cœlis, quem
humiliaverat in infernis.
Hic visurus gloriam, qui
viderai sepulturam. Et
qui adversus mortem
mortis sux dédit bcnc-
ficium, ad spem vitac do-
navit rcsurrectionis cx-
cmplum. Hodie rcdiit ad
Palrem, cum tamen sine
Patris, qui sibi œquaJis
est, potestate non vene-
rit. Hodie ascendit in
cœlum qui obsequia cœ-
lestium cum descenderet,
non amisit. Ita in Pairis
natura unitateconsistens,
ut cum homo crelum no-
vus intraret, novum ta-
men Deus hominem non
haberet. Petamus igitur
ab omnipotentia Patris,
per nomen Filii salvato-
ris, gratis spiritalis
ingressum, œterna; beati-
tudinis donum, beatre
mansionis ascensum, ca-
tholicae credulitatis aug-
mentum, haereticae infi-
delitatis excidium. Au-
diet profecto in confes-
sione, quos in perditione
quœsivit. Adstitit suis,
qui non destitit alienis.
Aderit agnitus, qui non
defuit agnoscendus. Non
patictur orphanos esse
dcvotos qui filios facerc
dignatus est inimicos,
Dabit etTectum supplica-
tionis, qui promisit Spi-
ritum sanctitatis. Amen.
trône de sa divinité : aujour-
d'hui qu'il a présenté à son
Père cette même humnnité
qu'il avait offerte à la souf-
france, glorifiant dans les
cicux celle qu'il avait humi-
liée ici-bas. Il est parti pour
être environné de gloire, celui
qui était descendu jusqu'au
sépulcre. Lui qui nous avait
octroyé le bénéfice de sa pro-
pre mort pour vaincre la mort,
il nous a, en ressuscitant, gra-
tifiés de l'espérance de la
vie. Aujourd'hui il est re-
tourné au Père, celui qui
avait paru ici-bas avec toute
la puissance du Père dont il
est l'égal. Il est aujourd'hui
monté aux cieux, celui qui,
dans sa descente au milieu
de nous, ne cessa pas de re-
cevoir les hommages des es-
prits célestes. Etabli dans le
Père par l'éternelle unité de
nature, il est entré au ciel
dans de nouvelles conditions
par son humanité ; mais, lui
qui est Dieu, ce n'est point
une nouvelle nature qu'il a
prise. Implorons donc de la
toute-puissance du Père, par
le nom de son Fils, notre
Sauveur, notre admission à
la grâce spirituelle, le don
de l'éternelle béatitude, l'as-
cension vers le séjour du
bonheur, le progrès de la foi
catholique, la ruine de l'hé-
rétique infidélité. Il écoutera
les hommages de ceux qu'il
daigna chercher lorsqu'ils
Le Samedi dans l'Oct. de V Ascension. ig3
étaient perdus ; il sera attentif à ceux qui lui appartien-
nent, lui qui n'a pas abandonné ceux même qui s'é-
taient donnés à un autre ; il se montrera à nos regards,
celui qui a daigné se mettre à notre portée pour se faire
connaître de nous. Il ne nous laissera point dans l'état
d'orphelins, lui qui a daigné faire de nous ses fils, lors-
que nous étions devenus ses ennemis ; et il nous accor-
dera l'objet de nos instances, lui qui nous a promis l'Es-
prit de sainteté. Ameii.
S ^T1>
LE TEMPS PASCVL.
LE DIMANCHE
DANS L'OCTAVE DE I/ASCENSION
ORex glorias, Domine
virtiitum ,qui trium-
phator hodie super om-
ncs cœlos ascendisti, ne
derelinquas nos orpha-
nos ; sed mitte promis-
sum Patris in nos Spiri-
tum veritatis, alléluia.
/^ \ Roi de gloire, Seigneur
^ --■ des armées, qui aujour-
d'hui êtes monté triomphant
au-dessus de tous les cieux,
ne nous laissez pas orphe-
lins ; mais envoyez-nous l'Es-
prit de vérité, selon la pro-
messe du Père, alléluia.
Esus est monté aux cieux. Sa
divinité n'en avait jannais été
absente, mais aujourd'hui son
humanité y est intronisée, elle
y est couronnée d'un diadème
de splendeur ; et c'est là en-
core une nouvelle face du glorieux mystère
de l'Ascension. A cette humanité sainte le
triomphe ne suffisait pas; le repos lui était
préparé sur le trône même du Verbe éternel
auquel elle est unie éternellement dans une
même personnalité, et c'est du haut de ce
trône qu'elle doit recevoir les adorations de
toute créature. Au nom de Jésus Fils de
Le Dimanche dans VOct. de V Ascension, i gb
l'homme et Fils de Dieu, de Jésus assis à la
droite du Père tout-puissant, « tout genou
« doit fléchir au ciel, sur la terre et dans les
« enfers i. »
Habitants de la terre, c'est là cette nature
humaine qui apparut autrefois dans l'humi-
lité des langes, qui parcourut la Judée et la
Galilée n'ayant pas où reposer sa tète, qui fut
enchaînée par des mains sacrilèges, flagel-
lée, couronnée d'épines, clouée à une croix ;
mais tandis que les hommes qui l'avaient
méconnue la foulaient aux pieds comme un
ver de terre, elle acceptait le calice des dou-
leurs avec une entière soumission et s'unis-
sait à la volonté du Père ; elle consentait,
devenue victime, à réparer la gloire divine
en donnant tout son sang pour la rançon des
pécheurs. Cette nature humaine, issue d'x\dam
par iVlarie l'immaculée, est le chef-d'œuvre de
la puissance de Dieu. Jésus. « le plus beau
a des enfants des hommes - », est l'objet de
l'admiration extatique des Anges; sur lui
se sont reposées les complaisances de la
suprême Trinité ; les dons de la grâce déposés
en lui surpassent ce qui a été accordé à tous
les hommes et à tous les esprits célestes
ensemble ; mais Dieu l'avait destiné à la voie
de l'épreuve, et Jésus qui aurait pu racheter
l'homme à moins de frais, s'est plongé volon-
tairement dans une mer d'humiliations et de
douleurs, afin de payer avec surabondance la
dette de ses frères/ Quelle sera la récom-
pense ? l'Apôtre nous le dit dans ces fortes
paroles : « Il s'est fait obéissant jusqu'à la
I. Philip. II, 10. — 2. Psalm,
1 g6 Le Temps Pascal.
« mort et à la mort de la croix ; à cause de
« cela Dieu l'a exalté, et lui a donné un nom
« qui est au-dessus de tout nom i. »
O vous donc qui compatissez ici-bas aux
douleurs par lesquelles il nous a rachetés,
vous qui aimez à le suivre dans les stations
de son pèlerinage jusqu'au Calvaire, levez la
tète aujourd'hui, et regardez au plus haut
des cieux. Le voici, « parce (qu'il a souffert
« la mort, le voici couronné de gloire et
« d'honneur -. Plus il s'est anéanti sous la
« forme d'esclave, lui gui dans son autre
« nature pouvait sans injustice se dire égala
« Dieu 3 »; plus le Père prend plaisir à rélever
en gloire et en puissance. La couronne d'é-
pines qu'il a portée ici-bas est remplacée par
le diadème d'honneur *. La croix qu'il laissa
imposer sur son épaule est désormais le signe
de sa principauté ^. Les plaies que les clous
et la lance ont imprimées sur son corps res-
plendissent comme des soleils. Gloire soit
donc rendue à la justice du Père envers
Jésus son Fils ! mais réjouissons-nous aussi
de voir en ce jour « l'Homme des douleurs "î»
devenu le Roi de gloire, et répétons avec
transport l'Hosannah que la cour céleste fait
retentir à son arrivée.
Toutefois n'allons pas croire que le Fils de
l'homme établi désormais sur le trône de la
divinité reste inactif dans son glorieux repos
C'est une souveraineté, mais une souveraineté
active que le Père lui a concédée. Il l'a
d'abord établi « juge des vivants et des
I. Philip. II. — 2. Heb. II. p.— 3. Philip. Il, 6, 7. — •
4. Psalm. XX. — 5. Isai. xii. — 6. Ibid. lui.
Le Dima^iche dans VOct. de l'Ascension, i gj
a morts •, et nous devons tous comparaî-
« tre devant son tribunal -. » A peine notre
âme aura-t-elle quitté son corps, qu'elle
se trouvera transportée au pied de ce tri-
bunal sur lequel le Fils de l'homme s'est
assis aujourd'hui, et elle entendra sortir de
sa bouche la sentence qu'elle aura méritée.
O Sauveur couronné en ce jour, soyez-nous
miséricordieux à cette heure décisive pour
notre éternité.
Mais la judicature exercée par le Seigneur
Jésus ne se bornera pas à l'exercice silencieux
de ce souverain pouvoir; les Anges nous l'ont
dit aujourd'hui : il doit se montrer de nou-
veau à la terre, redescendre à travers les airs,
ainsi qu'il est monté, et alors se tiendront les
solennelles assises où le genre humain com-
paraîtra tout entier. Assis sur les nuées du
ciel, entouré des milices angéliques, le Fils
de l'homme apparaîtra à la "terre dans toute
sa majesté. Les hommes verront « Celui
qu'ils ont percé s », et les traces de ses bles-
sures, qui ajouteront encore à sa beauté,
seront pour les uns un objet de terreur et
pour les autres la source d'ineffables con-
solations. Pasteur encore sur son trône aérien,
il séparera ses brebis des boucs, et sa voix
souveraine que la terre ne connaissait plus
depuis tant de siècles, retentira pour com-
mander aux pécheurs impénitents de descen-
dre aux enfers, et pour inviter les justes à
venir occuper, en corps et en âme, le séjour
des délices éternelles.
ig8 Le Temps Pascal.
En attendant ce dénouement final des des-
tinées de la race humaine, Jésus reçoit aussi
du Père, en ce jour, l'investiture visible du
pouvoir royal sur toutes les nations de la
terre. Nous ayant tous rachetés au prix de
son sang, nous sommes à lui; qu'il soit donc
désormais notre Seigneur. Il l'est en effet, et
il s'intitule le Roi des rois et le Seigneur des
seigneurs i. Les rois de la terre ne régnent
légitimement que par lui, et non par la torce,
ou en vertu d'un prétendu pacte social dont
la sanction ne serait que d'ici-bas. Les peu-
ples ne s'appartiennent pas à eux-mêmes : ils
sont à lui. Sa loi ne se discute pas; elle doit
planer au-dessus de toutes les lois humai-
nes comme leur règle et leur maîtresse :
« Les nations frémiront sous son sceptre,
« nous dit le Roi-prophète ; les peuples, pour
« lui échapper, méditeront de vains systèmes;
« les princes de la terre se ligueront contre
« lui; ils diront : Brisons son )oug, et jetons-
ce le loin de nous-.» Inutiles efforts! car ainsi
que nous le dit l'Apôtre, « il faut qu'il règne,
« jusqu'à ce qu'il ait mis tous ses ennemis
« sous les pieds 3 >), jusqu'à ce qu'il apparaisse
une seconde fois pour abattre la puissance
de Satan et l'orgueil des hommes.
Ainsi donc, le Fils de l'homme couronné
dans son Ascension doit régner sur le monde
jusqu'à ce qu'il revienne. Mais, direz-vous,
règne-t-il donc dans un temps où les princes
confessent tenir leur autorité du mandat de
leurs peuples, où les peuples séduits par ce
prestige qu'ils nomment lioerté ont perdu jus-
I, Apoc. XIX, i6. — 2. Psalm. ii. — 3. I Cor. xv, 25
Le Dimanche dans VOct. de V Ascension, igg
qu'au sens même de l'autorité ? Oui, il règne,
mais dans la justice, puisque les hommes
ont dédaigné d'être conduits par sa bonté.
Ils ont effacé sa loi de leurs codes, ils ont
accordé droit de cité à l'erreur et au blasphème ;
alors il les a livrés à leur sens absurde et
mensonger. Chez eux le pouvoir éphémère,
que l'onction sainte ne rend plus sacré,
échappe à tout moment aux mains qui s'ef-
forcent de le retenir, et lorsque les peuples,
après avoir roulé dans les abîmes de l'anar-
chie, essayent de le constituer de nouveau,
c'est pourrie voir crouler encore, parce que
princes et peuples veulent se tenir en dehors
du domaine du Fils de l'homme. Et il en
sera ainsi, jusqu'à ce que princes et peuples,
lassés de leur impuissance, le rappellent pour
régner sur eux, jusqu'à ce qu'ils aient repris
la devise de nos pères : « Le Christ est vain-
« queur! le Christ règne! le Christ com-
« mande ! Daigne le Clirist préserver son peu-
« pie de tout malheur! »
En ce jour de votre couronnement, recevez
donc les hommages de vos fidèles, ô notre
souverain Roi, notre Seigneur et notre juge!
nous qui fûmes par nos péchés les auteurs de
vos humiliations et de vos souffrances dans
le cours de votre vie mortelle, nous nous
unissons aux acclamations que firent enten-
dre les Esprits célestes au moment où le dia-
dème royal fut placé sur votre divin Chef.
Nous ne faisons encore qu'entrevoir vos gran-
deurs; mais l'Esprit-Saint que vous nous
avez promis achèvera de nous révéler tout
ce que nous pouvons connaître ici-bas sur
votre souverain pouvoir, dont nous voulons
20 0 Le Dimanche dans VOct. de V Ascension.
être à jamais les humbles et fidèles sujets.
Le Dimanche dans l'Octave de l'Ascension
ctait appelé à Rome, au moyen âge, le
Dimanche des Roses, parce que l'on avait
coutume en ce jour de joncher de roses le
pave des basiliques, comme un hommaee au
Christ qui s'élevait au ciel dans la saison
des fleurs. On sentait alors toutes les har-
monies. La fête de l'Ascension si riante et si
remplie de jubilation, lorsqu'on la considère
sous son pri^ncipal aspect, qui est le triom-
phe du Rédempteur, venait embellir les
radieuses journées du printemps sous un
ciel fortune. On cessait un moment de sentir
les tristesses de la terre, veuve de son Emma-
nue , pour ne se souvenir que de la parole
quil a dite à ses Apôtres, arîn quelle nous
tut répétée : « Si vous m'aimiez, vous vous
« réjouiriez de ce que je m'en vais à mon
« Père '. » Imitons cet exemple; offrons à
notre tour la rose à celui qui l'a faite pour
I embellissement de notre séjour, et sachons
nous aider de sa beauté et de son parfum
pour nous élever jusqu'à lui, qui nous dit
dans le divin Cantique : « Je suis la fleur des
<c champs et le lis des vallons -'. » Il voulut
être appelé Nazaréen, afin que ce nom mvs-
tcrieux réveillât en nous le souvenir qu'il
retrace, le souvenir des fleurs dont il n'a pas
dédaigne d emprunter le symbole, pour ex-
primer le charme et la suavité que ceux qui
1 aiment trouvent en lui.
I. JOHAN. XIV, 28. — 2. Ci
A la Messe.
A LA MESSE.
I 'Introït, tiré du Psautier, exprime le désir
que ressent la sainte Eglise de revoir son
Epoux qui s'est enfui loin d'elle. L'âme
fidèle partage ce sentiment, et s'unit à la mère
commune pour dire comme elle à l'Emma-
nuel : « Mon cœur vous le dira, je veux
« revoir vos traits divins ; offrez-les bientôt à
« ma vue. ->
EXAUCEZ ma prière, Sei-
gneur, accueillez le cri
que je pousse vers vers vous,
alléluia. Mon cœur vous dit :
J'ai cherché votre visage,
Seigneur ; je ne cesserai de
le chercher : daignez ne pas
le détourner de moi, alléluia,
alléluia.
Ps. Le Seigneur est ma lu-
mière et mon salut : que
craindrai-je ? Gloire au Père.
Exaucez.
EXAUDI, Domine, vo-
cem meam. qua cla-
mavi ad te, alléluia : tibi
dixit cor meum : Quassi
vi vultum tuum, vultum
tuum, Domine, requi-
ram : ne avortas faciem
tuam a me, alléluia, allé-
luia.
Ps. Dominus illumina-
tio mea, et salus mea :
quem timebo ? Gloria
Patri. Exaudi.
Dans la Collecte, l'Eglise nous apprend à
demander à Dieu cette; bonne volonté qui nous
rendra dignes de revoir Jésus, par notre zèle
à servir la divine Majesté.
ORAISON.
DIEU tout-puissant et éter-
nel, faites que notre vo-
lonté vous soit toujours dé-
vouée, et que nous servions
votre Majesté d'un cœur sin-
cère. Par Jésus-Christ.
OMNIPOTENs sempi-
terne Deus, fac nos
tibi semper et devotam
gerere voluntatem, et
majestati tuae sincero
corde servire. Per Do-
minum.
2 0 2 Le Dimanche dans VOct. de V Ascension.
On fait mémoire de la fête de l'Ascension,
page i55.
ÉPÎTRE.
Leciio Epistoh
Pétri Apostoli
IV.
beati
, Cap.
Ç^ HARissiMl, Estote pru-
^^ dentés, et vigilate in
orationibus. Ante omnia
autem, mutuam in vobis-
metipsis eharitatem con-
tinuam habentes : quia
charilas operit multitu-
dinem peccatorum. Hos-
pitales invicem sine
murmuratione. Unus-
quisque, sicut accepit
gratiam, in alterutrum
illam administrantes, si-
cut boni dispensatores
multiformis gratias Dei.
Si quis loquitur, quasi
sermones Dei : si quis
ministrat, tamquam ex
virtute, quam adminis-
trât Deus : ut in omni-
bus honorificetur Deus
Êer Jesum Christum
lominum nostrura.
Lecture de l'Epître de saint
Pierre, Apôtre. I, Chap. iv.
1^ ES bien-aimés , soyez
*■ *■ prudents et veillez dans
la prière ; mais avant tout,
ayez une charité persévérante
les uns envers les autres : car
la charité couvre la multi-
tude des péchés. Exercez en-
tre vous l'hospitalité sans
murmurer. Que chacun se ren-
de utile aux autres, selon la
grâce qu'il a reçue, comme
étant de fidèles dispensateurs
des diverses grâces de Dieu.
Si quelqu'un parle, que ce
soit commue des paroles de
Dieu ; si quelqu'un exerce
un ministère, que ce soit
comme par la vertu que Dieu
lui donne ; afin qu'en toutes
choses Dieu soit honoré par
Jésus-Christ notre Seigneur.
T" ANDis que les disciples sont réunis dans le
' Cénacle, n'ayant qu'un cœur et qu'une
âme, et attendant la venue de l'Esprit-Saint,
le prince des Apôtres qui présidaitcetteassem-
blée sainte se tourne vers nous qui attendons
ici-bas la même faveur, et nous recommande
la charité fraternelle. 11 nous promet que cette
vertu couvrira la multitude de nos péchés ;
A la Messe.
2o3
quelle heureuse préparation pour recevoir le
don divin ! L'Esprit-Saint arrive afin d'unir
les hommes en une seule famille ; arrêtons
donc toutes nos discussions, et préparons-nous
à la fraternité universelle qui doit s'établir
dans le monde à la prédication de l'Evangile.
En attendant la descente du Consolateur pro-
mis, TApôtre nous dit que nous devons être
prudents et veiller dans la prière. Recevons
la leçon : la prudence consistera à écarter de
nos cœurs tout obstacle qui repousserait le
divin Esprit ; quant à la prière, c'est elle qui
les ouvrira, ahn qu'il les reconnaisse et s'y
établisse.
Des deux Versets de l'Alleluia, l'un est
emprunté à David, et célèbre la majesté de
Jésus sur son trône royal ; l'autre est formé
des paroles mêmes du Sauveur qui nous pro-
met son retour à la fin des temps, lorsqu'il
viendra réclamer ses élus.
A LLELUIA, alléluia.
f. Le Seigneur règne sur
toutes les nations : Dieu s'est
assis sur son trône de sainteté.
Alléluia.
"f. Je ne vous laisserai pas
orphelins : je m'en vais, mais
je reviendrai à vous, et votre
cœur sera dans la joie, allé-
luia.
A LLELUIA, alléluia.
^. Regnavit Dominus
super omnes gentes :
Deus sedet super sedem
sanctam suam.
Alléluia.
j^. Non vos relinquam
orphanos : vado et venio
ad vos, et gaudebit cor
vestrum, alléluia.
2 04 J^c Dimanche dnns COct. de V Ascension.
EVANGILE.
La suite du saint Evangile
selon saint Jean. Chap. xv.
Sequentia sancti Evan-
gelii secundum Johan-
nem. Cap.xv.
IN illo tcmpore : Dixit
Jcsus discipulis suis :
Cum venerit Paraclitus,
quem ego mittam vobis
a Pâtre. Spiritum verita-
tis, qui a Pâtre procedit.
ille testimonium perhi-
bebit de me : et vos tes-
timonium perhibebitis.
quia ab initio mecum
estis. Haec locutus sum
vobis, ut non scandalize-
mini. Absque synagogis
facient vos : sed venit
hora ut omnis, qui inter-
ficit vos, arbitretur obse-
quium se prsestare Deo.
Et hacc facient vobis,
quia non noverunt Pa-
trem, neque me. Sed hœc
locutus sum vobis : ut,
cum venerit hora eorum,
reminiscamini quia ego
dixi vobis.
A LA veille de nous envoyer son Esprit,
Jésus nous annonce les effets que ce divin
Consolateur produira dans nos âmes. S'adrcs-
sant aux Apôtres dans la dernière Cène, il
leur dit que cet Esprit leur rendra témoi-
gnage de lui, c'est-à-dire qu'il les instruira
sur la divinité de Jésus et sur la fidélité
qu'ils lui doivent, jusou'à mourir pour lui.
Voilà donc ce que produira en eux cet hôte
EN ce temp)s-là, Jésus dit à
ses disciples : Lorsque
viendra le Consolateur que
je vous enverrai du Père,
l'Esprit de vérité qui procède
du Père, il rendra témoi-
gnage de moi ; et vous aussi
vous rendrez témoignage,
parce que vous êtes avec moi
depuis le commencement. Je
vous ai dit ces choses, afin
que vous ne soyez pas scanda-
lisés. Ils vous chasseront des
synagogues ; et vient l'heure
où quiconque vous tuera
croira rendre service à Dieu.
Et ils vous traiteront ainsi,
parce qu'ils ne connaissent ni
le Père, ni moi. Je vous ai
dit ces choses, afin que lors-
que l'heure sera venue, vous
vous souveniez que je vous
les ai dites.
A la Messe.
divin que Jésus, près de monter aux cieux,
leur désignait en l'appelant la Vertu d'en haut.
De rudes épreuves les attendent ; il leur fau-
dra résister jusqu'au sang. Qui les soutien-
dra, ces hommes faibles *? L'Esprit divin qui
sera venu se reposer en eux. Par lui ils vain-
cront, et l'Evangile fera le tour du monde.
Or, il v£ venir de nouveau, cet Esprit du
Père et du Fils ; et quel sera le but de sa
venue, sinon de nous armer aussi pour le
combat, de nous rendre forts pour la lutte ?
Au sortir de la Saison pascale, où les plus
augustes mystères nous illuminent et nous
protègent, nous allons retrouver en face le
démon irrité, le monde qui nous attendait,
nos passions calmées un moment qui vou-
dront se réveiller. Si nous sommes «revêtus
de la Vertu d'en haut », nous n'aurons rien
à craindre ; aspirons donc à la venue du
céleste Consolateur, préparons-lui en nous
une réception digne de sa majesté ; quand
nous l'aurons reçu, gardons-le chèrement ;
il nous assurerala victoire, comme il l'assura
aux Apôtres.
L'Otfertoire rappelle avec les paroles du
Roi-prophète les grandeurs de Jésus montant
au ciel ; la sainte Eglise veut que la pensée
d'un tel triomphe nous accompagne sans
cesse, et qu'elle fixe à jamais nos cœurs dans
le séjour où le Triomphateur nous attend.
OFFERTOIRE.
T\ lEu est monté aux accla- A scendit Deiis m ju-
■*-^ mations de la joie : le ^^ bilatione : et Domi-
nus in voce tubas, allé-
luia.
Seigneur est monté au brui
des trompettes, alléluia
.06
Le Temps Pascal.
En olTrant à Dieu ic pain et le vin qui
bientôt vont être transformés au corps et au
sang de Jésus, la sainte Eglise demande pour
nous, dans l'Oraison Secrète, non seulement
que le contact des Mystères divins nous rende
purs, mais qu'il nous donne cette énergie sans
laquelle la vie chrétienne n'existe pas.
^ACRIFICIA nos. Domi-
N ne, immaculata puri-
ncent : et mentibus nos-
tris supernae gratiœ dent
vigorem. Per Dominum.
FAITES, Seigneur, que ce
Sacrifice sans tache nous
iipporte la purification, et
qu'il communique à nos âmes
la vigueur que produit la
grâce céleste. Par Jésus-
Christ.
On fait mémoire de la fête de l'Ascension,
page 162.
Préface de l'Ascension, vieme page.
Les paroles de la prière de Jésus à son Père
forment l'Antienne de la Communion. Il les
prononça après avoir nourri ses disciples de
sa chair sacrée. Elles montrent son désir à
notre éaard.
COMMUNION.
ATER, cum essem cum
1 eis, ego servabam eos
quos dedisti mihi, allé-
luia : nunc autem ad te
venio : non rogo ut tol-
las eos de mundo, sed ut
serves eos a malo, allé-
luia, alléluia.
OPÈRE, lorsque j'étais
avec eux, je gardais ceux
que vous m'avez donnés, al-
léluia ; maintenant je m'en
vais à vous ; je ne vous de-
mande pas de les ôter du
monde, mais de les délivrer
du mal, alléluia, alléluia.
L'action de grâces est le premier devoir du
chrétien après la communion au corps et au
Le Dimancïie dans l'Oct. de l'Ascension. 20 j
sang de Jésus-Christ ; l'Eglise, qui connaît
mieux que nous la grandeur du oienfait que
nous avons reçu, demande dans la Postcom-
munion que cette action de grâces demeure
continuellement en nous.
EMPLIS de VOS dons sa-
Y^ crés, faites. Seigneur,
que nous vous en rendions
désormais de continuelles
actions de ffrâces. Par Jésus-
Christ.
POSTCOMMUNIOX.
Q EPLETi. Domine, mu-
1 \ neribus sacris : da
quaesumus ; ut in gratia-
rum semper actione ma-
neamus. Per Dominum.
On fait mémoire de la fête de l'Ascension,
page 164.
A VÊPRES.
ANTIENNE DE MagnifiCOt
HRQ. locutus sum vo-
bis, ut quum venerit
hora eorum, reminisca-
mini, quia ego dixi vobis,
alléluia.
JE vous ai dit ces choses,
afin que lorsque l'heure
sera venue, vous vous souve-
niez que je vous les ai dites,
alléluia.
I~v lEU tout-puissant et éter-
yj nel, faites que notre vo-
lonté vous soit toujours dé-
vouée, et que nous servions
votre Majesté d'un cœur sin-
cère. Par Jésus-Christ.
OMNIPOTENS sempi-
terne Deus, fac nos
tibi semper et devotam
gerere voluntatem, et
majestati tu?e sincero
corde servire. Per Domi-
O FERONS à Jésus triomphant cette belle
Hymne que l'Eglise emploie, à l'Office
des Matines, le jour de l'Ascension et durant
toute l'Octave. Elle exprime avec énergie le
20S
Le Temps Pascal.
mystère tout entier, et nous montre comment
'a chrétienté latine, dans l'antiquité, savait
•cndre ses sentiments en présence du Rédemp-
teur glorifié.
jj TERNE rex altissime,
/t Redemptor et fide-
lium,
Cui mors perempta de-
tulit
Summœ triumphum glo-
rias.
Ascendis orbes side-
rum,
Quo te vocabat coelitus
CoUata, non humanitus,
Rerum potestas omnium.
Ut trina rerum ma-
china
Cœlestium, terrestrium
Et inferorum condlta.
Flectat genu jam sub-
dita.
Tremunt videntes An-
geli
Versamvicemmortalium:
Peccat caro, mundat
caro.
Régnât Deus Del caro.
Sis ipse nostrum gau-
dium.
Manens Olympo prae-
Roi éternel, Roi très-haut.
Rédempteur des fidèles,
6 vous, à qui la victoire sur
la mort désormais abattue a
mérité le plus glorieux triom-
phe.
En vous élevant aujour-
d'hui, vous franchissez la ré-
gion des astres, et vous allez
vous asseoir sur le trône pour
exercer le souverain pouvoir
que le ciel, et non l'homme,
vous a conféré.
C'est là que vous recevez
l'hommage des trois régions
créées, le ciel, la terre et les
enfers, qui, dans leur soumis-
sion, fléchissent le genou de-
vant votre majesté.
Les Anges contemplent
avec stupeur la révolution
qui s'est accomplie dans le
sort des mortels; la chair
avait péché, et la chair a tout
purifié ; un Dieu fait chair
étend partout son empire.
Soyez
gresse, c
au ciel pour être notre ré-
compense! Vous qui tenez les
donc notre alle-
vous qui demeurez
Le Dimanche d.vns l'Oci. de l'Ascension. 2oq
rênes de ce monde, et nous
aidez à triompher de ses dan-
gereux attraits l
Daignez pardonner toutes
nos offenses, et par l'énergie
de votre grâce, attirez eu
haut et vers vous nos cœurs ;
Afin qu'au jour où vous
paraîtrez soudain assis
comme un juge sur la nuée,
vous écartiez de nous les châ-
timents que nous méritons, et
nous rendiez la couronne que
nous avions perdue.
A vous soit la gloire avec
le Père et l'Esprit-Saint,
dans les siècles éternels, ô
Jésus qui, vainqueur aujour-
d'hui, remontez dans les
cieux 1
Amen.
Mundi régis qui fabri-
cam,
Mundana vincens gaudia.
Hinc te precantes quaî-
sumus.
Ignosce culpis omnibus.
Et corda sursum subleva
Ad te superna gratia.
Ut cum repente cœpe-
ris
Clarere nube judicis,
Pœnas repellas débitas,
Reddas coronas perditas.
Jesu, tibi sit gloria,
Qui Victor in cœlum
redis,
Cum Pâtre et almo Spi-
ritu.
In sempiterna sœcula.
Amen.
Terminons par cette prière que nous fournit
le Bréviaire mozarabe.
NOTRE Sauveur et notre
maître, vous qui, mon-
tant aux cieux, avez dai-
gné vous glorifier aux regards
de ceux qui vous contem-
plaient, leur promettant que
votre retour comme juge se-
rait semblable à votre départ,
faites-nous aujourd'hui ac-
cueillir avec une dévotion
sincère la fête de votre As-
qALVator noster, et
O Domine, qui ascen-
dens in cœlos, intuen-
lium clarificatus appa-
rere dignatus es oculis •
dum ita ut nscenderas,
venturum ad judicium
polliceris; fac nos ho-
diernœ Ascensionis ture
festum pura cordium de-
votione suscipere : ut ita
LE TEMPS PASCAL. — T. III.
-:
210
Le Temps Pascal.
in te semper ad melius
vita nostra ascendendo
proficiat, qualiter ad ju-
dicium vcnientem incon-
fusibili contuitu te sem-
per visionis ad spiciat.
Amen.
cension, afin que notre vie
s'élève sans cesse en vous à
ce qu'il y a de meilleur, en
sfirtc que nos yeux puissent
se porter avec assurance sur
vous, lorsque vous viendrez
I pour le jugement.
(é^<ég^<^c.Wg»<^g^Wg^(^(^(^(^
LE LUNDI
DANS L'OCTAVE DR I ,' ^ ^'^F N^ !0N.
^~) Roi de gloire. Seigneur
des armées, qui aujour-
d'hui êtes monté triomphant
au-dessus de tous les cieux,
ne nous laissez pas orphe-
lins; mais envoyez-nous
l'Esprit de vérité, selon la
promesse du Père, alléluia.
O
Rex glorire, Domi-
ne virtutum , qui
triumphator hodie super
omnes cœlos ascendisti,
ne derelinquas nos or-
phanos ; sed mitte pro-
missum Patris in nos
Spiritum veritatis, alle-
K royauté sur les hommes n'est pas
le seul diadème que reçoit noire
divin triomphateur dans son Ascen-
sion. L'Apôtre nous enseigne for-
mellement que Jésus est aussi » Chef de
toutes les Principautés et de toutes les Puis-
sances 1 ». Au-dessus de la race humaine s'é-
lèvent les degrés éblouissants de la hiérarchie
angélique, l'œuvre la plus magnifique de la
création. Après l'épreuve suprême, ces nobles
et saintes milices décimées par la chute et la
réprobation des rebelles, sont entrées dans la
jouissance surnaturelle du souverain bien, et
elles ont commencé le cantique sans fin
3ui retentit autour du trône de Dieu, et
ans lequel elles expriment leurs adorations,
leurs transports d'amour et leurs actions de
grâces.
I. Col. II, 10.
Le Temps Pascal.
Mais une condition jusqu'à présent a man-
êué à leur entière félicité. Ces innombrables
sprits si beaux et si lumineux, tout comblés
qu'ils sont des dons de la muniticence divine,
attendent un complément de gloire et de
bonheur. Lorsqu'ils eurent été appelés du
néant à la vie, Dieu leur ré vêla qu'il devait créer
encore d'autres êtres, des êtres d'une nature
inférieure à la leur, et que parmi ces êtres
composés d'une âme et d'un corps, il en devait
naître un que le Verbe éternel unirait à sa
nature divine en une seule et même personne.
Il leur fut manifesté que cette nature humaine
dont la gloire, avec celle de Dieu même, a
été le but de la création, serait appelée « le
premier-né de toute créature i », et que tout
Ange, ainsi que tout homme, devrait fléchir le
genou devant elle, qui, après avoir été Viumi-
liée sur la terre, serait gloriflée dans les
cieux ; qu'enfin le moment viendrait où toutes
leshiérarchiescélestes, jusqu'aux Principautés
et aux Puissances, jusqu'aux Chérubins et
aux Séraphins, l'auraient pour Chef.
Jésus fut donc attendu par les Anges, comme
il le fut par les hommes. Par les Anges, il fut
attendu comme le perfectionnement suprême
de leurs hiérarchies, dont la multiplicité
arriverait par lui à l'unité, et qui seraient
reliées plus étroitement à Dieu au moyen de
cet ineffable intermédiaire qui réunirait en
sa personne une nature divine et une nature
créée ; par nous autres hommes, il fut attendu
comme le réparateur rendu nécessaire par le
péché qui nous avait fermé le ciel, et aussi
I. Col. I, i5.
Le Lundi dans l'Oct. de l'Ascension. 21 3
comme le médiateur éternellement prédes-
tiné à venir prendre la race humaine aux
confins du néant, pour la réunir à Dieu qui
avait résolu de lui communiquer sa gloire.
Ainsi, tandis que sur la terre les justes qui
vécurent avant le jour où le Verbe éternel
fut conçu au sein de la plus pure des vierges,
se rendaient agréables à Dieu en s'unissant
à ce réparateur, à ce médiateur qui devait
venir ; de même, au ciel, les hommages des
Anges à la Majesté divine montaient jusqu'à
elle par l'otfrande anticipée que lui adres-
saient ces Esprits bienheureux, s'unissant à
ce Chef dont la mission non réalisée encore
était présente dans les décrets éternels de
l'Ancien des jours.
Enfin la plénitude des temps 1 étant venue,
comme parle l'Apôtre, « Dieu introduit sur la
« terre son premier-né 2 », l'archétype de la
création, et à cette heure sacrée ce ne sont
pas les hommes qui adorent les premiers ce
Chef de leur race ; le même Apôtre nous
rappelle que ce sont les Anges qui lui ren-
dent les premiers leur hommage 3. David
l'avait prédit dans son sublime c'antique sur
la venue de l'Emmanuel -^ : et il était juste
qu'il en fût ainsi ; car l'attente des Anges
avait duré plus longtemps, et d'ailleurs ce
n'était pas en qualité de réparateur qu'il
venait pour eux, mais uniquement comme le
médiateur fermement espéré, qui devait les
rattacher plus étroitement à l'infinie beauté,
objet de leurs délices éternelles, et combler,
I. Gai. IV, 4. — 2. Hcb. I, 6. — 3. Ibià. — 4..
Psalm. xcvL 7.
2 14 Le Temps Pascal.
pour ainsi dire, l'intervalle qui n'avait été rem-
pli jusqu'alors que par leurs aspirations à le
voirenfinoccuperlaplacequiluiétaitdestinée.
Alors s'accomplit cet acte d'adoration en-
vers le Dieu-Homme, cet acte exigé des Es-
prits célestes au commencement de toutes
choses comme l'épreuve suprême, et qui
devait, selon qu'il obtiendrait acquiescement
ou refus, décider du sort éternel de ces nobles
créatures. Avec quel amour et quelle soumis-
sion ne l'avons-nous pas vu rempli, à Beth-
lehem, parles Anges tidùles, lorsqu'ils virent
leur Chef et le notre, le Verbe fait chair,
reposant entre les bras de sa chaste mère, et
qu'ils allèrent bientôt annoncer avec trans-
port aux hommes représentés par les bergers
l'heurease nouvelle de l'arrivée de ce com-
mun médiateur!
Mais aujourd'hui ce nest plus sur la terre
que les Esprits célestes contemplent le fils
de Marie ; ce n'est plus sur la voie des humi-
liations et des souffrances par lesquelles il
lui a fallu passer pour lever d'abord l'obsta-
cle du péché qui nous privait de l'honneur
de devenir ses heureux membres: c'est sur
le trône préparé à la droite du Père qu'ils
l'ont vu s'élever, qu'ils le contemplent désor-
mais, qu'ils s'unissent à lui étroitement, en
le proclamant leur Chef et leur Prince. A
cet instant sublime de l'Ascension, un frémis-
sement de bonheur inconnu parcourt toute
la succession des célestes hiérarchies, des-
cendant et remontant des brûlants Séraphins
aux Ansçesçiui avoisinent la nature humaine.
Une félicité nouvelle, celle qui consiste dans
la jouissance réelle d'un bien dont l'attente
Le Lundi dayis l'Oct. de l'Ascension. 21 5
est déjà remplie de délices pour le cœur
d'une créature, opère un renouvellement de
béatitude dans ces êtres privilégiés, que l'on
eût pu croire parvenus à l'apogée des joies
éternelles. Leurs regards se fixent sur la
beauté incomparable de Jésus, et ces Esprits
immatériels s'étonnent de voir la chair
revêtue d'une splendeur qui dépasse leur
éclat par la plénitude de grâce qui réside en
cette nature humaine. Leur vue, pour plon-
ger plus avant dans la lumière incréée, tra-
verse cette nature inférieure à la leur, mais
divinisée par son union avec le Verbe divin;
elle pénètre à des profondeurs qu'elle n'avait
pas sondées encore. Leurs désirs sont plus
ardents, leur élan plus rapide, leurs concerts
plus mélodieux ; car, ainsi que le chante la
sainte Eglise, Anges et Archanges, Puissances
et Dominati-ons, Chérubins et Séraphins, ils
louent désormais la majesté du Père céleste
par Jésus-Christ son Fils : per quem majes-
tatem tiiam laudant Angeli.
Mais qui pourrait décrire les transports des
Esprits célestes à l'arrivée de cette multitude
d'habitants de la terre, membres comme eux
du même Chef, se pressant sur ses pas et se
partageant selon les diverses hiérarchies, là
où la chute des mauvais anges laissait des
places désertes ? La résurrection générale n'a
pas encore restitué à ces âmes les corps aux-
quels elles furent unies ; mais, en attendant,
leur chair n'est-elle pas déjà glorifiée en celle
de Jésus? Plus tard, à l'heure marquée, la
trompette de l'Archange ayant retenti 1, ces
I. 1 Thess. IV, i5.
j6
Le Temps Pascal.
âmes bienheureuses reprendront leur vête-
ment terrestre, désormais voue à l'immorta-
lité. C'est alors que les saints Anges recon-
naîtront avec un enthousiasme fraternel dans
les traits d'Adam, notre ancêtre, ceux de
Jésus son fils, ainsi que nous l'enseignent les
plus anciens Pères, et dans les traits d'Eve,
notre première mère, ceux desa fille Marie ;
mais la ressemblance sera plus parfaite au
ciel qu'elle ne l'était sous les ombrages du
jardin des Délices. Vienne donc ce joïir glo-
rieux, où le.splendide mystère de l'Ascension
sera réalisé dans ses dernières conséquences ;
où les deux créations, angélique et humaine,
s'embrasseront pour l'éternité dans l'unité
d'un même Chef!
C AiNT Ambroise nous prêtera aujourd'hui
■^ sa voix pour célébrer le mystère du
triomphe de la nature humaine en 'Jésus, par
cette belle Hymne du Bréviaire de Milan.
OPTAT
niut
PTATUS votis om-
im
Sacratus illuxit dies
Quo Cliristus, mundi
spes. Deus,
Conscendit cœlos arduos.
Ascendens in altum
Dominus,
Propriam ad scdem re-
means,
Gavisa sunt cœli régna.
Reditu Unigeniti.
LE jour tant désiré a lui en-
fin à nos yeux; jour au-
quel le Christ, espoir du
monde, Dieu par essence,
s'éleva jusqu'au sommet des
cieux.
A l'arrivée du Seigneur
dans ces hautes régions, à
son retour sur le siège de sa
gloire, les royaumes célestes
ont été dans la jubilation,
c'était le Fils unique qui
arrivait.
Le Lundi dans VOct. de V Ascension. 21 y
Digne triomphe à la suite
d'une si noble lutte! Après
avoir abattu le prince du
monde, il étale aux regards
du Père les membres glo-
rieux d'une chair qui a
vaincu.
S'élevant sur les nuages, il
sollicite à l'espérance le
cœur des croyants ; car il
leur ouvre le paradis que le
premier père avait fermé.
O joie immense pour nous
tous ! Voir le fils d'une Vier-
ge de notre sang, après les
crachats, les fouets et la croix,
entrer en possession du trône
de son Père.
Offrons nos actions de
grâces à l'auteur de notre
salut, pour avoir élevé en sa
personne notre propre chair
jusqu'aux honneurs des céles-
tes palais.
Que la joie soit commune
entre nous et les Anges ; car
s'il vient s'offrir à leurs re-
gards , nous pouvons dire
qu'il n'a pas rompu avec
nous.
Ce qui nous reste à faire,
c'est d'attendre le Christ
dans la pratique des bonnes
œuvres, et de mener une vie
Magni triumphum
praslii !
Mundi perempto prin-
cipe,
Patris praîsentatvultibus
Victricis carnis gloriam.
Est elevatus nubibus
Et spem fecit credenti-
bus,
Aperiens paradisum,
Quem protoplastus clau-
serat.
O grande cunctis gau-
dium !
Quod partus nostrae Vir-
ginis,
Post sputa, flagra, post
crucem,
Paternœ sedi jungitur.
Agamusergo gratias
Nostrœ salutis vindici,
Nostrum quod corpus
vexerit
Sublimem ad cœli re-
giam.
Sit nobis cum cœles-
tibus
Commune manens gau-
dium,
mis quod se praesentavit,
Nobis quod se non abs-
tulit.
Nunc provocatis actibus
Christum exspectare nos
decet,
Vitaque tali vivere,
2l8
Le Temps Pascal.
Qu3e possit cœlos scan- qui
dere.
Gloria tibi, Domine,
Qui scandis super sidéra,
Cum Pâtre et Sancto
Spiritu
In sempiterna saecula.
x\men.
soit digne d£s cicux.
A vous, Seigneur , qui
vous élevez au-dessus des
astres, gloire et honneur,
avec le Père et le Saint-Es-
prit, dans les siècles éternels.
Amen.
Nous achèverons la journée par cette prière
du Bréviaire mozarabe.
CHRISTE Dei virtus, et
Dei sapientia, qui
propter nos et nostram
salutcm descendens e
cœlis, humani generis
carne vestiri dignatiises,
ut dignissima societate
nos tua Deitate vestires,
et quod morîale descen-
dendo susceperas, im-
raortalitati ascendendo
donares; tribue nobis
interventu solemnitatis
hodiernsE, qua te cœlos
ascendente et sequi cupi-
mus et gaudemus. ut
benignissimœ dispensa-
tionis hujus munera co-
gnoscentes, rcddamus
pietati tuae quod solum
possumus, vota laudum ;
exspectantcs secundi ad-
ventus tui aeternorum so-
latia gaudiorum.
O Christ, vertu et sagesse
de Dieu, vous qui, des-
cendu des cieux à cause de
nous et pour notre salut, avez
daigné revêtir la chair de
l'homme, afin de nous revêtir
nous-mêmes de Dieu par la
plus noble alliance, et de
gratifier de l'immortalité
dans votre Ascension cette
même chair que, descendu
du ciel, vous aviez revêtue
sujette à la mort, accor-
dez-nous dans la solennité
d'aujourd'hui, où nous nous
livrons à la joie de vous voir
monter aux cieux et au désir
de vous suivre, la faveur de
comprendre toute l'étendue
de vos bienfaits et de rendre
à votre bonté le seul hom-
mage que nous puissions lui
offrir, celui de la louange,
dans l'attente où nous som-
mes des joies éternelles dont
votre second avènement doit
ouvrir le cours.
LE MARDI
DANS LOCTAVE DE L'ASCENSION.
(~\ Roi de gloire, Seigneur
^"^ des armées, qui aujour-
d'hui êtes monté triomphant
au-dessus de tous les cieux,
ne nous laissez pas orphe-
lins ; mais envoyez-nous
l'Esprit de vérité, selon la
promesse du Père, alléluia.
(^ Rex gloriœ. Domi-
ne virtutum, qui
triumphator hodie super
omnes cœlos ascendisti,
ne derelinquas nos or-
phanos; sed mitte pro-
missum Patris in nos
Spiritum veritatis, allé-
luia.
lE Seigneur de gloire est monté aux
cieux, et selon Te langage de l'Apôtre,
il y est entré comme « notre avant-
coureur 1 » ; mais comment l'homme
pourra-t-il le suivre jusqu'au séjour de toute
sainteté, lui dont la voie est sans cesse en-
travée par le péché, lui qui a plus besoin de par-
don que de gloire? Or, c'est ici encore une des
merveilleuses suites de cet auguste mystère
de l'Ascension, dont nous ne saurions épuiser
toute la richesse. Jésus ne monte pas au ciel
seulement pour y régner ; il doit y résider
aussi pour y être notre intercesseur, notre
Pontife, chargé d'o-btenir en cette qualité le
pardon de nos péchés, avec les grâces qui
nous ouvriront le chemin pour arriver jus-
qu'à lui. Sur la croix il s'offrit en victime
pour nos péchés; son sang divin, épanché de
Le Temps Pascal.
tous ses membres, forma dès lors notre ran-
çon surabondante ; mais le ciel demeurait
terme aux rachetés jusau'à ce qu'il en eût
franchi les portes, jusqu'à ce qu'il eût pénétré
l'intime sanctuaire où il doit exercer à jamais
la charge de Pontife selon l'Ordre de Melchi-
sédech 1^. Aujourd'hui le sacerdoce du Calvaire
se transforme en un sacerdoce de gloire. Jésus
est entré « au delà du voile, de ce voile qui
était sa chair encore passible et mortelle » 2 ;
il a pénétré dans le plus intime de la présence
de son Père, et là il est notre Pontife à jamais.
Il estle Christ, sacré d'une doubleonction,
au moment où sa personne divine s'unissait à la
nature humaine : il est Roi, il est Pontife. Sa
Royauté, nous l'avons acclamée les jours pré-
cédents; aujourd'hui c'est son Sacerdoce que
nous avons à reconnaître. Durant son passage
en ce monde, quelques traits de l'un et de
l'autre nous ont apparu ; mais cette Royauté
et ce Pontificat ne devaient briller de tout
leur éclat qu'au jour de l'Ascension. Suivons
donc encore notre Emmanuel d'un œil res-
pectueux, et considérons ce qu'il vient opérer
dans le ciel.
L'Apôtre va d'abord nous donner la notion
du Pontife dans sa sublime Epître aux
Hébreux. Le Pontife, nous dit-il, est choisi
par Dieu même, afin d'offrir des dons et des
sacrifices pour les péchés; il est établi près
de Dieu en faveur des hommes, dont il est
l'ambassadeur et l'intercesseur ^. Or, telle
est la qualité, tel est le ministère de Jésus
dans les cieux, à partir de l'heure où nous
I. Psalm. cix. — 2. Heb. vi, 19; x, 20. — S.lbid. v, i.
Le Mardi dans l'Octave de l'Ascension. 221
sommes. Mais si nous voulons pénétrer plus
avant un si vaste et si profond mystère, il
nous faut nous aider des symboles que nous
offrent les livres saints ; ces symboles dont
saint Paul lui-même a emprunté le secours,
vont nous faire comprendre le rôle de notre
Pontife.
Transportons-nous par la pensée dans le
temple de Jérusalem. Nous traversons d'abord
cette vaste enceinte à ciel ouvert, entourée
de portiques, et au centre de laquelle s'élève
l'autel sur lequel les victimes égorgées dont
le sang s'écoule par de nombreux canaux,
sont consumées selon le rite des divers sacri-
fices. Nous nous dirigeons ensuite vers un
lieu plus auguste, cet édifice couvert qui
s'élève au delà de l'autel des holocaustes et
qui resplendit de toutes les richesses de
l'Orient. Entrons avec respect ; car ce lieu est
saint, et Dieu même a donné à iMoïse le plan
des ouvrages merveilleux qui le décorent et
qui sont tous à sa gloire: l'autel des parfums,
d'où s'exhale soir et matin la fumée de l'en-
cens ; le Chandelier à sept branches qui étale
avec complaisance ses lis et ses grenades ; la
table sur laquelle reposent les pains de pro-
position, hommage de notre race à celui qui
fait mûrir les moissons sur la terre. Mais ce
n'est pas encore sous ces lambris étincelants
de l'or d'Ophir que s'est établie l'ineffable
majesté de Jéhovah. Contemplez au fond de
l'édifice ce voile d'un tissu précieux, riche-
ment brodé d'images de Chérubins, et des-
cendant jusqu'à terre. C'est là, derrière ce
voile, que le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de
Jacob fait sentir sa présence ; c'est là que
Le Teynps Pascal.
repose l'Arche d'alliance, sur laquelle les
deux Chérubins d'or étendent ' mystérieu-
sement leurs ailes. Ce réduit sacré et inacces-
sible se nomme le Saint des Saints; aucun
homme ne pourrait, sans mourir, soulever
ce voile, porter un regard téméraire dans cet
asile terrible et entrer là où le Dieu des
armées daigne habiter.
L'homme est donc banni du séjour où Dieu
habite. La sainteté divine l'exclut de sa
présence comme indigne. Créé pour voir
Dieu, pour être heureux éternellement par
la vue de Dieu, l'homme, à cause de son
péché, est condamné à ne le pas voir. Un
voile lui dérobe la vue de celui qui est sa fin,
et l'obstacle de ce voile est pour lui infran-
chissable. Telle est la sévère leçon que nous
donne le symbole formidable de l'ancien
temple.
Une promesse miséricordieuse est néan-
moins intervenue. Ce voile sera soulevé un
jour, et laissera passage à l'homme ; mais à
une condition, et cettecondition, nous allons
la connaître en continuant de suivre les
symboles de l'ancien temple . Entre tous
les mortels exclus du Saint des Saints, il en
est un cependant à qui il est donné une fois
l'année de pénétrer derrière le voile. C'est le
Pontife, Que s'il entre ce jour-là dans l'en-
ceinte terrible, sans tenir entre ses mains le
vase rempli du sang des deux victimes qu'il
a immolées auparavant pour ses propres
péchés et pour ceux de son peuple, il sera
exterminé; si au contraire il remplit fidèle-
ment l'ordre du Seigneur, il sera protégé par
le sang qu'il porte, et il sera admis en ce
Le Mardi dans VOct. de l'Ascension. 2 23
jour unique à intercéder pour lui-même et
pour Israël tout entier.
Qu'elles sont belles, qu'elles sont fortes,
CCS figures de l'ancienne Alliance ! mais com-
bien plus belle et plus forte est leur réalisa-
tion dans l'inépuisable mystère de l'Ascension
de notre divin libérateur ! Il était encore
dans la période de ses humiliations volon-
taires, que déjà sa puissance s'était fait sentir
jusque dans ce réduit sacré sur lequel pla-
nait la terreur de Jéhovah. Son dernier sou-
pir sur la croix avait déchiré du haut en bas
le voile du Saint des Saints, pour annoncer
que bientôt l'accès auprès de Dieu allait être
ouvert aux hommes comme avant le péché.
Mais restait la victoire à remporter sur la
mort par la résurrection ; restait encore la
période de quarante jours que notre Pontife
devait employer à organiser le sacerdoce
véritable qui s'exercera sur la terre jusqu'à
la consommation des siècles, en union avec
celui qu'il va remplir lui-même au ciel.
Aujourd'hui, tous les délais sont accom-
plis; les témoins de la résurrection l'ont
constatée, les dogmes de la foi sont révélés
dons leur ensemble, l'Eglise est constituée,
les sacrements sont déclarés; il est temps
que notre Pontife pénètre dans le Saint des
Saints et qu'il y entraîne ses élus à sa suite.
Suivons son vol des yeux de notre foi. A
son approche, le voile abaissé depuis quatre
mille ans se lève et lui livre passage. Jésus
n'a-t-il pas, comme le Pontife de l'ancienne
loi, offert le sacrifice préalable, le sacrifice
non plus figuratif, mais réel, par l'effusion
de son propre sang ? Arrivé en présence de
Le Temps Pascal.
la Majesté divine pour y exercer sa puissante
intercession, qu'a-t-il à faire autre chose que
de présenter à son Père, en notre faveur, ces
blessures qu'il a reçues il y a peu de jours,
et par lesquelles s'est épanché le sang qui
satisfaisait d'une manière complète à toutes les
exigences de la suprême justice ? Et pourquoi
a-t-il tenu à conserver ccà augustes stigmates
de son sacrifice, sinon pour s'en servir, comme
notre Pontife, à désarmer le courroux céleste
provoqué sans cesse par les péchés de la
terre? Ecoutons l'apôtre saint Jean: « Mes
« petits enfants, dit-il, je vous écris ceci,
« afin que vous ne péchiez pas; mais si quel-
« qu'un pèche, nous avons pour avocat Jé-
« sus-Christ qui est juste i. » Ainsi donc, au
delà du voile où il pénètre aujourd'hui, Jé-
sus traite avec son Père de nos intérêts, il
met la dernière main aux mérites de son
sacrifice, il est un Pontife éternel, un Pontife
à l'intercession duquel rien ne résiste.
Saint Jean, qui a vu le ciel ouvert, nous
décrit d'une façon expressive cette double
qualité de notre divin Chef, victime et roi
en même temps, sacrifié et néanmoins im-
mortel. Il nous montre le trône de l'éter-
nelle Majesté entouré des vingt-quatre vieil-
lards sur leurs sièges et des quatre animaux
symboliques, ayant en face les sept Esprits
rayonnants de force et de beauté; mais le
sublime prophète n'arrête pas là son ineûa-
ble description. Il entraîne nos regards jus-
que sur le trône même de Jéhova\i; et nous
apercevons debout au milieu de ce trône un
Le Mardi dans î'Oct. de V Ascension. 22 5
Agneau, mais un agneau « comme immolé »
et toutefois revêtu des attributs de la force et
de la puissance i. Qui oserait tenter d'expli-
quer de telles images, si notre grand mys-
tère d'aujourd'hui^ ne nous en donnait la
clef? Mais avec quelle facilité tout s'éclaircit
à sa lumière! Aux traits que nous révèle l'A-
pôtre nous reconnaissons notre Jésus, Verbe
éternel, et en sa qualité de Verbe éternel sié-
geant sur un même trône avec son Père au-
quel il est consubstantiel. Mais en même
temps il est Agneau : car il a pris notre chair,
afin d'être égorgé pour nous comme une vic-
time ; et ce caractère de victime demeure en
lui pour l'éternité. Le voici donc dans toute
sa majesté de Fils de Dieu, debout, et posant
avec une dignité souveraine; mais en même
temps il apparaît comme immolé. Les cica-
trices des blessures que lui a faites le couteau
du sacrifice demeurent à jamais visibles;
c'est identiquem.ent l'Agneau du Calvaire qui"
consomme éternellement dans la gloire l'im-
molation qu'il accomplit douloureusement
sur la croix.
Telles sont les merveilles que l'œil des An-
ges contemple « à l'intérieur du voile ~ »,
et que notre œil verra aussi, lorsque nous
aurons franchi le voile à notre tour. Nous
ne sommes pas destinés à rester au dehors,
comme le peuple juif qui voyait une fois
l'an son Pontife disparaître quelques instants
derrière la courtine qui fermait l'accès du
Saint des Saints. Voici que l'Apôtre nous
enseigne que « Jésus notre avant-coureur,
I. Apoc. IV, V. — 2. Heb. VI, 19.
LE TEMPS PASCAL. — T. III.
2 20 Le Temps Pascal.
« Jésus Pontife à jamais, est entré pour nous
u dans le sanctuaire* » ; entré pour nous!
qu'est-ce à dire, sinon gu'il nous y précède, et
que nous l'y suivrons ? Il est juste qu'il en-
tre le premier; mais c'est comme avant-
coureur (^u'il entre. Dès aujourd'hui même
il n'est déjà plus seul à l'intérieur du voile;
la foule des élus qui montait après lui a
pénétré à sa suite, et à partir de ce moment,
le nombre de ceux qui seront admis va s'ac-
croître d'heure en heure. Nous ne sommes
aue de pauvres pécheurs, et l'Apôtre nous
it que « nous sommes déjà sauvés en es-
« pérance »-; et notre espérance, c'estde péné-
trer un jour dans le Saint des Saints. Alors
nous répéterons avec les Anges, avec les
vingt-quatre vieillards, avec les millions
d'êtres glorifiés, cette acclamation éternelle :
« A l'Agneau qui fut immolé, puissance et
c divinité! sagesse et force! honneur, gloire
« et bénédiction, dans les siècles des siècles!
« Amen-' ! »
p ouR terminer la journée, nous emprunte-
* rons aujourd'hui cette antique Séquence
que le pieux Notker composa au ix« siècle,
pour l'abbaye de Saint-Gall.
CHRISTUS hune diem
jucundum
Gunctis concédât esse
christianis.
Amatoribus suis.
SEQUENCE.
DAIGNE le Christ rendre
favorable cette journée
aux chrétiens qu\ lui olTrenl
leur amour.
I. Heb. VI, 20. — 2. Rom. viii, 24. — 3. Apoc. v, 13.
Le Mardi dans VOci. de V Ascension. 22 j
Ghriste Jesu, FiliDei,
Mediator nostras natura;
Ac Divinœ.
O Christ ! ô Jésus, Fils de
Dieu ! tu réunis en ta per-
sonne la nature divine et la
nôtre.
Dieu éternel, tu as visité la
terre ; homme nouveau, tu as
traversé les airs dans ton vol.
Les Anges et les nuées
t'environnent dans ton retour
vers ton Père.
Comment s'en étonner ,
lorsque, dans ton berceau,
l'étoile s'unissait aux Anges
pour accomplir tes ordres ?
En ce jour, Seigneur, tu as
inspiré aux hommes un nou-
veau et cher désir, l'espérance
des biens célestes.
C'est la nature humaine vé-
ritable que tu as emportée r.u
delà des limites où s'arrêtent
les astres, ô Roi des rois.
Quelle joie remplit le cœur
de tes Apôtres, auxquels tu
accordes la faveur de te con-
templer dans ton retour vers
les cieux !
Avec quels transports
joyeux les neuf chœurs des
Anges se portent à ta ren-
contre !
Terras Deus visitasti
aeternus,
jEthera novus homo
Transvolans.
Officiis te Angeli at-
que nubes
Stipant, ad Patrem
Reversurum.
Sed quid miruin,
Cum lactanti adhuc
Stella tibi serviret
Et Angeli ?
Tu hodie tcrrestribus
Rem novam et dulcem
Dedisti, Domine,
Sperandi cœlcs-
tia.
Tu hominem non fic-
tum
Levando super sidercas
metas,
Regum Domine.
Quanta gaudia
Tuos replent Apostolos,
Quis dedisti cernere
Te cœlospergere.
Quam hilares
In coelis tibi occurrunt
Novem ordines.
228
Le Temps Pascal.
In hiimeris portanti
Diu dispersum a lupis,
Gregem unum,
Quem. Christe,
Bonc Pastor,
Tu dignare custodire.
Amen.
Tu portes sur tes épaules
la brebis du troupeau, de ce
troupeau dispersé longtemps
par les loups, mais que tu as
réuni dans l'unique bercail.
O Christ, bon Pasteur, dai-
gne être son gardien toujours.
Amen.
Complétons les hommages de ce jour par
ces deux éloquentes oraisons du Bréviaire
mozarabe.
DOMINE Jesu Christe,
Creator astrorum ,
qui inclinasti capita nu-
bium, dura te humiliasti
in conversatione morta-
lium ; ut in eo corpore,
quo pro nobis probra
sustinuisti impiorum, in
ipso ascenderes super
omnes cœlos cœlorum, et
laudes sumeres Angelo-
rum : exaudi nos propi-
tius, et hoc nobis con-
cède placatus, ut. abso-
luti criminibus, illuc te
nunc prœvium sequamur
corde, quo tu ascendisti
glorificatus in homine ; ut
te etiam tune contem-
plari possimus condito-
rem et Dominum œter-
num in .Majestate, quem
nunc verum Deum rra?-
stolamur et j u d i c^ m.
Amen.
SEIGNEUR Jésus-Christ,
_ créateur des astres, qui
avez incliné les cieux en vous
humiliant jusqu'à vivre avec
les mortels, et qui. dans ce
même corps qui a supporté
pour nous les opprobres des
impies, deviez monter au-
dessus des cieux et recevoir
1 e s applaudissements des
Anges ; soyez-nous propice,
laissez -vous apaiser, et accor-
dez-nous qu'étant absous de
nos péchés, nous vous sui-
vions de cœur, comme notre
avant-coureur , là où vous
êtes monté en glorifiant votre
humanité ; afin que nous
puissions un jour vous con-
templer dans votre Majesté
comme le créateur et le Sei-
gneur éternel, vous en qui
maintenant nous confessons
le vrai Dieu et attendons
notre juge. Amen.
Le Mardi dans VOct. de V Ascension.
2g
CAPITULA.
SEIGNEUR Jésus-Christ qui
êtes monté sur les cieux
des cieux à l'Orient après
avoir triomphé de l'Occident,
daignez perfectionner en vous
ceux dont vous avez pris sur
vous le rachat, et que vous
devez enlever jusqu'aux
cieux. Complétez la gloire
de votre corps en attirant
vos membres en ce séjour où
vous, qui êtes le Chef, nous
avez précédés avec tant de
splendeur, et n'abandonnez
pas à l'Occident de ce monde
ceux que, dans votre triom-
phe , vous devez emporter
vers l'éternel Orient.
C-, OMINE Jesu Christe,
qui ascendisti super
cœlos cœlorum ad Orien-
tera, Occasum devincens ;
quos in te suscepisti re-
dimendos, in te perfice
ad excelsa toUendos : ut
ubi caput prœcessisti glo-
rificatum , illuc totum
corpus adtrahas hono-
randum : nec in Occi-
duum mundi relinquas,
quos ad Orientem perpe-
tuum versus triumphator
exaltas.
^^^^^^^^
LE MERCREDI
DANS LOCTAVF. DE I, ASCENSION
OREXgloriaî, Domine
virtutum, qui trium-
phatorhodie superomnes
cœlos ascendisti, nedere-
linquas nos orphanos ;
sed mitte promissum Pa-
tris in nos Spiritura ve-
ritatis, alléluia.
ORoi de gloire, Seigneur
des armées, qui aujour-
d'hui êtes monté triomphant
au-dessus de tous les cieux,
ne nous laissez pas orphe-
lins ; mais envoyez-nous
l'Esprit de vérité, selon la
promesse du Père, alléluia.
.BAISSONS sur la terre nos regards,
que nous avons tenus jusqu'ici tixés
au ciel pour y suivre Celui qui nous
a quittés. Recherchons maintenant
les effets du divin mystère de l'Ascension
jusque dans notre humble et passagère de-
meure, où le Fils de Dieu a cessé de résider
visiblement. Quel étonnant spectacle attire
notre attention ici-bas ! Ce Jésus, qui monta
aux cieux en ce jour, sans que la ville de Jé-
rusalem s'en émût, sans qu'elle s'en fût
même aperçue, sans que le genre humain
s'ébranlât à la nouvelle du départ de son
hôte divin ; ce même Jésus, en ce simple an-
niversaire d'aujourd'hui, dix-neuf siècles après
l'événement, émeut encore la terre tout en-
tière de l'éclat de son Ascension. En nos tris-
tes jours la foi est languissante; quelle est
cependant la région du globe où n'habitent
pas les chrétiens, soit à l'état de peuple, soit
île Mercredi dans l'Oct. de V Ascension. 23 1
à l'état d'individus? c'en est assez pour que
l'univers entier entende dire que Jésus est
monté aux cieux, et que ce jour est consacré
à fêter sa glorieuse Ascension.
Durant trente-trois années il vécut de
notre vie sur la terre. Fils éternel de Dieu,
son séjour parmi nous fut ignoré de toutes
les nations sauf une seule. Cette nation le
crucifia; les Gentils ne l'eussent pas même
regardé ; car « la lumière a beau luire dans
0 les ténèbres, les ténèbres ne la compren-
« nent pas ' »; et Dieu a pu « venir dans
« son œuvre même, et ne pas être accueilli
« par les siens '■^. » Au sein du peuple préparé
pour sa visite, sa parole a été cette semence
qui tombe sur un terrain pierreux et ne germe
pas, dans les épines et est bientôt étouffée
par elles, et qui rencontre à peine un coin
de cette bonne terre où elle peut fructifier s.
Si, à force de patience et de bonté, il main-
tient autour de lui quelques disciples, leur
confiance en lui est demeurée faible, hési-
tante, toujours prête à s'éteindre.
Et néanmoins, depuis la prédication de ces
mêmes Apôtres, le nom et la gloire de Jésus
sont partout ; en toutes les langues, dans
toutes les races, il est proclamé"" le Fils de
Dieu incarné ; les peuples les plus civilisés
comme les plus barbares sont venus à lui ;
on fête sa naissance dans Tétable de Beth-
léhem, sa mort douloureuse sur la croix où il
paya la rançon du monde coupable, sa résur-
rection par laquelle il confirma la rnission
divine qu'il était venu accomplir, enfin son
I. JoHAN. I, 5—2. Ibid. 1 1. — 3. Mattm. xni.
2? 2 Le Temps Pascal.
Ascension qui le fait asseoir en ce jour
Homme-Dieu, à la droite de son Père. Dans
Punivers entier la grande voix de l'Eglise
fait retentir le mystère de la glorieuse Tri-
nité, qu'il est venu révéler au monde. Cette
sainte Eglise qu'il a fondée enseigne à toutes
les nations la vérité révélée, et dans toutes
les nations elle rencontre des âmes dociles
qui répètent son symbole.
Comment s'est accomplie cette merveille ?
comment a-t-elle persévéré et persévère-
l-elle depuisdix-neufsiècles ? Jésus, qui s'élève
au ciel en ce jour, nous l'explique d'un seul
mot : ce Je m'en vais, dit-il, et il vous est avan-
« tageux que je m'en aille. » Qu'est-ce à
dire, sinon que, dans notre état actuel, il y a
pour nous c^uelque chose de plus avantageux
que sa présence sensible ? Cette vie n'est
donc pas le moment de le voir et de le con-
templer, même dans sa nature humaine. Pour
le connaître, pour le goûter, même dans
cette humaine nature, un autre élément nous
est nécessaire : c'est la foi. Or, la foi aux
mystères du Verbe incarné ne commence à
régner sur la terre qu'à partir du moment
où il cesse d'être visible ici-bas.
Qui pourrait dire la force triomphante de
la foi? Saint Jean l'appelle d'un nom glo-
rieux. <L La foi, dit-il, c'est la victoire qui
« abat le monde sous nos pieds *. » C'est
elle qui a abattu aux pieds de notre divin
Chef absent de ce monde, la puissance, l'or-
gueil et les superstitions de la société anti-
que ; et l'hommage en est monté jusqu'au
I. JOHAN. y, 4.
Le Mercredi dans VOct. de V Ascension. 233
trône où prend place aujourd'hui Jésus, Fils
de Dieu et fils de Marie.
Saint Léon le Grand, le sublime interprète
du mystère de l'Incarnation, a pénétré cette
doctrine de son couf? d'œil toujours si sûr, et
il l'a rendue avec l'éloquence qui lui est fa-
milière. « Après avoir accompli la prédica-
tion de l'Evangile et les mystères de la nou-
velle Alliance, nous dit-il, Jésus-Christ notre
Seigneur s'élevant au ciel sous les yeux de
ses disciples, a mis un terme à sa présence
corporelle ici-bas, et il doit demeurer à la
droite de son Père jusqu'à ce que soient
accomplis les temps divinement destinés à
la multiplication des enfants de l'Eglise;
après quoi il reviendra pour être le Juge des
vivants et des morts, dans la même "chair
avec laquelle il est monté. Ainsi donc, tout ce
qui avait été visible ici-bas en notre Rédemp-
teur a passé dans Tordre des Mystères; et
afin de rendre la foi plus excellente et plus
ferme, la vue a été remplacée par un en-
seignement dont l'autorité, entourée d'un
rayonnement céleste, entraîne les cœurs des
croyants.
«C'est par la vertu de cette foi dont l'As-
cension du Seigneur a accru l'énergie, et que
le don de l'Esprit-Saint est venu fortifier,
que ni les chaînes, ni les cachots, ni l'exil,
ni la faim, ni les bûchers, ni la dent des bêtes
féroces, ni les supplices inventés par la
cruauté des persécuteurs, n'ont pu effrayer
les chrétiens. C'est pour leur fidélité à cette
foi que, dans le monde entier, non seule-
ment des hommes, mais même des femmes,
non seulement des enfants et des adolescents.
234 Le Temps Pascal.
mais des jeunes filles délicates, ont combattu
jusqu'à l'ellusion de leur sang. C'est cette foi
qui a chassé les démons, fait disparaître les
maladies, ressuscité les morts. De là, nous
avons vu les bienheureux Apôtres eux-mêmes
qui, après avoir été confirmés par tant de
miracles, instruits par tant de discours du
Seigneur, s'étaient laissé eifrayer par, les
indignités de sa Passion, et n'acceptèrent la
vérité de sa résurrection qu'après avoir
hésité ; nous les avons vus changés aussitôt
après son Ascension, à tel point que les
choses qui jusqu'alors ne leur inspiraient
que de la terreur, devinrent tout à coup
pour eux une source d'allégresse. Toute la
force du regard de leur âme s'était dirigée
sur la divinité de celui qui est assis à la
droite du Père ; la vue de son corps ne retar-
dait plus la vigueur de leur œil, dès lors
qu'ils pénétraient le Mystère, et arrivaient à
comprendre qu'en descendant des cieux il ne
s'était pas séparé de son Père, pas plus qu'en
y remontant il ne s'était isolé de ceux qui
avaient été ses disciples.
« Le moment donc où le Fils de l'homme,
qui est aussi le Fils de Dieu, s'est manifesté
d'une façon plus excellente et plus auguste,
est celui où il s'est retiré dans la gloire et la
majesté de son Père; car c'est alors que, par
un procédé ineffable, il s'est rendu plus pré-
sent par sa divinité, à mesure que son huma-
nité s'éloignait de nous davantage. C'est alors
que la foi plus éclairée que l'œil terrestre
s'est approcnée d'un pas plus ferme de celui
qui est le Fils égal au Père, qu'elle n'a plus
eu besoin de palper dans le Christ cette
Le Mercredi dans VOct. de V Ascension. 235
nature humaine par laquelle il lui est infé-
rieur. La substance de ce corps glorifié est
demeurée la même; mais la foi des croyants
avait désormais son rendez-vous là où non
plus une main de chair, mais une intelligence
spirituelle est admise à toucher le Fils égal
au Père. De là vient que le Seigneur ressus-
cité, lorsque Marie-Madeleine, qui représen-
tait l'Eglise, s'élançait pour saisir ses pieds,
l'arrêta par ces paroles : a Ne me touche pas;
car je ne suis pas monté encore vers mon
Père » ; comme s'il eût dit : « Je ne veux plus
que tu arrives à moi par une \o\ç. sensible, ni
que tu me reconnaisses au contact humain; je
t'ai réservée à une plus sublime expérience;
j'ai préparé pour toi un sort plus digne d'en-
vie. Lorsque )e serai monté vers m.on Père, c'est
alors que tu me saisiras, mais d'une manière
plus parfaite et plus vraie, parce que les sens
étant dépassés, la foi te révélera ce que tes
yeux ne verront pas encore i. »
Il est donc inauguré par le départ de notre
Emmanuel, ce règne de la foi qui doit nous
préparer à l'éternelle vue du souverain bien;
et cette heureuse foi, qui est notre élément,
nous donne en même temps toute la lumière
compatible avec notre faible condition pré-
sente pour saisir et adorer le \'erbe consub-
stantiel au Père, et pour avoir l'intelligence
des Mystères que ce Verbe incarné a opérés
ici-bas dans son humanité. Un grand nom-
bre de siècles nous sépare du moment où il
se rendit visible sur la terre, et nous le con-
naissons mieux que ne le connurent et ne le
I. De Ascensione Domini, Sermo ii.
2 36 Le Temps Pascal.
goûtèrent ses propres disciples avant son
Ascension sur le mont des Oliviers. Il nous
était donc véritablement avantageux qu'il
s'éloignât ; sa présence eût gêné l'essor de
notre foi, et notre foi seule pouvait remplir
rintervalie qui le sépare de nous, jusqu'à ce
que nous ayons pénétré « à l'intérieur du
voile ».
Combien est profond l'aveuglement de ces
hommes qui ne sentent pas la puissance sur-
humaine de cet élément de la foi, par lequel
le monde a été non seulement vaincu, mais
transformé ! Ils prétendent avoir découvert
la fabrication des Evangiles, et ils ne voient
pas cet Evangile vivant qui résulte de dix-
neuf siècles de foi unanime, qui ressort de la
confession généreuse de tant de millions de
martyrs, de la sainteté de tant de justes, de
la conversion successive de tant de nations,
à commencer par les plus civilisées et à linir
par les plus barbares. Certes, celui-là qui,
après avoir visité un coin de cette terre durant
quelques années, n'a eu besoin que de dis-
paraître pour attirer à lui la foi des plus
grands génies comme des coeurs les plus sim-
ples et les plus droits, est bien ce qu'il nous
a dit être : le Fils éternel de Dieu. Gloire et
action de grâces soient donc à vous, Seigneur,
qui, pour nous consoler de votre départ, nous
avez "donné la foi par laquelle l'œil de notre
âme s'épure, l'espérance de notre cœur s'en-
flamme, et les divines réalités que nous pos-
sédons se font sentir à nous dans toute leur
puissance ! Conservez en nous ce don précieux
de votre bonté toute gratuite, accroissez-le
sans cesse, faites qu'il s^épanouissedans toute
Le Mercredi dans VOct. de V Ascension. 23 j
sa maturité, au moment solennel qui doit
précéder celui où vous vous révélerez à nous
face à face.
N'
ous célébrerons aujourd'hui le mystère
de l'Ascension en empruntant la voix
d'une de nos Eglises les plus septentriona-
les, tombée, hélas! comme toutes ses sœurs
de la Suède, sous le joug du luthéranisme.
C'est une Séquence tirée du dernier missel
d'Abô, dans la Finlande. La composition
de cette pièce se rapporte au xiv^ ou au xv"
siècle.
SEQUENCE.
NATIONS, applaudissez, me-
nez des chœurs de fête :
le Christ triomphe, il re-
monte victorieux, traînant
après lui les dépouilles qu'il
a conquises ; il monte au
son joyeux de la trompette.
Oh ! quelle gloire entoure
aujourd'hui le Fils du souve-
rain Seigneur ! Comme il
s'élève, le fruit de la terre,
au-dessus de tous les trônes
du ciel.
De même que Moïse étant
entré dans le Tabernacle, le
peuple est entraîné à contem-
pler un spectacle si étonnant ;
ainsi les hommes de Galilée
ne peuvent détacher leurs re-
OMNES gentes plau-
dite,
Festos choros ducite,
Christo triumphan-
te;
Redit cum Victoria,
Capta dacens spolia,
Tuba jubilante.
Papas! quam magnifi-
cum
Hodie dominicum
Germen gloriatur !
Terr« fructus hodie
Super thronos curias
Cœli sublimatur.
Intrat tabernaculum
Moyses, et populum
Trahit ad spectaculum
Tantœ virtus rei :
Stant suspensis vultibus,
Intendentes nubibus
238
Le Temps Pascal.
Jesum subducentibus,
Viri Galilaîi.
Dum Elias sublcva-
tur,
Elis.To duplex datur
Spiritus et pallium :
Alta Christus dum cons-
cendit,
Servis suis mnas appen-
dit
Gratiarum omnium.
Transit Jacob hune
Jordanem,
Luctum gerens non ina-
nem,
Crucis usus baculo ;
Redit turmis cum dua-
bus,
Angelis et animabus,
Et thesauri saccu-
lo.
Hic est fortis,
Qui de mortis
Victor porîis
Introit cum gloria ;
Rex virtutum,
Cujus nutum
Et obtutum
Trina tremit régla.
Vocac Pater Filium
Ad consessus solium,
Donec suppedaneos,
\^ictos vel spontaneos,
Ponat inimicos.
Sedet in altissimis,
Fruitur potissimis ;
Redit ex novissimis
Judicans ex intirais
gards de la nuée qui leur a
soustrait Jésus.
Elic s'élève au ciel, laissant
à Elisée son double esprit et
son manteau; le Christ, mon-
tant à son tour, fait part à ses
serviteurs du trésor de ses
grâces.
Le véritable Jacob a passé
le Jourdain, et à travers la
souffrance, se servant de la
croix pour bâton, aujourd'hui
il revient escorté de deux ba-
taillons, les Anges et les âmes
rachetées, et il porte avec lui
le trésor qu'il a conquis.
C'est le vaillant qui. vain-
queur des portes de la mort,
entre avec gloire; c'est le
Seigneur des armées, dont
un signe, un regard, fait
trembler le triple univers.
Le Père invite son Fils à
s'asseoir sur le trône jusqu'à
ce qu'il ait réduit, de gré ou
de force, ses ennemis à lui
servir de marchepied. Le voi-
là siégeant au plus haut des
cieux, en possession d'hon-
neurs infinis ; mais à la fin il
doit revenir, pour juger les
Le Mercredi dansVOct. dj l'Ascension.
3 g
bons et les méchants sur
leurs actions même les plus
secrètes.
Dieu vengeur, venez avec
clémence, en ce jour où nous
serons présentés en face de
votre trône ; en cette vie,
faites-nous goûter dès le ma-
tin votre miséricorde ; et
transportez nous bientôt dans
la vie éternelle, pour y pren-
dre part à la gloire future.
Amen.
Nous terminerons, comme les jours précé-
dents, par une des belles prières du Bréviaire
mozarabe dans le cours de l'Octave.
Justos et iniquos.
Vcni, Deus ultionum,
Veni cum clemcntia :
Dum sistemur ante thro-
• num
Tua in prassentia :
Mane nobis tune auditam
Fac misericordiam ;
In perennem transfer vi-
tam
Ad futuram gloriam.
Amen.
SEIGNEUR Jésus-Christ, qui
avez élevé avec tant de
gloire votre trône dans
votre cité de Jérusalem qui
est l'Eglise ; vous qui en
avez fait si glorieusement
la conquête, et qui de son
sein vous élevez dans un
si beau triomphe jusqu'au
Père, et nous manifestez les
grandeurs de votre Ascension
dans la nature humaine que
vous avez revêtue, daignez
agréer nos vœux et accepter
nos œuvres, afin que nous
puissions posséder le royaume
avec vous dans la gloire éter-
nelle. Amen.
DOMINE Jesu Christe,
qui sublimius exal-
tasti thronum tuum in
Jérusalem civitatem tu-
am. quîe est utique Ec-
clesia, dum eara gloriose
conquiris et ab ea trium-
phaliter ad Patrem as-
cendis : dum in assump-
to homine Assumptionis
tuae gloriam manifestas :
sint ergo in nobis, et
vota tibi placita, et opé-
ra ipsa accepta ; ut ex
hoc tecum possideamus
regnum in gloria sempi-
terna. Amen.
-?i^
LE JEUDI
OCTAVli DE L'ASCENSION.
OREXgloriae, Domine
virtutum.qui trium-
phator hodie super om-
nes cœlos ascendisti, ne
derelinquas nos orpha-
nos ; sed mitte promis-
sura Patris in nos Spiri-
tum veritatis, alléluia.
^~\ Roi de gloire. Seigneur
^^ des armées, qui aujour-
d'hui êtes monté triomphant
au-dessus de tous les cieux,
ne nous laissez pas orphe-
lins ; mais envoyez-nous l'Es-
prit de vérité, selon la pro-
messe du Père, alléluia.
[oùs avons vu comment l'Ascension
de notre Emmanuel lui a assuré
ici-bas un premier triomphe par la
foi, qui lui' donne l'empire sur les
intelligences. Une seconde victoire ressort du
même mystère : c'est la victoire de l'amour
qui fait régner Jésus sur les cœurs. Depuis
dix-neuf siècles, en qui les hommes ont-ils
cru fermement, universellement, si ce n'est
en lui ? Quel autre point de ralliement ont
eu les intelligences, si ce n'est dans les
dogmes de la foi ? Quelles ténèbres ce divin
flambeau n'a-t-il pas éclairées ? Quelles clar-
tés n'a-t-il pas projetées sur les peuples qui
ont accueilli sa lumière? En quelles ombres
n'a-t-il pas laissé ceux qui, après l'avoir
accueilli, ont fermé plus tard leurs yeux à
ses rayons ?
De même on peut bien le dire, depuis l'As-
cension de notre Rédempteur nul n'a été
aimé des hommes de tous les lieux et de
L'Octave de l'Ascension. 241
toutes les races comme il l'a été, comme il
l'est encore, comme il lésera jusqu'à la fin.
Or, il fallait qu'il se retirât pour être ainsi
aimé, comme il le fallait pour que nous crus-
sions en lui. « Il vous est avantageux que je
« m'en aille » ; ces mômes paroles nous ser-
viront encore aujourd'hui à mieux pénétrer
le mystère. Avant l'Ascension, les disciples
étaient aussi chancelants dans leur amour
que dans leur foi ; Jésus ne pouvait compter
sur eux; mais à peine a-t-il disparu à leurs
regards, qu'un élan inconnu s'empare de
leurs cœurs. Au lieu de plaindre leur aban-
don, ils rentrent pleins de joie dans Jérusa-
lem. Heureux du triomphe de leur Maître,
oublieux d'eux-mêmes, ils s'empressent de
lui obéir en se rendant au Cénacle, où la
Vertu d'en haut doit venir les visiter. Étudiez
ces hommes dans les années qui vont suivre,
parcourez leur carrière jusqu'à la mort ;
comptez, si vous pouvez, les actes de leur
dévouement dans l'immense labeur de la pré-
dication de l'Evangile, et dites si un autre
mobile que l'amour de leur Maître les a
soutenus et rendus capables de tout ce qu'ils
ont fait. Avec quel empressement ils ont bu
son calice ^ ! Avec quel transport ils ont salué
sa croix, lorsqu'ils l'ont vue dressée pour
eux-mêmes !
Mais ne nous arrêtons pas à ces premiers
témoins ; ils avaient vu le Christ , ils
l'avaient entendu , ils l'avaient touché de
leurs mains -. Tournons nos regards sur
les générations qui ne l'ont connu que
I. MatTH. XX, 2.3. — 2 I JOHAN. I, I.
LE TEMPS PASCAL.
242 Le Temps Pascal.
par la foi, et voyons si cet amour qui triom-
phe dans les Apôtres, a fait défaut chez les
chrétiens un seul jour dans le cours de dix-
huit siècles. C'est d'abord la lutte du martyre
qui n'a jamais totalement cessé depuis la
promulgation de l'Evangile, et qui occupe
trois cents ans pour le début. Par quel
motif tanide millions de héros et d'héroïnes
ont-ils couru au-devant des tortures les plus
affreuses, bravé en souriant la flam.me des
bûchers, la dent des bctcs féroces, si ce n'est
pour prouver au Christ leur amour ? Rappe-
lons-nous ces terribles épreuves qu'ont
acceptées avec tant d'empressement non seu-
lement des hommes aguerris à la souffrance,
mais des femmes délicates, de jeunes vierges
et jusqu'à des enfants. Remettons-nous "en
mémoire tant de sublimes paroles, noble
élan du cœur qui aspire à rendre au Christ
mort pour mort, et n'oublions pas que les
martyrs de nos jours, en Chine, au Tongking,
dans la Cochinchine, dans la Corée, ont
ref^roduit textuellement, sans s'en douter, en
présence de leurs ju^es et de leurs bourreaux,
le langage que tenaient leurs prédécesseurs
devant lès proconsuls du m" et du iv^ siècle.
Oui, certes, il est aimé comme nul ne le
sera jamais, ni ne le pourrait être, notre
divin Roi qui s'est enfui aux cieux; car de-
puis son départ, on ne saurait compter les
millions d'âmes qui, pour s'unir à lui unique-
ment, ont foulé aux pieds les séductions de
l'amour terrestre, et n'ont voulu connaître
d'autre amour que le sien. Tous les siècles,
même le nôtre dans sa triste défaillance, les
ont vus, et Dieu seul en connaît le nombre
L'Octave de V Ascension. 243
Il a été aimé sur cette terre, notre Emma-
nuel, et il le sera jusqu'au dernier jour du
monde, ainsi qu'en fait foi, dans toute la
suite des temps, le généreux abandon des
biens terrestres, dans'^le but de conquérir la
ressemblance avec l'enfant de Bethléhem;
abandon pratiqué si souvent par les per-
sonnes les plus opulentes du siècle ! Que
serait-ce s'il nous fallait signaler tant de
sacrifices de la volonté propre obtenus de
l'orgueil humain, afin de réaliser dans l'hu-
manité le mystère de l'obéissance de l'Homme-
Dieu sur la terre, et les innombrables traits
d'héroïsme offerts par la pénitence chrétienne,
qui continue et complète ici-bas avec tant de
générosité les satisfactions que l'amour du
kédempteur pour les hommes lui fit accepter
dans sa douloureuse Passion ?
Mais cette inextinguible ardeur pour Jésus
envolé au ciel, ne s'est pas trouvée satisfaite
encore de tant de dévouements. Jésus avait
dit : « Tout ce que vous ferez en faveur du
« moindre de vos frères, c'est à moi que
« vous l'aurez fait » ; l'amour pour le Christ
s'est emparé de cette parole, et depuis le
commencement jusqu'aujourd'hui , il s'est
livré à un autre genre de recherche pour
atteindre, à travers le pauvre, jusqu'à Jésus
qui réside en lui. Et comme la première de
toutes les misères de l'homme est l'ignorance
des vérités divines, sans lesquelles il ne peut
être sauvé, chaque époque a fourni une suc-
cession d'apôtres qui, renonçant aux liens les
plus doux de la patrie et de la famille,
s'élancent au secours des peuples assis dans
l'ombre de la mort. Qui pourrait dire les
244 ^^ Temps Pascal.
fatigues qu'ils assument dans un tel labeur,
les "tourments qu'ils bravent, afin que le
nom de Jésus soit annoncé, qu'il soit aimé
d'un sauvage, glorifié par un Chinois ou par
un Indou?
S'agit-il de consoler les douleurs du Christ
ou de panser ses plaies dans ses frèreslcs plus
disgraciés ? n'allez pas croireque l'amour qui
réside dans lesfiidèles de son Eglise fasse jamais
défaut. Comptez plutôt les membres de ces
associations charitables qui se sont vouées
au soulagement des pauA'res et des malades,
depuis qu'il a été possible aux chrétiens de
développer au grand jour leurs plans pour
l'exercice de la charité. Voyez le sexe le plus
faible, décimé chaque année par les plus
nobles vocations, payer avec un empresse-
ment héroïque son tribut au chevet des in-
firmes et des mourants. Le monde lui-même
s'en émeut, les économistes s'étonnent d'être
obligés de compter avec un élément indis-
pensable aux sociétés, et qui échappe à toutes
leurs spéculations. Heureux s'ils en venaient
jusqu'à reconnaître celui dont l'amour seul
opère toutes ces merveilles !
Mais ce que l'œil de l'homme peut attein-
dre n'est rien : il ne saisit que ce qui paraît
à l'extérieur. Nul ne saurait donc appréciera
quel point Jésus a été aimé et l'est encore sur
la terre. Qu'on se retrace les millions de
chrétiens qui ont passé ici-bas depuis l'ori-
gine de l'Eglise. Parmi eux, sans doute, il
en est beaucoup qui ont eu le malheur de
manquer leur hn ; mais quelle multitude
innombrable a aimé le seigneur Christ de
tout son cœur, de toute son ame et de toutes
L'Octave de l'Ascension. 245
ses forces ! Les uns l'ont aimé constamment,
d'autres ont eu besoin d'être rappelés par sa
miséricorde, mais ils se sont endormis dans
son baiser. Comptez, si vous pouvez, les
actes vertueux, les sacrifices sublimes, en dix-
huit siècles, au sein de cet immense peuple
chrétien que nous verrons se dérouler tout
entier au dernier jour du monde, dans la
vallée de Josaphat ! La mémoire de Dieu.peut
seule en embrasser le souvenir. Or, tout cet
ensemble d'œ(Uvres, de sentiments, depuis
l'élan séraphique de l'àme déjà divinisée,
jusqu'au verre d'eau donné au nom du
Rédempteur, qu'est-ce autre chose qu'un
incessant concert d'amour qui monte nuit et
jour vers le Christ, vers ce divin absent que
la terre ne peut oublier ? Où est-il l'homme
d'entre nous, si chère que soit sa mémoire,
pour lequel on se dévouera encore, pour
lequel on mourra encore, pour l'amour du-
quel on se renoncera soi-même, un siècle,
dix siècles, vingt siècles après sa mort ? où
trouvera-t-on cet homme mort dont le nom
fera battre le cœur à tant de millions d'hom-
mes de toute génération, de toute race, de
tout siècle, si ce "n'est Jésus, qui est mort, qui
est ressuscité, qui est monté aux cieux ?
Mais, nous le reconnaissons humblement,
ô notre Emmanuel, il était nécessaire que
vous disparussiez du milieu de nous, afin
que la foi, prenant son essor, allât vous
chercher jusqu'aux cieux, désormais votre
séjour, et que nos coeurs, ainsi éclairés, fus-
sent rendus capables de vous aimer. Jouissez
de votre Ascension, ô divin Chef des Anges
et des hommes! dans notre exil, nous goûte-
246 Le Temps Pascal.
rons les fruits de ce sublime mystère, jus-
qu'à ce qu'il s'opère en nous. Eclairez les
pauvres aveugles que l'orgueil empêche de
vous reconnaître à des traits si frappants. Ils
vous discutent, ils vous jugent, sans s'être
rendu compte de ce témoignage de la foi et
de l'amour de tant de générations. L'honi-
mage que vous offre l'humanité représentée
par les premières nations de la terre, par
les coeurs les plus vertueux, par tant d'hom-
mes de génie, est pour eux comme non avenu.
Que sont-ils pour s'opposer à un tel concert?
Sauvez-les, Seigneur, de leur vain et péril-
leux orgueil, et ils reviendront, et avec nous
ils diront : « Il était véritablement avanta-
« geux pour ce monde qu'il perdît votre pré-
ce sence sensible, ô Emmanuel! car si votre
« grandeur, votre puissance et votre divinité
« ont paru et ont été reconnues, c'est depuis
« que vous avez cessé d'être visible parmi
« nous. Gloire soit donc au mystère de votre
« Ascension, par lequel en montant aux
« cieux, comme dit le Psalmiste, vous rece-
« vez les plus hauts dons pour les répandre
« en largesses sur les hommes i. »
T 'Eglise grecque nous fournira aujourd'hui
^ la mati'ère de notre hommage liturgique
au Rédempteur triomphant; c'est une Hymne
du jour de la fête, à l'Office du soir. .
I. Psalm. Lxvn, 9.
L'Octave de V Ascension.
247
IN ASSUMPTIONE DOMINI, AD MAGNUM VESPERTINUM.
LE Seigneur a été enlevé
dans les cieux , d'où il
doit envoyer au monde le
Paraclet. Les cieux lui ont
préparé un trône, et les nuées
ont secondé son Ascension.
Les Anges sont dans l'éton-
nement, voyant un homme
établi au-dessus d'eux. Le
Père reçoit à son arrivée
celui qui lui est coéternel
dans son sein. L'Esprit-Saint
donne un commandement à
tous ses Anges : « Princes,
élevez vos portes. Nations ,
battez des mains ; car le
Christ est monté où il était
auparavant. »
A ton Ascension, ô Christ,
les Chérubins furent dans
l'étonnement, te voyant mon-
ter sur les nuées et aller
t'asseoir au-dessus d'eux.
Pour nous, nous te glori-
fions ; car ta miséricorde est
remplie de douceur : Gloire à
toi !
O Christ, splendeur de la
gloire du Père, nous contem-
plons ton Ascension jusqu'aux
sommets des montagnes sain-
tes, nous célébrons l'éclatante
beauté de ton visage, nous
adorons tes souffrances, nous
honorons ta résurrection, nous
glorifions ton Ascension su-
blime : Aie pitié de nous !
AssuMPTUS est m cœ-
los Dominus , ut
mundo mitteret Para-
clitum. Cœli praepara-
verunt thronum ejus, et
nubes ascensum ejus. Mi-
rantur Angeli , supra
seipsos hominem viden-
tes. Pater suscipit quem
habet in sinu coasternum.
Spiritus Sanctus omni-
bus Angelis suis impe-
rat : AttoUite portas ,
principes, vestras; om-
nes gentes plaudite ma-
nibus , quia ascendit
Christus ubi erat prius.
Domine, Assumptione
tua obslupuerunt Cheru-
bim, conspicientia te
Deum in nubibus ascen-
dentem, super ipsa se-
dentem ; et glorificamus
te, quoniam benigna est
misericordia tua : Gloria
tibi.
In montibus sanctis
tuas videntes exalta-
tiones, Christe, splendor
gloriae Patris, fulgentem
vultus tui speciem ite-
rum atque iterum cele-
bramus ; tuas adoramus
passiones , resurrectio-
nem honoramus , incly-
tSm glorificantes As-
sumptionem : miserere
nobis.
248
Le Temps Pascal.
Domine, quando te in
nubibus elevatum vide-
runt Apostoli, cum ge-
mitibus lacrymarum tris-
titia repleti, Christevitœ
dator, lamentantes dice-
bant : Domine, utpote
misericors, ne derelin-
quas nos orphanos, quos
propter clementiam di-
iexisti servos tues ; sed
mitte, sicut promisisti
nobis, sanctissimum Spi-
ritum tuum, illuminan-
tem animas nostras.
Domine, dispensatio-
nis impleto mysterio ,
tuos assumen? discipulos,
in montera Olivarum te-
ciim ducebas; et ecce fir-
mamentuum cœli intras-
ti. Qui propter me ege-
nus sicut ego factus es,
et illuc ascendisti unde
non es separatus, sanc-
tissimum tuum mitte Spi-
ritum, illuminantem ani-
mas nostras.
A sinu paterno non
separatus , dulcissime
Jesu, et cum iis qui sunt
in terra sicut homo con-
versatus, hodie a monte
Olivarum assumptus es
in gloria, et lapsam na-
turam nostram pro mi-
sericordia elevans, cum
Pâtre sedere fecisti.
Unde cœlestia incorpo-
reorum agmina , prodi-
gium stupentia, admira-
tione stabant attonita ;
Quand les Apôtres te vi-
rent, Seigneur, t'éiever sur
les nuées, saisis de tristesse,
ils s'adressèrent à toi, dans
les gémissements et les
larmes, ô Christ, auteur de
la vie 1 ils se lamentaient en
disant : « Seigneur miséri-
cordieux, ne laisse pas orphe-
lins les serviteurs que tu as
aimés dans ta bonté ; mais
envoie-nous, ainsi que tu l'as
promis, ton Très Saint Es-
prit pour illuminer nos âmes.
Après avoir accompli le
mystère de la dispensation,
Seigneur, tu pris avec toi tes
disciples, et tu les conduisis
sur la montagne des Oliviers,
et bientôt tu pénétras le fir-
mament du ciel. O toi qui
t'es fait pauvre pour moi et
avec moi, et qui es monté
dans ce séjour que tu n'avais
pas quitté, envoie ton Très
Saint Esprit pour illuminer
nos âmes.
Conversant avec les hom-
mes qui sont sur la terre, ô
très doux Jésus, tu ne t'étais
pas séparé du sein paternel ;
aujourd'hui tu t'élèves glo-
rieux du sommet de la mon-
tagne des Oliviers, et dans ta
miséricorde , relevant notre
nature tombée, tu l'as fait
asseoir sur le trône même du
Père. Les bataillons célestes
des Esprits incorporels ont
contemplé avec stupeur le
prodige. Saisis d'une crainte
L'Octave de V Ascension.
24g
respectueuse, ils ont célébré
ton amour pour les hommes.
Nous nous joignons à eux,
nous habitants de la terre ;
nous glorifions ta descente
vers nous et ton départ d'avec
nous, et nous t'adressons cette
supplication : « O toi qui, au
monaent de ton Ascension, as
rempli d'une allégresse in-
finie le coeur de tes disciples
et celui de ta mère qui a en-
fanté un Dieu, daigne, par
leurs prières et par ta grande
miséricorde, nous donner part
à la joie de tes élus.
et tremore comprehensa
tuum erga homines amo-
rem magnificabant. Cum
quibus et nos in terra
existentes, tuam ad nos
descensionem et a nobis
Assumptionem glorifi-
cantes, rogamus dicen-
tes : Qui discipulos et
genitricem tuam Deipa-
ram infinito gaudio in
tua Assumptione reple-
visti, nos quoque electo-
rum tuorum lœtitia di-
gnare , precibus eorum,
propter magnam miseri-
cordiam tuam.
Enfin nous recueillerons, pour terminer
cette glorieuse Octave, la huitième de ces
belles prières que le Bréviaire mozarabe nous
a fournies pour chaque jour.
O Christ, ô Jésus, notre
Dieu terrible et notre
roi, vous qui à votre nais-
sance reçûtes les hommages
des Anges et des bergers ;
vous qui, après avoir vaincu
l'auteur de la mort, avez vu
toutes les nations applaudir
de la main et du cœur ; vous
qui, emportant au ciel les
trophées de votre victoire, y
avez été suivi par la foi de
vos Apôtres : accordez-nous
de célébrer les mystères de
notre rédemption et de votre
Ascension dans les transports
d'une foi semblable, et d'of-
CHRISTE Jesu, terribi-
lis Deus noster, et
rex noster, cujus in na-
tivitate cum pastoribus
Angeli gloriam detule-
runt ; cui, devicto mortis
auctore, omnes gentes
manibus cordibusque
plauserunt ; quem tro-
phasa victricia reportan-
tem ad œthera, Aposto-
lorum est fides prose-
cuta : fac nos redemp-
tionis nostrae, et Ascen-
sionis tuas mysteria fidei
jubilatione cantare ; et
cum principibus populi,
25o
Le Temps Pascal.
Deo Abraham fideli fa-
tnulatu placera.
Amen.
frir au Dieu d'Abraham nos
hommages fidèles dans la
compagnie de ceux qui ont
été établis les Princes de votre
peuple.
Amen.
LE VENDREDI
APR[-:S LOCTAVR DE L'ASCENSION
(^ Roi de gloire, Seigneur
des armées, qui aujour-
d'hui êtes monté triomphant
au-dessus de tous les cieux,
ne nous laissez pas orphe-
lins • ; mais envoyez-nous
l'Esprit de vérité, selon la
promesse du Père, alléluia.
(^} Rex gloriae. Do-
mine virtutum, qui
triumphator hodie super
omnes cœlos ascendisti,
ne derelinquas nos orpha-
nos ; sed mitte promis-
sum Patris in nos Spi-
ritum veritatis, alléluia.
Octave est achevée; le mystère de
la glorieuse Ascension est accom-
pli; c'en est fait, Jésus ne se mon-
trera plus à nos regards, jusqu'à ce
qu'il vienne juger les vivants et les morts.
La foi seule nous le révèle désormais, et
nous ne pouvons plus le saisir que par l'a-
mour : telle est la condition de notre épreuve,
jusqu'à ce que, pour récompense de cette foi
et de cet amour, nous soyons admis à l'inté-
rieur du voile.
Ne murmurons pas cependant. Espérons
plutôt de cette espérance qui ne trompe pas,
comme dit l'Apôtre LEt comment ne serions-
nous pas tout entiers à cette espérance fortu-
née, lorsque nous nous souvenons que Jésus
nous a promis d'être avec nous jusqu'à la
consommation des siècles 2 ? Il ne se rendra
V, 5. — 2. Matth. xxviii, 20.
252 Le Temps Pascal.
pas visible, mais il sera là toujours. Pour-
rait-il abandonner l'Eglise son épouse? et ne
sommes-nous pas les membres de cette
épouse bien-aimée ?
Mais Jésus a fait plus encore pour nous.
S'il se retire, c'est en nous disant avec une
tendresse infinie : « Je ne vous laisserai pas
« orphelins i. « Quand il nous disait : « 11
« vous est avantageux que je m'en aille, » il
ajoutait : « Si je ne m'en allais pas, le Conso-
« lateur ne viendrait pas vers vous 2. » Ce
consolateur ineffable est l'Esprit-Saint, l'Es-
prit du Père et du Fils qui va desceiîdre
incessamment sur nous, et qui doit demeurer
avec nous, visible dans ses œuvres, jusc^u'à
ce que Jésus reparaisse pour enlever ses élus
d'un monde qui aura mérité d'être abandonné
aux flammes. xMais l'Esprit ne doit pas des-
cendre qu'il ne soit envoyé, et, comme nous
l'apprend TEvangéiiste, « il ne doit pas être
« envoyé que Jésus n'ait été glorifié 3. » Il
vient continuer l'œuvre; mais cette œuvre
devait d'abord être conduite par le Fils de
Dieu jusqu'au terme assigné dans les décrets
éternels.
Après ses labeurs, Jésus est entré dans son
repos, emportant avec lui notre humanité
élevée en lui aux honneurs divins. L'Espnt-
Saint ne revêtira pas cette nature ; mais il
vient nous consoler de l'absence de Jésus, il
vient opérer ce qui reste à accomplir dans
l'œuvre de notre sanctification ; et c'est lui
déjà que nous avons vu à l'œuvre dans les
Le Vendredi après VGct. de l'Ascension. 253
deux jours précédents, lorsque nous avons
contemplé les prodiges de la foi et de l'a-
mour, depuis le départ de celui qui est l'ob-
jet de l'une et de l'autre. C'est l'Èsprit-Saint
qui produit la foi dans les âmes, de même
que c'est lui « qui répand la charité dans les
cœurs 1. »
Nous voici donc au moment de voir s'ou-
vrir une nouvelle série des merveilles de
l'amour de Dieu envers sa créature. Encore
quelques heures, et le règne de l'Esprit-
Saint aura commmencé ; mais en ce jour, le
dernier qui nous reste, puisque dès demain,
à l'heure du soir, s'ouvrira déjà la solennité
de la Pentecôte, laissons-nous aller au légi-
time besoin de vénérer encore les traces
augustes de notre divin Rédempteur sur cette
terre. La sainte Liturgie nous l'avait rendu
présent jour par jour, depuis ces touchantes
seniaines de l'Avent où nous entourions la
divine Mère, attendant avec respect l'heu-
reux moment où elle nous donnerait son
fruit à jamais béni; et maintenant, pour le
retrouver, il nous faut lever les regards vers
le ciel, sortir de ce monde où il ne se laisse
plus voir. Heureux souvenirs de l'intime
commerce que nous eûmes si longtemps avec
l'Emmanuel, alors qu'il nous admettait à le
suivre dans toutes ses voies, nous ne pou-
vons vous mettre en oubli. Bien plus, nous
comptons sur l'Esprit divin pour vous gra-
ver plus profondément encore dans nos
âmes. Jésus n'a-t-il pas annoncé que cet inef-
fable Consolateur étant venu en nous, il nous
I. Rom. V, 5.
2 54 ^^ Temps Pascal.
ferait ressouvenir de tout ce que nous avons
entendu, goûte et expérimente dans la so-
ciété de celui qui, étant Dieu, a daigné vivre
avec nous de notre vie, pour nous prépa-
rer à vivre nous-mêmes éternellement de la
sienne ^ ?
Au reste, s'il nous est cher de suivre ainsi
les vestiges de notre Sauveur sur la terre, il
nous est bien permis de nous rappeler aussi
qu'il ne l'a pas voulu quitter sans y laisser
une marque sensible de son amour pour cet
humble séjour où il fut conçu au sein de la
Vierge, où il naquit, où il daigna passer par
toutes les phases de la vie de l'homme, où
il mourut sur la croix, où il ressuscita glo-
rieux, et d'où il s'élança enfin pour monter à
la droite de son Père. N'a-t-il pas laissé sur
la roche du mont des Oliviers le double ves-
tige de ses derniers pas ? tant il se détachait
avec peine de cette humble demeure où son
amour pour nous l'avait retenu durant trente-
trois années! Ce fait est fondé sur le témoi-
gnage de saint Augustin, de saint Paulin, de
saint Optât, de Sulpice Sévère, qui nous attes-
tent le prodige que les siècles suivants ont
constaté aprè's eux.
En vain, comme le remarquent ces anciens,
l'armée de Titus vint s'établir en ce lieu,
d'où elle déminait la ville déicide sur laquelle
elle allait fondre ; ni les pas du soldat romain,
ni les roues des chariots de guerre, ni les
pieds des chevaux, ne purent altérer ces
traces du dernier adieu que .lésus laissa à sa
sainte Mère, à ses disciples, à nous tous, du
I. JOHAN. XIV, 26.
Le Vendredi après l'Oct. de l'Ascension. 2 55
lieu même où il doit reparaître au dernier
jour. C'était donc sur ce même sol que, qua-
rante ans après, les enseignes romaines appa-
raissaient tout d'abord, à cette heure si ter-
rible pour l'ingrate Jérusalem. Rappelons-
nous ici les deux Anges qui vinrent annoncer
le dernier avènement du Fils de Dieu, au
moment même où la nuée le dérobait à tous
les regards terrestres, et le rapprochement
aue le Seigneur avait fait lui-même de la ruine
e Jérusalem et de la dernière catastrophe
du monde. Ces derniers vestiges des pas de
Jésus sont donc à la fois un adieu plein de
tendresse et la menace d'un retour plein
d'effroi. Au bas de la montagne s'étend la
Vallée de Josaphat, la \'allée du Jugement ,
et ce n'est pas en vain que le Prophète a dit :
» Ses pieds poseront en ce jour sur la mon-
« tagne des Oliviers qui est en face de Jéru-
« salem, à l'Orient i. »
Acceptons humblement cette impression
de crainte, par laquelle le Seigneur visite
notre âme en ce moment, afin de l'établir
plus solidement dans l'amour, et baisons
avec émotion ces derniers vestiges des pieds
sacrés de notre Emmanuel. La pieuse impé-
ratrice sainte Hélène, dont la noble mission
ici-bas fut de rechercher et d'honorer les
traces du passage du Fils de Dieu sur la
terre, n'eut garde d'oublier celles que gar-
dait encore le mont des Oliviers. Par ses or-
dres un somptueux édifice, construit en ro-
tonde, s'éleva pour couvrir ce lieu auguste ;
mais lorsque les ouvriers voulurent revêtir
2.'^6 Le Temps Pascal.
le sol de marbres précieux, et qu'ils arrivè-
rent à l'endroit où étaient imprimés les pas
du Christ, une force invincible les arrêta.
La pierre éclatait et jaillissait à leur visage,
en sorte qu'ils durent laisser apparentes les
traces surnaturellement empremtes sur la
roche.
Tels sont les faits merveilleux constatés par
une longue série d'auteurs pieux et graves
qui remonte jusqu'au siècle même où ils s'o-
pérèrent ; mais le Sauveur ne voulut pas se
borner à maintenir accessibles aux regards
des homm^es ces derniers vestiges qui "sem-
blent nous dire qu'il n'est pas parti depuis
longtemps et qu'il ne doit pas tarder à reve-
nir; il daigna confirmer l'espérance que
nous avons de le suivre un jour, en opérant
un nouveau prodige. Quand il fallut fermer
la voûte de l'élégant sanctuaire qui devait
abriter le monurnent suprême du passage du
Fils de Dieu sur la terre, un nouvel obsta-
cle se déclara. Les pierres ne pouvaient tenir
et tombaient à mesure qu'on les plaçait.
On dut renoncer à terminer l'édifice dans sa
partie supérieure, qui resta ouverte, comme
pour apprendre aux hommes que la voie
inaugurée par l'Emmanuel sur le sommet
du mont des Oliviers leur est toujours acces-
sible, et qu'ils doivent sans cesse aspirer à
rejoindre leur divin chef qui les attend dans
les cieux.
Saint Bernardin de Sienne rapporte, dans
son premier Sermon pour la fcte de l'As-
cension, une émouvante histoire qui nous
servira d'utile entretien dans cette journée
où nous faisons nos derniers adieux à la pré-
Le Vendredi après VOct. de VA scetuion. 25 y
sence visible de notre Rédempteur. Il raconte
3u'un pieux chevalier entreprit le voyage
'outre-mer, désirant visiter les lieux témoins
des mystères du salut. Dans son dévot pèle-
rinage, il voulut débuter par Nazareth, et
sur le lieu même où le Verbe se fit chair, il
rendit ses hommages à l'amour infini qui l'a-
vait attiré du ciel en terre, afin de nous reti-
rer de la perdition. Bethléhem vit ensuite
notre pèlerin arriver dans ses murs, cher-
chant le lieu de la bienheureuse naissance
qui nous donna un Sauveur. Ses larmes cou-
lèrent abondantes à l'endroit où Marie avait
adoré son nouveau-né, et comme parle saint
François de Sales qui a voulu aussi raconter
cette délicieuse histoire, « il lécha la pous-
« sière sur laquelle la première enfance du
« divin poupon avait été reçue i. »
De Bethléhem, le noble voyageur, qui ne
craignait pas de parcourir en tous sens la
Palestine, se rendit sur les bords du Jour-
dain, et s'arrêta à Bethabara, au lieu appelé
Béthanie, où le Précurseur avait baptisé le
Rédempteur. Afin d'honorer plus complète-
ment le mystère, il voulut à son tour entrer
dans le lit du fleuve, et se plongea avec déli-
ces dans ces eaux qui lui rappelaient celles
que Jésus avait daigné sanctifier par le con-
tact de ses membres sacrés. De là, suivant
toujours la trace du Fils de Dieu, il s'en-
fonça dans le désert, voulant avoir sous les
yeux le théâtre de la pénitence, des combats
et de la victoire de notre Maître. Sa marche
se dirigea ensuite vers le Thabor, sur les
I. Traité de l'Amour de Dieu, Livre VII, chap. xii.
LE TEMPS PASCAL. — T. UI.
258 Le Temps Pascal.
sommets duquel il honora le mystère de la
Transfiguration de Jésus, lorsqu'il laissa bril-
ler aux regards de trois de ses disciples
quelq^ues rayons de sa gloire.
Enhn notre pieux chevalier entra dans Jé-
rusalem. Le saint Cénacle le vit recueillant
avec le plus tendre amour, dans un si au-
guste asile, les souvenirs du lavement des
pieds aux disciples, et de l'institution du
grand et sublime mystère de l'Eucharistie.
Soutenu par le désir de ne pas laisser une
station sans y avoir versé ses larmes avec
ses prières, il passa le torrent de Cédron, et
se rendit au jardin de Gethsémani, où la
peasée de son Sauveur couvert d'une sueur
de sang fondit son cœur dans une ineffable
s)^mpathie pour la victime de nos péchés.
Bientôt il se représenta ce même Sauveur
chargé de chaînes et entraîné dans Jérusalem.
« Il s'achemine alors, nous dit le saint évé-
« que de Genève, à qui il convient de ren-
« dre la parole sur un tel sujet; il s'ache-
« mine, suivant partout les traces de son
« bien-aimé, et le voit en imagination traîné çà
« et là chez Anne, chez Caïphe, chez Pilate,
« chez Hérodes, fouetté, baffbué, craché, cou-
«« ronné d'épines, présenté au peuple, con-
« damné à mort, chargé de sa croix, laquelle
« il porte, et la portant fait la pitoy;able ren-
« contre de sa mère toute détrempée de dou-
M leur, et des dames de Hiérusalem pleuran-
« tes sur lui.
« Si monte enfin ce dévost pèlerin sur le
« mont Calvaire, où il voit en esprit la croix
« estcndue sur la terre, et Nostre Seigneur
« que l'on renverse et que l'on cloue pieds et
Le Vendredi après VOct. de V Ascension. 2 5g
« mains sur icelle cruellement. Il contemple
« de suite comme on lève la croix et le cruci-
« fié en l'air, et le sang qui ruisselle de tous
« les endroits de son divin corps. Il regarde
« la pauvre sacrée Vierge toute transpercée
« du glaive de douleur; puis il tourne les
« yeux sur le Sauveur crucifié, duquel il es-
« coûte les sept paroles avec un amour non
« pareil ; et enfin le voit mourant, puiô mort,
« puis recevant le coup de lance, et mons-
« trant par l'ouverture de la playe son Cœur
« divin; puis osté de la croix et porté au se-
rt pulcre où il va le suivant, jettant une mer
« de larmes sur les lieux détrempez du sang
« de son Rédempteur; si qu'il entre dans le
« sépulcre, et ensevelit son cœur auprès du
« corps de son Maistre.
(C Puis, ressuscitant avec luy, il va en Em-
« maùs, et voit tout ce qui se' passe entre le
« Seigneur et les deux disciples; et enfin re-
« venant sur le mont Olivet où se fit le mys-
a tère de l'Ascension, et là voyant les der-
« nières marques et vestiges des pieds du di-
<r vin Sauveur, prosterné sur iceiles, et les
« baisant mille et mille fois avec des soupirs
« d'un amour infiny, il commença à retirera
« soy toutes - les 'forces de ses affections,
« comme un archer retire, la corde de son
« arc quand il veut descocher sa flèche ; puis
« se relevant, les yeux et les mains tendus
« au ciel : O Jésus, dit-il, mon doux Jésus, je
« ne sçay plus où vous chercher et suivre
« en terre. Hé! Jésus, Jésus mon amour,
« accordez donc à ce cœur qu'il vous suive
« et s'en aille après vous là-haut; et avec ces
« ardentes paroles il lança quant et quant son
200 Le Temps Pascal.
« âme au ciel, comme une sacrée sagette, que
« comme divin archer il tira au blanc de son
« très-heureux object '. »
Saint Bernardin de Sienne raconte que les
compagnons et les serviteurs du pieux cheva-
lier, le voyant ainsi succomber sous l'etfort
de son amour, coururent chercher un méde-
cin, dans la pensée qu'il serait possible encore
de le rappeler à la vie. Mais cette bienheu-
reuse âme s'était envolée à la suite du Ré-
dempteur, nous laissant un monument im-
mortel de l'amour qu'a pu faire naître au
cœur d'un homme la seule contemplation des
divins mystères que nous avons suivis à loisir,
sous la conduite de l'Eglise, dans la succes-
sion des scènes de la sainte Liturgie. Puis-
sions-nous posséder maintenant en nous le
Christ que nous avons été si à même de con-
naître ! et daigne l'Esprit-Saint, dans sa vi-
site si prochaine, conserver dans nos âmes
les traits de ce divin chef, avec lequel il
vient nous relier plus étroitement encore !
A'
FIN de célébrer plus dignement le grand
mystère qui s'est clos hier et celui non
moins sublime qui s'ouvre demain, nous
placerons aux contins des deux l'un des plus
magnifiques cantiques de l'ancienne Alliance,
celui où David a prophétisé à la fois de l'As-
cension et de la Pentecôte. Interprété par
saint Paul, le Psaume lxvii, destiné à accom-
Le Vendredi après VOct. de V Ascension. 26 1
pagner l'entrée de l'Arche d'alliance dans
Sion, annonce en même temps le triomphe
du Christ remontant dans les cieux. La vic-
toire qu'il a remportée auparavant sur ses
ennemis dans sa résurrection est d'abord
célébrée avec magnificence; les merveilles
qu'il a opérées en faveur de ses fidèles ont
ensuiteleur tour; l'Eglise qu'il a fondée appa-
raît enfin tout ento'urée de combats et de
triomphes; en un mot, nous avons ici l'œuvre
commune de l'Emmanuel qui a commencé
et de l'Esprit divin qui a consommé. Afin de
rendre plus accessible au commun des lec-
teurs ce chant si mystérieux, nous en don-
nons plutôt une glose qu'une traduction, en
nous aidant des interprétations de l'antiquité
chrétienne.
PSAUME LXVII.
QUE Dieu se lève, le Dieu-
Homme ! que ses enne-
mis soient dispersés ! que
ceux qui le haïssent fuient
devant sa face !
Comme la fumée s'évanouit,
qu'ils se dissipent de même ;
comme se fond la cire en pré-
sence du feu, ainsi périssent
les impies devant la face de
Dieu.
Quant aux justes , qu'ils
fassent des festins, qu'ils tres-
saillent d'allégresse, qu'ils se
laissent aller aux transports
de la joie en présence de
Dieu.
O hommes, ô rachetés ,
chantez à Dieu, faites reten-
tir vos cantiques à la gloire
ExsuRGAT Deus, et dis-
sipentur inimici ejus :
* et fugiant, qui oderunt
eum, a facie ejus.
Sicut déficit fumus,
deficiant : * sicut fluit
cera a facie ignis, sic pe-
rçant peccatores a facie
Dei.
Et justi epulentur, et
exsultent in conspectu
Dei : * et delectentui in
Istitia.
Cantate Dec , psal-
mum dicite Nomini ejus :
* iter facile ei qui ascen-
202
Le Temps Pascal.
dit super occasum : Do-
minus nomen illi.
Exsultate in conspcctu
ejus : * fjrbabuntur a
facie ejus, patris orpha-
norum et judicis vidua-
rum.
Deus in loco sancto
suo : * Deus qui inhabi-
tare facit
domo.
unius mons in
Qui educit vinctos in
fortitudine : * similiter
eos, qui exaspérant, qui
habitant in sepulcris.
Deus, quum egredere-
ris in conspectu populi
lui : * quum pertransires
in deserto :
Terra mota est ; et-
enim cœli distillaverunt
a facie Dei Sinai : * a
facie Dei Israël.
Pluviam voUtntariam
segregabis, Deus, haere-
ditati tuse : * et infirmata
de son Nom ; ouvrez le che-
min à celui qui est monté sur
l'Occident, comme sur un
trône. Il est fils de l'homme,
mais néanmoins son nom est
Jchovah ;
Livrez-vous à l'enthou-
siasme en sa présence. A son
aspect, ses ennemis infernaux
se sont troublés ; car il est
venu pour être le père de
l'orphelin, le défenseur de la
veuve, le rédempteur du
genre humain que le péché
avait livré à Satan.
Dans les profondeurs de
son sanctuaire, il est Dieu
même, e^ il veut faire habiter
dans sa propre maison ceux
qui auront vécu dans l'unité
d'une même foi et d'une même
charité.
Ceux qui étaient captifs,
il les délivre par la puissance
de son bras ; quant à ceux qui
l'irritent par leur résistance,
il les précipite dans l'abîme.
O Dieu 1 ô Christ 1 quand
vous apparûtes sur la terre,
marchant à la tête de votre
peuple que vous aviez rallié
de toutes parts, quand vous
traversâtes le désert de ce
monde aride et désole,
La terre s'émut, les cieur
envoyèrent leur rosée fécon-
dante, de la part du Dieu du
Sinai, du Dieu d'Israël qui
vous avait envoyé.
Vous aviez réservé pour
votre héritage , pour votre
Eglise, une pluie de bienfaits.
Le Vendredi après VOct. de V Ascension. 263
Votre héritage avait dépéri,
la race humaine était défait
lante lors de votre venue ;
mais vous l'avez raffermie.
C'est en elle qu'habite dés-
ormais le troupeau dont vous
êtes le Pasteur ; et vous avez,
ô Dieu, préparé dans votre
douceur un aliment destiné à
soutenir sa faiblesse.
Pour convier ses élus à
tant de faveurs , l'Esprit-
Saint, qui est aussi le Sei-
gneur, va donner une langue,
une voix à ceux qui auront à
évangéliser la terre, et ils
parleront avec une force irré-
sistible.
Les rois des armées tombe-
ront sous celui qui est chéri et
le bien-airaé du Père ; et celle
qui est la beauté de la maison
partagera leurs dépouilles.
Durant la lutte, ô enfants
de l'Eglise, vous dormirez en
sûreté dans l'enceinte qui
vous protège, semblables à la
colombe au plumage d'argent,
dont le dos a des reflets d'or.
■ Lorsque celui dont le trône
est aux cieux exercera son
jugement sur ces rois, ses pro-
tégés seront égaux en blan-
cheur à la neige qui couvre
les sommets de Selmon.
Il est une montagne , la
montagne de Dieu, montagne
fertile, grasse et féconde :
c'est son Eglise. Où cherchez-
vous ailleurs des montagnes
qui lui seraient comparables
en fertilité ?
est, tu vero perfecisti
eam.
Animalia tua habita-
bunt in ea : * parasti in
dulcedine tua pauperi,
Deus.
Dominus dabit verbum
evangelizantibus : * vir-
tute multa.
Rex virtutum dilecti
dilecti : * et speciei do-
mus dividere spolia.
Si dormiatis inter me-
dios cleros.pennae colum-
bae deargentatœ : * et
posteriora dorsi ejus in
pallore auri.
Dum discernit coelestis
reges super eam , nive
dealbabuntur in Sel-
mon : * mons Dei, mons
pinguis.
Mons coagulatus,mons
pinguis : * ut quid sus-
picamini montes coagu-
latos ?
204
Le Temps Pascal.
Mons, in quo benepla-
citum est Deo habiiare
in eo : * etenim Dominas
habitabit in fincm.
Currus Dei decemmil-
libiis multiplex, millia
laetantium : * Dominus
in eis in Sina in Sancto.
Ascendisti in altum,
cepisti captivitatem : *
accepisti dona in homi-
nibus.
Etenim non credentes :
* inhabitare Dominum
Deum.
Benedictus Dominus
die quotidie : * prospe-
rum iter faciet nobis
Deus salutarium nostfo-
rum.
Deus noster, Deus sal-
ves faciendi : * et Domini
Domini exitus mortis.
Verjmtamen Deus
confringet capita inimi-
corum suorum : * verti-
cera capilli perambu-
lantium in delictis suis.
Dixit Dominus : Ex
Basan convertam : * con-
vertam in profundum
maris.
C'est elle qui est cette mon-
tagne où il a plu à Dieu d'ha-
biter, et le Seigneur l'habi-
tera jusqu'à la fin.
Le char du Fils de Dieu
remontant au ciel est plus
que dix mille chariots de
guerre ; des milliers d'Anges
l'entourent dans l'allégresse.
Le Seigneur est au milieu
d'eux ; il s'est arrêté dans
son sanctuaire, comme au-
trefois sur le Sina.
O Christ, vous êtes monté
dans les hauteurs ; vous avez
emmené avec vous ceux qui
étaient captifs ; vous avez
reçu dans votre humanité des
dons ineffables, et vous les
répandez sur les hommes.
Et ceux mêmes qui jusque-
là ne croyaient pas, recon-
naissent aujourd'hui que Dieu
habite parmi nous.
Béni soit le Seigneur dans
toute la suite des jours 1 Le
Dieu auteur de notre salut
rendra notre voie heureuse.
Oui, notre Dieu est un Dieu
de salut ; au Seigneur, au
Seigneur appartient de nous
délivrer de la mort.
Mais ce Dieu brisera les
tètes de ses ennemis, les têtes
altières de ceux qui marchent
avec complaisance dans la
voie de leurs crimes.
Le Seigneur a dit : « Je les
R arracherai de Basan, je les
* précipiterai dans les pro-
1 fondeurs de la mer ;
Le Vendredi après l'Oct. de V Ascension. 265
t Et tu rougiras ton pied
« dans leur sang, ô mon peu-
« pie choisi ! et la langue de
« tes chiens en sera teinte. »
O Dieu, on vit votre entrée
dans les cieux, votre entrée
triomphante, à vous qui êtes
mon roi établi pour jamais
dans son sanctuaire.
Les princes de la milice
des Anges étaient venus au-
devant, et avec eux ceux qui
exécutaient des cantiques, en-
tourés du chœur des jeunes
filles battant du tympanon ;
car tel est 'e cortège du
Christ : la force, la mélodie
et la pureté.
Sur la terre, bénissez donc
le Seigneur dans vos assem-
blées, vous qui êtes de la
source du véritabfe Israël,
vous qui êtes membres de
l'Eglise.
Que l'on voie réunis dans
un même concert l'adolescent
Benjamin , saisi d'enthou-
siasme,
Les princes de Juda avec
leurs chefs, les princes de
Zabulon, les princes de Neph-
tali.
Commandez , ô Dieu , ô
Christ, dans votre puissance ;
envoyez l'Esprit de force ;
affermissez, confirmez par lui
ce que vous avez opéré en
nous.
De votre temple saint qui
est en Jérusalem, figure de
votre Eglise, les rois domptés
vous offriront leurs dons.
Ut intingatur pes tuus
in sanguine : * lingua ca-
num tuorum ex inimicis,
ab ipso.
Viderunt ingressus
tuos, Deus : * ingressus 1
Dei mei : Régis mei qui
est in Sancto.
Prasvenerunt principes
conjuncti psallentibus : *
in medio juvencularum
tympanistriarum.
In ecclesiis benedicite
Deo Domino ; * de fonti
bus Israël,
Ibi Benjamin adoles-
tul'js : * in mentis ex-
cessu.
Principes Juda, duces
eorum : * principes Za-
bulon, principes Neph-
tali.
Manda Deus virtuti
tuœ , * confirma hoc
Deus, quod operatus es
in nobis.
A templo tuo in Jéru-
salem : * tibi offerent re-
ges munera.
\66
Le Temps Pascal.
Increpa feras arundi-
nis, congregatio tauro-
rum in vaccis populo-
rum : * ut excludant eos,
qui probati sunt argento.
Dissipa gentes , qune
bella VQlunt ; venient le-
gati ex iEgypto : * jEthio-
Ëtapraeveniet manusejus
leo.
Régna terrœ cantate
Deo : ' psaliite Domino.
Psallite Deo qui ascen-
dit super cœlura cœli : "
ad Orientera.
Ecce dabit voci suae
vocem virtutis ; date glo-
riam Deo super Israël :
* magnificentia ejus, et
virtus ejus in nubibus.
Mirabilis Deus in
sanctis suis ; Dcus Israël
ipse dabit virtutem et
fortitudinem plebi suae :
* benediclus Deus.
Daignez réprimer les bctcs
sauvages qui se cachent dans
les roseaux, les taureaux qui
fondent sur les génisses, les
hérésies qui troublent la paix
de votre peuple. Ils ont cons-
piré de chasser de votre hé-
ritage ceux dont la foi a été
éprouvée comme l'argent.
Dispersez ces nations qui
ne veulent que la guerre.
Voici que l'Egypte enverra
ses ambassadeurs pour obte-
nir d'être initiée à la connais-
sance du vrai Dieu ; l'Ethio-
pie elle-même tendra les
mains vers lui, et prévien-
dra d'autres peuples.
Royaumes de la terre, chan-
tez à Dieu ; célébrez le Sei-
gneur dans vos cantiques.
Chantez à Dieu q.ii est
monté au delà des cieux. par-
tant de l'Orient, du mont des
Oliviers.
Voici le moment oii il va
donner à sa voix une nouvelle
force par l'organe de ses
Apôtres. Rendez gloire à
Dieu de tout ce qu'il fait en
faveur du nouvel Israël; sa
magnificence et sa force res-
plendissent en ses envoyés
qui volent comme les nuées
du ciel.
Admirable est Dieu dans
les profondeurs de son sanc-
tuaire : c'est lui , le Dieu
d'Israël, qui donnera à son
nouveau peuple l'énergie et
la force pour durer jusqu'à la
fin des siècles. Béni soit Dieul
yyyyyyyyyyyyyy
LE SAMEDI
VEILLE DE LA PENTECOTE.
^~^ Roi de gloire, Seigneur
^~^ des armées, qui aujour-
d'hui êtes monté triomphant
au-dessus de tous les cieux,
ne nous laissez pas orphe-
lins ; mais e-nvoyez-nous
l'Esprit de vérité, selon la
promesse du Père, alléluia.
Ç\ Rex gloriae. Domi-
ne virtutum , qui
triumphator hodie super
omnes cœlos ascendisti,
ne derelinquas nos orpha-
nos ; sed mitte promis-
sum Patris in nos Spiri-
tum veritatis, alléluia.
V lumière éblouissante de la solen-
nité de demain illumine déjà cette
journée qui en est la veille. Les
fidèles se disposent par le jeûne à
célébrer dignement le mystère; mais, comme
à la Vigile de Pâques, la messe des néophy-
tes,_ qui autrefois avait lieu dans la nuit, est
maintenant anticipée, et dès avant le milieu
du jour la louange de l'Esprit-Saint, dont
l'effusion est si proche, a retenti avec éclat
dans toute église pourvue d'une fontaine
baptismale. Sur le soir, l'Office des premiè-
res Vêpres ouvre à son heure l'auguste solen-
nité. Le règne du divin Esprit est donc pro-
clamé dès aujourd'hui par la sainte Liturgie.
Unissons-nous aux pensées et aux sentiments
des habitants du Cénacle, dont l'attente est
au moment d'être remplie.
Dans toute la série des mystères que nous
avons vus se dérouler jusqu'ici durant le
208 Le Temps Pascal.
cours de l'Année liturgique, nous avons sou-
vent pressenti l'action de la troisième per-
sonne de l'auguste Trinité. Les lectures des
livres saints, tant de l'Ancien que du Nou-
veau Testament, ont éveillé plus d'une fois
notre attention respectueuse sur ce divin Es-
prit qui semblait s'environner de mystère,
comme si le temps de sa manifestation
n'était pas venu encore. Les opérations de
Dieu dans les créatures sont successives;
mais elles arrivent infailliblement en leur
temps. L'historien sacré nous raconte com-
ment le Père céleste, agissant par son Verbe,
disposa en six journées ce monde qu'il avait
créé; mais il nous montre en même temps
dans un lointain mystérieux l'Esprit-Saint
planant sur les eaux' et les fécondant silen-
cieusement, en attendant que le Fils de Dieu
les séparât de la terre qu'elles inondaient.
Si donc le rè^ne patent du Saint-Esprit
sur le monde a été différé jusqu'à l'établisse-
ment de l'Homme-Dieu sur son trône éter-
nel, n'allons pas croire que ce divin Esprit
soit demeuré jusqu'alors inactif. Toutes ces
Ecritures sacrées dont nous avons rencontre
tant de sublimes fragments dans la sainte
Liturgie, que sont-elles sinon l'œuvre cachée
de celui qui, comme nous dit l'antique Sym-
bole, <« a parlé par les Prophètes * » ? C'est
lui qui nous donnait le Verbe. Sagesse de Dieu,
au moyen de l'Ecriture, comme il devait
nous le' donner plus tard dans la chair de
l'humanité.
I. Qui locutiis est per Prophetas. Symbole de Nicée et
de Constantinople.
La Vigile de la Pentecôte. 26g
Il n'a pas été oisif un moment dans la
durée des siècles. Il préparait le monde au
règne du Verbe incarné, rapprochant et mê-
lant les races, produisant cette attente univer-
selle qui s'étendit des peuples les plus barba-
res aux nations les plus avancées dans la ci-
vilisation. Il ne s'était pas encore nommé à
la terre; mais il planait sur l'humanité avec
amour, comme il avait plané avec mystère,
au commencement, sur les eaux muettes et
insensibles.
^.n attendant sa venue, les prophètes l'an-
nonçaient dans les mômes oracles où ils pré-
disaient l'arrivée du Fils de Dieu. Le Sei-
gneur disait par la bouche de Joël : « Je ré-
« pandrai mon Esprit sur toute chair >. » Ail-
leurs il s'énonçait ainsi par l'organe d'Ezé-
chiel : « Je répandrai sur vous une eau pure,
« et vous serez purifiés de toutes vos souil-
« lures, et je vous purifierai de toutes vos
« idoles. Et je vous donnerai un cœur nou-
« veau, et je placerai au milieu de vous un
« esprit nouveau ; et j'enlèverai le cœur de
« pierre qui est dans votre chair, et je vous
« donnerai un cœur de chair, et je placerai au
« milieu de vous l'Esprit qui est le mien 2. »
Mais avantsa propre manifestation, l'Esprit-
Saint avait à opérer directement pour celle
du Verbe divin. Lorsque la puissance créa-
trice fit sortir du néant le corps et l'âme de
la future mère d'un Dieu, ce fut lui qui prépara
l'habitation de la souveraine Majesté, en
sanctifiant Marie dès le premier instant de sa
conception, prenant possession d'elle comme
I. Joël, ii, 29. — 2. Ezech. xxxvi, a5-27.
ajo Le Temps Pascal.
du temple divin où le Fils de Dieu S'apprê-
tait à descendre. Au moment fortune de 1 An-
nonciation, l'Archange déclare à la Vierge
que l'Esprit-Saint va survenir en elle et
que la Vertu du Très-Haut va la couvrir de
son ombre. A peine la Vierge a-t-elle pro-
noncé son acquiescement au décret éternel,
que soudain l'opération du divin Esprit a
produit en elle le plus ineflable des mys-
tères : oc le \erbe est fait chair, et il habite
parmi nous. »
Sur cette fleur sortie de la branche émanée
du tronc de Jessé, sur cette humanité pro-
duite divinement en Marie, l'Esprit du Père
et du Fils se repose avec délices; il la com-
ble de ses dons, il l'adapte à sa fin glorieuse
et éternelle i. Lui qui avait doué la mère de
tant de trésors de lagrâce, dépasse encore pour
lefils d'une manière incommensurable la me-
sure qui semblait la plus voisine de l'infini.
Et toutes ces merveilles, le divin et puissant
Esprit les accomplit silencieusement comme
toujours; car Iheure où doit éclater sa venue
n'est pas arrivée encore. La terre ne fera que
l'entrevoir au jour où sur le lit du Jourdain,
dans les eaux duquel Jésus est descendu, il
étendra ses ailes et viendra se reposer sur la
tête de ce Fils bien-aimé du Père. Jean pénètre
le mystère dans son ravissement, comme,
avant de naître, il avait senti au sein de Ma--
rie le fruit divin qui habitait en elle; mais
les hommes n'ont vu qu'une colombe, et la
colombe n'a pas révélé les secrets de l'éternité.
Le règne du Fils de Dieu, de notre Emma-
La Vigile de la Pentecôte. 2j i
nuel, s'assied sur ses fondements prédestinés.
Nous avons en lui notre frère, car il a pris
notre chair avec ses infirmités; nous avons
en lui notre docteur, car il est la Sagesse du
Père, ei il nous initie par ses leçons à toute
vérité; nous avons en lui notre médecin, car
il guérit toutes nos langueurs et toutes nos
infirmités ; nous avons en lui notre média-
teur, car il ramène en son humanité sainte
toute l'œuvre créée à son divin auteur; nous
avons en lui notre réparateur, et dans son
sang notre rançon: car le péché de l'homme
avait brisé le lien entre Dieu et nous, et il
nous fallait un rédempteur divin; nous avons
en lui un chef qui ne rougit pas de ses mem-
bres, si humbles qu'ils soient, un roi que
nous venons de voir couronner à jamais, un
Seigneur que le Seigneur a fait asseoir à sa
droite i.
Mais s'il nous gouverne pour toujours, c'est
maintenant du haut des cieux, jusqu'au mo-
ment où il apparaîtra de nouveau pour bri-
ser contre terre la tête des pécheurs, lorsque
la voix tonnante de l'Ange criera : « Le temps
« n'est plus -. » En attendant, des siècles nom-
breux doivent se dérouler, et ces siècles ont
été destinés à l'empire de l'Esprit divin.
« Mais l'Esprit ne pouvait encore être donné,
« nous dit saint Jean, tant que Jésus n'avait
<^ pas été glorifié s. » Notre beau mystère de
l'Ascension forme donc la limite entre les
deux règnes divins ici-bas : le règne visible
du Fils de Dieu et le règne visible de l'Es-,
i. Psalm. cix. — 2. Apoc. x. 6, — 5. Johan, vil,
39.
2 y 2
Le Temps Pascal.
f)rit-Saint. Afin de les unir et d'en préparer
a succession, ce ne sont plus seulement des
propthètes mortels qui parlent ; c'est notre
Emmanuel lui-même, durant sa vie mortelle,
3ui se fait le héraut du règne prochain du
ivin Esprit.
Ne l'avons-nous pas entendu nous dire :
« Il vous est avantageux que je m'en aille;
« car si je ne me retirais pas, le Paraclet ne
u viendrait pas à vous ^ ? » Le monde a donc
un grand besoin de ce divin hôte, dont le
propre Fils de Dieu se fait ainsi le précur-
seur ! Et afin que nous connaissions quelle
est la majesté de ce maître nouveau qui va
régner sur nous, Jésus nous déclare la gra-
vité des châtiments qu'attireront sur eux ceux
qui l'offenseront. « Quiconque, dit-il, aura
« proféré une parole contre le Fils, elle lui
« sera pardonnée ; mais celui qui aura dit
« cette parole contre le Saint-Esprit, il n'en
« obtiendra le pardon ni en ce monde, ni en
« l'autre -. » Cependant cet Esprit divin ne
prendra pas la nature humaine comme le
Fils; il n'aura point à racheter le monde
comme l'a racheté le Fils; mais il A'iendra
avec une immensité d'amour qui ne saurait
être méprisée impunément. C'est à lui que
Jésus confiera l'Eglise son Epouse pendant
les longs siècles que doit durer son veuvage,
à lui qu'il remettra son œuvre, afin qu'il la
maintienne et la dirige en toutes choses.
Nous donc, appelés à recevoir sous peu
d'heures l'effusion de cet Esprit d'amour qui
JOHAN. XVI, 7. — 2. MaTTH. XII, 2)2.
La Vigile de la Pentecôte. 2j3
vient « renouveler la face de la terre ', »
soyons attentifs comme nous le fûmes à
Bethléhem, dans les moments qui précédè-
rent la naissance de notre Emmanuel. Le
Verbe et l'Eprit-Saint sont égaux en gloire
et en puissance, et leur venue sur la terre
procède du même décret éternel et pacifi-
que de la glorieuse Trinité, qui a résolu, par
cette double visite, de nous « rendre parti-
« cipants de la nature divine 2. » Nous les
fils du néant, nous sommes appelés à devenir,
par l'opération du Verbe et de l'Esprit, les
fils du Père céleste. Maintenant, si nous dési-
rons connaître en quelle manière doit être
préparée l'âme fidèle à l'arrivée du divin
Paraclet, retournons par la pensée au Céna-
cle où nous avons laissé les disciples rassem-
blés, persévérant dans la prière, selon l'ordre
de leur Maître, et attendant que la Vertu d'en
haut descende sur eux et vienne les couvrir
comme une armure pour les combats qu'ils
auront à livrer.
Dans cet asile sacré du recueillement et de
la paix, notre œil respectueux cherche d'a-
bord Marie, mère de Jésus, chef-d'œuvre de
l'Esprit-Saint, Eglise du Dieu vivant, de
laquelle sortira demain, comme du sein d'une
mère, par l'action du même Esprit, l'Eglise
militante que cette nouvelle Eve représente
et contient encore en elle. N'a-t-elle pas droit
à tous nos hommages en ce moment, cette
créature incomparable que nous avons vue
associée à tous les mystères du Fils de Dieu,
et qui tout à l'heure va devenir le plus digne
I. Psalm. cm. — 2. II Petr. i, 4.
LE TEMPS PASCAL.
2J4 ^e Temps Pascal.
objet de la visite de l'Esprit-Saint ? Nous vous
saluons, ô Marie pleine de grâce, nous tous
qui sommes encore renfermés en vous et
goûtons l'allégresse dans votre sein maternel.
N'est-ce pas pour nous qu'a parlé l'Eglise
dans la sainte Liturgie, lorsqu'elle commente
à votre gloire le divm cantique de votre aïeul
David * ?^En vain votre humilité veut se sous-
traire aux honneurs qui demain vous atten-
dent. Créature immaculée, temple du Saint-
Esprit, il faut que ce divin Esprit vous soit
communiqué d'une nouvelle manière ; car
une nouvelle œuvre vous attend, et la terre
doit vous posséder encore.
Autour de Marie est rassemblé le collège
apostolique, contemplant avec ravissement
celle dont les traits augustes lyi rappellent
le Seigneur absent. Dans les jours précédents
un grave événement a eu lieu au Cénacle
sous les yeux de la Mère de Dieu et des
hommes. De même que pour l'établissement
du peuple Israélite, Dieu avait fait choix de
douze fils de Jacob comme d'autant de fon-
dements de cette race privilégiée, de même
Jésus avait choisi douze hommes au sein des
ce même peuple pour être les bases de l'édi-
fice de l'Eglise chrétienne dont il est, et
Pierre avec lui et en lui, la pierre angulaire.
La chute lamentable de Judas avait réduit à
onze ces élus du choix divin ; le nombre sacré
n'existait plus, et l'Esprit-Saint était au mo-
ment de descendre sur le collège des Apôtres.
I. Sicut Ixtantitim omnium nostrum habitatio est in te,
sancta Dei Genitrix. (Antienne du 2« nocturne de l'OfTice
de la sainte Vierge, sur le Psaume Fiindamenta.)
La Vigile de la Pentecôte. 2j5
Avant de monter au ciel , Jésus n'avait pas
jugé à propos de faire lui-même le choix du
successeur du disciple déchu; mais il fallait
que le nombre sacré fût complété avant l'ef-
fusion de la Vertu d'en haut. L'Eglise n,e
devait rien avoir à envier à la Synagogue.
Qui donc remplirait l'office du Fils de Dieu
dans la désignation d'un Apôtre ? Un tel droit
ne pouvait appartenir qu'à Pierre, nous dit
saint Jean Chrysostome; mais dans sa modes-
tie, il déclina l'honneur, ne voulant se sou-
venir que de l'humilité i. Une élection fut la
suite du discours de Pierre, et Mathias mêlé
aux autres Apôtres compléta le nombre mys-
térieux, et attendit avec eux la descente pro-
mise du Consolateur.
Dans le Cénacle et sous les yeux de Marie,
sont réunis aussi les disciples qui, sans avoir
eu l'honneur d'être admis dans le duodénaire
sacré, n'en ont pas moins été les témoins des
œuvres et des mystères de l'Homme-Dieu;
ils sont mis à part, et réservés pour la pré-
dication de la bonne nouvelle. Madeleine
enfin et les autres saintes femmes attendent
dans le recueillement que leur a prescrit le
Maître, cette visite d'en haut dont elles con-
naîtront bientôt la puissance. Rendons nos
hommages à cette assemblée sainte, à ces cent
vingt disciples qui nous sont donnés pour
modèles dans cette grande circonstance; car
l'Esprit divin doit d'abord venir en eux; ils
sont ses prémices. Plus tard il descendra
aussi sur nous, et c'est afin de nous préparer
276 Le Temps Pascal.
à sa venue que la sainte Eglise nous impose
un jeûne solennel aujourd'hui.
Dans l'antiquité, cette journée ressemblait
à. celle de la veille de Pâques. Sur le soir les
fidèles se rendaient à l'église pour prendre
part aux solennités de l'administration du
baptême. Dans la nuit qui suivait, le sacre-
ment de la réçénération était conféré aux
catéchumènes que l'absence ou quelque mala-
die avait empêchés de se joindre aux autres
dans la nuit de Pâques. Ceux qu'on n'avait
pas ju^és suffisamment éprouvés encore, ou
dont rinstruction n'avait pas semblé assez
complète, ayant satisfait aux justes exigences
de l'Eglise, contribuaient aussi à former le
croupe des aspirants à la nouvelle naissance
qui se puise dans la fontaine sacrce. Au lieu
des douze prophéties qui se lisaient dans la
nuit de Pâques pendant que les prêtres
accomplissaient sur les catéchumènes les
rites préparatoires au baptême, on n en lisait
ordinairement que six; ce qui amené a con-
clure que le nombre des baptises dans la
nuit de la Pentecôte était moins considérable.
Le cierge pascal reparaissait durant cette
nuit de çrâce, afin d'inculquer à la nouvelle
recrue que faisait l'Eglise, le respect et la-
mour envers le Fils de Dieu, qui s est tait
homme pour être « la lumière du monde 1. »
Tous les rites que nous avons détailles et
expliqués au Samedi saint s'accomplissaient
dans cette nouvelle occasion où paraissait la
I. JoHAN vin, 12
La Vigile de la Pentecôte. 2yj
fécondité de l'Eglise, et le divin Sacrifice au-
quel prenaient 'part les heureux néophytes
commençait dès avant le point du jour.
Dans la suite des temps, la coutume chari-
table de conférer le baptême aux enfants
aussitôt après leur naissance, ayant pris force
de loi, la Messe baptismale a été anticipée à
la matinée du samedi veille de la Pentecôte,
comme il est arrivé pour la veille de Pâques.
Avant la célébration du Sacrifice, on lit les
six prophéties dont nous avons parlé tout à
l'heure; après quoi a lieu solennellement la
bénédiction de l'eau baptismale. Le cierge
pascal se retrouve à cette fonction, à laquelle
manque trop souvent l'assistance des fidèles.
Dans l'après-midi a lieu la solennité des
premières Vêpres. Nous omettons d'insérer
ici les Psaumes, les Antiennes et les autres
parties de cet Office, parce que la Vigile de
la Pentecôte ne peut jamais se rencontrer un
Dimanche, tandis qu'il en est autrement pour
les fêtes auxquelles nous avons accordé ce
développement. Au reste, si l'on excepte quel-
ques détails, les premières et les secondes
Vêpres de la Pentecôte sont entièrement
semblables.
N'
fous clorons la journée en insérant ici l'une
des plus belles Séquences d'Adam de
Saint-Victor sur le mystère de la Pentecôte.
Ce prince de la poésie liturgique dans l'Oc-
cident s'est surpassé lui-même sur les louan-
ges du divin Esprit; et plus d'une fois dans
le cours de l'Octave, nous aurons recours à
son magnifique répertoire. Mais ce n'est pas
278
Le Temps Pascal.
seulement une œuvre de génie que nous
allons reproduire ici ; c'est une prière sublime
et ardente adressée au Paraclct que Jésus
nous a promis et dont nous attendons la
venue. Lfforçons-nous de faire passer dans
nos âmes les sentiments du pieux docteur du
xii® siècle, et aspirons comme lui à la des-
cente du Consolateur qui vient renouveler
la face de la terre et habiter en nous.
OUI procedis ab utro-
que,
Genitore Genitoque
Pariter, Paraclite,
Redde linguas éloquen-
tes,
Fac ferventes in te men-
tes
Flamma tua divite.
Amor Patris Filiique,
Par amborum, et utrique
Compar et consimi-
lis,
Cuncta repies, cuncta
foves,
Astra régis, cœlum mo-
ves,
Permanens immobi-
lis.
Lumen carum, lumen
clarum,
Intcrnarum tenebrarum
Effugas caliginem;
Fer te mundi sunt mun-
dati ;
Tu peccatum, tu peccati
Destruis rubiginem.
SEQUENCE
O
TOI qui procèdes du
Père et du Fils, divin
Paraclet, par ta flamme fé-
conde, viens rendre éloquent
notre organe, et embraser nos
cœurs de tes feux.
Amour du Père et du Fils,
l'égal des deux et leur sem-
blable en essence, tu remplis
tout, tu donnes la vie à tout ;
dans ton repos, tu conduis
les astres, tu règles le mou-
vement des cieux.
Lumière éblouissante et
chérie, tu dissipes nos ténè-
bres intérieures; ceux qui
sont purs, tu les rends plus
purs encore ; c'est toi qui fais
disparaître le péché et la
rouille qu'il apporte avec
lui.
La Vigile de la Pentecôte.
79
Tu manifestes la vérité, tu
montres la voie de la paix et
celle de la justice; tu fuis les
cœurs pervers, et tu combles
des trésors de ta science ceux
qui sont droits.
Si tu enseignes, rien ne de-
meure obscur; si tu es pré-
sent à l'âme, rien ne reste
impur en elle; tu lui appor-
tes la joie et l'allégresse, et
la conscience que tu as puri-
fiée goiitc enfin le bonheur.
Ton pouvoir transforme
les éléments; par toi les sa-
crements obtiennent leur effi-
cacité ; tu fais obstacle à la
puissance mauvaise, tu re-
pousses les embiiches de nos
ennemis.
A ta venue, nos cœurs sont
dans le calme; à ton entrée,
le sombre nuage se dissipe ;
feu sacré, tu embrases le
cœur sans le consumer, et ta
visite l'affranchit de ses an-
goisses.
Des âmes jusqu'alors igno-
rantes, engourdies et insen-
sibles, tu les instruis et les
ranimes. Inspirée par toi, la
langue fait entendre des ac-
cents que tu lui donnes: la
Veritatem notam facis,
Et ostendis viam pacis
Et iter justitiae.
Perversorum corda vitas,
Et bonorum corda ditas
Munere scientias.
Te docente nil obscu-
rum,
Te présente nil impu-
rum ;
Sub tua praesentia
Gloriatur mens jocunda;
Per te laeta, per te munda
Gaudet conscientia.
Tu commutas elemen-
ta,
Per te suam sacramenta
Habent ef^caciam :
Tu nocivam vim repel-
lis,
Tu confutas et refellis
Hostium nequitiam.
Quando venis.
Corda lenis ;
Quando subis,
Atrœ nubis
EfFugit obscuritas;
Sacer ignis,
Pectus uris ;
Non comburis,
Sed a curis
Purgas, quando visitas.
Mentes prius imperi-
tas,
Et sopitas et oblitas
Erudis et excitas.
Foves linguas, formas
sonum.
28o
Le Temps Pascal.
Cor ad bonum facit pro-
num
A te data charitas.
O juvamcn oppresso-
rum,
O solamen miserorum,
Pauperum refugium,
Da conteniptum terrcno-
riim :
Ad amorem supernorum
Trahe desiderium.
Consolator et funda-
tor,
Habitator et amator
Cordium humilium,
Pelle»mala, terge sordes,
Et discordes fac concor-
des,
Et affer praesidium.
Tu qui quondam visi-
tasti,
Docuisti, confortasti
Timentes discipulos,
Visitare nosdigneris;
Nos, si placet, consoic-
ris
Et credentes popu-
los.
Par majestas pcrsona-
rum,
Par polcstas est earum.
Et commuais deitas :
Tu procedens a duobus
Coaequalis es ambobus :
In nullo disparitas.
Quia tantus es et talis.
charité que tu apportes avec
toi dispose le cœur à tout
bien.
Secours des opprimés, con-
solation des malheureux, re-
fuge des pauvres, donne-
nous de mépriser les objets
terrestres ; entraîne notre
désir à l'amour des choses
célestes.
Tu consoles et tu affermis
les cœurs humbles; tu les
habites et tu les aimes; ex-
pulse tout mal, efface toute
souillure, rétablis la con-
corde entre ceux qui sont di-
visés, et apporte-nous ton
secours.
Tu visitas un jour les dis-
ciples timides; par toi ils
furent instruits et fortifiés;
daigne nous visiter aussi et
répandre ta consolation sur
nous et sur le peuple fidèle.
Egale est la majesté des
divines personnes, égale leur
puissance ; commune aux
trois est la divinité; tu pro-
cèdes des deux premières,
semblable à l'une et à l'autre,
et rien d'inférieur n'est en
toi.
Aussi grand que l'est le
La Vigile de la Pentecôte. 28 t
Père lui-même, souffre que
tes humbles serviteurs ren-
dent à ce Dieu-Père, au Fils
rédempteur et à toi-même la
louange qui vous est due.
Quantus Pater est et
qualis ;
Servorum humilitas
Deo Patri, Filioque
Rcdemptori, tibi quoquc
Landes reddat débi-
tas.
Amen.
LE SAINT JOUR DE LA PENTECOTE.
VENI, Sancte Spiritus,
reple tuorum corda
fidelium, et tui amoris in
eis ignem accende.
WENEZ, ô Esprit- Saint,
V remplissez les cœurs de
vos fidèles, et allumez en
eux le feu de votre amour.
\ grande journée qui consomme
l'œuvre divine sur la race
humaine a lui entin sur le
monde. « Les jours de la Pen-
tecôte, comme parle saint Luc,
sont accomplis i. » I>epuis la
Pâque, nous avons vu se dérouler sept semai-
nes; voici le jour qui fait suite et amène le
nombre mystérieux de cinquante. Ce )our
est le Dimanche, consacré par les augustes
souvenirs de la création de la lumière et de la
résurrection du Christ; son dernier caractère
lui va être imposé, et par lui nous allons
recevoir « la plénitude de Dieu - ».
Sous le règne des figures, le Seigneur mar-
I. Act. II, I. — 2. Voir la Mystique du Temps Pas-
cal, tome I, pages 24-28.
Le Saint Jour de la Pentecôte. 2 83
qua déjà la gloire future du cinquantième
jour. Israël avait opéré, sous les auspices de
l'agneau de la Pâque, son passage à travers
les eaux de la mer Rouge. Sept semaines
s'écoulèrent dans ce désert qui devait con-
duire à la terre promise, et le jour qui suivit
les sept semaines fut celui où l'alliance fut
scellée entre Dieu et son peuplé. La Pente-
cote (le cinquantième jour) fut marquée par
la promulgation des dix préceptes de la loi
divine, et ce grand souvenir resta dans Israël
avec la commémoration annuelle d'un tel
événement. Mais ainsi que la Pâque, la Pente-
côte était prophétique : il devait y avoir une
seconde Pentecôte pour tous les peuples, de
même qu'une seconde Pâque pour le rachat
du genre humain. Au Fils de Dieu, vainqueur
de la mort.'la Pâque avec tousses triomphes; à
l'Esprit-Saint, la Pentecôte, qui le voit entrer
comme législateur dans le monde placé désor-
mais sous sa loi.
Mais quelle dissemblance entre les deux
Pentecôtes ! La première sur les rochers sau-*
vages de l'Arabie, au milieu des éclairs et
des tonnerres, intimant une loi gravée sur
des tables de pierre; la seconde en Jérusa-
lem, sur laquelle la malédiction n'a pas
éclaté encore, parce qu'elle contient dans son
sein jusqu'à cette heure les prémices du peu-
ple nouveau sur lequel doit s'exercer l'em-
pire de l'Esprit d'amour. En cette seconde
Pentecôte, le ciel ne s'assombrit pas, on n'en-
tend pas le roulement de la foudre ; les
cœurs des hommes ne sont pas glacés d'effroi
comme autour du Sinaï ; ils battent sous
l'impression du repentir et de la reconnais-
j3.^4 ^c Temps Pascal.
sance. L'n feu divin sest emparé d'eux, et ce
feu embrasera la terre entière. Jésus avait
dit : « Je suis venu apporter le feu sur la
« terre, et quel est mon vœu, sinon de le voir
« s'éprendre ' ? » L'heure est venue, et celui
qui en Dieu est l'Amour, la flamme éternelle
et incréée, descend du ciel pour remplir l'in-
tention miséricordieuse de l'Emmanuel.
En ce moment où le recueillement plane
sur le Cénacle tout entier, Jérusalem est
remplie de pèlerins accourus de toutes les
régions de la gentilité, et quelque chose d'in-
connu se remue au fond du cœur de ces
hommes. Ce sont des Juifs venus pour les
fêtes de la Pâque et de la Pentecôte de tous
les licuK où Israël est allé établir ses synago-
gues. L'Asie, l'Afrique, Rome elle-même,
ont fourni leur contingent. Mêlés à ces Juifs
de pure race, on aperçoit des gentils qu'un
mouvement de piété a portés à^embrasser la
loi de Moïse et ses pratiques; on les appelle
Prosélytes. Cette population mobile qui doit
• se disperser sous peu de jours, et que le seul
désir d'accomplir la loi a rassemblée dans
Jérusalem, représente, par la diversité des
langages, la confusion de Babel; mais ceux
qui^la composent sont moins influencés que
les habitants de la Judée par l'orgueil et les
préjugés. Arrivés d'hier, ils n'ont pas, comme
ces derniers, connu et repoussé le Messie, ni
blasphémé ses œuvres qui rendaient témoi-
gnage de lui. S'ils ont crié devant Pilate avec
les autres Juifs pour degiander que le Juste
fût crucifié, c'est qu'ils étaient eiitraînés par
I. Luc. XII, 49.
Le Saint Jour 'de la Pentecôte. 285
l'ascendant des prêtres et des magistrats de
cette Jérusalem vers laquelle leur piété et
leur docilité à la loi les avaient amenés.
Mais l'heure est venue, l'heure de Tierce,
l'heure prédestinée de toute éternité, et le
dessein des trois divines personnes conçu et
arrêté avant tous les temps se déclare et s'ac-
complit. De même que le Père, sur l'heure
de minuit, envoya en ce monde pour y pren-
dre chair au sein de Marie, son propre Fils
qu'il engendre éternellement : ainsi, le Père
et le Fils envoient à cette heure de Tierce
sur la terre l'Esprit-Saint qui procède de
tous deux, pour y remplir jusqu'à la fin des
temps la mission de former l'Eglise épouse
et empire du Christ, de l'assister, de la main-
tenir, de sauver et de sanctifier les âmes.
Soudain un vent violent qui venait du ciel
se fait entendre; il mugit au dehors et rem-
plit le Cénacle de son souffle puissant. Au
dehors il convoque autour de l'auguste édifice
que porte la montagne de Sion une foule
d'habitants de Jérusalem et d'étrangers; au
dedans il ébranle tout, il soulève les cent
vingt disciples du Sauveur, et montre que
rien ne lui résiste. Jésus avait dit de lui .
« C'est un vent qui souffle où il veut, et vous
« entendez retentir sa voix i « ; puissance
invisible qui creuse jusqu'aux abîmes dans
les profondeurs de la mer, et lance les vagues
jusqu'aux nues. Désormais ce vent parcourra
la terre en tous sens, et rien ne pourra l'ar-
rêter dans son domaine.
Cependant l'assemblée sainte qui était
I. JOHAN. ni, 8.
2S6 Le Temps Pascal.
assise tout entière dans l'extase de l'attente,
a conserve la même attitude. Passive sous
l'effort du divin envoyé, elle s'abandonne à
lui. Mais le souffle n'a été qu'une prépara-
tion pour le dedans du Cénacle, en même
temps qu'il est un appel pour le dehors. Tout
à coup une pluie silencieuse se répand dans
l'intérieur de l'édifice; pluie de feu, dit la
sainte Eglise, « qui éclaire sans brûler, qui
luit sans consumer i » ; des flocons enflam-
més ayant la forme de langues, viennent se
poser sur la tête de chacun des cent vingt
disciples. C'est l'Esprit divin qui prend pos-
session de l'assemblée dans chacun de ses
membres. L'Eglise n'est plus seulement en
Marie; elle est aussi dans les cent vingt dis-
ciples. Tous sont maintenant à l'Esprit qui est
descendu sur eux; son règne est ouvert, il
est déclaré, et de nouvelles conquêtes se pré-
parent.
Mais admirons le symbole sous lequel une
si divine révolution s'opère. Celui qui naguère
se montra au Jourdain sous la forme" gra-
cieuse d'une colombe, apparaît aujourd'hui
sous celle du feu. Dans l'essence divine il
est amour; or, l'amour n'est pas tout entier
dans la douceur et la tendresse ; il est
ardent comme le feu. Maintenant donc que
le monde est livré à l'Esprit-Saint, il faut
q^u'il brûle, et l'incendie ne s'arrêtera plus.
Lt pourquoi cette forme de langues ? sinon
parce que la parole sera le moyen par lequel
se propagera le divin incendie. Ces cent vingt
disciplesn'auront qu'à parier du Fils de Dieu
I. Répons du Jeudi de la Pentecôte.
Le Saint Jour de la Pentecôte. 28 j
fait homme et rédempteur de tous, de l'Es-
prit-Saint qui renouvelle les âmes, du Père
céleste qui les aime et les adopte : leur parole
sera accueillie d'un grand nombre. Tous
ceux qui l'auront reçue seront unis dans une
m.ème foi, et l'ensemble qu'ils formeront s'ap-
pellera l'Église catholique, universelle, répan-
due en tous les temps et en tous les lieux. Le
Seigneur Jésus avait dit : a Allez, enseignez
« toutes les nations »; l'Esprit divin apporte
du ciel sur la terre et la langue qui fera
retentir cette parole, et l'amour de Dieu et
des hommes qui l'inspirera. Cette langue et
cet amour se sont arrêtés sur ces hommes,
et par le secours de l'Esprit divin, ces hom-
mes les transmettront à d'autres jusqu'à la
fin des siècles.
Un obstacle cependant semble se dresser
à rencontre d'une telle mission. Depuis Ba-
bel, le langage humain est divisé, et la pa»
rôle ne circule pas d'un peuple à l'autre.
Comment donc la parole pourra-t-elle être
l'instrument de la conquête de tant de na-
tions, et réunir en une seule famille tant de
races qui s'ignorent? Ne craignez pas: le
tout-puissant Esprit y a pourvu. Dans l'ivresse
sacrée qu'il inspire aux cent vingt disciples,
il leur a conféré le don d'entendre toutes
langues et de se faire entendre eux-mêmes
en toute langue. A l'instant même, dans un
transport sublime, ils s'essayent à parler tous
les idiomes de la terre, et leur langue, comme
leur oreille, se prête non seulement sans
effort, mais avec délices, à cette plénitude de
la parole qui va rétablir la communion des
hommes entre eux. L'Esprit d'amour a fait
2SS Le Temps Pascal
cesser en un moment la séparation de Babel,
et la fraternité première reparaît dans l'u-
nité du langage.
Que vous êtes belle, 6 Eglise de Dieu, ren-
due sensible dans cet auguste prodige de
l'Esprit divin qui agit désormais sans'limi-
tcs ! Vous nous retracez le magnifique spec-
tacle qu'offrait la terre, lorsque la race hu-
maine ne parlait qu'un seul langage. Et cette
merveille ne sera pas seulenïent pour la
journée de la Pentecôte, et elle ne durera
pas seulement la vie de ceux en qui elle
éclate en ce moment. Après la prédication des
Apôtres, la forme première du prodige s'ef-
facera peu à peu, parce qu'elle cessera d'être
nécessaire ; mais jusqu'à la fin des siècles, ô
Eglise, vous continuerez de parler toutes les
langues; car vous ne serez pas confinée dans
un "seul pays, mais vous habiterez tous les
pays du monde. Partout on entend exprimer
une même foi dans la langue de chaque peu-
ple, et ainsi le miracle de la Pentecôte, renou-
velé et transformé, vous accompagnera tou-
jours, ô Eglise ! et demeurera l'un de vos prin-
cipaux caractères. C'est ce qui fait dire au
grand docteur saint Augustin parlant aux fidè-
les, ces paroles admirables: « L'Eglise ré-
« pandue parmi les nations parle toutes les
« langues. Qu'est cette Eglise, sinon le corps
« du Christ? Dans ce corps vous êtes un mem-
« hre. Etant donc membre d'un corps qui
« parle toutes les langues, vous avez droit de
a vous considérer vous-même comme parti-
« cipant au même don i. » Durant les siècles
I. In Johan. Tract, xxii.
Le Saint Jour de la Pentecôte. 2 S g
de foi, la sainte Eglise, source unique de
tout véritable ^progrès dans l'humanité,
avait fait plus encore; elle était parvenue à
réunir dans une même forme de langage les
peuples qu'elle avait conquis. La langue la-
tine fut longtemps le lien du monde civilisé.
En dépit des distances, les relations de peu-
ple à peuple, les communications de la
science, les affaires même des particuliers lui
étaient confiées; l'homme qui parlait cette
langue n'était étranger nulle part dans tout
l'Occident et au delà. La grande hérésie du
xvi* siècle émancipa les nations de ce bienfait
comme de tant d'autres, et l'Europe, scindée
pour longtemps, cherche, sans le trouver, ce
centre commun que l'Eglise seule et sa lan-
gue pouvaient lui offrir. Mais retournons au
Cénacle dont les portes ne se sont pas encore
ouvertes, et continuons à y contempler les
merveilles du divin Esprit.
Nos yeux tout d'abord cherchent respec-
tueusement Marie, Marie plus que jamais
« pleine de grâce ». Il eût semblé qu'après
les dons immenses qui lui furent prodigués
dans sa conception immaculée , après les
trésors de sainteté que versa en elle la pré-
sence du Verbe incarné durant les neuf mois
qu'elle le posséda dans son sein, après les se-
cours spéciaux qu'elle reçut pour agir et
souffrir en union avec son fils dans l'œuvre
de la Rédemption, après les faveurs dont
Jésus la combla au milieu des S{?lendeiirs
de la résurrection, le Ciel avait épuisé la
mesure des dons qu'il avait à répandre sur
une simple créature, si élevée qu'elle pût
être dans le plan éternel. 11 n'en est pas
LE TEMPS PASCAL. — T III, I9
2 go Le Temps Pascal.
ainsi. Une nouvelle mission s'ouvre pour
Marie: à eetic heure, la sainte Eglise est
enfantée par elle; zMarie vient de mettre au
jour l'Epouse de son Fils, et de nouveaux
devoirs l'appellent. Jésus est monté seul dans
les cieux; il l'a laissée sur la terre, afin
qu'elle prodigue à son tendre fruit ses soins
maternels. Qu'elle est touchante, mais aussi
âu'elle est glorieuse cette enfance de notre
glise bien-aimée, reçue dans les bras de
Marie, allaitée par elle, soutenue de son
appui dès les premiers pas de sa carrière en
ce monde ! Il faut donc à la nouvelle Eve, à
la véritable « Mère des vivants », un surcroît
de grâces pour répondre à une telle mission :
aussi est-elle l'objet premier des faveurs de
l'Esprit-Saint. Il la féconda autrefois pour
être la mère du Fils de Dieu; en ce moment
il forme en elle la mère des chrétiens. « Le
« fleuve de la grâce, comme parle le Roi-
ce prophète, submerge de ses eaux cette Cité
« de Dieu qui les reçoit avec délices * » ; l'Es-
prit d'amour accomplit à ce moment l'oracle
divin du Rédempteur mourant sur la croix.
Il avait dit, en désignant l'homme : « Femme,
« voilà votre fils» ;r'heure est arrivée, et Marie
a reçu avec une plénitude merveilleuse cette
grâce maternelle qu'elle commence à appli-
quer dès aujourd'hui, et qui l'accompagnera
jusque sur son trône de reine, lorsqu'enfin la
sainte Eglise ayant pris un accroissement
suffisant," sa céleste nourrice pourra quitter
la terre, monter aux cieux et ceindre le dia-
dème qui l'attend.
^ ?-«
Le Saint Jour de la Pentecôte. 2g i
Contemplons cette nouvelle beauté qui
éclate dans les traits de celle en qui le Sei-
gneur vient de déclarer une seconde mater-
nité : celte beauté est le chef-d'œuvre de
l'Esprit- Saint en cette journée. Un feu divin
transporte Marie, un amour nouveau s'est
allumé dans son cœur; elle est tout entière à
cette autre mission pour laquelle elle avait
été laissée ici-bas. La grâce apostolique est
descendue en elle. La langue de feu qu'elle
a reçue ne parlera pas dans les prédications
publiques; mais elle parlera auXiVpôtres, les
dirigera, les consolera dans leurs labeurs. Elle
s'énoncera, cette langue bénie, avec autant
de douceur que de force, à l'oreille des fidè-
les qui sentiront l'attraction vers celle en qui
le Seigneur a fait l'essai de toutes ses mer-
veilles. Comme un lait généreux, la parole
irrésistible de cette mère universelle donnera
aux premiers enfants de l'Eglise la vigueur
qui les fera triompher des assauts de l'enfer;
et c'est en partant d'auprès d'elle qu'Etienne
ira ouvrir la noble carrière des martyrs.
Regardons maintenant le collège apostoli-
que. Ces hommes que quarante ^ours de re-
lations avec leur Maître ressuscité avaient
relevés, et que nous trouvions déjà si diffé-
rents d'eux-mêmes, que sont-ils devenus
depuis l'instant où l'Esprit divin les a saisis?
Ne sentez-vous pas qu'ils sont transformés,
qu'un feu divin éclate dans leur poitrine, et
que dans un moment ils vont s'élancer à la
conquête du monde? Tout ce que le Maître
leur avait annoncé est accompli en eux; et
c'est véritablement la Vertu d'en haut qui
est descendue pour les armer au combat. Où
2g2 Le Temps Pascal.
sont-ils ceux qui tremblaient devant les en-
nemis de Jésus, ceux qui doutaient de sa
résurrection? I.a vérité que le Maître leur a
enseignée brille aux regards de leur intelli-
gence'; ils voient tout, ils comprennent tout.
L'Esprit-Saint leur a infus le don de la foi
dans un degré sublime, et leur cœur brûle du
désir de répandre au plus tôt cette foi dans
le monde entier. Loin de craindre désormais,
ils n'aspirent qu'à affronter tous les périls en
prêchant, comme Jésus le leur a commandé,
à toutes les nations son nom et sa gloire.
Contemplez Pierre. Vous le reconnaissez
aisément à cette majesté douce que tempère
une ineffable humilité. Hier son aspect était
imposant mais tranquille ; aujourd'hui, sans
rien perdre de leur dignité, ses traits ont
pris une expression d'enthousiasme que nul
n'avait encore vue en lui. L'Esprit divin s'est
emparé puissamment du Vicaire de Jésus ;
car Pierre est le prince de la parole et le
maître de la doctrine. Près de Pierre, c'est
André son frère aîné, qui conçoit en ce
moment cette passion ardente pour la croix
Î|ui sera son type à jamais glorieux; c'est
ean dont les traits semblaient naguère ne
respirer que la douceur, et qui subitement
ont pris l'expression forte et inspirée du pro-
phète de Pathmos; à ses cotés, c'est Jacques
son frère, l'autre « fils du tonnerre », se cires-
sant avec toute la vigueur du vaillant che-
valier qui s'élancera bientôt à la conquête de
ribérie. Le second Jacques, celui qui est
aimé sous le nom de a frère du Seigneur »,
puise dans la vertu du divin Esprit qui le
transporte, un nouveau degré de charme et
Le Saint Jour de la Pentecôte. 2g3
de béatitude. Matthieu est illuminé d'une
splendeur qui fait pressentir en lui le pre-
mier des écrivains du nouveau Testament.
Thomas sent en son cœur la foi qu'il a reçue
au contact des membres de son Maîtrp res-
suscité, prendre un accroissement sans me-
sure ; il est prêt à partir pour ses laborieuses
missions dans l'extrême Orient; tous, en un
mot, sont un hymne vivant à la gloire de
l'Esprit tout-puissant, qui s'annonce avec un
tel empire dès les premiers instants de son
arrivée.
Dans un rang inférieur apparaissent les
disciples, moins favorisés dans cette visite
que les douze princes du collège apostoli-
que, mais pénétrés du même feu; car eux
aussi marcheront à la conquête du monde et
fonderont de nombreuses chrétientés. Le
groupe des saintes femmes n'a pas moins res-
senti que le reste de l'assemblée la descente
du Dieu qui s'annonce sous l'emblème du
feu. L'amour qui les retint au pied de la croix
de Jésus et qui les conduisit les premières à
son sépulcre au matin de la Pâque, s'est en-
flammé d'une ardeur nouvelle. La langue de
feu s'est arrêtée sur chacune d'elles, et elles
seront éloquentes à parler de leur Maître aux
Juifs et aux gentils. En vain la synagogue
expulsera Madeleine et ses compagnes; la
Gaule méridionale les écoutera à son tour,
et ne sera pas rebelle à leur parole.
Cependant, la foule des Juifs qui avait
entendu le bruit de la tempête annonçant la
venue de l'Esprit divin, s'est amassée en
grand nombre autour du mystérieux Céna-
cle. Ce même Esprit qui agit au dedans avec
2g4 Le Temps Pascal.
tant de magnificence, les pousse à faire le
siège de cette maison qui contient dans ses
murs l'Eglise du Christ dont la naissance
vient d'éclater. Leurs clameurs retentissent,
et biçntôt le zèle apostolique qui vient de
naître pour ne plus s'éteindre, ne peut plus
tenir dans de si étroites limites. En un
moment l'assemblée inspirée se précipite aux
portes du Cénacle, et se met en rapport avec
cette multitude avide de connaître le nou-
veau prodige que vient d'opérer le Dieu
d'Israël.
Mais, ô merveille ! la foule composée de
toutes les nations, qui s'attendait à entendre
le parler grossier des Galiléens, est tout à
coup saisie de stupeur. Ces Galiléens n'ont
fait encore que s'énoncer en paroles confuses
et inarticulées, et chacun les entend parler
dans sa propre langue. Le symbole de l'unité
apparaît dans toute sa splendeur. L'Eglise
clirétienne est montrée à tous les peuples
représentés dans cette multitude. Elle sera
une, cette Eglise; car les barrières que Dieu
plaça autrefois, dans sa justice, pour isoler
les nations, viennent de s'écrouler. Voici les
messagers de la foi du Christ; ils sont prêts,
ils vont partir, leur parole fera le tour de la
terre.
Dans la foule cependant, quelques hom-
mes, insensibles au prodige, se scandalisent
de rivresse divine dans laquelle ils voient les
Apôtres : « Ces hommes , disent-ils, sont
« pleins de vin. » C'est le langage du ratio-
nalisme qui veut tout expliquer par des rai-
sons humaines. Et pourtant, ces Galiléens
prétendus ivres abattront à leurs pieds le
Le Saint Jour de la Pentecôte. 2g5
mande entier, et l'Esprit divin qui est en
eux, ils le communiqueront avec son ivresse
à toutes les races du genre humain. Les
saints Apôtres sentent que le moment est
venu ; il faut que la seconde Pentecôte soit
proclamée en ce jour anniversaire de la pre-
mière. Mais dans cette proclamation de la
loi de miséricorde et d'amour qui vient rem-
placer la loi de la justice et de la crainte,
quel sera le Moïse ? L'Emmanuel, avant de
monter au ciel, l'avait désigné : c'est Pierre,
le fondement de l'Eglise. U est temps que
tout ce peuple le voie et l'entende ; le trou-
peau va se former, il est temps que le pas-
teur se montre. Ecoutons l'Esprit-Saint qui
va s'énoncer par son principal organe, en
présence de cette multitude ravie et silen-
cieuse ; chaque mot que va dire l'Apôtre qui
ne parle qu'une seule langue est compris de
chacun des auditeurs, à quelque idiome, à
quelque pays de la terre qu'il appartienne.
Un tel discours est à lui seul la démonstra-
tion de la vérité et de la divinité de la loi
nouvelle.
« Hommes juifs, s'écrie dans la plus haute
éloquence le pécheur du lac de Génézareth,
hommes juifs et vous tous qui habitez en ce
moment Jérusalem, apprenez ceci et prêtez
l'oreille à mes paroles. Non, ces hommes que
vous voyez ne sont pas ivres comme vous
l'avez pensé; car il n'est encore que l'heure
de tierce; mais en ce moment s'accomplit ce
qu'avait prédit le prophète Joël : « Dans les
« derniers temps, dit le Seigneur, je répan-
«« drai mon Esprit sur toute chair, et vos fils
a et vos filles prophétiseront, et vos jeunes
2g6 Le Temps Pascal.
« gens seront favorisés de visions, et vos
« vieillards auront des songes prophétiques.
« Et dans ces jours, je répandrai mon Esprit
« sur mes serviteurs et sur mes servantes, et
« ils prophétiseront. » Hommes Israélites,
écoutez ceci. Vous vous rappelez Jésus de
Nazareth, que Dieu même avait accrédité au
milieu de vous par les prodiges au moyen
desquels il opérait par lui, ainsi que vous le
savez vous-mêmes. Or, ce Jésus, selon le
décret divin résolu à l'avance, a été livré à
ses ennemis, et vous-mêmes vous l'avez fait
mourir par la main des impies. Mais Dieu
l'a ressuscité, en l'arrachant à l'humiliation
du tombeau qui ne pouvait le retenir. David
n'avait-il pas dit de lui : a Ma chair reposera
« dans l'espérance ; car vous ne permettrez
« pas. Seigneur, que celui qui est votre
« Saint éprouve la corruption du tombeau »?
Ce n'était pas en son propre nom que David
parlait; car il est mort, et son sépulcre est
encore sous nos yeux; mais il annonçait la
résurrection du Christ qui n'a point été laissé
dans le tombeau, et dont la chair n'a pas
connu la corruption. Ce Jésus, Dieu lui-
même l'a ressuscité, et nous en sommes
tous témoins. Elevé à la droite de Dieu, il a,
selon la promesse qu'en avait faite le Père,
répandu sur la terre le Saint-Esprit, ainsi
que vous le voyez et l'entendez. Sachez donc,
maison d'Israël, et sachez-le avec toute cer-
titude, que ce Jésus crucifié par vous, Dieu
en a fait le Seigneur et le Christ i. »
Ainsi fut accomplie la promulgation de la
I. Act. II.
Le Saint Jour de la Pentecôte. 2gj
loi nouvelle par la bouche du nouveau Moïse.
Comment les auditeurs n'eussent-ils pas
accueilli le don inestimable de cette seconde
Pentecôte, qui venait dissiper les ombres de
l'ancienne et produire au grand jour les
divines réalités? Dieu se révélait, et, comme
toujours, il le faisait par les miracles. Pierre
rappelle les prodiges de Jésus dont la Syna-
gogue n'a pas voulu tenir compte, et qui ren-
daient témoignage de lui. Il annonce la des-
csnte de l'Esprit-Saint, et en preuve il allè-
gue le prodige inouï que les auditeurs ont
sous les yeux, dans le don des langues
départi aux habitants du Cénacle.
Poursuivant son œuvre sublime, l'Esprit-
Saint qui planaitsur cette foule, féconde par
son action divine ces cœurs prédestinés. La
foi naît et se développe tout d'un coup dans
ces disciples du Sinaï accourus de tous les
points du monde pour une Pâque et une
Pentecôte désormais stériles. Saisis de crainte
et de regret d'avoir demandé la mort du
Juste, dont ils confessent la résurrection et
l'ascension au ciel, ces Juifs de toute nation
poussent un cri pénétrant vers Pierre et ses
compagnons : « Qu'avons-nous donc à faire,
« ô vo'us qui êtes nos frères ? » Admirable
disposition pour recevoir la foi! le désir de
croire, et le dessein arrêté de conformer ses
actes à sa croyance. Pierre reprend son dis-
cours : « Repentez-vous, leur dit-il, et que
« chacun de vous soit baptisé au nom de
« Jésus-Christ, et vous aurez part, vous aussi,
« au don du Saint-Esprit, La promesse a été
« faite pour vous et pour vos fils et égale-
« ment pour ceux qui sont loin, c'est-à-dire
2gS Le Temps Pascal.
« les gentils : en un mot, pour tous ceux
« qu'appelle le Seigneur notre Dieu. »
A chaque parole du nouveau Moïse, la
Pentecôte juaaïque s'efface, et la Pentecôte
chrétienne resplendit d'une lumière toujours
plus splendide à l'horizon. Le règne de l'Es-
prit divin est inauguré dans Jérusalem, à la
face du temple condamné à s'écrouler sur
lui-même. Pierre parla encore ; mais le livre
sacré des Actes n'a recueilli que ces paroles
qui retentirent comme le dernier appel au
salut : « Sauvez-vous, enfants d'Israël, sau-
ce vez-vous de cette génération perverse. »
Il fallait rompre, en effet, avec les siens,
mériter par le sacrifice les faveurs de la nou-
velle Pentecôte, passer de la Synagogue dans
l'Eglise. Plus d'un combat se livfa dans les
cœurs de ces hommes; mais le triomphe de
l'Esprit-Saint fut complet en ce premier )our.
Trois mille personnes se déclarèrent disci-
ples de Jésus, et furent marquées aujour-
d'hui même du sceau de l'adoption. O Eglise
du Dieu vivant, qu'ils sont beaux vos progrès
sous le souffle du divin Esprit ! D'abord vous
avez résidé en Marie l'immaculée, pleine de
grâce et mère de Dieu; votre second pas
vous' a donné les cent vingt disciples du
Cénacle; et voici que le troisième vous dote
de trois mille élus, nos ancêtres, qui vont
bientôt quitter Jérusalem la répudiée, et por-
ter dans les pays d'où ils sont partis les pré-
mices du peuple nouveau. Demain c'est au
temple même que Pierre parlera, et à sa
voix cinq mille personnes se déclareront à
leur tour disciples de Jésus de Nazareth.
Salut donc, ô Eglise, noble et dernière créa-
Le Saint Jour de la Pentecôte. 2gg
tion de l'Esprit-Saint, société immortelle qui
militez ici-b^s, en môme temps que vous
triomphez dans les cieux. O Pentecôte, jour
sacré de notre naissance, vous ouvrez avec
gloire la série des siècles que doit parcourir
en ce monde l'Epouse de TEmmanuel. Vous
nous donnez l'Esprit divin qui vient écrire,
non plus sur la pierre, mais dans nos cœurs,
la loi qui régira les disciples de Jésus. O
Pentecôte promulguée dans Jérusalem, mais
qui devez étendre vos bienfaits à ceux « qui
sont au loin », c'est-à-dire aux peuples de la
gentilité, vous venez remplir les espérances
que nous fit concevoir le touchant mystère
de l'Epiphanie. Les mages venaient de l'O-
rient; nous les suivîmes au berceau de l'En-
fant divin, et nous savions que notre tour
viendrait. Votre grâce, ô Esprit-Saint, les
avait secrètement attirés à Bethléhem ; mais
dans cette Pentecôte qui déclare votre souve-
rain empire avec tant d'énergie, vous nous
appelez tous; l'étoile est transformée en lan-
gues de feu, et la face de la terre va être
renouvelée. Puissent nos cœurs conserver les
dons que vous nous apportez, ces dons que
le Père et le Fils qui vous envoient nous
ont destinés!
L'importance du mystère de la Pentecôte
étant si principale dans l'économie du chris-
tianisme, on ne doit pas s'étonner que l'E-
glise lui ait assigné dans la sainte Liturgie
un rang aussi distingué que celui qu'elle
attribue à la Pàque elle-même. La Pâque est
le rachat de l'homme par la victoire du
Christ ; dans la Pentecôte l'Esprit-Saint prend
3oo Le Temps Pascal.
possession de l'homme racheté ; l'Ascension
est le mystère intermédiaire. D'un côté, elle
consomme la Pâque en établissant l'Homme-
Dieu, vainqueur de la mort et chef de ses
fidèles, à la droite du Père; de l'autre, elle
détermine l'envoi de l'Esprit-Saint sur la
terre. Cet envoi ne pouvait avoir lieu avant
la glorification de Jésus, comme nous dit
saint Jean i, et de nombreuses raisons allé-
guées par les Pères nous aident à le com-
prendre. Il fallait que le Fils de Dieu, qui
avec le Père est le principe de la procession
du Saint-Esprit dans l'essence divine, envoyât
personnellement aussi cet Esprit sur la terre.
La mission extérieure de l'une des divines
personnes n'est qu'une suite et une manifes-
tation de la production mystérieuse et éter-
nelle qui a lieu au sein de la divinité. Ainsi
le Père n'est envoyé ni par le Fils ni par le
Saint-Esprit, parce qu'il n'est pas produit par
eux. Le Fils a été envoyé aux hommes par
le Père, étant engendre par lui éternelle-
ment. Le Saint-Esprit est envoyé par le Père
et par le Fils, parce qu'il procède de l'un
et de l'autre. Mais pour que la mission du
Saint-Esprit s'accomplît de manière à donner
plus de gloire au Fils, il était juste qu'elle
n'eût lieu qu'après l'intronisation du Verbe
incarné à la droite du Père, et il était souve-
rainement glorieux pour la nature humaine
qu'au moment de cette mission elle fût indis-
solublement unie à la nature divine dans la
personne du Fils de Dieu, en sorte qu'il fût
Le Saint Jour de la Pentecôte. 3oi
vrai de dire que l'Homme-Dieu a envoyé le
Saint-Esprit sur la terre.
Cette auguste mission ne devait être don-
née à l'Esprit divin que lorsque les hommes
auraient perdu la vue de l'humanité de
Jésus. Ainsi que nous l'avons dit, il fallait dés-
ormais que les yeux et les cœurs des tidèles
poursuivissent le divin absent d'un amour
plus pur et tout spirituel. Or, à qui appar-
tenait-il d'apporter aux hommes cet amour
nouveau, sinon à l'Esprit tout-puissant qui
est le lien du Père et du Fils dans un amour
éternel? Cet Esprit qui embrase et qui unit
est appelé dans les saintes Ecritures le « don
de Dieu » ; et c'est aujourd'hui que le Père
et le Fils nous envoient ce don ineffable.
Rappelons-nous la parole de notre Emma-
nuel à la femme de Samarie, au bord du
puits de Sichar. « Oh ! si tu connaissais le
« don de Dieu M » Il n'était pas descendu
encore ; il ne se manifestait jusqu'alors aux
hommes que par des bienfaits partiels. A
partir d'aujourd'hui, c'est une inondation de
feu qui couvre la terre : l'Esprit divin anime
tout, agit en tous lieux. Nous connaissons le
don de Dieu ; nous n'avons plus qu'à l'accep-
ter, qu'à lui ouvrir l'entrée de nos cœurs,
comme les trois mille auditeurs fidèles que
vient de rencontrer la parole de Pierre
Mais voyez à quel moment de l'année l'Es-
prit divin vient prendre possession de son
domaine. Nous avons vu notre Emmanuel,
Soleil de justice, s'élever timidement du sein
des ombres du solstice d'hiver et monter
I. JOHAN. IV, lO.
3o2 Le Temps Pascal.
d'une course lente à son zénith. Dans un su-
blime contraste, l'Esprit du Père et du Fils
a cherche d'autres harmonies. Il est feu, feu
qui consume ^ ;• il éclate sur le monde au
moment où le soleil brille de toute sa splen-
deur, où cet astre contemple couverte de
fleurs et de fruits naissants la terre qu'il ca-
resse de ses rayons. Accueillons de même la
chaleur vivifiante du divin Esprit, et deman-
dons humblement qu'elle ne se ralentisse
plus en nous. A ce moment de l'Année litur-
gique, nous sommes en pleine possession de
la vérité par le \'erbe incarné ; veillons à en-
tretenir fidèlement l'amour que l'Esprit-
Saint vient nous apporter à son tour.
Fondée sur un passé de quatre mille ans
quant aux figures, la Pentecôte chrétienne, le
vrai quinquagénaire, est du nombre des fêtes
instituées par les Apôtres eux-mêmes. Nous
avons vu qu'elle partagea avec la Pâque,
dans l'antiquité, l'honneur de conduire les
catéchumènes à la fontaine sacrée, et de les
en ramener néophytes et régénérés. Son Oc-
tave, comme celle de Pâques, ne dépasse pas
le samedi par une raison identique. Le bap-
tême se conférait dans la nuit du samedi au
dimanche, et pour les néophytes la solennité
de la Pentecôte s'ouvrait au moment même
de leur baptême. Comme ceux de la Pâque,
ils revêtaient alors les habits blancs, et ils
les déposaient le samedi suivant, qui était
compté pour le huitième jour.
Le moyen âge donna à la fête de la Pente-
côte le grac4eux nom de Pdque des roses;
Le Saint Jour de la Pentecôte. 3o3
nous avons vu celui de Dimanche des roses
imposé dans les mêmes siècles de foi au Di-
manche dans l'Octave de l'Ascension. La
couleur vermeille de la rose et son parfum
rappelaient à nos pères ces langues enflam-
mées qui descendirent dans le Cénacle sur
chacun des cent vingt disciples, comme les
pétales effeuillées de la rose divine qui~ ré-
pandait l'amour et la plénitude de la grâce
sur l'Eglise naissante. La sainte Liturgie est
entrée dans la même pensée en choisissant
la couleur rouge pour le saint Sacrifice du-
rant toute l'Octave. Durand de Mende, dans
son Rational si précieux pour la connais-
sance des usages liturgiques du moyen âge,
nous apprend qu'au treizième siècle, dans
nos églises, à la Messe de la Pentecôte, on
lâchait des colombes qui voltigeaient au-des-
sus des fidèles en souvenir de la première
manifestation de l'Esprit-Saint au Jourdain,
et que l'on répandait de la voûte des étoupes
enflammées et des fleurs en souvenir de la
seconde au Cénacle.
A Rome, la Station est dans la Basilique de
Saint-Pierre. Il était juste de rendre hom-
mage au prince des Apôtres en ce jour où
son éloquence inspirée par l'Esprit-Saint con-
quit à l'Eglise les trois mille chrétiens dont
nous sommes les descendants. Actuellement,
la Station demeure toujours fixée à Saint-
Pierre avec les indulgences qui s'y rappor-
tent ; mais le Souverain Pontife et le sacré
Collège se rendent pour la Fonction à la Basi-
lique du Latran, Mère et Chef de toutes les
églises de la ville et du monde.
3o4 J-e Saint Jour de la Pentecôte.
A TIERCE.
LA sainte Eglise célèbre aujourd'hui l'heure
de Tierce avec une solennité particulière,
afin de se maintenir dans un rapport plus
intime avec les heureux habitants du Céna-
cle. Elle a même choisi cette heure, dans
tout le cours de l'année, comme la plus pro-
pice pour l'offrande du saint Sacrifice, au-
quel préside l'Esprit-Saint dans toute la puis-
sance de son opération. Cette heure de
Tierce, qui répond à neuf heures du matin
selon notre manière de compter, est remar-
quable chaque jour par une invocation au
Saint-Esprit formulée dans une Hymne de
saint Ambroise ; mais aujourd'hui ce n'est
pas l'Hymne ordinaire de Tierce que l'Eglise
adresse au divin Paraclet ; c'est le cantique
si mystérieux et si grandiose que le ix^ siè-
cle nous a légué, en nous transmettant la
tradition qui donne Charlemagne pour au-
teur de cette œuvre sublime.
La pensée d'en enrichir l'Office de Tierce
au jour de la Pentecôte appartient à saint
Hugues, abbé de Cluny au xi^ siècle ; et cette
pratique a semblé si belle, que l'Eglise Ro-
maine a fini par l'adopter dans sa Liturgie.
De là est venu que dans les Eglises même où
l'on ne célèbre pas l'Office canonial, on
chante du moins le Veni creator avant la
Messe du jour de la Pentecôte.
A cette heure si solennelle, aux accents
inspirés de cette Hymne si tendre à la fois et
si imposante, l'assemblée des fidèles se re-
cueille; elle adore et appelle l'Esprit divin.
A Tierce.
^o5 }
A ce moment, il plane sur tous les temples
de la chrétienté, et descend invisiblement
dans tous les cœurs qui l'attendent avec
ferveur. Exprimons-lui le besoin que nous
éprouvons de sa présence, le suppliant de
demeurer en nous, et de ne jamais s'en éloi-
gner. Montrons-lui notre âme marquée de
son sceau ineffaçable dans le Baptême et dans
la Confirmation; prions-le de veiller sur son
œuvre. Nous sommes sa propriété; qu'il
daigne faire en nous ce que nous le prions
d'y accomplir; mais que notre bouche parle
avec sincérité, et souvenons-nous que pour
recevoir et conserver l'Esprit-Saint, il faut
renoncer à l'esprit du monde ; car le Sei-
gneur a dit: « Nul ne peut servir deux maî-
« très '. »
La première strophe de cette Hymne vé-
nérable se chante toujours à genoux; on se
lève ensuite, et l'on chante debout les stro-
phes suivantes.
VENEZ , Esprit Gréateur ,
visiter les âmes de vos
fidèles, et remplir de la grâce
céleste les cœurs que vous
avez créés.
Vous êtes appelé le Con-
solateur, le Don du Dieu
Très-Haut, la source d'eau
vive, le feu, l'amour, l'onction
spirituelle.
■\7eni, Creator Spiritus,
' Mentes tuorum visi-
ta,
Impie superna gratia
Quae tu creasti pectora.
Qui diceris Paracli-
tus,
Altissimi donum Dei,
Fons vivus, ignis, cari-
tas,
Et spiritalis unctio.
LE TEMPS PASCAL. — T. III.
3o6 Le Saint Jour de la Pentecôte.
Tu septiformis mune-
re,
Digitus Patern» dexterae,
Tu rite promissum Pa-
Ditris,
Sermone ditans guttura.
Accende lumen sensi-
bus,
Infunde amorem cordi-
bus,
Infirma nostri corporis
Virtute firmans perpeti.
Hostem repellas lon-
gius,
Pacemque dones proti-
nus :
Ductore sic te praevio
Vitemus omne noxium.
Per te sciamus da Pa-
trem,
Noscamus atque Filiura,
Teque utriusque Spiri-
tum
Credamus omni tempo-
Deo Patri sit gloria,
Et Filio, qui a mortui
Surrexit, ac Paraclito
In saeculorum saecula.
Amen.
Versant sur nous vos sept
dons, vous êtes le doigt de la
main du Père ; promis solen-
nellement par lui aux hom-
mes, vous venez leur appor-
ter la puissance du langage.
Eclairez nos esprits de
votre lumière, versez l'amour
dans nos cœurs ; soutenez la
faiblesse de notre corps par
votre incessante énergie.
Repoussez l'ennemi loin de
nous , hâtez-vous de nous
donner la paix ; marchez de-
vant nous comme notre chef,
et nous éviterons tout mal.
Faites-nous connaitre le
Père et le Fils ; donnez-nous
la foi en vous qui procédez
de l'un et de l'autre.
Gloire soit à Dieu le Père !
Gloire soit au Fils ressuscité
des morts ! Gloire au Para-
clet , dans les siècles des
siècles !
Amen.
On continue ensuite l'Office de Tierce,
dont les trois Psaumes se trouvent ci-dessus,
page 5i.
»-,_ c PiRiTus Do- I \k,t I 'Esprit du Sei-
'^"^' O mini reple- | '^^^- L gncur a rem-
A Tierce.
3oj
pli la terre entière, alléluia. 1 vit orbem terrarum, al-
I leluia.
CAPITULE. (Act. II.)
LES jours de la Pentecôte
étant accomplis, et tous
les disciples se trouvant réu-
nis dans un même lieu, il se
fit tout à coup un grand bruit,
comme d'un vent impétueux
qui venait du ciel, et qui rem-
plit toute la maison où ils
étaient assis.
A , T 'Esprit du Sei-
^' '^* A- gneur a rem-
pli la terre entière, * Allé-
luia, alléluia. L'Esprit.
j^. Et lui qui embrasse
toutes choses possède la
science du langage. * Allé-
luia, alléluia.
Gloire au Père. L'Esprit
du Seigneur.
f. L'Esprit Paraclet, allé-
luia.
^. Vous enseignera toutes
choses, alléluia.
CUM complerenturdies
Pentecostes , erant
omnes discipuli pariter
in eodem loco ; et factus
est repente de cœlo so-
nus tamquam advenien-
tis spiritus vehementis.
et replevit totam domum
ubi crant sedentes.
Tf. br. CP'RiTUs Do-
^ O mini reple-
vit orbem terrarum , *
Alléluia, alléluia. Spiri-
tus.
f. Et hoc quod con-
tinet omnia scientiam
habet vocis, * Alléluia,
alléluia.
Gloria Patri. Spiritus
Domini.
i^. Spiritus Paraclitus,
alléluia^
^. Docebit vos omnia,
alléluia.
L'Oraison est la Collecte de la Uqssc, page
Sog.
.^oS Le Saint Jour de la Pentecôte.
A LA MESSE.
LE moment de célébrer le saint Sacrifice est
arrivé. Remplie de l'Esprit divin, l'Eglise
va payer le tribut auguste de sa reconnais-
sance en offrant la victime qui nous a mé-
rité un tel don par son immolation. Déjà
l'Introït retentit avec un éclat et une mélo-
die non pareils. Le chant grégorien s'élève
rarement à un tel enthousiasme. Les paroles
contiennent un oracle du livre de la Sagesse,
qui reçoit son accomplissement aujourd'hui.
C'est l'Esprit divin se répandant sur le
monde, et comme gage de sa présence don-
nant aux saints Apôtres la science de la parole
dont il est la source.
SPIRITUS Domini reple-
vit orbem terrarum,
alléluia : et hoc quod
continet omnia , scien-
tiam habet vocis, allé-
luia, alléluia, alléluia.
Ps. Exsurgat Deus, et
dissipentur inimici ejus :
et fugiant qui oderunt
eum a facie ejus. Gloria
Patri. Spiritus Domini.
L'Esprit du Seigneur a
rempli la terre entière,
alléluia ; et lui qui embrasse
toutes choses , possède et
communique la science du
langage, alléluia , alléluia,
alléluia.
Ps. Que Dieu se lève, et
que ses ennemis soient dissi-
pés ; que ceux qui le haïssent
fuient devant sa face. Gloire
au Père. L'Esprit du Sei-
gneur.
La Collecte nous fournit l'expression de
nos vœux pour un si grand jour. Elle nous
avertit en même temps que l'Esprit divin
nous apporte deux dons principaux : le goût
des choses divines et la consolation du cœur;
demandons que l'un et l'autre demeurent en
nous, afin que nous devenions parfaits chré-
tiens.
/^ Dieu qui avez éclairé
^^ en ce jour les cœurs des
fidèles par la lumière du
Saint-Esprit, accordez-nous
par le même Esprit de goû-
t3r ce qui est bien et de jouir
sans cesse de la consolation
dont il est la source. Par Jé-
sus-Christ.
DEUS, qui hodiernadie
corda fidelium Sanc-
ti Spiritus illustratione
docuisti : da nobis in
eodem Spiritu recta sa-
pere, et de ejus semper
consolatione gaudere.
Per Dominum.
Lecture des Actes des Apô-
tres. Chap, II.
LES jours de la Pentecôte
étant accomplis, et tous
les disciples se trouvant réu-
nis dans un même lieu, il se
fit tout à coup un grand
bruit, comme d'un vent impé-
tueux qui venait du ciel, et qui
remplit toute la maison où
ils étaient assis. Et ils virent
apparaître comme des lan-
gues de feu qui se partagè-
rent, et s'arrêtèrent sur cha-
cun d'eux. Et iJs furent tous
remplis du Saint-Esprit, et
commencèrent à parler diver-
ses langues, selon que le
Saint-Esprit leur en mettait
l'expression dans la bouche.
Or, il y avait à Jérusalem
des Juifs remplis de religion,
et appartenant à toutes les
Lectio Actuum Aposto-
lorum. Cap. ii.
CUiM complerentur dies
Pentecostes , erant
omnes discipuli pariter
in eodem loco : et fac-
tus est repente de cœlo
sonus, tamquam adve-
nientis spiritus vehemen-
tis, et replevit totam do-
mum ubi erant sedentes.
Et apparuerunt illis dis-
pertitse linguae tamquam
ignis, seditque supra sin-
gulos eorum : et repleti
sunt omnes Spiritu Sanc-
to, et cœperunt loqui
variis linguis, prout Spi-
ritus Sanctus dabat elo-
Ïui illis. Erant autem in
. erusalem habitantes Ju-
daei, viri religiosi ex
omni natione, quoe sub
3 10 Le Saint Jour de la Pentecôte.
cœlo est. Facta autem
hac voce, convenit mul-
titudo, et mente confusa
est, quoniam audiebat
unusquisque lingua sua
illos loquentes. Stupe-
bant autem omnes, et
mirabantur dicentes :
Nonne ecce omnes isti,
qui loquuntur, Galilaei
sunt ? et quomodo nos
audivimus, unusquisque
linguam nostram, in qua
nati sumus ? Parthi et
Medi, et iElamitas, et
qui habitant Mesopota-
miam, Judaeam et Cap-
padociam . Pontum et
Asiam , Phrygiam et
Pamphyliam, ^gyptum,
et partes Libyœ qua? est
circa Cyrenen, et advenœ
Romani, Judasi quoque.
et Proselyti, Crêtes et
Arabes : audivimus eos
loquentes linguis nostris
magnalia Dei.
nations qui sont sous le ciel.
Le bruit de ce qui venait de
se passer s'étant répandu, il
' s'en rassemble un grand
I nombre, et ils furent très
I étonnés de ce que chacun
d'eux les entendait parler en
I sa propre langue. Ils en
étaient tous hors d'eux-mê-
mes, et dans leur étonne-
I ment, ils se disaient les uns
! aux autres : Tous ces gens
I qui nous parlent ne sont-ils
pas Galiléens ? Comment
donc les entendons-nous par-
ler chacun la langue de notre
pays ? Parthes, Mèdes, Ela-
mites, ceux d'entre nous qui
habitent la Mésopotamie, la
Judée, la Cappadoce, le Pont
et l'Asie, la Phrygie et la
Pamphylie, l'Egypte et la
contrée de la Libye qui est
proche de Cyrène ; et ceux
d'entre nous qui sont venus
de Rome, Juifs et Prosélytes,
Cretois et Arabes, nous les
entendons parler chacun en
notre langue les merveilles
de Dieu.
QUATRE grands événements signalent l'exis-
tence de la race humaine sur la terre,
et tous les quatre témoignent de la bonté in-
finie de Dieu envers nous. Le premier est la
création de l'homme et sa vocation à l'état
surnaturel, qui lui donne pour fin dernière
la vision et la possession éternelle de Dieu.
Le second est l'incarnation du Verbe divin
qui, unissant la nature humaine à la nature
A la Messe. 3ii
divine dans le Ciirist, élève l'être créé à la
participation de la divinité, et fournit en
même temps la victime nécessaire pour ra-
cheter Adam et sa race de leur prévarication.
Le troisième événement est la descente du
Saint-Esprit, dont nous célébrons l'anniver-
saire en ce jour. Enfin le quatrième est le
second avènement du Fils de Dieu qui viendra
délivrer l'Eglise son épouse, et l'emmènera au
ciel pour célébrer avec elle les noces éternel-
les. Ces quatre opérations divines, dont la
dernière n'est pas accomplie encore, sont la
clef de l'histoire humaine ; rien n'est en
dehors d'elles; mais l'homme animal ne les
voit même pas, il n'y songe pas. « la lumière
« a lui dans les ténèbres,"^ et les ténèbres ne
« l'ont pas comprise i. »
Béni soit donc le Dieu de miséricorde qui
a nous a appelés des ténèbres à l'admirable
u lumière de la foi 2. « H nous a faits enfants
de cette génération a qui n'est ni de la chair
« et du sang, ni de la volonté de l'homme,
ce mais de Dieu 3. » Par cette grâce, nous
voici aujourd'hui attentifs à la troisième des
opérations divines sur ce monde, à la des-
cente de l'Esprit-Saint, et nous avons entendu
le récit émouvant de sa venue. Cette tem-
pête mystérieuse, ce feu, ces langues, cette
ivresse sacrée, tout nous transporte au cen-
tre même des divins conseils, et nous nous
écrions: « Dieu a-t-il donc tant aimé ce
« monde ? » Jésus, quand il était avec nous sur
la terre, nous le disait: « Oui, Dieu a tant
I. JoHAN. I, 5. — 2. î Petr. II, g. — 3. Johan. i,
i3.
3i2 Le Saint Jour de la Pentecôte.
V aimé le monde qu'il lui a donné son Fils
« unique K » Aujourd'hui il nous faut complé-
ter cette sublime parole et dire : « Le Père
« et le Fils ont tant aimé le monde, qu'ils
« lui ont donné leur Esprit-Saint. » Accep-
tons un tel don, et comprenons enfin ce
qu'est l'homme. Le rationalisme, le natura-
lisme, prétendent le grandir en s'etforçant
de le captiver sous le )ougde l'orgueil et de
la sensualité; la foi chrétienne nous im-
pose l'humilité et le renoncement; mais
pour prix elle nous montre Dieu lui-même
se donnant à nous.
Le premier Verset alléluiatique est formé
des paroles de David où l'Esorit-Saint est
montré comme l'auteur d'une création nou-
velle, comme le rénovateur de la terre. Le
second est la touchante prière par laquelle
la sainte Eglise appelle sur ses enfants l'Es-
prit d'amour. On la chante toujours à ge-
noux.
ALLELUIA, alléluia.
î^. Einitte Spiritum
tuum, et creabuntur : et
renovabis faciem terr.t.
Alléluia.
f. Veni, Sancte Spi-
ritus, reple tuorum cor-
da fidelium : et tui amo-
ris in eis ignetn accende.
A LLELUiA, alléluia.
f. Envoyez votre Esprit,
et une création nouvelle s'o-
pérera, et vous renouvellerez
It face de la terre.
Alléluia.
f. Venez, ô Esprit-Saint,
remplissez les cœurs de vos
fidèles , et allumez en eux le
feu de votre amour.
Vient ensuite la Séquence, œuvre d'en-
thousiasme et en même temps d'une inelîa-
I. JOHAN. m, i6.
A la Messe.
3i3
ble tendresse pour celui qui vit et règne éter-
nellement dans la société du Père et du Fils,
et qui va désormais établir son empire, dans
nos cœurs. Cette pièce est de la fin du
xii" siècle, et on l'attribue, avec vraisem-
blance, au grand Pape Innocent III.
SEQUENCE.
VENEZ, ô Esprit-Saint, et
lancez sur nous du haut
du ciel un rayon de votre
lumière.
Venez, père des pauvres ;
venez, distributeur des dons;
venez, lumière des âmes.
Vous êtes le consolateur
rempli de bonté, l'hôte bien-
veillant de nos âmes, leur
aimable rafraîchissement.
Dans le labeur, vous êtes
notre repos ; notre abri dans
les ardeurs brûlantes, notre
consolation dans les pleurs.
O lumière heureuse et ché-
rie, remplissez de vos clartés
les cœurs de vos fidèles jus-
qu'au plus intime.
Si votre divin secours n'ar-
rive pas à l'homme, il n'est
rien en lui qui ne puisse lui
devenir nuisible.
Lavez nos souillures, arro-
sez nos sécheresses, guéris-
sez nos blessures.
■y/ ENi, Sancte Sçiritus,
' Et emitte cœlitus
Lucis tuae radium.
Veni pater pauperum,
Veni dator munerum,
Veni lumen cordium.
Consolator optime,
Dulcishospes animae,
Dulce refrigerium.
In labore requies,
In sestu temperies.
In fletu solatium.
O lux beatissima,
Rcple cordis intima
Tuorum fidelium.
Sine tuo numine,
Nihil est in homine,
Nihil est innoxium.
Lava quod est sordi-
dum,
Riga quod est aridum.
Sana quod est saucium.
Flcctc quod est rigi-
dutn,
Fove quod est frigidum,
Rege quod est devium.
Da tuis fidelibus,
In te confidentibus,
Sacrum Septenarium.
Da virtutis meritum,
Da salutis exitum,
Da perenne gaudium.
Amen. Alléluia.
Pliez ce qui se roidit en
nous, échaufrez notre froi-
deur, redressez nos pas qui
s'égarent.
Répandez vos sept Dons
sur vos fidèles, qui mettent
en vous toute leur confiance.
Accordez-leur le mérite de
la vertu, l'heureuse issue du
salut, et enfin les joies éter-
nelles.
Amen. Alléluia.
EVANGILE.
Sequentia sancti Evan-
gelii secundum Johan-
nem. Cap. xiv.
IN illo tempore : Dixit
Jésus discipulis suis :
Si quis diligit me, ser-
monemmeumservabit, et
Pater meus diliget eum,
et ad eum veniemus, et
mansionem apud eum fa-
ciemus : qui non diligit
me, sermones meos non
serva.. Et sermonem
quem audistis, non est
meus : sed ejus qui rnisit
me, Patris. Haec locutus
sum vobis, apud vos ma-
nens ; Paraclitus autem
Spiritus Sanctus, quem
mittet Pater in nomine
meo, ille vos docebit om-
nia, et suggeret vobis
omnia quaecumque dixero
vobis. Pacera relinquo
La suite du saint Evangile
selon saint Jean. Chap.
XIV.
EN ce temps-là, Jésus dit à
ses disciples : Si quel-
qu'un m'aime, il gardera ma
parole ; et mon Père l'ai-
mera, et nous viendrons à
lui, et nous ferons en lui no-
tre demeure. Celui qui ne
m'aime pas, ne garde pas
mes paroles; et la parole que
vous avez entendue n'est pas
ma parole, mais celle de mon
Père qui m'a envoyé. Je
vous ai dit ceci, demeurant
encore avec vous ; mais le
Paraclet, l'Esprit-Saint que
le Père enverra en mon nom,
vous enseignera toutes cho-
ses, et vous rappellera tout
ce que je vous ai dit. Je
vous laisse la paix, je vous
donne ma paix. Je vous la
A la Messe.
3i5
donne, non comme le monde
la donne. Que votre cœur ne
se trouble point et ne s'effraie
point. Vous avez entendu
que je vous ai dit : Je m'en
vais, et je reviens à vous. Si
vous m'aimez, vous vous ré-
jouirez de ce que je vais au
Père; parce que le Père est
plus grand que moi. Je vous
le dis maintenant, avant que
cela arrive, afin que quand
ce sera arrivé, vous croyiez.
Je ne vous parlerai plus
beaucoup ; car le Prince de
ce monde vient, et il n'a rien
en moi qui soit à lui ; mais
c'est afin que le monde
connaisse que j'aime le Père,
et que, selon le commande-
ment que le Père m'a donné,
ainsi je fais.
vobis, pacem meam do
vobis : non quomodo
mimdus dat ego do vobis.
Non turbetur cor ves-
trum, neque formidet.
Audistis quia ego dixi
vobis : V'ado et venio ad
vos. Si diligeretis me,
gauderetis utique, quia
vado ad Patrem : quia
Pater major me est. Et
nunc dixi vobis prius-
quam fiât : ut quum fa-
ctum fuerit , credatis.
Jam non multa loquar
vobiscum. Venit enim
Princeps mundi hujus. et
in me non habet quid-
quam. Sed ut cognoscat
mundus quia diligo Pa-
trem, et sicut mandatum
dédit mihi Pater, sic fa-
T Avenue de l'Esprit-Saint n'est pas seule-
*- ment un événement qui intéresse la race
humaine considérée en général ; chaque
homme est appelé à recevoir cette même visite
qui aujourd'hui « renouvelle la face de la
« terre entière '. «Le dessein miséricordieux
dusouverain Seigneur de toutes choses s'étend
jusqu'à vouloir contracter une alliance indivi-
duelle avec chacun de nous. Jésus ne de-
mande de nous qu'une seule chose : il veut
que nous l'aimions et que nous gardions sa
parole. A cette condition, il nous promet que
son Père nous aimera, et viendra avec lui
I. Psalm. cm, 3o.
3i6 Le Saint Jour de la Pentecôte.
habiter notre âme. Mais ce n'est pas tout
encore. Il nous annonce la venue de l'Esprit-
Saint, qui par sa présence complétera l'ha-
bitation de Dieu en nous. L'auguste Trinité
tout entière se fera comme un nouveau ciel
de cette humble demeure, en attendant que
nous soyons transportés après cette vie au
séjour même où nous contemplerons l'hôte
divin, Père, Fils et Saint-Esprit, qui a tant
aimé sa créature humaine.
Jésus nous enseigne encore dans ce pas-
sage, tiré du discours qu'il adressa à ses dis-
ciples après la Cène, que le divin Esprit qui
descend sur nous aujourd'hui est envoyé par
le Père, mais par le Père ce au nom du Fils » ;
de même que dans un autre endroit Jésus dit
que « c'est lui-même qui enverra l'Esprit-
Saint t ». Ces diverses manières de s'exprimer
ont pour but de nous révéler les relations qui
existent dans la Trinité divine entre les deux
premières personnes et le Saint-Esprit. Ce di-
vinEspritestdu Père, mais il est aussi du Fils ;
c'est le Père qui l'envoie ; mais le Fils l'en-
voie aussi; car il procède de l'un et de l'au-
tre comme d'un même principe. En ce grand
jour de la Pentecôte, notre reconnaissance
doit donc être la même envers le Père qui
est la Puissance, et envers le Fils qui est la
Sagesse ; car le don qui nous arrive du ciel
vie'nt de tous les deux. Eternellement le
Père a engendré son Fils, et quand la pléni-
tude des temps fut venue, il l'a donné aux
hommes pour être dans la nature humaine
leur médiateur et leur sauveur ; éternelle-
I. JOHAN. XV,
A la Messe. 3iy
ment le Père et le Fils ont produit l'Esprit-
Saint, et, à l'heure marquée, ils l'ont envoyé
ici-bas pour être dans les hommes le prin-
cipe d'amour, comme il l'est entre le Père
et le Fils. Jésus nous enseigne que la mis-
sion de l'Esprit est postérieure à la sienne,
parce qu'il a fallu que les hommes fussent
d'abord initiés à la vérité par celui qui est
la Sagesse. En effet, ils n'auraient pu aimer
ce qu'ils ne connaissaient pas. Mais lorsque
Jésus a consommé son œuvre tout entière,
qu'il a fait asseoir son humanité sur le trône
de Dieu son Père, de concert avec le Père,
il envoie l'Esprit divin pour conserver en
nous cette parole qui est «esprit et vie i », et
qui est en nous la préparation de l'amour.
L'Offertoire est formé des paroles du
Psaume lxvii, où David prophétise l'arrivée
de l'Esprit dont la mission est de confirmer
ce que Jésus a opéré. Le Cénacle efface tou-
tes les splendeurs du temple de Jérusalem:
désormais il n'y aplus que l'Eglise catholique
qui recevra bientôt dans son "sein les rois et
les peuples.
OFFERTOIRE.
C)NF1RMEZ, o Dieu, ce que
vous avez opéré en nous ;
dans votre temple qui est à
Jérusalem, les rois vous pré-
senteront leurs offrandes, al-
léluia.
CONFIRMA hoc DeUS,
quod operatus es in
nobis : a tempio tuo,
quod est in Jérusalem,
tibi offerent reges mu-
nera, alléluia.
En présence des dons sacrés qui vont être
I. JOHAN. VI 64.
3 iS Le Saint Jour de la Pentecôte.
offerts et qui reposent sur l'autel, l'Eglise,
dans la Secrète, demande que la venue du
divin Esprit soit pour les fidèles un feu qui
consume leurs souillures, et une lumière qui
éclaire leur esprit par une plus complète
intelligence des enseignements du Fils de
Dieu.
MUNERA, quaesumus
Domine, oblata sanc-
tifica : et corda nostra
Sancti Spiritus illustra-
tioneemunda. Per Domi-
num.
DAIGNEZ. Seigneur, sanc-
tifier les dons qui vous
sont offerts, et purifiez nos
cœurs en leur envoyant la
lumière du Saint-Esprit. Par
Jésus-Christ.
VERE dignum et jus-
tum est, a?quum et
salutare, nos tibi semper,
et ubique gratias agere :
Domine sancte, Pater
omnipotens. a t e r n e
Deus : per Christum Do-
minum nostrum ; qui as-
cendens super omnes
cœlos, sedensque ad dex-
teram tuam, promissum
Spiritum Sanctum ho-
dierna die in filios adop-
tionis effudit. Quapro-
pter profusis gaudiis,
totus in orbe terrarum
mundus exsultat. Sed et
supernffi Virtutes, aique
angelicœ Potes ta tes,
hymnura gloriae tua; con-
cinunt, sine fine dicentes :
Sanctus, Sanctus, Sanc-
tus.
OUI, c'est une chose digne
et juste, équitable et
salutaire, que nous vous
rendions grâces, toujours et
en tous lieux, Seigneur snint.
Père tout-puissant, Dieu
éternel ; par Jésus-Christ
notre Seigneur : qui étant
monté au delà de tous les
cieux et s'étant assis. à votre
droite, répand aujourd'hui
sur les enfants de l'adoption
l'Esprit-Saint qu'il avait pro-
mis. Sa venue excite un trans-
port universel de joie, et la
race humaine se livre à l'al-
légresse sur toute la surface
de la terre, en même temps
que les Vertus célestes et les
Puissances angéliques chan-
tent l'hymne à votre gloire,
répétant sans fin : Saint 1
Saint ! Saint !
A la Messe.
3ig
L'Antienne de la Communion célèbre par
les paroles du texte sacré le moment de l'a-
vènement de l'Esprit divin. Le Seigneur Jésus
s'est donné à ses fidèles dans l'aliment eu-
charistique ; mais c'est l'Esprit qui les a pré-
parés à une telle faveur, lui qui a changé
sur l'autel le pain et le vin en le corps et le
sang de la victime sainte, lui qui les aidera
à conserver en eux l'aliment sacré qui garde
les âmes pour la vie éternelle.
COMMUNION.
IL se fit tout à coup un
grand bruit, comme d'un
vent impétueux qui venait
du ciel, dans le lieu où ils
étaient assis, alléluia. Ils
furent tous remplis du Saint-
Esprit, et publièrent les mer-
veilles de Dieu, alléluia, al-
léluia.
FACTUS est repente de
coelo sonus, tamquam
advenientis spiritus vehe-
mentis, ubi erant seden-
tes, alléluia : et repleti
sunt omnes Spiritu Sanc-
to, loquentes magnalia
Dei, alléluia, alléluia.
Mise en possession de son Epoux par le
sacré Mystère, l'Eglise, dans la Postcommu-
nion, implore po'ur ses fidèles la perma-
nence de l'Esprit-Saint dans leurs âmes, en
même temps qu'elle nous révèle une des
prérogatives de ce divin Esprit, qui, trouvant
nos âmes arides et incapables de fructifier par
elles-mêmes, se transforme en rosée pour les
féconder.
POSTCOMMUNION.
FAITES. Seigneur, que l'Es-
prit-Saint se répande dans
nos cœurs, qu'il les purifie, et
que les pénétrant de sa rosée
S
ANCTi Spiritus, Do-
mundet infusio : et sui
roris intima aspersione
320 Le Saint Jour de la Pentecôte.
fœcundet. Per Dominum. 1 mystérieuse, il leur donne la
I fécondité. Par Jésus-Christ.
A SEXTE.
T 'Hymne et les trois Psaumes dont se com-
^ pose l'Office de Sexte, se trouvent ci-
dessus, page 56.
Lsfurent tous rem-
Ant. R^
EPLETI SUnt
omnes Spi-
ritu Sancto, et cœperunt
loqui, alléluia.
» 1 LSiurent tous rem-
^^^- 1 plis du Saint-Es-
prit, et ils commencèrent
parier, alléluia.
CAPITULE. {Act. II.)
FACTA autem hac voce,
convenit multitudo,
et mente confusa est, quo-
niam audicbat unusquis-
que lingua sua illos lo-
quentes.
„ , CPIRITUS Pa-
^ ^''- O raclitus. *
Alléluia, alléluia. Spiri-
tus.
f. Docebit vos omnia.
* Alléluia, alléluia.
Gloria Patri. Spiritus.
f. Repleti sunt omnes
Spiritu Sancto, alléluia.
^. Et cœperunt loqui,
alléluia.
L'Oraison est la C<
dessus, page 3 09.
LE bruit de ce qui vemait de
se passer s'étant répandu,
il se rassembla un grand
nombre de gens, et ils furent
très étonnés de ce que cha-
cun d'eux les entendait parler
en sa propre langue.
A , 1 'Esprit Paraclet,
RI- t>r. L • Alléluia, allé-
luia. L'Esprit.
f. Vous enseignera toutes
choses. * Alléluia, alléluia.
Gloire au Père. L'Esprit.
j^. Ils furent tous remplis
du Saint-Esprit, alléluia.
^. Et ils commencèrent à
parler, alléluia.
)llecte de la Messe, ci
A None.
32 1
A NONE.
L'Hymne et les Psaumes, ci-dessus, pageôi.
Ant 1 ES Apôtres racon-
• *- taient en diverses
langues les merveilles de
Dieu, alléluia, alléluia, allé-
luia.
Amt Î oquebantur
^^^' ^ variis lin-
guis Apostoli magnalia
Dei, alléluia, alléluia,
alléluia.
CAPITULE. (Act. .1.")
luiFS aussi et prosélytes,
*' Cretois et Arabes, nous
les avons entendus raconter
chacun en notre langue les
merveilles de Dieu.
_ , T LS furent tous rem-
^- ^'^^ '■ plis du Saint-Es-
prit, * Alléluia, alléluia. Ils
furent tous remplis.
j^. Et ils commencèrent à
parler. * Alléluia, alléluia.
Gloire au Père. Ils furent
tous remplis.
f. Les Apôtres racontaient
en diverses langues, alléluia,
ft. Les merveilles de Diea,
alléluia.
JUD.EI quoque et pro-
selyti, Crêtes et Ara-
bes, audivimus eos lo-
quentes nostris linguis
magnalia Dei.
>..R
EPLETI sunt
omnes Spi-
ritu Sancto, * Alléluia,
alléluia, Repleti sunt.
j^. Et cœperunt loqui.
* Alléluia, alléluia.
Gloria Patri. Repleti
sunt.
f. Loquebantur variis
linguis Apostoli, allé-
luia,
]S|. Magnalia Dei, allé-
luia.
L'Oraison ci-dessus, page 309.
LE TEMPS PASCAL,
322 Le Saint Jour de la Pentecôte.
A VÊPRES.
f A grande journée avance dans son cours,
L et remplis du Saint-Esprit comme nous
l'avons été à l'heure de Tierce, nous ne pou-
vons nous détacher du sublime spectacle
dont Jérusalem est témoin. Du cœur des
saints Apôtres le feu divin a passé dans la
foule qui les entoure. Le regret d'avoir cru-
cifié « le Seigneur de gloire i » a dompté
l'orgueil juif dans ces ^hommes qui avaient
accompagné la victime de leurs clameurs et
de leurs malédictions sur la Voie douloureuse.
Que leur manque-t-il maintenant pour être
chrétiens ? Connaître et croire, puis être bap-
tisés. Du milieu du tourbillon de l'Esprit-
Saint qui les enveloppe, !a voix de Pierre et
de ses frères retentit: a Celui qui a souffert
« sur la croix et qui est ressuscité d'entre les
0 morts est le propre Fils de Dieu engendré
« éternellement du Père; l'Esprit quisema-
« nifeste en ce moment est la troisième per-
« sonne dans l'unique et divine essence. >
La Trinité, Tlncarnation, la Rédemption,
resplendissent aux yeux de ces disciples de
Moïse, les ombres s'effacent et font place au
jour radieux de la nouvelle alliance. Il est
temps que s'accomplisse la parole de Jean-
Baptiste au bord du Jourdain, cette parole
dont plusieurs des assistants ont gardé mé-
moire. « Au milieu de vous est quelqu'un que
« vous ne connaissez pas, dont je ne suis pas
« même digne de délier la chaussure. Moi,
I. I Cor. II, 8.
A Vêpres. 323
« je vous baptise dans l'eau ; mais lui vous
« baptisera dans le Saint-Esprit et dans le
« feu ^ D
Toutefois ce baptême de feu, c'est par l'eau
qu'il doit s'administrer. L'Esprit qui est feu
opère par l'eau, et il est appelé lui-même
« la fontaine d'eau vive d. L'antique prophète
Ezéchiel avait salué de loin cette heure so-
lennelle, lorsqu'il rendait en ces termes l'o-
racle divin : « Voici que je répandrai sur vous
« une eau pure, et vous serez lavés de toutes
« vos souillures, et je vous purifierai de tou-
« tes vos idoles. Et je vous donnerai un
« cœur nouveau, et je placerai au milieu de
« vous un esprit nouveau. Et j'ôterai de votre
« poitrine votre cœur de pierre, et je vous
« donnerai un cœur de chair. Et je placerai
« mon Esprit au milieu de vous, et je vous
« ferai marcher dans la voie de mes com-
« mandements. Et vous garderez ma loi
« sainte; et vous serez mion peuple, et je serai
« votre Dieu -. »
La prophétie était claire, et l'heure à la-
quelle l'Esprit arrivait était la même où l'eau
allait couler. Cet élément sur lequel planait
l'Esprit divin à la première origine de ce
monde, nous l'avons vu, dans l'Epiphanie,
recevoir au Jourdain le contact de la chair
sacrée du Verbe incarné, et la céleste colombe
unir son action sanctifiante à celle du Fils
de Dieu. Récemment nous vîmes la main
du Pontife, au Samedi saint, dans la con-
sécration de la fontaine baptismale, plonger
le cierge, type du Christ, dans les eaux, et
J. JOHAN. I, 26. — 2. EZECH. XXXVI. 25-28.
324 L^ Saint Jour de la Pentecôte.
nous l'entendîmes faire cette prière : « Qu'elle
(( descende dans cette fontaine, la grâce et la
« vertu de l'Esprit-Saint! » Aujourd'hui la
source purifiante répand ses eaux dans Jéru-
salem; la main de Pierre et celles de ses frè-
res plongent dans l'élément sacré ces fils
d'Israël, et trois mille hommes ont relevé un
front chrétien et régénéré. Qu'ils sont beaux,
ces ancêtres de notre foi, en qui nous véné-
rons les prémices de l'accomplissement des
prophéties! Plus beaux encore que les trois
Maçes que nous vîmes autrefois avec tant
de )oie descendre de leurs chameaux et pé-
nétrer dans retable, pour déposer aux pieds
du divin Roi des Juifs les offrandes mystiques
de l'Orient. Maintenant toute la série des
mystères est accomplie ; nous sommes rache-
tés, Jésus est assis à la droite de son Père,
et l'Esprit divin, envoyé par lui, vient de
nous arriver, et il doit demeurer avec nous
jusqu'à la fin des siècles. Voilà pourquoi les
sources des Sacrements sont ouvertes. A
cette heure, l'Esprit du Père et du Fils a
levé le premier des sceaux, et l'eau baptis-
male coule pour ne plus s'arrêter dans son
cours, jusqu'à ce qu'elle ait régénéré le der-
nier des chrétiens qui doit passer sur cette
terre. Mais le divin Esprit est le « Don du
Dieu Très-Haut f) ; les saints Apôtres sont en
possession de ce don fait aux hommes : ils
ne doivent pas le retenir pour eux. Un se-
cond sceau est donc levé, et le sacrement de
Confirmation fait descendre sur les néophy-
tes l'Esprit qui a éclaté dans le Cénacle. Par
la vertu qui est en eux, Pierre et ses frères,
pontifes de la loi nouvelle, communiquent
A Vêpres.
325
à ces hommes, dans le Saint-Esprit, la force
divine qui leur sera désormais nécessaire
pour confesser ce Jésus de Nazareth dont ils
sont pour jamais les heureux membres.
Mais ils ne sont pas assez divinisés encore,
ces nouveau-nés à la grâce céleste, marqués
déjà d'un double caractère; il leur reste à
communier au Christ, au divin instituteur
des Sacrements, au médiateur et rédemp-
teur qui a réuni Dieu et l'homme. Il faut
qu'un troisième sceau soit levé, que le sacer-
doce nouveau agissant pour la première fois
par les Apôtres, produise Jésus, le Pain de
vie, et que cette multitude saintement affa-
mée goûte cette manne qui ne nourrit pas
seulement le corps comme celle du désert,
« mais qui donne la vie au monde k » L'au-
guste Cénacle, tout embaumé encore du sou-
venir de la merveille que le Christ y opéra la
veille de sa Passion, revoit le sublime pro-
dige dont il fut témoin. Entouré de ses frè-
res, Pierre consacre le pain et le vin par les
paroles divines que sa bouche n'avait pas pro-
noncées encore, et l'opération de l'Esprit d'a-
mour produit entre ses mains le corps et le
san^de Jésus. Le Sacritice nouveau est inau-
guré, et désormais il sera offert chaque jour
jusqu'à la consommation des siècles. Les néo-
phytes s'approchent, et par les mains des
saints Apôtres ils entrent en possession de
l'aliment céleste qui consomme leur union
avec Dieu, par Jésus Pontife éternel selon
l'ordre de Melchisédech.
. Mais n'oublions pas en ce grand jour, à ce
I. JOHAN. VI, 33.
320 Le Saint Jour de la Pentecôte.
premier Sacrifice offert par Pierre, assisté de
ses collègues dans l'apostolat, la participation
de Marie à cette chair divine dont son sein
virginal a été la source. Embrasée des feux
de l'Esprit-Saint qui est venu confirmer en
elle cette maternité à l'égard des hommes que
Jésus lui confia sur la croix, elle s'unit dans
le mystère d'amour à ce fils bicn-aimé qui
s'en est allé aux cieux, et qui l'a chargée de
veiller sur son Eglise naissante. Désormais le
Pain de vie lui rendra son fils chaque jour,
jusqu'à ce qu'elle-même soit enlevée à son
tour dans les cieux pour jouir éternellement
de sa vue, recevoir ses caresses et lui prodi-
guer les siennes.
Quel ne fut pas le bonheur de ceux des
néophytes auxquels il fut donné, en cette
heureuse journée, d'approcher d'une si au-
£;uste reine, de la Vierge-Mère, à qui il avait
été donné de porter dans ses chastes flancs
celui qui était l'espérance d'Israël ! Ils con-
templèrent les traits de la nouvelle Eve, ils
entendirent sa voix, ils éprouvèrent le senti-
ment filial qu'elle inspire à tous les disciples
de Jésus. Dans une autre saison, la sainte Li-
turgie nous parlera de ces hommes fortunés;
nous ne rappelons en ce moment leur bon-
heur que pour montrer combien fut grande
et complète cette journée qui vit le commen-
cement de la sainte Eglise. La hiérarchie
sacrée apparut dans Pierre, Vicaire du Christ,
dans les Apôtres ses frères, dans les disciples
choisis par Jésus lui-même. La semence de la
Parole divine fut jetée dans la bonne terre,
eau baptismale régénéra l'élite des enfants
d'Israël, l'Esprit-Saint leur fut communiqué
A Vêpres.
327
dans sa force, le Verbe divin les nourrit de
sa chair qui est vraiment une nourriture et
de son sangqui est vraiment un breuvage i, et
Marie les' reçut à leur nouvelle naissance
dans ses bras maternels.
Unissons-nous maintenant à la sainte E-
glise, et chantons avec elle les louanges du
divin Esprit qui , descendu à l'heure de
Tierce, a rempli de tant de merveilles ce
premier jour où il débute dans sa divine mis-
sion.
L'Office des Vêpres s'ouvre par la procla-
mation du nombre quinquagénaire qui réu-
nit les deux Pentecôtes. L'Antienne nous
montre en même temps les disciples au Cé-
nacle dans l'attente de l'arrivée du Don pro-
mis.
Ant.
I ES jours de la
^ Pentecôte étaient
accomplis, et tous les disci-
ples se trouvaient réunis en
un même lieu, alléluia.
Aj,t. pUM comple-
\^ rentur dies
Pentecostes, erant omnes
pariter in eodem loco,
alléluia.
Le Psaume que l'Eglise chante sous cette
Antienne représente le triomphe du Christ
dans son Ascension. Il s'assied à la droite du
Père, et c'est de là que. Dieu et homme, il
consolide son règne sur la terre, en envoyant
aujourd'hui son Esprit pour habiter avec
nous jusqu'à ce que lui-même redescende,
vengeur de son Eglise, qu'il affranchira du
joug de ses ennemis, et emmènera avec lui
dans la gloire éternelle.
328 Le Saint Jour de la Pentecôte.
PSAUME cix.
DlxiT Dominus Dorai-
no mec : * Sede a
dextris meis.
Donec ponam inimicos
tuos : ' scabellum pedum
tuorum.
Virgam virtutis tuje
emittet Dominus ex
Sioa : * dominare in me-
dio inimicorum tuorum.
Tecura principium in
die virtutis tuas in splen-
doribus Sanctorum : * ex
utero ante luciferum ge-
nui te.
Juravit Dominus, et
non pœnitebit eum : * Tu
es Sacerdos in aeternum
secundum ordinem Mel-
chisedech.
Dominus a dextris tuis:
• confregit in die irae suae
reges.
Judicabit in nationi-
bus: implebit ruinas: *
conquassabit capita in
terra multorum.
De torrente in via bi-
bet: * propterea exalta-
bit caput.
CELUI ^iii est le Seigneu.
a dit à son Fils, mon
Seigneur : Asseyez-vous à
ma droite et rci^ne'^ jvec moi:
Jusqu'à ce que, ait jour Je
votre dernier avènement, je
fasse de vos ennemis l'esca-
beau de vos pieds.
O Christ ! le Seigneur
votre Père fera sortir de
Sien le sceptre de votre for-
ce ; c'est de là que vous parti-
rez pour dominer au milieu
de vos ennemis.
La principauté éclatera en
vous, au jour de votre force,
au milieu des splendeurs des
Saints ; car le Père vous a
dit: Je vous ai engendré de
mon sein avant l'aurore.
Le Seigneur l'a juré, et sa
parole est sans repentir ; il a
dit en vous parlant: Dieu-
Homme, vous êtes Prêtre à
jamais, selon l'ordre de Mel-
chisédech.
OPèrel le Seigneur ro/rc
Fils est donc à votre droite :
c'est lui qui, au jour de sa
colère, viendra juger les rois.
Il jugera aussi les nations :
dans cet avènement terrible, il
consommera la ruine du
monde, et brisera contre
terre la tète de plusieurs.
Il s'est abaissé pour boire
l'eau du torrent des afflic-
tions ; mais c'est pour cela
même qu'au jour de son triom-
phe il élèvera la tête.
A Vêpres.
32g
Ant. Les jours de la Pen-
tecôte étaient accomplis, et
tous les disciples se trou-
vaient réunis en un même
lieu, alléluia.
L'attente des disciples
prit divin est descendu
s'est pas borné à visiter
jourd'hui, c'est le mon
vient conquérir.
Ant. Cum corapleren-
tur dies Pentecostes,
erant omnes pariter in
eodem loco, alléluia.
a été comblée, l'Es-
sur eux, mais il ne
leurs âmes; dès au-
de tout entier qu'il
'Esprit du Sei-
neur a rempli la
terre entière, alléluia.
Ant.
Ant.''».
PIRITUS Do-
r^ mini replevit
orbem terraruin, alle-
Le second Psaume célèbre les bienfaits de
Dieu envers son peuple : l'alliance promise,
3ui se consomme aujourd'hui, la rédemption
e l'homme et la fidélité du Seigneur à ses
promesses. La mission du Saint-Esprit avait
été annoncée par les Prophètes et par Jésus
lui-même : le Seigneur a daigné dégager sa
parole en ce jour.
PSAUME ex.
JE VOUS louerai, Seigneur,
de toute la plénitude de
mon cœur, dans l'assemblée
des justes.
Grandes sont les œuvres
du Seigneur; elles ont lété
concertées dans les desseins
de sa sagesse.
Elles sont dignes de louan-
ges et magnifiques ; et la jus-
lice de Dieu demeure dans les
siècles des siècles.
Le Seigneur clément et
miséricordieux nous a laissé
CONFITEBOR tibi. Do-
mine, in toto corde
meo : * in concilio justo-
rum et congregatione.
Magna opéra Domini :
* exquisita in omnes vo-
luntates ejus.
Confessio et magnifi-
centia opus ejus : ' et jus-
titia ejus manet in sae-
culum sasculi.
Memoriam fecit mira-
bilium suorum, miseri-
33 0 Le Saint Jour de la Pentecôte.
cors et miserator Domi-
nus: * escam dédit ti-
mentibus se.
Memor erit in saecu-
lum testamenti sui : *
virtutem operum suorum
annuntiabit populo suo.
Ut det illis haeredita-
tem gentium :, * opéra
manuum ejus veritas et
judicium.
Fidelia omnia manda-
ta ejus, confirmata in sae-
culum sœculi : * facta in
veritateet aequitate.
Redemptionem misit
populo suo : * mandavit
m asternum testamentum
suum.
Sanctum et terribile
Nomen ejus : * initium
sapientiae tiraor Domini.
Intellectus bonus om-
nibus facientibus eum : *
laudatio ejus manet in
sasculum sœculi.
Ant. Spiritus Domini
replevit orbem terrarum,
alléluia.
un mémorial de ses merveil-
les; il est le Pain de vie, et il
a donné une nourriture à
ceux qui le craignent.
Il se souviendra à jamais
de son alliance avec les hom-
mes; il enverra son Esprit,
et fera éclater aux yeux de
son peuple la vertu de ses
œuvres.
Il donnera à son Eglise
l'héritage des nations : tout
ce qu'il fait est justice et vé-
rité.
Ses préceptes sont immua-
bles et garantis par la suc-
cession des siècles ; ils sont
fondés sur la vérité et la jus-
tice.
Il a envoyé à son peuple
un Rédempteur ; et par la
mission de l'Esprit divin il
rend son alliance éternelle.
Son Nom est saint et terri-
ble ; le commencement de la
sagesse est de craindre le
Seigneur.
La lumière et l'intelligence
sont pour celui qui agit se-
lon cette crainte: gloire et
louange à Dieu dans les siè-
cles des siècles !
Ant. L'Esprit du Seigneur
a rempli la terre entière, allé-
luia.
L'Esprit divin s'empare des disciples, il les
rend aptes à parler ; car c'est par la parole
qu'ils feront la conquête du monde.
Ant.
R
EPLETI sunt
omnes Spi-
Ant.
LS furent tous rem-
plis du Saint-Es-
A Vêpres.
33 1
prit, et ils commencèrent à 1 ritu Sancto, et cœperunt
parler, alléluia, alléluia. I loqui, alléluia, alléluia.
Le troisième Psaume chante la félicité de
l'homme juste et ses espérances. La lurnière
qui s'élance du sein des ténèbres, c'est Jésus,
le Fils éternel de Dieu; c'est ensuite l'Esprit-
Saint qui éclate tout à coup aujourd'hui. Le
pécheur qui s'irrite à la vue des dons de Dieu,
c'est le Juif incrédule qui ferme les yeux à la
lumière et repousse le divin Esprit, comme il
avait repoussé le Fils du Père céleste.
PSAUME CXI.
HEUREUX l'homme qui
craint le Seigneur, et
qui met tout son zèle à lui
obéir.
Sa postérité sera puissante
sur la terre: la race du juste
sera en bénédiction.
La gloire et la richesse
sont dans sa maison, et sa jus-
tice demeure dans les siècles
des siècles.
Une lumière s'est levée sur
les justes du milieu des ténè-
bres : c'est le Seigneur, le
Dieumiséricordieux, clément
et juste ; l'Esprit qui vient
renouveler la terre.
Heureux alors l'homme qui
a fait miséricorde, qui a
prêté au pauvre, qui a réglé
jusqu'à ses paroles avec jus-
tice 1 car il ne sera point
ébranlé.
La mémoire du juste sera
éternelle : s'il entend une
nouvelle fâcheuse, elle ne lui
donnera point à craindre.
BEATUS vir, qui timet
Dominum : * in man-
datis ejus volet nimis.
Potens in terra erit
semen ejus : * generatio
rectorum benedicetur.
Gloria et divitiae in
domo ejus : * et justifia
ejus manet in saeculum
sa£culi.
Exortum est in tene-
bris lumen rectis : * mi-
sericors, et miserator, et
justus.
Jucundus homo, 'qui
miseretur et commodat,
disponet sermones suos
in judicio : * quia in
aïternum non commove-
bitur.
In memoria aeterna
erit justus : * ab audi-
rione mala non timebit.
332 Le Saint Jour de la Pentecôte.
Paratum cor ejus spe-
rare in Domino, confir-
matum est cor ejus : •
non commovebitur donec
despiciat inimicos suos.
Dispersit, dédit pau-
peribus, justitia ejus ma-
net in saeculum saîculi : *
cornu ejus exaltabitur in
gloria.
Peccator videbit , et
irascetur, dentibus suis
fremet et tabescet : * de-
sidcrium peccatorum pe-
ribit.
Ant. Replcti sunt om-
nes Spiritu Sancto , et
cœperunt loqui, alléluia,
alléluia.
Dans son allégresse à la pensée des trois
mille néophytes de ce jour, la sainte Eglise
chante la fontaine d'eau vive que l'Esprit
divin a fait jaillir pour leur régénération;
elle nous les montre comme d'heureux
poissons qui s'agitent dans les ondes du sa-
lut.
Son cœur est toujours prêt
à espérer au Seigneur ; son
cœur est en assurance : il ne
sera point ému, et méprisera
la rage de ses ennemis.
Il a répandu l'aumône avec
profusion sur le pauvre : sa
justice demeurera à jamais,
sa force sera élevée en gloire.
Le pécheur le verra, et il
entrera en fureur ; il grin-
cera des dents et séchera de
colère : mais les désirs du
pécheur périront.
Ant. Ils furent tous rem-
plis du Saint-Esprit, et ils
commencèrent à parler, allé-
luia, alléluia.
Ant contes et
■ i omnia quas
moventur in aquis. hym-
num dicite Deo, alléluia.
ONTAINES et vous
tous qui vous
Ant. P
ébattez dans les eaux, chan
tez un cantique à Dieu, allé-
luia.
Le quatrième Psaume est un chant de
louange au Seigneur qui, du haut du ciel, a
pris pitié de la nature humaine, et qui, pour
la relever de l'abaissement où elle languis-
sait, lui a d'abord envoyé son propre Fils,
et aujourd'hui fait descendre vers elle son
divin Esprit.
A Vêpres.
333
PSAUME CXII.
SERVITEURS du Seigneur ,
faites entendre ses lou-
anges, célébrez le Nom du
Seigneur.
Que le Nom du Seigneur
soit béni, aujourd'hui et jus-
que dans l'éternité.
De l'aurore au couchant, le
Nom du Seigneur doit être à
jamais célébré.
Le Seigneur est élevé au-
dessus de toutes les nations ;
sa gloire est par delà les
cieux.
Qui est semblable au Sei-
gneur notre Dieu, dont la
demeure est dans les hau-
teurs ? C'est de là qu'il abaisse
ses regards sur les choses les
plus humbles dans le ciel et
sur la terre.
C'est de là qu'il soulève de
terre l'indigent ; qu'il élève
le pauvre de dessus son fu-
mier où il languissait,
Pour le placer avec les
princes , avec les princes
mêmes de son peuple.
C'est lui qui a fait habiter
pleine de joie dans sa maison
celle qui longtemps fut sté-
rile, et qui maintenant est
mère de nombreux enfants.
Ant. Fontaines et vous
tous qui vous ébattez dans les
eaux, chantez un cantique à
Dieu, alléluia.
T AUDATE, pueri, Domi-
i- num : * laudate No-
men Domini.
SitNomen Domini be-
nedictum : * ex hoc nunc
et usque in sasculum.
A solis ortu usque ad
occasum : * laudabile No-
men Domini.
Excelsus super omnes
gentes Dominus : * et su-
per cœlos gloria ejus.
Quis sicut Dominus
Deus noster, qui in altis
habitat : * et humilia
respicit in cœlo et in ter-
ra ?
Suscitans a terra in-
opem : * et de stercore
erigens pauperem.
Ut collocet eum cum
principibus : * cum prin-
cipibus populi sui.
Qui habitare facit ste-
rilem in domo : * ma-
trem filiorum laetantem.
Ant. Fontes et omnia
quae moventur in aquis,
nymnum dicite Deo, allé-
luia.
En ce grand jour, l'Esprit-Saint a conquis
334 Le Saint Jour de la Pentecôte.
le monde ; mais c'est par la parole des Apô-
tres qu'il s'en est rendu le maître, cette
parole d'une éloquence miraculeuse qu'il a
formée en eux, et à laquelle il a joint sa toute-
puissance.
Ax,^ I OQUEBANTUR
^^^- ^ variis lin-
guis Apostoli magnalia
Dei , alléluia, alléluia,
alléluia.
AvT L ^^ Apôtres par-
-^^^^ *" laient en di-
verses langues des merveilles
de Dieu, alléluia, alléluia,
cileluia.
Le cinquième Psaume rappelle d'abord la
première Pâque, la sortie de l'Egypte et les
prodiges qui l'accompagnèrent et la suivi-
rent. "On y voit ensuite les nations devenues
esclaves de leurs idoles ; mais aujourd'hui le
divin Esprit suscite des conquérants qui abat-
tront ces vains simulacres. La maison d'Israël
et la maison d'Aaron ne se vanteront plus
d'être les seules à servir le vrai Dieu. Ins-
truits par les hommes à la langue de feu,
tous les peuples acquerront la crainte du Sei-
gneur et espéreront en lui. Nous ne som^mes
plus au nombre de ces morts qui ne louent
pas Dieu ; mais nous vivons de la vie surna-
turelle que le Fils de Dieu a conquise pour
nous par sa Passion et par sa Résurrection,
et que l'Esprit-Saint fait pénétrer en nous
par le divin mystère de ce )Our.
PSAUME CXIII.
IN exitu Israël de jEgyp-
to : * domus Jacob de
populo barbaro.
Facta est Judaea sanc-
tificatio ejus : * Israël
potestas ejus.
tRSQUE Israël sortit d'E-
gypte, et la maison de
Jacob du milieu d'un peuple
barbare,
La nation juive fut consa-
crée à Dieu, Israël fut son
domaine.
A Vêpres.
335
La mer le vit et s'enfuit ;
le Jourdain remonta vers sa
source.
Les montagnes bondirent
comme des béliers , et les
collines comme des agneaux.
O mer, pourquoi fuyais-
tu ? Et toi, Jourdain, pour-
quoi remontais-tu vers ta
source ?
Montagnes, pourquoi bon-
dissiez-vous comme des bé-
liers ? Et vous, collines, com-
me des agneaux ?
A la face du Seigneur, la
terre a tremblé : à la face du
Dieu de Jacob,
Qui changea la pierre en
torrents, et la roche en fon-
taines.
Non pas à nous. Seigneur,
non pas à nous, mais à votre
Nom donnez la gloire,
A cause de votre miséri-
corde et de votre vérité, de
peur que les nations ne
disent : Où est leur Dieu ?
Notre Dieu est au ciel : il.
a fait tout ce qu'il a voulu.
Les idoles des nations ne
sontque de l'oretde l'argent,
et l'ouvrage des mains des
hommes.
Elles ont une bouche, et ne
parlent point; des yeux, et ne
voient point. ,
Elles ont des oreilles, et
n'entendent point; des nari-
nes, et ne sentent point.
Elles ont des mains, et ne
Mare vidit, et fugit : *
Jordanis conversus est
retrorsum.
Montes exsultaverunt
ut arietes : * et colles
sicut agni ovium.
Quid est tibi , mare ,
3uod fugisti : * et tu,
ordanis; quia conversus
es retrorsum ?
Montes exsultastis si-
cut arietes : * et colles
sicut agni ovium ?
A facie Domini mota
est terra : * a facie Dei
Jacob.
Qui convertit petram
in stagna aquarum : * et
rupem in fontes aqua-
rum.
Non nobis, Domine,
non nobis : * sed Nomi-
ni tuo da gloriam.
Super misericordia
tua, et veritate tua : *
nequando dicant gentes :
Ubi est Deus eorum ?
Deus autem noster in
cœlo : * omnia quascum-
que voluit, fecit.
Simulacra gentium ar-
gentum et aurum : * opéra
manuum hominum.
Os habent, et non lo-
quentur : * oculos habent,
et non videbunt.
Aures habent, et non
audien* : * nares habent,
et nonodorabunt.
Manus habent, et non
336 Le Saint Jour de la Pentecôte.
palpabunt ; pedes habent,
etnon ambulabunt : ' non
clamabunt in gutture
suo.
Similes illis fiant qui
faciunt ea : * et omnes
qui confidunt in eis.
Domus Israël spera-
vit in Domino : * adju-
tor eorum et protector
eorum est.
Domus Aaron speravit
in Domino : * adjutor eo-
rum, et protector eorum
est.
Qui timent Dominum
speraverunt in Domino :
* adjutor eorum, et pro-
tector eorum est.
Dominus memor fuit
nostri : * et benedixit
nobis.
Benedixit doraui Is-
raël : * benedixit domui
Aaron.
Benedixit omnibus qui
timent Dominum : * pu-
sillis cum majoribus.
Adjiciat Dominus su-
per vos : * super vos, et
super filios vestros
Benedicti vos a Domi-
no : * qui fecit cœlum et
terram.
Cœlum cœli Domino:
* terram autem dédit
fîliis hominum.
Non mortui laudabunt
te. Domine : * neq^e om-
nes qui descendunt in
infernum.
peuvent rien toucher ; des
pieds, et ne marchent point ;
un gosier, et ne peuvent se
faire entendre.
Que ceux qui les font leur
deviennent semblables, avec
tous ceux qui mettent en elles
leur confiance.
La maison d'Israël a espé-
ré dans le Seigneur: il est
leur appui et leur protecteur.
La maison d'Aaron a es-
péré dans le Seigneur : Il est
leur appui et leur protecteur.
Ceux qui craignent le Sei-
gneur ont espéré en lui : il
est leur appui et leur protec-
teur.
Le Seigneur s'est souvenu
de nous, et il nous a bénis.
Il a béni la maison d'Israël •.
il a béni la maison d'Aaron.
Il a béni tous ceux qui
craignent le Seigneur, grands
.et petits.
Que le Seigneur ajoute en-
core à ses dons sur vous, sur
vous et sur vos enfants.
Bénis soyez-vous du Sei-
gneur, qui a fait U ciel et la
terre !
Au Seigneur, les hauteurs
du ciel ; la terre est aux
hommes par sa largesse.
Ce ne sont pas les morts
qui vous loueront, 6 Sei-
gneur 1 ni tous ceux qui des-
cendent dans le sépulcre ;
A Vêpres.
337
Mais nous qui vivons, nous
bénissons le Seigneur , au-
jourd'hui et à jamais. ^
Ant. Les Apôtres par-
laient en diverses langues
des merveilles de Dieu, allé-
luia, alléluia, alléluia.
Sed nos qui vivimus.
benedicimus Domino : *
ex hoc nunc et usque in
sœculum.
Ant. Loquebantur va-
riis linguis Apostoli ma-
gnalia Dei, alléluia, allé-
luia, alléluia.
CAPITULE. (Act. II.
^V M complerentur
^-^ dies Pentecostes ,
erant omnes discipulipa-
riter in eodem loco : et
factus est repente de cœ-
lo sonus, tamquam ad-
venientis spiritus vehe-
mentis, et replevit totam
domum ubi erant se-
dentes.
L'Hymne est celle que nous avons déjà
chantée à Tierce, à l'heure même où le divin
Esprit descendit dans le Cénacle. La gran-
deur des pensées et l'onction du sentiment
forment le caractère de ce sublime cantique,
toujours nouveau et toujours inépuisable.
Tes jours de la Pentecôte
^ étant accomplis, et tous
les disciples se trouvant réu-
nis dans un même lieu, il se
fit tout à coup un grand
bruit, comme d'un vent impé-
tueux qui venait du ciel, et
qui remplit toute la maison
où ik étaient assis.
"\/enez , Esprit créateur ,
' visiter les âmes de vos
fidèles, et remplir de la grâce
céleste les cœurs que vous
avez créés.
Vous êtes appelé le Con-
solateur , le Don du Dieu
très-haut , la source d'eau
vive, le feu, l'amour, l'onc-
tion spirituelle.
Veni, Creator Spiritus,
Mentes tuorum visi-
ta,
Impie superna gratia
Quae tu creasti pectora.
Qui diceris Paraclitus,
Altissimi donuin Dei.
Fons vivus, ignis, cha-
ritas,
Et spiritalis unclio.
LE TEMPS PASCAL. — T. III.
338 Le Saint Jour de la Pentecôte.
Tu septiformis mune-
re,
Digitus Paternre dexte-
rae.
Tu rite promissum Pa-
tris,
Sermone ditans guttura.
Accende lumen sensi-
bus,
Infunde amorem cordi-
biis.
Infirma nostri corporis
Virtute firmans perpe-
ti.
Hostem repellas lon-
gius,
Paceraque dones proti-
nus :
Ductore sic te prœvio
Vitemus omne noxium.
Per te sciamus da Pa-
trem,
Noscamus atque Filium,
Teque utriusque Spiri-
tum •
Credamus omni tempore.
Deo Patri sit gloria,
Et Filio, qui a mortuis
Surrexit, ac Paraclito
In sxcuiorum snecula.
Âmen.
^ j OQUEBANTUR va-
' Lriislinguis Apos-
toli, alléluia,
Vf. Magnalia Dei, allé-
luia.
Versant sur nous vos sept
dons, vous êtes le doigt de la
main du Père ; promis solen-
nellement par lui aux hom-
mes, vous venez leur appor-
ter la puissance du langage.
Eclairez nos esprits de votre
lumière, versez l'amour dans
nos cœurs ; soutenez la fai-
blesse de notre corps par
votre incessante énergie.
Repoussez l'ennemi loin de
nous, hâtez-vous de nous don-
ner la paix ; marchez devant
nous comme notre chef, et
nous éviterons tout mal.
Faites-nous connaître le
Père et le Fils ; donnez-nous
la foi en vous qui procédez de
l'un et de l'autre.
Gloire soit à Dieu le Père ! '
Gloire soit au Fils ressuscité
des morts 1 Gloire au Para-
clet, dans les siècles des siè-
cles !
Amen.
^ j ES Apôtres parlaient
' ■ i- en diverses langues,
alléluia,
Vf. Des merveilles de Dieu,
alléluia.
A Vêpres.
33g
Vient ensuite le Cantique de Marie, partie
essentielle de l'Office du soir, accompagné
du solennel encensement de l'autel. L'accent
de cet hymne divin s'est enrichi encore. Ce
n'est plus seulement la Vierge portant en elle
le Fils éternel du Père que l'on entend épan-
cher les émotions de son âme ; c'est la Mère
de Dieu inondée des feux de l'Esprit-Saint,
et préparée pour le nouveau ministère qui
l'attend. Le cantique est harmonisé pour la
fête au moyen de la magnifique Antienne qui
le précède.
Ant. a
ujouRD HUi sont
accomplis les
jours de la Pentecôte, allé-
luia. Aujourd'hui l'Esprit-
Saint a apparu aux disciples
sous la forme du feu. et il a
répandu en eux les dons de
ses grâces. Il les a envoyés
dans le monde entier prêcher
et rendre témoignage. Celui
qui croira et sera baptisé sera
sauvé, alléluia.
Ant. W
ODIE com-
pleti sunt
dies Pentecostes, allé-
luia : hodie Spiritus Sanc-
tus in i'gne discipulis ap-
paraît, et tribuit eis cha-
rismatum dona : misit
eos in universum mun-
dum praedicare et testifi-
cari : qui crediderit et
baptizatus fuerit, salvus
erit, alléluia.
CANTIQUE DE MARIE.
MON âme glorifie le Sei-
gneur ;
Et mon esprit tressaille en
Dieu mon Sauveur, et en son
Esprit qui est descendu sur
moi.
Car il a regardé la bassesse
de sa servante ; et pour cela,
toutes les nations m'appelle-
ront bienheureuse.
Il a fait en moi de grandes
MAGNIFICAT : anima
mea Dominum.
Et exsultavit spiritus
meus : * in Dec salutari
meo.
Quia respexithumilita-
tem ancillae suae : * ecce
enira ex hoc beatam me
dicent omnes generatio-
nes.
Quia fecitmihi magna
340
Le Temps Pascal.
qui potens est : * et Sanc-
tum nomen ejus.
Et miserieordia ejus a
progenie in progenies :
timentibus eum.
Fccit potentiam in bra-
chio suo : * dispersit s.:-
perbos mente cordis sui.
Deposiiit potentes de
sede : * et exaltavit hu-
miles.
Esurientes implevit bo-
nis : * et divites dimisit
inanes.
Suscepit Israël puerum
suum : * recordatus mise-
ricordiae suae.
Sicut locutus est ad pa-
tres nostros : * Abraham
et semini ejus in sœcula.
Ant. Hodie completi
sunt dies Pentecostes, al-
léluia : hodie Spiritus
Sanctus in ignediscipulis
apparuit, et tribuit eis
charismatum dona : misit
eos in universum mundum
prœdicare et testificari :
qui crediderit et baptiza-
tus fuerit, salvus erit, al-
léluia.
choses, il m'a associée à toutes
ses œuvres, celui qui est puis-
sant et de qui le nom est
Saint ;
Et sa miséricorde s'étend
de génération en génération
sur ceux qui le craignent.
Il a opéré puissamment par
.son bras, et dispersé ceux qui
suivaient les orgueilleuses
pensées de leur cœur.
Il a mis à bas de leur trône
les puissants, et il a élevé les
humbles.
Il a rempli de biens ceux
qui avaient faim, et renvoyé
vides ceux qui étaient riches.
Il a reçu sous sa protection
Israël son serviteur, se sou-
venant de la miséricordieuse
promesse
Qu'il fit autrefois à nos
pères, à Abraham et à sa pos-
térité pour jamais.
Ant. Aujourd'hui sont ac-
complis les jours de la Pente-
côte, alléluia. Aujourd'hui,
l'Esprit-Saint a apparu aux
disciples sous la forme du feu,
et il a répandu en eux les
dons de ses grâces. Il les a
envoyés dans le monde entier
prêcher et rendre témoi-
gnage.Celui qui croira et sera
baptisé sera sauvé, alléluia.
ORAISON.
P^us, qui hodierna die
^^corda fideliura Sanc-
ti Spiritus illustratione
docuisti : da nobis in co-
ODlEU, qui avez éclairé
en ce jour les cœurs des
fidàles par la lumière du
Saint-Esprit, accordez-nous
Le Saint Jour de la Pentecôte. 341
par le même Esprit de goûter 1 dem Sçiritu recta sapere,
ce qui est bien, et de jouir et de ejus semper conso-
sans cesse de la consolation latione gaudere. Per Do-
dont il est la source. Par minum.
Jésus-Christ.
SELON notre usage, nous achèverons une si
sainte journée en réunissant, comme dans
un concert, les voix de toutes les Eglises
célébrant le glorieux mystère de la Pentecôte
chrétienne. Nous nous sommes unis à la sainte
Eglise Romaine dans tous les cantiques de ce
jour ; il nous faut enteridj-e maintenant la
voix de l'Eglise grecque. Saint Jean Damas-
cène est auteur de l'Hymne qui suit, et que
nous em-pruntons au Pentecostanon.
HYMNE.
AU sortir du nuage divin.
le prophète dont la lan-
gue était tardive promulgua
la loi écrite par le doigt de
Dieu ; guéri de son infirmité,
il avait contemplé de l'ceil de
l'âme celui qui est, et il célé-
bra dans de sacrés cantiques
la science de l'Esprit qu'il
avait reçn.
Le grave et auguste Maître
avait dit à ses disciples :
« Ne vous séparez point, ô
mes amis ! lorsque je serai
assis sur le trône sublime de
mon Père, je répandrai la
grâce infinie de l'Esprit dans
tout son éclat sur vous qui
désirez la connaître. »
DiviNA tectus tardilin-
guis nebula,
Eloquutus a Deo scrip-
tam legem :
Materia enim abjecta,
oculis mentis
Videre eum qui est discit,
Spiritus
Cognitionem laudans di-
vinis cantibus.
Dixit severum et vene-
randum os :
Divisio vobis non fiet, o
amici :
Ego enim ad paternum
excelsum thronum
ConsidenSjCfFundam Spi-
ritus -
Splendere desiderantibus
gratiam infinitam.
u^
Le Temps Pascal.
Terminus perfectus ve-
rissimum Verbum
Tranquillae formœ implet
cor :
Opère enim expleto, laeti-
ficavit amicos
Flalu violento, et ignis
glossematis
Dato Spiritu, Christus ut
pollicitus est.
Incomprehensibilis est
divinissimus princi-
patus.
Rhetores enim demons-
Iravit illitteratos,
Satis sophistas mu-
tire faciendo ser-
mone.
Et a profunda n^cte e\-
trahendo
Populos infinitos fulgiir
Spiritus.
Erat procedens ex in-
genita luce
Omnipotenter lucificus
incorruptusque
splendor.
Cujusper Filii paternam
substantiam.
Nunc manifestât cogna-
tam facem
Ignita vox in Sion gen-
tibus.
Balneum divinum re-
generationis,
Verbo miscens composi-
te natur^e.
Suppeditas mihi aquam
ex incorrupto
Sa carrière étant terminée,
le V^erbe, fidèle à sa promesse,
remplit leurs cœurs d'un doux
recueillement. Ayant achevé
son œuvre, il répand sur ses
amis d'abord un souffle vio-
lent, bientôt des langues en-
flammées ; lui le Christ, il
leur donne l'Esprit et dégage
ainsi sa parole.
Le pouvoir divin dépasse
toute borne ; de gens illettrés
il fait des orateurs, leur pa-
role réduira les sophistes au
silence, et semblable à un
éclair éblouissant, l'Esprit
enlèvera à leur nuit profonde
des peuples innombrables.
Cet Esprit tout-puissant,
splendide, incorruptible, pro-
cédait de la lumière incréée,
de la substance que le Père
transmet au Fils ; aujour-
d'hui, langue de feu dans
Sion, il manifeste aux nations
cette lumière qu'il puise dans
la divinité.
Et toi, ô Fils de Dieu qui
as réuni deux natures, tu
prépares le bain divin de la
régénération; l'eau d'un tel
bain s'est épanchée de ton
côté, ô Verbe, et l'ardeur
Le Saint Jour de la Pentecôte. 343
puissante de l'Esprit en est le
sceau.
Vous êtes les vrais servi-
teurs du Dieu souverain, vous
qui adorez l'essence trois fois
lumineuse. Le Christ met
aujourd'hui la dernière main
à son bienfait surnaturel,
envoyant pour notre salut
celui qu'exprime le feu, ver-
sant sur nous la grâce uni-
verselle de l'Esprit.
Enfants de l'Eglise, fils de
la lumière, recevez la rosée
enflammée de l'Esprit, et par
elle îa rémission et l'affran-
chissement de vos péchés ;
car aujourd'hui la loi est sor-
tie de Sion, la grâce du
Saint-Esprit, sous la forme
d'une langue de feu.
Autrefois on entendit un
concert d'instruments qui
conviait les hommes à adorer
la statue d'or inanimée ;
maintenant, c'est la grâce lu-
mineuse du Paraclet qui les
rend dignes de s'écrier : O
Trinité unique, égale en pou-
voir, sans commencement,
nous te bénissons.
Oubliant l'oracle du Pro-
Vulnerato tuo latere, o
Dei Verbum,
Sigillans fervore Spiri-
tus.
Servitis omnes divî-
nissimo principatui,
Quot servi estis trilumi-
nis substantiae :
Supernaturaliter enim
perficit ut benefac-
tor.
Et igneam for m a m
Christus dat in salu-
tem,
Totam porrigens gratiam
Spiritus.
Solubilem purgatio-
nem criminum,
Ignitum accipite Spiri-
tus rorem,
O fîlii luciformes Eccle-
sias :
Nunc enim ex Sion exi-
vit lex,
Igneas linguae forma ,
Spiritus gratia.
Concors clamavit ins-
trumentorum can-
tus.
Adorare auream inani-
mam imaginera :
Paracliti autem lucifera
gratia
Dignes facit ut clament :
O Trinitas sola,
.(Equipotens, sine prin-
cipio, bencdicta es.
V 0 c e m a Propheta
344
Le Temps Pascal.
dictam qui ignora-
runt,
Diccbant stulti, factam
a vino ebrietatem,
Loquclac pcregrinse au-
ditse sunt ut Aposto-
lorum.
Pii autem tibi clamamus
divinitus :
Novifice universi, bene-
dictus es,
Tertia quidem nacta
est horarum gra-
tiam,
Ut demonstraret , très
substantias
Adorare in simplicitatc
potestatis :
Sed in prima nunc die-
rum Dominica
Filius, Pater et Spiri-
tus, benedictus es.
phète, des insensés disaient
que l'ivresse des Apôtres était
produite par le vin ; on enten-
dait retentir tous les langages
étrangers ; pour nous, nous
n'avons qu'un cri : Toi qui
renouvelles divinement l'uni-
vers, sois béni.
L'heure de Tierce fut choi-
sie pour l'effusion d'une telle
grâce ; elle signifiait que l'on
devait adorer trois personnes
dans l'unité de puissance; en
ce jour du Dimanche, le pre-
mier des jours, ô Père, ô
Fils, ô Esprit, soyez béni.
à son tour. Les strophes suivantes si majes-
tueuses et si remplies de mystère remontent
au cinquième siècle. La tradition les attribue
à Moïse de Khorène, ou à Jean Matagouni.
CANON PRIM.E DIEI,
MissAcolumba descen-
dens magna? vocis
sonitu de excelsis ad si-
militudinem lucis, ful-
goris igné armavit sine
combustura discipulos,
dum adhuc sederent in
sacro ccenaculo.
LA colombe envoyée aux
hommes est descendue des
cieux, annoncée par un grand
bruit ; voilée sous l'emblème
d'une lumière éclatante, elle
a couvert d'une armure de
feu, sans qu'ils en fussent
brtjlés, les disciples qui
étaient encore assis dans le
sacré cénacle.
Le Saint Jour de la Pentecôte. 345
C'est la colombe immaté-
rielle, insondable, qui pénè-
tre les profondeurs de Dieu,
qui annonce le second et ter-
rible avènement, qui procède
du Père, et que Ton nous en-
seigne lui être consubstan-
tielle.
Gloire au plus haut des
cieux, à l'Esprit-Saint qui
procède du Père ! Les Apô-
tres ont été enivrés à son
calice immortel, et ils ont
invité la terre à s'unir au
ciel.
Esprit divin et vivifiant,
rempli de bonté pour les hom-
mes, tu as éclairé par les lan-
gues de feu ceux qui étaient
rassemblés par le lien d'un
mutuel amour ; c'est pourquoi
nous célébrons aujourd'hui
ton avènement sacré.
Les saints Apôtres ont été
comblés de délices à ton arri-
vée ; en parlant diverses lari-
gues ils ont attiré des disci-
ples qu'aucun lien n'aurait
réunis ; c'est pourquoi nous
célébrons aujourd'hui ton
avènement sacré.
Tu t'es servi d'eux pour
embellir, par le saint et spi-
rituel baptême, la terre en-
tière : tu l'as couverte de vê-
tements nouveaux d'une blan-
cheur éclatante ; c'est pour-
quoi nous célébrons aujour-
d'hui ton avènement sacré.
Toi qui reposes sur le char
des chérubins, Esprit-Saint,
tu es descendu aujourd'hui
Immaterialis columba,
inscrutabilis, quas scru-
tatur profunda Dei, quae
accipiens a Pâtre, renun-
tiat terribilem alterum
adventum, quamque prœ-
dicarunt consubstantia-
lem.
Laus in altissimis pro-
cedenti a Pâtre Spiritui
Sancto. per quem Apos-
toli inebriati sunt im-
mortali calice, et invita-
runt terram ad cœlum.
Vivificator Deus, hu-
mane Spiritus, congre-
gatos unanimi amore il-
luminnsti igneis linguis;
quapropter nos quoque
hodie celebramus adven-
tum tuum sanctum.
Delectati sunt tuo ad-
ventu sancti Apostoli,
accersitis insimul disper-
sis ab invicem multiso-
nis linguis ; quapropter
nos quoque hodie cele-
bramus adventum tuum
sanctum.
Spiritali sancto bap-
tismate, exornasti per eos
terrarum orbem in vesti-
bus pellucidis ac in no-
vis amictibus ; quaprop-
ter nos quoque hodie ce-
lebramus adventum tuum
sanctum.
Qui incherubico curru
quiescis, hodie descen-
disti de cœlis in chorum
346
Le Temps Pascal.
Apostolorum , Sancte
Spiritus: benedictus es,
rex immortalis.
Qui graderis super
pennas ventorura, hodie
m igneis linguis divisus
quicvisti in Apostolis,
Sancte Spiritus : bene-
dictus es, rex immortalis.
Qui curam habes in
providentia tuarum crea-
turarum, hodie venisti
ad firmandam Ecclesiam
tuam. Sancte Spiritus :
benedictus es, rex im-
mortalis.
La Liturgie ambrosienne nous donne cette
belle Préface qui, dans sa concision, réunit
tous les mystères de la Pentecôte.
des cieux sur le chœur apos-
tolique: sois béni, roi immor-
tel !
Toi qui t'avances sur l'aile
des vents, Esprit-Saint, tu
t'es partagé en langues de
feu, et tu t'es reposé sur les
Apôtres : sois béni, roi im-
mortel !
Toi qui prends soin de
toutes les créatures dans ta
providence, Esprit-Saint, tu
es venu aujourd'hui pour af-
fermir ton Eglise: sois béni,
roi immortel !
2nQUUM et salutare ,
/t nos in hac praecipua
festivitate gaudere, qua
sacratissimura Pascha
quinquaginta d i e r u m
mysteriis tegitur, etmys-
ticus numeru? adimplc-
tur, et dispersio lingua-
rum, quns dudum per
superbiam in confusione
facta fucrat, nunc per
Spiritum Sanctum adu-
natiir. Hodie enim de
cœlis repente sonum au-
dientes Apostoli unius
fidei symbolum excepc-
runt, et linguis variis
Evangelii tui gloriam
cunctis gentibus tradide-
IL est Juste et salutaire que
nous nous laissions aller à
la joie, en cette illustre so-
lennité qui vient ajoutera la
Pâque sacrée le mystère des
cinquante jours et compléter
ainsi le nombre mystique.
C'est pareillement en ce jour
que la division des langues,
qui avait été opérée autre-
fois pour humilier l'orgueil,
fait place maintenant à leur
réunion par le Saint-Esprit.
C'est aujourd'hui que les
Apôtres, après avoir enten-
du soudain un bruit qui ve-
nait du ciel, ont reçu le sym-
bole de la foi unique, et par-
lant diverses langues, ont
Le Saint Jour de la Pentecôte. 84-;
révélé à toutes les nations la runt. Per Christum Do-
gloire de votre Evangile. Par minum nostrum.
le Christ notre Seigneur.
L'Eglise gothique d'Espagne procède avec
son abondance et son enthousiasme accoutu-
més, dans cette magnifique Illation que nous
fournit son Missel mozarabe.
IL est juste et raisonnable,
ô Dieu tout-puissant, que
nous célébrions, dans la fai-
blesse de notre nature, vos
dons et vos bienfaits, et que
chaque année nous honorions
particulièrement la mémoire
de celui que vous avez dai-
gné nous faire aujourd'hui
pour notre éternel salut. Qui
oserait garder le silence sur
l'arrivée de votre Esprit-
Saint, en ce jour où pas une
seule langue des nations bar-
bares n'est oubliée pnr vos
Apôtres? Mais qui pourrait
raconter dignement le mys-
tère de ce feu qui descend
aujourd'hui, et les idiomes de
tous les peuples inspirés aux
disciples, en sorte que le La-
tin et l'Hébreu, le Grec et
l'Egyptien, le Scythe et l'In-
dien, s'exprimant dans une
langue qui leur était incon-
nue, n'altèrent en rien l'i-
diome qui leur est étranger,
et entendent parler sans al-
tération celui qui leur est
propre? Qui pourrait dé-
crire le divin pouvoir qui
DIGNUM et justum est,
omnipotens Deus.
pro possibilitate carnali
munerum tuorum béné-
ficia contiteri, et indul-
tum hodierno die donum
salutis asternœ anniver-
saria semper commemo-
ratione celebrare. Ete-
nim pro adventu Spiri-
tus tui Sancti tacere quis
audeat ? cum omnis per
Apostolos tuos etiam
gentium barbararum lin-
gua non taceat. Quis
enim enarrare valet hu-
jus hodierno die ignis
illapsum, sic distributa
discipulis geneca uni-
versa linguarum ; ut nec
Latinus Hebraeo, nec
GrEecus '^Egyptio, nec
Scytha Indo , propria
dum quisque et pere-
grina audiens loquitur
iingua, detrimentum vel
alienigeni fecerit, vel sui
senserit intellectus?
Quaque virtute sit ac-
tum, quod dicentis veri-
tatis prœconibus per spa-
348
Le Temps Pascal.
tia immensa terrarum
unius atquc indivisibilis
dortum doctrina; coelestis
pro potestate voluntnria
partiretur? Nihil agens
unitati fidci dissonum,
quamvis multiplicis
scientia distributione
pulcherrimurn, et multi-
moda mirificumexstiterit
varietate sermonum. Os-
tendens qaod confessioni
dominicre non impedit
diversitas linguas, nec
interestquod vario quis
sermone fateatur, dum-
modo unus sit ille qui
creditur.
Obsecramus igitur,
Domine, ut hase nostra
confessio de cordibus fi-
liorumpromissionis emis-
sa, tibi Pater gloriae,
semper accepta sit, et
ad speranda ac prome-
renda ea quœ tuis lîdeli-
bus promisisti, sensus
nostros divini Spiritus
int'usione benedicas at-
que sanctifiées. Effusa
etenim ad nostram in-
dulgenliam tuae gloriœ
largitate inter innumera
dona atque opéra San-
cti Spiritus, nihil subli-
mius Ecclesiîe exordiis
collatam fuisse cognos-
cimus. quam ut prœco-
nium Evangelii tui ora
linguis universarum gen-
tium loquerentur. Et hoc
non nisi Sancti Spiritus
vient à son gré répandre sur
ceux qui devront prêcher la
vérité parlante par toute la
terre, le don d'une doctrine
céleste, une et indivisible ?
Ni la science ainsi distribuée
dans la plus riche variété,
ni la diversité merveilleuse
des langages, n'enlèvent rien
à l'unité de la foi. Nous ap-
prenons ici que la dissem-
blance des idiomes n'arrête
en rien la louange du Sei-
gneur, et que peu importe la
langue dont on se sert, si le
même Dieu est l'objet d'une
même foi.
Nous vous supplions donc,
Seigneur, Père de la gloire,
d'agréer notre confession qui
s'élève vers vous du cœur des
enfants de la promesse. Dai-
gnez par l'infusion du divin
Esprit, bénir et sanctifier nos
âmes, les renJant capables
d'espérer et de mériter la ré-
compense que vous avez pro-
mise à vos fidèles. Dans l'ef-
fusion que votre munificence
pleine de gloire a faite pour
notre salut, entre les oeuvres
et les dons de votre Esprit-
Saint, nous ne voyons rien
de plus sublime, à l'origine
de l'Eglise, que la prédica-
tion de votre Evangile ac-
complie par des bouches qui
parlaient les langues de
toutes les nations. Un tel
prodige ne pouvait être pro-
duit que par la grâce de l'Es-
Le Saint Jour de la Pentecôte. 34g
prit-Saint, qui est venu à
nous sept semaines après la
glorieuse Résurrection de
votre Fils, montrant ainsi
que s'il est septiforme, toutes
ses puissances se concen-
trent dans une harmonieuse
unité, et de même que sept
est à part dans les nombres,
ainsi sept se retrouve en cha-
cun d'eux. De là les sept de-
grés de votre temple par les-
quels nous entrons au royau-
me des cieux. De là la cin-
quantième année, celle de
la rémission si célèbre dans
les mystères de la loi. C'est
le fruit de la moisson nou-
velle qu'il nous est com-
mandé d'offrir aujourd'hui.
II est avant tous les siècles,
il est éternel; mais pour nous
il est devenu nouveau, quand
il nous a apparu.
Ce n'est pas non plus sans
mystère qu'un tel don est
répandu sur nous le dixième
jour après l'Ascension de
votre Fils ; nous y reconnais-
sons ce denier promis par le
père de famille aux ouvriers
de la vigne. Il nous fallait ce
signe imposant de votre di-
vine bonté qui s'est montrée
lorsque la forme des langues
apparaissant en feu sur les
têtes des disciples, elle fit
produire aux cœurs des
croyants ces nouveaux ac-
tui gratia révélante, qui
nobis post Resurrectionis
Filii tui gloriam. trans-
actis septem hebdoma-
dibus venit : ostendens
quod etsi septiformis est,
tamen in uno gradu om-
nium concordantium sibi
virtutum summa consis-
tit. Ac sicut septem
unum in numeris est, sic
septem inveniuntur in
singulis. Hi sunt sine
dubio septem gradus
templi tui, per quos ad
cœlorum régna conscen-
ditur. Hic est quinqua-
gesimus remissionis an-
nus olim in legis tropo-
logiis prœdicatus. Hic
est fructus messis novae,
qui hodie mandatur of-
ferri. Qui licet ante om-
nia sœcula semper ^ter-
nus sit : tamen nobis
quum ionotuit, tune no-
vus effectus est.
Nec illud sine myste-
rio esse significans, quod
post Ascensionem Filii
tui décima nobis die hoc
munus infunditur, os-
tendens quod cultoribus
vineœ hic esset a patre-
familias denarius repro-
missus. Magnum autem
et pras omnibus necessa-
rium fuit hoc tibi divini
muneris signum, quod
quum super capita dis-
cipulorum ignea cons-
cendisset forma lingua-
35 o
Le Temps Pjscal.
rum, de cordibus cre-
dentium nec dissonum
aliquid faceret prodire
nec tepidum ; sed prje-
dicatorcs Verbi tui et
intellif,fentia essent una-
nimes, et charitate fer-
ventes. O ignis exurendo
fœcundans. Hune igitur
omnipotentem esse Do-
minum omnis intellec-
tualis creatura vivifica-
tione fatetur, cujus etiam
Chérubin et Séraphin,
ferventes copiosius igné,
speciali ejus vocabulo
sanctitatis divins magni-
ficantes aequalitatem at-
que omnipotentiam Tri-
nitatis, requiem non ha-
bentes, nec tali unquam
officio lassescentes, cœ-
lestium exercituum prœ-
cinentibus choris, pe-
renni jubilatione décan-
tant, adorant atque ma-
gnificant, ita dicentes :
S.mctus ! S.victus ! Sanc-
tiis !
cents dans lesquels ne parais-
sait rien de dis«onant ni de
tiède. Prédicateurs de votre
Verbe, on les vit unanimes
dans l'intelligence et em-
brasés de charité. O feu qui
brûles et fécondes en même
temps ! toute créature éclai-
rée par le principe de vie
confesse que ce feu est le
Sciorneur tout-puissant. C'est
lui dont l'ardeur embrase les
Chérubins et les ardents Sé-
raphins désignés par son
nom, et qui glorifiant avec
transport l'égalité de la sain-
teté divine et la loute-puis-
sancc de la Trinité, n'ont pas
de repos, et sans jamais se
lasser chantent, adorent et
glorifient dans une jubilation
éternelle, disant en commun
ûvcc les chœurs des armées
célestes : Saint ! Saint !
Saint !
Le moyen âgé des Eglises latines a célébré
le mystère de la Pentecôte dansde magnifiques
Séquences. Nous en insérons quelques-unes
dans le cours de l'Octave. Aujourd'hui nous
reproduisons celle qui fut longtemps attribuée
au pieux roi Robert. Cette pièce intéressante,
dont Notkcr est le véritable auteur, a disparu
des Missels romains-français au xvii* siècle,
et on l'y a remplacée par la Séquence romaine,
Veni, Sancte Spiritus. Nous avons pensé que
Le Saint Jour de la Pentecôte. 35 1
l'on ne devait pas laisser périr ce noble can-
tique dont parlent nos anciens chroniqueurs,
et que tous les historiens modernes confon-
dent à l'envi avec la Séquence du Missel
romain, qui n'a dans sa composition et dans
son rythme aucun rapport avec les Séquences
du xr siècle.
SEQUENCE.
QUE la grâce de l'Esprit-
Saint daigne nous assis-
ter !
Qu'elle fasse de nos cœurs
son habitation,
Qu'elle en expulse les vices
de notre esprit.
O vous qui éclairez les
hommes, Esprit plein de
bonté,
Chassez les sombres ténè-
bres qui attristent notre âme.
Vous qui êtes l'ami des
sages pensées, bon et saint,
Répandez votre onction
dans nos âmes.
O Esprit, c'est vous qui
nous purîliez de tous nos pé-
chés.
SANCTi Spiritus
Adsit nobis gratia.
Quae corda nostra
Sibi faciat
Habitaculum.
Expulsis inde
Cunctis vitiis
Spiritalibus.
Spiritus aime,
Illustrator hominum.
Horridas
Nostrae mentis
Purga tencbras.
Amator sancte
Sensatorum
Semper cogitatuum.
Infunde unctionem tu-
am
Clemens nostris sensi-
bus.
Tu purificator
Omnium flagitiorum,
Spiritus.
35 2
Le Temps Pascal.
Purifica nostri oculum
Interioris hominis.
Ut vidcri
Supremus Genitor
Possit a nobis.
Mundi cordis,
Quetn soli cernere
Possunt oculi.
Prophetas tu inspiras-
ti.
Ut praeconia Christi
Praecinuissent inclyta.
Apostolos confortasti,
Uti tropaeum Chris-
ti
Per totum orbem vehe-
rent.
Quando machinam
Per Verbum suum
Fecit Deus
Cœli, terrae, marium.
Tu super aquas,
Foturus eas,
Numea tuum expandis-
ti,
'^ Spiritus.
Tu animabus
Vivificandis
Aquas fœcundas.
Tu aspirando,
Das spiritales
Esse homines.
Tu divisum
Purifiez en nous l'œil de
l'homme intérieur,
Afin que nous puissions un
jour contempler le Père su-
prême,
Qu'il n'^est donné de voir
qu'à ceux qui ont le cœur
pur.
C'est vous qui avez inspiré
les Prophètes, et leur avez
fait célébrer d'avance les lou-
anges du Christ.
Vous avez fortifié les Apô-
tres pour élever le trophée
du Christ par le monde en-
tier.
Lorsque Dieu, pat son
Verbe, créa le ciel, la terre
et la mer.
Vous fîtes planer votre di-
vinité sur les eaux pour les
féconder, ô Esprit 1
Maintenant vous donnez à
ces eaux la vertu de vivifier
les âmes.
Votre souffle rend les hom-
mes spirituels.
Le monde divisé en diver-
Le Saint Jour de la Pentecôte. 353
ses langues et en divers cul-
tes, vous l'avez réuni en un
seul, ô Seigneur !
O Docteur rempli de bonté,
c'est vous qui avez rappelé
les idolâtres au culte du vrai
Dieu.
Daignez donc , Esprit-
Saint, exaucer nos supplica-
tions.
Sans vous toutes nos priè-
res seraient vaines et indi-
gnes de monter jusqu'à l'o-
reille de Dieu.
C'est vous qui, par vos di-
vines caresses, avez instruit
et dirigé les saints dans tous
les siècles, ô Esprit !
Décorant aujourd'hui les
Apôtres de dons nouveaux
et inconnus aux âges précé-
dents,
Vous avez rendu ce jour
glorieux à jamais.
Amen.
Per linguas mundum
et ritus
Adunasti, Domine.
Idololatras
Ad cultum Dei revocas,
Magistrorum optime.
Ergo nos
Supplicantes tibi
Exaudi propitius,
Sancte Spiritus.
Sine quo preces om-
nes
Cassae creduntur,
Et indignae Dei auribus.
Tu qui
Omnium saeculorum san-
ctos
Tui numinis docuisti in-
stinctu
Amplectendo,
Spiritus.
Ipse hodie
Apostolos Christi
Donans munere insolito,
Et cunctis inaudito
Saeculis,
Hune diem
Gloriosura fecisti.
Amen.
^4^
^'^
LE TEMPS PASCAL.
iXlA. ttlA CX^ ctlA ftlA CtlA ftlA ctiA CTi^k ctlA ftlA ftlA
LES DONS DU SAlNl-ESPRll
ous devons exposer durant toute
cette semaine les divines opérations
du Saint-Esprit dans l'Eglise et dans
l'âme du fidèle ; mais il est néces-
saire d'anticiper dès aujourd'hui sur l'en-
seignement que nous aurons à présenter.
Sept journées nous sont données pour étu-
dier et connaître le Don suprême que le
Père et le Fils ont daigné nous envoyer, et
l'Esprit qui procède des deux se manifeste
en sept manières dans les âmes. Il est donc
juste que chacun des jours de cette heureuse
semaine soit consacré à honorer et à recueil-
lir ce septénaire de bienfaits par lequel doi-
vent s'opérer notre salut et notre sanctifi-
cation.
Les sept Dons du Saint-Esprit sont sept
énergies qu'il daigne déposer dans nos âmes,
lorsqu'il y pénètre par la grâce sanctifiante.
Les grâces actuelles mettent en mouvement
simultanément ou séparément ces puissances
divinement infuses en nous, et le bien sur-
naturel et méritoire de la vie éternelle est
produit avec l'acquiescement de notre vo-
lonté.
Le prophète Isaïe, conduit par l'inspiration
divine, nous a fait connaître ces sept Dons
dans le passage où décrivant l'opération de
l'Esprit-Saint'sur l'âme du Fils de Dieu fait
Les Dons du Saint- Elprit. 355
homme, qu'il nous représente comme la fleur
sortie de la branche virginale issue du tronc
de Jessé, il nous dit: «-Sur lui reposera l'Es-
« prit du Seigneur, l'Esprit de Sagesse et
« d'Intelligence, l'Esprit de Conseil et de
« Force, l'Esprit de Science et de Piété; et
« l'Esprit de Crainte du Seigneur le rem-
« plira 1. » Rien de plus mystérieux que
ces paroles; mais on sent que ce qu'elles
expriment n'est pas une simple énumération
des caractères du divin Esprit, mais bien la
description des effets qu'il opère dans l'âme
humaine. Ainsi l'a compris la tradition chré-
tienne énoncée dans les écrits des anciens
Pères, et formulée par la théologie.
L'humanité sainte du Fils de Dieu incarné
est le type surnaturel de la nôtre, et ce que
l'Esprit-Saint a opéré en elle pour la sancti-
fier doit en proportion avoir lieu en nous. Il
a déposé dans le fils de Marie les sept éner-
gies que décrit le Prophète; les mêmes Dons
en même nombre sont préparés à l'homme
régénéré. On doit remarquer la progres-
sion qui se manifeste dans leur série. Isaïe
énonce d'abord l'Esprit de Sagesse, et s'ar-
rête en descendant à l'Esprit de Crainte
de Dieu. La Sagesse est en etfet, ainsi que
nous le verrons, la plus haute des préroga-
tives à laquelle puisse être élevée l'âme
humaine, tandis que la Crainte de Dieu,
selon la profonde expression du Psalmiste,
n'est que le commencement et l'ébauche de
cette divine qualité. On comprend aisément
que l'âme de Jésus appelée à contracter l'u-
I. ISAI. XI, 2, 3.
356 Le Saint Jour de la Pentecôte.
nion personnelle avec le Verbe divin ait été
traitée avec une dignité particulière, en sorte
que le Don de la Sagesse ait dû être infus en
elle d'une manière primordiale, et que le
Don de la Crainte de Dieu, qualité nécessaire
à une nature créée, n'ait été mis en elle
que comme un complément. Pour nous au
contraire, fragiles et inconstants que nous
sommes, la Crainte de Dieu est la base de
tout l'édifice, et c'est par elle que nous nous
élevons de degré en degré jusqu'à cette
Sagesse qui unit" à Dieu. C'est donc dans l'or-
dre inverse à celui qu'a posé Isaie pour le
Fils de Dieu incarné, que l'homme monte à
la perfection au moyen des Dons de l'Esprit-
Saint qui lui ont été conférés dans le Baptême,
et qui lui sont rendus dans le sacrement de la
réconciliation, s'il a eu le malheur de perdre
la grâce sanctifiante par le péché mortel.
Admirons avec un profond respect l'au-
guste septénaire qui se trouve empreint dans
toute l'œuvre de notre salut et de notre sanc-
tification. Sept vertus rendent l'âme agréable
à Dieu; par ses sept Dons, l'Esprit- Saint la
conduit à sa fin ; sept Sacrements lui com-
muniquent les fruits de l'incarnation et de
la rédemption de Jésus-Christ; enfin, c'est
après sept semaines écoulées depuis la Pàque,
que le divin Esprit est envoyé sur la terre
Êour y établir et y consolider le règne de
lieu. Nous ne nous étonnerons pas après
cela que Satan ait cherché à parodier sacri-
lègemcnt l'œuvre divine, en lui opposant
l'affreux septénaire des péchés capitaux, par
lesquels il s'efforce de perdre l'homme que
Dieu veut sauver.
Le Don de Crainte. 35 j
LE DON DE CRAINTE.
L'obstacle au bien en nous est l'orgueil.
C'est l'orgueil qui nous porte à résister
à Dieu, à mettre notre fin en nous-mêmes, en
un mot à nous perdre. L'humilité seule
peut nous sauver d'un si grand péril. Qui
nous donnera l'humilité? l'Esprit-Saint, en
répandant en nous le Don de la Crainte de
Dieu.
Ce sentiment repose sur l'idée que la foi
nous donne de la majesté de Dieu, en pré-
sence duquel nous ne sommes que néant, de
sa sainteté infinie, devant laquelle nous ne
sommes qu'indignité et souillure, du juge-
ment souverainement équitable qu'il doit
exercer sur nous au sortir de cette vie, et
du danger d'une chute toujours possible, si
nous manquons à la grâce qui ne nous
manque jamais, mais à laquelle nous pou-
vons résister.
Le salut de l'homme s'opère donc « dans la
« crainte et le tremblement », comme l'ensei-
gne l'Apotre 1 ; mais cette crainte, qui est un
don de l'Esprit-Saint, n'est pas un senti-
ment grossier qui se bornerait à nous jeter
dans répouvante à la pensée des châtiments
éternels. Elle nous maintient dans la com-
ponction du cœur, quand bien même nos
péchés seraient depuis longtemps pardon-
nés; elle nous empêche d'oublier que nous
sommes pécheurs, que nous devons tout à
la miséricorde divine, et que nous ne sommes
encore sauvés qu'en espérance 2.
1. Philip. II, 12. — 2. Rom. viii, 24.
358 Le Saint Jour de la Pentecôte.
Cette crainte de Dieu n'est donc pas une
crainte servilc; elle devient au contraire la
source des sentiments les plus délicats. Elle
peut s'allier avec l'amour, n'étant plus qu'un
sentiment filial qui redoute le péché à cause
de l'outrage qu'il fait à Dieu. Inspirée par
le respect "de la majesté divine, par le sen-
tirnent de la sainteté infinie, elle met la
créature à sa vraie place, et saint Paul
nous enseigne qu'ainsi épurée, elle contri-
bue à « l'achèvement de la sanctification i. »
Aussi entendons-nous ce grand apôtre, qui
avait été ravi jusqu'au troisième ciel, con-
fesser qu'il est rigoureux envers lui-même
t afin de n'être pas réprouvé -. »
L'esprit d'indépendance et de fausse liberté
qui règne aujourd'hui contribue à rendre
plus raVe la crainte de Dieu, et c'est là une
des plaies de notre temps. La familiarité avec
Dieu tient trop souvent la place de cette
disposition fondamentale de la vie chré-
tienne, et dès lors tout progrès s'arrête,
l'illusion s'introduit dans l'âme, et les divins
Sacrements, qui au moment d'un retour à
Dieu avaient opéré avec tant de puissance,
deviennent à peu près stériles. C'est que le
Don de Crainte a été étouffé sous la vaine
complaisance de l'âme en elle-même. L'humi-
lité s'est éteinte; un orgueil secret et univer-
sel est venu paralyser" les mouvements de
cette âme. Elle arrive, sans s'en douter, à ne
plus connaître Dieu, par cela même qu'elle
ne tremble plus devant lui.
Conservez donc en nous, ô divin Esprit,
I. II Cor. VII, I. — 2. I Cor. ix, 27.
Le Don de Crainte. 35g
le Don de la Crainte de Dieu que vous avez
répandu en nous dans notre baptême. Cette
crainte salutaire assurera notre persévérance
dans le bien, en arrêtant les progrès de l'es-
prit d'orgueil. Qu'elle soit donc comme un
trait qui traverse notre âme de part en part,
et qu'elle y reste toujours fixée comme notre
sauvegarde. Qu'elle abaisse nos hauteurs,
qu'elle nous arrache à la mollesse, en nous
révélant sans cesse la grandeur et la sainteté de
celui qui nous a créés et qui doit nous juger.
Nous savons, ô divin Esprit, que cette
heureuse crainte n'étouffe pas l'amour; loin
de là, elle enlève les obstacles qui l'arrête-
raient dans son développement. Les Puis-
sances célestes voient et aiment avec ardeur
le souverain Bien, elles en sont enivrées pour
l'éternité; cependant elles tremblent devant
sa majesté redoutable, tremunt Potestates.
Et nous, couverts des cicatrices du péché,
remplis d'imperfections, exposés à mille piè-
ges, obligés de lutter contre tant d'ennemis,
nous ne sentirions pas qu'il nous faut stimu-
ler par une crainte forte, et en même temps
filiale, notre volonté qui s'endort si aisément,
notre esprit que tant de ténèbres assiègent !
Veillez sur votre oeuvre, ô divin Esprit ! pré-
servez en nous le précieux don que vous avez
daigné nous faire ; apprenez-nous à concilier
la paix et la joie du cœur avec la crainte
de Dieu, selon cet avertissement du Psal-
miste : « Servez le Seigneur avec crainte, et
« tressaillez de bonheur en tremblant devant
« lui 1. »
I. Psalm. II, II.
LE LUNDI DE LA PENTECOTE.
VENI Sancte, Spiritus,
reple tuorum corda
fidelium, et tui amoris in
eis ignem accende.
VENEZ, Esprit-Saint ; rem-
plissez les cœurs de vos
fidèles, et allumez en eux le
feu de votre amour.
|iER l'Esprit-Saint a pris posses-
sion du monde, et ses débuts
dans la mission qu'il a reçue
du Père et du Fils ont annoncé
sa puissance sur les cœurs, et
ont préludé avec éclat à ses
conqu^îtes futures. Nous allons suivre respec-
tueusement sa marche et ses opérations sur
cette terre qui lui a été confiée; la succession
des jours d'une si solennelle Octave nous
permettra de signaler tour à tour ses œuvres
dans l'Eglise et dans les âmes.
Jésus,' notre Emmanuel, est le Roi du
monde; il a reçu de son Père les nations en
héritage L II nous a déclaré lui-mcme que
« toute puissance lui a été donnée au ciel et
sur la terre -. » Mais il est monté au ciel
avant que son empire fût établi ici-bas. Le
I. Psalm. II, 8. — 2. Matth. xxviii, i8.
Le Lundi de la Pentecôte. 36 1
peuple d'Israël lui-même auquel il a fait.en-
tendre sa parole, sous les yeux duquel il a
opéré les prodiges qui attestaient sa mission,
ce peuple l'a renié et a cessé d'être son peu-
ple 1. Quelques-uns de ses membres seule-
ment l'ont accepté et l'accepteront encore ;
mais la masse d'Israël confirme le cri sacri-
lège de ses pontifes : « Nous ne voulons pas
ce que celui-là règne sur nous ^. »
La gentilité est tout aussi éloignée d'accep-
ter le fils de Marie pour son maître. Elle
ignore profondément sa personne, sa doc-
trine, sa mission. Les traditions antiques
de la religion primitive se sont graduelle-
ment effacées. Le culte de la matière a en-
vahi le monde civilisé comme le monde bar-
bare, et l'adoration est prodiguée à toute créa-
ture. La morale est altérée jusque dans ses
sources les plus sacrées et les plus inviola-
bles, La raison s'est obscurcie chez cette
minorité imperceptible qui se fait gloire du
nom de philosophes; « ils se sont évanouis
« dans leurs pensées, et leur cœur insensé
« s'est aveuglé 3. » Les races humaines déraci-
nées ont été mêlées successivement par la
conquête. Tant de bouleversements n'ont
laissé chez les peuples que l'idée de la force,
et le colossal empire romain dominé par
César pèse de tout son poids sur la terre.
C'est le moment que le Père céleste a choisi
pour envoyer son Fils en ce monde. Il n'y a
pas place pour un roi des intelligences et des
cœurs; et cependant il faut que Jésus règne sur
les hommes et que son règne soit accepté.
I. Dan. IX, 26. — 2. Luc. xix, 14. — 3. Rom. i, 21.
302 Le Temps Pascal.
Eh attendant, un autre maître s'est pré-
senté, et les peuples l'ont accueilli avec accla-
mation. C'est Satan, et son empire est si
fortement établi que Jésus lui-même l'appelle
le Prince de ce monde. Il faut qu'il soit « jeté
dehors • »; il s'agit de le chasser de ses tem-
ples, de l'expulser des mœurs, de la pensée,
de la littérature, des arts, de la politique;
car il possède tout. Ce n'est pas seulement
l'humanité dépravée qui résiste ; c'est le fort
armé qui la regarde comme son domaine, et
qui ne cédera pas devant une force créée.
Tout est donc contre le règne du Christ, et
rien pour lui. Que sert à l'impiété moderne
de dire, contre l'évidence des faits, que le
monde était prêt pour une si complète révo-
lution ? Comme si tous les vices et toutes les
erreurs étaient une préparation à toutes les
vertus et à toutes les vérités! comme s'il suf-
fisait à l'homme vicieux de sentir le mal-
heur, pour comprendre que son malheur
vient de ce qu'il est dans le mal, pour se
résoudre à devenir tout d'un coup, et au prix
de tous les sacrifices, un héros de vertu 1
Non, pour que Jésus régnât sur ce monde
pervers, il fallait un miracle et le plus grand
de tous les miracles, un prodige qui, comme
le dit Bossuet, n'a de terme de comparaison
qu'avec l'acte créateur qui a fait sortir les
êtres du néant. Or, ce prodige, qui l'a fait,
sinon le divin Esprit? C'est lui-même qui a
voulu que nous qui n'avons pas vu le Sei-
gneur Jésus, nous fussions rendus aussi cer-
tains de sa nature divine et de sa mission
I. JOHAN. XII, 3i.
Le Lundi de la Pentecôte. 363
de Sauveur, que si nous eussions été témoins
de ses miracles et auditeurs de ses enseigne-
ments. C'est dans ce but qu'a été opéré ce
prodige des prodiges, cette conversion du
monde, dans laquelle « Dieu a choisi ce
« qu'il y avait de plus faible dans le monde
« pour renverser ce qui était fort, ce qui
« n'était pas pour détruire ce qui était i. »
C'est dans ce fait immense et plus lumineux
que le soleil, que l'Esprit-Saint a rendu sa pré-
sence visible, qu'il s'est affirmé lui même.
Voyons par quels moyens il s'y est pris
pour assurer le règne de"^ Jésus sur le monde.
Retournons d'abord au Cénacle. Considérez
ces hommes revêtus maintenant de la Vertu
d'en haut. Qu'étaient-ils tout à l'heure? Des
gens sans influence, de condition vile, sans
lettres, d'une faiblesse connue. N'est-il pas
vrai que l'Esfirit-Saint en a fait tout à coup
des hommes éloquents et du plus haut cou-
rage, des hommes que le monde connaîtra
bientôt, et qui remporteront sur lui une vic-
toire devant laquelle pâliront les triomphes
des plus glorieux conquérants? Il faut bien
que l'incrédulité l'avoue, le fait est par trop
évident: le monde a été transformé, et cette
transformation est l'œuvre de ces pauvres juifs
du Cénacle. Ils ont reçu le Saint-Esprit en ce
jour de la Pentecôte, et cet Esprit a accompli
par eux tout ce qu'il avait à accomplir.
Il leur a donné trois choses en ce jour: la
parole figurée par les langues, l'ardeur de
l'amour r'eprésentée par le feu, et le don des
miracles -qu'ils exercent tout aussitôt. La
1. I Cor. I, 27.
364 Le Temps Pascal.
parole est le glaive dont ils sont armés, l'a-
mour est l'aliment du courage qui leur fera
tout braver, et par le miracle ils forceront
l'attention des hommes. Tels sont les moyens
devant lesquels le Prince du monde sera ré-
duit à capituler, par lesquels le règne de
l'Emmanuel s'établira dans son domaine, et
ces moyens procèdent tous de l'Esprit-Saint.
Mais il ne borne pas là son action. Il ne
suffit pas que les hommes entendent retentir
la parole, qu'ils admirent le courage, qu'ils
voient des prodiges. Il ne suffit pas qan'ils en-
trevoient la splendeur de la vérité, qu'ils
sentent la beauté de la vertu, qu'ils recon^
naissent la honte et le crime de leur situation.
Pour arriver à la conversion du cœur, pour
reconnaître unDieudansce Jésusqu'onvaleur
prêcher, pour l'aimer et se vouer à lui dans
le baptême et jusqu'au martyre, s'il le faut,
il est nécessaire que le Saint-Esprit inter-
vienne. Lui seul, comme parle le Prophète,
peut enlever de leur poitrine le cœur de pierre
et y substituer un cœur de chair capable
d'éprouver le sentiment surnaturel de la foi
et de l'amour. L'Esprit divin accompagnera
donc partout ses envoyés ; à eux l'action vi-
sible, à lui l'action invisible; et le salut pour
l'homme résultera de ce concours. Il faudra que
l'une et l'autre action s'exercent sur chaque
individu, que la liberté de chaque individu ac-
quiesce et se rende à la prédication extérieure
de l'apôtre et à la touche intérieure de l'Esprit.
Certes, c'est un grand œuvre d'entraîner la race
humaine à confesser Jésus son seigneur et roi ;
la volonté perverse résistera longtemps; mais
qu'il s'écoule seulement trois siècles, et le
Le Lundi de la Pentecôte. 365
monde civilisé se rangera autour de la croix
du Rédempteur.
Il était juste que l'Esprit-Saint et ses en-
voyés s'adressassent d'abord au peuple de
Dieu. Ce peuple « avait reçu en dépôt les
« divins oracles 1 » ; il avait fourni le sang de
la rédemption. Jésus avait déclaré qu'il était
envoyé « pour les brebis perdues de la mai-
« son d'Israël -. » Pierre, son vicaire, devait
hériter de cette gloire d'être l'Apôtre du peu-
ple circoncis 3 ; bien que la gentilité, en la
personne de Corneille le Centurion, dût être
par lui introduite dans l'Eglise, et l'éman-
cipation des gentils baptisés proclamée par
lui dans l'assemblée de Jérusalem. Mais
l'honneur était dû d'abord à la famille d'A-
braham, d'Isaac et de Jacob; voilà pourquoi
notre première Pentecôte est juive, pourquoi
nos premiers ancêtres en ce jour sont juifs.
C'est sur la race d'Israël que l'Esprit-Saint
répand d'abord ses dons inetfables.
Voyez-les maintenant partir de Jérusalem
ces juifs qui ont reçu la parole, et dont le
saint baptême a fait de véritables enfants
d'Abraham. La solennité passée, ils retour-
nent dans les provinces de la gentilité qu'ils
habitent, portant dans leurs cœurs Jésus qu'ils
ont reconnu pour le Messie roi et sauveur.
Saluons ces prémices de la sainte Eglise, ces
trophées de l'Esprit divin, ces porteurs de la
bonne nouvelle. Ils ne tarderont pas à voir
arriver les hommes du Cénacle qui se tourne-
ront vers les gentils,après l'inutile sommation
faite à l'orgueilleuse et ingrate Jérusalem.
I. Rom. III, 2. — 2. Matth. XV, 24. — 3. Gai. 11, 7.
366
Le Temps Pascal.
Une faible minorité dans la nation juive a
donc consenti à reconnaître le fils de David
pour l'héritier du Père de famille; la masse
est demeurée rebelle et court obstinément à
sa perte. Comment qualifier son crime?
Etienne, le Protomartyr, nous l'apprend. S a-
dressant à ces indignes fils d'Abraham :
0 Hommes à la tête dure, leur dit-il, cœurs et
« oreilles incirconcis, vous résistez continuel-
« lement au Saint-Esprit K » Un si coupable
refus d'obéir chez la nation privilégiée donne
le signal de la migration des Apôtres vers la
gentilité. L'Esprit-Saint ne les quitte plus, et
c'est désormais sur les peuples assis dans les
ombres de la mort qu'il va épancher les tor-
rents de la grâce que Jésus a mérités aux
hommes par son Sacrifice sur la croix.
Ils s'avancent, ces porteurs de la parole de
vie, vers les régions païennes. Tout s'arme
contre eux, mais ils triomphent de tout.
L'Esprit qui les anime féconde en eux ses
dons. Il agit en même temps sur les âmes de
leurs auditeurs, la foi en Jésus se répand avec
rapidité; et bientôt Antioche, puis Rome,
puis Alexandrie, voient s'élever en leur sein
une population chrétienne. La langue de feu
parcourt le monde; elle ne s'arrête même
pas aux limites de l'empire romain, prédes-
tiné, selon les divins Prophètes, à servir de
base à l'empire du Christ. Les Indes, la
Chine, l'Ethiopie et cent peuples lointains en-
tendent la voix des Evangélistes de la paix.
Mais il ne leur faut pas seulement rendre
témoignage par la parole à la royauté de
Le Lundi de la Pentecôte. 36 j
leur Maître; ils lui doivent aussi le témoi-
gnage du sang. Ils ne seront pas en retard.
Le feu qui les embrasa au Cénacle les con-
sume dans l'holocauste du martyre.
Admirons ici la puissance et la fécondité du
divin Esprit. A ces premiers envoyés il fait
succéder une génération nouvelle. Les noms
sont changés, mais l'action continue et conti-
nuera jusqu'à la fin des temps, parce qu'il faut
que Jésus soit reconnu sauveur et maître de
l'humanité, et que l'Esprit-Saint a été envoyé
pour opérer cette reconnaissance sur la terre.
Le Prince de ce monde, « l'ancien ser-
pent 1 », s'agite avec violence pour arrê-
ter les conquêtes des envoyés de l'Esprit. Il
a crucifié Pierre, tranché la tête à Paul, im-
molé leurs compagnons; mais lorsque ces
nobles chefs ont disparu, son orgueil est sou-
mis à une épreuve plus dure encore. C'est un
peuple entier qu'a produit le mystère de la
Pentecôte; la semence apostolique a germé
dans des proportions immenses. La persécu-
tion de Néron a pu abattre les chefs juifs du
nouveau peuple; mais voici maintenant la
fentilité elle-même établie dans l'Eglise,
jnsi que nous le chantions hier en triom-
phe, « l'Esprit du Seigneur a rempli la terre
« entière 2. » Nous voyons, dès la fin du pre-
mier siècle, le glaive de Domitien sévir jus-
que sur les membres de la famille impériale.
Bientôt les Trajan, les Adrien, les Antonin,
les Marc-Aurèle, épouvantés du compétiteur
Jésus de Nazareth, s'élancent sur son trou-
I. Apoc. xiî, 9. — 2. Introït de la fête de la Pentecôte
tiré du livre de la Sagesse.
368 Le Temps Pascal.
peau ; mais c'est en vain. Le Prince du
monde les avait armes de la politique et de
la philosophie; TEsprit-Saint dissout tous
ces faux prestiges, et la vérité s'étend tou-
jours plus sur la surface du monde. A ces
sages succèdent des tyrans forcenés, un Sé-
vère, un Décius, un Gallus, un Valérien, un
Aurélien, un Maximien; le carnage s'étend
à tout l'empire, parce que les chrétiens y
sont partout. Enfin l'etfort suprême du
Prince du monde est dans l'effroyable persé-
cution décrétée par Dioclétien et les farou-
ches Césars qui partagent le pouvoir avec
lui. Ils avaient résolu l'extermination du
christianisme, et ce sont eux-mêmes qui,
après avoir répandu des torrents de sang,
s'affaissent dans le désespoir et l'ignominie.
Qu'ils sont magnifiques vos triomphes, ô
divin Esprit ! qu'il est surhumain l'empire
du Fils de Dieu, lorsque vous l'établissez
ainsi à rencontre de toutes les résistances
de la faiblesse et de la perversité humaines,
à la face de Satan dont le règne semblait
pour jamais consolidé sur la terre! Mais vous
aimez le futur troupeau du Rédempteur, et
vous répandez dans des millions d'àmes l'at-
trait pour une vérité qui exige de si redou-
tables sacrifices. Vous renversez les prétex-
tes d'une vaine raison par des prodiges in-
nombrables, et échauffant ensuite par l'a-
mour ces cœurs arrachés à la concupiscence
et à l'orgueil, vous les envoyez pleins d'un
enthousiasme tranquille au-devant de la mort
et des tortures.
Alors s'accomplit la promesse que Jésus
avait faite pour le moment où ses fidèles
Le Lundi de la Pentecôte. 36g
comparaîtraient devant les ministres du
Prince du monde. Il avait dit : « Ne prenez
« pas la peine de réfléchir sur la manière
« dont vous parlerez et sur ce que vous di-
« rez. A l'heure même, vous sera donné ce
« que vous aurez à dire ; car ce ne sera pas
« vous-mêmes qui parlerez, mais ce sera l'Es-
« PRIT de votre Père qui parlera en vous i. »
Nous en pouvons juger encore en lisant les
limmortes Actes de nos martyrs, en suivant
ces interrogatoires et ces réponses simples et
sublimes qui s'échappent du milieu même
des tourments. C'est la voix de l'Esprit, la
parole de l'Esprit qui lutte et qui triomphe.
Les assistants s'écriaient: « Il est grand, le
« Dieu des chrétiens! » et plus d'une fois
on vit les bourreaux, séduits par une si di-
vine éloquence, se déclarer eux-mêmes les
disciples d'un Dieu si puissant, et se ranger
soudain parmi les nobles victimes qu'ils dé-
chiraient tout à l'heure. Nous savons par
les monuments contemporains que l'arène
du martyre fut la tribune de la foi, et que
le sang des martyrs, joint à la beauté de leur
parole, fut la semence des chrétiens.
Après trois siècles de ces merveilles du di-
vin Esprit, la victore fut complète. Jésus était
reconnu Roi et Sauveur du monde, docteur
et rédempteur des hommes ; Satan était ex-
pulsé du domaine qu'il avait usurpé, le po-
lythéisme dont il fut l'auteur était remplacé
par la foi en un seul Dieu, et le culte igno-
ble de la matière n'était plus qu'un objet de
honte et de mépris. Or, une telle victoire qui
I. Matth. X, 20.
LE TEMPS PASCAL. — T, III, 24
3jo Lundi de la Pentecôte.
eut d'abord pour théâtre l'empire romain
tout entier, et qui n'a cesse de s'étendre, de
siècle en siècle, à tant d'autres nations infi-
dèles, est l'œuvre du Saint-Esprit. La ma-
nière miraculeuse dont elle s'est accomplie
contre toutes les prévisions humaines est l'un
des principaux arguments sur lesquels re-
pose notre foi. Nous n'avons pas vu de nos
yeux, nous n'avons pas entendu de nos
oreilles le Seigneur Jésus; mais nous le con-
fessons pour notre Dieu, à cause du témoi-
gnage que lui a rendu si visiblement l'Esprit-
Saint qu'il nous a envoyé. Soient donc a ja-
mais à ce divin Esprit gloire, reconnaissance
et amour de la part detoute créature ! car il
nous a mis en possession du salut que notre
Emmanuel nous avait apporté.
A LA MESSE.
LA Station est aujourd'hui dans la Basilique
de Saint-Pierre-aux-Liens. Cette église,
appelée aussi la Basilique d'Eudoxie, du nom
de l'impératrice qui l'éleva, garde précieuse-
ment les chaînes dont saint" Pierre fut lié à
Jérusalem par l'ordre d'Hérode, et à Rome
par l'ordre de Néron. La réunion du peuple
fidèle en son enceinte aujourd'hui rappelle
merveilleusement la force dont l'Esprit-Saint
revêtit les Apôtres au jour de la Pentecôte.
Pierre s'est laissé lier pour le service de son
maître Jésus, et il s'est fait honneur de ses
liens. Cet apôtre qui avait tremblé à la voix
d'une servante, ayant reçu le don de l'Esprit-
Saint, est allé au-devant des chaînes. Le
A la Messe.
3?
Prince du monde a cru qu'il pourrait enchaî-
ner la divine parole; mais cette parole était
libre jusque dans les fers.
L'Introït, formé des paroles de David, fait
allusion aux néophytes qui viennent d'être
baptisés, et sont là présents avec leurs robes
blanches. Au sortir de la fontaine, ils ont été
nourris de pain de vie qui est la fine fleur du
divin froment. On leur a donné à goûter la
douceur du miel qui procède de la pierre.
Or la Pierre est le Christ, nous dit l'Apôtre i,
et le Christ a admis Simon, fils de Jonas, à
l'honneur de participer à ce noble symbole.
Il lui a dit: « Tu es Pierre », et les chaînes
sacrées qui sont là montrent assez avec quelle
fidélité Simon a compris qu'il devait s'attacher
à la suite de son Maître. Le même Esprit qui
l'a fortifié dans la lutte repose maintenant
sur les néophytes de la Pentecôte.
DIEU les a nourris de la
fleur du froment, alléluia:
il les a rassasiés d'un miel
sorti de la pierre, alléluia,
alléluia, alléluia.'
Ps. Livrez-vous à la joie
en Dieu notre protecteur :
chantez avec transport les
louanges du Dieu de Jacob.
Gloire au Père. Dieu les a
nourris.
CIBAVIT eos ex adipe
frumenti, alléluia;
et de petra, melle satu-
ravit eos, alléluia, allé-
luia, alléluia.
Ps. Exsultate Deo ad-
jutori nostro : jubilate
Deo Jacob. Gloria Patri.
Cibavit.
Dans la Collecte, la sainte Eglise rappelle
la descente du Saint-Esprit sur les Apôtres, et
remerciant Dieu qui a daigné répandre le
1. 1 Cor. X, 4.
3^2
Lt Lundi de la Pentecôte.
don de la foi dans les nouveaux chrétiens,
elle implore pour eux celui de la paix que
Jésus ressuscité apporta à ses disciples.
ORAISON.
DEUS, qui Apostolis
tuis Sanctum dedis-
li Spiritum : concède
plebi tuae piœ petitionis
efFectum ; ut quibus de-
tiisti fidem largiaris et
pacem. Per Dominum.
O
Dieu, qui avez donné
le Saint-Esprit à vos
Apôtres, accordez à votre
peuple l'objet de son humble
prière, et donnez aussi la
paix à ceux que vous avez
favorisés du don de la toi.
Par Jésus-Christ.
Lectio Actuum Aposto-
lorum. Cap. x.
IN diebus illis : Ape-
riens Petrus os suum
dixit : Viri fratres, no-
bis praecepit Dominus
praedicare populo, et tes-
tificari quia ipse est, qui
constitutus est a Deo Ju-
dex vivorum et mortuo-
rum. Huic omnes pro-
phetaî testimonium per-
hibent, remissionem pec-
catorumaccipereper No-
men ejus omnes qui cre-
dunt in eum. Adhuc lo-
quente Petro verba hxc,
cecidit Spiritus Sanctus
super omnes qui audie-
bant verbum. Et obstu-
puerunt ex circumcisione
fidelesqui vénérant cum
Pelro : quia et in nationes
gratia Spiritus Sancti
effusa est. Audiebant
Lecture des Actes des Apô-
tres. Chap. X.
EN ces jours-là, Pierre,
ouvrant la bouche, dit :
Mes frères, le Seigneur nous
a commandé de prêcher au
peuple, et de témoigner que
c'est Jésus qui a été établi
de Dieu pour être le juge des
vivants et des morts. Tous
les prophètes lui rendent ce
témoignage, que quiconque
croira en lui, recevra par son
Nom la rémission de ses pé-
chés". Pierre parlait encore,
lorsque le Saint-Esprit des-
cendit sur tous ceux qui
écoutaient la parole. Et les
fidèles circoncis, qui étaient
venus avec Pierre, furent
frappés d'étonnement, en
voyant que la grâce du Saint-
Esprit se répandait aussi sur
les Gentils ; car ils les enten-
daient parler diverses lan-
A la Messe.
373
eues, et glorifier Dieu. Alors
Pierre dit : Peut-on refuser
l'eau à ceux qui ont déjà
reçu comme nous le Saint-
iLsprit ? Et il commanda
qu'on les baptisât au nom du
Seigneur Jésus-Christ.
enim illos loquentes lin-
guis, et magnificantes
Deum. Tune respondit
Petrus : Numquid aquam
quis prohibere potest, ut
non baptizentur hi, qui
Spiritum Sanctum acce
perunt sicut et nos ? Et
jussit eos baptizari in no-
mine Domini Jesu Chris-
ti.
r^E passage du livre des Actes des Apôtres
est d'une haute éloquence en un tel jour
et en un tel lieu, Pierre, le vicaire du Christ,
est en présence des chrétiens sortis de la Sy-
nagogue; sous leurs yeux sont réunis plu-
sieurs hommes de la gentilité que la grâce a
conduits, par la prédication de Pierre, à
reconnaître Jésus pour le Fils de Dieu.
L'Apôtre est arrivé au moment solennel où
il doit ouvrir la porte de l'Eglise aux gentils.
Pour ménager la susceptibilité des anciens
juifs, il en appelle à leurs prophètes. Qu'ont-
ils dit, ces prophètes ? Ils ont annoncé que
tous ceux, sans exception, qui croiraient en
Jésus recevraient la rémission de leurs pé-
chés par son Nom. Tout à coup l'Esprit-Saint
interrompt l'Apôtre, il décide la question en
fondant, comme au jour de la Pentecôte, sur
ces gentils humbles et croyants. Les signes
de sa présence en eux arrachent un cri d'é-
tonnement aux chrétiens circoncis. « C'en
« est donc fait, s'écrient-ils ; la grâce du Saint-
ce Esprit estdonc aussi pour les Gentils ! » Alors
Pierre, avec toute l'autorité de Chef de l'E-
glise, décide la question. « Oserions-nous
« refuser le baptême à des hommes qui ont
3^4
Le Lundi de la Pentecôte.
« reçu l'Esprit- Saint comme nous l'avons
« reçu nous-mêmes? » Et sans attendre la
réponse, il donne Ordre de conférer immé-
diatement le baptême à ces heureux caté-
chumènes.
Une telle lecture, au sein de Rome centre
de la gentilité, dans une Basilique dédiée à
saint Pierre, en présence de ces néophytes si
récemment initiés aux donsde l'Esprit-Saint
par le Baptême, offrait un à-propos qu'il
nous est aisé de sentir. Puisons-y en même
temps un profond sentiment de reconnais-
sance envers le Seigneur notre Dieu qui a
daigné appeler nos pères du sein de l'infidé-
lité, et nous associer après eux aux faveurs
de son divin Esprit.
L LLELUIA, alléluia.
A LLELUIA,
alléluia.
^. Loquebantur variis
linguis Apostoli magna-
lia Dei.
Alléluia.
f. Veni, Sancte Spi-
ritus, reple tuorum cor-
da fidelium : et tui amo-
ris in eis ignem accende.
f. Les Apôtres publiaient
en diverses langues les mer-
veilles de Dieu.
Alléluia.
t. Venez , Esprit-Saint ,
remplissez les cœurs de vos
fidèles, et allumez en eux le
feu de votre amour.
La Séquence Veni, Sancte Spiritus, ci-des-
sus, page 3i3.
EVANGILE.
Sequeniia sancti Evan-
gelii secundum Johan-
nem. Cap. m.
IN illo tempore : Dixit
Jésus Nicodemo : Sic
Dcus dilexit mundum,
La suite du saint Evangile
selon saint Jean. Chap. m.
EN ce temps-là, Jésus dit à
Nicodème : Dieu a aimé
le monde jusqu'à donner son
A la Messe.
3-75
Fils unique, afin que quicon-
que croira en lui ne périsse
pas, mais qu'il ait la vie éter-
nelle. Car Dieu n'a pas en-
voyé son Fils dans le monde
pour juger le monde, mais
afin que le monde soit sauvé
par lui. Qui croit en lui n'est
pas jugé ; mais qui ne croit
pas est déjà jugé, parce qu'il
ne croit pas au nom du Fils
unique de Dieu. Et voici le
motif du jugement : C'est que
la lumière est venue dans le
monde, et que les hommes
ont mieux aimé les ténèbres
que la lumière, parce que
leurs œuvres étaient mauvai-
ses. Car quiconque fait le
mal, hait la lumière, et il ne
s'approche point de la lu-
mière, de peur que ses œuvres
ne soient convaincues de mal.
Mais celui qui fait selon la
vérité, vient à la lumière,
afin que ses œuvres soient
manifestées, parce qu'elles
sont faites en Dieu.
ut Filium suumUnigeni-
tum daret : ut omnis qui
crédit in eum, non pe-
reat, sed habeat vitam
aeternam. Non enim mi-
sit Deus Filium suura
in mundum, ut judicet
mundum, sed ut salve-
tur mundus per ipsum.
Qui crédit in eum, non
judicatur : qui autem non
crédit, jam judicatus est:
quia non crédit in nomi-
ne Unigeniti Filii Dei.
Hoc est autem judicium :
quia lux venit in mun-
dum, et dilexerunt homi-
nes magis teneb'ras quam
lucem : erant enim eo-
rum mala opéra. Omnis
enim, qui maie agit,
odit lucem, et non venit
ad lucem, ut non arguan-
tur opéra ejus : qui au-
tem facit veritatem, venit
ad lucem, ut manifesten-
tur opéra ejus, quia in
Deo sunt facta.
LE Saint-Esprit crée la foi dans nos âmes,
et par la toi nous obtenons la vie éter-
nelle ; car la foi n'est pas l'adhésion à une
thèse rationnellement démontrée, mais une
vertu qui procède de la volonté fécondée
par la grâce. Au temps où nous vivons, la foi
devient rare. L'orgueil de l'esprit est monté
à son comble, et la docilité de la raison aux
enseignements de l'Eglise fait défaut chez un
grand nombre. On se croit chrétien et Catholi-
que, et en même temps on ne se sent pas dis-
^76
Le Lundi de la Pentecôte.
posé à renoncera ses idées en toute simplicité,
si elles étaient désapprouvées par l'autorité
qui seule a le droit de nous diriger dans la
croyance. On se permet des lectures impru-
dentes, quelquefois mcme mauvaises, sans
s'inquiéter si l'on contrevient à des défenses
sacrées. On fait peu pour arriver à une ins-
truction sérieuse et complète sur les choses
de la religion, en sorte que l'on conserve
dans son esprit, comme un poison caché,
beaucoup d'idées hétérodoxes qui ont cours
dans l'atmosphère que l'on respire. Souvent
il arrive qu'un homme compte parmi les ca-
tholiques, et remplit les devoirs extérieurs de
la foi par principe d'éducation, par tradi-
tion de famille, par une certaine disposition
naturelle du cœur ou de l'imagination. Il est
triste de le dire, plusieurs aujourd'hui pensent
avoirla foi, et elle est éteinte en eux.
Cependant la foi est le premier lien avec
Dieu; c'est parla foi, nous dit l'Apôtre, que
l'on approche de Dieu^, et qu'on lui demeure
attaché. Telle est l'importance de la foi, que
le Seigneur vient de nous dire que « celui qui
C( croit n'est pas jugé. » En effet, celui qui croit
dans le sens de notre Evangile, n'adhère pas
seulement à une doctrine; il croit, parce
qu'il se soumet de cœur et d'esprit, parce qu'il
veut aimer ce qu'il croit. La foi opère par la
charité qui la complète, mais elle est un
avant-goût de la charité; et c'est poiir cela
que le Seigneur promet déjà le salut à celui
qui croit, tette foi éprouve des obstacles de
la part de notre nature déchue. Nous venons
I. Heb. XI, 6.
A la Messe. B'j'j
de'l'entendre : « La lumière est venue dans
« le monde ; mais les hommes ont mieux aimé
« les ténèbres que la lumière. » En notre
siècle, les ténèbres régnent, elles s'épaissis-
sent; on voit même s'élever de fausses lu-
mières; des mirages trompeurs égarent le
voyageur, et nous le répétons, la foi est deve-
nue plus rare, cette foi qui unit à Dieu et
sauve de ses jugements. Divin Esprit, arra-
chez-nous aux ténèbres de notre temps, corri-
gez l'orgueil de notre esprit, délivrez-nous
de cette vaine liberté que l'on prône comme
l'unique lin de toutes choses, et qui est si
complètement stérile pour le bien des âmes.
Nous voulons aimer la lumière, la posséder,
la conserver, et mériter par la docilité et la
simplicité des enfants le bonheur de la voir
épanouie dans le jour éternel.
L'Offertoire est tiré d'un des plus magnifi-
ques cantiques de David. On y entend le bruit
de la tempête qui annonce l'arrivée de l'Es-
prit. Bientôt les sources des eaux vives s'é-
panchent et fertilisent la terre; c'est lèvent
impétueux de la Pentecôte et le baptême qui
succède à l'émission des feux.
OFFERTOIRE.
î E Seigneur a tonné du
*"" haut du ciel, et le Très-
Haut a fait retentir sa voix,
et les sources des eaux ont
paru au jour, alléluia.
I NTONUIT de cœlo Do-
minus, et Atissimus
dédit vocem suam : et
apparuerunt fontes aqua-
rum, alléluia.
Dans la Secrète, l'Eglise demande qu'il n'y
ait qu'une offrande sur l'autel, et qu'elle soit
formée à la fois des éléments sacrés et des
378
Le Lundi de la Pentecôte.
cœurs des fidèles par l'opération du divin
Esprit.
SECRETE.
PROPITIUS , Domine
quaesumus, haec dona
sanctifica: et hostiae spiri-
talis oblatione suscepta,
nosmetipsos tibi perfice
munus aeternum. Per Do-
minum.
T~^ AIGNEZ, Seigneur, sanc-
^ tifier ces dons ; et en
agréant l'offrande de cette
hostie spirituelle, faites de
nous-mêmes une oblation
éternelle à votre gloire. Pat
Jésus-Christ.
La Préface de la Pentecôte, ci-dessus ,
page 3 18.
L'Antienne de la Communion est formée
des paroles du Christ annonçant à ses dis-
ciples le ministère que va remplir le Saint-
Esprit sur la terre. Il présidera à l'enseigne-
ment des vérités que Jésus lui-même a ré-
vélées.
COMMUNION.
] 'Esprit-Saint vous ensei-
L gnera, alléluia, tout ce
que je vous aurai dit, allé-
luia, alléluia.
SPIRITUS Sanctus do-
cebit vos, alléluia :
quaïcumque dixero vobis,
alléluia, alléluia.
Dans la Postcommunion, la sainte Eglise
se préoccupe du sort de ses chers néophytes.
Ils viennent de participer au Mystère céleste,
mais au dehors de graves épreuves les
attendent : Satan, le monde, les persécu-
teurs. La Mère commune intervient auprès
de Dieu, pour obtenir que ces nouveaux
fruits de son sein soient traités avec des mé-
nagements proportionnés à leur âge encore
tendre.
A Vêpres.
37g
POSTCOMMUNION.
ASSISTEZ votre peuple ,
Seigneur, et après l'avoir
nourri des Mystères céles-
tes, défendez-le de la fureur
de ses ennemis. Par Jésus-
Christ.
A D E s T o, quaesumus
^ Domine, populo tuo:
et quem mysteriis cœles-
tibus imbuisti, ab hos-
tium furore défende. Per
Dominum.
A VEPRES.
ON emploie à cet Office les Antiennes, les
Psaumes et tout ce qui compose les
Vêpres du jour même de la Pentecôte, ci-
dessus, page 327, sauf l'Antienne de Magni-
ficat et fa Collecte qui sont propres au
lundi.
ANTIENNE DE Magnificat.
SI quelqu'un m'aime, il
gardera ma parole, et mon
Père l'aimera, et nous vien-
drons à lui, et nous ferons
notre demeure en lui, allé-
luia.
C I quis dîligit me, ser-
"^ monem meum serva-
bit : et Pater meus dili-
get eum, et ad eum ve-
niemus, et mansionem
apud eum faciemus, allé-
luia.
L'Oraison des Vêpres est la Collecte de la
Messe, ci-dessus, page 872.
T 'Eglise arménienne continue de nous four-
■^ nir ses beaux chants pour célébrer la
mission du Saint-Esprit. Voici- l'Hymne qui
se rapporte au lundi de l'Octave.
38o
Le Temps Pascal.
CANON SECUNDiE DIEI.
Idem ac similis Patri et
' Filio, Spiritus tu non
facte, et coexistens, pro-
cedens a Pâtre inscruta-
biliter, accipiens a Filio
inenarrabiliter, in Cœ-
naculum hodie descen-
disti, spiritu gratiae tuas
potasti : pota nos quo-
que per misericordiam
calice sapientiae.
Kxstantium creator ef-
fectorum, qui ferebaris
super aquas, pariter in
aquis lavacri concessi
nobis a tibi coexistente,
blandiris amore columbœ
instar, homines gêneras
Deiformes : pota nos
quoque per misericor-
diam calice sapientias.
Magister supernorum
intellectualium, ac imo-
rum horum sensibilium ;
qui Prophetas das de
pastoribus, et Apostolos
de piscatoribus, Evange-
listas publicanos, prasdi-
catores verbi tui persecu-
tores : pota nos quoque
per misericordiam calice
sapienti.ne.
/^ Esprit semblable au
-^ Père et au Fils et de la
même essence, tu n'as pas
été fait; mais tu coexistes,
procédant du Père d'une
façon mystérieuse, et rece-
vant du Fils d'une manière
inénarrable ; tu es descendu
aujourd'hui dans le Cénacle
pour donner à tes convives
le breuvage de ta grâce : dai-
gne nous abreuver aussi dans
ta miséricorde au calice de
la sagesse.
Créateur de tous les êtres,
toi qui étais porté sur les
eaux, tu te montres caressant
comme la colombe dans les
eaux du bain sacré qu'a dai-
gné instituer pour nous celui
qui t'est coexistant; là tu
enfantes des hommes qui ont
la forme de Dieu ; daigne
nous abreuver aussi dans ta
miséricorde au calice de la
sagesse.
Toi qui instruis à la fois
les intelligences célestes et
nous qui vivons sous les or-
ganes corporels ; toi qui
prends des bergers pour en
faire des Prophètes, des pê-
cheurs pour en faire des
Apôtres, des publicains pour
en faire des Evangélistes,
des persécuteurs pour en
faire des prédicateurs de ta
parole, daigne nous abreuver
aussi dans ta miséricorde au
calice de la sagesse.
Le Lundi de la Pentecôte.
38.
Comme un vent redouta-
ble, au bruit violent d'une
tempête, ô Esprit, tu as ap-
paru dans le Cénacle au
chœur des douze ; tu les as
baptisés dans le feu, tu les
as purifiés comme l'or dans
la flamme ; chasse loin de
nous les ténèbres du péché,
et revêts-nous de la lumière
de gloire.
Celui qui est amour t'a en-
voyé par amour, toi qui es
amour; par toi il s'est uni ses
membres, il a établi sur tes
sept colonnes son Eglise qu'il
a bâtie; il a établi en elle,
pour l'administrer, ses Apô-
tres décorés de tes sept dons";
chasse loin de nous les ténè-
bres du péché, et revêts-
nous de la lumière de gloire.
Formidabilis venti in-
star, horrisono vehemen-
ti sonitu, apparuisti in
Cœnaculo, Spiritus tu,
choro duodecim, qui a te
baptizati, velut aurum
igné purgati sunt, expur-
ga a nobis caliginem
peccati, et indue nos lu-
mine gloriae.
Amor examore te amo-
rem misit, sibi membra
sua junxit , Ecclesiam
suam quam a?dificavit,
septem columnis tuis fir-
mavit, ceconomos in ea
posuit Apostolos septem
charismatibus tuis exor-
natos : expurga a nobis
caliginem peccati, et in-
due nos lumine gloriae.
La Séquence qui suit fut composée au xi»
siècle par le pieux et docte Hildebert, d'a-
bord évêque du iMans, plus tard archevêque
de Tours. On y sent combien était profonde,
dans les âges de foi, la connaissance du mys-
tère du Saint-Esprit, et quel enthousiasme
excitait sa venue parmi les hommes.
SÉQUENCE.
dieux Paraclet,
Amour du Père et du Fils,
lien éternel entre celui qui
engendre et celui qui est en-
gendré.
SPIRITUS Sancte,
Pie Paraclite,
Amor Patris et Filii
Nexus Gignentis et Gc-
niti.
3S2
Le Temps Pascal.
Ulriusquc bonitas et
caritas,
Et amborum essentiae
puritas ;
Benipnitas, suavitas,
Jocunditas.
Vinculum nectens
Deum homini,
Virlus adunans
Hominem Numini.
Tibi soH digno coli
Cum Pâtre Filioque
Jugis cultus,
Honormultus
Sit semper
Procèdent! ab utro-
que.
Tu mitis et hilaris.
Amabilis, laudabilis,
Vanitatis mundator,
Munditiae amator.
Vox suavis exsulum
Mœrentium,
Melodia civium
Gaudentiiim.
Islis solamen,
Ne desperent de te,
Istis juvamen,
Ut suspirent ad te.
Consolator piorum,
Inspirator bonorum,
Consiliator mœstorum
Vous êtes le principe de
bonté et d'amour qui unit
l'un et l'autre, la pureté de
leur essence ; vous êtes tout
bénignité , suavité , vous
charmez tout par votre pré-
sence.
C'est vous qui formez le
lien pour réunir Dieu à
l'homme ; vous êtes la force
qui produit cette union.
A vous seul donc digne
d'adoration, ainsi que le Père
et le Fils, culte à jamais. A
vous qui procédez éternelle-
ment des deux, hommage
immense.
Vous êtes doux et joyeux,
digne d'amour et de louanges :
vous purifiez l'âme de la
vanité, la pureté fait vos dé-
lices.
Vous inspirez de suaves
accents à ceux que consumait
la tristesse de l'exil, de mélo-
dieux accords à ceux qui sont
dans l'allégresse.
Vous consolez les pre-
miers, et les sauver du déses-
poir ; vous venez apprendre
aux seconds à soupirer vers
Consolateur des cœurs
pieux, inspirateur des bons,
conseiller des affligés.
Le Lundi de la Pentecôte.
383
Vous purifiez l'homme de
ses erreurs, vous lui ensei-
gnez ce qu'il ignorait, vous
fixez ses perplexités.
Vous ranimez celui qui est
faible, vous recueillez celui
qui s'égarait, vous corrigez
celui qui se trompait ; vous
soutenez celui qui allait tom-
ber, vous aidez les efforts de
celui qui combat, vous per-
fectionnez celui qui aime
déjà.
C'est vous qui avez fait
sortir du lac de corruption
et de misère celui qui main-
tenant est parfait.
C'est vous qui le conduisez
par un sentier de paix et
d'allégresse, et l'introduisez
sous le nuage de la foi jusque
dans le sanctuaire de la divine
Sagesse.
Fondement de toute sain-
teté, vous êtes l 'aliment de la
chasteté, vous embellissez la
douceur, vous rendez douce
la pauvreté, vous fournissez
aux largesses, vous êtes l'ap-
pui de toute honnêteté.
Refuge des misérables ,
secours de ceux qui sont cap-
tifs ;
Venant à point pour les
Purificator errorum,
Eruditor ignotorum,
Declarator perple.xorum.
Debilem erigens,
Devium colligens,
Errantem corrigens,
Sustines labantem,
Promoves conantem,
Perficis amantem.
Perfectum educis
De lacu fascis,
Et miseriae.
Deducis per semitam
Pacis et Istitiaî :
Inducis sub nube
In aulam Sapientiae.
Fundamentum sancti-
tatis.
Alimentum castitatis,
Ornamentum Icnitatis,
Lenimentum pauperta-
tis,
Supplementum largita-
tis,
Munimentum probitatis.
Miserorum refugium ,
Captivorum suffragium.
mis aptissimus,
384
Lundi de la Pentecôte.
Istis promptissiraus.
Spiritus veritatis,
Nodus fraternitatis,
Ab eodcm missus
A quo et promissus.
Tu crederis
Omnium judex,
Qui crederis
Omnium opifex.
Honestans bene meri-
tos
Prœœio,
Onustans immeritos
Supplicio.
Spiras ubi vis
Et quando vis ;
Doces quos vis
Et quantum vis.
Impies et instruis
Certes in dubiis,
Firmas in subitis,
Régis in licitis.
Tu ordo decorans
Omnia,
Décor ordinans et oi
Bans
Omnia,
Dicta, facta. cogitata,
Dicta vcrilale,
P'acta honestate,
Cogitata puritate.
premiers, envoyant un prompt
secours aux seconds.
Esprit de vérité, nœud de
la fraternité ; celui qui vous
a envoyé est le même qui
vous avait promis.
Notre foi qui reconnaît en
vous le créateur des êtres,
vous reconnaît aussi comme
leur juge qui doit venir.
Pour honorer de la récom-
pense ceux qui l'auront méri-
tée, et soumettre au supplice
ceux qui s'en seront rendus
dignes.
Vous soufflez où il vous
plaît et quand il vous plaît ;
vous êtes le docteur de ceux
que vous choisissez, et au
degré qui vous convient.
Vous remplissez les âmes
et les éclairez de votre lu-
mière dans leurs doutes ;
vous êtes leur force dans les
attaques subites, leur règle
dans le choix de ce qui est
licite.
Vous êtes l'harmonie qui
donne à tout sa beauté ; car
toute chose est par vous mise
en ordre et reçoit de vous sa
splendeur. Dans nos paroles,
vous mettez la vérité. dans nos
actions l'honnêteté, dans nos
pensées la pureté.
Le Don de Piété.
385
O'don excellent ! Bien par-
fait ! Vous donnez l'intelli-
gence et vous donnez aussi le
sentiment.
Vous dirigez en nous le
bien, vous créez en nous l'a-
mour, vous nous fortifier
dans la course, et aux portes
du paradis, vous couronnez
celui que vous avez aimé.
Amen.
Donum bonum,
Bonum perfectum,
Dans intellectum,
Dans et affectum.
Dirigens rectum,
Formans affectum,
Firmans provectum,
Et ad portas Para-
disi
Coronans dilectum.
Amen.
LE DON DE PIETE.
T E don de Crainte de Dieu est destiné à
-^ guérir en nous la plaie de l'orgueil; le
don de Piété est répandu dans nos âmes par
le Saint-Esprit pour combattre l'égoïsme, qui
est l'une des mauvaises passions de l'homme
déchu, et le second obstacle à son union
avec Dieu. Le cœur du chrétien ne doit être
ni froid ni indifférent; il faut qu'il soit tendre
et dévoué; autrement il ne pourrait s'élever
dans la voie à laquelle Dieu, qui est amour,
a daigné l'appeler.
L'Esprit-Saint produit donc en l'homme le
don de Piété, en lui inspirant un retour
filial vers son Créateur. « Vous avez reçu
« l'Esprit d'adoption, nous dit l'Apôtre, et
« c'est par cet Esprit que nous crions à Dieu :
« Père ! Père ^ ! » Cette disposition rend l'âme
sensible à tout ce qui touche l'honneur de
Dieu. Elle fait que l'homme nourrit en lui-
I. Rom. VIII, i5.
LE TEMPS PASCAL.
2$
386
Le Lundi de la Pentecôte.
môme la componction de ses péchés, à la vue
de l'intinie bonté qui a daigné le supporter
et lui pardonner, à la pensée des souffrances
et de la mort du Rédempteur. L'âme initiée
par le don de Piété désire constamment la
gloire de Dieu ; elle voudrait amener tous les
nommes à ses pieds, et les outrages qu'il
reçoit lui sont particulièrement sensibles. Sa
joie est de voir le progrès des âmes dans
l'amour, et les dévouements que cet amour
leur inspire pour celui qui est le souverain
bien. Remplie d'une soumission filiale envers
cp Père universel qui est aux cieux, elle est
prête à toutes ses volontés. Elle se résigne de
cœur à toutes les dispositions de sa Pro-
vidence.
Sa foi est simple et vive. Elle se tient
amoureusement soumise à l'Eglise, toujours
prête à renoncer à ses idées les plus chères,
si elles s'écartent en quelque chose de son
enseignement ou de sa pratique, ayant une
horreur instinctive de la nouveauté et de
l'indépendance.
Ce dévouement à Dieu qu'inspire le don
de Piété en unissant l'âme à son Créateur
par l'affection filiale, l'unit d'une affection
fraternelle à toutes les créatures, puisqu'elles
sont l'œuvre de la puissance de Dieu et
qu'elles sont à lui.
Au premier rang dans les affections du
chrétien animé du don de Piété se placent
les créatures glorifiées dont Dieu jouit éter-
nellement, et qui jouissent de lui pour
jamais. 11 aime tendrement Marie, et il est
jaloux de son honneur; il vénère avec amour
les saints ; il admire avec effusion le cou-
Le Don de Piété. 38j
rage des martyrs, et les actes héroïques de
vertu accomplis par les amis de Dieu; il se
délecte de leurs miracles, il honore religieu-
sement leurs reliques sacrées.
Mais son affection n'est pas seulement
pour les créatures couronnées au ciel ; celles
qui sont encore ici-bas tiennent une large
f)lace dans son cœur. Le don de Piété lui
ait trouver en elles Jésus lui-même. Sa bien-
veillance pour ses frères est universelle. Son
cœur est disposé au pardon des injures, au
support des imperfections d'autrui, à l'ex-
cuse pour les torts du prochain. Il est com-
patissant pour le pauvre, empressé auprès de
l'infirme. Une douceur affectueuse révèle le
fond de son cœur; et dans ses rapports avec
ses frères de la terre, on le voit toujours dis-
posé à pleurer avec ceux qui pleurent, à se
réjouir avec ceux qui sont dans la joie.
Telle est, ô divin Esprit, la disposition de
ceux qui cultivent le don de Piété que vous
avez versé dans leurs âmes. Par cet ineffable
bienfait, vous neutralisez le triste égoisme
qui flétrirait leur cœur, vous les délivrez de
cette sécheresse odieuse qui rend l'homme
indifférent à ses frères, et vous fermez son
âme à l'envie et à la haine. Pour cela il ne
lui a fallu que cette piété filiale envers son
Créateur; elle a attendri son cœur, et ce
cœur s'est fondu dans une vive affection pour
tout ce qui est sorti des mains de Dieu.
Faites fructifier en nous un si précieux don,
ô divin Esprit ! ne permettez pas qu'il soit
étouffé par l'amour de nous-mêmes. Jésus
nous a encouragés en nous disant que son
Père céleste « l'ait lever son soleil sur les
^88
Le Lundi de la Pentecôte.
bons et sur les méchants ^ » ; ne souffrez pas,
divin Paraciet, qu'une si paternelle indul-
gence soit un exemple perdu pour nous, et
daignez développer dans nos âmes ce germe
de dévouement, de bienveillance et de com-
passion que vous y avez daigné placer au
moment où vous en preniez possession par
le saint Baptême.
LE MARDI DE LA PENTECOTh;
VENEZ, Esprit-Saint ; rem-
plissez les cœurs de vos
fidèles, et allumez en eux le
feu de votre amour.
VENI, Sancte Spiritus,
reple tuorum corda
fidelium, et tui amoris in
cis ignem accende.
ous avons admiré l'œuvre du
Saint-Esprit accomplissant dans
le monde, par les Apôtres et
par ceux qui vinrent après eux,
la conquête du genre humain
au nom de Jésus" à qui « toute
« puissance a été donnée au ciel et sur la
« terre ^ ». La langue de feu a vaincu, et le
Prince du monde, en dépit de ses fureurs, a
vu crouler ses autels et tomber son pouvoir.
Voyons la suite des œuvres de ce divin Esprit
pour la glorification du Fils de Dieu qui l'a
envoyé aux hommes.
L'Emmanuel était descendu ici-bas cher-
chant dans son amour l'Epouse qu'il avait
désirée de toute éternité. Il l'épousa d'abord
I. Matth. XXVIII, i8.
3go
Le Temps Pascal.
en prenant la nature humaine et l'unissant
indissolublement à sa personne divine; mais
cette union individuelle ne suffisait pas à son
amour. Il daignait aspirer à posséder la race
humaine tout entière; il lui fallait son Eglise,
« son unique », comme il l'appelle au divin
Cantique ', son Eglise formée de l'élite de
tous les peuples, « pleine de gloire, n'ayant
« ni tache ni ride, mais sainte et immacu-
« lée'-. » Il trouvait la race humaine souillée
par le péché, indigne de célébrer avec lui les
noces augustes auxquelles il la conviait. Son
amour cependant n'hésita pas. Il déclara qu'il
était l'Epoux annoncé dans l'Epithalame
sacré 3 ; il lava dans son propre sang les souil-
lures de sa fiancée, et lui attribua en dot les
mérites infinis qu'il avait conquis.
L'ayant ainsi préparée pour lui-même, il
voulut que son union avec lui fût la plus
intime qui pût être. Jésus et son Eglise sont
un seul corps; il est la tête, elle est l'ensem-
ble des membres réunis dans l'unité sous ce<
unique chef. C'est la doctrine de l'Apôtre :
« Le Christ est la tête de l'Eglise ; nous som-
« mes les membres de son corps, nous som-
« mes de sa chair et de ses os ^. » Ce corps
se formera par l'accession successive des fils
de la race humaine qui, prévenus du secours
surnaturel de la grâce, voudront en faire
partie ; et ce monde que nous habitons sera
conservé jusqu'à ce que le dernier élu qui
manquait encore à rintégralité du corps mys-
I. Cant. VI, 8. — 2. Eph. v,
i5 ; XXV, 6; Marc, ii, 19; Luc. v
4. Eph. V, 23-3o.
X
— 3. Matth. IX,
; JoHAN. m, 29. —
I.e Mardi de la Pentecôte. 3g i
téricux du Fils de Dieu soit venu s'y réunir
pour l'éternité. Alors tout sera consommé,
et la dernière des conséquences de la divine
incarnation sera remplie.
Or, de même que dans le Verbe incarné
l'humanité est composée d'une âme invisible
et d'un corps visible, ainsi l'Eglise sera à la
fois une âme et un corps : une âme dont l'oeil
seul de Dieu pourra contempler ici-bas toute
la beauté ; un corps qui attirera les regards
des hommes, et sera le témoignage éclatant
de la puissance de Dieu et de l'amour qu'il
porte à la race humaine. Jusqu'aux jours où
nous sommes, les justes appelés à être réunis
sous le divin Chef avaient seulement appar-
tenu à l'âme de l'Eglise ; car le corps n'exis-
tait pas encore. Le Père céleste les avait adop-
tés pour ses enfants, le Fils de Dieu les avait
acceptés pour ses membres, et l'Esprit-Saint,
dont nous allons voir désormais l'action exté-
rieure, avait opéré intimement leur élection
et leur consommation. Le point de départ du
nouvel ordre de choses est en Marie. En elle
d'abord, ainsi que nous l'avons enseigné dans
une des semaines précédentes, résida l'Eglise
complète, âme et corps. Celle qui devait être
aussi réellement la Mère du Fils de Dieu selon
l'humanité, que le Père céleste en est le Père
selon la divinité, devait être dans l'ordre des
temps, comme dans la mesure des grâces,
supérieure à tout ce qui avait précédé et à
tout ce qui devait suivre.
L'Emmanuel voulut aussi poser lui-même,
en dehors de sa mère bien-aimée, les assises
de son Eglise. îl en plaça de ses mains divi-
nes la Pierre fondamentale, il en éleva les
^^
Le Temps Pascal.
colonnes, et nous avons vu comment il
employa les quarante jours qui précédèrent
son Ascension à l'organisation de cette Eglise
encore si restreinte, mais qui devait un jour
couvrir le monde entier. Il annonça qu'il
serait avec les siens « jusqu'à la consomma-
« tion des siècles * » ; c'était promettre que,
lors même qu'il serait monté au ciel, la race
de ses disciples se perpétuerait jusqu'à la fin
des temps.
Pour l'accomplissement de son œuvre
qu'il n'avait qu'ébauchée, il comptait sur le
divin Esprit. Il était même nécessaire que cet
Esprit-Saint descendît pour perfectionner et
confirmer les élus de l'Emmanuel. Il devait
être leur Paraclet. leur Consolateur, après
le départ de leur Maître; il était la Vertu d'en
haut qui devait les protéger comme une
armure dans leurs combats; il devait leur
remettre en mémoire les enseignements de
leur Maître; il devait féconder de son action
les Sacrements que Jésus avait institués, et
dont le pouvoir était en eux par le caractère
qu'il avait imprimé à leurs âmes. Voilà pour-
quoi il leur dit : « Il vous est avantageux que
« je m'en aille ; car si je ne m'en allais pas,
« le Paraclet ne viendrait pas vers vous. »
Au jour de la Pentecôte, nous avons vu le
divin Esprit opérer sur la personne des Apô-
tres et des disciples ; maintenant il nous faut
le voir à l'œuvre dans la création, dans le
maintien et le perfectionnement de cette
Eglise que Jésus a promis d'assister de sa
Le Mardi de la Pentecôte. 3g 3
présence mystérieuse « jusqu'à la consomraa-
« tion des siècles ».
La première opération de l'Esprit-Saint
dans l'Eglise est l'élection des membres qui
doivent la composer. Ce droit de l'élection lui
est tellement personnel que, selon laparole du
livre sacré, les disciples même que Jésus s'était
choisis pour être les bases de son Eglise, il
les avait élus « avec le concours de TEsprit-
« Saint 1 ». Dès le jour môme de la Pentecôte,
nous avons vu ce divin Esprit débuter par
l'élection de trois mille personnes. Peu de
jours après, cinq mille autres sont attirées,
ayant entendu la prédication de Pierre et de
Jean sous les portiques du temple. Après les
Juifs, la gentilité a son tour; et TEsprit-
Saint, ayant conduit Pierre auprès du cen-
turion Corneille, fond tout à coup sur ce
Romain et sur ses gens, les déclarant ainsi
élus pour l'Eglise et appelés au baptême. La
sainte Liturgie nous faisait lire ce récit hier
encore dans la solennité de la Messe.
A la suite de ces débuts, qui pourrait suivre
la marche impétueuse de cet Esprit que rien
n'arrête? « Le bruit de ses envoyés parcourt
« la terre entière, et leur parole retentit jus-
« qu'aux extrémités du monde 2. » L'Esprit
les précède et les accompagne, et c'est lui
qui fait la conquête pendant qu'ils parlent.
On n'est encore qu'au commencement du
iii^ siècle, et un écrivain chrétien peut dire
aux magistrats de l'empire romain : « Nous
« sommes d'hier, et nous remplissons tout,
« vos villes, vos municipes, vos camps, le pa-
I. Act. I, 2. — 2. Psalm. xviii, 5.
3q4
Le Temps Pascal.
« lais, le sénat, le forum *. » Rien ne résiste
à l'Esprit ; trois siècles sont loin encore
d'être écoulés depuis la manifestation du
jour de la Pentecôte, et ce sont les Césars
eux-mêmes que l'Esprit choisit pour en faire
des membres de l'Eglise.
xVinsi se forme d'heure en heure l'Epouse
que Jésus attend, et dont il contemple avec
amour, du haut du ciel, la croissance et les
développements. Dans les premières années
du iw^ siècle, cette Eglise, œuvre du Saint-
Esprit, dépasse les limites de l'empire ro-
main; et si dans cet empire lui-même, il est
çà et là des groupes païens qui tiennent
encore, tous du moins ont entendu parler
d'elle, et la haine qu'ils lui portent témoi-
gne assez des progrès qu'elle fait sous leurs
yeux.
Mais n'allons pas croire que le rôle de l'Es-
prit-Saint se borne à assurer l'établissement
de l'Eglise sur les ruines de l'empire païen,
Jésus veut une Epouse immortelle, toujours
plus connue par sa présence en tous lieux et
en tous temps, toujours supérieure à toute
autre division de la race humaine par l'éten-
due de son empire et le nombre de ses su-
jets.
Le divin Esprit ne saurait donc s'arrêter
dans l'accomplissement de sa mission. Si
Dieu a résolu de submerger l'empire coupa-
ble sous l'inondation des barbares, c'est un
nouveau triomphe préparé pour l'Esprit.
Laissez-le pénétrer et agiter doucement cette
masse formidable. Il a là ses élus, et par
I. Tehtull. Apolcget. xxxvn.
Le Mardi de la Pentecôte. 3g 5
millions. Il avait renouvelé la face de la terre
païenne; il renouvelle la face du monde de-
venu barbare. Les coopérateurs qu'il se pré-
pare lui-même ne lui feront pas défaut. Il
crée sans fin de nouveaux apôtres, et puissant
comme il est, il en emploie de tout genre à
son œuvre. Les Clotilde, les Berthe, les
Théodelinde, les Hedwige et tant d'autres,
sont à ses ordres : parée de leurs royales
mains. l'Epouse de Jésus croît touiours''plus
jeune et plus belle.
Si de vastes continents en Europe n'ont
pas encore été associés au mouvement, c'est
qu'il fallait d'abord consolider l'œuvre dans
les régions où les chrétientés de la première
époque avaient été comme submergées sous
le torrent de l'invasion. Mais voici qu'à par-
tir de la fin du vi« siècle, le divin Esprit
lance tour à tour sur l'île des Bretons, sur la
Germanie, sur les races Scandinaves, sur les
pays slaves, les Augustin, les Boniface, les
Anschaire, les Adatbert, les Cyrille, les Mé-
thodius, les Othon. Servie par ces nobles
instruments de l'Esprit-Saint, l'Epouse répare
les pertes qu'elle a subies dans l'Orient, où
le schisme et l'hérésie ont successivement
rétréci son héritage primitif. Celui qui, étant
Dieu comme le P'ère et le Fils, a reçu pour
mission de la maintenir dans ses honneurs,
veille fidèlement à sa garde.
Et en effet, lorsqu'une défection plus dés-
astreuse encore est à la veille d'éclater en
Europe par la prétendue réforme, l'Esprit-
Saint a déjà pris les devants. Les Indes orien-
tales sont devenues tout.à coup la conquête
de la nation très fidèle; un nouveau monde
3g6
Le Temps Pascal.
occidental est sorti des eaux, et forme un
nouvel apanage au royaume catholique. C'est
alors que le divin Esprit, toujours jaloux de
maintenir dans sa dignité et dans sa pléni-
tude le dépôt que lui a confié le \'erbe incarné,
suscite de nouveaux envoyés pour aller
porter sur ces plages immenses le nom de
celui qui est l'Epoux, et qui sourit du haut
du ciel aux accroissements qu'obtient l'E-
pouse. François Xavier est donné aux Indes
orientales; ses frères, joints aux fils de Domi-
nique et de François, défrichent avec une in-
domptable persévérance l'héritage que les
Indes occidentales offrent à l'Eglis'e.
Mais si plus tard la vieille Europe, trop
crédule à des docteurs de mensonge, semble
repousser cette noble reine qui "est aimée
du Fils éternel de Dieu; si, trahie et dé-
pouillée, calomniée et privée de ses droits,
cette sainte Eglise doit être en butte à ceux
qui longtemps furent ses fils, tenez pour cer-
tain que le divin Esprit ne la laissera pas
manquer à ses destinées. Voyez plutôt ses
œuvres en nos jours. D'où viennent, si ce
n'est de son souffle, ces vocations à laposto-
lat plus nombreuses d'année en année? Tan-
dis que d'un côté les retours des hérétiques à
l'antique foi sont plus fréquents qu'ils ne l'ont
jamais été, toutes les régions infidèles sont
visitées par le flambeau de l'Evangile. Notre
siècle a revu les martyrs, il a entendu les
interrogatoires des proconsuls chinois et
annamites, il a recueilli dans son admiration
les réponses des confesseurs dictées par l'Es-
prit-Saint, selon la promesse du Maître. L'ex-
trême Orient donne ses élus, les nègres de
Le Mardi de la Pentecôte. 3gj
l'Afrique sont évangélisés; et si une cin-
quième partie de la terre s'est révélée, elle
possède déjà de nombreux fidèles sous une
hiérarchie de pasteurs légitimes.
Soyez donc béni, divin Esprit, qui veillez
avec tant de sollicitude sur l'Epouse chérie
de Jésus ! Elle n'a pas défailli un seul jour,
grâce à votre action constante et jamais lassée.
Vous n'avez pas laissé passer un siècle sans
susciter des apôtres pour l'enrichir de leurs
conquêtes; sans cesse vous avez sollicité par
votre grâce les esprits et les cœurs de se
donner à elle; en toute race, en tous les
siècles, vous avez élu vous-même les innom-
brables fidèles dont elle se compose. Comme
elle est notre mère et que nous sommes ses
fils, comme elle est l'Epouse de notre divin
Chef auquel nous espérons nous réunir en
elle, en opérant pour la gloire du Fils de Dieu
qui vous a envoyé sur'la terre, ô divin Es-
prit, vous avez àaigné travailler pour nous,
humbles et pécheresses créatures. Nous vous
otfrons nos faibles actions de grâces pour tant
de bienfaits.
Notre Emmanuel nous a révélé que vous
devez demeurer ainsi avec nous jusqu'à la
fin des temps, et nous comprenons mainte-
nant la nécessité de votre présence, ô divin
Esprit! Vous dirigez la formation de l'Epouse,
vous la maintenez, vous la rendez victorieuse
de toutes les attaques, vous la transportez
d'une région dans l'autre, lorsque le sol
qu'elle foule n'est plus digne de la porter;
vous êtes son vengeur contre ceux qui l'ou-
tragent, et vous le serez jusqu'au dernier
jour.
3g8 Le Mardi de la Pentecôte.
Mais cette noble Epouse d'un Dieu ne doit
pas toujours demeurer ainsi exilée loin de
son Epoux. De même que Marie resta plu-
sieurs années sur la terre, atin d'y travailler
à la gloire de son tils, et fut enfin enlevée
aux deux pour y régner avec lui ; ainsi l'E-
glise demeurera militante ici- bas durant les
siècles qui sont nécessaires pour arriver au
complément du nombre des élus. Mais nous
savons qu'un temps doit venir dont il est écrit :
« Les noces de l'Agneiui sont venues, et son
« Epouse s'est préparée. On lui a donné un
« vêtement de fin lin d'une blancheur éblouis-
« santé, et le tissu en est composé des vertus
« dessaintsqu'elle a formés i. » En ces derniers
jours, l'Epouse, toujours belle et digne de
l'Epoux, ne croîtra plus; elle diminuera même
ici-bas, en proportion de ce qu'elle grandira
triomphante au ciel. Autour d'elle, sur la
terre, la défection prédite par saint Paul 2 se
fera sentir; les hommes la laisseront seule,
ils courront vers le Prince du monde qui
sera dglié « pour un peu de temps ^ », et vers
la bête à laquelle « il sera donné de faire la
« guerre aux saints et même de les vain-
« cre^. » Les dernières heures de l'Epouse ici-
bas seront dignes d'elle; vous soutiendrez
notre mère, ô divin Esprit, jusqu'à l'arrivée de
l'Epoux. Mais après l'enfantement du dernier
élu, l'EsPRiT et I'Epouse s'uniront dans un
même cri : « Vene:^ ! diront-ils •''. » Alors
l'Emmanuel paraîtra sur les nuées du ciel,
la mission de l'Esprit sera terminée, et l'E-
I. Apoc. XIX, 7. — 2. II Thess. 11, 3. — 3. Apoc.
XX, 3. — 4, Ibiu. xiii, 7. — 5. Ibid. XXII, 17.
A la Messe. 3gg
pouse, « appuyée sur son bien-aimé » i s'élè-
vera de cette terre ingrate et stérile vers le
ciel où l'attendent les noces de l'éternité.
A LA MESSE.
LA Station de ce jour est dans l'Eglise de
Sainte-Anastasie, cette intéressante basili-
que où nous assistâmes à la Messe de l'Aurore
le jour de la naissance de l'Emmanuel. Nous
la revoyons aujourd'hui que toute la série des
mystères de notre salut est à son terme.
Bénissons Dieu qui a daigné achever avec
tant de force ce qu'il a commencé pour nous
avec tant de douceur. Les néophytes assis-
tent encore à cette Messe avec leurs robes
blanches, et leur présence atteste à la fois
l'amour du Fils de Dieu qui les a lavés dans
son sang, et la puissance de l'Esprit-Saint
qui les a ravis à l'empire du Prince de ce
monde.
L'Introït s'adresse aux néophytes et les
engage à sentir tout leur bonheur. C'est au
royaume céleste qu'ils sont désormais appelés ;
qu'ils offrent donc une continuelle action de
grâces à celui qui a daigné les choisir. Les
paroles de cette pièce, qui est de la plus
haute antiquité, sont tirées du iv' livre d'Es-
dras que les premiers chrétiens lisaient sou-
vent à cause de la beauté et de la gravité de
ses enseignements, bien qu'il ne soit pas
reconnu par l'Eglise pour un livre inspiré.
400
Le Mardi de la Pentecôte.
D ECEVEZ et goûtez ks dé-
lices de la gloire qui vous
était préparée, alléluia ; ren-
dez grâces à Dieu, alléluia,
qui vous a appelés au royaume
céleste, alléluia, alléluia, allé-
luia.
Fs. Ecoute ma loi, ô mon
peuple : prête l'oreille aux
paroles de ma bouche. Gloire
au Père. Recevez.
A cciPiTE jucundita-
^*' tem gloriae vestrae,
alléluia : gratias agentes
Deo, alléluia : qui vos ad
cœlestia régna Tocavit,
alléluia, alléluia, allé-
luia.
Ps. Attendite, popule
meus, legem meam : in-
clinate aurem vestram in
verba oris mei. Gloria
Patri. Accipite.
Dans la Collecte, l'Eglise nous enseigne que
l'action du Saint-Esprit est pleine de douceur
f)our nos âmes. C'est cette action divine qui
es purifie de toutes leurs souillures, en même
temps qu'elle les garde des attaques de l'es-
prit perfide et jaloux qui les menace sans
cesse.
ADSIT nobis, quaesu-
mus Domine, virtus
Spjritus Sancti, quas et
corda nostra clementer
expurget, et ab omnibus
tueatur adversis. Per Do-
minum.
SEIGNEUR, daignez nous
assistei de la vertu du
Saint-Esprit ; afin qu'elle
puritîe nos cœurs dans sa
mansuétude, et qu'elle nous
défende contre tout adver-
saire. Par Jésus-Christ.
Lectio Actuum Aposto-
lorum. Cap. vhi.
IN diebus illis : Quum
audissent Apostoli,
qui erant Jerosolymis,
quod récépissé! Samaria
Lecture des Actes des Apô-
tres. Chap. vni.
EN ces jours-là, les Apô-
tres qui étaient à Jérusa-
lem ayant appris que Samarie
avait reçu la parole de Dieu,
A la Messe.
401
leur envoyèrent Pierre et
Jean, qui, étant venus, firent
pour eux des prières, afin
qu'ils reçussent le Saint-Es-
prit ; car il n'était pas encore
descendu sur aucun d'eux,
mais ils avaient seulement été
baptisés au nom du Seigneur
Jésus. Alors ils imposèrent
les mains sur eux, et ils reçu-
rent le Saint-Esprit.
verbum Dei, miserunt ad
eos Petrum et Johannem,
qui quura venissent, ora-
verunt pro ipsis ut acci-
perent Spiritum Sanc-
tum ; nondum enim in
quemquam illorum véné-
rât, sed baptizati tantum
erant in nomine Doraini
Jesu. Tune imponebant
manus super illos, et ac-
cipiebant Spiritum Sanc-
lum.
T ES habitants de Samarie avaient accepté
^ la prédication évangélique qui leur avait
été portée par le diacre Philippe. Ils avaient
reçu de sa main le baptême qui en avait fait
des chrétiens. On se rappelle le dialogue de
Jésus avec une femme de cette ville au bord
du puits de Jacob, et les trois jours qu'il
daigna passer avec les habitants. Leur foi est
récompensée : le baptême les a faits enfants
de Dieu et membres de leur Rédempteur.
Mais il faut encore qu'ils reçoivent l'Esprit-
Saint dans le Sacrement de force. Le diacre
Philippe n'a pu leur octroyer ce don; deux
apôtres, Pierre et Jean, revêtus du caractère
de pontifes, viennent le leur conférer, et les
rendre parfaits chrétiens. Ce récit nous remet
en souvenir la grâce qu'a daigné nous faire
l'Esprit-Saint en imprimant sur nos âmes le
sceau de la Confirmation : offrons-lui notre
reconnaissance pour ce bienfait qui nous a
attachés à lui plus étroitement, et nous a
rendus capables de confesser sans faiblesse
notre foi devant tous ceux qui voudront nous
en demander compte.
LE TEMPS PASCAL. — T. III.
26
402
Le Mardi de la Pentecôte
A LLELUIA, alléluia.
f. Spiritus Sanctus
docebit vos quaecumque
dixero vobis.
Alléluia.
f. Veni, Sancte Spiri-
tus, reple tuorum corda
fidelium, et tui amoris in
eis ignem accende.
A LLELUIA, alléluia.
f. Le Saint-Esprit vous
enseignera tout ce que je vous
ai dit.
Alléluia.
y. Venez, Esprit-Saint,
remplissez les cœurs de vos
fidèles, et allumez en eux le
feu de votre amour
On chante ensuite la Séquence Veni, Sancte
Spiritus, ci-dessus, page 3i3.
Sequentia sanctiEvange-
lii secundum Johan-
nem. Cap. x.
IN illo tempore Dixit
Jésus Pharisaeis •
Amen, amen dico vobis,
qui non intrat per ostium
in ovile ovium, sed as-
ccndit aliunde, ille fur
est, et latro. Qui autem
intrat per ostium, pastor
est ovium. Huic ostiarius
aperit, et oves vocem
e)us audiunt, et proprias
oves vocat nominatim, et
educit eas, et quum pro-
prias oves emiserit, ante
eas vadit ; et oves illura
sequuntur, quia sciunt
vocem ejus. Alienum au-
tem non sequuntur, sed
fugiunt ab eo : quia non
noverunt vocem alieno-
rum. Hoc proverbium
dixit eis Jésus. lUi autem
La suite du saint Evangile se-
lon saint Jean. Chap. x.
EN ce temps-là, Jésus dit
aux Pharisiens ; En vérité,
en vérité je vous le dis, celui
qui n entre pas par la porte
dans la bergerie des brebis,
mais qui y monte par un autre
endroit, celui-là est un voleur
et un larron. Mais celui qui
entre par la porte, est le pas-
teur des brebis. C'est à celui-
là que le portier ouvre, et les
brebis entendent sa voix. Il
appelle les brebis qui sont à
lui par leurs noms, et il les
fait sortir. Et lorsqu'il a fait
sortir ses propres brebis, il
va devant elles, et les brebis
le suivent, parce qu'elles con-
naissent sa voix. Elles ne sui-
vent point un étranger, mais
elles s'éloignent de lui, parce
qu'elles ne connaissent pas la
A la Messe.
4o3
non ccgnoverunt quid lo-
queretur eis. Dixit ergo
eis iterum Jésus : Amen,
amen dico vobis quia ego
sum ostium ovium. Om-
nes quotquot venerunt,
fures sunt et latrones, et
non audierunt eos oves.
Ego sum ostium. Par me
si quis introierit, salva-
bltur : et ingredietur, et
egredietur, et pascua in-
veniet. Fur non venit
nisi ut furetur, et mactet
et perdat. Ego veni ut
vitam habeant, et abun-
dantius habeant.
voix des étrangers. Jésus leur
dit cette parabole ; mais ils
ne comprirent pas de quoi il
leur parlait. Jésus leur dit
donc encore : En vérité, en
vérité, je vous le dis, je suis
la porte des brebis. Tous ceux
qui sont venus avant moi sont
des voleurs et des larrons, et
les brebis ne les ont pas écou-
tés. Je suis la porte. Si quel-
qu'un entre par moi, il sera
sauvé ; il entrera et il sortira,
et il trouvera des pâturages.
Le voleur ne vient que pour
voler, pour égorger et pour
perdre. Moi je suis venu afin
que les brebis aient la vie, et
une vie plus abondante.
EN f)roposant ce passage de l'Evangile aux
néophytes de la Pentecôte, l'EglTse vou-
lait les prémunir contre un danger qui pou-
vait se présenter à eux dans le cours de leur
vie. Au moment où nous sommes, ils sont
les heureuses brebis de Jésus le bon Pasteur,
et ce divin Pasteur est représenté auprès
d'eux par des hommes qu'il a investis lui-
même de la charge de paître ses agneaux.
Ces hommes ont reçu de Pierre leur mission,
et celui qui est avec Pierre est avec Jésus.
Mais il est arrivé souvent que de faux pas-
teurs se sont introduits dans la bergerie, et
le Sauveur les qualifie de voleurs e't de lar-
rons, parce qu'au lieu d'entrer par la porte,
ils ont escaladé les clôtures de la bergerie. Il
nous dit qu'il est lui-même la Porte par
laquelle doivent passer ceux qui ont le droit
de paître ses brebis. Tout pasteur, pour
404
Le Mardi de la Pentecôte.
n'être pas un larron, doit avoir reçu la mis-
sion de Jésus, et cette mission ne peut venir
que par celui qu'il a établi pour tenir sa
place, jusqu'à ce qu'il vienne lui-même.
L'Esprit-Saint a répandu ses dons divins
dans les âmes de ces nouveaux chrétiens;
mais les vertus qui sont en eux ne peuvent
s'exercer de manière à mériter la vie éter-
nelle qu'au sein de l'Eglise véritable. Si, au
lieu de suivre le pasteur légitime, ils avaient
le malheur de se livrer à de faux pasteurs,
toutes ces vertus deviendraient stériles. Ils
doivent donc fuir comme un étranger celui
qui n'a pas reçu sa mission du Maître qui
seul peut les conduire aux pâturages de la
vie. Souvent, dans le cours des siècles, il s'est
rencontré des pasteurs schismatiques ; le
devoir des fidèles est de les fuir, et tous les
enfants de l'Eglise doivent être attentifs à l'a-
vertissement que notre] Seigneur leur donne
ici. L'Eglise qu'il a fondée et qu'il conduit
par son "divin Esprit a pour caractère d'être
Apostolique. La légitimité de la mission des
pasteurs se manifeste par la succession ; et
parce que Pierre vit dans ses successeurs, le
successeur de Pierre est la source du pouvoir
pastoral. Qui est avec Pierre est avec Jésus-
Christ.
Dans l'Offertoire l'Eglise , préludant au
divin Sacrifice, exalte par les paroles du
Psalmiste la nourriture sacrée à laquelle vont
communier les fidèles; c'est une manne qui
vient du ciel, c'est le pain même des Anges.
A la Messe
4o5
OFFERTOIRE.
P'
ORTAS cœli aperuit
Dominus, et pluit il-
lis manna, ut ederent :
panem cœli dédit eis, pa-
nem Angelorum mandu-
cavit homo, alléluia.
LE Seigneur a ouvert les
portes du ciel, et il leur a
fait pleuvoir la manne pour
leur nourriture ; il leur a
donné le pain du ciel, et
l'homme a mangé le pain des
Anges, alléluia.
La Victime qui va être offerte a le pouvoir
de purifier par son immolation ceux qui sont
appelés à s'en nourrir ; la sainte Eglise, dans
la Secrète, demande qu'il en arrive ainsi
pour les fidèles qui forment l'assistance.
■puRiriEz-NOUS, Seigneur,
* par l'oblation des dons
que nous vous offrons, et
faites qu'elle nous rende di-
gnes de participer au Mys-
tère sacré. Par Jésus-Christ.
P URIFICET nos, quaesu-
mus Domine, mune-
ris prîesentis oblatio : et
dignos sacra participa-
tione efficiat. Fer Domi-
num.
La Préface est celle du jour même de la
Pentecôte, ci-dessus, pa^e 3i8.
Dans l'Antienne de la Communion, l'Eglise
rappelle les paroles dans lesquelles Jésus a
annoncé que l'Esprit-Saint le glorifierait;
nous qui venons de voir ce divin Esprit à
l'œuvre dans le monde entier, nous savons
(^u'il a accompli l'oracle dans toute son
étendue.
COMMUNION.
L'Esprit qui procède du
Père, alléluia, me glori-
fiera, alléluia, alléluia.
C PIRITUS, qui a Patte
"■ procedit, alléluia
ille me clarificabit, allé-
luia, alléluia.
4o6
Le Temps Pasav
Le peuple fidèle vient de participer au
Mystère de Jésus; la sainte Eglise nous ap-
prend, dans la Postcommunion, que la Vertu
de l'Esprit-Saint a influe divinement à ce
moment auguste. C'est lui qui a accompli le
changement des dons sacrés au corps et au
sang du Rédempteur, lui encore cjui a pré-
pare les âmes à s'unir au Fils de Dieu, en les
puritîant du péché.
POSTCOMMUNION.
ENTES nostras, quae-
sumus Domine, bpi-
ritus Sanctus divinis rc
paret sacramcntis : quia
ipse est remissio omnium
peccatorura. Per Demi-
D
AIGNEZ faire, Seigneur,
que l'Esprit-Saint renou-
velle nos âmes par ces divins
Mystères ; car il est lui-même
la rémission de tous les pé-
chés. Par Jésus-Christ.
A VEPRES.
1 ES Antiennes, les Psaumes et tout le reste
*- de rOflicc des Vêpres, sauf l'Antienne de
Magnificat, sont les mêmes qu'au jour de la
Pentecôte, ci-dessus, /7<3jg-e 327.
ANTIENNE DE Magnificat.
•pco sum ostium, dicit
JUr Dominus : per me si
T E suis
J gneur
la porte, dit le Sci-
: si quelqu'un entre
quis introierit, salvabitur
par moi.
il sera sauvé et il
et pascua inveniet, allé-
trouvera
es pâturages, aile-
luia.
luia.
LOraison est la Collecte de la Messe, ci-
dessus, page 400 .
Le Mardi de la Pentecôte.
407
N
ous entendrons encore aujourd'hui l'Eglise
arménienne célébrer la venue de l'Esprit-
Saint avec toute la dignité et la splendeur
qui caractérisent son Hymnaire.
CANON TERTLE DIEI ,
Aujourd'hui les Esprits
célestes se sont réjouis
du renouvellement de la
terre ; car l'Esprit rénova-
teur des êtres est descendu
dans le sacré Cénacle, et il y
a renouvelé le collège apos-
tolique.
Aujourd' hui notre nature
terrestre tressaille de se sen-
tir réconciliée avec le Père ;
car celui qui avait enlevé son
esprit aux hommes devenus
charnels, daigne le leur don-
ner de nouveau.
Aujourd'hui les enfants de
l'Eglise célèbrent avec trans-
port l'avènement du Saint-
Esprit, qui les a parés de
vêtements nobles et lumi-
neux, et ils sont admis à chan-
ter le trisagion avec les Séra-
phins.
Celui qui sépara par la di-
vision des langues ceux qui
s'étaient unis pour bâtir la
tour, a réuni de nouveau au-
jourd'hui, dans le sacré Cé-
nacle, les langues des na-
tions en une seule. O vous
tous. Esprits, bénissez l'Es-
prit de Dieu.
L'Esprit du Seigneur qui
HODIE cœlestes laîtati
sunt de terrestrium
renovatione : namque in-
novator existentium Spi-
ritus descendit ad sacrum
cœnaculum, quo renovati
sunt chori apostolorum.
Hodie humea natura
nostra exsultat reconci-
liatione cum Pâtre ; quia
qui abstulit spiritura ab
hominibus. caro effectis,
iterum donal.
Hodie pueri Ecclesiae
célébrant in exsultatione
adventum Sancti Spiri-
tus, per quem exornati
sunt vestibus pellucidis
et clarissimis, cantantes
cum Seraphim trisagium.
Qui unitos turris, divi-
sione linguarum sejunxit,
hodie divisas linguas na-
tionum univit rursum in
sacro cœnaculo ; omnes
Spiritus, benedicite Spi-
ritum Dei.
Qui descendit, Spiri-
4o8
Le Temps Pascal.
tus Domini, et ductor
fuit duodecim tribuum
Israël in deserto, hodie
duodecim Apostolos per-
ducit ad Evangelium ;
omnes Spiritus. bénédi-
cité Spiritum Dei.
Qui implevit Spiritus
Domini, Beseleel archi-
tectorem tabernaculi. ho-
die efficit homines taber-
naculum sanctne Trini-
tati ; omnes Spiritus, bé-
nédicité Spiritum Dei.
descendit autrefois, et fut le
conducteur des douze tribus
d'Israël dans le désert, con-
duit aujourd'hui les douze
Apôtres à la prédication de
l'Evangile. O vous tous, Es-
Êrits, bénissez l'Esprit de
lieu.
L'Esprit du Seigneur qui
remplit autrefois Bézeléel,
l'architecte du tabernacle,
rend aujourd'hui les hommes
comme les tabernacles de la
sainte Trinité. O vous tous,
Esprits, bénissez l'Esprit de
Dieu.
La belle Séquence que nous donnons ici
îst empruntée aux anciens Missels de Liège.
SEQUENCE.
AMOR Patris et Filii,
Veri splendor auxi •
lii,
Totius spes solatii.
O indeficiens piorum
lux,
Et praemium justorum :
Sublevator perditorum.
Omnis fortitudinis,
Ac omnis sanctitudinis,
Ac beatitudinis
Donator,
Omnis rectitudinis ama-
tor.
Omnipotens, propi-
tius ;
AMOUR du Père et du Fils,
vous êtes pour nous un
éclatant secours, notre espoir
et notre consolation.
Lumière incessante pour
les cœurs pieux, vous êtes la
récompense des justes, la
commisération pour ceux
qui étaient perdus.
Toute force vient de vos
dons, toute sainteté, toute
béatitude, ô vous qui aimez
toute justice !
Vous êtes tout-puissant,
plein de bonté ; vous tenez
Le Mardi de la Pentecôte.
4oq
tout entre vos mains, vous si
éloigné du péché !
Omnitenens, innoxius.
Nul ne vous surpasse en
justice et en sainteté ; nul ne
peut égaler la force et la spi-
ritualité de votre substance ;
rien ne peut lutter en puis-
sance avec vous, et rien n'est
meilleur que vous.
Justius, carius,
Honestius,
Sanctius, fortius,
Subtilius :
Quo nihil est potentius,
Quo nihil est vel raelius.
Vous êtes la lumière des
cœurs ; par vous nous allons
au Père universel et à son Fils
divin.
lUuminator cordium,
Per quem ad Patrem om-
nium
Venitur, et ad Filium.
Source d'intelligence, prin-
cipe de bonheur, remède con-
tre le péché, Esprit de con-
seil.
Fons ingenii,
Dator gaudii :
Medicina vitii,
Spiritus consilii.
Vous agissez sans bruit,
vous êtes souple, et cepen-
dant vous ne changez pas ;
adresse, noblesse, puissance,
ces qualités sont les vôtres ;
votre marche est rapide, et
votre conduite envers nous
est aimable.
Humilis, docilis.
Et invariabilis ;
Habilis, nobilis.
Et insuperabilis,
Promptus et amabilis
Vous êtes le don choisi :
vous donnez l'intelligence et
l'amour, vous aimez ce qui
est droit.
Donum electum,
Dans intellectum,
Dans et affectum,
Diligens rectum.
Esprit du Père et du Fils,
Paraclet vivifiant, doigt de
la main divine.
Patris ac Nati Spiri-
tus,
Vivificans Paraclitus :
Divinae dextrae digitus.
Sublimité et charme, com-
passion et bonté, clémence et
largesse •
Sublimitas, jucundi-
tas,
Pietas et bonitas,
Benignitas et largitas :
410
Le Mardi de la Pentecôte.
Qui prout vult,
Quando vult,
Et ubi vult,
Quousque vult,
Et quantum vult,
Spirat et erudit.
Replet et erigit,
Ditat et instruit.
Spiritus scientiœ,
Ad consolandum hodie
Apostolis donatur :
Et eis plenarie,
Fons verne sapicntix
Per hune admiuistratur.
Amen.
Ainsi que vous voulez,
quand vous voulez, où vous
voulez, jusqu'où vous voulez,
et autant que vous voulez,
votre souffle se répand sur
les hommes et il les assiste,
il les remplit et les relève de
leur chute ; il les comble de
richesses et les instruit lui-
même.
Aujourd'hui même cet Es-
prit de science est départi aux
Apôtres pour être leur conso-
lateur ; et dans sa confiance,
il remet en leur pouvoir et
avec plénitude la source même
de la véritable sagesse.
Amen.
LE DON DE SCIENCE.
, 'ame ayant été détachée du mal par la
L Crainte de Dieu et ouverte aux nobles affec-
tions par le don de Piété, éprouve le besoin
de savoir par quel moyen elle évitera ce qui
fait l'objet de sa crainte et pourra trouver
ce qu'elle doit aimer. L'Esprit-Saint vient à
son secours, et lui apporte ce qu'elle désire,
en répandant en elle le Don de Science. Par
ce don précieux la vérité lui apparaît, elle
connaît ce que Dieu demande et ce qu'il
réprouve, ce qu'elle doit rechercher et ce
qu'elle doit fuir. Sans la science divine
notre vue court risque de s'égarer, à cause
des ténèbres qui trop souvent obscurcissent
en tout ou en partie l'intelligence de l'homme.
Le Don de Science. 411
Ces ténèbres proviennent d'abord de notre
propre fonds qui porte des traces trop réelles
de la déchéance. Elles ont encore pour cause
les préjugés et les maximes du monde qui
faussent "tous les jours les esprits que Ton
croirait les plus droits. Enfin l'action de Satan,
qui est le Prince des ténèbres, s'exerce en
grande partie dans le but d'environner notre
"âme d'obscurités, ou de l'égarer à l'aide de
fausses lueurs.
La foi qui nous a été infuse dans le bap-
tême est la lumière de notre âme. Par le don
de Science, TEsprit-Saint fait produire à cette
vertu des rayons assez vifs pour dissiper
toutes nos ténèbres. Les doutes alors s'éclair-
cissent, l'erreur s'évanouit, et la vérité appa-
raît dans tout son éclat. On voit chaque chose
dans son véritable jour, qui est le jour de la
foi. On découvre les déplorables erreurs qui
ont cours dans le monde, qui séduisent un si
çrand nombre d'âmes, et dont peut-être on a
été soi-même longtemps la victime.
Le don de Science nous révèle la fin que
Dieu s'est proposée dans la création, cette fin
hors laquelle les êtres ne sauraient trouver
ni le bien ni le repos. Il nous apprend l'u-
sage que nous devons faire des créatures, qui
nous ont été données non pour nous être un
écueil, mais pour nous aider dans notre mar-
che vers Dieu. Le secret de la vie nous étant
ainsi manifesté, notre route devient sûre,
nous n'hésitons plus, et nous nous sentons
disposés à nous retirer de toute voie qui ne
nous conduirait pas au but.
C'est cette Science, don de l'Esprit-Saint,
que l'Apôtre a en vue lorsque, parlant aux
412 Le Mardi de la Pentecôte.
chrétiens, il leur dit : « Autrefois vous étiez
« ténèbres ; maintenant vous êtes lumière
« dans le Seigneur : marchez désormais
« comme les fils de la lumière ' ». De là vient
cette fermeté, cette assurance de la conduite
chrétienne. L'expérience peut manquer quel-
?|uefois, et le monde s'émeut à la pensée des
aux pas qui sont à redouter ; mais le monde
a compté sans le don de Science. « Le Sci-
« gneur conduit le juste par les voies droites,
« et pour assurer ses pas il lui a donné la
<« Science des saints -. )> Chaque jour cette
leçon est donnée. Le chrétien, au moyen de la
lumière surnaturelle, échappe à tous les
dangers, et s'il n'a pas l'expérience propre,
il a'i'expérience de Dieu.
Soyez béni, divin Esprit, pour cette lumière
que vous répandez en nous, que vous y
maintenez avec une si aimable persévérance.
Ne permettez pas que nous en cherchions
jamais une autre. Elle seule nous suffit; hors
d'elle il n'y a que ténèbres. Gardez-nous des
tristes inconséquences auxquelles plusieurs
se laissent aller imprudemment, acceptant
un jour votre conduite, et le lendemain se
livrant aux préjugés du monde ; menant une
double vie qui ne satisfait ni le monde ni
vous. Il nous faut donc l'amour de cette
Science que vous nous avez donnée pour que
nous fussions sauvés ; l'ennemi de nos âmes
la jalouse en nous, cette science salutaire ; il
voudrait y substituer ses ombres. Ne permet-
tez pas, divin Esprit, qu'il réussisse dans son
perhde dessein, et aidez-nous toujours à dis-
I. Eph. V, 8. — 2. Sap. X, lo.
Le Don de Science. 41 3
cerner ce qui est vrai de ce qui est faux, ce
qui est juste de ce qui est injuste. Que, selon
la parole de Jésus, notre œil soit simple, afin
que tout notre corps, c'est-à-dire l'ensemble
de nos actes, de nos désirs et de nos pensées,
soit dans la lumière ^ ; et sauvez-nous, divin
Esprit, de cet œil que Jésus appelle mau-
vais, et qui rend ténébreux le corps tout
entier.
I. MaTTH. VI, 23.
tS£iXt3MM^X)dhXt3h3St3hjf~ Jlùîilidli3li3b3LéiùAtdlidliJlù
LE MERCREDI DE LA PENTECOTE.
VENi, Sancte Spîritiis,
reple tuorum corda
fidelium, et tui amoris
in eis ignem accende.
VENEZ, Esprit-Saint, rem-
plissez les cœurs de vos
fidèles, et allumez en eux le
Lu de votre amour.
|ous avons vu avec quelle fidélité le
divin Esprit a su accomplir, dans
le cours des siècles, la mission que
l'Emmanuel lui a donnée de for-
mer, de protéger et de maintenir l'Eglise son
Epouse. Cette recommandation d'un" Dieu a
été remplie avec toute la puissance d'un
Dieu ; et c'estle plus beau et le plus étonnant
spectacle que présentent les annales de l'hu-
manité depuis dix-neut siècles. Cette conser-
vation d'une société morale, toujours la même
en tous les temps et en tous les lieux, pro-
mulguant un symbole précis et obligatoire
pour tous ses membres, et maintenant par
ses arrêts la plus compacte unité de croyance
entre tous ses fidèles, est, avec la merveilleuse
propagation du christianisme, l'événement
capital de l'histoire. Aussi ces deux faits
sont-ils, non l'effet d'une providence ordi-
naire, comme le prétendent certains philoso-
phes de notre temps, mais des miracles de
premier ordre opérés directement par le
Saint-Esprit, et destinés à servir de base à
notre foi dans la vérité du christianisme.
L'Esprit-Saint qui ne devait pas, dans l'exer-
cice de sa mission, revêtir une forme sensi-
Le Mercredi de la Pentecôte. 41 5
ble, y a rendu sa présence visible à notre
intelligence, et par ce moyen, il a fait assez
pour démontrer son action personnelle dans
l'œuvre du salut des hommes.
Suivons maintenant cette action divine,
non plus en tant qu'elle a pour but de secon-
der le dessein miséricordieux du Fils de Dieu
qui a daigné prendre une Epouse ici-bas,
mais dans les rapports de cette Epouse avec
la race humaine. Notre Emmanuel a voulu
qu'elle fût la Mère des hommes, et que tous
ceux qu'il convie à l'honneur de devenir ses
propres membres, reconnussent que c'est elle
qui les enfante à cette glorieuse destinée.
L'Esprit-Saint devait donc produire l'Epouse
de Jésus avec assez d'éclat pour qu'elle fût
distinguée et connue sur la terre, tout en lais-
sant à la liberté humaine le pouvoir de la
méconnaître et de la repousser.
Il fallait que cette Eglise dans sa durée
embrassât tous les siècles, qu'elle eût par-
couru la terre d'une manière assez patente
pour que son nom et sa mission pussent être
connus chez tous les peuples; en un mot elle
devait être Catholique, c'est-à-dire universelle,
possédant la catholicité des temps et la catho-
licité des lieux. Telle est, en effet, l'existence
que le divin Esprit lui a créée sur la terre.
Il l'a d'abord promulguée à Jérusalem, au
jour de la Pentecôte, sous les yeux des Juifs
venus de tant de régions diverses, et qui par-
tirent bientôt pour aller en porter la nou-
velle dans les contrées qu'ils habitaient. Il a
lancé ensuite les Apôtres et les disciples sur
le monde, et nous savons par les auteurs con-
temporains qu'un siècle était à peine écoulé
41 6 Le Temps Pascal.
que déjà la terre entière possédait des chré-
tiens. Dès lors chaque année a profité à la
visibilité de cette sainte Eglise. Si le divin
Esprit, dans les desseins de sa justice, a jugé
à propos de la laisser s'affaiblir au sein d'une
nation qui n'était plus digne d'elle, il l'a
transférée dans une autre où elle devait ren-
contrer des fils plus soumis. Si des régions
entières ont quelquefois semblé lui être fer-
mées, c'est qu'à une époque antérieure elle^
se présenta et fut repoussée, ou encore que'
le moment n'était pas venu où elle devait
paraître et s'établir. L'histoire de la propa-
gation de l'Eglise nous donne à constater cet
ensemble merveilleux de vie perpétuelle et
de migrations. Les temps et les lieux lui
appartiennent ; là où elle ne règne pas, elle
est présente par ses membres, et cette préro-
gative de la catholicité qui lui a valu son
nom est un des chefs-d'œuvre de l'Esprit-
Saint.
Mais là ne se borne pas son action pour
l'accomplissement de la mission que lui a
confiée l'Emmanuel à l'égard de son Epouse,
et ici nous devons pénétrer la profondeur du
mystère du Saint-Esprit dans l'Eglise. Après
avoir constaté son influence extérieure pour
la conserver et l'étendre, il nous faut appré-
cier la direction intérieure qu'elle reçoit de
lui, et qui produit en elle l'unité, l'infaillibi-
lité et la sainteté, qualités qui, avec la catho-
licité, forment le signalement de l'Epouse du
Christ.
L'union de l'Esprit-Saint avec l'humanité
de Jésus est une des bases du mystère de
l'Incarnation. Notre divin médiateur est appelé
Le Mercredi de la Pentecôte. 41 j
le Christ, parce qu'il a reçu Tonction ', et
cette onction est l'etTet de l'union de son hu-
manité avec le Saint-Esprit 2. Cette union est
indissoluble: éternellement le Verbe demeu-
rera uni à son humanité, éternellement aussi
le divin Esprit-Saint imprimera sur cette
humanité le sceau de l'onction qui fait le
Christ. Il suit de là que l'Eglise, étant le corps
de Jésus-Christ, doit avoir part à l'union qui
existe entre son divin Chef et l'Esprit-Saini.
Le chrétien, dans le baptême, reçoit l'onc-
tion divine par le Saint-Esprit qui habite
désormais en lui comme le gage de l'héritage
éternel ^ ; mais il y a cette différence qu'il
peut perdre par le péché cette union qui
est en lui le principe de la vie surnaturelle,
tandis qu'elle ne peut jamais faire défaut au
corps même de l'Eglise. L'Esprit-Saint est
incorporé à l'Eglise pour toujours; il est le
principe qui l'anime, qui la fait agir et mou-
voir, et lui fait surmonter toutes les crises
auxquelles, par la permission divine, elle
demeure exposée durant le trajet de cette vie
militante.
Saint Augustin exprime admirablement
cette doctrine dans un de ses Sermons pour
la fête de la Pentecôte : « Le souffle par lequel
« vit l'homme, nous dit-il, s'appelle l'âme; et
« vous êtes à même d'observer le rôle de
« cette âme relativement au corps. C'est
fl elle qui donne la vie aux membres : elle
« qui voit par l'œil, entend par l'oreille, sent
« par l'odorat, parle par la langue, opère par
■> la main, marche par les pieds. Présente à
I. Psalm. XLiv, 8. — 2. Act. x, 38. — 3. Eph. i, i3.
LE TEMPS PASCAL. — T. III.
4iS
Le Temps Pascal.
« chaque membre, elle donne la vie à tous
« et la fonction à chacun. Ce n'est pas l'œil
« qui entend, ce n'est pas l'oreille qui voit ni
0 la langue, de même que ce n'est ni l'oreille
« ni l'œil qui parlent; cependant l'oreille est
« vivante, la langue est vivante; les fonctions
« des sens sont donc varices, mais une même
« vie est commune à tous. Ainsi en est-il
« dans l'Eglise de Dieu. Dans tel saint elle
« opère des miracles, dans tel autre elle ensci-
« gne la vérité, dans celui-ci elle pratique la
« Virginité, dans celui-là elle garde la chas-
« tetc conjugale ; en un mot les divers mem-
« bres de l'Église ont leurs fonctions variées,
« mais tous puisent la vie à une même source.
« Or ce qu'est l'âme au corps humain, le
(( Saint-Esprit Test au corps du Christ qui est
(c l'Eglise. Le Saint-Esprit opère dans toute
« l'Eglise ce que l'âme opère dans tous les
« membres d'un même corps ^ »
La voilà donc dégagée, cette notion à l'aide
de laquelle nous nous rendrons compte de
l'existence de l'Eglise et de ses opérations.
L'Eglise est le corps du Christ, et en elle le
Saint-Esprit est le principe de la vie. C'est
lui qui l'anime, la conserve, agit en elle et
par elle.' Il est son âme, non plus seule-
ment dans le sens restreint selon lequel nous
avons parlé plus haut de l'àme de l'Eglise,
c'est-à-dire son être intérieur qui est du reste
en elle le produit de l'action du Saint-Es-
prit ; mais il est son âme en ce que toute sa
vie intérieure et extérieure, et toute son
opération, procèdent de lui. L'Eglise est im-
Serra, cclvii. In die Pentecostes.
Le Mercredi de la Pentecôte. 41g
périssable, parce que l'amour qui a porté
l'Esprit-Saint à habiter en elle durera tou-
jours; telle est la raison de cette perpétuité
qui est le phénomène le plus étonnant en ce
monde.
Mais il nous faut considérer maintenant
cette autre merveille qui consiste dans la
conservation de l'unité au sein de cette
société. L'Epoux, dans le divin Cantique,
appelle l'Eglise « son unique ». Il n'a pas
désiré plusieurs épouses ; l'Esprit-Saint aura
donc dû veiller avec sollicitude sur l'accom-
plissement du dessein de l'Emmanuel. Sui-
vons les traces de sa sollicitude pour obtenir
un tel résultat. Est-il possible humainement
qu'une société traverse dix-neuf siècles sans
avoir changé, sans avoir remanié son exis-
tence en mille façons, en supposant même
que, sous un nom ou sous un autre, elle ait
pu remplir une telle durée ? Songez que cette
société, durant un si long espace de temps,
n'a pu manquer de voir s'agiter dans son
sein, sous mille formes, les passions humaines
qui souvent entraînent tout après elles ;
au'elle a toujours été composée de races
iverses de langage, de génie, de mœurs, tan-
tôt éloignées les unes des autres au point de
se connaître à peine, tantôt voisines mais
divisées par des intérêts et même par des an-
tipathies nationales; que des révolutions
politiques sans nombre ont modifié sans
cesse, renversé même l'existence des peuples;
et cependant, partout où il a existé, partout
où il existera des catholiques, l'unitédemeure
le caractère de ce corps immense et des
membres qui le composent. Une même foi,
42 0 Le Temps Pascal.
un même symbole, une même soumission à
un même chef visible, un même culte quant
aux points essentiels, une même manière
de trancher toute question par la tradition
et l'autorité. Des sectes se sont élevées en
chaque siècle ; toutes ont dit : « Je suis la
vraie Eglise » ; et pas une seule n'a pu sur-
vivre aux circonstances qui l'avaientproduitc.
Où sont maintenant les ariens avec leur puis-
sance politique, les nestoriens , les euty-
chiens, les monothélites, avec leurs inépui-
sables subtilités ? Quoi de plus impuissant et
de plus stérile que le schisme grec asservi
soit au sultan, soit au moscovite ? que reste-
t-il du jansénisme épuisé par ses vains efforts
pour se maintenir dans l'Eglise malgré
l'Eglise ? et quant au protestantisme parti du
principe de négation, ne l'a-t-on pas vu dès
le lendemain brisé en morceaux, sans jamais
Êouvoir former une même société religieuse?
t ne le voyons-nous pas aujourd'hui aux
abois, incapable de retenir les dogmes qu'il
avait regardés d'abord comme fondamentaux.:
i'inspiration des Ecritures et la divinité de
Jésus-Christ ?
En face de tant de ruines amoncelées,
qu'elle est belle et radieuse dans son unité,
notre mère la sainte Eglise catholique ,
l'Epouse unique de l'Emmanuel ! Les millions
d'hommes qui l'ont composée, et qui la com-
posent encore aujourd'hui, seraient-ils d'une
autre nature que ceux qui se sont partagés
entre les diverses sectes qu'elle a vues naî'trc
et mourir ? Orthodoxes ou hétérodoxes, ne
sommes-nous pas tous membres de la même
famille humaine, sujets aux mêmes passions
Le Mercredi de la Pentecôte. 421
et aux mêmes erreurs? D'où vient aux fils
de l'Eglise catholique cette consistance qui
triomphe du temps, sur laquelle n'influe pas
la dissemblance des races, qui survit à ces
crises et à ces changements que n'ont pu pré-
venir ni la forte constitution des Etats, ni la
résistance séculaire des nationalités? 11 faut
en convenir, un élément divin est là qui
résiste et qui maintient. L'âme de l'Eglise,
l'Esprit-Saint, influe dans tous ses membres,
et comme il est unique, il produit l'unité
dans tout l'ensemble qu'il anime. Ne pou-
vant être contraire à lui-même, rien ne sub-
siste par lui qu'au moyen d'une entière con-
formité avec ce qu'il est. Nous avons ainsi la
clef du grand problème.
Demam nous parlerons de ce que fait l'Es-
prit-Saint pour le maintien de la foi une et
invariable dans tout le corps de l'Eglise;
arrêtons- nous aujourd'hui à le considérer
comme principe d'union extérieure par la
subordination volontaire à un même centre
d'unité. Jésus avait dit : « Tu es Pierre et sur
« cette pierre je bâtirai mon Eglise » ; mais
Pierre devait mourir. La promesse n'avait
donc pas pour objet sa personne seulement,
mais toute la suite de ses successeurs jusqu'à
la fin des siècles. Quelle étonnante et éner-
gique action du divin Esprit produit ainsi,
anneau par anneau, cette dynastie de princes
spirituels arrivée à son deux cent soixante-
quatrième Pontife, et devant se poursuivre jus-
qu'au dernier jour du monde ! Aucune vio-
lence ne sera faite à la liberté humaine; le
divin Esprit lui laissera tout tenter; mais il
faut cependant qu'il poursuive sa mission.
42 2 Le Temps Pascal.
Qu'un Décius produise par ses violences une
vacance de quatre ans sur le siège de Rome,
qu'il s'élève des anti-papes soutenus les uns
par la faveur populaire, les autres par la
politique des princes, qu'un long schisme
rende douteuse la légitimité de plusieurs
Pontifes, l'Esprit-Saint laissera s'écouler l'é-
preuve, il fortifiera, pendant qu'elle dure, la
foi de ses fidèles ; enfin, au moment marqué,
il produira son élu, et toute l'Eglise le recevra
avec acclamation.
Pour comprendre tout ce que cette action
surnaturelle renferme de merveilleux, il ne
suffit pas d'apprécier les résultats extérieurs
qu'elle produit dans l'histoire; il faut la suivre
dans ce qu'elle a d'intime et de mystérieux.
L'unité de l'Eglise n'est pas du genre de cette
unité que les conquérants établissent dans
les pays qu'ils ont soumis, où l'on paie le
tribut parce qu'il faut bien se soumettre à la
force. Les membres de l'Eglise gardent l'unité
dans la foi et dans la soumission, parce qu'ils
se courbent avec amour sous un joug imposé
à leur liberté et à leur raison. Mais qui donc
captive ainsi l'orgueil humain sous une telle
obéissance ? Qui donc fait trouver la joie et le
contentement dans l'abaissement de toute pré-
tention personnelle? Qui donc dispose l'homme
à mettre sa sécurité et son bonheur à dispa-
raître comme individu dans cette unité abso-
lue, et cela en des questions où le caprice hu-
main s'est donné plus large carrière dans tous
les temps ? N'est-ce pas le divin Esprit qui
opère ce miracle multiple et permanent, qui
anime et harmonise ce vaste ensemble, et qui,
sans violence, fond dans l'unité d'un même
Le Mercredi de la Pentecôte. 428
concert les millions de cœurs et d'esprits qui
forment l'Epouse « unique » du Fils de
Dieu ?
Dans les jours de sa vie mortelle, Jésus
demandait pour nous l'unité au Père céleste.
« Qu'ils soientun, comme nous sommes un 1»,
disait-il. Il la prépare, en nous appelant à
devenir ses membres; mais pour opérer cette
union, il envoie aux hommes son Esprit, cet
Esprit divin qui est le lien éternel entre le
Père et le Fils, et qui daigne, dans le temps,
descendre jusqu'à nous, pour y réaliser cette
unité ineffable qui a son type en Dieu
même.
Grâces vous soient donc rendues, divin
Esprit, qui habitant ainsi dans l'Eglise de
Jésus, nous inclinez miséricordieusementvers
l'unité, qui nous la faites aimer, et nous dis-
posez à tout souffrir plutôt que de la rompre.
Fortifîez-la en nous, et ne permettez jamais
qu'un défaut de soumission l'altère même
légèrement. Vous êtes l'âme de la sainte
Eglise; gouvernez-nous comme des membres
toujours dociles à votre impulsion; car nous
savons que nous ne saurions être à Jésus qui
vous a envoyé, si nous n'étions à l'Eglise son
Epouse et notre Mère, à cette Eglise qu'il a
rachetée de son sang, et qu'il vous a donnée
à former et à conduire.
Samedi prochain, l'Ordination des prêtres
et des ministres sacrés aura lieu dans toute
l'Eglise; l'Esprit-Saint, dont le sacrement de
l'Ordre est une des principales opérations,
I. JOHAN. XVII, II.
424
Le Temps Pascal.
descendra dans les âmes qui lui seront pré-
sentées, et imprimera sur elles, par les mains
du Pontife, le sceau du Sacerdoce ou du
Diaconat, En présence d'un si grave intérêt,
la sainte Eglise prescrit dés aujourd'hui à
ses fidèles le jeûne et l'abstinence, pour obte-
nir de la miséricorde divine que l'etfusion
d'une telle grâce soit favorable à ceux qui la
recevront et avantageuse à la société chré-
tienne.
A Rome, la Station est aujourd'hui dans la
Basilique de Sainte-Marie-Majeure. Il était
juste qu'un des jours de cette grande Octave
vît les fidèles réunis sous les auspices de la
Mère de Dieu, dont la participation au mys-
tère de la Pentecôte a été si glorieuse et si
favorable à l'Eglise naissante.
eus achèverons la journée en insérant ici
l'une des plus belles Séquences d'Adam
de Saint-Victor sur le mystère du Saint-Es-
prit.
N
SÉQUENCE.
LUX jocunda, lux insi-
gnis,
Qua de throno missus
ignis
In Christi discipulos
Corda replet, linguas di-
tat.
Ad concordes non invi-
tât
Linguœ cordis mo-
dulos.
UNE lumière joyeuse, écla-
tante, un feu lancé du
trône céleste sur les disciples
du Christ, remplissent les
cœurs, fécondent les langues,
et nous invitent ù unir dans
un concert mélodieux et nos
langues et nos cœurs.
Le Mercredi de la Pentecôte.
42 5
Le gage que le Christ avait
promis à son Epouse, il le lui
envoie au cinquantième jour;
devenu ferme comme un ro-
cher, Pierre répand dans ses
discours le miel le plus doux,
l'huile la plus généreuse.
Sur la montagne, l'ancien
peuple reçut la loi, non dans
des langues de feu, mais gra-
vée sur la pierre ; dans le Cé-
nacle, un petit nombre d'hom-
mes reçoit un cœur nouveau,
et revient à l'unité des lan-
gues.
O jour heureux, jour solen-
nel, où l'Eglise primitive est
fondée ! Trois mille hommes
sont les prémices de cette
Eglise à sa naissance.
Les deux pains oflerts en
prémices dans la loi, figu-
raient les deux peuples adop-
tés en ce jour dans une même
foi • la pierre placée à la tête
de l'angle s'interpose entre
les deux, et des deux ne fait
plus qu'un seul peuple.
De nouvelles outres, non
plus les anciennes, sont rem-
plies d'un vin nouveau : la
veuve préparc ses vases, tan-
dis qu'Elisée multiplie l'huile
en abondance : ainsi Dieu
Christus misit quod
promisit
Pignus Sponsae, quam
revisit
Die quinquagesima ;
Post dulcorem mcl-
leum
Petra fudit oleum,
Petra jamfirmissima.
In tabellis saxeis,
Non in linguis igneis,
Lex de monte popu-
lo ;
Paucis cordis covi-
tas
Etlinguarum unitas,
Datur in Cœnaculo.
O q.uam felix, quam
festiva
Dies in qua primitiva
Fundatur Ecclcsia l
Vivœ sunt primitia;
Nascentis Ecclesicc,
Tria primum millia.
Panes legis primitivi,
SuQt sub una adoptivi
Fide duo populi :
Se duobus interjecit
Sicque duos unum fecit
Lapis, caput anguli.
Utresnovi,nonvetusti,
Sunt capaces novi musti :
Vasa paret vidua.
Liquorem dat Eliseus :
Nobis sacrum rorem
Deus,
42 G Le Mercredi de la Pentecôte.
Si corda sint con-
grua.
Non hoc musto vel li-
quore,
Non hoc sumus digni
rore,
Si discordes mori-
bus.
In obscuris vel divisis,
Non potest haec Paracli-
sis
Habitare cordibus.
Consolator aime, veni :
Linguas rege, corda le-
ni :
Nihil fellis aut veneni
Sub tua praesentia.
Nil jocundum, nil amœ-
num,
Nil salubre, nil sere-
num,
Nihil dulce, nihil plé-
num.
Sine tua gratia.
Tu lumen es et un-
guentum,
Tu cœleste condimen-
tum,
Aquas ditans eleraen-
tum
Virtute mysterii.
Nova facti creatura,
Te laudemus mente pa-
ra,
Gratiœ nunc, sed na-
tura
Prius irœ filii.
répand aujourd'hui la céleste
robée, autant qu'il trouve de
cœurs préparés à la rece-
voir.
Nous ne serions pas dignes
de recevoir ce vin précieux,
cette rosée divine, si notre
vie était déréglée : ce Para-
clet ne saurait habiter dans
des cœurs remplis de ténè-
bres ou divisés.
Viens donc à nous, auguste
Consolateur ! gouverne nos
langues, apaise nos cœurs :
ni fiel, ni venin n'est compa-
tible avec ta présence. Sans
la grâce, il n'est ni délice,
ni salut, ni sérénité, ni dou-
ceur, ni plénitude.
Tu es lumière et parfum -,
tu es ce principe céleste qui
confère à l'élément de l'eau
une puissance mystérieuse .
nous qui sommes devenus
une création nouvelle, d'a-
bord enfants de colère par
nature, maintenant enfants
de la grâce, nous te louons
d'un cœur purifié.
Le Don de Force.
427
Toi qui donnes et qui es
en même temps le don, toi
qui verses sur nous tous
les biens, rends nos cœurs
capables de te louer, forme
nos langues à célébrer tes
grandeurs. Auteur de toute
pureté, purifie-nous du pé-
ché : renouvelle-nous dans
le Christ, et fais-nous goûter
la joie entière que donne à
l'âme la vie nouvelle.
Amen.
Tu qui dater es et do-
num,
Nostri cordis orane bo-
num,
Cor ad laudera reddc
pronum,
Nostrœ linguae formans
sonum
In tua praeconia.
Tu nos purga a pecca-
tis,
Auctor ipse pietatis,
Et in Christo renovatis
Da perfectœ novitatis
Plena nobis gaudia.
Amen.
LE DON DE FORCE.
LE don de Science nous a appris ce que
nous devons faire et ce que nous devons
éviter pour être conformes au dessein de
Jésus-Christ notre divin chef. Il faut mainte-
nant que l'Esprit-Saint établisse en nous un
principe duquel nous puissions emprunter
l'énergie qui devra nous soutenir dans la
voie qu'il vient de nous montrer. Nous de-
vons en effet compter sur des obstacles, et le
grand nombre de ceux qui succombent suffit
à nous convaincre du besoin que nous avons
d'être aidés. Le secours que le divin Esprit
nous communique est le don de Force, par
lequel, si nous sommes tidèles à l'employer,
il nous sera possible et même aisé de triom-
pher de tout ce qui pourrait arrêter notre
marche.
Dans les difficultés et les épreuves de la
42<V Le Mercredi de la Pentecôte
vie, l'homme est tantôt porté à la faiblesse
et à l'abattement, tantôt poussé par une ar-
deur naturelle qui a sa source dans le tem-
pérament ou dans la vanité. Cette double
disposition avancerait peu la victoire dans
les combats que l'âme doit livrer pour son
salut. L'Esprit-Saint apporte donc un élément
nouveau, cette force surnaturelle qui lui est
tellement propre que le Sauveur, instituant
ses Sacrements, en a établi un qui a pour
objet spécial de nous donner ce divin Esprit
comme principe d'énergie. Il est hors de
doute qu'ayant à lutter pendant cette vie
contre le démon, le monde et nous-mêmes, il
nous faut autre chose pour résister que la
pusillanimité ou l'audace. Nous avons besoin
d'un don qui modère en nous la peur, en
même temps qu'il tempère la confiance que
nous serions portés à mettre en nous-mêmes.
L'homme ainsi modifié par le Saint-Esprit
vaincra sûrement; car la grâce suppléera en
lui à la faiblesse de la nature, en même
temps qu'elle en corrigera la fougue.
Deux nécessités se rencontrent dans la vie
du chrétien : il lui faut savoir résister et savoir
supporter. Que pourrait-il opposer aux ten-
tations de Satan, si la Force du divin Esprit
ne venait le couvrir d'une armure céleste et
aguerrir son bras? Le monde n'est-il pas
aussi un adversaire terrible, si l'on considère
le nombre des victimes qu'il fait chaque jour
par la tyrannie de ses maximes et de ses
prétentions? Quelle ne doit pas être l'assis-
tance du divin Esprit, lorsqu'il s'agit de ren-
dre le chrétien invulnérable aux traits meur-
triers qui font tant de ravages autour de lui ?
Le Don de Force. 42g
Les passions du cœur de l'homme ne sont
pas un moindre obstacle à son salut et à sa
sanctification: obstacle d'autant plus redou-
table qu'il est plus intime. 11 faut que l'Es-
prit-Saint transforme le cœur, qu'il l'entraîne
même à se renoncer, lorsque la lumière
céleste indique une autre voie que celle vers
laquelle nous pousse l'amour et la recherche
de nous-mêmes. Quelle Force divine ne faut-
il pas pour « haïr jusqu'à sa propre vie »,
quand Jésus-Christ l'exige 1, quand il s'agit
de faire le choix entre deux maîtres dont le
service est incompatible-? L'Esprit-Saint
fait tous les jours de ces prodiges au moyen
du don qu'il a répandu en nous, si nous ne
méprisons pas ce don, si nous ne l'ctouffons
pas dans notre lâc'neté ou dans notre impru-
dence. Il apprend au chrétien à dominer ses
passions, à ne pas se laisser conduire par
ces guides aveugles, à ne céder à ses instincts
que lorsqu'ils sont conformes à l'ordre que
Dieu a établi.
Quelquefois ce divin Esprit ne demande
pas seulement que le chrétien résiste inté-
rieurement aux ennemis de son âme; il exige
qu'il proteste ouvertement contre l'erreur et
le mal, si le devoir d'état ou la position le
réclament. C'est alors qu'il faut braver cette
sorte d'impopularité qui s'attache parfois au
chrétien, et qui ne doit pas le surprendre
quand il se rappelle les paroles de l'Apôtre :
u Si j'étais agréable aux hommes, je ne serais
« pas serviteur du Christ 3. » Mais l'Esprit-
I. JOHAN. XH, 25. — 2. MaTTH. VI, 24. — 3. Gai.
I, 10,
4^0 Le Mercredi de la Pentecôte.
Saint ne fait jamais défaut, et lorsqu'il ren-
contre une âme résolue à user de la Force
divine dont il est la source, non seulement
il lui assure le triomphe, mais il l'établit
pour l'ordinaire dans cette paix pleine de
douceur et de courage qu'apporte la victoire
sur les passions.
Telle est la manière dont l'Esprit-Saint
applique le don de Force au chrétien, lors-
âue celui-ci doit s'exercer à la résistance,
bus avons dit que ce précieux don apportait
en même temps l'énergie nécessaire pour
supporter les épreuves au prix desquelles est
le salut. Il est des frayeurs qui glacent le cou-
rage et peuvent entraîner l'homme à sa perte.
Le don de Force lesdissipe; il les remplace par
un calme et une assurance qui déconcertent la
nature. Voyez les martyrs, et non pas seule-
ment un saint Maurice, chef de la légion
Thébaine, accoutumé aux luttes du champ
de bataille, mais ces Félicité, mère de sept
enfants, ces Perpétue, noble dame de Car-
thage pour laquelle le monde n'avait que des
faveurs; ces Agnès, enfant de treize ans, et
tant de milliers d'autres, et dites si le don de
Force est stérile en sacrifices. Qu'est devenue
la peur de la mort, de cette mort dont la
seule pensée nous accable parfois.^ Et ces
généreuses offrandes de toute une vie immo-
lée dans le renoncement et les privations,
afin de trouver Jésus sans partage et de sui-
vre ses traces de plus près! Et tant d'exis-
tences voilées aux regards distraits et super-
ficiels des hommes, existences dont l'élément
est le sacrifice, où la sérénité n"est jamais
vaincue par l'épreuve, où la croix toujours
Le Don de Force. 43 1
renaissante est toujours acceptée ! Quels tro-
phées pour l'Esprit de Force ! que de dévoue-
ments au devoir il sait produire ! Et si
l'homme à lui seul est peu de chose, com-
bien il grandit sous l'action de l'Esprit-
Saint!
C'est lui encore qui aide le chrétien à bra-
ver la triste tentation du respect humain,
l'élevant au-dessus des considérations mon-
daines qui dicteraient une autre conduite.
C'est lui qui pousse l'homme à préférer au
vain honneur du monde la joie de n'avoir pas
violé le commandement de son Dieu. C'est
cet Esprit de Force qui fait accepter les dis-
grâces de la fortune comme autant de des-
seins miséricordieux du ciel, qui soutient le
courage du chrétien dans la perte si doulou-
reused'êtres chéris, dans les souffrances phy-
siques qui lui rendraient la vie à charge, s'il
ne savait qu'elles sont des visites du Sei-
gneur. C'est lui enfin, comme nous le lisons
dans la vie des saints, qui se sert des ré-
pugnances même de la nature, pour pro-
voquer ces actes héroïques où la créature
humaine semble avoir franchi les limites de
son être pour s'élever au rang des esprits im-
passibles et glorifiés.
Esprit de Force, soyez toujours plus en
nous, et sauvez-nous de la mollesse de ce
siècle. A aucune époque l'énergie des âmes
n'a été plus affaiblie, l'esprit mondain plus
triomphant, le sensualisme plus insolent, l'or-
gueil et l'indépendance plus prononcés. Sa-
voir être fort contre soi-même, est une rareté
qui excite l'étonnement dans ceux qui en
sont témoins: tant les maximes de l'Evangile
4^2 Le Temps Pascal.
ont perdu de terrain ! Retenez-nous sur cette
pente qui nous entraînerait comme tant
d'autres, ô divin Esprit! Souffrez que nous
vous adressions en forme de demande les
vœux que formait Paul pour les chrétiens
d'Ephèse, et que nous osions réclamer de
votre largesse « cette armure divine qui
« nous mettra en état de résister au jour
« mauvais et de demeurer parfaits en toutes
« choses. Ceignez nos reins de la vérité,
<« couvrez-nous de la cuirasse de la justice,
« donnez à nos pieds l'Evangile de paix pour
u chaussure indestructible ; munissez-nous
« du bouclier de la foi, contre lequel vien-
« nent s'éteindre lestraits enflammés de notre
« cruel ennemi. Placez sur notre tète le cas-
« que qui est l'espérance du salut, et dans
« notre main le glaive spirituel qui est la
« parole même de Dieu i, » et à l'aide duquel,
comme le Seigneur dans le désert, nous pou-
vons venir à bout de tous nos adversaires.
Esprit de Force, faites qu'il en soit ainsi.
LE JEUDI DE LA PENTECOTE.
^ENEZ, Esprit-Saint, rem-
plissez les cœurs de vos
fidèles, et allumez en eux le
feu de voire amour.
Y ENi, Sancte Spiritus,
reple tuorum corda
fidelium, et tui amoris in
eis ignem accende.
E divin Esprit qui tient unis dans
un même tout les membres de la
sainte Eglise, parce qu'il est lui-
'.:-^c~^.^ même unique, n'a pas seulement
ete envoyé pour assurer l'unité -inviolable à
l'Epouse du Christ. Cette Epouse d'un Dieu
qui s'est appelé lui-même la Vérité ', a besoin
d'être dans la vérité, et ne peut être acces-
sible a l'erreur. Jésus lui a confié sa doc-
trine, il l'a instruite en la personne des Apô-
tres. « Tout ce que j'ai entendu de mon Père,
« dit-il, )e vous l'ai manifesté 2. „ Mais com-
ment cette Eglise, si elle est laissée à l'hu-
maine faiblesse, pourra-t-elle conserver sans
mélange et sans altération, durant la traver-
sée des siècles, cette parole que Jésus n'a pas
écrite, cette vérité qu'il est venu de si haut
apporter à la terre ? L'expérience prouve que
tout s altère ici-bas, que les textes écrits sont
sujets a de fausses interprétations, et que
les traditions non écrites deviennent mécon-
naissables parle cours des années.
C'est ici encore que nous devons recon-
I. JOHAN. XIV, 6. — 2.1bid. XV, i5.
LE TEMPS PASCAL. — T. III.
28
434 L.e Temps Pascal.
naître la divine prévoyance de notre Emma-
nuel montant au ciel. De même que pour
accomplir le désir qu'il a « que nous soyons
« un. comme il est un a\ ce son Père »,' il a
député vers nous son unique Esprit ; ainsi,
pour nous maintenir dans la vérité, il nous
a envoyé ce même Esprit qu'il appelle l'Es-
prit de vérité. « Quand il sera venu, dit-il,
« cet Esprit de vérité, il \ ous enseignera toute
« vérité '. » Et quelle est la vérité qu'ensei-
gnera cet Esprit? « Il enseignera toutes cho-
« ses, et il vous suggérera tout ce que je vous
« aurai dit -. »
Rien donc ne se perdra de ce que le Verbe
divin a dit aux hommes. La beauté de son
Epouse aura pour fondement la vérité; car
la beauté est lasplendeur du vrai. Sa fidélité à
l'Epoux sera parfaite; car s'il est la Vérité, la
Vérité est assurée en elle pour jamais. Jésus le
déclare ainsi: « Le nouveau Consolateur que
« le Père vous enverra demeurera avec vous
« pour toujours, et il sera en vous s, » C'est
donc par l'Ésprit-Saint que l'Eglise possédera
en propre la vérité, et cette possession ne lui
sera jamais enlevée; car cet Esprit envoyé
par le Père et par le Fils s'attachera à l'É-
glise et ne la quittera plus.
C'est ici le moment de se rappeler la magni-
fique théorie de saint Augustin. Selon sa
doctrine qui n'est que l'explication des pas-
sages du saint Evangile que nous venons de
lire, l'Esprit-Saint est le principe de la vie
dans l'Eglise; étant donc l'Esprit de vérité,
I. JoHAN, xvî, i3. — 2. Ibid. XIV, 26. — 3. Ibid. xiv,
16, 17.
Le Jeudi de la Pentecôte. 435
il conserve la vérité en elle, il la dirige dans
la vérité, en sorte qu' elle ne peut exprimer
que la vérité dans son enseignement et dans
sa conduite. Il assume la responsabilité de
SCS paroles, comme notre esprit répond de
ce que profère notre langue ; et c'est pour
cela que la sainte Eglise est tellement iden-
tifiée avec la vérité par son union avec l'Es-
prit divin, que l'Apôtre ne fait pas difficulté
de nous dire qu'elle en est « la colonne et l'ap-
pui ^ '> Que l'on ne s'étonne donc pas si le chré-
tien se repose sur l'Eglise dans sa croyance. Ne
sait-il pas que cette Eglise n'est jamais seule,
qu'elle est toujours avec l'Esprit divin qui
vit en elle, que sa parole n'est pas sa parole
à elle, mais la parole de l'Esprit qui n'est
autre que la parole de Jésus ?
Or, cette parole de Jésus, l'Esprit la con-
serve pour l'Eglise dans un double dépôt. Il
veille sur elle dans les saints Evangiles qu'il
a inspirés à leurs auteurs. Par ses soins, ces
livres sacrés sont défendus contre toute alté
ration, et ils traversent les siècles sans que
la main de l'homme leur ait fait subir de
changement. Il en est de même des autres
livres du Nouveau Testament composés sous
le souffle du même Esprit. Ceux dont se com-
pose l'Ancien Testament sont également le
produit de l'inspiration du divin Esprit. S'ils
ne rapportent pas les discours de Jésus du-
rant sa vie mortelle, ils parlent de lui, ils
l'annoncent, en même temps qu'ils contien-
nent la première initiation aux choses divi-
nes. Cet ensemble des livres sacrés est rem-
4^à Le Temps Pascal.
pli des mystères dont l'Esprit a la clef pour
la communiquer à l'Eglise.
L'autre source de la parole de Jésus est la
Tradition. Tout ne devait pas être écrit, et
l'Eglise existaitdéjàque les Evangiles n'étaient
pas encore rédigés. Cette Tradition, élément
divin comme l'Écriture elle-même, comment
aurait-elle survécu sans altération, si l'Esprit
de Vérité ne veillait à sa garde ? 11 la main-
tient donc dans la mémoire de l'Eglise, il la
préserve de tout changement : c'est sa mis-
sion, et par la fidélité qu'il met à remplir
cette mission, l'Epouse demeure en posses-
sion de tous les secrets de l'Epoux.
Mais il ne suffit pas que l'Eglise possède
la vérité écrite et traditionnelle, comme un
dépôt scellé. Il faut encore qu'elle en ait le
discernement, afin de pouvoir l'interpréter à
ceux auxquels elle doit rendre les enseigne-
ments de Jésus. La vérité n'est pas descendue
du ciel pour n'être pas communiquée aux
hommes; car elle est leur lumière, et sans
elle ils languiraient dans les ténèbres, sans
savoir d'où ils viennent et où ils vont '.
L'Esprit de \'érité ne se bornera donc pas à
conserver la parole de Jésus dans l'Eglise
comme un trésor caché, il en dirigera l'épan-
chement sur les hommes, afin qu'ils y puisent
la vie de leurs âmes. L'Eglise sera donc
infaillible dans son enseignement ; car elle
ne pourrait se tromper ni tromper les
hommes, puisque l'Esprit de Vérité la conduit
en tout et parle par son organe. II est son
Le Jeudi de la Pentecôte. 43 j
âme, et nous avons reconnu, avec saint
Augustin, que lorsque la langue s'exprime,
c'est l'âme que l'on entend.
La voilà, cette infaillibilité de notre mère
la sainte Eglise, résultat direct et immédiat
de l'incorporation de l'Esprit de Vérité en
elle! c'est la promesse du Fils de Dieu, c'est
l'effet nécessaire de la présence du Saint-
Esprit. Quiconque ne reconnaît pas l'Eglise
pour infaillible doit, s'il est conséquent avec
lui-même, admettre que le Fils de Dieu a
été impuissant à remplir sa prom.esse, et que
l'Esprit de Vérité n'est qu'un Esprit d'erreur.
Mais celui qui raisonne ainsi a perdu le
sentier de la vie ; il a cru nier seulement
l'Eglise, et sans s'en apercevoir, c'est Dieu
même qu'il a renié. Tel est le crime et le
malheur de l'hérésie. Le défaut de rétlexion
sérieuse peut voiler cette terrible consé-
quence : elle n'en est pas moins rigoureuse-
ment déduite. L'hérétique a rompu avec le
Saint-Esprit, en rompant de pensée avec
l'Eglise : il pourrait revivre en retournant
humblement vers l'Epouse du Christ, mais
présentement il est dans la mort; car l'âme
ne l'anime plus. Ecoutons encore le grand
Docteur : « Il arrive parfois, dit-il, qu'un
« membre du corps humain soit coupé, une
« main, un doigt, un pied : l'âme suit-elle le
« membre ainsi séparé du corps ? non ; ce
« membre, quand il était uni au corps,
«« jouissait de la vie; isolé maintenant, c'est
« la vie même qu'il a perdue. De même le
« chrétien demeure catholique tant qu'il est
« adhérent au corps de l'Eglise; en est-il
« séparé, le voilà hérétique; l'Esprit ne
438 Le Temps Pascal.
« suit pas le membre qui s'est détaché ^ ».
Honneur soit donc à l'Esprit divin pour la
splendeur de vérité qu'il communique à
itpouse ! mais pourrions-nous, sans le plus
affreux péril, imposer des bornes à notre
docilité, aux enseignements qui nous vien-
nent à la fois de l'Esprit et de l'Epouse que
nous savons unis d'une manière si indisso-
luble-? Soit donc que l'Eglise nous intime
ce que nous devons croire en nous montrant
sa pratique, ou par la simple énonciation
de ses sentiments, soit quelle déclare solen-
nellement la définition attendue, nous de-
vons regarder et écouter avec soumission de
cœur: car la pratique de l'Eglise est mainte-
nue dans la vérité par l'Esprit qui la vivifie;
renonciation de ses sentiments à toute heure
est l'aspiration continue de cet Esprit qui
vit en elle ; et quant aux sentences qu'elle
rend, ce n'est pas elle seule qui prononce,
c'est l'Esprit qui prononce en elle et par
elle. Si c'est son Chef visible qui déclare la
doctrine, nous savons que Jésus a daigné
prier pour que la foi de Pierre ne défaille
pas, qu'il l'a obtenu de son Père, et qii'il a
confié à l'Esprit la charge de maintenir Pierre
en possession d'un don si précieux pour nous.
Si le Pontife suprême, à la tête du collège
épiscopal réuni conciliairement. déclare la
foi dans l'accord parfait du Chef et des
membres, c'est l'Esprit qui dans ce jugement
collectif prononce avec une majesté sou-
veraine pour la gloire de la vérité et la confu-
Le Jeudi de la Pentecôte. 43g
sion de l'erreur. C'est l'Esprit qui a abattu
toutes les hérésies sous les pieds de l'Epouse
victorieuse ; c'est l'Esprit qui a suscité dans
son sein, à tous les siècles, les docteurs qui
ont terrassé l'erreur aussitôt qu'elle s'est
montrée.
Elle a donc en partage le don de l'infailli-
bilité, notre Eglise bien-aimée; elle est donc
vraie en tout et toujours, l'Epouse de Jésus ;
et elle doit cet heureux sort a celui qui pro-
cède éternellement du Père et du Fils. Mais
il est encore une gloire dont elle lui est
redevable. L'Epouse du Dieu saint doit être
sainte. Elle l'est ; et c'est de l'Esprit de sain-
teté qu'elle reçoit la sainteté. La vérité et la
sainteté sont unies en Dieu d'une manière in-
dissoluble ; etc'estpour celaque Jésus voulant
« que nous soyons parfaits comme notre Père
« céleste est parfait ^ )),'et que tout en restant
de simples créatures nous cherchions notre
type dans le souverain bien, demande « que
il nous soyons sanctifiés dans la Vérité 2. »
Jésus a donc remis son Epouse à la direc-
tion de l'Esprit, afin qu'il la rendît sainte.
Or, la sainteté est tellement inhérente à cet
Esprit divin qu'elle sert à le désigner com-
me sa qualité fondamentale. Jésus lui-même
l'appelle le Saint-Esprit, en sorte que c'est
'lUr le témoignage du Fils de Dieu que nous
iui donnons" ce beau nom. Le Père est la
Puissance, le Fils est la Vérité, l'Esprit est
la Sainteté; et c'est pour cela que l'Esprit
remplit ici-bas le ministère de sanctificateur,
bien que le Père et le Fils soient saints, de
I. MaTTH, y, 48. — 2. JOHAN. XVII, IQ.
440 Le Temps Pascal.
même que la vérité est dans le Père et dans
Ibspnt, et que l'Esprit ainsi que le Fils
aient aussi la puissance. Les trois divines
personnes ont leurs propriétés spéciales, mais
elles sont unies dans une seule et même
essence. Or, la propriété spéciale du Saint-
tsprit est d'être l'amour, et l'amour produit
la samtete; car il unit et identifie le souve-
rain bien avec celui qui en a l'amour, et cette
union ou identification est la sainteté qui est
a splendeur du Bien, comme la beauté est
la splendeur du Vrai.
Pour être digne de l'Emmanuel son Epoux,
1 Eglise devait donc être sainte. Il lui avait
donne la venté que l'Esprit a maintenue en
elle; 1 Esprit a son tour lui donnera la sain-
teté, et le Père céleste la voyant vraie et
sainte, l'adoptera pour sa fille: telle est sa
destinée glorieuse. Vovons maintent les traits
de cette sainteté. Le premier est la fidélité à
1 Epoux. Or, l'histoire de l'Eglise tout entière
dépose de cette fidélité. Tous les pièges lui
ont ete tendus, toutes les violences ont été
dirigées contre elle, pour la séduire et pour
la détacher de l'Epoux. Elle a tout déjoué,
tout brave; elle a sacrifié son sang, son repos,
et jusqu'au territoire où elle régnait, plutôt
que de laisser altérer entre ses mains le dé-
pot que l'Epoux lui avait confié. Comptez, si
vous pouvez, les martyrs depuis les Apôtres
jusqu'aujourd'hui. Rappelez-vous les offres
des princes, si elle voulait se taire sur la
vente divine, les menaces et les traitements
cruels qu'elle a encourus plutôt que de lais-
ser mutiler son symbole. Pourrait-on oublier
les luttes formidables qu'elle a soutenues
Le Jeudi de la Pentecôte. 441
contre les empereurs d'Allemagne pour sau-
vegarder sa liberté dont son Epoux est si
jaloux; le noble détachement qu'elle a mon-
tré, aimant mieux voir l'Angleterre rompre
avec elle que de sanctionner par une dis-
pense illicite l'adultère d'un roi; la géné-
rosité qu'elle a fait paraître dans la personne
de Pie IX, en bravant les dédains de la poli-
tique mondaine et les lâches étonnements
des faux catholiques, plutôt que de laisser
un enfant juif à qui le baptême avait été
conféré en danger de mort, exposé à renier
l'ineffaçable caractère de chrétien, et à blas-
phémer le Christ dont il était devenu l'heu-
reux membre ?
L'Eglise agit et agira ainsi jusqu'à la fin,
parce qu'elle est sainte dans sa fidélité; et
l'Esprit nourrit toujours en elle un amour
qui ne calcule jamais en présence du devoir.
Elle peut ouvrir le code de ses lois en pré-
sence de ses ennemis comme de ses enfants
fidèles, et leur demander s'ils pourraient en
signaler une seule qui n'ait pas pour objet
de procurer la gloire de son Epoux et le bien
des hommes par la pratique de la vertu.
Aussi, voyons-nous sortir de son sein des
millions d'êtres vertueux qui s'en vont à
Dieu après cette vie. Ce sont les saints que
l'Eglise sainte produit par l'influence de
l'Esprit-Saint. Dans toutes ces myriades
d'élus, il n'en est pas un que l'Eglise ne re-
vendique comme le fruit de son sein mater-
nel. Ceux-là même ou'une permission divine
a laissé naître dans des sociétés séparées, s'ils
ont vécu dans la disposition d'embrasser la
vraie Eglise quand elle leur serait manifestée.
442 Le Temps Pascal.
et s'ils ont praticqué toutes les vertus dans
une entière fidélité à la grâce qui est le fruit de
l'universelle rédemption : cette Eglise sainte
les réclame pour ses fils.
Chez elle fleurissent tous les dévouements,
tous les hcroismes. Des vertus inconnues au
monde avant qu'elle fût fondée, sont journa-
lières dans son sein. En elle il est des sain-
tetés éclatantesqu'ellc couronne deshonneurs
de la canonisation : il est des vertus humbles
et cachées qui ne rayonneront qu'au jour
de l'éternité. Les préceptes de Jésus sont
observés par ses disciples, et il règne en eux
comme un maître chéri. Mais ce maître a
donné aussi des conseils qui ne sont pas à la
portée de tous, et c'est la source d'un nouvel
épanouissement de la sainteté intarissable
de l'Epouse. Non seulement il est des âmes
généreuses qui s'attachent avec amour à ces
divins conseils ; mais le sein de l'Eglise fé-
condé par le divin Esprit ne cesse de produire
et d'alimenter d'immenses familles religieu-
ses, dont l'élément est la perfection, dont la
loi suprême est la pratique des conseils unie
par le vœu à celle des préceptes.
Nous ne nous étonnerons plus après cela
que l'Epouse resplendisse de ce don des mi-
racles qui atteste visiblement la sainteté.
Jésus lui a promis que son front serait tou-
jours entouré de cette surnaturelle auréole ^ ;
or, l'Apôtre nous enseigne que les prodiges
opérés dans l'Eglise sont l'œuvre directe du
Saint-Esprit -.
Que si quelqu'un fait la remarque que tous
I. JOHAN, XIV, 12. — 2. 1 Cor. xn, I I.
Le Jeudi de la Pentecôte. 448
les membres de l'Eglise ne sont pas saints,
nous lui répondrons qu'il suffit que cette
Epouse du Christ offre à tous le moyen de
le devenir; mais que la liberté étant donnée
pour être l'instrument du mérite, il serait
contradictoire que ceux qui possèdent la
liberté fussent en même temps nécessites au
bien. Nous ajouterons qu'un nombre im-
mense de ceux qui sont dans le péché, res-
tant membres de l'Eglise par la foi et la sou-
mission respectueuse aux pasteurs légitimes
et principalement au Pontife romain, rentre-
ront tôt ou tard en grâce avec Dieu et ter-
mineront leur vie dans la sainteté. La misé-
ricorde de l'Esprit-Saint opère cette mer-
veille par le moyen de l'Eglise qui, à l'exem-
ple de son Epoux, « n'éteint pas la mèche qui
« fume encore, et n'achève pas de rompre le
« roseau déjà éclaté 1. »
Celle qui a reçu, pour le communiquer à
ses membres, le divin septénaire des Sacre-
ments dont nous avons exposé la richesse
dans le cours d'une des semaines précédentes,
comment ne serait-elle pas sainte ? Est-il
rien de plus saint que cet auguste ensemble
de rites qui donnent les uns la vie aux pé-
cheurs, les autres l'accroissement de la grâce
aux justes? Ces Sacrements établis par Jésus
lui-même et qui sont l'héritage de la sainte
Eglise, ont tous leur relation avec l'Esprit-
Saint. Dans le Baptême, la Confirmation et
l'Ordre, c'est lui-même qui agit directement;
dans le Sacrifice eucharistique, c'est par son
action que l'Homme-Dieu vit et est immolé
I. ISAI. XLII, 3.
444
Le Temps Pascal.
sur notre autel ; il fait renaître la grâce bap-
tismale dans la Pénitence ; il est l'Esprit de
Force qui conforte le mourant dans l'Onc-
tion suprême, le lien sacré qui unit indisso-
lublement les époux dans le Mariage. En
montant aux cieux, notre Emmanuï nous
laissait comme gage de son amour ce septé-
naire sacrament'eT; mais le- trésor demeura
scellé jusqu'à ce que l'Esprit divin fût des-
cendu. Il devait lui-même mettre l'Epouse
en possession d'un dépôt si précieux, l'ayant
préparée, en la sanctifiant, à le recevoir
dans ses royales mains et à l'administrer
fidèlement à ses heureux membres,
L'Eglise enfin est sainte au moyen de la
prière qui en elle est incessante. Celui qui
est a. l'Esprit de grâce et de prières i » pro-
duit continuellement dans les fidèles de
l'Eglise, les actes divers qui forment le su-
blime concert de la prière : adoration, action
de grâces, demande, élans du repentir, effu-
sions de Tamour. Il y joint chez plusieurs
les dons de la contemplation, par lesquels la
créature est tantôt ravie jusqu'en Dieu, tan-
tôt voit descendre Dieu jusqu'à elle avec des
faveurs qui tiennent de la vie à venir plus
que de celle-ci. Qui pourrait compter les
respirations de la sainte Eglise, je veux dire
ses épanchements vers l'Epoux, dans les
millions de prières qui montent à chaque
minute de la terre au ciel, et semblent les unir
l'un à l'autre dans le plus étroit embrasse-
ment ? Comment ne serait-elle pas sainte,
celle qui a ainsi, selon la forte expression de
I. ZaCH. XII, 10.
Le Jeudi de la Pentecôte. 445
l'Apôtre , c( sa conversation dans le ciel 1 ? »
Mais si la prière des membres est si mer-
veilleuse dans sa multiplication et son ar-
deur, combien plus encore est imposante et
plus belle la prière générale de rÈglise elle-
même dans la sainte Liturgie, où l'Esprit-
Saint agit avec plénitude, inspirant l'Epouse,
et lui suggérant ces touchants et nobles ac-
cents que nous avons cherché à traduire dans
la succession de cet ouvrage! Que ceux qui
nous ont suivi jusqu'ici disent si la prière
liturgique n'est pas la première de toutes,
si elle n'est pas désormais la lumière et la vie
de leur prière personnelle. Qu'ils applaudis-
sent donc à la sainteté de l'Epouse qui leur
donne de sa plénitude, et qu'ils glorifient
« l'Esprit de grâce et de prière » de ce qu'il
daigne faire pour elle et pour eux.
Ô Eglise, vous êtes « sanctifiée dans la
vérité » ; et par vous nous sommes initiés
à toute la doctrine de Jésus votre Epoux;
par vous nous sommes établis dans la voie
de cette sainteté qui est votre élément. Que
pouvons-nous désirer, ayant ainsi le ^'rai et le
Bien ? Hors de vous c'est en vain que nous
les chercherions, et notre bonheur consiste
en ce que nous n'avons rien à chercher ; car
votre cœur de mère ne désire que de répan-
dre sur nous tout ce qu'il a reçu de dons et
de lumières. Soyez bénie en cette solennité
de la Pentecôte où vous avez tant reçu pour
nous! Nous sommes éblouis de l'éclat des
prérogatives que la munificence de votre
Epoux vous a préparées, et dont l'Esprit-
I. Philip. Hl, 20.
446
Le Temps Pascal.
Saint vous comble de sa part ; et mainte-
nant que nous vous connaissons mieux en-
core, nous promettons de vous être plus
fidèles que jamais.
La Station du Jeudi de la Pentecôte est
dans la basilique de Saint-Laurent-hors-lcs-
Murs. Ce vénérable sanctuaire où repose
la dépouille du vaillant Archidiacre de l'E-
glise romaine, est un des plus nobles tro-
phées de la victoire de TEsprit divin sur le
Prince du monde, et rassemblée annuelle des
fidèles dans un tel lieu depuis tant de siècles
atteste combien fut complète la victoire qui
donna au Christ Rome et sa puissance.
L'Eglise arménienne se retrouve aujour-
d'hui pour nous fournir la matière des
louanges que nous offrirons à l'Esprit-Saint,
dans ces belles strophes qui respirent un si
odorant parfum d'antiquité.
CANON QUINT.E DIEI.
HODIE exsultant chori
Apostolorum adven-
tu Spiritus Dei, c\nos
consolatus est loco \' er-
bi incarnati, degens apud
illos : gloriam offeramus
illi agiologa voce.
Hodie exiit aqua viva
in Jérusalem, unde re-
pleta sunt fluraina Dei,
et currentes inebriarunt
terrarum orbem quadri-
fluvio fonte Eden : glo-
» UJOURd'hui le chœur des
/\ Apôtres tressaille de
bonheur à l'arrivée de l'Es-
prit de Dieu qui vient les
consoler en place du Verbe
incarné, et habiter avec eux;
rendons-lui gloire, et que nos
voix célèbrent sa sainteté.
Aujourd'hui une eau vive a
jailli dans Jérusalem ; les
fleuves de Dieu en ont été
remplis, et dans leur cours
ils ont enivré la terre, comme
les quatre sources qui arro-
Le Jeudi de la Pentecôte.
447
Eden ; rendons-lui
2t que nos voix célè-
riam offeramus illi agio-
loga voce.
Hodie rore intelligi-
bili de nubibus Spiritus
lœtata sunt germina Ec-
clesiœ, pinguefacti sunt
agri justitia. speciosa ef-
fecta est déserta purn
virginitate : gloriam offe-
ramus illi agiologa voce.
saient
gloire,
brent sa sainteté.
Aujourd'hui la rosée spiri-
tuelle est descendue des nuées,
les jeunes plants de l'Eglise
en ont été réjouis, ses sillons
ont été fertilisés par la jus-
tice, ses déserts sont deve-
nus gracieux par l'éclat de la
virginité ; rendons-lui gloire,
et que nos voix célèbrent sa
sainteté.
Nous ajoutons cette belle Séquence que
l'Allemagne a produite, et dans laquelle son
illustre prophétesse, la grande et sainte ab-
besse Hildegarde, exprime son amour pour
l'Esprit divin dont elle fut constamment
l'organe inspiré.
SEQUENCE
Vous êtes un feu, ô Esprit
Paraclet, la source de vie
pour toute créature !
Saint étes-vous, lorsque
vous vivifiez les êtres.
Saint étes-vous, lorsque par
votre onction vous êtes un
baume pour nos mortelles
blessures.
Saint étes-vous , lorsque
vous nettoyez nos plaies hu-
miliantes.
O souffle de sainteté! O
flamme de charité ! O saveur
Spiritus Pa-
V_J rachte,
Vita vitae omnis créatu-
re.
Sanctus es, vivificando
Formas.
Sanctus es, ungendo
Periculose fractos.
Sanctus es, tergendo
fœtida vulnera.
O spiraculum sancti-
tatis.
448
Le Jeudi de la Pentecôte.
O ignis caritatis,
O dulcis oujtus
In pectoribus,
Et infusio cordium
In bono odore virtutum !
O fons purissimus,
In qiio consideratur
Quod Deus aliènes
Colligit,
Et perditos requirit !
O lorica vitœ,
Et spes compaginis
ISIcmbrorura omnium;
O cingulum honestalis,
Salva beatos !
Custodi eos
Qui carcerati sunt
Ab inimico,
Et solve ligatos,
Quos divina vis
Salvare vult.
O iter fortissimum.
Quod penetravit omnia.
In altissimis,
Et in terrenis,
Et in omnibus abys-
sis,
Quum omnes com-
ponis
Et colligis.
De te nubes fluunt,
iEther volât,
Lapides humorem ha-
bent,
Aqua- rivulos educunt
Et terra viriditatem su-
dat.
si douce à nos cœurs! O par-
fum pénétrant qui leur faites
répandre la bonne odeu*- des
vertus 1
O source pure et vive, qui
manifestez la bonté de Dieu
recueillantceuxqui lui étaient
étrangers , et recherchant
ceux qui étaient perdus 1
O défense de notre vie, es-
pérance de notre conserva-
tion, ceinture protectrice de
la vertu, sauvez ceux dont
vous êtes le bonheur !
Préservez des coups de
l'ennemi ceux qui sont encore
dans ses liens; brisez leurs
chaînes, ô force divine, vous
qui voulez les sauver 1
O sentier puissant, tracé de
la terre au Ciel, traversant
tous les abîmes, afin de re-
cueillir et de rassembler tous
les élus.
Par vous les nuages par-
courent le ciel, l'atmosphère
vivifiante s'étend autour de
nous, les rochers recèlent des
sources d'eau qui arrosent la
terre en ruisseaux; par vous la
terre se couvre de sa verdure.
Le Don de Conseil.
449
C'est vous aussi qui ins-
truisez les âmes et qui les
réjouissez, en leur inspirant
la sagesse.
Louange donc soit à vous
qui êtes l'harmonie de nos
chants, le charme de nortre
vie, notre espérance et notre
gloire, celui qui nous confère
le précieux don de la lumière.
Amen.
Tu etiam semper
Educis doctos,
Per inspirationem sa-
pientiae
Lœtificatos.
Unde laus tibi sit,
Qui es sonus laudis
Et gaudium vitœ,
Spes et honor fortissi-
mus,
Dans praemia lucis.
Amen.
LE DON DE CONSEIL.
T ^ don de Force dont nous avons reconnu
*-- la nécessité dans l'œuvre de la sanctifica-
tion du chrétien, ne suffirait pas pour assu-
rer ce grand résultat, si le divin Esprit n'avait
pris soin de l'unir à un autre don qui vient
à la suite et prévient tout danger. Ce nou-
veau bienfait consiste dans le don de Conseil.
La Force ne saurait être laissée à elle seule :
il lui faut un élément qui la dirige. Le don
de Science ne pourrait être cet élément,
parce que s'il éclaire l'âme sur sa fin, et sur
les règles générales de la conduite qu'elle
doit tenir, il n'apporte pas une lumière suffi-
sante sur les applications spéciales de la loi
de Dieu et sur le gouvernement de la vie.
Dans les diverses situations où nous pouvons
être placés, dans les résolutions que nous
pouvons avoir à prendre, il est nécessaire
que nous entendions la voix de l'Esprit-Saint,
LE TEMPS PASCAL. — T. UI.
J.
^5o Le Jeudi de la Pentecôte.
et c'est par le don de Conseil que ce e
voix divine arrive jusqu'à nous. C est elle
qui nous dit, si nous voulons 1 écouter, ce
que nous devons faire et ce que nous devons
éviter ce que nous devons dire et ce que
nous devoni taire, ce que nous pouvons con-
server et ce à quoi nous devons renoncer.
Par le don de Conseil, l'Esprit-Saint a§it sur
notre intelligence, de mcme qu il agit sur
notre volonté par le don de Force.
Ce donprécieuxs'applique ala vie entière ,
car il nous faut sans cesse nous déterminer
pour un parti ou pour l'autre, et ce nous est
un grand sujet de reconnaissance envers 1 es-
prit divin, de penser qu'il ne nous laisse
lamais à nous-mêmes, tant que nous som-
mes disposés à suivre la direction qu il nous
imprime. Que de pièges il peut nous faire
éviter! que d'illusions il peut détruire en
nous ! que de réalités il nous découvre ! Mais
pour ne pas perdre ses inspirations, il nous
faut nous garder de l'entraînement naturel
qui nous détermine trop souvent peut-etre,
de la témérité qui nous emporte au g^e de a
passion, de la précipitation qui nous sollicite
Se juger et d'agir, lors même que nous n a-
vons ?u encore qu'un côte des choses, de 1 in-
souciance enfin qui fait que nous nous déci-
dons au hasard, dans la crainte de nous fa "
guer par la recherche de ce qui serait lemeil-
'^L^e Saint-Esprit, par le don de. Conseil;
arrache l'homme à tous ces inconvénients. 11
réforme la natures! souvent excessive, quand
elle n'est pas apathique. Il tient l'ame atten-
tive à ce qui est vrai, a ce qui est bon, a ce
Le Don de Conseil. 45 t
qui lui est vraiment avantageux. Il lui insi-
nue cette vertu qui est le complément et
comme l'assaisonnement de toutes les autres,
nous voulons dire la discrétion dont il a le
secret, et par laquelle les vertus se conser-
vent, s'harmonisent et ne dégénèrent pas en
défauts. Sous la direction du don de Conseil,
le chrétien n'a rien à craindre ; TEsprit-Saint
prend sur lui la responsabilité de tout. Qu'im-
porte donc que le monde blâme ou critique,
qu'il s'étonne ou se scandalise ! le monde se
croit sage ; mais il n'a pas le don de Conseil.
De là vient que souvent les résolutions pri-
ses sous son inspiration aboutissent à un but
tout autre que celui qu'il s'était proposé. Et
il en devait être ainsi; car c'est à lui que le
Seigneur a dit: « Mes pensées ne sont pas
« vos pensées, et mes voies ne sont pas vos
c( voies '. »
Appelons donc de toute l'ardeur de nos
désirs le don divin qui nous préservera du
danger de nous gouverner nous-mêmes; mais
comprenons que ce don n'habite que dans
ceux qui l'estiment assez pour se renoncer
en sai,présence. Si l'Esprit-Saint nous trouve
détacnés des idées humaines, convaincus de
notre fragilité, il daignera être notre Con-
seil ; de même que si nous étions sages à nos
propres yeux, il retirerait sa lumière et nous
laisserait à nous-mêmes.
Nous ne voulons pas qu'il en arrive ainsi
pour nous, ô divin Esprit ! Nous savons trop
par notre expérience qu'il ne nous est pas
avantageux de courir les hasards de la pru-
I. ISAI. LV, 8.
452 Le Temps Pascal.
dence humaine, et nous abdiquons sincère-
ment devant vous les prétentions de notre
esprit si prompt à s'éblouir et à se faire illu-
sion. Conservez en nous et daignez y déve-
lopper en toute liberté ce don ineffable que
vous nous avez octroyé dans le Baptême :
soyez pour toujours notre Conseil. « Faites-
« nous connaître vos voies, et enseignez-nous
« vos sentiers. Dirigez-nous dans la vérité et
« instruisez-nous; car c'est de vous que nous
« viendra le salut, et c'est pour cela que nous
« nous attachons à votre conduite '. » Nous
savons que nous serons jugés sur toutes nos
œuvres et sur tous nos desseins ; mais nous
savons aussi que nous n'avons rien à crain-
dre tant que nous sommes fidèles à votre
conduite. Nous serons donc attentifs ;< à écou-
« ter ce que dit en nous le Seigneur notre
« Dieu 2 », l'Esprit de Conseil, son: qu'il nous
parle directement, soit qu'il nous renvoie à
l'organe qu'il a voulu choisir pour nous. Soit
donc béni Jésus qui nous a envoyé son Esprit
pour être notre conducteur, et soit béni ce
divin Esprit qui daigne nous assister tou-
jours, et que nos résistances passées n'o|it pas
LE VENDREDI DE LA PENTECOTE.
VENEZ, Esprit-Saint, rem-
plissez les cœurs de vos
fidèles, et allumez en eux le
feu de votre amour.
VENl,^Sancte Spiritus,
rep'le tuorum corda
fidelium, et tui amoris
in eis ignem accende.
'l'SQu'ici nous avons considéré l'ac-
tion du Saint-Esprit dans l'Eglise;
il nous faut maintenant la suivre
sur un théâtre moins étendu, il
nous faut l'étudier dans le cœur du chrétien.
Là encore nous puiserons de nouveaux sen-
timents d'admiration et de reconnaissance
pour ce divin Esprit qui daigne se prêter à
tous nos besoins, et nous conduire à la fin
bienheureuse pour laquelle nous avons été
créés.
De même que l'Esprit-Saint envoyé « pour
demeurer avec nous » s'emploie à maintenir
et à diriger la sainte Eglise, afin qu'elle soit
toujours" l'Epouse fidèle de Jésus son Epoux
immortel; ainsi s'attache-t-il à nous pour
nous rendre les dignes menrbres de ce chef
saint et glorieux. Sa mission est de nous unir
à Jésus si étroitement que nous lui soyons
incorporés. C'est à lui de nous créer dans
l'ordre surnaturel, de nous donner et de nous
conserver la vie de la grâce, en nous appli-
quant les mérites que Jésus notre médiateur
et notre Sauveur nous a conquis.
Elle est sublime cette mission du Saint-
Esprit qui lui a été conférée par le Père et
454 ^<? Temps Pascal.
par le Fils, et qu'il exerce sur le genre
humain. Au sein de la divinité l'Esprit-ISaint
est produit et ne produit pas. Le Père engen-
dre le Fils, le Père et le Fils produisen't le
Saint-Esprit; cette diffcrcncc est fondée dans
la nature divine elle-même, qui n'est et ne
peut être qu'en trois personnes. De là vient,
comme l'enseignent les Pères, que le Saint-
Esprit a reçu pour le dehors la fécondité
qu'il n'exerce pas dans l'essence divine. Si
donc il s'agit de produire l'humanité du Fils
de Dieu au sein de Marie, c'est lui qui opère;
et s'il s'agit de créer le chrétien du sein de
la corruption originelle, et de l'appeler à la
vie de la grâce, c'est lui encore qui exercera
son action : en sorte que, selon l'énergique
expression de saint Augustin, « la même
« grâce qui a produit le" Christ à son com-
« mencement, produit le chrétien lorsqu'il
« commence à croire ; le même Esprit duquel
« le Christ a été conçu est le principe de la
«i nouvelle naissance du fidèle '. »
Nous nous sommes étendu longuement sur
l'action du Saint-Esprit dans la "formation et
le gouvernement de l'Eglise, parce que l'œu-
vre principale de ce divin Esprit est de for-
mer sur la terre l'Epouse du Fils de Dieu,
et que c'est par elle que nous viennent tous
les biens. Elle est dépositaire d'une partie
des grâces de cet auguste Paraclet, qui a dai-
gné se mettre à sa disposition pour nous sau-
ver et nous sanctifier. C'est pour nous égale-
ment qu'il l'a rendue catholique, visible à
tous les regards, afin qu'il nous fût plus facile
I. Da praedestinatione Sanctorum. Cap. xv.
^
Le Vendredi de la Pentecôte. 455
de la trouver; c'est pour nous qu'il maintient
dans son sein la vérité et la sainteté, afin
que nous soyons abreuvés à ces deux sour-
ces ineffables. Aujourd'hui nous voici atten-
tifs à ce qu'il opère dans les âmes, et tout
d'abord nous nous trouvons en face de son
pouvoir créateur. N'est-ce pas en effet une
véritable création, d'amener une âme plongée
dans la déchéance originelle, ou, ce qui est
plus merveilleux encore, une âme défigurée
par le péché volontaire et personnel, de l'a-
mener à devenir en un moment la fille adop-
tive du Père céleste, le membre chéri du Fils
de Dieu ? Le Père et le Fils se complaisent à
voir accomplir cette œuvre par l'Esprit qui
est leur amour mutuel. Ils l'ont envoyé afin
qu'il agisse, afin qu'il se conduise en maître
dans sa mission, et partout où il règne, ils
régnent aussi.
Eternellement l'âme élue a été présente à
la divine Trinité; mais, le moment arrivé,
l'Esprit descend. Il s'empare de cette âme
comme de l'objet désigné à son amour. Le
vol de la colombe miséricordieuse est plus
rapide que celui de l'aigle qui fond sur sa
proie. Que la volonté humaine n'entrave pas
son action, et il arrivera de cette âme ce qui
est arrivé pour l'Eglise elle-même, c'est-à-
dire que « ce qui n'était même pas triom-
« phera de ce qui était *. » On voit alors des
miracles d'un ordre étonnant, « la grâce
« surabondant là même où le péché avait
« abondé -. »
Nous avons vu l'Emmanuel conférer aux
Cor. I, 28. — 2. Rom. v, 20.
456 Le Temps Pascal.
eaux la vertu de purifier les âmes; mais nous
nous souvenons que lorsqu'il descendit dans
les flots du Jourdain, la colombe divine vint
se poser sur sa tôte, et prit possession de
l'élément régénérateur. La fontaine baptis-
male est demeurée son domaine. « C'est là,
« nous dit le grand saint Léon, qu'il préside
« à la nouvelle naissance de l'homme, ren-
« dant féconde la fontaine sacrée, comme
« autrefois il rendit fécond le sein de la
« Vierge, à cette différence que le péché fut
« absent dans la conception sacrée du Fils
« de Dieu, tandis que la mystérieuse ablu-
(( tion le détruit en nous '. »
Avec quelle tendresse l'Esprit divin con-
temple cette nouvelle créature sortant des
eaux ! avec quelle impétuosité d'amour il fait
irruption en elle ! Il est le Don du Dieu très-
haut, envoyé sur nous pour résider en nous.
Il prend donc son habitation dans cette âme
toute neuve, qu'elle soit celle de l'enfant d'un
;our, ou celle de l'adulte dé)à chargé d'an-
nées. Il se complaît dans ce séjour qu'il a
éternellement ambitionné; il l'inonde de ses
feux et de sa lumière ; et comme il est par
nature inséparable des deux autres personnes
divines, sa présence est cause que le Père et
le Fils viennent établir aussi leur demeure en
cette âme fortunée -.
Mais l'Esprit-Saint a ici son action propre,
sa mission sanctificatrice, et pour bien com-
prendre la nature de sa présence dans le
chrétien, il faut savoir qu elle ne se borne
I. Serm. xxvi. In Nativitate Domini, iv. — 2. JoHAN.
XIV, 23.
Le Vendredi de la Pentecôte. 4^7
pas à l'âme. Le corps fait aussi partie de
rhomme, et il a eu sa part dans la régénéra-
tion ; c'est pourquoi l'Apôtre, en même temps
qu'il nous révèle l'heureuse « habitation » du
divin Esprit en nous 1, nous apprend encore
que nos membres matériels sont eux-mêmes
ses temples 2. n veut les faire servir à la jus-
tice et à la sainteté 3 ; il dépose en eux un
germe d'im.mortalité qui les conservera dans
la dissolution même du tombeau, en sorte
qu'au jour de la résurrection ils reparaîtront,
mais spiritualisés *, gardant ainsi le signe de
l'Esprit qui les aura possédés en cette vie
mortelle.
Le chrétien étant donc ainsi l'habitation de
l'Esprit- Saint, nous ne devons pas nous éton-
ner que ce divin Esprit songe à orner digne-
ment la demeure qu'il s'est choisie. Quelle
plus noble parure que celle des vertus théo-
logales : la Foi qui nous met en possession
certaine et substantielle des vérités divines
que notre intelligence ne peut voir encore;
1 Espérance qui rend déjà présent le secours
divin qui nous est nécessaire et la félicité
éternelle que nous attendons; la Charité qui
nous unit à Dieu par le plus fort et le plus
doux des liens ! Or, ces trois vertus, ces trois
moyens pour l'homme régénéré d'être en
rapport avec sa tin, c'est à la présence du
Saint-Esprit que le chrétien les doit. Il a
daigné signaler son arrivée par ce triple
bienfait qui dépasse tous nos mérites passés,
présents et futurs.
I. Rom. VIII, II. — 2. I Cor. VI, IQ. — 3. Rom. vi,
19. — 4. I Cor. XV, 44.
458 Le Temps Pascal.
Au-dessous des trois vertus théologales, il
établit ces quatre autres qui sont comme les
assises de la vie morale de l'homme: la jus-
tice, la force, la prudence et la tempérance-,
qualités naturelles, qu'il transforme en les
adaptant à la fin surnaturelle du chrétien.
Enhn comme un dernier lustre cju'il ajoute
à sa demeure, il }^ dépose le septénaire sacré
de ses dons, destinés à répandre le mouvement
et la vie dans le septénaire des vertus.
Mais les vertus et les dons c|ui tous ten-
dent vers Dieu, réclament l'élément supé-
rieur qui est le moyen essentiel de l'union
avec lui : élément indispensable et que rien
ne peut suppléer, âme de l'âme, principe vi-
vifiant, sans lequel elle ne saurait ni voir ni
posséder Dieu; c'est la Grâce sanctifiante.
Avec quelle satisfaction l'Esprit divin l'intro-
duit dans l'àme à laquelle elle s'incorpore,
et qu'elle rend l'objet des complaisances di-
vines! Une étroite alliance existe entre cette
^râce et la présence de l'Esprit-Saint; car si
î'àme venait à donner entrée au péché mor-
tel, l'Esprit cesserait d'habiter cette âme in-
fortunée, au moment même où s'éteindrait
en elle la grâce sanctifiante.
Mais il veille soigneusement sur son héri-
tage, et il n'y demeure pas oisif. Les vertus
qu'il a infuses dans cette âme si chère ne
doivent pas demeurer inertes ; il faut qu'elles
produisent les actes vertueux, et que le mé-
rite qu'elles obtiendront vienne accroître la
puissance de l'élément fondamental, forti-
fier et développer cette grâce sanctifiante qui
enchaîne si étroitement le chrétien à Dieu.
L'Esprit-Saint ne cesse donc de mouvoir
Le Vendredi de la Pentecôte. 45g
l'âme vers l'action soit à l'intérieur, soit à
l'extérieur, par ces touches divines que la
théologie appelle grâces actuelles. Il obtient
ainsi que sa créature s'élève de plus en plus
dans le bien, qu'elle s'enrichisse et se conso-
lide toujours davantage, entin qu'elle serve à
la gloire de son auteur qui la veut féconde et
agissante.
"Dans cette intention, l'Esprit qui s'est
donné à elle, qui l'habite avec une si vive
tendresse, la pousse à la prière par laquelle
elle pourra tout obtenir, lumière, force et
succès. « Mais, dit l'Apôtre, savons-nous
« comment il faut prier ? » A cette question
il répond lui-même d'après son expérience:
M Ce sera l'Esprit qui demandera pour nous
« dans des gémissements inénarrables i. »
Ainsi le divin Esprit s'associe à tous nos be-
soins; il est Dieu, et il gémit comme la co-
lombe, afin de mettre ses accents à l'unisson
des nôtres. « Il crie vers Dieu dans nos
« cœurs, » dit le même Apôtre 2; nous certi-
fiant ainsi par sa présence et ses opéra-
tions en nous que nous sommes les enfants
de Dieu 3. Se peut-il rien de plus intime, et
devons-nous nous étonner que Jésus nous ait
dit qu'il n'y avait qu'à demander pour rece-
voir ^, lorsque c'est son Esprit même qui
demande en nous ?
Auteur de la prière, il coopère puissam-
ment à l'action. Son intimité avec l'âme fait
qu'il ne laisse à celle-ci que la liberté néces-
saire au mérite ; pour le reste, il la meut, il la
I. Rom. vni, 26. — 2. Gai. iv, 6. — ?. Rom. vni,
16. — 4. Luc. XI, 9
4^0 Le Temps Pascal.
soutient, il la dirige, en sorte qu'à son tour
elle n'a plus qu'à coopérer à ce qu'il fait en
elle et par elle. A cette action commune de
l'Esprit et du chrétien, le Père céleste recon-
naît ceux qui lui appartiennent, et c'est pour
cela que l'Apôtre nous dit encore que « ceux-
« là sont les entants de Dieu qui sont conduits
« par l'Esprit de Dieu '. » Heureuse société
qui mène le chrétien à la vie éternelle, qui
fait triompher Jésus en lui, Jésus dont l'Es-
prit-Saint imprime les traits dans sa créa-
ture, ahn qu'elle soit un membre digne d'être
uni à son Chef !
Mais, hélas! cette société fortunée peut se
dissoudre. Notre liberté, qui ne se transforme
qu'au ciel, peut amener et amène trop sou-
vent la rupture entre l'Esprit sanctificateur
et l'homme sanctifié. Le désir malheureux
de l'indépendance, les passions que l'homme
aurait le moyen de régler s'il était docile à
l'Esprit, ouvrent le cœur imprudent à la con-
voitise de ce qui est au-dessous de lui. Satan,
jaloux du règne de l'Esprit, ose faire briller
aux yeux de^ l'homme la trompeuse image
d'un^bonheur ou d'un contentement hors de
Dieu. Le monde, qui est aussi un esprit
maudit, ose rivaliser avec l'Esprit du Père et
du Fils. Subtil, audacieux, actif, il excelle à
séduire, et nul ne pourrait compter les nau-
frages qu'il a causés. Il est cependant dé-
noncé aux chrétiens par Jésus lui-même qui
nous a déclaré qu'il ne prierait pas pour lui 2,
et par l'Apôtre qui nous avertit « que ce n'est
Le Vendredi de la Pentecôte. 46 1
« pas l'esprit du monde que nous avons reçu,
« mais bien l'Esprit qui est de Dieu ^. »
Néanmoins un cruel divorce s'opère fré-
quemment entre l'homme et son hôte divin.
Il est précédé pour l'ordinaire par un refroi-
dissement qui se manifeste du côté de la
créature envers son bienfaiteur. Un manque
d'égards, une légère désobéissance, sont les
préludes de la rupture. C'est alors qu'a lieu
chez le divin Esprit ce froissement qui mon-
tre si clairement l'amour qu'il porte à l'âme,
et que l'Apôtre nous rend d'une manière
expressive, lorsqu'il nous recommande de ne
pas contrister l'Èsprit-Saint qui nous marqua
de son sceau au jour où la rédemption ve-
nait à nous 2. Parole remplie d'un sentiment
profond, et qui nous révèle la responsabilité
qu'entraîne après lui le péché véniel. L'ha-
bitation de l'Esprit-Saint dans l'âme devient
pour lui une cause d'amertume, une sépara-
tion esta craindre; et si, comme l'enseigne
saint Augustin, « il n'abandonne pas qu'il ne
« soit abandonné, » si la grâce sanctifiante de-
meure encore, les grâces actuelles deviennent
plus rares et moins pressantes.
Mais le comble du malheur est dans la
rupture du pacte sacré qui unissait l'âme et
l'Esprit divin dans une si étroite alliance.
Le péché mortel est l'acte d'une souveraine
audace et d'une cruelle ingratitude. Cet Es-
prit si rempli de douceur se voit expulsé de
l'asile qu'il s'était choisi, et qu'il avait em-
belli en tant de manières. C'est le comble
de l'outrage, et l'on n'a pas droit de s'étonner
I. I Cor. II, 12. — 2. Eph. IV, 3o.
462
Le Temps Pascal.
de l'indignation de l'Apôtre quand il s'écrie :
« Quel supplice ne mérite-t-il pas celui qui
« a foulé aux pieds le Fils de Dieu, méprisé
« le sang de l'alliance, et fait une telle injure
« à l'Esprit de grâce ' ? »
Cependant cette situation désolante du
chrétien infidèle au Saint-Esprit peut en-
core exciter la compassion de celui qui, étant
Dieu, a été envoyé vers nous pour être notre
hôte plein de mansuétude. Il est si triste
l'état de celui qui, en chassant l'Esprit divin,
a perdu l'âme de son âme, qui a vu s'éteindre
au même moment le flambeau de la grâce
sanctifiante, et s'anéantir tous les mérites
dont elle s'était accrue. Chose admirable et
digne d'une reconnaissance éternelle ! L'Es-
prlt-Saint expulsé du cœur de l'homme as-
pire à y rentrer. Telle est l'étendue de la
mission qu'a reçue du Père et du Fils celui
qui est amour, et qui par amour ne veut pas
abandonner à sa perte le chétif et ingrat
vermisseau qu'il avait voulu élever jusqu'à
la participation de la nature divine -,
On le verra donc, avec une abnégation su-
blime dont l'amour seul a le secret, faire le
siège de cette âme, jusqu'à ce Qti'il ait pu
s'en emparer de nouveau. Il l'effrayera par
les terreurs de la justice divine, il lui fera
sentir la honte et le malheur où se préci-
pite celui qui a perdu la vie de son âme. Il
le détache ainsi du mal par ces premières
atteintes que le saint Concile de Trente ap-
pelle « les impulsions de l'Esprit-Saint qui
« meut l'âme au dehors, sans l'habiter en-
I. Heb. X, 29. — 2. II Petr. I, 4.
Le Vendredi de la Pentecôte. 463
« core au dedans i. » L'âme inquiète et mé-
contente d'elle-même finit par aspirer à la
réconciliation; elle rompt les liens de son es-
clavage, et bientôt le sacrement de Pénitence
va répandre en elle l'amour qui ranime la
vie, en consommant la justification. Qui
pourrait exprimer le charme et le triomphe
de la rentrée du divin Esprit dans son do-
maine chéri ! Le Père et le Fils reviennent
vers cette demeure souillée naguère, et peut-
être depuis longtemps. Tout revit dans l'âme
renouvelée ; la grâce sanctifiante y renaît
telle qu'elle était au moment où l'âme sortit
de la fontaine baptismale. Les mérites acquis
en avaient développé la puissance, mais
nous les avons vus tristement sombrer dans la
tempête ; ils sont restitués en leur entier, et
l'Esprit de vie se réjouit de ce que son pou-
voir est égal à son amour.
Un changement si merveilleux n'a pas lieu
une fois dans un siècle; chaque jour, chaque
heure le voient s'accomplir. Telle est la mis-
sion de l'Esprit divin. Il est descendu pour
sanctifier l'homme, il faut qu'il le sanctifie.
Le Fils de Dieu est venu; il s'est donné à
nous. Nous ayant trouvés en proie à Satan,
il nous a rachetés au prix de son sang ; il a
tout disposé pour nous conduire â lui et à son
Père; et s'il a dû remonter aux cieux pour
nous y préparer notre place, bientôt il a fait
descendre sur nous son propre Esprit, afin
qu'il soit notre second Consolateur jusqu'à
son retour. Voici donc à l'œuvre ce divin
auxiliaire. Eblouis de la magnificence de ses
I. Sess. XIV, Cap. iv.
464 Le Temps Pascal.
opérations, célébrons avec effusion l'amour
avec lequel il nous traite, la puissance et la
sagesse qu'il développe dans l'accomplisse-
sement de sa mission. Qu'il soit donc béni,
qu'il soit glorifié, qu'il soit connu en ce
monde qui lui doit tout, dans l'Eglise dont il
est l'âme, et dans ces millions de cœurs qu'il
désire habiter pour les sauver et les rendre
heureux à jamais !
Ce jour est consacré au jeûne comme ce-
lui du mercredi précédent. L'Ordination des
prêtres et des ministres sacrés aura lieu de-
main. Il importe de faire une plus vive ins-
tance auprès de Dieu pour obtenir que l'ef-
fusion de la grâce soit aussi abondante que
sera durable et auguste le caractère que l'Es-
prit-Saint imprimera sur les membres de la
tribu sainte qui lui seront présentés.
A Rome, la Station est aujourd'hui dans la
basilique des Douze- Apôtres, où reposent les
corps de saint Philippe et de saint Jacques-
le-Mineur. Ce souvenir donné aux habitants
du Cénacle ne saurait être plus à propos en
ces jours où l'Eglise entière les salue comme
les premiers hôtes de l'Esprit- Saint.
T ES beaux chants de l'Eglise arniénienne
^ nous aideront encore aujourd'hui à glori-
fier la venue du divin Paraclet. Nous inserons
ici les strophes qui se rapportent à cette jour-
Le Vendredi de la Pentecôte. 465
CANON SEXT.E DIEI.
Tu es, ô Esprit-Saint, le
calice rempli dans les
cieux et qui rend immortel,
dans lequel a bu au Cénacle
le chœur des saints Apôtres :
tu es béni, ô Esprit-Saint, tu
es plein de vérité.
Tu t'es répandu sur nous
avec abondance, ô flamme
vivante; car les Apôtres, après
s'être désaltérés en toi, ont
désaltéré toute la terre : tu
es béni, ô Esprit-Saint, tu es
plein de vérité.
Aujourd'hui les Eglises de
la gentilité se livrent au trans-
port de la joie ; tu es le prin-
cipe de cette allégresse, calice
vivifiant : tu es béni, ô Es-
prit-Saint, tu es plein de
vérité.
Toi qui procèdes de la
vérité du Père, source de
lumière, tu as réjoui de tes
rayons les xVpôtres et tu les
as remplis de ta splendeur :
par leurs prières aie pitié de
nous.
Tu as dévoilé ton essence
en te montrant sous la forme
d'un feu merveilleux ; c'est la
lumière divine dont tu as
rempli les Apôtres en les
rendant heureux : par leurs
prières aie pitié de nous.
Toi qui, au commencement,
as changé en lumière les té-
nèbres qui enveloppaient le
monde, tu as aujourd'hui
T.MMORTALEM efficicns
1 calix effuse de cœlis,
Sancte Spiritus , quem
biberunt in cœnaculo
chori sanctorum Apos-
tolorum : benedictus es,
Sancte Spiritus, tu vere.
Large diffusus es in
nobis, ignis vivus ; nam
potati Apostoli, potarunt
etiam terrarum orbem :
benedictus es, Sancte
Spiritus, tu vere.
Hodie magnopere ex-
sultant Ecclesiœ genti-
lium, oblectati gaudio ex
te, vivifice calix ; bene-
dictus es, Sancte Spiri-
tus, tu vere.
Qui a Paterna veritate
procedens fons luminis,
radios vibrante lumine
oblectans replevisti
Apostolos : precibus ho-
rum miserere.
Qui essentiam tuam
igneis mire ostendisti, eo
ipso intelligibili divino
lumine delectans, imple-
visti Apostolos : preci-
bus horum miserere.
Qui mundum ambian-
tes tenebras initio in lu-
cem permutasti , hodie
mirabili atque divino
LE TEMPS PASCAL. — T. HI.
466
Le Temps Pascal.
lumine tuo delectans im-
plevisti Apostolos : pre-
cibus horum miserere.
Qui ignem vibranti-
bus, ac alas pandentibus
insides, hodie in chorum
humanorum ineffabili
amore effusus es de cœ-
lis : benedictus es ,
Sancte Spiritus Deus.
Qui ab igneis linguis
trisagio agiologaris, ho-
die in iabia humanorum
igniflue etîusus es de
cœlis : benedictus es,
Sancte Spiritus Deus.
Qui ab igniformibus
in fulgentissimis flam-
mis semper videris, ho-
die terris ignigustus ca-
lix effusus es de cœlis :
benedictus es , Sancte
Spiritus Deus.
rempli les Apôtres de ta
lumière admirable et divine,
en les rendant heureux : par
leurs prières aie pitié de
nous.
loi qui es assis sur ceux
qui lancent des rayons en-
flammés et se balancent sur
leurs ailes, lu as été aujour-
d'hui répandu du haut des
cieux par un ineffable amour
sur la race humaine : tu es
béni , ô Esprit-Saint , ô
Dieu 1
Toi qui fais chanter le
trisagion par des langues de
feu, tu as été répandu des
cieux aujourd'hui comme une
flamme sur les lèvres des
humains : tu es béni, ô Es-
prit-Saint, ô Dieu !
Toi que les Esprits dont la
nature est la flamme contem-
plent éternellement au milieu
de tes feux éblouissants, au-
jourd'hui tu as été répandu
des cieux sur la terre comme
une coupe remplie d'une li-
queur embrasée : tu es béni,
ô Esprit-Saint, ô Dieu !
Nous empruntons au Missel mozarabe cette
allocution que le pontife adresse au peuple
fidèle dans la Messe du jour de la Pentecôte,
pour l'exhorter à faire un religieux accueil
au divin Esprit qui s'apprête à descendre
dans les âmes.
Le Vendredi de la Pentecôte. 467
MISSA.
C'est aujourd'hui , Frères
très chers , qu'il nous
faut célébrer l'arrivée des
dons de l'Esprit-Saint qui
nous a été promis par le Fils
de Dieu ; aujourd'hui que
nous devons employer à l'ac-
complissement de ce devoir
tout ce que nous avons de
foi, d'ardeur et d'allégresse.
Unissons à nos louanges les
sentiments de la piété, joi-
gnons-y l'humilité et la pu-
reté, et ouvrons l'intérieur de
nos âmes au transport que
fait naître un tel événement.
Que les cœurs des croyants
soient purifiés, que leurs
esprits soient ouverts, que le
plus intime de leurs âmes se
prépare ; car une étroite poi-
trine serait insuffisante pour
célébrer la louange et l'avè-
nement de celui qui est sans
mesure. Il est en effet le con-
substantiel du Père et du
Fils, le troisième dans l'ordre
des personnes, mais le même
dans la gloire. Celui que le
royaume du ciel ne peut
contenir, qui n'est renfermé
par aucune limite, descend
aujourd'hui dans l'humble
asile de notre cœur pour y
prendre l'hospitalité. Qui
d'entre nous. Frères très
chers, pourrait se croire digne
d'un tel hôte ? (^ui serait en
état de lui fournir à son arri-
OUANTA possumus,'fra
trescharissimi, fide,
intentione, virtute, gau-
dio, exsultatione, praeco
nio, devotione, obsequio,
puritate, promissa nobis
per Filium Dei, Sancti
Spiritus munera hodie
transmissa praedicemus.
Reseretur nostrorum
compago viscerum. Pur-
gentur corda credentium,
et pateant omnes sensus,
atque recessus animorum.
Quia nequaquam im-
mensi laudem atque ad-
ventum, pectora angusta
narrare sufficiunt. Ille
etenim consors Patris,
et Filii, unius ejusdem-
que substantiaî tertius in
persona, sed unus in glo-
ria. Quem cœlorum régna
non capiunt, quia non
eum circumscribunt ne-
que claudunt. hodie ad
angustum cordis nostri
descendit hospitium. Et
quis nostrum , fratres
dilectissimi, tali se di-
gnum hospite recognos-
cit ? Quis condigna ad-
venienti exhibeat ali-
menta ? Quum et Ange-
lorum et Archangelorum,
et omnium Virtutum cœ-
lestium ipse est vita. Et
ideo quia nos impares
tali habitatore cognosci-
468 Le Vendredi de la Pentecôte.
mus, ut in nobis locum
habitaculi sibimet prae-
p a r e t suppliceinus.
Amen.
vée un festin digne de lui ?
C'est par lui que vivent les
Anges et les Archanges, et
toutes les Vertus célestes. Re-
connaissons-nous donc inca-
pables de recevoir en nous un
tel hôte, et supplions-le de
préparer lui-même son habi-
tation dans nos âmes. Amen.
LE DON D INTELLIGENCE.
r^ E sixième Don de l'Esprit-Saint fait entrer
^ l'âme dans une voie supérieure à celle
où elle sest exercée jusqu'ici. Les cinq pre-
miers Dons tendenttous à l'action. La Crainte
de Dieu remet l'homme à sa place en l'humi-
liant, la Piété ouvre son cœur aux affections
divines, la Science lui fait discerner la voie
du salut de la voie de perdition, la Force
l'arme pour le combat, le Conseil le dirige
dans ses pensées et dans ses œuvres ; il
peut donc agir maintenant, et poursuivre
sa route avec l'espoir d'arriver au terme.
Mais la bonté du divin Esprit lui réserve
encore d'autres faveurs. Il a résolu de le
faire jouir dès ce monde d'un avant-goût
de la félicité qu'il lui réserve dans l'autre'vie.
Ce sera le moyen d'affermir sa marche, d'a-
nimer son courage et de récompenser ses
efforts. La voie de la contemplation lui sera
donc désormais ouverte, et le divin Esprit
l'y introduira au moyen de l'Intelligence.
A ce mot de contemplation, plusieurs per-
sonnes s'inquiéteront peut-être, persuadées à
tort que l'élément qu'il signifie ne saurait se
Le Don d'Intelligence.
46 g
rencontrer que dans les conditions rares
d'une vie passée dans la retraite et loin du
commerce des hommes. C'est une grave et
dangereuse erreur, et qui arrête trop sou-
vent l'essor des âmes. La contemplation est
l'état auquel est appelée, dans une certaine
mesure, toute âme qui cherche Dieu. Elle ne
consiste pas dans les phénomènes qu'il plaît
à l'Esprit-Saint de manifester en certaines
personnes privilégiées, et qu'il destine à prou-
ver la réalité de la vie surnaturelle. Elle est
simplement cette relation plus intime qui
s'établit entre Dieu et l'âme qui lui est fidèle
dans l'action ; â cette âme, si elle n'y met
obstacle, sont réservées deux faveurs, dont
la première est le don d'Intelligence qui
consiste dans l'illumination de l'esprit éclairé
désormais d'une lumière supérieure.
Cette lumière n'enlève pas la foi, mais elle
éclaircit l'œil de l'âme en la fortifiant, et lui
donne une vue plus étendue sur les choses
divines. Beaucoup de nuages s'effacent, qui
provenaient de la faiblesse et de la grossièreté
de l'âme non initiée encore. La beauté pleine
de charme des mystères que l'on ne sentait
que vaguement se révèle, d'ineffables harmo-
nies que l'on ne soupçonnait pas apparais-
sent. Ce n'est pas la vue face à face réservée
pour le jour éternel ; mais ce n'est déjà plus
cette faible lueur qui dirigeait les pas. Un
ensemble d'analogies, de convenances, qui
se montrent successivement à l'oeil de l'esprit,
apportent une certitude pleine de douceur.
L'ame se dilate à ces clartés qui enrichissent
la foi, accroissent l'espérance et développent
l'amour. Tout lui semble nouveau; et quand
47 0 Le Vendredi de la Pentecôte.
elle regarde derrière elle, elle compare et
voit clairement que la vérité, toujours la
même, est maintenant saisie par elle d'une
manière incomparablement plus complète.
Le récit des Evangiles l'impressionne davan-
tage; elle trouve une saveur inconnue pour
elle jusqu'alors dans les paroles du Sauveur.
Elle comprend mieux le but qu'il s'estproposé
dans l'institution de ses Sacrements. La sainte
Liturgie l'émeut par ses formules si augustes
et ses rites si profonds. La lecture de la Vie
des Saints l'attire, rien ne Tétonne dans leurs
sentiments et leurs actes ; elle goûte leurs
écrits plus que tous les autres, et elle ressent
un accroissement de bien-être spirituel en
traitant avec ces amis de Dieu. Entourée de
devoirs de toute nature, le flambeau divin
la guide pour satisfaire à chacun. Les vertus
si diverses qu'elle doit pratiquer se concilient
dans sa conduite ; l'une n'est jamais sacrifiée
à l'autre, parce qu'elle voit l'harmonie qui
doit régner entre elles. Elle est loin du scru-
pule commedurelàchement, et toujours atten-
tive à réparer aussitôt les pertes qu'elle a pu
faire. Quelquefois même le divin Esprit l'ins-
truit par une parole intérieure que son âme
entend, et qui éclaire sa situation d'un nou-
veau jour.
Désormais le monde et ses vaines erreurs
sont appréciés par elle pour ce qu'ils sont,
et l'âme se purifie du reste d'attache et de
complaisance qu'elle pouvait encore conser-
ver pour eux. Ce qui n'a de grandeur et de
beautés que selon la nature, paraît chétif et
misérable à cet œil que l'Esprit-Saint a ouvert
aux grandeurs et aux beautés divines et éter-
Le Don d'Intelligence. 47 1
nelles. Un seul côté rachète à ses yeux ce
monde extérieur qui fait illusion à l'homme
charnel : c'est que la créature visible, qui
porte la trace de la beauté de Dieu, est sus-
ceptible de servir à la gloire de son auteur.
L'âme apprend à user d'elle avec action de
grâces, la rendant surnaturelle,' glorifiant
avec le Roi-Prophète celui qui a empreint
les traits de sa beauté dans cette multitude
d'êtres qui servent si souvent à la perte de
rhomme, tandis qu'ils sont appelés à deve-
nir les degrés qui le conduiraient à Dieu.
Le don d'Intelligence répand aussi dans
l'âme la connaissance de sa propre voie. Il
lui fait comprendre combien ont été sages
et miséricordieux les desseins d'en haut qui
l'ont parfois brisée et transportée là où elle
ne comptait pas aller. Elle voit que si elle
eût été maîtresse de disposer elle-même son
existence, elle eût manqué son but, et que
Dieu l'a fait arriver, en lui cachant d'abord
les desseins de sa paternelle Sagesse. Main-
tenant elle est heureuse, car elle jouit de la
paix, et son cœur n'a pas assez d'actions de
grâces pour remercier Dieu qui l'a conduite
au terme sans la consulter. S'il arrive qu'elle
soit appelée à donner des conseils, à exercer
une direction par devoir ou par le motif de la
charité, on peut se confier en elle ; le don d'In-
telligence l'éclairé pour les autres comme pour
elle-"même. Elle ne s'ingère pas cependant
à poursuivre de ses leçons ceux qui ne les lui
demandent pas; mais si elle est interrogée,
elle répond, et ses réponses sont lumineuses
comme le flambeau qui l'éclairé.
Tel est le don d'Intelligence, véritable illu-
472 Le Vendredi de la Pentecôte.
mination de l'àme chrétienne, et qui se fai'
sentir à elle en proportion de sa fidélité à
user des autres dons. Celui-ci se conserve
par l'humilité, la modération des désirs et le
recueillement intérieur. Une conduite dissi-
pée en arrêterait le développement et pour-
rait môme l'étouffer. Dans une vie occupée
et remplie par des devoirs, au sein même de
distractions obligées auxquelles l'àme se prête
sans s'y livrer, cette âme fidèle peut se con-
server recueillie. Qu'elle soit donc simple,
qu'elle soit petite à ses propres yeux, et ce
que Dieu cache aux superbes et révèle aux
petits 1 lui sera manifesté et demeurera en
elle.
Nul doute qu'un tel don ne soit d'un secours
immense pour le salut et la sanctification de
l'âme. Nous devons donc l'implorer du divin
Esprit avec toute l'ardeur de nos désirs, en
demeurant convaincus que nous l'atteindrons
plus sûrement par l'élan de notre cœur que
par l'effort de notre esprit. C'est dans l'intel-
ligence, il est vrai, que se répand la lumière
dtvine qui est l'objet de ce don ; mais son
effusion provient surtout de la volonté échauf-
fée du feu de la charité, selon la parole d'î-
saïe : « Croyez , et vous aurez l'intclli-
« gence 2. » Adressons-nous à l'Esprit-Saint,
et nous servant des paroles de David, disons-
lui : « Ouvrez nos yeux, et nous contemple-
« rons les merveilles de vos préceptes; don-
•c nez-nous l'intelligence, et nous aurons la
I. Luc. X. 21. — 2. IsAi. VI. 9, cité ainsi par les
Pères grecs et latins d'après les Septante.
^7?
« vie 1 » . Instruits par l'Apôtre, nous expo-
serons notre demande d'une manière plus
pressante encore, en nous appropriant la
prière qu'il adresse au Père céleste en faveur
des fidèles d'Ephèse, lorsqu'il implore pour
eux « l'Esprit de Sagesse et de révélation par
« lequel on connaît Dieu, les yeux illuminés
« du cœur qui découvrent l'objet de notre
« espérance et les richesses du glorieux héri-
« taçe que Dieu s'est préparé dans ses
« saints 2. »
I. Psalm. cxviii. — 2 Eph. i, 17-18.
LE SAMEDI DE LA PENTECOTE.
T tENI, Sancte Spiritus,
V reple tuorum corda
fidelium. et tiii amoris in
cis ignem accende.
VENEZ, Esprit-Saint ; rem-
plissez les cœurs de vos
fidèles, et allumez en eux le
feu de votre amour.
lous avons admiré avec une tendre
reconnaissance le dévouement inef-
fable, la constance toute divine,
avec lesquels l'Esprit-Saint accom-
plit sa mission dans les âmes; il nous reste
encore quelques traits à ajouter, pour com-
pléter, bien imparfaitement sans doute, l'idée
des merveilles de puissance et d'amour qu'o-
père cet hôte divin dans l'homme qui ne
ferme pas son cœur à ses influences. Mais
avant d'aller plus loin nous éprouvons le
besoin de rassurer ceux qui, au récit des
prodiges de bonté que fait en notre faveur
le divin Esprit, et du mystère sublime de sa
présence continue au milieu de nous, en
viendraient à craindre que celui qui est des-
cendu pour nous consoler de l'absence de
notre Rédempteur ne prenne place dans nos
affections aux dépens de celui qui « étant de
« la substance divine, et pouvant sans usur-
« pation se donner pour l'égal de Dieu, s'est
« anéanti lui-même, prenant la forme de
« l'esclave et se rendant semblable aux hom-
« mes 1. »
I. Philip. Il, 6-7.
Le Samedi de la Pentecôte 4j5
La faiblesse de rinstruciion chrétienne
chez un grand nombre de hdèles en notre
temps est cause que le dogme du Saint-Esprit
n'est guère connu d'eux que d'une manière
vague, et qu'ils ignorent pour ainsi dire son
action spéciale dans l'Eglise et dans les âmes.
Ces mêmes fidèles connaissent et honorent
avec la plus louable dévotion les mystères
de l'Incarnation et de la Rédemption du Fils
de Dieu notre Seigneur; mais on dirait qu'ils
attendent l'éternité pour savoir en quoi ils
sont redevables au Saint-Esprit.
Nous leur dirons donc ici que la mission
de ce divin Esprit est si loin de faire oublier
ce que nous devons à notre Sauveur, que sa
présence au milieu de nous et en nous est le
don suprême de la tendresse de celui qui a
daigné nous racheter sur la croix. Le souve-
nir si touchant et si efficace que nous entre-
tenons de ses mystères, par qui est-il produit
et conservé dans nos cœurs, si ce n'est par
l'Esprit-Saint ? Et le but de toutes ses sollici-
tudes dans nos âmes, quel est-il, sinon de
former en nous le Christ, l'homme nouveau,
afin que nous puissions lui être incorporés
éternellement en qualité de ses membres ?
L'amour que nous portons à Jésus est donc
inséparable de celui que nous devons à l'Es-
prit-Saint, de même que le culte fervent de
ce divin Esprit nous unit étroitement au Fils
de Dieu dont il procède et qui nous l'a
donné. Nous sommes remués et attendris à.
la penséedes douleurs de Jésus, et il en doit
être aijisi; mais il serait indigne de rester
insensible aux résistances, aux mépris et aux
trahisons auxquels l'Esprit-Saint demeure
47^ L^ Temps Pascal.
exposé dans les âmes et qu'il y recueille sans
cesse- Nous sommes les enfants du Père
céleste : mais puissions-nous comprendre
dès ce monde que nous en sommes redeva-
bles au dévouement des deux divines per-
sonnes c^ui nous auront servi aux dépens de
leur gloire !
Après cette digression qui nous a semblé
utile, nous continuons à décrire respectueu-
sement les opérations de l'Esprit-Saint dans
l'âme de l'homme. Ainsi que nous venons de
le dire, le but de ses efforts est de former en
nous Jésus-Christ par l'imitation de ses sen-
timents et de ses actes Qui mieux que ce
divin Esprit connaît les dispositions de Jésus
dont il a produit l'humanité bienheureuse au
sein de Marie, de Jésus qu'il a rempli et habité
dans une plénitude au-dessus de tout, qu'il
a assisté et dirigé en tout par une grâce pro-
Eortionnée à la dignité de cette nature
umaine personnellement unie à la divinité?
Son vœu est d'en reproduire la fidèle copie,
autant que la faiblesse et l'exiguïté de notre
humble personnalité, lésée déjà par la chute
originelle, le lui pourra permettre.
Néanmoins le divin Esprit obtient dans
cette œuvre digne d'un Dieu de nobles et
glorieux résultats. Nous l'avons vu disputant
au péché et à Satan l'héritage racheté du
Fils de Dieu; considérons-le opérant avec
succès dans la « consommation des saints »,
selon la magnifique expression de l'Apôtre*.
Il les prend dans l'état de déchéance géné-
rale, il leur applique d'abord les moyens
I. Eph. IV, 12.
Le Samedi de la Pentecôte. 4yj
ordinaires de sanctification, mais résolu à
les pousser jusqu'à la limite possible pour
eux du bien et de la vertu, il développe son
œuvre avec un courage divin, La nature est
devant lui: nature tombée, et infectée d'un
virus qui donnerait la mort; mais nature qui
garde encore quelque ressemblance avec son
créateur, dont elle a retenu divers traits dans
sa ruine, L'Esprit a donc à détruire la nature
souillée et malsaine, en même temps qu'à
relever, en la purifiant, celle qui n'a pas été
atteinte mortellement par le poison II faut,
dans cette œuvre si délicate et si laborieuse,
qu'il emploie le fer et le feu, comme un
habile médecin, et, chose admirable ! qu'il
emprunte le secours du malade lui-même
pour appliquer le remède qui seul peut le
guérir. De même qu'il ne sauve pas le pécheur
sans lui, il ne sanctifie pas le saint, sans
être aidé de sa coopération. Mais il anime et
soutient son courage par les mille soins de
sa grâce, et insensiblement la mauvaise
nature perdant toujours du terrain dans cette
âme, ce qui était demeuré intact va se trans-
formant dans le Christ, et la grâce arrive à
régner dans l'homme tout entier.
Les vertus ne sont plus inertes ou faible-
ment développées dans ce chrétien : chaque
jour leur voit prendre un nouvel essor. L'Es-
prit ne souffre pas qu'une seule reste en
arrière; sans cesse il montre à son disciple
le type qui est Jésus, en qui les vertus sont
dans leur plénitude comme dans leur perfec-
tion. Parfois il fait sentir à l'âme son impuis-
sance, afin qu'elle s'humilie; il la laisse ex-
posée aux répugnances et aux tentations ;
4yS Le Temps Pascal.
mais c'est alors qu'il l'assiste avec plus de
sollicitude. Il faut qu'elle agisse, comme il
faut qu'elle souffre , mais l'Esprit l'aime avec
tendresse, et ménage ses forces tout en l'exer-
yant. C'est un grand œuvre d'amener un
être borné et déchu à reproduire ce qu'il y
a de plus saint. Dans ce labeur, plus d'une
fois le courage défaille, et un faux pas est
toujours possible; mais, péché ou imperfec-
tion, rien ne résiste; l'amour que le divin
Esprit entretient avec un soin particulier
dans ce cœur a bientôt consumé ces scories,
et la tiamme monte toujours.
La vie humaine s'est évanouie; c'est le
Christ qui vit en cet homme nouveau, de
même que cet homme vit dans le Christ ^
La prière est devenue son élément , car c'est
en elle qu'il sent le lien qui l'unit à Jésus,
et que ce lien se resserre de plus en plus
L'Esprit ouvre à Vàx\:q des voies nouvelles
pour lui faire trouver son souverain bien
dans la prière II en a disposé les degrés
comme une échelle divine qui monte de la
terre et dont le sommet se perd dans les cieux.
Qui pourrait raconter les faveurs de la divi-
nité envers celui qui s'étant dégagé de l'estime
et de l'amour de lui-même, n'aspire plus, dans
l'unité et la simplicité de sa vie, qu'à voir et
à goûter Dieu, qu'à se perdre en lui éternel-
lement? La divine Trinité tout entière s'inté-
resse au chef-d'œuvre de l'Esprit-Saint. Le
Père céleste fait sentir à cette âme les étrein-
tes de sa tendresse paternelle, le Fils de
Dieu ne contient plus les élans de l'amour
i.Gal. II, 30.
Le Samedi de la Pentecôte 4^ g
qu'il a pour elle, et l'Esprit l'inonde toujours
davantage de ses lumières et de ses conso-
lations.
La cour céleste qui demeure attentive à
tout ce qui intéresse l'homme, au point qu'elle
tressaille de bonheur à la vue d'un seul pé-
cheur qui fait pénitence i, a vu ce beau
spectacle, elle le suit avec un indicible
amour, et rend honneur à l'Esprit divin qui
sait opérer de tels prodiges au sein d'une
nature disgraciée. Quelquefois Marie, dans
sa joie maternelle, rend sa présence sensible
à ce fils nouveau qui lui est né; les Anges se
montrent aux regards de ce frère déjà digne
de leur société, et les saints de la race hu-
maine entretiennent une aimable familiarité
avec celui dont ils attendent d'ici à peu de
temps l'arrivée au séjour de la gloire Quoi
d'étonnant que ce nourrisson de l'Esprit di-
vin n'ait souvent qu'à étendre la main pour
suspendre les lois de la nature, et consoler
ses frères d'ici-bas dans leurs soutirances
ou leurs besoins? Ne les aime-t-il pas d'un
amour puisé à la source infinie de l'amour,
d'un amour que n'enchaînent plus l'égoïsme
et les tristes retours sur soi-même auxquels
est sujet celui en qui Dieu ne règne pas r
Mais ne perdons pas de vue le point cul-
minant de cette vie merveilleuse, moins rare
aue ne le pensent les hommes profanes ou
istraits. C'est ici qu'apparaît la puissance
des mérites de Jésus et son amour pour sa
créature, en même temps que la divine éner-
gie de l'Esprït-Saint Cette âme est appelée
I. Luc. XV, 7
4^0 Le Temps Pascal.
à des noces sublimes, et ces noces ne seront
pas réservées pour l'éternité C'est dans le
temps, sous l'horizon étroit de ce monde
passager, qu'elles doivent s'accomplir, Jésus
aspire à l'Epouse qu'il a rachetée de son sang,
et l'Epouse n'est plus seulement son Eglise
bicn-aimée. C'est aussi cette âme qui était
encore dans le néant il y a peu d années,
cette âme que les hommes ignorent, mais
dont « il a convoité la beauté •. » Il est l'au-
teur de cette beauté qui est en même temps
l'œuvre de l'Esprit; il n'aura pas de repos
qu'il ne se la soit unie. Alors s'accomplit par le
divin Esprit en faveur d'une âme individuelle
ce que nous l'avons vu opérer pour l'Eglise
elle-même. Il la prépare, il l'établit dans
l'unité, il la consolide dans la vérité, il la
consomme dans la sainteté ; alors « l'Esprit
« et l'Epouse disent • Venez -. »
Il faudrait un livre entier pour décrire l'ac-
tion du divin Esprit dans les Saints, et nous
n'avons pu en tracer qu'une insuffisante et
grossière ébauche. Toutefois cet essai si in-
complet, outre qu'il était nécessaire pour
achever de décrire, si en abrégé que ce soit,
le caractère complet de la mission du Saint-
Esprit sur la terre d'après l'enseignement des
divines Ecritures et la doctrine die la théolo-
gie dogmatique et mystic|ue, pourra servir à
diriger le lecteur dans l'étude et dans l'intel-
ligence de la vie des Saints. Dans le cours
de cette Année liturgique, où les noms et
les œuvres des amis àe Dieu sont si souvent
rappelés et célébrés par l'Eglise elle-même,
l Psalm. XLiv. — 2. Apoc. xxii, 17.
Le Samedi de la Pentecôte. 481
il importait de proclamer la gloire de l'Esprit
sanctificateur.
Mais nous ne saurions laisser s'achever
cette journée, la dernière du Temps pascal en
même temps qu'elle est la dernière de l'Oc-
tave de la Pentecôte, sans offrir à la Reine
de tous les Saints l'hommage qui lui est dû,
et sans rendre gloire au divin Esprit pour
toutes les grandes choses qu'il a opérées en
elle Après'l'humanité de notre Rédempteur
ornée par lui de tous les dons qui pouvaient
la rapprocher, autant qu'il était possible à
une créature, de la nature divine à laquelle
la divine incarnation l'avait unie, l'âme, la
personne entière de Marie ont été favorisées
dans l'ordre de la grâce au-dessus de toutes
les autres créatures ensemble. Il n'en pou-
vait être autrement, et on le concevra pour
peu que l'on essaye de sonder par la pensée
l'abîme de grandeurs et de sainteté que repré-
sente la Mère d'un Dieu. Marie forme à elle
seule un monde à part dans l'ordre de la
grâce ; à elle seule, un moment, elle a été
l'Eglise de Jésus. Pour elle seule d'abord l'Es-
prit a été envoyé, et il l'a remplie de la grâce
dès l'instant même de sa conception imma-
culée. Cette grâce s'est développée en elle
par l'action continue de l'Esprit jusqu'à la
rendre digne, autant qu'une créature pouvait
l'être, de concevoir et d'enfanter le propre
Fils de Dieu qui est devenu aussi le sien. En
ces jours de la Pentecôte, nous avons
vu le divin Esprit l'enrichir encore de nou-
veaux dons, la préparer pour une mission
nouvelle ; à la vue de tant de merveilles, notre
cœur filial ne peut retenir l'élan de son ad-
LE TEMPS PASCAL.
4S2 Le Temys Pascal.
miration, ni celui de sa reconnaissance en-
vers l'auguste Paraclet qui a daigné agir avec
tant de muniticence à 1 "égard de la Mère des
hommes.
Mais aussi nous ne pouvons nous empêcher
de célébrer, dans un enthousiasme légitime,
la complète fidélité de la bien-aimée de l'Es-
prit à toutes les grâces qu'il a répandues en
elle. Pas une n'a été perdue, pas une n'est
retournée à lui sans etfct, comme il arrive
quelquefois pour les âmes les plus saintes.
À son début, elle a été « semblable à l'aurore
u qui se lève 1, » et l'astre de sa sainteté n'a
cessé de monter vers ce midi qui pour elle
ne devait pas avoir de couchant. L'Archange
n'était pas encore venu vers elle pour lui
annoncer qu'elle allait concevoir dans son
chaste sein le Fils du Tout-Puissant, et déjà,
comme nous l'enseignent les Pères, elle avait
conçu dans son âme ce Verbe éternel. Il la
possédait comme son épouse, avant de l'ap-
peler à l'honneur d'être sa mère. Si Jésus a
Eu dire en parlant d'une âme qui avait eu
esoin de la régénération : « Celui qui me
« cherche me trouvera dans le cœur de Ger-
« trude, » quelle a dû être l'identification
des sentiments de Marie avec ceux du Fils
de Dieu, et combien est étroite son union
avec lui ! De cruelles épreuves l'attendaient
en ce monde . elle a été plus forte que la
tribulation; et lorsque le moment est arrivé
où elle devait se sacrifier dans un même
holocauste avec son fils, elle s'est trou-
vée prête. Après l'Ascension de Jésus, le
Le Samedi de la Pentecôte 488
Consolateur est descendu sur elle; il a
ouvert devant elle une nouvelle carrière;
pour la parcourir il fallait que Marie acceptât
un long exil de la patrie où régnait déjà le fruit
de ses entrailles: elle n'a pas hésité, elle s'est
montrée la servante du Seigneur, ne désirant
autre chose qu'accomplir en tout sa volonté.
Le triomphe de l'Esprit-Saint en Marie a
donc été complet ; si magnifiques qu'aient été
ses avances, elle a répondu à toutes. La qua-
lité sublime de Mère de Dieu à laquelle elle
était destinée appelait sur elle des grâces
immenses; elle les a reçues et elles ont fruc-
tifié en elle. Dans l'œuvre de la « consomma-
tion des saints et de la construction du corps
de Jésus-Christ i, « le divin Esprit a ménagé
à Marie, en retour de sa fidélité et à cause
de sa dignité incomparable, la noble place
qui lui convenait. Nous savons que son divin
Fils est la tête du corps immense des élus,
qui se réunissent au-dessous de lui avec une
harmonie parfaite. Dans cet ensemble pré-
destiné, notre auguste Reine, selon la tnéo-
logie mariale, représente le cou qui est étroi-
tement lié à la tête, et par lequel la tète com-
munique à tout le reste du corps le mouve-
ment et la vie. Elle n'est pas agent principal,
mais c'est par elle que cet agent'influe sur cha-
cun des membres. Son union, comme il était
juste, est immédiate avec la tête, parce que
nulle créature, si ce n'est elle, n'a eu et ne
pourrait avoir une telle relation avec le Verbe
incarné ; mais tout ce qui descend sur nous de
grâces et de faveurs, tout ce qui nous illumine
I. Eph. IV, 12.
484 Le Temps Pascal
et nous vivifie, nous vient par elle de son Fils.
. De là résulte l'action générale de Marie sur
l'Eglise, et son action particulière sur chaque
fidèle. Elle nous unit tous à son Filsqui nous
unit tous à la divinité. Le Père nous a donné
son Fils, le Fils s'est choisi une Mère parmi
nous, et l'Esprit-Saint, en rendant féconde
cette Mère virginale, a consommé la réunion
de l'homme et de toute création avec Dieu.
Cette réunion est le dernier terme que Dieu
s'est proposé dans la création des êtres; et
maintenant que le Fils est glorifié et que
l'Esprit est venu, nous connaissons toute la
pensée divine. Plus favorisés (que toutes les
générations qui se sont succédé avant le jour
de la Pentecôte, nous avons, non plus en pro-
messe mais en réalité, un Frère que couronne
le diadème de la divinité, un Consolateur qui
demeure avec nous jusqu'à la fin des temps
pour éclairer notre voie et nous y soutenir,
une Mère dont l'intercession est toute-puis-
sante, une Eglise, Mère aussi, par laquelle
nous entrons'en partage de tous ces biens.
La Station, à Rome, est aujourd'hui dans la
Basilique de Saint-Pierre. C'est dans cet au-
guste sanctuaire que les néophytes de la Pen-
tecôte paraissaient pour la dernière fois cou-
verts de leurs robes blanches, et qu'ils étaient
présentés au Pontife comme les derniers
agneaux de la Pàque qui expire en ce jour,
"Présentement la journée est encore célèbre
par la solennité de l'Ordination. Le jeûne et
la prière que la sainte Eglise a imposés du-
rant trois jours à ses enfants, ont dû rendre
le ciel favorable, et nous devons espérer que
Le Samedi de la Pentecôte
485
l'Esprit-Saint qui va imprimer sur les nou-
veaux prêtres et sur les nouveaux ministres
le sceau immortel du Sacrement, daignera
agir dans toute la plénitude de sa bonté
comme de son pouvoir ; car il ne s'agit pas
seulement en ce jour de l'initiation de ceux
qui vont recevoir un si sublime caractère,
mais encore du salut de tant d'âmes qui
seront confiées à leurs soins.
A LA louange du divin Esprit, nous emprun-
^ tons à la Liturgie arménienne ces der-
nières strophes dont elle use en ce jour où se
conclut la solennité de la Pentecôte.
CANON SÉPTIM.E DIEI.
TOI qui, assis sur les ailes
agiles des Séraphins qui
dans leur vol spirituel lan-
cent l'éclair de leurs feux,
prends soin de toute créa-
ture dans ta providence : Es-
prit-Saint, tout ce que tu as
créé te bénit.
Toi qui es éternellement
célébré avec le Père et le Fils
dans un concert sublime
d'une harmonie merveilleuse,
et qui daignes abaisser ton
regard sur les créatures : Es-
prit-Saint, tout ce que tu as
créé te bénit.
Aujourd'hui, par la bonté
divine, tu fais retentir le Cé-
nacle du bruit de la tempête,
tu enivres les Apôtres de tes
feux, et tu te distribues aux
QUI in pennis agilibus
immaterialium vo-
lantium ac ignem vibran-
tium Seraphim supcrse-
dens, in providentia cu-
ram geris creaturarum,
Spiritus tu Sancte, be-
nedictus es a creaturis
tuis.
Qui praeclarissima ac
miroplena voce cum Pâ-
tre et Filio semper glori-
ficaris, ac bénigne res-
picis ad creaturas , Spi-
ritus tu Sancte, benedic-
tus es a creaturis tuis.
Hodie divina Provi-
dentia in cœnaculo per-
sonans ventoso sonore,
atque Apostolos ine-
brians distributus es in
486
Le Temps Pascal.
creaturis ; Spiritus tu
Sancte, benedictus es a
creaturis tuis.
créatures : Esprit-Saint, tout
ce que tu as créé te bénit.
Le répertoire des Séquences d'Adam de
Saint-Victor nous fournira cette dernière qui
est aussi d'une grande beauté, et par laquelle
nous terminerons la série des hommages de la
sainte Liturgie à l'Esprit du Père et du Fils.
SEQUENCE.
VENI, summe Consola-
tor,
Spes salutis, vitae
dator,
Adsit tua gratia !
Dulcis ardor, ros divine,
Bonitatis germine
Eadem substantia.
Ab utroque derivatus.
Et a neutre separatus.
Ad utrumque colligatus
Sempiterno fœdere ;
Ros et vapor utriusque,
Donet Pater Filiusque
Quod effluas ad nos us-
que
Largifluo munere.
Rorem audis et vapo-
rcm,
Crede simul et odorem
Quo Deus discerni-
tur.
Rorem istum quem emit-
tit
Qui plus gustat, magis
sitit,
Nec ardor reprimi-
tur.
VIENS, ô Consolateur su-
prême, espoir du salut,
auteur de la vie; viens avec
ta grâce ! Douce ardeur, ro-
sée divine, en l'unique et di-
vine substance tu es le prin-
cipe de bonté.
Procédant du Père et du
Fils, jamais séparé d'eux,
rattaché à l'un et à l'autre
par un lien éternel, ardeur
et rosée au sein de la divi-
nité, daignent le Père et le
Fils te répandre sur nous
dans l'abondance de tes dons.
Ardeur et rosée, parfum
aussi qui révèle un Dieu -,
cette rosée que répand l'Es-
prit, plus on la goûte, plus
on en est altéré ; l'ardeur de
ses feux ne faillit jamais.
Le Samedi de la Pentecôte
48j
Au commencement de
toutes choses il était porté
sur les eaux ; c'est lui qui
maintenant consacre l'eau de
laquelle sort le peuple saint.
Il est la fontaine d'où émane
la piété, la fontaine qui pu-
rifie du péché, la fontaine
jaillissante du sein de la di-
vinité, la fontaine qui rend
sacrées toutes les fontaines.
Feu ardent, onde vive,
purifie nos cœurs et rends-les
féconds , apporte-nous la
grâce ; visite-nous par la
flamme de charité, daigne
faire de nous une hostie de
sainteté à ta gloire.
Souffle sacré du Père et du
Fils, remède de tout péché,
sois notre soulagement dans
la fatigue, notre consolation
dans la tristesse. Amour ar-
dent, amour chaste, guéris
par ton onction puissante
ceux que brûle une ardeur
coupable.
Voix qui s'énonce sans
bruit, voix mystérieuse qu'en-
tend l'oreille du cœur,voix qui
descend à l'àme fidèle; douce
voix, voix tant aimée, reten-
tis dans nos âmes I Lumière
qui dissipes l'erreur, lumière
qui donnes la vérité, apporte
à nous tous vie et santé, et
Plebs ut sacra renasca-
tur.
Fer hune unda consecra-
tur,
Cui super ferebatur
In rerum exordium ,
Fons, origo pietatis,
Fons emundans a pecca-
tis,
Fons de fonte deitatis,
Fons sacrator fon-
tium I
Ignis vive, vivax unda,
Munda sinus et fecunda,
Subministra gra-
tiam ;
Caritatls tactos igné,
Nosmet tibi fac bénigne
Sanctitatis hostiam.
Patris, Nati pium Fla-
men,
Vitiorum medicamen,
Fessis esto sublevamen,
Mcestis consolatio.
Castus amor et hones-
tus,
jEstus ardens, sed mo-
destus,
Urit ardor quos incestus
Tua sanet unctio.
Vox non sono desi-
gnata,
Vox subtilis, vox privata,
Vox beatis inspirata,
O vox dulcis, o vox
grata,
Sona nostris menti-
bus !
Lux depellens falsitatem,
4SS Le Samedi de la Pentecôte.
Lux inducens vcritatem,
Vitam atque sanitatem
Et jeternam clarltatem
Nobis confcr omni-
bus.
Amen.
mets-nous en possession de
l'éternelle splendeur.
Amen.
LE DON DE S.\GESSE.
LA seconde faveur qu'a destinée le divin
Esprit à l'âme qui lui est fidèle dans l'ac-
tion, est le don de Sagesse, supérieur encore
à celui de l'Intelligence. Il est lié cependant à
ce dernier, en ce sens que l'objet montré
dans l'Intelligence est goûté, et possédé dans
le don de Sagesse. Le Psalmiste, invitant
l'homme à s'approcher de Dieu, lui recom-
mande la saveur du souverain bien • <r Goû-
« tez, dit-il, et expérimentez que le Seigneur
« est rempli de douceur i.»La sainte Eglise,
au jour même de la Pentecôte, demande à
Dieu pour nous la faveur de goûter le bien,
recta sapere, parce que l'union de l'âme avec
Dieu est plutôt l'expérimentation par le goût
gu'une vue qui serait incompatible avec notre
état présent. La lumière donnée par le don
d'Intelligence n'est pas immédiate, elle réjouit
vivement l'âme, et dirige son sens vers la vé-
rité; mais elle tend à" se compléter par le
don de Sagesse qui est comme sa fin.
L'Intelligence est donc illumination, et la
Sagesse es^t union. Or, l'union avec le souve-
rain bien s'accomplit par la volonté, c'est-
!. Psalm XXXIII, 9.
Le Don de Sagesse. 48g
à-dire par l'amour qui réside dans la volonté.
Nous remarquons cette progression dans les
hiérarchies angéliques. Le Chérubin étincelle
d'intelligence, mais au-dessus de lui encore
est le Séraphin embrasé. L'amour est ardent
chez le Chérubin, de même que l'intelligence
éclaire de sa vive lumière le Séraphin ;"mais
l'un est différencié de l'autre par la qualité
prédominante, et le plus élevé est celui qui
atteint le plus intimement la divinité par
l'amour, celui qui goûte le souverain bien.
Le septième don est décoré du beau nom
de Sagesse, et ce nom lui vient de l'éternelle
Sagesse à laquelle il tend à s'assimiler par
l'ardeur de l'atîection. Cette Sagesse incréée,
qui daigne se laisser goûterparl'homme dans
cette vallée de larmes, est le Verbe divin,
celui-là même que l'Apôtre appelle a la splen-
« deur de la gloire du Père et la forme de sa sub-
« stance 1. «C'est lui q|ui nous a envoyé l'Es-
prit pour nous sanctifier et nous ramener à
lui, en sorte que l'opération la plus élevée
de ce divin Esprit est de procurer notre union
avec celui qui, étant Dieu, s'est fait chair et
s'est rendu pour nous obéissant jusqu'à la
mort et à la mort de la croix 2, Par les rnys-
tères accomplis dans son humanité, Jésus
nous a fait pénétrer jusqu'à sa divinité ; par
la foi éclairée de l'Intelligence surnaturelle,
« nous voyons sa gloire qui est celle du Fils
« unicque "^du Père, plein de grâce et de
a vérité 3 B ; et de même qu'il s'est fait parti-
cipant de notre humble nature humaine, il
se donne dès ce monde à goûter, lui Sagesse
I. Heb. ;, 3, — 2. Philip. 11, 8.-3. Johan. r, 14.
4go Le Samedi de la Pentecôte.
incréée, à cette Sagesse créée que l'Esprit-
Saint forme en nous comme le plus sublime
de ses dons.
Heureux donc celui en qui règne cette pré-
cieuse Sagesse qui révèle à l'âme la saveur
de Dieu et de ce qui est de Dieu ! « L'homme
« animal, nous dit l'Apôtre, est privé de ce
« goût qui perçoit ce qui vient de l'Esprit de
(( Dieu 1 : » pour )ouir de ce don, il lui fau-
drait devenir spirituel, se prêter docilement
au désir de l'Esprit, et il arriverait comme
d'autres qui après avoir été ainsi que lui es-
claves de la vie charnelle, en ont été affran-
chis par la docilité à l'égard de l'Esprit divin
qui les a cherchés et qui les a retrouvés
L'homme moins grossier, mais livré à l'es-
prit du monde, est également impuissant à
comprendre ce qui fait l'objet du don de
Sagesseet ce que révèle le dondlntelligence
II juge ceux qui ont reçu ces dons, et il les
blâme ; heureux s'il ne les traverse pas, s'il
ne les poursuit pas! Jésus nous le dit expres-
sément : « Le monde ne peut recevoir l'Es-
« prit de Vérité, parce qu'il ne le voit pas et
« ne le connaît pas '-. » Que ceux-là donc qui
ont le bonheur de désirer le bien suprême,
sachent qu'il leur faut être entièrement déga-
gés de l'esprit profane qui est l'ennemi per-
sonnel de l'Esprit de Dieu Affranchis de sa
chaîne, ils pourront s'élever jusqu'à la Sa-
gesse.
Le propre de ce don est de procurer une
grande vigueur à l'âme et de fortifier ses
puissances. Toute la vie en est comme assai-
I. I Cor, II, 14. — 2. JoHAN. XIV, 17;
Le Don de Sagesse. 4g i
nie, ainsi qu'il arrive à ceux qui font usage
d'aliments qui leur conviennent II n'y a plus
de contradiction entre Dieu et l'àme, et c'est
pour cette raison que l'union est rendue
facile. « Où est l'Esprit du Seigneur, là est la
« liberté, » dit l'Apôtre 1. Tout devient aisé
pour l'âme, sous l'action de l'Esprit de Sa-
gesse. Les choses dures à la nature, loin
d'étonner, semblent douces, et le cœur ne
s'effraye plus autant de la souffrance. Non
seulement on peut dire que Dieu n'est pas
loin d'une âme que l'Esprit-Saint a mise dans
cette disposition; il est visible qu'elle lui est
unie. Qu'elle veille cependant sur l'humilité ;
car l'orgueil peut encore monter jusqu'à elle,
et sa chute serait d'autant plus profonde que
son élévation est plus grande.
Insistons auprès du divin Esprit, et prions-
le de ne pas nous refuser cette précieuse
Sagesse qui nous conduira à Jésus, la Sagesse
infinie. Un sage de l'ancienne loiaspirait déjà
à cette faveur , quand il écrivait ces paroles
dont le chrétien seul a l'intelligence parfaite:
a J'ai désiré, disait-il, et l'Intelligence m'a
« été donnée ; j'ai prié, et l'Esprit de Sagesse
« est venu en moi 2. » H faut donc demander
ce don avec instance. Dans la nouvelle
Alliance, l'Apôtre saint Jacques nous y invite
par ses exhortations les plus pressantes « Si
« quelqu'un de vous, dit-il, veut avoir la
« Sagesse, qu'il la demande à Dieu qui donne
« à tous avec tant de largesse et qui ne re-
«( proche pas ses dons ; qu'il demande avec
« foi, et qu'il n'hésite pas 3. » Nous osons
I. II Cor. ni, 17. — 2. Sap. vu, 7—3. Jac. i, 5.
49- ^^ Temps Pascal.
prendre pour nous cette invitation de l'Apotre,
ô divin Ksprit, et nous vous disons: O vous
qui procédez de la Puissance et de la Sagesse,
donnez-nous la Sagesse. Celui qui est la Sa-
gesse vous a envoyé vers nous pour nous
réunir à lui. Enlevez-nous à nous-mêmes, et
unissez-nous à celui qui s'est uni à notre
faible nature. Moyen sacré de l'unité, soyez
le lien qui nous unira pour jamais à Jésus, et
celui qui est la Puissance et le Père nous
adoptera « pour ses héritiers et pour les co-
« héritiers de son Fils i. »
LA série successive des Mystères est com-
plète désormais, et le Cycle mobile de la
sainte Liturgie est arrivé à son terme. Nous
traversâmes d'abord, au Temps de l'Avent,
les quatre semaines qui représentaient les
quatre millénaires employés par le genre
humain à implorer du Père l'envoi de son
Fils. Enfin l'Emmanuel descendit; nous nous
associâmes tour à tour aux joies de sa nais-
sance, aux douleurs de sa Passion, à la gloire
de sa Résurrection, au triomphe de son As-
cension. Enfin, nous avons vu descendre sur
nous l'Esprit divin, et nous savons qu'il reste
avec nous jusqu'à la fin. La sainte Eglise
nous a assistés dans tout le cours de cet
immense drame qui contient notre salut Ses
divins cantiques et ses augustes cérémonies
nous ont chaque )our éclairés, et ainsi nous
avons pu tout suivre et tout comprendre.
I. Rom. viii, 17.
Le Samedi de la Pentecôte 4g 3
Bénie soit cette Mère par les soins de laquelle
nous avons été initiés à tant de merveilles
qui ont ouvert nos esprits et réchauffé nos
cœurs ! Bénie soit la Liturgie sacrée, source
de tant de consolations et d'encouragements !
Maintenant il nous reste à achever le par-
cours du Cycle dans sa partie immobile De
sublimes épisodes nous y attendent Prépa-
rons-nous donc à reprendre notre marche,
comptant sur l'Esprit-Saint qui dirigera nos
pas, et continuera de nous ouvrir, par la
sainte Liturgie dont il est l'inspirateur, les
trésors de la doctrine et de l'exemple.
PROPRE DES SAINTS
LE XX MAI.
SAINT BERNARDIN DE SIENNE,
CONFESSEUR.
ANS une autre saison de l'année
liturgique, lorsque nous appor-
tions"^ nos hommages et nos
vœux au berceau de l'Enfant di-
vin, une de nos journées fut
consacrée à célébrer la gloire
et à goûter la douceur de son nom. La sainte
Eglise tressaillait de bonheur en prononçant
ce nom chéri que son céleste Epoux a choisi
de toute éternité, et le genre humain respi-
rait à l'aise, en songeant que le grand Dieu
qui pourrait s'appeler le Juste et le Vengeur,
consentait à se nommer désormais le Sau-
veur. Le pieux Bernardin de Sienne, que
nous fêlons aujourd'hui, nous apparut alors
4g 6 Le Temps Pascal
portant dans ses mains et élevant aux regards
des hommes ce nom béni entouré de rayons.
Il invitait toute la terre à vénérer avec
amour et contiance cette appellation sacrée
sous laquelle se révèle divinement toute l'é-
conomie de notre salut. L'Eglise attentive
acceptait ce signe sacré , elle encourageait
ses fidèles à recevoir des mains de l'homme
de Dieu un bouclier si puissant contre les
traits de l'esprit des ténèbres, à goûter sur-
tout un nom qui nous apprend jusqu'à quel
excès Dieu a aimé le monde , et lorsque le
saint nom de Jésus eut enfin conquis par son
adorable beauté tous les cœurs chrétiens, elle
lui consacra une des plus touchantes solen-
nités du Temps de Noël
Aujourd'hui le noble enfant de saint Fran-
çois a reparu, et ses mains tiennent toujours
la glorieuse effigie du nom sacré. Mais ce
n'est plus l'appellation prophétique de l'En-
fant nouveau-né, le doux nom que la Vierge-
mère murmurait avec tendresse et respect,
penchée sur son berceau ; c'est un nom qui
retentit plus fort que tous les tonnerres, c'est
le trophée de la plus éclatante des victoires,
c'est la prophétie accomplie en son entier Le
nom de Jésus promettait au genre humain
un Sauveur ; Jésus a sauvé le genre humain
en mourant et en ressuscitant pour lui; il
est maintenant Jésus dans toute la plénitude
de son nom. Parcourez la terre, et dites-nous
en quel lieu ce nom n'est pas connu ; dites-
nous quel autre nom a jamais réuni les
hommes en une seule famille.
Les princes de la Synagogue ont voulu
arrêter l'essor de ce nom victorieux, l'étouf-
s. Bernardin de Sienne, Confesseur. 4g j
fer dans Jérusalem ; ils ont dit aux Apôtres :
« Nous vous défendons d'enseigner en ce
« nom 1 » ; et c'est pour leur repondre que
Pierre a prononcé cette forte sentence qui
résume toute l'énergie de la sainte Eglise :
« Mieux vaut obéir à Dieu qu'aux hommes. »
Autant eût valu essayer d'arrêter le soleil
dans son cours ; et lorsque bientôt la puis-
sance romaine s'est mise en devoir de mettre
obstacle par ses édits à la marche triom-
phante de ce nom devant lequel tout genou
doit fléchir, elle s'est vue réduite à l'impuis-
sance. Au bout de trois siècles le nom de
Jésus planait sur le monde romain tout
entier.
Armé de ce signe sacré, Bernardin par-
courut au xv" siècle les villes de l'Italie ar-
mées les unes contre les autres, et souvent
même divisées jusque dans leur propre sein.
Le nom de Jésus entre ses mains devenait
l'arc-en-ciel delà paix; tout genou fléchissait,
tout cœur ulcéré et vindicatif s'apaisait, tout
pécheur courait aux sources du pardon, dans
tous les lieux où Bernardin avait arboré ce
puissant symbole. Les trois lettres qui repré-
sentent ce nomà jamais béni devenaient fami-
lières à tous les fidèles; on les sculptait, on
les gravait, on les peignait partout ; et la
catholicité acquérait pour jamais une expres-
sion nouvelle de sa religion et de son amour
envers le Sauveur des hommes.
Prédicateur inspiré, Bernardin a laissé de
nombreux écrits qui révèlent en lui un doc-
teur de premier ordre dans la science de
I. Act. V, 28.
LE TEMPS PASCAL. — T. HI.
4g ^ Le Temps Pascal.
Dieu. Il nous serait agréable, si l'espace nous
le permettait, de le laisser exposer ici les
grandeurs du mystère de la Pâque ; donnons
du moins son sentiment sur l'apparition du
Sauveur ressuscité à sa sainte mère. Le lec-
teur catholique verra avec joie Tunité de doc-
trine sur ce point si important régner entre
l'école franciscaine représentée par saint Ber-
nardin, et l'école dominicaine dont nous
avons produit le témoignage à la fête de saint
Vincent Ferrier.
« De ce que l'histoire évangélique ne donne
aucun détail sur la visite que le Christ fit à
sa mère pour la consoler, après qu'il fut res-
suscité, on ne saurait conclure que le très
miséricordieux Jésus, source de toute grâce et
de toute consolation, si empressé à réjouir les
siens par sa présence, aurait oublié sa mère
qu'il savait avoir été si pleinement abreuvée
des amertumes de sa Passion. Mais il a plu à la
providence de Dieu de ne pas nous manifes-
ter cette particularité par le texte même de
l'Evangile, et cela pour trois raisons.
« Eri premier lieu, à cause de la fermeté de
la foi qui était en Marie. La certitude qu'avait
la Vierge-mère de la résurrection de son fils
ne fut ébranlée en rien, même pas par le
doute le plus léger. On le croira aisément,
si l'on veut réfléchir à la grâce très particu-
lière dont fut remplie la mère du Christ-
Dieu, la reine des Anges, la maîtresse de l'u-
nivers. Le silence de l'Ecriture à ce suj-et en
dit plus que Taftirmation même aux âmes
vraiment éclairées. Nous avons appris à con-
naître Marie lors de la visite de l'Ange, au
moment où l'Esprit-Saint la couvrit àe son
s. Bernardin de Sienne, Confesseur. 4g ()
ombre; nous l'avons retrouvée au pied de la
croix, mère de douleurs, se tenant près de
son fils mourant. Si donc l'Apôtre a pu dire :
«En proportion de ce que vous aurez eu
« part aux souffrances, vous participerez aux
« consolations ^ » ; calculez d'après cela la
mesure selon laquelle la Vierge-mère dut
être associée aux joies de la résurrection. On
doit donc tenir pour certain que son très
doux fils ressuscité l'a consolée avant tous les
autres. C'est ce que la sainte Eglise Romaine
semble vouloir exprimer en célébrant à
Sainte-Marie-Majeure la Station du jour de
Pâques. Autrement si, de ce que les Evangé-
listes n'en disent rien, vous vouliez conclure
que son fils ressuscité ne lui est pas apparu
en premier lieu, il faudrait aller jusqu'à
dire qu'il ne s'est pas du tout montré à elle,
puisque les mêmes Evangélistes, dans les di-
verses apparitions qu'ils rapportent, n'en si-
gnalentpasuneseulequi laconcerne, Unetelle
conclusion aurait quelque chose d'impie.
« En second lieu, le silence de l'Evangile
s'explique par l'infidélité des hommes. Le
but de l'Esprit-Saint, en dictant les Evan-
giles, était de décrire celles des apparitions
qui pouvaient enlever tout doute aux hommes
charnels au sujet de la croyance en la résur-
rection du Christ. La qualité de mère eût
diminué à leurs yeux le témoignage de Marie;
et c'est pour ce motif qu'elle n'a pas été
alléguée, bien qu'il ne pût y avoir, assuré-
ment, parmi tous les êtres nés ou à naître,
si l'on en excepte l'humanité de son fils,
I. II Cor. I, 7.
5 00 Le Temps Pascal.
aucune créature dont l'assertion méritât
mieux d'être admise par toute âme vraiment
pieuse. Mais il fallait que le tjxte évangé-
lique ne nous produisît que des témoignages
qui fussent de nature à ctre émis en pré-
sence de tout le monde; quant à l'appari-
tion de Jésus à sa mère, l'Esprit-Sainl l'a lais-
sée à ceux qui sont éclairésde sa lumière.
« En troisième lieu, ce silence s'explique
par la sublimité même de l'apparition.
Après la résurrection, les Evangiles ne disent
plus rien sur la mère du Christ, par cette
raison que ses relations de tendresse avec
son tils furent désormais tellement sublimes,
tellement ineffables, qu'il n'y aurait pas de
termes pour les exprimer. Il est deux sortes
de visions : l'une purement corporelle, et
faible en proportion ; l'autre qui a son siège
principal dans l'âme, et qui ne convient
qu'aux âmes déjà transformées. Admettez, si
vous voulez, que Madeleine a eu part avant
les autres à la vision purement corporelle,
pourvu que vous reconnaissiez que la Vierge
a vu avant elle, et d'une manière bien autre-
ment sublime, son fils ressuscité, qu'elle l'a
reconnu, et qu'elle a joui tout d'abord de ses
délicieux embrassements dans son âme plus
encore que dans son corps i. »
Lisons maintenant, dans les Leçons trop
abrégées de l'Office de saint Bernardin, le
récit de ses vertus.
pERNARDlNlis Albi- 1 n ERNARDIN Albizesca, issu
13 zesca, nobili Senensi | D d'une noble famille de
I . Sermo LU. Dominica in resurrectione, art. III.
s. Bernardin de Sienne, Confesseur. 5o i
Sienne, donna dès son en-
fance des marques éclatantes
de sainteté. Elevé dans des
habitudes honnêtes par ses
parents qui étaient vertueux,
il négligea les jeux de l'en-
fance, et dès ses premières
études sur la grammaire on
le vit se livrer aux œuvres
de la piété, au jeiine, à l'orai-
son, et particulièrement au
culte de la très sainte Vierge.
La charité envers les pau-
vres éclatait en lui. Après
quelques années, dans le but
de mieux pratiquer encore
toutes ces vertus, il voulut
être du nombre des con-
frères qui servent Dieu à
Sienne dans l'hôpital de No-
tre-Dame de la Scala, d'où
sont sortis plusieurs person-
nages célèbres par leur sain-
teté. Il s'y exerça avec une
ferveur et une charité in-
croyables à la mortification
de son corps et au soin des
malades, durant une peste
qui sévissait cruellement sur
la ville. Entre autres vertus,
il garda inviolablement la
chasteté, malgré les dangers
que pouvait lui susciter la
rare beauté de ses traits ; et
tel fut le respect qu'il inspira,
que les plus licencieux n'au-
raient osé prononcer un mot
déshonnête en sa présence.
APRÈS une grave maladie
qu'il avait endurée avec
la plus héroïque patience
familia ortus, ab ineunte
astate non obscura san-
ctitatis dédit indicia ;
nam a piis parentibus
honeste educatus, negle-
ctis puerilibus ludis, in-
ter prima grammaticœ
studia, pietatis operibus
animum intendit, jeju-
niis, orationi, et beatis-
simae Virginis cultui prse-
cipue addictus. Miseri-
cordia vero in pauperes
fuit insignis; quae qui-
dem omnia procedente
tempore quo melius pos-
set excolere, eorum nu-
méro adscribi voluit,
qui Senis in hospitali
domo beatae Marise de
Scala, Deo inserviunt ;
unde complures sancti-
tate célèbres viri prodie-
runt. Ibi corporis afBic-
tatione, et œgrotantium
cura, dum atrox pestilen-
tia grassaretur, incredi-
bili charitate sese exer-
cuit. Inter casteras autem
virtutes castitatem, egre-
gia forma répugnante,
sanctissime custodivit,
adeo ut eo prœsente, nemo
umquam, ne impudentis-
simus quidem, verbum
minus honestum proferre
auderet.
/ ^ RAVI morbo tentatus,
■ i eoque ad quatuor
menses patientissime to-
502
Le Temps Pascal.
lerato, deinum incolumis
de religiosae vitae insti-
tuto capessendo delibe-
rare cœpit : quo ut sibi
viam muniret, aïdiculam
in extrcma urbe conduxit,
in quam quum sese ab-
didisset, aspetrimam om-
ni ex parte vitam trahe-
bat, Deum assidue orans,
ut quid sibi sequendum
esset, ostenderet. Quare
divinitus factum est, ut
beati Francisci Ordinem
prae cseteris optaret, in
quo humilitate , pa-
tientia. allisque religiosi
hominis virtutibus excel-
luit, Id quum cœnobii
rector animadverteret,
jamque antea Bernardini
doctrinam, et sacrarum
litterarum peritiam pers-
pectam haberet. prasdi-
candi onus eidem impo-
suil, quo humillime sus-
cepto, quum se minus
idoneum agnosceret, ob
vocis exilitatera ac rau-
citatem, Dei ope implo-
rata, non sine miraculo
ejusmodi impedimento
liberatus est.
OULMQUE ea tempora
vitiis criminibusque
redundarent. et cruentis
faclionibus in Italia, di-
vina humanaque omnia
permixta essent, Bernar-
dinus urbes atque oppida
concursans in nomine
pendant quatre mois, il con-
çut le dessein d'embrasser la
vie religieuse. Afin de s'y
disposer, il loua une petite
maison à l'extrémité de la
ville, où il vécut inconnu, me-
nant la vie la plus austère,
et priant Dieu continuelle-
ment de lui faire connaître
le parti qu'il devait prendre.
L'inspiration divine lui fit
préférer l'Ordre de Saint-
François, où il excella en
humilité, en patience et en
toutes les autres vertus reli-
gieuses. Le gardien du cou-
vent ayant remarqué cette
haute vertu, et connaissant
d'ailleurs la science à laquelle
ce religieux était arrivé dans
les saintes lettres, lui imposa
le devoir de la prédication.
Le saint accepta humblement
cet emploi, bien qu'il s'y
reconnût peu propre, à cause
de la faiblesse et de l'enroue-
ment de sa voix. Mais .ayant
imploré le secours de Dieu,
il se trouva délivré miracu-
leusement de cet obstacle.
A CETTE époque, un débor-
demant de crimes était
répandu en Italie, et de san-
glantes factions y foulaient
aux pieds toutes les lois di-
vines et humaines. Bernardin
parcourut les villes et les
villages au nom de Jésus
s. Bernardin de Sienne, Confesseur. 5o3
qu'il avait toujours à la
bouche et dans le cœur, et
vint à bout par ses discours
et ses exemples de rétablir
presque partout la piété
et les bonnes mœurs qui
avaient disparu. Plusieurs
villes considérables le de-
mandèrent au pape pour leur
évéque; mais Bernardin re-
fusa constamment cette di-
gnité par une humilité invin-
cible. Enfin cet homme de
Dieu, après d'immenses fati-
gues, après de grands et nom-
breux miraclas, ayant com-
posé des écrits remplis de
piété et de doctrine, et vécu
soixante-six ans, termina sa
vie par une sainte mort à
Aquila, ville de l'Abruzze.
Il éclata par de nouveaux
miracles ; et, six ans après
sa mort, le pape Nicolas V
le mit au nombre des Saints.
Jesu, quem semper in
ore et in pectore gere-
bat, collapsam pietatera
moresque verbo et exem-
plo magna ex parte res-
tituit : quo factum est,
ut prasclarcB civitates
eum sibi Episcopum a
Summo Pontifice postu-
larent : quod ille munus
invicta humilitate con-
stantissime rejecit. De-
nique vlr Dei immensis
laboribus exhaustis, mul-
tis magnisque editis mi-
raculis, libris etiam pie
docteque conscriptis ,
cum vixisset annos sex
ac sexaginta, in urbe
Aquila in Vcstinis beato
fine quievit : quem novis
in dies coruscantam si-
gnis, anno post obitum
sexto, Nicolaus Quintus
Pontifex Maximus in
Sanctorum numerum re-
tulit.
Qu'ils sont beaux, ô Bernardin, les rayons
qui forment l'auréole du nom de Jésus!
Que leur lumière est douce, au moment où
le Fils de Dieu reçoit ce nom sauveur, le
huitième jour après sa naissance! Mais quel
œil mortel pourrait supporter leur éclat,
lorsque Jésus opère notre salut, non plus
dans l'humilité et la souffrance, mais par le
triomphe de sa résurrection ? C'est au milieu
des splendeurs pascales du nom de Jésus que
vous nous apparaissez, ô Bernardin ' Ce nom
que vous avez aimé et glorifié vous associe
5 04 Le Temps Pascal.
désormais à son immortelle victoire. Mainte-
nant donc répandez sur nous, plus abon-
damment encore que vous ne le faisiez sur la
terre, les trésors d'amour, d'admiration et
d'espérance dont ce divin nom est la source,
et purifiez les yeux de notre âme, afin que
nous puissions un jour contempler avec vous
ses magnificences.
Apôtre de la paix, l'Italie, dont vous avez
si souvent apaisé les factions, a droit de vous
compter au rang de ses protecteurs. Voyez-
la en ces jours livrée en proie aux ennemis
du Sauveur des hommes, rebelle à la voix
de la sainte Eglise, et tristement abandonnée
à son sort. Ne vous souviendrez-vous pas que
c'est dans son sein que vous avez pris nais-
sance, qu'elle fut docile à votre voix, et que
longtemps votre mémoire lui fut chère? In-
tervenez en sa faveur; arrachez-la à ceux qui
l'oppriment, et montrez qu'au défaut des
armées de la terre, les milices célestes peuvent
toujours sauver les villes et les provinces.
Illustre fils du grand patriarche d'Assise,
l'Ordre séraphique vous vénère comme l'une
de ses principales colonnes. Vous avez ra-
vivé dans son sein l'observance primitive ;
continuez du haut du ciel à protéger l'œuvre
commencée par vous ici-bas. La famille de
saint François est l'un des plus fermes appuis
delà sainte Eglise ; faites-la fleurir toujours,
soutenez-la dans les tempêtes, multipliez-la
en proportion des besoins du peuple fidèle ;
car voiK êtes le second père de cette famille
sacrée, et vos prières sont puissantes auprès
du Rédempteur dont vous avez confessé le
nom glorieux sur la terre.
LE XXIV MAI.
LA FÊTE
DE NOTRE-DAME AL XILIATRICE.
'epuis que nous sommes entrés dans
les joies pascales, le Cycle n'a cessé,
pour ainsi dire, de nous apporter
jour par jour de nouveaux noms à
saluer, de nouvelles gloires à honorer; et
tous ces noms, toutes ces gloires se sont mon-
trés à nous tout rayonnants des feux du soleil
de la Pâque. Cependant aucune fête consa-
crée à Marie n'est venue réjouir nos cœurs,
en nous retraçant quelqu'un des mystères
ou quelqu'une des grandeurs de cette auguste
reine. Avril voit, il est vrai, la fête des Sept-
Douleurs dans les années où la Pâque des-
cend jusqu'au dix de ce mois et au-dessous ;
mais les mois de mai et de juin s'écoulent
sans amener aucune solennité spéciale en
l'honneur de la Mère de Dieu. Il semble que
la sainte Eglise veuille honorer dans un res-
pectueux silence les quarante jours durant
lesquels Marie, après tant d'angoisses, se
repose dans la possession de son fils ressus-
cité. En méditant le mystère pascal dans le
cours de cette mystérieuse période, nous
devons donc avoir soin de ne jamais isoler le
fils de la mère et nous demeurerons dans la
vérité. Jésus, durant ces quarante jours, se
communique fréquemment à ses disciples,
hommes faibles et pécheurs; peut-il se sépa-
5o6 Le femps Pascal.
rer un instant de sa mère, à la veille de la
nouvelle et dernière épreuve qu'elle doit
subir, lorsque les portes du ciel s'ouvriront
pour recevoir son fils? Bien souvent Jésus
se montre à ses regards, et la comble de ses
caresses filiales; mais dans les intervalles de
ces visites il ne la quitte pas ; non seulement
son souvenir, mais sa présence reste tout en-
tière dans l'âme de Marie, avec tout le charme
d'une intime et inetfable possession.
Aucune fête n'aurait pu exprimer un tel
mystère ; toutefois l'Esprit-Saint, oui gou-
verne les sentiments de la sainte 'Eglise, a
fait naître insensiblement dans les cœurs des
fidèles la pensée de décerner des hommages
spéciaux à Marie dans tout le cours du mois
de mai, qui s'écoule, presque chaque année,
tout entier au milieu des joies du Temps
pascal. Sans doute d'heureuses harmonies
ont aidé la piété à concevoir la gracieuse idée
de consacrer mai à Marie ; mais si nous réflé-
chissons à l'influence céleste et mystérieuse
qui conduit tout dans l'Eglise, nous com-
prendrons qu'il existe, au fond de cette déter-
mination, une intention divine d'unir aux
allégresses maternelles dont surabonde en ces
jours le cœur immaculé de Marie, la joie qui
remplit les cœurs de ses enfants de la terre,
dans le cours de ce mois employé tout entier à
célébrer ses grandeurs et ses miséricordes.
Or voici cependant une fête de Marie en ce
jour. Hâtons-nous de dire qu'elle n'est pas
inscrite sur le Cycle universel de la sainte
Eglise ; mais ajoutons en même temps qu'elle
est tellement répandue, avec l'agrément du
Siège Apostolique, que cette Année liturgique
La Fête de Notre-Dame Auxiliatvice. 5oj
eût été comme incomplète, si nous n'eus-
sions pas donné place à cette solennité. Son
but est d'honorer la Mère de Dieu sous le
titre de Secours des Chrétiens; appellation
méritée par les innombrables faveurs que
cette toute-puissante Auxiliatricen'a cessé de
répandre sur la chrétienté. Depuis le jour
dont nous devons célébrer bientôt l'anniver-
saire, et dans lequel l'Esprit-Saint descendit
sur Marie au Cénacle, ahn qu'elle commen-
çât à exercer sur l'Eglise militante son pou-
voir de Reine, jusqu'aux dernières heures de
la durée de ce monde, qui pourrait énumé-
rer toutes les occasions dans lesquelles elle
a signalé et signalera son action protectrice
sur l'héritage de son fils ?
Les hérésies se sont levées tour à tour plei-
nes de rage, appuyées sur le bras des puissants
delà terre; il semblait qu'elles allaient dé-
vorer la race des fidèles ; tour à tour elles sont
tombées les unes sur les autres, atteintes d'un
coup mortel ; et la sainte Eglise nous révèle
que c'est le bras de Marie qui chaque fois a
frappé ce coup ^ . Si des scandales inouïs, des
tyrannies sans nom, ont semblé entraver un
moment la marche de l'Eglise, le bras tou-
jours armé de l'invincible Reine a dégagé le
passage; et l'Epouse du Rédempteur s'est
avancée libre et fière, laissant derrière elle
ses entraves brisées et ses ennemis abattus.
C'est en repassant dans son esprit tant de
merveilles que le grand pape saint Pie V, au
I. GaiiJe, Maria Virgo ; cunctas hxreses sola intere-
misti in universo mundo. Office de la très sainte Vierge
à Matines, vu" Antienne.
5o8 Le Temps Pascal.
lendemain de la victoire de Lépante, où
notre auguste triomphatrice venait d'anéantir
pour jamais la puissance navale des Otto-
mans, jugea que l'heure était venue d'inscrire
dans les Litanies de la sainte Vierge, à la
suite des titres pompeux dont l'Eglise la
salue, celui de Secours des Chrétiens, Auxi-
LIUM CHRISTIANORUM.
Il était réservé au dernier sièc'e de voir un
Pontife, décoré aussi du nom de Pie, relever
encore ce beau titre, et en faire l'objet d'une
fête commémorative de tous les secours que
Marie a daigné apporter à la chrétienté dans
tous les âges. Le jour désigné à cet effet ne
pouvait être mieux choisi. Le 24 mai de l'an-
née 18 14 éclaira dans Rome le plus magni-
fique triomphe dont les fastes de la chré-
tienté aient enregistré le souvenir. Ce fut un
grand jour, celui où Constantin traça les
fondements de la basilique vaticane en l'hon-
neur du Prince des Apôtres, sous les yeux
de Silvestre, bénissant le César qui abordait
au christianisme ; mais ce fait imposant n'é-
tait qu'un signe de la dernière et décisive
victoire remportée par l'Eglise sur toute la
surface de la terre, dans la récente persécu-
tion de Dioclétien. Ce fut un grand jour,
celui où Léon III, vicaire du Roi des rois,
posa sur la tête de Charlemagne la couronne
impériale, et renoua de ses" mains aposto-
licjues la chaîne brisée des Césars ; mais
Léon III ne faisait que donner une expression
solennelle au pouvoir que l'Eglise exerçait
déjà de toutes parts au sein des nations nou-
velles, qui recevaient d'elle l'idée de la sou-
veraineté chrétienne, la consécration de ses
La Fête de Notre-Dame Auxiliatrice. 5og
droits et la sanction de ses devoirs. Ce fut un
grand jour, celui où Grégoire XI ramena
dans la ville de saint Pierre la majesté papale,
après un triste exil de soixante-dix années à
Avignon ; mais Grégoire XI ne faisait que
remplir un devoir; et il n'avait tenu qu'à ses
prédécesseurs d'accomplir avant lui ce retour
que réclamaient impérieusement les néces-
sités de la chrétienté.
Le 24 mai 18 14 efface par son éclat tous
ces jours, si glorieux qu'ils aient été. Pie VII
rentre dans Rome aux acclamations de la
ville sainte, dont la population tout entière,
transportée d'enthousiasme, est allée au-
devant de lui, des palmes à la main, et au cri
de l'Hosanna. Il sort d'une captivité de cinq
années, durant lesquelles le gouvernement
spirituel de la chrétienté a été totalement
suspendu. Les puissances coalisées contre son
oppresseur n'ont pas eu l'honneur de briser
ses fers ; celui-là même qui le retenait loin
de Rome l'a déclaré libre d'j retourner dès
les derniers mois de l'année précédente ;
mais le Pontife a voulu prendre son temps,
et ce n'est que le 25 janvier qu'il a quitté
Fontainebleau. Rome, dans laquelle il va
rentrer, a été réunie à l'empire français, il y
a cinq ans, par un décret où se lisait le nom
de Charlemagne ; elle s'est vue, elle, la ville
de saint Pierre, réduite en chef-lieu de
département, administrée par un préfet ; et
comme pour effacer à jamais le souvenir de
ce que fut la ville des Papes, son nom a été
donné en apanage à l'héritier présomptif de
la couronne impériale de France.
Quel jour que le 24 mai qui éclaira le re-
Le Temps Pascal.
tour triomphal du Pontife en qualité de Pas-
teur et de Souverain dans les murs de cette cité
sacrée, d'où il avait été arraché la nuit par
des soldais ! Sur sa route à petites journées,
Pie .Vil a rencontré les armées, et l'Europe
s'est inclinée devant son droit. Ce droit sur-
passe en ancienneté comme en dignité celui
de tous les rois ; et tous, sans distinction
d'hérétiques, de schismatiques ou de catho-
liques, se feront un devoir de le reconnaître
solennellement.
Mais tout ceci ne nous révèle pas encore en
son entier l'étendue du prodige qu'a daigné
opérer la toute-puissante Auxiliatrice. Pour
le saisir tel qu'il est, il importe de se rappe-
ler que ce miracle ne s'accomplit pas au siè-
cle de saint Silvestre et de Constantin, ni au
siècle de saint Léon III et de Charlemagnc,
ni au siècle où la grande prophétesse Cathe-
rine de Sienne intimait les ordres du ciel aux
populations de l'Italie et aux Papes d'Avi-
gnon. Le siècle témoin de cette merveille est
ie XIX' ; et il la voit s'effectuer dans les an-
nées où il subit encore le joug flétrissant du
voltairianisme, où vivent en'core de toutes
parts les auteurs et les complices des crimes
et des impiétés qui furent comme le couron-
nement du xviii« siècle. Tout était contre un
résultat aussi plein et aussi inattendu ; la
. conscience catholique était loin d'être éveillée
alors comme elle le fut plus tard; l'actiori
\ céleste avait à se manifester directement ; et
; c'est afin de révéler à la chrétienté qu'il en a
été ainsi, que Rome a érigé en trophée à Marie,
Secours des Chrétiens, ta journée du 24 mai
de chaque année.
La Fête de Notre-Dame Auxiliatrice. 5i i
Cherchons maintenant à saisir l'intention
divine dans la double restauration que le
Christ opère aujourd'hui par la main de son
auguste mère. Pie VII avait été enlevé de
Rome et détrôné ; il est rétabli dans Rome
comme Pape et comme souverain temporel.
Aux jours des fêtes de la Chaire de saint
Pierre à Rome et à Antioche, nous avons
établi la doctrine de l'Eglise qui nous ensei-
gne que la succession aux droits conférés
par le Christ à saint Pierre est ati achée à la
qualité d'Evêque de Rome. Il suit de là que
la résidence dans la ville de Rome est à la
fois le droit et le devoir du successeur de
Pierre, sauf le cas où il jugerait, dans sa
sagesse, devoir s'en éloigner pour un temps.
Celui-là donc qui, par les moyens de la force
matérielle, retient hors de Rome le Souve-
rain Pontife, ou l'empêche d'y résider, agit
contre la volonté divine ; car le pasteur doit
habiter au milieu de son troupeau ; et le
Christ ayant préposé l'Eglise Romaine à toutes
les Eglises du monde, elles ont droit à trou-
ver dans Rome, prédestijiée à un tel honneur
par tout son passé, celui qui est en même temps
le docteur infaillible de la foi et la source de
tout pouvoir spirituel. Le premier bienfait
dont nous sommes redevables à Marie en ce
jour est donc d'avoir restitué l'Epoux à l'E-
pouse, et rétabli dans ses conditions nor-
males le gouvernement suprême de la sainte
Eglise.
Le second bienfait est d'avoir remis le Pon-
tife en possession de la puissance temporelle,
3ui est la plus sûre garantie de son indépen-
ance dans l'exercice de son pouvoir spiri-
Le Temps Pascal.
tuel. De tristes faits inscrits dans l'histoire
ont révélé plus d'une fois les dangers d'un
état de choses qui mettrait le Pape sous la
dépendance d'un prince ; et l'expérience du
passé démontre que la ville de Rome, si elle
n'est pas placée sous le domaine de la pa-
pauté, pourrait encourir, aux yeux de la
chrétienté, le reproche de n'avoir pas tou-
jours su veiller à la liberté ou à la dignité de
l'Eglise dans l'élection du Pontife suprême.
La sagesse divine a pourvu au besoin de
l'immense troupeau du Christ, en préparant
de bonne heuTe les bases du domaine tempo-
rel de la papauté sur Rome et son territoire,
avant même que l'épée des Francs intervînt
pour venger, pour constituer et agrandir ce
précieux domaine qui est un bien de la chré-
tienté. Quiconque ose l'envahir porte la plus
sensible atteinte à la liberté de l'Eglise tout
entière ; et nous entendions, il y a un mois,
le grand docteur saint Anselme nous ensei-
gner que « Dieu n'aime rien tant en ce monde
« que la liberté de son Eglise. » Aussi l'a-t-il
vengée toujours.
La souveraineté pontificale sur Rome et
sur le territoire atfecté à l'Eglise puise donc
sa raison d'être dans les nécessités de l'ordre
surnaturel. Il s'ensuit que cette souveraineté
dépasse en dignité toutes les autres, et qu'é-
tant vouée au service de Dieu sur la terre,
elle doit être rangée parmi les choses sacrées.
Quiconque ose l'envahir n'est plus seulement
spoliateur, mais sacrilège ; et les anathèmes
de l'Eglise tombent sur lui de tout leur poids.
L'histoire est là tout entière pour nous redire
combien a été lamentable le sort de tous les
La Fête de Notre-Dame Auxiliatrice. 5i3
princes qui, ayant bravé l'anathème, ont
négligé de donner satisfaction à l'Eglise, et
ose affronter la justice de celui qui a conféré
à Pierre le pouvoir de lier et de délier.
Enfin, la souveraineté étant le fondement
de toutes les sociétés humaines, et sa conser-
vation sur la terre important au plus haut
point au maintien de l'ordre et de la justice,
elle doit être sauvegardée avant tout en celui
qui en est la plus haute expression ici-bas ;
c'est-à-dire dans le Pontife romain, dont les
droits temporels sont les plus anciens que
l'on puisse constater aujourd'hui, et chez qui
le suprême pouvoir spirituel relève encore la
dignité royale. Quiconque attaque ou ren-
verse la souveraineté temporelle du Pape,
attaque et renverse donc toutes les souve-
rainetés ; car il n'en est pas une autre qui
puisse soutenir le parallèle avec celle-ci, pas
une qui puisse prétendre à être épargnée, si
celle-ci succombe.
Gloire soit donc à Marie en ce vingt-qua-
trième jour de mai, consacré à reconnaître
le double bienfait qu'elle a signalé , en
déployant la puissance de son bras pour opé-
rer d'un même coup le salut de l'Eglise et
celui de la société ! Unissons-nous aux vives
acclamations des Romains, fidèles alors, et
faisant retentir dans un même enthousiasme
V Alléluia de la Pâque et VHosanna au Vicaire
de Dieu, au Père de la Patrie. Le souvenir de
saint Pierre délivré de sa prison et rendu à
la liberté, planait sur cette foule passionnée
d'amour pour un Pontife que tant d'épreuves
avaient rendu plus auguste encore. Le char
s'avançait par la voie Flaminienne; il fut
LE TEMPS PASCAL. — T. 111.
5j4
Le Temps Pascal.
dételé el traîné par les citoyens ivres de joie
jusqu'à la Basilique vaticane, où le Pontife
avait hâte d'épancher ses actionsde grâces sur
le tombeau du Prince des Apôtres.
Mais ne terminons pas cette journée sans
avoir célébré la miséricordieuse intervention
de notre puissante Auxiliatrice, Si elle se
montre quelc^ue fois terrible dans la protec-
tion qu'elle répand sur son peuple, son cœur
de mère ne saurait se défendre de la pitié
pour les vaincus; à eux aussi, quand ils sont
abattus, elle sait se montrer secourable.
Témoin le grand guerrier dont elle triompha
le vingt-quatre mai, et que sa bonté entre-
prit ensuite de réduire, en le ramenant à
la foi de ses pères. Du sein d'une île perdue
dans l'immensité de l'Océan, Pie VII vit un
jour arriver un message. Le prince détrôné
sur lequel il avait répandu l'huile sainte à
Notre-Dame, et qui depuis avait eu le mal-
heur d'attirer sur lui ces foudres spirituelles
dont Dieu même gouverne l'emploi, deman-
dait au Pontife, au seul roi de Rome, la
faveur de ne pas vivre privé plus longtemps
des augustes Mystères dont le sacerdoce ca-
tholique est le ministre accrédité par le ciel.
Marie avait en vue une seconde victoire.
Pie \'II, dont le prince ne prononçait le
nom qu'avec attendrissement dans les jours
de son exil, qu'il appelait « un agneau ^ »
Pie VII qui avait, aux yeux de toute l'Eu-
rope, ouvert un asile dans Rome aux mem-
bres de cette famille descendue de tant de
La Fête de Notre-Dame Auxiliatrice. 5 15
trônes à la fois, se hâte de remplir le vœu de
son ancien adversaire ; et bientôt le Sacrifice
qui réconcilie le ciel et la terre est offert en pré-
sence du vaincu, dans cette île anglaise et pro-
testante. Marie avançait dans sa conquête.
Mais la divine justice, avant de pardonner,
voulait que l'expiation fût complète et solen-
nelle. Celui qui, en relevant les autels de la
France, fut l'instrument du salut de tant de
millions d'âmes, ne devait pas périr ; mais il
avait osé tenir captif au château de Fontai-
nebleau le Pontife suprême, et ce fut en ce
même château de Fontainebleau, et non ail-
leurs, qu'il lui fallut signer l'acte de son ab-
dication. Il avait retenu cinq années dans les
fers le Vicaire de Dieu; cinq années de capti-
vité, de souffrances et d'humiliations, lui
furent infligées. La loi du talion accomplie,
le ciel laissa à Marie le soin d'achever son
triomphe. Réconcilié avec l'Eglise sa mère,
muni des divins Sacrements qui purifient
toute âme et la préparent pour l'éternité.
Napoléon rendit la sienne à Dieu le cinq
mai, dans le mois consacré à Marie, dans le
mois qui contient le noble anniversaire que
nous fêtons aujourdh'ui. Et si l'on ose péné-
trer la pensée de Dieu dans le choix du jour
marqué éternellement pour ce grand trépas,
ce jour n'est-il pas celui où nous avons célé-
bré la fête de saint Pie F, le jour où Rome
offrait ses vœux au septième Pie, au Pie
réconciliateur, dont le nom qui devait repa-
raître encore en nos temps avec tant de gloire,
signifie la tendre compassion et la miséri-
corde ? «Dieu QsX pie et miséricordieux, jpn/5
et mlsericovs, » dit la Sagesse dans le livre
5i6
Le Temps Pascal.
de l'Ecclésiastique '. Marie aussi est pie et
miséricordieuse ) et c'est pour cela que nous
la saluons aujourd'hui de ce beau titre
dWuxiliatrice. Qu'il s'agisse du salut de l'E-
çlise entière, qu'il s'agisse du salut d'une
ame en particulier, Mairie est et demeure à
jamais le Secours des chrétiens. Dieu l'a voulu
ainsi, et nous entrons dans ses intentions,
lorsque nous professons une confiance sans
bornes dans le bras d'une si puissante reine
et dans le cœur d'une si tendre mère.
Lisons maintenant le récit de la sainte Li-
turgie sur le grand événement qui signala en
ce jour la protection de Marie sur la chré-
tienté.
PR.ESENTISSIMUM Dei-
parae auxilium ad re-
ligionis hostes profli-
gandos, saspe populus
Christianus mirum in
modum expertus est ; ex
quo factum ut sanctissi-
mus pontifex Plus Quin-
tus, post insignem vic-
t o r i a m, intercedente
beatissima Virgine, a
christianis de Turcarum
tyranno apud Echinadas
insulas reportatam, in
Litaniis Lauretanis eam-
dem reginam cœlorum,
interalia praeconia, Au-
xilium christianorum ap-
pellari constituerit. Sed
illud in primis memora-
LE secours de la Mère de
Dieu s'est souvent fait
sentir au peuple chrétien
d'une manière miraculeuse,
lorsqu'il s'est agi de repous-
ser les ennemis de la religion.
C'est pour cette raison que le
très saint pontife Pie V, après
l'insigne victoire remportée
par les chrétiens sur les
Turcs, dans le golfe de Lë-
pante, par l'intercession de la
bienheureuse Vierge, ordon-
na que parmi les titres d'hon-
neur qui sont attribués à la
reine des cieux dans les Lita-
nies de Lorette, on insérerait
désormais celui de Secours
des Chrétiens. Mais un des
faits les plus mémorablss et
I. Eccli. II, i3
La Fête de Notre-Dame Auxiliatrice 5ij
les plus dignes d'être comptés
parmi les traits miraculeux de
cette protection, est celui qui
se rapporte au souverain pon-
tife Pie VII, qui ayant été
enlevé du Siège apostolique
de Pierre par le conseil des
'impies secondés de la force
armée, et, chose inouïe dans
les annales qui relatent les
persécutions de l'Eglise !
ayant été détenu sous la
garde la plus sévère, princi-
palement à Savone, durant
plus de cinq ans, le gouver-
nement de l'Eglise de Dieu
lui étant rendu impossible
par toute espèce d'entraves,
fut tout à coup et contre
l'attente universelle rétabli
sur le trône pontifical, aux
applaudissements et par le
concours du monde entier Ce
qui arriva encore une seconde
fois , lorsqu'une nouvelle
tempête l'ayant contraint de
sortir de Rome, et de se reti-
rer en Ligurie avec le sacré
Collège des cardinaux, un
nouveau bienfait de Dieu
apaisa l'orage qui menaçait
l'Eglise des plus grands mal-
heurs, et permit au Pontife
de rentrer à Rome, au milieu
des transports de joie de la
chrétienté tout entière. Mais
auparavant le Pontife avait
voulu accomplir un désir
qu'il avait conçu, et que sa
captivité l'avait seule empê-
ché d'effectuer. Ce fut de
placer solennellement et de
bile est, atque explorati
miraculi loco habendum,
quod quum Romanus
Pontifex, Pius Septimus,
impiorum consiliis et ar-
mis ex Apostolica Pétri
sede exturbatus, et arcta
custodia, praïsertim Sa-
vonrc per annos quinque,
eoque amplius fuisset de-
tentus, viis omnibus pe-
nitus interclusis, ne Dei
Ecclesiam regere posset,
nullo similis persecutio-
nis in priscis annalibus
exemplo, inopinato et
praïter omnium exspecta-
tionem contigit, ut in-
genti plausu , ac veluti
universi orbis manibus
Pontificio solio restitue-
retur. Quod et secundo
accidit, dum iterum com- [
moto turbine, ab Urbe [
discedens, sacro comi- k
tante cardinalium CoUe-
gio, Liguriam contendit.
Verum praesentissimo
Dei benefîcio, cessante
procella, quae grave mi-
nabatur excidium, Ro-
mam, plaudentibus prae
novo gaudio populis, re-
versus est. Antea tamen,
quod in votis habuerat.
et captivitate detentus
exsequi nequiverat, aurea
corona insignem Savonae
imaginem Deiparae Vir-
ginis sub titulo Matris
Misericordiae, solemni ri-
tu, propriisque manibus
5i8
Le Temps Pascal.
decoravit. Quam mira-
bilem rerum vicissitudi-
nem idem Pontifex maxi-
mus Pius Septimus, to-
tius eventus intime cons-
ciiis, quum intercessioni
sanctissimae Dei Geni-
tricis, cujus potentem
opem et ipse impense im-
ploraverat. et ab omni-
bus Christi fidelibus im-
plorari curaverat, accep-
tam merito referret, in
ejusdem Virginis Matris
honorem sub appella-
tione Auxilii Cnristia-
norum solemne festum
indixit perpetuo cele-
brandum die mensis Maii
vigesimo quarto, taus-
tissimi sui in Urbem re-
ditus anniversario. ad-
probato etiam OfRcio
proprio. ut tanti benefi-
cii distincta et perennis
exstet memoria, et gra-
tiarum actio.
ses propres mains une cou-
ronne d or sur l'insigne image
de la Vierge Mère de Dieu,
honorée à Savone sous le
titre de Mère de la Miséri-
corde. Le même pontife Pie
W\ ayant la conscience in-
time de tous ces faits, et rap-
portant avec raison leur ad-
mirable vicissitude à l'inter-
cession de la très sainte Mère
de Dieu, dont il avait de-
mandé le secours avec ins-
tance, en même temps qu'il
le faisait implorer par tous
les fidèles, institua en l'hon-
neur de la Vierge Mère une
fête solennelle qui doit être
célébrée à perpétuité le vingt-
quatre de mai, anniversaire
de son heureux retour à
Rome ; et il approuva un
Office propre pour cette fête,
afin que le souvenir et l'ac-
tion de grâces pour un tel
bienfait demeurassent à ja-
mais présents à la pensée des
fidèles.
Les deux belles Hymnes c^ui suivent com-
plètent la solennité de ce jour, et sont une
noble expression de la reconnaissance de
l'Eglise envers sa libératrice.
I" HYMNE.
S^PEdum Christi po-
puUis cruentis
Hostis infensi premexe-
tur armis,
Venit adjutrix pia Virgo
cœlo
LE peuple du Christ étant
près de succomber sous
les armes ensanglantées de
son cruel ennemi, souvent on
a vu la Vierge pleine de bon-
té descendre du ciel devenu
La Fête de Notre-Dame Auxiliatrice. 5iq
propice, et venir au secours.
Les antiques monuments
élevés par nos pères, les tem-
ples décorés de dépouilles
opimes, attestent cette pro-
tection ; et chaque année des
fêtes publiques viennent rap-
peler par leurs pompes le sou-
venir des bienfaits reçus.
Une nouvelle faveur ré-
clame aujourd'hui nos actions
de grâces envers Marie : un
nouveau concert de joie doit
s'unir aux applaudissements
dont retentissent et Rome et
l'univers entier.
O jour fortuné, jour à ja-
mais célèbre dans nos fastes,
qui vit le siège de Pierre
recevoir de nouveau le doc-
teur de la foi, après cinq an-
nées d'un lamentable exil 1
- Vierges modestes, enfants
innocents, prêtres transpor-
tés de joie, peuple ravi d'en-
thousiasme , unissez-vous
pour célébrer à l'envi les
bienfaits de la Reine du ciel.
Mère bénie de Jésus ,
Vierge des vierges, mettez le
comble à vos faveurs ; soyez
propice au saint Pasteur, ai-
dez-le à conduire le troupeau
dans les pâturages du salut.
Lapsa sereno.
Prisca sic patrum mo-
numenta narrant,
Templa testantur spoliis
opimis
Clara, votivo repetita
cultu
Festa quotannis.
En novi grates liceat
Mariae
Cantici Isetis modulis re-
ferre
Pro novis donis, réso-
nante plausu
Urbiset Orbis.
O dies felix, memo-
randa fastis,
Qua Pétri sedes fidci
magistrum
Triste post lustrum re-
ducem beata
Sorte recepit !
Virgines castae, pue-
rique puri,
Gestiens clerus, popu-
lusque grato
Corde Reginae celebrare
cœli
Munera certent.
Virginum V irgo, benc-
dicta Jesu
Mater, haec auge bona ;
fac, precamur.
Ut gregem Pastor Piuj
ad salutis
Pascua ducat.
1
-
w
520 Le Temps Pascal.
Te pcr ccternos venc-
Trinité digne de toutes nos
remur annos,
louanges, accordez-nous de
Trinitas, sumrao cele-
vous honorer durant les an-
branda plausu;
nées éternelles ; agréez au-
Te fide mentes, resono-
jourd'hui la foi de nos cœurs,
que linguae
avec les cantiques que nos
Carminé laudent.
voix font monter vers vous.
Amen.
Amen.
II"
HYMNE.
•-p E Redemptoris Domi-
1 nique nostri
XT ous vous appelons la
J^ Mère de notre Rédemp-
Dicimus Matrem, spe-
teur et Maître, ô Vierge belle
ciosa Virgo,
entre toutes! mais vous êtes
Christianorura decus, et
aussi la gloire des chrétiens
levamcn
et leur Secours dans l'infor-
Rébus in arctis.
tune.
Saeviant porta; licet
Que les portes de l'enfer se
inferorum,
déchaînent, que l'antique en-
Hostis antiquus fremat,
nemi frémisse, qu'il suscite
et minaces,
des colères contre le peuple
Ut Deo sacrum popule-
que Dieu s'est consacré;
tur agmen,
Suscitet iras.
Nil truces possunt fu-
Ses fureurs et sa rage ne
ria; nocere
sauraient nuire aux âmes pu-
iMentibus castis, prece
res qui implorent la Vierge ;
quas vocata
car elle les couvre et les for-
Annuens Virgo fovet, et
tifie de son secours céleste.
superno
Robore firmat.
Tanta si nobis faveat
Lorsqu'une telle protec-
patrona.
trice daigne se déclarer pour
Bellici cessât sceleris tu-
nous, aussitôt s'arrête la fu-
multus,
reur des guerres, et l'on voit
Mille sternuntur, fugiunt-
succomber et fuir les batail-
ve turmae,
lons ennemis qui s'avançaient
Mille cohortes.
avec fureur.
.^^^^
*^ —
La Fête de Notre-Dame Auxiliatrice. 52 1
De même que s'élève sur la
sainte montagne de Sion la
citadelle construite avec so-
lidité, la tour de David pro-
tégée par mille boucliers, et
défendue par une vaillante
garnison ;
Ainsi la Vierge, que la
main du Seigneur lui-même
a comblée des dons célestes,
écarte de son bras invincible
les coups que le démon di-
rige contre ceux qui la ser-
vent avec ferveur.
Trinité digne de toutes nos
louanges, accordez-nous de
vous honorer durant les an-
nées éternelles ; agréez au-
jourd'hui la foi de nos cœurs,
avec les cantiques que nos
voix font monter vers vous.
Amen.
Tollit ut sancta caput
in Sione
Turris, arx fîrmo fabri-
cata muro,
Civitas David, clypeis et
acri
Milite tuta :
Virgo sic fortis Domi-
ni potenti
Dextera, cœli cumulata
donis,
A piis longe famulis re-
pellit
Daemonis ictus.
Te per asternos vene-
remur annos,
Trinitas, summo cele-
branda plausu ;
Te fide mentes, resono-
que linguaï
Carminé laudent.
Amen.
J'ai levé mes yeux vers les montagnes
d'où vient le Secours, et le Secours
« que j'attends vient du Seigneur, qui a fait
a le ciel et la terre ^ » C'est ainsi que priait
Israël. L'Eglise chrétienne répète la même
prière; mais pour elle le secours est plus
voisin et plus prompt. Les vœux du Psalmiste
ont été remplis ; les cieux se sont abaissés, et
le divin Secours est maintenant tout près de
nous. Jésus, Fils de Dieu et fils de Marie,
est ce Secours, et il accomplit à tout instant
cette promesse qu'il nous avait faite par son
I. Psalm. cxx.
52 2 Le Temps Pascal.
Prophète : « Au jour de ton salut, je suis
a devenu ton Auxiliaire ^ » Mais ce Roi des
rois a voulu nous donner une Reine, et cette
Reine est Marie sa mère. Dans son amour,
il a fait dresser pour elle un trône à sa
droite, comme fit Salomon pour sa mère
Bethsabce 2, et il a voulu que du haut de ce
trône Marie fût aussi le Secours des chrétiens.
C'est la sainte Eglise qui nous l'enseigne, en
inscrivant ce beau titre sur la Litanie ; c'est
Rome même qui nous convie à nous unir à
elle aujourd'hui, afin de rendre gloire à la
céleste Auxiliatrice pour l'un de ses plus
signalés bienfaits.
"Nous venons donc mêler aux allégresses
pascales, ô notre Reine, les joies qu'inspire à
tout enfant de l'Eglise le souvenir de votre
intervention en faveur de la chrétienté, en ce
jour mémorable où Rome revit son Pasteur
et son Roi. Recevez nos hommages, ô vous
qui avez remporté la victoire. Ce mois tout
entier retentit de vos louanges ; mais elles
montent vers vous plus joyeuses en ce jour.
Daignez donc abaisser vos' regards sur Rome
et sur son Pontife. De nouveaux périls se
sont élevés ; la pierre posée par Jésus est
redevenue un signe de contradiction, et les
vagues mugissantes de l'impiété la couvrent
de leur écume. Nous savons, ô Marie, que
cette pierre ne peut être déracinée, et que
la sainte Eglise pose sur elle en sûreté ; mais
nous savons aussi c)ue les destinées de cette
Eglise ne sont pas éternelles ici-bas. Un jour
elle doit être enlevée dans les cieux, et ce
I. ISAI. XLIX. 8. — 2. III Recj. II, IQ.
La Fête de Notre-Dame Auxiliatrice. 523
jour sera le dernier que verra ce monde cou-
pable. Jusqu'à ce moment terrible, n'êtes-
vous pas, 6 Marie, notre toute-puissante
Auxiliatrice ? Oh ! daignez étendre ce bras
auquel rien ne résiste. Souvenez-vous de cette
Rome à qui votre culte fut si cher, où tant
de nobles sanctuaires proclament la gloire de
votre nom. L'heure dernière de ce monde n'a
pas encore sonné; venez en aide à la plus
sainte des causes ; ne permettez pas que la
ville sainte soit foulée plus longtemps sous
les pieds des impies; conservez-lui son Pon-
tife, et rendez l'indépendance qui lui est né-
cessaire à celui en qui nous vénérons le
Vicaire du Roi des rois.
Mais Rome n'est pas le seul point de la
terre qui appelle votre puissant secours, ô
Marie ! De toutes parts la Vigne de votre fils
est exposée aux ravages du sanglier i. Le
mal est partout, l'erreur est partout, la séduc-
tion est partout; il n'est aucune contrée où
l'Eglise ne soit dans la souffrance, où sa
liberté ne soit violée ou menacée. Les sociétés,
entraînées loin de la tradition chrétienne
dans leurs lois et dans leurs mœurs, sont
frappées d'impuissance et sans cesse au
moment de rouler dans l'abîme. Secourez le
monde dans un aussi grand péril, 6 notre
Auxiliatrice ! Vous en avez la force et le pou-
voir ; ne laissez pas périr la race que Jésus a
rachetée, et qu'il vous a léguée du haut de
sa croix.
O Marie, Secours des Chrétiens, vous êtes
l'espoir de nos âmes ; et nos âmes sont mena-
I. Psalm. Lxxix.
524 Le Temps Pascal
cées par le mCme ennemi qui s'attaque aux
sociétés humaines. Dans sa rage infernale il
I homme et dans l'humanité. Venez au secours
tH^r^/"^^"''- ^-^^^.achez-Ies à la dent meur-
tr ère du serpent. Le monstre connaît votre
puissance ; il sait que vous pouvez sauver
sa victinae tant qu'elle n'est pas"^ sortie encore
des conditions du temps, et que l'éternité ne
s est pas encore ouverte pour elle. V^ous avez
re^l'lm'L'^'P^''" d'éclatants triomphes pou;
IJ.^ ^"^ ''°' ^"fa"ts; ne vous lassez pas,
nous vous en supplions, d'être secourablè
fZ if'i P%"'^'", P^^heurs. C'est vous sur-
envuVnL'' ^^ prouvent, que Jésus avait
uZu '5^^%^^'. ^'o.ulant remplir de convives
r.fil/'' festin éternel, il^dit aux minis-
tres de son amour : « Forcez-les d'entrer i »
nJ^r'i'A'°'^,'''PP'^^^^^' montent vers vous", ô
notre Auxiliatnce, car nos besoins nous près-
sent; mais nous n'avons garde d'oublier les
devoirs particuliers qui vSus sont dus en ces
K'rH "l-^" '"'"'" ^§''^^ honore vos ineffa-
niln Jm"^ ^^^^ ''^^^^ ^'s ressuscité. Avec
quelles dehces elle s^identifie aux transports
de bonheur qui ont tout à coup remplacé
dans votre ame les angoisses du Calvaire
et du sépulcre! C'est à la mère consolée
en son fils, triomphante en son fils, que
nous offrons, avec les fleurs du printemps,
mHr^^^^ ^"i""^^ ^'^ ""^ louanges dans
tout le cours du mois dont les grâces et la
splendeur offrent tant d'harmonies avec
votre immortelle beauté. En retour, conser-
I. Luc. XIV, 23.
La Fête de Notre-Dame Auxiliatrice. 525
vez à nos âmes l'éclat qu'elles ont puisé dans
la Pàque au contact de votre divin ressus-
cité, et daignez nous préparer vous-même à
recevoir dignement les dons de l'Esprit-Saint
qui viendra bientôt, resplendissant des feux
de la Pentecôte, sceller par sa descente en
nous l'œuvre de la régénération pascale.
LE XXV MAI.
S. G R F GO I R F V 1 1 , i \'V {^ F. ET CO N FESS R U R.
.PRÈS avoir salué sur le cycle du
Temps Pascal les deux noms illus-
tres de Léon le Grand et de Pie V,
nous nous inclinons aujourd'hui
devant celui de Grégoire VII. Ces trois noms
résument l'action de la Papauté dans la suite
des siècles, après l'â^e des persécutions. Le
maintien de la doctrme révélée, et la défense
de la liberté de l'Eglise : telle est la mission
divinement imposée aux successeurs de
Pierre sur le Siège Apostolique. Saint Léon
a soutenu avec courage et éloquence la foi
antique contre les novateurs ; saint Pie V a
fait reculer l'invasion de la prétendue ré-
forme, et arraché la chrétienté au joug^ de
l'islamisme ; placé entre ces deux pontifes
dans l'ordre des temps, saint Grégoire VII a
sauvé la société du plus grand péril qu'elle
eût encore éprouvé, et fait refleurir dans son
sein les mœurs chrétiennes par la restaura-
tion de la liberté de l'Eglise.
Au moment où finissait le x» siècle et com-
mençait le xi% l'Eglise de Jésus-Christ était
en proie à l'une des plus terribles épreuves
qu'elle ait rencontrées sur son passage en ce
monde. Après le fléau des persécutions, après
le fléau des hérésies, était arrivé le fléau de
la barbarie. L'impulsion civilisatrice donnée
par Charlemagnc s'était arrêtée de bonne
s. Grégoire VII, Pape et Confesseur. 52 j
heure au ix' siècle, et l'élément barbare,
plutôt comprimé que dompté, avait forcé ses
digues. La foi demeurait encore vive dans les
masses; mais elle ne pouvait à elle seule
triompher de la grossièreté des mœurs. Le
désordre social provenant de l'anarchie q^ue
le système féodal avait déchaînée dans toute
l'Europe, enfantait mille violences, et le droit
succombait partout sous la force et la licence.
Les princes ne rencontraient plus un frein
dans la puissance de l'Eglise; car Rome elle-
même asservie aux factions voyait trop sou-
vent s'asseoir sur la chaire apostolique des
hommes indignes ou incapables.
Cependant le xi^ siècle avançait dans son
cours, et le désordre semblait incurable. Les
évêchés étaient devenus la proie de la puis-
sance séculière qui les vendait, et les princes
se préoccupaient surtout de rencontrer dans
les prélats des vassaux disposés à les soute-
nir par les armes dans leurs querelles et leurs
entreprises violentes. Sous un épiscopat en
majeure partie simoniaque, comme l'atteste
saint Pierre Damien, les mœurs du clergé
du second ordre étaient tombées dans un
affaissement lamentable ; et pour comble de
malheur, l'ignorance, comme un nuage tou-
jours plus sombre, s'en allait anéantissant de
plus en plus la notion même du devoir. C'en
était fait de l'Eglise et de la société, si la
promesse du Christ de ne jamais abandonner
son œuvre n'eût été inviolable.
Pour guérir tant de maux, pour faire péné-
trer la lumière dans un tel chaos, il fallait
que Rome se relevât de son abaissement, et
qu'elle sauvât encore une fois la chrétienté.
528 Le Temps Pascal.
Elle avait besoin d'un Pontife saint et éner-
gique qui sentît en lui-même cette force
divine que les obstacles n'arrêtent jamais ;
d'un Pontife dont l'action pût être longue et
non passagère, et dont l'impulsion fût assez
énergique pour entraîner ses successeurs dans
la voie qu'il aurait ouverte. Telle fut la mis-
sion de saint Grégoire VU.
Cette mission, comme chez tous les hommes
de la droite de Dieu, fut préparée dans la
sainteté. Grégoire se nommait encore Hilde-
brand, lorsqu'il alla cacher sa vie dans le
cloître de Cluny. Là seulement, et dans les
deux mille abbayes confédérées sous la crosse
de cet insigne monastère de France, on ren-
contrait le'sentiment de la liberté de l'Eglise
et la pure tradition monastique ; là était'pré-
parée depuis plus d'un siècle la régénération
des mœurs cnrétiennes, sous la succession
des quatre grands abbés, Odon, Maïeul,
Odilon et Hugijes. Mais Dieu gardait encore
son secret ; et nul n'eût découvert les auxi-
liaires de la plus sainte des réformes dans
ces monastères qu'un zèle fervent avait atti-
rés d'un bout de l'Europe à l'autre à cette
alliance avec Cluny, par ce seul motif que
Cluny était le sanctuaire des vertus du cloître.
Hildebrand chercha pour sa personne ce
pieux asile, au sein duquel il espérait du
moins fuir le scandale.
L'illustre saint Hugues ne tarda pas à dé-
mêler le mérite du jeune Italien qui fut
admis dans la grande abbaye française. Un
évêque étranger se rencontra un jour avec le
maître et le disciple. C'était Brunon de Toul,
désigné par l'empereur Henri III pour être
s. Grégoire VII, Pape et Confesseur. 52g
le Pontife de l'Eglise Romaine. Hildebrand
s'émeut à la vue de ce nouveau candidat
à la chaire apostolique , de ce pape que
l'Eglise Romaine qui seule a le droit d'élire
son évêque, n'a pas élu, qu'elle ne connaît
pas. 11 ose dire à Brunon qu'il ne doit pas
accepter les clefs du ciel de la main de Cé-
sar , que la conscience l'oblige à se sou-
mettre humblement à l'élection canonique
de la ville sainte. Brunon, qui fut saint
Léon IX, accepte avec soumission l'avis du
jeune moine, et tous deux ayant franchi les
Alpes s'acheminent vers Rome. L'élu de
César devint l'élu de l'Eglise Romaine; mais
Hildebrand n'eut plus la liberté de se sépa-
rer du nouveau Pontife. II dut bientôt accep-
ter le titre et les fonctions d'Archidiacre de
l'Eglise Romaine.
Ce poste éminent l'eût élevé promptement
sur la chaire apostolique, si Hildebrand eût
eu une autre ambition que celle de briser
les fers sous lesquels gémissait l'Eglise, et de
préparer la réforme de la chrétienté. Mais
cet homme de Dieu préféra user de son in-
fluence pour faire asseoir sur le siège de
Pierre par la voie canonique et en dehors de
la faveur impériale, une suite de Pontifes
intègres et disposés à user de leur autorité
Eour l'extirpation des scandales. Après saint
,éon IX, on vit passer successivement Vic-
tor II, Etienne IX, Nicolas II, et Alexandre II,
tous dignes du suprême honneur. Mais il
fallut enfin que celui qui avait été l'àme du
pontificat sous cinq papes consentît à ceindre
lui-même la tiare. Son grand cœuf s'émut
au pressentiment des luttes terribles qui
LE TEMPS PASCAL, — T. lil. 54
53 o Le Temps Pascal.
l'attendaient ; mais ses résistances, ses ten-
tatives pour se soustraire au lourd fardeau
de la sollicitude de toutes les Eglises, demeu-
rèrent infructueuses; et sous le nom de
Grégoire VII, le nouveau Vicaire du Christ
fut révélé au monde. Il devait remplir toute
l'étendue de ce nom qui signifie la Vigilance.
La force brute se liressait devant lui in-
carnée dans un prince audacieux et rusé,
souillé de tous les crimes, et, comme un aigle
ravisseur, tenant dans ses serres l'Eglise deve-
nue sa proie. Dans les états de lempire, nul
évèque n'eût été souffert sur son siège, s'il
n'eût reçu, par l'anneau et la crosse, l'investi-
ture de César. Tel était Henri de Germanie, et
à son exemple les autres princes anéantissaient
par le même procédé toute liberté dans les
élections canoniques. La double plaie de la
simonie et de l'incontinence continuait à
sévir sur le corps ecclésiastique. Les pieux
prédécesseurs de Grés^oire avaient fait recu-
ler le mal par de généreux efforts; mais au-
cun d'eux ne s'était senti la force de se me-
surer corps à corps avec César, dont l'action
désastreuse fomentait toutes ces corruptions.
Un tel rôle, avec ses périls et ses angoisses,
était réservé à Grégoire, et il n'y faillit pas.
Les trois premières années de son pontifi-
cat furent cependant assez pacifiques. Gré-
goire fit des avances paternelles à Henri. Il
chercha, dans sa correspondance avec ce
jeune prince, à le fortifier contre lui-même,
en témoignant des espérances que les faits
vinrent trop tôt démentir, en comblant des
maraues de sa confiance et de sa tendresse le
fils d'un empereur ^ui avait bien mérité de
s. Grégoire VJf, Pg^ç ^j Confesseur. 53 1
l'Eglise. Henri crut devoir se contenir quelque
emps en face d'un pape dont il connais^^i^
Mr^S'/'^'^-^-T'' la digue céda enfin sous
1 impétuosité du torrent, et l'adversaire du
pouvoir spirituel se révéla tout entier La
vente des évêchés et des abbayes recom-
mença au profit de César. Grégoire tVap^a
dexcommunicationlessimoniaqSes.etHend
bravant avec audace les censures de FE-
glise persista à maintenir sur leurs sièges
excès. Grégoire adressa au prince un solen-
avlTefe^r'"'' ^"^' ^"i-gnant de rompre
avec ces excommunies, sous peine de voir
arriver sur lui-même les foudres de l'E^Iisê
Henri, qui avait jeté le masque, se promet-
du Pont^f/?^' '^'^^ ^°"^P'^ ^^^ "-'^"^'es
la Saxe do t°'^'^''' '^"'.^ "°"P '^ ^^^-ol^e de
nlr^ 'k ""^ P'^sieurs des électeurs de l'Em-
pire embrassaient la cause, vient l'inquiétTr
avec l'F.r"''""""'-.^^ ^^"^ ^^'"^^^ ^^ture
avec 1 Eglise peut, dans un tel moment. lui
devenir fatale. On le voit alors s'adresser en
suppliant à Grégoire, solliciter rabsolut on
et abjurer sa conduite passée entre les ma?ns
ÎJ.Tl^^^''^ envoyés^n Allemagne par le
l ?! Hnn.^ï' ' P"'^" '^ monarque félon a-
i-u triomphe pour un moment de la révolte
l'E^Te^'Tl'^L'i /^'^«"^"^ence la guerre contre
d\Ël } «selansune assembléed'évêques,
fen '^%^'' proclamer la déposition de
S?hT'' ^'^"'°' ^'^^^^^^ ^^ voit arrivera la
fofl.^ '^' M^'^P,^'' ^' '^ ^'^""^ donne à une
un i.n."^ -f ''^^''' ^? '^§"^1 d^ ^^ révolte contre
de feur viê'^°'^ ^ "' P"' '°"^''' l'ignominie
532
Le Temps Pascal.
C'est alors que Grégoire, dépositaire de
ces clefs puissantes qui signifient le pouvoir
de lier et de délier au ciel et sur la terre,
prononce la terrible sentence qui déclare
Henri privé de la couronne et ses sujets
dégagés du serment de fidélité à sa personne.
Le Pontife ajoute un anathème plus redou-
table encore aux princes infidèles : il le déclare
exclu de la communion de l'Eglise. En s'oppo-
sant ainsi comme un rempart pour la défense
de la société chrétienne menacée de toutes
parts, Grégoire attirait sur lui l'effort de toutes
les mauvaises passions; et l'Italie était loin
de lui offrir les garanties de fidélité sur les-
quelles il eût eu droit de compter. César
avait pour lui plus d'un prince dans la Pénin-
sule, et les prélats simoniaques le regardaient
comme leur défenseur contre le glaive de
Pierre. Il était donc à prévoir que bientôt
Grégoire n'aurait plus où mettre le pied dans
toute l'Italie ; mais Dieu qui n'abandonne
point son Eglise avait suscité un vengeur pour
sa cause. A ce moment la Toscane et une
partie de la Lombardie reconnaissaient pour
souveraine la jeune et vaillante comtesse
Mathilde. Cette noble femme se leva pour la
défense du Vicaire de Dieu ; ses trésors, ses
armées, elle les tint à la disposition du Siège
Apostolique tant qu'elle vécut; et ses doma'i-
nes, elle les légua avant sa mort au Prince des
Apôtres et à ses successeurs.
Au fort de ses succès, Henri eut donc à
con;pter avec Mathilde. Cette princesse, qui
balançait son influence en Italie, put sous-
traire à sa fureur le généreux Pontife. Par
ses soins, Grégoire arriva sain et sauf à Ca-
s. Grégoire Vil, Pape et Confesseur. 533
nossa, forteresse inexpugnable près de Reg-
gio. A ce moment même la fortune de Henri
sembla vaciller. La Saxe relevait l'étendard
de la révolte, et piusd'un feudataire de l'Em-
pire se liguait avec les rebelles pour anéantir
le tyran que l'Ectlise venait de mettre au ban
de la cnrétiente. Henri eut peur pour la
seconde fois, et son âme aussi perfide que
lâche ne recula pas devant le parjure. Le pou-
voir spirituel entravait ses plans sacrilèges :
il osa penser qu'en lui offrant une satisfac-
tion passagère, il pourrait le lendemain rele-
ver la tête. On le vit se présenter nu-pieds et
sans escorte à Canossa, vêtu en pénitent et
sollicitant avec de feintes larmes le pardon
de ses crimes. Grégoire eut compassion de
son ennemi, pour "lequel Hugues de Cluny
et Mathilde intercédaient à ses pieds. Il leva
l'excommunication, et réintégra Henri au sein
de l'Eglise; mais il ne jugea pas à propos de
révoquer encore la sentence par laquelle il
l'avait privé des droits de souverain. Le Pon-
tife annonça seulement l'intention de se
rendre à la diète qui devait se tenir en Alle-
magne, de prendre connaissance des griefs que
les princes de l'Empire avançaient contre
Henri, et de décider alors selon la justice.
Henri accepta tout, prêta serment sur l'E-
vangile, et rejoignit son armée. L'espérance
renaissait dans son cœur, à mesure qu'il s'é-
loignait de la redoutable forteresse dans les
murs de laquelle il avait dû sacrifier un ins-
tant son orgueil à son ambition. Il comptait
sur l'appui des mauvaises passions, et son
calcul jusqu'à un certain point ne fut pas
trompé. Un tel homme devait finir misera-
5Jf4 Le Temps Pascal.
blement ; mais Satan était trop intéressé à
son succès pour ne pas lui venir en aide.
Cependant un rival s'élevait en Allemagne
contre Henri : Rodolphe, duc de Souabe,
appelé à la couronne dans une diète des élec-
teurs de l'Empire. Grégoire, fidèle à ses prin-
cipes de droiture, refusa d'abord de recon-
naître cet élu, bien que son attachement à
l'Eglise et ses nobles qualités le rendissent
particulièrement recommandable. Le Pon-
tife persistait dans son projet d'entendre dans
l'assemblée des princes et des villes de l'Alle-
magne les griefs reprochés à Henri, de l'écou-
ter lui-même, et de mettre tin aux troubles
en prononçant un jugement équitable. Ro-
dolphe insistait auprès du Pontife pour en
obtenir la reconnaissance de ses droits ;
Grégoire qui l'aimait eut le courage de résis-
ter à ses instances, et de remettre l'examen
de sa cause à cette diète que Henri avait
acceptée avec serment à Canossa, mais dont
il craignait tant les résultats. Trois années
se passèrent durant lesquelles la patience
et la modération du Pontife furent cons-
tamment mises à l'épreuve par les délais
de Henri, et par son refus d'assurer la sé-
curité de l'Eglise. Enfin le Pontife, dans
l'impuissance'de mettre un terme aux dis-
cussions armées qui ensanglantaient l'Alle-
magne et l'Italie, ayant constaté le mauvais
vouloir de Henri et son parjure, lança de
nouveau contre lui l'excommunication, et
renouvela dans un concile tenu à Rome la
sentence par laquelle il l'avait déclaré privé
de la couronne. En même temps Grégoire
reconnaissait l'élection de Rodolphe et ac-
s. Grégoire Vif, Pape et Confesseur. 535
cordait la bénédiction apostolique à ses adhé-
rents.
La colère de Henri monta au comble, et sa
vengeance ne garda plus de mesure. Parmi
les prélats italiens les plus dévoués à sa
cause, Guibert, archevêque de Ravenne, était
le plus ambitieux et le plus compromis à
l'égard du Siège Apostolique. Henri fit de ce
traître un anti-pape, sous le nom de Clé-
ment III. Ce faux pontife ne manqua pas
de partisans, et le schisme vint se joindre
aux autres calamités qui pesaient déjà sur
l'Eglise. C'était un de ces moments terribles
où, selon l'expression de saint Jean, « il est
« donné à la bête de faire la guerre aux
« saints et de les vaincre ^ ». Toiit à coup la
victoire se déclare en faveur de César.
Rodolphe est tué dans une bataille en Alle-
magne, et les troupes de Mathilde sont défai-
tes en Italie. Henri n'a plus qu'un vœu, celui
d'entrer dans Rome, d'en chasser Grégoire et
d'introniser son anti-pape sur la chaire de
saint Pierre.
Au milieu de ce cataclysme effrayant d'où
l'Eglise cependant devait sortir épurée et
affranchie, quels étaient les sentiments de
notre saint Pontife ? Il les décrit lui-même
dans une lettre adressée à saint Hugues de
Cluny. « Telles sont, lui dit-il, les angoisses
auxquelles nous sommes en proie, que ceux-
là même qui vivent avec nous, non seule-
ment ne les peuvent plus souffrir, mais
n'en supportent pas même la vue. Le saint
roi David disait : a En proportion de la
I. Apoc. XI, 7.
536 Le Temps Pascal
«( douleur immense qui oppressait mon cœur,
« vos consolations, Seigneur, sont venues
« réjouir mon âme » ; mais pour nous, bien
souvent la vie est un ennui et la mort un
vœu ardent. S'il arrive que Jésus, le ten-
dre consolateur, vrai Dieu et vrai homme,
daigne me tendre la main, sa bonté rend la
)oie à mon cœ-ur affligé ; mais pour peu qu'il
se retire, mon trouble arrive à l'excès. En ce
qui est de moi je meurs sans cesse ; en ce
qui est de lui je vis par moments. Si mes
forces défaillent tout à fait, je crie vers lui,
je lui dis d'une voix gémissante : « Si vous
« imposiez un fardeau aussi pesant à
« Moïse et à Pierre, ils en seraient, ce me
« semble, accablés. Que peut-il advenir de
« moi qui ne suis rien en comparaison d'eux?
« Vous n'avez donc. Seigneur, qu'une chose
« à faire : c'est de gouverner vous-même,
« avec votre Pierre, le pontificat qui m'est
« imposé ; autrement vous me verrez suc-
« comber, et le pontificat sera couvert de
« confusion en ma personne K »
Ce cri de détresse qui s'échappe de l'âme
du saint Pontife révèle son caractère tout
entier. Le zèle pour les mœurs chrétiennes
qui ne peuvent se conserver que par la
liberté de l'Eglise, était le mobile de sa vie
entière. Un tel zèle avait pu seul lui faire
affronter cette situation terrible, dans laquelle
il n'avait à recueillir en ce monde que les
chagrins les plus cuisants. Et pourtant, Gré-
goire était ce père de la chrétienté qui, devan-
çant ses successeurs, avait conçu dès les pre-
I. Data Romae, nonis mail, indictione l (1078).
s. Grégoire VJI, Pape et Confesseur. 53y
mières années de son pontificat la grande et
courageuse pensée d'aller refouler l'isla-
misme jusqu'en Orient, et de briser par une
descente chez le Sarrasin le joug des chré-
tiens opprimés. Il avait débute dans ce projet
par une lettre adressée à tous les fidèles. Il y
montre l'ennemi du nom chrétien déjà sous
les murs de Constantinople, et signalant sa
férocité par d'horribles carnages.
« Si nous aimons Dieu, dit-il dans cette épî-
tre, si nous nous reconnaissons chrétiens, il
nous faut gémir sur de tels désastres ; mais
gémir ne suffit pas. L'exemple de notre
Rédempteur et le devoir de la charité frater-
nelle nous imposent l'obligation de donner
notre vie pour la délivrance de nos frères.
Sachez donc que, rempli de confiance dans
la miséricorde de Dieu et dans la puissance
de son bras, nous faisons tout et nous pré-
parons tout, afin de porter un prompt secours
à l'empire chrétien i. » Peu de temps après,
il écrivait à Henri qui n'avait pas encore
démasqué ses projets hostiles à l'Eglise :
« Mon avertissement aux chrétiens d'Italie et
d'au delà des monts a été reçu avec faveur.
Déjà plus de cinquante mille hommes se pré-
parent, et s'ils peuvent compter sur moi
comme chef de l'expédition et comme Pon-
tife, ils marcheront à main armée contre les
ennemis de Dieu, et avec le secours divin,
ils iront jusqu'au sépulcre du Seigneur. »
Ainsi le sublime vieillard ne reculait pas
devant la pensée de se mettre lui-même à la
tête de l'armée chrétienne. « Une chose, dit-
I. Data Romae, calendis martii, indictione 12 (1074).
53 s Le Temps Pascal.
il, m'engage à exécuter ce projet: c'est 1 état
de l'Eglise\le Constantinoplc qui s'ccarte de
nous sur le dogme du Saint-Esprit, et qui a
besoin de rentrer en accord avec le Sicge
\postolique. L'Arménie presque tout entière
s'est éloignée de la foi catholique ; en un
mot, la grande majorité des Orientaux ressent
le besoin de connaître quelle est la foi de
Pierre sur les diverses opinions qui ont cours
chez eux. Le moment est venu d'user de la
grâce que le miséricordieux Rédempteur a
conférée à Pierre, en lui faisant ce comman-
dement : J'ai prié pour toi, Pierre, afin que
ta foi ne défaille pas ; confiryne tes f rares. Nos
pères, dont notre désir est de suivre les tra-
ces quoique indigne de leur succéder, ont
plus d'une fois visité ces contrées pour y con-
firmer la foi catholique : nous donc aussi,
nous nous sentons poussé, si le Christ nous
ouvre la voie, à entreprendre cette expédition
dans l'intérêt de la foi et pour aller au secours
des chrétiens. » ^ . . . .^
Dans sa loyauté accoutumée, Grégoire était
allé jusqu'à compter sur le concours de Henri
pour protéger l'Eglise durant son absence.
« Un tel projet, écrit-il à ce prince, demande
un grand conseil et un secours puissant, si
Dieu permet qu'il se réalise ; je viens donc
te demander ce conseil et aussi ce secours,
s'il t'est agréable. Si, par la faveur divine,
je pars, après Dieu c'est à toi que je laisse-
rai l'Eglise Romaine, afin que tu la gardes
comme une mère sainte, et que tu protèges
son honneur. Fais-moi savoir au plus tôt ce
que tu auras décidé dans ta prudence aidée
du conseil divin. Si je n'espérais pas de toi
n
s. Grégoire VIT, Pape et Confesseur. 53g
plus que d'autres ne croient, je t'aurais écrit
ceci bien inutilement; mais comme il peut
se faire que tu ne te laisses pas aller à une
entière contiance en l'atFection que je te porte,
je m'en remets à l'Esprit-Saint qui peut tout.
Je le prie de te faire comprendre à sa manière
l'attachement que j'éprouve pour toi, et de
gouverner ton esprit, de façon à renverser
ïes désirs des impies et à fortifier l'espérance
des bons i. »
Moins de trois ans après avait lieu l'entre-
vue de Canossa ; mais au moment où Gré-
goire écrivait cette lettre à Henri, sa confiance
dans l'expédition qu'il projetait était assez
fondée, pour qu'il en fît part à la comtesse
Mathilde. « L'objet de mes pensées, écrit-il
à la chevaleresque princesse, le désir que
j'éprouve de passer la mer, pour venir au
secours des chrétiens que les païens immo-
lent comme un vil bétail, me cause de l'em-
barras vis-à-vis de plusieurs; je crains d'être
taxé par eux d'une certaine légèreté. Mais je
n'ai aucune peine à te le confier, à toi, ma
fille très chère, dont j'estime la prudence plus
que tu ne saurais t'en rendre compte. Après
avoir lu les lettres que j'envoie au delà des
monts, si tu as un conseil à émettre, ou
mieux encore à prêter un secours à la cause
de Dieu ton créateur, fais en sorte d'y appor-
ter tous tes soins ; car s'il est beau, comme
on le dit, de mourir pour sa patrie, il est
plus beau et plus glorieux encore de sacrifier
la chair mortelle pour le Christ qui est l'éter-
nelle vie. J'ai la confiance que beaucoup
I. Data Romae, 7 idus decembris, indictione 13(1074).
540 Le Temps Pascal.
d'hommes de guerre nous viendront en aide
dans cette expédition ; j'ai des raisons de pen-
ser que notre impératrice (la pieuse Agnès,
mère de Henri) a l'intention de partir avec
nous; elle désire t'emmencr avec elle. Ta
mère (la comtesse Béatrix) demeurera dans
ce pays, pour veiller à la défense des intérêts
communs ; et toutes choses étant ainsi
réglées, avec l'aide du Christ nous pourrions
nous mettre en route. En venant ici pour
satisfaire sa dévotion, l'impératrice, aidée de
ton secours, pourra animer un grand nombre
de personnes à cette sainte entreprise. Pour
ce qui est de moi, honoré de la compagnie
de si nobles sœurs, je passerai volontiers les
mers, disposé à donner ma vie pour le Christ
avec vous, dont je désire n'être pas séparé
dans la patrie éternelle. Adresse-moi promp-
tement une réponse sur ce projet et sur ton
arrivée à Rome, et daigne le Seigneur tout-
puissant te bénir et te mire marcher de vertu
en vertu, afin que la Mère universelle puisse se
réjouir en toi durant de longues années ^ ! »
La pensée de Grégoire, à laquelle il se
livrait avec tant d'enthousiasme, n'était pas
uniquement un rêve généreux de sa grande
âme ; c'était un pressentiment divin. "Sa vie
héroïque ne devait pas laisser place à une
lointaine expédition ; il allait avoir à com-
battre un autre ennemi que le Sarrasin ,
mais la croisade qu'il saluait avec tant d'ar-
deur n'était pas loin. Urbain 11, son second
successeur, comme lui moine de Cluny,
I. l6 décembre 1074. Jaffé, Monumenta Grego-
riana, fjg. 532.
s. Grégoire VII, Pape et Confesseur. 541
devait sous peu d'années ébranler l'Europe
chrétienne et la lancer sur l'ennemi com-
mun. Mais puisque nous avons rencontré le
nom de Mathilde, nous profiterons de cette
occasion pour pénétrer plus intimement
encore dans l'âme de notre grand Pontife.
On verra comment cet illustre athlète de la
liberté de l'Eglise savait unir à la hauteur et
à la grandeur des vues la touchante sollici-
tude du plus humble prêtre pour l'avance-
ment spirituel d'une âme. « Celui-là seul
qui pénètre le secret des cœurs, écrit-il à la
pieuse princesse, peut connaître, et connaît
mieux que moi encore, le zèle et la sollici-
tude que je porte à ton salut. Je me liatte
que tu sais comprendre que je suis tenu à
prendre soin de toi, en vue de tant de peu-
ples pour l'intérêt desquels la charité m'a
contraint de te retenir, lorsque tu songeais à
les abandonner, afin de ne ^lus songer qu'au
bien de ton âme. La charité, ainsi que je te
l'ai dit souvent et que je te le dirai encore,
d'après celui qui est la trompette du ciel, la
charité ne cherche pas ce qui est de son
intérêt. Mais comme entre les armes de
défense que je t'ai fournies contre le prince
du monde, la principale est de recevoir fré-
quemment le Corps du Seigneur, et de te
livrer avec une entière confiance à la protec-
tion de sa Mère, dans cette lettre je veux te
transcrire ce que le bienheureux Ambroise a
pensé au sujet de la communion. »
Le pieux Pontife insère ici deux passages
du saint Docteur, qu'il fait suivre d'autres
citations empruntées à saint Grégoire le
Grand et à saint Jean Chrvsostome sur le
542 Le Temps Pascal.
bienfait de la divine l'ucharistie. Il continue
ainsi : « Nous devons donc, 6 ma fille, recou-
rir à ce merveilleux sacrement, aspirer à ce
puissant remède. Je t'ai écrit cette lettre, 6
fille du bienheureux Pierre, pour accroître
encore ta foi et ta confiance, lorsque tu re-
çois le Corps du Seigneur. Tel est le trésor,
tel est le bienfait, au-dessus de l'or et des
pierres précieuses, que ton âme attend de
moi dans son amour pour le Roi des cieux
aui est ton père ; bien qu'il te fût possible
'obtenir par tes mérites quelque chose de
meilleur en t'adressant à un autre ministre
de Dieu. Quant à la Mère du Seigneur, à
laquelle je t'ai confiée pour le passé, pour le
présent et pour toujours, jusqu'à ce que nous
puissions la contempler au ciel selon notre
désir, je ne t'en entretiendrai pas aujour-
d'hui. Que pourrais- je dire qui fût digne de
celle que le ciel et la terre ne cessent de
combler de louanges, sans pouvoir atteindre
à ce qu'elle mérite ? mais tiens ceci pour
assuré, qu'autant elle est plus élevée, plus
dévouée et plus sainte que toutes les autres
mères, autant elle se montre miséricordieuse
et tendre envers ceux et celles qui ont péché
et qui s'en repentent. Renonce donc à toute
inclination au péché, et prosternée devant
elle, répands les larmes d'un cœur contrit et
humilie. Tu la trouveras alors, je te le pro-
mets en toute assurance, plus empressée et
plus affectueuse dans sa tendresse pour toi que
ne saurait l'être une mère selon la chair *. »
L'œil du Pontife que tant de sollicitudes ne
s. Grégoire Vil, Pape et Confesseur. 543
pouvaient distraire de l'intérêt paternel qu'il
portait à l'avancement d'une âme, allait
chercher, malgré les distances, à travers la
chrétienté, les nommes trop rares alors dont
la sainteté et la doctrine devaient faire plus
tard l'ornement et la lumière de l'Eglise.
C'est ainsi que Grégoire avait découvert le
grand Anselme, alors encore caché au fond
de son abbaye du Bec. Du milieu de ses tri-
bulations inouïes (107Q), le Pontife adresse à
l'Abbé cette lettre touchante : « La bonne
odeur de tes fruits, lui dit-il, s'est fait sentir
jusqu'à nous. Nous en rendons à Dieu nos
actions de grâces, et nous t'embrassons de
cœur dans l'amour du Christ, assuré que
nous sommes du succès que l'Eglise de Dieu
retirera de tes études, et de l'aide que, par
la miséricorde du Seigneur, lui apporteront,
dans ses périls, tes prières jointes à celles
qu'otYrent au ciel ceux qui te ressem.blent.
Tu sais, mon frère, la puissance qu'exerce
auprès de Dieu la prière du juste ; celle de
plusieurs justes a plus de force encore ; il
n'y a même pas lieu de douter qu'elle n'ob-
tienne ce qu'elle implore. C'est l'autorité de
la Vérité même qui nous oblige de le croire.
C'est elle qui a dit : « Frappez, et l'on vous
(( ouvrira. »> Frappez avec simplicité, deman-
dez avec simplicité, dans les choses qui lui
sont agréables ; alors il vous sera ouvert,
alors vous recevrez, et c'est en cette manière
que la prière des justes sera exaucée. C'est
pourquoi nous voulons que ta Fraternité et
celle de tes moines s'adressent à Dieu par
des prières assidues, afin qu'il daigne sous-
traire à l'oppression des hérétiques son
544 L^ Temps Pascal.
Eglise et nous-mêmc qui lui sommes pré-
posé, quoique indigne, et que dissipant l'er-
reur qui aveugle nos ennemis, il les ramène
au sentier de la vérité i. »
Mais l'œil de Grégoire ne s'arrêtait pas seu-
lement sur des princesses comme Mathilde,
sur des docteurs comme Anselme. Il savait
découvrir jusque dans la mêlée l'humble et
courageux blessé qui soulfrait pour la cause
de l'Église, et l'entourait d'une admiration
et d'une tendresse qu'il n'eût pas éprouvée
pour ces chefs dont la ridélité est au prix de
la gloire. Qu'on lise cette lettre à un pauvre
prêtre milanais que les simoniaques avaient
mutilé d'une façon barbare. « Si nous véné-
rons la mémoire des Saints qui sont morts
après que leurs membres ont été tranchés
par le fer, écrit-il à cet obscur soldat de
l'Eglise, nommé Liprand, si nous célébrons
les souffrances de ceux que ni le glaive, ni
les souffrances n'ont pu séparer de la foi du
Christ, toi à qui on a coupé le nez et les
oreilles pour son nom, tu es plus digne de
louanges encore d'avoir mérité une grâce qui,
si elle est jointe à la persévérance, te donne
une entière ressemblance avec les Saints.
L'intégrité de ton corps n'existe plus ; mais
l'homme intérieur qui se renouvelle de jour
en jour, s'est développé en toi avec gran-
deur. Extérieurement les mutilations désho-
norent ton visage ; mais l'image de Dieu,
qui est le rayonnement de la justice, est
devenue en toi plus gracieuse par ta bles-
sure même, plus attrayante par la diftormité
s. Grégoire V/I, Pape et Confesseur. 545
3u'on a imprimée à tes traits. L'Eglise ne
it-elle pas elle-même dans le Cantique :
« Je suis noire, ô filles de Jérusalem » ? Si
donc ta beauté intérieure n'a pas souffert de
ces cruelles mutilations, ton caractère sacer-
dotal qui est saint, et qu'il faut reconnaître
plutôt dans l'intégrité des vertus que dans
celle des membres, n'en a pas été atteint
davantage. N'a-t-on pas vu l'empereur Cons-
tantin baiser respectueusement au visage d'un
évêque la cicatrice d'un œil qui avait été
arraché pour le nom du Christ ? L'exemple
des Pères et les anciennes écritures ne nous
apprennent-ils pas qu'on maintenait les mac-
tyrs dans l'exercice du ministère sacré, même
après la mutilation qu'ils avaient soufferte
dans leurs membres ? Toi donc, martyr du
Christ, sois plein d'assurance dans le Sei-
gneur, Regarde-toi comme ayant fait un pas
de plus dans ton sacerdoce. Il te fut conféré
avec l'huile sainte ; aujourd'hui le voilà
scellé de ton propre sang. Plus on t'a réduit,
plus il te faut prêcher ce qui est bien, et
semer cette parole qui produit cent pour un.
Nous savons que les ennemis de la sainte
Eglise sont tes ennemis et tes persécuteurs ;
ne les crains pas, et ne tremble pas devant eux;
car nous gardons avec amour sous notre tutelle
et sous celle du Siège Apostolique ta personne
et tout ce qui t'appartient; et s'il te devient
nécessaire de recourir à nous, nous acceptons
d'avance ton appel, disposé à te recevoir avec
allégresse et grand honneur, lorsque tu vien-
dras vers nous et vers ce saint Siège *. »
I. 1075. Jaffé, pag. 533.
LE TEMPS PASCAL. — T. III.
3^6 Le Temps Pascal.
Tel était Grégoire, unissant la simplicité
du cloître aux plus graves sollicitudes de la
papauté. Et quelles sollicitudes, si nous
oublions pour un moment l'affreuse crise au
milieu de laquelle il disparut! Nous venons
de parler du projet de la croisade, qui plus tard
a suffi à lui seul pour immortaliser Urbain II ;
mais que d'œuvres diverses, que d'interven-
tions pastorales dans tout le monde chrétien,
qui font des douze années de ce pontihcat si
agité l'une des époques où la papauté, présente
partout, semble avoir déployé le plus d'acti-
vité et de vigilance ! Dans sa vaste corres-
pondance, Grégoire ne se borne pas à diriger
les affaires de l'Eglise dans l'Empire, en Ita-
lie, en France, en Angleterre, en Espagne; il
soutient les jeunes chrétientés du Danemarck,
de la Suède, de la Norwège ; la Hongrie, la
Bohème, la Pologne, la Servie, la "Russie
elle-même, reçoivent ses lettres remplies de
sollicitude. Malgré la rupture du lien de
communion entre Rome et Byzance, le Pon-
tife ne cesse pas ses interventions ; il voudrait
arrêter le scnisme qui emporte l'Eglise grec-
que loin de son orbite. Sur la côte d'Afrique,
sa vigilance soutient encore trois évèchés qui
ont survécu à l'invasion sarrasine. Dans le but
d'unifier la chrétienté latine, il resserre le
lien de la prière publique, abolissant en
Espagne la liturgie gothique, et faisant recu-
ler au delà des frontières de la Bohême la
liturgie de Byzance qui allait l'envahir. Quelle
carri'ere pour un seul homme ; mais aussi
quel martyre était réservé à ce grand cœur !
li nous faut reprendre le récit, "un moment
suspendu, des épreuves de notre Pontife. Par
s. Grégoire VII, Pape et Confesseur. 547
lui l'Eglise et la société devaient être sau-
vées; mais comme son Maître divin, « il
« devait boire l'eau du torrent pour relever
<( ensuite la tête 1. »
Nous l'avons vu humilié dans ses défen-
seurs, le sort des armes lui étant devenu con-
traire ; nous l'avons vu menacé par son vain-
queur, après l'avoir tenu sous ses pieds ; nous
l'avons vu en but*^'^'- à un anti-pape dont la
cause est soutenue par d'indignes prélats;
mais « ce n'est là encore que le commence-
ment des douleurs 2. » Henri marche sur la
ville sainte en la compagnie du faux vicaire
du Christ. Un incendie allumé par sa main
sacrilège menace de dévorer le quartier du
Vatican; Grégoire envoie sa bénédiction sur
son peuple éperdu, et tout aussitôt la flamme
recule et s'éteint. Un moment l'enthousiasme
gagne les Romains, si souvent ingrats envers
le Pontife qui est à lui seul la vie et la gloire
de Rome. Prêt à consommer le sacrilège,
Henri hésite et tremble. Il laissera tomber
dans la poussière l'ignoble fantôme qu'il a
voulu opposer au véritable pape -, il ne
demande plus qu'une chose aux Romains :
que Grégoire consente à lui donner l'onction
sainte, et lui, Henri de Germanie, désormais
empereur, se montrera fils dévoué de l'Eglise.
Cette prière est transmise à Grégoire par la
cité tout entière : « Je connais trop la four-
« berie du roi, répond le noble Pontife. Qu'il
« satisfasse d'abord à Dieu et à l'Eglise qu'il
« a foulée aux pieds : je pourrai alors absou-
« dre son repentir, et placer sur sa tète con-
5^v Le Temps Pascal.
« vertie la couronne impériale. « Les ins-
tances des Romains ne purent obtenir d'autre
réponse de l'inflexible gardien du droit de la
chrétienté. Henri allatt s'éloigner, lorsque
tout à coup cette population mobile, gagnée
par d'infâmes largesses venues de Byzance
(car tous les schismes s'entendent contre la
papauté), se détache de celui qui est son roi
et son père, et vient déposer les clefs de la
ville aux pieds du tyran qui apporte la ser-
vitude des âmes. Grégoire se voit alors réduit
à chercher un asile dans le fort Saint-Ange,
et la liberté de l'Eglise y est assiégée avec
lui. C'est de là, ou"peut-être quelques jours
avant de s'y enfermer, qu'il écrit, en l'année
1084, cette lettre sublime adressée à tous les
fidèles, et qui est comme le testament de sa
grande âme :
« Les princes des nations et les princes des
prêtres se sont réunis contre le Christ, Fils
du Dieu tout-puissant, et contre son apôtre
Pierre, pour éteindre la religion chrétienne
et propager partout l'hérétique perversité.
Mais, par la miséricorde de Dieu, ils n'ont
pu, malgré leurs menaces, leurs cruautés et
leurs promesses de gloire mondaine, entraî-
ner dans leur impiété ceux qui mettent leur
confiance dans le Seigneur. D'iniques cons-
pirateurs ont levé la main contre nous, uni-
quement parce que nous n'avons pas voulu
couvrir du silence le péril de la sainte Eglise,
ni tolérer ceux qui ne rougissent pas de
réduire en servitude l'Epouse même de Dieu.
En tout pays, la dernière des femmes peut
se donner îin époux à son gré avec l'appui
des lois; et voici qu'il n'est plus permis à la
s. Grégoire VU, Pape et Confesseur. 54g
sainte Eglise qui est l'Epouse de Dieu et notre
mère, de demeurer unie à son Epoux, comme
le demande la loi divine et comme elle le
veut elle-même. Nous ne devons pas souffrir
que les fils de cette Eglise soient asservis à
des hérétiques, à des adultères, à des oppres-
seurs, comme si ceux-là étaient leurs pères.
De là des maux de toute nature, des périls
divers, des actes de cruauté inouïe, ainsi que
vous pourrez l'apprendre de nos légats.
« Il a été dit au Prophète, comme le sait
votre fraternité : « Du sommet de la monta-
« gne, fais entendre des cris, et ne cesse
« pas. » Poussé irrésistiblement, sans aucun
respect humain, me mettant au-dessus de
tout sentiment terrestre, j'évangélise à mon
tour, je crie et je crie encore, et je vous
annonce que la religion chrétienne, la vraie
foi que le Fils de Dieu venu sur la terre nous
a enseignée par nos pères, est menacée de se
corrompre par l'envahissement de la puis-
sance séculière, qu'elle tend à s'anéantir, à
perdre sa couleur antique, exposée ainsi à la
dérision non seulement de Satan, mais des
juifs, des sarrasins et des païens. Ces derniers
du moins gardent leurs lois qui ne peuvent
être utiles au salut des âmes, et qui n'ont
point été garanties par des miracles comme
la nôtre que le Roi éternel a attestée lui-
même : ils les gardent et ils y croient. Nous
chrétiens, enivres de l'amour du siècle et trom-
pés par une vaine ambition, nous faisons céder
toute religion et toute honnêteté à la cupidité
et à la superbe, nous semblons dépourvus de
toute loi et comme insensés, n'ayant plus le
soucirqu'avaient nos pères du salut et de l'hon-
55o Le Temps Pascal.
neur de la vie présente et de la vie future, n'en
faisant même pas l'objet de notre espérance.
S'il s'en rencontre qui craignent encore Dieu,
c'est uniquement de leur salut qu'ils s'occu-
pent, et non de l'intérêt commun. Qui voit-
on aujourd'hui se donner de la peine, exposer
sa vie dans les fatigues par le motif de la
crainte ou de l'amour du Dieu tout-puissant,
tandis qu'on voit les soldats de la milice sécu-
lière braver tous les dangers pour leurs maî-
tres, pour leurs amis et même pour leurs
sujets ? Des milliers d'hommes savent courir
à la mort pour leurs seigneurs; mais s'agit-il
du roi du ciel, de notre Rédempteur, loin de
jouer ainsi sa vie, on recule devant l'inimitié
de quelques hommes. S'il en est (et il en
existe encore, par la miséricorde de Dieu, si
peu que ce soit), s'il en est, disons-nous,
quelques-uns qui, pour l'amour de la loi
chrétienne, osent résister en face aux impies,
non seulement ils ne trouvent pas d'appui
chez leurs frères, on les taxe d'imprudence
et d'indiscrétion, on les traite de fous.
« Nous donc qui sommes obligé par notre
charge de détruire les vices dans les cœurs
de nos frères et d'y implanter les vertus, nous
vous prions et vous supplions dans le Seigneur
Jésus qui nous a rachetés, de réfléchir en vous-
mêmes, afin de bien comprendre pour quel
motif nous avons à souffrir tant d'angois-
ses et de tribulations de la part des ennemis de
la religion chrétienne. Du jour où, par la vo-
lonté divine, l'Eglise mère m'a établi, malgré
ma grande indignité, et malgré moi. Dieu le
sait, sur le trône apostolique, tous mes soins
ont été pourque l'Epouse de Dieu, notre dame
s. Grégoire VII, Pape et Confesseur. 55 1
et mère, remontât à la dignité qui lui appar-
tient, pour qu'elle se maintînt libre, chaste et
catholique. Mais une telle conduite devait
déplaire souverainement à l'antique ennemi ;
c'est pourquoi il a armé contre nous ceux qui
sont ses membres, et nous a suscité une oppo-
sition universelle. C'est alors que l'on a vu
se diriger contre nous et contre le Siège Apos-
tolique plus d'efforts violents qu'il n'en avait
été tenté depuis les temps de Constantin le
Grand. Mais que l'on ne s'en étonne pas ; il
est naturel que plus le temps de TAniéchrist
approche, plus il mette d'acharnement à
poursuivre l'anéantissement de la religion
chrétienne i. »
Telle était à ce moment suprême l'îndigna-
tion douloureuse du grand Pontife, presque
seul contre tous, abattu par les revers, mais
non vaincu. De la forteresse où il avait abrité
la majesté apostolique, il put entendre les
impies vociférations du cortège qui condui-
sait à la basilique vaticane Henri, que son
faux pape attendait à la Confession de saint
Pierre. C'était le dimanche des Rameaux
io85. Le sacrilège fut consommé. La veille,
Guibert avait ose trôner dans la basilique de
Latran ; et sous les palmes triomphales por-
tées en l'honneur du Christ dont Grégoire
était le vicaire, on vit l'intrus placer sur la
tête du César excommunié la couronne de
l'Empire chrétien ; mais Dieu préparait un
vengeur à son Eglise. Au moment où le
Pontife était serré de plus près dans la forte-
resse qui lui servait d'abri, et qu'il semblait
I. 1084. JaffÉ, ;E:'ag'. 572.
55:
Le Temps Pascal.
avoir tout à craindre de la fureur de son en-
nemi, Rome retentit tout à coup du bruit de
l'arrivée du vaillant chef des Normands,
Robert Guiscard. Cet homme de guerre est
accouru pour mettre ses armes au service du
Pontife assiég'^, et pour délivrer Rome du
joug des Allemands. Une panique soudaine
s'empare du faux César et du faux pape ; l'un
et l'autre prennent la fuite, et la cité parjure
expie dans les horreurs d'un saccagement
effroyable le crime de son odieuse trahison.
Le cœur de Grégoire fut accablé du désas-
tre de son peuple. Impuissant à contenir la
rage dévastatrice de ces barbares qui ne
surent pas se borner à délivrer le Pontife,
mais donnèrent carrière à toutes leurs cupi-
dités au sein de cette ville qu'ils auraient dû
châtier et non écraser; menacé du retour de
Henri qui comptait sur le ressentiment des
Romains et se préparait à remplacer les
Normands, lorsqu'ils auraient assouvi leurs
convoitises, Grégoire sortit de Rome avec
désolation, et, secouant la poussière de ses
pieds, il alla demander asile au Mont-Cassin,
et passer quelques heures dans ce sanctuaire
du grand patriarche des.moines. Le contraste
des jours tranquilles de sa jeunesse abritée
sous le cloître, avec les orages dont sa car-
rière apostolique n'avait cessé d'être agitée,
dut se présentera sa pensée. Errant, fugitif,
abandonné, sauf d'une élite d'âmes fidèles et
dévouées, il poursuivait sa douloureuse pas-
sion ; mais son calvaire n'était pas éloigné, et
le Seigneur ne devait pas tarder à le re'cevoir
dans le repos de ses saints. Avant qu'il des-
cendît de la sainte montagne, un fait mer-
s. Grégoire VII, Pape et Confesseur. 553
veilleux arrivé déjà plusieurs fois se mani-
festa de nouveau. Grégoire étant à l'autel et
célébrant le saint Sacrifice, une blanche
colombe parut tout à coup posée sur son
épaule, et parlant à son oreille. Il ne fut pas
difficile de reconnaître à ce symbole expres-
sif l'action de l'Esprit-Saint qui dirigeait et
Pouvernait les pensées et les actes du saint
ontife.
On était dans les premiers mois de l'année
io85. Grégoire se rendit à Salerne, dernière
station de sa vie si agitée. Ses forces l'aban-
donnaient de plus en plus. Il voulut cepen-
dant faire la dédicace de l'Eglise du saint
évangéliste Matthieu dont le corps reposait
dans cette ville, et d'une voix défaillante il
adressa encore la parole au peuple. Ayant
pris ensuite le Corps et le Sang du Sauveur,
fortifié par ce puissant viatique, il reprit le
chemin de sa demeure, et s'étendit sur la
couche d'où il ne devait plus se relever.
Image saisissante du Fils de Dieu sur la
croix, comme lui dépouillé de tout et aban-
donné de la plupart des siens, ses dernières
pensées furent pour la sainte Eglise qu'il
laissait dans le veuvage. Il indiqua aux quel-
ques cardinaux et évèques qui l'entouraient,
les noms de ceux entre les mains desquels
il verrait avec contentement passer sa labo-
rieuse succession : Didier, Abbé du Mont-
Cassin, qui fut après lui Victor III ; Othon
de Châtillon, moine de Cluny, qui fut après
Victor Urbain II ; et le fidèle légat Hugues de
Die, que Grégoire avait fait archevêque de
Lyon.
On interrogea le Pontife agonisant sur ses
554 ^^ Temps Pascal.
intentions relativement aux nombreux cou-
pables qu'il avait dû frapper du glaive de
l'excommunication. Là encore, comme le
Christ sur la croix, il exerça miséricorde et
justice : « Sauf, dit-al, le roi Henri, et Gui-
« bert l'usurpateur du Siège Apostolique,
« ainsi que ceux qui favorisent leur injustice
« et leur impiété, j'absous et bénis tous
« ceux qui ont foi en mon pouvoir comme
a étant celui des saints apôtres Pierre et
(( Paul. » Le souvenir de la pieuse et invin-
cible Mathilde s'étant présenté à sa pensée,
il confia cette fille dévouée de l'Eglise Romaine
aux soins du courageux Anselme de Lucques,
rappelant ainsi, comme le remarque le bio-
graphe de ce saint évêque, le don (que Jésus
expirant fit de Marie à Jean son disciple de
prédilection. Trente années de luttes et de
victoires furent pour l'héroïque comtesse le
prix de cette bénédiction suprême.
La fin était imminente ; mais la sollicitude
du père de la chrétienté survivait encore en
Grégoire. Il appela l'un après l'autre ces
hornmes généreux qui entouraient sa couche,
et leur fit prêter serment entre ses mains
glacées de ne jamais reconnaître les droits du
tyran, tant qu'il n'aurait pas donné satisfac-
tion à l'Eglise. Il résuma sa dernière énergie
dans une défense solennelle intimée à tous
de reconnaître pour Pape celui qui n'aurait
pas été élu canoniquement et selon les règles
des saints Pères, Se recueillant ensuite en
lui-même, et acceptant la divine volonté sur
sa vie de pontife qui n'avait été qu'un sacri-
fice continuel, il dit : « J'ai aimé la justice et
« j'ai haï l'iniquité; c'est pour cela que je
s. Grégoire VII, Pape et Confesseur. 555
a meurs en exil. » Un des évêques qui l'en-
touraient répondit avec respect : « Vous ne
« pouvez, seigneur, mourir en exil, vous qui,
« tenant la place du Christ et des saints
« Apôtres, avez reçu les nations en héritage,
« et en possession l'étendue de la terre. »
Parole sublime que déjà Grégoire ne pouvait
plus entendre ; car son âme s'était élancée
au ciel, et recevait dès ce moment l'immor-
telle couronne des martyrs.
Grégoire était donc vaincu, comme le
Christ lui-même fut vaincu par la mort ;
mais le triomphe sur cette mort ne manqua
pas plus au disciple qu'il n'avait manqué au
Maître. La chrétienté abaissée en tant de
manières se releva dans toute sa dignité ; et
l'on peut même dire qu'un g^ge de cette
résurrection fut donné par le ciel le jour
même où Grégoire rendait à Salerne son
dernier soupir. Ce même jour, vingt-cinq
mai io85, Alphonse VI entrait victorieux à
Tolède, et arborait la croix dans la cité re-
conquise des Eugène et des Julien, après
quatre siècles d'esclavage sous le joug sar-
rasin.
Mais il fallait à l'Eglise opprimée un con-
tinuateur de Grégoire, et le Dieu dont il fut
le vicaire ne le lui refusa pas. Le martyre du
grand Pontife fut comme une semence de
Pontifes dignes de lui. De même qu'il avait
préparé ses prédécesseurs, on peut dire que
ses successeurs procédèrent de lui > et les
fastes de la papauté ne présentent nulle part
dans toute leur teneur une suite de noms plus
glorieuse que celle qui s'étend de Victor III,
successeur immédiat de Grégoire, à Boni-
556
Le Temps Pascal.
face VIII, en qui recommença pour de
longs siècles le martyre que noire grand
héros avait subi. Son âme était à peine
affranchie des épreuves de cette vallée de
larmes, et déjà la victoire se déclarait. Les
ennemis de l'Eglise étaient abattus, la sup-
pression des investitures éteignait la simonie
et assurait l'élection canonique des Pasteurs ;
la loi sacrée de la continence des clercs re-
prenait partout son empire.
Grégoire avait été l'instrument de Dieu
pour ia réforme de la société chrétienne ;
et si son nom est demeuré béni des vrais
enfants de l'Eglise, sa mission avait été trop
belle et trop courageusement remplie pour
qu'elle n'attirât pas sur lui la haine de l'en-
fer. Or, voici ce que le Prince de ce monde *
imagina contre lui dans sa rage. Non content
d'avoir fait de Grégoire un objet d'exécration
pour les hérétiques, il vint à bout de le ren-
dre odieux aux faux catholiques, embarras-
sant pour les demi-chrétiens. Longtemps ces
derniers, malgré le jugement de l^Eglise qui
l'a placé sur ses autels, affectèrent de l'ap-
peler insolemment Grégoire VJI. Son culte
tut proscrit par des gouvernements qui se
disaient encore cathotiques ; il fut prohibé
par des mandements épiscopaux. Son ponti-
ficat et ses actes furent attaqués comme con-
traires à la religion chrétienne par le plus
éloquent de nos orateurs sacrés. II fut un
temps où les lignes que nous consacrons à ce
saint Pape, dans un livre destiné à nourrir
chez les fidèles l'amour et l'admiration pour
I. JOHAN. XII, 3i.
5. Grégoire VII, Pape et Confesseur. 55']
les héros de la sainteté que l'Eglise offre à
leur culte, eût attiré sur nous la vindicte des
lois. Les Leçons de l'Office d'aujourd'hui
furent supprimées par le Parlement de Paris
en 1729, avec défense de s'en servir, sous
peine de saisie du temporel. Ces barrières
sont tombées, ces scandales ont cessé. Par
suite du rétablissement de la Liturgie ro-
maine en France, chaque année le nom de
saint Grégoire VII est proclamé dans nos
Eglises, la louange qui honore les saints lui
est publiquement décernée, et le divin Sacri-
fice est offert à Dieu pour la gloire d'un si
illustre Pontife.
Il était temps pour notre honneur français
qu'une telle justice fût rendue à qui la
mérite. Lorsque depuis plus de soixante ans
on entendait les historiens et les publicistes
protestants de l'Allemagne combler d'éloges
celui qui n'est pourtant à leurs yeux qu'un
grand homme, mais en qui ils reconnaissent
l'héroïque vengeur des droits de la société
humaine ; lorsque les gouvernements réduits
aux abois par l'envahissement toujours plus
impérieux du principe démocratique, n'ont
plus le loisir de céder à leurs anciennes
jalousies contre l'Eglise ; lorsque l'Episcopat
se serre toujours plus étroitement autour de
la Chaire de saint Pierre, centre de vie, de
lumière et de force : rien n'est plus naturel
que de voir le nom immortel de saint Gré-
goire VII resplendir d'une gloire nouvelle,
après l'éclipsé qui l'avait si longtemps dérobé
aux regards d'un trop grand nombre de fidè-
les. Qu'il demeure donc, ce glorieux nom,
jusqu'à la fin des siècles, comme l'un des
55S
Le Temps Pascal.
astres les plus brillants du Cycle pascal, et
qu'il verse sur l'Eglise de nos jours l'influence
salutaire qu'il répandit sur celle du moyen
âge!
Nous lirons maintenant les pages que la
sainte Eglise a consacrées à la mémoire du
saint Pontife, et nous les lirons avec d'autant
plus de respect cju'elles ont été plus outragées
par ceux « qui ne savaient ce qu'ils fai-
saient 1. »
.->REGORius papa Sep-
V_J timus. antea Hilde-
brandus, Soanae in Etru-
ria natus, doctrina, sanc-
titate, omnique virtutum
génère cum primis nobi-
lis, mirifice universam
Dei illustravit Eccle-
siam. Cum parvulus ad
fabri ligna edolantis pe-
des, jam litterarum ihs-
cius, liideret, ex rejectis
tamen segmentis illa Da-
vidici elementa oraculi :
Dominabitur a mari us-
que ad mare : casu for-
masse narratur, manum
pueri ductante Numine,
quo significaretur ejus
fore amplissimam in
mundo auctoritatem. Ro-
mam deinde profectus,
sub protectione sancti
Pétri educatus est. Juve-
nis Ecclesia» libertatem
a laicis oppressam, ac
depravatos Ecclesiasti-
GRÉGOIRE VII. nomme au-
paravant Hildebrand ,
né à Soana en Toscane, il-
lustre au plus haut degré par
la science, la sainteté et tou-
tes les vertus, glorifia d'une
manière merveilleuse l'Eglise
de Dieu tout entière. Etant
encore dans la première en-
fance, et jouant aux pieds
d'un ouvrier qui travaillait
le bois, ignorant encore les
lettres, on rapporte qu'il for-
ma comme par hasard avec
les copeaux cette parole pro-
phétique de David : « II do-
minera d'une mer à l'autre; »
mais Dieu conduisait la main
de l'enfant, et voulait mon-
trer par là qu'un jour il de-
vait exercer dans le monde
le plus grand des pouvoirs.
S'étant rendu à Rome, il y
fut élevé sous la protection
de saint Pierre. Etant encore
dans les années de sa jeunesse,
il conçut une si grande dou-
I. Luc. XXIII, 34.
s. Grégoire VII, Pape et Confe^eiir. 55g
leur en vo^-ant l'oppression
qui étouffait la liberté de
l'Eglise et la dépravation des
mœurs du clergé, qu'il se re-
tira à l'abbaye de Cluny, où
l'observance et l'austérité de
la vie monastique était alors
en pleine vigueur sous la rè-
gle de saint Benoît. II y prit
l'habit de moine et se livra
au service de la divine Ma-
jesté avec tant de piété et
d'ardeur, qu'il fut élu Prieur
par les saints religieux de ce
monastère. Mais la divine
Providence l'ayant destiné à
un plus haut emploi pour le
salut d'un grand nombre,
Hildebrand fut tiré de Cluny,
pour être d'abord Abbé du
monastère de Saint-Paul ,
hors les murs de Rome; il fut
ensuite créé Cardinal de l'E-
glise Romaine. Chargé des
emplois et des missions les
plus importantes, sous les
papes Léon IX, Victor II,
Etienne IX. Nicolas II et
Alexandre II, il mérita d'ê-
tre appelé l'homme de con-
seil très saint et très pur par
saint Pierre Damien. Envoyé
en France par Victor II, en
qualité de légat a latere. il
força par un miracle l'arche-
vêque de Lyon, qui «tait
souillé de la simonie, à con-
fesser son crime, et contrai-
gnit Bérenger à abjurer de
nouveau son erreur dans un
concile tenu à Tours. Il par-
vint aussi par son énergie à
corum mores vehemen-
tius dolens, in Clunia-
censi monasterio, ubi sub
régula sancti Patris Be-
nedicti austerioris vitae
observantia eo tempore
maxime vigebat, mona-
chi habitum induens ,
tanto pietatis ardore di-
vinœ Majestati deservie-
bat. ut a sanctis ejusdem
Cœnobii Patribus Prier
sit electus. Sed divina
Providentia majora de
eo disponente in salutem
plurimorum. Cluniaco
eductus Hildebrandus ,
Abbas primum monas-
terii sancti Pauli extra
muros Urbis electus, ac
postmodum romanae Ec-
clesias Cardinalis crea-
tus, sub summis pontifî-
cibus. Leone Nono, Vie-
tore Secundo. Stéphane
Nono. Nicolao Secundo
et Alexandre Secundo,
puEecipuis muneribus et
legationibus perfunctus
est, sanctissimi et puris-
simi consilii vir a beato
Petro Damiano nuncu-
patus. A Victore papa
Secundo legatus a latere
in Galliam missus, Lug-
duni episcopum simo-
niaca labe infectum ad
sui criminis confessio-
nem miraculo adegit. Be-
rengarium in concilio
Turonensi ad iteratam
h as r es i s abjurationem
56o
Le Temps Pascal.
compulit. Cadaloi quo-
que schisma sua virtute
comprcssit.
MORTUO Alexandre
Secundo, invitus et
mœrens unanimi omnium
consensu, decimo calen-
das maii, anno Christ!
millesimo septuagesimo
tertio, summus Pontifex
electus, sicut sol effulsit
in domo Dei : nam po-
tens opère et sermone,
Ecclesiasticae disciplina;
reparandae, fidei propa-
gandas, libertali Eccie-
sise restituendae , exstir-
pandis erroribus, et cor-
ruptelis tanto studio in-
cubuit, ut ex Apostolo-
rum astate nullus Ponti-
ficum fuisse tradatur, qui
majores pro Ecclesia Dei
labores , molestiasque
pertulerit, aut qui pro
ejus libertate acrius pu-
gnaverit. Aliquot pro-
vincias a simoniaca labe
expurgavit. Contra Hen-
rici imperatoris impies
conatus fortis per omnia
athleta impavidus per-
mansit. seque pro muro
domui Israël ponere non
timuit, ac eumdera Hcn-
ricum in profundum ma-
lorum prolapsura, fide-
lium communione, rc-
gnoque privavit , atque
subditos populos lide ci
data liBeravit.
comprimer le schisme de Ca-
daloûs.
A LA mort d'Alexandre II,
malgré ses répugnances
et ses regrets, il fut élu sou-
verain Pontife d'un consen-
tement unanime, le dix des
calendes de mai, l'an de Jé-
sus-Christ mil soixante-trei-
ze, et brilla tout aussitôt
comme un soleil dans la mai-
son de Dieu. Puissant en
œuvres et en paroles, on le vit
s'appliquer avec un si grand
zèle au renouvellement de la
discipline ecclésiastique, à la
propagation de la foi, au
rétablissement de la liberté
de l'Eglise, à l'extirpation
des erreurs et des scanda-
les, que l'on peut dire qu'il
n'est aucun Pontife, depuis
le temps des Apôtres, qui
ait encouru plus de labeurs
et de tribulations pour le
service de l'Eglise de Dieu,
et qui ait combattu pour sa
liberté avec plus de courage.
Des provinces entières furent
arrachées par lui au fléau de
la simonie. Comme un athlète
intrépide il s'opposa sans
trembler aux fureurs impies
de l'empereur Henri, e{ ne
craignit pas de s'opposer
comme un mur pour la défense
de la maison d'Israël ; et lors-
que ce même Henri fut tombé
jusqu'aux derniers excès du
mal, il le priva de la commu-
s. Grégoire VIT, Pape et Confesseur. 56 1
nion des fidèles ainsi que de l'empire, et- délia du ser-
ment de fidélité les peuples qui lui étaient soumis.
PENDANT qu'il célébrait la
Messe, des hommes pieux
aperçurent une colombe, qui,
descendant du ciel, venait se
reposer sur son épaule et lui
voilait la tête de ses ailes :
ce qui signifiait que Grégoire
était conduit dans le gouver-
nement de l'Eglise par le
souffle de l'Esprit-Saint, et
non par les raisons de la pru-
dence humaine. La ville de
Rome se trouvant assiégée
par l'armée du méchant roi
Henri, Grégoire éteignit par
le signe de la croix un incen-
die que les ennemis avaient
allumé. Enfin arraché de
leurs ma-ins par Robert Guis-
card, chef Normand, il se
rendit au Mont-Cassin, et
de là à Salerne pour y faire
la dédicace de l'Eglise de
l'apôtre saint Matthieu.
Après avoir adressé un ser-
mon au peuple de cette ville,
se sentant épuisé de traver-
ses, il tomba malade et pres-
sentit sa fin prochaine. « J'ai
« aimé la justice et j'ai haï l'i-
(• niquité ; c'est pour cela que
« je meurs en exil.» Telles fu-
rent les dernières paroles de
Grégoire mourant. Les épreu-
ves qu'il supporta avec tant
de courage furent innombra-
bles, et les décrets qu'il porta
dans les nombreux conciles
qu'il rassembla sont remplis
DUM Missarum solem-
nia perageret, visa
est viris piis columba e
cœlo delapsa humero
ejus dextro insidens alis
extensis caput ejus ve-
lare, quo significatum
est, Spiritus Sancti af-
flatu, non humanae pru-
dentiœ rationibus ipsum
duci in Ecclesise regimi-
ne. Cum ab iniqui Hen-
rici exercitu Romae gravi
obsidione premeretur ,
excitatum ab hostibus in-
cendium signo crucis exs-
tinxit. De ejus manu tan-
dem a Roberto Guis-
cardo duce Northmanno
ereptus , Cassinum se
contulit ; atque inde Sa-
lernum ad dedicandam
Ecclesiam sancti Mat-
thaei Apostoli contendit.
Cum aliquando in ea ci-
vitate sermonem habuis-
set ad populum, aerum-
nis confectus in morbum
incidit, quo se interitu-
rum praescivit. Postrema
morientis Gregorii verba
fuere : Dilexi justitiam
et odivi iniq u i t a t e m,
propterea morior inex-
silio. Innumerabilia sunt
qucc vel fortiter susti-
nuit, vel multis coactis
in Urbe synodis sapien-
ler constituit, vir vere
LE TEMPS PASCAL. — T. III.
562
Le Temps Pascal.
sanctus, cnminum vin-
dex, et acerrimus Eccle-
siae defensor. Exactis ita-
que in pontificatu annis
duodecim, migravit in
coelum, anno salutis mil-
lesimo octoijesimo quin-
to, pluribus in vita et
post mortem miraculis
clarus, ejusque sacrum
corpus in calhedrali ba-
silica Salernitana est ho-
Qorifice conditum.
de sagesse ; homme véritable-
ment saint, vengeur du crime
et ardent défenseur de l'E-
glise. Après douze ans de
pontificat, il partit pour le
ciel l'an du salut mil quatre-
vingt-cinq. Il fut célèbre par
ses miracles durant sa vie et
après sa mort, et son saint
corps repose avec honneur
dans l'église cathédrale de
Salerne.
Les Répons que nous insérons ici font par-
tie de l'Office du saint Pape; ils retracent ses
combats et ses triomphes.
/^^ REGORIUS primo
™' vj tempore Hilde-
brandus , nomen ignis
sortitus est , non sine
grandi prcesagio futuro-
rum : * Qui divini elo-
quii jaciilo ingruentes
hostes a domo Dei pro-
pulsavit.
j^. Nomine praetulit
incendiura , quod exhi-
buit fervent! charitate. *
Qui divini eloquli jaculo
ingruentes hostes a domo
Dei propulsavit.
^. Cernens juvenis sx-
culum peccatis invetera-
tum, nec inveniens ubi
cor suum requiesceret ,
patrium solum reliquit :
/'GRÉGOIRE, nommé d'a-
^- V_J bord Hildebrand,
emprunta son nom du feu,
non sans un éloquent présage
de l'avenir : * Car il devait
repousser par les traits de la
parole divine, les ennemis
prêts à envahir la maison de
Dieu.
f. Son nom signifiait la
flamme, et il en remplit le
sens par son ardente charité.
* Car il devait repousser par
les traits de la parole divine,
les ennemis prêts à envahir
la maison de Dieu.
^. Dès sa jeunesse il vit
que le monde était envieilli
dans le péché ; ne trouvant
pas où reposer son cœur, il
quitta le sol /^e sa patrie : *
s. Grégoire VII, Pape et Confesseur. 563
Et ayant passé en France, il
résolut d'embrasser le service
de Dieu seul sous la disci-
pline de Cluny.
j^. Sous la conduite de la
foi, il sortit de son pays, se
mettant à la recherche de la
cité dont Dieu est l'auteur et
l'architecte. * Et ayant passé
en France, il résolut d'em-
brasser le service de Dieu
seul sous la discipline de
Cluny.
ft. Le saint Pontife Léon,
dont Hildehrand avait en-
flammé le courage, l'appela à
prendre part à ses sollicitu-
des : * Et par leur concert à
tous deux, le champ du Sei-
gneur commença à refleurir.
j^. Hildebrand, homme de
conseil très saint et très pur,
se montra fort dans l'adver-
sité et maître de lui-même
dans la prospérité. * Et par
leur concert à tous deux, le
champ du Seigneur com-
mença à refleurir.
Ri. Spirituel agriculteur,
le Pontife Léon ayant admiré
la fécondité d'un tel rejeton,
accrut encore en lui la pré-
sence du Christ par l'imposi-
tion de l'ordre lévitique :
* Par le commandement du
Seigneur Apostolique, Hil-
debrand brilla comme Archi-
diacre de l'Eglise romaine.
* Et ad partes Gallorum
transiens, soli Deo sub
Cluniacensi disciplina
militare decrevit.
f. Fide egressus est
de terra sua, quasrens ci-
vitatem cujus artifex et
conditor Deus. * Et ad
partes Gallorum tran-
siens, soli Deo sub Clu-
niacensi disciplina mili-
tare decrevit.
'Bf. Léo Pontifex sanc-
tus, cujus animum Hil-
debrandus accenderat ,
hune in partem soUici-
tudinis vocavit : * Et
amborum concordia Do-
minicus ager jam reflo-
rescere cœpit.
f. Hildebrandus, san-
ctissimi et purissimi con-
silii, in adversis visus est
fortis, in prosperis tem-
peratus. * Et amborum
concordia Dominicus
ager jam reflorescere cœ-
pit.
^. Spiritualis agricola,
Léo Pontifex, tanti pal-
mitis feracitatem admi-
ratus, in eo mansionem
Christi per impositio-
nem levitici ordinis dila-
tavit : * Et Apostolico
mandato, Hildebrandus
romanae Ecclesiae Archi-
diaconus cffulsit.
504
Le Temps Pascal.
f. Qui die nociuque
saluti Ecclesiae invigi-
lans, minori considens
loco, quinque Pontifici-
bus mirum in modum pro-
fuit. * Et Apostolico
mandate, Hildebrandus
romanas Ecclesiae Archi-
diaconus effulsit.
IÇ!. Invitum tandem
Gregorium romana Ec-
clesia ad sua gubernacu-
la traxit : * Qui potius
voluisset vitam in pere-
grinatione finire, quam
Pctri locum pro mundi
gloria conscendere.
^. Nec sibi sumpsit
honorem, sed a Deo vo-
catus est tamquam Aaron.
* Qui potius voluisset vi-
tam in peregrinatione fi-
nire, quam Pétri locum
pro mundi gloria cons-
cendere.
I^. Vineam Domini
exercituum, quam plan-
tavit dextera ejus, exter-
minavit aper de silva, et
singularis férus depastus
est eam : * Accingere
gladio tuo super fémur
tuum, fidelissime.
f. Si Angelos judica-
turus es, quanto magis
sxcularia? * Accingere
gladio tuo super fémur
luum, fidelissime.
t. Veillant jour et nuit au
salut de l'Eglise, bien qu'il
fut établi dans un degré infé-
rieur, il servit successivement
cinq Pontifes, et les aida
d'une manière admirable.
* Par le commandement du
Seigneur Apostolique, Hil-
debrand brilla comme Archi-
diacre de l'Eglise romaine.
^. L'Eglise romaine fit
enfin violence à Grégoire, en
l'obligeant à la gouverner :
* Lui qui eût mieux aimé finir
sa vie sur une terre étrangère
que de s'asseoir pour la
gloire mondaine sur le siège
de Pierre.
j^. Il ne porta pas la main
sur un tel honneur ; mais il
y fut appelé de Dieu comme
l'avait été Aaron, * Lui qui
eût mieux aimé finir sa vie
sur une terre étrangère que de
s'asseoir pour la gloire mon-
daine sur le siège de Pierre.
Vf. Le sanglier de la forêt
s'est rué sur la vigne qu'avait
plantée la main du Seigneur
des armées ; cette bête féroce
l'a ravagée tout entière : *
Ceins ton glaive sur ta cuisse,
ô gardien fidèle !
f. S'il t'appartient de ju-
ger jusqu'aux Anges même,
combien plus les puissances
du siècle?* Ceins ton glaive
sur ta cuisse, ô gardien fi-
dèle !
s. Grégoire VII, Pape et Confesseur. 565
^. Le roi, étant entré dans
la forteresse, déposa les mar-
ques de sa dignité, restant à
Jean du matin jusqu'au soir,
vêtu de laine et nu-pieds : *
II implorait le secours de la
miséricorde apostolique.
f. Lui qui avait dit dans
son cœur : J'élèverai mon
trône sur l'autel même de
Dieu, je m'assiérai sur la mon-
tagne du testament.* Il im-
plorait le secours de la misé-
ricorde apostolique.
1^. Grégoire dit au roi
Henri : Voici le Corps du
Seigneur ; que ce soit au-
jourd'hui l'épreuve de mon
innocence : * Fais donc, ô
mon fils, ce que tu m'as vu
faire.
f. Mais le roi n'osa éten-
dre la main pour recevoir le
Saint des saints. ' Fais donc,
ô mon fils, ce que tu m'as vu
faire.
f. Un jour que le bienheu-
reux Grégoire célébrait so-
lennellement la Messe, une
colombe blanche comme la
neige parut tout à coup des-
cendre près du saint autel,
d'où s'élevant d'un vol léger :
* Elle se reposa, les ailes
étendues, sur l'épaule droite
du Pontife.
f. La colombe demeura
ainsi immobile, jusqu'à ce
B^. Rex castellum in-
gressus, deposito cultu
regio, jejunus a mane us-
que ad vesperam persta-
bat ; indutus laneis et
nudis pedibus : * Apos-
tolicae miserationis auxi-
lium implorabat.
j^. Qui dixerat in corde
suo : Super altare Dei
exaltabo solium meum,
sedebo in monte testa-
menti. * Apostolicas mi-
serationis auxilium im-
plorabat.
]^. Dixit Gregorius ad
Henricum regem : Ecce
Corpus Dominicum; fiât
hodie experimentum in-
nocentiae meœ : * Fac er-
go, fili, si placet, quod
me facere vidisti.
j^. Nec ausus est rex
manum extendere, ut ac-
ciperet Sancta sancto-
rum. * Fac ergo, fili, si
placet, quod me facere
vidisti.
^. Dum beatus Gre-
gorius Missarum solem-
nia celebraret, nivei
candoris columba sacro
altari protinus adstitit;
quae inde leviter advo-
lans : * Supra dextrum
Pontificis humerum re-
cubuit, alis expansis.
f. Et tamdiu sic pers-
titit quousque sacri mys-
566
Le Temps Pascal.
terii commixtio in calice
fieret. * Supra dextrum
Pontificis humerum re-
cubuit, alis expansis.
Hj. Cum ultimi doloris
luctam inchoasset beatus
Gregorius, adstantibus
dixit : Nullos labores
meos alicujus momenti
facio : * In hoc solum-
modo confidens, quod
semper dilcxi justitiam
et odivi iniquitatem.
j^. Et elevatis in cœlum
oculis, ait : Illuc adscen-
dam, et obnixis precibus
Deo pronitio vos com-
raittam. In hoc sohim-
modo confidens, quod
semper dilexi justitiam,
et odivi iniquitatem.
fi|. Pontifex sanctissi-
mus cum doleret se
mori in exsilio, quidam
venerabilis episcopus
ait : In exsilio mori non
potes, qui vice Christi et
Apostolorum ejus : * Ac-
cepisti gentes in haeredi-
tatem, et possessionem
tuam termines terrac.
f. Dominabitur a mari
usque ad mare, et a flu-
mine usque ad terminos
orbis terrarum. * Acce-
pisti gentes in haeredita-
tem, et possessionem
tuam terminos terra?.
que le mélange du Mystère
sacré eût lieu dans le calice. "
Elle se reposa, les ailes éten-
dues, sur l'épaule droite du
Pontife,
^. Le bienheureux Gré-
goire étant arrivé à ses der-
niers moments, luttait avec
la souffrance; alors il dit aux
assistants: Je ne fais aucun
compte des labeurs que j'ai
soufferts : * Mon unique motif
de confiance est d'avoir tou-
jours aime la justice et haï
l'iniquité.
^. Il éleva ensuite les yeux
au ciel, et dit : C'est là que
je veux monter, et par mes
instantes prières je vous re-
commanderai au Dieu de
bonté. *Mon unique motif de
confiance est d'avoir toujours
aimé la justice et haï l'iniquité.
]^. Le saint Pontife ayant
témoigné du regret de mou-
rir dans l'exil, un vénérable
évèque lui dit : Vous ne pou-
vez mourir en exil, puisque,
tenant la place Christ et de
ses Apôtres : * Vous avez reçu
"es nations en héritage, et
es confins de la terre comme
a limite de vos possessions.
j^. Il dominera de la mer
usqu'à la mer, et du fleuve
lusqu'aux confins de la terre.
* Tu as reçu les nations en hé-
ritage, et les confins de la
terre comme la limite de tes
possessions.
s. Grégoire VII, Pape et Confesseur. 5 67
Nous réunissons dans une seule Ode trois
Hymnes consacrées à célébrer les vertus et
les services de saint Grégoire VII.
C'est toi-même , ô Gré-
goire, que nous célébrons
dans nos chants de triomphe ;
toi l'honneur de Rome, toi
dont le grand cœur brava les
tempêtes, après lesquelles tu
touches aujourd'hui le ri-
vage.
Qu'elle soit dans la joie, la
race du père Benoît, qui a
jusqu'ici enfanté tant de hé-
ros ; aucun n'a brillé encore
d'une gloire semblable.
Un jour, dans son enfance,
il assistait au travail d'un
ouvrier : on le vit, de sa main
conduite par le ciel, tracer
en se jouant des caractères
qui annonçaient qu'un jour il
régirait un vaste empire.
Monte donc, ô Père !
comme un soleil nouveau,
lève-toi, et viens éclairer le
monde de tes rayons. Pontife,
assieds-toi sur la chaire de
Pierre, et sois-y l'arbitre de
la terre.
Ils n'ont qu'à fuir mainte-
nant dans leurs sombres ca-
nr E triumphanti cele-
*■ bramus ore,
Inclytum Romœ jubar, c
Gregori ;
Corde qui magno supe-
rans procellas,
Littora tangis.
Gaudeat cœtus Bene-
dicti patris.
Qui tôt et tantos ge-
neravit orbi
Filios : nullus simili re-
fulsit
Laude verendus.
Nuntium latœ ditionis
adfert
Dextra ludentis pueri,
dolantem
Dum secus fabrum. Do-
mino régente,
Segmine scribit.
Alla conscendas, Pa-
ter ; oriaris
Sol novus mundum ra-
diis serenans :
Pontifex Pétri sedeas
cathedra,
Arbiter orbis.
In latebrosos fugiant
recessus.
568
Le Temps Pascal.
Quotquot hostili rabie
furentcs,
In gregcm Christi sata-
gunt nefanda
Tela vibrare.
En adest Pastor vigil
et superno
Spiritu plenus : gladio-
que verbi
Conteret tetros Zabuli
minantis
Fortior astus.
Jam Sicambrorum do-
minator audax
Gestit Henricus, monitis
supremi
Patris abscedens, vete-
rum furorum
Flare favillas.
Sed reluctantem co-
hibes, Gregori,
E sacra fulmen jaculatus
arce :
Et potestatis tumidos ca-
ducae
Despicis ausus.
Mox ab indîgnis mani-
bus révulsa
Sceptra regnantis regl-
menque transfers,
A fide cives relevans ty-
ranno
Jure negata.
Pontifex magnus, po-
pulo stupente,
Sub coiumbina specie,
loquentis
vernes, tous ceux qui exer-
cent leurs hostilités contre
l'Eglise, et ne cessent de lan-
cer leurs traits sacrilèges sur
le troupeau du Christ.
Voici le Pasteur vigilant
et plein de l'Esprit d'en
haut; le glaive de la parole
est dans sa main ; et plus fort
que Satan, il saura briser ses
résistances et déjouer ses
noirs complots.
C'est en vain que Henri,
l'audacieux prince des Ger-
mains, sourd à ses avertisse-
ments paternels, suscite un
incendie qui rappelle les
premières fureurs des princes
contre l'Eglise.
Tu le domptes, ô Grégoire,
malgré ses résistances ; et
dédaignant les orgueilleuses
prétentions d'une puissance
caduque, tu lances sur elle la
foudre, du haut des remparts
sacrés.
Bientôt tu arraches le scep-
tre à ses indignes mains, et
tu transmets le pouvoir à un
plus digne, déliant ainsi les
peuples de la foi jurée à celui
qui n'est plus qu'un tyran.
Tel est notre grand Pon-
tife, dirigé dans ses conseils
par l'Esprit-Saint lui-même,
dont il ne fait que remplir
s. Grégoire VII, Pape et Confesseur. 5&g
les ordres ; le peuple saisi
d'un saint respect a vu la
divine colombe apparaître et
parler à son oreille.
Mathilde, la femme forte,
vient au secours du Pontife ;
elle apporte son aide efEcace
au souverain Père, et sou-
tient par sa fidélité les droits
menacés du plus auguste des
sièges.
Grégoire a vu de toutes
parts l'ivraie disputer la
place au bon grain, et la
moisson sur le point de pas-
ser tout entière en des mains
profanes ; nouvel Elie, le
zèle le transporte, et il sévit
contre les sacrilèges.
Afin d'assurer au peuple
fidèle la liberté de marcher
d'un pas rapide dans le che-
min de la patrie céleste, il
s'avance à leur tète, prêt à
donner sa vie, comme il est
du devoir du pasteur.
Tu as été, ô Grégoire, le
ferme rempart de la maison
d'Israël, le vengeur das cri-
mes, le soutien de Rome ;
mais une mort tranquille t'é-
tait réservée après tant d'é-
preuves.
Presque martyr ici-bas,
ton front est ceint de la cou-
ronne ; la fermeté, la cons-
tance et la fidélité ne t'abaa-
Spiritus Sancti docu-
menta sensit,
Actibus implet.
Fortis occurrit mulier
Mathildis,
Quae, Patri summo tri-
buens juvamen,
Inclytae Sedis, studio fi-
deli,
Jura tuetur.
Triticumcernens loliis
scatere
Prœsul, et messem mani-
bus profanis
Objici; zelo rapiente,
srevit,
Alter Elias.
Ut viam currant pa-
triae supernae
Libero gressu populi fi-
dèles,
Anteit pastor, propriam
paratus
Tradere vitam.
Murus Israël domui
stetisti,
Criminum vindex, colu-
menque Romae,
Inter œrumnas placida,
Gregori,
Morte potiris.
Martyres pergis prope,
laureatus ;
Firmus et constans, fidei
tenacem.
570
Le Temps Pascal.
O Pater, praebes ani-
mum : triumphi
Gaudia sumas.
Sis memor chari gre-
gis, et patronus,
Sis ad reternam Triadem,
precamur :
Cuncla cui dignas reso-
nent per orbem
Saecula laudes.
- Amen.
donnèrent jamais: goûte main-
tenant l'allégresse du triom-
phe.
Daigne avoir souvenir du
troupeau qui te fut si cher,
sois son protecteur auprès de
l'éternelle Trinité, à qui les
siècles tour à tour envoient
de toutes les parties de la
terre l'hommage qui lui est
dû.
Amen.
N'
os joies pascales se sont accrues de votre
triomphe, ô Grégoire ; car nous recon-
naissons en vous l'image de celui qui, par sa
résurrection glorieuse annoncée à tout l'uni-
vers, a relevé le monde qui s'atfaissait sur
lui-même. \'otre pontificat avait été préparé
dans les desseins de la divine sagesse comme
une ère de régénération pour la société suc-
combant sous l'etfort de la barbarie. Votre
courage fondé sur la confiance dans la parole
de Jés'us ne recula devant aucun sacrifice.
\'otre vie sur le Siège Apostolique ne fut
qu'un long combat; et pour avoir aimé la jus-
tice et haï l'iniquité, il vous fallut mourir
dans l'exil. Mais en vous s'accomplissait l'ora-
cle du Prophète sur votre Maître divin :
« Parce qu'il a donné sa vie à cause du
« péché , il jouira d'une postérité nom-
« breuse ^ » Une suite glorieuse de trente-
six papes s'avança dans' la voie q^ue votre
sacrifice avait ouverte ; par vous l'Lglise fut
libre, et la force s'inclina devant le droit.
s. Grégoire VII, Pape et Confesseur. 5yi
Après cette période triomphante, la guerre a
été déclarée de nouveau, et elle dure encore.
Les princes se sont insurgés contre la puis-
sance spirituelle; ils ont secoué le joug du
vicaire de Dieu, et ils ont décliné le contrôle
de toute autorité ici-bas. A leur tour les
peuples se sont levés contre un pouvoir qui
ne se rattache plus au ciel par un lien visi-
ble et sacré, et cette double insurrection met
aujourd'hui la société aux abois.
Ce monde est à Jésus-Christ, « le Roi des
« rois, le Seigneur des seigneurs ^ » ; à lui, à
l'Homme-Dieu, « toute puissance a été don-
« née au ciel et sur la terre '- ». Quiconque
s'insurge contre lui, roi ou peuple, sera brisé
comme l'a été le peuple juif qui s'écriait
dans son orgueil : « Nous ne voulons pas que
« celui-là règne sur nous 3 ». Grégoire, priez
Eour ce monde que vous avez sauvé de la
arbarie, et qui est au moment d'y retomber.
Les hommes de ce temps ne parlent que de
liberté ; c'est au nom de cette prétendue
liberté qu'ils ont dissous la société chré-
tienne ; et le seul moyen qui leur reste de
maintenir quelque ordre au sein de tant d'é-
léments ennemis, le seul moyen, c'est la
force. Vous aviez triomphé de la force,
vous aviez rétabli les droits de l'esprit;
par vous la liberté des enfants de Dieu,
la liberté du bien, était reconnue, et elle
régna durant plusieurs siècles. Généreux
Pontife, venez en aide à cette Europe que
votre main ferme préserva autrefois d'une
I. I Tira. VI, i5. — 2. Matth. xxvni, i8. — 3. Luc.
XIX, 14.
^7-
Le Temps Pascal.
ruine imminente. Fléchissez le Christ que les
hommes blasphèment, après l'avoir expulsé
de son domaine, comme s'il ne devait pas y
rentrer triomphant au jour de ses justices.
Implorez sa clémence pour tant de chrétiens
séduits, et entraînés par d'absurdes sophis-
mes, par d'aveugles préjugés, par une éduca-
tion perfide, par des mots sonores et mal
définis, et qui appellent voie du progrès
celle qui les éloigne toujours plus de l'uni-
que but que Dieu s'est proposé en créant
l'homme et l'humanité.
De ce séjour tranquille où vous vous
reposez après tant de combats, jetez, ô Gré-
goire, un regard sur la sainte Eglise qui
poursuit sa marche pénible à travers mille
entraves. Tout est contre elle : les débris
d'anciennes lois inspirées par la réaction de
la force contre l'esprit, les entraînements de
l'orgueil populaire qui poursuit avec achar-
nernent tout ce qui lui semble contraire à
l'égalité des droits, la recrudescence de l'im-
piété qui a compris qu'il faut marcher sur
l'Eglise pour monter jusqu'à Dieu. Au mi-
lieu de cette tempête, le rocher qui porte le
siège immortel sur lequel vous avez tenu, 6
Grégoire, la place de Pierre, est battu par les
flots en furie. Priez pour le vicaire de Dieu.
Comme vous, il a aimé la justice, il a détesté
l'iniquité; et nous craignons de le voir par-
tir aussi pour l'exil. Détournez, ô saint Pon-
tife, le fléau qui pèse sur Rome. « Les secta-
« teurs de Satan, ainsi que l'a annoncé Jean,
« Evangéliste et Prophète, sont rnontés de
«c leurs antres ténébreux à la scirface de la
« terre ; ils ont fait le siège du camp des saints
s. Grégoire VU, Pape et Confesseur. 5y3
« et cje la cité bien-aimée i. » Veillez, ô Gré-
goire, sur cette ville sainte qui fut votre
épouse sur la terre. Déjouez des plans per-
fides, ranimez le zèle des enfants de l'Eglise,
afin que, par leur courage et par leurs lar-
gesses, ils continuent de venir en aide à la
plus sacrée des causes.
Priez, ô Pontife, pour l'ordre épiscopal
dont le Siège Apostolique est la source. For-
tifiez les oints du Seigneur dans la lutte qu'ils
ont à soutenir contre les tendances d'une
société qui a expulsé le Christ de ses lois et
de ses institutions. Qu'ils soient revêtus de la
force d'en haut, fidèles dans la confession de
l'antique doctrine, empressés à prémunir les
fidèles exposés à tant de séductions dans ce
fatal naufrage des vérités et des devoirs.
Dans un temps comme le nôtre, la force de
l'Eglise n'est plus que dans les âmes ; ses
appuis extérieurs ont disparu presque par-
tout. Le divin Esprit, dont la mission est de
soutenir ici-bas l'œuvre du F'ils de Dieu,
l'assistera jusqu'au dernier jour; mais il veut
pour instruments des hommes dégagés des
préoccupations de la vie présente, resignés,
s'il le faut, à l'impopularité, résolus à braver
tout pour proclamer l'immuable enseigne-
ment de la Chaire suprême. Par la miséri-
corde divine, ils sont nombreux aujourd'hui
dans la sainte Eglise, ô Grégoire, les pasteurs
conformes à l'intention de celui que saint
Pierre appelle « le Prince des pasteurs 2 ».
Priez, afin que tous, à votre exemple, aiment
la justice et haïssent l'iniquité, aiment la
I. Apoc. XX, 8. — 2. 1 Petr. y,
Le Temps Pascal.
vérité et haïssent l'erreur; qu'ils ne* crai-
gnent ni l'exil, ni la persécution, ni la mort;
car « le disciple n est pas au-dessus du
maître *. »
LE MÊME JOUR.
SAINT URBAIN, PAPE ET MARTYR.
[ette journée est marquée par le
triomphe de deux saints papes, et le
septième Grégoire, en quittant la
terre, est introduit dans le séjour
céleste par un de ses prédécesseurs : Urbain,
martyr par l'etfusion de son sang; Grégoire,
martyr par les douleurs qu'éprouva sa grande
âme. La cause était la même. Urbain don-
nait sa vie plutôt que de céder à la puis-
sance terrestre qui eût voulu courber toute
âme généreuse devant les idoles des faux
dieux ; Grégoire préféra encourir toutes les
disgrâces de cette vie plutôt que de laisser
la sainte Eglise sous le joug de César. Tous
deux embellissent le cycle pascal de leurs
palmes et de leurs couronnes. Jésus ressus-
cité avait dit à Pierre : « Suis-moi i. » Pierre
suivit son Maître jusqu'à la croix. Héritiers
de Pierre, Urbain et Grégoire se sont atta-
chés à la suite du même chef, et nous saluons
leur commun triomphe, en lequel brille la
force invincible que le triomphateur de la
mort a communiquée dans tous les siècles à
ceux qu'il a choisis pour rendre témoignage
ici-bas à la vérité de sa résurrection.
Voici maintenant le récit que la Liturgie
1. JOHAN. XXI, 19.
S-rf)
Le Temps Pascal.
romaine nous donne sur les œuvres et
mérites du saint pape Urbain.
les
LiRBANL's Romanus,
' Alexandre Severo
imperatore, doctrina et
vitas sanctitate multos ad
Christi fîdem convertit :
in illis Valerianum, bea-
ta; Cœciliœ sponsum, et
Tiburtium Valeriani fra-
trem, qui postea marty-
rium forti animo subie-
runt. Hic de bonis Ec-
clesiœ attributis scripsit
his verbis : Ipsae res fide-
lium, quae Domino offe-
runtur, nor. debent in
alios usus, quam Eccle-
siasticos et Christiano-
rum fratrum, vel indigen-
tium, converti : quia vota
sunt fidelium, et pretia
peccatorum. ac patrimo-
nia pauperum. Sedit an-
nos sex. menses septem,
dies quatuor : ac marty-
rio coronatus, sepultus
est in cœmeterio Prsetex-
tati, octavo calendas ju-
nii, Ordinationibus quin-
que habitis mense de-
cembri, creavit presbytè-
res novem , diaconos
quinque, episcopos per
diversa loca octo.
URBA
ver
RBAIN, ne à Rome, gou-
rna l'Eglise au temps
de l'empereur Alexandre Sé-
vère. Par son enseignement
et la sainteté de sa vie il con-
vertit un grand nombre de
personnes à la foi du Christ,
entre autres Valérien, époux
de la bienheureuse Cécile,
et Tiburce, frère de Valé-
rien. lesquels endurèrent plus
tard le martyre avec un grand
courage. Il a écrit ces paroles
au su)ct des biens qui sont
donnés à l'Eglise : « Les
« choses que les fidèles offrent
« au Seigneur ne doivent
« être employées que pour la
« subsistance des ministres
« de l'Eglise, des chrétiens
« nos frères et de ceux qui
« sont dans le besoin, parce
« que ce sont les oblations
« des fidèles, le prix de la
« rémission de leurs péchés,
M et le patrimoine d«s pau-
» vres. » Il siégea six ans,
sept mois et quatre jours; il
reçut la couronne du martyre,
et fut enseveli dans le cime-
tière de Prétextât, le huit des
calendes de juin. En cinq
ordinations qu'il tint au mois
de décembre, il créa neuf
prêtres, cinq diacres et huit
évêques pour divers lieux.
SAINT Pontife, nous célébrons votre triom-
phe avec une joie augmentée encore par
Saint Urbain^ Pape et Martyr. 5yy
l'anniversaire du départ de votre illustre
successeur pour le séjour où vous l'attendiez
dans la gloire. Du haut du ciel vous aviez
suivi ses combats, et vous aviez reconnu que
son courage n'était pas au-dessous de celui
des martyrs. Lui, sur sa couche funèbre à
Salerne, s'animait à la dernière lutte par la
pensée de votre dernier combat en ce même
jour. O lien merveilleux de l'Eglise triom-
phante et de l'Eglise militante"! 6 sublime
fraternité des saints! ô espérance immortelle
pour nos cœurs ! Jésus ressuscité nous convie
à nous réunir à lui pour l'éternité. Chaque
génération lui envoie ses élus, et ils viennent
tour à tour se grouper au-dessous de ce di-
vin Chef, comme autant de membres qui
forment la plénitude de son corps. Il est
« le premier-né entre les morts », et il nous
fera participer à sa vie, selon que nous au-
rons participé à ses souffrances et à sa mort.
Priez, ô Urbain, afin que le désir de nous
réunir à Jésus qui est « la voie, la vérité et
« la vie », s'enflamme en nous toujours plus.
Rendez-nous supérieurs aux calculs terres-
tres, et donnez-nous de sentir toujours que
tant que nous restons en ce monde, « nous
a sommes exilés du Seigneur ^ ».
I. II Cor. V, 6,
LE TEMPS PASCAL. — T. HI.
^^m^m^Émm^^^^
LE XXVI MAI.
SAINT PHILIPPE NKRI, CONFESSEUR.
\ joie est, ainsi que nous l'avons dit,
le caractère principal du Temps
pascal: joie surnaturelle, motivée
à la fois par le triomphe si éclatant
de notre Emmanuel et par le sentiment de
notre heureuse délivrance des liens de la
mort. Or, ce sentiment de l'allégresse inté-
rieure a régné d'une manière caractéristique
dans le grand serviteur de Dieu que nous
honorons aujourd'hui ; et c'est bien d'un tel
homme, dont le cœur fut toujours dans la
jubilation et dans l'enthousiasme des choses
divines, que l'on peut dire, avec la sainte
Ecriture, « que le cœur du juste est comme
« un festin continuel i ». Un de ses derniers
disciples, l'illustre Père Faber, fidèle aux
doctrines de son maître, enseigne, dans son
beau livre du Progrès spirituel, que la bonne
humeur est l'un des principaux moyens d'a-
vancement dans la perfection chrétienne.
Nous accueillerons donc avec autant d'allé-
gresse que de respect la figure radieuse et
bienveillante de Philippe Néri, l'Apôtre de
Rome et l'un des plus beaux fruits de la fé-
condité de l'Eglise au xvi* siècle.
L'amour de Dieu, un amour ardent, et qui
Saint Philippe Néri, Confesseur. Sjg
se communiquait comme invinciblement à
tous ceux qui l'approchaient, fut le trait par-
ticulier de sa vie. Tous les saints ont aimé
Dieu; car l'amour de Dieu est le premier et
le plus grand commandement; mais la vie
de Philippe réalise ce divin précepte avec une
plénitude, pour ainsi dire, incomparable. Son
existence ne fut qu'un transport d'amour en-
vers le souverain Seigneur de toutes choses;
et sans un miracle de la puissance et de
la bonté de Dieu, cet amour si ardent au
cœur de Philippe eût consumé sa vie avant
le temps. Il était arrivé à la vingt-neuvième
année de son âge, lorsqu'un jour, dans l'Oc-
tave de la Pentecôte, le feu de la divine cha-
rité embrasa son cœur avec une telle impé-
tuosité que deux côtes de sa poitrine éclatè-
rent, laissant au cœur l'espace nécessaire
pour céder désormais sans péril aux trans-
ports qui l'agitaient. Cette fracture ne se ré-
para jamais; la trace en était sensible par
une proéminence visible à tout le monde ;
et grâce à ce soulagement miraculeux, Phi-
lippe put vivre cinquante années encore, en
proie à toutes les ardeurs d'un amour qui
tenait plus du ciel que de la terre.
Ce séraphin dans un corps d'homme fut
comme une réponse vivante aux insultes dont
la prétendue Réforme poursuivait l'Eglise ca-
tholique. Luther et Calvin avaient" appelé
cette sainte Eglise l'intidèle et la prostituée
deBabylone; et voici que cette même Eglise
avait à montrer de tels enfants à ses aniis et
à ses ennemis : une Thérèse en Espagne, un
Philippe Néri dans Rome. Mais le protestan-
tisme s'inquiétait beaucoup de l'affranchis-
5So
Le Temps Pascal.
sèment du joug, et peu de l'amour. Au
nom de la liberté des croyances, il opprima
les faibles partout où il domina, il s'implanta
par la force là même où il était repoussé;
mais il ne revendii^uait pas pour Dieu le droit
3u'il a d'être aimé. Aussi vit-on disparaître
es pays qu'il envahit ce dévouement qui
produit le sacritice à Dieu et au prochain.
Un long intervalle de temps s'est écoulé de-
puis la prétendue Réforme, avant que celle-
ci ait songé qu'il existe encore des inridèles
sur la surface du globe; et si plus tard elle
s'est fastueusement imposé l'œuvre des mis-
sions, on sait assez quels apôtres elle choisit
pour organes de ses étranges sociétés bibli-
ques. C"est donc après trois siècles qu'elle
s'aperçoit que l'Eglise catholique n'a pas
cessé de produire des corporations vouées
aux œuvres de charité. Emue d'une telle dé-
couverte, elle essaie en quelques lieux ses
diaconesses et ses infirmières. Quoi qu'il en
soit du succès d'un effort si tardif, on peut
croire raisonnablement qu'il ne prendra ja-
mais de vastes proportions; et il est permis de
penser que cet esprit de dévouement qui
sommeilla trois siècles durant au cœur du
protestantisme, n'est pas précisément l'es-
sence de son caractère, quand on Ta vu, dans
les contrées qu'il envahit, tarir jusqu'à la
source de l'esprit de sacrifice, en arrêtant avec
violence la pratique des conseils évangéli-
ques qui n'ont leur raison d'être que clans
l'amour de Dieu.
Gloire donc à Philippe Néri, l'un des plus
dignes représentants de la divine charité au
xvi« siècle ! Par son impulsion, Rome et bien-
Saint Philippe Néri, Confesseur. 58 1
tôt la chrétienté reprirent une vie nouvelle
dans la fréquentation des sacrements, dans
les aspirations d'une piété plus fervente. Sa
parole, sa vue même électrisaient le peuple
chrétien dans la cité sainte ; aujourd'hui
encore la trace de ses pas n'est point effacée.
Chaque année, le vingt-six mai, Rome célè-
bre avec transport la" mémoire de son paci-
fique réformateur. Philippe partage avec les
saints Apôtres les honneurs de Patron dans
la ville de saint Pierre. Les travaux sont sus-
pendus, et la population en habits de fête se
presse dans les églises pour honorer le jour
où Philippe naquit au ciel, après avoir sanc-
tifié la terre. Le Pontife romain en personne
se rend en pompe à l'église de Sainte-Marie
in Vallicella, et vient acquitter la dette du
Siège Apostolique envers l'homme qui releva
si haut la dignité et la sainteté de la Mère
commune.
Philippe eut le don des miracles, et tandis
qu'il ne cherchait que l'oubli et le mépris, il
vit s'attacher à lui tout un peuple qui deman-
dait et obtenait par ses prières la guérison
des maux de la vie présente, en même temps
que la réconciliation des âmes avec Dieu.
La mort elle-même obéit à son commande-
ment, témoin ce jeune prince Paul Massimo
que Philippe rappela à la vie, lorsque l'on
s'apprêtait déjà à lui rendre les soins funé-
raires. Au moment où cet adolescent rendait
le dernier soupir, le serviteur de Dieu dont il
avait réclamé l'assistance pour le dernier
passage, célébrait le saint Sacrifice. A son
entrée dans le palais, Philippe rencontre par-
tout l'image du deuil : un père éploré, des
5S2 Le Temps Pascal.
sœurs en larmes, une famille consternée ;
tels sont les objets qui frappent ses regards.
Le jeune homme venait de succomber
après une maladie de soixante-cinq jours,
qu'il avait supportée avec la plus rare
patience. Philippe se jette à genoux, et après
une ardente prière, il impose sa main sur la
tète du défunt et l'appelle à haute voix par
son nom. Paul, réveillé du sommeil de la
mort par cette parole puissante, ouvre les
yeux, et répond avec tendresse : « Mon Père ! »
Puis il ajoute : « Je voudrais seulement me
« confesser. » Les assistants s'éloignent un
moment, et Philippe reste seul avec cette
conquête qu'il vient de faire sur la mort.
Bientôt les parents sont rappelés, et Paul, en
leur présence, s'entretient avec Philippe d'une
mère et d'une sœur qu'il aimait tendrement,
et que le trépas lui a ravies. Durant cette
conversation, le visage du jeune homme,
naguère défiguré par "la fièvre, a repris ses
couleurs et sa grâce d'autrefois. Jamais Paul
n'avait semblé plus plein dévie. Le saint lui
demande alors s'il mourrait volontiers de
nouveau. — « Oh ! oui, très volontiers, répond
« le jeune homme ; car je verrai en paradis
« ma mère et ma sœur. » — « Pars donc,
« répond Philippe ; pars pour le bonheur, et
« prie le Seigneur pour moi. » A ces mots,
le jeune hornme expire de nouveau, et entre
dans les joies de l'éternité, laissant l'assis-
tance saisie de regret et d'admiration.
Tel était cet homme favorisé presque cons-
tamment des visites du Seigneur dans les
ravissements et les extases, âoué de l'esprit
de prophétie, pénétrant d'un regard les cons-
Saint Philippe Néri, Confesseur. 583
ciences, répandant un parfum de vertu qui
attirait les âmes par un charme irrésistible,
La jeunesse romaine de toute condition se
pressait autour de lui. Aux uns il faisait évi-
ter les écueils ; aux autres il tendait la main
dans le naufrage. Les pauvres, les malades,
étaient à toute heure l'objet de sa sollicitude.
Il se multipliait dans Rome, employant tou-
tes les formes du zèle, et ayant laissé après
lui une impulsion pour les bonnes œuvres qui
ne s'est pas ralentie.
Philippe avait senti que la conservation
des mœurs chrétiennes dépendait principa-
lement d'une heureuse dispensation de la
parole de Dieu, et nul ne se montra plus
empressé à procurer aux fidèles des apôtres
capables de les attirer par une prédication so-
lide et attrayante. Il fonda sous le nom d'Ora-
toire une institution qui dure encore, et dont le
but est de ranimer et de maintenir la piété
dans les populations. Cetteinstitution, qu'il ne
faut pas confondre avec l'Oratoire de France,
a pour but d'utiliser le zèle et les talents des
prêtres que la vocation divine n'appelle pas
à la vie du cloître, et qui, en associant leurs
efforts, arrivent cependant à produire d'abon-
dants fruits de sanctification.
En fondant l'Oratoire sans lier les mem-
bres de cette association par les vœux de la
religion, Philippe s'accommodait au genre de
vocation que ceux-ci avaient reçu du ciel, et
leur assurait du moins les avantages d'une
règle commune, avec le secours de l'exemple
si "puissant pour soutenir l'âme dans le ser-
vice de Dieu et dans la pratique des œuvres
du zèle. Mais le saint apôtre était trop atta-
584 J^e Temps Pascal.
ché à la foi de l'Eglise pour ne pas estimer
la vie religieuse comme l'état de la perfec-
tion. Durant toute sa longue carrière, il ne
cessa de diriger vers le cloître les âmes qui
lui semblcrent appelées à la profession des
vœux. Par lui les divers ordres religieux se
recrutèrent d'un nombre immense de sujets
qu'il avait discernés et éprouvés : en sorte
que saint Ignace de Loyola, ami intime de
Philippe et" son admirateur, le comparait
agréablement à la cloche qui convoque les
fidèles à l'Eglise, bien qu'elle n'y entre pas
elle-même.
La crise terrible qui agita la chrétienté au
XVI* siècle, et enleva à l'Eglise catholique un
si grand nombre de ses provinces, affecta
doiTloureusement Philippe durant toute sa
longue vie. Il souffrait cruellement de voir
tant de peuples aller s'engloutir les uns après
les autres dans le gouffre de l'hérésie. Les
efforts tentés par le zèle pour reconquérir
les âmes séduites par la prétendue Réforme
faisaient battre son cœur, en même temps
qu'il suivait d'un œil attentif les manœuvres
à l'aide desquelles le protestantisme travail-
lait à maintenir son influence. Les Centuries
de Magdebourg, vaste compilation historique
destinée à donner le change aux lecteurs, en
leur persuadant, à l'aide de passages falsifiés,
de faits dénaturés et souvent même inventés,
que l'Eglise Romaine avait abandonné l'anti-
que croyance et substitué la superstition aux
pratiques primitives; cet ouvrage sembla à
Philippe d'une si dangereuse portée, qu'un
travail supérieur en érudition, puisé aux
véritables sources, pouvait seul assurer le
Saint Philippe Néri, Confesseur. 585
triomphe de l'Eglise catholique. Il avait
deviné le génie de César Baronius, l'un de ses
compagnons à l'Oratoire. Prenant en main
la cause de la foi, il commanda à ce savant
homme d'entrer tout aussitôt dans la lice, et
de poursuivre l'ennemi de la vraie foi en s'é-
tablissant sur le terrain de l'histoire. Les
Annales ecclésiastiques furent le fruit de cette
grande pensée de Philippe; et Baronius lui-
même en rend le plus touchant témoignage
en tête de son huitième livre. Trois siècles
se sont écoulés sur ce grand œuvre. Avec les
moyens de la science dont nous disposons
aujourd'hui il est aisé d'en signaler les imper-
fections ; mais jamais l'histoire de l'Eglise
n'a été racontée avec une dignité, une élo-
quence et une impartialité supérieures à
celles qui régnent dans ce noble et savant
récit dont le parcours est de douze siècles.
L'hérésie sentit le coup ; l'érudition malsaine
et infidèle des Centuriateurs s'éclipsa en pré-
sence de cette narration loyale des faits, et
Ton peut affirmer que le flot montant du
protestantisme s'arrêta devant les Annales
de Baronius, dans lesquelles l'Eglise appa-
raissait enfin telle qu'elle a été toujours, « la
colonne et l'appui de la vérité ^ » La sain-
teté de Philippe et le génie de Baronius
avaient décidé la victoire ; de nombreux
retours à la foi romaine vinrent consoler les
catholiques si tristement décimés; et si de
nos jours d'innombrables abjurations annon-
cent la ruine prochaine du protestantisme,
il est juste de l'attribuer en grande partie au
I. I Tim. ni, i5.
succès de la méthode historique inaugurée
dans les Annales.
Mais il est temps de lire le récit liturgique
des vertus et des saintes œuvres de l'apôtre
de Rome au xvi^ siècle.
Philippus Nerius piis
* honestisque parenli-
ubs Florentiae natus, ab
ipsa ineunte œtate non
obscura dédit futurae
sanctitatis indicia. Ado-
lescens ampla patrui he-
reditate dimissa, Romam
se contulit ; ubi philoso-
phia ac sacris litteris eru-
ditus, totum se Christo
dicavit. Ea fuit absti-
nentia, ut sœpe jejunus
triduum pcrmanserit.
Vigiliis et orationibus
intentus, septem Urbis
Ecclesias fréquenter visi-
tans, apud Cœmeterium
Callisti in cœlestium re-
rum contemplatione per-
noctare consuevit. Sacer-
dos ex obedientra factus.
in animarum salute pro-
curanda totus fuit, et in
confessionibus audiendis
ad extremum usque diem
perseverans. innumeros
pêne filios Christo pepe-
rit ; quos verbi Dei quo-
tidiano pabulo, Sacra-
m e n t o r u m frequentia,
G r a t i o n i s assiduitate,
aliisque piis exercita-
tionibus enutriri cupiens,
P HILIPPE Néri naquit à
Florence de parents bon
nétes et pieux, et dès son en-
fance il donna des marques
visibles de sa future sainteté.
Arrivé à l'adolescence, il
abandonna une riche succes-
sion qui lui venait d'un oncle
paternel, et se rendit à Romo
où il étudia la philosophie et
la théologie, et se consacra
entièrement à Jésus-Christ.
Son abstinence était telle,
que souvent il passait jusqu'à
trois jours sans nourriture
Adonné à la veille et à la
prière, il visitait fréquem-
ment les sept Eglises de
Rome, et il avait coutume de
passer la nuit au Cimetière
de Callixte dans la contem-
plation des choses célestes.
Ayant reçu par obéissance le
sacerdoce, il s'appliqua tout
erM'er au service des âmes,
e; continua jusqu'au dernier
jour de sa vie d'entendre les
confessions. Il donna à .Tésus-
Christ un nombre d'enfants
presque innombrable ; et afin
de les soutenir par la nour-
riture quotidienne de la pa-
role de Dieu, la fréquenta-
tion des sacrements, l'assi-
Saint Philippe Néri, Confesseur. 58y
duilé à l'oraison, et par
d'autres exercices de piété, i!
institua la congrégation de
l'Oratoire.
L'amour de Dieu dont il
portait la blessure le jetait
dans une continuelle lan-
gueur, et l'ardeur qui l'em-
brasait était si grande, que
son cœur se trouvant trop
resserré dans les bornes na-
turelles, le Seigneur lui élar-
git miraculeusement la poi-
trine parla rupture et l'élé-
vation de deux côtes. Quel-
quefois Philippe, célébrant
la Messe, ou priant avec une
plus grande ferveur, était
élevé de terre, et paraissait
tout environné d'une lumière
éclatante. Il rendait aux pau-
vres et à ceux qui étaient dans
quelque besoin tous les soins
que peut inspirer la charité,
et il mérita qu'un ange vînt
recevoir de lui l'aumône sous
la figure d'un mendiant. Une
autre fois, comme il portait
du pain la nuit aux indigents,
étant tombé dans une fosse,
le secours d'un autre ange
l'en fit sortir sain et sauf.
Voué à l'humilité, il eut tou-
jours le plus grand éloigne-
ment pour les honneurs, et
refusa plus d'une fois les
premières dignités de l'Eglise
qui lui étaient offertes.
RENDU illustre par le don de
prophétie, il fut remar-
Oratorii congregationem
instituit.
r^ HARiTATE Dei vulnc-
^— ' ratus languebat ju-
giter : tantoque cor ejus
œstuabat ardore, ut cum
intra fines suos contineri
non posset, illius sinuni,
confractis atque elatis
duabus costulis, mirabi-
Hter Dominus amplia-
verit. Sacrum vero fa-
ciens , aut ferventius
orans, in aéra quandoque
sublatus, mira undique
luce fulgere visus fuit.
Egenos et pauperes omni
charitatis officio prose-
quebatur : dignus qui et
augelo, in specie paupe-
ris eleemosynam eroga-
ret, et dum egentibus
noctu panem deferret, in
foveam lapsus, inde pa-
riter ab angelo incolu-
mis eriperetur. Humili-
tati addictus ab honori-
bus semper abhorruit ,
atque ecclesiasticas di-
gnitates, etiam prima-
rias, non semel ultro de-
latas constantissime re-
ciisavit.
PROPHEl
illustr
ETIVE donc fuit
et in ani-
588
Le Temps Pascal.
morum sensibus pene-
trandis mirifice enituit.
Virginitateni perpétue
illibatam servavit : id-
qiic assccutus est, ut eos
qui puritatem colerent,
ex odore ; qui vero secus,
ex fœtore dignoscerot.
Absentibus interdutn ap-
paruit, iisque pereclitan-
tibus opem tulit. iEgro-
tos plurimos, et morti
proximos sanitati resti-
tuit. Mortuum quoque
ad vitam revocavit. Cœ-
lestium spirituum , et
ipsius Deiparaî Virginis,
fréquenter fuit appari-
tione dignatus, ac pluri-
morum animas splendore
circumfusas ia cœlum
conscondere vidit. Deni-
que anno salutis millesi-
mo quingentcsimo nona-
gesimo quinto, octavo
calendas junias, in quem
diem inciderat festum
Corporis Christi, Sacro
maxirua spiritus cxsulta-
tioae peracto, caeterisque
functionibus expletis ,
post mediam noctem,
qua praedixerat hora, oc-
togenarius obdormivit in
Domino. Quem Grego-
rius Decimus quintus
miraculis clarum in
Sanctorum numerum re-
tulit.
quable aussi par la périctra-
tion des pensées les plus se-
crètes. Il garda toute sa vie
la plus entière virginité, et
il avait reçu le don de distin-
guer à la bonne ou à la mau-
vaise odeur ceux qui étaient
chastes et ceux qui ne l'étaient
pas. Il apparaissait quelque-
fois à des personnes éloignées
du lieu où il se trouvait, et
les secourait dans le danger.
Il rétablit en santé un grand
nombre de malades, et même
des moribonds. Il rappela un
mort à la vie. Honoré sou-
vent de l'apparition des es-
prits célestes et même de la
Vierge Mère de Dieu, il vit
les âmes de plusieurs per-
sonnes monter au ciel bril-
lantes de lumière. Enfin l'an
du salut mil cinq cent quatre-
vingt-quinze, le huit des
calendes de juin, jour auquel
tombait la fête du Saint-Sa-
crement, après avoir célébré
leSacrifice dans les transports
d'une pieuse joie, et avoir
exercé les autres fonctions
ordinaires, il s'endormit dans
le Seigneur âgé de quatre-
vingts ans, un peu après mi-
nuit, à l'heure même qu'il
avait prédite. Après sa mort
il éclata encore par ses mi-
racles, et fut mis au nombre
des Saints par Grégoire XV,
rous avez aimé le Seigneur Jésus, ô Phi-
lippe, et votre vie tout entière n'a été
Saint Philippe Néi-i, Confesseur. 58g
qu'un acte continu d'amour ; mais vous n'a-
vez pas voulu jouir seul du souverain bien.
Tous vos efforts ont tendu à le faire connaî-
tre de tous les hommes, afin que tous l'ai-
massent avec vous, et parvinssent à leur tin
suprême. Durant quarante années, vous fûtes
l'apôtre infatigable de la ville sainte, et nul
ne pouvait se soustraire à l'action du feu
divin qui brûlait en vous. Nous qui sommes
la postérité de ceux qui entendirent votre
parole et admirèrent les dons célestes qui
étaient en vous, nous osons vous prier de
jeter aussi les regards sur nous. Enseignez-
nous à aimer notre Jésus ressuscité. 11 ne
nous suffit pas de l'adorer et de nous réjouir
de son triomphe; il nous faut l'aimer; car la
suite de ses mystères depuis son incarnation
jusqu'à sa résurrection, n'a d'autre but que
de nous révéler, dans une lumière toujours
croissante, ses divines amabilités. C'est en
l'aimant toujours plus que nous parviendrons
à nous élever jusqu'au mystère de sa résur-
rection, qui achève de nous révéler toutes les
richesses de son cœur. Plus il s'élève dans
la vie nouvelle qu'il a prise en sortant du
tombeau, plus il apparaît rempli d'amour
pour nous, plus il sollicite notre cœur de
s'attacher à lui. Priez, ô Philippe, et deman-
dez que « notre cœur et notre chair tressail-
« lent pour le Dieu vivant K » Après le mys-
tère de la Pâque, introduisez-nous dans celui
de l'Ascension ; disposez nos âmes à recevoir
le divin Esprit de la Pentecôte ; et lorsque
l'auguste mystère de l'Eucharistie brillera à
I. Psalm. Lxxxiii,
5(^0 Le Temps Pascal.
nos regards de tous ses feux dans la solen-
nité qui approche , vous, ô Philippe , qui
l'ayant fcie une dernière fois ici-bas, êtes
monté à la fin de la journée au séjour éter-
nel où Jésus se montre sans voiles, prépa-
rez nos âmes à recevoir et à goûter « ce
« pain vivant qui donne la vie au monde ■ ».
La sainteté qui éclata en vous, 6 Philippe,
eut pour caractère Tel an de votre âme vers
Dieu, et tous ceux qui vous approchaient
participaient bientôt à cette disposition, qui
seule peut répondre à l'appel du divin rédemp-
teur. Vous saviez vous emparer des âmes, et
les conduire à la perfection par la voie de
la confiance et la générosité du cœur. Dans
ce grand œuvre votre méthode fut de n'en
pas avoir, imitant les Apôtres et les anciens
Pères, et vous confiant dans la vertu propre
de la parole de Dieu. Par vous la fréquenta-
tion fervente des sacrements reparut comme
le plus sûr indice de la vie chrétienne. Priez
pour le peuple fidèle, et venez au secours de
tant d'âmes qui s'agitent et s'épuisent dans
des voies que la main de l'homme a tracées,
et qui trop souvent retardent ou empêchent
l'union intime du créateur et de la créa-
ture.
Vous avez aimé ardemment l'Eglise, 6 Phi-
lippe ; et cet amour de l'Eglise est le signe
indispensable de la sainteté. Votre contem-
plation si élevée ne vous distrayait pas du
sort douloureux de cette sainte Epouse du
Christ, si éprouvée dans le siècle qui vous
vit naître et mourir. Les efforts de l'hérésie
I. JOHAN. VI, 33.
Saint Philippe Néri, Confesseur. Sgi
triomphante en tant de pays stimulaient le
zèle dans votre cœur : obtenez-nous de l'Es-
prit Saint cette vive sympathie pour la vérité
catholique qui nous rendra sensibles à ses
défaites et à ses victoires. Il ne nous suffit pas
de sauver nos âmes ; nous devons désirer avec
ardeur et aider de tous nos moyens Tavance-
mentdu règne de Dieu sur la terre, l'extirpa-
tion de l'hérésie et l'exaltation de notre mère
la sainte Eglise : c'est à cette condition que
nous sommes enfants de Dieu. Inspirez-nous
par vos exemples, 6 Philippe, cette ardeur
avec laquelle nous devons nous associer en
tout aux intérêts sacrés de la Mère commune.
Priez aussi pour cette Eglise militante qui
vous a compté dans ses rangs comme un de
ses meilleurs soldats. Servez vaillamment la
cause de cette Rome qui se fait honneur de
vous être redevable de tant de services. Vous
l'avez sanctifiée durant votre vie mortelle ;
sanctifiez-la encore et défendez-la du haut
du ciel.
LE MÊME JOUR.
^AINT ELFL'THÈRF. PAPE f.tMARTYP
A journée est encore embellie par la
mémoire d'un de ces premiers pon-
tifes qui, comme Urbain, ont été
les fondements de la sainte Eglise
à l'âge des tempêtes. Eleuthère monta sur le
Siège Apostolique au milieu de la tourmente
excitée par la persécution de Marc-Aurèle et
de Commode. Il vit arriver à Rome la léga-
tion que lui envoyaient les martyrs de TE-
glise de Lyon, et qui avait à sa tê'te le grand
ïrénée. Cette illustre Eglise, couronnée à ce
moment des palmes les plus glorieuses, venait
les offrir à la nouvelle Rome en qui elle
reconnaissait la « puissante principauté » qu'a
célébrée le même saint ïrénée, dans ses
livres Contre les Hérésies.
La paix ne tarda pas à être rendue à l'E-
glise, et le reste du pontificat d'Eleuthère
s'écoula dans le calme et la tranquillité. Au
sein de cette paix, avec son nom qui exprime
la Liberté^ ce pontife est une image de notre
divin ressuscité, dont le Psalmiste nous dit
qu'il est « libre entre les morts i ».
L'Eglise honore saint Eleuthère comme mar-
tyr, avecles autrespapes qui ont siégé avant la
paix de Constantin, et qui presqiie tous ont
versé leur sang dans les persécutions des trois
Saint Éleiithère, Pape et Martyr. 5g3
f)remiers siècles. Associés à toutes les souf-
rances de l'Eglise, gouvernant la chrétienté
à travers mille périls, ne goûtant la paix que
dans de rares et courts intervalles, cette suite
de trente-trois pontifes a droit d'être consi-
dérée comme une série de martyrs.
Une gloire particulière pour Eleuthère est
d'avoir été l'apôtre de la grande île britan-
nique qui est devenue plus tard l'Angleterre.
Les Romains avaient colonisé dans cette île,
cfui n'était plus comme auparavant séparée
du reste du monde. La divine Providence choi-
sit les années de paix du pontificat d'Eleu-
thère pour aggréger à l'Eglise les prémices
delà race bretonne. Plus tard, l'île évangé-
lisée ainsi dès le second siècle par les soins
de notre saint pape deviendra l'Ile des saints,
et dans deux jours ses gloires chrétiennes
resplendiront une seconde fois sur le cycle.
ELEUTHÈRE, né à Nicopo-
lis en Grèce, fut d'abord
diacre du pape Anicet, et
gouverna ensuite l'Eglise
sous l'empire de Commode.
Au commencement de son
pontificat, il reçut des let-
tres de Lucius, roi des Bre-
tons, qui le suppliait de l'ad-
ûiettre ainsi que ses sujets au
nombre des chrétiens. Eleu-
thère envoya donc dans la
Grande-Bretagne Fugacius
et Damien, personnages doc-
tes et pieux, pour enseigner
la foi à ce prince et à sa na-
tion. Ce fut aussi sous son
pontificat que saint Irénée,
disciple de saint Polycarpe,
ELEUTHERIUS, Nicopoiî
in Grascia natus ,
Aniceti Pontificis Dia-
conus, Commodo impe-
ratore, prasfuit Ecclesias.
Huic initio Pontificatus
supplices litterœ vene-
runt a Lucio, Britanno-
rum rege, ut se ac suos
in Christianorura nume-
rum reciperet. Quamob-
rem Fugatium et Da-
mianum, doctos et pios
viros misit in Britan-
niam, per quos rex et re-
liqui fidem susciperent.
Hoc Pontifice Irenaeus,
Polycarpi d i s c i p u I u s,
Romam veniens, ab eo
LE TEMPS PASCAL. — T. III.
5g4
Le Temps Pascal.
bénigne acceptas est.
Quo tempore surama pa-
ce et quiète frucbatur
Ecclesia Dei : ac per to-
tum orbem terrarum ,
maxime Romae, fides pro-
pagabatur. Vixit Eleu-
therius in Pontificatu an-
nos quindecim, dies vi-
ginti très. Fecit Ordina-
tiones très mense decem-
bri, quibus creavit pres-
bytères duodecim, dia-
conos octo, episcopos
per diversa loca quinde-
cim : sepultusque est in
Vaticano prope corpus
sancti Pétri.
vint à Rome, où il fut ac-
cueilli avec une grande cor-
dialité. L'Eglise jouit d'une
grande paix et d'un profond
repos sous Eleuthére, et la
foi faisait de grands progrés
dans le monde entier, princi-
palement à Rome. Il exerça
le pontificat quinze ans et
vingt-trois jours, et fit trois
ordinations au mois de dé-
cembre, dans lesquelles il
créa douze prêtres, huit dia-
cres et quinze évèques pour
divers lieux. Il fut enseveli
au Vatican près du corps de
saint Pierre.
VOTRE nom, ô Eleuthère, est le nom du
chrétien ressuscité avec Jésus-Christ. La
Pâque nous a tous délivrés, tous affranchis,
rendus tous libres. Priez donc, afin que nous
conservions toujours cette « glorieuse liberté
« des enfants de Dieu », que recommande
l'Apôtre 1. Par elle nous sommes retirés des
liens du péché qui nous livrait à la mort, de
la servitude de Satan qui nous entraînait
loin de notre fin, de la tyrannie du monde
qui nous égarait par ses maximes charnelles.
La vie nouvelle que nous a donnée la Pâque
est toute du ciel où le Christ nous attend dans
sa gloire; nous ne pourrions la perdre que
pour être esclaves de nouveau. Saint Pontife,
obtenez que la Pâque, à son retour en l'année
qui suivra, nous retrouve dans cette heureuse
I. Rom. VIII, 21.
Sahit Éîeuthére, Pape et Martyr. 5g5
liberté qui est le fruit de notre délivrance par
le Christ \
Il est une autre liberté que vante le monde,
et pour la conquête de laquelle il arme les
hommes les uns contre les autres. Elle con-
siste à fuir, comme on fuirait un crime, toute
sujétion et toute dépendance, à ne s'incliner
devant aucune autorité qu'on ne l'ait créée
soi-même, pour ne durer qu'autant qu'il nous
plaira. Délivrez-nous, saint Pontife, de tout
attrait pour cette prétendue liberté si con-
traire à la soumission chrétienne, et qui n'est
que le triomphe de l'orgueil humain. Dans
sa frénésie, elle verse des torrents de sang ;
enivrée de ce qu'elle appelle fastueusement
les droits de l'homme, elle substitue l'égoïsme
au devoir. Pour elle la vérité n'est plus, car
elle va jusqu'à reconnaître des droits à l'er-
reur ; pour elle le bien n'est plus, car elle a
abdiqué tout droit d'enchaîner le mal: tant
elle est devenue esclave du principe sauvage
de l'indépendance. Elle détrône Dieu autant
qu'il lui est possible, en refusant de le recon-
naître dans les dépositaires de l'autorité so-
ciale, et jette l'homme sans défense sous le
joug de la force brutale, l'écrasant sous le
poids de ce qu'elle appelle les majorités, et
sous la pression monstrueuse des faits ac-
complis. Non, telle n'est pas, 6 Eleuthère,
la liberté à lacjuelle nous a conviés le
Christ, notre libérateur. « Soyez comme des
« hommes libres », nous dit Pierre votre
prédécesseur, « et ne soyez pas de ceux qui,
I. Gai. IV, 3i.
5g6
Le Temps Pascal.
« sous un voile trompeur, sont les sectateurs
« de la liberté du mal i. »
Demeurez toujours, 6 saint Pontife, le père
de la société humaine dont vous fûtes le
chef ici-bas. Durant votre règne pacitique,
vous avez siégé près des Césars dans la ville
aux sept coUmes. La pourpre et le diadème
étaient portés par d'autres; mais votre nom
n'était pas ignoré dans le monde. Tandis que
le pouvoir matériel tenait la hache suspen-
due sur votre tête, d'innombrables fidèles se
dirigeaient vers Rome pour vénérer la tombe
de Pierre et rendre hommage à son suc-
cesseur. Vous vîtes arriver un jour l'ambas-
sade d'un roi barbare. Cette légation ne se
dirigeait pas vers le palais des Césars; elle
s'arrêtait à la porte de votre humble demeure.
Un peuple était appelé par la grâce divine à
recevoir la bonne nouvelle, à entrer dans la
famille chrétienne. Les destinées de ce peu-
ple que vous avez évangélisé le premier de-
vaient être grandes dans l'Eglise. L'île des
Bretons est fille de l'Eglise Romaine; et c'est
en vain qu'elle voudrait effacer cette noble
origine. Prenez ses maux en pitié, ô vous qui
fûtes son premier apôtre ; aidez les efforts qui
sont faits de toutes parts pour la rendre à
l'unité. Souvenez- vous de la foi de Lucius et
de son peuple, et montrez votre paternelle
sollicitude en faveur d'un pays que vous avez
enfanté à la foi.
I. I Petr. II, i6.
Kj«
yyyyyyyyyyyyyyyyy
LE XXVII MAI.
SAINT BEDE LE VHNÉRABLE.
CONFESSEUR ET DOCTEUR DE l'ÉGLISE-
A bénédiction que le Seigneur donnait
à la terre en s'élevant au ciel atteint
les plus lointaines frontières de la
gentilité. Trois jours de suite, le Cy-
cle nous montre les grâces qu'elle annonçait
concentrant sur rextr'éme Occidentleurs éner-
gies : c'est le fleuve de Dieu i, dont les eaux
débordées se font plus impétueuses à la li«
mite qu'elles ne dépasseront pas.
Hier, l'expédition évangélique que le roi
Lucius avait sollicitée du Pontife Eleuthère
quittait Rome pour la future Ile des Saints.
Demain, dans la terre des Bretons devenue
celle des Angles, elle sera suivie par le chef
du second apostolat, Augustin, l'envoyé de
Grégoire le Grand. Aujourd'hui, impatiente
de justifier ces céleste« prodigalités, Albion
produit devant les hommes son illustre fils,
Bède le Vénérable, l'humble et doux moine
dont la vie se passe à louer Dieu, à le cher-
cher dans la nature et dans l'histoire, mais
plus encore dans l'Ecriture étudiée avec
amour, approfondie à la lumière des plus
sûres traditions. Lui qui toujours écouta les
anciens prend place aujourd'hui parmi ses
maîtres, devenu lui-même Père et Docteur de
5g8 Le Temps Pascal.
l'Eglise de Dieu. Entendons-le, dans ses der-
nières années, résumer sa vie :
(( Prêtre du monastère des bienheureux
Pierre et Paul, Apôtres, je naquis sur leur
territoire et je n'ai point cessé , depuis ma
septième année, d'habiter leur maison, obser-
vant la règle, chantant chaque jour en leur
église, faisant mes délices d'apprendre, d'en-
seigner ou d'écrire. Depuis que j'eus reçu la
prêtrise,j"annotai pour mes frères et pour moi
la sainte Ecriture en quelques ouvrages, m'ai-
dant des expressions dont se servirent nos
Pères vénérés, ou m'attachant à leur manière
d'interprétation. Et maintenant, bon Jésus ,
je vous le demande : vous qui m'avez misé-
ricordieusement donné de m'abreuver à la
douceur de votre parole, donnez-moi béni-
gnement d'arriver à la source, ô fontaine de
sagesse, et de vous voir toujours i »>.
La touchante mort du serviteur de Dieu ne
devait pas être la moins précieuse des leçons
qu'il laisserait aux siens. Les cinquante
jours de la maladie qui l'enleva de ce monde
s'étaient passés comme toute sa vie à chanter
des psaumes ou à enseigner. Comme on
approchait de l'Ascension du Seigneur, il
redisait avec des larmes de joie l'Antienne
de la fête : « O Roi de gloire qui êtes monté
triomphant par delà tous les cieux, ne nous
laissez pas orphelins, mais envoyez-nous l'Es-
prit de vérité selon la promesse du Père. » A
ses élèves en pleurs il disait, reprenant la
parole de saint Ambroise ; « Je n'ai pas vécu
de telle sorte que j'eusse à rougir de vivre
I. Bed. Hist. eccl. Cap. uhimum.
Saint Bède le Vénérable. 5gg
avec vous ; mais je ne crains pas non plus de
mourir, car nous avons un bon Maître. » Puis
revenant à sa traduction de l'Evangile de
saint Jean et à un travail qu'il avait entrepris
sur saint Isidore : « Je ne veux pas aue mes
disciples après ma mort s'attardent à des faus-
setés et que leurs études soient sans fruit. «
Le mardi avant l'Ascension, l'oppression du
malade augmenta, 'et les symptômes d'un
dénouement prochain se montrèrent. Plein
d'allégresse, il dicta durant toute cette jour-
née, et passa la nuit en actions de grâces.
L'aube du mercredi le retrouvait pressant le
travail de ses disciples. A l'heure de Tierce,
ils le quittèrent pour se rendre à la proces-
sion qu'on avait dès lors coutume de faire
en ce jour avec les reliques des Saints.
Resté près de lui: « Bien-aimé Maître, dit l'un
d'eux, un enfant, il n'y a plus à dicter qu'un
chapitre ; en aurez-vous la force ? — C'est
facile, répond souriant le doux Père :
E rends ta plume, taille-la, et puis écris ; mais
âte-toi. » A l'heure de None, il manda les
prêtres du monastère, et leur fit de petits
présents, implorant leur souvenir à l'autel
du Seigneur. Tous pleuraient. Lui, plein de
joie, disait : « il est temps, s'il plaît à mon
Créateur, que je retourne à Celui qui m'a
fait de rien quand je n'étais pas ; mon doux
Juge a bien ordonné ma vie ; et voici qu'ap-
proche maintenant pour moi la dissolution;
le la désire pour être avec le Christ : oui,
mon âme désire voir mon Roi, le Christ, en
sa beauté. »
Ce ne furent de sa part jusqu'au soir
qu'effusions semblables, jusqu'à ce dialogue
6oo
f.e Temps Pascal.
plus touchant que tout le reste avec Wibert,
l'enfant mentionné plus haut : « Maître chéri,
il reste encore une phrase. — Ecris-la vite. »
Et après un moment : « C'est fini, dit l'enfant.
— Tu dis vrai, répartit le bienheureux: c'est
fini ; prends ma tête dans tes mains et sou-
tiens-la du côté de l'oratoire, parce que ce
m'est une grande joie de me voir en face du
lieu saint où j'ai tant prié. » Et du pavé de sa
cellule où on l'avait déposé, il entonna : Gloire
au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit; quand
il eut nommé l'Esprit-Saint, il rendit l'âme i.
Lisons la vie du saint moine dans le livre
de l'Eglise.
BEDA presbyter Girvi,
in Britanniœ et Sco-
tiœ finibus ortus, sep-
tennis sancto Benedicto
Biscopio abbati Wire-
muthensi educandus tra-
ditur. Monachus deinde
factus, vitam sic insti-
tuit, ut dum se artium
et doctrinarum studiis
totum impenderet, ni-
hil unquam de rcmula-
ri disciplina remittcret.
Nullum fuit doctrinœ
chenus, in quo non esset
diligentissime versatus ;
sed prascipua illi cura
divinarum Scripturarum
mcditatio, quarum scn-
tentiam ut plenius asse-
queretur, graeci hebrai-
cique sermonis notitiam
LE prêtre Bède naquit à
Yarrow, aux confins de
la Grande-Bretagne et de
l'Ecosse ; âgé de sept ans,
son éducation fut confiée à
saint Benoît Biscop, Abbé
de Wearmouth. Devenu
moine, il ordbnna de telle
sorte sa vie, que se livrant
tout entier à l'étude des arts
et des sciences, il n'omit
jamais rien toutefois des
observances de la discipli-
ne régulière. Excellemment
versé en tous les genres de
connaissances, la méditation
des divines Ecritures fixa
néanmoins ses préférences ;
et pour les mieux compren-
dre, il se rendit maître de la
langue grecque et de l'hé-
braïque. Ordonné prêtre en
Saint Bède le Vénérable.
60 T
sa trentième année par l'or-
dre de son Abbé, ce fut à la
sollicitation d'Acca, évêque
d' Hexham , qu'il entreprit
alors d'expliquer les saints
Livres ; il ne le fit qu'en
suivant d'aussi près que pos-
sible la doctrine des saints
Pères, n'avançant rien qu'ils
n'eussent eux-mêmes ensei-
gné, et pour ainsi dire repro-
duisant leur langaÊfe. Enne-
mi constant de l'oisiveté, il
ne quittait l'étude que pour
la prière, et revenait pareil-
lement de la prière à l'étude ;
son cœur s'y embrasait au
point que souvent, ensei-
gnant ou lisant, il fondait
en larmes. Ne voulant point
être distrait par le souci des
choses qui passent, il re-
fusa constamment la charge
d'Abbé.
BIENTOT une telle répu-
tation de piété et de
science s'attachait à s 09
nom, que le Pape saint Ser-
gius eut la pensée de l'appe-
ler à Rome pour y travail-
ler à la solution d épineuses
difficultés qui s'étaient éle-
vées dans l'Eglise. Il écrivit
beaucoup d'ouvrages pour
réformer les mœurs des fi-
dèles, pour soutenir et dé-
fendre la foi. Grande fut l'es-
time universelle qu'il s'ac-
quit ainsi : saint Boniface,
evêque et martyr, le procla-
est adeptus. Triccsimo
atatis anno, abbatîs sui
jussu sacerdos initiatus,
statim , suasore Acca
Hagulstadensi episcopo,
sacros explanare libres
aggressus est : in quo
eanctorum Patrum doc-
trinîs adeo inhaesit, ut
nihil proferret nisi illo-
rum judicio comproba-
tum , eorumdem etiam
fere verbis usus. Otium
perosus semper, ex Icc-
tione ad orationem tran-
sibat ac vicissim ex ora-
tione ad lectionem : in
qua adeo animo inllam-
mabatur, ut srcpe inter
legendum et docendum
lacrymis perfunderetur.
Ne autem rerumfluxarum
curis distraheretur, dela-
tum abbatis munus con-
stantissime detrectavit.
SciENTi.E ac pietatis
laude Bedœ nomen
sic brevi claruit, ut sanc-
tus Sergius Papa de eo
Romam arcessendo cogi-
taverit ; quo difficilli-
mis scilicet, quae de ré-
bus sacris exortœ erant,
quasstionibus definiendis
conferret operam. Emen-
dandis fîdelium mori-
bus, fidei vindicandse
atque adserendae libres
plures conscripsit : qui-
bus tantam sui apud
omncs opinionem fecit,
602
Le Temps Pascal.
ut illum sanctus Bonifa-
cius episcopus et martyr
Ecclesiae lumen praedi-
caverit, Lanfrancus An-
(;lorum doctorem , Con-
c i 1 i u m Aquisgranense
doctorem admirabilem
dixerit.Quin ejus scripta
eo adhuc vivente, publi-
ée in Ecclesiis legeban-
tur. Quod cum fieret,
quoniam ipsum sanctum
minime appellare lice-
ret , venerabilis titulo
cfferebant : qui deinde
veluti proprius sequutis
etiam temporibus sem-
per habitus est. Ejus au-
tem doctrinae eo vis effi-
cacior erat, quod vitœ
sanctimonia religiosis-
quc virtutibus confirma-
batur. Quamobrem dis-
cipulos, quos multos e
mait la lumière de l'Eglise ;
Lanfranc lui donnait le ti-
tre de docteur des Anglais,
le Concile d'Aix-la-Chapelle
celui de docteur admirable.
11 arriva que, de son vivant
même, on lut publiquement
ses écrits dans les Eglises,
et comme alors on ne pou-
vait lui attribuer le titre de
saint, on lui donnait celui
de vénérable qui lui resta
toujours depuis. Son ensei-
gnement était d'autant plus
efficace, qu'il était soutenu
de la sainteté de la vie et
des vertus religieuses. Aussi
ses disciples , qui furent
nombreux et remarquables,
devinrent-ils, grâce à son
zèle et à son exemple, non
moins éminents dans la
sainteté que dans les lettres
et les sciences,
egregios imbuendos habuit, studio et exemplo non
litteris modo atque scientiis, sed etiam sanctitate fecit
insignes.
w^TATE demum et la-
/t boribusfractus, gra-
vi rHorbo correptus est.
Quo cum amplius quin-
quaginta dies detentus
esset, consuetum orandi
more m Scripturasque
interpretandi non inter-
cepit : eo namque tcm-
pore Evangclium Joan-
nis in popularium suo-
rum usum anglice veriit
Cum autem in Atccnsio-
nis pracludio instare sibi
BRISÉ enfin par l'âge et le
labeur . il fut atteint
d'une maladie grave. Il la
supporta cinquante jours et
plus sans interrompre ni ses
habitudes de prière, ni son
travail d'interprétation des
Ecritures ; car ce fut en
ce temps qu'il traduisit en
anglais pour ses compatrio-
tes l'Evangile de saint Jean.
La veille de l'Ascension ,
sentant que la mort appro-
chait, il voulut être muni
Saint Bède le Vénérable.
6o3
des derniers sacrements ,
embrassa ses frères et se
fit étendre à terre sur un
cilice ; redisant alors : Gloire
au Père, et au Fils, et au
Saint-Esprit, il s'endormit
dans le Sei^^neur. Son corps
exhalant, dit-on, une odeur
très suave, fut enseveli dans
le monastère de Yarrow, et
par la suite transporté à
Durham avec les reliques de
saint Cuthbert. Les Bénédic-
tins, d'autres familles reli-
gieuses, des diocèses l'hono-
raient par avance comme
docteur , quand , sur l'avis
de la Congrégation des Rites
sacrés, Léon Xlll, Souve-
rain Pontife, le déclara doc-
teur de l'Eglise universelle,
décrétant que Messe et Office
des Docteurs seraient désor-
mais récites par tous au jour
de sa fête.
mortem persentiret, su-
premis Ecclesise Sa-
cramentis munirivoluit :
tum sodales amplexatus,
atque humi super cilicio
stratus, cum illa verba
ingeminaret,- Gloria Pa-
tri et Filio et Spiritui
Sancto , obdormivit in
Domino. Ejus corpus,
suavissimum, uti fertur,
spirans odorem, sepul-
tum est in monasterio
Girvensi, ac postea Dun-
clinum cum sancti Cuth-
berti reliquiis trans-
latum. Eum tamquam
doctorem a Benedictinis
aliisque religiosis fami-
liis ac diœcesibus cul-
tum, Léo decimus tertius
Pontifex Maximus , ex
Sacrorum Rituum Con-
gregationis consulto ,
universalis Ecclesiœ doc-
torem declaravit, et festo ipsius die Missam et Offi-
cium de Doctoribus ab omnibus recîtari decrevit.
Q LOIRE au Père, et au Fils.et au Saint-Esprit!
C'est le chant de Téternité : l'ange et
l'homme n'étaient pas, que Dieu, dans le con-
cert des trois divines personnes, suffisait à sa
louange : louange adécquate, infinie, parfaite
comme Dieu, seule digne de lui. Combien
le monde, si magnifiquement qu'il célébrât
son auteur par les mille voix de la nature,
demeurait au-dessous de l'objet de ses chants!
Toutefois la création elle-même était appelée
à renvoyer au ciel un jour l'écho de la mélo-
die trine et une ; lorsque le Verbe fut devenu
6o4
Le Temps Pascal.
par l'Esprit-Saint his de l'homme en Marie
comme il l'était du Père, la résonance créée
du Cantique éternel répondit pleinement aux
adorables harmonies dont la Trinité gardait
primitivement le secret pour elle seule. Depuis,
pour l'homme qui sait comprendre, la perfec-
tion fut de s'assimiler au tils de Marie afin de
ne faire qu'un avec le Fils de Dieu, dans le
concert auguste où Dieu trouve sa gloire.
Vous fûtes, ô Bède, cet homme à qui l'in-
telligence est donnée. 11 était juste que le
dernier souffle s'exhalât sur vos lèvres avec le
chant d'amour oii s'était consumée pour
vous la vie mortelle, marquant ainsi votre
entrée de plain-pied dans l'éternité bienheu-
reuse et glorieuse. Puissions-nous mettre à
profit la leçon suprême où se résument les en-
seignementsde votre vie si grande etsi simple.
Gloire à la toute-puissante et miséricor-
dieuse Trinité î N'est-ce pas aussi le dernier
mot du Cycle entier des mystères qui s'achè-
vent présentement dans la glorification du
Père souverain par le triomphe du Fils ré-
dempteur, et l'épanouissement du règne de
TEsprit sanctificateur en tous lieux.- Qu'il
était beau dans l'Ile des Saints le règne de
l'Esprit, le triomphe du Fils à la gloire du
Père, quand Albion, deux fois donnée par
Rome au Christ, brillait aux extrémités de
l'univers comme un joyau sans prix de la
parure de l'Epouse ! Docteur des Angles au
temps de leur fidélité, répondez à l'espoir du
Pontile suprême étendant votre culte à toute
l'Eglise en nos jours, et réveillez dans l'âme
de vos concitoyens leurs sentiments d'autre-
fois pour la Mère commune.
LE MÊME JOUR.
SAINT JEAN 1^'\ PAi'E ET MARTYR.
A palme du martyre n'a pas été con-
quise par ce saint pape dans une
victoire remportée sur quelque
prince païen ; il l'a gagnée en lut-
tant pour la liberté de l'Eglise contre un roi
chrétien. Mais ce roi était hérétique, et par
conséquent ennemi de tout pontife zélé pour
le triomphe de la vraie foi. La situation du
vicaire de Jésus-Christ ici-bas est une situa-
tion de lutte, et souvent il arrive qu'un pape
est véritablement martyr sans avoir versé
son sang. Saint Jean 1^% que nous honorons
aujourd'hui, n'a pas succombé sous le glaive;
un indigne cachot a été l'instrument de son
martyre ; mais bien d'autres pontifes brille-
ront au ciel en sa compagnie, sans avoir
même porté le poids des chaînes : le Vatican
a été leur Calvaire. Ils ont vaincu et ils ont
succombé sans éclat, laissant au ciel le soin
de venger leur cause : tel fut entre autres t'an-
gélique Clément XIll audix-huitième siècle.
Celui qui paraît aujourd'hui sur le Cycle
exprime dans sa conduite la pensée qiii
doit inspirer tout membre de l'Eglise, s'il
est digne de sa mère. Saint Jean I*"' nous
apprend que nous ne devons jamais pactiser
avec l'hérésie, ni prendre part aux mesures
qu'une politique mondaine croit devoir ins-
tituer pour lui assurer des droits. Si les siè-
6o6
Le Temps Pascal.
clés, aidés de l'indillérence religieuse des
gouvernements, ont lé^ué la tolérance 2t
même le privilège de l'égalité aux sectes qui
ont rompu avec l'Eglise, nous pouvons subir
cette situation qui est la plus grave atteinte
à la constitution chrétienne d'un Etat;
mais notre conscience catholicjue nous inter-
dit de la louer et de la considérer comme un
bien. En quelque condition que la divine
Providence nous ait placés, nous n'en devons
pas moins puiser nos inspirations dans la
foi de notre baptême, dans l'enseignement et
dans la pratique infaillibles de l'Eglise, hors
desquels il n'y a que contradiction, péril et
naufrage,
La sainte Liturgie consacre aujourd'hui ces
lignes à l'éloge des vertus et de la constance
de saint Jean I»'.
JOANNES Etruscus, Jus-
tine seniore impera-
iore rexit Ecclesiam : ad
quem profectus est Cons-
tantinopolim auxilii cau-
sa, quod Theodoricus rex
hœreticus divexabat Ita-
liam : cujus etiam iter
Deus rairaculis illustra-
vit. Nam cum ei nobilis
vir ad Corinthumequum,
quo ejus uxor mansueto
utebatur, itineris causa
commodasset ; factum
est, ut domino postea
remissus equus ita ferox
evaderet, ut frcmitu et
totius corporisagitatione
sempcr deinccps domi-
JEAN, né dans l'Etrurie,
gouverna l'Eglise sous
l'empire de Justin l'Ancien.
Il fit le voyage de Constan-
tinople pour implorer le
secours de ce prince, dans un
moment où !e roi hérétique
Théodoric persécutait l'Ita-
lie. Dieu illustra par des mi-
racles le voyage du pontife.
Un homme de condition lui
prêta pour se rendre à Corin-
the le cheval dont sa propre
femme se servait. Il arriva
que cette bête qui avait été
jusqu'alors de la plus grande
douceur, ayant été rendue
après que le pontife s'en fut
servi, se montra désormais
Saint Jean i«f, Pape et Martyr, ôo-j
furieuse et agitée de mouve-
ments violents chaque fois
que sa maîtresse voulut la
monter, et qu'elle la jeta par
terre plusieurs fois, comme si
elle se fût indignée de porter
une femme, après avoir été
montée par le vicaire de
Jésus-Christ ; ce qui fut cause
que le mari et la femme en
firent hommage au pontife.
Mais un prodige plus grand
eut lieu à Constantinople à
l'entrée de la porte dorée,
lorsque le saint Pape rendit
la vue à un aveugle, sous les
yeux d'un peuple immense
qui, ainsi que l'empereur,
était accouru par honneur au-
devant du pontife. Ce prince
se prosterna à ses pieds pour
lui rendre l'hommage de sa
vénération. Les afTaires étant
réglées avec l'empereur, Jean
retourna en Italie, et envoya
aussitôt à tous les évêques de
ce pays l'ordre de consacrer
au service catholique les
Eglises des ariens. Il ajoutait
ces paroles : « Nous-mème,
durant le séjour que nous
avons fait à Constantinople
pour l'intérêt de la religion
catholique et pour les affaires
du roi Théodoric, nous avons
consacré dans ce pays comme
Eglises catholiques toutes
celles que nous avons trou-
vées en la possession des
hérétiques. » Théodoric fut
irrité de cette conduite ; il
attira par ruse le pontife à
nam expulerit : tamquam
indignaretur mulierem
recipere, ex quo sedisset
in eo Jesu Christi vica-
rius. Quamobrem illi
equum pontifici donave-
runt. Sed illud majus mi-
raculum, quod Constan-
îinopoli in aditu portae
aureœ, inspectante fre-
quentissimo populo, qui
unacum imperatore Pon-
tifici honoris causa oc-
currerat, casco lumen res-
tituit. Ad cujus pedes
prostratus etiam impera-
tor eum veneratus est.
Rébus cum Imperatore
compositis, in Italiam re-
diit, statimque epistolam
scripsit ad omnes Italiae
episcopos, jubens eos
arianorum Ecclesias ad
Catholicum ritum conse-
crare, illud subjungens :
Quia et nos quando fui-
mus Constantinopoli,
tam pro religione Catho-
lica, quam pro régis
Theodorici causa, quas-
cumque illis in partibus
eorum Ecclesias reperire
potuimus, Catholicas eas
consecravimus. Quod
iniquissimo animo ferens
Theodoricus, dolo ac-
cersitum Pontificem Ra-
vennam in carcerem con-
jecit : ubi squalore ine-
diaque afflictus, paucis
diebus cessit e vita, cum
sedisset annos duos, men-
6o8
Le Temps Pascal.
ses novem, diesquatuor-
dccim : ordinatis eo tem-
pore episcopis quinde-
cim. Paulo post moritur
Theodoricus : quem qui-
dam eremita, ut scribit
sanctus Gregorius, vidit
jnter Joanncm Pontifi-
ceni, et Symmachum pa-
tritium; quem idem occi-
derat, demergi in ignem
Liparitanum, ut videlicet
illi, quibus mortem attu-
lerat, tamquam judices
essent ejus interitus.
Joannis corpus Ravenna
Romam portatum est, et
in Basilica sancti Pétri
sepultum.
Ravenne, et le fit jeter en
prison. L'insalubrité du lieu
et les dures privations que
Jean y subit achevèrent sa
vie en peu de jours. Il avait
siégé deux ans, neuf mois
et quatorze jours, et avait
ordonné durant ce temps
quinze évèques. Théodoric
mourut peu après ; et saint
Grégoire raconte à son sujet
qu'un pieux anachorète avait
vu ce prince en présence du
pape Jean et du patricien
Symmaque, qu'il avait aussi
fait mourir, et que Théodoric
avait été jeté dans le cratère
de Lipari ; en sorte que ces
deux hommes de la mort des-
quels il était coupable étaient
ses juges et le condamnaient.
Le corps de Jean fut rapporté
de Ravenne à Rome, et on
l'ensevelit dans la Basilique
de Saint-Pierre.
■y ous avez cueilli la palme, saint Pontife, en
^ confessant la sainteté itrimaculée de l'E-
glise. Cette Epouse du Fils de Dieu u n'a ni
tache ni ride i, » comme nous dit l'Apôtre;
et c'est pour cela qu'elle ne peut habiter avec
l'hérésie dans la terre que son Epoux divin
lui a assignée en dot. Des jours sont venus
où les hommes, épris des calculs et des inté-
rêts de ce monde passager, ont résolu de
régler la société humaine sans plus tenir
compte des droits du Fils de Dieu, de qui
procède tout ordre social comme toute vérité.
Saint Jean F"^, Pape et Martyr. 6og
fidèles, et se sont complus à élever de toutes
parts des temples pour les sectes qui se sont
révoltées contre elle. Le catholique Mexique
a vu s'accomplir cet attentat au grand jour,
et Dieu ne l'a pas laissé sans Vengeance.
Saint Pontife, reveillez dans les cœurs des
chrétiens d'aujourd'hui le sentiment du droit
imprescriptible de la vérité divine. Nous
pourrons alors nous abaisser devant les néces-
sités imposées par le triomphe fatal de l'er-
reur, dans l'âge qui nous a précédés, sans
accepter comme un progrès l'égalité que l'on
affecte d'établir entre 1 erreur'et la vérité.
Dans votre prison, vaillant martyr, vous avez
proclamé le droit de l'Eglise unique ; au
milieu de la défection prédite par l'Apôtre i,
gardez-nous des lâches complaisances, des
entraînements funestes, de la légèreté cou-
pable qui fait tant de victimes en ces jours;
et que notre dernière parole, au sortir de
ce monde, soit celle que le Fils de Dieu a
daigné nous apprendre lui-même : « O vous
« qui êtes notre père, que votre Nom soit
« sanctifié, que votre règne arrive ! »
I. II Thess. II, 3.
LE TEMPS PASCAL. — T. III.
LE XXVIII MAI.
SAIN J AUL.U6 1 IN, ÉVÈgUE,
APÔTRE DE L'ANGLETERRE.
UATRE cents ans étaient à peine écou-
lés, depuis le départ d'Eleuthère
pour la patrie céleste, qu'un second
apôtre de la grande île britannique
s'élevait de ce monde, au môme jour, vers la
gloire éternelle. La rencontre de ces deux
pontifes sur le cycle est particulièrement tou-
chante, en même temps qu'elle nous révèle
la prévoyance divine qui règle le départ de
chacun de nous, en sorte' que le jour et
l'heure en sont tixés avec une sagesse admi-
rable. Plus d'une fois nous avons reconnu
avec évidence ces coïncidences merveilleuses
qui forment un des principaux caractères du
cycle liturgique. Aujourd'hui, quel admirable
spectacle dans ce premier archevêque de
Cantorbéry, saluant sur son lit de mort le
jour où le saint pape à qui l'Angleterre doit
la première prédication de l'Evangile, monta
dans les cieux, et se réunissant à lui dans un
même triomphe ! Mais aussi qui n'y recon-
naîtrait un gage de la prédilection' dont le
ciel a favorisé cette contrée longtemps fidèle,
et devenue depuis hostile à sa véritable
gloire ?
L'œuvre de saint Eleuthère avait péri en
grande partie dans l'invasion des Saxons et
5. A ugustin, Év., Apôtre de VA ngleterre. 6 1 1
des Angles, et une nouvelle prédication de
l'Evangile était devenue nécessaire. Rome y
pourvut comme la première fois. Saint Gré-
goire le Grand conçut cette noble pensée ; il
eût désiré assumer sur lui-même les fatigues
de l'apostolat dans cette contrée redevenue
infidèle; un instinct divin lui révélait qu'il
était destiné à devenir le père de ces insulai-
res, dont il avait vu quelques-uns exposés
com.me esclaves sur les marchés de Rome.
Mais du moins il fallait à Grégoire des apôtres
capables d'entreprendre ce labeur auquel il
ne lui était pas donné de se livrer en per-
sonne. Il les trouva dans le cloître bénédic-
tin, où lui-même avait abrité sa vie durant
plusieurs années. Rome alors vit partir
Augustin à la tête de quarante moines se
dirigeant vers l'île des Bretons, sous l'éten
darà de la croix,
Ainsi la nouvelle race qui peuplait cette
île recevait à son tour la foi par les mains
d'un pape; des moines étaient ses initiateurs
à la doctrine du salut. La parole d'Augustin
et de ses compagnons germa sur ce sol privi-
légié. Il lui fallut, sans doute, du temps pour
s'étendre à l'île tout entière; mais ni Rome,
ni Tordre monastique n'abandonnèrent l'œu-
vre commencée ; les débris de l'ancien chris-
tianisme breton finirent par s'unir aux nou-
velles recrues, et l'Angleterre mérita d'être
appelée longtemps l'Ile" des saints.
Les gestes de l'apostolat d'Augustin dans
cette île ravissent la pensée. Le dél^arquement
des missionnaires romains qui s'avancent sur
dette terre infidèle en chantant la Litanie;
l'accueil pacifique et même bienveillant que
ôia
Le Temps Pascal.
leur fait dès l'abord le roi Ethclbert ; l'in-
fluence de la reine Bcrthe, française et chré-
tienne, sur rétablissement de la foi chez les
Saxons; le baptême de dix mille néophytes
dans les eaux d'un fleuve au jour de Noël,
la fondation de l'Eglise primatiale de Cantor-
béry, l'une des plus illustres de la chrétienté
par la sainteté et la grandeur de ses évèques :
toutes ces merveilles montrent dans l'évan-
gclisation de l'Angleterre un des traits les
plus marqués de la bienveillance céleste sur
un peuple. Le caractère d'Augustin, calme
et plein de mansuétude, son attrait pour la
contemplation au milieu de tant de labeurs,
répandent un charme de plus sur ce magni-
fique épisode de l'histoire de l'Eglise ; mais
on a le cœur serré quand on vient à songer
au'une nation prévenue de telles grâces est
evenue infidèle à sa mission, et qu'elle a
tourné contre Rome, sa mère, contre l'insti-
tut monastique auquel elle est tant redeva-
ble, toutes les fureurs d'une haine parricide
et tous les efforts d'une politique sans en-
trailles.
Nous donnons ici le récit liturgique de la
vie du saint apôtre.
AUGUSTINUS Romae in
Lateranensi cœnobio
monachus, a Gregorio
Magno cum sociis mo-
nachis fere quadraginta
in Angliam missus est
anno qiiingentesimo no-
nagesimo septimo , ut
gentcs illas ad Christum
AUGUSTIN, moine du mo-
nastère de Latran à
Rome, fut envoyé par Gré-
goire le Grand en Angleterre
pour convertir à Jésus-Christ
les peuples de cette contrée.
Environ quarante moines de
sa communauté l'accompa-
gnaient. C'était en l'année
s. A u^ustin, Év., Apôtre de VA ngleterre. 6 13
cinq cent quatre-vingt-dix-
sept. Le très puissant Ethel-
bert, alors roi de Kent, ayant
appris la cause de l'arrivée
d'Augustin, l'invita à venir à
Contorbéry , métropole de
son royaume, et lui accorda
gracieusement la faculté d'y
demeurer et de prêcher Jésus-
Christ. Le saint construisit
donc près de Cantorbéry un
oratoire où il se fixa quelque
temps et s'efforça d'imiter
avec les siens la vie aposto-
lique.
L'exemple de sa vie , la
doctrine céleste qu'il prê-
chait et qu'il confirmait par
beaucoup de miracles, adou-
cirent tellement le caractère
de ces insulaires, qu'il amena
la plupart d'entre eux- à la
foi chrétienne, et enfin le
roi lui-même, qu'il régénéra
dans la fontaine sacrée avec
un nombre considérable des
gens de sa suite. Berthe, l'é-
pouse royale, qui était chré-
tienne, s'en réjouit grande-
ment. Un jour de Noël il
administra le baptême à plus
de dix mille personnes dans
les eaux de la rivière d'York ;
et l'on raconte que tous ceux
de ces néophytes qui étaient
atteints de quelque maladie,
reçurent en cette circonstance
la santé de leur corps avec
converteret. Erat eo
tempore rex Ethelbertus
in Cantio potentissimus,
qui audita adventus Au-
gustini causa, eum cum
sociis Cantuariam. sui
regni metropolim, invi-
tavit ; ibique manendi et
Christum prœdicandi fa-
cult-atem eidem libérali-
té r concessit. Quare
sanctus vir prope Can-
tuariam oratorium ex-
struxit, ubi ipse aliquam-
diu consedit, atque apos-
tolicam vivendi ratio-
nem cum suis asmulatus
est.
CŒ LE s T I s doctrinae
prœdicatione pluri-
mis firmata miraculis, ac
vitœ exemple sic insu-
lanos illos demulsit, ut
eorum plerosque ad chris-
tianam fidem perduxerit,
ac demum regem ipsum
quem cum innumero suo-
rum comitatu sacro fonte
lustravit , summa cum
laetitia Berthae regias uxo-
ris. quœ christiana erat.
Olim in Natali Domini,
cum decem millibus et
amplius baptismum in
alveo fluminis Eboraci
contulisset, quotquot ex
lis morbo aliquo affecti
erant, cum animas salu-
te, corporis quoque sani-
tatem récépissé memoriae
prodiîum est. Jussu Gre-
6/4
Le Temps Pascal.
gorii ordinatus episco-
pus , sedem Cantuarine
iDstituit in Ecclesia Sal-
vatoris a se erecta, in
qua monachos opcris sui
sabsidiarios collocavit ;
et Sancti Pétri monaste-
rium, quod postea et a
suo nomine dictum est,
in suburbanis construxit.
Idem Gregorius usum
pnllii cum facultate ec-
clesiasticas hierarchias in
Anglia instituendœ ei
concessit , quo novam
etiam operariorum ma-
num misit, nerape Mel-
litum. Justura, Paulinum
et Rufinianum.
Disposrns ejus Eccle-
sias rébus, synodum
habiiit Augustinus cum
episcopis atque doctor:-
bus veterum Britonum,
qui in Paschae celebratio-
ne aliisque ritibus ab Ec-
clesia Romana jamdudum
dissidebant. Sed cum eos
neque Apostolicaî Sedis
auctoritate, neque mira-
culis movere posset ut
dissidio cessarent, pro-
phetico spiritu eis exci-
dium prccnuntiavit, De-
nique maximis p r o
Christo exantlatis labo-
ribus, miraculis clarus,
cum Mellitum Londi-
le salut de leurs âmes. Or-
donné évéque par le com-
mandement de Grégoire, il
établit son siège à Cantor-
béry, dans l'Eglise du Sau-
veur qu'il avait bâtie, et il y
plaça une partie des moinci
qui l'aidaient dans ses tra-
vaux. Il fonda ensuite dans
les faubourgs le m'-nastère
de Saint-Pierre, qui plus
tard fut appelé du nom d'Au-
gustin lui-même. Le même
Grégoire lui accorda l'usage
du pallium et les pouvoirs
nécessaires pour établir la
hiérarchie ecclésiastique en
Angleterre, en même temps
qu'il lui envoyait un nouveau
renfort d'ouvriers , savoir
Meilitus, Juslus, Paulin et
Rufinien.
AYANT réglé les affaires de
cette Eglise , Augustin
tint un concile avec les évé-
ques et les docteurs des an-
ciens Bretons, qui étaient
depuis longtemps en désac-
cord avec l'Eglise Romaine
dans la célébration de la Pà-
que et sur plusieurs autres
rites. Mais comme ils refu-
saient de se rendre et à l'au-
torité du Siège Apostolique,
et aux miracles qu'il faisait
pour les ramener à la con-
corde, inspiré par un esprit
prophétique, Augustin leur
prédit les désastres qui les
attendaient. Enfin, après
avoir accompli les plus
s. Augustin, Ev., Apôtre de V Angleterre. 6 1 5
grands travaux pour Jésus-
Christ, illustre par ses mira-
cles, ayant préposé Mellitus
à l'Eglise de Londres, Justus
à celle de Rochester, Lau-
rent à la sienne, il passa au
ciel le sept des calendes de
juin, sous le règne d'Ethel-
bert. On l'ensevelit au mo-
nastère de Saint-Pierre, qui
devint par la suite le lieu de
sépulture des archevêques de
Cantorbéry et de plusieurs
rois. Les peuples d'Angle-
terre lui rendirent un culte
fervent ; et le Souverain
Pontife Léon XIII a étendu
son Office et sa Messe à toute
l'Eglise.
Nous plaçons ici cette Hymne qui a été
approuvée par le Saint-Siège, en l'honneur
de l'apôtre de TAngleterre.
nensi Ecclesiae prœfecis-
set, Justum Roffensi, suae
Laurentium, in cœlum
migravit septimo calen-
das junias , Ethelberto
régnante, ac sepultus est
in monasterio Sancti
Pétri, quod exinde Can-
tuariensium Antistitum
et aliquot regum condi-
torium fuit. Èjus cultum
ferventi studio prose-
c u t 32 sunt Anglorum
gentes, ac Léo Decimus-
tertius Pontifex Maxi-
mus ejus Officium et
Missam ad universam
extendit Ecclesiam.
ILE féconde des saints, cé-
lèbre ton apôtre, exalte
lans tes pieux concerts le
rils de Grégoire.
Rendue fertile par ses la-
beurs, tu donnas une moisson
abondante ; et longtemps les
fleurs de sainteté qui cou-
vraient ton sol répandirent
sur toi un éclat supérieur.
Suivi d'une troupe de qua-
rante moines , il débarqua
FŒCUN
la,
DA sanctis insu-
Tuum canas apostolum ;
Et filium Gregorii
Laudes piis concenti-
bus.
Ejus labore fertilis,
Messem dedisti pluri-
mam,
Quae sanctitatis floribus
Diu refulges inclyta.
Turma quadragenaria
Stipatus intrat Angliann:
6i6
Le Temps Pascal.
Vexilla Christi profe-
rens,
Dus pacis adfert pigno-
Crucis trophaeum pro-
micat,
Verbum salutis spargi-
tur:
Fidera quin ipse barba-
rus
Rex corde prompto sus-
cipit.
Mores feros gens exuit,
Undisque Iota fluminis,
Ipsa die renascitur
Qua sol salutis ortus est.
O Pastor aime, filios
E sede pascas siderum :
In matris ulnas anxiae
Gregem reducas devium.
Praesta, beata Trini-
tas,
uae rore jugi gratiae
item rigas : ut pristina
Fides resurgens floreat.
Amen.
î
sur tes rivages, ô terre des
Anglais ! Il portait l'étendard
du Christ ; messager de la
paix, il venait en apporter
les gages.
Bientôt la croix est plantée
sur ton sol comme un écla-
tant trophée, la parole du
salut se répand de toutes
parts ; et un roi barbare re-
çoit lui-même la foi d'un cœur
docile.
La nation renonce à ses
coutumes sauvages ; elle se
plonge dans les eaux sancti-
fiées d'un fleuve, et renaît à
la vie de l'àme le jour même
où le Soleil de justice se leva
sur le monde.
O Pasteur auguste, du haut
du ciel, gouverne toujours
tes fils; ramène dans les bras
de la mère désolée l'ingrat
troupeau qui s'est éloigné
d'elle.
Heureuse Trinité, qui en-
voyez sans cesse sur votre
vigne la rosée de la grâce,
daignez faire renaître l'anti-
que foi, afin qu'elle fleurisse
comme aux anciens jours.
Amen.
- .ous êtes, ô Jésus ressuscité, la vie des peu-
y pies, comme vous êtes la vie de nos
âmes. Vous appelez les nations à vous con-
s. A ugiistin, Êv. , Apôtre de l'A ngleterre. 6 1']
naître, à Vous aimer et à vous servir ; car
« elles vous ont été données en héritage i )),
et vous les possédez tour à tour. Votre amour
vous inclina de bonne heure vers cette île
de l'Occident que, du haut de la croix du
Calvaire, votre regard divin considérait avec
miséricorde. Dès le deuxième siècle, votre
bonté dirigea vers elle les premiers envoyés
de la parole ; et voici qu'à la fin du sixième,
Augustin, votre apôtre, délégué par Grégoire,
votre vicaire, vient au secours d'une nouvelle
race païenne c^ui s'est rendue maîtresse de
cette île appelée à de si hautes destinées.
Vous avez régné glorieusement sur cette
région, ô Christ ! Vous lui avez donné des
pontifes, des docteurs, des rois, des moines,
des vierges, dont les vertus et les services ont
porté aii loin la renommée de l'Ile des saints,
et la grande part d'honneur dans une si
noble conquête revient aujourd'hui à Augus-
tin, votre disciple et votre héraut. Votre em-
pire a duré longtemps, 6 Jésus, sur ce peuple
dont la foi fut célèbre dans le monde entier ;
mais, hélas ! des jours funestessont venus, et
l'Angleterre n'a plus voulu que vous régniez
sur elle 2, et elle a contribuée égarer d'autres
nations soumises à son influence. Elle vous
a haï dans votre vicaire, elle a répudié la plus
grande partie des vérités que vous avez ensei-
gnées aux hommes, elle a éteint la foi, pour
y substituer une raison indépendante qui a
produit dans son sein toutes les erreurs. Dans
sa rage hérétique, elle a foulé aux pieds et
brûlé les reliques des saints qui étaient sa
I. Psalm. II. — 2. Luc. XIX, 14.
6iS Le Temps Pascal.
gloire, elle a anéanti l'ordre monastique au-
quel elle devait le bienfait du christianisme,
elle s'est baignée dans lesangdcs martyrs, en-
courageant l'apostasie et poursuivant comme
le plus grand des crimes la fidélité à l'anti-
que foi.
En retour, elle s'est livrée avec passion au
culte de la matière, à l'orgueil de ses flottes
et de ses colonies ; elle "voudrait tenir le
monde entier sous sa loi. Mais le Seigneur
renversera un jour ce colosse de puissance
et de richesse. La petite pierre détachée de
la montagne l'atteindra à ses pieds d'argile,
et les peuples seront étonnés du peu de soli-
dité qu'avait cet empire géant qui s'était cru
immortel. L'Angleterre "n'appartient plus à
votre empire, 6 Jésus ! Elle s'en est séparée
en rompant le lien de communion qui l'unit
si longtemps à votre unique Eglise. \'ous avez
attendu son retour, et elle ne revient pas ;
sa prospérité est le scandale des faibles, et
c'est pour cela que sa chute, que l'on peut
déjà prévoir, sera lamentable et sans retour.
En attendant cette épreuve terrible que
votre justice fera subir à l'île coupable, votre
miséricorde, ô Jésus, glane dans son sein des
milliers d'âmes, heureuses de voir la lumière,
et remplies pour la vérité qui leur apparaît,
d'un amour d'autant plus ardent, qu'elles en
avaient été plus longtemps privées. Vous vous
créez un peuple nouveau au sein même de
l'intidélité, et chaque année la moisson est
abondante. Poursuivez votre œuvre miséri-
cordieuse, aùn qu'au jour suprême ces restes
d'Israël proclament, au milieu des désastres
de Babylone, l'immortelle vie de cette Eglise
s. Augustin, Év., Apôtre de l'Angleterre. 61 g
dont les nations qu'elle a nourries ne sau-
raient se séparer impunément. •
Saint apôtre de l'Angleterre, Augustin, votre
mission n'est donc pas terminée. Le Seigneur
a résolu de compléter le nombre de ses" élus,
en glanant parmi l'ivraie qui couvre le champ
que vos mains ont ensemencé. Venez en aide
au labeur des nouveaux envoyés du Père de
famille. Par votre intercession, obtenez ces
grâces qui éclairent les esprits et changent
les cœurs. Révélez à tant d'aveugles que
l'Epouse de Jésus est « unique d, comme il
l'appelle lui-même ^ ; que la foi de Grégoire
et d'Augustin n'a pas cessé d'être la foi de
l'Eglise catholique, et que des siècles de
possession ne sauraient créer un droit a l'hé-
résie sur une terre qu'elle n'a conquise que
par la séduction et la violence, et qui garde
toujours le sceau ineffaçable de la caTholi-
cité.
OiA (XUL CZUk CXtÀ. <tlA <tiA iXU, <\2J^ CZUl, CXiJL CtiA <TiA
LE XXIX MAI.
SAINTE MARIE-MADELEINE DE PAZZI,
: Cycle pascal nous oifïre trois illus-
tres vierges que l'Italie a produites.
Nous avons salué dans notre admi-
ration la vaillante Catherine de
Sienne ; sous peu de jours, nous célébrerons
Angèle de Mérici, entourée de son essaim de
)eunes tilles ; aujourd'hui le lis de Florence,
Madeleine de Pazzi, embaume toute l'Eglise
de ses parfums. Elle a été l'amante et l'imita-
trice du divin crucifié ; n'est-il pas juste
qu'elle ait part aux allégresses de sa résur-
rection ?
Madeleine de Pazzi a brillé sur le Carmel
par son éclatante pureté et par l'ardeur de
son amour. Elle a été, comme Philippe Néri,
l'une des plus éclatantes manifestations de la
divinecharitéau sein de la vraie Eglise, se con-
sumant à l'ombre du cloître comme Philippe
dans les labeurs du ministère des âmes, ayant
recueilli l'un et l'autre, pour l'accomplir en
eux, cette parole de l'Homme-Dieu : « Je suis
« venu allumer le feu sur la terre ; et quel est
({ mon désir, sinon qu'il s'entlamme ' ? »
La vie de l'Epouse du Christ fut un mira-
I. Luc. XII, 49.
Sainte Marie-Madeleine de Pa:^:{ii Vierge. 621
cle continuel. L'extase et les ravissements
étaient journaliers chez elle. Les plus vives
lumières lui furent communiquées sur les
mystères, et, afin de l'épurer davantage pour
ces sublimes communications, Dieu lui fit
traverser les plus redoutables épreuves de Ir.
vie spirituelle. Elle triompha de tout, et sor.
amour montant toujours, elle ne trouvait
plus de repos que dans la souffrance, paï
laquelle seule elle pouvait alimenter le feu
aui la consumait. En même temps son cœur
ébordait d'amour pour les hommes ; elle eût
voulu les sauver tous, et sa charité si ar-
dente pour les âmes s'étendait avec héroïsme
jusqu'à leurs corps. Tant que dura ici-bas
cette existence toute séraphique, le ciel re-
garda Florence avec une complaisance par-
ticulière ; et le souvenir de tant de merveilles
a maintenu dans cette ville, après plus de
deux siècles, un culte fervent à l'égard de
l'insigne épouse du Sauveur des hommes.
L'un des plus frappants caractères de la
divinité et de la sainteté de l'Eglise apparaît
dans ces existences privilégiées, sur lesquelles
se montre avec tant d'éclat l'action directe
des mystères de notre salut, u Dieu a tant
f( aimé le monde, qu'il lui a donné son Fils
« unique 1 » ; et ce Fils de Dieu daigne se
passionner pour une de ses créatures, pro-
duisant en elle de tels effets, que tous les
hommes sont à même d'y prendre une idée
de l'amour dont son Cœur divin est embrasé
pour ce monde qu'il a racheté au prix de
son sang. Heureux ceux qui savent goûter ce
I. JOIIAN. III, i5.
622
Le Temps Pascal.
spectacle, qui savent rendre grâces pour de
tels dons ! Ils ont la vraie lumière, tandis
que ceux qui s'éionnent et hésitent font voir
que les lueurs qui sont en eux luttent encore
avec les ténèbres de la nature déchue.
L'espace qui nous reste ne nous permet pas,
à notre grand regret, de développer davan-
tage le caractère et la vie de notre sainte;
nous insérons ici les Leçons trop abrégées de
son Office qui n'en donnent qu'une faible
idée.
MARIA Magdalena, il-
lusiriori Pazziorum
génère Florentiae nata,
fere ab incunabulis iter
pert'cctionisarripuit.De-
cennis pcrpetuara virgi-
nitatem vovit. suscepto-
que habitu in monaste-
rio Sanctœ Marias Ange-
loruin ordinis Carmeli-
tarum, se omnium virtu-
tum exemplar exhibuit.
Adeo casta fuit, ut quid-
quid puritatem laedere
potest. penitus ignorave-
rit. Quinquennium, Deo
jubente. solo pane et
aqua transegit. exceptis
dicbiis Dominicis, qui-
bus cibis Quadragesima-
libus vescebatur. Corpus
suum cilicio, flagellis,
frigore, inedia, vigiliis,
nuditate , atque omni
pœnarum génère crucia-
bat.
Marie-Madeleine , de
l'illustre famille des Paz-
zi. naquit à Florence, et
marcha presque dès le ber-
ceau dans le chemin de la
perfection. Dès l'âge de dix
ans, elle fit vœu de virginité,
et, lorsqu'elle eut pris l'habit
de carmélite dans le monas-
tère de Notre-Dame- des-
Anges. elle fit voir en sa per-
sonne un modèle achevé de
toutes les vertus. Sa pureté
alla jusqu'à ignorer toute sa
vie ce qui peut blesser cette
vertu. Par l'ordre de Dieu,
elle jeûna cinq ans au pain et
à l'eau, hors les dimanches
qu'elle usait des mets permis
en Carême. Elle afliigeait
son corps par le cilice, les
fouets, l'abstinence, les veil-
les, la nudité, et par toutes
sortes de tourments.
Sainte Marie-Madeleine de Pa^:^i, Vierge. 623
LE feu de l'amour divin était
si brûlant en elle, que,
n'en pouvant supporter l'ar-
deur, elle était obligée, pour
la tempérer, de répandre de
l'eau sur sa poitrine. Souvent
ravie hors d'elle-même, elle
éprouvait de longues et me-r-
veilleuses extases, dans les-
quelles elle pénétrait les mys-
tères célestes, et recevait de
Dieu des faveurs admirables.
Fortifiée par ces secours, elle
soutint un long combat con-
tre les princes des ténèbres,
livrée à la sécheresse et à la
désolation, abandonnée de
tout le monde, et poursuivie
de diverses tentations, par la
permission de Dieu, qui vou-
lait en faire le modèle d'une
invincible patience et de la
plus profonde humilité.
SA charité envers le pro-
chain éclatait particuliè-
rement : souvent elle passait
les nuits sans dormir, ;occu-
pée soit à faire l'ouvrage des
sœurs, soit à servir les mala-
des, qu'elle guérit plus d'une
fois en suçant leurs ulcères.
Elle pleurait amèrement la
perte des infidèles et des pé-
cheurs, et s'offrait à endurer
toutes sortes de tourments
pour leur salut. Plusieurs
années avant sa mort, elle
renonça avec une vertu héroï-
que à toutes les délices dont
le Ciel la comblait, et elle
avait souvent à la bouche ces
TANTO ignc divini
amoris œstuabat , ut
ei ferendo impar, ingasta
aqua pectus refrigerare
cogeretur. Extra sensus
fréquenter rapta, diutur-
nas et admirabiles exsta-
ses passa est, in quibus
et arcana cœlestia pene-
travit, et eximiis a Deo
gratiis illustrata fuit-
His autem munita lon-
gum certamen a princi-
pibus tenebrarum susii-
nuit, arida, desolata, ab
omnibus derelicta, va-
riis que tentationibus
vexata ; Deo sic permit-
tente, ut invictœ pat.ien-
tiaï. ac profundissimœ
humilitatis exemplar
praeberet.
CHARiTATEerga proxi-
mum singulariter
enituit ; nam sœpe noc-
tes ducebat insomnes,
vel obeundis Sororum
ministeriis, vel inser-
viendo infirmis occupata,
quarum aliquando ulcéra
lambens sanavit. Infide-
lium et peccatorum per-
ditionem amarc deflens,
se ad quîelibet pro illo-
rum salute tormenta pa-
ratam offerebat, Multis
ante obitum annis, uni-
versis cœli deliciis, qui-
bus copiose affluebat, he-
roica virtute renuntians,
6^4
Le Temps Pascal.
illud fréquenter in orc
habebat : Pati, non mori.
Tandem lonj^a et gravis-
sima infirmitate exhai;s-
ta, transivit ad Spon-
sum die vigesima quin-
ta maii anr.o millesimo
sexcentesimo septimo,
explcto anno quadrap;e-
simo primo netatis sua?.
Eam multis in vita et
post mortem miraculis
claram Clemens Nonus
sanctarum Virginum nu-
méro adscripsii : cujus
corpus in prœsentem
diem incorruptum con-
servât ur.
paroles : Souffrir, et ne pas
mourir. Epuisée enfin par
une longue et grave maladie,
elle alla se réunir à TEpoux
le vingt-cinq mai de l'an mil
six cent sept, étant âgée de
quarante-un ans. De nom-
breux miracles la rendirent
célèbre durant sa vie et après
sa mort. Clément IX lin-
scrivit au nombre des saintes
vierges, et son corps s'est
conservé jusqu'aujourd'hui
sans corruption.
VOTRE vie ici-bas, ô Madeleine, a semblé
celle d'un ange que la volonté divine eût
captivé sous les lois de notre nature inférieure
et déchue. Toutes vos aspirations vous en-
traînaient au delà des conditions de la vie
présente, et Jésus se plaisait à irriter en vous
cette soif d'amour qui ne pouvait s'apaiser
qu'aux sources jaillissantes de la vie éter-
nelle ^. Une lumière céleste vous révé-
lait les mystères divins ; votre cœur ne
pouvait contenir les trésors de vérité et
d'amour que l'Esprit-Saint y accumulait; et
alors votre énergie se réfugiait dans le sacri-
fice et dans la souffrance, comme si l'anéan-
tissement de vous-même eût pu seul acquitter
la dette que vous aviez contractée envers le
grand Dieu qui vous comblait de ses faveuss
les plus chères.
JOHAN. IV, t4.
Sainte Marie-Madeîeine de Pu;; ji, Vierge. 025
Ame de séraphin, comment vous suivrons-
nous ? Qu'est notre amour auprès du vôtre ?
Nous pouvons cependant nous attacher de
loin à vos traces. L'année liturgique était le
centre de votre existence ; chacune de ses
saisons mystérieuses agissait sur vous, et
vous apportait, avec de nouvelles lumières,
de nouvelles ardeurs. L'Enfant divin de
Bethléhem, la sanglante Victime de la croix,
le glorieux Epoux vainqueur de la mort,
l'Esprit rayonnant de sept dons ineffables,
vous ravissaient tour à tour ; et votre âme,
renouvelée par cette succession de merveilles,
se transformait toujours plus en celui qui,
pour s'emparer de nos cœurs, a daigné se
traduire lui-même dans ces gestes immortels
que la sainte Eglise nous fait repasser chaque
année avec le secours d'une grâce toujours
nouvelle. Vous aimiez ardemment les âmes
durant votre vie mortelle, 6 Madeleine; votre
amour s'est accru encore dans la possession
du bien suprême ; obtenez-nous la lumière
pour voir mieux ce qui ravissait toutes vos
puissances, l'ardeur de l'amour pour aimer
mieux ce qui passionnait votre cœur.
LE TEMPS PASCAL. — T. III. 40
*^<*&W&«i^«*^»S.«é&«é&Wg.(^W£.
LE XXX MAI.
SAINT FELIX I", PAPE ET MART^ R.
ES saints papes de l'âge primitif
apparaissent en groupe sur cette
dernière partie du Cycle pascal.
Aujourd'hui, c'est Félix I", un mar-
tyr de la persécution d'Aurélien au iii« siè-
cle. Le détail de ses actes ne s'est pas con-
servé ; nous savons seulement qu'il proclama
le dogme de l'Incarnation avec une admira-
ble précision dans une lettre à l'Eglise d'A-
lexandrie, dont un fragment fut lu avec éloge
dans les deux conciles œcuméniques d'Ephèse
et de Chalcédoine.
Un autre trait emprunté aux usages de
l'Eglise de ces temps orageux nous montre
le saint Pontife empressé à faire rendre aux
saints martyrs l'honneur qui leur est dû. Il
ordonna qu'on célébrerait le divin Sacrifice
sur leurs tombeaux ; et l'Eglise pratique
encore aujourd'hui un reste ^e cette pres-
cription, en exigeant que tous les autels, fixes
ou portatifs, contiennent au moins quelques
reliques des martyrs. Nous aurons occasion
de revenir sur cet usage.
Voici le court récit que la Liturgie consa-
cre à la mémoire du saint Pape.
FELIX Romanus, pâtre
Constantio, Aurelia-
no imperatore praefuit
FÉLIX, né à Rome, fils de
Constantius, gouverna
l'Eglise sous l'empire d'Au-
Saint Félix I^^, Pape et Martyr. 62-
rélien. Il ordonna que la
Messe serait célébrée sur les
Mémoires et sur les Sépul-
cres des martyrs. Il tint deux
ordinations au mois de dé-
cembre, où il créa neuf prê-
tres, cinq diacres et cinq
évêques pour divers lieux.
II fut couronné du martyre,
et enseveli sur la voie Auré-
lia, dans une basilique qu'il
avait élevée, et qu'il dédia.
11 vécut dans le pontificat
deux ans, quatre mois et
vingt-neuf jours.
Ecclesiae. Constituit ut
Missa supra memorias et
sepulcra Martyrum ce-
lebraretur. Qui cum
mense decembri habuis-
set Ordinationes duas,
et creasset presbytères
novem, diaconos quin-
que, episcopos per di-
versa loca quinque, mar-
tyrio coronatus, via Au-
rélia sepelitur in Basilica
quam a se aedificatam
dedicarat. Vixit in pon-
tificatu annos duos, men-
ses quatuor, dies viginti
novem.
VOUS avez imité dans sa mort votre Maître
divin, ô saint Pontife; car vous avez
donné comme lui votre vie pour votre trou-
peau. Comme lui aussi vous sortirez vivant
du tombeau, et votre âme bienheureuse vien-
dra rejoindre ce corps qui a souffert la mort
en témoignage de la vérité que vous annon-
ciez dans Rome. Jésus est le premier-né
entre les morts ' ; après l'avoir suivi dans sa
passion, vous le suivrez dans sa résurrection
Votre corps fut déposé dans ces souterrains
glorieux que la piété de l'Eglise de votre
temps décora du nom de Cimetières, qui
signifie un lieu préparé pour le sommeil.
Vous vous réveillerez, ô Félix, en ce grand
jour où la Pâque recevra son dernier accom-
plissement ; priez afin que nous ayons part
avec vous à la bienheureuse résurrection.
1. Apec. I, 5.
638
Le Temps Pascal.
Obtenez que les grâces de la solennité pas-
cale se conservent en nous, et disposez nos
cœurs à la visite de l'Esprit-Saint, cjui con-
firme dans les âmes l'œuvre accomplie par le
divin auteur du salut.
LE MÊME JOUR..
S. FERDINAND 11!. ROI DE CASTILLE,
ET CONFESSEUR.
'ans les jours consacrés à honorer la
naissance de notre Emmanuel, nous
vîmes près de son berceau l'impo-
sante figure du Bienheureux empe-
reur Charlemagne. Ceint du diadème impé-
rial, tenant en main son puissant glaive, il
semblait veiller sur l'enfant que des bergers
avaient adoré les premiers. Aujourd'hui, près
du glorieux sépulcre visité d'abord par Made-
leine et ses compagnes, nous apercevons un
roi, Ferdinand le Victorieux , ceint de la
couronne et faisant la garde avec sa vaillante
épée si redoutée du Sarrasin. La France et
l'Espagne sont ainsi représentées sur le Cycle
par leurs plus nobles souverains : l'un véné-
rant le mystère du Dieu incarné, l'autre ren-
dant son hommage au mystère du Dieu vain-
queur de la mort.
La catholique Espagne est personnifiée
dans son Ferdinand, et la France très chré-
tienne reconnaît dans ce prince héroïque le
sang de son saint Louis. Bérengère, mère de
Ferdinand, et Blanche, mère de Louis, étaient
sœurs. Pour former le royaume catholique,
il fallut un des Apôtres du Christ, saint Jac-
ques le Majeur ; il fallut une épreuve formi-
dable, l'invasion du Sarrasin qui déborda sur
la Péninsule comme un déluge ; il fallut un
63 o Le Temps Pascal.
exploit chevaleresque qui dura huit siècles,
et par lequel l'Espagne recouvra son sol et
sa liberté. Saint Ferdinand résume en lui
cette armée de héros qui ont repoussé le
Maure et créé la patrie ; mais au courage du
soldat il a réuni les vertus du saint.
Quels exploits dans cette vie qui compte
autant de victoires que de combats! Cordoue,
la ville des Califes, tomba au pouvoir d'un
si fier chrétien, et les portiques de son alham-
bra n'abriteront plus le luxe et la mollesse
féroce des sectateurs de l'Islam. Sa splen-
dide mosauée est purifiée par l'eau sainte, et
devient l'église cathédrale de Cordoue rede-
venue chréuenne. Les sectateurs de Mahomet
avaient enlevé les cloches de l'Eglise de Saint-
Jacques à Compostelle, ils les gardaient en
trophée à Cordoue; par ordre du saint roi,
ces cloches sont reportées à dos de Sarrasin, à
travers l'Espagne, jusqu'à l'auguste sanc-
tuaire auquel elles avaient été ravies.
Séville, à son tour, après un siège de seize
mois, tomba au pouvoir de Ferdinand, mal-
gré sa double enceinte de murailles flanquées
cie cent soixante-six tours. L'armée chrétienne
était faible en nombre; la défense des Sar-
rasins servis par tous les avantages du site et
l'habileté de la conduite, fut de la dernière
énergie ; mais le croissant dut s'éclipser
devant la croix triomphante. Ferdinand
accorda un mois aux Sarrasins pour se reti-
rer de la ville et du territoire. Trois cent
mille se replièrent sur Xérès, et cent mille
passèrent en Afrique. Le vaillant chef de ce
peuple abattu, jetant un dernier regard sur
la ville rentrée au pouvoir des chrétiens, dit
5. Ferdinand, Roi de Castille et Conf. 63 r
à ses officiers, les larmes aux yeux : « Il n'y
« a qu'un saint qui ait pu avec de si faibles
« troupes se rendre maître d'une place si
« forte et peuplée de tant de défenseurs. »
Nous n'énumérerons pas ici les villes et les
grovinces reconquises par le héros chrétien,
a carrière toute de succès dut faire pressen-
tir aux Maures que la Péninsule leur échap-
perait un jour tout entière ; au reste, Ferdi-
nand avait formé le projet de faire une des-
cente sur la côte africaine, et d'aller ainsi
éteindre l'islamisme jusque dans son foyer le
plus ardent. La mort arrêta ce noble dessein,
et parvenu à Tàge de cinquante-trois ans, le
saint roi échangea la couronne de la terre
pour celle du ciel.
Sa piété l'avait rendu le ministre docile de
la volonté de Dieu, dont il se regarda toujours
comme l'humble instrument. Austère comme
un anachorète, Ferdinand fut compatissant
comme un père pour ses peuples: « Je crains
« plus, dit-il un jour, les malédictions d'une
« î?auvre femme que toute l'armée des Sar-
« rasins. » Il dota richement les églises qu'il
élevait dans l'Espagne reconquise,' et, fidèle
chevalier de la Rei^ne des cieux, il l'honora
toujours commue sa dame et maîtresse. En
retour d'un culte si fervent, Marie daigna
bénir constamment les armes de son illus-
tre champion. On doit voir aussi un gage de
sa maternelle tendresse pour le saint roi dans
un fait mentionné par les chroniqueurs con-
temporains, et qui dans ces siècles atteste
l'intervention divine. Durant tout le règne de
Ferdinand, ni la peste ni la famme ne vin-
rent affliger ses Etats. A la ditîérence de notre
632 Le Temps Pascal.
saint Louis, dont la vie fut remplie d'épreu-
ves, Ferdinand fut toujours heureux ; comme
si Dieu eût voulu donner à la fois aux hom-
mes, dans ces deux admirables princes, le
modèle du courage dans l'adversité et l'exem-
ple de la modération dans les prospérités. A
eux deux ils forment le plus complet tableau
de la vie humaine régénérée dans le Christ,
en qui nous adorons les humiliations de la
croix et les splendeurs de la résurrection.
Heureux siècles où Dieu choisissait les rois
pour donner aux chrétiens de telles leçons!
On se demandera comment un homme, un
prince, tel que saint Ferdinand, accueillit la
mort, lorsqu'elle vint tout à coup arrêter le
cours de sa glorieuse carrière. Il était encore
dans la force de l'âge. A l'approche du prêtre
qui lui apportait le Corps du Seigneur, le
pieux héros descend de son lit, et ce n'est
qu'après avoir adoré son Sauveur, la face
contre terre et la corde au cou, qu'il reçoit
i'hostie sacrée. Ayant accompli ce grand acte,
se sentant arrivé aux portes de l'éternité, il
ordonne qu'on le dépouille des marques de
la royauté, et appelle ses tils autour de son
lit de mort. S'adressant à l'aîné qui fut
Alphonse le Sage, il lui recommanda le soin
de ses frères étales égards qu'il devrait à ceux
qui sont les vassaux du prince et ses com-
pagnons d'armes ; puis il ajouta: « Mon lils,
« tu vois de quelles forces, de quelles posses-
« sions, de quel nombre de sujets tu es en-
« touré, plus qu'aucun autre roi chrétien ;
« fais en sorte d'user dignement de ces avan-
« tages ; sois bon, ayant tant de moyens
« de faire le bien. Te voilà maître de cette
*s*^^^§^^flwr"ip»i#"
.V. Ferdinand III, Roi de Castille et Conf. 633
« terre que les Maures enlevèrent jadis au
« roi Rodrigue. Si tu conserves le royaume
« dans l'état où je te le laisse, tu seras un
« bon roi, comme je l'ai été ; il en serait
« autrement, si tu en laissais perdre quelque
« chose. »
La dernière heure approchait; une appari-
tion céleste vint conforter le royal mourant.
Il remercia Dieu de cette faveur, et demanda
le cierge béni ; mais avant de le prendre
dans ses mains, levant les yeux au ciel, il
dit : c( Seigneur, vous m'avez donné le ro-
« yaume que je n'avais pas, vous m'avez donné
<L plus d'honneur et de puissance qiie je ne
« méritais : recevez-en mes actions de grâces.
« Je remets entre vos mains ce royaume que
« j'ai accru autant qu'il m'a été possible : je
« vous présente en même temps mon âme. »
Il demanda ensuite pardon à ceux qui l'entou-
raient, les priant de lui faire grâce, s'il leur
avait donné lieu quelquefois de se plaindre
de lui. Toute la cour était présente ; et l'on
n'entendit que des voix entrecoupées de san-
glots, qui àleur tour imploraient le pardon.
Le saint roi prit alors le cierge en ses
mains, et l'élevant vers le ciel, il dit : ce Sei-
« grieur Jésus-Christ, mon rédempteur, je
« suis sorti nu du sein de ma mère, et je vais
« rentrer nu dans la terre. Seigneur, recevez
« mon âme, et par les mérites de votre très
« sainte Passion, qu'il vous plaise la placer
« parmi celles de vos serviteurs. » Après ces
paroles, il rendit le cierge, et demanda aux
évêques et aux prêtres qui étaient autour de
lui, de réciter les Litanies, après lesquelles
il leur fit chanter le Te Deion. Tout étant
634
Le Temps Pascal.
achevé, il inclina la tète, ferma les veux et
expira doucement.
Ainsi mouraient ces hommes dont la foi
avait inspire toutes les œuvres, et qui sen-
taient qu'ils n'étaient en ce monde que pour
servir Jesus-Christ et le faire régner Ces rois
avaient fait l'Europe; ils lui avaient donné
pour première loi l'Evan-ile, et pour droit
public les canons de l'Eglise. L'Eufope, après
des siècles d'unité dans le lien catholique, a
cherche une autre loi et un autre droit; elle
se dissout aujourd'hui, et semble même avoir
oublie 1 élément qui la forma et la maintint
durant tant de siècles à la tète de l'humanité,
ruisse-t-elle un jour ouvrir les yeux, et, s'il
en est temps encore, arrêter la décadence qui
1 entraîne fatalement, et conjurer la ruine
qui la menace !
Nous empruntons les Leçons de l'Office du
saint roi au Propre de la ville de Rome.
FERDINANDLS Tertius
Castellae. et Legionis
rex, cui Sancti cogno-
mentum jam inde a qua-
tuor saeculis ecclesiasti-
corumet sœcularium con-
sensus dedere, tantum
prudentia; adolescens
adhuc spécimen prœbuit,
ut Berengaria mater Ca-
stella» regina, a qua per-
sancte educatus fuerat,
abdicatum a se regnum
in filium transtulerit. In
eo, adjunctis regni curis,
regiœ virtutes eraicuere :
magnanimitas, clemen-
PERDINAND III, roi de Cas-
1 tille et de Léon, à qui
depuis quatre siècles l'accord
des ecclésiastiques et des sé-
culiers a attribué le nom de
saint, donna, dès son ado-
lescence, ds si grandes preu-
ves de sagesse, que Béren-
gère, reine de Castille, sa
mère, qui l'avait élevé très
saintement , abdiqua la
royauté pour la lui remettre
entre les mains. A peine Fer-
dinand fut-il entré dans les
soins du gouvernement, que
l'on vit briller en lui les
vertus d'un roi : la magnani-
s, Ferdinand III, Roi de Castille et Conf. 635
mité, la clémence, la justice,
et par-dessus tout le zèle de
la foi catholique, dont il sut
défendre et propager la pra-
tique religieuse avec ardeur.
Il montra ce zèle principale-
ment en poursuivant les héré-
tiques, auxquels il ne permit
jamais d'habiter dans ses
royaumes. Il le fit voir encore
en érigeant, dotant et consa-
crant au culte chrétien les
églises de Cordoue, Jaen,
Séville, et autres villes arra-
chées par lui au joug des
Maures. Il rétablit avec une
pieuse et royale munificence
les cathédrales de Tolède, de
Burgos, et plusieurs autres.
EN même temps, dans le
royaume de Castille et de
Léon, où il avait succédé à
Alphonse son père, il réunit
de fortes armées, et entreprit
chaque année des expéditions
contre les Sarrasins, ennemis
du nom chrétien. Le plus
puissant moyen de ce pieux
roi pour s'assurer constam-
ment la victoire fut dans les
prières qu'il adressait à Dieu,
dont il s'assurait le secours
en flagellant sévèrement son
corps avant la bataille, et se
couvrant d'un rude cilice.
Ce fut ainsi qu'il remporta
d'insignes victoires contre
les puissantes armées des
Maures, et qu'il restitua au
culte chrétien et à l'Espagne
tia, justitia, et prae caete-
ris catholicae fidei zelus,
ejusque religiosi cultus
tuendi, ac propagandi
ardens studium. Id praes-
titit inprimis hœreticos
insectando, quos nullibi
regnorura suorum consi-
stere passus est. Praesti-
tit insuper in erigendis,
dotandis, et consecrandis
christiano ritu Cordu-
bensi, Giennensi, Hispa-
lensi et aliarum urbium
ecclesiis, a maurico erep-
tarum jugo, simulque in
instaurandis primariis
templis Toletano, Bur-
gensi et aliis pia et regia
munificentia.
T NTER hœc, per Castel-
I lœ et Legionis re-
gnum, in quo patri Al-
fonso successerat, col-
lectismagnis exercitibus,
annuas expeditiones con-
tra Saracenos Christian!
nominis hostes suscepit.
In queis, ut semper vin-
ceret, prsecipui exercitus
fuere preces piissimi ré-
gis ad Deum fusse, et
quod ante pugnam, ut
sibi Deum propitiaret,
flagris in se saeviebat, at-
que aspero cilicio mu-
niebat corpus. Sicque
insignes contra ingentes
Maurorum acies victorias
reportavit, et plures ur-
bes christiano cultui,
63b
Le Temps Pascal.
imperioque restituit ,
c«nquisiiis Giennii, Cor-
dub;c et Miirciae ret,'nii»,
ac Granatensi vectigali
facto. Ad expugnandam
Hispalim primariam Bae-
tica; urbem, hortante in
visione (ut traditum est)
leato Isidoro olim illius
urbis episcopo, victricia
signa transtulit. In ea
obsidione prœsentem di-
vinam opem habuisse
fertur ; nam ferream ca-
tenam. quae super Bœtim
transversim extensa Ma-
hometanis pro repagulo
erat, coorto validiori
vento, una ex navibus re-
giis, régis jussu eo de-
lata, tanto impetu fregit,
ut longius praetervecta ,
ponîem quoque ligncum,
et simul spes Maurorum
obruperit et ad deditio-
ncm coegerit.
TOT victorias beatas
Virginis Marias pa-
trocinio ferebat acceptas,
cujus imaginem secum in
castris habens, peculiari
cuitu prosequebatur.
Capta Hispali, prima
religionis cura fuit : nam
templum Maurorum ex-
piatum et Christianorum
dedicatum sacris, insigni
archiepiscopatu, et ho-
I des villes nombreuses, ayant
conquis les royaumes de Jaën,
Cordoue et Nlurcie, en même
temps qu'il rendit tributaire
celui de Grenade. Il amena
ses étendards victorieux de-
vant Séville, capitale de la
Bétique, après une vision
dans laquelle on rapporte
que saint Isidore, autrefois
évéque de cette ville, lui en
avait donné le conseil. Les
historiens racontent aussi
qu'il fut assisté du secours
divin dans ce siège, en la ma-
nière suivante. LesMahomé-
tans avaient tendu sur le
Guadalquivir une chaîne de
fer qui barrait le passage. Un
vent violent s'éleva tout à
coup, et l'un des navires
royaux lancé par l'ordre du
prince alla briser cette chaîne
avec une telle violence qu'il
fut entraîné plus loin, et alla
rompre un pont de bateaux
dont la ruine enleva l'espoir
aux Maures, et amena la red-
dition de la place.
FERDINAND a attribué toutes
ces victoires au patronage
j de la bienheureuse Vierge
Marie, dont il avait toujours
I dans son camp l'image qu'il
honorait d'un culte spécial.
Avant pris Séville, son pre-
mier soin fut de songer au
culte divin. Il fit purifier tout
aussitôt la mosquée des Sar-
rasins, et la dédia au service
religieux des chrétiens,
s. Ferdinand III, roi de Castille et Conf. b3j
l'ayant pourvue avec une
royale et pieuse libéralité
d'un siège archiépiscopal ri-
chement doté et d'un collège
de chanoines et de dignités
convenablement établis. Il
érigea encore d'autres églises
et plusieurs monastères dans
cette ville. Au milieu de ces
actes de piété, il se préparait
à passer en Afrique pour y
anéantir la puissance musul-
mane, lorsqu'il se vit appelé
au royaume du ciel. Etant
arrivé à ses derniers mo-
ments, il adora la corde au
cou, prosterné par terre, avec
d'abondantes larmes, la sainte
Eucharistie qu'on lui appor-
tait pour viatique. Ayant
reçu le divin sacrement avec
la plus humble révérence ac-
compagnée des plus vifs té-
moignages de son attache-
ment à la foi catholique, il
s'endormit dans le Seigneur.
Son corps, demeuré sans cor-
ruption depuis six siècles,
repose dans la cathédrale de
Séville, où il est renfermé
dans un tombeau de la plus
rare magnificence.
VTous avez délivré votre peuple du joug de
l'infidèle, ô Ferdinand, imitant le divin
ressuscité qui nous a affranchis de la mort du
péché et rendus à la vie que nous avions per-
due. Vos conquêtes n'ont point ressemblé à
celles des conquérants profane-s, qui n'ont
d'autre but que de satisfaire leur orgueil et
celui de leurs peuples. Vous veniez délivrer
nestissimo carK)nicorum
et dignitatum collegio,
regia et religiosa libera-
litate exornavit. Alia
deinde in urbe templa et
cœnobia erexit : inter
quas pietatis oflficia, dum
trajicere in Africam pa-
rât, mahumetanum in ea
imperium eversurus, ad
cœlestem regiam voca-
tur. In extremo vitae ago-
ne sacram Eucharistiam
pro viatico allatam, fune
ad collum alligato, et
humi stratus, cum lacry-
mis ubertim fusis ado-
rans, eaque dignis reve-
rentiae, humilitatis et ca-
tholicne fidei obtestatio-
nibus accepta, obdormi-
vit in Domino. Jacet
ejus corpus, incorruptum
adhuc post sex sœcula,
in templo maximo His-
palensi, honorificentissi-
mo inclusum sepulcro.
63 s Le Temps Pascal.
vos frères opprimes et courbés depuis des
siècles sous un joug odieux. Vous veniez les
arracher aux périls" de séduction qu'ils cou-
raient dans un esclavage séculaire. Champion
du Christ, c'est pour lui d'abord çque vous
forciez les remparts des cités sarrasines. Son
étendard était le vôtre, et vouscherchiez avant
tout à étendre son royaume. En retour, il
daigna vous bénir en tous vos combats, et
votre épée sortit toujours victorieuse.
Votre mission, 6 Ferdinand, fut de prépa-
rer au Seigneur un peuple que la sainte E£;lise
a honoré entre tous les autres, en lui décer-
nant le beau nom de Catholii^ue. Heureuse
Espagne, qui à force de persévérance et de
courage a su briser le joug musulman, que
les peuples qui l'ont subi gardent toujours !
Heureuse Espagne, qui a repoussé avec suc-
cès l'invasion âe la prétendue Réforme au
XVI* siècle, ayant ainsi conservé l'antique foi
qui sauve les âmes, et est en même temps le
plus fort lien de la patrie ! Priez pour votre
peuple, ô Ferdinand ! Des doctrines perverses
circulent dans son sein, des influences per-
fides cherchent à l'égarer, et beaucoup d'âmes
sont séduites. Ne souffrez pas qu'il sacrifie
jamais par d'imprudentes et lâches conces-
sions ce dépôt de foi qu'il a su maintenir
intact durant tant de siècles. Combattez les
machinations ténébreuses par lesquelles les
méchants cherchent à le lui enlever. Mainte-
nez en lui l'horreur qu'il a si longtemps res-
sentie pour l'hérésie, et que rien ne le fasse
déchoir du rang qu'il a conquis entre les
peuples fidèles." L'unité de croyance et de
culte peut le sauver encore, le retenir sur le
s. Ferdinand III, Roi de Castille et Conf. 63g
bord de l'abîme où tant de nations ont som-
bré ; saint roi, sauvez encore une fois le
royaume que Dieu vous avait confié, et que
vous remettiez entre ses mains avec une si
humble reconnaissance, au moment où vous
alliez échanger la couronne de la terre contre
celle du ciel. Vous êtes resté son protecteur
aimé ; hâtez-vous de le secourir.
LE XXXI MAI.
SAINTE ANGÈLE DE MÉRICI, VIERGE.
E jour rayonne d'unedouble gloire :
marqué par le triomphe virginal
d'Aurélia Pétronilla au premier âge
de l'Eglise, il est embaumé par le
parfum des lis qui ceignent le front d'Angèle
de Mérici. Le xvi' siècle, qui naguère offrait
au Christ ressuscité !a séraphique Madeleine
de Pazzi, lui présente aujourd'hui ce nouveau
tribut de la sainteté de l'Eglise. Angèle rem-
plit toute la signihcation du beau nom qu'elle
a reçu. Elle possède dans un corps mortel la
pureté des esprits bienheureux, et elle imite
leur vol agile, leur céleste énergie, par la vi-
gueur de toutes les vertus. On voit cette hé-
roïne de la grâce céleste abattre à ses pieds
tout ce qui pourrait arrêter sa course. Elevée
de bonne heure à la plus haute contempla-
tion, une ardeur chevaleresque la pousse jus-
que sur les plages de l'Orient pour y suivre
les traces de l'Époux divin auquel elle s'est
donnée. On la voit ensuite visiter la nouvelle
Jérusalem, et répandre ses vœux devant la
Confession de saint Pierre ; après quoi, ren-
trée dans son repos, elle fonde un Ordre re-
ligieux qui est encore et qui sera toujours l'un
des ornements et l'un des secours de la sainte
Eglise.
Le spectacle d'Ursule entourée de sa légion
Sainte Angèle de Mérici, Vierge 641
de vierges a séduit le cœur d'Angèle ; il lui
faut aussi une armée de filles vaillantes. La
noble princesse bretonne atfronta les bar-
bares ; Angèle, nouvelle Ursule, livrera ba-
taille au monde et à ses séductions si redou-
tables pour des âmes encore neuves, et,
comme trophée de ses victoires, elle peut
montrer les innombrables générations d'ado-
lescentes que son saint institut a sauvées
depuis trois siècles, en les initiant à la pra-
tique et à l'amour des vertus chrétiennes.
La sainte Eglise nous donne en ces termes
le récit abrégé des vertus et des actions de
sainte Angèle.
ANGÈLE de Mérici naquit
de parents pieux à De-
cenzano, petite ville du dio-
cèse de Vérone, près du lac
Benago, dans l'Etat de Ve-
nise. Dès son jeune âge, elle
veilla avec la plus grande
précaution sur le lis de la vir-
ginité, qu'elle avait résolu de
conserver à jamais intacte.
Repoussant toutes les parures
de son ■ sexe, elle altéra la
beauté de son visage et coupa
ses cheveux, afin de ne plaire
qu'au céleste Epoux des âmes.
Etant encore dans la fleur de
son adolescence, et ayant
perdu ses parents, elle tenta
de s'enfuir dans un désert,
afin d'y mener une vie plus
austcre. Ayant été empêchée
par un oncle de mettre ce
dessein à exécution, elle sut
pratiquer à la maison ce qu'il
ANGELA Mericia, De-
centiani Veronensis
diœcesis oppido ad lacum
Benacum, in ditione Ve-
neta, piis orta parenti-
hus, a prima asiate virgi-
nitatis lilium, quod per-
pétue servare statuerai,
sedula sepsit. Ab omni
muliebri ornatu abhor-
rens, egregiam vuhus
formam, pulchram cjesa-
riem studiose fœdavit, ut
cœlesti duntaxat anima-
rum sponso placcret. In
ipso autem adolescentiae
flore parentibus orbata,
austerioris vitae desiderio
in desertum locum aufu-
gere tentavit ; sed ab
avuncLiloprohibita, novit
praïstare domi, quod in
solitudine non licuit. Ci-
licio, ac flagellis frequen-
LE TEMPS PASCAL.
T. III.
64..
Le Temps Pascal.
ter usa ; carnem non nisi
infirma valetudine, vi-
num in Nativitatis et Rc-
surrectionis Dominicoe
tantiim celebritate, com-
plures vero dies nihil
omnino dcgustavit. Ora-
tioni dedita brevissimiim
liumi carpebat somnum :
daemonem vero sub lucen-
tis angeli forma sibi illu-
dere conantem agnovit
protinus. et conjecit in
fugam. Tandem paternis
bonis abdicatis, et habi-
tum ac regulam tertii
Ordinis sancti Francisci
amplcxa, evangelicam
paupertatem virginitatis
laudi conjunxit.
NULLUM pietatis offi-
cium erga proximos
omittens, pauperibus
quidquid sibi ex emendi-
cato victusuperesset. lar-
giebatur. Libenter mi-
nistrabat aegrotis, plura-
quc cum magna janctita-
tis fama peragravit loca,
ut vel solatio esset afflic-
tis, vel reis veniam impe-
traret, vel infensos invi-
cem reconciliaret ani-
mes, vel e vitiorum cœno
scelestos revocaret. An-
gelorum pane, quem
ne lui était pas permis de
faire dans la solitude. Elle se
revêtit du cilice, et prit fré-
quemment la discipline ; hors
les cas de maladie elle s'in-
terdit la viande, et n'usa de
vin qu'aux fêtes de la Nati-
vité et de la Résurrection du
Seigneur ; il lui arrivait
même de passer plusieurs
jours sans prendre de nourri-
ture. \'ouée à une prière con-
tinuelle, elle prenait sur la
terre nue un court sommeil.
Le démon ayant voulu lui
faire illusion sous la forme
d'un ange de lumière, elle le
reconnut aussitôt et le mit en
fuite. Ayant enfin renoncé à
la succession de son père, et
embrassé la règle du tiers-
ordre de saint François dont
elle prit l'habit, elle joignit
la pauvreté évangélique à la
gloire de la virginité.
FIDÈLE à tous les devoirs de
miséricorde envers le pro-
chain, elle donnait aux pau-
vres tout ce qui lui restait de
la nourriture qu'elle avait
obtenue par l'aumône, et se
livrait avec empressement au
soin des malades. Elle laissa
une haute renommée de sain-
teté dans un grand nombre
de lieux quelle visitait, soit
pour consoler les affligés, soit
pour réconcilier des ennemis,
soit pour retirer de grands
pécheurs du bourbier des
vices. Nourrie fréquemment
Sainte Angcle de Mérici, Vierge. 643
du pain des anges, unique
objet de ses désirs, l'ardeur
de son transport pour Dieu
était si grande, que souvent
elle était ravie hors de ses
sens. Elle visita avec une
piété profonde les saints lieux
de la Palestine. Dans le cours
de ce voyage, ayant perdu la
vue en passant dans l'île de
Candie, elle l'y recouvra au
retour, après avoir échappé
par le secours divin aux
mains des barbares et au dan-
ger imminent d'un naufrage.
Sous le pontificat de Clément
VII. elle se rendit à Rome,
afin d'y vénérer la pierre fon-
damentale de l'Eglise et d'y
gagner l'abondant pardon du
jubilé. Le pape ayant eu avec
elle un entretien, découvrit sa
haute sainteté, parla d'elle
avec les plus grands éloges,
et ne lui permit de sortir de
Rome qu'après avoir reconnu
que le ciel l'appelait ailleurs.
DE retour à Brescia, elle
alla prendre sa demeure
près de l'Eglise de Sainte-
Afra. Ce fut là qu'elle insti-
tua, d'après l'ordre de Dieu
qu'elle avait connu par une
voix céleste et par une vision,
une nouvelle société de vier-
ges sous une discipline par-
ticulière, avec des règles
qu'elle avait rédigées d'une
manière toute sainte. Elle
donna à cet institut le nom et
le v^atronage de sainte Ursule.
unice esuriebat, frequen-
tissime refecta, tanta cha-
ritatis vi ferebatur in
Deum, ut saspius extra
sensus raperetur. Sacra
Halaestinae loca summa
cum religione obivit.
Quo in itinere, et visum
quem ad Cydonias ap-
pulsa oras amiserat, eo-
dem régressa rocupera-
vit. et barbarorum capti-
vitatem ac naufragium
imminens divinitus eva-
sit. Romam denique fir-
mam Ecclesias petram
veneratura, et amplissi-
mae Jubilaei venias per-
cupida, sedente Clémente
Septimo accessit, quam
summus Pontifex allocu-
tus, ejusdem sanctimo-
niam suspexit, et com-
mendavit summopere ;
nec ab Urbe ipsam abire
ante permisit, quam alio
cœlitus vocatam agnovit.
BRixiAM itaque, ubi
donuim ad sanctae
Aphrae templum condu-
xir, reversa, novam ibi
virginum societatem, si-
cut cœlesti voce ac vi-
sione mandatum sibi fue-
rat, sub certa disciplina,
sanctisque vivendi regu-
lis constituit, quam sanc-
t<T Ursulaî invictœ virgi-
num ducis patrocinio, ac
nomine insignivit, eam
vero perennem futuram
644
Le Temps Pascal.
inorti proxima pra-dixii.
Tandem prope septua-
genaria, divcs meritiN
avolavit in cœliim sexlo
calendas februarias anni
millesimi quingentesimi
et quadragesimi ; cujus
cadaver per ipsos tri-
ginta dies inhumatum,
flexibile, ac vivo similli-
mum perseveravit. De-
nium in sancta; Aphrae
templo inter cœteras,
quibus illud abundat,
sanctoruni reliquias, re-
posito, plurima ad ejus
sepulcrum agi statim
cœpere miracula : quo-
rum fama late diffusa
non Brixiœ modo, et De-
centiani, sed alibi etiam
vulgo coepit nuncupari
Beata, ejusque imago
aris iraponi : imo sanctus
ipse Carolus Borromneus
non multis post annis di-
gnam. quae ab Apostolica
Sede in sanctarum virgi-
num album referretur,
Brixias palam asseruit.
Cultum vero illi jamdiu
a populis exhibitum, et
tum locorum ordinariis
probatum, tum pluribus
etiam sumraorum Ponti-
ficum indultis munitum,
Clemens papa Tertius
Decimus solemni decreto
ratum habuit et confir-
mavit. Eain tandem, no-
vis miraculis rite proba-
tis insignem, Plus papa
chef invincible de l'armée des
vierges, et prédit, peu avant
de mourir, qu'il durerait tou-
jours, l^lnfin, étant presque
septuagénaire, comblée de
mérites, elle s'envola r.u ciel
le six des calendes de février
de l'an mil cinq cent qua-
rante. Son corps, que l'on
garda trente jours avant de
l'inhumer, demeura flexible
et conserva les apparences de
la vie. On le déposa dans
l'Eglise de Sainte-Afra, par-
mi les autres reliques des
saints qu'elle possède en
grand nombre ; et plusieurs
miracles commencèrent à se
manifester à son tombeau. Le
bruit s'en répandit non seule-
ment à Brescia et à Decen-
zano, mais encore au loin, et
l'on commença de bonne
heure à donner le nom de
Bienheureuse à Angèle et à
placer son image sur les au-
tels. Saint Charles Borro-
mée lui-même, peu d'années
après la mort d'Angèle. affir-
ma en chaire à Brescia qu'elle
était digne d'être inscrite par
l'autorité du Saint-Siège au
catalogue des saintes vierges.
Clément XIII ratifia et con-
firma par un décret ce culte
populaire approuvé déjà par
plusieurs évéques, et encou-
ragé par de nombreux induits
des Souverains Pontifes. En-
fin après de nouveaux mira-
cles légitimement prouvés.
Pie Mi ins. rivit Angèle sur
Sainte Ansrèle de Mer
f)45
la liste des saintes viert^ei,
dans la solennelle canonisa-
tion qu'il accomplit dans la
basilique vaticane le vingt-
quatre mai mil huit cent
sept.
Septimus solemni cano-
nizatione in vaticana ba-
silica peracta, die vigesi-
ma quarta maii, anno
millesimo octingentesi-
mo septimo sanctarum
virginum catalogo ads-
cripsit.
V
ous avez combattu les coinbats du Sei-
gneur, 6 Angèle, et votre vie si remplie
d'œuvres saintes vous a mérité un repos glo-
rieux dans l'éternel séjour. Un zèle insatia-
ble pour le service de celui que vous aviez
choisi pour Epoux, une ardente charité pour
tous ceux qu'il a rachetés de son sang divin,
forment le caractère de votre existence tout
entière. Cet amour du prochain vous a ren-
due mère d'une famille innombrable ; car
nul ne pourrait compter les jeunes enfants
qui ont sucé à l'école de vos filles le lait de
la saine doctrine et de la piété. Vous avez
puissamment contribué, ô Angèle, au main-
tien de la famille chrétienne en préparant
tant de mères et tant d'épouses pour leurs
sublimes devoirs ; et comoien d'institutions
appelées au même but sont sorties de la
vôtre pour la consolation de l'Eglise et l'a-
vantage de la société ! Le Pontife" suprême a
ordonné que votre nom fût désormais fêté
dans toute la catholicité. En promulguant
ce décret, il a déclaré qu'il voulait placer
sous votre maternelle protection toute la
jeunesse de votre sexe exposée aujour-
d'hui à tant de périls de la part des enne-
mis de Jésus-Christ et de son Eglise. Ils ont
formé le dessein d'arracher la Toi du cœur
646 Le Temps Pascal.
des épouses et des mères, atin d'anéantir
plus sûrement le christianisme, qu'une forte
et douce influence a conservé jusqu'ici dans
la famille. Déjouez ces noirs complots, 6
Angèle ! Protégez votre sexe ; nourrissez en
lui le sentiment de la dignité de la femme
chrétienne, et la société peut encore être
sauvée.
Nous nous adressons aussi à vous, ô épouse
du Christ, pour obtenir votre aide dans le
parcours de cette année liturgique, où nous
retrouvons chaque jour vos traces. Votre
ardeur à suivre les divins mystères qui se
déroulent successivement à nos yeux vous
entraîna au delà des mers. Vous vouliez voir
Nazareth et Rethléhem, parcourir la Galilée
et la Judée, rendre grâces dans le Cénacle,
pleurer sur le Calvaire, adorer le Sépulcre
glorieux. Daignez bénir notre marche timide
clans ces sentiers que vos pas ont parcou-
rus. Nous voulons vous suivre sur le mont
des Oliviers , d'où notre Emmanuel est
remonté dans les cieux ; il nous faut péné-
trer une seconde fois dans le Cénacle, que le
divin Esprit illumine de ses feux. Condui-
sez-nous sur vos pas, 6 Angèle, vers ces lieux
bénis dont Tattraii vous arracha à votre
patrie, et vous lança à travers les hasards
dans une lointaine et périlleuse pérégrina-
tion ; élevez nos âmes à la hauteur des
augustes mystères qui couronnent le Temps
pascal.
LE MÊME JOUR.
SAINTE PÉTRONMLLE, VIERGE
'Eglise n'accorde qu'un souvenir à
cette illustre vierge dans l'Office
d'aujourd'hui ; mais nous ne lais-
serons pas de lui rendre nos hom-
mages. Au douze de ce mois nous avons fêté
la noble Flavia Domitilla, décorée de la dou-
ble palme de la virginité et du martyre ;
Aurélia Pétronilla paraît avoir appartenu
comme elle à la race impériale des Flaviens.
Les plus antiques traditions nous la recom-
mandent comme la fille spirituelle du Prince
des Apôtres ; et si elle n'eut pas la fortune de
répandre son sang pour la foi du Christ
comme Domitilla, elle offrit à l'Epoux divin
l'hommage suprême de la virginité. De très
anciens documents nous apprennent qu'ayant
été demandée en mariage par un patricien
de Rome du nom de Flaccus, elle réclama
trois jours pour réfléchir à la proposition
Son refuge tut auprès du Seigneur auquel
elle s'éia'it vouée; et Flaccus s'ètant présenté
le troisième jour, trouva le palais dans le
deuil, avec tout l'appareil des solennelles
funérailles que Ton préparait pour la jeune
vierge qui s était envolée comme la colombe
aux approches de l'oiseleur.
Au viii'^ siècle, le pape saint Paul I*"" retira
des Catacombes le corps de sainte Pétronille,
qui reposait au Cimetière de Domitilla, sur
b4^ Le Temps Pascal.
la voie Ardéatine. On le trouva renfermé
dans un sarcophage de marbre, dont le cou-
vercle était orné de dauphins aux quatre
angles. Paul le déposa dans une petite église
qu'il éleva près du flanc méridional de la
basilique vaticane.
La France a professé longtemps une ten-
dre vénération pour sainte Pétronille. Pépin
le Bref fit transporter à Rome sa tille Gisèle
qui venait de naître, demandant qu'elle reçût
le baptême des mains du pape saint Paul I*"
près du tombeau de la noble vierge. L'église
bâtie par ce pontife fut longtemps appelée la
Chapelle des rois de France. Louis XI la fit
restaurer et la dota richement, et son tils
Charles VIII lui donna de nouvelles marques
de sa muniticence. Cette église, où l'on remar-
quait de nombreuses sépultures françaises,
fut détruite au xvi« siècle par suite des dis-
positions que nécessitait la construction
de la nouvelle basilique de Saint-Pierre, et
le corps de sainte Pétronille fut transféré
sous l'un des autels de la partie occidentale
de ce temple auguste. Il ne convenait pas
?[ue la dépouille mortelle de l'illustre vierge
ût éloignée de la Confession du Prince des
Apôtres qui l'avait initiée à la foi, et préparée
pour les noces éternelles.
Nous associons votre triomphe à nos joies
pascales, ô tille de Pierre ! nous vénérons à
travers les siècles votre mémoire bénie. \'ous
avez dédaigné le monde avec ses délices et
ses honneurs, et votre nom virginal se lit en
tète des fastes de la sainte Eglise Romaine
qui s'honore d'avoir été votre mère. Aidez-la
maintenant de vos prières, et souvenez-vous
Sainte Pétronille, Vierge.
f>4Q
aussi de la France, qui longtemps vous voua
un culte fervent. Protégez tous ceux qui vous
implorent, et donnez-nous de célébrer avec
un saint enthousiasme les solennités qui
se multiplient en ces jours.
FI.V DU TEMPS PASCAL.
/^i£/^ff^if^f,yi^^^^^yi^£^i^f$L/i¥^i^y^^yS^£/^^£j^£
TABLE
Pages.
LE TEMPS PASCAL. Préface v
Chapitre I^'^ — Prières du matin et du soir, au
Temps Pascal i
Chapitre IL — De l'assistance à la sainte Messe,
au Temps Pascal 17
Chapitre IIL — Pratique de la sainte Commu-
nion, au Temps Pascal 43
Chapitre IV. — Des Offices de Tierce, Sexte et
None, au Temps Pascal 5o
Chapitre V. — De l'Office des Vêpres des
Dimanches et Fêtes, au Temps Pascal. ... 67
Chapitre VI. — De l'Office de Complies, au
Temps Pascal 77
PROPRE DU TEMPS 87
Le Cinquième Dimanxhe après Pâques. . . çS
A la Messe gS
A Vêpres ... 104
Le Lundi des Rogations 108
La Messe des Roifations I16
^"52 Table.
Papes,
Le Mardi des Rogations 123
Le Mercredi des Rogations. La Vigile de 1 Ascen-
sion i3j
L'ASCENSION DE NOTRE-SEIGNEUR. . 142
A Tierce l52
A la Messe i 53
A Sexle 1O4
Midi ■ . . . i65
A None 167
A Vêpres 168
Le Vendredi dans l'Octave de l'Ascension . . . 178
Le Samedi dans l'Octave de l'Ascension. . . . 186
Le Dimanche dans l'Octave de l'Ascension. . 194
A la Messe 201
A Vêpres 207
Le Lundi dans l'Octave de l'Ascension 211
Le Mardi dans l'Octave de l'Ascension 219
Le Mercredi dans l'Octave de l'Ascension. . . . 23o
L'Octave de l'Ascension 240
Le Vendredi après rOctave de l'Ascension. . 25l
Le Samedi veille do la Pentecôte 267
LE JOUR DE LA PENTECOTE 282
A Tierce 3o4
A la Messe ?oS
A Sexte ?20
A None. . 32i
A Vêpres . . 32 2
Les Dons du Saint-Esprit 334
Le Don de Craints 357
Table. 653
Pages.
Le Lundi de la Pentecôte 36o
A la Messe 3yo
A Vêpres 3jq
Le Don de Piété 385
Le Mardi de la Pentecôte 389
A la Messe 3qg
A Vêpres 4.06
Le Don de Science 410
Le Mercredi de la Pentecôte ^14
Le Don de Force ,|27
La Jeudi de la Pentecôte 433
Le Don de Conseil.
449
Le Vendredi de la Pentecôte . ^53
Le Don d'Intelligence 468
Le Samedi de la Pentecôte 474
Le Don de Sagesse 488
PROPRE DES SAINTS 495
XX Mai. — Saint Bernardin de Sienne. Confesseur. 4q5
XXIV .^1ai. — La Fête de Notre Dame Auxiliatrice. 5o5
XXV Mai. — Saint Grégoire VII, Pape et Con-
fesseur 526
Le mê ve jour. — Saint Urbain, Pape et Martyr. b-]b
XXVI Mai. — Saint Philippe Néri, Confesseur. . SyS
Lemême jour. — Saint Eleuthére, Pape et Martyr, 592
XXVII Mai. — Saint Bède le Vénérable, Confes-
seur et Docteur de l'Eglise Sq"
65^ Table.
Pages.
Le même jour. — Saint Jean I", Pape cl Martyr. . 6o3
XXVIII Mai. — Saint Augustin, Evoque, apô-
tre de TAngleterre 6lo
XXIX Mai. — Sainte Marie-Madeleine de Pazzi,
Vierge 620
XXX Mai. — Saint Félix I", Pape et Martyr. . 6 6
Le même jour. — Saint Ferdinand II F, roi de Cas-
tille et Confesseur 629
XXXI Mai — Sainte Angèle de Mérici, Vierge 640
Le même jour. — Sainte Pétrunille, Vierge . . 647
FIN DE LA TABLE DU TOME TROISIEME
POITIERS, — LIBRAIRIE H. OUDIN.
J
0) o
^2^(.