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Full text of "L'Année liturgique"

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tf.i^<^>^^^ 


L'ANNEE  LITURGIQUE. 


E  TEMPS   PASCAL 


LE    TEMPS    PASCAL.    —   T.    Ill 


De  licentia  Superiorum. 


IMPRIMATUR 


t  HENRICIJ&,  Episc.  Pictaviensi 


l8  Februarii  igtO. 


L'ANNÉE  LITURGiaUE 

PAR   LE 

R,  P.  DOM   PROSPER  GUÉRANGER 

ABBÉ    DE    SOLESMES 
13  x: 

LE  TEMPS   PASCAL 

TOME     III 
Q  uin 'pleine   édition 


LIBRAIRTE  RELIGIEUSE  H.  OUDIX 
PARTS  I  POITIERS 

24,  RUE  DE  CONDÉ     j  9,  RUE  DU  CHAUDRON-d'oR 

IQIO 


7 Ht  INSTITUTE  OF  PFDl^rVAl  STUDIE3 

10  ELMSLEY   PLACE 

TORONTO  5,   CANADA, 

FEB  î 5  1832 


S^^iô^^^Eèfeî^i 


LANNÉE  LITURGIQUE 


PRKFACE 


E  Volume  est  consacré  prin- 
cipalement à  l'exposition 
des  mystères  de  l'Ascension 
et  de  la  Pentecôte  ;  et  l'im- 
portance de  la  matière  nous  a  contraint 
à  ne  pas  dépasser  1  intervalle  des  trois 
semaines  qui  sont  les  dernières  du  Temps 
Pascal.  Nous  n'avons  inséré  dans  ce  vo- 
lume que  les  fêtes  des  Saints  des  douze 


vj  Préface. 

derniers  jours  du  mois  de  mai.  Le  nombre 
des  jours  auxquels  elles  sont  admises 
durant  cette  courte  période  est  fort  res- 
treint. Cependant  le  mouvement  de  la 
Pàque,  qui  s'étend  au  delà  d!un  mois, 
nous  eût  obligé  d'accumuler  un  nombre 
excessif  de  ces  fêtes  pour  correspondre 
aux  éventualités  qui  peuvent  se  rencon- 
trer tout  au  plus  sur  dix  à  onze  jours. 
On  devra  donc  prendre  au  tome  précédent 
ou  aux  suivants  les  fêtes  qui  ne  se  trou- 
veront pas  dans  celui-ci. 

Le  volume  qui  doit  suivre  traitera  des 
fêtes  de  la  Trinité,  du  Saint-Sacrement, 
du  Sacré-Cœur  de  Jésus,  et  commencera 
la  longue  période  du  Temps  après  la 
Pentecôte.  On  entrera  alors  dans  la  se- 
conde partie  du  Cycle  liturgique,  bien 
que  la  date  des  fêtes  de  la  Trinité  et  du 
Saint-Sacrement  dépende  originairement 
de  celle  de  Pâques;  mais  ces  solennités 
sont  détachées  du  Cycle  mobile,  quant  à 
leur  objet. 


Préface. 


^'V 


Nous  continuons  de  réclamer  avec  la 
même  confiance  l'intervention  de  nos 
lecteurs  auprès  de'  Dieu,  afin  qu'il  daigne 
nous  permettre  de  mener  à  une  heureuse 
fin  cette  oeuvre  entreprise  pour  sa  gloire 
et  l'utilité  de  nos  frères. 


TEMPS    PASCAL 

CHAPITRE  PREMIER. 


PRIERES  DU  MATIN  ET  DU  SOIR,  AU  TEMPS  PASCAL. 


u  Temps  pascal,  le  chrétien,  dès 
son  réveil,  s'unira  à  la  sainte 
Eglise  qui,  dans  l'Office  des 
Matines,  vient  de  faire  entendre 
ces  paroles  solennelles  : 


u  RR  E  X  I  T 


Domi 


LE  Seigneur  est   véritable-  i  o  v 
ment  ressuscité.  Alléluia!  |  O   vere.  Alléluia. 

Le  moment  étant  venu  de  faire  la  Prière 
du  Matin,  il  pourra  puiser  en  cette  manière, 
dans  les  prières  de  l'Eglise  elle-même,  la 
forme  de  ses  sentiments. 


LE    TEMPS   PASC.VL.    —   T.    UI. 


Le  Temps  Pascal. 


PRIERE  DU  MATIN. 


Tpv'ABORD,  la  louange  et  l'adoration  à  la  très 


sainte  Trinité 

,    Oenedicamus  Pa- 

^'  iJ  trem  et  Filium, 
cum  Sancto  Spiritu  ; 

^.  Laudemus  ctsuper- 
exaltemus  eum  in  sœcula. 

f.  Gloria  Patri,  et  Fi- 
lio.  et  Spiritui  Sancto  ; 

^.  Sicut  erat  in  prin- 
cipio,  et  nunc  et  semper, 
et  in  saecula  saeculorum. 
Amen. 


i    D  ÉNISSONS    Dieu,     le 


Dieu, 
Père,  le  Fils  et  le 

Saint-Esprit  ; 

B;r.  Louons-le,  et  exaltons  • 
le  dans  tous   les  siècles. 

f.  Gloire  au  Père,  et  ua 
Fils,  et  au  Saint-Esprit  ; 

:ç.  Comme  il  était  au  com- 
mencement, et  maintenant  et 
toujours,  et  dans  les  siècles 
des  siècles.  Amen. 


Puis,  la  louange  à  Jésus-Christ,  notre  Sau- 
veur : 


■>■  r 


N      resurrectione 
tua,  Christe,  al- 
léluia. 

^.   Cœli     et   terra   la-- 
tentur,      alléluia. 


a,       A  VOTRE  résurrection 
^"    i».ô  Christ,  alléluia. 

1^.  Les  cieux  et  la  terre 
tressaillent  d'allégresse,  al- 
léluia. 


Ensuite,  l'invocation  au  Saint-Esprit  : 


^  ENI,  Sancte  Spiritus, 
reple   tuorum  corda 
fideliiim.  et  tui  amoris  in 
eis  ignem   accende. 


"W  ENEZ,  Esprit-Saint,  rem- 
'  plissez  les  cœurs  de  vos 
fidèles,  et  allumez  en  eux  le 
feu  de  votre  amour. 


Après  cjs  actes  fondamentaux,  on  récitera 
i'Oraison  Dominicale,  la  Salutation  Angéli- 
que, le  Symbole  de  la  Foi  et  les  formules  qui 
suivent,  s'appliquant  à  entrer  dans  les  pen- 
sées spéciales  à  ce  saint  temps  en  la  manière 
développée  au  premier  volume  de  cette  sai- 
son liturgique. 


L  ORAISON    DOMINICALE. 


N 


OTRE  Père  qui  êtes  aux 
cieux,  que  votre  Nom 
soit  sanctifié  ;  que  votre  règne 
arrive  ;  que  votre  volonté 
soit  faite  sur  la  terre  comme 
au   ciel. 

Donnez-nous  aujourd'hui 
notre  pain  quotidien  ;  par- 
donnez-nous nos  offenses, 
comme  nous  pardonnons  à 
ceux  qui  nous  ont  offensés  ; 
et  ne  nous  laissez  pas  suc- 
comber à  la  tentation,  mais 
délivre^ -nous  du  mal.  Ainsi 
soit-il  ! 


i_j  ATER  noster.  qui  es  in 
•  cœlis,  sanctiticetur 
Nomen  tuum  :  adveniat 
regnumtuum  :  fiatvolun- 
tas  tua,  sicut  in  cœlo,  et 
in   terra. 

Panem  nostrum  quoti- 
dianum  da  nobis  hodie  : 
et  dimitte  nobis  débita 
nostra.  sicut  et  nos 
dimittimus  debitoribus 
nostris  :  et  ne  nos  indu- 
cas  in  tentationem  :  sed 
libéra  nos  a  malo.  Amen. 


LA  SALUTATION  ANGELIQUE. 


JE  VOUS  salue,  Marie,  pleine 
de  grâce  ;  le  Seigneur  est 
avec  vous  ;  vous  êtes  bénie 
entre  toutes  les  femmes,  et 
Jésus,  le  fruit  de  vos  en- 
trailles, est  béni. 

Sainte  Marie,-  Mère  de 
Dieu,  priez  pour  nous  pau- 
vres pécheurs,  maintenant  et 
à  l'heure  de  notre  mort. 
Ainsi  soit-il  ! 


A  VE,  Maria,  gratiaple- 
^^  na  :Dominus  tecum  : 
benedicta  tu  in  mulieri- 
bus,  et  benedictus  fruc- 
tus  ventris  tui  Jésus. 

Sancta  Maria,  Mater 
Dei,  ora  pro  nobis  pecca- 
toribus.  nunc  et  in  hora 
raortis  noslrœ.  Amen. 


LE    SYMBOLE    DES    APOTRES. 


1  E  crois  en  Dieu  le  Père 
»•  tout-puissant,  créateur  du 
ciel  et  de  la  terre. 

Et  en  Jésus-Christ,  son 
Fils  unique,  notre  Seigneur  ; 
qui  a  été  conçu  du  Saint- 
Esprit,  est  né  de  la  Vierge 
Marie,  a  souffert  sous  Ponoe- 


CRE 
ti 


EDO  m  Deum,  Pa- 
rem  omnipotentem, 
creatorem  cœli  et  terrae. 
Et  in  Jesum  Christum 
Filium  ejus  unicum,  Do- 
minum  nostrum  :  qui 
conceptus  est  de  Spiritu 
Sanct.o  natus  ex  Maria 


Le  Temps  Pascal. 


Virgine,  passus  sub  Pon- 
tio  Pilato,  crucifixus, 
mortiius,  et  sepuUus  : 
descendit  ad  inferos  : 
tertia  die  resurrexit  a 
mortuis  :  ascendit  ad 
cœlos,  sedet  ad  dcxteram 
Dei  Patrisomnipotentis  : 
inde  venturus  est  judi- 
care  vivos  et  raortuos. 

Credo  in  Spiritum 
Sanctum,  sanclam  Eccle- 
siam  catholicam,  Sancto- 
rum  communionem,  re- 
missionem  peccatorum, 
carnis  resurrectionem, 
vitam    aîternam.    Amen. 


Pilate.  a  été  crucifié,  est  mort 
et  a  été  enseveli  ;  est  des- 
cendu aux  enfers,  le  troisième 
jour  est  ressuscité  des  morts, 
est  monté  aux  deux,  et  est 
assis  à  la  droite  de  Dieu,  le 
Père  tout-puissant  :  d'où  il 
viendra  juger  les  vivants  et 
les   morts. 

Je  crois  au  Saint-Esprit,  la 
sainte  Eglise  catholique,  la 
communion  des  Saints,  la  ré- 
mission des  péchés,  la  résur- 
rection de  la  chair,  la  vie 
éternelle.  Ainsi   soit-il  I 


AURORA   cœlum     pur- 
purat, 
jEther  résultat  laudibus, 
Mundus  triumphans    ju- 
bilât, 
Horrens    avernus    infre- 
mit. 


Rex  ille  dum  fortissi- 
mus 
De  mortis  inferno    specu 
Patrum  senatum  liberum 
Educit  ad  vitae  jubar. 


Cujus  sepulcrum    plu- 

rimo 

Custcde   signabat    lapis, 

Victor  triumphat,  et  suo 

Mortem    sepulcro  fune- 

raL 


L'aurore  empourpre  les 
cieux  :  un  chant  de  lou- 
ange retentit  dans  les  airs  ; 
la  terre,  dans  son  triomphe, 
se  livre  aux  transports  de  la 
joie  ;  l'enfer  frémit  d'horreur 
et  d'épouvante. 

C'est  l'heure  où  le  Roi  de 
force  entraîne  sur  ses  pas, 
vers  la  lumière  de  vie,  l'ar- 
mée des  anciens  pères  affran- 
chie des  ténèbres  où  la  mort 
les    retenait   captifs. 

De  nombreux  gardiens  veil- 
laient autour  de  son  tombeau 
scellé  ;  il  est  vainqueur,  il 
triomphe  de  la  mort  ;  il  l'en- 
ferme pour  jamais  dans  le 
sépulcre  où  lui-même  re- 
posa. 


Prière  du  Matin. 


a  Plus  d'apprêts  funèbres, 
plus  de  larmes,  assez  de 
regrets  ;  il  est  ressuscité,  le 
vainqueur  du  trépas  »,  s'é- 
crie l'Ange  éclatant  de  lu- 
mière. 

Pour  être  toujours,  o  Jésus, 
la  joie  pascale  de  nos  âmes, 
daignez  sauver  de  la  cruelle 
mort  du  péché  ceux  que  vous 
avez   fait  renaître  à  la  vie. 

A.  Dieu  le  Père  soit  la 
gloire  !  gloire  au'  Fils  res- 
suscité d'entre  les  morts  !  et 
gloire  au  Paraclet,  dans  les 
siècles  éternels  ! 

Amen. 

LA    CONFESSION 

JE  confesse  à  Dieu  tout- 
puissant,  à  la  bienheureuse 
Marie  toujours  Vierge,  à 
saint  Michel  Archange,  à 
saint  Jean-Baptiste,  aux 
Apôtres  saint  Pierre  et  saint 
Paul,  et  à  tous  les  Saints,  que 
j'ai  beaucoup  péché,  en  pen- 
sées, en  paroles  et  en  œuvres  : 
par  ma  faute,  par  ma  faute, 
par  ma  très  grande  faute. 

C'est  pourquoi  je  supplie  la 
bienheureuse  Marie  toujours 
Vierge,  saint  Michel  Ar- 
change, saint  Jean-Baptiste, 
les  Apôtres  saint  Pierre  et 
saint  Paul,  et  tous  les  Saints, 
de  prier  pour  moi  le  Seigneur 
notre  Dieu. 


Sat  funeri,    sat    lacry- 
mis, 
Sat  est  datum  doloribus  : 
Surrexit  exstinctor  necis, 
Clamât  coruscans  Angé- 
lus. 

Ut  sis  perenne   menti- 
bus 
Paschale,  Jesu,  gaudium, 
A  morte    dira    criminum 
Vitîe  re.natos   libéra. 

Deo  Patri  sit  gloria. 
Et  Filio  qui  a  morluis 
Surrexit,  ac  Paraclito, 
In  sempiterna  sœcula. 

Amen. 
DES  PÉCHÉS. 
f^  ONFiTEOR  Deo  omni- 
^-'  potenti,  beatœ  Mariae 
semper  Virgini,  beato 
Michaeli  Archangelo, 
beato  Johanni  Baptistae, 
sanctis  Apostolis  Petro 
et  Paulo,  et  omnibus 
Sanctis,  quia  peccavi  ni- 
mis  cogitatione,  verbo,  et 
opère  :  mea  culpa,  mea 
culpa,  mea  maxima  culpa. 

Ideo  precor  beatam 
Mariam  semper  Virgi- 
nem,  beatum  Michaelem 
Archangelum,  beatum 
Johanncm  Baptistam, 
sanctos  Aposlolos  Pe- 
trum  et  Paulum,  et  om- 
nes  Sanctos,  orare  pro 
me  ad  Dominum  Deum 
nostrum. 


Le  Temps  Pascal. 


OUE  le  Dieu  tout-puissant 
ait  pitié  de  nous  ;  qu'il 
nous  pardonne  nos  péchés  et 
nous  conduise  à  la  vie  éter- 
nelle. Ainsi  soit-il  ! 

Que  le  Seigneur  tout-puis- 
sant et'  miséricordieux  nous 
accorde  l'indulgence,  l'abso- 
lution et  la  rémission  de  nos 
péchés.  Ainsi    soit-il  1 


MisEREATL'R  nostri 
omnipotens  Deus, 
et  dimissis  peccatis  nos- 
tris,  perducat  nos  ad 
vitam  aeternam.  Amen. 

Indulgentiam,  absolu- 
tionem,  et  remissionem 
peccatorum  nostrorum 
tri.buat  nobis  omnipotens 
et  misericors  Dominas. 
Amen. 

Ici  on  pourra  faire  la  Méditation,  si  l'on 
est  dans  l'usage  de  ce  saint  exercice.  Apres 
quoi,  on  demandera  à  Dieu  par  les  prières 
suivantes  la  grâce  d'éviter  toute  sorte  de 
péchTs,  durant  la  journée  qui  commence, 
disant,  toujours  avec  l'Eglise  : 

Y>.  OMiNE  ,    exaudi 
T-J^    orationem 

meam  ; 

If.  Et  clamor  meus  aa 
te  veniat. 


.     ^EIGNEUR,  exaucez  ma 
*•  ^  prière; 

Vf.   Et  que    mon   cri   par- 
vienne jusqu'à  vous. 


ORAISON. 


DOMINE  Deus  omnipo- 
tens, qui  ad  princi- 
pium  hujus  diei  nos  per- 
venire  fecisti  •  tua  nos 
hodie  salva  virtute,  ut 
in  hac  die  ad  nullum 
declinemus  peccatum  ; 
sed  semper  ad  tuam  jus- 
titiam  faciendam  nostra 
procédant  eloquia,  diri- 
gantur  cogitationes  et 
opéra.  Per  Dominum 
nostrum  Jesum  Chris- 
tum  Filium  tuum,  qui 
tecum  vivit  et  régnât    in 


SEIGNEUR  Dieu  tout-pms- 
sant,  qui  nous  avez  fait 
parvenir  au  commencement 
de  ce  jour,  sauvez-nous  au- 
jourd'hui par  votre  puis- 
sance; afin  que,  durant  le 
cours  de  cette  journée,  nous 
ne  nous  laissions  aller  a  au- 
cun péché  ,  mais  que  nos  pa- 
roles, nos  pensées  et  nos  œu- 
vres tendent  toujours  à  1  ac- 
complissement de  votre  jus- 
tice. Par  notre  Seigneur  Je- 
sus-Christ  votrs  Fils,  qui, 
étant  Dieu,  vit  et  règne  avec 


Prière  du  Matin. 


vous,  en  l'unité  du  Saint- 
Esprit,  dans  tous  les  siècles 
des  siècles.  Ainsi  soit-il  ! 


unitate  Spiritus  Sancti 
Deus,  per  omnia  saecula 
sœculorum.   Amen. 


On  implorera  ensuite  le  secours  divin  pour 
bien  faire  toutes  les  actions  de  la  journée, 
disant  trois  fois  : 


jt    /^  Dieu,  venez  à  mon 
^-   U   aide  1 

fij.  Seigneur,  hâtez-vous  de 
me  secourir. 

f.  O  Dieu,  venez  à  mon 
aide  ! 

^.  Seigneur,  hâtez-vous  de 
me  secourir. 

f.  O  Dieu,  venez  à  mon 
aide  ! 

^.  Seigneur,  hâtez-vous  de 
me  secourir. 


a.    pv  EUS,   in  adjuto- 

^'  LJ  rium  meum  in- 
tende, 

^.  Domine,  ad  adju- 
vandum  me  festina. 

f.  Deus,  inadjutorium 
meum  intende. 

b;:.  Domine,  ad  adju- 
vandum  me  festina. 

>'*•.  Deus,  inadjutorium 
meum  intende. 

^.  Domine,  ad  adju- 
vandum   me  festina. 


DAIGNEZ,  Seigneur  Dieu, 
Roi  du  ciel  et  de  la  terre, 
diriger,  sanctifier,  conduire 
et  gouverner,  en  ce  jour,  nos 
coeurs  et  nos  corps,  nos  sens, 
nos  discours  et  nos  actes,  sui- 
vant votre  loi  et  les  œuvres 
de  vos  préceptes;  afin  que, 
ici-bas  et  dans  l'éternité  , 
nous  méritions,  par  votre  se- 
cours, ô  Sauveur  du  monde, 
d'être  sauvés  et  affranchis. 
Vous  qui  vivez,  et  régnez 
dans  les  siècles  des  siècles. 
Ainsi  soit-il  1 


DIRIGERE  et  sanctifi- 
care,  regere  et  gu- 
bernare  dignare,  Domi- 
ne Deus,  Rex  cœli  et  ter- 
rae,  hodie  corda  et  cor- 
pora  nostra,  sensus,  ser- 
mones  et  actus  nostros 
in  lege  tua,  et  in  operi- 
bus  mandatorum  tuo- 
rum  :  ut  hic  et  in  aster- 
num,  te  auxiliante,  salvi 
et  liberi  esse  mereamur, 
Salvator  mundi.  Qui 
vivis  et  régnas  in  saecula 
saeculorum.   Amen. 


Le  Temps  Pascal. 


PRIERE  DU  SOIR. 


A   D  regias  Agni  dapes. 
'^    Stolis  amicti  candi- 

dis, 
Post  transitum    maris 

Rubri, 
Christo   canamus    prin- 

cipi. 

Divina   cujus   charitas 
Sacrum    propinat     sen- 

guinem, 
Almique  membra  corpo- 

ris 
Amor  sacerdos  immolât. 

Sparsum  cruorem  pos- 
tibus 
Vastator   horret    Angé- 
lus : 
Fugitque  divisum  mare, 
Merguntur  hostes  flucti- 
bus. 

Jam    Pascha   nostrum 
Christus  est, 
Paschalis    idem  victima, 
Et   para  puris  mentibus 
Sinceritatis  azyma. 

O   vera  cœli   victima, 
Subjecta  cui  sunt  tartara, 
Soluta  mortis  vincula, 
Recepta  vita;  praemia. 


Victor  subactis  inferis, 
Trophasa  Christus  expli- 
cat, 


A  PRÈS  le  passage  de  la  mer 
^  Rouge,  couverts  de  nos 
robes  blanches  et  assis  au 
festin  royal  de  l'Agneau  , 
chantons  au  Christ  notre  roi. 


C'est  lui  dont  la  charité 
divine  nous  verse  à  boire  son 
propre  sang  ;  c'est  son  amour 
qui  sacrifie  en  victime  les 
membres  de  son  corps  sacré. 


L'Ange  exterminateur  est 
saisi  de  crainte  à  la  vue  du 
sang  dont  nos  portes  sont 
marquées  ;  la  mer  divisée  en 
deux  fuit  devant  nous;  nos 
ennemis  sont  submergés  sous 
les  flots. 

Notre  Pâque,  c'est  le 
Christ  ;  il  est  notre  victime 
pascale  ;  il  est  l'azyme  de  sin- 
cérité pour  les  cœurs  purs. 


O  victime  véritable  venue 
du  ciel,  par  qui  l'enfer  est 
abattu,  les  liens  de  la  mort 
brisés,  les  dons  de  la  vie  res- 
titués. 

Vainqueur  de  la  mort  qu'il 
a  terrassée,  le  Christ  déploie 
son     étendard  ;    il    rouvre  le 


Prière  du  Soir. 


ciel,  et   traîne   en    captif  le 
roi  des  ténèbres. 


Pour  être  toujours,  ô  Jésus, 
la  joie  pascale  de  nos  âmes, 
daignez  sauver  de  la  cruelle 
mort  du  péché  ceux  que  vous 
avez  fait  renaître  à  la  vie. 

A  Dieu  le  Père  soit  la 
gloire  !  gloire  au  Fils  ressus- 
cité d'entre  les  morts!  et 
gloire  au  Paraclet  dans  les 
siècles  éternels  ! 

Amen. 


Coeloque  aperto,  subdi- 
tum 

Regem  tenebrarum  tra- 
hit. 

Ut  sis  perenne  menti- 
tibus 
Paschale,  Jesu,  gaudium, 
A    morte  dira   criminum 
Vitas  renatos  libéra. 

Deo  Patri    sit    gloria, 
Et  Filio,  qui   a  mortuis 
Surrexit,  ac  Paraclito, 
In  sempiterna   sœcula. 

Amen. 


Après  cette  Hymne,  on  récitera  l'Oraison 
Dominicale,  la  Salutation  Angélique  et  le 
Symbole  des  Apôtres.  On  fera  ensuite  l'Exa- 
men de  conscience  ;  on  récitera  le  Confiteor 
et  on  ajoutera  un  Acte  explicite  de  Contri- 
tion, qui  sera  suivi  des  Actes  de  Foi,  d'Espé- 
rance et  de  Charité. 

ACTE    DE    CONTRITION. 

Mon  Dieu,  je  suis  grandement  afTligé  de  vous  avoir 
.  .  pnense  et  je  me  repens  de  tout  mon  cœur  de  mes 
pèches.  Je  les  hais  et  les  déteste  au-dessus  de  tout  autre 
mal,  parce  que,  en  péchant,  non  seulement  j'ai  perdu  le 
Paradis  et  mérité  l'enfer,  mais  bien  plus  encore  parce 
que  )e  vous  ai  offensée.  Bonté  infinie.  à\sne  d'être  aimée 
par-dessus  toutes  choses  ;  je  fais  un  ferme  propos  de  ne 
jamais  plus  vous  offenser  à  l'avenir,  movennant  votre 
divine  grâce,  et  de  fuir  l'occasion  du  péch'é. 

ACTE    DE   FOI. 

I  °  v^,'.^"'   i?  "^'^^  fermement  tout   ce  que   la  sainte 
liglise    Catholique-Apostolique-Romaine    m'or- 


10 


Le  Temps  Pascal. 


donne  de  croire,  parce  que  vous  le  lui  avez  révélé,  vous 
qui  êtes  la  Vérité  même. 

ACTE    d'espérance. 

MON  Dieu,  connaisant  que  vous  êtes  tout-puissant,  in- 
finiment bon  et  miséricordieux,  j'espère  que,  par 
les  mérites  de  la  Passion  et  de  la  Mort  de  Jésus-Christ, 
notre  Sauveur,  vous  me  donnerez  la  vie  éternelle,  que 
vous  avez  promise  à  quiconque  fera  les  oeuvres  d  un 
bon  Chrétien,  comme  je  me  propose  de  faire  avec  votre 
secours. 


ACTE    DE    CHARITE. 


M' 


[ON  Dieu,  connaissant  que  vous  êtes  le  souverain 
Bien,  je  vous  aime  de  tout  mon  cœur  et  par-dessus 
toutes  choses  ;  je  suis  disposé  à  tout  perdre  plutôt  que 
de  vous  offenser;  et  aussi,  pour  votre  amour,  j'aime  et 
je  veux  aimer  mon  prochain  comme  moi-même. 


ANTIENNE    A    LA    SAINTE    VIERGE. 


REGINA    cœli, 
al 


laetare, 

ïUeluia  ; 
Quia      quem       meruisti 

portare.  alléluia, 
Resurrexit     sicut     dixit, 

alléluia. 
Ora     pro   nobis    Deum, 

alléluia. 

f.  Gaude  et  lœtare, 
Virgo  Maria,  alléluia; 

^.  Quia  surrexit  Do- 
minus   vere,  alléluia. 


REINE   du    ciel,  réjouissez- 
vous,  alléluia  ; 
Car    celui    que  vous  avez 
mérité  de  porter,    alléluia, 

Est  ressuscité  comme  il 
l'avait  dit,  alléluia. 

Daignez  prier  Dieu  en 
notre  faveur,  alléluia. 

f.  Soyez  dans  l'allégresse, 
ô  Vierge  Marie,  alléluia  ; 

IÇ[.  Car  le  Seigneur  est 
vraiment  ressuscité,  alléluia. 


pvEUS 

1-/    re^ 


qui  per  Resur- 
rectionem  Filii  tui 
Dominî  nostri  J  e  s  u 
Chrisli,  mundum  Ixtifi- 
care  dignatus  es  :  prxsta, 


ODiEU,  qui  avez  daigné 
réjouir  le  monde  par  la 
Résurrection  de  Jésus-Christ, 
votre  Fils;  daignez  nous  faire 
arriver   aux   joies   de  la   vie 


Prière  du  Soir.                      j  r 

lernelle,  en  vue  de  sa  sainte 

quaesumus,    ut    per   cjus 
Genitricem         Virginem 

Mère,  la  Vierge  Marie.    Par 

le  même  Jésus-Christ   notre 

Mariam,  perpetuae  capia- 

Seigneur.  Amen. 

mus     gaudia     vita-.    Per 
eumdemChristum  Domi- 
num     nostrum.      Amen. 

LES  LITANIES  DE   LA   SAINTE   VIERGE. 

^IGNEUR,    ayez     pitié     de 
O  nous. 

YYRlP.,  eleison. 

Christ,  ayez    pitié  de   nous. 

Christe,  eleison. 

Seigneur,  ayez  pitié  de  nous. 

Kyrie,  eleison. 

Christ,  écoutez-nous. 

Christe,  audi    nos. 

Christ,    exaucez-nous. 

Christe,  exaudi  nos. 

Dieu  Père,  du  haut  des  cieux, 

Pater     de    cœlis,    Deus, 

ayez  pitié  de  nous. 

miserere  nobis. 

Dieu    Fils,  Rédempteur    du 

Fili,  Redernptor    mundi, 

monde,  avez  pitié  de  nous. 

Deus,  miserere    nobis. 

Dieu  Saint-Esprit,  ayez  pi- 

Spiritus   Sancte,      Deus, 

tié  de  nous. 

miserere  nobis. 

Trinité  Sainte,  un  seul  Dieu, 

Sancta      Trinitas,     unus 

ayez  pitié  de  nous. 

Deus,   miserere    nobis. 

Sainte    Marie,     priez     pour 

Sancta   Maria,    ora    pro 

nous. 

nobis. 

Sainte  Mère  de  Dieu,  priez, 

Sancta     Dei      Genitrix, 

etc. 

ora,  etc. 

1 

Sainte    Vierge   des    vierges. 

Sancta  Virgo   virginum. 

Mère    du    Christ. 

Mater  Chrisii. 

Mère  de  la  divine  grâce 

Mater  divinae  gratiae. 

Mère    très   pure. 

Mater  purissima. 

Mère    très    chaste. 

Mater  castissima. 

Mère  inviolable. 

Mater  inviolata. 

Mère  sans  tache. 

Mater  intemerata. 

Mère  aimable. 

Mater  amabilis. 

Mère  admirable. 

Mater  admirabilis. 

Mère  du  bon  conseil. 

Mater  boni  consilii. 

Mère  du  Créateur. 

Mater  Creatoris. 

Mère  du    Sauveur. 

Mater  Salvatoris. 

Vierge  très  prudente. 

Virgo  prudentissima. 

Vierge  digne  de  tout  honneur. 

Virgo  veneranda. 

Vierge  digne   de    toute   lou- 

Virgo praîdicanda. 

ange. 

Le  Temps  Pascal. 


Virgo  potens. 
Virgo  clemcns. 
Virgo  fidelis. 
Spéculum   justitirc. 
Scdes  Sapientiae. 
Causa  nostrae  laetitiae 
Vas  spirituale. 
Vas  honorabile. 
Vas  insigne   devotionis. 
Rosa  mystica. 
Turris  Davidica. 
Turris  eburnea, 
Domus  aurea. 
Fœderis  arca. 
Janua  cœli. 
Stella  matutina. 
Salus  infirmorum. 
Refugium  peccatorum. 
Consolatrix  afflictorum. 
AuxiliumChristianorum. 
Regina  Angelorum. 
Regina  Patriarcharum. 
Regina  Prophetarum. 
Regina  Apostolorum. 
Regina  Martyrum. 
Regina  Confessorum. 
Regina  Virginum. 
Regina  Sanctorum   om- 
nium. 
Regina    sine  labe  origi- 

nali  concepta. 
Regina  sacratissimi  Ro- 

sarii. 
Agnus     Dci.    qui     tollis 
peccata   mundi,    parce 
nobis,  Domine. 
Agnus     Dei,    qui    tollis 
peccata  mundi,  exaudi 
nos.  Domine. 
Agnus    Dei,     qui    tollis 
peccata  mundi,    mise- 
rere nobis. 


Vierge  puissante. 
Vierge  clémente. 
Vierge  fidèle. 
Miroir  de  justice. 
Siège  de  la  Sagesse. 
Cause  de  notre  joie. 
Vase  spirituel. 
Vase  honorable. 
Vase  insigne  de  dévotion. 
Rose  mystique. 
Tour  de  David. 
Tour  d'ivoire. 
Maison  d'or. 
Arche  d'alliance. 
Porte  du  ciel. 
Etoile  du  matin. 
Salut  des  infirmes. 
Refuge  des  pécheurs. 
Consolatrice  des  affligés. 
Secours  des  Chrétiens. 
Reine  des  Anges. 
Reine  des  Patriarches. 
Reine  des  Prophètes. 
Reine  des  Apôtres. 
Reine  des  Martyrs. 
Reine  des  Confesseurs. 
Reine  des  Vierges. 
Reine  de  tous  les  Saints. 

Reine  conçue  sans    la   tache 

originelle. 
Reine  du  très  saint    Rosaire. 

Agneau  de  Dieu,  qui  ôtez  les 
péchés  du  monde,  pardon- 
nez-nous. Seigneur. 
Agneau  de  Dieu,  qui  ôtez  les 
péchés  du  monde,  exaucer- 
nous.  Seigneur. 
Agneau  de  Dieu,  qui  ôtez  les 
péchés  du  monde,  ayez  pi- 
1      lié  de  nous. 


Prière  du  Soir 


i3 


f.  Priez  pour  nous,  sainte 
Mère  de  Dieu  ; 

l]f.    Afin    que  nous    soyons 
ignés  des 
de  Jésus-Christ. 


f.  Ora  pro  nobis  , 
sancta  Dei  Genitrix. 

Ff'.  Ut  digni  efliciamur 
promissionibus    Christi. 


SEIGNEUR  Dieu,  daignez  ac- 
corder à  nous,  vos  servi- 
teurs, la  grâce  de  jouir  cons- 
tamment de  la  santé  de  l'âme 
et  du  corps  ;  et,  par  la  glo- 
rieuse intercession  de  la  bien- 
heureuse Marie  toujoursVier- 
ge,  délivrez-nous  de  la  tris- 
tesse du  temps  présent,  et 
faites-nous  jouir  de  réternelle 
félicité.  Par  Jésus-Christ 
notre  Seigneur.  Amen. 


CONCEDE  nos  famulos 
tuos,  quaesumus  Do- 
mine Deus  ,  perpétua 
mentis  et  corporis  sani- 
tate  gaudere  :  et  gloriosa 
b  e  a  t  as  Mariae  semper 
Virginis  intercessione,  a 
prœsenti  liberari  tristitia 
et  îeterna  perfrui  lastitia. 
Per  Christum  Domi- 
num  nostrum.  Amen. 


PRIÈRE   AUX   SAINTS    ANGES. 


SAINTS  Anges, nos  gardiens, 
défendez-nous  dans  le 
combat,  afin  que  nous  ne  pé- 
rissions pas  au  jour  du  juge- 
ment redoutable. 

f.  Dieu  a  commandé  à  ses 
Arîges. 

"Bf.  De  vous  garder  dans 
toutes    vos  voies. 


SANCTI  Angeli,  custo- 
des nostri,  defendite 
nos  in  praelio,  ut  non  pe- 
reamus  in  tremendo  ju- 
dicio. 

f.  Angelis  suis  Deus 
mandavit  de  te. 

rj\  Ut  custodiant  te  in 
omnibus  viis   tuis. 


ODiEU,  qui, 
vidence    i 


par  une  pro- 
nefFable,  dai- 
gnez commettre  vos  saints 
Anges  à  notre  garde,  accor- 


p.EUS,     qui 


ineffabili 
providentia  sanctos 
Angelos  tuos  ad  nostram 
custodiammittere  digna- 


14 


Le  Temps  Pascal. 


ris  :  largire  supplicibus 
tuis,  et  eorum  semper 
protectione  defendi,  et 
jEterna  societate  i;audere. 
Per  Christum  Domuium 
nostrum.  Amen. 

A   TOUS 

.    ,      ç  ANCTI      D  e  i 

^^^'  O     omnes,     in- 

tercedere  dignemini   pro 

nostra    oniniumque    sa- 

lute. 


dcz  à  vos  humbles  serviteurs 
d'être  sans  cesse  défendus  par 
leur  protection,  et  de  jouir 
éternellement  de  leur  société. 
Par  Jésus-Christ  notre  Sei- 
gneur. Amen. 

LES   SAINTS. 

.    ,       C;  AINTS     de     Dieu, 
ANT.  ^    daignez  tous   in- 
tercéder pour  notre   salut   et 
celui  de  tous. 


PSAUME  CXXIX. 


DE  profundis^  clamavi 
ad  te,  Domine  :  Do- 
mine, exaudi  vocem  me- 
am. 

Fiant  aures  tuae  inten- 
dentes  :  in  vocem  depre- 
cationis  mea». 

Se  iniquitates  obser- 
vaveris,  Domine  :  Domi- 
ne, quis  sustinebit  ? 

Quia  apud  te  propitia- 
tiocst:  et  propter  legem 
tuam  sustinui  te,  Domi- 
ne. 

Sustinuit  anima  mea 
in  verbo  ejus  :  speravit 
anima   mea   in  Domino. 

A  custodia  matutina 
usque  ad  noctem  :  speret 
Israël  in  Domino. 

Quia  apud  Dominum 
misericordia  :  et  copiosa 
apud  eum  redemptio. 

Et  ipse  redimet  Israël  : 
ex  omnibus  iniquitatibus 
ejus. 


Du  fond  de  l'abîme  j'ai  crié 
vers     vous.     Seigneur  ! 
Seigneur,  écoutez   ma  voix. 

Que  vos  oreilles  soient 
attentives  aux  accents  de  ma 
supplication. 

Si  vous  recherchez  les  ini- 
quités. Seigneur!  Seigneur, 
qui  pourra  subsister  ?        _  _ 

Mais  parce  que  la  miséri- 
corde est  avec  vous,  et  à 
cause  de  votre  loi.  je  vous  ai 
attendu,  Seigneur! 

Mon  àme  a  attendu  avec 
confiance  la  parole  du  _  Sei- 
gneur ;  mon  âme  a  espère  en 

Tui-  .    ,.       . 

Du  point  du  jour  a  1  arri- 
vée de  la  nuit.  Israël  doit  es- 
pérer dans  le  Seigneur. 

Car  dans  le  Seigneur  est  la 
miséricorde,  et  en  lui  une 
abondante  rédemption. 

Et  lui-même  rachètera  Is- 
raël de  toutes  ses  iniquités. 


Prière  du  Soir. 


i5 


Donnez-leur,  Seigneur,  le 
repos  éternel  ;  et  que  la  lu- 
mière qui  ne  s'éteint  pas 
luise  sur  eux. 

f.  Des  portes  de  l'enfer. 

"Sf.  Arrachez  leurs  âmes- 
Seigneur. 

i^.  Qu'ils  reposent  en  paix. 

R|.  Amen. 

f.  Seigneur,  exaucez  ma 
prière  ; 

^.  Et  que  mon  cri  par- 
vienne jusqu'à  vous. 


Requiem  aeternam  do- 
na  eis.  Domine  :  et  lux 
perpétua  luceat  eis. 


f.  A  porta  inferi, 

K.  Erue,  Domine,  ani- 
mas eorum. 

f.  Requiescantinpace. 

Ri-  Amen. 

j^.  Domine,  exaudiora- 
tionem  meam  ; 

Bî.  Et  clamor  meus  ad 
te  veniat. 


ODiEUr  Créateur  et  Ré- 
dempteur de  tous  les 
fidèles,  accordez  aux  âmes  de 
vos  serviteurs  et  de  vos  ser- 
vantes la  rémission  de  tous 
leurs  péchés,  afin  que,  par  la 
prière  de  votre  Eglise,  elles 
obtiennent  le  pardon  qu'elles 
désirèrent  toujours.  Vous  qui 
vivez  et  régnez  dans  les  siè- 
cles des  siècles.  Amen. 


UlDELiUM  Deus  om- 
*  nium  Conditor  et 
Redemptor,  animabus 
Êamulorum  famularum- 
que  tuarum  remissionem 
cunctorum  tribue  pecca- 
torumrut  indulgentiam 
quam  semperoptaverunt, 
piis  supplicationibus 
consequantur.  Qui  vivis 
et  régnas  in  saecula  saecu- 
lorum.  Amen. 


ANTIENNE. 


SAUVEZ-NOUS,  Seigneur  , 
durant  la  veille;  gardez- 
nous  durant  le  sommeil  :  afin 
que  nous  puissions  veiller 
avec  Jésus-Christ,  et  que 
nous  reposions  dans   la  paix. 

f.  Daignez,  Seigneur,  du- 
rant cette  nuit, 

^.  Nous  garder  de  tout 
péché. 


SALVA  nos,  Domine, 
vigilantes  ;  custodi 
nos  dormientes  :  ut  vigi- 
lemus  cum  Christo,  et 
requiescamus  in  pace. 


f.  Dignarc,  Domine, 
nocte   ista, 

'Bf..  Sine  peccato  nos 
custodire. 


i6 


Le  Temps  Pascal. 


t.  Miserere  nostri,  Do- 
mine. 

iç:.  Miserere  nostri. 

y.  Fiat  misericordia 
tua,  Domine,    super  nos, 

Vf.  Qucmadmodum 
speravimus  in  te. 

f.  Domine,  exaudi 
orationem  meam  ; 

^.  Et  clamor  meus  ad 
te  veniat. 


f.  Ayez  pitié  de  nous,  Sei- 
gneur ! 

11).  Ayez  pitié  de  nous. 

j^.  Que  votre  miséricorde 
soit  sur  nous.  Seigneur, 

j^.  Dans  la  mesure  que  nous 
avons  espéré  en  vous. 

j^.  Seigneur,  exaucez  ma 
prière  : 

^.  Et  que  mon  cri  par- 
vienne jusqu'à  vous. 


VISITA,  quœsuraus  Do- 
mine, habitationem 
istam.  et  omnes  insidias 
inimici  ab  ea  longe  re- 
pelle :  Angeli  tui  sancti 
habitent  in  ea,  qui  nos 
in  pace  custodiant  ;  et 
benedictio  tua  sit  super 
nos  semper.  Per  Domi- 
num  nostrum  Jesum 
Christum,  Filium  tuum, 
qui  tecum  vivit  et  régnât 
in  unitate  Spiritus  Sanc- 
ti Deus,  per  omnia  s3e- 
cula  saeculorum.   Amen. 


V 


ISITEZ,  s'il  vous  plaît, 
Seigneur,  cette  maison, 
et  éloignez-en  toutes  les  em- 
bûches de  l'ennemj.  Que  vos 
saints  Anges  y  habitent, 
qu'ils  nous  y  gardent  dans  la 
paix  ;  et  que  votre  bénédic- 
tion demeure  toujours  sur 
nous.  Par  Jésus-Christ  votre 
Fils,  notre  Seigneur,  qui, 
étant  Dieu,  vit  et  règne  avec 
vous,  en  l'unité  du  Saint-Es- 
prit, dans  tous  les  siècles  des 
siècles.  Amen. 


Enfin,  pour  terminer  la  journée  dans  les 
sentiments  (que  doit  inspirer  le  Temps  pas- 
cal, on  répétera  ces  touchantes  paroles  que 
l'Eglise  emprunte  aux  disciples  d'Emmaùs, 
dans  son  Onice  du  soir: 

^   r^  EMEUREZ  avec  nous, 
'■•--'     Seigneur,  alléluia; 


^    »  «  ANE   nobiscum, 
''  IVl    Domine,  allé- 
luia ; 

^.  Quonlam   advcspe- 
rascit.  alléluia. 


'Bf.  Car  il  se  fait  tard,  allé- 
luia. 


^mm^i^'^jMé 


CHAPITRE   11. 


DE    L  ASSISTANCE    A    LA   SAINTE   MESSE, 
AU    TEMPS    PASCAL. 


E  Dimanche,  si  la  Messe  à  la- 
quelle on  assiste  est  parois- 
siale, deux  rites  solennels,  l'As- 
persion de  l'Eau  bénite,  et  en 
beaucoup  d'églises  la  Proces- 
sion, devront  d'abord  intéresser 


ANTIENNE    DE   L  ASPERSION. 


piete 


Jll  vu  une  eau  qui  sortait 
du  temple,  au  côté  droit, 
alléluia  ;  et  tous  ceux  que 
cette  eau  a  touchés  ont  été 
sauvés,  et  ils  diront  :  Allé- 
luia,   alléluia. 

Ps.  Louez  le  Seigneur, 
parce  qu'il  est  bon,  et  sa  misé- 
ricorde est  à  jamais. 

Gloire  au  Père.  J'ai  vu  une 
eau. 


\IDI  aquam  egrcdien- 
tem  de  templo  a  la- 
tere  dextro,  alléluia  :  et 
omnes  ad  quos  pervenit 
aqua  ista  salvi  facti  sunt, 
et  dicent  :  Alléluia,  allé- 
luia. 

Ps.  Confitemini  Do- 
mino, quoniam  bonus  : 
quoniam  in  saeculum  mi- 
sericordia  ejus. 

Gloria  Patri.  Vidi 
aquam. 


LE   TEMPS  PASCAL.    —   T.    III. 


j8 


Le  Temps  Pascal. 


y.  Ostende  nobis.  Do- 
mine, misericordiam 
tiiam,   alléluia   ; 

^.  Et  Salutare  tuum 
da  nobis,  alléluia. 

y.  Domine,  exaudi 
orationem  meam  ; 

f^.  Et  clamer  meus  ad 
te  veniaL 

t.  Dominus  vobiscum  ; 

î^.   Et  cum  spiritu  tuo. 


f.  Montrez-nous,  Sei- 
gneur, votre  miséricorde,  al- 
léluia ; 

^.  Et  donnez-nous  le  Sau- 
veur que  vous  nous  avez  des- 
tiné,   alléluia. 

f.  Seigneur,  exaucez  ma 
prière  ; 

^.  Et  que  mon  cri  monte 
jusqu'à  vous. 

"f.  Le  Seigneur  soit  avec 
vous  ; 

^.  Et  avec  votre  esprit. 


EXAUDI  nos,  Domine 
sancte,  Pater  omni- 
potens,  œterne  Deus  :  et 
mittere  digneris  sanctum 
Angelum  tuum  de  cœlis, 
qui  custodiat,  foveat, 
protegat,  visitet,  atque 
defcndat  omnes  habitan- 
tes in  hoc  habitaculo. 
Per  Christum  Dominum 
nostrum.  Amen. 


EXAUCEZ-NOUS,  Seigneur 
saint,  Père  tout-puissant, 
Dieu  éternel  ;  et  daignez  en- 
voyer du  ciel  votre  saint 
Ange  qui  garde,  visite  et 
défende  tous  ceux  qui  sont 
rassemblés  en  ce  lieu.  Par 
Jésus-Christ  notre  Seigneur. 
Amen. 


L'ORDINAIRE  DE  LA  MESSE. 


IN    nomine     Patris,     et 
Filii,     et       Spiritus 
Sancti.  Amen. 

j^.    Introibo   ad   altare 
Dei  : 

Vf.  Ad  Deum  qui  laeti- 
ficat    juventutem   meam. 


JUDICA    me,    Deus,     et 
discerne  causam  meam 


Au  nom     du     Père,    et   du 
Fils,  et  du  Saint-Esprit. 
Ainsi   soit-il  ! 

Je  m'unis,  ô  mon  Dieu,  à 
votre  sainte  Eglise  qui  se 
réjouit  en  la  Résurrection  de 
Jésus-Christ  votre  Fils,  l'Au- 
tel véritable. 

COMME  elle,  je  vous  supplie 
de  me  défendre  contre  la 


Ordinaire  de  la  Messe. 


'9 


malice   des  ennemis  de  mon 
salut. 

C'est  en  vous  que  j'ai  mis 
mon  espérance  ;  et  cependant 
je  me  sens  triste  et  inquiet  à 
cause  des  embûches  qui  me 
sont  tendues. 

Faites-moi  donc  voir  celui 
qui  est  la  Lumière  et  la  Vé- 
rité :  c'est  lui  qui  nous  ou- 
vrira l'accès  à  votre  sainte 
montagne,  à  votre  céleste  ta- 
bernacle. 

Il  est  le  Médiateur,  l'Autel 
vivant  ;  je  m'approcherai  de 
lui,   et  je  serai  dans  la  joie. 

Quand  je  l'aurai  vu,  je 
chanterai  avec  allégresse.  O 
mon  âme,  ne  t'attriste  donc 
plus,  ne  sois  plus  troublée  ; 
le  temps  de  la  tristesse  est 
passé. 

Espère  en  lui  ;  car  il  a 
vaincu  tes  ennemis,  la  mort 
et  l'enfer,  et  il  t'a  associée  à 
son  triomphe. 

Gloire  au  Père,  et  au  Fils, 
et  au    Saint-Esprit  ; 

Comme  il  était  au  commen- 
cement, et  maintenant  et  tou- 
jours, et  dans  les  siècles  des 
siècles.  Ainsi  soit-il  1 

Je  vais  donc  m'approcher 
de  l'autel  de  Dieu,  et  sentir 
la  présence  du  divin  ressus- 
cité. 

Cette  confiance  est  en  moi, 
non  à  cause  de  mes  mérites, 
mais  par  le  secours  tout-puis- 
sant de  mon  Créateur. 


de  gente  non  sancta  :  ab 
homine  iniquo  et  doloso 
erue  me. 

Quia  tu  es,  Deus,  for- 
titudo  mea  :  quare  me 
repulisti  ?  et  quare  tris- 
tis  incedo,  dum  affligit 
me  inimicus  ? 

Emitte  lucem  tuam  et 
veritatem  tuam  :  ipsa  me 
deduxerunt  et  adduxe- 
runt  in  montem  sanctum 
tuum,  et  in  tabernacula 
tua. 

Et  introibo  ad  altare 
Dei  :  ad  Deum  qui  laeti- 
ficat  juventutem  meam. 

Confitebor  tibi  in  ci- 
thara,  Deus,  Deus  meus  : 
quare  tristis  es,  anima 
mea  ?  et  quare  conturbas 
me  ? 

Spera  in  Deo,  quo- 
niam  adhuc  confitebor 
illi  :  Salutare  vultus  mei, 
et  Deus  meus. 

Gloria  Patri,  et  Filio, 
et  Spiritui  Sancto  ; 

Sicut  erat  in  principio, 
et  nunc,  et  semper,  et  in 
ssecula  saeculorum. 
Amen. 

j^.  Introibo  ad  altare 
Dei  : 

^.  Ad  Deum  qui  laeti- 
ficat  juventutem  meam. 

j^.  Adjutorium  nos- 
trum  in  nomine   Domini, 

fî.  Qui  fecit  coelum  et 
terram. 


Le  Temps  Pascal. 


Cette  pensée  qu'il  va  paraître  devant  le 
Seigneur  excite  dans  l'âme  du  Prêtre  un  vif 
sentiment  de  componction.  11  ne  veut  pas 
aller  plus  loin  sans  confesser  publiquement 
qu'il  est  pécheur  et  indigne  de  cette  grâce. 
Écoutez  avec  respect  cette  confession  de 
l'Homme  de  Dieu,  et  faites  ensuite  votre  con- 
fession avec  le  ministre,  disant  à  votre  tour 
avec  contrition  : 


C'V)NFiTEOR  Deo  omni- 
^  potenti,  beat;K  Mariae 
semper  Virgini,  beato 
Michaeli  Archangelo, 
beato  Johanni  l'aptistae, 
sanctis  Apostolls  Petro 
et  Paulo,  omnibus  Sanc- 
tis, et  tibi.  Pater,  quia 
peccavi  nimis  cogita- 
tione,  verbo  et  opère  : 
mea  culpa,  raea  culpa, 
mea  maxima  culpa.  Ideo 
precor  beatam  Mariam 
semper  Virginem,  bea- 
tum  Michaelem  Archan- 
gelum.  beatum  Johannem 
Baptistam,  s  a  n  c  t  o  s 
Apostolos  Petrum  et 
Paulum.  omnes  Sanctos, 
et  te.  Pater,  orare  pro 
me  ad  Dominura  Deum 
nostrum. 

MISEREATUR  V  e  S  t  r  i 
omnipotens    Deus, 
et  dimissis  peccatis  ves- 
tris.  perducat  vos  ad  vi- 
lam  œternam. 
^.  Amen. 
Indulgentiam,  absolu- 


JE  confesse  à  Dieu  tout- 
puissant,  à  la  bienheureuse 
Marie  toujours  Vierge,  à  saint 
^ïichei  Archange,  à  saint 
Jean-Baptiste,  aux  Apôtres 
saint  Pierre  et  saint  Paul,  à 
tous  les  Saints,  et  à  vous, 
mon  Père,  que  j'ai  beaucoup 
péché  en  pensées,  en  paroles 
et  en  œuvres  :  par  ma  faute, 
par  ma  faute,  par  ma  très 
grande  faute.  C'est  pourquoi 
je  supplie  la  bienheureuse 
Marie  toujours  Vierge,  saint 
Michel  Archange,  saint  Jean- 
Baptiste,  les  Apôtres  saint 
Pierre  et  saint  Paul,  tous  les 
Saints,  et  vous,  mon  Père,  de 
prier  pour  moi  le  Seigneur 
notre   Dieu. 


OUE  le  Dieu  tout-puissant 
ait  pitié  de  vous,  qu'il 
vous  remette  vos  péchés  et 
vous  conduise  à  la  vie  éter- 
nelle. 

^.  Amen. 

Que  le  Seigneur  tout-puis- 


Ordinaire  de  la  Messe. 


sant   et  miséricordieux  nous 
accorde  l'indulgence,  l'abso- 
lution et  la   rémission  de  nos 
péchés. 
Rj.  Amen. 

-  /^    Dieu,     d'un     seul 

^*v-V  regard  vous  nous 
donnerez  la  vie; 

fi|.  Et  votre  peuple  se  ré- 
jouira en  vous. 

j^.  Montrez-nous,  Seigneur, 
votre  miséricorde  ; 

Rj.  Et  donnez-nous  le  Sau- 
veur que  vous  nous  avez  pré- 
paré. 

j^.  Seigneur,  exaucez  ma 
prière  ; 

^.  Et  que  mon  cri  parvienne 
jusqu'à  vous. 

f.  Le  Seigneur  soit  avec 
vous  ; 

fij.  Et  avec  votre  esprit. 


FAITES  disparaître  de  nos 
cœurs,  ô  mon  Dieu,  toutes 
les  taches  qui  les  rendent 
indignes  de  vous  être  présen- 
tés; nous  vous  le  demandons 
par  votre  divin  Fils  notre 
Seigneur. 


tionem,  et  remissionem 
peccatorum  nostrorum 
tribuat  nobis  omnipotens 
et  misericors  Dominus. 
^.  Amen. 

i.   TA  EUS,  tu  conver- 
"■  JL/    sus   vivificabis 

nos  ; 

l<i.  Et  picbs  tua  Inetabi- 
tur  in  te. 

f.  Ostendc  nobis,  Do- 
m  i  n  e,  misericordiam 
tiiam  ; 

l^.  Et  Salutare  tuum  da 
nobis. 

f.  Domine,  exaudi  ora- 
tionem  meam  ; 

^.  Et  clamor  meus  ad 
te  veniat, 

f.  Dominusvobiscum; 

Rj.  Et  cum  spiritu  tuo. 
OREMUS. 

AUFER  a  nobis,  quœ- 
sumus  Domine,  ini- 
quitates  nostras  ;  ut  ad 
Sancla  Sanctorum  puris 
mereamur  mentibus  in- 
troire.  Per  Christum 
Dominum  n  o  s  t  r  u  m. 
Amen. 


Quand  le  Prêtre  baise  l'autel  par  respect 
pour  les  os  des  Martyrs  qu'il  couvre,  on 
dira  : 

GÉNÉREUXsoldats  de  Jésus- |>^  ramus    te,    Domine, 
Christ,    qui   avez  mêlé  lvJ     per  mérita  Sancto- 


Le  Temps  Pascal. 


rum  tuorum  quorum  re- 
liquiae  hic  sunt,  et  om- 
nium Sanctorum  ;  ut  in- 
dulgere  digneris  omnia 
peccata  mea.  Amen 


votre  sang  au  sien,  faites  ins- 
tance pour  que  nos  pécliés 
soient  remis,  afin  que  nous 
puissions,  comme  vous,  ap- 
procher de  Dieu. 


Si  la  Messe  est  solennelle,  le  Prêtre  en- 
cense l'autel.  Il  dit  ensuite  l'Introït,  qui  est 
suivi  des  Kyrie. 

Au  Père,  qui  nous  a  envoyé  sonF ils  pour  nous 
délivrer  de  la  mort. 


KYRIE,  eleison. 
Kyrie,  eleison. 
Kyrie,  eleison. 


SEIGNEUR,  ayez  pitié  ! 
Seigneur,  ayez  pitié 
Seigneur,  ayez   pitié! 


Au  Fils  qui,  par  sa  Résurrection,  a  détruit 
la  mort,  et  nous  a  frayé  le  chemin  de  la  vie 
éternelle. 


Christe,  eleison. 
Christe,  eleison. 
Christe,  eleison. 


Christ,  ayez  pitié  ! 
Christ,  ayez  pitié! 


Chr 


5t,  ayez  pitie 


Au  Saint-Esprit,    qui  est   venu   répandre  ses 
dons  sur  l'Eglise  tout  entière. 


Kyrie,  eleison. 
Kyrie,  eleison. 
Kyrie,  eleison. 


.Seigneur,  ayez  pitié! 
Seigneur,  ayez  pitié! 
Seigneur,  ayez  pitié! 


L  HYMNE    ANGELIQUE. 


GORIA  in  ex  cel  s  i  s 
Deo,  et  in  terra  pax 
hominibus  bonae  volun- 
tatis. 

Laudamus  te  :  benedi- 
cimus  te  :  adoramus    te 
glorificamus   te  :   gratias 


GLOIRE  à  Dieu  au  plus 
haut  des  cieux,  et  sur  la 
terre  paix  aux  hommes  de 
bonne  volonté. 

Nous  vous  louons,  nous 
vous  bénissons,  nous  vous  ado- 
rons,   nous    vous  glorifions  ; 


Ordinaire  de  la  Messe. 


23 


nous  vous  rendons  grâces  à 
cause  de  votre  grande  gloire. 
Seierneur  Dieu,  Roi  céleste. 


beigi 
Dieu  P 


ère  tout-puissant 


Seigneur  Jésus-Christ  , 
Fils  unique  ! 

Seigneur  Dieu,  Agneau  de 
hieu,  Fils  du  Père! 

Vous  qui  ôtez  les  péchés  du 
monde,  ayez  pitié  de  nous. 

Vous  qui  ôtez  les  péchés  du 
monde,  recevez  notre  humble 
prière. 

Vous  qui  êtes  assis  à  la 
droite  du  Père,  ayez  pitié 
de  nous. 

Car  vous  êtes  le  seul  Saint, 
vous  êtes  te  seul  Seigneur, 
vous  êtes  le  seul  Très-Haut, 
ô  Jésus-Christ,  avec  le  Saint- 
Esprit,  dans  la  gloire  de 
Dieu  le  Père.  Amen. 


agimus  tibi  propter  ma- 
gnam  gloriam  tuam. 

Domine  Deus  ,  Rcx 
cœlestis,  Deus  Pater  om- 
nipotens. 

Domine,  Fili  unige- 
nite,  Jesu    Christe. 

Domine  Deus,  Agnus 
Dci,  Filius  Patris. 

Qui  toUis  peccata 
mundi,    miserere    nobis. 

Qui  tollis  peccata 
mundi,  suscipe  depreca- 
tionem  nostram. 

Qui  sedes  ad  dexteram 
Patris,  miserere  nobis. 

Quoniam  tu  solus  San- 
ctus,  tu  solus  Dominus, 
tu  solus  Altissimus,  Jesu 
Christe,  cum  Sancto 
Spiritu,  in  gloria  Dei 
Patris.  Amen. 


Le  Prêtre  salue  le  peuple.  Vient  ensuite  la 
Collecte  ou  Oraison,  qui  se  trouve  au  Propre 
du  Temps  ou  au  Propre  des  Saints,  et  à  la- 
quelle on  doit  répondre  ^»2e«,  avec  le  minis- 
tre qui  sert  la  Messe.  On  lira  ensuite  l'Epître, 
puis  les  Versets  alléluiatiques. 

Pour  préparation  à  bien  entendre  l'Evan- 
gile, on  peut  dire  en  union  avec  le  Prêtre  et 
avec  le  Diacre  : 


SEIGNEUR  ,  purifiez  mes 
oreilles  trop  longtemps 
remplies  des  vaines  paroles 
du  siècle,  afin  que  j'entende 
la  Parole  de  la  vie  éternelle 
et  que  je  la  conserve  dans 
mon  cœur  ;  par  Jésus-Christ, 


M 


UNDA  cor  meum  ac 
labia  mea,  omnipo- 
tens  Deus,  qui  labia 
Isaiaï  prophetae  calcule 
mundasti  ignito  :  ita  me 
tua  grata  miseratione  di- 
gnare  mundare,  ut  sanc- 


24 


Le  Temps  Pascal. 


tum  Evangelium  tuum 
digne  valeam  nuntiare. 
Per  Christiim  Dominum 
nostrum.  Amen. 

Dominus  sit  in  corde 
mco,  et  in  labiis  mois  ; 
ut  digne  et  compctenter 
annuntiem  Evangelium 
suum  •  In  nominc  iPatris, 
et  Filii,  et  Spiritus 
Sancti.  Amen, 


votre  Fils,  notre    Seigneur. 
Amen. 


Donnez  à  vos  ministras  la 
grâce  d'être  les  fidèles  inter- 
prètes de  votre  loi,  afin  que, 
pasteurs  et  troupeau,  nous 
nous  réunissions  tous  en  vous 
à  jamais. 


On  se  tiendra  debout,  par  respect,  pendant 
la  lecture  de  l'Evangile;  on  fera  sur  soi  le 
signe  de  la  Croix,  et  on  suivra  toutes  les 
paroles  du  Prctrc  ou  du  Diacre. 

Après  l'Evangile,  si  le  Prêtre  récite  le  Sym- 
bole de  la  Foi,  on  dira  avec  lui  . 


SYMBOLE    DE    NICEE. 


-.^  REDO  in  unum  Deum 
C^  Patrem  omnipoten- 
rem,  factorem  cœli  et 
terrée,  visibilium  om- 
nium   et    invisibilium. 

Et  in  unum  Dominum 
Jesum  Christum,  Fiiium 
Dei  unigenitum.  Et  ex 
Pâtre  natum  ante  omnia 
saecula.  Deum  de  Deo, 
lumen  de  lumine,  Deum 
verum  de  Deo  vero.  Ge- 
nitum,  non  factum,  con- 
substantialem  Patri  •  per 
guem  omnia  facta  sunt. 
Qui  propter  nos  homines 
et  propter  nostram  salu- 
tem,  descendit  de  cœlis. 
Et  incarnatus  est  de  Spi- 
ritu  Sancto  ex  Maria 
Virgine  .  et  HOMO  FAC- 


.  E  crois  en  un  seul  Dieu,  le 
1  Père  tout-puissant,  qui  a 
Tait  le  ciel  et  la  terre,  et 
toutes  les  choses  visibles  et 
invisibles. 

Et  en  un  seul  Seigneur  Jé- 
sus-Christ, Fils  unique  de 
Dieu;  qui  est  né  du  Père 
avant  tous  les  siècles;  Dieu 
de  Dieu,  lumière  de  lumière, 
vrai  Dieu  de  vrai  Dieu  ,  qui 
n'a  pas  été  fait,  mais  engen- 
dré .  consubstantiel  au  Père, 
par  qui  toutes  choses  ont  été 
faites.  Qui  est  descendu  des 
cieux  pour  nous  autres  hom- 
mes, et  pour  notre  salut.  Et 
qui  a  pris  chair  de  la  Vierge 
Âlarie  par  l'opération  du 
Saint-Esprit  ,  ET  QUI  s'est 
FAIT  HOM.ME.  Qui  a  été  aussi 


Ordinaire  de  la  Messe. 


2  5 


TUS  EST.  Crucifixus 
etiam  pro  nobis  sub  Pon- 
tio  Pilato,  passus,  et  se- 
pultus  est.  Et  resurrexit 
tertia  die,  secundum 
Scripturas.  Et  ascendit 
in  ccelum  :  sedet  ad  dex- 
teram  Patris.  Et  iterum 
venturus  est  cum  gloria 
judicare  vivos  et  mor- 
tuos  :  cujus  regni  non 
erit  finis. 

Et  in  Spiritum  Sanc- 
tum,  Dominum  et  vivifi- 
cantem,  qui  ex  Pâtre  Fi- 
lioque  procedit.  Qui  cum 
Pâtre  et  Filio  simul  ado- 
ratur,  et  conglorifica- 
mur  :  qui  locutus  est  per 
Prophetas.  Et  Unam, 
Sanctam,  Catholicam  et 
Apostolicara  Ecclesiam. 
Confiteor  unum  Baptis- 
ma  in  remissionem  pec- 
catorum.  Et  exspecto  re- 
surrectionem  mortuo- 
rum,  et  vitam  venturi 
saeculi.  Amen. 

Nous  entrons  dans  cette  seconde  partie  de 
la  sainte  Messe  qui  est  appelée  Oblation.  Le 
Prêtre  salue  encore  le  peuple,  pour  l'avertir 
d'être  de  plus  en  plus  attentif.  Lisons  avec 
lui  l'Offertoire  ;  et  quand  il  présente  à  Dieu 
l'Hostie,  joignons-nous  à  lui  et  disons  : 

TOUT   ce  que  nous   avonsi 
Seigneur,  vient  de   vous 


crucifié  pour  nous  sous  Pon- 
ce-Pilate;  qui  a  souffert,  qui 
a  été  mis  dans  le  sépulcre  : 
qui  est  ressuscité  le  troisième 
jour,  selon  les  Ecritures.  Et 
qui  est  monté  au  ciel,  qui  est 
assis  à  la  droite  du  Père,  et 
qui  viendra  encore  avec 
gloire  pour  juger  les  vivants 
et  les  morts  ;  et  dont  le  règne 
n'aura  point  de  fin.»' 

Je  crois  au  Saint-Esprit, 
Seigneur  et  vivifiant,  qui  pro- 
cède du  Père  et  du  Fils;  qui 
est  adore  et  glorifié  conjointe- 
ment avec  le  Père  et  le  Fils  ; 
qui  a  parle  par  les  Prophè- 
tes. Je  crois  l'Eglise  qui  est 
Une,  Sainte,  Catholique  et 
Apostolique.  Je  confesse  qu'il 
y  a  un  Baptême  pour  la  ré- 
mission des  péchés;  et  j'at- 
tends la  résurrection  des 
morts,  et  la  vie  du  siècle  à 
venir.  Amen. 


est  à  vous  ;  il  est  donc 
juste  que  nous  vous  le  ren- 
dions. Mais  combien  vous 
êtes  admirable   dans  les   in- 


usciPE,  sancte  Pater, 
omnipotens  œterne 
eus,  hanc  immacula- 
tarahostiara,  quam  ego, 
indignus  famulus  tuus 
ofFero  tibi  Deo  meo  vivo 


§, 


26 


Le  Temps  Pascal. 


et  vero,  pro  innumerabi- 
libus  peccatis  et  ofTcn- 
sionibus  et  nee;ligentiis 
meis,  et  pro  omnibus  cir- 
ciimstantibus,  sed  et  pro 
omnibus  fidelibus  chris- 
tianis  vivis  atque  defunc- 
tis  ;  ut  mihi  et  illis  profi- 
ciat  ad  salutem  in  vitam 
aeternam.    Amen. 

Quand  le  Prêtre  met  dans  le  calice  le  vin, 
auquel  il  mêle  ensuite  un  peu  d'eau  : 

DEUS,  qui  humanaesub- 
stantiae  dignitatera 
mirabiliter  condidisti,  et 
mirabilius  reformasti  : 
da  nobis,  per  hujus 
aquae  et  vini  mysterium, 
ejus  divinitatis  esse  con- 
sortes,  qui  humanitatis 
nostrae  fieri  dignatus  est 
particeps,  Jésus  Christus 
Filius  tuus  Dominus 
noster  ;  qui  tecum  vivit 
et  régnât  in  unitate  Spi- 
ritus  Sancti  Deus,  per 
omnia  saecula  saeculorum. 
Amen. 

Le  Prêtre  offre  ensuite  le  mélange  de  vin 
et  d'eau  : 


ventions  de  votre  puissante 
charité  !  Ce  pain  que  nous 
vous  offrons  va  bientôt  céder 
la  place  à  votre  sacré  Corps; 
recevez,  dans  une  même  obla- 
tion,  nos  cœurs  qui  vou- 
draient vivre  de  vous,  et  non 
plus  d'eux-mêmes. 


Qeigneur,  qui  êtes  la  véri- 
table Vigne,  et  dont  le 
sang,  comme  un  vin  géné- 
reux, s'est  épanché  sous  le 
pressoir  de  la  Croix,  vous 
avez  daigné  unir  votre  na- 
ture divine  à  notre  humble 
humanité,  figurée  ici  par 
cette  goutte  d'eau  ;  venez 
nous  faire  participants  de 
votre  divinité,  en  vous  mani- 
festant en  nous  par  votre 
douce  et  puissante  visite. 


OFFERIMUS  tibi,  Do- 
mine, calicem  salu- 
taris,  tuam  deprecantes 
clementiam  :  ut  in  cons- 
pectu  divinre  Majestatis 
tuae,  pro  nostra  et  totius 
mundi  salute,  cum  odore 
suavitatis  ascendat. 
Amen. 


A  GRÉEZ  ces  dons,  souve- 
^*-  rain  Créateur  de  toutes 
choses  ;  qu'ils  soient  ainsi 
préparés  pour  la  divine  trans- 
formation qui,  de  cette  sim- 
ple offrande  de  créatures,  va 
faire  l'instrument  du  salut  du 
monde. 


Ordinaire  de  la  Messe. 


27 


SI  nous  avons  la  hardiesse 
d'approcher  de  votre  au- 
tel, Seigneur,  ce  n'est  pas  que 
nous  puissions  oublier  ce  que 
nous  sommes.  Faites-nous 
miséricorde,  afin  que  nous 
puissions  paraitre  en  la  pré- 
sence de  votre  Fils,  qui  est 
notre  Hostie  salutaire. 

\J  ENEZ,  Esprit  divin,  fécon- 
'  der  cette  offrande  qui  est 
sur  l'autel,  et  produire  en 
nos  cœurs  celui  que  nos  cœurs 
attendent. 


ENi,       Sanctificator 
omnipotenr    œterne 


V 

Deus,  et  benedic  hoc  sa- 
crificium  tuo  sancto  No- 
mini  prasparatum. 

Si  c'est  une  Messe  solennelle,  le  Prêtre 
encense  le  pain  et  le  vin  qui  viennent  d'être 
offerts,  et  ensuite  l'autel  lui-même;  puis  il 
lave  ses  mains. 


iN  spiritu  humilitatis, 
l  et  in  animo  contrito 
suscipiamur  a  te,  Domi- 
ne :  et  sic  fiât  sacrificium 
nostrum  in  conspectu  tuo 
hodie,  ut  placeat  tibi, 
Domine  Deus. 


DU    PSAUME   XXV, 


JE  veux  laver  mes  mains. 
Seigneur,  et  me  rendre 
semblable  à  ceux  qui  sont 
dans  l'innocence,  pour  être 
digne  d'approcher  de  votre 
autel,  d'entendre  vos  sacrés 
cantiques,  et  de  raconter  vos 
merveilles.  J'aime  la  beauté 
de  votre  maison,  le  lieu  dont 
vous  allez  faire  l'habitation 
de  votre  gloire.  Ne  me  lais- 
sez pas  retourner,  ô  .  Dieu, 
dans  la  compagnie  de  vos 
ennemis  et  des  miens.  Depuis 
que  votre  miséricorde  m'en 
a  retiré,  je  suis  revenu  à  l'in- 
nocence, en  rentrant  en  grâce 
avec  vous  ;  mais  ayez  encore 
pitié  de  mes  faiblesses,  rache- 


I  AVABO  inter  innocen- 
*-"  tes  manus  meas  :  et 
circumdabo  altare  tuum, 
Domine. 

Ut  audiam  vocem  lau- 
dis  :  et  enarrem  universa 
mirabilia  tua. 

Domine,  dilexi  déco- 
rem  domus  tuas  :  et  lo- 
cum  habitationis  gloriae 
tuœ. 

Ne  perdas  cum  impiis, 
Deus,  animam  meam:  et 
cum  viris  sanguinum  vi- 
tam  meam. 

In  quorum  manibus 
iniquitates  sunt  :  dextera 
eorum  repleta  est  mune- 
ribus. 


Ego  autem  in  innocen- 
tia  mca  ingressus  sum  : 
redirae  me,  et  miserere 
mai. 

Pes  meus  stetit  in  di- 
recte: in  ecclesiis  bene- 
dicam  te,  Domine. 

Gloria  Patri,  et  Filio, 
et  Spiritui  Sancto  ; 

Sicut  erat  in  principio, 
et  nunc.  et  semper,  et  in 
saecula  saeculorum  . 
Amen. 


tez-moi  encore,  vous  qui 
avez,  par  votre  bonté,  remis 
mes  pas  dans  le  sentier;  ce 
dont  je  vous  rends  grâces  au 
milieu  de  cette  assemblée. 
Gloire  au  Père,  et  au  Fils,  et 
au  Saint-Esprit  ;  comme  il 
était  au  commencement, 
maintenant  et  toujours,  et 
dans  les  siècles  des  siècles. 
Amen. 


Le    Prêtre,  au  milieu  de  l'autel,    s'incline 
respectueusement  : 


SusciPE,  sancta  Tri- 
nitas,  hanc  o'olatio- 
nem,  quam  tibi  ofterimus 
ob  memoriam  Passionis, 
Resurrectionis,  et  As- 
censionis  Jesu  Christi 
Domini  notri  :  et  in  ho- 
norem  beatae  Marias  sem- 
per Virginis,  et  beati 
johannis"  Baptistœ,  et 
sanctorum  Apostolorum 
Pétri  et  Pauli,  et  isto- 
rum,  et  omnium  Sancto- 
rum, ut  illis  proficiat  ad 
honorem,  nobis  autem  ad 
salutem:  et  illi  pro  no- 
bis intercedere  dignentur 
in  cœlis,  quorum  memo- 
riam agimus  in  terris. 
Per  eumdem  Christum 
Dominum  nostrum. 
Amen. 


Le  Prêtre  se  tourne  une  dernière  foi: 
le  peuple,  et  il  dit  ; 


-T-  RINITE  samte,  agréez  ce 
1  Sacrifice  ainsi  préparé, 
qui  va  renouveler  la  mémoire 
de  la  Passion,  de  la  Résur- 
rection et  de  l'Ascension  de 
Jésus-Christ,  notre  Seigneur. 
Souffrez  que  votre  Eglise  y 
joigne  l'intention  d'honorer 
la  glorieuse  Vierge  Marie, 
les  saints  Apôtres  Pierre 
et  Paul,  les  Martyrs  dont  les 
ossements  attendent  la  résur- 
rection sous  cet  autel,  et  les 
Saints  dont  aujourd'hui  nous 
honorons  la  mémoire.  Aug- 
mentez la  gloire  dont  ils 
jouissent  ;  et  qu'ils  daignent 
eux-mêmes  intercéder  pour 
notre  salut. 


Ordinaire  de  la  Messe. 


2q 


PIEZ,  mes  Frères,  afin  que 
mon  Sacrifice,  qui  est 
aussi  le  vôtre,  soit  accepta- 
ble auprès  de  Dieu  le  Père 
tout-puissant. 

E  le  Seigneur  re- 
çoive le  Sacrifice 
de  vos  mains,  pour  la  lou- 
ange et  la  gloire  de  son 
Nom,  pour  notre  utilité  et 
pour  celle  de  toute  sa  sainte 
Eglise. 


,.q; 


a  AIE.  Fratres  :  ut 
meum  ac  vestrum 
sacrificium  acceptabile 
fiât  apud  Deum  Patrem 
omuipotentem. 

jj  QjsciPlAT  Domi- 
^'  '-'nus  sacrificium 
de  manibus  tuis,  ad  lau- 
dem  et  gloriam  Nominis 
sui,  ad  utilitatem  quoque 
nastram,totiusque  Eccle- 
siae  sucC  sanctre. 


Le  Prêtre  récite  les  Oraisons  Secrètes,  qu'il 
termine  à  haute  voix  : 


r^NS  tous  les  siècles  des 
*-^  siècles. 

fij.  Amen. 

Le  Seigneur  soit  avec  vous; 

^.  Et  avec  votre  esprit. 

Les  cœurs  en  haut  ! 

^.  Nous  les  avons  vers  le 
Seigneur. 

Rendons  grâces  au  Sei- 
gneur notre  Dieu. 

19.  C'est  une  chose  digne  et 
iuste. 


01,  c'est  une  chose  digne 
et  juste,  équitable"  et 
salutaire,  de  célébrer  vos 
grandeurs  en  tout  temps. 
Seigneur;  mais  surtout  en  ces 
jours  où  le  Christ  notre 
Pâque   a   été   immolé  ;  car  il 


Per  omnia  saecula  sae- 
culorum. 

Bl.  Amen. 

Dominus  vobiscum  ; 

^.  Et  cum  spiritu  tuo. 

Sursum  corda  ! 

Ri.  Habemus  ad  Domi- 
num. 

Gratias  agamus  Do- 
mino Deo  nostro. 

^.  Dignum  et  justum 
est. 


V^RE  dignum  et  justum 
est,  aequum  et  salu- 
tare,  te  quidem.  Domine, 
omni  tempore,  sed  in  hoc 
potissimum  gloriosius 
praedicare,  quum  Pascha 
nostrum    immolatus    est 


I.  Les  Préfaces  de   l'Ascension  et   de  la  Pentecôte  se 
trouvent  aux  Messes  de  ces  fêtes. 


3o 


Le  Temps  Pascal. 


Christus.  Ipse  enim  ve- 
rus  est  Agnus,  qui  abs- 
tulit  peccata  mundi.  Qui 
mortem  nostram  inorien- 
do  destruxit,  et  vitam 
resurgendo  reparavit.  Et 
idco  cum  Angelis  cl  Ar- 
changelis,  cum  Thronis 
et  Dominationibus,  cum- 
que  omni  militia  cœlestis 
exercitus,  hymnum  glo- 
rije  tuœ  canimus,  sine 
fine  dicentes  • 

SA  N  c  T  u  s,     Sanctus, 
Sanctus      Dominas 
Deus   Sabaoth  ! 

Pleni  sunt  cœli  et  terra 
gloria  tua. 

Hosannain  excelsis  1 

Benedictus  qui  venit  in 
nomine  Domini. 

Hosanna    in   excelsis  ! 


est  le  véritable  Agneau  qui  a 
ôté  les  péchés  du  monde. 
C'est  lui  qui,  par  sa  mort,  a 
détruit  notre  mort,  et  qui, 
par  sa  résurrection,  a  réta- 
bli notre  vie.  C'est  pourquoi, 
avec  les  Anges  et  les  Ar- 
changes, avec  les  Trônes  et 
lc<!  Dominations,  avec  l'ar- 
mce  entière  des  cieux,  nous 
chantons  l'hymne  à  votre 
gloira,  disant  sans  jamais 
cesser  : 

SAINT.  Saint,  Saint  est  le 
Seigneur,  le  Dieu  dés- 
armées 1 

Les  cieux  et  la  terre  sont 
remplis  de  sa  gloire. 

Hosannah  au  plus  haut  des 
cieux  1 

Béni  soit  Celui  qui  vient 
Cil    nom  du    Seigneur. 

Hosannah  soit  à  lui  au  plus 
haut   des  cieux  ! 


LE   CANON   DE    LA  MESSE. 


TE  igitur,  clementis- 
sime  Pater,  perJesum 
Christum  Filium  tuum 
Dominum  nostrum  sup- 
plices rogamus  ac  peti- 
mus,  uti  accepta  habeas, 
et  benedicas  hsc  dona, 
haec  munera,  haec  sancta 
sacrificia  illibata,  in  prl- 
mis  quœ  tibi  offerimus 
pro  Ecclesia  tua  sancta 
catholica  :  quam  pacifi- 
care,  custodirc.  adunare, 
et   regcre    digneris    toto 


^^  Dieu,  qui  vous  m.anifes- 
\_)  tez  au  milieu  de  nous 
par  le  moyen  des  Mystères 
dont  vous  avez  fait  déposi- 
taire notre  Mère  la  sainte 
Eglise,  nous  vous  supplions, 
au  nom  de  ce  divin  Sacrifice, 
de  détruire  tous  les  obstacles 
qui  s'opposent  à  son  pèleri- 
nage en  ce  monde.  Donnez- 
lui  la  paix  et  l'unité  ;  con- 
duisez vous-même  notre 
Saint-Père  le  Pape,  votre 
Vicaire  sur  la  terre  ;  dirigez 


Ordinaire  de  la  Messe. 


notre  Evêque,  qui  est  pour 
nous  le  lien  sacré  de  l'unité  ; 
sauvez  le  prince  qui  nous 
gouverne,  afin  que  nous  me- 
nions une  vie  tranquille  ; 
conservez  tous  les  orthodoxes 
enfants  de  l'Eglise  Catho- 
lique-Apostolique-Romaine. 

y-jERMETTEZ-MOI,      Ô        mon 

j  Dieu  !  de  vous  demander 
de  répandre  vos  bénédictions 
spéciales  sur  vos  serviteurs 
et  vos  servantes,  pour  les- 
quels vous  savez  que  j'ai  une 
obligation  particulière  de 
prier...  Appliquez-leur  les 
fruits  [de  ce  divin  Sacrifice 
qui  vous  est  offert  au  nom  de 
tous.  Visitez-les  par  votre 
grâce  ;  pardonnez  leurs  pé- 
chés ;  accordez-leur  les  biens 
de  la  vie  présente  et  ceu.x  de 
la  vie  éternelle. 


MAIS  non  seulement,  ô  mon 
Dieu,  l'offrande  de  ce 
_  jrifice  nous  unit  à  nos 
frères  qui  sont  encore  dans 
cette  vie  voyagera  de  l'é- 
preuve ;  il  resserre  aussi  nos 
liens  avec  ceux  qui  déjà  sont 
établis  dans  la  gloire.  Nous 
l'offrons  donc  pour  honorer 
la  mémoire  de  la  glorieuse  et 
toujours  Vierge  Marie,  des 
Apôtres,  des  Martyrs,  des 
Confesseurs,  des  Vierges,  en 
un  mot  de  tous  les  Justes, 
afin  qu'ils  nous  aident  par 
leur  puissant  secours  à  deve- 


orbe  terrarum,  una  cum 
famulo  tuo  Papa  nostro 
N.  et  Antistite  nostro  jV., 
et  omnibus  orthodoxis, 
atque  catholica;  et  apos- 
tolica;  fidei  cultoribus. 


MEMENTO,  Domine, 
famulorum  famula- 
rumque  tuarum  N.  et  JV., 
et  omnium  circumstan- 
tium,  quorum  tibi  fides 
cognita  est,  et  nota  devo- 
tio  :  pro  quibus  tibi  of- 
ferimus.  vel  qui  tibi  offe- 
runt  hoc  sacrificium  lau- 
dis,  pro  se,  suisque  om- 
nibus, pro  redemptione 
animarum  suarum.  pro 
spe  salutis  et  incolumi- 
tatis  suœ  ;  tibique  red- 
dunt  vota  sua  aeterno  Deo, 
vivo  et  vero. 

COM.MUNICANTES,  et 

memoriam  vénéran- 
tes, in  primis  ^loriosœ 
semper  \'irginis  Mariœ, 
Genitricis  Dei  et  Domini 
nostri  Jesu  Christi  :  sed 
et  beatorum  Apostolo- 
rum,  ac  Martyrum  tuo- 
rum.  Pétri  et  Pauli,  An- 
dréas, Jacobi.  Johannis, 
Thomas,  Jacobi,  Philip- 
pi,  Bartholomœi,  Mat- 
thaei,  Simonis  et  Thad- 
dœi  :  Lini,  Cleti,  Cle- 
mentis,  Xysti,  Cornelii, 
C  y  p  r  i  a  n  i,  Laurentii, 


32 


Le  Temps  Pascal. 


nir   dignes  de  vous  contem- 


Pairs,  efï)  nia:  pTer-- iamais  comme  eux, 
n.!  et  omnTum  Sancto-  Sans  le  se>ur  de  votre  glo.re 
?am  taorum  :  quorum  meritis  prec.busque  conÇedas  u 
in  omnibus  proicction.s  tuae  mun.amur  aux.ho.  Fer 
cumdem  Christum  Dominum  nostrum.  Amen 


H»! 


.NC  igitur  oblatlo- 
nem  servitutis  nos- 
trœ,  sed  et  cunctae  fami- 
liae  tuae,  quxsumus  Do- 
mine, ut  placatus  acci- 
pias  :  diesque  nostros  in 
tua  pace  disponas,  atque 
ab  œterna  damnatione 
noseripi,  et  in  eleclorum 
tuorum  jubeas  grege  nu- 
merari.  Per  Christum 
Dominum  nostrum. 
Amen. 

Quam  oblationera  tu, 
Deus,  in  omnibus,  quœ- 
sumus,  benedictam,  ad- 
scriptam,  ratam.  rationa- 
bilem.  acceptabilemque 
facere  digneris  ;  ut  nobis 
Corpus  et  Sanguis  fiât 
dilectissimi  Filii  tui  Do- 
mini  nostri  Jesu  Christi. 
Ol  pridie  quam  pa- 
teretur,  accepit  pa~ 
nem  in  sanctas   ac   vene- 

Irabiles  manus  suas  :  et 
elevatis  oculis  in  cœlum. 
ad  te  Deum  Patrem 
suum  omnipotentem,  tibi 
gratias  agens,  benedixit, 
fregit,  deditque  discipu- 
lis  suis,  dicens  :  Acci- 
pite,  et  manducate  ex 
hoc  omnes.  Hoc  est 
ENiM  Corpus  meum. 


r\viGNEZ  recevoir,  ô  Dieu, 
*-^cette  offrande  que  toute 
votre  famille  vous  présente, 
comme  l'hommage  de  son 
heureuse  servitude.  En 
échange,  donnez-nous  la  paix, 
sauvez-nous  de  votre  colère, 
mettez-nous  au  nombre  de 
vos  élus  ;  par  Jésus-Christ, 
notre  Seigneur,  qui  va  paraî- 
tre. 


Car  il  est  temps  que  ce  pam 
devienne  son  Corps  sacre, 
qui  est  notre  nourriture,  et 
que  ce  vin  se  transforme  en 
son  Sang,  qui  est  notre  breu- 
vage ;  ne  tardez  donc  plusa 
nous  introduire  en  la  pré- 
sence de  ce  divin  Fils,  notre 
Sauveur  ! 

QE  ferai-je  en  ce  moment, 
ô  Dieu  du  ciel  e;de  la 
terre.  Sauveur.  Rédempteur 
du  monde,  vainqueur  de  la 
mort,  si  ce  n'est  de  vous  ado- 
rer en  silence  comme  mon 
souverain  Maître,  (de  vous 
ouvrir  mon  cœur,  comme  a 
son  Roi  plein  de  douceur  . 
Venez  donc,  Seigneur  Jésus  1 
venez  1 


Ordinaire  de  la  Messe. 


33 


SANG  divin,  prix  de  mon  sa- 
lut, je  vous  adore.  Lavez 
mes  iniquités,  et  rendez-moi 
plus  blanc  que  la  neige. 
Agneau  sans  cesse  immolé  et 
cependant  toujours  vivant, 
vous  venez  effacer  les  péchés 
du  monde  ;  venez  aussi  régner 
en  moi  par  voire  force  et  par 
votre  douceur. 
Lix  Sanguinis    mei,  novi    et 


C  I.MILI  modo  postquam 
-  cœnatum  est,  acci- 
piens  et  hune  prœclarum 
Calicem  in  sanctas  ac 
venerabiles  manus  suas  : 
item  tibi  gratias  agens, 
benedixit,  deditque  dis- 
cipulis  suis  dicens  :  Ac- 
cipitc  et  bibite  ex  eo  om- 
nes.  Hic  est  enim  Ca- 

JETERNI     TESTAMENTI    : 


MYSTERIU.M     FIDEI     :     QUI    PRO    VOBIS     ET     PRO     MULTIS 
EFFUNDETUR   IN    REMISSIONEM   PECCATORUM.  Haec    quo- 

tiescumque  feceritis,  in  mei  memoriam  facietis. 


LA  voici  donc,  ô  Père  saint, 
l'Hostie  si  longtemps  at- 
tendue. Voici  ce  Fils  éternel 
qui  a  souffert,  qui  est  ressus- 
cité glorieux,  qui  est  monté 
triomphant  au  ciel.  Il  est 
votre  Fils  ;  mais  il  est  aussi 
notre  Hostie,  Hostie  pure  et 
sans  tache  ;  notre  Pain  et 
notre  Breuvage  d'immorta- 
lité. 


Vous  avez  agréé  autrefois 
le  sacrifice  des  tendres 
agneaux  que  vous  offrait 
Abel  ;  le  sacrifice  qu'Abra- 
ham vous  fit  de  son  fils  Isaac, 
immolé  sans  perdre  la  vie  ; 
enfin  le  sacrifice  mystérieux 
du  pain  et  du  vin  que  vous 
présenta  Melchisédech.  Rece- 
vez ici  l'Agneau  par  excel- 
lence,  la  victime  toujours  vi- 


[  Tndf.  et  memores,  Do- 
*"  mine,  nos  servi  tui, 
sed  et  picbs  tua  sancta, 
ejusdem  Christi  Filii  tui 
Domini  nostri  tam  beatae 
Passionis,  nec  non  et  ab 
inferis  Resurrectionis, 
sed  et  in  cœlos  gloriosae 
Ascensionis  :  offerimus 
prœclarœ  Majestati  tuae 
de  tuis  donis  ac  datis 
Hostiam  puram,  Hostiara 
sanctam,  Hostiam  imma- 
culatam  :  Panem  sanctum 
vitae  œternas,  et  Calicem 
salutis  perpetuae. 

Supra  quae  propitio  ac 
sereno  vultu  respicere 
digneris,  et  accepta  ha- 
bere,  sicuti  accepta  ha- 
bere  dignatus  es  munera 
pueri  tui  justi  Abel,  et 
sacrificium  Patriarchae 
nostri  Abrahœ,  et  quod 
tibi  obtulit  summus  Sa- 
cerdos  tuus  Melchisé- 
dech,   sanctum     sacrifi- 


LE   TEMPS    PASCAL. 


34 


Le  Temps  Pascal. 


cium,  iramacuiatam  hos- 
tiam. 


UPPLiCES  te  rogamus, 
'^s  omnipotens  Deus  : 
]uhc  hœc  perferri  per 
manus  sancli  Angeli  tui 
in  sublime  Altare  tuum, 
in  conspectii  divinas  Ma- 
jestatis  tua?-  ut  quotquot 
ex  hac  altaris  participa- 
tions sacrosanctum  Fi- 
lii  tui  Corpus  et  Sangui- 
nem  sumpserimus,  omni 
benedictione  cœlesti  et 
gratia  renleamur.  Per 
eumdem  Christum  Do- 
minum   nostrum.  Amen. 


MEMENTO  etiam,  Do- 
mine ,  famulorum 
lularumque  tuarum 
N,  et  N.,  qui  nos  prae- 
cesserunt  cum  signe  fi- 
dei,  et  dormiunt  in  som- 
no  pacis.  Ipsis,  Domi- 
ne, et  omnibus  in  Chris- 
to  quiescentibus,  locum 
refrigerii,  lucis  et  pacis, 
ut  indulgeas,  depreca- 
mur.  Per  eumdem  Chris- 
tum Dominum  nostrum. 
Amen. 


î^ 


OBIS   quoque    pecca- 

toribus  famulis  tuis, 

e'  multitudine    misera- 


M 


vante,  le  Corps  de  votre  Fils, 
qui  est  le  Pain  de  vie,  son 
Sang,  qui  est  à  la  fois  un 
breuvage  pour  nous  et  une 
libation  à  votre  gloire. 

Aïs,  ô  Dieu  tout-puis- 
sant !  ces  dons  sacres 
ne'  reposent  pas  seulement 
sur  cet  autel  terrestre  ;  l'A- 
gneau vivant  et  immolé  re- 
pose aussi  sur  l'Autel  sublime 
du  ciel,  devant  le  trône  de 
votre  divine  Majesté  ;  et  ces 
deux  autels  ne  sont  qu'un 
même  autel,  sur  lequel  s'ac- 
complit le  grand  mystère  de 
votre  gloire  et  de  notre  sa- 
lut :  daignez  nous  rendre  par- 
ticipants du  Corps  et  du 
Sang  de  l'auguste  Victime  de 
laquelle  émanent  toute  grâce 
et  toute  bénédiction. 

-  -'excluez  personne  de 
fs]  votre  visite,  ô  Jésus! 
Votre  aspect  réjouit  la  Cité 
sainte  avec  ses  élus  ;  nos  yeux 
encore  mortels  vous  contem- 
plent, quoique  sous  un  voile- 
ne  vous  cachez  plus  à  ceux 
de  nos  frères  qui  sont  dans  le 
lieu  des  expiations.  Soyez- 
leur  un  rafraîchissement 
dans  leurs  flammes,  une  lu- 
mière dans  leurs  ténèbres, 
une  paix  dans  leurs  doulou- 
reux transports. 

ous  sommes  pécheurs,  ô 
ÎnJ  Père  saint  !  et  cepen- 
dant nous  attendons  de  votre 


Ordinaire  de  la  Messe. 


35 


infinie  miséricorde  une  part 
dans  votre  Royaume,  par  le 
mérite  de  ce  Sacrifice  que 
noils  vous  offrons,  et  non  à 
cause  de  nos  œuvres,  qui  ne 
sont  dignes  que  de  votre  co- 
lère. Mais  souvenez-vous  de 
vos  saints  Apôtres,  de  vos 
saints  Martyrs,  de  vos  sain- 
tes Vierges,  de  tous  les  Bien- 
heureux, et  donnez-nous,  par 
leur  intercession,  la  grâce  et 
la  gloire  éternelle  que  nous 
vous  demandons  au  nom  de 
Jésus-Christ  notre  Seigneur, 
votre  Fils;  c'est  par  lui  que 
vous  répandez  sur  nous  vos 
bienfaits  de  vie  et  de  sancti- 
fication ;  par  lui  encore,  avec 
lui  et  en  lui,  dans  l'unité  du 
Saint-Esprit  ,  soit  à  vous 
honneur  et  gloire  à  jamais, 
bis  :  per  ipsum,  et  cum  ipso, 
Patri  omnipotenti,  in  unitate 
honor  et  gloria. 


tionum  tuarum  speranti- 
bus,  partem  aliquam  ei 
societatem  donare  di- 
gneris  cum  tuis  sanctis 
Apostolis  et  Martyribus  : 
cum  Johanne,  Stephano, 
Mathia,  Barnaba,  Igna- 
tio,  Alexandro,  Marcel- 
lino,  Petro,  Felicitate, 
Perpétua,  Agatha,  Lu- 
cia.  Agnète,  Cascilia, 
Anastasia,  et  omnibus 
Sanctis  tuis  ;  intra  quo- 
rum nos  consortium,  non 
œstimator  meriti,  sed  ve- 
nix,  quœsumus.  largitor 
admitte  :  per  Christum 
Dominum  nostrum.  Per 
quem  hœc  omnia.  Domi- 
ne, semper  bona  créas, 
sanctificas,  vivificas,  be- 
nedicis,  et  praestas  no- 
et  in  ipsj,  est  tibi  Deo 
Spiritus  Sancti,  omnis 


D 


ANS   tous   les   siècles   des 
siècles. 
^.  Amen. 


PRIONS.  Instruits  par  un 
précepte  salutaire,  et  sui- 
vant fidèlement  la  forme  de 
l'instruction  divine  qui  nous 
a  été  donnée,  nous  osons 
dire  : 


PER  omnia  srecula   sae- 
culorum. 
W.  Amen. 

OREMUS  .  Praeceptis 
salutaribus  moniti, 
et  divina  institutione  for- 
mati,  audemus  dicere  : 


L  ORAISON    DOMINICALE. 


NOTRE   Père,  qui  êtes  aux 
cieux,    que   votre    Nom 
i'  soit  sanctifié;  que  votre  rè- 


PATER   noster,    qui    es 
in  cœlis  :  Sanctifice- 
tur  Nomem  tuum     Ad- 


36 


Le  Temps  Pascal. 


veniat  regnum  tuum  • 
Fiat  voluntas  tua,  sicut 
in  cœlo,  et  in  terra.  Pa- 
nem  nostrum  qiiotidia- 
num  da  nobis  hodic  :  Et 
dimitte  nobis  débita 
nostra,  sicut  et  nos  di- 
mittimus  debitoribus 
nostris  :  Et  ne  nos  indu- 
cas  in  tentationem. 

1^.    Sed    libéra   nos    a 
malo. 

AMEN.  Libéra  nos,  qure- 
sumus  Domine,  ab 
omnibus  malis,  pra;teri- 
tis,  prœsentibus  et  futu- 
ris  ;  et  intercedente  beata 
et  gloriosa  semper  Vir- 
gine  Dei  Génitrice  Ma- 
ria, cum  beatis  Apostolis 
tuis  Petro  et  Paulo,  atque 
Andréa,  et  omnibus  San- 
ctis.  da  propitius  pacem 
in  diebus  nostris  :  ut  ope 
misericordiae  tua?  adjuti, 
et  a  peccato  simus  sem- 
per liberi,  et  ab  omni 
perturbatione  securi.  Per 
eumdem  Dominum  nos- 
trum Jesum  Christum 
Filium  tuum,  qui  tecum 
vivit  et  régnât  in  unitate 
Spiritus  Sancti    Deus. 


Oer  omnia  sascula    sac- 
^      culorum. 


^.  Amen. 


gne  arrive  ;  que  votre  volonté 
soit  faite  sur  la  terre  comme 
au  ciel.  Donnez-nous  au- 
jourd'hui notre  pain  quoti- 
dien; et  pardonnez-nous  nos 
offenses  comme  nous  pardon- 
nons à  ceux  qui  nous  ont 
offensés.  Et  ne  nous  laissez 
pas  succomber  à  la  tentation. 

Rj.   Mais   délivrez-nous  du 
mal. 

T^ois  sortes  de  maux  nous 
^  désolent,  Seigneur:  les 
maux  passés,  c'est-à-dire  les 
péchés  dont  notre  âme  porte 
les  cicatrices,  et  qui  ont  for- 
tifié ses  mauvais  penchants; 
les  maux  présents,  c'est-a- 
dire  les  taches  actuellement 
empreintes  sur  cette  pauvre 
âme.  sa  faiblesse  et  les  ten- 
tations qui  l'assiègent  ;  enfin 
les  maux  avenir,  c'est-à-dire 
les  châtiments  de  votre  jus- 
tice. En  présence  de  l'Hostie 
du  salut,  nous  vous  prions, 
Seigneur,  de  nous  délivrer 
de  tous  ces  maux,  et  d'agréer 
en  notre  faveur  l'entremise 
de  Marie,  Mère  de  Dieu,  et 
de  vos  saints  Apôtres  Pierre, 
Paul  et  André.  Affranchis- 
sez-nous, délivrez-nous,  don- 
nez-nous la  paix.  Par  Jésus- 
Christ  votre  Fils,  qui  vil  et 
règne  avec  vous. 


DANS  tous 
siècles. 
%  Amen. 


les   siècles    des 


Ordinaire  de  la  Messe. 


^7 


Que  la  Paix  du  Seigneur  1  Pax  Domini  sit  semper 
soit  toujours  avec  vous  ;  vobiscum  ; 

^.  Et  avec  votre  esprit.         |      'Ef.  Et  cum  spiritu  tuo. 

Le  Prêtre  divise  llHostie  sainte,  et  l'ayant 
séparée  en  trois  parts,  il  met  une  de  ces  parts 
dans  le  Calice  : 


GLOIRE  à  vous,  Sauveur  du 
monde,  qui  avez  souffert 
que,  dans  votre  Passion,  vo- 
tre précieux  Sang  fût  séparé 
de  votre  sacré  Corps,  et  qui 
les  avez  réunis  ensuite  par 
votre  vertu  ! 

AGNEAi;  de   Dieu,  qui  ôtez 
les    péchés     du   monde, 
ayez  pitié  de  nous. 

Agneau  de  Dieu,  qui  ôtez 
les  péchés  du  monde,  ayez 
pitié  de  nous. 

Agneau  de  Dieu,  qui  ôtez 
les  péchés  du  monde,  donnez- 
nous  la  Paix. 

SEIGNEUR  Jésus-Christ,  qui 
avez  dit  à  vos  Apôtres  : 
«  Je  vous  laisse  ma  paix,  je 
«  vous  donne  ma  paix,  »  ne 
regardez  pas  mes  péchés, 
mais  la  foi  de  cette  assem- 
blée qui  est  à  vous,  et  dai- 
gnez la  pacifier  et  la  réunir 
selon  votre  sainte  volonté. 


H.EC  commixtio  et  con- 
secratio  Corporis  et 
Sanguinis  Domini  nos- 
tri  Jesu  Christi,  fiât  ac- 
cipientibus  nobis  in  vi- 
tam  aeternam.  Amen. 


AGNUS   Dei,  qui    tollis 
peccata  mundi,  mi- 
serere nobis. 

Agnus  Dei,  qui  tollis 
peccata  mundi,  miserere 
nobis. 

Agnus  Dei.  qui  tollis 
peccata  mundi,  dona  no- 
bis pacem. 

Do.MiNE  Jesu  Christe, 
qui  dixisti  Aposto- 
lis  tuis  :  Pacem  relinquo 
vobis  ;  pacem  meam  do 
vobis  :  ne  respicias  pec- 
cata mea,  sed  fîdem  Ec- 
clesiœ  tuas  :  eamque  se- 
cundum  voluntatem  tuam 
pacificare,  et  coadunare 
digneris.  Qui  vivis  et 
régnas  Deus,  per  omnia 
ScEcula  sœculorum. 
Amen. 


Après  cette  Oraison,  le  Prêtre  en  signe  de 
paix,   si   la  iMesse  est  solennelle,    donne   le 


38 


Le  Temps  Pascal. 


baiser  fraternel  au  Diacre,  qui  le  donne  lui- 
même  au  Sous-Diacre,  lequel  va  le  porter  au 
Chœur. 


DOMINE  Jesu  Christe, 
'  Fili  Dei  vivi,  qui  ex 
voluntate  Patris,  coopé- 
rante Spiritu  Sancto,  per 
mortem  tuam  mundura 
vivificasti  :  libéra  me  per 
hoc  sacrosanctum  Cor- 
pus, et  Sanguinem  tut'.m, 
ab  omnibus  iniquitatibus 
meis,  et  universis  malis, 
et  fac  me  tuis  semper 
inhaerere  mandatis.  et  a 
le  nunquam  separari  per- 
mittas.  Qui  cum  eodem 
Deo  Pâtre  et  Spiritu 
Sancto  vivis  et  régnas 
Deus  in  saecula  soeculo- 
rum.  Amen. 

FRCEPTio  Corporis 
tui,  Domine  Jesu 
Christe,  quod  ego  indi- 
gnus  sumere  praesumo, 
non  mihi  proveniat  in 
judicium  et  condemna- 
tionem  :  sed  pro  tua  pie- 
tate  prosit  mihi  ad  tuta- 
mentum  mentis  et  corpo- 
ris. et  ad  medelam  per- 
cipiendam.  Qui  vivis  et 
régnas  cum  Deo  Pâtre  in 
unitate  Spiritus  Sancti 
Deus.  per  omnia  sarcula 
saeculorum.  Amen. 


Ceioneur  Jésus-Christ  , 
*-  Fils  du  Dieu  vivant,  qui, 
par  la  volonté  du  Père  et  la 
coopération  du  Saint-Esprit, 
avez  donné  par  votre  mort  la 
vie  au  monde  ;  délivrez-moi, 
par  ce  saint  et  sacré  Corps 
et  par  votre  Sang,  de  tous 
mes  péchés  et  de  toutes  sor- 
tes de  maux.  Faites  que  je 
m'attache  toujours  inviola- 
blement  à  votre  loi,  et  ne 
permettez  pas  que  je  me  sé- 
pare jamais  de  vous. 


S 


EIGNEUR     Jésus-Christ, 


faites  que  la  réception  de 
votre  Corps,  que  je  me  pro- 
pose de  prendre,  tout  indigne 
que  j'en  suis,  ne  tourne  pas  à 
mon  jugement  et  à  ma  con- 
damnation :  mais  que,  par 
votre  bonté,  il  me  serve  de 
défense  pour  mon  âme  et 
pour  mon  corps,  et  qu'il  me 
soit  un  remède  salutaire. 


Le  Prêtre  prend  l'Hostie  et  se  dispose  à  s'en 
communier  : 


Ordinaire  de  la  Messe. 


yENEZ,  Seigneur  Jésus  ! 


Il 

f^ANEM  cœlestera   acci- 
I  piam,  et  Noraen  Do- 

I  mini  invocabo. 

Il  frappe  sa  poitrine  et  confesse  son  indi- 
gnité, disant  trois  fois  : 

^IGNEUR,  je  ne  suis  pas  di- 
gne que  vous  entriez  en 
moi  ;  mais  dites  seulement 
une  parole,  et  mon  âme  sera 
guérie. 


L)  OMINE,  non  sum  di- 
gnus  ut  intres  sub 
tectummeum:  sed  tan- 
tum  die  verbo,  et  sanabi- 
tur  anima  mea. 


Au  moment  de  consommer  1 
tie: 

Je  me  donne 

Sauveur,  pour  être  votre 
demeure  .  faites  en  moi  seion 
votre  bon  plaisir. 


vous,  o  mon 


sainte  Hos- 

v>ORPUS  Domini  nostri 

Jesu  Christi   custo- 

diat    animam   meam    in 

vitam    aeternam.   Amen. 


Le  Prêtre    prend  le   Calice  avec  action   de 
grâces  : 

C^E  pourrai-je  rendre  à 
Dieu  pour  tous  les  biens 
qu'il  m'a  faits  ?  Je  prendrai 
le  Calice  du  salut,  j'invoque- 
rai le  Nom  du  Seigneur,  et  je 
serai  délivré  de  mes  ennemis. 


Je   m'unis   à   vous,    ô    mon 
Sauveur!    Unissez-vous  à 
moi  -,  que  nous  ne  nous  sépa- 
rions jamais  ! 


Q 


UID  retribuam  Do- 
mino pro  omnibus 
quœ  retribuit  mihi  ?  Ca- 
licem  salutaris  accipiam, 
et  Nomcn  Domini  invo- 
cabo. Laudans  invocabo 
Dominum,  et  ab  inimicis 
meis  salvus  ero. 

Languis    Domini   nos- 
tri Jesu  Christi  custo- 
diat  animam  meam  invi 
tam  aeternam.  Amen. 


La  Communion  étant  faite,  pendant  que 
le  Prêtre  purifie  le  Calice  pour  la  première 
fois  : 

yous  m'avez  visité  dans  le  1  \J  uoi 
temps,  ô  mon  Dieu  ;  fai-  |  D 


UOD  ore  sumpsimus, 
omine,  pura  men- 


40 


Le  Temps  Pascal. 


tes  que  je  garde  les  fruits  de 
cette  visite  pour  l'éternité. 


te  capiamus  :  et  de  niu- 
nere  temporali  fiât  nobis 
remedium  sempiternum. 

Pendant  q^uc  le  Prêtre  purifie  le  Calice  pour 
la  seconde  lois  : 

^  ORPUS  tuum,  Domi- 
V_^  ne,  quod  sumpsi,  et 
Sanguisquempotavi,  ad- 
hasreat  visceribus  meis  : 
et  praesta  ut  in  n^e  non 
remaneat  scelerum  macu- 
la, quem  pura  et  sancta 
refecerunt  Sacramenta. 
Qui  vivis  et  régnas  in 
saecula  sœculorum. 
Amen. 

Le  Prêtre  ayant  lu  l'Antienne  dite  Commu- 
nion, se  retourne  vers  le  peuple  et  le  salue; 
après  quoi  il  récite  les  Oraisons  appelées 
Postcommiinion .  Puis  il  dit  : 


BENI  soyez -vous,  o  mon 
Sauveur,  qui  m'avez  ini- 
tié au  sacré  mystère  de  votre 
Corps  et  de  votre  Sang.  Que 
mon  cœur  et  mes  sens  con- 
servent, par  votre  grâce,  la 
pureté  que  vous  leur  avez 
donnée,  et  que  votre  sainte 
présence  demeure  toujours  en 
moi. 


■p\  OMINUS  vobiscum. 

%.  Et  cura  spiritu  tuo. 
T  TE,  Missa  est. 

V\.  Deo   gratias. 


PLACEAT  tibi,  Sancta 
Trinitas,  obsequium 
servitutis  meae,  et  praîsta 
ut  saorificium,  quod  ocu- 
lis  tu£e  Majestatis  indi- 
gnus  obtuli,  tibi  sit  ac- 
ceptabile,  mihique,  et  om- 
nibus, pro  quibus  illud 
obtuli,  sit,  te  miserante, 


T    E  Seigneur  soit  avec  vous  ; 
1^.  Et  avec  votre  esprit. 

RETIREZ-VOUS,  la  Messe  est 
finie. 
IÇ!.   Grâces  soiem  rendues  à 
Dieu. 

GRACES  vous  soient  ren- 
dues, adorable  Trinité, 
pour  la  miséricorde  dont 
vous  avez  daigné  user  envers 
moi,  en  me  permettant  d'as- 
sister à  ce  divin  Sacrifice  ; 
pardonnez  la  négligence  et 
la  froideur  avec  lesquelles 
j'ai  reçu  un  si  grand  bienfait, 


Ordinaire  de  la  Messe. 


41 


propitiabile.  Per  Chris- 
tum  Dominum  nostrum. 
Amen. 


et  daignez  ratifier  la  béné- 
diction que  votre  Ministre  va 
répandre  sur  moi  en  votre 
saint  Nom. 

Le  Prêtre  étend  ses  mains  et  bénit,  en  di- 
sant : 


QUE  le   Dieu  tout-puissant 
vous    bénisse,    le    Père, 
le  Fils  et  le  Saint-Esprit  ! 

%  Amen. 

^  T    E  Seigneur  soit  avec 

^'  L     vous  ; 

R|.  Et  avec  votre  esprit. 


BENEDICAT    vos   omni- 
potens   Deus,  Pater, 
et    Filius,    et     Spiritus 
Sanctus. 
yç,.  Amen, 


OMINUS    vobis- 
cum  ; 
Et  cum  spiritu  tuo. 


D 


LE   DERNIER    EVANGILE. 


Le  commencement  du  saint 
Evangile  selon  saint  Jean. 
Chap.  I. 

.  U  commencement  était  le 
/\  Verbe,  et  le  Verbe  était 
avec  Dieu,  et  le  Verbe  était 
Dieu.  Il  était  dans  le  prin- 
cipe avec  Dieu.  Toutes  cho- 
ses ont  été  faites  par  lui  : 
et  rien  n'a  été  fait  sans  lui. 
Ce  qui  a  été  fait,  était  vie  en 
lui,  et  la  vie  était  la  lumière 
des  hommes  :  et  la  lumière 
luit  dans  les  ténèbres,  et  les 
ténèbres  ne  l'ont  point  com- 
prise. Il  V  eut  un  homme  en- 
voyé de  Dieu,  qui  s'appelait 
Jean.  Il  vint  pour  servir  de 
témoin,  pour  rendre  témoi- 
gnage à  la  lumière,  afin  que 
tous  crussent  par  lui.  Il  n'é- 
tait pas  la  lumière,  mais    il 


Initium  sancti  Evangelii 
secundum  Johannem. 
Cap.  I. 

1  N  principio  erat  Ver- 
I  bum,  et  Verbum  erat 
apud  Deum,  et  Deus  erat 
Verbum.  Hoc  erat  in 
principio  apud  Deum. 
Omnia  per  ipsum  facta 
sunt  ;  et  sine  ipso  fac- 
tura est  nihil.  Quod  fac- 
tum  est,  in  ipso  vita  erat, 
et  vita  erat  lux  hominum  : 
et  lux  in  tenebris  lucet, 
et  tenebrae  eam  non  com- 
prehenderunt.  Fuit  ho- 
mo  missus  a  Deo,  cui 
nomen  erat  Johannes. 
Hic  venit  in  testimo- 
nium,  ut  testimonium 
perhiberet  de  lumine, 
ut  omnes  crederent  per 


42 


Le  Temps  Pascal. 


illum.  Non  erat  ille 
lux,  sed  ut  testimonium 
perhiberet  de  lumine. 
Erat  lux  vera,  quœ  illu- 
minât omnem  hominem 
venientem  in  hune  mun- 
dum.  In  mundo  erat,  et 
mundus  per  ipsum  fac- 
tus  est,  et  mundus  eum 
non  cognovit.  In  propria 
venit,  et  sui  eum  non  re- 
ceperunt.  Quotquot  au- 
tera  receperunt  eum,  de- 
dit  eis  potestatem  filios 
Dei  fieri,  his  qui  credunt 
in  Nomine  ejus  :  qui  non 
ex  sanguinibus.  neque  ex 
voluntate  carnis,  neque 
ex  voluntate  viri,  sed  ex 
Deo   nati  sunt.  Et  Ver- 

BUM  CARO    FACTUM    EST, 

et  habitavit  in  nobis  :  et 
vidimus  gloriam  ejus, 
gloriam  quasi  Unigcniti 
a  Pâtre,  plénum  gratine 
et  veritatis. 


était  venu  pour  rendre  té- 
moignage à  celui  qui  était  la 
lumière. Celui-là  était  la  vraie 
lumière  qui  éclaire  tout 
homme  venant  en  ce  monde. 
Il  était  dans  le  monde,  et  le 
monde  a  été  fait  par  lui  ;  et 
le  monde  ne  l'a  point  connu. 
Il  est  venu  chez  soi,  et  les 
siens  ne  l'ont  point  reçu.  Mais 
il  a  donné  à  tous  ceux  qui 
l'ont  reçu  le  pouvoir  d'être 
faits  enfants  de  Dieu,  à  ceux 
qui  croient  en  son  Nom,  qui 
ne  sont  point  nés  du  sang, 
ni  de  la  volonté  de  la  chair, 
ni  de  la  volonté  de  l'homme, 
mais  de  Dieu  même.  Et  le 
\'erbe  s'est  fait  chair, 
et  il  a  habité  en  nous;  et 
nous  avons  vu  sa  gloire,  sa 
gloire  comme  du  Fils  unique 
du  Père,  étant  plein  de  grâce 
et  de  vérité. 


CHAPITRE  III. 


PRATIQUE    DE    LA    SAINTE    COMMUNION, 
AU    TEMPS    PASCAL. 


AVANT  LA  COMMUNION. 

ACTE    DE    FOI. 

ÉCLAT  de  VOS  œuvres,  ô  Sauveur  des  hom- 
mes, inonde  vos  fidèles  d'une  lumière  si 
vive,  qu'ils  ne  peuvent  s'empêcher  de  vous 
rendre  gloire,  et  de  protester  que  vous  êtes 
le  Fils  de  Dieu.  Nous  crûmes  en  vous,  lorsque 
vous  appariJtes  dans  l'humilité  de  la  crèche  au  milieu 
de  la  nuit  ;  un  aimant  secret  nous  attirait  vers  vous,  et 
50US  les  langes  nous  vous  adorions  déjà  avec  les  Esprits 
célestes.  Naguère  nous  vous  vîmes  attaché  à  la  croix, 
honni  et  blasphémé  de  tout  un  peuple;  mais  nous  n'a- 
vons pas  cessé  pour  cela  de  vous  reconnaître  pour  le  Roi 
suprême.  Avec  le  bon  larron  nous  vous  disions  :  «  Sei- 
gneur, souvenez-vous  de  nous,  quand  vous  serez  dans 
votre  royaume.  »  Mais  aujourd'hui  que  vous  avez 
triomphé  de  la  mort,  que  le  sépulcre  vous  a  rendu  vivant 
et  victorieux;  aujourd'hui  que  la  terre  entière  retentit 
de  vos  louanges,  et  que  le  bruit  de  votre  Résurrection, 
accomplie  il  y  a  tant  de  siècles,  ébranle  toutes  les  na- 


44  ^e  Temps  Pascal. 

lions,  qui  pourrait  ne  pas  rendre  hommage  à  votre  divi- 
nité, ne  pas  confesser  vos  mystères,  ne  pas  dire  avec  le 
disciple  qui  fut  incrédule  un  moment  :  «  Vous  êtes  mon 
Seigneur  et  mon  Dieu  »  ?  Je  n'ai  pas  l'avantage  de  voir 
de  mes  yeux  mortels  et  de  toucher  de  mes  mains  trem- 
blantes vos  plaies  sacrées  et  rayonnantes  ;  mais  je  crois 
fermement  que  vous  êtes  aussi  mon  Seigneur  et  mon 
Dieu.  Vous  avez  dit  :  «  Heureux  ceux  qui  n'ont  pas  vu 
et  qui  néanmoins  ont  cru;  »  je  veux  être  du  nombre  de 
ces  heureux  croyants,  ô  Jésus  !  Je  confesse  que  vous  êtes 
véritablement  ressuscité,  Fils  de  Dieu  et  fils  de 
l'homme.  Je  crois  aussi  que  vous  êtes  le  Pain  vivant 
descendu  du  ciel  pour  donner  la  vie  au  monde,  et  que 
c'est  vous-même  que  je  vais  recevoir  en  moi  tout  à 
l'heure.  Augmentez  encore  cette  foi,  mon  Seigneur  et 
mon  Dieu,  afin  que  je  vous  rende  tous  les  hommages  que 
vous  avez  droit  d'attendre  de  votre  humble  et  heureuse 
créature. 

ACTE    d'humilité. 

Ul  ne  tremblerait  à  la  seule  pensée  de  vous  voir  dans 
l'éclat  de  votre  majesté,  6  divin  triomphateur  de 
la^ort  ?  Avant  votre  Passion,  vous  laissâtes  apparaî- 
tre quelques  rayons  de  votre  gloire  à  trois  de  vos  disci- 
ples sur  le  Thabor.  et  ils  tombèrent  comme  morts;  nous 
voici  dans  les  jours  où  les  splendeurs  de  votre  victoire 
éblouissent  les  regards  même  des  Anges  ;  et  vous  «vou- 
lez faire  plus  que  vous  montrer  à  moi.  Vous  daignez 
descendre  jusque  dans  mon  néant,  m'incorporer  à  vous, 
moi  faible  et  indigne  créature,  à  vous  qui  n'êtes  plus  dans 
les  langes  de  la  crèche,  ni  sur  le  bois  douloureux  de  la 
croix,  à  vous  qui  allez  vous  asseoir  pour  l'éternité  dans  la 
gloire  de  votre  Père.  Auteur  de  la  lumière, Lumière  infinie 
et  sans  ombres,  vous  voulez  vous  mêler  à  mes  ténèbres. 
Mon  néant  tressaille  à  cette  pensée;  mais  ma  conscience 
pécheresse  en  est  plus  effrayée  encore.  Quel  rapproche- 
ment peut-il  exister  entre  votre  souveraine  sainteté  et 
ma  vie  pleine  d'infidélités  ?  «  La  lumière  a  lui  dans  les 
ténèbres,  nous  dit  votre  Evangéliste  ;  mais  les  ténèbres, 
ne  l'ont  pas  comprise.  »  Les  ténèbres  de  l'orgueil  ont 
cru  être  la  lumière,  et  elles  n'ont  pas  reconnu  la  vraie 
Lumière;  qu'il  n'en  soit  pas  ainsi  de  moi,  ô  Jésus!  J'hu- 


La  Communion.  45 

milie  mon  être  tout  entier  devant  vous  ;  je  reconnais  ma 
misère  :  elle  est  immense  ;  daignez  donc  agir  en  moi,  ô 
Lumière  ineffable,  selon  toute  l'étendue  de  votre  misé- 
ricorde. 

ACTE    DE    CONTRITION. 

\J  ous  venez  en  moi,  ô  libérateur  des  hommes,  vain- 
'  queur  de  l'enfer,  et  je  ne  suis  qu'un  pécheur.  Vous 
voulez  donc  me  traiter  comme  vous  traitâtes  vos  disci- 
ples, au  jour  de  votre  résurrection.  Ils  vous  avaient  lâche- 
ment abandonné  dans  votre  Passion,  et  vous  êtes  revenu 
près  d'eux;  afin  de  rassurer  leurs  inquiétudes,  vous  ne 
leur  avez  témoigné  que  de  la  bonté;  aucun  reproche  sur 
leur  conduite  passée  n'est  sorti  de  votre  bouche.  Vous 
vouliez,  ô  Jésus,  qu'ils  comprissent,  par  cette  indulgence 
de  votre  part,  à  quel  point  ils  avaient  été  coupables  de 
vous  abandonner.  J'accepte  pour  moi-même  cette  leçon 
du  meilleur  des  maîtres;  mais  qu'il  y  a  loin  de  la  faute 
de  ces  hommes  qui  vous  connaissaient  à  peine,  à  mes 
péchés  qui  sont  ceux  d'un  chrétien  tant  de  fois  rebelle  à 
la  lumière  de  vos  divins  mystères  !  L'ensemble  de  tant 
de  vérités  sublimes  était  ignoré  encore  de  vos  apôtres, 
lorsqu'ils  se  laissèrent  effraver  par  vos  ennemis;  ils 
n'avaient  pas  reçu  encore  l'Ësprit-Saint  qui  m'a  été  si 
abondamment  communiqué.  Je  m'unis.  Seigneur,  aux 
regrets  qu'ils  éprouvèrent  à  la  vue  de  votre  générosité  ; 
je  déteste  mes  fautes  qui  ont  blessé  si  cruellement  votre 
Cœur  divin  ;  je  sens  que  le  péché  est  la  mort,  et  qu'il  n'a 
rien  de  commun  avec  la  vie  que  vous  renouvelez  en  nous 
par  votre  résurrection.  Je  veux  être  mort  au  péché,  et 
vivre  à  votre  grâce.  Daignez,  par  ce  mystèi-e  de  vie 
que  vous  allez  communiquer  à  mon  âme  repentante, 
la  préserver  pour  jamais  du  malheur  de  perdre  votre 
grâce. 

ACTE   d'amour. 

'WoTRE  résurrection,  ô  Jésus,  n'est  pas  seulement  le 
'  trophée  de  votre  victoire;  elle  est  bien  plus  encore 
le  suprême  triomphe  de  votre  amour.  C'est  par  amour 
que  vous  avez  pris  notre  humble  chair;  c'est  par  amour 
que  vous  avez  enduré  votre  cruelle  Passion;  mais  ces 
monuments  de  votre  adorable  bonté  envers  nous  ne  sont 


4 fi  Le  Temps  Pascal. 

que  la  préparation  du  dernier  effort  de  cet  amour  d'un 
Dieu  pour  sa  créature  coupable.  En  ces  jours,  vous  sor- 
tez du  tombeau,  vous  entrez  en  possession  de  l'immor- 
talité; mais  vous  ne  voulez  pas  jouir  seul  de  ces  avan- 
tages conquis  par  vos  humiliations  et  vos  souffrances. 
Si  vous  triomphez,  c'est  pour  nous.  Qu'aviez-vous 
besoin  de  la  crèche  et  de  la  croix,  ô  vous.  Dieu  éternel 
et  souverainement  heureux?  Quelle  nécessite  de  mourir 
et  de  ressusciter  ensuite,  de  passer  par  le  tombeau  pour 
reprendre  ensuite  la  vie  ?  Je  le  comprends,  ô  mon  Dieu! 
vous  nous  avez  aimés,  nous  qui  avions  mérité  de  mou- 
rir en  punition  de  nos  péchés.  Dans  votre  amour  incom- 
préhensible, vous  avez  voulu  partager  notre  mort,  afin 
de  nous  donner  part  à  votre  résurrection.  Attaché  à  la 
croix,  sortant  de  votre  tombeau  glorieux,  toujours  vous 
êtes  à  nous,  vous  êtes  pour  nous  ;  mais  c'est  par  ce  der- 
nier acte  de  votre  toute-puissante  bonté  que  vous  mettez 
lô  comble  à  vos  bienfaits.  Que  pouvons-nous  faire,  ô 
Jésus,  si  ce  n'est  de  vous  offrir  en  retour  l'humble  et 
fervent  hommage  de  notre  amour  ?  Et  à  quel  moment 
vous  l'exprimerai-je  avec  plus  d'effusion,  si  ce  n'est  à 
celui-là  même  où  vous  vous  préparez  à  me  communiquer 
ce  Pain  sacré  qui  est  vous-même,  et  par  lequel  vous 
venez  m'unir  à  votre  divine  chair  ressuscitée,  afin  de 
m'incorporer  à  votre  gloire  et  à  votre  immo-rtalité  ?  O 
Jésus,  mon  libérateur,  qui  êtes  à  moi  dans  votre  mort  et 
dans  votre  vie,  je  veux  être  tout  à  votre  amour  dans  le 
temps  et  dans  l'éternité. 


APRES  LA  COMMUNION. 

ACTE   d'.\D0R.\T10N. 

-  .  otJS  êtes  en  moi,  et  je  suis  en  vous.  Majesté  infinie! 
V  Au  moment  où  vous  vous  élanciez  du  tombeau,  la 
terre  trembla  à  l'aspect  de  votre  gloire;  à  cette  heure 
fortunée  où  je  vous  sens  en  moi-même,  mon  être  tout 
entier  tressaille  d'émotion,  car  vous  êtes  le  grand  Dieu 
à  qui  il  n'a  fallu  qu'un  acte  de  sa  volonté  pour  faire  jail- 
lir la  lumière  du  sein  du  chaos,  à  qui  il  n'a  fallu  qu'un 


La  Communion. 


47 


instant  pour  réunir  son  àme  à  son  corps  et  s'échapper 
des  liens  du  tombeau.  Que  puis-je  faire,  sinon  adorer  pro- 
fondément cette  puissance,  cette  grandeur  qui  m'est  unie 
en  ce  moment  ?  O  Dieu  à  qui  rien  ne  résiste,  je  m'anéantis 
devant  vous,  je  confesse  votre  domaine  sur  moi  ;  recevez 
mon  hommage  que  vous  êtes  venu  chercher  du  haut  du 
ciel,  en  descendant  jusqu'au  fond  de  cet  abîme  de  néant. 
Je  succombe  sous  Je  poids  de  l'insigne  honneur  que  vous 
daignez  me  faire.  Vous  êtes  le  souverain  Etre,  l'auteur 
et  le  conservateLir  de  toutes  choses  :  je  vous  adore  comme 
mon  maître  absolu,  je  confesse  avec  bonheur  ma  dépen- 
dance, et  je  vous  offre  de  tout  mon  cœur  mon  humble 
service. 

ACTE    DE   REMERCIEMENT. 

^->^UI  me  donnera  de  reconnaître,  comme  je  le  dois,  le 
()  bienfait  de  votre  visite,  ô  Jésus  ?  C'est  pour  me 
faïre  part  de  votre  propre  vie  que  vous  êtes  venu  en  moi. 
Faible  comme  je  le  suis,  le  souvenir  de  ce  que  vous  avez 
opéré  en  ma  faveur  ne  suffirait  pas  à  me  soutenir  dans 
la  voie  nouvelle  que  votre  résurrection  m'a  ouverte  ;  dans 
votre  aimable  condescendance  pour  mon  infirmité,  vous 
êtes  A'enu  dans  mon  âme  sans  bruit,  mais  avec  toute  votre 
puissance  et  toute  votre  gloire.  Vous  vous  montrâtes 
ainsi  aux  Apôtres  réunis  dans  le  Cénacle,  ô  divin  Res- 
suscité! «  C'est  moi,  leur  dites-vous;  n'ayez  pas  de 
crainte.  »  J'entends  au  dedans  de  moi  les  mêmes  paro- 
les. Vous  me  dites  de  ne  pas  me  troubler,  quelles  que 
soient  votre  grandeur  et  ma  bassesse,  votre  souveraine 
sainteté  et  mon  indignité.  "  La  paix  soit  avec  vous  1  » 
c'est  le  salut  que  vous  donnâtes  à  vos  disciples  ;  en  ce 
moment,  c'est  à  moi-même  que  vous  l'adressez.  Je  le 
reçois,  ô  Jésus,  de  votre  bouche  adorable,  et  j'y  réponds 
par  mes  actions  de  grâces.  Soyez  béni  pour  cette  divine 
prévenance,  pour  cette  tendre  sollicitude  qui  vous  porte 
à  vous  unir  ainsi  à  mon  indignité,  à  abaisser  toutes 
les  barrières  qui  me  captivaient  sous  l'empire  de  la  mort, 
à  m'associer  intimement  à  votre  triomphe,  à  me  prému- 
nir contre  le  retour  de  la  mort,  en  m'incorporant,  par 
ce  Pain  sacré,  votre  immortelle  vie.  Je  dirai  donc  avec 
le  Roi-Prophète  :  «  Mon  âme,  et  tout  ce  qui  est  en  moi. 


48  Le  Temps  Pascal. 

bénis  le  Seigneur,  et  n'oublie  jamais  son  bienfait,  c'est 
lui  qui  t'a  rachetée  de  la  mort,  et  qui  a  renouvelé  ta 
jeunesse  comme  celle  de  l'aiijle.   » 

ACTE   d'amour. 

OMBLE  de  vos  plus  chères  faveurs,  que  dois-je  faire, 
ô  Jésus,  sinon  répondre  à  votre  amour  par  tout 
l'amour  dont  je  suis  capable  ?  Madeleine,  à  votre  sépul- 
cre, n'a  entendu  de  vous  qu'une  seule  parole,  et  son  cœur 
se  fond;  elle  ne  peut  repondre  que  par  cette  exclama- 
tion :  «  Mon  maitre  !  mon  cher  maître  !  »  Et  moi,  ô 
Jésus,  qui  n'entends  pas  seulement  votre  parole,  mais 
qui  vous  sens  en  moi-même,  qui  suis  tout  pénétré  de 
vous,  quels  termes  emploierai-je  pour  exprimer  mon 
amour?  Les  disciples  d'Emmaiis  n'avaient  eu  avec  vous 
qu'un  simple  entretien,  et  ils  disaient  :  «  Notre  cœur 
n'était-il  pas  brûlant  au  dedans  de  nous,  pendant  qu'il 
nous  parlait  dans  le  chemin?  »  Que  dirai-je  ?  que  rcs- 
sentirai-je  en  ce  moment  où  vous  reposez  dans  ma  poi- 
trine ?  J'oserai  vous  dire  que  moi  aussi  je  vous  aime,  ô 
mon  Sauveur  ressuscité  !  Vous  daignâtes  agréer  l'amour 
de  Madeleine  et  encourager  par  votre  bonté  celui  de  vos 
disciples;  agréez  aussi  le  mien.  S'il  est  faible,  vous  pou- 
vez l'accroître;  je  prends  la  résolution  de  ne  le  plus 
contrarier,  de  le  développer  en  moi,  avec  l'aide  de  votre 
sainte  grâce,  et  de  recourir  souvent,  pour  cet  effet,  à 
l'adorable  Sacrement  dans  lequel  vous  avez  déposé 
toutes  les  ressources  et  tous  les  secrets  de  ce  saint 
amour. 

ACTE    d'offrande. 

J'ÉTAIS  à  vous,  ô  Jésus,  parce  que  vous  m'aviez  racheté  ', 
je  suis  maintenant  à  vous,  parce  que  vous  m'avez 
rendu  la  vie  par  votre  Résurrection  ;  et  dans  le  divin 
mystère  dont  vous  venez  de  me  faire  part,  vous  m'avez 
associé  à  tout  ce  que  votre  victoire  sur  la  mort  a  de  plus 
glorieux.  Mon  sort  est  donc  désormais  uni  au  vôtre  ; 
comme  vous,  je  >uis  mort  au  péché,  et  je  vis  à  Dieu. 
Que  dois-je  donc  faire,  sinon  m'offrir  et  me  donner  à 
vous  pour  ne  m'en  plus  séparer  jamais?  Disposez  de 
moi,  ô  Jésus  !  Je  suis  votre  racheté  et  votre  compagnon 


La  Communion.  4g 

de  gloire;  tout  mon  présent,  tout  mon  avenir  est  en 
vous  jusque  dans  l'éternité.  Je  renonce  donc  à  moi- 
même,  pour  être  à  toutes  vos  volontés  ;  je  renonce  au 
monde  et  à  ses  maximes,  qui  sont  l'opposé  de  la  vie 
nouvelle  que  je  veux  mener  désormais  ;  mais  je  sens  que, 
pour  être  fidèle,  j'ai  besoin  d'un  secours  puissant  qui 
m'assiste  sans  cesse.  Ce  secours,  ô  Jésus,  c'est  la  venue 
en  moi  de  votre  Esprit-Saint  ;  c'est  sa  demeure  en  moi. 
Vous  l'avez  promis;  il  doit,  par  son  arrivée,  mettre  le 
sceau  à  toutes  les  joies  pascales.  Envoyez-le-moi,  ô 
Fils  du  Père!  Vous  montez  au  ciel  :  ne  me  laissez  pas 
orphelin.  Votre  divin  Sacrement  me  reste  ;  mais  je  n'y 
puis  participer  à  toute  heure,  et  mes  besoins  sont  de 
chaque  instant.  Daignez  donc  renouveler  en  moi  la  pré- 
sence de  ce  divin  Esprit,  qui  conservera  et  dévelop- 
pera, pour  votre  gloire,  les  dons  que  vous  venez  de  me 
communiquer  en  vous  unissant  à  moi. 

O  Marie,  je  vous  en  supplie  par  la  joie  dont  votre 
cœur  maternel  est  inondé  dans  la  résurrection  de  votre 
divin  Fils,  gardez  en  moi  le  fruit  de  l'heureuse  visite 
qu'il  a  daigné  me  faire.  Anges  de  Dieu,  montrez-vous 
jaloux  de  conserver  intacte  la  demeure  de  votre  Maître. 
Saints  et  Saintes,  priez,  afin  que  je  ne  perde  pas  le 
souverain  Bien  dont  l'immuable  possession  vous  rend  à 
jamais  heureux. 


LE   TEMPS    PASCAL.    — 


CHAPITRE    IV. 


DES   OFFICES    DE   TIERCE,    SEXTE   ET    NONE, 
AU    TEMPS   PASCAL. 


A  TIERCE. 


mine ,     ad 
me  festina. 

Gloria  Patri,  et  Filio, 
et  Spiritul  Sancto  ; 

Sicuterat  in  priticipio, 
et  nunc.  et  semper,  et  in 
s  36  c  u  I  a  saeculorum. 
Amen.  Alléluia. 


Dieu  !    venez 
à  mon  aide. 


Ij?.  Hâtez- 
vous,  Seigneur,  de  me  se- 
courir. 

Gloire  au  Père,  et  au  Fils, 
et  au  Saint-Esprit  ; 

Comme  il  était  au  com- 
mencement, et  maintenant,  et 
toujours,  et  dans  les  siècles 
des  siècles.  Amen.    Alléluia. 


NUNC      Sancte     nobis 
Spiritus, 
Unum  Pairi   cum  Filio, 
Dignare     promptus    in- 

Noslro   refusas    pccton. 


Esprit-Saint  .  substance 
unique  avec  le  Père  et  le 
Fils,  daignez,  à  cette  heure, 
descendre  en  nous,  et  vous 
répandre  dans  nos  coeurs. 


A   Tierce. 


5i 


Que  notre  bouche,  notre 
langue,  notre  esprit  ,  nos 
sens,  nos  forces,  publient  vos 
louanges  ;  que  le  feu  de  la 
charité  s'allume  -,  que  son  ar- 
deur embrase  tous  nos  frères. 


Exaucez-nous  ,  Père  très 
miséricordieux,  Fils  unique 
égal  au  Père,  et  vous.  Esprit 
consolateur,  qui  régnez  dans 
tous  les  siècles.  Amen. 


Os,  lingua,  mens,  sen- 

sus,  vigor, 
Confessionem  personent, 
Flammescat   igné  chari- 

tas, 
Accendat    ardor    proxi- 

mos. 

Praesta,  Pater  piissime, 

Patrique    compar    unice, 

Cum    Spiritu    Paraclito, 

Regnans  per  omne  szecu- 

lum.  Amen. 


DIVISION    DU   PS.AIJME   CXVIII. 


DONNEZ-MOI  pour  loi,  Sei- 
gneur, la  voie  de  vos  vo- 
lontés pleines  de  justice,  et 
je  ne  cesserai  point  de  la 
rechercher. 

Donnez-moi  l'intelligence, 
et  je  scruterai  votre  loi,  et  je 
la  garderai  de  tout  mon 
cœur. 

Conduisez-moi  dans  le  sen- 
tier de  vos  préceptes  :  c'est 
lui  que  je  désire. 

Inclinez  mon  cœur  vers 
vos  commandements,  et  dé- 
tournez-le de  la  cupidité. 

Détournez  mes  yeux,  afin 
qu'ils  ne  voient  pas  la  vanité  ; 
vivifiez-moi  dans  votre  voie. 

Affermissez  votre  parole 
en  votre  serviteur,  par  la 
crainte  de  vous  offenser. 

Eloignez  demoi  l'opprobre 
que  j'appréhende  ;  car  vos 
jugements  sont  pleins  de  dou- 
ceur. 

Voilà  que  j'ai  désiré   rem- 


LtGEM  pone  mihi,  Do- 
mine, viam  justifica- 
tionum  tuarum  :  *  et  ex- 
quiram  eam  semper. 

Da  mihi  intellectum, 
et  scrutabor  legem  tuam  : 
*  et  cuslodiam  illam  in 
toto  corde  meo. 

Deduc  me  in  semitam 
mandatorum  tuorum  ■  * 
quia  ipsam  volui. 

Inclina  oor  meum  in 
testimonia  tua  :  *  et  non 
in  avaritiam. 

Averte  oculos  meos  ne 
videant  vanitatem  :  *  in 
via  tua  vivifica  me. 

Statue  servo  tue  elo- 
quium  tuum  :  *  in  timoré 
tuo. 

Amputa  opprobrium 
meum  quod  suspicatus 
sum  :  *  quia  judicia  tua 
jucunda. 

Ecce   concupivi   man- 


52 


Le  Temps  Pascal. 


data  tua  :  *  in  œquitate 
tua  vivifica  me. 

Et  veniat  super  me  mi- 
sericordia   tua,  Domine 

*  salutare  tuum.    secun- 
dum  eloquium  tuum. 

Et  respondebo  cxpro- 
brantibus  mihi  verbum  ; 

*  quia  speravi  in    serrao- 
nibus  tuis. 

Et  ne  auferas  de  ore 
meo  verbum  veritatis 
usqucquaque  :  *  quia  in 
judiciis  tuis  supersperavi. 

Et  custodiam  legem 
tuam  semper  :  *  in  sœcu- 
lum  et  in  sseculum  ss- 
culi. 

Et  ambulabam  in  lati- 
tudine  .  *  quia  mandata 
tua  exquisivi. 

Et  loquebar  in  testi- 
moniis  tuis  in  conspectu 
regum  :  *  et  non  confun- 
debar. 

Et  meditabar  in  man- 
dat.is  tuis  :  *    qune  dilexi. 

Et  levavi  manus  meas 
ad  mandata  tua,  qiice  di- 
lexi ;  *  et  exercebar  in 
justificationibus  tuis. 

Gloria  Patri,  etc. 


M 


E.MOR   esto    verbi  tui 
serve  tuo  :   *  in  quo 
mihi  spem  dedisti. 

Haec  me   consolata    est 
inhumilitate  mea  :  *quia 


plir  vos  commandements  ; 
dans  votre  justice,  donnez- 
moi  la  vie  ; 

Et  que  votre  miséricorde 
vienne  sur  moi,  ce  salut  que 
vous  avez  promis. 

Et  je  répondrai  à  ceux  qui 
m'outragent,  aux  ennemis  de 
mon  àme,  que  j'avais  espéré 
dans  votre  parole. 

Et  n'enlevez  jamais  de  ma 
bouche  la  parole  de  votre  vé- 
rité ;  car  mon  espérance  en 
vos  justices  a  été  sans  bornes. 

Et  je  garderai  votre  loi 
toujours,  dans  les  siècles  des 
siècles. 

Et  je  marcherai  dans  la  vie, 
avec  la  joie  de  mon  cœur, 
parce  que  j'ai  recherché  vos 
commandements. 

Et  je  parlerai  de  votre  loi 
en  présence  des  rois,  et  je 
n'en  rougirai  point. 

Et  je  méditerai  sur  vos  pré- 
ceptes, objet  de  mon  amour. 

Et  je  lèverai  mes  mains 
vers  vos  commandements  que 
j'ai  aimés,  et  je  m'exercerai 
dans  la  pratique  de  votre 
justice. 

Gloire  au  Père,   etc. 

CouvKsEZ-vous  de  votre 
^  parole  à  votre   serviteur, 

par     laquelle    vous      m'avez 

donné  l'espérance. 

C'est  elle  qui    m'a    consolé 

en    mon     humiliation  ;     car 


A   Tierce. 


53   ? 


votre  parole  m'a  donné  la 
vie. 

Les  esprits  de  superbe 
m'ont  attaqué  de  toutes  parts 
avec  injustice  ;  mais  je  ne 
me  suis  point  détourné  de 
votre  loi. 

Je  me  suis  souvenu,  Sei- 
gneur, des  jugements  que 
vous  avez  exercés  dès  le 
commencement  du  monde  :  et 
j'ai  été  consolé. 

La  défaillance  s'est  empa- 
rée de  moi,  à  la  vue  des  pé- 
cheurs qui  désertent  votre 
loi. 

Votre  loi  de  justice  a  été 
le  sujet  de  mes  chants,  dans 
le  lieu  de  mon  pèlerinage. 

Seigneur,  je  me  suis  sou- 
venu de  votre  Nom  durant  la 
nuit,  et  j'ai  gardé  votre  loi. 

Ce  bonheur  m'est  arrivé, 
parce  que  j'ai  recherché  vos 
justices. 

J'ai  dit  :  Mon  partage, 
Seigneur,  est  de  garder  votre 
loi. 

J'ai  imploré  votre  assis- 
tance du  fond  de  mon  cœur  ; 
selon  votre  parole ,  ayez 
pitié  de  moi. 

J'ai  réfléchi  sur  mes  voies, 
et  j'ai  ramené  mes  pas  dans 
le  sentier  de  vos  préceptes. 

Je  suis  prêt  et  je  veux,  sans 
trouble  ,  garder  désormais 
vos  commandements. 

Les  filets  des  pécheurs 
m'ont  environné,  et  je  n'ai 
point  oublié  votre  loi. 


eloquium   tuum  vivifica 
vit  me. 

Superbi  inique  age- 
bant  usquequaque  :  '  a 
lege  autem  tua  non  decli- 
navi. 

Memor  fui  judiciorum 
tuoriim  a  saeculo.  Domi- 
ne ;  *   et  consolatus  sum. 


Defectio  tenuit  me  :  * 
pro  peccatoribus  dere- 
linquentibus  legem  tuam. 

Cantabiles  mihi  erant 
justificationes  tuas  :  *  in 
loco  peregrinationis  mea;. 

Memor  fui  nocte  No- 
minis  tui.  Domine  :  *  et 
custodivi  iegem  tuam. 

Haec  facta  est  mihi  :  * 
quia  justificationes  tuas 
exquisivi. 

Portio  mea.   Domine  : 

*  dixi     custodire    legem 
tuam. 

Deprecatus  sum  faciem 
tuam  in  toto  corde  meo  • 

*  miserere  mei  secundum 
eloquium    tuum. 

Cogitavi  vias  meas  :  * 
et  converti  pedes  meos 
in  testimonia  tua. 

Paratus  sum,  et  non 
sum  turbatus  :  *  ut  cus- 
todiam    mandata  tua. 

Funes  peccatorum  cir- 
cumplexi  sunt  me  :  *  et 
legem  tuam  non  sum 
obiitus. 


54 


Le  Temps  Pascal. 


Media  nocte  surgebam 
ad  confitendum  tibi  :  * 
super  judicia  justifica- 
tionis  tux. 

Particeps  ego  sum 
omnium  timentium  te  :  * 
et  custodientium  manda- 
ta tua. 

Misericordia  tua.  Do- 
mine, plena  est  terra  :  * 
justificationes  tuas  doce 
me. 

Gloria  Patri,  etc. 

BONITATEM  fecisti  cum 
serve  tuo,  Domine  : 
*  secundum  v  e  r  b  u  m 
tuum. 

Bonitatem,  et  disci- 
plinam  ,  et  scientiam 
doce  me  :  *  quia  manda- 
tis  tuis  credidi. 

Priusquam  humiliarer 
ego  deliqui  :  *  propterea 
eloquium  tuum  custodivi. 

Bonus  es  tu  :  *  et  in  bo- 
nitate  tua  doce  me  justi- 
ficationes tuas. 

Multiplicata  est  super 
me  iniquitas  superbo- 
rum  :  '  ego  aatem  in 
toto  corde  meo  scrutabor 
mandata  tua. 

Coagulatura  est  sicut 
lac  cor  eorum  :  *  ego 
vero  legem  tuam  medita- 
tu8  sum. 

Bonum  mihi  quia  hu- 
miliasti  me  :  *  ut  discam 
justificationes  tuas. 


V 


Je  me    levais  au  milieu  de 
la   nuit,    pour    vous    rendre    , 
gloire   sur    les    jugements  de 
votre  justice. 

Je  suis  uni  à  tous  ceux  qui 
vous  craignent  et  qui  gardent 
vos  commandements. 

Toute  la  terre  est  pleine  de 
votre  miséricorde,  Seigneur  : 
enseignez-moi  votre    justice. 

Gloire  au  Père,  etc. 

ous  avez  signalé  votre 
bonté  envers  votre  ser- 
viteur, selon  votre  parole, 
Seigneur. 

Enseignez-moi  la  miséri- 
corde ,  la  sagesse  et  la 
science  ;  car  j'ai  cru  à  vos 
préceptes. 

Avant  que  vous  m'eussiez 
humilié,  j'ai  péché;  c'est 
pourquoi,  éclairé  maintenant, 
l'observe  votre  loi. 

Vous  êtes  bon  ;  dans  cette 
bonté  ,  enseignez-moi  vos 
justices. 

Mes  ennemis  superbes  ont 
multiplié  sur  moi  leur  ini- 
quité ;  mais  mon  cœur  s'atta- 
chera tout  entier  à  la  recher- 
che  de  vos  commandements. 

Leur  cœur  s'est  épaissi 
comme  le  lait  ;  pour  moi,  j'ai 
médité  votre   loi. 

Il  m'a  été  bon  que  vous 
m'ayez  humilié,  afin  que  j'ap- 
prisse la  justice  de  vos  pré- 
ceptes. 


A    Tierce. 


55 


Votre  Verbe  qui  est  la  loi 
sortie  de  votre  bouche,  o  Père 
céleste,  est  plus  précieux  pour 
moi  que  les  monceaux  d'or  et 
d'argent. 

Vos  mains  m'ont  fait  et 
m'ont  façonné  ;  donnez-moi 
l'intelligence,  et  j'apprendrai 
vos  décrets. 

Ceux  qui  vous  craignent 
me  verront,  et  se  réjouiront  ; 
car  j'ai  grandement  espéré  en 
vos  paroles. 

J'ai  connu.  Seigneur,  que 
vos  jugements  sont  l'équité, 
et  que  vous  m'avez  humilié 
avec    justice. 

Que  votre  miséricorde  dai- 
gne venir  me  consoler,  selon 
la  promesse  que  vous  fîtes  à 
votre  serviteur. 

Viennent  sur  moi  vos  misé- 
ricordes, et  je  vivrai  ;  car 
votre  loi  est  toute  mon  occu- 
pation. 

Que  mes  ennemis  superbes 
soient  confondus,  puisqu'ils 
m'ont  persécuté  avec  injus- 
tice ;  moi  je  m'exercerai  sur 
vos  préceptes. 

Que  ceux  qui  vous  crai- 
gnent et  qui  entendent  vos 
oracles  se  tournent  vers  moi. 

Que  mon  cœur  devienne 
pur  par  la  pratique  de  vos 
afin  que  je  ne 


Bonum  mihi  lex  oris 
tui  :  *  super  millia  auri 
et  argenti. 


Manus  tuae  fecerunt 
me,  et  plasmaverunt  me  :  * 
da  mihi  intellectum,  et 
discam  mandata  tua. 

Qui  timent  te,  vide- 
bunt  me  et  laetabuntur  :  * 
quia  in  verba  tua  supers- 
peravi. 

Cognovi,  Domine,  quia 
œquitas  judicia  tua  :  *  et 
in  veritate  tua  humiliasti 
me. 

Fiat  misericordia  tua 
ut  consoletur  me  :  *  se- 
cundum  eloquium  tuum 
servo  tuo. 

Veniant  mihi  misera- 
tiones  tuas,  et  vivam  :  * 
quia  lex  tua  meditatio 
mea  est. 

Confundantur  superbi, 
quia  injuste  iniquitatem 
fecerunt  in  me  :  *  ego 
autem  exercebor  in  man- 
datis  tuis. 

Convertantur  mihi  ti- 
mentes  te  :  *  et  qui  nove- 
runt  testimonia  tua. 

Fiat  cor  meum  imma- 
culatum  in  justificationi- 
bus  tuis  :  *  ut  non  con- 
fundar. 


préceptes,  aiin  que  je  ne  sois 
pas  confondu,  au  jour  où  vous 
paraître:^  dans  votre  justice. 

L'Antienne,  le  Capitule,  le  Répons  bref,  le 
Verset  et  l'Oraison  qui  complètent  l'Office  de 
Tierce,  ainsi  que   les  Offices  de  Sexte  et  de 


56 


Le  Temps  Pascal. 


None,  se  trouvent  ci-après,  dans  leurs  lieux 
et  places,  aux  fôtes  solennelles  dont  nous 
donnons  les  Offices. 


A  SEXTE. 


i  VS  EUS,  in    adjuto- 
^'^-^     rium,  etc. 
Gloria  Patri,  etc. 


^   (~\    Dieu  1  venez  à  mon 
^'  ^-^    aide,  etc. 
Gloire  soit  au  Père,  etc. 


RECTOR  potens,    verax 
Deus, 
Qui   temperas  rerum  vi- 
ces, 
Splendore  mane  illumi- 
nas. 
Et  ignibus  meridiem. 

Exstingue  flammas  li- 

tium  ; 
Aufer  calorem    noxium, 
Confer    salutem   corpo- 

rum, 
Veramque     pacem    cor- 

dium. 

Praesta,  Pater  piissime, 

Patrique   compar  Unice, 

Cum    Spiritu    Paraclito, 

Regnans  per  omne  ssecu- 

lum. 

Amen. 


A 


RBITRE  tout-puissant, 
Dieu  de  vérité,  qui  réglez 
l'ordre  de  toutes  choses,  vous 
dispensez  au  matin  sa  splen- 
deur,   et  au  midi  ses  feux. 


Eteignez  la  flamme  des  dis- 
cordes, dissipez  toute  ardeur 
nuisible  ;  donnez  à  nos  corps 
la  santé,  à  nos  cœurs  la  paix 
véritable. 


Exaucez-nous,  Père  très 
miséricordieux.  Fils  unique 
égal  au  Père,  et  vous,  Esprit 
consolateur,  qui  régnez  dans 
tous  les  siècles. 

Amen. 


D 


DIVISION    DU    PS.A.UME    CXVIII. 

défailli    dans 


EFECIT  in  salutare 
tuum  anima  mea  :  * 
et  in  verbura  tuum  su- 
persperavi. 


MON  ame  a  deiauu  dans 
l'attente  du  Sauveur  que 
vous  avie^  promis  ;  mais  j'ai 
mis  toute  mon  espérance  en 
votre  parole. 


Mes  yeux  se  sont  lassés  à 
relire  vos  promesses,  et  je 
disais  :  Quand  meconsolerez- 
vous  ? 

Je  me  suis  desséché  comme 
la  peau  exposée  à  la  gelée  ; 
mais  je  n'ai  point  oublié  vos 
justices. 

Je  disais  :  Combien  de 
jours  restent  encore  à  votre 
serviteur  ?  quand  ferez-vous 
justice  de  mes  persécuteurs  ? 

Les  impies  me  racontaient 
leurs  fables  ;  mais  ce  qu'ils 
disent  n'est  pas  comme  votre 
loi. 

Toutes  vos  ordonnances 
sont  vérité  ;  ils  me  poursui- 
vent injustement  :  aidez-moi. 

Ils  m'ont  presque  anéanti 
sur  la  terre  ;  mais  je  n'ai 
point  abandonné  vos  com- 
mandements. 

Vivifiez-moi  selon  votre 
miséricorde  ;  et  je  garderai 
les  oracles  de  votre   bouche. 

Votre  parole,  Seigneur, 
demeure  à  jamais  dans  le 
ciel. 

Votre  vérité  passe  de  géné- 
ration en  génération.  C'est 
vous  qui  avez  affermi  la  terre, 
et  elle  est  stable. 

Par  votre  ordre,  le  jour 
subsiste  ;  car  tout  vous  est 
assujetti. 

Si  votre  loi  n'eût  été  le 
sujet  de  mes  méditations, 
j'aurais  péri  déjà  dans  mon 
affliction. 

Je   n'oublierai  jamais   vos 


Defecerunt  oculi  mei 
in  eloquium  tuum  :  *  di- 
ceates  :  Quando  conso- 
laberis  me   ? 

Quia  factus  sum  sicut 
uter  in  pruina  :  *  justifi- 
•ationes  tuas  non  sum 
oblitus. 

Quot  sunt  dies  servi 
tui  ?  *  quando  faciès  de 
persequentibus  me  judi- 
cium  ? 

Narraverunt  mihi  ini- 
qui  fabulationes  :  *  sed 
non  ut  lex  tua. 


Omnia  mandata  tua 
Veritas  :  *  iniqui  perse- 
cuti  sunt  me  ;  adjuva  me. 

Paulo  minus  consum- 
maverunt  me  in  terra  :  * 
ego  autem  non  dereliqui 
mandata  tua. 

Secundum  misericor- 
diam  tuam  vivifica  me  :  * 
et  custodiam  testimonia 
oris  tui. 

In  aeternum,  Domine  :  * 
verbum  tuum  permanet 
in  coelo. 

In  generationem  et  ge- 
nerationem  veritas  tua  :  * 
fundasti  terram  et  per- 
manet. 

Ordinatione  tua  persé- 
vérât dies  :  *  quoniam 
omnia  serviunt  tibi. 

Nisi  quod  lex  tua  me- 
ditatio  mea  est  :  *  tune 
forte  periissem  in  humi- 
litate  mea. 

In  asternum  non  obli- 


58 


Le  Temps  Pascal. 


V  i  se  a  r  justificationes 
tuas  :  '  quia  in  ipsis  vivi- 
ficasti   me. 

Tuus  sum  ego,  salvum 
me  fac  :  '  quooiam  justi- 
ficationes tuas  exquisivi. 

Me  exspectaverunt  pec- 
catores  ut  perderent  me  :  ' 
testimonia  tua  intcUexi. 

Omnis  consummatio- 
nis  vidi  finem  :  "  latum 
mandatum  tuum  nimis. 

Gloria  Patri,  etc. 

QUOMODO  dilexilegem 
tuam,  Domine  :  * 
tota  die  meditatio  mea 
est. 

Super  inimicos  mecs 
prudentem  me  fecisti 
mandate  tuo  :  *  quia  in 
aeternum   mihi    est. 

Super  omnes  docentes 
me  intellexi  :  *  quia  tes- 
timonia tua  meditatio 
mea   est. 

Super  senes  intellexi  :  * 
quia  mandata  tua  quae- 
sivi. 

Ab  omni  via  mala  pro- 
hibui  pedes  mecs  :  *  ut 
custodiam  verba  tua. 

A  judiciis  tuis  non  de- 
clinavi  :  *  quia  tu  legem 
posuisti    mihi. 

Quam  dulcia  faucibus 
meis  eloquia  tua  :  *  super 
\     mel  ori  meo. 


justices  ;  car  c'est  par  elles 
que  vous  m'avez   vivifié. 

Je  suis  à  vous  ;  sauvez- 
moi  :  car  j'ai  recherché  vos 
préceptes. 

Les  pécheurs  m'ont  attendu 
pour  me  perdre  ;  mais  j'avais 
fixé  mon  attention  sur  vos 
oracles. 

J'ai  vu  venir  la  fin  de  toutes 
choses  ;  votre  loi  seule  est 
infinie. 

Gloire  au  Père,  etc. 

/^  UE  j'aime  votre  loi,  Sci- 
Vç^  gneur  1  toute  la  journée 
elle  est  le  sujet  de  mes  médi- 
tations. 

Vous  m'avez  rendu  plus 
sage  que  mes  ennemis  par  les 
préceptes  que  vous  m'avez 
donnés  :  je  les  ai  embrassés  à 
jamais. 

J'ai  surpassé  en  intelli- 
gence tous  mes  maîtres,  parce 
que  je  médite  vos  oracles. 

Je  suis  devenu  plus  pru- 
dent que  les  vieillards,  parce 
que  j'ai  recherché  vos  com- 
mandements. 

J'ai  détourné  mes  pieds  de 
toute  mauvaise  voie,  pour 
garder  vos  ordonnances. 

Jene  mesuis  point écartéde 
vos  régies  ;  car  c'est  vous-mê- 
me qui  m'avez  prescrit  la  loi. 

Que  vos  paroles  sont  dou- 
ces à  ma  bouche  !  elles  sont 
plus  suaves  que  le  miel  à 
mon  palais. 


A  Sexte. 


59 


Vos  préceptes  m'ont  donné 
l'intelligence  ;  c'est  pourquoi 
je  hais  toute  voie   d'iniquité. 

Votre  parole  est  la  lampe 
qui  éclaire  mes  pas  :  elle  est 
la  lumière  de  mes  sentiers. 

J'ai  juré  et  j'ai  résolu  de 
garder  les  décrets  de  votre 
justice. 

J'ai  été  réduit,  Seigneur, 
à  une  extrême  humiliation  : 
rendez-moi  la  vie  selon  votre 
parole. 

Agréez,  Seigneur,  le  sacri- 
fice volontaire  que  vous  offre 
ma  bouche,  et  enseignez-moi 
vos   commandements. 

Mon  âme  est  toujours  entre 
mes  mains  ;  et  je  n'ai  point 
oublié    votre  loi. 

Les  pécheurs  m'ont  tendu 
des  lacs  ;  mais  je  ne  me  suis 
point  écarté  de  vos  ordon- 
nances. 

J'ai  pris  vos  préceptes  pour 
être  à  jamais  mon  héritage  ; 
car  ils  sont  la  joie  de  mon 
cœur. 

J'ai  incliné  mon  cœur  à 
l'accomplissement  de  vos  com- 
mandements pour  jamais,  à 
cause  de  la  récompense. 

Gloire  au  Père,  etc. 

J'ai  haï  les  méchants,  et  j'ai 
aimé  votre  loi. 
Vous  êtes  mon  secours  et 
mon  asile  ;  en  votre  parole 
j'ai  mis  toute  mon  espérance. 
Retirez-vous  de  moi,  mé- 
chants ;  et  je  rechercherai  les 
préceptes  de  mon  Dieu. 


A  mandatis  tuis  intel- 
lexi  :  *  propterea  odivi 
omnem  viam  iniquitatis. 

Lucerna  pedibus  meis 
verbum  tuum  :  *  el  lumen 
semitis  meis. 

Juravi,  et  statui  :  *  cus- 
todire  judicia  justitias 
tuœ. 

Humiliatus  sum  usque- 
quaque.  Domine  :  *  vivi- 
fica  me  secundum  verbum 
tuum. 

Voluntaria  oris  mei 
beneplacita  fac.  Domi- 
ne :  *  et  judicia  tua  doce 
me. 

Anima  mea  in  manibus 
meis  semper  :  *  et  legem 
tuam  non  sum  oblitus. 

Posuerunt  peccatores 
laqueum  mihi  :  *  et  de 
mandatis  tuis  non  erravi. 

Hœreditate  acquisivi 
testimonia  tua  in  ster- 
num :  *  quia  exsultatio 
cordis  mei  sunt. 

Inclinavi  cor  meum  ad 
faciendas  justificationes 
tuas  in  aeternum  :  *  pro- 
pter  retributionem. 

Gloria  Patri,  etc. 

T  NIQUOS  odio  habui  :  * 
1    et    legem  tuam  dilexi. 

Adjutor  et  susceptor 
meus  es  tu  :  *  et  in  ver- 
bum tuum   supersperavi. 

Declinate  a  me  mali- 
gni  :  *  et  scrutabor  man- 
data Dei  mei. 


6o 


Le  Temps  Pascal. 


Suscipe  me  secundum 
eloquium  tuum,  et  vivam  : 
*  et  non  confundas  me  ab 
exspectatione  mea. 

Adjuva  me,  et  salvus 
ero  :  *  et  meditabor  in 
justificationibus  tuis  sem- 
per. 

Sprevisti  omnes  disce- 
dentes  a  judiciis  tuis  :  * 
quia  injusta  cogitatio  eo- 
rum. 

Praevaricantes  r»pu- 
tavi  omnes  peccatores 
terrJE  :  "  ideo  diiexi  tes- 
timonia  tua. 

Confige  timoré  tuo  car- 
nes meas  :  *  a  judiciis 
enim  tuis  timui. 

Feci  judicium  et  justi- 
tiam  :  *  non  tradas  me 
calumniantibus  me. 

Suscipe  servum  tuum 
in  bonum  :  *  non  calum- 
nientur  me  superbi. 

Oculi  mei  defecerunt 
in  salutare  tuum  :  '  et  in 
eloquium  justitiae  tua?. 

Fac  cum  servo  tuo  se- 
cundum misericordiam 
tuam  :  *  et  justificationes 
tuas   doce  me. 

Servus  tuus  sum  ego  :  * 
da  mihi  intellectum,  ut 
sciam  testimonia  tua. 

Tempus  faciendi,  Do- 
mine :  *  dissipaverunt 
legem  tuam. 

Ideo     diiexi     mandata 


Recevez-moi  selon  votre 
parole,  et  je  vivrai  ;  ne  per- 
mettez pas  que  je  sois  con- 
fondu dans  mon  attente. 

Aidez-moi,  et  je  serai 
sauvé  ;  et  je  méditerai  con- 
tinuellement vos  ordon- 
nances. 

Vous  rejetez  avec  mépris 
tous  ceux  qui  s'écartent  de 
vos  commandements  ;  car  leur 
pensée  est  injuste. 

J'ai  regardé  tous  les  pé- 
cheurs de  la  terre  comme  des 
prévaricateurs  ;  et  pour  cela 
j'ai  chéri  vos  oracles. 

Transpercez  ma  chair  de 
votre  crainte  ;  car  vos  juge- 
ments remplissent  mon  âme 
de  terreur. 

J'ai  pratiqué  l'équité  et  la 
justice  :  ne  me  livrez  pas  aux 
ennemis  qui  me  calomnient. 

Recevez  votre  serviteur  et 
affermissez-le  dans  le  bien  : 
que  les  superbes  cessent  de 
m'opprimer. 

^ies  yeux  s'étaient  épuisés 
à  attendre  le  salut  que  vous 
m'apportez,  et  l'effet  des  ora- 
cles de  votre  justice. 

Faites  donc  maintenant  se- 
lon votre  miséricorde  avec 
votre  serviteur,  et  enseignez- 
moi  vos  commandements. 

Je  suis  votre  serviteur  : 
donnez-moi  l'intelligence,  afin 
que  jeconnaisse  vos  préceptes. 

11  est  temps  d'agir.  Sei- 
gneur ;  ils  ont  dissipé  votre 
loi. 

C'est  pour  cela  que  j'ai  aimé 


A  None. 


bi 


vos  commandements  plus  que 
l'or  et  la  topaze. 

C'est  pour  cela  que  je  me 
suis  réglé  en  tout  selon  vos 
commandements,  et  que  j'ai 
haï  toute  voie  injuste. 


tua   :       super   aurum   et 
topazion. 

Propterea  ad  omnia 
mandata  tua  dirigebar  :  * 
oranem  viam  iniquam 
odio    habui. 


A  NONE. 

^    j    j    Dieu   1    venez   à 
'^'   V-'   mon  aide,  etc. 
Gloire  au  Père,  etc. 


O 


a.     p^Eus,  in  adjuto- 
^'   L/   rium,  etc. 
Gloria  Patri,  etc. 


HYMNE. 

ODiEU  dont  la  puissance 
soutient  tous  les  êtres, 
toujours  immuable  en  votre 
essence,  vous  partagez  le 
temps  par  les  révolutions  de 
la  lumière  du  jour. 


Versez  la  lumière  sur  le 
soir  de  nos  jours  ;  que  notre 
vie  ne  s'éloigne  jamais  d'elle; 
et  qu'une  gloire  immo^-telle 
soit  la  récompense  d'une 
mort  sainte. 

^  Exaucez-nous,  Père  très 
miséricordieux,  Fils  unique 
égal  au  Père,  et  vous  Esprit 
consolateur,  qui  régnez  dans 
tous  les  siècles. 
Amen. 


ERUM  Deus  tenax  vi- 
n   te  perma- 


K  gor 
Immotu 


nens, 
Lucis  diurnae   tempora 
Successibus        determi- 

nans. 


Largire  lumen  vespere, 
Quo  vita  nusquam  déci- 
dât, 
Sed  prsemium  mortis  sa- 

crae 
Perennis  instet  gloria. 

Praesta,  Pater  piissime, 

Patrique  compar  Unice, 

Cum   Spiritu    Paraclito, 

Regnans  per  omne  saecu- 

lum. 

Amen. 


DIVISION    DU   PSAUME    CXVIII. 


VOS  témoignages  sont  ad- 
mirables, ô  Dieu!  c'est 
pour  cela  que  mon  âme  les  a 
recherchés  avec  ardeur. 


Mir; 
tL 


IRABILIA    testimonia 
;ua  :  *  ideo  scrutata 
est  ea  anima  mea. 


62 


Le  Temps  Pascal. 


Declaratio  sermonum 
tuorum  illuminât:  '  et 
intellectum  dat  parvulis. 

Os  meum  aperui,  et 
attraxi  spiritum  :  '  quia 
mandata  tua  desidera- 
bam. 

Aspice  in  me,  et  mise- 
rere mei  :  *  secundum 
iudicium  diligentium 
Nomen  tuum. 

Gressus  meos  dirige 
secundum  eloquium  tu- 
um :*  et  non  dominetur 
mei  omnis  injustitia. 

Redime  me  a  calum- 
niis  hominum  :  ut  custo- 
diam  mandata    tua. 

Faciem  tuam  illumina 
super  servum  tuum  :  *  et 
doce  me  justificationes 
tuas. 

Exitus  aquarum  dedu- 
xerunt  oculi  mei  :  *  quia 
non  custodierunt  legem 
tuam. 

Justus  es,  Domine  :  * 
et  rectum  judicium  tuum. 

Mandasti  justitiam  tes- 
timonia  tua  :  *  et  verita- 
tem  tuam  nimis. 

Tabescere  me  fecit  ze- 
lus  meus  :  *  quia  obliti 
sunt  verba  tua  inimici 
mei. 

Ignitum  eloquium  tu- 
um vehementer  :  *  et  ser- 
vus  tuus  dilexit  iliud. 

Adolcscentulus       sum 


La  révélation  de  vos  pro- 
messes répand  la  lumière  ; 
elle  donne  l'intelligence  aux 
petits. 

J'ai  ouvert  la  bouche,  et 
j'ai  aspiré  le  souffle  ;  car  j'ai 
désiré  vos    commandements. 

Jetez  un  regard  sur  moi  ; 
ayez  pitié  de  moi,  selon  vo- 
tre coutume  à  l'égard  de 
ceux  qui  aiment  votre  Nom. 

Dirigez  mes  pas  selon  vo- 
tre parole  ;  que  null^  iniquité 
ne  domine  en  moi. 

Délivrez-moi  de  la  calom- 
nie des  hommes  ;  afin  que 
je  garde  vos  commande- 
ments. 

Faites  reluire  sur  votre  ser- 
viteur l'éclat  de  votre  visage  ; 
enseignez-moi  vos  justices. 

Mes  yeux  ont  répandu  des 
ruisseaux  de  larmes;  parce 
que  Us  hommes  n'ont  pas 
gardé  votre   loi. 

Vous  êtes  juste,  Seigneur, 
et  vos  jugements  sont  droits. 

Vos  commandements  près-* 
crivent  la  justice  ;  rien  n'en 
peut  altérer  la  vérité. 

Mon  zèle  m'a  desséché 
dans  son  ardeur  ;  car  mes 
ennemis  ont  oublié  vos  pa- 
roles. 

Votre  Verbe,  o  Père  céles- 
te !  est  un  feu  consumant  ; 
c'est  pourquoi  votre  servi- 
teur l'aime  avec  ardeur. 

Je  suis  jeune  et  méprisé; 


A  None. 


63 


mais  je  n'ai  point  oublié  vos 
préceptes. 

Votre  justice  est  justice  à 
jamais,  et  votre  loi,  vérité. 

La  tribulation  et  l'angoisse 
ont  fondu  sur  moi  ;  vos  ora- 
cles ont  été  tout  mon  entre- 
tien. 

Vos  jugements  sont  l'équité 
éternelle  :  donnez-moi  l'in- 
telligence, et  je  vivrai. 

Gloire  au  Père,  etc. 

I  'ai  crié  du  fond  de  mon 
•^  cœur  :  Seigneur,  exaucez- 
moi  :  et  je  rechercherai  vos 
justices. 

J'ai  crié  vers  vous,  sauvez- 
moi  ;  et  j'accomplirai  vos 
décrets. 

J'ai  devancé  l'aurore,  et 
j'ai  poussé  des  cris  ;  car  j'es- 
pérais vivement  en  vos  pro- 
messes. 

Mes  yeux  se  tournaient 
vers  vous  dès  le  point  du 
jour,  pour  méditer  votre  loi. 

Ecoutez  ma  voix  selon  vo- 
tre miséricorde,  Seigneur  ; 
vivifiez-moi  selon  votre  jus- 
tice. 

Mes  persécuteurs  ont  em- 
brassé l'iniquité  ;  ils  se  sont 
éloignés  de  votre  loi. 

Vous  êtes  près  de  nous, 
Seigneur,  et  toutes  vos  voies 
sont  la  vérité. 


ego,    et    contemptus  : 
justificationes   tuas    non 
sum  oblitus, 

Justitia  tua,  justitia  in 
œternum  :  *  et  lex  tua 
Veritas. 

Tribulatio  et  angustia 
invenerunt  me:  *  man- 
data tua  meditatio  mea 
est. 

iEquitas  testimonia 
tua  in  ieternum  :  *  intel- 
lectum  da  mihi.  et  vi- 
vam. 

Gloria  Patri,  etc. 

/^  LAMAVi  in  toto  corde 
^^  meo,  exaudi  me.  Do- 
mine :  *  justificationes 
tuas  requiram. 

Clamavi  ad  te,  salvum 
me  fac  :  *  ut  custodiam 
mandata  tua. 

Prœveni  in  maturitate, 
et  clamavi  :  *  quia  in  ver- 
ba  tua  supersperavi. 

Prœvenerunt  oculi  mei 
ad  te  diluculo  :  *  ut  me- 
ditarer  eloquia  tua. 

Vocem  meam  audi  se- 
cundum  misericordiam 
tuam.  Domine  :  *  et  se- 
cundum  judicium  tuum 
vivifica  me. 

Appropinqua  verunt 
persequentes  me  iniqui- 
tati  :  *  a  lege  autem  tua 
longe  facti   sunt. 

Prope  es  tu.  Domine  : 
*  et  omnes  viae  tuae  Ve- 
ritas. 


64 


Le  Temps  Pascal 


Initio  cognovi  de  tes- 
titnoniis  :  *  quia  in  aeter- 
num  fundasti  ea. 

Vide  humilitatem 
meam,  et  eripe  me  :  * 
quia  legem  tuam  non 
sum  oblitus. 

Judica  judicium  meum, 
et  redime  me  :  *  propter 
eloquiiim  tuum  vivifica 
me. 

Longe  a  peccatoribus 
salus  :  *  quia  justificatio- 
nes  tuas  non  exquisie- 
runt. 

Misericordiœ  tuae  mul- 
tae,  Domine  :  *  secun- 
dum  judicium  tuum  vivi- 
fica me. 

Multi  qui  persequun- 
tur  me,  et  tribulani  me  : 
*  a  testimoniis  tuis  non 
declinavi. 

Vidi  praevaricantes,  et 
tabescebam  :  *  quia  elo- 
quia  tua  non  custodie- 
runt. 

Vide  quoniam  manda- 
ta tua  dilexi.  Domine  :  * 
in  misericordia  tua  vivi- 
fica me. 

Principium  verborum 
tuorum  Veritas  :  *  in  aster- 
num  omnia  judicia  jus- 
titiae  tuse. 

Gloria  Patri,  etc. 


P^^ 


iNCirES       persecuti 
sunt  me  gratis  :   *  et 

a  verbis  tuis   formidavit 

cor  meum. 


Dès  le  commencement,  j'a- 
vais reconnu  que  vous  aviez 
établi  vos  témoignages  pour 
durer  éternellemeut. 

Voyez  mon  humiliation,  et 
délivrez  moi;  car  je  n"ai  pas 
oublié  votre  loi. 

Jugez  ma  cause  et  rache- 
tez-moi ;  rendez-moi  la  vie 
à  cause  de  votre  parole. 

Le  salut  est  loin  des  pé- 
cheurs ;  parce  qu'ils  n'ont 
pas  recherché  vos  comman- 
dements. 

Vos  miséricordes  sont  infi- 
nies. Seigneur;  rendez-moi 
la  vie  selon  vos  oracles. 

Ils  sont  nombreux,  ceux 
qui  me  persécutent  et  m'affli- 
gent ;  mais  je  ne  me  suis 
point  écarté  de  vos  préceptes. 

J'ai  vu  les  prévaricateurs, 
et  j'en  ai  séché  de  douleur  ; 
car  ils  n'ont  pas  gardé  vos 
ordonnances. 

Voyez,  Seigneur,  que  j'ai 
toujours  aimé  vos  comman- 
dements; rendez-moi  la  vie, 
dans  votre  miséricorde. 

Le  principe  de  vos  paroles 
est  la  vérité  :  tous  les  décrets 
de  votre  justice  demeurent  à 
jamais. 

Gloire  au  Père,  etc. 

LES  princes  m'ont  persécuté 
,  injustement  ;  mais  mon 
cœur  n'a  craint  que  votre 
parole. 


A  None. 


65 


Je  me  réjouirai  daos  vos 
promesses,  comme  un  homme 
qui  a  trouvé  de  riches  dé- 
pouilles. 

J'ai  haï  l'iniquité,  et  je  l'ai 
eue  en  horreur;  mais  j*ai 
aimé  votre  loi. 

Sept  fois  le  Jour,  j'ai  chan- 
té vos  louanges,  sur  les  ju- 
gements de  votre  justice. 

Paix  abondante  à  ceux  qui 
aiment  votre  loi  ;  il  n'y  a  pas 
pour  eux  de  scandale. 

J'attendais  votre  Salut,  ô 
Seigneur!  et  dans  cette  attente, 
j'ai  aimé  vos  commande- 
ments. 

Mon  âme  a  gardé  vos  pré- 
ceptes ;  elle  les  a  aimés  d'un 
amour  ardent. 

J'ai  observé  vos  lois  et  vos 
ordonnances  ;  car  toutes  mes 
voies  sont  en  votre  présence. 

Que  ma  prière,  Seigneur, 
monte  jusqu'à  vous;  donnez- 
moi  l'intelligence,  selon  vo- 
tre parole. 

Que  mes  supplications  pé- 
nètrent jusqu'en  votre  pré- 
sence :  délivrez-moi,  selon 
vos  promesses. 

Mes  lèvres  éclateront  en 
cantiques,  lorsque  vous  m'au- 
rez enseigné  vos  justices. 

Ma  langue  publiera  vos 
oracles  ;  car  tous  vos  com- 
mandements sont  l'équité. 


Laetabor  ego  super 
eloquia  tua  :  *  sicut  qui 
invenit  spolia  multa. 

Iniquîtatem  odio  ha- 
bui,  et  abominatus  sum  . 
*  legem  autem  tuam  di- 
lexi. 

Septies  in  die  laudem 
dixi  tibi  :  *  super  judicia 
justitiae   tuae. 

Pax  multadiligentibus 
legem  tuam  :  "  et  non  est 
illis  scandalum. 

Exspectabam  Salutare 
tuum,  Domine  :  *  et  man- 
data tua  dilexi. 

Custodivit  anima  mea 
testimonia  tua  :  *  et  di- 
lexit  ea  vehementer. 

Servavi  mandata  tua, 
et  testimonia  tua  :  *  quia 
omnes  viœ  meœ  in  cons- 
pectu  tuo. 

Appropinquet  depre- 
catio  mea  in  conspectu 
tuo,  Domine  :  *  juxta 
eloquium  tuum  da  mihi 
intellectum. 

Intret  postulatio  mea 
in  conspectu  tuo  ;  *  se- 
cundum  eloquium  tuum 
eripe  me. 

Éructabunt  labia  mea 
hymnum  :  *  cum  docue- 
ris  me  justificationes 
tuas. 

Pronuntiabit  lingua 
mea  eloquium  tuum  :  * 
quia  omnia  mandata  tua 
asquitas. 


LE    TEMPS   PASCAL. 


66 


Le  Temps  Pascal. 


Fiat  nianus  tua,  ut 
salvet  me  :  *  quoniam 
mandata  tua  clegi. 

Concupivi  Salutare  tu- 
um,  Domine  :  *  et  lex  tua 
meditatio  mea  est. 

Vivet  anima  mea,  et 
laudabit  te  :  *  et  judicia 
tua  adjuvabunt  me. 

Erravi  sicut  ovis  quae 
periit  :  *  quasre  servum 
tuum,  quia  mandata  tua 
non  sum  oblitus. 


Etendez  votre  main,  et  sau- 
vez-moi ;  car  j'ai  choisi  vos 
préceptes  pour  mon  partage. 

Seigneur,  Pùic  saint  !  j'ai 
désiré  avec  ardeur  votre  Sa- 
lut promis  ;  et  votre  loi  est 
tout  mon  entretien. 

Maintenant  qu'il  est  venu, 
mon  âme  vivra,  et  vous 
louera  ;  et  vos  justices  me 
protégeront. 

J'errais  comme  une  brebis 
perdue  ;  divin  Pasteur  des- 
cendu du  ciel,  daignez  cher- 
cher votre  serviteur  ;  car  je 
n'ai  point  oublié  vos  com- 
mandements. 


CHAPITRE   V. 


DE  L  OFFICE  DES  VEPRES  DES  DIMANCHES  ET  FETES, 
AU    TEMPS    PASCAL. 


Dieu,     venez 
à  mon  aide. 


de 


Hàtez- 
me   se- 


vous,    Seigneur, 
courir. 

Gloire  au  Père,  et  au  Fils, 
et  au  Saint-Esprit  ; 

Comme  il  était  au  commen- 
cement, et  maintenant,  et  tou- 
jours, et  dans  les  siècles  des 
siècles.  Amen.  Alléluia. 


mine ,    ad 
me  festina. 

Gloria  Patri,  et  Filio, 
et  Spiritui  Sancto  ; 

Sicut  erat  in  principio, 
et  nunc,  et  semper,  et  in 
sœcula  sœculorum.  A- 
men.  Alléluia. 


CELUI  qui  est  le  Seigneur  a 
dit  à  son  Fils  mon  Sei- 
gneur :  Asseyez-vous  à  ma 
droite  et  résinez  avec  moi  : 

Jusqu  a  ce  que,  an  jour  ae 
votre  dernier  avènement,  je 
tasse  de  vos  ennemis  l'esca- 
beau de  vos   pieds. 

O  Christ  !  le  Seigneur  votre 


PSAUME    CIX. 

r^  ixiT  Dominas  Domi- 

dextris  meis. 


Donec  ponam  inimicos 
tuos  :  *  scabellum  pedum 
tuorum. 

Virgam    virtutis    tuœ 


68 


Le  Temps  Pascal. 


emittet  Domiaus  ex 
Sion  :  "  dominare  in  me- 
dio  inimicorum  luorum. 


Tecum  princlpium  in 
die  virtutis  tuœ  in  splen- 
doribus  Sanctorum  :  *  ex 
utero  ante  luciferum  ge- 
nui  te. 

Juravit  Dominus  ,  et 
non  pœnitebit  eum  :  *  Tu 
es  Sacerdos  in  asternum 
secundum  ordinem  Mel- 
chisedech. 

Dominus  a  d  e  x  t  r  i  s 
tuis  :  *  confregit  in  die 
irae  suae  rages. 

Judicabit  in  nationi- 
bus  :  implebit  ruinas  •  * 
conquassabit  capita  in 
terra  multorum. 

De  torrente  in  via  bi- 
bet  :  *  propterea  exalta- 
bit  caput. 


Père  fera  sortir  de  Sion  le 
sceptre  de  votre  force  ;  c'est 
de  là  que  vous  partire?  pour 
dominer  au  milieu  ae  vos 
ennemis. 

La  principauté  éclatera  en 
vous,  au  jour  de  votre  force, 
au  milieu  des  splendeurs  des 
Saints  ;  car  le  Père  vous  a 
dit  :  Je  vous  ai  engendré  de 
mon  sein  avant  l'aurore. 

Le  Seigneur  l'a  juré,  et 
sa  parole  est  sans  repentir  : 
il  a  dit  en  vous  y-irlant  :  Dieu- 
Homme,  vous  êtes  Prêtre  à 
jamais,  selon  l'ordre  de  Mel- 
chisédech. 

O  Père  !  le  Seigneur  votre 
Fils  est  donc  à  votre  droite  : 
c'est  lui  qui,  au  jour  de  sa 
colère,  viendra  juger  les  rois. 

Il  jugera  aussi  les  nations  : 
dans  cet  avènement  terrible,  il 
consommera  la  ruine  du 
monde,  et  brisera  contre  terre 
la  tête  de  plusieurs. 

Il  s'est  abaissé  pour  boire 
l'eau  du  torrent  des  afflic- 
tions; mais  c'est  pour  cela 
même  qu'j»  jour  de  son 
triomphe  sur  la  mort,  il  élè- 
vera la  tête. 


PSAUME   ex. 


CONFITEBOR  tîbi,  Do- 
mine, in  toto  corde 
meo  :  *  in  concilio  justo- 
rum  et  congregatione. 

Magna  opéra  Domini  : 
*  exquisita  in  omnes  vo- 
luntates  ejus. 


J' 


vous  louerai.  Seigneur, 
de  toute  la  plénitude  de 
mon  cœur,  dans  l'assemblée 
des  justes. 

Grandes  sont  les  œuvres  du 
Seigneur  ;  elles  ont  été  con- 
certées dans  les  desseins  de 
sa  sagesse. 


A    Vêpres. 


6g 


Elles  sont  dignes  de  lou- 
ange et  magnifiques,  et  la 
justice  de  Dieu  demeure  dans 
les  siècles  des  siècles. 

Le  Seigneur  clément  et  mi- 
séricordieux nous  a  laissé  un 
mémorial  de  ses  merveilles  ; 
//  est  le  Pain  de  vie,  et  il  a 
donné  une  nourriture  à  ceux 
qui  le  craignent. 

Il  se  souviendra  à  jamais 
de  son  alliance  avec  les  hom- 
mes :  il  viendra  et  fera  écla- 
ter aux  yeux  de  son  peuple  la 
vertu  de  ses  œuvres. 

Il  donnera  à  son  Eglise 
l'héritage  des  nations  :  tout 
ce  qu'il  fait  est  justice  et 
vérité. 

Ses  préceptes  sont  immua- 
bles et  garantis  par  la  suc- 
cession des  siècles  ;  ils  sont 
fondés  sur  la  vérité  et  la  jus- 
tice. 

Il  a  envoyé  à  son  peuple 
un  Rédempteur;  il  rend  par 
là  son  alliance  éternelle. 

Son  Nom  est  saint  et  ter- 
rible ;  le  commencement  de 
la  sagesse  est  de  craindre  le 
Seigneur. 

La  lumière  et  l'intelligence 
sont  pour  celui  qui  agit  selon 
cette  crainte  :  gloire  et  lou- 
ange à  Dieu  dans  les  siècles 
des  siècles. 


Confessio  et  magnifi- 
centia  opus  ejus  :  *  et 
justitia  ejus  manet  in  sae- 
culum  saeculi. 

Memoriam  fecit  mira- 
bilium  suorum,  miseri- 
cors  et  miserator  Domi- 
nus  :  *  escam  dédit  ti- 
mentibus  se. 

Memor  erit  in  saecu- 
lum  testamenti  sui  :  * 
virtutem  operum  suorum 
annuntiabit  populo  suc. 

Ut  det'illis  h^redita- 
tem  gentium  :  *  opéra 
manuum  ejus  veritas  et 
judicium. 

Fidelia  omnia  manda- 
ta ejus,  confirmata  in 
S3eculum  sœculi  :  *  facta 
in  veritate  et  œquitate. 

Redemptionem  misit 
populo  suo  :  *  mandavit 
in  asternum  testamentum 
suum. 

Sanctum  et  terribile 
Nomen  ejus  :  *  initium 
sapientiae  timor  Domini. 

Intellectus  bonus  om- 
nibus facientibus  enm:  * 
laudatio  ejus  manet  in 
saeculum  sœculi. 


PSAUME    CXI. 


HEUREUX   l'homme    qui  I  r>  eatus  vir,  qui  ti 
craint   le    Seigneur,    et  |  LJ   Dominum  :  *  in  n 


met 
man- 


70 


Le  Temps  Pascal. 


datis    ejus    volet   nimis. 

Potens  in  terra  erit  se- 
raen  ejus  :  *  generatio 
rectorum  benedicetur. 

Gloria  et  divitiœ  in 
domo  ejus  :  *  et  jusiitia 
ejus  manet  in  sœculum 
saeculi. 

Exortum  est  in  tene- 
bris  lumen  redis  :  *  mi- 
sericors,  et  miscrator,  et 
justus. 


Jucundus  homo,  qui 
miseretur  et  coramodat, 
disponet  sermones  siios 
in  judicio  :  *  quia  in 
œternum  non  commove- 
bitur. 

Inmemoria  asterna  erit 
justus  :  *  ab  auditione 
mala  non  timcbit. 

Paratum  cor  ejus  spe- 
rare  in  Domino,  confir- 
matum  est  cor  ejus  :  * 
non  commovebitur  donec 
despiciat   inimicos   suos. 

Dispersit.  dédit  paii- 
peribus:  justitia  ejus  ma- 
net in  sœculum  sœculi  ; 
*  cornu  ejus  exaltabitur 
in  gloria. 

Peccator  videbit,  et 
irascetur,  dentibus  suis 
fremet  et  tabescet  :  *  de- 
siderium  peccatorum  pe- 
ribit. 


qui  met  tout  son  zèle  à  lui 
obéir  ! 

Sa  postérité  sera  puissante 
sur  la  terre  :  la  race  du  juste 
sera  en  bénédiction. 

La  gloire  et  la  richesse 
sont  dans  sa  maison,  et  sa 
justice  demeure  dans  les  siè- 
cles des  siècles. 

Tout  à  coup  une  lumière  se 
lève  sur  les  justes  au  milieu 
des  ténèbres  :  c'est  le  Sei- 
gneur, le  Dieu  miséricor- 
dieux, clément  et  juste,  sor- 
tant du  tombeau. 

Heureux  alors  l'homme  qui 
a  fait  miséricorde  ,  qui  a 
prêté  au  pauvre,  qui  a  réglé 
jusqu'à  ses  paroles  avec  jus- 
tice !  car  il  ne  sera  point 
ébranlé. 

La  mémoire  du  juste  sera 
éternelle  :  s'il  entend  une  nou- 
velle fâcheuse,  elle  ne  lui 
donnera  point  à  craindre. 

Son  cœur  est  toujours  prêt 
à  espérer  au  Seigneur;  son 
cœur  est  en  assurance  :  il  ne 
sera  point  ému.  et  méprisera 
la  rage  de  ses  ennemis. 

Il  a  répandu  l'aumône  avec 
profusion  sur  le  pauvre  :  sa 
lustice  demeurera  à  jamais  ;  sa 
force  sera  élevée  en  gloire. 

Le  pécheur  le  verra,  et  il 
entrera  en  fureur;  il  grincera 
des  dents  et  séchera  de  co- 
lère :  mais  les  désirs  du  pé- 
cheur périront. 


A    Vêpres. 


7r 


PSAUME    CXII. 


p,  ERVITEURS  du  Seigneur, 
î^  faites  entendre  ses  lou- 
anges :  célébrez  le  Nom  du 
Seigneur. 

Que  le  Nom  du  Seigneur 
soit  béni,  aujourd'hui  et  jus- 
que dans  l'éternité. 

De  l'aurore  au  couchant, 
le  Nom  du  Seigneur  doit 
être  à  jamais  célébré. 

Le  Seigneur  est  élevé  au- 
dessus  de  toutes  les  nations  ; 
sa  gloire  est  par  delà  les 
cieux. 

Qui  est  semblable  au  Sei- 
gneur notre  Dieu,  dont  la 
demeure  est  dans  les  hau- 
teurs ?  C'est  de  là  qu'il  abais- 
se ses  regards  sur  les  choses 
les  plus  humbles  dans  le  ciel 
et  sur  la  terre. 

C'est  de  là  qu'il  soulève  de 
terre  l'indigent;  qu'il  élève 
le  pauvre  de  dessus  le  fumier 
où  il  languissait, 

Pour  le  placer  avec  les 
princes,  avec  les  princes  mê- 
mes de  son  peuple. 

C'est  lui  qui  a  fait  habiter 
pleine  de  joie  dans  sa  maison 
celle  qui,  auparavant,  fut  sté- 
rile, et  qui  maintenant  est 
mère  de  nombreux  enfants. 


LAUDATE,  pueri,  Domi- 
num  :  *   laudate  No- 
men  Domini. 

Sit  Nomen  Domini  be- 
nedictum  :  *  ex  hoc  nunc 
et  usque  in  sreculum. 

A  solis  ortu  usque  ad 
occasum  :  *  laudabile 
Nomen  Domini. 

Excelsus  super  omnes 
gcntes  Dominus  :  *  et 
super  cœlos    gloria  ejus. 

Quis  sicut  Dominus 
Deus  noster,  qui  in  altis 
habitat  :  *  et  humilia 
respicit  in  cœlo  et  in 
terra? 


Suscitans  a  terra  ino- 
pem  :  *  et  de  stercore  eri- 
gens  pauperem. 

Ut  collocet  eum  cum 
principibus  :  *  cum  prin- 
cipibus  populi  sui. 

Qui  habitare  facit  ste- 
rilem  in  domo  :  *  matrera 
filiorum  la'tantem. 


PSAUME    CXIII. 


_.  ORSQtiE  Israël  sortit  d'E- 
I  gypte,  et  la  maison  de 
Jacob  du  milieu  d'un  peuple 
barbare; 


[N  exitu  Is'-ael  de  Egyp- 
to  :  *  domus  Jacob  de 
populo  barbare  : 


72 


Le  Temps  Pascal. 


Facta  est  Judaja  sanc- 
tificatio  cjus  :  *  Israël  po- 
testas  ejus. 

Mare  vidit,  et  fugit  :  * 
Jordanis  conversus  est 
retrorsum. 

Montes  exsultaverunt 
utarietes  :  *  et  colles  si- 
cut  agni  ovium. 

Quid   est    tibi,    mare, 

Jiiod    fugisti    :   *    et   tu, 
ordanis,  quia  conversus 
es  retrorsum  ? 

Montes  cxsultastis  si- 
cut  arietes  :  *  et  colles 
sicut  agni  ovium  ? 

A  facie  Domini  mota 
est  terra  :  *  a  facie  Dei 
Jacob. 

Qui  convertit  petrara 
in  stagna  aquarum  :  *  et 
rupera  in  fontes  aqua- 
rum. 

Non  nobis,  Domine, 
non  nobis  :  '  sed  Nomini 
tuo  da  gloriam. 

Super  misericordia 
tua,  et  veritate  tua  :  *  ne- 
quando  dicant  gentes  : 
Ûbi  est  Deus  eorum  ? 

Deus  autem  noster  in 
cœlo  :  *  omiiia  quascum- 
que  voluit,  fecit. 

Simulacra  gentium  ar- 
gentum  et  aurum  :  *  opé- 
ra manuum  horainum. 

Os  habent,  et  non  lo- 
quentur  •  *  oculos  habent, 
et  non  videbunt, 

Aures  habent,   et   non 


La  nation  juive  fut  consa- 
crée à  Dieu,  Israël  fut  son 
domaine. 

La  mer  le  vit  et  s'enfuit  ; 
le  Jourdain  remonta  vers  sa 
source. 

Les  montagnes  bondirent 
comme  des  béliers,  et  les  col- 
lines  comme  des  agneaux. 

O  mer,  pourquoi  fuyais- 
tu  ?  Et  toi,  Jourdain,  pour- 
quoi remontais-tu  vers  ta 
source  ? 

Montagnes,  pourquoi  bon- 
dissiez-vûus  comme  des  bé- 
liers ?  Et  vous  ,  collines  , 
comme  des  agneaux  ? 

A  la  face  du  Seigneur,  la 
terre  a  tremblé  :  à  la  face  du 
Dieu  de  Jacob, 

Qui  changea  la  pierre  en 
torrents,  et  la  roche  en  fon- 
taines. 

Non  pas  à  nous,  Seigneur, 
non  pas  à  nous,  mais  à  votre 
Nom  donnez  la  gloire  : 

A  cause  de  votre  miséri- 
corde et  de  votre  vérité,  de 
peur  que  les  nations  ne  di- 
sent :  Où  est  leur  Dieu  ? 

Notre  Dieu  est  au  ciel  :  il 
a  fait  tout  ce  qu'il  a  voulu. 

Les  idoles  des  nations  ne 
sont  que  de  l'or  et  de  l'ar- 
gent, et  l'ouvrage  des  mains 
des  hommes. 

Elles  ont  une  bouche,  et  ne 
parlent  point  ;  des  yeux  et 
ne  voient  point. 

Elles  ont    des   oreilles,    et 


A   Vêpres. 


73 


n'entendent  point  ;  des  nari- 
nes, et  ne  sentent  point. 

Elles  ont  des  mains,  et  ne 
peuvent  rien  toucher  ;  des 
pieds,  et  ne  marchent  point; 
un  gosier,  et  ne  peuvent  se 
faire  entendre. 

Que  ceux  qui  les  font  leur 
deviennent  semblables,  avec 
tous  ceux  qui  mettent  en  elles 
leur  confiance. 

La  maison  d'Israël  a  es- 
péré dans  le  Seigneur  :  il  est 
leur  appui  et  leur  protecteur. 

La  maison  d'Aaron  a  es- 
péré dans  le  Seigneur  :  il  est 
leur  appui  et  leur  protecteur. 

Ceux  qui  craignent  le  Sei- 
gneur ont  espéré  en  lui  :  il 
est  leur  appui  et  leur  protec- 
teur. 

Le  Seigneur  s'est  souvenu 
de  nous,  et  il  nous  a  bénis. 

Il  a  béni  la  maison  d'.Is- 
raël  ;  il  a  béni  la  maison 
d'Aaron. 

Il  a  béni  tous  ceux  qui 
craignent  le  Seigneur,  grands 
et  petits. 

Que  le  Seigneur  ajoute 
encore  à  ses  dons  sur  vous, 
sur  vous  et  sur  vos  enfants. 

Bénis  soyez-vous  du  Sei- 
gneur, qui  a  fait  le  ciel  et  la 
terre  1 

Au  Seigneur,  les  hauteurs 
du  ciel;  la  terre  est  aux  hom- 
mes par  sa  largesse. 

Ce  ne  sont  pas   les  morts 


audient  :  *  nares  habent, 
et  non  odorabunt. 

Manus  habent,  et  non 
palpabunt;  pedes  habent, 
et  non  ambulabunt  :  * 
non  clamabunt  in  gut- 
ture  suo. 

Similes  illis  fiant  qui 
faciunt  ea  :  "et  omnes 
qui  confidunt  in  eis. 

Domus  Israël  speravit 
in  Domino  :  *  adjutor 
eorum,  et  protector  eo- 
rum  est. 

Domus  Aaron  speravit 
in  Domino  :  *  adjutor 
eorum,  et  protector  eo- 
rum est. 

Qui  timent  Dominum 
speraverunt  in  Domino  : 

*  adjutor  eorum,  et  pro- 
tector eorum  est. 

Dorainus  memor  fuit 
nostri  :  *  et  benedixit 
nobis. 

Benedixit  domui  Is- 
raël :  *  benedixit  domui 
Aaron. 

Benedixit  omnibus  qui 
timent  Dominum  :  *  pu- 
sillis  cum  majoribus. 

Adjiciat  Dominus  su- 
per vos  :  *  super  vos,  et 
super  filios  vestros. 

Benedicti  vos  a  Domi- 
no :  *  qui  fecit  cœlum  et 
terram. 

Cœlum  cœli  Domino  : 

*  terram  autem  dédit  fi- 
liis  hominum. 

Non  mortui  laudabunt 


Le  Temps  Pascal. 


te.  Domine  :  *  neque  om- 
nes  qui  descendunt  in 
infernum. 

Sed  nos  qui  vivimus, 
benedicimus  Domino  :  * 
ex  hoc  nunc  et  usque  in 
sœculum. 


qui  vous  loueront,  ô  Seigneur  l 
ni  tous  ceux  qui  descendent 
dans  le  sépulcre; 

Mais  nous  qui  vivons,  nous 
bénissons  le  Seigneur,  au- 
jourd'hui et  à  jamais. 


AD  regias  Agni  dapes, 
Stolis  amicti  candi- 
dis, 
Post      transitum      maris 

Rubri 
Christo    cannmus    prin- 
cipi. 

Divina   cujus   charitas 
Sacrum  propinat  sangui- 

nem, 
Almique  membra  corpo- 

ris 
Air.or  sacerdos  immolât, 

Sparsum  cruorem  pos- 
tibus 
Vastator   horret    Angé- 
lus : 
Fugitque  divisum  mare, 
Merguntur  hostes  flucti- 
bus. 

Jam    pascha    nostrum 
Christus  est, 
l'aschalis  idem  victima, 
Et  pura  puris  mentibus 
Sinccritatis  azyma. 

O  vera  cœli  victima, 
Subjecta    cui    sunt    tar- 
tara. 


APRÈS  le  passage  de  la  mer 
Rouge,  couverts  de  nos 
robes  blanches  et  assis  au 
festin  royal  de  lAgneau, 
chantons  au  Christ  notre  roi. 


C'est  lui  dont  la  charité 
divine  nous  verse  à  boire  son 
propre  sang;  c'est  son  amour 
qui  sacrifie  en  victime  les 
membres  de  son  corps  sacré. 


L'Ange  exterminateur  est 
saisi  de  crainte  à  la  vue  du 
sang  dont  nos  portes  sont 
marquées  ;  la  mer  divisée  en 
deux  fuit  devant  nous;  nos 
ennemis  sont  submergés  sous 
les  flots. 

Notre  Pàque  ,  c'est  le 
Christ;  il  est  notre  victime 
pascale;  il  est  l'azyme  d« 
sincérité  pour  les  cœurs  purs. 


O  victime  véritable  venue 
du  ciel,  par  qui  l'enfer  est 
abattu,   les  liens  d«   la  mort 


A   Vêpres. 


brisés,  les  dons  de  la  vie  res- 
titués. 

Vainqueur  de  la  mort  qu'il 
a  terrassée,  le  Christ  déploie 
son  étendard  ;  il  rouvre  le 
ciel,  et  traîne  en  captif  le  roi 
des  ténèbres. 


Pour  être  toujours,  ô  Jé- 
sus, la  joie  pascale  de  nos 
âmes,  daignez  sauver  de  la 
cruelle  mort  du  péché  ceux 
que  vous  avez  fait  renaître  à 
la  vie. 

A  Dieu  le  Père  soit  la 
gloire!  gloire  au  Fils,  res- 
suscité d'entre  les  morts  !  et 
gloire  au  Paraclet  dans  les 
siècles  éternels  ! 

Amen. 

f.  Demeurez  avec  nous, 
Seigneur,  alléluia  ; 

If.  Car  le  soir  est  venu, 
alléluia. 


Soluta  mortis  vincula, 
Recepia  vita;  prasmia. 

Victor  subactîs  inferis 
Trophasa  Christus  expli- 

cat, 
Cœloque  aperto,   subdi- 

tum 
Rcgem   tenebrarum  tra- 
'  hit. 

Ut  sis  perenne  menti- 
bus 
Paschale,  Jesu,  gaudium, 
A  morte   dira   criminum 
Vitre  renatos  libéra. 


Dee  Patri  sit  gloria, 
Et  Filio,  qui   a   mortuis 
Surrexit,  ac  Paraclito, 
In  sempiterna  sa;cula. 

Amen. 

f.  Mane  nobiscum  , 
Domine,  alléluia  ; 

r).  Quoniam  advespe- 
rnscit,  alléluia. 


CANTIQUE    DE   MARIE, 


MON  âme  glorifie  le    Sei- 
gneur ; 
Et  mon  esprit  tressaille  en 
Dieu  mon  Sauveur  : 

Car  il  a  regardé  la  bas- 
sesse de  sa  servante  ;  et 
pour  cela,  toutes  les  nations 
m'appelleront   bienheureuse. 


MAGNIFICAT  :  '  anima 
mea  Dominum. 

Et  exsultavit  spiritus 
meus  *  in  Deo  Salutari 
meo. 

Quia  respexit  humili- 
tatem  ancilL-e  suae  •  * 
ecce  enim  ex  hoc  beatam 
me  dicent  omnes  gene- 
rationes. 


76 


Le  Temps  Pascal. 


Quia  fecitmihi  magna 
qui  potens  est  :  *  et  Sanc- 
tum  Nomen  ejus. 

Et  misericordia  ejus  a 
progenie    in   progenies  : 

timentibus  eum. 

Fecit  potentiam  in 
brachio  suo  :  *  dispersit 
superbos  mente  cordis 
sui. 

Déposait  potentes  de 
sedc  :  *  et  exaltavit  hu- 
miles. 

Esurientes  implevit 
bonis  :  *  et  divites  di- 
misit  inanes. 

Suscepit  Israël  puerum 
suum  :  *  recordatus  mi- 
sericordiae  suœ. 

Sicut  locutus  est  ad 
patres  nostros  :  *  Abra- 
ham et  semini  ejus  in  sae- 
cula. 


Il  a  fait  en  moi  de  grandes 
choses,  celui  qui  est  puis- 
sant et  de  qui  le  Nom  est 
Saint. 

Et  sa  miséricorde  s'étend 
de  génération  en  génération 
sur  ceux  qui   le  craignent. 

lia  opéré  puissamment  par 
son  bras,  et  dispersé  ceux 
qui  suivaient  les  orgueilleu- 
ses pensées  de  leur  cœur. 

Il  a  mis  à  bas  de  leur 
trône  les  puissants,  et  il  a 
élevé  les  humbles. 

Il  a  rempli  de  biens  ceux 
qui  avaient  faim,  et  renvoyé 
vides  ceux  qui  étaient  riches. 

Il  a  reçu  sous  sa  protection 
Israël  son  serviteur,  se  sou- 
venant de  la  miséricordieuse 
promesse 

Qu'il  fit  autrefois  à  nos 
pères,  à  Abraham  et  à  sa 
postérité  pour  jamais. 


Les  Antiennes  de  Magyxificat  et  les  Orai- 
sons se  trouvent  en  leur  lieu,  aux  Dimanches 
et  fêtes. 


CHAPITRE  VI. 


DK     L  OFFICE     DE    COMPLIES,     AU     TEMPS    PASCAL. 


ON  Père,  veuil- 
ez   me  bénir. 


BÉNÉD  I  c - 
TION.  Que  le 
Dieu  tout-puissant  nous 
accorde  une  nuit  tranquille 
et  une  fin  heureuse. 


i^.  Amen. 


UBE,  Do- 
mne,  be- 
nedicere. 
Bene- 
D  I  CTI  o. 
Noctem  quietam  et  finem 
perfectum  concédât  no- 
bis  Dominus  omnipo- 
tens. 
^.  Amen. 


LEÇON    BRÈVE.   (I   Petr.  V.) 


MES  Frères,  soyez  sobres 
et  vigilants  ;  car  votre 
adversaire  le  diable  tourne 
autour  de  vous  comme  un 
lion  rugissant,  cherchant  qui 
il  pourra  dévorer  ;  résistez- 
lui,  étant  forts  dans  la  foi. 
Mais  vous  ,  Seigneur,  ayez 
pitié  de  nous. 
Bj    Rendons  grâces  à  Dieu. 

j^.  Tout   notre   secours  est 
dans  le  Nom  du  Seigneur. 


FRATRES  :  Sobrii  esto- 
te,  et  vigilate  :  quia 
adversarius  vester  dia- 
bolus,  tamquam  leo  ru- 
giens  circuit,  quœrens 
quem  devoret  :  cui  resis- 
tité  fortes  in  fide.  Tu 
autem,  Domine,  miserere 
nobis. 
%  Deo  gratias. 

f.    Adjutorium      nos- 
trum  in  Nomine  Domini. 


78 


Le  Temps  Pascal. 


^.  Qui  fecit  cc)el':tn  et  1  tf.  C'est  lui  qui  a  fait  le 
terram.  |  ciel  et  la  terre. 

On  récite  ensuite  l'Oraison  Dominicale  en 
silence  ;  puis  le  Prctrc  dit  le  Conjîteor,  et  le 
Chœur  le  répète  après  lui. 


Y     l^ ONVERTE      nOS , 

V-»  Deus  Salutaris 
no'^ter. 

1^.  Et  averte  iram  tuam 
a  nobis. 

f.  Deus,  in  adjutorium 
meum  intenda. 

^.  Domine,  ad  adju- 
vandum  me  festina. 

Gloria  Patri,  etc. 


^'  V^  ô  Dieu,  notre  Sau- 
veur ! 

i^.  Et  détournez  votre  co- 
Lie  de  dessus   nous. 

f.  O  Dieu,  venez  à  mon 
aide  ! 

^.  Seigneur,  hâtez-vous  de 
me  secourir. 

Gloire  au  Père,  etc. 


PSAUME    IV. 


CUM  invocarem  exaudi- 
vit  me  Deus  justitias 
meae  :  *  in  tribulatione 
dilatasti  mihi. 

Miserere  mai  :  *  et  ex- 
audi  orationem  meam. 

Filii  hominum,  usque- 
quo  gravi  corde  ?  *  ut 
qiiid  diligitis  vanitatem, 
et  quaeritis   mendacium  ? 

Et  scitote  quoniam  mi- 
rificavit  Dominus  sanc- 
tum  suum  :  *  Dominus 
exaudiet  me,  cum  clama- 
vero  ad  eum.  / 

Irascimini  ,  et  nolite 
peccare  :  *  qune  dicitis  in 
cordibus  vestris,  in  cubi- 
libus  vestris  compungi- 
mini. 


Au  milieu  de  ma  prière,  le 
Dieu  de  ma  justice  m'a 
exaucé  ;  vous  m'avez  mis  au 
Inrge,  quand  j'étais  dans  l'af- 
llivt^n. 

Ayez  pitié  de  moi  ,  et 
exaucez  ma  prière. 

Enfants  des  hommes,  jus- 
ques  à  quand  aurez-vous  le 
cœur  appesanti,  aimerez-vous 
la  vanité,  et  chercherez-voub 
le  mensonge  ? 

Sachez  que  le  Seigneur  a 
rendu  admirable  celui  qui  lui 
e-^t  consacré  :  le  Seigneur 
m'exaucera  quand  je  crierai 
vers  lui. 

Si  vous  vous  irritez,  faite«- 
le  sans  pécher;  repassez  avec 
componction,  dans  le  repos 
de  votre  couche,  les  pensées 
de  vos  cœurs. 


A  Compiles. 


79 


Offrez  un  sacrifice  de  jus- 
tice, et  espérez  au  Seigneur. 
Il  en  est  plusieurs  qui  disent  : 
Qui  nous  montrera  le  bon- 
heur que  nous  cherchons  ? 

La  hiiiiière  de  votre  risjgt. 
Seigneur,  se  rcJJéchit  sur 
nous:  c'est  vous  qui  donnez 
la  joie  à  mon  cœur. 

Par  l'abondance  du  vin,  de 
l'huile  et  du  froment,  vos  en- 
fants se  sont  multipliés. 

Je  m'endormirai  donc,  et 
me  reposerai  dans  la  paix  ; 

Parce  que  vous  m'avez.  Sei- 
gneur, affermi  dans  l'espé- 
rance. 


Sacrifîcate  sacrificium 
justitiae.  et  sperate  in  Do- 
mino :  *  multi  dicunt  : 
Quis  ostendit  nobis  bo- 
na  ? 

Signatum  est  super 
nos  lumen  vuitus  tui. 
Domine  :  *  dedisti  lœti- 
tiam  in  corde  meo. 

A  fructu  frumenti,  vini 
et  olei  sui  :  *  multiplî- 
cati  sunt. 

In  pace  in  idipsum  :  * 
dormiam    et  requiescam. 

Quoniam  tu,  Domine, 
singulariter  in  spe  ■  * 
constituisti  me. 


PS.\UME  XXX. 


C  N  vous,  Seigneur,  j'ai  mis 
*-  mon  espérance  ;  que  je 
ne  sois  pas  confondu  :  sau- 
vez-moi  dans   votre  justice. 

Inclinez  votre  oreille  vers 
moi,  hâtez-vous  de  me  déli- 
vrer. 

Soyez  moi  un  Dieu  pro- 
tecteur et  une  maison  de  re- 
fuge, pour  me  sauver. 

Car  vous  êtes  ma  force  et 
mon  refuge;  et  vous  me  con- 
duirez, vous  me  nourrirez,  à 
cause  de  votre  Nom. 

Vous  me  tirerez  du  piège 
qu'on  m'a  tendu  en  secret; 
car  vous  êtes  mon  protec- 
teur. 

Je  remets  mon  esprit  en- 
tre vos  mains  :  c'est  vous  qui 


T  N  te.  Domine  speravi, 
*  non  confundar  in  aeter- 
num  :  *  in  justitia  tua  li- 
béra me. 

Inclina  ad  me  aurem 
tuam  :  *  aocelera  ut  eruas 
me. 

Esto  mihi  in  Deum 
protectorem,  et  in  do- 
mum  refugii  :  *  ut  sal- 
vum  me    facias. 

Quoniam  fortitudo 
mea.  et  refugium  meum 
es  tu  :  *  et  propter  No- 
men  tuum  deduces  me, 
et  enutries  me. 

Educes  me  de  laqueo 
hoc,  quem  absconderunt 
mihi  :  "  quoniam  tu  es 
protector  meus. 

In  manus  tuas  com- 
mendo  spiritum   meuTn  : 


8o 


Le  Temps  Pascal. 


*  redemisti,   me  Domine,  1  m'avez 
Deus  veritatis.  Dieu  de 


racheté, 
vérité. 


Seigneur, 


PSAUME   XC. 


QUI  habitat  in  adjuto- 
rio  Altissimi  :  *  in 
protectione  Dei  cœli 
commorabitur. 

Dicet  Domino:  Sus- 
ceptor  meus  es  tu  et  rc- 
fugium  meum  :  *  Deus 
meus,  sperabo  in  eum. 

Quoniam  ipsc  libera- 
vit  me  de  laqueo  venan- 
tium  :  *  et  a  verbo  as- 
pero. 

Scapulis  suis  obum- 
brabit  tibi  :  *  et  sub  pen- 
nis  ejus  sperabis. 

Scuto  circumdabit  te 
Veritas  ejus  :  *  non  time- 
bis  a  timoré  nocturno. 

A  sagitta  volante  in 
die,  a  negotio  perambu- 
lante  in  tenebris  :  *  ab 
incursu,  et  dsemonio  me- 
ridiano. 

Cadent  a  latere  tuo 
mille,  et  decem  millia  a 
dextris  tuis  :  *  ad  te 
autem  non  appropinqua- 
bit. 

Verumtamem  oculis 
tuis  considerabis  :  *  et 
retributionem  peccato- 
rum  videbis. 

Quoniam  tu  es,  Domi- 
ne, spes  mea:  *  Altissi- 
mum  posuisti  refugium 
tuum. 


C 


EUn  qui  habile  dans  l'a- 
sile du  Très-Haut,  de- 
meurera sous  la  protection 
du   Dieu  du  ciel. 

Il  dira  au  Seigneur  :  Vous 
êtes  mon  protecteur  et  mon 
refuge!  Il  est  mon  Dieu,  j'es- 
pérerai en  lui. 

Car  c'est  lui  qui  m'a  déli- 
vré du  filet  des  chasseurs  et 
des  paroles  fâcheuses. 

Le  Seigneur  te  couvrira  de 
son  ombre  :  tu  seras  dans 
l'espérance  sous  ses  ailes. 

Sa  vérité  sera  ton  bouclier: 
tu  ne  craindras  ni  les  alarmes 
de  la  nuit, 

Ni  la  flèche  qui  vole  au 
milieu  du  jour,  ni  la  conta- 
gion qui  se  glisse  dans  les 
ténèbres,  ni  les  attaques  du 
démon  du  Midi. 

Mille  tomberont  à  ta  gau- 
che, et  dix  mille  à  ta  droite  : 
mais  la  mort  n'approchera 
pas  de  toi. 

Cependant  tu  jetteras  les 
yeux  autour  de  toi,  et  tu  con- 
templeras   le  sort  de  l'impie. 

Parce  que  tu  as  dit:  Sei- 
gneur, vous  êtes  mon  espé- 
rance !  parce  que  tu  as  placé 
ton  refuge  dans  le  "Très- 
Haut  ; 


A  Compiles. 


Si 


Le  mal  n'approchera  pas 
de  toi,  et  les  fléaux  s'éloigne- 
ront de  ta  tente  ; 

Car  le  Seigneur  a  com- 
mandé à  ses  Anges  de  te  gar- 
der en  toutes  tes  voies. 

Ils  te  porteront  sur  leurs 
mains,  dans  la  crainte  que  tu 
ne  heurtes  ton  pied  contre  la 
pierre. 

Tu  marcheras  sur  l'aspic 
et  le  basilic,  et  tu  fouleras 
aux  pieds  le  lion  et  le  dra- 
gon. 

Dieu  dira  de  toi.  Parce 
qu'il  a  espéré  en  moi,  je  le 
délivrerai.  Je  le  protégerai, 
parce  qu'il  a  connu  mon 
Nom. 

Il  criera  vers  moi,  et  je 
l'exaucerai  :  je  suis  avec  lui 
dans  la  tribulation  ;  je  l'en 
retirerai  et  le  glorifierai. 

Je  le  rassasierai  de  longs 
jours,  et  je  lui  montrerai  le 
Sauveur  que  je  lui  ai  préparé. 


Non  accedet  ad  te  ma- 
lum  :  *  et  flagellum  non 
appropinquabit  taberna- 
culo  tuo. 

Quoniam  Angelis  suis 
mandavit  de  te  :  *  ut  cu- 
stodiant  te  in  omnibus 
viis  tuis. 

In  manibus  portabunt 
te  :  *  ne  forte  offendas  ad 
lapidem  pedem  tuum. 

Super  aspidem  et  basi- 
liscum  ambulabis  :  *  et 
conculcabis  leonem  et 
draconem, 

Quoniam  in  me  spera- 
vit,  liberabo  eum  :*  pro- 
tegam  eum.  quoniam  co- 
gnovit  Nomen  meum. 

Clamabit  ad  me  ,  et 
ego  exaudiam  eum  :  * 
eum  ipso  sum  in  tribula- 
tione,  eripiam  eum  et 
glorificabo  eum. 

Longitudine  dierum 
replebo  eum  :  *  et  osten- 
dam  illi  Salutare  meum. 


PSAUME    CXXXIII. 


BÉNISSEZ  maintenant  le 
Seigneur,  vous  tous  qui 
le  servez. 

Vous  qui  êtes  dans  la  mai- 
son du  Seigneur,  sous  les 
portiques  de  la  maison  de 
notre  Dieu, 

Elevez  vos  mains  durant 
les  nuits  vers  le  Sanctuaire, 
et  bénissez  le  Seigneur. 


U  CCE  nunc  benedicite 
^  Dominum  :  *  omnes 
servi  Domini. 

Qui  statis  in  domo  Do- 
mini :  *  in  atriis  do- 
mus  Dei  nostri. 

In  noctibus  extollite 
manus  vestras  in  Sancta: 
*  et  benedicite  Dominum 


LE    iEMPS   PASCAL. 


5j 


Le  Temps  Pascal. 


Bcnedicat  te  Dominus 
ex  Sion  :  *  qui  fecit  cœ- 
lum  et  terrain. 


Ant.    Alléluia, 
luia,  alléluia. 


alle- 


Dites  à  Israël  :  Que  le  Sei- 
gneur te  bénisse  de  Sion,  le 
Seigneur  qui  a  fait  le  ciel  et 
la  terre. 

A.MT.  Alléluia,  alléluia,  al- 
léluia. 


1"E   liicis    ante    termi- 
num. 
Rerum    Creator,    posci- 

mus, 
Ut  pro   tua   clementia 
Sis  prœsul    et   custodia. 

Procul  recédant  som- 

nia. 
Et   noctium  phantasma- 

ta, 
Hostemque    n  o  s  t  r  u  m 

comprime. 
Ne    polluantur   corpora. 

Deo  Patri  sit  gloria. 
Et  Filio  qui  a  mortuis 
Surrexit,  ac  Paraclito, 
In  sempiterna  saecula. 

Amen. 

CAPITULE. 

TU  autem  in  nobis  es, 
Domine,  et  Nomen 
sanctum  tuum  invocatum 
est  super  nos  ;  ne  dere- 
linquas  nos  ,  Domine 
Dcus  noster. 
i"^.   Deo  gratias. 

A     ,      T  N  manus  tuas, 
•^^  ^'■•1     Domine, 


AVANT  que  la  lumière  dis- 
paraisse, nous  vous  sup- 
plions, ô  Créateur  de  toutes 
choses,  d'être  dans  votre  clé- 
mence notre  protecteur  et 
notre  gardien. 

Que  les  songes  et  les  fan- 
tômes de  la  nuit  s'enfuient 
loin  de  nous.  Comprimez 
notre  ennemi  ;  qu'il  ne  pro- 
fane point  nos  corps. 


Gloire  soit  à  Dieu  le  Père  ! 
Gloire  au  Fils  ressuscité  des 
morts!  Gloire  à  l'Esprit  con- 
solateur dans  les  siècles  des 
siècles  ! 

Amen. 

[Jerem.  xiv.) 

\j  ous  êtes  en  nous.  Sei- 
gneur, et  votre  saint  Nom 
a  été  invoqué  sur  nous  :  ne 
nous  abandonnez  pas,  Sei- 
gneur notre  Dieu  ! 

^.  Rendons  grâces  à  Dieu. 


%  br,  £ 


NTRE  vos  mains, 
Seigneur,  je  re- 


A    Compiles. 


83 


mets  mon  esprit.  '  Alléluia, 
alléluia. 

On  yépète  :  Entre  vos 
mains,  Seigneur,  etc. 

f.  Vous  nous  avez  rache- 
tés, Seigneur,  Dieu  de  véri- 
té. On  répète  :  *  Alléluia,  al- 
léluia. 

Gloire  au  Père,  etc.  Entre 
vos  mains,  etc. 

f.  Gardez-nous,  Seigneur, 
comme  la  prunelle  de  l'œil, 
alléluia. 

^.  Protégez-nous  de  l'om- 
bre de  vos  ailes,  alléluia. 


commendo  spiritum  me- 
um.  *  Alléluia,  alléluia. 
In  manus  tuas. 

j^.  Redemisti  nos.  Do- 
mine Deus  veritatis.  * 
Alléluia,  alléluia. 

Gloria.  In  manus  tuas. 


y.  Custodi  nos,  Do- 
mine, ut  pupillam  oculi, 
alléluia. 

R].  Sub  umbra  alarum 
tuarum  protège  nos,  al- 
léluia. 


CANTIQUE    DE    SI.MEON. 


C'est  maintenant  .  Sei- 
gneur, que  vous  laisserez 
aller  en  paix  votre  serviteur, 
selon  votre  parole; 

Parce  que  mes  yeux  ont  vu 
le  Sauveur, 

Que  vous  avez  destiné  à 
être  exposé  aux  regards  de 
tous  les  peuples  ; 

Pour  être  la  lumière  qui 
éclairera  les  nations,  et  la 
gloire  de  votre  peuple  d'Is- 
raël. 

Ant.  Sauvez-nous  ,  Sei- 
gneur, durant  la  veille  ;  gar- 
dez-nous durant  le  sommeil  ; 
afin  que  nous  puissions  veil- 
ler avec  Jésus-Christ,  et  que 
nous  reposions  dans  la  paix. 
Alléluia. 


NUNC  dimittis  servum 
tuum,  Domine  :  * 
secundum  verbura  tuum 
in  pace. 

Quia  viderunt  oculi 
mei  :  *  Salutare  tuum. 

Quod  parasti  :  *  ante 
faciem  omnium  populo- 
rum. 

Lumen  ad  revelatio- 
nem  gentium  :  *  et  glo- 
riam  plebis  tuœ  Israël. 


Ant.  Salva  nos,  Do- 
mine, vigilantes  ;  custo- 
di nos  dormientes  :  ut 
vigilemus  cum  Christo, 
et  requiescamus  in  pace. 
Alléluia. 


84 


Le  Temps  Pascal. 


WlSlTA,  quaesumus  Do- 
'  mine,  habitationem 
istatn,  et  omnes  insidias 
inimici  ab  ea  longe  re- 
polie :  Angeli  lui  sancti 
habitont  in  ea.  qui  nos  in 
pace  custodiant  :  et  be- 
nedictio  tua  sit  super 
nos  semper.  Per  Domi- 
num  nostrum  J  e  s  u  m 
Christum  Filium  tuum, 
qui  tecum  vivit  et  régnai 
in  unitate  Spiritus  Sancti 
Deus,  per  omnia  saecula 
sœculorura.  Amen. 

j^.  Dominusvoblscum; 

ip.  Et  cum  spiritu  tuo. 

y.  Benedicamus  Do- 
mino. 

^.  Deo   gratias. 

Bcnedicat  et  custodiat 
nos  omnipotens  et  mise- 
ricors  Dominus.  Pater, 
et  Filius,  et  Spiritus 
sanctus. 

S.  Amen. 


WlslTEZ,  s'il  vous  plaît  , 
Seigneur,  cette  maison, 
et  éloignez-en  toutes  les  em- 
bûches de  l'ennemi  ;  que  vos 
saints  Anges  y  habitent  , 
qu'ils  nous  y  gardent  dans  la 
paix,  et  que  votre  bénédiction 
demeure  toujours  sur  nous. 
Par  Jésus-Christ  votre  Fils, 
notre  Seigneur,  qui,  étant 
Dieu,  vit  et  régne  avec  vous 
en  l'unité  du  Saint-Esprit, 
dans  tous  les  siècles  des  siè- 
cle. Amen. 


y.  Le  Seigneur  soit  avec 
vous  ; 

fil.  Et  avec  votre  esprit. 
y.  Bénissons   le  Seigneur. 

Ri.  Rendons  grâces  à  Dieu. 

Que  le  Seigneur  tout-puis- 
sant et  miséricordieux  .  le 
Père,  le  Fils  et  le  Saint-Es- 
prit, nous  bénisse  et  nous 
conserve. 

W.  Amen. 


ANTIENNE    A    LA    SAINTE    VIERGE. 


REGINA  cœli,  laetare,  al- 
léluia; 
Quia  quem  meruisti  por- 

tare,  alléluia. 
Rcsurrexit  sicut  dixit,  al- 


Ora    pro    nobis 
alléluia. 


Deum. 


Deine  du  ciel,  réjouissez- 
vous,  alléluia  ; 

Car  celui  que  vous  avez 
mérité  de  porter,  alléluia. 

Est  ressuscité  comme  il 
l'avait  dit,  alléluia. 

Daignez  prier  Dieu  en  no- 
tre faveur,  alléluia. 


A  Compiles. 


85 


f.  Soyez  dans  l'allégresse, 
ô  Vierge  Marie,  alléluia; 

^.  Car  le  Seigneur  est 
vraiment  ressuscité,  alléluia. 


f.  Gaude  et  laetarc, 
Virgo  Maria,  alléluia; 

R).  Quia  surrexit  Do- 
minus  vere,  alléluia. 


ODiEU,  qui  avez  voulu 
réjouir  le  monde  par  la 
Résurrection  de  Jésus-Christ, 
votre  Fils  ;  daignez-nous  fai- 
re arriver  aux  joies  de  la  vie 
éternelle,  par  le  secours  de 
sa  sainte  Mère  la  Vierge 
Marie.  Par  le  même  Jésus- 
Christ  notre  Seigneur.  A- 
men. 


f.  Que    le    secours    divin 
demeure  toujours  avec  nous  1 


fi|.  Amen. 


DEijs,  qui  per  Resur- 
rectionem  Filii  tui 
Domini  nostri  Jesu 
Christi  mundum  lœti- 
ficare  dignatus  es  :  praes- 
ta  quaesumus,  ut  per  ejus 
G  e  n  i  t  r  i  c  e  m  Virginem 
Mariam.  perpétues  capia- 
mus  gaudia  vitœ.  Per 
euradem  Christum  Do- 
minum  nostrum.  Amen, 

j^.  Divinum  auxilium 
maneat  semper  nobis- 
cum. 

]\    Amen. 


PROPRE    DU  TEMPS 


NCORE  quatre  jours,  et  le  divin 
ressuscité,  dont  la  société  nous 
était  si  chère  et  si  précieuse, 
aura  disparu  de  la  terre.  C'est 
par  cette  annonce  que  ce  cin- 
quième dimanche  après  la 
joyeuse  Pâque  semble  nous  préparer  à  la  sé- 
paration. Le  dimanche  suivant  ouvrira  la 
longue  série  de  ceux  qui  doivent  se  succéder 
d'ici  qu'il  revienne  pour  juger  le  monde.  A 
cette  pensée,  le  coeur  du  chVétien  se  serre  ; 
caril  sait  qu'il  ne  verra  son  Sauveur  qu'après 
cette  vie;  et  il  s'unit  à  la  tristesse  que  res- 
sentirent les  Apôtres  à  ladernière  Cène,  lors- 
qu'il leur  dit  cette  parole  :  «  Encore  un  peu  de 
temps,  et  vous  ne  me  verrez  plus  i.  » 

Mais  après  la  résurrection  de  leur  Maître, 
quelle  dut  être  l'angoisse  de  ces  hommes 
privilégiés  qui  comprenaient  enfin  ce  qu'il 
était,    lorsqu'ils    s'aperçurent    comme    nous 


I.  JOHAN.  XVI,  i6. 


8  s  Le  Temps  Pascal. 

(jue  l'heureuse  quarantaine,  si  rapidement 
écoulée,  touchait  bientôt  à  sa  fin!  Avoir  vécu, 
pour  ainsi  dire,  avec  Jésus  glorifié,  avoir 
ressenti  les  effets  de  sa  divine  condescen- 
dance, de  son  ineffable  familiarité,  avoir  reçu 
de  sa  bouche  tous  les  enseignements  qui  de- 
vaient les  mettre  en  état  d'accomplir  ses  vo- 
lontés, en  fondant  sur  la  terre  cette  Eglise 
qu'il  était  venu  choisir  pour  son  Epouse;  et 
se  trouver  tout  d'un  coup  livrés  à  eux-mêmes, 
privés  de  sa  présence  visible,  ne  plus  voir 
ses  traits,  ne  plus  entendre  sa  voix,  et  mener 
jusqu'au  bout  leur  carrière  avec  de  tels  sou- 
venirs :  c'est  le  sort  qui  attendait  les  Apôtres 
et  qu'ils  avaient  à  accepter. 

Nous  éprouverons  quelque  chose  de  ce 
qu'ils  durent  ressentir,  si  nous  nous  sommes 
tenus  unis  à  notre  mère  la  sainte  Eglise.  De- 
puis le  jour  où  elle  ouvrit  en  notre  faveur  la 
série  des  émotions  qui  la  transportent  chaque 
année,  lorsqu'elle  repasse  successivement 
tant  de  sublimes  anniversaires,  à  partir  de 
celui  de  la  Naissance  de  son  Emmanuel,  jus- 
qu'à celui  de  sa  triomphante  Ascension  au 
ciel,  n'est-il  pas  vrai  que  nous  aussi  nous 
avons  vécu  en  société  avec  son  divin  Epoux, 
qui  est  en  même  temps  notre  Rédempteur,  et 
qu'au  moment  de  le  voir  disparaître  aux  re- 
gards de  notre  foi  attentive  jusqu'à  cette 
heure  ù  le  suivre  dans  tous  ses  états,  Témo- 
tion  que  ressentirent  les  Apôtres  vient  nous 
gagner  nous-mêmes  .■' 

Mais  il  est  sur  la  terre,  à  la  veille  du  jour 
où  Jésus  doit  la  quitter  pour  le  ciel,  une 
créature  dont  nous  ne  pourrons  jamais  sonder 
ni  décrire  les    sentiments  ;    c'est    Marie  qui 


Derniers  jours  avant  V Ascension        8g 

avait  retrouvé  son  tils,  et  qui  voit  approcher 
le  moment  où  il  va  s'éloigner  encore.  Jamais 
cœur  ne  fut  plus  soumis'aux  volontés  de  son 
Maître  souverain  ;  mais  jamais  aussi  sem- 
blable sacrifice  ne  fut  demandé  à  une  créa- 
ture. Jésus  veut  que  l'amour  de  Marie  croisse 
encore,  et  c'est  pour  cela  qu'il  la  soumet  à 
répreuve  de  l'absence.  Il  veut  en  outre  qu'elle 
coopère  à  la  formation  de  l'Eglise,  qu'elle  ait 
la  main  dans  ce  grand  œuvre  qui  ne  devait 
s'élever  qu'avec  son  concours.  C'est  en  cela 
que  se  montre  encore  l'amour  de  Jésus  pour 
sa  mère;  il  désire  pour  elle  le  mérite  le  plus 
grand,  afin  de  déposer  sur  sa  tète  le  diadème  le 
plus  glorieux,  au  jour  où  elle  montera  au 
ciel  à  son  tour  pour  y  occuper  le  trône  qui  a 
été  préparé  pour  elle  au-dessus  de  toute  la 
création  glorifiée. 

Ce  n'est  plus,  il  est  vrai,  un  glaive  de 
douleur  qui  transpercera  le  cœur  de  xMarie; 
c'est  le  feu  d'un  amour  que  nul  langage  ne 
saurait  décrire  qui  consumera  ce  cœur  dans 
une  angoisse  à  la  fois  poignante  et  délicieuse, 
sous  l'elfort  de  laquelle  elle  tombera  un  jour, 
comme  le  fruit  mûr  que  la  branche  de 
l'arbre  ne  soutient  plus,  parce  qu'elle  n'a 
plus  rien  à  lui  donner.  Mais  à  ces  instants 
suprêmes  où  nous  sommes,  dans  les  der- 
nières étreintes  de  ce  fils  divin  qui  va  la  lais- 
ser en  exil,  quel  serrement  au  cœur  d'une 
telle  mère  qui  n'a  joui  que  durant  quarante 
jours  du  bonheur  de  le  voir  glorieux  et 
triomphant,  et  de  recevoir  ses  divines  et 
filiales  caresses!  C'est  la  dernière  épreuve  de 
Marie;  mais  en  face  de  cette  épreuve  elle  n'a 
encore  que   sa   même   réponse  :    «   Voici   la 


go  Le  Temps  Pascal. 

servante  du  Seigneur  ;  qu'il  me  soit  fait 
selon  votre  parole.  »  Sa  vie  tout  entière  est 
dans  le  bon  plaisir  de  Dieu,  et  c'est  ainsi 
qu'elle  devient  toujours  plus  grande,  plus 
rapprochée  de  Dieu.  Une  sainte  âme  du 
xvii"  siècle,  favorisée  des  plus  sublimes  révé- 
lations, nous  a  appris  que  le  choix  fut  donné 
à  Marie  d'entrer  dans  le  repos  de  la  gloire 
avec  son  fils,  ou  de  demeurer  encore  sur  la 
terre  dans  les  labeurs  de  l'enfantement  de  la 
sainte  Eglise;  mais  qu'elle  préféra  retarder 
les  joies  maternelles  que  lui  réservait  l'éter- 
nité, et  servir,  aussi  longtemps  qu'il  plai- 
rait à  la  divine  Majesté,  au  grand  œuvre  qui 
importait  tant  à  l'honneur  de  son  hls  et  au 
bien  de  la  race  humaine,  dont  elle  était  de- 
venue aussi  la  mère. 

Si  un  tel  dévouement  éleva  la  coopératrice 
de  notre  salut  au  plus  haut  degré  de  la  sain- 
teté, en  lui  faisant  atteindre  le  point  culmi- 
nant de  sa  mission,  on  est  en  droit  de  con- 
clure que  l'amour  de  Jésus  pour  sa  mère 
s'accrut  encore,  lorsqu'il  reçut  d'elle  une 
marque  si  sensible  de  l'union  qu'elle  avait  aux 
plus  intimes  désirs  de  son  cœur  sacré.  De 
nouveaux  témoignages  de  sa  tendresse  furent 
pour  Marie  la  recompense  de  cet  oubli  d'elle- 
même,  et  de  cette  conformité  aux  desseins 
qui  l'appelaient  à  être  véritablement  dès  ici- 
bas  la  Reine  des  Apôtres,  comme  l'appelle 
l'Eglise,  et  la  coadjutrice  de  leurs  travaux. 

Le  Seigneur,  durant  ces  dernières  heures, 
allait  multipliant  les  témoignages  de  sa  bonté 
envers  tous  ceux  qu'il  avait  daigné  admettre 
dans  sa  familiarité.  Pour  plusieurs  d'entre 
eux  la  séparation  devait  être  longue    Jean  le 


Derniers  jours  avant  l'Ascension.       gi 

bien-aimé  aurait  à  attendre  plus  de  cinquante 
années  sa  réunion  à  son  Maître  divin.  Ce  ne 
serait  qu'après  trente  ans  que  Pierre  monte- 
rait à  son  tour  sur  l'arbre  delà  croix,  pour  se 
réunir  à  celui  qui  lui  avait  confié  les  clefs  du 
royaume  des  cieux.  Le  même  intervalle  de 
temps  devait  être  rempli  par  les  soupirs  en- 
flammés de  Madeleine  ;  mais  aucun  d'eux  ne 
murmurait  ;  car  tous  sentaient  qu'il  était 
juste  que  le  divin  Rédempteur  du  monde, 
ayant  suffisamment  établi  la  foi  de  sa  résur- 
rection, «  entrât  enfin  dans  sa  gloire  K  » 

Jésus  avait  fait  donner  ordre  "à  ses  disciples 
par  les  Anges,  le  jour  même  de  sa  résurrec- 
tion, de  se'rendre  en  Galilée  pour  y  jouir  de 
sa  présence.  Nous  avons  vu  comment  ils 
obéirent  à  cet  ordre,  et  en  quelle  manière  le 
Sauveur  se  manifesta  à  sept  d'entre  eux  sur 
les  bords  du  lac  de  Génézareth  ;  ce  fut  la 
huitième  des  manifestations  que  les  Evan- 
giles ont  enregistrées.  La  neuvième  eut  lieu 
pareillement  dans  la  Galilée.  Jésus  aimait 
cette  contrée,  au  sein  de  laquelle  il  avait  pris 
la  plupart  de  ses  disciples,  où  Marie  et  Jo- 
seph avaient  habité,  et  où  lui-même  avait 
passé  tant  d'années  dans  le  travail  et  l'obscu- 
rité. La  population,  plus  simple  et  plus 
morale  que  celle  de  la  Judée,  l'attirait  da- 
vantage. Saint  Matthieu  nous  révèle  que  la 
plus  solennelle  des  manifestations  de  Jésus 
ressuscité,  celle  que  nous  compterons  pour  la 
dixième  de  fait,  et  pour  la  neuvième  de  celles 
que  rapportent  les  Evangélistes,  eut  lieu  sur 
une  montagne  de  cette  contrée  2. 

I.  Luc.  XXIV,  26.  —  2.  Matth.  xxvni.  16. 


Le  Temps  Pascal. 


Selon  le  sentiment  de  saint  Bonaventure  et 
celui  du  pieux  et  savant  Denys  le  Chartreux, 
cette  montatîne  fut  le  Thabor,  dont  le  som- 
met avait  déjà  été  honoré  par  le  mystère  de 
la  Transhguration.  Là  se  trouvèrent  réunis, 
comme  nous  l'apprenons  de  saint  Paul,  plus 
de  cinq  cents  disciples  de  Jésus  •,  assemblée 
formée  en  grande  partie  des  habitants  de  la 
Galilée  qui  avaient  cru  en  Jésus  dans  le  cours 
de  sa  prédication,  et  qui  avaient  mérité  d'être 
témoins  de  ce  nouveau  triomphe  du  Naza- 
réen. Jésus  se  montra  à  leurs  regards,  et  leur 
donna  une  telle  certitude  de  sa'résurrection 
que  l'Apôtre  des  Gentils, écrivant  auxchrétiens 
de  Corinthe,in\  oque  leur  témoignage  à  l'appui 
de  ce  mystère  fondamental  de  notre  foi. 

Désormais  nous  demeurons  sans  rensei- 
gnements positifs  sur  ce  qui  se  passa  encore 
dans  la  Galilée,  quant  à  ce  qui  est  des  mani- 
festations du  Sauveur  ressuscité  ;  mais  nous 
savons  qu'il  intima  à  ses  disciples  l'ordre  de 
se  rendre  à  Jérusalem,  où  il  devait  bientôt 
reparaître  à  leurs  yeux  une  dernière  fois, 
avant  de  monter  aux  cieux.  Suivons  en  ces 
jours  la  marche  des  disciples  vers  la  ville 
coupable.  Combien  de  fois,  dans  cette  même 
ville.  Jésus  avait  voulu  réunir  ses  fils  comme 
la  poule  ramasse  ses  poussins  sous  ses  ailes, 
et  elle  ne  Ta  pas  voulu  ~  !  Il  va  revenir  dans 
ses  murs  ;  mais  elle  ne  le  saura  pas.  Il  ne  se 
montrera  pas  à  elle,  il  ne  se  révélera  qua 
ses  amis,  et  il  partira  en  silence,  pour  ne  plus 
revenir  qu'au  jour  où  il  viendra  juger  ceux 
qui  n'ont  pas  connu  le  temps  de  saVisite. 


I.  I  Cor.  XV,  6.  —  2.  Matth.  xxili,  3?. 


LE  CINQUIÈME  DIMANCHE 

APRÈS    PAQUES. 


E  cinquième  dimanche  après 
Pâques,  dans  l'Eglise  grecque, 
est  appelé  le  dimanche  de 
V Aveugle-né,  parce  qu'on  y  lit 
le  récit  de  l'Evangile  où  est 
rapportée  la  guérison  de  cet 
aveugle.  On  l'appelle  aussi  le  dimanche  de 
\'Episo:{0)ni'ne,  qui  est  un  des  noms  par  les- 
quels les  Grecs  désignent  le  mystère  de  l'As- 
cension, dont  la  solennité,  chez  eux  comme 
chez  nous,  interrompt  le  cours  de  cette 
semaine  liturgique. 


A  LA  MESSE. 


le 


ISAiE,    le    plus 
fourni  la   matière 


sublime  des  Prophètes,  a 
de  l'Introït.  Sa  voix 
éclatante  et  mélodieuse  convie  toutes  les 
nations  de  la  terre  à  célébrer  la  victoire  que 
le  divin  ressuscité  a  remportée,  et  dont  le 
prix  a  été  notre  délivrance. 


g4    Le  Cinquième  Dimanche  après  Pâques. 


VOCEM  jucunditatis  an- 
nuntiate,  et  audia- 
tur,  alléluia  :  annuntiate 
usque  nd  extremum  ter- 
rae  :  liberavit  Dominus 
populum  suum,  alléluia, 
alléluia. 

Ps.  Jubilate  Deo  om- 
nis  terra  :  psalmum  dici- 
te  Nomini  ejus,  date  glo- 
riam  laudi  ejus.  Gloria 
Patri.  Vocem  jucundita- 
tis. 


POUSSEZ  des  cris  de  joie,  et 
qu'on  les  entende  de  tou- 
tes parts,  alléluia  :  publiez 
jusqu'aux  extrémités  de  la 
terre  que  le  Seigneur  a  déli- 
vré son  peuple,  alléluia,  allé- 
luia. 

Ps.  Peuples  de  la  terre  en- 
tière, chantez  au  Seigneur 
avec  allégresse  ;  faites  enten- 
dre un  cantique  à  son  Nom, 
rendez-lui  gloire  par  vos  lou- 
anges. Gloire  au  Père.  Pous- 
sez des  cris. 


Dans  la  Collecte,  la  sainte  Eglise  nous  ap- 
prend que  nos  pensées  et  nos  actions,  pour 
être  méritoires  de  la  vie  éternelle,  ont  be- 
soin de  la  grâce  qui  inspire  les  unes  et  aide 
notre  volonté  à  accomplir  les  autres. 


r^  EUS,  a  quo  bona 
•*-^  cuncta  procedunt  , 
largire  supplicibus  tuis  : 
ut  cogitemus,  te  inspi- 
rante, quœ  recta  sunt,  et, 
te  gubernante,  eadem  fa- 
ciamus.    Per    Dominum. 


ODiEU,  vous  de  qui  pro- 
cèdent tous  les  biens, 
accordez  à  nos  humbles  priè- 
res que,  par  votre  inspira- 
tion, nos  pensées  se  portent  à 
ce  qui  est  bien,  et  daignez 
nous  accorder  votre  conduite 
pour  l'accomplir.  Par  Jésus- 
Christ. 


De  la  très  sainte  Vierge. 


CONCEDE  nos  famulos 
tuos,  quassumus  Do- 
mine Deus  ,  perpétua 
mentis  et  corporis  sani- 


SEIGNEUR  Dieu,  daignez  ac- 
corder à  nous,  vos  servi- 
teurs, la  grâce  de  jouir  cons- 
tamment de  la  santé  de  l'âme 


A  la  Messe. 


95 


et  du  corps  ;  et  par  la  glo- 
rieuse intercession  de  la  bien- 
heureuse Marie  toujours 
Vierge,  délivrez-nous  de  la 
tristesse  du  temps  présent, 
et  faites-nous  jouir  de  l'éter- 
nelle félicité. 


tate  gaudere  :  et  gloriosa 
beatœ  Mariae  semper  Vir- 
ginis  intercessione ,  a 
praesenti  liberari  tristi- 
tia,  et  œterna  perfrui  lœ- 
titia. 


Contre  les  persécuteurs  de  V Eglise. 


DAIGNEZ,  Seigneur,  vous 
laisser  fléchir  par  les 
prières  de  votre  Eglise,  afin 
que,  toutes  les  adversités  et 
toutes  les  erreurs  ayant  dis- 
paru, elle  puisse  vous  servir 
dans  une  paisible  liberté.  Par 
Jésus-Christ. 


ECCLESi.E  tuas,  quaesu- 
mus  Domine,  preces 
placatus  admitte,  ut,  des- 
tructis  adversitatibus  et 
erroribus  universis,  se- 
cura  tibi  serviat  liber- 
tate.  Per  Dominum. 


Pour  le  Pape. 


ODiEU,  qui  êtes  le  Pas- 
teur et  le  conducteur  de 
tous  les  fidèles,  regardez  d'un 
œil  propice  votre  serviteur 
N.  que  vous  avez  mis  à  la 
tête  de  votre  Eglise  en  qualité 
de  Pasteur  ;  donnez-lui,  nous 
vous  en  supplions  ,  d'être 
utile  par  sa  parole  et  son 
exemple  à  ceux  qui  sont 
sous  sa  conduite,  afin  qu'il 
puisse  parvenir  à  la  vie 
éternelle  avec  le  troupeau  qui 
lui  a  été  confié.  Par  Jésus- 
Christ. 


r>  EUS  omnium  fidelium 
*^  Pastor  et  rector,  fa- 
mulum  tuum  A^. ,  quem 
Pastorem  Ecclesiœ  tuse 
prœesse  voluisti,  propi- 
tius  respice  •  da  ei,  quœ- 
sumus,  verbo  et  exem- 
ple, quibus  prœest  pro- 
ficere  ;  ut  ad  vitam  una 
cum  grege  sibi  credito 
perveniat  sempiternam. 
Per  Dominum. 


Lecture  de   l'Epître  de  saint 
Jacques,  Apôtre.  Chap.  I. 


ES   bien-aimés  ,    accom- 
plissez   la    parole    qui 


M 


Lectio  Epistolae  beati  Ja- 
cobi  Apostoli.  Cap.  i. 

CHARissiMi,Estote  fac- 
tores  verbi,   et  noa 


i6    Le  Cwquième  Dimanche  après  Pâques. 


vous  est  enseignée,  ne  vous 
contentant  pas  de  l'écouter, 
en  vous  trompant  vous-mê- 
mes. Car  celui  qui  écoute  la 
parole  sans  la  pratiquer,  est 
semblable  à  un  homme  qui 
considère  son  visage  naturel 
dans  un  miroir,  et  qui  à  peine 
l'y  a  vu.  s'en  va,  et  oublie  à 
l'instant  même  quel  il  était. 
Mais  celui  qui  considère  d'un 
œil  ferme  la  loi  parfaite  de 
la  liberté,  et  qui  s'arrête  à 
elle,  n'étant  pas  seulement 
un  auditeur  oublieux,  mais 
accomplissant  dans  ses  œu- 
vres ce  qu'il  a  entendu  :  celui- 
là  trouvera  son  bonheur  dans 
ce  qu'il  fait.  Si  quelqu'un 
d'entre  vous  croit  être  un 
homme  religieux,  et  qu'il  ne 
mette  pas  un  frein  à  sa  lan- 
gue, mais  qu'il  séduise  son 
propre  cœur,  sa  religion  est 
vaine.  Une  religion  pure  et 
sans  tache  aux  yeux  de  Dieu 
notre  Père,  est  de  visiter  les 
orphelins  et  les  veuves  dans 
leurs  afflictions,  et  de  se  con- 
server purs  de  la  corruption 
de  ce  monde. 

T  E  saint  Apôtre  dont  nous  venons  d'enten- 
L  dre  les  conseils  avait  reçu  les  leçons  du 
Sauveur  ressuscité;  nous  ne  devons  donc  pas 
être  étonnés  du  ton  d'autorité  a\-ec  lequel  U 
nous  parle.  Jésus,  ainsi  aue  nous  l'avons  ra- 
conté, avait  même  daigne  lui  accorder  une  de 
ses  manifestations  particulières  :  ce  qui  nous 
montre  l'atYection  dont  il  honorait  cet  Apotrc, 
auquel  les  liens  du  sang  le  rattachaient  par 


ouditores  tantum,  fallen- 
tes  vosmetipsos.  Quia  si 
quis  auditor  est  verbi,  et 
non  factor,  hic  compa- 
rabitur  viro  considérant! 
vultum  nativitatis  suae 
in  speculo  consideravit 
enim  se,  et  abiit,  et  st;:- 
tim  oblitus  est  qualis 
fuerit.  Qui  aulem  per- 
spexerit  in  legem  perfec- 
tam  libertatis,  et  per- 
manserit  in  ea.  non  audi- 
tor obliviosus  factus,  sed 
factor  operis  ;  hic  bea- 
tus  in  facto  suo  erit.  Si 
quis  autem  putat  se  reli- 
giosum  esse,  non  refra?- 
nans  linguam  suam,  sed 
seducens  cor  suum.  hujus 
vana  est  religio.  Religio 
munda.  et  immaculata 
apud  Deum  et  Patrem. 
haec  est  :  Visitare  pupil- 
los  et  viduas  in  tribula- 
tione  eorum,  et  immacu- 
latum  se  custodire  ab  hoc 
saeculo. 


A  la  Messe.  g  y 


sa  mère  nommée  aussi  Marie.  Nous  avons  vu 
cette  sainte  femme  se  rendre  au  sépulcre, 
avec  Salomé  sa  sœur,  dans  la  compagnie  de 
Madeleine.  Jacques  le  Mineur  est  véritable- 
ment TApôtre  du  Temps  pascal,  où  tout 
nous  parle  de  la  vie  nouvelle  que  nous  devons 
mener  avec  leChristressuscite.il  est  l'Apôtre 
des  œuvres,  et  c'est  lui  qui  nous  a  transmis 
cette  maxime  fondamentale  du  christia- 
nisme, que  si  la  foi  est  nécessaire  avant  tout 
au  chrétien,  cette  vertu,  sans  les  œuvres,  est 
une  foi  morte  qui  ne  pourrait  le  sauver. 

Il  insiste  aujourd'hui  sur  l'obligation  où 
nous  sommes  de  cultiver  en  nous-mêmes 
l'attention  aux  vérités  que  nous  avons  une 
fois  comprises,  et  de  nous  tenir  en  garde 
contre  cet  oubli  coupable  qui  cause  tant  de 
ravages  dans  les  âmes  inconsidérées.  Parmi 
ceux  en  qui  s'est  accompli  le  mystère  de  la 
Pâque,  il  en  est  qui  n'y  persévéreront  pas  ;  et 
ce  malheur  leur  arrivera,  parce  qu'ils  se 
livreront  au  monde,  au  lieu  d'user  du  monde 
comme  n'en  usant  pas  i.  Rappelons-nous  tou- 
jours que  nous  devons  marcher  dans  une  vie 
nouvelle,  à  l'imitation  de  celle  de  notre  divin 
ressuscité  qui    ne    peut    plus  mourir. 

Les  deux  Versets  de  l'Alleluia  célèbrent 
l'éclat  de  sa  résurrection  ;  mais  déjà  son  As- 
cension prochaine  y  est  annoncée.  Sorti  du 
Père  éternellement,  descendu  dans  le  temps 
jusqu'à  notre  terrestre  demeure  ,  il  nous 
avertit  que  sous  peu  de  jours  il  va  remonter 
à  son  Père. 


I.  I  Cor.  vu,  3i. 


LE   TEMPS   PASCAL.   —   T.    III. 


g  8    Le  Cinquième  Dimanche  après  Pâques. 


A  LLELUIA,  alléluia, 

j^.  Surrexit  Christiis, 
et  illuxit  nobis,  quos  re- 
deiiiit  sanguine  suo. 

Alléluia. 

f.  Exivi  a  Pâtre,  et 
veni  in  mundum  ;  iterum 
relinquo  mundum  et  va- 
do  ad  Patrem,  alléluia. 


A  LLELUIA,  alléluia. 

j^.  Le  Christ  est  ressuscité, 
il  a  fait  luire  sa  lumière  sur 
nous,  qu'il  a  rachetés  de  son 
sang. 

Alléluia. 

t.  Je  suis  sorti  du  Père,  et 
je  suis  venu  dans  le  monde  : 
maintenant  je  laisse  le  mon- 
de, et  je  vais  à  mon  Père, 
alléluia. 


Seqiientia  sancti  Evan- 
gelii  secundum  Johan- 
nem.  Cap.  xyi. 

IN  illo  tempore  :  Dixit 
Jésus  discipulis  suis  : 
Amen,  amen  dico  vobis  : 
si  quid  petieritis  Patrem 
in  nomine  meo,  dabit 
vobis.  Usque  modo  non 
petistis  quidquam  in  no- 
mine meo  :  petite  et  ac- 
cipietis,  ut  gaudium  ves- 
trum  sit  plénum.  Hœc  in 
proverbiis  locutus  sum 
vobis.  \'enit  hora  cum 
jam  non  in  proverbiis 
loquar  vobis,  sed  palam 
de  Pâtre  annuntiabo  vo- 
bis. In  illo  die  in  nomine 
meo  petetis  :  et  non  dico 
vobis  quia  ego  rogabo 
Patrem  de  vobis  :  ipse 
enim  Pater  amat  vos, 
quia  vos  me  amastis, 
et  credidistis  quia  ego  a 
Deo  exivi.  Exivi  a  Pâtre, 


La    suite   du   saint   Evangile 
selon     saint   Jean.    Chap. 

XVI. 

EN  ce  temps-là,  Jésus  dit  à 
ses  disciples  :  En  vérité, 
en  vérité  je  vous  le  dtis  :  Si 
vous  demandez  quelque  chose 
au  Père  en  mon  nom.  il  vous 
le  donnera.  Jusqu'à  présent 
vous  n'avez  rien  demandé  en 
mon  nom  :  demandez  et  vous 
recevrez,  afin  que  votre  joie 
soit  pleine.  Je  vous  ai  dit  ces 
choses  en  paraboles  :  l'heure 
vient  où  je  ne  vous  parlerai 
plus  en  paraboles,  mais  où  je 
vous  enseignerai  ouvertement 
sur  le  Père.  En  ce  jour,  vous 
demanderez  en  mon  nom,  et 
je  ne  vous  dis  pas  que  je 
prierai  pour  vous  le  Père  ; 
car  le  Père  vous  aime  lui- 
même,  parce  que  vous  m'avez 
aimé,  et  que  vous  avez  cru 
que  je  suis  sorti  de  Dieu.  Je 
suis    sorti   du   Père    et   suis 


A  la  Messe. 


99 


venu  en  ce  monde  :  mainte- 
nant je  quitte  le  monde  et  je 
vais  au  Père.  Ses  disciples 
lui  dirent  :  Voilà  que  main- 
tenant vous  parlez  ouverte- 
ment, et  sans  dire  de  para- 
boles. A  présent  nous  savons 
que  vous  savez  toutes  choses, 
et  qu'il  n'est  pas  besoin  qu'on 
vous  interroge  :  en  cela  nous 
croyons  que  vous  êtes  sorti 
de  Dieu. 


et  veni  in  mundum  :  ite- 
rum  relinquo  mundum, 
et  vado  ad  Patrem.  Di- 
cunt  ei  discipuli  ejus  : 
Ecce  nunc  palam  loque- 
ris,  et  proverbium  nul- 
lum  dicis  :  nunc  scimus 
quia  scis  omnia,  et  non 
opus  est  tibi  ut  quis  te 
interroget  :  in  hoc  cre- 
dimus  quia  a  Dec  existi. 


I  ORSQUE  le  Sauveur,  à  la  dernière  Cène, 
L  annonçait  ainsi  à  ses  Apôtres  son  prochain 
départ,  ils  étaient  loin  encore  de  compren- 
dre tout  ce  qu'il  était.  Déjà  cependant  ils 
croyaient  «  qu'il  était  sorti  de  Dieu  ».  Mais 
cette  croyance  était  faible,  puisqu'elle  devait 
s'éteindre  sitôt.  Dans  les  jours  où  nous  som- 
mes, entourant  leur  Maître  ressuscité,  illu- 
minés par  sa  parole,  ils  savent  mieux  ce  qu'il 
est.  Le  moment  est  arrivé  «  où  il  ne  leur 
parle  plus  en  paraboles  »;  nous  avons  vu 
quels  enseignements  il  leur  donne,  comme  il 
les  prépare  à  devenir  les  docteurs  du  monde. 
C'est  maintenant  qu'ils  peuvent  lui  dire  : 
«  O  Maître,  vous  êtes  véritablement  sorti  de 
Dieu  ».  Mais  par  là  même  ils  com.prennent 
davantage  la  perte  dont  ils  sont  menacés;  ils 
ont  l'idée  du  vide  immense  que  son  absence 
leur  fera  sentir. 

Jésus  commence  à  recueillir  le  fruit  que  sa 
divine  bonté  a  semé  en  eux,  et  qu'il  a  at- 
tendu avec  une  si  ineffable  patience.  Si  , 
lorsqu'ils  étaient  autour  de  lui  à  la  table  de 
la  Cène,  il  les  félicitait  déjà  sur  leur  foi; 
maintenant  qu'ils  l'ont  vu  ressuscité,  qu'ils 


100    Le  Cinquième  Dimanche  après  Pâques. 

l'ont  entendu,  ils  méritent  bien  autrement 
ses  éloges  ;  car  ils  sont  devenus  plus  fermes 
et  plus  fidèles.  «  Le  Père  vous  aime,  leur 
disait-il  lors  de  cette  dernière  cène,  parce 
que  vous  m'avez  aimé  »  ;  combien  plus  le 
Père  doit-il  les  aimer,  maintenant  que  leur 
amour  s'est  accru  !  Que  cette  parole  nous 
donne  espérance.  Avant  la  Pâque,  nous 
aimions  faiblement  le  Sauveur,  nous  étions 
chancelants  à  son  service;  maintenant  que 
nous  avons  été  instruits  par  lui,  nourris  de 
ses  mystères,  nous  pouvons  espérer  que  le 
Père  nous  aimera;  car  nous  aimons  davan- 
tage, nous  aimons  mieux  son  Fils.  Ce  divin 
Rédempteur  nous  invite  à  demander  au 
Père  en  son  nom  tous  nos  besoins.  Le  pre- 
mier de  tous  est  la  persévérance  dans  l'esprit 
de  la  Pàque  ;  insistons  pour  l'obtenir,  et 
offrons  à  cette  intention  la  divine  Victime 
qui  dans  peu  d'instants  sera  présentée  sur 
l'autel. 

L'Offertoire  est  emprunté  des  Psaumes  ; 
c'est  un  chant  d'actions  de  grâces  que  le 
fidèle,  uni  à  Jésus  ressuscité,  oflre  à  Dieu 
qui  a  daigné  l'établir  dans  la  vie  nouvelle, 
en  lui  faisant  part  de  ses  miséricordes  les  plus 
choisies. 

OFFERTOIRE. 


BENEDICITE,  g  e  n  t  e  S, 
Dominutn  Dcum  nos- 
trum,  et  obnudite  vocera 
laiidis  ejus  :  qui  posuit 
animam  mcani  ad  vitam. 
et  non  dédit  commoveri 
pedes  mcos.    Benedictire 


PEUPLES,  bénissez  le  Sei- 
gneur notre  Dieu,  et  fai- 
tes entendre  ses  louanges.  11 
a  donné  la  vie  à  mon  àme, 
il  n'a  pas  permis  que  mes 
pieds  fussent  ébranles.  Béni 
soit  le   Seigneur  qui   n'a   pas 


A  la  Messe. 


I  01 


rejeté  ma  prière,  ni  retiré  de 
moi  sa  miséricorde,  alléluia. 


Dominus,  qui  non  amo- 
vit  deprecationem  meam, 
et  misericordiam  suam 
a  me,  alléluia. 

Dans  la  Secrète,  l'Eglise  demande  pour 
nous  l'entrée  dans  la  gloire  céleste,  dont  la 
Pâque  terrestre  est  l'introduction.  Tous  les 
mystères  divinement  opérés  ici-bas  ont 
pour  but  de  nous  sanctifier,  afin  que  nous 
devenions  mûrs  pour  la  vision  et  la  posses- 
sion éternelle  de  Dieu  ;  c'est  ce  que  l'Eglise, 
instruite  par  les  divines  Ecritures,  appelle  la 
gloire. 

SECRÈTE. 


RECEVEZ,  SeigacLir  ,  les 
prières  des  fidèles,  avec 
ces  hosties  qui  vous  sont 
offertes  ;  et  en  retour  de  l'ac- 
complissement de  ce  devoir 
de  notre  religion,  faites-nous 
parvenir  à  la  gloire  céleste. 
Par  Jésus-Christ. 


SUSCIPE,  Domine,  fide- 
lium  preces  cum  obla- 
tionibus  hostiarum  :  ut 
per  hsec  piœ  devotionis 
officia,  ad  cœlestem  glo- 
riam  trauseamus.  Per 
Dominum. 


De  la  très  sainte  Vierge. 


DAIGNEZ,  Seigneur ,  nous 
être  propice,  et  par  l'in- 
tercession de  la  bienheureuse 
Marie  toujours  Vierge,  faire 
que  cette  oblation  nous  pro- 
cure la  prospérité  et  la  paix, 
en  ces  jours  et  à  jamais. 


T'  UA,  Domine,  propitia- 
tione,  et  beatœ  Ma- 
riœ  semper  Virginis  in- 
tercessione,  ad  perpe- 
tuam  atque  prsesentem 
hajc  oblatio  nobis  profi- 
ciat  prosperitatem  et 
pacem. 


Contre  les  persécuteurs  de  V Eglise. 


PROTÉGEZ-NOUS,  Seigneur, 
nous  qui  célébrons  vos 
Mystères,  afin  que  nous  atta- 
chant aux  choses  divines, nous 


PROTEGE  nos,  Domine, 
tuis  mysteriis  ser- 
vientes  :  ut  divinis  rébus 
inhaerentes,    et     corpore 


102     Le  Cinquième  Dimanche  après  Pâques. 


tibi  famulemur  et  mente. 
Per  ûominum. 


Fout 

OBLATIS ,  quaesumus 
Domine  ,  placare 
muneribus  :  et  famulum 
tuum  N.,  quem  Pastorem 
Ecclesiae  tua»  praeesse 
voluisti,  assidua  protec- 
tione  guberna.  Per  Do- 
minum. 


vous  servions  dans  le  corps 
et  dans  l'âme.  Par  Jésus- 
Christ. 

le  Pape. 

LAISSEZ-VOUS  fléchir,  Sei- 
■  gneur,  par  l'offrande  de 
ces  dons,  et  daignez  gouver- 
ner par  votre  continuelle 
protection  votre  serviteur  N. 
que  vous  avez  voulu  établir 
Pasteur  de  votre  Eglise.  Par 
Jésus-Christ. 


L'Antienne  de  la  Communion  est  un  chant 
de  jubilation  qui  exprime  l'allégresse  conti- 
nue de  la  Pâque,  et  dont  les  accents  sont  em- 
pruntés au  Roi-Prophète. 


COMMUNION. 


CANTATE  Domino,  al- 
léluia :  cantate  Do- 
mino, et  benedicite  No- 
men  ejus  :  bene  nuntiate 
de  die  in  diem  salutare 
ejus,  alléluia,  alléluia. 


CHANTEZ  au  Seigneur,  al- 
léluia ;  chantez  au  Sei- 
gneur et  bénissez  son  Nom  ; 
célébrez  chaque  jour  le  salut 
qu'il  nous  donne,  alléluia,  al- 
léluia. 


La  sainte  Eglise  nous  suggère  dans  la  Post- 
communion la  formule  de"  nos  demandes  à 
Dieu.  Il  nous  faut  désirer  le  bien  ;  deman- 
dons ce  désir,  et  continuons  notre  prière  jus- 
qu'à ce  que  le  bien  lui-même  nous  arrive.  La 
grâce  descendra  alors,  et  ce  sera  à  nous  de  ne 
la  pas  négliger. 

POSTCOMMUNION. 


TRIBUE  nobis.  Domine, 
cœlestis  mensae  vir- 


|N 


oi'S     sommes      rassasies, 
Seigneur,   par   la   puis- 


A  la  Messe. 


io3 


santé  nourriture  de  la  table 
céleste  ;  donnez-nous  de  dési- 
rer ce  qui  est  bien,  et  d'obte- 
nir ce  que  nous  désirons.  Par 
Jésus-Christ. 


tute  satiatis,  et  deside- 
rare  qu.-e  recta  sunt  et 
desiderata  percipere.  Per 
Dominum. 


De  la  très  sainte  Vierge. 


^ous  venons,  Seigneur,  de 
*  '  recevoir  le  puissant  se- 
cours du  salut;  daignez  faire 
que  nous  soyons  en  tous 
lieux  couverts  de  la  protec- 
tion de  la  bienheureuse  Marie 
toujours  Vierge,  en  l'honneur 
de  laquelle  nous  avons  offert 
ce  Sacrifice   à  votre  Majesté. 


SUMl 
tis 


UMPTis,  Domine,  salu- 
nostras  subsidiis, 
da  quœsumus,  beatae  Ma- 
riœ  sempcr  Virginis  pa- 
trociniis  nos  ubique  pro- 
tegi,  in  cujus  venera- 
tione  ha;c  tuce  obtulimus 
majestati. 


Contre  les  persécuteurs  de  VEglise. 


Nous  vous  supplions,  Sei- 
gneur notre  Dieu,  de  ne 
pas  laisser  exposés  aux  périls 
de  la  part  des  hommes  ceux 
à  qui  vous  accordez  de  parti- 
ciper aux  Mystères  divins. 
Par  Jésus-Christ. 


Qu.EsuMUS  ,  Domine 
Deus  noster,  ut  quos 
divina  tribuis  participa- 
tione  gaudere,  humanis 
non  sinas  subjacere  pe- 
riculis.  Per  Dominum. 


Pour  le  Pape. 


OUE  la  réception  de  ce  di- 
vin Sacrement  nous  pro- 
tège, Seigneur;  qu'elle  sauve 
aussi  et  fortifie  à  jamais, 
avec  le  troupeau  qui  lui  est 
confié,  votre  serviteur  A'^. 
que  vous  avez  établi  Pasteur 
de  votre  Eglise.  Par  Jésus- 
Christ. 


H.EC  nos,  qusesumus 
Domine,  divini  Sa- 
cramenti  perceptio 
protegat  :  et  famulum 
tuum  AT.,  quem  Pastorem 
Ecclesiœ  tuaeprceesse  vo- 
luisti,  una  cum  commis- 
so  sibi  grege,  salvet  sem- 
per  et  muniat.  Per  Do- 
minum. 


104 


Le  Temps  Pascal. 


A  VEPRES. 
ANTIENNE  DE  Magnificat. 


PETITE  et  accipietis,  ut 
gaudium  vestrum  sit 
plénum  :  ipse  enim  Pa- 
ter amat  vos,  quia  vos 
me  amastis,  et  credidis- 
tis,  alléluia. 


DEMANDEZ  et  vous  rece- 
vrez, afin  que  votre  joie 
soit  complète  ;  car  mon  Père 
lui-même  vous  aime,  parce 
que  vous  m'avez  aimé,  et 
que  vous  avez  cru  en  moi, 
alléluia. 


DEUS,  a  quo  bona  cun- 
cta  procedunt,  lar- 
gire  supplicibus  tuis  :  ut 
cogitemus,  te  inspirante, 
qua»  recta  sunt.  et,  te  gu- 
bernante,  eadem  facia- 
mui.  Per  Dominum. 


ODiEU,  vous  de  qui  pro- 
cèdent tous  les  biens, 
accordez  à  nos  humbles  priè- 
res que.  par  votre  inspira- 
tion, nos  pensées  se  portent 
à  ce  qui  est  bien,  et  daignez 
nous  accorder  votre  conduite 
pour  l'accomplir.  Par  Jésus- 
Christ. 


V  ;  ous  terminons  la  journée  par  cette  grave 
^^  exhortation  que  l'Eglise  gothique  d'Es- 
paî:^ne  adressait  aux  fidèles  au  milieu  même 
des  joies  pascales,  afin. de  les  avertir  des  pré- 
cautions qui  leur  étaient  nécessaires  pour 
conserver  en  eux  la  vie  nouvelle  qu'ils  avaient 
reçue. 

MISSA. 


[Feria   V  post  Pascha.) 

ABEANT,    dilectissimi  1  Qachons,  frères  bien-aimés, 
fratres,  vota   caute- |  »^  unir  nos  transports  avec  la 


H 


Le  Cinquième  Dimanche  après  Pâques.     io5 


réserve,  nos  fêtes  avec  la  vi- 
gilance, nos  joies  avec  la 
règle.  Il  est  juste  que  nous 
soyons  dans  l'allégresse , 
puisque  nous  sommes  ressus- 
cites ;  mais  il  nous  faut  crain- 
dre aussi,  de  peur  qu'il  ne 
nous  arrive  de  tomber.  Entre 
la  vie  nouvelle  et  la  mort  qui 
l'a  précédée,  connaissons 
bien  celle  des  deux  à  laquelle 
nous  avons  échappé,  et  choi- 
sissons celle  que  nous  devons 
aimer.  Ce  n'est  pas  erreur, 
c'est  mépris,  de  pécher  quand 
on  est  averti.  Une  peine  plus 
sévère  attend  après  la  réci- 
dive celui  qui  fut  d'abord 
gracié  ;  et  ce  serait  une  chose 
indigne  si  celui  que  l'on  a 
racheté  allait  de  nouveau 
retomber  dans  les  fers.  Ou- 
tre la  bonté,  Dieu  possède  la 
puissance  ;  cette  puissance 
est  de  nature  à  nous  faire 
trembler,  et  la  crainte  qu'elle 
inspire  vient  de  ce  qu'elle  est 
vengeresse.  Si  Dieu  s'est 
montré  si  miséricordieux  en- 
vers l'homme,  c'est  que  sa 
colère  s'était  déchargée  d'a- 
bord contre  le  démon.  Une 
grâce  toute  gratuite  nous  a 
rendu  nos  forces  :  n'allons 
pas  retomber  par  le  péché 
dans  notre  première  maladie. 
C'est  dans  le  but  de  nous  voir 
corrigés  que  Dieu  nous  a 
octroyé  le  pardon,  et  son  in- 
dulgence demeurera  sur  nous, 
si  nos  offenses  ne  se  renou- 
vellent pas.  En  nous  remet- 


lam,  festa  diligentiam, 
gaudia  disciplinam.  Ex- 
sultare  decet  quod  resur- 
rexerimus  :  sed  timere 
convenit  ne  cadamus.  In- 
ter  novam  vitam  veterem- 
que  mortem  oportet  scire 
quid  evasimus,  oportet 
eligere  quid  amemus 
Non  enim  error,  sed  con- 
temptus  est  peccare  com- 
monitum.  Major  post  ve- 
niam  pœna  sequitur  con- 
tumaces :  gravius  est 
captivos  fieri  jam  re- 
demptos.  Habet  ista  pie- 
tas  potestatem,  habet  po- 
testas  ista  terrorem,  ha- 
bet terror  iste  vindictam. 
Non  enim  fuisset  plus  in 
hominc,  nisi  prius  iratus 
fuisset  in  dœmone.  Con- 
forlamur  gratia  doni,  si 
non  corrumpamur  lege 
peccati.  Ratio  parcen- 
di  est  prœvisio  corri- 
gendi.  Non  mutamur  in- 
dulgentia,  si  non  reno- 
vetur  offensa.  Qui  nobis 
quod  peccavimus  indui- 
sit, et  ne  ultra  peccare- 
mus  admonuit.  Profuit 
clementia.  si  profecit  di- 
sciplina. Jam  quidem  ho- 
minem  gratia  adoptavit, 
sed  necdum  dasmonem 
gehenna  suscepit.  Vio- 
ientia  peccatum  perdidit, 
non  naturam.  Dimicandi 
est  facultas,  non  secu- 
ritas  otiandi.  Spoliatus 
est  adversarius,   non  ex- 


io6 


Le  Temps  Tascal. 


stinclus.  Gravius  necesse 
est  ut  frendeat  in  amis- 
sis,  quibus  praeerat  do- 
minando  subjectis.  Acce- 
pimus  castra  per  fidcm, 
arma  per  crucem.  signa 
per  carnem,  vexiila  per 
sanguinem  :  restât  causa 
certaminis.  Qui  enim 
auferre  necessitatem  no- 
luit  pugnas,  spem  voluit 
probare  victoriae.  Prîe- 
cessit  quidem  in  adop- 
tione  donum,  sed  adhuc 
restât  in  conversationc 
judicium.  Hic  promissio 
est  de  munere,  illic  vi- 
cissitude futura  est  post 
laborem.  Sit  itaqiie  ille 
ante  oculos  nostros  Do- 
mini  miserantis  affectu>, 
quod  in  taxatione  nostia 
non  aro;enti  pondus,  non 
auri  talentum  dédit,  non 
gratiarum  fudit  ornatum, 
sed  convitio  subdidît  se 
patibuli,  sepulcro  susti 
nens  carneam  injuriam, 
sepulturani.  Nihil  majus 
potuit  dare,  nihil  melius. 
Ut  utique  sit  probandum 
quod  diligentius  nos  sibi 
servire  voluit,  qui  pre- 
tiosiusnos  rcdemit.Ergo 
ut  in  nobis  redemptionis 
suas  bénéficia  dignetur 
perficere,  constanter  nos 
convenit  ac  perseveran- 
ter  orare. 


tant  nos  péchés,  il  nous  a 
avertis  de  ne  pécher  plus.  Sa 
clémence  a  été  pour  nous  un 
bien,  si  la  pénitence  nous  a 
changés.  La  grâce  divine  a 
daigné  adopter  un  pécheur  ; 
mais  l'enfer  n'a  pas  encore 
reçu  le  démon,  et  ne  s'est  pas 
refermé  sur  lui.  On  lui  a 
arraché  violemment  le  pé- 
cheur ;  mais  la  nature  qui 
produit  le  péché  est  restée. 
L'arène  du  combat  est  ou- 
verte, et  le  repos  n'aurait 
aucune  sûreté.  L'adversaire 
a  été  dépouillé,  mais  non  tué; 
sa  rage  doit  être  au  comble 
d'avoir  perdu  les  sujets  qu'il 
dominait  avec  tant  d'empire. 
La  foi  est  devenue  pour  nous 
un  camp,  la  croix  une  arme, 
la  chair  et  le  sang  du  Christ 
un  étendard  ;  reste  à  attendre 
le  moment  de  la  bataille.  Ce- 
lui qui  a  voulu  nous  assujettir 
au  combat  comme  à  une  né- 
cessité, approuve  en  nous 
l'espoir  de  la  victoire.  Il  a 
commencé  par  nous  octroyer 
le  don  de  l'adoption;  le  juge- 
ment lui  reste  à  porter  sur 
notre  vie.  Maintenant  il  nous 
promet  ses  bienfaits  :  après 
l'heure  du  travail  viendra  le 
moment  critique.  Ayons  donc 
devant  les  yeux  le  bienfait 
du  Seigneur  plein  de  miséri- 
corde qui,   lorsqu'il    s'est  agi 


de  notre  rançon,  n  a  pas  verse 
un  poids  d'argent,  un  talent  d'or,  ne  s'est  pas  borné  à 
répandre  ses  grâces,  mais  s'est  soumis  à  un  infâme  gi 
bet,  acceptant  jusqu'à  la  plus  sanglante   insulte  dans  sa 


Le  Cinquième  Dimanche  après  Pâques.     loy 

chair,  l'insulte  du  tombeau.  Certes,  il  ne  pouvait  rien 
faire  de  plus  grand  que  ce  qu'il  a  fait  pour  nous,  rien 
de  plus  avantageux  ;  mais  il  a  du  exiger  que  notre  ser- 
vice envers  lui  fût  d'autant  plus  soigneux,  qu'il  a  dai- 
gné nous  rachètera  un  plus  grand  prix.  Afin  donc  qu'il 
daigne  achever  en  nous  les  bienfaits  de  sa  rédemption, 
attachons-nous  avec  constance  et  persévérance  à  la 
prière. 


E   LUNDI  DES  ROGATIONS. 


ujourd'hui  commence  une  série  de 
trois  jours  consacrés  à  la  péni- 
tence. Cet  incident  inattendu  paraît 
au  premier  abord  une  sorte  d'ano- 
malie dans  le  Temps  pascal  ;  et  néanmoins, 
quand  on  y  réfléchit,  on  arrive  à  reconnaître 
que  cette  institution  n'est  pas  sans  une  rela- 
tion intime  avec  les  jours  auxquels  elle  se 
rapporte.  11  est  vrai  que  le  Sauveur  disait 
avant  sa  Passion  que  ((  durant  le  séjour  de 
l'Epoux  au  milieu  de  nous,  il  ne  serait  pas 
temps  de  jeûner  i  ;  u  mais  ces  dernières  heures 
qui  précèdent  son  départ  pour  le  ciel  n'ont- 
elles  pas  quelque  chose  de  mélancolique  }  et 
n'étions-nous  pas  portés  tout  naturellement 
hier  à  penser  à  la  tristesse  résignée  et  con- 
tenue qui  oppresse  le  cœur  de  la  divine 
Mère  et  celui  des  disciples,  à  la  veille  de 
perdre  celui  dont  la  présence  était  pour  eux 
i'avant-goût  des  joies  célestes? 

Il  noiis  faut  maintenant  raconter  comment 
et  à  quelle  occasion  le  Cycle  liturgique  s'est 
complété,  dans  cette  saison,  par  l'introduc- 
tion de  ces  trois  jours  durant  lesquels  la 
sainte  Eglise,  toute  radieuse  qu'elle  était  des 
splendeurs  de  la  Résurrection,  semble  vouloir 
tout  à  coup  rétrograder  jusqu'au  deuil  qua- 

I .  Luc.  V,  34. 


Le  Lundi  des  Rogations.  log 

dragésimal.  L'Esprit-Saint,  qui  la  dirige  en 
toutes  choses,  a  voulu  qu'une  simple  Église 
des  Gaules,  un  peu  après  le  milieu  du  v"  siècle, 
vît  commencer  dans  son  sein  ce  rite  impo- 
sant qui  s'étendit  rapidement  à  toute  la 
catholicité,  dont  il  fut  reçu  comme  un  com- 
plément de  la  liturgie  pascale. 

L'Eglise  devienne,  l'une  des  plus  illustres 
et  des  plus  anciennes  de  la  Gaule  méridio- 
nale, avait  alors  saint  Mamert  pour  évoque. 
Des  calamités  de  tout  genre  étaient  venues 
désoler  cette  province  récemment  conquise 
par  les  Burgundes.  Des  tremblements  de 
terre,  des  incendies,  des  phénomènes  ef- 
frayants agitaient  les  populations,  comme 
autant  de  signes  de  la  colère  divine.  Le  saint 
évêque  désirant  relever  le  courage  de  son 
peuple,  en  le  portant  à  s'adresser  à  Dieu 
dont  la  justice  avait  besoin  d'être  apaisée, 
prescrivit  trois  jours  d'expiation  durant  les- 
quels les  fidèles  se  livreraient  aux  œuvres  de 
la  pénitence,  et  marcheraient  en  procession 
en  chantant  des  psaumes.  Les  trois  jours  qui 
précèdent  l'Ascension  furent  choisis  pour 
l'accomplissement  de  cette  pieuse  résolution. 
Sans  s'en  douter,  le  saint  évêque  de  Vienne 
jetait  ainsi  les  fondements  d'une  institution 
que  l'Eglise  entière  allait  adopter. 

Les  Gaules  commencèrent ,  comme  il 
était  juste.  Saint  Alcime  Avit,  qui  succéda 
presque  immédiatement  à  saint  Mamert  sur 
le  siège  de  Vienne,  atteste  que  la  pratique  des 
Rogations  était  déjà  consolidée  dans  cette 
Eglise  ^  Saint  Césaire  d'Arles,  au  commen- 

1.  Homil.  de  Rogationibi: 


Le  7  emps  Pascal. 


cernent  du  vi^  siècle,  en  parle  comme  d'une 
coutume  sacrée  déjà  répandue  au  loin,  dési- 
gnant au  moins  par  ces  paroles  toute  la  por- 
tion des  Gaules  qui  se  trouvait  alors  sous  le 
joug  des  \isigoths  '.  On  voit  clairement  que 
la  Gaule  tout  entière  ne  tarda  pas  d'adopter 
ce  pieux  usage,  en  lisant  les  canons  portés  à 
ce  sujet  dans  le  premier  concile  d'Orléans 
tenu  en  5i  i,  et  réuni  de  toutes  les  provinces 
qui  reconnaissaient  l'autorité  de  Clovis.  Les 
règlements  du  concile  au  sujet  des  Rogations 
donnent  une  haute  idée  de  l'importance  que 
l'on  attachait  déjà  à  cette  institution.  Non 
seulement  l'abstinence  de  chair  est  prescrite 
pendant  les  trois  jours,  mais  le  jeûne  est  de 
précepte.  On  ordonne  également  de  dispenser 
de  leur  travail  les  gens  de  service,  atîn  qu'ils 
puissent  prendre  part  aux  longues  fonctions 
par  lesquelles  ces  trois  jours  étaient  pour 
ainsi  dire  remplis  2.  En  367,  le  concile  de 
Tours  sanctionnait  pareillement  l'obligation 
du  jeûne  dans  les  Rogations  3  ;  et  quant  à 
l'obligation  de  férier  durant  ces  trois  jours, 
on  la  trouve  reconnue  encore  dans  les  Capi- 
tulaires  de  Charlemagne  et  de  Charles  le 
Chauve. 

Le  principal  rite  des  Eglises  des  Gaules 
durant  ces  trois  jours  consista,  dès  l'origine, 
dans  ces  marches  solennelles  accompagnées 
de  cantiques  de  supplication,  et  que  Ton  a 
appelées  Processions,  parce  que  l'on  se  rend 
d'un  lieu  dans  un  autre.  Saint  Césaire  d'Arles 
nous.apprend  que  celles  qui  avaient  lieu  dans 

I.  Serm.  CLXXii,  parmi  les  Sermons  de  saint  Augus- 
tin. —  2.  Canon  xxvn.  —  3.  Canon  ,\vn. 


Le  Lundi  aes  Rogations. 


les  Rogations  duraient  six  heures  entières; 
en  sorte  que  le  clergé  se  sentant  fatigué  par 
la  longueur  des  chants,  les  femmes  chantaient 
en  chœur  à  leur  tour,  afin  de  laisser  aux  mi- 
nistres de  l'Eglise  le  temps  de  respirer  i.  Ce 
détail  emprunté  aux  mœurs  des  Eglises  des 
Gaules  à  cette  époque  primitive,  peut  nous 
aider  à  apprécier  l'indiscrétion  de  ceux  qui, 
en  nos  temps  modernes,  ont  poussé  à  l'abo- 
lition de  certaines  processions  qui  prenaient 
une  partie  notable  de  la  journée,  et  cela  dans 
l'idée  que  cette  longueur  devait  être  en 
elle-même  considérée  comme  un  abus. 

Le  départ  de  la  Procession  des  Rogations 
était  précédé  de  l'imposition  des  cendres  sur 
la  tète  de  ceux  qui  allaient  y  prendre  part,  et 
c'était  le  peuple  tout  entier.  L'aspersion  de 
l'eau  bénite  avait  lieu  ensuite  ;  après  quoi  le 
pieux  cortège  se  mettait  en  marche.  La  Pro- 
cession était  formée  du  clergé  et  du  peuple  de 
plusieurs  églises  d'un  rang  secondaire,  qui 
marchaient  sous  la  croix  d'une  église  princi- 
pale dont  le  clergé  présidait  la  fonction.  Tout 
le  monde,  clercs  et  laïques,  marchait  nu- 
pieds.  On  chantait  la  Litanie,  des  Psaumes, 
des  Antiennes,  et  l'on  se  rendait  à  quelque 
basilique  désignée  pour  la  Station,  où  l'on 
célébrait  le  saint  Sacrifice.  Sur  la  route  on 
visitait  les  églises  qui  se  rencontraient,  et 
l'oç  y  chantait  une  Antienne  à  la  louange  du 
mystère  ou  du  saint,  sous  le  titre  duquel  elles 
avaient  été  consacrées. 

Tels  étaient  à  l'origine,  et  tels  ont  été  long- 


Le  Temps  Pascal. 


temps  les  rites  observés  dans  les  Rogations. 
Le  Moine  de  Saint-Gall,  qui  nous  a  laissé  de 
si  précieux  mémoires  sur  Charlemagne,  nous 
apprend  que  le  ^rand  empereur,  en  ces 
jours,  quittait  sa  chaussure  comme  les  plus 
simples  tidcles,  et  marchait  nu-pieds  à  la  suite 
delà  croix,  depuis  son  palais  jusqu'à  l'église 
de  la  Station  i.  Au  xiir  siècle,  sainte  Elisa- 
beth de  Hongrie  donnait  encore  le  même 
exemple;  son  bonheur  était,  durant  les  Ro- 
gations, de  se  confondre  avec  les  plus  pauvres 
femmes  du  peuple,  marchant  aussi  nu-pieds, 
et  couverte  d'un  grossier  vêtement  de  laine  2. 
Saint  Charles  Borromée,  qui  renouvela  dans 
son  Eglise  de  Milan  tant  d'usages  précieux  de 
l'antiquité,  n'eut  garde  de  négliger  les  Roga- 
tions. Par  ses  soins  et  par  ses  exemples,  il 
ranima  dans  son  peuple  l'ancien  zèle  pour 
une  pratique  si  sainte.  Il  exigea  de  ses  dio- 
césains le  jeûne  pendant  ces  trois  jours,  et  il 
l'accomplissait  lui-même  au  pain  et  à  l'eau. 
La  Procession,  à  laquelle  tout  le  clergé  de  la 
ville  était  tenu  d'assister,  et  qui  commençait 

Êar  l'imposition  des  cendres ,  partait  du 
lôme  au  point  du  jour,  et  ne  rentrait  qu'à 
trois  ou  quatre  heures  après  midi  ,  ayant 
visité  le  lundi  treize  églises,  neuf  le  mardi,  et 
onze  le  mercredi.  Le  saint  Archevêque  célé- 
brait le  saint  Sacrifice  dans  une  de  ces  églises, 
et  adressait  la  parole  à  son  peuple  3,         ^ 

Si  l'on  compare  le  zèle  de  nos  pères  pour 
la  sanctification  de   ces  trois  journées   avec 


I.  De  rcbus  bellicis  Caroli  Magni  .  cap.  xvi.  — 
2.  SURIUS,  ad  diem  xix  \ovembris.  —  3.  GlUSSANO. 
Vie  de  saint  Charles  Borromée. 


Le  Lundi  des  Rogations. 


l'insouciance  qui  accompagne  aujourd'hui, 
surtout  dans  les  villes,  la  célébration  des 
Rogations,  on  ne  saurait  manquer  de  recon- 
naître ici  encore  une  des  marques  de  l'affai- 
blissement du  sens  chrétien  dans  la  société 
actuelle.  Combien  cependant  sont  impor- 
tantes les  fins  que  se  propose  la  sainte  Eglise 
dans  ces  Processions  auxquelles  devraient 
prendre  part  tant  de  fidèles  qui  ont  des  loisirs 
pieux,  et  qui,  au  lieu  de  les  consacrer  à  ser- 
vir Dieu  par  les  œuvres  de  la  vraie  piété 
catholique,  les  consument  dans  des  exer- 
cices privés  qui  ne  sauraient  ni  attirer  sur  eux 
les  mêmes  grâces,  ni  apporter  à  la  commu- 
nauté chrétienne  les  mêmes  secours  d'édifi- 
cation ! 

Les  Rogations  s'étendirent  rapidement  des 
Gaules  dans  toute  l'Eglise  d'Occident.  Elles 
étaient  déjà  établies  en  Espagne  au  vu"  siècle, 
et  elles  ne  tardèrent  pas  à  s'introduire  en 
Angleterre,  et  plus  tard  dans  les  nouvelles 
Eglises  de  la  Germanie,  à  mesure  qu'elles 
étaient  fondées.  Rome  elle-même  les  adopta 
à  la  fin  du  viii«  siècle,  sous  le  pontificat  de 
saint  Léon  III.  G  était  peu  de  temps  aprèsque 
les  Eglises  des  Gaules  ayant  renoncé  à  la 
liturgie  gallicane  pour  prendre  celle  de  Rome, 
eurent  à  admettre  dans  leurs  usages  la  Pro- 
cession de  saint  Marc.  Mais  il  y  eut  cette  dif- 
férence qu'à  Rome  on  conserva  à  la  Proces- 
sion du  25  avril  le  nom  de  Litanie  majeure, 
et  l'on  appela  Litanies  mineures  celles  des 
Rogations,  tandis  qu'en  France  on  désigna 
ces  dernières  par  l'appellation  de  Litanies 
majeures,  en  réservant  le  nom  de  mineure 
pour   la  Litanie  de  saint  Marc.  Mais  l'Eglise 


LE    TEMPS    PASCAL 


114 


Le  Temps  Fiscal. 


romaine,  sans  blâmer  la  dévotion  des  Eglises 
des  Gaules  qui  avaient  cru  devoir  intro- 
duire dans  le  Temps  pascal  trois  journées 
d'observance  quadragésimalc,  n'adopta  pas 
cette  rigueur.  Il  lui  répugnait  d'attrister  par 
le  jeûne  la  joyeuse  quarantaine  que  Jésus 
ressuscité  accorde  encore  à  ses  disciples  ;  elle 
s'est  donc  bornée  à  prescrire  l'abstinence  de 
la  viande  durant  ces  trois  jours.  L'Eglise  de 
Milan,  qui  garde  si  sévèrement,  ainsi  que 
nous  l'avons  vu,  l'institution  des  Rogations, 
l'a  placée  aux  lundi,  mardi  et  mercredi  qui 
suivent  le  dimanche  dans  l'Octave  de  l'As- 
cension, c'est-à-dire  au  delà  des  quarante 
jours  consacrés  à  célébrer  la  Résurrection. 

Il  faut  donc,  pour  être  dans  cette  véritable 
mesure  dont  l'Eglise  romaine  ne  se  départ 
jamais,  envisager  les  Rogations  comme  une 
institution  sainte  qui  vient  tempérer  nos  joies 
pascales  et  non  les  anéantir.  La  couleur 
violette  employée  à  la  Procession  et  à  la 
Messe  de  la  Station  n'a  pas  pour  but  de  nous  in- 
diquer encore  la  fuite  de  l'Epoux  '  ;  mais  elle 
nous  avertit  que  son  départ  est  proche  ;  et 
l'abstinence  qui  nous  est  imposée  ,  bien 
qu'elle  ne  soit  pas  accompagnée  du  jeûne, 
est  déjà  comme  un  témoignage  anticipé  de 
nos  regrets  pour  cette  chère  présence  de  notre 
Rédempteur  qui  va  nous  être  sitôt  ravi. 

En  écrivant  ces  lignes  destinées  à  expli- 
quer aux  fidèles  les  motifs  d'une  institution 
que  l'Eglise  a  sanctionnée  par  ses  ordon- 
nances, \\  nous  vient  en  mémoire  que,  dans 
ces  dernières  années,  l'abaissement  des  mœurs 


I.  Gant.  fin. 


Le  Lundi  des  Rogations.  1 15 

chrétiennes  est  venu  à  tel  point  parmi  nous, 
que  plusieurs  Eviiques  ont  cru  devoir  solli- 
citer du  Siège  apostolique  la  remise  de  l'ab- 
stinence en  ces  trois  jours,  après  tant  de 
siècles,  et  dans  cette  même  France  qui,  par 
son  exemple,  avait  impose  à  toute  la  chré- 
tienté la  solennité  des  Rogations.  C'est  donc 
une  expiation  de  moins,  une  intercession  de 
moins,  un  secours  de  moins,  en  un  siècle 
déjà  si  appauvri  des  moyens  par  lesquels  la 
vie  chrétienne  se  conserve,  par  lesquels  le 
ciel  est  fléchi,  les  grâces  de  salut  obtenues. 
Puissent  les  vrais  "fidèles  en  conclure  que 
l'assistance  aux  Processions  de  ces  trois  )ours 
est  devenue  plus  opportune  que  jamais,  et 
qu'il  est  urgent  de  compenser,  en  s'unissant  à 
la  prière  fiturgique,  l'abolition  d'une  loi  sa- 
lutaire qui  datait  de  si  loin,  et  qui,  dans  ses 
exigences,  pesait  si  légèrement  sur  notre 
mollesse  ! 

Selon  la  discipline  actuelle  de  l'Eglise,  les 
Processions  des  Rogations,  dont  l'intention 
est  d'implorer  la  miséricorde  de  Dieu  offensé 
par  les  péchés  des  hommes,  et  d'obtenir  la 
protection  céleste  sur  les  biens  de  la  terre, 
sont  accompagnées  du  chant  des  Litanies  des 
Saints,  et  complétées  par  une  Messe  spéciale 
qui  se  célèbre  soit  dans  l'église  de  la  Station, 
soit  dans  l'église  même  d'où  la  Procession 
est  partie,  si  elle  ne  doit  pas  s'arrêter  dans 
quelque  sanctuaire. 

On  ne  saurait  trop  estimer  les  Litanies  des 
Saints,  à  cause  de  leur  puissance  et  de  leur 
efiicacité.  L'Eglise  y  a  recours  dans  toutes 
les  grandes  occasions,  comme  à  un  moyen  de 
se  rendre  Dieu  propice,  en  faisant  un  appel  à 


ii6 


Le  Lundi  des  Rogations. 


la  cour  céleste  tout  entière.  Si  l'on  ne  pou- 
vait prendre  part  aux  Processions  des  Roga- 
tions, que  l'on  récite  du  moins  ces  Litanies 
en  union  avec  la  sainte  Eglise  :  on  aura  part 
aux  avantages  d'une  si  sainte  institution,  et 
on  contribuera  à  obtenir  les  grâces  que  la 
chrétienté  sollicite  de  toutes  parts  en  ces 
trois  )ours  ;  entin  on  aura  fait  acte  de  ca- 
tholique. 

Nous  insérons  ici  la  Messe  des  Rogations, 
qui  est  la.  même  pour  les  trois  jours.  Tout  y 
parle  de  la  nécessité  et  de  la  puissance  de  la 
prière.  La  sainte  Eglise  y  revêt  la  couleur 
quadragésimale  pour  exprimer  ses  intentions 
expiatrices;  mais  tout  en  elle  respire  la  con- 
tîance  et  l'espoir  d'être  exaucée  ;  on  sent 
qu'elle  s'appuie  sur  l'amour  de  son  Epoux 
ressuscité. 


LA  MESSE  DES  ROGATIONS. 

I  'Introït  tiré  des  Psaumes  annonce  d'avance 
^  la  miséricorde  du  Seigneur,  qui  a  exaucé 
la  prière  de  son  peuple,  tout  aussitôt  qu'elle 
est  montée  vers  lui. 


EXAUDiviT  de  templo 
sancto  suo  vocem 
meam,  alléluia  :  et  cla- 
mor  meus  in  conspectu 
ejus  introivit  in  aures 
cjus,  alléluia,  alléluia. 

Ps.  Diligam  te,  Domi- 
ne, viriusmea  .  Dominus 
firmamentum     meum    et 


D 


E  son  temple  saint,  le  Sei- 
gneur a  exaucé  ma  prière, 
alléluia  ;  et  le  cri  que  j'ai 
poussé  en  sa  présence  a  péné- 
tré jusqu'à  ses  oreilles,  allé- 
luia, alléluia. 

Ps.  Je  vous  aimerai,  Sei- 
gneur qui  'èies  ma  force  ;  le 
Seigneur  est  mon  appui,  mon 


La  Messe  des  Rogations. 


ïiy 


refuge  et  mon  libérateur. 
Gloire  au  Père.  De  son  tem- 
ple. 


refuglum  meum,  et  libe- 
rator  meus.  Gloria  Patri. 
Exaudivit. 


Dans  la  Collecte,  l'Eglise  expose  à  Dieu  les 
besoins  de  ses  enfants,  le  priant  de  recon- 
naître la  confiance  avec  laquelle  ils  recourent 
à  lui,  et  implorant  pour  eux  sa  protection 
dans  leurs  nécessités. 


FUTES,  s'il  vous  plaît,  ô 
Dieu  tout-puissant,  que 
nous  qui,  dans  nos  afflictions, 
mettons  notre  confiance  en 
votre  bonté,  nous  soyons  for- 
tifiés par  votre  protection 
contre  toute  adversité.  Par 
Jésus-Christ  notre  Seigneur. 
Amen. 


Pr^sta.  quassumus 
omnipotens  Deus,  ut, 
qui  in  afflictione  nostra 
de  tua  pietate  confidimus, 
contra  adversa  omnia, 
tua  semper  protectione 
muniamur.Per  Dominum 
nostrum  Jesum  Chris- 
tum.    Amen. 


On  ajoute  les  autres  Collectes,  comme  à  la 
Messe  du  cinquième  Dimanche  après  Pâques, 
ci-dessus,  page  94 . 


Lecture  de   l'Epître  de  saint     LectioEpistolae  beati  Ja- 
Jacques,  Apôtre.  Ch.\p.  v.         cobi  Apostoli.  Cap.  v. 

MES  bien-aîmés,  confessez 
vos  fautes  les  uns  aux 
autres,  et  priez  les  uns  pour 
les  autres,  afin  que  vous  soyez 
sauvés  ;  car  la  prière  persé- 
vérante du  juste  peut  beau- 
coup. Elie  était  un  homme 
semblable  à  nous,  sujet  à  la 
souffrance  ;  cependant,  quand 
il  eut  prié  avec  instance  pour 
obtenir  que  la  pluie  cessât  de 


CHARISSI.MI,  Confite- 
mini  alterutrum  pec- 
cata  vestra,  et  orate  pro 
invicem  ut  salvemini  • 
multum  enijn  valet  de- 
precatio  justi  assidua. 
Elias  homo  erat  similis 
nobis,  passibilis  :  et  ora- 
tione  oravit  ut  non  plue- 
ret  super  terram,  et  non 
pluit  aunos  très,  et  men- 


ses  sex.  Et  rursum  ora- 
vit  :  et  ccelum  dédit  plu- 
viam,  et  terra  dédit  fruc- 
tum  suum.  Fratres  mei, 
si  quis  ex  vobis  errave- 
rit  a  veritnte,  et  conver- 
terit  quis  eum  :  scire  dé- 
bet quoniam  qui  converti 
fecerit  peccatorem  ab 
errore  viœ  suœ,  salvabit 
animam  ejus  a  morte,  et 
operiet  multitudinem  pcc- 
catorum. 


tomber  sur  la  terre,  il  n'y  eut 
pas  de  pluie  durant  trois  ans 
et  six  mois  ;  puis  il  pria  de 
nouveau,  et  le  ciel  donna  de 
la  pluie,  et  la  terre  produisit 
son  fruit.  Mes  frères,  si  l'un 
de  vous  s'écarte  de  la  vérité, 
et  que  quelqu'un  l'y  fasse 
rentrer,  il  doit  savoir  que 
celui  qui  aura  fait  sortir  un 
pécheur  de  l'erreur  de  sa  voie, 
sauvera  de  la  mort  son  âme  à 
soi,  et  couvrira  la  multitude 
de  ses  péchés. 

C'est  encore  à  l'Apôtre  saint  Jacques  le 
Mineur  que  la  sainte  Eglise  emprunte 
l'Epître  aujourd'hui  ;  et  l'on  ne  saurait  trop 
admirer  l'à-propos  que  présentent  les  paroles 
de  l'écrivain  inspiré.  L'une  des  fins  de  l'insti- 
tution des  Rogations  est  d'obtenir  de  la  bonté 
de  Dieu  la  température  convenable  pour  les 
fruits  de  la  terre,  et  saint  Jacques  nous 
montre,  par  l'exemple  d'Elie,  que  la  prière 
peut  rendre  le  ciel  serein,  ou  en  faire  des- 
cendre une  pluie  fécondante.  Imitons  la  foi 
du  prophète,  et  recommandons  au  Seigneur 
les  moissons,  qui  ont  tant  besoin  encore  de 
sa  bonté  pour  arriver  à  leur  maturité,  et 
pour  échapper  aux  fléaux  qui  pourraient 
fondre  sur  elles.  Un  autre  but  des  Rogations 
est  d'obtenir  la  rémission  des  péchés.  Si  nous 
prions  avec  ferveur  pour  nos  frères  qui  sont 
égarés,  nous  obtiendrons  en  leur  faveur  des 
miséricordes  particulières.  Nous  ne  connaî- 
trons peut-ctre  pas  en  ce  monde  ceux  que 
notre  prière,  unie  à  celle  de  la  sainte  Eglise, 
aura    retirés    de   la   voie    du    péché  ;    mais 


La  Messe  des  Rogations. 


^'9 


l'Apôtre  nous  apprend  que  notre  charité 
recevra  la  plus  précieuse  récompense,  l'ef- 
fusion de  la  miséricorde  de  Dieu  sur  nous- 
mêmes. 

Pour  exprimer  le  deuil  et  la  componction 
dans  cette  Messe  des  Rogations,  l'Eglise,  qui 
a  revêtu  la  couleur  violette,  arrête  la  jubila- 
tion de  ses  cantiques  ;  elle  ne  se  permet 
qu'un  seul  Verset  alléluiatique,  lequel  d'ail- 
leurs   continue    d'exprimer    ses    espérances' 


f.  Louez  le  Seigneur,  parce 
qu'il  est  bon,  parce  que  sa 
miséricorde  est  à  jamais. 


A 


j^.  Confitemini  Domi- 
no, quoniam  bonus  :  quo- 
niam  in  sœculum  miseri- 
cordia  ejus. 


La  suite   du    saint  Evangile 
selon  saint  Luc.   Chap.  xi. 


EN  ce  temps-là,  Jésus  dit  à 
ses  disciples  :  Si  l'un  de 
vous  a  un  ami,  et  que,  l'al- 
lant trouver  au  milieu  de  la 
nuit,  il  lui  dise  :  Mon  ami, 
prête-moi  trois  pains,  parce 
qu'un  de  mes  amis  en  voyage 
est  venu  chez  moi,  et  je  n'ai 
rien  à  lui  donner  ;  et  que  du 
dedans  de  la  maison  l'autre 
réponde  :  Ne  m'importune 
pas,  la  porte  est  fermée,  et 
mes  serviteurs  sont  au  lit 
comme  moi  ;   je  ne  puis  me 


Sequentia  sancti  Evan- 
gelii  secundum  Lucam. 
Cap.  XI. 

I  N  illo  tempore  :  Dixit 
1  Jésus  discipulis  suis  : 
Quis  vestrum  habebit 
amicum,  et  ibit  ad  illum 
média  nocte,  et  dicet  illi  : 
Amice,  commoda  mihi 
très  panes,  quoniam  arni- 
cas meus  venit  de  via  ad 
me,  et  non  habeo  quod 
ponam  ante  illum  ;  et  ille 
deintus  respondens  di- 
cat  :  Noii  mihi  molestus 
esse,  jam  ostium  clausum 
est,  et  pueri  mei  mecum 


J20 


Le  Lundi  des  Rofçations. 


sunt  in  cubili  :  non  pos- 
sum  surgere,  et  date  tibi. 
Et  si  ille  perseveraverit 
pulsans  :  dico  vobis,  et 
si  non  dabit  illi  surgens 
eo  quod  amicus  ejus  sit, 
propter  improbitatem  ta- 
roen  ejus  surget,  et  dabit 
illi  quotquot  habet  neces- 
sarios.  Et  ego  dico  vobis  : 
Petite,  et  dabitur  vobis  : 
quaerite,    et    invenietis    : 

Eulsate,  et  aperietur  vo- 
is. Omnis  enim  qui  pe- 
tit, accipit  :  et  qui  quns- 
rit,  invenit  :  et  pulsanti 
aperietur.  Quis  autem  ex 
vobis  patrem  petit  pa- 
nem,  numquid  lapidem 
dabit  illi  ?  Aut  piscem  : 
numquid  pro  pisce  ser- 
pentem  dabit  illi  ?  Aut  si 
petierit  ovum  :  numquid 
gorriget  illiscorpionem  ? 
ai  ergo  vos,  cura  sitis 
mali,  nostis  bona  data 
dare  filiisvestris  :  quanto 
magis  Pater  vcster  de 
cœlo  dabit  spiritum  bo- 
num  petentibus  se  ! 


lever  et  te  rien  donner.  Si 
cependant  le  premier  conti- 
nue de  frapper,  quand  même 
il  ne  se  lèverait  pas  d'abord 
et  ne  lui  donnerait  rien  par  le 
motif  de  l'amitié  ;  à  cause  de 
son  importunité,  je  vous  le 
dis,  il  se  lèvera  et  lui  don- 
nera ce  dont  il  a  besoin.  Je 
vous  dis  de  même  :  Deman- 
dez, et  l'on  vous  donnera  ; 
cherchez,  et  vous  trouverez  ; 
frappez,  et  l'on  vous  ouvrira. 
Car  quiconque  demande,  re- 
çoit ;  et  qui  cherche,  trouve  ; 
et  à  qui  frappe,  on  ouvrira. 
Est-il  parmi  vous  un  père  qui 
donnât  à  son  fils  une  pierre, 
lorsqu'il  lui  demande  du  pain  ? 
ou  qui  lui  donnât  un  serpent, 
lorsqu'il  lui  demanderait  un 
poisson  ?  ou  qui  lui  donnât 
un  scorpion,  lorsqu'il  lui 
demanderait  un  œuf  ?  Si 
donc  vous,  qui  êtes  mauvais, 
savez  donner  de  bonnes 
choses  à  vos  enfants  ;  com- 
bien plus  votre  Père  céleste 
donnera-t-il  l'Esprit  bon  à 
ceux  qui  le   lui   demandent  ! 


UsT-iL  rien,  dans  les  sai-ots  Evangiles,  qui 
soit  plus  expressif  sur  la  toute-puissance 
de  la  prière  que  ces  paroles  de  notre  Sau- 
veur ?  La  sainte  Eglise,  en  nous  les  taisant 
lire  aujourd'hui  ,  nous  montre  assez  sans 
doute  l'importance  des  Rogations,  puisque 
c'est  en  ces  jours  qu'elle  nous  révèle  la  vertu 
de  l'intercession,  qui  triomphe  des  refus 
même   de  Dieu.  Le  choix  des  lectures  de  la 


La  Messe  des  Rotations. 


sainte  Ecriture  dans  la  Liturgie  est  un  en- 
seignement permanent  et  toujours  à  propos  : 
on  a  dû  le  reconnaître  jusqu'ici.  En  ces  trois 
jours  où  il  s'agit  de  fléchir  le  ciel  offensé,  rien 
n'était  plus  nécessaire  que  de  faire  bien  com- 
prendre aux  chrétiens  le  pouvoir  qu'exerce 
sur  Dieu  lui-même  l'insistance  dans  la 
prière.  Les  Litanies  qui  ont  été  chantées  dans 
le  cours  de  la  Procession  nous  offrent  un 
modèle  de  cette  sainte  obstination  dans  la 
prière.  Nous  n'avons  cesse  de  répéter  :  «  Sei- 
gneur !  ayez  pitié;  délivrez-nous,  Seigneur! 
Nous  vous  en  supplions,  exaucez-nous  !  »  En 
ce  moment  la  médiation  de  notre  divin 
Agneau  pascal  offert  sur  l'autel  se  prépare,  et 
dans  peu  d'instants  il  joindra  à  nos  faibles 
vœux  son  entremise  toujours  efficace.  Muni 
d'un  tel  gage,  nous  nous  retirerons,  assurés  de 
n'avoir  pas  prié  en  vain.  Prenons  donc  aussi 
la  résolution  de  ne  plus  nous  tenir  éloignés 
de  la  sainte  FIglise  dans  ses  pratiques,  et  de 
préférer  toujours  la  prière  faite  avec  elle  à 
toute  autre  que  nous  offririons  à  Dieu  en 
notre  particulier,  dans  les  jours  où  cette 
Epouse  du  Sauveur,  cette  mère  commune, 
veut  bien  nous  convier  à  prendre  part  aux 
devoirs  de  supplication  que,  dans  notre 
intérêt,  elle  rend  à  son  céleste  Epoux, 

Dans  l'Offertoire  emprunté  aussi  à  David, 
elle  loue  le  Seigneur  qui,  malgré  l'indignité 
de  l'homme  pécheur,  s'est  laissé  vaincre  par 
ses  instances,  et  s'est  levé  pour  le  défendre 
et  subvenir  à  ses  besoins. 


Le  Lundi  des  Rogations. 


OFFERTOIRE. 


CONFITEBOR  Domino 
nimis  in  ore  meo  : 
et  in  medio  multorum 
laudabo  eum,  qui  adsti- 
tit  a  dextris  pauperis  .  ut 
salvam  faceret  a  perse- 
quentibus  animam  meam, 
alléluia. 


I  E  louerai  le  Seigneur  avec 
J  tous  les  accents  de  ma 
voix  ;  je  chanterai  ses  lou- 
anges au  milieu  d'une  nom- 
breuse assemblée  ;  car  il  s'est 
tenu  à  la  droite  du  pauvre, 
et  il  a  sauvé  mon  âme  des 
atteintes  de  ceux  qui  la  pour- 
suivaient,   alléluia. 

Les  liens  de  nos  péchés  nous  tenaient  en- 
chaînés, et  nous  ne  pouvions  pas  nous-mêmes 
revenir  à  Dieu;  la  victime  pascale  nous  a 
rendus  à  la  liberté,  et  chaque  fois  que  son 
Sacrifice  se  renouvelle  sur  l'autel,  c'est  notre 
délivrance  qui  s'opère  de  nouveau.  La 
sainte  Eglise,  dans  la  Secrète,  représente  au 
Dieu  tout-puissant  les  motifs  sur  lesquels 
s'appuie  notre  confiance  dans  l'Hostie  divine 
dont  il  nous  a  fait  don. 


HJEC  munera,  quœsu- 
mus  Domine,  et 
vincula  nostrœ  pravitatis 
absolvant,  et  tuœ  nobis 
misericordias  dona  conci- 
lient. PerDominum. 


PAR  cette  oblation,  Sei- 
gneur, daignez  nous  dé- 
gager des  liens  de  notre  ma- 
lice, et  nous  concilier  les 
dons  de  votre  miséricorde. 
Par  Jésus-Christ. 


On  ajoute  les  autres  Secrètes,  comme  à  la 
Messe  du  cinquième  Dimanche  après  Pâques, 
ci-dessus,  page  loi. 

L'Antienne  de  la  Communion  répète  avec 
jubilation  les  paroles  du  Sauveur  que  nous 
avons  entendues  dans  notre  Evangile.  C'est 
lui-même  qui  nous  autorise  à  tout  oser  dans 


La  Messe  des  Rogations. 


123 


la  prière.  Nul  de  nous  n'aurait  osé  dire  : 
«  Quiconque  demande  à  Dieu  reçoit  l'effet 
de  sa  demande  »  ;  mais  maintenant  que  le 
Fils  de  Dieu  est  venu  du  ciel  en  terre  pour 
nous  l'apprendre,  notre  consolation  doit  être 
de  le  répéter  sans  cesse. 


COMMUNION. 


DEMANDEZ,  et  VOUS  rece- 
vrez ;  cherchez,  et  vous 
trouverez  ;  frappez,  et  on 
vous  ouvrira.  Car  quiconque 
demande,  reçoit  ;  quiconque 
cherche,  trouve  ;  et  à  celui 
qui  frappe,  on  ouvrira,  allé- 
luia. 


PETITE,  et  accipietis  : 
quaerite,  et  invenie- 
tis  :  pulsatc,  et  aperietur 
vobis  :  omnis  enim  qui 
petit  accipit  :  et  qui  quœ- 
rit  invenit  :  et  pulsanti 
aperietur,    alléluia. 


Le  Sacrifice  de  paix  est  consommé,  et  la 
confiance  de  l'Eglise  s'épanche  dans  les 
paroles  d'actions  de  grâces  que  renferme  la 
Postcommunion.  Le  don  sacré  a  apporté  la 
consolation  ,  la  sainte  Eglise  espère  que  ses 
enfants  en  profiteront  pour  faire  de  nouveaux 
progrès  dans  l'amour. 

POSTCOMMUNION. 

DAIGNEZ,  Seigneur,  agréer 
favorablement  nos  vœux  ; 
afin  qu'en  recevant  vos  dons 
au  milieu  de  notre  tribula- 
tion,  la  consolation  que  vous 
nous  donnez  nous  fasse  croî- 
tre dans  votre  amour.  Par 
Jésus-Christ. 


VOTA  nostra,  qusesu- 
mus  Domine,  pio  fa- 
vore  prosequere  :  ut,  dum 
dona  tua  in  tribulatione 
percipimus,  de  consola- 
tione  nostra  in  tuo  amore 
crescamus.  Per  Domi- 
num. 


On  ajoute  les  autres  Postcommunions , 
comme  à  la  Messe  du  cinquième  Dimanche 
après  Pâques,  ci-dessus,  page  io3. 


124 


Le  Temps  Pascal. 


XTous  aioutons  ici  un  fragment  liturgique 
\^  tire  de  la  Messe  des  Rogations  selon  l'an- 
tique rite  gallican.  Cette  prière  fait  partie 
des  supplications  du  premier  jour,  et  doit 
remonter  à  la  plus  haute  antiquité.  On  est  à 
même  d'y  reconnaître  l'importance  que  l'on 
attachait  au  jeûne  des  Rogations  dans  l'Eglise 
des  Gaules,  au  temps  des  Mamert  de  Vienne 
etdesCésaire  d'Arles. 


•yu 


POST   NOMINA. 
A  sunt,  Domine,  ali- 
monia,     quibus     in 


quotidiano  victu  ad  sus- 
tentationem  reficimur  : 
tuaque  jejunia,  quibus 
carnem  a  lubrica  volup- 
tate.  te  praecipiente.  res- 
tringimus.  Tu  ad  conso- 
lationem  nostram  vicis- 
situdines  temporum  dis- 
posuisti  •  ut  tempus 
edendi  corpora  nostra 
refectio  sobria  aleret  ; 
et  jejunandi  tempus  ea 
io  justitiam  tibi  placitam 
faceret  macerata.  -Hanc 
hostiam  ob  jejunia  tri- 
duanœ  macerationis  a 
nobis  oblatam  sanctifi- 
cans  dignanter  adsume, 
et  prjesta  placatus  :  ut 
sopita  delectatione  cor- 
porea.  mens  ab  iniquita- 
tibus  pariterconquiescat. 
Per  Christum  Dominum 
nostrum.  Amen, 
en  même 


ILS  sont  à  vous,  Seignetir, 
}■  ces  aliments  dont  chaque 
jour  nous  nous  servons  pour 
soutenir  nos  forces  ;  ils  sont 
à  vous  aussi,  les  jeûnes  par 
lesquels  nous  contenons,  pour 
V0US  obéir,  nos  sens  entraî- 
nés par  le  désir  d'être  satis- 
faits. C'est  VOUS  qui,  pour 
notre  consolation,  avez  ré- 
glé l'ordre  des  temps,  en  sorte 
que  nos  corps  eussent  à  atten- 
dre une  réfection  sobre  des- 
tinée à  les  nourrir,  dans  la 
saison  où  il  est  opportun  de 
le  faire,  et  que,  en  d'autres 
temps,  le  devoir  du  jeûne  les 
châtiât,  et  fît  d'eux  un  hom- 
mage à  votre  justice.  Daignez 
recevoir  aujourd'hui  et  sanc- 
tifier l'hostie  que  nous  vous 
offrons  pour  accompagner  la 
sévérité  de  es  jeûne  de  trois 
jours,  et  accordez-nous  la 
grâce  de  sentir  en  notre  âme 
le  penchant  au  mal  s'apaiser. 


temps  que  nous  retirons  à  nos  corps  les 
tactions   ordinaires.    Par   Jésus-Christ  notre  Sei, 


atis- 
gneur. 


nous-y, 
le  ciel, 


yyyyyyyyyyyyyy 

LE  MARDI   DES  ROGATIONS. 


ES  Supplications  de  l'Eglise  conti- 
nuent aujourd'hui  encore,  et  l'ar- 
mée du  Seigneur  parcourt  pour  la 
seconde  fois  les  rues  des  cités  et  les 
chemins  ombragés  des  campagnes.  Joignons- 
et  faisons  entendre  ce  cri  qui  pénètre 
Kyrie  eleison  !  Seigneur,  aye^  pitié  ! 
Songeons  au  nombre  immense  de  péchés 
que  chaque  jour  et  chaque  nuit  voient  se 
commettre,  et  implorons  miséricorde.  Aux 
)ours  du  déluge,  «  toute  chair  avait  corrompu 
sa  voie  ^  »  ;  mais  les  hommes  ne  songeaient 
pas  à  demander  grâce  au  ciel.  «  Le  déluge 
«  vint  et  les  perdit  tous  »,  dit  le  Seigneur  2, 
S'ils  eussent  prié,  s'ils  eussent  fait  amende 
honorable  à  la  divine  justice,  la  main  de 
Dieu  se  fût  arrêtée  ;  elle  n'eût  pas  déchaîné 
sur -la  terre  les  cataractes  du  grand  abîme  3. 
Un  jour  doit  venir  aussi,  où  non  plus  les  eaux, 
mais  un  feu  allumé  à  la  colère  céleste  s'élan- 
cera tout  à  coup,  et  il  embrasera  cette  terre 
que  nous  foulons.  Il  brûlera  jusqu'aux  racines 
des  montagnes  *,  et  dévorera  les  pécheurs 
qui  seront  surpris  dans  leur  fausse  sécurité, 
comme  il  arriva   aux  jours  de  Noé. 

Mais  auparavant  la  sainte  Eglise,  opprimée 
par  ses  ennemis,  décimée  par  le  martyre  de 
ses  enfants,    réduite  aux  abois  par  les  défec- 

I.  Gcn.  VI,  12.  —  2.  Luc.  XVII,  27.  —  3.  Gen.  viii,  2. 
—  4.  Dcut.  xxxii,  22. 


126  Le  Temps  Pascal. 

lions,  dépourvue  de  tout  appui  terrestre, 
sentira  que  le  jour  est  proche;  car  la  prière 
sera  devenue  rare  comme  la  foi.  Veillons 
donc  et  prions,  atin  que  ces  jours  de  la  con- 
sommation soient  retardes,  afin  que  la  vie 
chrétienne  si  épuisée  reprenne  un  peu  de 
vigueur,  et  que  ce  monde  vieilli  ne  s'atfaisse 
pas  en  nos  temps.  Nous  sommes  encore  par- 
tout, mais  notre  nombre  a  diminué  visible- 
ment. L'hérésie  occupe  de  vastes  régions  où 
la  catholicité  fleurissait  autrefois  ;  dans  les 
pays  épargnés  par  l'hérésie,  l'incrédulité  et 
l'indifférence  ont  amené  la  plupart  des 
hommes  à  n'être  plus  chrétiens  que  de  nom, 
et  à  enfreindre  sans  remords  les  devoirs  reli- 
gieux les  plus  essentiels;  chez  un  grand 
nombre  de  ceux  qui  remplissent  encore  leurs 
obligations  de  catholiques,  les  vérités  sont 
diminuées^,  l'énergie  de  la  foi  a  fait  place  à. 
la  mollesse  dans  les  convictions,  des  conci- 
liations impossibles  sont  tentées  et  suivies, 
les  sentiments  etles  actions  des  saints  qu'ani- 
mait l'Esprit  de  Dieu,  les  actes  et  les  ensei- 
gnements de  l'Eglise  sont  taxés  d'exagération 
et  d'incompatibilité  avec  un  soi-disant  pro- 
grès ;  la  recherche  des  aises  est  devenue  une 
étude  sérieuse,  la  poursuite  des  biens  ter- 
restres une  noble  passion,  l'indépendance 
une  idole  à  laquelle  on  sacrifie  tout,  la  sou- 
mission une  honte  qu'il  faut  fuir  ou  dissimu- 
ler ;  enfin  le  sensualisme,  comme  une  im- 
pure atmosphère,  imprègne  de  toutes  parts 
une  société  que  l'on  dirait  axoir  résolu  d'a- 
bolir jusqu'au  souvenir  de  la  Croix. 

I.  Psalm.  XI. 


Le  Mardi  des  Rogations.  i  2j 

De  là  tant  de  périls  pour  cette  société  qui 
rêve  d'autres  conditions  que  celles  que  Dieu 
lui  a  voulu  imposer.  Si  l'Evangile  est  divin, 
comment  les  hommes  en  pourraient-ils 
prendre  le  contre-pied,  sans  provoquer  le 
ciel  à  lancer  sur  eux  ces  fléaux  qui  écrasent 
quand  ils  ne  sauvent  pas  ?  Soyons  justes,  et 
sachons  convenir  de  nos  misères  devant  la 
souveraine  sainteté  :  les  péchés  de  la  terre  se 
multiplient  en  nombre  et  en  intensité  d'une 
manière  effrayante  ;  et  pourtant,  dans  le 
tableau  que  nous  venons  de  tracer,  nous 
n'avons  parlé  ni  de  l'impiété  forcenée,  ni 
des  enseignements  pervers  dont  le  poison 
circule  partout,  ni  des  pactes  avec  Satan  qui 
menacent  notre  siècle  de  descendre  au  niveau 
des  siècles  païens,  ni  de  la  conspiration 
ténébreuse  organisée  contre  tout  ordre,  toute 
justice,  toute'vérité.  Encore  une  fois,  unis- 
sons-nous à  la  sainte  Eglise,  et  crions  avec 
elle  en  ces  jours  :  «  De  votre  colère,  délivrez- 
nous.  Seigneur  !  » 

Une  autre  rîn  des  Rogations  est  d'attirer  la 
bénédiction  de  Dieu  stir  les  moissons  et  les 
fruits  de  la  terre  ;  c'est  la  demande  du  jpain 
quotidien  qu'il  s'agit  de  présenter  solennel- 
lement à  la  majesté  divine.  «  Tous  les  êtres, 
tt  dit  le  Psalmiste,  élèvent  avec  espoir  leurs 
«  yeux  vers  vous,  Seigneur,  et  vous  leur  don- 
«  nez  leur  nourriture  en  la  saison  conve- 
«  nable  ;  vous  ouvrez  la  main,  et  vous  répan- 
«  dez  votre  bénédiction  sur  tout  ce  qui  res- 
«  pire  1.  »  Appuyée  sur  ces  touchantes  pa- 
roles, la  sainte  Eglise  supplie  le  Seigneur  de 

1.  Psalm.  cxLiv. 


/2  c*?  Le  Temps  Pascal. 

donner,  cette  année  encore,  aux  Ixibitants  de 
la  terre  la  nourriture  dont  ils  onr  besoin. 
Elle  confesse  qu'ils  en  sont  indignes  par 
leurs  offenses;  reconnaissons  avec  elle  les 
droits  de  la  divine  justice  sur  nous,  et  con- 
jurons-la de  se  laisser  vaincre  par  la  miséri- 
corde. Les  tîéaux  qui  pourraient  arrêter  tout 
court  lesespérancesorgueilleusesde  l'homme 
sont  dans  la  main  de  Dieu  ;  il  ne  lui  en 
coûterait  pas  un  effort  pour  anéantir  tant  de 
belles  spéculations  :  un  dérangement  dans 
l'atmosphère  suffirait  pour  mettre  les  peuples 
aux  abois.  La  science  économique  a  beau 
faire  ;  bon  gré,  mal  gré,  il  lui  faut  compter 
avec  Dieu.  Elle  parle  de  lui  rarement  ;  il 
semble  consentir  à  se  voir  oublié  ;  mais  ((  il 
ne  dort  pas,  celui  qui  garde  Israël  i.  »  Qu'il 
retienne  sa  main  bienfaisante,  et  nos  travaux 
agricoles,  dont  nous  sommes  si  fiers,  nos 
cultures,  à  l'aide  desquelles  nous  nous  van- 
tons d'avoir  rendu  la  famine  impossible,  sont 
aussitôt  frappés  de  stérilité.  Une  maladie 
dont  la  source  demeurera  inconnue  fondra 
tout  à  coup,  nous  l'avons  vu,  sur  les  produits 
de  la  terre  ;  et  ce  serait  assez  pour  affamer 
les  peuples,  assez  pour  amener  les  plus 
terribles  perturbations  dans  un  ordre  social 
qui  s'est  affranchi  de  la  loi  chrétienne,  et  n'a 
plus  d'autre  raison  de  tenir  debout  que  la 
compassion  divine. 

Et  cependant,  si  le  Seigneur  daigne  cette 
année  encore  octroyer  fécondité  et  protec- 
tion aux  moissons  que  nos  mains  ont  semées, 
il  sera  vrai  de  dire  qu'il  aura  donné  la  nour- 


Le  Mardi  des  Rogations.  12g 

riture  à  ceux  qui  l'oublient,  à  ceux  qui  le 
blasphèment,  comme  à  ceux  qui  pensent  à 
lui  et  l'honorent.  Les  aveugles  et  les  pervers, 
abusant  de  cette  longanimité,  en  profiteront 
pour  proclamer  toujours  plus  haut  l'invio- 
labilité des  lois  de  la  nature;  Dieu  se  taira 
encore,  et  il  les  nourrira.  Pourquoi  donc 
n'éclate-t-il  pas  ?  pourquoi  contient-il  son 
indignation  ?  C'est  que  son  Eglise  a  prié, 
c'est  qu'il  a  reconnu  sur  la  terre  les  dix 
justes  i,  c'est-à-dire  le  contingent  si  faible 
dont  il  se  contente  dans  son  adorable  bonté. 
Il  laissera  donc  parler  et  écrire  ces  savants 
économistes  qu'il  lui  serait  si  aisé  de  con- 
fondre. Grâce  à  cette  patience,  il  adviendra 
que  plusieurs  se  lasseront  de  courir  ainsi  les 
voies  de  l'absurde  ;  une  circonstance  inat- 
tendue leur  dessillera  les  yeux,  et  un  jour  ils 
croiront  et  prieront  avec  nous.  D'autres  s'en- 
fonceront toujours  plus  avant  dans  leurs 
ténèbres  ;  ils  défieront  la  justice  divine  jus- 
qu'à la  fin,  et  mériteront  que  s'accomplisse 
sur  eux  ce  terrible  oracle  :  «  Le  Seigneur  a 
fait  toutes  choses  pour  lui-même,  et  l'impie 
pour  le  jour  mauvais  -.  » 
Pour  nous  qui  nous  faisons  gloire  de  la  sim- 

Ê licite  de  notre  foi,  qui  attendons  tout  de 
lieu  et  rien  de  nous-mêmes,  qui  nous  recon- 
naissons pécheurs  et  indignes  de  ses  dons, 
nous  implorerons,  durant  ces  trois  jours,  le 
pain  de  sa  pitié,  et  nous  dirons  avec  la  sainte 
Eglise  ;  «  Daignez  donner  et  conserver  les 
fruits  de  la  terre  :  Seigneur,  nous  vous  en  sup- 
plions, exaucez-nous  !  »  Qu'il  daigne  exaucer 


LE    TEMPS  PASCAL. 


i3o  Le  Temps  Pascal. 

cette  fois  encore  le  cri  de  notre  détresse  !  Dans 
un  an  nous  reviendrons  lui  adresser  la  même 
demande.  Marchantsous  l'étendard  de  la  croix, 
nous  parcourrons  encore  les  mêmes  sentiers, 
faisant  retentir  les  airs  des  mûmes  Litanies, 
et  notre  confiance  se  fortifiera  de  plus  en  plus, 
à  la  pensée  que,  par  toute  la  chrétienté,  la 
sainte  Eglise  conduit  ses  enfants  dans  cette 
marche  aussi  solennelle  qu'elle  est  suppliante. 
Depuis  treize  siècles,  le  Seigneur  est  accou- 
tumé à  recevoir  les  vœux  de'ses  fidèles  à  cette 
époque  de  l'année  ;  nous  ne  voudrons  plus 
désormais  atténuer  les  hommages  qui  lui  sont 
dus,  et  nous  ferons  nos  efforts  pour  suppléer, 
par  l'ardeur  de  nos  prières,  à  l'indiftcrencc 
et  à  la  mollesse  qui  s'unissent  trop  souvent, 
pour  faire  disparaître  de  nos  mœurs  tant  de 
signes  de  catholicité  qui  furent  chers  à  nos 
pères. 

La  Messe  des  Rogations  est  la  même  que 
celle  d'hier;  on  la  trouvera  ci-dessus,  ;?<30'^  1 16. 


"M  eus  ajouterons  ici  une  prière  empruntée  h. 
^^  l'antique  Liturgie  gallicane,  et  composée 
à  l'époque  où  la  pieuse  institution  à  laquelle 
sont  consacrés  ces  trois  jours  était  encore  dans 
sa  première  ferveur. 


CONTESTATIO. 


\J  ERE  dignum  et  jus- 
tum  est.  te  tota  cor- 
dis  contritione  in  jejunio 
laudare,  omnipotens  sera- 
pilerne  Deus,  per  Chris- 


T  L  est  juste  et  raisonnable,  ô 
Dieu  tout-puissant  et  éter- 
nel, de  vous  offrir  nos  vœux, 
en  accompagnant  ce  jeune 
annuel  de  toute  la  contrition 


Le  Mardi  des  Rotations. 


de  nos  cœurs,  par  Jésus- 
Christ  notre  Seigneur,  qui 
étant  venu  à  nous  pour  nous 
manifester  la  profondeur  de 
vos  mystères,  nous  a  révélé 
le  symbole  qui  fut  offert  aux 
yeux  de  Noé  dans  la  branche 
de  l'olivier  pacifique  que  la 
colombe  portait  dans  son 
bec,  lorsqu'il  nous  a  présenté 
le  signe  glorieux  de  la  croix, 
qui  est  l'arbre  verdoyant. 
Cet  arbre,  que  la  colombe 
mystique  a  dédié  à  l'honneur 
du  Christ,  elle  l'a  en  même 
temps  sanctifié  par  la  grâce 
de  l'Esprit-Saint.  afin  qu'il 
fût  pour  tous  l'objet  d'un 
culte  religieux,  et  nous  inspi- 
rât le  désir  de  retracer  en 
nous  l'innocence  de  cet  oi- 
seau, et  ds  recevoir  la  sancti- 
fication par  le  divin  Esprit 
dont  il  figura  un  jour  la  pré- 
sence. Nous  offrons  donc  nos 
vœux  dans  ce  jeûne  et  cette 
humiliation  de  trois  jours, 
portant  en  tète  des  bataillons 
formés  de  fidèles  le  signe 
invincible  de  la  croix,  et 
faisant  retentir  dans  le  chant 


■tum  Dominum  nostrum. 
Qui  nos  mysteriorum 
tuorum  secretis  infor- 
mans,  pacificum  nemus 
ore  columbœ  gestatum, 
Noe  oculis  ostendens, 
nobis  de  virente  arbore 
crucis  gloriosum  signum 
expressit  :  quem  colum- 
hœ  species  in  Christi  de- 
coravit  honore,  cunctis 
colendum  Spiritus  sanc- 
tificatione  demonstrans. 
Cujus  animalis  innocen- 
tia  esse  similes  prœop- 
tantes.  ab  eoque  sancti- 
ficari  Spiritu.  cujus  ipse 
sumpsit  speciem,  exoran- 
tes  ;  in  hoc  jejunio  tri- 
duana  humiliatione  ins 
tituto,  invictum  hoc  si- 
gnum cum  plebium  cu- 
neis  prœferentes.  atque 
Majestatem  tuam  psal 
lencii  modulatione  lau- 
dantes,  petimus,  omnipo- 
tens  Deus  :  ut  accipias 
cuncta  plebis  vota,  quas- 
que  quoquo  ritu  tibi  red- 
dit  subjecta  :  et  ita  eos 
in  hoc  jejunio  sanctifices, 
ut  a  cunctis  mereantur 
exui  peccatis. 


des   psaumes    la  louange    de 
votre    divine   Majesté.    Nous 

vous  supplions,  ô  Dieu  tout-puissant,  d'agréer  tous  le 
hommages  que  vous  présente  votre  peuple  et  tous  les 
rites  sous  lesquels  il  les  exprime,  et  de  nous  accorder, 
au  moyen  de  ce  jeûne,  la  sanctification  de  nos  âmes,  en 
eur  faisant  mériter  d'être  affranchies  de  tout  péché. 


«tlA  ftlA  i\lX  (VIA  fXlA,  <tlA  eX^  CXiX  CXlA  <\iX  CtlA  «TiA 

LE  MERCREDI   DES  ROGATIONS 

LA    VIGILE    DE     l'aSCENSION. 


!ouR  la  troisième  fois  la  sainte  Eglise 
reprend  sa  marche,  et  .=ort  du  saint 
temple,  atin  de  faire  un  dernier 
appel  à  la  divine  miséricorde.  Ran- 
geons-nous sous  sa  bannière,  et  unissant  nos 
voix  à  la  sienne,  invoquons  avec  elle  le  secours 
des  Saints.  Elle  est  glorieuse,  mais  aussi  elle 
est  puissante,  la  Litanie  dans  laquelle  sont 
invoqués  tour  à  tour  les  chœurs  de  la  Jéru- 
salem céleste.  C'est  l'Eglise  triomphante  s'u- 
nissant  à  l'Eglise  militante  pour  obtenir  le 
salut  de  la  teVre. 

Marie,  Mère  de  Dieu,  Vierge  des  vierges, 
miracle  de  la  puissance  divine,  employez  en 
notre  faveur  votre  maternelle  médiation 
auprès  de  celui  qui  étant  Dieu  est  aussi  votre 
fils. 

Michel  l'invincible,  Gabriel,  heureux  mes- 
sager du  salut,  Raphaël,  médecin  compatis- 
sant de  nos  misères  ;  Anges  et  Archanges  qui 
veillez  à  notre  défense  et  coopérez  a  notre 
salut  ;  hiérarchies  célestes  qui  attendez  les 
élus  de  la  terre  pour  renforcer  vos  rangs, 
intercédez  pour  vos  frères  et  vos  clients. 

Jean-Baptiste,  précurseur  de  l'Agneau  de 
Dieu  ;  Joseph,  époux  de  Marie  immaculée, 
père  nourricier  du  Fils  de  Dieu  ;  Patriarches, 
ancêtres    majestueux  de   la   race   humaine, 


Le  Mercredi  des  Rogations.         i33 

aïeux  du  divin  Messie  ;  Prophètes  qui  avez 
annoncé  sa  venue  et  décrit  tous  ses  traits, 
afin  que  la  terre  reconnût  en  lui  son  Sau- 
veur •  souvenez-vous  des  habitants  de  cette 
terre  lointaine  sur  laquelle  vous  avez  été 
voyageurs. 

Pierre,  Pasteur  universel,  porte-clefs  du 
royaume  des  cieux  ,  Paul,  apôtre  des  Gentils, 
armé  du  glaive  de  la  parole  et  consommé  par 
le  glaive  du  martyre  ;  André,  crucifié  comme 
votre  Maître  ,  Jacques  le  Majeur,  enfant  du 
tonnerre,  fondateur  du  royaume  Catholique, 
Jean  le  Bien-Aimé,  fils  et  gardien  de  Marie, 
Evangcliste  et  le  dernier  des  Prophètes  ;  Tho- 
mas, apôtre  des  Indes,  immolé  par  la  lance  ; 
Jacques  le  Mineur,  appelé  frère  du  Seigneur  , 
Philippe,  qui  avez  évan^élisé  les  Scythes  et 
rencontré  la  croix  à  Hierapolis  ;  Barthélemi, 
docteur  de  l'Arménie,  arrosée  de  votre  sang  ; 
Evangéliste  Matthieu,  qui  êtes  allé  porter  "la 
foi  jusque  dans  les  régions  brûlantes  de  l'E- 
thiopie ;  Simon,  dont  la  Mésopotamie  a  en- 
tendu la  voix  ;  Thaddée,  qui  avez  affronté 
l'Egypte  et  ses  idoles  ;  Mathias,  appelé  à  pren- 
dre la  place  du  traître  Judas,  et  digne  d'un 
tel  honneur  ;  Barnabe,  compagnon  de  Paul, 
et  plus  tard  la  lumière  de  rile"  de  Chypre  ; 
Luc,  disciple  de  l'Apôtre  des  Gentils,  histo- 
rien du  Verbe  incarné  ;  Marc,  disciple  de 
Pierre,  qui  avez  écrit  sous  sa  dictée  l'Evan- 
gile du  salut  :  nous  vous  saluons  tous  avec 
amour  comme  nos  pères  dans  la  foi  ;  priez  en 
ces  jours  avec  nous  et  pour  nous. 

Disciples  du  Seigneur,  qui,  sans  avoir  été 
élevés  jusqu'au  rang  des  Apôtres,  fûtes  choi- 
sis par  lui  pour  être  leurs   coopérateurs,  et 


i34  Le  Temps  Pascal. 


qui,  au  jour  de  la  Pentecôte,  avez  été  rem- 
plis des  feux  de  l'Esprit-Saint  ;  tendres 
enfants  de  Bethlchem,  prémices  des  Martyrs  : 
daignez  tous  vous  associer  à  nos  supplica- 
tions. 

Etienne  le  Couronné,  Laurent,  dont  le  front 
est  ceint  de  lauriers,  Vincent  le  Victorieux, 
tous  trois  unis  dans  la  forte  milice  du  dia- 
conat ;  Fabien,  pontife  désigné  par  la  colombe 
céleste  ;  Sébastien,  noble  chevalier  de  la  sainte 
Eglise  ;  Jean  et  Paul,  Corne  et  Damien,  Ger- 
vais  et  Protais,  généreux  frères  qui  avez  com- 
battu le  même  combat  :  armée  innombrable 
des  Martyrs,  protégez-nous  à  l'ombre  de  vos 
palmes. 

Silvestre,  pontife  de  la  paix  ;  Grégoire, 
vicaire  du  Christ  dans  sa  m^ansuétude  comme 
dans  son  autorité  ;  Ambroise,  dont  la  parole 
fut  douce  comme  le  miel,  et  la  force  indomp- 
table comme  celle  du  lion  ;  Augustin,  soleil 
de  vérité,  apôtre  de  la  charité  divine  ;  Jérôme, 
interprète  inspiré  de  la  parole  de  Dieu  ; 
Martin,  thaumaturge  .de  l'Occident  ;  Nicolas, 
thaumaturge  de  l'Orient  :  saints  pontifes, 
saints  docteurs,  ramenez  à  Jésus  ses  brebis 
errantes. 

Antoine,  la  gloire  du  désert,  le  vainqueur 
de  Satan  ;  Benoît,  nouvel  Abraham,  entouré 
d'une  postérité  sans  nombre  ;  Bernard,  sou- 
tien de  la  sainte  Eglise,  favori  de  l'auguste 
Reine  des  cieux  ;  Dominique,  prédicateur  de 
ta  vraie  doctrine,  tiéau  de  l'hérésie  ;  Fran- 
çois, amant  et  époux  de  la  pauvreté,  crucifié 
avec  le  Christ  :  nous  vous  honorons  tous  ; 
ranimez  dans  nos  âmes  le  sentiment  de  la  per- 
fection chrétienne. 


Le  Mercredi  des  Rogations  i35 

Prêtres  du  Seigneur,  saints  moines,  saints 
ermites,  saints  confesseurs,  priez  pour  ce  peu- 
ple qui  implore  votre  secours. 

Marie-xMadeleine  ,  pécheresse  sanctifiée  , 
amante  du  Rédempteur  ,  obtenez-nous  la 
componction  du  cœur  qui  répare  le  péché  par 
l'amour. 

Agathe  et  Lucie,  fleurs  odorantes  de  l'heu- 
reuse Sicile  ;  Agnès,  qui  suivez  partout  l'A- 
gneau divin  ;  Cécile,  couronnée  de  roses  et 
de  lis,  brillante  reine  de  l'harmonie  ;  Cathe- 
rine, vierge  sage  qui  confondîtes  la  fausse 
sagesse  des  philosophes  ;  Anastasie,  femme 
forte  qui  avez  triomphé  des  épreuves  de  la 
vie  et  de  la  rigueur  des  supplices  :  vous 
toutes,  vierges  sacrées  ou  épouses  fidèles, 
jetez  un  regard  de  compassion  sur  les  habi- 
tants de  la  terre. 

Saints  et  saintes  de  Dieu,  justes  de  tout 
âge,  de  tout  sexe  et  de  toute  condition,  qui 
peuplez  déjà  l'empyrée,  souvenez-vous  de 
nous  qui  gémissons  encore  dans  cette  vallée  de 
larmes,  e"t  élevez  nos  cœurs  jusqu'au  séjour 
de  l'éternel  bonheur  çque  les  vanités  de  ce 
monde  nous  feraient  si   souvent  oublier. 

La  Litanie  est  achevée;  et,  pour  la  troi- 
sième fois,  l'auguste  Sacrifice  va  sceller  la 
réconciliation  dïi  Dieu  offensé  avec  ses  en- 
fants coupables  ;  espérons  désormais  une 
année  tranquille  et  féconde.  Daigne  le  Sei- 
gneur, en  l'année  qui  suivra  celle-ci,  accroître 
le  nombre  de  ceux  qui  viendront  s'unir  à  son 
Eglise  pour  implorer  le  pardon  général  ! 

"^La  Messe  des  Rogations  se  trouve  ci-dessus, 
au  'Lyjindi,  page  ii6.   Assistons-y  avec  le  sen- 


i36 


Le  Temps  Pascal. 


timcnt  de  l'insuffisance  de  nos  réparations 
personnelles,  mais  avec  une  entière  con- 
fiance dans  les  mérites  infinis  de  la  victime 


pascale. 


P  NFiN  nous  nous  pénétrerons  une  dernière 
fois  de  l'esprit  de  pénitence  qui  animait 
en  ces  trois  jours  l'antique  Eglise  des  Gaules, 
en  lui  empruntant  cette  pieuse  prière  qu'elle 
présentait  aujourd'hui  même  à  la  Majesté 
divine. 


IMMOLATIO. 


\^  ERE  dignum  et  jus- 
tum  est.  satisque  est 
dignum  :  te  solum  a  jeju- 
nantihus  quœrere,  qui  es 
magister  abstinentias,  et 
conîinentiae  remunerator 
œterne  :  quique  a  jeju- 
nantibus  fideli  tantum 
corde  exposcunt  abstergi 
omnem  maculam,  quam 
saturitas  contrahit  inde- 
cens.  Hoc  itaque  sanc- 
tum  jejuniura  in  Leviti- 
cis  apicibus  per  famulum 
tuum  Moysen  evidentius 
declarasti:  in  quo  jus- 
sisti  ut  humiîiaremus 
animas  noslras,  ne  exter- 
minaremur;  sicut  esu 
gulae  deditus  populus, 
exterminatur.  Q  u  o  d 
etiam  nobis  Unigenitus 
tuus  ita  sanctificavit  im- 
plcndo:  etutregnum  per- 
ditum  per  jejunium  paa- 


I  L  est  juste  et  raisonnable, 
ô  Dieu  tout-puissant  et 
éternel,  que  ceux  qui  se  li- 
vrent au  jeûne  se  tournent 
vers  vous  qui  avez  été,  par 
votre  exemple,  le  maître  de 
l'abstinence  ,  et  qui  êtes 
maintenant  le  rémunérateur 
éternel  de  nos  privations; 
puisque  dans  ceux  qui  jeû- 
nent avec  les  dispositions 
d'un  cœur  fidèle,  vous  dai- 
gnez, à  leur  demande,  effacer 
toutes  les  taches  que  lintcm- 
pérance  leur  avait  fait  con- 
tracter. C'est  vous-même  qui 
avez  proclamé  l'institution 
du  jeune  sacré,  par  votre 
serviteur  Moïse,  au  livre  du 
Lévitique,  nous  ordonnant 
d'humilier  nos  âmes,  afin  que 
nous  ne  fussions  pas  exter- 
minés, comme  le  fut  ce  peu- 
ple qui  s'était  abandonne  aux 
excès  de  la  sensualité.  Votre 


La  Vigile  de  V Ascension.  i3y 


Fils  unique  est  venu  sancti- 
fier cette  institution  en  s'y 
soumettant  lui  même,  nous 
rouvrant,  par  son  jeûne,  l'ac- 
cès du  royaume  que  nous 
avions  perdu,  et  nous  accordant  le  pardon  de  nos  péchés. 
Daignez  donc  recevoir  avec  bonté  l'hommage  d'une 
pratique  dont  la  première  institution  vient  de  vous,  et 
nous  accorder  en  retour  la  remise  de  toutes  nos  offenses. 


deret,  et  peccatis  veniam 
daret.  Et  ideo  quae  ins- 
tituisti,  jejunia  suscipe 
libens,  per  ea  nos  a  rea- 
tihus  cunctis   absolvons. 


L 


A  troisième  matinée  des  Rogations  s'est 
écoulée,  l'heure  de  midi  se  fait  entendre  ; 
elle  vient  ouvrir  la  dernière  journée  que  le 
Fils  de  Dieu  doit  passer  sur  la  terre  avec  les 
hommes.  Nous  avons  semblé  perdre  de  vue, 
durant  ces  trois  jours,  le  moment  si  proche 
de  la  séparation  ;  toutefois,  le  sentiment  de 
la  perte  qui  nous  menace  vivait  au  fond  de 
nos  cœurs,  et  les  humbles  supplications  que 
nous  présentions  au  ciel,  en  union  avec  la 
sainte  Eglise,  nous  préparaient  à  célébrer  le 
dernier  des  mystères  de  notre  Emmanuel. 

A  ce  moment,  les  disciples  sont  tous  ras- 
semblés à  Jérusalem.  Groupés  autour  de 
Marie  dans  le  Cénacle,  ils  attendent  l'heure 
à  laquelle  leur  Maître  doit  se  manifester  à 
eux  pour  la  dernière  fois.  Recueillis  et  silen- 
cieux, ils  repassent  dans  leurs  cœurs  les 
divines  marques  de  bonté  et  de  condescen- 
dance qu'il  leur  a  prodiguées  durant  ces 
quarante  jours,  et  les  solennels  enseignements 
qu'ils  ont  reçus  de  sa  bouche.  C'est  mainte- 
nant qu'ils  le  connaissent,  qu'ils  savent  qu'il 
est  sorti  de  Dieu;  quant  à  ce  qui  les  concerne, 
ils  ont  appris  de  lui  la  mission  à  laquelle  il 
les  a  destinés:  ce  sera  d'enseigner,  eux  igno- 


138  Le  Temps  Pascal. 


rants,  les  peuples  de  la  terre  ;  mais,  ô  regret 
inconsolable  !  il  s'apprête  à  les  quitter  ; 
«  encore  un  peu  de  temps,  et  ils  ne  le  ver- 
ront plus  ^  » 

Par  un  touchant  contraste  avec  leurs  tristes 
pensées,  la  nature  entière  semble  s'être  mise 
en  devoir  d'oftrir  à  son  auteur  le  plus  splen- 
dide  triomphe  ;  car  ce  départ  doit  être  un 
départ  triomphant.  La  terre  s'est  parée  des 
prémices  de  sa  fécondité,  la  verdure  des 
campagnes  le  dispute  à  l'émeraude,  les  fleurs 
embaument  l'air  de  leurs  parfums,  sous  le 
feuillage  des  arbres  les  fruits  se  hâtent  de 
mûrir,  et  les  moissons  grandissent  de  toutes 
parts.  Tant  d'heureux  dons  sont  dus  à  l'in- 
fluence de  l'astre  qui  brille  au  ciel  pourvivi- 
tier  la  terre,  et  qui  a  reçu  le  noble  privilège 
de  figurer  par  son  royal  éclat,  et  dans  ses 
phases  successives,  le  passage  de  l'Emmanuel 
au  milieu  de  nous. 

Rappelons-nous  ces  jours  sombres  du  sol- 
stice d'hiver,  où  son  disque  pâle,  tardif  vain- 
queur des  ténèbres,  ne  montait  dans  le  ciel 
que  pour  y  parcourir  une  étroite  carrière, 
dispensant  la  lumière  avec  mesure,  et  n'en- 
voyant à  la  terre  aucun  rayon  assez  ardent 
pour  résoudre  la  constriction  qui  tenait  gla- 
cée toute  sa  surface.  Tel  se  leva,  comme  un 
astre  timide,  notre  divin  Soleil,  dissipant  à 
peine  les  ombres  autour  de  lui,  tempérant 
son  éclat,  afin  que  les  regards  des  hommes 
n'en  fussent  pas  éblouis.  Comme  le  soleil 
matériel,  il  élargit  peu  à  peu  sa  carrière  ; 
mais  des  nuages'vinrent  souvent  dissimuler 

I.    JOHAN.  XVI.  i6. 


La  Vigile  de  V Ascension.  i3g 

son  progrès.  Le  séjour  en  la  terre  d'Egypte, 
la  vie  obscure  de  Nazareth,  dérobèrent  sa 
marche  aux  yeux  des  hommes  ;  mais  l'heure 
étant  venue  où  il  devait  laisser  poindre  les 
rayons  de  sa  gloire, il  brilla  d'un  souverain  éclat 
sur  la  Galilée  et  sur  la  Judée,  lorsqu'ilse  mit 
à  parler  a  comme  ayant  puissance  ^  »  lorsque 
ses  œuvres  rendirent  témoignage  de  lui  2,  et 
que  l'on  entendit  la  voix  des  peuples  qui  fai- 
sait retentir  «  Hosannah  au  tils  de  David  ». 
Il  allait  atteindre  à  son  zénith,  quand  tout 
à  coup  l'éclipsé  momentanée  de  sa  passion 
et  de  sa  mort  persuada  pourquelques  heures 
à  ses  ennemis  jaloux  que  leur  malice  avait 
suffi  pour  éteindre  à  jamais  sa  lumière  im- 
portune à  leur  orgueil.  Vain  espoir  !  notre 
divin  Soleil  échappait  dès  le  troisième  jour  à 
cette  dernière  épreuve  ;  et  il  plane  mainte- 
nant au  sommet  des  cieux,  versant  sa  lumière 
sur  tous  les  êtres  qu'il  a  créés,  m.ais  nous 
avertissant  que  sa  carrière  est  achevée.  Car 
il  ne  saurait  descendre  ;  pour  lui,  pas  de 
couchant  ;  là  s'arrête  son  rapport  avec 
l'humble  flambeau  qui  éclaire  nos  yeux  mor- 
tels. C'est  du  haut  du  ciel  qu'il  brille  désor- 
mais, et  pour  toujours,  ainsi  que  l'avait  an- 
noncé Zacharie,  lors  de  la  naissance  de 
Jean  3  ;  et  comme  l'avait  prédit  encore  aupa- 
ravant le  sublime  Psalmiste,  en  disant  :  «  Il  a 
«  fourni  sa  carrière  comme  un  géant,  il  est 
«  arrivé  au  sommet  des  cieux,  d'où  il  était 
«  parti,  et  nul  ne  peut  se  soustraire  à  l'ac- 
«  tion  de  sa  puissante  chaleur  *.  » 

I.  Matth.  VII.  29.  —  2.  JoHAN.  X,  25.  —  3.  Luc.  I, 
79.  —  4.  Psalm.  xviu. 


140  Le  Temps  Pascal. 

Cette  Ascension  ,  qui  établit  l'Homme- 
Dieu  centre  de  lumière  pour  les  siècles  des 
siècles,  il  en  a  fixé  le  moment  précis  à  l'un 
des  jours  du  mois  que  les  hommes  appellent 
Mai,  et  qui  révèle  dans  son  plus  riant  éclat 
l'œuvre  que  ce  Verbe  divin  trouva  belle  lui- 
même,  au  jour  où,  l'ayant  fait  sortir  du  néant, 
il  la  disposa  avec  tant  de  complaisance. 
Heureux  mois,  non  plus  triste  et  sombre 
comme  Décembre,  qui  vit  les  joies  modes- 
tes de  Bethléhem,  non  plus  sévère  et  lugu- 
bre comme  Mars, témoin  du  Sacrifice  sanglant 
de  l'Agneau  sur  la  croix,  mais  radieux,  épa- 
noui, "surabondant  de  vie  et  digne  d'être 
offert,  chaque  année,  en  hommage  à  Marie, 
Mère  de  Dieu  ;  car  c'est  Le  mois  du  triomphe 
de  son  fils. 

O  Jésus,  notre  créateur  et  notre  frère,  nous 
vous  avons  suivi  des  yeux  et  du  cœur  depuis 
le  moment  de  votre  aurore  ;  nous  avons  célé- 
bré, dans  la  sainte  liturgie,  chacun  de  vos 
pas  de  g-^fin?  par  une  solennité  spéciale  ;  mais 
en  vous  voyant  monter  ainsi  toujours,  nous 
devions  prévoir  le  moment  où  vous  iriez 
prendre  possession  de  la  seule  place  qui  vous 
convienne,  du  trône  sublime  où  vous  serez 
assis  éternellement  à"  la  droite  du  Père.  L'é- 
clat qui  vous  entoure  depuis  votre  résur- 
rection n'est  pas  de  ce  monde  ;  vous  ne  pou- 
vez plus  demeurer  avec  nous  ;  vous  n'êtes  resté 
durant  ces  quarante  jours,  que  pour  la  con- 
solidation de  votre  œuvre;  et  demain,  la 
terre  qui  vous  possédait  depuis  trente-trois 
années  sera  veuve  de  vous.  Avec  Marie  votre 
mère,  avec  vos  disciples  soumis,  avec  Made- 
leine et  ses  compagnes,   nous  nous   réjouis- 


La  Vigile  de  V Ascension.  141 

sons  du  triomphe  qui  vous  attend  ;  mais  à  la 
veille  de  vous  perdre,  permettez  à  nos  cœurs 
aussi  de  ressentir  la  tristesse  ;  car  vous  étiez 
l'Emmanuel,  le  Dieu  avec  7ioits,  et  vous  allez 
être  désormais  l'astre  divin  qui  planera  sur 
nous;  et  nous  ne  pourrons  plus  «  vous  voir, 
ni  vous  entendre,  ni  vous  toucher  de  nos 
mains,  ô  Verbe  de  vie  1  !  »  Nous  n'en  disons 
pas  moins  :  Gloire  et  amour  soient  à  vous! 
car  vous  nous  avez  traités  avec  une  miséri- 
corde infinie.  Vous  ne  nous  deviez  rien,  nous 
étions  indignes  d'attirer  vos  regards,  et  vous 
êtes  descendu  sur  cette  terre  souillée  par  le 
péché  ;  vous  avez  habité  parmi  nous,  vous 
avez  payé  notre  rançon  de  votre  sang,  vous 
avez  rétabli  la  paix  entre  Dieu  et  les  hom- 
mes. Oui,  il  est  juste  maintenant  que  «  vous 
retourniez  à  celui  qui  vous  a  envoyé  »  -.  Nous 
entendons  la  voix  de  votre  Eglise,  de  votre 
Epouse  chérie  qui  accepte  son  exil,  et  qui  ne 
pense  qu'à  votre  gloire  :  «  Fuis  donc,  ô  mon 
«  bien-aimé,  vous  dit-elle  ;  fuis  avec  la  rapi- 
«  dite  du  chevreuil  et  du  faon  de  la  biche, 
«  jusqu'à  ces  montagnes  où  les  fleurs  du  ciel 
«  exhalent  leurs  parf"ums  3.  »  Pourrions-nous, 
pécheurs  que  nous  sommes,  ne  pas  imiter 
la  résignation  de  celle  qui  est  à  la  fois  votre 
Epouse  et  notre  mère  ? 

I.   I  JOHAN,  I,     I.   —   2.     JOHAN,   XVI,    5.   —  3.   Cant. 
VIII,    14, 


L'ASCENSION    DF     NO  TRE-SEIGN  RUR. 


E  jour  s'est  levé  radieux,  la  terre 
qui  s'émut  à  la  naissance  de 
l'Emmanuel  '  éprouve  un  tres- 
saillement inconnu;  l'ineffable 
succession  des  mystères  de 
l'Homme-Dieu  est  s'ur  le  point 
de  recevoir  son  dernier  complément.  Mais 
l'allégresse  de  la  terre  est  montée  jusqu'aux 
cieux  ;  les  hiérarchies  angéliques  s'apprêtent 
à  recevoir  le  divin  chef  qui  leur  fut  promis, 
et  leurs  princes  sont  attentifs  aux  portes, 
prêts  à  les  lever  quand  le  signal  de  l'arrivée 
du  triomphateur  va  retentir.  Les  âmes  saintes, 
délivrées  des  limbes  depuis  quarante  jours, 
planent  sur  Jérusalem,  attendant  l'heureux 
moment  où  la  voie  du  ciel,  fermée  depuis 
cjuatrc  mille  ans  par  le  péché,  s'ouvrant  tout 
à  coup,  elles  vont  s'y  précipiter  à  la  suite  de 
leur  Rédempteur.  L'heure  presse,  il  est  temps 
que  notre  divin  ressuscité  se  montre,  et  qu'il 
reçoive    les  adieux  de   ceux  qui   l'attendent 


I.  Psalra.  xcv,  xcvi,  xcvii. 


L'Ascension  de  Notre-Seigneur.      148 

d'heure  en  heure,  et  qu'il  doit  laisser  encore 
dans  cette  vallée  de  larmes. 

Tout  à  coup  il  apparaît  au  milieu  du  Cé- 
nacle. Le  cœur  de  Marie  a  tressailli,  les  dis- 
ciples et  les  saintes  femmes  adorent  avec 
attendrissement  celui  qui  se  montre  ici-bas 
pour  la  dernière  fois.  Jésus  daigne  prendre 
place  à  table  avec  eux  ;  il  condescend  jusqu'à 
partager  un  dernier  repas,  non  plus  dans  le 
but  de  les  rendre  certains  de  sa  résurrection  ; 
il  sait  qu'ils  n'en  doutent  plus  ;  mais,  au 
moment  d'aller  s'asseoir  à  la  droite  du  Père, 
il  tient  à  leur  donner  cette  marque  si  chère 
de  sa  divine  familiarité.  O  repas  ineffable, 
où  Marie  goûte  une  dernière  fois  en  ce  monde 
le  charme  d'être  assise  aux  côtés  de  son  fils, 
où  la  sainte  Eglise  représentée  par  les  dis- 
ciples et  par  les  saintes  femmes  est  encore 
présidée  ;  visiblement  par  son  Chef  et  son 
Epoux  ! 

Qui  pourrait  exprimer  le  respect,  le  recueil- 
lement, l'attention  des  convives,  peindre  leurs 
regards  fixés  avec  tant  d'amour  sur  le  Maître 
tant  aimé  ?  Ils  aspirent  à  entendre  encore 
une  fois  sa  parole  ;  elle  leur  sera  si  chère  à 
ce  moment  du  départ  !  Enfin  Jésus  ouvre  la 
bouche  ;  mais  son  accent  est  plus  grave  que 
tendre.  Il  débute  en  leur  rappelant  l'incré- 
dulité avec  laquelle  ils  accueillirent  la  nou- 
velle de  sa  résurrection  1.  Au  moment  de 
leur  confier  la  plus  imposante  mission  qui  ait 
jamais  été  transmise  à  des  hommes,  il  veut 
les  rappeler  à  l'humilité.  Sous  peu  de  jours 
ils   seront  les  oracles   du   monde,    le  monde 


I.  Marc,  xvi,  14. 


144-  -^e  Temps  Pascal. 

devra  croire  sur  leur  parole,  et  croire  ce  qu'il 
n'a  pas  vu,  ce  qu'eux  seuls  ont  vu.  C'est  la 
foi  qui  met  les  hommes  en  rapport  avec  Dieu  ; 
et  cette  foi,  eux-mêmes  ne  l'ont  pas  eue  tout 
d'abord  :  Jésus  veut  recevoir  d'eux  une  der- 
nière réparation  pour  leur  incrédulité  passée, 
afin  que  leur  apostolat  soit  établi  sur  l'hu- 
milité. , 

Prenant  ensuite  le  ton  d'autorité  qui  con- 
vient à  lui  seul,  il  leur  dit  :  «  Allez  dans  le 
monde  entier,  prêchez  l'Evangile  à  toute  créa- 
ture. Celui  qui  croira  et  sera  baptisé,  sera 
sauvé  ^  mais  celui  qui  ne  croira  pas  sera  con- 
damne »  1.  Et  cette  mission  de  prêcher  l'E- 
vangile au  monde  entier,  comment  l'accom- 
pliront-ils  ?  par  quel  moyen  réussiront-ils  à 
accréditer  leur  parole  ?  Jésus  le  leur  indique  : 
«  Voici  les  miracles  qui  accompagneront  ceux 
qui  auront  cru  :  ils  chasseront  les  démons  en 
mon  nom  ;  ils  parleront  des  langues  nouvelles  ; 
ils  prendront  les  serpents  avec  la  main  ;  s'ils 
boivent  quelque  breuvage  mortel,  il  ne  leur 
nuira  pas  ;  ils  imposeront  les  mains  sur  les 
malades,  et  les  malades  seront  guéris  »  -.  Il 
veut  que  le  miracle  soit  le  fondement  de  son 
Eglise,  comme  il  l'a  choisi  pour  être  l'argu- 
ment de  sa  mission  divine.  La  suspension  des 
lois  de  la  nature  annonce  aux  hommes  que 
l'auteur  de  la  nature  va  parler  ;  c'est  à  eux 
alors  d'écouter  et  de  croire  humblement. 

Voilà  donc  ces  hommes  inconnus  au  monde, 
dépourvus  de  tout  moyen  humain,  les  voilà 
investis  de  la  mission  de  conquérir  la  terre  et 
d'y    faire    régner    Jésus-Christ.    Le    monde 

I.  Marc.  xvi.  —  2.  Ibid. 


L'Ascension  de  Notve-Seigneiir.     145 

ignore  jusqu'à  leur  existence  ;  sur  son  trône 
impérial,  Tibère,  qui  vit  dans  la  frayeur  des 
conjurations,  ne  soupçonne  en  rien  cette  expé- 
dition d'un  nouveau  genre  qui  va  s'ouvrir,  et 
dont  l'empire  romain  doit  être  la  conquête. 
Mais  à  ces  guerriers  il  faut  une  armure,  et 
une  armure  de  trempe  céleste.  Jésus  leur 
annonce  qu'ils  sont  au  moment  de  la  rece- 
voir, «  Demeurez  dans  la  ville,  leur  dit-il, 
«  jusqu'à  ce  que  vous  ayez  été  revêtus  de  la 
«  vertu  d'en  haut  1  »,  Or,  quelle  est  cette  ar- 
mure ?  Jésus  va  le  leur  expliquer.  Il  leur 
rappelle  la  promesse  du  Père,  «  cette  promesse, 
dit-il,  que  vous  avez  entendue  par  ma  bou- 
che, Jean  a  baptisé  dans  l'eau  ;  mais  vous, 
sous  peu  de  jours,  vous  serez  baptisés  dans  le 
Saint-Esprit  2  », 

Mais  l'heure  de  la  séparation  est  venue. 
Jésus  se  lève,  et  l'assistance  tout  entière  se 
dispose  à  suivre  ses  pas.  Cent  vingt  personnes 
se  trouvaient  là  réunies  avec  la  mère  du  divin 
triomphateur  que  le  ciel  réclamait.  Le  Cé- 
nacle était  situé  sur  la  montagne  de  Sion, 
l'une  des  deux  collines  que  renfermait  l'en- 
ceinte de  Jérusalem.  Le  cortège  traverse  une 
partie  de  la  ville,  se  dirigeant  vers  la  porte 
orientale  qui  ouvre  sur  la  vallée  de  Josaphat. 
C'est  la  dernière  fois  que  Jésus  parcourt  les 
rues  de  la  cité  réprouvée.  Invisible  désormais 
aux  yeux  de  ce  peuple  qui  l'a  renié,  il  s'avance 
à  la  tête  des  siens,  comme  autrefois  la  colonne 
lumineuse  qui  dirigeait  les  pas  du  peuple 
Israélite.  Qu'elle  est'belle  et  imposante  cette 
marche  de  Marie,  des  disciples  et  des  saintes 

I.  Luc.  XXIV,  49.—  2.  Act.  I. 


LE    TEMPS   PASCAL.    —  T.    III.  lO 

I 


146 


Le  Temps  Pascal. 


femmes,  à  la  suite  de  Jésus  qui  ne  doit  plus 
s'arrêter  qu'au  ciel,  à  la  droite  du  Père  !  La 
piété  du  moyen  âge  la  célébrait  jadis  par  une 
solennelle  procession  qui  précédait  la  Messe 
de  ce  grand  jour.  Heureux  siècles,  où  les  chré- 
tiens aimaient  à  suivre  chacune  des  traces 
du  Rédempteur,  et  ne  savaient  pas  se  conten- 
ter, comme  nous,  de  quelques  vagues  notions 
qui  ne  peuvent  enfanter  qu'une  piété  vague 
comme  elles  ! 

On  songeait  aussi  alors  aux  sentin>ents  qui 
durent  occuper  le  cœur  de  Marie  durant  ces 
derniers  instants  qu'elle  jouissait  de  la  pré- 
sence de  son  fils.  On  se  demandait  qui  devait 
l'emporter  dans  ce  cœur  maternel,  de  la  tris- 
tesse de  ne  plus  voir  Jésus,  ou  du  bonheur 
de  sentir  qu'il  allait  entrer  enfin  dans  la  gloire 
qui  lui  était  due.  La  réponse  venait  prompte- 
ment  à  la  pensée  de  ces  véritables  chrétiens, 
et  nous  aussi,  nous  nous  la  ferons  à  nous- 
mêmes.  Jésus  n'avait-il  pas  dit  à  ses  disciples  • 
«  Si  vous  m'aimiez,  vous  vous  réjouiriez  de 
ce  ce  que  je  m'en  vais  à  mon  Père  ^  >>  ?  Or,  qui 
aima  plus  Jésus  que  ne  l'aima  Marie  ?  Le 
cœur  de  la  mère  était  donc  dans  l'allégresse 
au  moment  de  cet  ineffable  adieu.  Marie  ne 
pouvait  songer  à  elle-même,  quand  il  s'agis- 
sait du  triomphe  dû  à  son  fils  et  à  son  Dieu. 
Après  les  scènes  du  Calvaire,  pouvait-elle 
aspirer  à  autre  chose  qu'à  voir  glorifié  enfin 
celui  qu'elle  connaissait  pour  le  souverain 
Seigneur  de  toutes  choses,  celui  qu'elle  avait 
vu  si  peu  de  jours  auparavant  renié,  blas- 
phémé, expirant  dans  toutes  les  douleurs  ? 

1.   JOHAN.   XIV,    28. 


L'Ascension  de  Notre-Seigneur.     14^ 

Le  cortège  sacré  a  traversé  la  vallée  de 
Josaphat,  il  a  passé  le  torrent  de  Cédron,  et 
il  se  dirige  sur  la  pente  du  mont  des  Oliviers. 
Quels  souvenirs  se  pressent  à  la  pensée  !  Ce 
torrent,  dont  le  iMessie  dans  ses  humiliations 
avait  bu  l'eau  bourbeuse,  est  devenu  aujour- 
d'hui le  chemin  de  la  gloire  pour  ce  même 
Messie.  Ainsi  l'avait  annoncé  David  1.  On  laisse 
sur  la  gauche  le  jardin  qui  fut  témoin  de  la 
plus  terrible  des  agonies,  cette  grotte  où  le 
calice  de  toutes  les  expiations  du  monde  fut 
présenté  à  Jésus  et  accepté  par  lui.  Après 
avoir  franchi  un  espace  que  saint  Luc  mesure 
d'après  celui  qu'il  était  permis  aux  Juifs  de 
parcourir  le  jour  du  Sabbat,  on  arrive  sur  le 
territoire  de  Béthanie,  cet  heureux  village  où 
Jésus,  dans  les  jours  de  sa  vie  mortelle,  re- 
cherchait l'hospitalité  de  Lazare  et  de  ses 
sœurs.  De  cet  endroit  de  la  montagne  des 
Oliviers  on  avait  la  vue  de  Jérusalem,  qui 
apparaissait  superbe  avec  son  temple  et  ses 
palais.  Cet  aspect  émeut  les  disciples.  La 
patrie  terrestre  fait  encore  battre  le  cœur  de 
ces  hommes  ;  un  moment  ils  oublient  la 
malédiction  prononcée  sur  l'ingrate  cité  de 
David,  et  semblent  ne  plus  se  souvenir  que 
Jésus  vient  de  les  faire  citoyens  et  conqué- 
rants du  monde  entier.  Le  rêve  de  la  gran- 
deur mondaine  de  Jérusalem  les  a  séduits 
tout  à  coup,  et  ils  osent  adresser  cette  ques- 
tion à  leur  Maître  :  «  Seigneur,  est-ce  à  ce 
«  moment  que  vous  rétablirez  le  royaume 
«  d'Israël  ?  » 

Jésus  répond  avec  une  sorte  de  sévérité  à 

Psalm.  cix. 


14^ 


Le  7\'mps  Pascal. 


cette  demande  indiscrète  :  «  Il  ne  vous  appar- 
tient pas  de  savoir  les  temps  et  les  moments 
que  le  Père  a  réservés  à  son  pouvoir.  »  Ces 
paroles  n'enlevaient  pas  l'espoir  que  Jérusa- 
lem fut  un  )our  rééditiée  par  Israël  devenu 
chrétien;  mais  ce  rétablissement  de  la  cité 
de  David  ne  devant  avoir  lieu  que  vers  la 
tin  des  temps,  il  n'était  pas  à  propos  que  le 
Sauveur  tît  connaître  le  secret  divin.  La  con- 
version du  monde  païen,  la  fondation  de 
l'Eglise,  tels  étaient  les  objets  qui  devaient 
préoccuper  les  disciples.  Jésus  les  ramène 
tout  aussitôt  à  la  mission  qu'il  leur  donnait  il 
y  a  peu  d'instants  :  «  \'ous  allez  recevoir,  leur 
dit-il,  la  vertu  du  Saint-Esprit  qui  descendra 
sur  vous,  et  [vous  serez  mes  témoins  dans 
Jérusalem,  dans  toute  la  Judée  et  la  Samarie, 
et  jusqu'aux  extrémités  de  la  terre  ^  ». 

Selon  une  tradition  qui  remonte  aux  pre- 
miers siècles  du  christianisme  2,  il  était 
l'heure  de  midi,  l'heure  à  laquelle  Jésus  avait 
été  élevé  sur  la  croix,  lorsque,  jetant  sur  l'as- 
sistance un  regard  de  tendresse  qui  dut  s'ar- 
rêter avec  une  complaisance  filiale  sur  Marie, 
il  éleva  les  mains  et  les  bénit  tous.  A  ce 
moment  ses  pieds  se  détachèrent  de  la  terre, 
et  il  s'élevait  au  cielî^.  Les  assistants  le  sui- 
vaient du  regard,  mais  bientôt  il  entra  dans 
une  nuée  qui  le  déroba  à  leurs  yeux  *. 

C'en  était  fait  :  la  terre  avait  perdu  son 
Emmanuel.  Quarante  siècles  l'avaient  at- 
tendu, et  il  s'était  rendu  enfin  aux  soupirs 
des  Patriarches  et  aux  vœux  enflammés  des 


I.  Act.  I,  6-8.  —  2.  Constit.  apost.  lib.  V,  cap.  xix. 
—  3.  Luc.  XXIV,  5 1 .  —  4.  Act.  I. 


L'Ascension  de  Notre- Seigneur.     14g 

Prophètes.  Nous  l'adorâmes,  captif  de  notre 
amour,  dans  les  chastes  flancs  de  la  vierge 
bénie.  Bientôt  l'heureuse  mère  nous  le  pré- 
senta sous  l'humble  toit  d'une  étable  à  Beth- 
léhem.  Nous  le  suivîmes  en  la  terre  d'Egypte, 
nous  l'accompagnâmes  au  retour,  et  nous 
vînmes  nous  fixer  avec  lui  à  Nazareth.  Lors- 
qu'il partit  pour  exercer  sa  mission  de  trois 
ans  dans  sa  patrie  terrestre,  nous  nous  atta- 
châmes à  ses  pas,  ravis  des  charmes  de  sa 
Eersonne,  écoutant  ses  discours  et  ses  para- 
oies,  assistant  à  ses  prodiges.  La  malice  de 
ses  ennemis  étant  montée  à  son  comble,  et 
l'heure  venue  où  il  devait  mettre  le  sceau  à 
cet  amour  qui  l'avait  attiré  du  ciel  en  terre 
par  la  mort  sanglante  et  ignominieuse  de  la 
croix,  nous  recueillîmes  son  dernier  soupir 
et  nous  fûmes  inondés  de  son  sang  divin.  Le 
troisième  jour,  il  s'échappait  de  son  sépulcre 
vivant  et  victorieux,  et  nous  étions  là  encore 
pour  applaudir  à  son  triomphe  sur  la  mort, 
par  lequel  il  nous  assurait  la  gloire  d'une 
résurrection  semblable  à  la  sienne.  Durant 
les  jours  qu'il  a  daigné  habiter  encore  cette 
terre,  notre  foi  ne  l'a  pas  quitté  ;  nous  eus- 
sions voulu  le  conserver  toujours;  et  voici 
qu'à  cette  heure  même  il  échappe  à  nos 
regards,  et  notre  amour  n'a  pu  le  retenir  ! 
Plus  heureuses  que  nous,  les  âmes  des  justes 
qu'il  avait  délivrées  des  limbes  l'ont  suivi 
dans  son  vol  rapide,  et  elles  jouissent  pour 
l'éternité  des  délices  de  sa  présence. 

Les  disciples  tenaient  encore  les  yeux  fixés 
au  ciel,  lorsque  soudain  deux  Anges  vêtus 
de  blanc  se  présentèrent  à  eux  et  leur  dirent  : 
«  Hommes  de  Galilée,  pourquoi   vous   arrê- 


i5o 


Le  Temps  Pascal. 


«  tez-vous  à  regarder  au  ciel  ?  Ce  Jésus 
«  qui  vous  a  quittés  pour  s'élever  au  ciel 
«  reviendra  un  jour  en  la  même  manière 
«  que  vous  l'avez  vu  monter  *  ».  Ainsi,  le 
Sauveur  est  remonté,  et  le  juge  doit  un  jour 
redescendre  :  toute  la  destinée  de  l'Eglise  est 
comprise  entre  ces  deux  termes.  Nous  vivons 
donc  présentement  sous  le  régime  du  Sau- 
veur; car  notre  Emmanuel  nous  a  dit  que 
(«  le  tils  de  l'homme  n'est  pas  venu  pour  juger 
le  monde,  mais  afin  que  le  monde  soit  sauvé 
par  lui  2  »  ;  et  c'est  dans  ce  but  miséricor- 
dieux que  les  disciples  viennent  de  recevoir 
la  mission  d'aller  par  toute  la  terre  et  de 
convier  les  hommes  au  salut,  pendant  qu'il 
en  est  temps  encore. 

Quelle  tâche  immense  Jésus  leur  a  confiée  ! 
et  au  moment  où  il  s'agit  pour  eux  de  s'y 
livrer,  il  les  quitte  !  Il  leur  faut  descendre 
seuls  cette  montagne  des  Oliviers  d'où  il  est 
parti  pour  le  ciel.  Leur  cœur  cependant  n'est 
pas  triste  ;  ils  ont  Marie  avec  eux,  et  la  géné- 
rosité de  cette  mère  incomparable  se  com- 
munique à  leurs  âmes.  Ils  aiment  leur  Klaî- 
tre;  leur  bonheur  est  désormais  de  penser 
qu'il  est  entré  dans  son  repos.  Les  disciples 
rentrèrent  dans  Jérusalem,  «  remplis  d'une 
«  vive  allégresse  »,  nous  dit  saint  Luc  ^, 
exprimant  par  ce  seul  mot  l'un  des  caractè- 
res de  cette  ineffable  fête  de  l'Ascension,  de 
cette  fête  empreinte  d'une  si  douce  mélanco- 
lie, mais  qui  respire  en  même  temps  plus 
qu'aucune  autre  la  joie  et  le  triomphe.  Durant 
son  Octave,    nous   essayerons    d'en  pénétrer 


L'Ascension  de  Notre- Se igneur>     r5i 

les  mj^stères  et  de  la  montrer  dans  toute  sa 
magnificence;  aujourd'hui  nous  nous  borne- 
rons à  dire  que  cette  solennité  est  le  complé- 
ment de  tous  les  mystères  de  notre  divin 
Rédempteur,  qu'elle  est  du  nombre  de  celles 
qui  ont  été  instituées  par  les  Apôtres  eux- 
mêmes  1  ;  enfin  qu'elle  a  rendu  sacré  pour 
jam.ais  le  jeudi  de  chaque  semaine,  jour  rendu 
déjà  si  auguste  par  l'institution  de  la  divine 
Eucharistie. 

Nous  avons  parlé  de  la  procession  solen- 
nelle par  laquelle  on  célébrait,  au  moyen 
âge,  la  marche  de  Jésus  et  de  ses  disciples  vers 
le  mont  des  Oliviers  ;  nous  devons  rappeler 
aussi  qu'en  ce  jour  on  bénissait  solennelle- 
ment du  pain  et  des  fruits  nouveaux,  en 
mémoire  du  dernier  repas  que  le  Sauveur 
avait  pris  dans  le  cénacle.  Imitons  la  piété 
de  ces  temps  où  les  chrétiens  avaient  à  cœur 
de  recueillir  les  moindres  traits  de  la  vie  de 
l'Homme-Dieu,  et  de  se  les  rendre  propres, 
pour  ainsi  dire,  en  reproduisant  dans  leur 
manière  de  vivre  toutes  les  circonstances 
que  le  saint  Evangile  leur  révélait.  Jésus- 
Christ  était  véritablement  aimé  et  adoré  dans 
ces  temps  où  les  hommes  se  souvenaient 
sans  cesse  qu'il  est  le  souverain  Seigneur, 
comme  il  est  le  commun  Rédempteur.  De 
nos  jours,  c'est  l'homme  qui  règne,  à  ses  ris- 
ques et  périls;  Jésus-Christ  est  refoulé  dans 
l'intime  de  la  vie  privée.  Et  pourtant  il  a 
droit  à  être  notre  préoccupation  de  tous  les 
jours  et  de  toutes  les  heures  !  Les  Anges 
dirent   aux   Apôtres  :  «   En  la  manière  que 

I.  Augustin.  Epist.  ad  Januar. 


7  52    L'Ascension  de  Notre-Seigneur. 


vous  l'avez  vu  monter,  ainsi  un  )our  il  des- 
cendra. »  Puissions-nous  l'avoir  aimé  et  servi 
durant  son  absence  avec  assez  d'empresse- 
ment, pour  oser  soutenir  ses  regards  lorsqu'il 


apparaîtra  tout  a  coup 


Nous  ne  donnons  point  ici  l'Office  des  pre- 
mières \'êpres  de  l'Ascension,  parce  que 
cette  fcte  étant  fixe  au  jeudi,  sa  Vigile  ne 
peut  jamais  se  rencontrer  le  dimanche,  tandis 
qu'il  en  est  autrement  pour  les  solennités 
auxquelles  nous  avons  accordé  ce  dévelop- 
pement. Au  reste,  sauf  le  Verset  et  l'Antienne 
de  Magnificat,  les  premières  et  les  secondes 
Vêpres  de  l'Ascension  sont  entièrement  sem- 
blables. 


A  TIERCE. 


I  'Hymne  et  les  trois  Psaumes  dont  se  com- 
L  pose  l'Office  de  Tierce,  se  trouvent  ci- 
dessus,  page  3o. 


.         ^   UMQUE      in- 
K^     tuerentur  in 
cœlum  euntem  illum.  di- 
xerunt  alléluia. 


Ant  l     ^  voyant  donc  qui 
■  L      montait  au  ciel, 
ils  prononcèrent  l'alleluia. 


CAPITULE.     {Act.     I.) 


^  RIMUM  quidem  sermo 
1  nem  feci  de  omnibus, 
o  Théophile,  quœ  cœpit 
Jésus  fncere  et  docere, 
usque  in  diem  qua  prre- 
cipiens      Apostolis     per 


J'ai  parlé  dans  mon  premier 
livre,  ô  Théophile,  de 
tout  ce  que  Jésus  a  fait  et 
enseigné,  jusquau  jour  où  il 
fut  élevé  au  ciel,  après  avoir 
instruit   par  le   Saint-Esprit 


A  la  Messe. 


i53 


les  Apôtres  qu'il  avait  choi- 


br. 


s  C  EN  D  IT 


A  Deus  in 
jubilatione,  *  Alléluia, 
alléluia.  Ascendit. 

jtf.  Et  Dominus  in  voce 
tubae.  *  Alléluia,  alléluia. 


Gloria  Patr 
dit. 


Asccn- 


A     L .  ï~\    lEU    est   tçonte 

^'  ''LJ  ^^^  acclama- 
tions de  la  joie,  *  Alléluia,  al 
leluia.  Dieu  est  monté. 

f.  Et  le  Seigneur  s'est  élevé 
au  son  des  trompettes.  *Alle 
luia,  alléluia. 

Gloire  au  Père.  Dieu  es 
monté. 

f .  Le  Christ  montant  dans 
les  cieux,  alléluia, 

Hl.  A  emmené  avec  lui  ceux 
qui  furent  captifs,  alléluia. 

L'Oraison  est  la  Collecte  de  la  Messe,  page 
i55, 

-4P- 


Spiritum  Sanctum,  quos 
elegit,  assumptus  est. 


f.  Ascendens  Chrislus 
in  altum,  alléluia, 

Rj.  Captivam  duxit 
captivitatem,   alléluia. 


A  LA  MESSE. 

T  'Eglise  romaine  indique  aujourd'hui  pour 
^  la  Station  la  basiliquede  Saint-Pierre.  C'est 
une  belle  pensée  de  réunir  en  un  tel  jour 
l'assemblée  des  fidèles  autour  du  glorieux 
tombeau  d'un  des  principaux  témoins  de  la 
triomphante  Ascension  de  son  Maître.  Cette 
Station  est  toujours  maintenue  ;  mais,  depuis 
plusieurs  siècles,  le  Pape  se  rend  avec  le 
sacré  Collège  des  Cardinaux  à  la  basilique 
du  Latran,  afin  de  terminer  dans  cet  antique 
sanctuaire,  dédié  par  Constantin  au  Sauveur 
des  hommes,  la  série  annuelle  des  mystères 
par  lesquels  le  Fils  de  Dieu  a  opéré  et  con- 
somme aujourd'hui  notre  salut. 

Dans  ces  deux  augustes  basiliques,  comme 


i54     LiA  scansion  de  Notre-Seigneur. 

dans  les  plus  humbles  églises  de  la  chrétienté, 
le  symbole  liturgique  de  la  fcte  est  le  Cierge 
pascal,  que  nous  vîmes  allumer  dans  la  nuit 
de  la  résurrection,  et  qui  était  destiné  à  figu- 
rer, par  sa  lumière  de  quarante  jours,  la 
durée  du  séjour  de  notre  divin  ressuscité  au 
milieu  de  ceux  qu'il  a  daigné  appeler  ses 
frères.  Les  regards  des  fidèles  rassemblés 
s'arrêtent  avec  complaisance  sur  sa  flamme 
scintillante,  qui  semble  briller  d'un  éclat  plus 
vif,  à  mesure  qu'approche  l'instant  où  elle  va 
succomber.  Bénissons  notre  mère  la  sainte 
Eglise  à  qui  l'Esprit-Saint  a  inspiré  l'art  de 
nous  instruire  et  de  nous  émouvoir  à  l'aide 
de  tant  d'ineffables  symboles  ,  et  rendons 
gloire  au  F"ils  de  Dieu  qui  a  daigné  nous 
dire  :  «  Je  suis  la  lumière  du  monde  '.  » 

L'Introït  annonce  avec  éclat  la  grande 
solennité  qui  nous  rassemble.  II  est  formé 
des  paroles  des  Anges  aux  Apôtres  sur  le 
mont  desOliviers.  Jésus  est  monté  aux  cieux  ; 
Jésus  en  doit  redescendre  un  jour. 


IRI  Galilasi,  quid  ad- 
Y  miramini,adspicien- 
tes  in  cœlum  ?  alléluia  : 
quemadmodum  vidistis 
eum  ascendentcm  in  cœ- 
lum, ita  veniet,  alléluia, 
alléluia,  alléluia. 

Ps.  Omnes  gentes 
plaudite  manibus:  jubi- 
late  Deo  in  voce  exsulta- 


OMMES  de  Galilée,  pour- 
Jh  quoi  regardez-vous  au 
ciel  avec  tant  d'étonnement? 
alléluia  !  en  la  manière  dont 
vous  l'avez  vu  monter  au  ciel, 
ainsi  il  reviendra,  alléluia  1 
alléluia  !  alléluia  ! 

Ps.  Peuples,  battez  des 
mains  ;  célébrer  Dieu  avec 
transport     par      des    chants 


I.   JOHAN.  vm,   12. 


A  la  Messe. 


i55 


d'allégresse.   Gloire  au  Père. 
Hommes  de  Galilée. 


tionis.  Gloria  Patri.  Viri 
Galilaîi. 


La  sainte  Eglise  recueillant  les  vœux  de  ses 
enfants  dans  la  Collecte,  demande  pour  eux 
à  Dieu  la  grâce  de  tenir  leurs  cœurs  attachés 
au  divin  Rédempteur,  que  leurs  désirs  doi- 
vent désormais  chercher  jusqu'au  ciel  où  il 
est  monté  le  premier. 


COLLECTE. 


FAITES-NOUS  cette  grâce,  o 
Dieu  tout-puissant,  que 
nous  qui  croyons  que  votre 
Fils  unique,  notre  Rédemp- 
teur, est  aujourd'hui  monté 
au  ciel,  nous  y  habitions  dé- 
jà aussi  nous-mêmes  par  l'ar- 
deur de  nos  désirs.  Par  le 
même  Jésus-Christ  notre 
Seigneur. 


CONCEDE,  quaesumus 
omnipotens  Deus  : 
ut  qui  hodierna  die  Uni- 
genitum  tuum  Redemp- 
torem  nostrum  ad  cœlos 
ascendisse  credimus,  ipsi 
quoque  mente  in  cœles- 
tibus  habitemus.  Pcr 
eumdem  Dominum  nos- 
trum Jesum  Chri&tum. 


Lecture  des  Actes  des  Apô- 
tres. Chap.  I. 

J'ai  parlé  dans  mon  pre- 
mier livre,  ô  Théophile, 
de  tout  ce  que  Jésus  a  fait  et 
enseigné,  jusqu'au  jour  où  il 
fut  élevé  dans  le  ciel,  après 
avoir  instruit  par  le  Saint- 
Esprit  les  Apôtres  qu'il  avait 
choisis  ;  auxquels  aussi  il 
s'était  montré  depuis  sa  Pas- 
sion, et  leur  avait  fait  voir 
par  beaucoup  de  preuves 
qu'il  était  vivant,  leur  appa- 
raissant durant  quarante 
iours,  et  leur  parlant  du 
Royaume   de    Dieu.  Et   pre- 


Lectio  Actuum  Aposto- 
lorum.  Cap.  i. 

PRLMUM  quidem  sermo- 
nem  feci  de  omnibus, 
o  Théophile,  quae  cœpit 
Jésus  facere  et  docere, 
usque  in  diem  qua  prœ- 
cipiens  Apostolis  per 
Spiritum  Sanctum,  quos 
elegit,  issumptus  est  : 
quibus  et  praïbuit  seip- 
sum  vivum  post  Passio- 
nem  suam  in  multis  ar- 
gumentis,  per  dies  qua- 
draginta  apparens  eis,  et 
loquens  de  regno  Dei. 
Et  conveïcens,    praecepit 


i56     V Ascension  de  Notre-Seîgneur. 


eis  ab  Jerosolymis  ne 
discederent,  sed  exspec- 
tarenl  promissionem  Pa- 
tris.    quam   audistis  (in- 

5uit)  per  os  meum  :  quia 
ohannes  quidem  bapti- 
zavit  aqua,  vos  autem 
bapiizabimini  Spiritu 
Sancto  non  post  multos 
hos  dies.  Igitur  qui  con- 
venernnt,  interrogabant 
tum  dicentcs  :  Domine, 
si  in  tempore  hoc  resti- 
tues regnum  Israël  ? 
Dixit  autem  eis  :  Non  est 
vestrum  nosse  tempora 
vel  momcnta,  qurc  Pater 
posuit  in  sua  potestate  : 
sed  accipietis  virtutem 
supervenientis  Spiritus 
Sancti  in  vos,  et  eritis 
mihi  testes  in  Jérusalem 
et  in  omni  Juda?a,  et  Sa- 
maria,  et  usque  ad  ul- 
timum  terrœ.  Et  cum 
hase  dixisset,  videntibus 
illis,  elevatus  est:  et  nu- 
bes  suscepit  eum  ab  ocu- 
lis  eorum.  Cumque  in- 
tuerentur  in  cœhim  eun- 
tem  illum,  ecce  duo  viri 
adstiterunt  juxta  illos  in 
vcstibus  albis,  qui  et  di- 
xerunt:  Viri  GaliLti, 
quid  statis  adspicientes 
in  cœlum  ?  Hic  Jésus, 
qui  assumptus  est  a  vobis 
in  cœlum,  sic  veniet, 
qucmadmodum  vidistis 
eum    euntem    in  cœlum. 


nant  un  repas  avec  eux,  il 
leur  commanda  de  ne  pas 
sortir  de  Jérusalem,  mais 
d'attendre  la  promesse  du 
Père,  que  vous  avez,  leur 
dit-i-1,  entendue  de  ma  propre 
bouche  ;  car  Jean  a  baptisé 
dans  l'eau  ;  mais  vous,  sous 
peu  de  jours,  vous  serez  bap- 
tisés dans  le  Saint-Esprit. 
Alors  ceux  qui  se  trouvaient 
résents    lui     demandèrent  ■ 


ë" 


gneur,  sera-ce  en  ce 
moment  que  vous  rétablirez 
le  royaume  d'Israël  ?  mais  il 
leur  dit  :  Il  ne  vous  appar- 
tient pas  de  savoir  les  temps 
et  les  moments  que  le  Père  a 
réservés  à  son  pouvoir;  mais 
vous  recevrez  la  vertu  du 
Saint-Esprit  qui  descendra 
sur  vous,  et  vous  serez  mes 
témoins  dans  Jérusalem,  et 
dans  toute  la  Judée  et  la  Sa- 
marie,  et  jusqu'aux  extrémi- 
tés de  la  terre.  Et  après  qu'il 
eut  dit  ces  choses,  ils  le  vi- 
rent s'élever  vers  le  ciel,  et  il 
entra  dans  une  nuée  qui  le 
déroba  à  leurs  yeux.  Et 
comme  ils  le  suivaient  du 
regard  montant  au  ciel,  deux 
hommes  vêtus  de  blanc  se 
présentèrent  tout  à  coup  à 
eux,  et  leur  dirent  :  Hom- 
mes de  Galilée,  pourquoi 
vous  arrêtez-vous  à  regarder 
au  ciel  ?  Ce  Jésus  qui  en 
vous  quittant  s'est  élevé  au 
ciel,  viendra  de  la  même 
manière  que  vous  l'y  avez  vu 
monter.  » 


A  la  Messe. 


M  eus  venons  d'assister,  en  suivant  cet  ad- 
mirable récit,  au  départ  de  notre  Emma- 
nuel pour  les  cieux.  Est-il  rien  de  plus  atten- 
drissant que  ce  regard  des  disciples  fixé  sur 
leur  Maître  divin  qui  s'élève  tout  à  coup 
en  les  bénissant  ?  Mais  un  nuage  vient  s'in- 
terposer entre  Jésus  et  eux,  et  leurs  yeux 
mouillés  de  larmes  ont  perdu  la  trace  de 
son  passage.  Ils  sont  seuls  désormais  sur  la 
montagne  ;  Jésus  leur  a  enlevé  sa  présence 
visible.  Dans  ce  monde  désert,  quel  ne  serait 
pas  leur  ennui,  si  sa  grâce  ne  les  soutenait, 
si  l'Esprit  divin  n'était  au  moment  de  des- 
cendre sur  eux  et  de  créer  en  eux  un  nouvel 
être?  Ce  n'est  donc  plus  qu'au  ciel  qu'ils  le 
reverront,  celui  qui,  étant  Dieu,  daigna  durant 
trois  années  être  leur  Maître,  et  qui,  à  la 
dernière  Cène,  voulut  bien  les  appeler  ses 
amis  ! 

Mais  le  deuil  n'est  pas  pour  eux  seulement. 
Cette  terre  qui  recevait  en  frémissant  de 
bonheur  la  trace  des  pas  du  Fils  de  Dieu,  ne 
sera  plus  foulée  par  ses  pieds  sacrés.  Elle  a 
perdu  cette  gloire  qu'elle  attendit  quatre 
mille  ans,  la  gloire  de  servir  d'habitation  à 
son  divin  auteur.  Les  nations  sont  dans  l'at- 
tente d'un  Libérateur  ;  mais,  hors  de  la  Judée 
et  de  la  Galilée,  les  hommes  ignorent  que  ce 
Libérateur  est  venu  et  qu'il  est  remonté  aux 
cieux.  L'œuvre  de  Jésus  cependant  n'en 
demeurera  pas  là.  Le  genre  humain  connaîtra 
sa  venue  ;  et,  quant  à  son  Ascension  au  ciel 
en  ce  jour,  écoutez  la  voix  de  la  sainte 
Eglise  qui  dans  les  cinq  parties  du  monde 
retentit  et  proclame  le  triomphe  de  l'Emma- 


i58    L'Ascension  de  Notre-Seigneur. 


nuel.  Dix-huit  siècles  se  sont  écoulés  depuis 
son  départ,  et  nos  adieux  pleins  de  respect 
et  d'amour  s'unissent  encore  à  ceux  que  lui 
adressèrent  ses  disciples,  pendant  qu'il  s'éle- 
vait au  ciel.  Nous  aussi  nous  pleurons  son 
absence  ;  mais  nous  sommes  heureux  aussi 
de  le  voir  glorifié,  couronné,  assis  à  la  droite 
de  son  Père.  \'ous  êtes  entré  dans  votre  repos, 
Seigneur;  nous  vous  adorons  sur  votre  trône, 
nous  qui  sommes  vos  rachetés,  votre  con- 
quête. Bénissez-nous,  attirez-nous  à  vous,  et 
daignez  faire  que  votre  dernier  avènement 
soit  notre  espoir  et  non  notre  crainte. 

Les  deux  Versets  de  l'Alleluia  répètent  les 
accents  de  David  célébrant  d'avance  le  Christ 
qui  monte  dans  sa  s;loire,  les  acclamations 
des  Anges,  les  sons  éclatants  des  trompettes 
célestes,  le  superbe  trophée  aue  le  vainqueur 
entraîne  après  lui  dans  ces  neureux  captifs 
qu'il  a  délivrés  de  la  prison  des  limbes. 


A    LLELUIA,  alléluia, 

f.  Ascendit  Deus  in 
jubilatione,  et  Dominus 
in  voce  tubae. 

Alléluia. 

f.  Dominus  in  Sina  in 
sancto,  ascendens  in  al- 
tum,  captivam  duxit  cap- 
tivitatem,  alléluia. 


A 


LLELUIA,  alléluia. 


f.  Dieu  est  monté  au  ciel 
au  milieu  des  cris  de  joie  ;  le 
Seigneur  est  monté  au  son 
des  trompettes. 

Alléluia. 

^.  Le  Seigneur  du  Sina  est 
entre  dans  son  sanctuaire;  il 
est  monté  en  haut,  et  il  a  em- 
mené avec  lui  ceux  qui  furent 
captifs,  alléluia. 


A  la  Messe. 


i5g 


La  suite   du  saint   Evangile 
selon    saint   Marc.    Chap. 

XVI. 

^N  ce  temps-là,  les  onze 
disciples  étant  à  table. 
Jésus  leur  apparut,  et  il  leur 
reprocha  leur  incrédulité  et 
la  dureté  de  leurs  cœurs,  de 
n'avoir  pas  cru  à  ceux  qui 
avaient  vu  qu'il  était  ressus- 
cité. Et  il  leur  dit  :  Allez 
par  le  monde  entier,  prêchez 
l'Evangile  à  toute  créature. 
Celui  qui  croira  et  qui  sera 
baptisé,  sera  sauvé  ;  niais  ce- 
lui qui  ne  croira  pas  sera  con- 
damné. \'oici  les  miracles  qui 
accompagneront  ceux  qui 
auront  cru  :  ils  chasseront  les 
démons  en  mon  nom  ;  ils  par- 
leront des  langues  nouvelles; 
ils  prendront  les  serpents 
avec  la  main  ;  et  s'ils  boivent 
quelque  breuvage  mortel,  il 
ne  leur  nuira  pas  ;  ils  impose- 
ront les  mains  sur  les  mala- 
des, et  les  malades  seront 
guéris.  Et  après  leur  avoir 
parlé,  le  Seigneur  Jésus  fut 
é^evé  au  ciel,  où  il  est  assis  à 
la  droite  de  Dieu.  Et  eux 
étant  partis  prêchèrent  par- 
tout, le  Seigneur  coopérant 
avec  eux,  et  confirmant  leur 
parole  par  les  miracles  qui 
l'accompagnaient. 


Sequentia  sancti  Evan- 
gelii  secundum  Mar- 
cum.  Cap.  xvi. 

I  N  illo  tempore  :  Recum- 
bentibus  undecim  dis- 
cipulis,  apparuit  illis  Jé- 
sus, et  exprobravit  incre- 
dulitatem  eorum  et  duri- 
tiam  cordis  :  quia  iis, 
qui  viderant  eum  resur- 
rexisse.  non  crediderunt. 
Et  dixit  eis  :  Euntes  in 
mu  n  d  u  m  universum, 
praedicate  Evangelium 
orani  creaturse.  Qui  cre- 
diderit.  et  baptizatus  fue- 
rit,  salvus  erit  :  qui  vero 
non  crediderit,  condem- 
nabitur.  Signa  autem 
eos,  qui  crediderint,  haec 
sequentur  :  In  nomine 
meo  dasmonia  ejicienf, 
linguis  loquentur  novis  : 
serpentes  toUent  :  et  si 
mortiferum  quid  bibe- 
rint,  non  eis  nocebit  : 
super  œgros  manus  im- 
ponent.  et  bene  habe- 
bunt.  Et  Dominus  qui- 
dam Jésus,  postquam  lo- 
culus  est  eis,  assumptus 
est  in  cœlum,  et  sedet  a 
dextris  Dei.  Illi  autem 
profecti  prasdicaverunt 
ubique,  Domino  coopé- 
rante, et  sermonem  con- 
firmante sequentibus  si- 
gnis. 


i6o     L'Ascension  de  Notre-Seif^neuv 


I  E  diacre  ayant  achevé  ces  paroles,  un 
*-  acolyte  monte  à  l'ambon,  et  éteint  silen- 
cieusement le  Cierge  mystérieux  qui  nous 
rappelait  la  présence  de  Jésus  ressuscité.  Ce 
rite  expressif  annonce  le  commencement  du 
veuvage  de  la  sainte  Eglise,  et  avertit  nos 
âmes  que  pour  contempler  désormais  notre 
Sauveur,  il  nous  faut  aspirer  au  ciel  où  il 
réside.  Que  rapide  a  été  son  passage  ici-bas  ! 
que  de  générations  se  sont  succédé,  que  de 
générations  se  succéderont  encore  jusqu'à  ce 
qu'il  se  montre  de  nouveau  ! 

Loin  de  lui,  la  sainte  Eglise  ressent  les 
langueurs  de  l'exil  ;  elle  persévère  néanmoins 
à  habiter  cette  vallée  de  larmes  ;  car  c'est  là 
qu'elle  doit  élever  les  enfants  dont  le  divin 
Époux  l'a  rendue  mère  par  son  Esprit  ;  mais 
la  vue  de  son  Jésus  lui  manque,  et  si  nous 
sommes  chrétiens,  elle  doit  nous  manquer 
aussi  à  nous-mêmes.  Oh!  quand  viendra  le 
jour  où  de  nouveau  revêtus  de  notre  chair, 
«  nous  nous  élancerons  dans  les  airs  à  la 
rencontre  du  Seigneur,  pour  demeurer  avec 
lui  à  jamais  ^  !  »  C'est  alors,  et  seiilement 
alors,  que  nous  aurons  atteint  la  fin  pour 
laquelle  nous  fûmes  créés. 

Tous  les  mystères  du  Verbe  incarné  que 
nous  avons  vu  se  dérouler  jusqu'ici  devaient 
aboutir  à  son  Ascension  ;  toutes  les  grâces 
que  nous  recevons  jour  par  jour  doivent  se 
terminer  à  la  nôtre.  «  Ce  monde  n'est  qu'une 
figure  qui  passe  -  »  ;  et  nous  sommes  en  marche 


l.  I  Thcss.  IV,   i6.  —  2.  I  Cor.  va,  3i, 


A  la  Messe.  16 1 


pour  aller  rejoindre  notre  divin  Chef.  En  lui 
est  notre  vie,  notre  félicité  ;  c'est  en  vain  que 
nous  voudrions  les  chercher  ailleurs.  Tout 
ce  qui  nous  rapproche  de  Jésus  nous  est  bon  ; 
tout  ce  qui  nous  en  éloigne  est  mauvais  et 
funeste.  Le  mystère  de  l'Ascension  est  le 
dernier  éclair  que  Dieu  fait  luire  à  nos  regards 
pour  nous  montrer  la  voie.  Si  notre  cœur 
aspire  à  retrouver  Jésus,  c'est  qu'il  vit  de  la 
vraie  vie;  s'il  est  concentré  dans  les  choses 
créées,  en  sorte  qu'il  ne  ressente  plus  l'at- 
traction du  céleste  aimant  qui  est  Jésus,  c'est 
qu'il  serait  mort. 

Levons  donc  les  yeux  comme  les  disciples, 
et  suivons  en  désir  celui  qui  monte  aujour- 
d'hui et  qui  va  nous  préparer  une  place.  En 
haut  les  cœurs!  Sursum  corda  !  c'est  le  cri 
d'adieu  que  nous  envoient  nos  frères  qui 
montent  à  la  suite  du  divin  Triomphateur; 
c'est  le  cri  des  saints  Anges  accourus  au- 
devant  de  l'Emmanuel,  et  qui  nous  invitent  à 
venir  renforcer  leurs  rangs. 

Sois  donc  béni,  6  Cierge  de  la  Pâque, 
colonne  lumineuse,  qui  nous  as  réjouis  qua- 
rante jours  par  ta  flamme  joyeuse  et  bril- 
lante !  Tu  nous  parlais  de  Jésus,  notre  flam- 
beau dans  la  nuit  de  ce  monde;  maintenant 
ta  lumière  éteinte  nous  avertit  qu'ici-bas  on 
ne  voit  plus  Jésus,  et  que  pour  le  voir  désor- 
mais, il  faut  s'élever  au  ciel.  Symbole  chéri 
que  la  main  maternelle  de  la  sainte  Eglise 
avait  créé  pour  parler  à  nos  cœurs  en  attirant 
nos  regards,  nous  te  faisons  nos  adieux;  mais 
nous  conservons  le  souvenir  des  saintes  émo- 
tions que  ta  vue  nous  fit  ressentir  dans  tout 
le  cours  de  cet  heureux  Temps  pascal  que  tu 


LE    TEMPS    PASCAL.    —      T.    III. 


102     L'Ascension  de  Notre-Seigneur. 

fus  chargé  de  nous  annoncer,  et  qui  à  peine 
te  survivra  de  quelques  jours. 

Pour  Antienne  de  l'Offertoire,  l'Eglise 
emploie  les  mêmes  paroles  de  David  qu'elle 
a  fait  retentir  avant  la  lecture  de  l'Evangile. 
Elle  n'a  qu'une  pensée  :  le  triomphe  de 
Epoux,  la  joie  du  ciel  qu'elle  veut  voir 
tagée  par  les  habitants  de  la  terre. 


son 
par- 


OFFERTOIRE. 


^  SCENDIT  Deus  in  ju- 
A  bilatione  :  et  Domi- 
nus  in  voce  tubœ,  allé- 
luia. 


DIEU  est  n.  jntc  aux  accla- 
mations de  la  joie  :  le 
Seigneur  s'est  élevé  au  son 
des  trompettes,  alléluia. 


Entrer  à  la  suite  de  Jésus  dans  la  vie  éter- 
nelle, éviter  les  obstacles  qui  peuvent  se 
rencontrer  dans  la  voie,  tels  doivent  être  nos 
désirs  en  ce  jour,  telle  est  aussi  la  demande 
que  la  sainte  Eglise  adresse  pour  nous  à  Dieu 
dans  l'oraison  Secrète. 


SUSCIPE.  Domine,  mu 
nera,  qua»  pro  Filii 
tui  gloriosa  Ascensione 
deferimiis  :  et  concède 
propitius;  ut  a  prœsen- 
libus  periculis  liberemur 
et  ad  vitam  perveniamus 
asternam.  Per  eumdem 
Dominum  nostrum  Je- 
sum  Christum. 


n< 


ECEVEZ,  Seigneur  ,  les 
dons  que  nous  vous  of- 
frons en  mémoire  de  l'As- 
cension glorieuse  de  votre 
Fils;  et  daignez  faire  que 
nous  soyons  délivrés  des 
périls  de  la  vie  présente,  e' 
que  nous  parvenions  à  la  vi< 
éternelle.  Par  le  même  Jé?us 
Christ  notre  Seigneur. 


PRÉFACE. 

ERE  dignum  et  jus- U-^  Ul,  c'est  une  chose  dign 
Y  tum  est,  aequum  et  k^  et  juste,  équitable  e 
salutare,  nos  tibi  semper  |  salutaire,      de     vous     rendr 


A  la  Messe. 


i63 


et  ubique  gratias  agere  : 
Domine  sancte  ,  Pater 
omnipotens  ,  œ  t  e  r  n  e 
Deus,  per  Christum  Do- 
minum  nostrum  ;  qui 
post  resurrectionem  suam 
omnibus  discipulis  suis 
manifestus  apparuit,  et 
ipsis  cernentibus  est  ele- 
vatus  in  cœlum,  ut  nos 
divinitatis  suoe  tribueret 
esse  participes.  Et  ideo 
cum  Angelis  et  Archan- 
gelis.  cum  Thronis  et 
Dominationibus,  cumque 
omni  militia  cœlestis 
exercitus,  hymnum  glo- 
rise  tuae  canimus,  sine 
fine  dicentes  :  Sanctus, 
Sanctus,  Sanctus. 

Un  nouveau  verset  de  David  fournit  l'An- 
tienne de  la  Communion.  Le  roi-prophète  y 
annonce,  mille  ans  à  l'avance,  que  c'est  à 
l'Orient  que  l'Emmanuel  s'élèvera  aux  cieux. 
C'est  en  effet  de  la  montagne  des  Oliviers 
située  au  Levant  de  Jérusalem  que  nous  avons 
vu  aujourd'hui  Jésus  partir  pour  le  royaume 
de  son  Père. 


grâces  en  tout  temps  et  en 
tous  lieux,  Seigneur  saint, 
Père  tout-puissant  ,  Dieu 
éternel  ,  par  Jésus-Christ 
notre  Seigneur,  qui  après  sa 
résurrection  apparut  à  ses 
disciples  rassemblés,  et  à 
leurs  yeux  s'éleva  au  ciel,  afin 
de  nous  rendre  participants 
de  sa  divinité.  C'est  pour- 
quoi, unis  aux  Anges  et  aux 
Archanges,  aux  Trônes  et 
aux  Dominations,  à  la  milice 
entière  de  l'armée  céleste, 
nous  chantons  l'hymne  de 
votre  gloire  ;  et  nous  répé- 
tons sans  fin  :  Saint  !  Saint  ! 
Saint! 


COMMUNION. 


CHANTEZ  des  hymnes  au 
Seigneur,  qui  est  monté 
vers  l'Orient  jusqu'au  plus 
haut  des  cieux,  alléluia. 


p.   SALLITE  Domino,  qui 
f       ascendit  super  cœlos 

cœlorum    ad    Orientera, 

alléluia. 


Le  peuple  fidèle  vient  de  sceller  son  alliance 
avec  son  divin  Chef  en  participant  à  l'au- 
guste Sacrement  ;  l'Eglise  demande  à  Dieu 
que  ce  mystère,  qui  contient  Jésus  désormais 


104     L'Ascension  de  Notre-Seigneur. 

invisible,  opère   en  nous  ce  qu'il  exprime  à 
l'extérieur. 


POSTCOMMUNION. 


PR.tSTA  nobis,  qujesu- 
mus  omnipotens  et 
misericors  Deus  ,  ut 
quae  visibilibus  myste- 
riis  sumenda  percepi- 
mus,  invisibili  consequa- 
mur  effectu.  Per  Domi- 
num. 


D 


AIGNEZ,  ô  Dieu  tout 


puis- 


nous  faire  ressentir  les  effets 
invisibles  des  Mystères  aux- 
quels nous  participons  visi- 
blement. Par  Jésus-Christ. 


A  SEXTE. 
L  'Hymne  et  les  trois  Psaumes  dont  se  com- 
pose  l'Office   de  Sexte,   se   trouvent   ci- 
dessus,  page  56. 


Av-rU     LEVATis    ma- 
_P       nibus   bene- 
dixit  eis,  et  ferebatur  in 
cœlum,  alléluia. 

CAPITULE.  (  Act.    I.) 


LEVANT  les  mains, 
il  les  bénit,  et  il 
s'enlevait  au  ciel,  alléluia. 


Ant£ 


E\ 


convescens,  praece- 
pit  eis  ab  Jerosoly- 
mis  ne  discederent,  sed 
exspectarent  promissio- 
nem  Patris,  quam  au- 
distis  (inquit)  per  os 
meum  :  quia  Johannes 
quidem  baptizarit  aqua. 
vos  autem  baptizabiraini 
Spiritu  Sancto  non  post 
multos  hos  dies. 

^.   brA       SCENDENS 
i   i       Lhristus  in 
altum,   *  Alléluia,   allé- 
luia. Ascendens. 


ET  prenant  un  repas  avec 
eux,  il  leur  commanda  de 
ne  pas  sortir  de  Jérusalem, 
mais  d'attendre  la  promesse 
du  Père,  que  vous  avez,  leur 
dit-il,  entendue  de  ma  propre 
bouche;  car  Jean  a  baptisé 
dans  l'eau;  mais  vous,  sous 
peu  de  jours,  vous  serez 
baptisés  dans  le  Saint-Esprit. 


a    i  J        E  Christ  montant 

''-        dans  les  cieux,  * 

Alléluia,  alléluia.  Le  Christ. 


Midi. 


i65 


f.  A  emmené  avec  lui  ceux 
qui  furent  captifs.  *Alleluia, 
alléluia. 

Gloire  au  Père.  Le  Christ. 


^.  Je  monte  vers  mon  Père 
et  votre  Père,  alléluia, 

fi|.  Vers  mon  Dieu  et  votre 
Dieu,  alléluia. 


j^.  Captivam  duxit 
captivitatem.  *  Alléluia, 
alléluia. 

Gloria  Patri.  Ascen- 
dens. 

f.  Ascendo  ad  Patrem 
meum,  et  Patrem  ves- 
trum.   alléluia, 

fil.  Deum  meum  ,  et 
Deum  vestrum.   alléluia. 


L'Oraison  est  la  Collecte  de  la  Messe,  ci- 
dessus,  page  i55. 


MIDI. 

r  Jne  tradition  descendue  des  premiers  siè- 
clés  et  confirmée  par  les  révélations  des 
saints,  nous  apprend  que  l'heure  de  l'Ascen- 
sion du  Sauveur  fut  l'heure  de  midi.  Les 
Carmélites  de  la  réforme  de  sainte  Thérèse 
honorent  d'un  culte  particulier  ce  pieux  sou- 
venir. A  l'heure  où  nous  sommes,  elles  sont 
réunies  au  chœur,  vaquant  debout  à  la  con- 
tem.plation  du  dernier  des  mystères  de  Jésus, 
et  suivant  l'Emmanuel  de  la  pensée  et  du 
cœur  aussi  haut  que  son  vol  divin  l'em- 
porte. 

Suivons-le  aussi  nous-mêmes;  mais  avant 
de  fixer  nos  regards  sur  le  radieux  midi  qui 
éclaire  son  triomphe,  revenons  un  moment 
par  la  pensée  à  son  point  de  départ.  C'est  à 
minuit,  au  sein  des  ténèbres,  qu'il  éclata 
tout  à  coup  dans  l'étable  de  Bethléhem.  Cette 
heure  nocturne  et  silencieuse  convenait  au 
début  de  sa  mission.  Son  œuvre  tout  entière 


i66    L'Ascension  de  Notre-Seif^neur. 

était  devant  lui,  et  trente-trois  années  devaient 
être  employées  à  l'accomplir.  Cette  mission 
se  déroula  année  par  année,  jour  par  jour, 
et  elle  allait  touchant  à  sa  fin,  lorsque  les 
hommes,  dans  leur  malice,  se  saisirent  de 
lui  et  l'attachèrent  à  une  croix.  On  était  au 
milieu  du  jour,  lorsqu'il  parut  élevé  dans  les 
airs;  mais  son  Père  ne  voulut  pas  que  le 
soleil  éclairât  ce  qui  était  une  humiliation  et 
non  un  triomphe.  D'épaisses  ténèbres  couvri- 
rent la  terre  entière;  cette  journée  fut  sans 
midi.  Quand  le  soleil  reparut,  il  était  déjà 
l'heure  de  None.  Trois  jours  après,  il  sortait 
du  tombeau  aux  premiers  rayons  de  l'au- 
rore. 

Aujourd'hui,  à  ce  moment  même,  son  œuvre 
est  consommée.  Jésus  a  payé  de  son  sang  la 
rançon  de  nos  péchés,  il  a  vaincu  la  mort  en 
ressuscitant  glorieux;  n'a-t-il  pas  le  droit  de 
choisir  pour  son  départ  l'heure  où  le  soleil, 
son  image,  verse  tous  ses  feux  et  inonde  de 
lumière  cette  terre  que  son  Rédempteur  va 
échanger  pour  le  ciel?  Salut  donc,  heure  de 
midi  deux  fois  sacrée,  puisque  tu  nous  redis 
chaque  jour  et  la  miséricorde  et  la  victoire 
de  notre  Emmanuel  !  Gloire  à  toi  pour  la 
double  auréole  que  tu  portes  :  le  salut  de 
l'homme  par  la  croix,  et  l'entrée  de  l'homme 
au  royaume  des  cieux  !• 

Mais  n'êtes-vous  pas  aussi  vous-même  le 
Midi  de  nos  âmes,  ô  Jésus,  Soleil  de  justice  ! 
Cette  plénitude  de  lumière  à  laquelle  nous 
aspirons,  cette  ardeur  de  l'amour  éternel  qui 
seul  peut  nous  rendre  heureux,  où  les  trou- 
verons-nous, sinon  en  vous  qui  êtes  venu  ici- 
bas  éclairer  nos  ténèbres  et  fondre  nos  glaces.'' 


A  Nonc.  TÔy 


Dans  cette  espérance,  nous  écoutons  les  mélo- 
dieuses paroles  de  Gertrude  votre  fidèle 
épouse,  et  nous  sollicitons  la  grâce  de  pou- 
voir un  jour  les  répéter  après  elle  :  «  O  amour, 
«  ô  Midi  dont  l'ardeur  est  si  douce,  vous  êtes 
a  l'heure  du  repos  sacré,  et  la  paix  entière 
«  que  l'on  goûte  en  vous  fait  nos  délices.  O 
«  mon  Bien-Aimé,  élu  et  choisi  au-dessus  de 
«  toute  créature,  faites-moi  savoir,  montrez- 
«  moi  le  lieu  où  vous  paissez  votre  troupeau, 
«  où  vous  prenez  votre  repos  à  l'heure  de 
«  midi.  Mon  cœur  s'enflamme  à  la  pensée  de 
«  vos  doux  loisirs  à  ce  moment.  Oh  !  s'il  m'é- 
«  tait  donné  d'approcher  de  vous  assez  près 
«  pour  n'être  plus  seulement  près  de  vous, 
«  mais  en  vous!  Par  votre  influence,  6  Soleil 
«  de  justice,  toutes  les  fleurs  des  vertus  sor- 
«  tiraient  de  moi  qui  ne  suis  que  cendre  et 
«  poussière.  Fécondée  par  vos  rayons,  6  mon 
«  Maître  et  mon  Epoux,  mon  âme  produi- 
«  rait  les  nobles  fruits  de  toute  perfection. 
«  Enlevée  de  cette  vallée  de  misère,  admise  à 
«  contempler  vos  traits  si  désirés,  mon  bon- 
ce  heur  éternel  serait  de  penser  que  vous 
«  n'avez  pas  dédaigné,  6  miroir  sans  tache, 
«  de  vous  unir  à  une  pécheresse  telle 
«  que  moi  i.  » 

A  NO  NE. 

T'HvMNE  et  les  Psaumes,  ci-dessus,  page  Gi. 

Axr-r     /^  OMME  ils    le    COn-  I  .  \/IDENTIBUS 

^^^-  \^    sidéraient,  il  I      ^^^-      ^      illis  eleva- 
I.  Exercitia  S.  Gertrudis.  Diev. 


tus  est,  et  nubes  suscepit 
cum  in  cœlo,  alléluia. 


s'éleva,  et  une  nuée  le  reçut 
pour  le  porter  jusqu'au  ciel, 
alléluia. 


\lRI  Galilaei,  quid  sta- 
tis  adspicientes  in 
cœlum  ?  Hic  Jésus,  qui 
assumptus  est  a  vobis 
in  cœlum,  sic  veniet, 
qiiemadmodum  vidistis 
eum  euntem  in  cœlum. 


CAPITULE.    {Act.   I.) 

}-^MMES  de  Galilée,  pour- 
quoi vous  arrêtez-vous 
à  regarder  au  ciel  ?  Ce  Jésus 
qui  en  vous  quittant  s'est 
élevé  au  ciel,  viendra  de  la 
même  manière  que  vous  l'y 
avez  vu  monter. 


hr.A 


„     u       LX     SCENDO    ad 
^.  t>r.^      P  a  t  r  e  m 

meum,  et  Patrem  ves- 
trum,*  Alléluia,  alléluia. 
Ascendo. 

f.  Deum  meum  ,  et 
Deiim  vestrum.  *  Allé- 
luia, alléluia. 

Gloria  Patri.  Ascendo. 

f.  Dominus  in  cœlo, 
alléluia, 

^.  P  a  r  a  v  i  t  sedem 
suam,  alléluia. 


„    ,       I  E  monte  vers  mon 

Père,  *  Alléluia,  alléluia.   Je 
monte. 


f.  Vers  mon  Dieu  et  votre 
Dieu.  *  Alléluia,  alléluia. 

Gloire  au  Père.  Je  monte. 

f.  Au    ciel,   le    Seigneur, 
alléluia, 
'Bf.  A    préparé    son  trône, 

alléluia. 


L'Oraison,  page  i55. 


A  VEPRES. 

Le  Seigneur  Jésus  a  disparu  de  la  terre; 
mais  son  souvenir  et  ses  promesses  sont 
demeurés  au  fond  du  cœur  de  la  sainte 
Eglise.  Elle  suit  par  la  pensée  le  triomphe  si 
splendide  de  son  Epoux,  triomphe  si  mérité 
après  l'œuvre  accomplie  du  salut  des  hom- 
mes. Elle  ressent  son   veuvage  ;  mais    elle 


A   Vêpres. 


JÔg 


attend  d'une  foi  ferme  le  Consolateur  promis. 
Cependant  les  heures  s'écoulent,  le  soir  appro- 
che; elle  rassemble  alors  ses  enfants,  et  dans 
l'Office  des  Vêpres,  elle  repasse  avec  eux  le 
profond  mystère  de  ce  grand  jour. 

Les  Antiennes  des  Psaumes  reproduisent 
le  récit  de  l'événement  qui  s'est  accompli  à 
l'heure  de  midi;  elles  sont  mélodieuses,  mais 
non  sans  une  expression  triste  comme  il  con- 
vient au  jour  des  adieux. 


I.  Ant.  HT,''^''^^^"- 
lilee,  pour- 
quoi regardez-vous  au  ciel? 
Ce  Jésus  qui  en  vous  quittant 
s'est  élevé  au  ciel,  viendra 
de  la  même  manière,  allé- 
luia. 


I.  Ant. 


\J  ïRi  Gali- 


Lxi,  quid 
adspicitis  in  cœlum  ?  Hic 
Jésus  qui  assumptus  est 
a  vobis  in  cœlum,  sic 
veniet,  alléluia. 


Psaume  cix.  Dixit  Dominus,  page  67. 


2.  Ant.  Le  voyant  donc 
qui  montait  au  ciel,  ils  pro- 
noncèrent l'alleluia. 


2.  Ant.  Cumque  in- 
iLierentur  in  cœlum  eun- 
tem  illum,  dixerunt  allé- 
luia. 


Psaume  ex.    Confitebor,  page  68. 


3.  Ant.  Elevant  les  mains, 
il  les  bénit,  et  il  s'enlevait  au 
ciel,  alléluia. 


3.  Ant.  Elevatis  ma- 
nibus,  benedixit  eis,  et 
ferebatur  in  cœlum,  al- 
léluia. 

Psaume  cxi.  Beatus  vir,  page  69. 

4.  Ant.  Exaltate  Re- 
gem  regum,  et  hymnum 
dicite  Deo,  alléluia. 


4.  Ant.  Célébrez  avec 
transport  le  Roi  des  rois,  et 
chantez  une  hymne  à  Dieu, 
alléluia. 

Psaume  cxii.  Laudate,  pueri,  page  71. 

5.  Ant.  Comme  ils  le  con- I      5.  Ant.  Videntibus 
sidéraient,  il  s'éleva,  et  une  |  illis  elevatus  est,  et  nu- 


i~o     L'Ascension  de  Notre-Seigncur. 

bes      suscepit      eum     in  1  nuée  le  reçut  pour  le   porter 
ccelo,  alléluia.  |  jusqu'au  ciel,  alléluia. 


PSAUME    CXVI, 


LAUDATE  Dominum  , 
'  omnes  gentes  :  *  lau- 
date  eum,  omnes  populi. 
Quoniam  confirmata 
est  super  nos  misericor- 
dia  ejus  :  *  et  veritas  Do- 
mini  manec   in  aeternum. 


Tot'TES  les  nations, louez  le 
Seigneur;  tous  les  peu- 
ples, proclamez  sa  gloire. 

Car  sa  miséricorde  s'est 
affermie  sur  nous,  et  la  vérité 
du  Seigneur  demeure  éter- 
nellement. 


CAPITULE.    {Ad.   I.) 


PIMUM  quidem  sermo- 
nem  feci  de  omnibus, 
G  Théophile,  quae  cœpit 
Jésus  facere  et  docere, 
usque  in  diem  quvT  prae- 
cipiens  Apostolis  per 
Spiritum  Sanctum,  quos 
elegit,  assumptus  est. 


Tai  parlé  dans  mon  premier 
-^  livre,  ô  Théophile,  de 
tout  ce  que  Jésus  a  fait  et 
enseigné,  jusqu'au  jour  où  il 
fut  élevé  au  ciel,  après  avoir 
instruit  par  le  Saint-Esprit 
les  Apôtres  qu'il  avait  choi- 
sis. 


L'Hymne,  pleine  de  suavité,  a  pour  auteur 
saint  Ambroise;  mais  elle  a  été  retouchée 
plus  ou  moins  heureusement  au  xvii'  siècle. 


Calutis  humanne  sator, 
^  Jesu,    voluptas    cor- 

dium, 
Orbis  redempti  conditor, 
Et  casta    lux  amantium. 


Qua  victus  es  clemen- 

tia, 
Ut  nostra  ferres  crimina, 
Mortem    subires     inno- 

cens, 
A  morte  nos  ut  tôlières  ! 


A  UTEUR  du  salut  de  l'hom- 
me,  ô  Jésus,  amour  des 
cœurs,  créateur  de  ce  monde 
que  vous  avez  racheté,  chaste 
lumière  de  ceux  qui  vous 
aiment. 

Vaincu  par  votre  clémence, 
vous  vous  étiez  chargé  de 
nos  crimes  ;  innocent,  vous 
snuff"rîtes  la  mort,  afin  dj 
nous  arracher  nous-mêmes 
au  trépas. 


Votre  bras  a  brisé  les  por- 
tes des  enfers,  vous  avez  fait 
tomber  les  chaînes  des  cap- 
tifs ;  après  votre  victoire  vous 
avez  obtenu  le  plus  noble 
triomphe,  et  vous  êtes  venu 
vous  asseoir  à  la  droite  du 
Père. 

Laissez-vous  fléchir  par 
votre  bouté,  daignez  réparer 
nos  malheurs  nouveaux  ; 
montrez-nous  votre  visage 
divin,  donnez-nous  le  bon- 
heur au  sein  de  la  lumière  qui 
rend  heureuses  les  âmes. 

Vous  êtes  notre  guide  et 
notre  sentier  jusqu'aux  cieux; 
soyez  aussi  le  but  que  dési- 
rent nos  cœurs  ;  soyez  la  joie 
de  nos  larmes  et  la  douce  ré- 
compense d'une  vie  consacrée 
à  vous. 
Amen. 

a,     A   U  ciel,   le   Seigneur, 
"■  -**    alléluia, 
B?.  A   préparc     son   trône, 
alléluia. 


Perrumpis      infernum 

chaos, 

Vinctis  catenas  detrahis  : 

Victor  triumpho  nobili. 

Ad  dexteram  Patris  se- 

des. 


Te  cogat  indulgentia, 
Ut  damna  nostra  sarclas, 
Tuique  vultus  compotes 
Dites  beato  lumine. 


Tu  dux  ad  astra  et  se- 

mita, 
Sis   meta    nostris  cordi- 

bus. 
Sis     lacrymarum      gau- 

dium, 
Sis  dulce  vitas  praemium. 

Amen. 

^      PVîMINUS   in   cœ- 

^-    ^  lo,  alléluia, 
fil.  P  a  r  a  V  i  t     sedem 
suam,  alléluia. 


L'Antienne  qui  accompagne  le  Cantique 
de  Marie  est  une  invitation  à  Jésus  de  se  sou- 
venir de  sa  promesse,  et  de  ne  pas  tarder  à 
consoler  son  Epouse  par  l'envoi  du  divin 
Esprit.  La  sainte  Eglise  la  répétera  chaque 
jour,  jusqu'à  l'arrivée  du  don  céleste. 

ANTIENNE  DE  Magnificat. 

(~\   Roi  de  gloire,  Seigneur  1    (^  Rex  glorias,   Domi- 
des  armées,  qui  aujour-  |  ne     virtutum,     qui 


Ï'J2 


Le  Temps  Pascal. 


triumphator  hodie  super 
omnes  cœlos  ascendisti, 
ne  derelinquas  nos  orpha- 
nps  ;  sed  mitte  promis- 
sum  Patris  in  nos  Spi- 
ritum  veritatis,  alléluia. 


d'hui  Êtes  monté  triom- 
phant au-dessus  de  tous  les 
cieux,  ne  nous  laissez  pas 
orphelins  ;  mais  envoyez- 
nous  l'Esprit  de  vérité,  selon 
la  promesse  du  Père,  allé- 
luia. 


^jONCEDE ,  quaîsumus 
omnipotens  Deus  :ut 
qui  hodierna  die  Unige- 
nitum  tuum  Redempto- 
rem  nostrum  ad  cœlos 
ascendisse  credimus,  ipsi 
quoque  mente  in  cœles- 
tibus  habitemus.  P  e  r 
eumdem  Dominum  nos- 
trum Jesum  Christum. 


KftiTES,  nous  vous  en 
prions,  Dieu  tout-puis- 
sant, que,  croyant  fermement 
que  votre  Fils  unique,  notre 
Rédempteur,  est  aujourd'hui 
monté  au  ciel,  nous  y  habi- 
tiocs  aussi  nous-mêmes  en 
esprit  par  l'ardeur  de  nos 
désirs.  Nous  vous  en  prions 
par  Jésus-Christ  notre  Sei- 
gneur. 


|\Tous  entendrons,  dans  tout  le  cours  de  l'Oc- 
tave, le  concert  des  antiques  Eglises  de 
la  chrétienté,  célébrant  sur  des  modes  divers, 
mais  dans  un  même  sentiment,  le  médiateur 
de  Dieu  et  des  hommes  qui  s'élève  aux  cieux 
par  sa  propre  vertu.  Donnons  aujourd'hui  la 
parole  à  l'Eglise  grecque  qui,  dans  son  génie 
pompeux,  cherche  à  rendre  les  magnihcen- 
ces  du  mystère.  C'est  l'Hymne  de  l'Ôlfice  du 
soir. 


IN    ASSUMPTIONE    DOMINI,    AD   VESPERAS. 

T  ORSQUE  tu  fus  arrivé,  ô 
*-  Christ,  sur  le  mont  des 
Oliviers,  afin  d'accomplir  la 


OUANDO  pervenisti  , 
Christe,  in  montera 
Olîvarum,  Patris  adim- 
pleturus    beneplacitum  , 


)lonté  du   Père,   les  Anges 


L'Ascension  de  Notre- Seicçneur.     i-j3 


célestes  furent  dans  l'étonne- 
ment,  et  les  esprits  infernaux 
frémirent.  Les  disciples 
éprouvaient  un  sentiment  de 
bonheur  mêlé  de  crainte, 
tandis  que  tu  leur  parlais.  En 
face,  à  l'Orient,  un  nuage 
apparaissait  semblable  à  un 
trône  préparé  ;  le  ciel  dont 
les  portes  étaient  ouvertes  se 
montrait  dans  toute  sa  beau- 
té ;  et  la  terre  allait  appren- 
dre comment  Adam,  après  sa 
chute,  pourra  remonter  en- 
core. Mais  tout  à  coup  tes 
pieds  s'élèvent  dans  les  airs, 
comme  si  une  main  les  soute- 
nait, ô  Christ!  ta  bouche 
répète  des  bénédictions  aussi 
longtemps  que  ses  accents  se 
font  entendre  ;  le  nuage  te 
reçoit,  et  bientôt  le  ciel  lui- 
même.  Telle  est  l'œuvre  su- 
blime que  tu  as  opérée,  Sei- 
gneur, pour  accomplir  le 
salut  de  nos  âmes. 

La  nature  d'Adam  (fui 
était  tombée  jusque  dans  les 
profondeurs  de  la  terre,  cette 
nature  que  tu  as  renouvelée, 
ô  Dieu,  tu  l'élevés  aujour- 
d'hui avec  toi  au-dessus  des 
Principautés  et  des  Puissan- 
ces. Dans  ton  amour  pour 
elle,  tu  l'établis  là  même  où 
tu  résides  ;  dans  ta  compas- 
sion, tu  te  l'étais  unie,  tu 
avais  souffert  en  elle,  toi  qui 
es  impassible  :  et  à  cause  de 
ses  souffrances  que  tu  as  par- 
tagées, tu  l'associes  aujour- 
d'hui à  ta  gloire.    Les  esprits 


obstupuerunt  cœlestes 
Angeli.  et  horruerunt  in- 
ferorum  habitatores.  Ad- 
stabant  autem  dirscipuli 
cum  gaudio  trementes, 
dum  ipsis  loquereris  ; 
tamquam  thronus  vero, 
ex  adverso  praeparata 
erat  nubcs  exspectans  ; 
portis  autem  apertis  in 
décore  suo  cœlum  appa- 
rebat  ;  et  terra  abscon- 
dita  révélât,  ut  notus  fiât 
Adag  descensus  et  reas- 
census.  Sed  vestigia  qui- 
dem  exaltabantur  tam- 
quam a  manu  ;  os  vero 
m  u  1  t  u  m  benedicebat, 
quamdiu  audiebatur;  nu- 
bes  excipiebat,  et  cœlum 
te  intus  suscepit.  Opus 
istud  magnum  prœter  re- 
rum  ordinem  operatus 
es.  Domine,  ad  salutem 
animarum  nostrarum. 

Delapsam  in  inferiores 
partes  terrae  naturam 
Adae  a  te,  Deus,  renova- 
tam,  super  omnem  prin- 
cipatum  et  potestatem  te- 
cum  hodie  sustulisti  ; 
quia  enim  diligeba*,  te- 
cum  coUocasti  ;  quia 
commiserebaris,  tibi  uni- 
visti  ;  quia  unieras,  si- 
mul  passus  es;  quia  pas- 
sus  es  impassibilis,  con~ 
glorificasti.  At  incorpo- 
rel :  Quis  est,  aiebant, 
iste  vir  speciosus  ?  sed 
non  tantum  homo,  Dcus 


^74 


Le  Temps  Pascal. 


autem  et  homo,  utram- 
que  proferens  naturam. 
Unde  alii  An^îeli  in  sto- 
lis  circum  discipulos  vo- 
lantes, clamabant  :  Viri 
Galilai,  qui  a  vobis  abiit 
hic  Jésus  homo  Deus  , 
rursum  veniet  Deus  ho- 
mo, judex  vivorum  et 
mortuorum,  fidelibus  au- 
tem dans  peccatorum  ve- 
niam  et  magnam  miseri- 
cordiam. 


Quando  assumptus  es 
in  gloria.  Christe  Deus, 
videntibus  discipulis  , 
nubes  te  cum  carne  sus- 
cipiebant,  porta;  cœli  su- 
blatîB  sunt  ;  Angelorura 
chorus  in  exsultatione 
lœtabatur,  supernœ  Vir- 
lutes  clamabant  dicentes  : 
AttoUite  portas,  princi- 
pes, vestras,  et  introibit 
rex  gloriae.  Discipuli  au- 
temobstupefactidicebant: 
Ne  separeris  a  nobis.pas- 
tor  bone.  sed  mitte  nobis 
sanctissimum  Spiritum 
tiium,  dirigentera  et  fir- 
mantem  animas  nostras. 

Domine,  postquam  ut- 
pote  bonus,  mysterium  a 
sa:culis  et  generationibus 
absconditum  implevisti, 
in  montem  Olivarum 
cum    discipulis    tuis    ve- 


célestes  se  sont  écriés  : 
«  Quel  est  cet  homme  écla- 
tant de  beauté,  et  qui  n'est 
pas  seulement  un  homme  , 
mais  un  Dieu-homme,  ayant 
les  deux  natures  ?  »  Cepen- 
dant, d'autres  Anges  au  vol 
rapide  et  vêtus  de  longues 
tuniques,  descendaient  vers 
les  disciples  et  leur  disaient  : 
«  Hommes  de  Galilée,  Jésus, 
homme-Dieu,  qui  vient  de 
vous  quitter,  reviendra  Dieu- 
homme,  pour  juger  les  vi- 
vants et  les  morts,  et  pour 
faire  part  à  ceux  qui  croient 
en  lui  du  pardon  et  de  sa 
grande  miséricorde.    » 

Lorsque  tu  fus  enlevé  dans 
la  gloire  aux  regards  de  tes 
disciples,  6  Christ  Dieu,  un 
nuage  reçut  ton  humanité, 
les  portes  du  ciel  s'élevèrent, 
le  chœur  des  Anges  tressail- 
lit d'allégresse  et  les  Vertus 
célestes  criaient  avec  trans- 
port :  «  Princes,  élevez  vos 
portes,  et  le  Roi  de  gloire 
entrera.  »  Cependant,  les  dis- 
ciples dans  la  stupeur  di- 
saient :  «  Ne  vous  séparez 
pas  de  nous,  o  bon  Pasteur, 
mais  envoyez-nous  votre  Es- 
prit très  saint,  pour  diriger 
et  affermir  nos  âmes.  » 

Après  avoir  accompli  dans 
ta  bonté,  Seigneur,  le  mys- 
tère qui  avait  été  caché  aux 
siècles  et  aux  générations, 
tu  es  venu  sur  le  mont  des 
Oliviers   avec   tes   disciples, 


L'Ascension  de  Notre-Seigneur.     ij5 


ayant  avec  toi  celle  qui  t'a 
enfanté,  ô  créateur  et  auteur 
de  toutes  choses  !  Il  était 
juste  que  celle  qui,  dans  ta 
Passion,  avait  souffert  plus 
que  tout  autre  dans  son  cœur 
maternel,  fût  appelée  à  jouir 
aussi  plus  que  tout  autre  du 
triomphe  de  ton  humanité. 
Nous  donc  qui  entrons  en 
participation  de  sa  joie  dans 
ton  Ascension  ,  Seigneur, 
nous  glorifions  ta  grande  mi- 
séricorde envers  nous. 


nisti.  habens  eam  qua;  te 
creatorem  et  omnium 
opificem  genuit.  Eam 
enim  qua^  in  passione  tua 
materno  more  praî  omni- 
bus doluit,  oportebat  et 
ob  gloriam  carnis  .tuœ 
majori  perfrui  gaudio; 
cujus  et  nos  participes 
cffecti.  in  tua  ad  cœlos 
ascensione,  Domine,  ma- 
gnam  tuam  in  nos  mise- 
ricordiam     glorificamus. 


Terminons  la  journée  par  cette  belle  prière 
du  Bréviaire  mozarabe. 


T^  ILS  unique  de  Dieu,  ô 
r  vous  qui,  vainqueur  de 
la  mort,  avez  passé  de  la 
terre  au  ciel  ;  Fils  de 
l'Homme  dans  votre  nature 
extérieure,  éblouissant  d'é- 
clat sur  votre  trône,  objet 
continuel  des  louanges  de 
toutes  les  milices  célestes, 
ne  permettez  pas  que  nous 
nous  laissions  enchaîner  par 
les  liens  coupables  de  ce 
monde,  nous  qui,  dans  les 
transports  de  notre  foi,  célé- 
brons votre  Ascension  vers 
le  Père.  Faites  que  l'œil  de 
notre  cœur  soit  à  jamais  fixé 
là  où  vous  êtes  monté  plein 
de  gloire,  après  avoir  été 
blessé  ici-bas.  Amen. 

NOTRE  Emmanuel  ! 
parvenu  au  terme  de 


O 


j^  1  NiGENiTE  Dei  Filius, 
l^^  qui  devicta  morte 
de  terrenis  ad  cœlestia 
transitum  faciens,  quasi 
filius  hominis  apparens, 
in  throno  magnam  clari- 
tatcm  habens,  quem  om- 
nis  militia  cœlestis  exei - 
citus  Angelorum  laudut: 
prasbe  nobis,  ut  nullis 
flagitiorum  vinculis  in 
corde  hujus  sœculi  illi- 
gemur,  qui  te  ad  Patrcm 
ascendisse  gloriosa  fidei 
devotione  conciniraus  ; 
ut  illic  indesinenter  cor- 
dis  nostri  dirigatur  ob- 
tutus,  quo  tu  ascendisti 
post  vulnera  gloriosus. 
Amen. 

VOUS  êtes  donc  enfin 
votre  œuvre,  et  c'est 


i-jô  Le  Temps  Pascal. 

aujourd'hui  mcme  que  nous  vous  voyons  entrer 
dans  votre  repos.  Au  commencement  du 
monde,  vous  aviez  employé  six  jours  pour 
disposer  toutes  les  parties  de  cet  univers  créé 
par  votre  puissance;  après  quoi  vous  rentrâ- 
tes dans  votre  repos.  Plus  tard,  lorsque  vous 
eûtes  résolu  de  relever  votre  œuvre  tombée 
par  la  malice  de  l'ange  rphelle,  votre  amour 
vous  fit  passer,  durant  le  cours  de  trente- 
trois  années,  par  une  succession  sublime 
d'actes  à  l'aide  desquels  s'opéraient  notre 
rédemption  et  notre  rétablissement  au  degré 
de  sainteté  et  de  gloire  dont  nous  étions 
déchus.  Vous  n'avez"  rien  oublié,  6  Jésus,  de 
ce  qui  avait  été  arrêté  éternellement  dans  les 
conseils  de  la  glorieuse  Trinité,  de  ce  que  les 
Prophètes  avaient  annoncé  de  vous.  \'otre 
triomphante  x\scension  met  le  sceau  à  la  mis- 
sion que  vous  avez  daigné  accomplir  dans 
votre  miséricorde.  Pour  la  seconde  fois  vous 
entrez  dans  votre  repos  ;  mais  vous  y  entrez 
avec  la  nature  humaine  appelée  désormais 
aux  honneurs  divins.  Déjà  les  justes  de  notre 
race  que  vous  avez  retirés  des  limbes  pren- 
nent rang  dans  les  chœurs  angéliques,  et  en 
partant  vous  nous  avez  dit  à'^nous-mêmes  : 
«  Je  vais  vous  préparer  ime  place  >.  » 

Confiants  dans  votre  parole,  6  Emmanuel, 
résolus  à  vous  suivre  dans  tous  vos  mystères 
qui  n'ont  été  accomplis  que  pour  nous,  à  voi>6 
accompagner  dans  l'humilité  de  votre  Beth- 
léhem,  dans  la  participation  aux  douleurs  de 
votre  Calvaire,  dans  la  résurrection  de  votre 
Pàque,    nous  aspirons  à  imiter  aussi,  quand 


L* Ascension  de  Notre-Seigneiir.     jjj 

l'heure  sera  venue,  votre  triomphante  Ascen- 
sion. En  attendant,  nous  nous  unissons  aux 
chœurs  des  saints  Apôtres  qui  saluent  votre 
arrivée,  à  nos  Pères  dont  l'heureuse  multi- 
tude vous  accompagne  et  vous  suit.  Tenez 
vos  regards  divins  fixés  sur  nous,  6  divin 
Pasteur!  le  moment  de  la  réunion  n'est  pas 
arrivé  encore.  Gardez  vos  brebis,  et  veillez 
à  ce  que  pas  une  ne  s'égare  et  ne  manque  au 
rendez-vous.  Instruits  désormais  de  la  fin 
qui  nous  attend,  fermes  dans  l'amour  et  la 
méditation  des  mystères  qui  nous  ont  con- 
duits à  celui  d'aujourd'hui,  nous  l'adoptons 
en  ce  jour  comme  l'objet  de  notre  attente, 
comme  le  terme  de  nos  désirs.  C'est  le  but 
que  vous  vous  êtes  proposé  en  venant  en  ce 
monde,  descendant  jusqu'à  notre  bassesse, 
pour  nous  enlever  ensuite  jusqu'à  vos  gran- 
deurs, vous  faisant  homme  afin  de  faire  de 
nous  des  dieux.  Mais  jusqu'au  moment  qui 
nous  réunira  à  vous,  que  ferions-nous  ici- 
bas,  si  la  Vertu  du  Très-Haut  que  vous  nous 
avez  promise  ne  descendait  bientôt  sur  nous, 
si  elle  ne  nous  apportait  la  patience  dans 
l'exil,  la  fidélité  dans  l'absence,  l'amour  seul 
capable  de  soutenir  un  cœur  qui  soupire 
après  la  possession  ?  Venez  donc,  ô^  divin 
Esprit!  Ne  nous  laissez  pas  languir,  afin  que 
notre  œil  demeure  fixé  au  ciel  où  Jésus  règne 
et  nous  attend,  et  ne  permettez  pas  que  cet 
œil  mortel  soit  tenté,  dans  sa  lassitude,  de 
s'abaisser  sur  un  monde  terrestre  où  Jésus 
ne  se  laissera  plus  voir. 


LE    TEMPS    PASCAL.    —    T.    U 


LE    VENDREDI 
DANS   L'OCTAVE  DE   L  ASCENSION. 


Çy  Rex  gloriae,  Do- 
mine virtutum,  qui 
triumphator  hodie  super 
omnes  cœlos  asceridisti, 
ne  derelinquas  nos  or- 
phanos  ;  sed  mitte  pro- 
missum  Patris  in  nos 
Spiritum  veritatis,  allé- 
luia. 


r~)  Roi  de  gloire,  Seigneur 
des  armées,  qui  aujour- 
d'hui êtes  monté  triomphant 
au-dessus  de  tous  les  cieux, 
ne  aous  laissez  pas  orphe- 
lins ;  mais  envoyez-nous 
l'Esprit  de  vérité,  selon  la 
promesse  du  Père,  alléluia. 


entier, 


cous  voici  arrivés,  pour  ainsi  dire,  au 
point  culminant  de  l'œuvre  divine, 
et  ce  n'est  véritablement  qu'aujour- 
d'hui qu'elle  nous  apparaît  dans  son 
Chaque  jour  la  sainte  Eglise,  dans 
l'auguste  Sacrifice,  à  la  suite  des  paroles 
sacrées  qui  ont  amené  sur  l'autel  celui  qui 
est  à  la  fois  le  Dieu  et  la  victime,  s'adressant 
à  la  majesté  du  Père,  exprime  ainsi  les  motifs 
de  sa  confiance  :  «  Ayant  donc  présents  à  la 
«  pensée,  nous  vos  se'rviteurs  et  votre  peuple 
«  saint,  la  bienheureuse  Passion  de  ce  même 
«  Christ,  votre  Fils  et  notre  Seigneur,  sa 
«  Résurrection  du  tombeau,  et  aussi  sa  glo- 
((  rieuse  Ascension  dans  les  cieux,  nous  vous 
a  offrons  cette  hostie  pure,  sainte  et  imma- 
«  culée.  )•  11  ne  suffit  donc  pas  à  l'homme  de 
s'appuyer  sur  les  mérites  de  la  Passion  du 
Rédempteur  qui  a  lavé  nos  iniquités  dans 
son  sang;  il  ne  lui  suffit  pas  de  joindre  à  ce 


Le  Vendr.  dans  l'Oct.  de  l'Ascension,     ijg 

souvenir  celui  de  la  Résurrection  qui  a  donné 
à  ce  divin  Libérateur  la  victoire  sur  la  mort;    | 
l'homme  n'est  sauvé,   n'est  rétabli,  que  par   | 
l'union  de  ces  deux  mystères   avec  un  troi-   ^ 
sième,    avec  le  mystère  de    la   triomphante   f 
Ascension    de  Celui   qui  est  mort  et  ressus-  \ 
cité.    Jésus,  durant  les  quarante   jours  de  sa 
vie  glorieuse  sur  la  terre,  n'est  encore  qu'un 
exile;  et  nous  demeurons  exilés  comme  lui, 
jusqu'à  ce  que  la  porte  du  ciel,  close  depuis 
quatre  mille  ans,  se  rouvre  pour  lui  et  pour 
nous. 

Dans  son  ineffable  bonté.  Dieu  n'avait  pas 
seulement  appelé  l'homme  à  la  royauté  sur 
tous  les  êtres  dont  cette  terre  est  couverte; 
il  ne  l'avait  pas  destiné  seulement  à  connaî- 
tre  la  vérité  dans  la  proportion  des  besoins 
de  sa  nature,  à  réaliser  le  bien  selon  les  for- 
ces de  sa  vie  morale,  à  rendre  un  lointain 
hommage  à  son  créateur.  Par  un  dessein  de  sa 
toute-puissance  unie  à  son  amour,  Dieu  avait 
assigné  à  cet  être  si  chétif  et  si  faible  une  fin 
au-clessus  de  sa  nature.  Inférieure  l'Ange, et 
réalisant  dans  son  être  l'union  de  l'esprit  et 
de  lamatière,  l'homme  était  appelé  à  la  même 
fin  que  l'Ange.  Le  ciel  devait  les  recevoir  l'un 
et  l'autre  ;  l'un  et  l'autre  étaient  appelés  à 
trouver  éternellement  leur  bonheur  dans  la 
vue  de  Dieu  face  à  face,  dans  la  possession 
intime  du  souverain  bien.  La  grâce,  secours 
divin  et  mystérieux,  devait  les  adapter  à  cette 
fin  sublime  que  leur  avait  gratuitement  pré- 
•parée  la  bonté  de  leur  créateur.  Telle  était  la 
pensée  dans  laquelle  Dieu  s'était  complu  éter-  '. 
nellement  :  élever  jusqu'à  lui  ces  fils  du  néant  : 
et  verser  sur  eux,  selon   la  mesure   de  leur  ! 

i 


» — 

i8o  Le  Temps  Pascal. 

être  agrandi,  les  torrents  de  son  amour  et  de 
sa  lumière. 

Nous  savons  quelle  catastrophe  arrêta  tout 
à  coup  une  partie  des  Anges  sur  le  chemin 
de  la  béatitude  suprême.  Au  moment  de  l'é- 
preuve qui  devait  décider  de  l'admission  de 
chacun  d'eux  au  bonheur  sans  fin,  un  cri  de 
révolte  se  fit  entendre.  Dans  tous  les  chœurs 
angéliques  il  y  eut  des  rebelles,  des  esprits 
qui  refusèrent  de  s'abaisser  devant  le  com- 
mandement de  l'ordre  divin;  mais  leur  chute 
ne  nuisit  qu'à  eux-mêmes,  et  les  Esprits  fidè- 
les admis  en  récompense  à  la  vue  et  à  la  pos- 
session béatihante  du  souverain  bien,  com- 
mencèrent leur  éternité  de  bonheur. Dieu  dai- 
gnait admettre  des  êtres  créés  à  la  jouissance 
de  sa  propre  félicité,  et  les  neuf  chœurs  glori- 
fiés s'épanouirent  sous  son  regard  éternel. 

Créé  plus  tard,  l'homme  aussi  tomba,  et 
son  péché  brisa  le  lien  qui  l'unissait  à  Dieu. 
La  race  humaine  n'était  alors  représentée  que 
par  un  seul  homme  et  une  seule  femme  :  tout 
avait  donc  sombré  à  la  fois.  Après  la  faute, 
le  ciel  demeurait  fermé  désormais  à  notre 
race  ;  car  dans  leur  chute  Adam  et  Eve  avaient 
entraîné  leur  postérité  future,  à  laquelle  ils 
ne  pouvaient  transmettre  un  droit  qu'ils 
avaient  perdu.  Au  lieu  de  ce  passage  agréa- 
ble et  rapide  sur  la  terre,  auquel  devait  mettre 
fin  une  heureuse  ascension  vers  le  séjour 
éternel  de  la  gloire,  il  ne  nous  restait  plus 
qu'une  courte  "vie  remplie  de  douleurs,  et, 
pour  perspective,  le  tombeau  où  notre  chair 
sortie  de  la  poussière  serait  elle-même  réduite 
en  poussière.  Quant  à  notre  âme,  créée  pour 
le  bonheur  surnaturel,   lors  même  qu'elle  y 


eût  aspiré,  ce  n'eût  été  que  pour  s'en  voir  à 
jamais  frustrée.  L'homme  avait  préféré  la 
terre  ;  elle  lui  demeurait  pour  quelques  jours, 
après  lesquels  il  la  laisserait  à  d'autres  qui 
disparaîtraient  également  jusqu'à  ce  qu'il  plût 
à  Dieu  d'en  finir  avec  cette  œuvre  manquée. 

Ainsi  avions-nous  mérité  d'être  traités  ; 
mais  telle  ne  fut  pas  cependant  l'issue  de 
notre  création.  Quelle  que  soit  la  haine  que 
Dieu  porte  au  péché,  il  avait  appelé  l'homme 
à  jouir  des  trésors  de  sa  gloire,  et  il  ne  con- 
sentit pas  à  déroger  aux  desseins  sublimes  de 
sa  sagesse  et  de'^sa  bonté.  Non,  la  terre  ne 
sera  pas  un  séjour  où  l'homme  ne  fera  que 
naître  et  s'éteindre  bientôt.  Lorsque  la  pléni- 
tude des  temps  sera  arrivée,  un  homme  paraî- 
tra ici-bas,  non  point  le  premier  d'une  créa- 
tion nouvelle,  mais  un  homme  comme  nous, 
de  notre  race,  «  fait  de  la  femme  »,  comme 
parle  l'Apôtre  L  Or,  cet  homme  à  la  fois 
céleste  et  terrestre  s'associera  à  notre  dis- 
grâce ;  comme  nous  il  passera  par  la  mort, 
et  la  terre  le  possédera  trois  jours  dans  son 
sein.  iMais  elle  sera  forcée  de  le  rendre,  et 
vivant,  il  apparaîtra  aux  regards  éblouis  des 
autres  hommes.  Nous  l'avons  vu,  et  nous  qui 
sentons  en  nous-mêmes  une  «  réponse  de 
mort  2  »,  nous  nous  sommes  réjouis  de  voir 
la  c'nair  de  notre  chair,  le  sang  de  notre  sang 
remporter  une  si  belle  victoire. 

Ainsi  donc  les  intentions  divines  n'auront 
pas  été  frustrées  en  tout.  Voici  que  la  terre 
présente  au  Créateur  un  second  Adam  qui, 
ayant  vaincu  la  mort,  ne  peut  plus  s'arrêter 

I.  Gai.  IV,  4.  —  2.  II  Cor.  i,  9. 


i82  Le  Temps  Pascal. 

ici-bas.  Il  faut  qu'il  monte  ;  et  si  la  porte  eu 
ciel  est  fermée,  il  faut  qu'elle  s'ouvre  pour 
lui.  «  Princes,  élevez  vos  portes  ;  portes  éter- 
«  nelles,  élevez-vous,  et  le  Roi  de  gloire  en- 
«  trera  dans  le  séjour  qui  l'attend  ^  ».  Ori  !  s'il 
daignait  nous  attirer  après  lui  !  car  il  est  notre 
frère,  et  nous  savons  que  «  ses  délices  ici-bas 
«  étaient  d'être  avec  les  enfants  des  hom- 
«  mes  -.  »  Mais  qu'il  monte,  que  son  Ascension 
soit  dès  aujourd'hui.  Il  est  le  plus  pur  sang 
de  notre  race,  le  tils  d'une  mère  sans  tache  ; 
qu'il  aille  nous  représenter  tous  dans  cet  heu- 
reux séjour  que  nous  devions  habiter.  C'est 
la  terre  qui  l'envoie  ;  elle  n'est  plus  stérile 
du  moment  qu'elle  l'a  produit  ;  car  elle  a 
enfin  fructifié  pour  le  ciel.  Ne  semble-t-il  pas 
qu'un  rayon  de  lumière  est  descendu  jusqu'au 
fond  de  cette  vallée  de  larmes,  lorsque  les 
portes  du  ciel  se  sont  levées  pour  lui  ouvrir 
passage  ?  «  Elevez-vous  donc,  6  Seigneur  des 
«  hommes  !  élevez-vous  dans  votre  puissance, 
«  et  nous,  sur  cette  terre,  nous  chanterons 
«  les  grandeurs  de  votre  triomphe  3.  »  Père 
des  siècles,  recevez  cet  heureux  frère  que  vos 
fils  disgraciés  vous  envoient.  Toute  maudite 
qu'elle'semblait  être,  «  la  terre  a  donné  son 
«  fruit  •i  ».  Oh!  s'il  nous  était  permis  devoir 
en  lui  les  prémices  d'une  plus  abondante 
moisson  que  votre  majesté  daignerait  agréer, 
nous  oserions  penser  alors  que  ce  jour  est 
celui  où  vous  rentrez  en  possession  de  votre 
œuvre  primitive. 


I.  Psalm.   XXIII.  —  2.  Prov.  vill,  3l.  —  3.  Psalm. 
t.  —  4.  Psalm.  Lxvi. 


Le  Vendr.  dans  l'Oct.  de  V Ascension.     i83 


EMPRUNTONS  aujourd'hui  la  voix  de  l'Eglise 
arménienne,  toujours  si  mélodieuse,  et 
unissons-nous  comme  elle  aux  transports 
qu'éprouvèrent  les  saints  Anges,  au  moment 
où  ils  virent  s'élever  d»  la  terre  l'homme  nou- 
veau qui  venait  s'asseoir  au  plus  haut  des 
cieux. 


LES  Puissances  du  ciel  ont 
,  été  émues  en  vous  voyant 
monter,  ô  Christ  !  Elles  se 
disaient  l'une  à  l'autre  dans 
leur  tremblement  :  «  Quel 
est  ce  Roi  de  gloire  ?   » 

—  C'est  le  Dieu  Verbe  in- 
carné, qui  a  anéanti  le  péché 
sur  la  croix,  et  qui,  s  étant 
envolé  avec  gloire,  vient  au 
ciel.  Seigneur  qu'il  est,  dans 
sa  force  et  sa  vertu. 

—  C'est  celui  qui  s'est 
levé  du  sépulcre  et  a  détruit 
la  mort  ;  aujourd'hui  il 
monte  avec  gloire,  et  vient 
au  Père  :  il  est  le  Seigneur 
puissant  dans  les  combats. 

—  C'est  lui  qui,  par  un 
pouvoir  divin,  est  monté  au- 
jourd'hui sur  le  char  de  son 
Père,  servi  par  les  chœurs 
des  Anges,  qui  chantaient  et 
s'écriaient  :  «  Princes,  ou- 
vrez vos  portes,  et  le  Roi  de 
gloire  entrera  ». 

Les  Puissances  célestes 
étaient  dans  l'étonnement,  et 
se  demandaient  d'une  voix 
tremblante  :   «   Quel    est    ce 


F  TESTATES  cœlt  ter- 
ritae  sunt,  videntes 
ascensum  tuum,  Christe; 
alter  ad  alterum  paves- 
centes  dicebant  :  Quis 
est  iste  Rex  gloriœ  ? 

Hic  est  incarnatus 
Deus  Verbum,  qui  in 
cruce  peccatum  occidit, 
et  supervolans  gloriose, 
venit  in  cœlum,  Domi- 
nus  fortis  virtute  sua. 

Hic  est  qui  de  monu- 
mento  surrexit,  et  des- 
truxit  infernum,  atque 
superscandens  gloriose 
venit  ad  Patrem,  Dorai- 
nus  potens  in  praelio. 

Qui  ascendit  hodie  di- 
vina  potestate  in  Patrie 
curru,  ministrantibus  ei 
angelicis  choris,  qui  ca- 
nebant  dicentes  :  Attol- 
lite  portas,  principes 
vestras,  et  introibit  Rex 
glorise. 

Stupuerunt  supernae 
Potestates,  et  tremenda 
voce  clamabant  ad  invî- 
cera:  Quis  est    iste    Rex 


j84 


Le  Temps  Pascal. 


gloriae,  qui  venit  in  carne 
et  mira  virtute  ;  attoUite, 
attollite  portas,  principes 
vestras,  et  introibit  Rex 
gloriae. 

Modulabantur  superni 
Principatus  ,  mirabili 
voce  cantabant  canticum 
novum,  dicentes  :  Ipse 
est  Rex  gloriae,  salvator 
niundi  et  liberator  gene- 
ris  humani  ;  attollite 
portas,  principes  vestras, 
et  introibit    Rex    gloriae. 

Qui  complantati  facti 
suinus  similitudinis  mor- 
tis  tuae,  Fili  Dei,  dignos 
fac  nos  conformes  fieri 
tibi,  gloriae  Rex  :  tibi 
cantent  Ecclesiae  sancto- 
rum  cantica   spiritualia. 


Veterem  hominem 
concrucifixum  tibi  fecis- 
ti,  et  stimulum  peccati 
exstinxisti  ;  liberasti  nos 
vivifico  ligno,  cui  affixus 
es,  et  guttœ  sanguinis 
tui  inebriarunt  orbem  , 
tibi  cantent  Ecclesiae 
sanctorum  cantica  spiri- 
tualia. 

Propter  miserationem 
divinie  humanitionis  tuae, 
participes  fecisti  no»  cor- 
poris    tui    et    sanguinis, 

Çer     sacrificium      tuum 
'atri  in  odorem  suavita- 
tis  oblatum,    corporis  a 


(I  Roi  de  gloire  qui  vient 
«  dans  la  chair  et  revêtu 
«  d'un  si  merveilleux  pou- 
«  voir?  Princes,  ouvrez  vos 
«  portes,  et  le  Roi  de  gloire 
M  entrera.  » 

Les  Hiérarchies  supérieu- 
res faisaient  entendre  un 
concert  harmonieux  ;  elles 
chantaient  un  cantique  nou- 
veau, et  disaient  :  «  C'est  le 
«  Roi  de  gloire,  le  sauveur 
<i  du  monde  et  le  libérateur 
«  du  genre  humain.  Princes, 
«  ouvrez  vos  portes,  et  le 
0  Roi  de  gloire  entrera.  » 

Et  nous,  qui  avons  été 
entés  sur  toi  par  la  ressem- 
blance de  ta  mort,  6  Fils  de 
Dieu,  rends-nous  dignes  d'ob- 
tenir aussi  cette  autre  res- 
semblance ,  ô  Roi  de  gloire  ! 
Toutes  les  Eglises  des  saints 
célèbrent  ton  triomphe  par 
des  cantiques  spirituels. 

Tu  as  crucihé  avec  toi  le 
vieil  homme,  tu  as  brisé  l'ai- 
guillon du  péché,  tu  nous  as 
délivrés  par  ce  bois  vivifiant 
auquel  tu  fus  attaché,  et  les 
gouttes  de  ton  sang  ont  eni- 
vré le  monde  :  toutes  les 
Eglises  des  saints  célèbrent 
ton  triomphe  par  des  canti- 
ques spirituels. 

Dans  ta  compassion  pour 
nous,  ta  nature  divine  a  dai- 
gné s'incarner,  et  tu  nous  as 
fait  participer  à  ton  corps  et 
à  ton  sang  dans  le  Sacrifice 
d'agréable  odeur  que  tu  as 
offert  à  ton  Père,  en  lui    im- 


Le  Vendr.  dans  l'Oct.  de  F  Ascension.     i85 


molant  ton  corps,  emprunté 
à  notre  nature.  Ensuite  tu 
es  monté  sur  un  nuage  écla- 
tant, à  la  vue  des  Puissances 
et  des  Principautés  qui,  dans 
leur  admiration,  se  deman- 
daient :  «  Quel  est  celui  qui 
«  arrive  d'Edom  d'un  pas  si 
«  rapide  ?  »  Et  les  membres 
de  ton  Eglise  ont  appris  à 
connaître  les  ressources  de 
ton  infinie  sagesse.  Que  toutes 
les  Eglises  des  saints  célè- 
brent ton  triomphe  par  des 
cantiques  spirituels. 


nobis  sumpti,  et  ascen- 
disti  pellucidis  nubibus, 
manifestatus  Potestati- 
bus  ac  Principatibus, 
qui  stupefacti  interroga- 
bant  :  Quis  est  iste  qui 
properans  venit  de 
Edom  ;  et  per  Ecclesiam 
tuam  didicerunt  multi- 
formem  sapientiam 
tuam  ;  tibi  cantent  Ec- 
clesias  sanctorum  cantica 
spiritualia. 


LE    SAMEDI 
DANS   LOCTAVF   DE  L'ASCENSION. 


ORex  gloriae,  Do- 
mine virtutum,  qui 
triumphator  hodie  su- 
per omnes  cœlos  ascen- 
disti,  ne  derelinquas  nos 
orphanos  ;  sed  mitte 
promissum  Patris  in  nos 
Spiritum  veritatis,  allé- 
luia. 


a^o\  de  gloire,  Seigneur 
des  armées,  qui  aujour- 
d'hui êtes  monté  triomphant 
au-dessus  de  tous  les  cieux, 
ne  nous  laissez  pas  orphe- 
lins ;  mais  envoyez-nous 
lEsprit  de  vérité,  selon  la 
promesse    du    Père,  alléluia. 


L  est  donc  monté  aux  cieux,  l'homme 
que  possédait  la  terre  et  qui  résu- 
mait en  lui  toute  sainteté.  Elle  n'est 
donc  plus  stérile  pour  le  ciel,  cette 
terre  pourtant  maudite  ;  la  porte  des  cieux, 
fermée  à  notre  race,  a  donc  pu  s'ouvrir  pour 
laisser  passer  un  hls  d'Adam.  Tel  est  le  m^ys- 
tère  de  l'Ascension  ;  mais  ceci  n'en  est  qu'une 
partie,  et  il  importe  de  le  connaître  tout 
entier.  Ecoutons  ce  que  nous  dit  l'Apôtre  des 
nations  :  «  Dieu  qui  est  riche  en  miséricorde, 
«  mû  par  l'excessive  charité  dont  il  nous  a 
M  aimés,  nous  qui  étions  morts  par  nos  péchés, 
«  il  nous  a  rendus  à  la  vie  avec  Jésus-Christ; 
«  il  nous  a  ressuscites  avec  lui,  et  il  nous  a 
«  fait  asseoir  dans  les  cieux  en  sa  personne  1.  » 
Ainsi,  de  même  que  nous  avons  célébré  la 
résurrection  de  notre  Sauveur  dans  la  Pâque 


I.  Eph.  II,  4-6. 


Le  Samedi  dans  VOct.  de  V Ascension.     187 

comme  notre  propre  résurrection,  l'Apôtre 
nous  convie  à  célébrer  l'Ascension  de  ce  divin 
Rédempteur  comme  étant  aussi  la  nôtre. 
Mesurons  la  force  de  l'expression  :  «  Dieu 
«  nous  a  fait  asseoir  dans  les  cieux  en  Jésus- 
«  Christ  »  ;  dans  cette  Ascension,  ce  n'est  pas 
lui  seulement  qui  monte  aux  cieux,  nous  y 
montons  avec  lui  ;  ce  n'est  pas  lui  seulement 
qui  est  intronisé  dans  la  gloire,  nous  le  sommes 
avec  lui. 

Et,  en  effet,  le  Fils  de  Dieu  n'était  pas  venu 
se  revêtir  de  notre  nature  pour  que  la  chair 
qu'il  a  prise  en  Marie  fût  seule  établie  dans 
les  conditions  de  la  gloire  éternelle  ;  il  est 
venu  afin  d'être  notre  Chef,  mais  un  Chef 
qui  réclame  ses  membres  dans  l'adhésion 
desquels  consiste  l'intégrité  de  son  corps.  «  O 
«  Père  !  s'écrie-t-il  à  la  dernière  Cène,  ceux 
«  que  vous  m'avez  donnés,  je  veux  qu'ils 
«  soient  là  où  je  suis,  afin  qu'ils  voient  la 
«  gloire  dont  vous  m'avez  fait  part  1.  »  Et 
quelle  gloire  le  Père  a-t-il  donnée  à  son  Fils  ? 
Écoutons  David  qui  a  célébré  cette  auguste 
journée  de  l'Ascension  :  «  Celui  qui  est  le 
«  Seigneur  a  dit  à  mon  Seigneur  :  Asseye:{- 
«  vous  à  ma  droite  '^.  »  C'est'donc  sur  le  trône 
même  du  Père,  à  la  droite  même  du  Père, 
que  nous  verrons  éternellement  celui  que 
l'Apôtre  appelle  «  notre  avant-coureur  ^  »;et 
nous  lui  adhérerons  comme  étant  réellement 
les  membres  de  son  corps,  en  sorte  que  sa 
gloire  sera  la  nôtre,  et  que  nous  serons  rois 
avec  lui,  rois  de    sa  royauté  à  jamais  ;  car  il 

I.  JoHAN.  XVII,  24.   —  2.  Psalm.  cix.  —  3.  Heb   vi 
20. 


j88  Le  Temps  PascaK 

a  dû  partager  tout  avec  nous,  ayant  voulu 
que  nous  fussions  «  ses  cohéritiers  i.  » 

Il  suit  de  là  que  l'auguste  mystère  de  l'As- 
cension, ouvert  aujourd'hui,  se  con-tinue  à 
chaque  instant,  jusqu'à  ce  que  le  dernier  des 
élus,  étant  nnonté  aux  cieux,  le  corps  mys- 
tique de  notre  Emmanuel  ait  atteint  son  en- 
tier complément.  Voyez  cette  nuée  innom- 
brable d'âmes  saintes  qui  se  presse  sur  ses 
pas  en  ce  jour  :  nos  premiers  parents  à  la 
tête,  les  patriarches,  les  prophètes,  les  justes 
de  toute  race,  que  quatre  mille  ans  avaient 
préparés  pouT  ce  triomphe.  Captifs  naguère 
dans  les  demeures  souterraines  des  limbes, 
maintenant  brillants  de  clarté,  ils  suivent 
avec  la  rapidité  de  l'aigle  celui  dont  ils  ornent 
le  triomphe.  Ils  sont  ses  trophées,  en  même 
temps  qu'ils  forment  sa  cour  dans  le  trajet 
de  la  terre  au  ciel.  En  les  suivant  du  regard, 
écrions-nous  donc  dans  les  transports  de 
David  :  «  Royaumes  de  la  terre,  chantez  au 
«  Seigneur,  chantez  à  Dieu  qui  s'élève  sur  les 
«  cieux  des  cieux,  vers  l'Orient  -.  » 

De  leur  côté  les  milices  angéliques  se  pres- 
sent au-devant  de  l'Emmanuel,  et  alors  com- 
mence le  sublime  dialogue  que  l'oreille  pro- 
phétique de  David  entendit,  et  qu'il  nous  a 
rendu  à  l'avance.  La  légion  innombrable  et 
triomphante  qui  suit  et  accompagne  l'Em- 
manuel crie  aux  gardiens  de  la  Jérusalem 
céleste  :  «  Princes,"  élevez  vos  portes  !  portes 
«  éternelles,  élevez-vous  ;  c'est  le  Roi  de 
«  gloire  qui  va  entrer.  »  Et  les  An^es  tidèles 
répondent  avec  ma^sté  :  «  Et  quel  est-il,  ce 

I.  Rom.  VIII,  17.  —  2.  Psalm.  lxvii. 


Le  Samedi  dans  VOct.  de  l'Ascension.     i8g 

«  Roi  de  gloire  ?»  —  «  C'est  le  Seigneur  », 
répondent  "les  élus  de  la  terre,  u  le  Seigneur 
«  fort  et  puissant,  le  Seigneur  puissant  dans 
«  les  combats  »  ,  comme  l'attestent  les 
victoires  qu'il  a  remportées  sur  Satan,  sur  la 
mort  et  l'enfer,  les  victoires  dont  nous  som- 
mes l'heureux  trophée  ^.  x\près  une  seconde 
interpellation  qui  donne  lieu  d'exalter  une 
seconde  fois  les  grandeurs  de  l'Emmanuel, 
les  portes  éternelles  se  lèvent,  et  le  Christ 
vainqueur  pénètre  dans  les  cieux  avec  son 
glorieux  cortège. 

Elles  ne  retomberont  plus  désormais  pour 
nous  fermer  le  passage,  ces  portes  éternelles 
qui  ont  donné  entrée  à  notre  libérateur  :  et 
c'est  ici  qu'il  faut  admirer  l'incommunicable 
grandeur  du  mystère  de  l'Ascension.  Ce  mys- 
tère s'est  ouvert  aujourd'hui,  Jésus  l'a  inau- 
guré en  s'élançant  de  la  terre  au  ciel,  mais  il 
ne  l'a  pas  clos  ;  il  a  voulu  qu'il  fût  permanent, 
qu'il  s'accomplît  en  tous  ses  élus  successive- 
ment, soit  qu'ils  montent  du  lieu  des  expia- 
tions, soit  qu'ils  s'élèvent  de  notre  terrestre 
vallée  avec  le  vol  de  la  colombe.  Salut  donc, 
ô  glorieux  mystère  que  tant  d'autres  mystères 
ont  préparé,  terme  et  accomplissement  du 
dessein  éternel  de  Dieu!  mystère  qui  fus 
suspendu  durant  des  siècles  par  notre  chute, 
mais  qui  reprends  aujourd'hui  ton  cours  en 
l'Emmanuel  ,  pour  ne  plus  l'interrompre 
qu'au  moment  solennel  où  la  voix  éclatante 
de  l'Ange  criera  :  «  Le  temps  n'est  plus  2,  » 
Jusque-là  tu  demeures  ouvert  pour  nous,  et 


iqo  Le  Temps  Pascal. 

l'espérance  vit  dans  notre  cœur  que  tu  t'ac- 
compliras aussi  en  nous. 

Daignez  donc  permettre,  6  Jésus,  que  nous 
prenions  pour  nous  cette  parole  que  vous 
avez  dite  :  «  Je  vais  vous  préparer  une 
«  place  1.  »  XoMS  avez  tout  disposé  dans  ce 
but  ;  et  vous  êtes  venu  en  ce  monde  pour 
nous  ouvrir  la  voie  que  vous  avez  vous- 
même  franchie  aujourd'hui.  La  sainte  Eglise, 
votre  Epouse,  nous  ordonne  d'élever  nos 
regards;  elle  nous  montre  le  ciel  ouvert,  et 
lesillon  lumineux  que  tracent  jusqu'à  nous 
les  âmes  qui  montent  à  chaque  instant  pour 
s'unir  à  vous.  Nos  pieds  posent  encore  sur  la 
terre  ;  mais  Toeil  de  notre  foi  vous  découvre 
au  terme  de  cette  voie,  vous,  «  le  Fils  de 
«  l'homme,  assis  à  la  droite  de  l'Ancien  des 
«  jours  -.  »  Mais  comment  franchir  l'espace 
qui  nous  sépare  de  vous?  Nous  ne  pouvons, 
comme  vous,  nous  élever  par  notre  propre 
vertu;  il  faut,  6  Emmanuel,  que  vous  nous 
attiriez  à  vous.  Vous  l'avez  promis  •"*,  et  nous 
n'attendons  plus  que  l'heure.  Marie,  votre 
mère,  qui  consent  à  demeurer  encore  avec 
nous,  l'attendit  aussi,  cette  heure,  dans  la 
soumission  et  dans  l'amour;  elle  l'attendit 
dans  la  fidélité  et  dans  le  labeur,  vivant  avec 
vous  sans  vous  voir  encore.  Donnez-nous, 
Seigneur,  une  part  à  cette  foi  et  à  cet  amour 
de  notre  commune  mère,  afin  que  nous 
puissions  nous  appliquer  cette  parole  de 
l'Apôtre  :  «  Déjà  par  l'espérance  nous  som- 
«  mes  sauvés  *.  »  Il   en   sera   ainsi,    si  vous 

I.  JoHAN.  XIV,  2.  —  2.  Dan.  VII,  i3.  —  3.  Johan.  xii, 
3a.  —  4.  Rom.  viii,  24. 


Le  Samedi  dans  VOct.  de  l'Ascension,     i 


9' 


daignez,  selon  votre  promesse,  nous  envoyer 
votre  Esprit  que  nous  attendons  avec  ardeur  ; 
car  il  doit  venir  confirmer  en  nous  tout  ce 
que  la  succession  de  vos  mystères  y  a  déjà 
préparé,  et  être  le  gage  assuré  de  notre  as- 
cension glorieuse. 


M  ous    résumerons    aujourd'hui    tous     nos 

vœux,  en  nous  appropriant   les  sublimes 

enseignements   que    l'Eglise   gothique   d'Es- 


l'Eglise 
pagne  adressait  a  ses  fidèles  dans  la   solen- 
nité de  l'Ascension. 


M^  ous  vous  convions,  nos 
■^  '  très  chers  Frères,  à  dépo- 
ser-le  fardeau  des  pensées  du 
siècle,  et  à  donner  en  ces 
jours  l'essor  à  vos  pensées, 
en  les  dirigeant  vers  le  ciel. 
Il  s'agit  de  considérer  des 
yeux  du  cœur  votre  propre 
nature  humaine  s'élevant 
dans  le  Christ  au  plus  haut 
des  cieux.  L'objet  que  nous 
sommes  appelés  à  contempler 
au  milieu  d'une  lumière  in- 
comparable est  Jésus  notre 
Seigneur,  qui  change  la  bas- 
sesse de  notre  terrestre  exis- 
tence avec  la  gloire  des  cieux. 
Combien  doit  être  pénétrante 
notre  vue,  pour  apercevoir  ce 
séjour  où  nous  sommes  appe- 
lés à  le  suivre  !  C'est  aujour- 
d'hui que  notre  Sauveur, 
après  avoir  revêtu  la  chair 
ici-bas,    est    remonté   sur    le 


p  LACEAT,  dilectissimi 
^  fratres,  sascularium 
cogitationum  fasce  depo- 
sito,  erectis  in  sublime 
mentibus  subvolare  :  et 
impositam  œtheris  fasti- 
gio  assumpti  hominis 
communionem.  sequaci- 
bus  cordis  oculis  con- 
tueri.  Ad  incomparabi- 
lem  nobis  claritatem  at- 
tonitus  vocandus  aspec- 
tus,  est  Jésus  Dominus 
noster  :  humilitatem  no- 
bis terrarum  cœlorum 
dignitate  commutât  : 
acutus  necesse  est  visas 
esse  respicere  quo  sequi- 
mur.  Hodie  salvator  nos- 
ter post  assumptionem 
carnis  ,  sedem  repetit 
deitatis.  Hodie  hominem 
suum  intulit  Patri,  quem 
obtulit     passioni.    Hune 


iy2 


Le  Temps  Pascal. 


exaltans  in  cœlis,  quem 
humiliaverat  in  infernis. 
Hic  visurus  gloriam,  qui 
viderai  sepulturam.  Et 
qui  adversus  mortem 
mortis  sux  dédit  bcnc- 
ficium,  ad  spem  vitac  do- 
navit  rcsurrectionis  cx- 
cmplum.  Hodie  rcdiit  ad 
Palrem,  cum  tamen  sine 
Patris,  qui  sibi  œquaJis 
est,  potestate  non  vene- 
rit.  Hodie  ascendit  in 
cœlum  qui  obsequia  cœ- 
lestium  cum  descenderet, 
non  amisit.  Ita  in  Pairis 
natura  unitateconsistens, 
ut  cum  homo  crelum  no- 
vus  intraret,  novum  ta- 
men Deus  hominem  non 
haberet.  Petamus  igitur 
ab  omnipotentia  Patris, 
per  nomen  Filii  salvato- 
ris,  gratis  spiritalis 
ingressum,  œterna;  beati- 
tudinis  donum,  beatre 
mansionis  ascensum,  ca- 
tholicae  credulitatis  aug- 
mentum,  haereticae  infi- 
delitatis  excidium.  Au- 
diet  profecto  in  confes- 
sione,  quos  in  perditione 
quœsivit.  Adstitit  suis, 
qui  non  destitit  alienis. 
Aderit  agnitus,  qui  non 
defuit  agnoscendus.  Non 
patictur  orphanos  esse 
dcvotos  qui  filios  facerc 
dignatus  est  inimicos, 
Dabit  etTectum  supplica- 
tionis,  qui  promisit  Spi- 
ritum  sanctitatis.  Amen. 


trône  de  sa  divinité  :  aujour- 
d'hui qu'il  a  présenté  à  son 
Père  cette  même  humnnité 
qu'il  avait  offerte  à  la  souf- 
france, glorifiant  dans  les 
cicux  celle  qu'il  avait  humi- 
liée ici-bas.  Il  est  parti  pour 
être  environné  de  gloire,  celui 
qui  était  descendu  jusqu'au 
sépulcre.  Lui  qui  nous  avait 
octroyé  le  bénéfice  de  sa  pro- 
pre mort  pour  vaincre  la  mort, 
il  nous  a,  en  ressuscitant,  gra- 
tifiés de  l'espérance  de  la 
vie.  Aujourd'hui  il  est  re- 
tourné au  Père,  celui  qui 
avait  paru  ici-bas  avec  toute 
la  puissance  du  Père  dont  il 
est  l'égal.  Il  est  aujourd'hui 
monté  aux  cieux,  celui  qui, 
dans  sa  descente  au  milieu 
de  nous,  ne  cessa  pas  de  re- 
cevoir les  hommages  des  es- 
prits célestes.  Etabli  dans  le 
Père  par  l'éternelle  unité  de 
nature,  il  est  entré  au  ciel 
dans  de  nouvelles  conditions 
par  son  humanité  ;  mais,  lui 
qui  est  Dieu,  ce  n'est  point 
une  nouvelle  nature  qu'il  a 
prise.  Implorons  donc  de  la 
toute-puissance  du  Père,  par 
le  nom  de  son  Fils,  notre 
Sauveur,  notre  admission  à 
la  grâce  spirituelle,  le  don 
de  l'éternelle  béatitude,  l'as- 
cension vers  le  séjour  du 
bonheur,  le  progrès  de  la  foi 
catholique,  la  ruine  de  l'hé- 
rétique infidélité.  Il  écoutera 
les  hommages  de  ceux  qu'il 
daigna     chercher     lorsqu'ils 


Le  Samedi  dans  l'Oct.  de  V Ascension.     ig3 

étaient  perdus  ;  il  sera  attentif  à  ceux  qui  lui  appartien- 
nent, lui  qui  n'a  pas  abandonné  ceux  même  qui  s'é- 
taient donnés  à  un  autre  ;  il  se  montrera  à  nos  regards, 
celui  qui  a  daigné  se  mettre  à  notre  portée  pour  se  faire 
connaître  de  nous.  Il  ne  nous  laissera  point  dans  l'état 
d'orphelins,  lui  qui  a  daigné  faire  de  nous  ses  fils,  lors- 
que nous  étions  devenus  ses  ennemis  ;  et  il  nous  accor- 
dera l'objet  de  nos  instances,  lui  qui  nous  a  promis  l'Es- 
prit de  sainteté.  Ameii. 


S  ^T1> 


LE   TEMPS   PASCVL. 


LE    DIMANCHE 
DANS   L'OCTAVE    DE    I/ASCENSION 


ORex  glorias,  Domine 
virtiitum  ,qui  trium- 
phator  hodie  super  om- 
ncs  cœlos  ascendisti,  ne 
derelinquas  nos  orpha- 
nos  ;  sed  mitte  promis- 
sum  Patris  in  nos  Spiri- 
tum     veritatis,    alléluia. 


/^  \  Roi  de  gloire,  Seigneur 
^  --■  des  armées,  qui  aujour- 
d'hui êtes  monté  triomphant 
au-dessus  de  tous  les  cieux, 
ne  nous  laissez  pas  orphe- 
lins ;  mais  envoyez-nous  l'Es- 
prit de  vérité,  selon  la  pro- 
messe du  Père,  alléluia. 


Esus  est  monté  aux  cieux.  Sa 
divinité  n'en  avait  jannais  été 
absente,  mais  aujourd'hui  son 
humanité  y  est  intronisée,  elle 
y  est  couronnée  d'un  diadème 
de  splendeur  ;  et  c'est  là  en- 
core une  nouvelle  face  du  glorieux  mystère 
de  l'Ascension.  A  cette  humanité  sainte  le 
triomphe  ne  suffisait  pas;  le  repos  lui  était 
préparé  sur  le  trône  même  du  Verbe  éternel 
auquel  elle  est  unie  éternellement  dans  une 
même  personnalité,  et  c'est  du  haut  de  ce 
trône  qu'elle  doit  recevoir  les  adorations  de 
toute    créature.   Au  nom  de    Jésus   Fils    de 


Le  Dimanche  dans  VOct.  de  V Ascension,     i gb 

l'homme  et  Fils  de  Dieu,  de  Jésus  assis  à  la 
droite  du  Père  tout-puissant,  «  tout  genou 
«  doit  fléchir  au  ciel,  sur  la  terre  et  dans  les 
«  enfers  i.  » 

Habitants  de  la  terre,  c'est  là  cette  nature 
humaine  qui  apparut  autrefois  dans  l'humi- 
lité des  langes,  qui  parcourut  la  Judée  et  la 
Galilée  n'ayant  pas  où  reposer  sa  tète,  qui  fut 
enchaînée  par  des  mains  sacrilèges,  flagel- 
lée, couronnée  d'épines,  clouée  à  une  croix  ; 
mais  tandis  que  les  hommes  qui  l'avaient 
méconnue  la  foulaient  aux  pieds  comme  un 
ver  de  terre,  elle  acceptait  le  calice  des  dou- 
leurs avec  une  entière  soumission  et  s'unis- 
sait à  la  volonté  du  Père  ;  elle  consentait, 
devenue  victime,  à  réparer  la  gloire  divine 
en  donnant  tout  son  sang  pour  la  rançon  des 
pécheurs.  Cette  nature  humaine,  issue  d'x\dam 
par  iVlarie  l'immaculée,  est  le  chef-d'œuvre  de 
la  puissance  de  Dieu.  Jésus.  «  le  plus  beau 
a  des  enfants  des  hommes  -  »,  est  l'objet  de 
l'admiration  extatique  des  Anges;  sur  lui 
se  sont  reposées  les  complaisances  de  la 
suprême  Trinité  ;  les  dons  de  la  grâce  déposés 
en  lui  surpassent  ce  qui  a  été  accordé  à  tous 
les  hommes  et  à  tous  les  esprits  célestes 
ensemble  ;  mais  Dieu  l'avait  destiné  à  la  voie 
de  l'épreuve,  et  Jésus  qui  aurait  pu  racheter 
l'homme  à  moins  de  frais,  s'est  plongé  volon- 
tairement dans  une  mer  d'humiliations  et  de 
douleurs,  afin  de  payer  avec  surabondance  la 
dette  de  ses  frères/  Quelle  sera  la  récom- 
pense ?  l'Apôtre  nous  le  dit  dans  ces  fortes 
paroles  :   «    Il  s'est  fait  obéissant  jusqu'à   la 

I.  Philip.  II,   10.  —  2.  Psalm, 


1  g6  Le  Temps  Pascal. 

«  mort  et  à  la  mort  de  la  croix  ;  à  cause  de 
«  cela  Dieu  l'a  exalté,  et  lui  a  donné  un  nom 
«  qui  est  au-dessus  de  tout  nom  i.  » 

O  vous  donc  qui  compatissez  ici-bas  aux 
douleurs  par  lesquelles  il  nous  a  rachetés, 
vous  qui  aimez  à  le  suivre  dans  les  stations 
de  son  pèlerinage  jusqu'au  Calvaire,  levez  la 
tète  aujourd'hui,  et  regardez  au  plus  haut 
des  cieux.  Le  voici,  «  parce  (qu'il  a  souffert 
«  la  mort,  le  voici  couronné  de  gloire  et 
«  d'honneur  -.  Plus  il  s'est  anéanti  sous  la 
«  forme  d'esclave,  lui  gui  dans  son  autre 
«  nature  pouvait  sans  injustice  se  dire  égala 
«  Dieu  3  »;  plus  le  Père  prend  plaisir  à  rélever 
en  gloire  et  en  puissance.  La  couronne  d'é- 
pines qu'il  a  portée  ici-bas  est  remplacée  par 
le  diadème  d'honneur  *.  La  croix  qu'il  laissa 
imposer  sur  son  épaule  est  désormais  le  signe 
de  sa  principauté  ^.  Les  plaies  que  les  clous 
et  la  lance  ont  imprimées  sur  son  corps  res- 
plendissent comme  des  soleils.  Gloire  soit 
donc  rendue  à  la  justice  du  Père  envers 
Jésus  son  Fils  !  mais  réjouissons-nous  aussi 
de  voir  en  ce  jour  «  l'Homme  des  douleurs  "î» 
devenu  le  Roi  de  gloire,  et  répétons  avec 
transport  l'Hosannah  que  la  cour  céleste  fait 
retentir  à  son  arrivée. 

Toutefois  n'allons  pas  croire  que  le  Fils  de 
l'homme  établi  désormais  sur  le  trône  de  la 
divinité  reste  inactif  dans  son  glorieux  repos 
C'est  une  souveraineté,  mais  une  souveraineté 
active  que  le  Père  lui  a  concédée.  Il  l'a 
d'abord  établi    «    juge    des    vivants    et    des 

I.  Philip.  II.  —  2.  Heb.  II.  p.—  3.  Philip.  Il,  6,  7.  — • 
4.  Psalm.  XX.  —  5.  Isai.  xii.  —  6.  Ibid.  lui. 


Le  Dima^iche  dans  VOct.  de  l'Ascension,     i gj 

a  morts  •,  et  nous  devons  tous  comparaî- 
«  tre  devant  son  tribunal  -.  »  A  peine  notre 
âme  aura-t-elle  quitté  son  corps,  qu'elle 
se  trouvera  transportée  au  pied  de  ce  tri- 
bunal sur  lequel  le  Fils  de  l'homme  s'est 
assis  aujourd'hui,  et  elle  entendra  sortir  de 
sa  bouche  la  sentence  qu'elle  aura  méritée. 
O  Sauveur  couronné  en  ce  jour,  soyez-nous 
miséricordieux  à  cette  heure  décisive  pour 
notre  éternité. 

Mais  la  judicature  exercée  par  le  Seigneur 
Jésus  ne  se  bornera  pas  à  l'exercice  silencieux 
de  ce  souverain  pouvoir;  les  Anges  nous  l'ont 
dit  aujourd'hui  :  il  doit  se  montrer  de  nou- 
veau à  la  terre,  redescendre  à  travers  les  airs, 
ainsi  qu'il  est  monté,  et  alors  se  tiendront  les 
solennelles  assises  où  le  genre  humain  com- 
paraîtra tout  entier.  Assis  sur  les  nuées  du 
ciel,  entouré  des  milices  angéliques,  le  Fils 
de  l'homme  apparaîtra  à  la  "terre  dans  toute 
sa  majesté.  Les  hommes  verront  «  Celui 
qu'ils  ont  percé  s  »,  et  les  traces  de  ses  bles- 
sures, qui  ajouteront  encore  à  sa  beauté, 
seront  pour  les  uns  un  objet  de  terreur  et 
pour  les  autres  la  source  d'ineffables  con- 
solations. Pasteur  encore  sur  son  trône  aérien, 
il  séparera  ses  brebis  des  boucs,  et  sa  voix 
souveraine  que  la  terre  ne  connaissait  plus 
depuis  tant  de  siècles,  retentira  pour  com- 
mander aux  pécheurs  impénitents  de  descen- 
dre aux  enfers,  et  pour  inviter  les  justes  à 
venir  occuper,  en  corps  et  en  âme,  le  séjour 
des  délices  éternelles. 


ig8  Le  Temps  Pascal. 

En  attendant  ce  dénouement  final  des  des- 
tinées de  la  race  humaine,  Jésus  reçoit  aussi 
du  Père,  en  ce  jour,  l'investiture  visible  du 
pouvoir  royal  sur  toutes  les  nations  de  la 
terre.  Nous  ayant  tous  rachetés  au  prix  de 
son  sang,  nous  sommes  à  lui;  qu'il  soit  donc 
désormais  notre  Seigneur.  Il  l'est  en  effet,  et 
il  s'intitule  le  Roi  des  rois  et  le  Seigneur  des 
seigneurs  i.  Les  rois  de  la  terre  ne  régnent 
légitimement  que  par  lui,  et  non  par  la  torce, 
ou  en  vertu  d'un  prétendu  pacte  social  dont 
la  sanction  ne  serait  que  d'ici-bas.  Les  peu- 
ples ne  s'appartiennent  pas  à  eux-mêmes  :  ils 
sont  à  lui.  Sa  loi  ne  se  discute  pas;  elle  doit 
planer  au-dessus  de  toutes  les  lois  humai- 
nes comme  leur  règle  et  leur  maîtresse  : 
«  Les  nations  frémiront  sous  son  sceptre, 
«  nous  dit  le  Roi-prophète  ;  les  peuples,  pour 
«  lui  échapper,  méditeront  de  vains  systèmes; 
«  les  princes  de  la  terre  se  ligueront  contre 
«  lui;  ils  diront  :  Brisons  son  )oug,  et  jetons- 
ce  le  loin  de  nous-.»  Inutiles  efforts!  car  ainsi 
que  nous  le  dit  l'Apôtre,  «  il  faut  qu'il  règne, 
«  jusqu'à  ce  qu'il  ait  mis  tous  ses  ennemis 
«  sous  les  pieds  3  >),  jusqu'à  ce  qu'il  apparaisse 
une  seconde  fois  pour  abattre  la  puissance 
de  Satan  et  l'orgueil  des  hommes. 

Ainsi  donc,  le  Fils  de  l'homme  couronné 
dans  son  Ascension  doit  régner  sur  le  monde 
jusqu'à  ce  qu'il  revienne.  Mais,  direz-vous, 
règne-t-il  donc  dans  un  temps  où  les  princes 
confessent  tenir  leur  autorité  du  mandat  de 
leurs  peuples,  où  les  peuples  séduits  par  ce 
prestige  qu'ils  nomment  lioerté ont  perdu  jus- 

I,  Apoc.  XIX,  i6.  —  2.  Psalm.  ii.  —  3.  I  Cor.  xv,  25 


Le  Dimanche  dans  VOct.  de  V Ascension,     igg 

qu'au  sens  même  de  l'autorité  ?  Oui,  il  règne, 
mais  dans  la  justice,  puisque  les  hommes 
ont  dédaigné  d'être  conduits  par  sa  bonté. 
Ils  ont  effacé  sa  loi  de  leurs  codes,  ils  ont 
accordé  droit  de  cité  à  l'erreur  et  au  blasphème  ; 
alors  il  les  a  livrés  à  leur  sens  absurde  et 
mensonger.  Chez  eux  le  pouvoir  éphémère, 
que  l'onction  sainte  ne  rend  plus  sacré, 
échappe  à  tout  moment  aux  mains  qui  s'ef- 
forcent de  le  retenir,  et  lorsque  les  peuples, 
après  avoir  roulé  dans  les  abîmes  de  l'anar- 
chie, essayent  de  le  constituer  de  nouveau, 
c'est  pourrie  voir  crouler  encore,  parce  que 
princes  et  peuples  veulent  se  tenir  en  dehors 
du  domaine  du  Fils  de  l'homme.  Et  il  en 
sera  ainsi,  jusqu'à  ce  que  princes  et  peuples, 
lassés  de  leur  impuissance,  le  rappellent  pour 
régner  sur  eux,  jusqu'à  ce  qu'ils  aient  repris 
la  devise  de  nos  pères  :  «  Le  Christ  est  vain- 
«  queur!  le  Christ  règne!  le  Christ  com- 
«  mande  !  Daigne  le  Clirist  préserver  son  peu- 
«  pie  de  tout  malheur!  » 

En  ce  jour  de  votre  couronnement,  recevez 
donc  les  hommages  de  vos  fidèles,  ô  notre 
souverain  Roi,  notre  Seigneur  et  notre  juge! 
nous  qui  fûmes  par  nos  péchés  les  auteurs  de 
vos  humiliations  et  de  vos  souffrances  dans 
le  cours  de  votre  vie  mortelle,  nous  nous 
unissons  aux  acclamations  que  firent  enten- 
dre les  Esprits  célestes  au  moment  où  le  dia- 
dème royal  fut  placé  sur  votre  divin  Chef. 
Nous  ne  faisons  encore  qu'entrevoir  vos  gran- 
deurs; mais  l'Esprit-Saint  que  vous  nous 
avez  promis  achèvera  de  nous  révéler  tout 
ce  que  nous  pouvons  connaître  ici-bas  sur 
votre  souverain  pouvoir,  dont  nous  voulons 


20  0    Le  Dimanche  dans  VOct.  de  V Ascension. 

être  à  jamais  les  humbles  et   fidèles   sujets. 

Le  Dimanche  dans  l'Octave  de  l'Ascension 
ctait    appelé    à    Rome,    au    moyen    âge,    le 
Dimanche  des   Roses,    parce  que  l'on   avait 
coutume  en   ce  jour  de    joncher   de  roses  le 
pave  des  basiliques,  comme  un  hommaee  au 
Christ  qui    s'élevait   au   ciel    dans  la  saison 
des  fleurs.    On  sentait  alors   toutes  les  har- 
monies. La  fête  de  l'Ascension  si  riante  et  si 
remplie  de  jubilation,  lorsqu'on  la  considère 
sous  son    pri^ncipal  aspect,  qui  est  le  triom- 
phe  du    Rédempteur,    venait    embellir    les 
radieuses   journées    du    printemps   sous    un 
ciel  fortune.  On  cessait  un  moment  de  sentir 
les  tristesses  de  la  terre,  veuve  de  son  Emma- 
nue  ,  pour   ne  se  souvenir   que  de  la  parole 
quil    a  dite  à  ses  Apôtres,   arîn  quelle  nous 
tut  répétée  :  «  Si  vous   m'aimiez,  vous  vous 
«  réjouiriez  de  ce  que    je    m'en  vais   à  mon 
«  Père  '.  »  Imitons  cet   exemple;    offrons  à 
notre  tour  la  rose  à  celui  qui    l'a  faite  pour 
I  embellissement  de  notre  séjour,  et  sachons 
nous  aider   de   sa  beauté   et  de    son  parfum 
pour   nous  élever    jusqu'à    lui,   qui  nous  dit 
dans  le  divin  Cantique  :  «  Je  suis  la  fleur  des 
<c  champs  et  le  lis  des  vallons  -'.  »    Il  voulut 
être  appelé  Nazaréen,  afin  que  ce  nom  mvs- 
tcrieux  réveillât  en    nous    le  souvenir   qu'il 
retrace,  le  souvenir  des  fleurs  dont  il  n'a  pas 
dédaigne   d  emprunter  le  symbole,  pour  ex- 
primer le  charme  et  la  suavité  que  ceux  qui 
1  aiment  trouvent  en  lui. 

I.  JOHAN.  XIV,   28.  —    2.   Ci 


A  la  Messe. 


A  LA  MESSE. 

I  'Introït,  tiré  du  Psautier,  exprime  le  désir 
que  ressent  la  sainte  Eglise  de  revoir  son 
Epoux  qui  s'est  enfui  loin  d'elle.  L'âme 
fidèle  partage  ce  sentiment,  et  s'unit  à  la  mère 
commune  pour  dire  comme  elle  à  l'Emma- 
nuel :  «  Mon  cœur  vous  le  dira,  je  veux 
«  revoir  vos  traits  divins  ;  offrez-les  bientôt  à 
«  ma  vue.  -> 


EXAUCEZ  ma  prière,  Sei- 
gneur, accueillez  le  cri 
que  je  pousse  vers  vers  vous, 
alléluia.  Mon  cœur  vous  dit  : 
J'ai  cherché  votre  visage, 
Seigneur  ;  je  ne  cesserai  de 
le  chercher  :  daignez  ne  pas 
le  détourner  de  moi,  alléluia, 
alléluia. 

Ps.  Le  Seigneur  est  ma  lu- 
mière et  mon  salut  :  que 
craindrai-je  ?  Gloire  au  Père. 
Exaucez. 


EXAUDI,  Domine,  vo- 
cem  meam.  qua  cla- 
mavi  ad  te,  alléluia  :  tibi 
dixit  cor  meum  :  Quassi 
vi  vultum  tuum,  vultum 
tuum,  Domine,  requi- 
ram  :  ne  avortas  faciem 
tuam  a  me,  alléluia,  allé- 
luia. 

Ps.  Dominus  illumina- 
tio  mea,  et  salus  mea  : 
quem  timebo  ?  Gloria 
Patri.  Exaudi. 


Dans  la  Collecte,  l'Eglise  nous  apprend  à 
demander  à  Dieu  cette;  bonne  volonté  qui  nous 
rendra  dignes  de  revoir  Jésus,  par  notre  zèle 
à  servir  la  divine  Majesté. 


ORAISON. 


DIEU  tout-puissant  et  éter- 
nel, faites  que  notre  vo- 
lonté vous  soit  toujours  dé- 
vouée, et  que  nous  servions 
votre  Majesté  d'un  cœur  sin- 
cère. Par    Jésus-Christ. 


OMNIPOTENs      sempi- 
terne  Deus,  fac  nos 

tibi  semper  et  devotam 
gerere  voluntatem,  et 
majestati  tuae  sincero 
corde  servire.  Per  Do- 
minum. 


2  0  2     Le  Dimanche  dans  VOct.  de  V Ascension. 


On  fait  mémoire  de  la  fête  de  l'Ascension, 
page  i55. 

ÉPÎTRE. 


Leciio     Epistoh 
Pétri  Apostoli 

IV. 


beati 
,  Cap. 


Ç^  HARissiMl,  Estote  pru- 
^^  dentés,  et  vigilate  in 
orationibus.  Ante  omnia 
autem,  mutuam  in  vobis- 
metipsis  eharitatem  con- 
tinuam  habentes  :  quia 
charilas  operit  multitu- 
dinem  peccatorum.  Hos- 
pitales  invicem  sine 
murmuratione.  Unus- 
quisque,  sicut  accepit 
gratiam,  in  alterutrum 
illam  administrantes,  si- 
cut boni  dispensatores 
multiformis  gratias  Dei. 
Si  quis  loquitur,  quasi 
sermones  Dei  :  si  quis 
ministrat,  tamquam  ex 
virtute,  quam  adminis- 
trât Deus  :  ut  in  omni- 
bus honorificetur  Deus 
Êer  Jesum  Christum 
lominum  nostrura. 


Lecture  de  l'Epître    de  saint 
Pierre,  Apôtre.  I,  Chap.  iv. 


1^  ES  bien-aimés  ,  soyez 
*■  *■  prudents  et  veillez  dans 
la  prière  ;  mais  avant  tout, 
ayez  une  charité  persévérante 
les  uns  envers  les  autres  :  car 
la  charité  couvre  la  multi- 
tude des  péchés.  Exercez  en- 
tre vous  l'hospitalité  sans 
murmurer.  Que  chacun  se  ren- 
de utile  aux  autres,  selon  la 
grâce  qu'il  a  reçue,  comme 
étant  de  fidèles  dispensateurs 
des  diverses  grâces  de  Dieu. 
Si  quelqu'un  parle,  que  ce 
soit  commue  des  paroles  de 
Dieu  ;  si  quelqu'un  exerce 
un  ministère,  que  ce  soit 
comme  par  la  vertu  que  Dieu 
lui  donne  ;  afin  qu'en  toutes 
choses  Dieu  soit  honoré  par 
Jésus-Christ  notre  Seigneur. 


T"  ANDis  que  les  disciples  sont  réunis  dans  le 
'  Cénacle,  n'ayant  qu'un  cœur  et  qu'une 
âme,  et  attendant  la  venue  de  l'Esprit-Saint, 
le  prince  des  Apôtres  qui  présidaitcetteassem- 
blée  sainte  se  tourne  vers  nous  qui  attendons 
ici-bas  la  même  faveur,  et  nous  recommande 
la  charité  fraternelle.  11  nous  promet  que  cette 
vertu  couvrira  la  multitude   de  nos  péchés  ; 


A  la  Messe. 


2o3 


quelle  heureuse  préparation  pour  recevoir  le 
don  divin  !  L'Esprit-Saint  arrive  afin  d'unir 
les  hommes  en  une  seule  famille  ;  arrêtons 
donc  toutes  nos  discussions,  et  préparons-nous 
à  la  fraternité  universelle  qui  doit  s'établir 
dans  le  monde  à  la  prédication  de  l'Evangile. 
En  attendant  la  descente  du  Consolateur  pro- 
mis, TApôtre  nous  dit  que  nous  devons  être 
prudents  et  veiller  dans  la  prière.  Recevons 
la  leçon  :  la  prudence  consistera  à  écarter  de 
nos  cœurs  tout  obstacle  qui  repousserait  le 
divin  Esprit  ;  quant  à  la  prière,  c'est  elle  qui 
les  ouvrira,  ahn  qu'il  les  reconnaisse  et  s'y 
établisse. 

Des  deux  Versets  de  l'Alleluia,  l'un  est 
emprunté  à  David,  et  célèbre  la  majesté  de 
Jésus  sur  son  trône  royal  ;  l'autre  est  formé 
des  paroles  mêmes  du  Sauveur  qui  nous  pro- 
met son  retour  à  la  fin  des  temps,  lorsqu'il 
viendra  réclamer  ses  élus. 


A  LLELUIA,  alléluia. 

f.  Le  Seigneur  règne  sur 
toutes  les  nations  :  Dieu  s'est 
assis  sur  son  trône  de  sainteté. 

Alléluia. 

"f.  Je  ne  vous  laisserai  pas 
orphelins  :  je  m'en  vais,  mais 
je  reviendrai  à  vous,  et  votre 
cœur  sera  dans  la  joie,  allé- 
luia. 


A  LLELUIA,  alléluia. 

^.  Regnavit  Dominus 
super  omnes  gentes  : 
Deus  sedet  super  sedem 
sanctam  suam. 

Alléluia. 

j^.  Non  vos  relinquam 
orphanos :  vado  et  venio 
ad  vos,  et  gaudebit  cor 
vestrum,  alléluia. 


2  04    J^c  Dimanche  dnns  COct.  de  V Ascension. 


EVANGILE. 


La  suite   du   saint  Evangile 
selon  saint  Jean.  Chap.  xv. 


Sequentia  sancti  Evan- 
gelii  secundum  Johan- 
nem.  Cap.xv. 

IN  illo  tcmpore  :  Dixit 
Jcsus  discipulis  suis  : 
Cum  venerit  Paraclitus, 
quem  ego  mittam  vobis 
a  Pâtre. Spiritum  verita- 
tis,  qui  a  Pâtre  procedit. 
ille  testimonium  perhi- 
bebit  de  me  :  et  vos  tes- 
timonium perhibebitis. 
quia  ab  initio  mecum 
estis.  Haec  locutus  sum 
vobis,  ut  non  scandalize- 
mini.  Absque  synagogis 
facient  vos  :  sed  venit 
hora  ut  omnis,  qui  inter- 
ficit  vos,  arbitretur  obse- 
quium  se  prsestare  Deo. 
Et  hacc  facient  vobis, 
quia  non  noverunt  Pa- 
trem,  neque  me.  Sed  hœc 
locutus  sum  vobis  :  ut, 
cum  venerit  hora  eorum, 
reminiscamini  quia  ego 
dixi  vobis. 

A  LA  veille  de  nous  envoyer  son  Esprit, 
Jésus  nous  annonce  les  effets  que  ce  divin 
Consolateur  produira  dans  nos  âmes.  S'adrcs- 
sant  aux  Apôtres  dans  la  dernière  Cène,  il 
leur  dit  que  cet  Esprit  leur  rendra  témoi- 
gnage de  lui,  c'est-à-dire  qu'il  les  instruira 
sur  la  divinité  de  Jésus  et  sur  la  fidélité 
qu'ils  lui  doivent,  jusou'à  mourir  pour  lui. 
Voilà  donc  ce    que  produira  en  eux  cet  hôte 


EN  ce  temp)s-là,  Jésus  dit  à 
ses  disciples  :  Lorsque 
viendra  le  Consolateur  que 
je  vous  enverrai  du  Père, 
l'Esprit  de  vérité  qui  procède 
du  Père,  il  rendra  témoi- 
gnage de  moi  ;  et  vous  aussi 
vous  rendrez  témoignage, 
parce  que  vous  êtes  avec  moi 
depuis  le  commencement.  Je 
vous  ai  dit  ces  choses,  afin 
que  vous  ne  soyez  pas  scanda- 
lisés. Ils  vous  chasseront  des 
synagogues  ;  et  vient  l'heure 
où  quiconque  vous  tuera 
croira  rendre  service  à  Dieu. 
Et  ils  vous  traiteront  ainsi, 
parce  qu'ils  ne  connaissent  ni 
le  Père,  ni  moi.  Je  vous  ai 
dit  ces  choses,  afin  que  lors- 
que l'heure  sera  venue,  vous 
vous  souveniez  que  je  vous 
les  ai  dites. 


A  la  Messe. 


divin  que  Jésus,  près  de  monter  aux  cieux, 
leur  désignait  en  l'appelant  la  Vertu  d'en  haut. 
De  rudes  épreuves  les  attendent  ;  il  leur  fau- 
dra résister  jusqu'au  sang.  Qui  les  soutien- 
dra, ces  hommes  faibles  *?  L'Esprit  divin  qui 
sera  venu  se  reposer  en  eux.  Par  lui  ils  vain- 
cront, et  l'Evangile  fera  le  tour  du  monde. 
Or,  il  v£  venir  de  nouveau,  cet  Esprit  du 
Père  et  du  Fils  ;  et  quel  sera  le  but  de  sa 
venue,  sinon  de  nous  armer  aussi  pour  le 
combat,  de  nous  rendre  forts  pour  la  lutte  ? 
Au  sortir  de  la  Saison  pascale,  où  les  plus 
augustes  mystères  nous  illuminent  et  nous 
protègent,  nous  allons  retrouver  en  face  le 
démon  irrité,  le  monde  qui  nous  attendait, 
nos  passions  calmées  un  moment  qui  vou- 
dront se  réveiller.  Si  nous  sommes  «revêtus 
de  la  Vertu  d'en  haut  »,  nous  n'aurons  rien 
à  craindre  ;  aspirons  donc  à  la  venue  du 
céleste  Consolateur,  préparons-lui  en  nous 
une  réception  digne  de  sa  majesté  ;  quand 
nous  l'aurons  reçu,  gardons-le  chèrement  ; 
il  nous  assurerala  victoire,  comme  il  l'assura 
aux  Apôtres. 

L'Otfertoire  rappelle  avec  les  paroles  du 
Roi-prophète  les  grandeurs  de  Jésus  montant 
au  ciel  ;  la  sainte  Eglise  veut  que  la  pensée 
d'un  tel  triomphe  nous  accompagne  sans 
cesse,  et  qu'elle  fixe  à  jamais  nos  cœurs  dans 
le  séjour  où  le  Triomphateur  nous  attend. 

OFFERTOIRE. 

T\  lEu  est  monté   aux  accla-     A     scendit  Deiis  m  ju- 
■*-^    mations  de   la   joie  :    le    ^^     bilatione  :  et  Domi- 
nus  in   voce   tubas,   allé- 
luia. 


Seigneur  est  monté   au  brui 
des  trompettes,  alléluia 


.06 


Le   Temps  Pascal. 


En  olTrant  à  Dieu  ic  pain  et  le  vin  qui 
bientôt  vont  être  transformés  au  corps  et  au 
sang  de  Jésus,  la  sainte  Eglise  demande  pour 
nous,  dans  l'Oraison  Secrète,  non  seulement 
que  le  contact  des  Mystères  divins  nous  rende 
purs,  mais  qu'il  nous  donne  cette  énergie  sans 
laquelle  la  vie  chrétienne   n'existe  pas. 


^ACRIFICIA  nos.  Domi- 
N  ne,  immaculata  puri- 
ncent  :  et  mentibus  nos- 
tris  supernae  gratiœ  dent 
vigorem.  Per  Dominum. 


FAITES,  Seigneur,  que  ce 
Sacrifice  sans  tache  nous 
iipporte  la  purification,  et 
qu'il  communique  à  nos  âmes 
la  vigueur  que  produit  la 
grâce  céleste.  Par  Jésus- 
Christ. 

On  fait  mémoire  de  la  fête  de  l'Ascension, 
page  162. 

Préface  de  l'Ascension,  vieme  page. 

Les  paroles  de  la  prière  de  Jésus  à  son  Père 
forment  l'Antienne  de  la  Communion.  Il  les 
prononça  après  avoir  nourri  ses  disciples  de 
sa  chair  sacrée.  Elles  montrent  son  désir  à 
notre  éaard. 


COMMUNION. 
ATER,  cum  essem  cum 


1  eis,  ego  servabam  eos 
quos  dedisti  mihi,  allé- 
luia :  nunc  autem  ad  te 
venio  :  non  rogo  ut  tol- 
las  eos  de  mundo,  sed  ut 
serves  eos  a  malo,  allé- 
luia, alléluia. 


OPÈRE,  lorsque  j'étais 
avec  eux,  je  gardais  ceux 
que  vous  m'avez  donnés,  al- 
léluia ;  maintenant  je  m'en 
vais  à  vous  ;  je  ne  vous  de- 
mande pas  de  les  ôter  du 
monde,  mais  de  les  délivrer 
du  mal,  alléluia,  alléluia. 


L'action  de  grâces  est  le  premier  devoir  du 
chrétien  après  la  communion  au  corps  et  au 


Le  Dimancïie  dans  l'Oct.  de  l'Ascension.     20  j 

sang  de  Jésus-Christ  ;  l'Eglise,  qui  connaît 
mieux  que  nous  la  grandeur  du  oienfait  que 
nous  avons  reçu,  demande  dans  la  Postcom- 
munion que  cette  action  de  grâces  demeure 
continuellement  en  nous. 


EMPLIS  de  VOS  dons  sa- 
Y^  crés,  faites.  Seigneur, 
que  nous  vous  en  rendions 
désormais  de  continuelles 
actions  de  ffrâces.  Par  Jésus- 
Christ. 


POSTCOMMUNIOX. 

Q  EPLETi.  Domine,  mu- 
1  \  neribus  sacris  :  da 
quaesumus  ;  ut  in  gratia- 
rum  semper  actione  ma- 
neamus.    Per  Dominum. 


On  fait  mémoire  de  la  fête  de  l'Ascension, 
page  164. 


A  VÊPRES. 

ANTIENNE     DE     MagnifiCOt 

HRQ.  locutus  sum  vo- 
bis,  ut  quum  venerit 
hora  eorum,  reminisca- 
mini,  quia  ego  dixi  vobis, 
alléluia. 


JE  vous  ai  dit  ces  choses, 
afin  que  lorsque  l'heure 
sera  venue,  vous  vous  souve- 
niez que  je  vous  les  ai  dites, 
alléluia. 


I~v  lEU  tout-puissant  et  éter- 
yj  nel,  faites  que  notre  vo- 
lonté vous  soit  toujours  dé- 
vouée, et  que  nous  servions 
votre  Majesté  d'un  cœur  sin- 
cère. Par  Jésus-Christ. 


OMNIPOTENS  sempi- 
terne  Deus,  fac  nos 
tibi  semper  et  devotam 
gerere  voluntatem,  et 
majestati  tu?e  sincero 
corde  servire.  Per  Domi- 


O  FERONS  à  Jésus  triomphant  cette  belle 
Hymne  que  l'Eglise  emploie,  à  l'Office 
des  Matines,  le  jour  de  l'Ascension  et  durant 
toute  l'Octave.  Elle  exprime  avec  énergie  le 


20S 


Le  Temps  Pascal. 


mystère  tout  entier,  et  nous  montre  comment 
'a  chrétienté  latine,  dans  l'antiquité,  savait 
•cndre  ses  sentiments  en  présence  du  Rédemp- 
teur glorifié. 


jj  TERNE  rex  altissime, 
/t     Redemptor   et  fide- 

lium, 
Cui  mors   perempta   de- 

tulit 
Summœ  triumphum  glo- 

rias. 

Ascendis    orbes    side- 

rum, 

Quo  te  vocabat   coelitus 

CoUata,  non   humanitus, 

Rerum  potestas  omnium. 


Ut    trina    rerum     ma- 
china 
Cœlestium,     terrestrium 
Et  inferorum  condlta. 
Flectat   genu    jam   sub- 
dita. 

Tremunt  videntes  An- 

geli 
Versamvicemmortalium: 
Peccat      caro,       mundat 

caro. 
Régnât  Deus  Del  caro. 


Sis  ipse  nostrum  gau- 
dium. 
Manens    Olympo     prae- 


Roi  éternel,  Roi  très-haut. 
Rédempteur  des  fidèles, 
6  vous,  à  qui  la  victoire  sur 
la  mort  désormais  abattue  a 
mérité  le  plus  glorieux  triom- 
phe. 


En  vous  élevant  aujour- 
d'hui, vous  franchissez  la  ré- 
gion des  astres,  et  vous  allez 
vous  asseoir  sur  le  trône  pour 
exercer  le  souverain  pouvoir 
que  le  ciel,  et  non  l'homme, 
vous  a  conféré. 

C'est  là  que  vous  recevez 
l'hommage  des  trois  régions 
créées,  le  ciel,  la  terre  et  les 
enfers,  qui,  dans  leur  soumis- 
sion, fléchissent  le  genou  de- 
vant votre  majesté. 

Les  Anges  contemplent 
avec  stupeur  la  révolution 
qui  s'est  accomplie  dans  le 
sort  des  mortels;  la  chair 
avait  péché,  et  la  chair  a  tout 
purifié  ;  un  Dieu  fait  chair 
étend  partout  son  empire. 


Soyez 
gresse,  c 

au    ciel    pour  être    notre   ré- 
compense! Vous  qui  tenez  les 


donc     notre    alle- 
vous   qui  demeurez 


Le  Dimanche  d.vns  l'Oci.  de  l'Ascension.     2oq 


rênes  de  ce  monde,  et  nous 
aidez  à  triompher  de  ses  dan- 
gereux attraits  l 

Daignez  pardonner  toutes 
nos  offenses,  et  par  l'énergie 
de  votre  grâce,  attirez  eu 
haut  et  vers  vous  nos  cœurs  ; 


Afin  qu'au  jour  où  vous 
paraîtrez  soudain  assis 
comme  un  juge  sur  la  nuée, 
vous  écartiez  de  nous  les  châ- 
timents que  nous  méritons,  et 
nous  rendiez  la  couronne  que 
nous  avions  perdue. 

A  vous  soit  la  gloire  avec 
le  Père  et  l'Esprit-Saint, 
dans  les  siècles  éternels,  ô 
Jésus  qui,  vainqueur  aujour- 
d'hui, remontez  dans  les 
cieux  1 

Amen. 


Mundi  régis  qui   fabri- 

cam, 
Mundana  vincens  gaudia. 

Hinc  te  precantes  quaî- 
sumus. 
Ignosce  culpis  omnibus. 
Et  corda  sursum  subleva 
Ad  te  superna  gratia. 

Ut  cum  repente  cœpe- 
ris 
Clarere  nube  judicis, 
Pœnas   repellas   débitas, 
Reddas  coronas  perditas. 


Jesu,  tibi  sit  gloria, 
Qui     Victor     in    cœlum 

redis, 
Cum  Pâtre  et  almo  Spi- 

ritu. 
In  sempiterna  sœcula. 

Amen. 


Terminons  par  cette  prière  que  nous  fournit 
le  Bréviaire  mozarabe. 


NOTRE  Sauveur  et  notre 
maître,  vous  qui,  mon- 
tant aux  cieux,  avez  dai- 
gné vous  glorifier  aux  regards 
de  ceux  qui  vous  contem- 
plaient, leur  promettant  que 
votre  retour  comme  juge  se- 
rait semblable  à  votre  départ, 
faites-nous  aujourd'hui  ac- 
cueillir avec  une  dévotion 
sincère  la   fête  de  votre  As- 


qALVator  noster,  et 
O  Domine,  qui  ascen- 
dens  in  cœlos,  intuen- 
lium  clarificatus  appa- 
rere  dignatus  es  oculis  • 
dum  ita  ut  nscenderas, 
venturum  ad  judicium 
polliceris;  fac  nos  ho- 
diernœ  Ascensionis  ture 
festum  pura  cordium  de- 
votione  suscipere  :  ut   ita 


LE    TEMPS  PASCAL.   —  T.    III. 


-: 


210 


Le  Temps  Pascal. 


in  te  semper  ad  melius 
vita  nostra  ascendendo 
proficiat,  qualiter  ad  ju- 
dicium  vcnientem  incon- 
fusibili  contuitu  te  sem- 
per visionis  ad  spiciat. 
Amen. 


cension,  afin  que  notre  vie 
s'élève  sans  cesse  en  vous  à 
ce  qu'il  y  a  de  meilleur,  en 
sfirtc  que  nos  yeux  puissent 
se  porter  avec  assurance  sur 
vous,  lorsque  vous  viendrez 
I  pour  le  jugement. 


(é^<ég^<^c.Wg»<^g^Wg^(^(^(^(^ 


LE    LUNDI 

DANS    L'OCTAVE    DR   I ,' ^  ^'^F  N^  !0N. 


^~)  Roi  de  gloire.  Seigneur 
des  armées,  qui  aujour- 
d'hui êtes  monté  triomphant 
au-dessus  de  tous  les  cieux, 
ne  nous  laissez  pas  orphe- 
lins; mais  envoyez-nous 
l'Esprit  de  vérité,  selon  la 
promesse  du    Père,   alléluia. 


O 


Rex  glorire,  Domi- 
ne virtutum  ,  qui 
triumphator  hodie  super 
omnes  cœlos  ascendisti, 
ne  derelinquas  nos  or- 
phanos  ;  sed  mitte  pro- 
missum  Patris  in  nos 
Spiritum  veritatis,  alle- 


K  royauté  sur  les  hommes  n'est  pas 
le  seul  diadème  que  reçoit  noire 
divin  triomphateur  dans  son  Ascen- 
sion. L'Apôtre  nous  enseigne  for- 
mellement que  Jésus  est  aussi  »  Chef  de 
toutes  les  Principautés  et  de  toutes  les  Puis- 
sances 1  ».  Au-dessus  de  la  race  humaine  s'é- 
lèvent les  degrés  éblouissants  de  la  hiérarchie 
angélique,  l'œuvre  la  plus  magnifique  de  la 
création.  Après  l'épreuve  suprême,  ces  nobles 
et  saintes  milices  décimées  par  la  chute  et  la 
réprobation  des  rebelles,  sont  entrées  dans  la 
jouissance  surnaturelle  du  souverain  bien,  et 
elles    ont    commencé    le    cantique    sans  fin 

3ui  retentit  autour  du  trône  de  Dieu,  et 
ans  lequel  elles  expriment  leurs  adorations, 
leurs  transports  d'amour  et  leurs  actions  de 
grâces. 


I.  Col.  II,  10. 


Le  Temps  Pascal. 


Mais  une  condition  jusqu'à  présent  a  man- 

êué  à  leur  entière  félicité.  Ces  innombrables 
sprits  si  beaux  et  si  lumineux,  tout  comblés 
qu'ils  sont  des  dons  de  la  muniticence  divine, 
attendent  un  complément  de  gloire  et  de 
bonheur.  Lorsqu'ils  eurent  été  appelés  du 
néant  à  la  vie,  Dieu  leur  ré  vêla  qu'il  devait  créer 
encore  d'autres  êtres,  des  êtres  d'une  nature 
inférieure  à  la  leur,  et  que  parmi  ces  êtres 
composés  d'une  âme  et  d'un  corps,  il  en  devait 
naître  un  que  le  Verbe  éternel  unirait  à  sa 
nature  divine  en  une  seule  et  même  personne. 
Il  leur  fut  manifesté  que  cette  nature  humaine 
dont  la  gloire,  avec  celle  de  Dieu  même,  a 
été  le  but  de  la  création,  serait  appelée  «  le 
premier-né  de  toute  créature  i  »,  et  que  tout 
Ange,  ainsi  que  tout  homme,  devrait  fléchir  le 
genou  devant  elle,  qui,  après  avoir  été  Viumi- 
liée  sur  la  terre,  serait  gloriflée  dans  les 
cieux  ;  qu'enfin  le  moment  viendrait  où  toutes 
leshiérarchiescélestes,  jusqu'aux  Principautés 
et  aux  Puissances,  jusqu'aux  Chérubins  et 
aux    Séraphins,  l'auraient  pour  Chef. 

Jésus  fut  donc  attendu  par  les  Anges,  comme 
il  le  fut  par  les  hommes.  Par  les  Anges,  il  fut 
attendu  comme  le  perfectionnement  suprême 
de  leurs  hiérarchies,  dont  la  multiplicité 
arriverait  par  lui  à  l'unité,  et  qui  seraient 
reliées  plus  étroitement  à  Dieu  au  moyen  de 
cet  ineffable  intermédiaire  qui  réunirait  en 
sa  personne  une  nature  divine  et  une  nature 
créée  ;  par  nous  autres  hommes,  il  fut  attendu 
comme  le  réparateur  rendu  nécessaire  par  le 
péché  qui   nous  avait  fermé  le  ciel,  et  aussi 


I.  Col.  I,  i5. 


Le  Lundi  dans  l'Oct.  de  l'Ascension.     21  3 

comme  le  médiateur  éternellement  prédes- 
tiné à  venir  prendre  la  race  humaine  aux 
confins  du  néant,  pour  la  réunir  à  Dieu  qui 
avait  résolu  de  lui  communiquer  sa  gloire. 
Ainsi,  tandis  que  sur  la  terre  les  justes  qui 
vécurent  avant  le  jour  où  le  Verbe  éternel 
fut  conçu  au  sein  de  la  plus  pure  des  vierges, 
se  rendaient  agréables  à  Dieu  en  s'unissant 
à  ce  réparateur,  à  ce  médiateur  qui  devait 
venir  ;  de  même,  au  ciel,  les  hommages  des 
Anges  à  la  Majesté  divine  montaient  jusqu'à 
elle  par  l'otfrande  anticipée  que  lui  adres- 
saient ces  Esprits  bienheureux,  s'unissant  à 
ce  Chef  dont  la  mission  non  réalisée  encore 
était  présente  dans  les  décrets  éternels  de 
l'Ancien  des  jours. 

Enfin  la  plénitude  des  temps  1  étant  venue, 
comme  parle  l'Apôtre,  «  Dieu  introduit  sur  la 
«  terre  son  premier-né  2  »,  l'archétype  de  la 
création,  et  à  cette  heure  sacrée  ce  ne  sont 
pas  les  hommes  qui  adorent  les  premiers  ce 
Chef  de  leur  race  ;  le  même  Apôtre  nous 
rappelle  que  ce  sont  les  Anges  qui  lui  ren- 
dent les  premiers  leur  hommage  3.  David 
l'avait  prédit  dans  son  sublime  c'antique  sur 
la  venue  de  l'Emmanuel  -^  :  et  il  était  juste 
qu'il  en  fût  ainsi  ;  car  l'attente  des  Anges 
avait  duré  plus  longtemps,  et  d'ailleurs  ce 
n'était  pas  en  qualité  de  réparateur  qu'il 
venait  pour  eux,  mais  uniquement  comme  le 
médiateur  fermement  espéré,  qui  devait  les 
rattacher  plus  étroitement  à  l'infinie  beauté, 
objet  de  leurs  délices  éternelles,  et  combler, 

I.  Gai.  IV,  4.  —  2.  Hcb.  I,  6.  —  3.  Ibià.  —  4.. 
Psalm.  xcvL  7. 


2  14  Le  Temps  Pascal. 


pour  ainsi  dire,  l'intervalle  qui  n'avait  été  rem- 
pli jusqu'alors  que  par  leurs  aspirations  à  le 
voirenfinoccuperlaplacequiluiétaitdestinée. 

Alors  s'accomplit  cet  acte  d'adoration  en- 
vers le  Dieu-Homme,  cet  acte  exigé  des  Es- 
prits célestes  au  commencement  de  toutes 
choses  comme  l'épreuve  suprême,  et  qui 
devait,  selon  qu'il  obtiendrait  acquiescement 
ou  refus,  décider  du  sort  éternel  de  ces  nobles 
créatures.  Avec  quel  amour  et  quelle  soumis- 
sion ne  l'avons-nous  pas  vu  rempli,  à  Beth- 
lehem,  parles  Anges  tidùles,  lorsqu'ils  virent 
leur  Chef  et  le  notre,  le  Verbe  fait  chair, 
reposant  entre  les  bras  de  sa  chaste  mère,  et 
qu'ils  allèrent  bientôt  annoncer  avec  trans- 
port aux  hommes  représentés  par  les  bergers 
l'heurease  nouvelle  de  l'arrivée  de  ce  com- 
mun médiateur! 

Mais  aujourd'hui  ce  nest  plus  sur  la  terre 
que  les  Esprits  célestes  contemplent  le  fils 
de  Marie  ;  ce  n'est  plus  sur  la  voie  des  humi- 
liations et  des  souffrances  par  lesquelles  il 
lui  a  fallu  passer  pour  lever  d'abord  l'obsta- 
cle du  péché  qui  nous  privait  de  l'honneur 
de  devenir  ses  heureux  membres:  c'est  sur 
le  trône  préparé  à  la  droite  du  Père  qu'ils 
l'ont  vu  s'élever,  qu'ils  le  contemplent  désor- 
mais, qu'ils  s'unissent  à  lui  étroitement,  en 
le  proclamant  leur  Chef  et  leur  Prince.  A 
cet  instant  sublime  de  l'Ascension,  un  frémis- 
sement de  bonheur  inconnu  parcourt  toute 
la  succession  des  célestes  hiérarchies,  des- 
cendant et  remontant  des  brûlants  Séraphins 
aux  Ansçesçiui  avoisinent  la  nature  humaine. 
Une  félicité  nouvelle,  celle  qui  consiste  dans 
la  jouissance  réelle  d'un  bien  dont  l'attente 


Le  Lundi  dayis  l'Oct.  de  l'Ascension.     21 5 

est  déjà  remplie  de  délices  pour  le  cœur 
d'une  créature,  opère  un  renouvellement  de 
béatitude  dans  ces  êtres  privilégiés,  que  l'on 
eût  pu  croire  parvenus  à  l'apogée  des  joies 
éternelles.  Leurs  regards  se  fixent  sur  la 
beauté  incomparable  de  Jésus,  et  ces  Esprits 
immatériels  s'étonnent  de  voir  la  chair 
revêtue  d'une  splendeur  qui  dépasse  leur 
éclat  par  la  plénitude  de  grâce  qui  réside  en 
cette  nature  humaine.  Leur  vue,  pour  plon- 
ger plus  avant  dans  la  lumière  incréée,  tra- 
verse cette  nature  inférieure  à  la  leur,  mais 
divinisée  par  son  union  avec  le  Verbe  divin; 
elle  pénètre  à  des  profondeurs  qu'elle  n'avait 
pas  sondées  encore.  Leurs  désirs  sont  plus 
ardents,  leur  élan  plus  rapide,  leurs  concerts 
plus  mélodieux  ;  car,  ainsi  que  le  chante  la 
sainte  Eglise,  Anges  et  Archanges,  Puissances 
et  Dominati-ons,  Chérubins  et  Séraphins,  ils 
louent  désormais  la  majesté  du  Père  céleste 
par  Jésus-Christ  son  Fils  :  per  quem  majes- 
tatem  tiiam  laudant  Angeli. 

Mais  qui  pourrait  décrire  les  transports  des 
Esprits  célestes  à  l'arrivée  de  cette  multitude 
d'habitants  de  la  terre,  membres  comme  eux 
du  même  Chef,  se  pressant  sur  ses  pas  et  se 
partageant  selon  les  diverses  hiérarchies,  là 
où  la  chute  des  mauvais  anges  laissait  des 
places  désertes  ?  La  résurrection  générale  n'a 
pas  encore  restitué  à  ces  âmes  les  corps  aux- 
quels elles  furent  unies  ;  mais,  en  attendant, 
leur  chair  n'est-elle  pas  déjà  glorifiée  en  celle 
de  Jésus?  Plus  tard,  à  l'heure  marquée,  la 
trompette  de  l'Archange  ayant  retenti  1,  ces 

I.  1  Thess.  IV,  i5. 


j6 


Le  Temps  Pascal. 


âmes  bienheureuses  reprendront  leur  vête- 
ment terrestre,  désormais  voue  à  l'immorta- 
lité. C'est  alors  que  les  saints  Anges  recon- 
naîtront avec  un  enthousiasme  fraternel  dans 
les  traits  d'Adam,  notre  ancêtre,  ceux  de 
Jésus  son  fils,  ainsi  que  nous  l'enseignent  les 
plus  anciens  Pères,  et  dans  les  traits  d'Eve, 
notre  première  mère,  ceux  desa  fille  Marie  ; 
mais  la  ressemblance  sera  plus  parfaite  au 
ciel  qu'elle  ne  l'était  sous  les  ombrages  du 
jardin  des  Délices.  Vienne  donc  ce  joïir  glo- 
rieux, où  le.splendide  mystère  de  l'Ascension 
sera  réalisé  dans  ses  dernières  conséquences  ; 
où  les  deux  créations,  angélique  et  humaine, 
s'embrasseront  pour  l'éternité  dans  l'unité 
d'un  même  Chef! 


C  AiNT  Ambroise  nous  prêtera  aujourd'hui 
■^  sa  voix  pour  célébrer  le  mystère  du 
triomphe  de  la  nature  humaine  en 'Jésus,  par 
cette  belle  Hymne  du  Bréviaire  de  Milan. 


OPTAT 
niut 


PTATUS     votis      om- 
im 

Sacratus  illuxit  dies 
Quo     Cliristus,      mundi 

spes.  Deus, 
Conscendit  cœlos  arduos. 

Ascendens      in    altum 

Dominus, 
Propriam  ad   scdem    re- 

means, 
Gavisa  sunt  cœli   régna. 
Reditu  Unigeniti. 


LE  jour  tant  désiré  a  lui  en- 
fin à  nos  yeux;  jour  au- 
quel le  Christ,  espoir  du 
monde,  Dieu  par  essence, 
s'éleva  jusqu'au  sommet  des 
cieux. 

A  l'arrivée  du  Seigneur 
dans  ces  hautes  régions,  à 
son  retour  sur  le  siège  de  sa 
gloire,  les  royaumes  célestes 
ont  été  dans  la  jubilation, 
c'était  le  Fils  unique  qui 
arrivait. 


Le  Lundi  dans  VOct.  de  V Ascension.     21  y 


Digne  triomphe  à  la  suite 
d'une  si  noble  lutte!  Après 
avoir  abattu  le  prince  du 
monde,  il  étale  aux  regards 
du  Père  les  membres  glo- 
rieux d'une  chair  qui  a 
vaincu. 

S'élevant  sur  les  nuages,  il 
sollicite  à  l'espérance  le 
cœur  des  croyants  ;  car  il 
leur  ouvre  le  paradis  que  le 
premier  père  avait   fermé. 


O  joie  immense  pour  nous 
tous  !  Voir  le  fils  d'une  Vier- 
ge de  notre  sang,  après  les 
crachats,  les  fouets  et  la  croix, 
entrer  en  possession  du  trône 
de  son  Père. 


Offrons  nos  actions  de 
grâces  à  l'auteur  de  notre 
salut,  pour  avoir  élevé  en  sa 
personne  notre  propre  chair 
jusqu'aux  honneurs  des  céles- 
tes palais. 

Que  la  joie  soit  commune 
entre  nous  et  les  Anges  ;  car 
s'il  vient  s'offrir  à  leurs  re- 
gards ,  nous  pouvons  dire 
qu'il  n'a  pas  rompu  avec 
nous. 


Ce  qui  nous  reste  à  faire, 
c'est  d'attendre  le  Christ 
dans  la  pratique  des  bonnes 
œuvres,  et  de  mener  une  vie 


Magni    triumphum 
praslii  ! 
Mundi    perempto    prin- 
cipe, 
Patris  praîsentatvultibus 
Victricis  carnis  gloriam. 


Est   elevatus    nubibus 
Et  spem   fecit  credenti- 

bus, 
Aperiens  paradisum, 
Quem  protoplastus  clau- 
serat. 

O  grande  cunctis  gau- 

dium  ! 
Quod  partus  nostrae  Vir- 

ginis, 
Post  sputa,    flagra,    post 

crucem, 
Paternœ  sedi  jungitur. 

Agamusergo  gratias 
Nostrœ  salutis  vindici, 
Nostrum      quod     corpus 

vexerit 
Sublimem     ad   cœli  re- 

giam. 

Sit  nobis  cum   cœles- 

tibus 
Commune  manens   gau- 

dium, 
mis  quod  se  praesentavit, 
Nobis  quod  se    non  abs- 

tulit. 

Nunc  provocatis  actibus 
Christum  exspectare  nos 

decet, 
Vitaque  tali  vivere, 


2l8 


Le  Temps  Pascal. 


Qu3e  possit  cœlos   scan-     qui 
dere. 


Gloria  tibi,  Domine, 
Qui  scandis  super  sidéra, 
Cum    Pâtre    et    Sancto 

Spiritu 
In  sempiterna  saecula. 
x\men. 


soit    digne    d£s    cicux. 


A  vous,  Seigneur ,  qui 
vous  élevez  au-dessus  des 
astres,  gloire  et  honneur, 
avec  le  Père  et  le  Saint-Es- 
prit, dans  les  siècles  éternels. 
Amen. 


Nous  achèverons  la  journée  par  cette  prière 
du  Bréviaire  mozarabe. 


CHRISTE  Dei  virtus,  et 
Dei  sapientia,  qui 
propter  nos  et  nostram 
salutcm  descendens  e 
cœlis,  humani  generis 
carne  vestiri  dignatiises, 
ut  dignissima  societate 
nos  tua  Deitate  vestires, 
et  quod  morîale  descen- 
dendo  susceperas,  im- 
raortalitati  ascendendo 
donares;  tribue  nobis 
interventu  solemnitatis 
hodiernsE,  qua  te  cœlos 
ascendente  et  sequi  cupi- 
mus  et  gaudemus.  ut 
benignissimœ  dispensa- 
tionis  hujus  munera  co- 
gnoscentes,  rcddamus 
pietati  tuae  quod  solum 
possumus,  vota  laudum  ; 
exspectantcs  secundi  ad- 
ventus  tui  aeternorum  so- 
latia  gaudiorum. 


O Christ,  vertu  et  sagesse 
de  Dieu,  vous  qui,  des- 
cendu des  cieux  à  cause  de 
nous  et  pour  notre  salut,  avez 
daigné  revêtir  la  chair  de 
l'homme,  afin  de  nous  revêtir 
nous-mêmes  de  Dieu  par  la 
plus  noble  alliance,  et  de 
gratifier  de  l'immortalité 
dans  votre  Ascension  cette 
même  chair  que,  descendu 
du  ciel,  vous  aviez  revêtue 
sujette  à  la  mort,  accor- 
dez-nous dans  la  solennité 
d'aujourd'hui,  où  nous  nous 
livrons  à  la  joie  de  vous  voir 
monter  aux  cieux  et  au  désir 
de  vous  suivre,  la  faveur  de 
comprendre  toute  l'étendue 
de  vos  bienfaits  et  de  rendre 
à  votre  bonté  le  seul  hom- 
mage que  nous  puissions  lui 
offrir,  celui  de  la  louange, 
dans  l'attente  où  nous  som- 
mes des  joies  éternelles  dont 
votre  second  avènement  doit 
ouvrir  le  cours. 


LE     MARDI 
DANS   LOCTAVE   DE   L'ASCENSION. 


(~\  Roi  de  gloire,  Seigneur 
^"^  des  armées,  qui  aujour- 
d'hui êtes  monté  triomphant 
au-dessus  de  tous  les  cieux, 
ne  nous  laissez  pas  orphe- 
lins ;  mais  envoyez-nous 
l'Esprit  de  vérité,  selon  la 
promesse  du  Père,  alléluia. 


(^  Rex  gloriœ.  Domi- 
ne virtutum,  qui 
triumphator  hodie  super 
omnes  cœlos  ascendisti, 
ne  derelinquas  nos  or- 
phanos;  sed  mitte  pro- 
missum  Patris  in  nos 
Spiritum  veritatis,  allé- 
luia. 


lE  Seigneur  de  gloire  est  monté  aux 
cieux,  et  selon  Te  langage  de  l'Apôtre, 
il  y  est  entré  comme  «  notre  avant- 
coureur  1  »  ;  mais  comment  l'homme 
pourra-t-il  le  suivre  jusqu'au  séjour  de  toute 
sainteté,  lui  dont  la  voie  est  sans  cesse  en- 
travée par  le  péché,  lui  qui  a  plus  besoin  de  par- 
don que  de  gloire?  Or,  c'est  ici  encore  une  des 
merveilleuses  suites  de  cet  auguste  mystère 
de  l'Ascension,  dont  nous  ne  saurions  épuiser 
toute  la  richesse.  Jésus  ne  monte  pas  au  ciel 
seulement  pour  y  régner  ;  il  doit  y  résider 
aussi  pour  y  être  notre  intercesseur,  notre 
Pontife,  chargé  d'o-btenir  en  cette  qualité  le 
pardon  de  nos  péchés,  avec  les  grâces  qui 
nous  ouvriront  le  chemin  pour  arriver  jus- 
qu'à lui.  Sur  la  croix  il  s'offrit  en  victime 
pour  nos  péchés;  son  sang  divin,  épanché  de 


Le  Temps  Pascal. 


tous  ses  membres,  forma  dès  lors  notre  ran- 
çon surabondante  ;  mais  le  ciel  demeurait 
terme  aux  rachetés  jusau'à  ce  qu'il  en  eût 
franchi  les  portes,  jusqu'à  ce  qu'il  eût  pénétré 
l'intime  sanctuaire  où  il  doit  exercer  à  jamais 
la  charge  de  Pontife  selon  l'Ordre  de  Melchi- 
sédech  1^.  Aujourd'hui  le  sacerdoce  du  Calvaire 
se  transforme  en  un  sacerdoce  de  gloire.  Jésus 
est  entré  «  au  delà  du  voile,  de  ce  voile  qui 
était  sa  chair  encore  passible  et  mortelle  »  2  ; 
il  a  pénétré  dans  le  plus  intime  de  la  présence 
de  son  Père,  et  là  il  est  notre  Pontife  à  jamais. 

Il  estle  Christ,  sacré  d'une  doubleonction, 
au  moment  où  sa  personne  divine  s'unissait  à  la 
nature  humaine  :  il  est  Roi,  il  est  Pontife.  Sa 
Royauté,  nous  l'avons  acclamée  les  jours  pré- 
cédents; aujourd'hui  c'est  son  Sacerdoce  que 
nous  avons  à  reconnaître.  Durant  son  passage 
en  ce  monde,  quelques  traits  de  l'un  et  de 
l'autre  nous  ont  apparu  ;  mais  cette  Royauté 
et  ce  Pontificat  ne  devaient  briller  de  tout 
leur  éclat  qu'au  jour  de  l'Ascension.  Suivons 
donc  encore  notre  Emmanuel  d'un  œil  res- 
pectueux, et  considérons  ce  qu'il  vient  opérer 
dans  le  ciel. 

L'Apôtre  va  d'abord  nous  donner  la  notion 
du  Pontife  dans  sa  sublime  Epître  aux 
Hébreux.  Le  Pontife,  nous  dit-il,  est  choisi 
par  Dieu  même,  afin  d'offrir  des  dons  et  des 
sacrifices  pour  les  péchés;  il  est  établi  près 
de  Dieu  en  faveur  des  hommes,  dont  il  est 
l'ambassadeur  et  l'intercesseur  ^.  Or,  telle 
est  la  qualité,  tel  est  le  ministère  de  Jésus 
dans  les  cieux,    à  partir  de  l'heure  où   nous 

I.  Psalm.  cix. —  2.  Heb.  vi,  19;  x,  20. —  S.lbid.  v,  i. 


Le  Mardi  dans  l'Octave  de  l'Ascension.     221 

sommes.  Mais  si  nous  voulons  pénétrer  plus 
avant  un  si  vaste  et  si  profond  mystère,  il 
nous  faut  nous  aider  des  symboles  que  nous 
offrent  les  livres  saints  ;  ces  symboles  dont 
saint  Paul  lui-même  a  emprunté  le  secours, 
vont  nous  faire  comprendre  le  rôle  de  notre 
Pontife. 

Transportons-nous  par  la  pensée  dans  le 
temple  de  Jérusalem.  Nous  traversons  d'abord 
cette  vaste  enceinte  à  ciel  ouvert,  entourée 
de  portiques,  et  au  centre  de  laquelle  s'élève 
l'autel  sur  lequel  les  victimes  égorgées  dont 
le  sang  s'écoule  par  de  nombreux  canaux, 
sont  consumées  selon  le  rite  des  divers  sacri- 
fices. Nous  nous  dirigeons  ensuite  vers  un 
lieu  plus  auguste,  cet  édifice  couvert  qui 
s'élève  au  delà  de  l'autel  des  holocaustes  et 
qui  resplendit  de  toutes  les  richesses  de 
l'Orient.  Entrons  avec  respect  ;  car  ce  lieu  est 
saint,  et  Dieu  même  a  donné  à  iMoïse  le  plan 
des  ouvrages  merveilleux  qui  le  décorent  et 
qui  sont  tous  à  sa  gloire:  l'autel  des  parfums, 
d'où  s'exhale  soir  et  matin  la  fumée  de  l'en- 
cens ;  le  Chandelier  à  sept  branches  qui  étale 
avec  complaisance  ses  lis  et  ses  grenades  ;  la 
table  sur  laquelle  reposent  les  pains  de  pro- 
position, hommage  de  notre  race  à  celui  qui 
fait  mûrir  les  moissons  sur  la  terre.  Mais  ce 
n'est  pas  encore  sous  ces  lambris  étincelants 
de  l'or  d'Ophir  que  s'est  établie  l'ineffable 
majesté  de  Jéhovah.  Contemplez  au  fond  de 
l'édifice  ce  voile  d'un  tissu  précieux,  riche- 
ment brodé  d'images  de  Chérubins,  et  des- 
cendant jusqu'à  terre.  C'est  là,  derrière  ce 
voile,  que  le  Dieu  d'Abraham,  d'Isaac  et  de 
Jacob  fait  sentir  sa  présence  ;  c'est   là   que 


Le  Teynps  Pascal. 


repose  l'Arche  d'alliance,  sur  laquelle  les 
deux  Chérubins  d'or  étendent  '  mystérieu- 
sement leurs  ailes.  Ce  réduit  sacré  et  inacces- 
sible se  nomme  le  Saint  des  Saints;  aucun 
homme  ne  pourrait,  sans  mourir,  soulever 
ce  voile,  porter  un  regard  téméraire  dans  cet 
asile  terrible  et  entrer  là  où  le  Dieu  des 
armées  daigne  habiter. 

L'homme  est  donc  banni  du  séjour  où  Dieu 
habite.  La  sainteté  divine  l'exclut  de  sa 
présence  comme  indigne.  Créé  pour  voir 
Dieu,  pour  être  heureux  éternellement  par 
la  vue  de  Dieu,  l'homme,  à  cause  de  son 
péché,  est  condamné  à  ne  le  pas  voir.  Un 
voile  lui  dérobe  la  vue  de  celui  qui  est  sa  fin, 
et  l'obstacle  de  ce  voile  est  pour  lui  infran- 
chissable. Telle  est  la  sévère  leçon  que  nous 
donne  le  symbole  formidable  de  l'ancien 
temple. 

Une  promesse  miséricordieuse  est  néan- 
moins intervenue.  Ce  voile  sera  soulevé  un 
jour,  et  laissera  passage  à  l'homme  ;  mais  à 
une  condition,  et  cettecondition,  nous  allons 
la  connaître  en  continuant  de  suivre  les 
symboles  de  l'ancien  temple .  Entre  tous 
les  mortels  exclus  du  Saint  des  Saints,  il  en 
est  un  cependant  à  qui  il  est  donné  une  fois 
l'année  de  pénétrer  derrière  le  voile.  C'est  le 
Pontife,  Que  s'il  entre  ce  jour-là  dans  l'en- 
ceinte terrible,  sans  tenir  entre  ses  mains  le 
vase  rempli  du  sang  des  deux  victimes  qu'il 
a  immolées  auparavant  pour  ses  propres 
péchés  et  pour  ceux  de  son  peuple,  il  sera 
exterminé;  si  au  contraire  il  remplit  fidèle- 
ment l'ordre  du  Seigneur,  il  sera  protégé  par 
le  sang   qu'il  porte,    et  il  sera  admis   en  ce 


Le  Mardi  dans  VOct.  de  l'Ascension.    2  23 

jour  unique  à  intercéder  pour  lui-même  et 
pour  Israël  tout  entier. 

Qu'elles  sont  belles,  qu'elles  sont  fortes, 
CCS  figures  de  l'ancienne  Alliance  !  mais  com- 
bien plus  belle  et  plus  forte  est  leur  réalisa- 
tion dans  l'inépuisable  mystère  de  l'Ascension 
de  notre  divin  libérateur  !  Il  était  encore 
dans  la  période  de  ses  humiliations  volon- 
taires, que  déjà  sa  puissance  s'était  fait  sentir 
jusque  dans  ce  réduit  sacré  sur  lequel  pla- 
nait la  terreur  de  Jéhovah.  Son  dernier  sou- 
pir sur  la  croix  avait  déchiré  du  haut  en  bas 
le  voile  du  Saint  des  Saints,  pour  annoncer 
que  bientôt  l'accès  auprès  de  Dieu  allait  être 
ouvert  aux  hommes  comme  avant  le  péché. 
Mais  restait  la  victoire  à  remporter  sur  la 
mort  par  la  résurrection  ;  restait  encore  la 
période  de  quarante  jours  que  notre  Pontife 
devait  employer  à  organiser  le  sacerdoce 
véritable  qui  s'exercera  sur  la  terre  jusqu'à 
la  consommation  des  siècles,  en  union  avec 
celui  qu'il  va  remplir  lui-même  au  ciel. 

Aujourd'hui,  tous  les  délais  sont  accom- 
plis; les  témoins  de  la  résurrection  l'ont 
constatée,  les  dogmes  de  la  foi  sont  révélés 
dons  leur  ensemble,  l'Eglise  est  constituée, 
les  sacrements  sont  déclarés;  il  est  temps 
que  notre  Pontife  pénètre  dans  le  Saint  des 
Saints  et  qu'il  y  entraîne  ses  élus  à  sa  suite. 
Suivons  son  vol  des  yeux  de  notre  foi.  A 
son  approche,  le  voile  abaissé  depuis  quatre 
mille  ans  se  lève  et  lui  livre  passage.  Jésus 
n'a-t-il  pas,  comme  le  Pontife  de  l'ancienne 
loi,  offert  le  sacrifice  préalable,  le  sacrifice 
non  plus  figuratif,  mais  réel,  par  l'effusion 
de  son  propre  sang  ?   Arrivé  en  présence  de 


Le  Temps  Pascal. 


la  Majesté  divine  pour  y  exercer  sa  puissante 
intercession,  qu'a-t-il  à  faire  autre  chose  que 
de  présenter  à  son  Père,  en  notre  faveur,  ces 
blessures  qu'il  a  reçues  il  y  a  peu  de  jours, 
et  par  lesquelles  s'est  épanché  le  sang  qui 
satisfaisait  d'une  manière  complète  à  toutes  les 
exigences  de  la  suprême  justice  ?  Et  pourquoi 
a-t-il  tenu  à  conserver  ccà  augustes  stigmates 
de  son  sacrifice,  sinon  pour  s'en  servir,  comme 
notre  Pontife,  à  désarmer  le  courroux  céleste 
provoqué  sans  cesse  par  les  péchés  de  la 
terre?  Ecoutons  l'apôtre  saint  Jean:  «  Mes 
«  petits  enfants,  dit-il,  je  vous  écris  ceci, 
«  afin  que  vous  ne  péchiez  pas;  mais  si  quel- 
«  qu'un  pèche,  nous  avons  pour  avocat  Jé- 
«  sus-Christ  qui  est  juste  i.  »  Ainsi  donc,  au 
delà  du  voile  où  il  pénètre  aujourd'hui,  Jé- 
sus traite  avec  son  Père  de  nos  intérêts,  il 
met  la  dernière  main  aux  mérites  de  son 
sacrifice,  il  est  un  Pontife  éternel,  un  Pontife 
à  l'intercession  duquel  rien  ne  résiste. 

Saint  Jean,  qui  a  vu  le  ciel  ouvert,  nous 
décrit  d'une  façon  expressive  cette  double 
qualité  de  notre  divin  Chef,  victime  et  roi 
en  même  temps,  sacrifié  et  néanmoins  im- 
mortel. Il  nous  montre  le  trône  de  l'éter- 
nelle Majesté  entouré  des  vingt-quatre  vieil- 
lards sur  leurs  sièges  et  des  quatre  animaux 
symboliques,  ayant  en  face  les  sept  Esprits 
rayonnants  de  force  et  de  beauté;  mais  le 
sublime  prophète  n'arrête  pas  là  son  ineûa- 
ble  description.  Il  entraîne  nos  regards  jus- 
que sur  le  trône  même  de  Jéhova\i;  et  nous 
apercevons  debout  au  milieu  de  ce  trône  un 


Le  Mardi  dans  î'Oct.  de  V Ascension.     22  5 

Agneau,  mais  un  agneau  «  comme  immolé  » 
et  toutefois  revêtu  des  attributs  de  la  force  et 
de  la  puissance  i.  Qui  oserait  tenter  d'expli- 
quer de  telles  images,  si  notre  grand  mys- 
tère d'aujourd'hui^ ne  nous  en  donnait  la 
clef?  Mais  avec  quelle  facilité  tout  s'éclaircit 
à  sa  lumière!  Aux  traits  que  nous  révèle  l'A- 
pôtre nous  reconnaissons  notre  Jésus,  Verbe 
éternel,  et  en  sa  qualité  de  Verbe  éternel  sié- 
geant sur  un  même  trône  avec  son  Père  au- 
quel il  est  consubstantiel.  Mais  en  même 
temps  il  est  Agneau  :  car  il  a  pris  notre  chair, 
afin  d'être  égorgé  pour  nous  comme  une  vic- 
time ;  et  ce  caractère  de  victime  demeure  en 
lui  pour  l'éternité.  Le  voici  donc  dans  toute 
sa  majesté  de  Fils  de  Dieu,  debout,  et  posant 
avec  une  dignité  souveraine;  mais  en  même 
temps  il  apparaît  comme  immolé.  Les  cica- 
trices des  blessures  que  lui  a  faites  le  couteau 
du  sacrifice  demeurent  à  jamais  visibles; 
c'est  identiquem.ent  l'Agneau  du  Calvaire  qui" 
consomme  éternellement  dans  la  gloire  l'im- 
molation qu'il  accomplit  douloureusement 
sur  la  croix. 

Telles  sont  les  merveilles  que  l'œil  des  An- 
ges contemple  «  à  l'intérieur  du  voile  ~  », 
et  que  notre  œil  verra  aussi,  lorsque  nous 
aurons  franchi  le  voile  à  notre  tour.  Nous 
ne  sommes  pas  destinés  à  rester  au  dehors, 
comme  le  peuple  juif  qui  voyait  une  fois 
l'an  son  Pontife  disparaître  quelques  instants 
derrière  la  courtine  qui  fermait  l'accès  du 
Saint  des  Saints.  Voici  que  l'Apôtre  nous 
enseigne    que  «  Jésus  notre    avant-coureur, 

I.  Apoc.  IV,  V.  —  2.  Heb.  VI,  19. 


LE   TEMPS    PASCAL.    —   T.    III. 


2  20  Le  Temps  Pascal. 


«  Jésus  Pontife  à  jamais,  est  entré  pour  nous 
u  dans  le  sanctuaire*  »  ;  entré  pour  nous! 
qu'est-ce  à  dire,  sinon  gu'il  nous  y  précède,  et 
que  nous  l'y  suivrons  ?  Il  est  juste  qu'il  en- 
tre le  premier;  mais  c'est  comme  avant- 
coureur  (^u'il  entre.  Dès  aujourd'hui  même 
il  n'est  déjà  plus  seul  à  l'intérieur  du  voile; 
la  foule  des  élus  qui  montait  après  lui  a 
pénétré  à  sa  suite,  et  à  partir  de  ce  moment, 
le  nombre  de  ceux  qui  seront  admis  va  s'ac- 
croître d'heure  en  heure.  Nous  ne  sommes 
aue  de  pauvres  pécheurs,  et  l'Apôtre  nous 
it  que  «  nous  sommes  déjà  sauvés  en  es- 
«  pérance  »-;  et  notre  espérance,  c'estde  péné- 
trer un  jour  dans  le  Saint  des  Saints.  Alors 
nous  répéterons  avec  les  Anges,  avec  les 
vingt-quatre  vieillards,  avec  les  millions 
d'êtres  glorifiés,  cette  acclamation  éternelle  : 
«  A  l'Agneau  qui  fut  immolé,  puissance  et 
c  divinité!  sagesse  et  force!  honneur,  gloire 
«  et  bénédiction,  dans  les  siècles  des  siècles! 
«  Amen-'  !  » 


p  ouR  terminer  la  journée,  nous  emprunte- 
*  rons  aujourd'hui  cette  antique  Séquence 
que  le  pieux  Notker  composa  au  ix«  siècle, 
pour  l'abbaye  de  Saint-Gall. 


CHRISTUS    hune    diem 
jucundum 
Gunctis     concédât     esse 
christianis. 
Amatoribus    suis. 


SEQUENCE. 

DAIGNE    le    Christ    rendre 
favorable    cette    journée 
aux  chrétiens  qu\   lui  olTrenl 


leur  amour. 


I.  Heb.  VI,  20.  —  2.  Rom.  viii,  24.  —  3.  Apoc.  v,  13. 


Le  Mardi  dans  VOci.  de  V Ascension.     22  j 


Ghriste  Jesu,  FiliDei, 
Mediator  nostras  natura; 
Ac  Divinœ. 


O  Christ  !  ô  Jésus,  Fils  de 
Dieu  !  tu  réunis  en  ta  per- 
sonne la  nature  divine  et  la 
nôtre. 

Dieu  éternel,  tu  as  visité  la 
terre  ;  homme  nouveau,  tu  as 
traversé  les  airs  dans  ton  vol. 


Les  Anges  et  les  nuées 
t'environnent  dans  ton  retour 
vers  ton  Père. 


Comment  s'en  étonner  , 
lorsque,  dans  ton  berceau, 
l'étoile  s'unissait  aux  Anges 
pour  accomplir  tes  ordres  ? 

En  ce  jour,  Seigneur,  tu  as 
inspiré  aux  hommes  un  nou- 
veau et  cher  désir,  l'espérance 
des  biens  célestes. 


C'est  la  nature  humaine  vé- 
ritable que  tu  as  emportée  r.u 
delà  des  limites  où  s'arrêtent 
les  astres,  ô  Roi  des  rois. 


Quelle  joie  remplit  le  cœur 
de  tes  Apôtres,  auxquels  tu 
accordes  la  faveur  de  te  con- 
templer dans  ton  retour  vers 
les  cieux  ! 

Avec  quels  transports 
joyeux  les  neuf  chœurs  des 
Anges  se  portent  à  ta  ren- 
contre ! 


Terras    Deus    visitasti 
aeternus, 
jEthera  novus  homo 
Transvolans. 

Officiis   te   Angeli  at- 
que  nubes 
Stipant,  ad  Patrem 
Reversurum. 

Sed  quid  miruin, 
Cum  lactanti  adhuc 
Stella  tibi  serviret 
Et  Angeli  ? 

Tu  hodie    tcrrestribus 
Rem  novam  et  dulcem 
Dedisti,  Domine, 

Sperandi     cœlcs- 
tia. 

Tu  hominem  non   fic- 
tum 
Levando   super   sidercas 
metas, 

Regum  Domine. 

Quanta  gaudia 
Tuos  replent  Apostolos, 
Quis  dedisti  cernere 

Te  cœlospergere. 


Quam  hilares 
In  coelis  tibi  occurrunt 
Novem  ordines. 


228 


Le  Temps  Pascal. 


In  hiimeris  portanti 
Diu    dispersum   a  lupis, 
Gregem  unum, 


Quem.  Christe, 
Bonc  Pastor, 
Tu  dignare  custodire. 
Amen. 


Tu  portes  sur  tes  épaules 
la  brebis  du  troupeau,  de  ce 
troupeau  dispersé  longtemps 
par  les  loups,  mais  que  tu  as 
réuni  dans  l'unique  bercail. 

O  Christ,  bon  Pasteur,  dai- 
gne être  son  gardien  toujours. 

Amen. 


Complétons  les  hommages  de  ce  jour  par 
ces  deux  éloquentes  oraisons  du  Bréviaire 
mozarabe. 


DOMINE  Jesu  Christe, 
Creator  astrorum  , 
qui  inclinasti  capita  nu- 
bium,  dura  te  humiliasti 
in  conversatione  morta- 
lium  ;  ut  in  eo  corpore, 
quo  pro  nobis  probra 
sustinuisti  impiorum,  in 
ipso  ascenderes  super 
omnes  cœlos  cœlorum,  et 
laudes  sumeres  Angelo- 
rum  :  exaudi  nos  propi- 
tius,  et  hoc  nobis  con- 
cède placatus,  ut.  abso- 
luti  criminibus,  illuc  te 
nunc  prœvium  sequamur 
corde,  quo  tu  ascendisti 
glorificatus  in  homine  ;  ut 
te  etiam  tune  contem- 
plari  possimus  condito- 
rem  et  Dominum  œter- 
num  in  .Majestate,  quem 
nunc  verum  Deum  rra?- 
stolamur  et  j  u  d  i  c^  m. 
Amen. 


SEIGNEUR  Jésus-Christ, 
_  créateur  des  astres,  qui 
avez  incliné  les  cieux  en  vous 
humiliant  jusqu'à  vivre  avec 
les  mortels,  et  qui.  dans  ce 
même  corps  qui  a  supporté 
pour  nous  les  opprobres  des 
impies,  deviez  monter  au- 
dessus  des  cieux  et  recevoir 
1  e  s  applaudissements  des 
Anges  ;  soyez-nous  propice, 
laissez -vous  apaiser,  et  accor- 
dez-nous qu'étant  absous  de 
nos  péchés,  nous  vous  sui- 
vions de  cœur,  comme  notre 
avant-coureur ,  là  où  vous 
êtes  monté  en  glorifiant  votre 
humanité  ;  afin  que  nous 
puissions  un  jour  vous  con- 
templer dans  votre  Majesté 
comme  le  créateur  et  le  Sei- 
gneur éternel,  vous  en  qui 
maintenant  nous  confessons 
le  vrai  Dieu  et  attendons 
notre  juge.  Amen. 


Le  Mardi  dans  VOct.  de  V Ascension. 


2g 


CAPITULA. 


SEIGNEUR  Jésus-Christ  qui 
êtes  monté  sur  les  cieux 
des  cieux  à  l'Orient  après 
avoir  triomphé  de  l'Occident, 
daignez  perfectionner  en  vous 
ceux  dont  vous  avez  pris  sur 
vous  le  rachat,  et  que  vous 
devez  enlever  jusqu'aux 
cieux.  Complétez  la  gloire 
de  votre  corps  en  attirant 
vos  membres  en  ce  séjour  où 
vous,  qui  êtes  le  Chef,  nous 
avez  précédés  avec  tant  de 
splendeur,  et  n'abandonnez 
pas  à  l'Occident  de  ce  monde 
ceux  que,  dans  votre  triom- 
phe ,  vous  devez  emporter 
vers  l'éternel  Orient. 


C-,  OMINE  Jesu  Christe, 
qui  ascendisti  super 
cœlos  cœlorum  ad  Orien- 
tera, Occasum  devincens  ; 
quos  in  te  suscepisti  re- 
dimendos,  in  te  perfice 
ad  excelsa  toUendos  :  ut 
ubi  caput  prœcessisti  glo- 
rificatum  ,  illuc  totum 
corpus  adtrahas  hono- 
randum  :  nec  in  Occi- 
duum  mundi  relinquas, 
quos  ad  Orientem  perpe- 
tuum  versus  triumphator 
exaltas. 


^^^^^^^^ 


LE    MERCREDI 
DANS   LOCTAVF.  DE   I, ASCENSION 


OREXgloriaî,  Domine 
virtutum,  qui  trium- 
phatorhodie  superomnes 
cœlos  ascendisti,  nedere- 
linquas  nos  orphanos  ; 
sed  mitte  promissum  Pa- 
tris  in  nos  Spiritura  ve- 
ritatis,  alléluia. 


ORoi  de  gloire,  Seigneur 
des  armées,  qui  aujour- 
d'hui êtes  monté  triomphant 
au-dessus  de  tous  les  cieux, 
ne  nous  laissez  pas  orphe- 
lins ;  mais  envoyez-nous 
l'Esprit  de  vérité,  selon  la 
promesse    du    Père,  alléluia. 


.BAISSONS  sur  la  terre  nos  regards, 
que  nous  avons  tenus  jusqu'ici  tixés 
au  ciel  pour  y  suivre  Celui  qui  nous 
a  quittés.  Recherchons  maintenant 
les  effets  du  divin  mystère  de  l'Ascension 
jusque  dans  notre  humble  et  passagère  de- 
meure, où  le  Fils  de  Dieu  a  cessé  de  résider 
visiblement.  Quel  étonnant  spectacle  attire 
notre  attention  ici-bas  !  Ce  Jésus,  qui  monta 
aux  cieux  en  ce  jour,  sans  que  la  ville  de  Jé- 
rusalem s'en  émût,  sans  qu'elle  s'en  fût 
même  aperçue,  sans  que  le  genre  humain 
s'ébranlât  à  la  nouvelle  du  départ  de  son 
hôte  divin  ;  ce  même  Jésus,  en  ce  simple  an- 
niversaire d'aujourd'hui,  dix-neuf  siècles  après 
l'événement,  émeut  encore  la  terre  tout  en- 
tière de  l'éclat  de  son  Ascension.  En  nos  tris- 
tes jours  la  foi  est  languissante;  quelle  est 
cependant  la  région  du  globe  où  n'habitent 
pas  les  chrétiens,  soit  à  l'état  de  peuple,  soit 


île  Mercredi  dans  l'Oct.  de  V Ascension.     23 1 

à  l'état  d'individus?  c'en  est  assez  pour  que 
l'univers  entier  entende  dire  que  Jésus  est 
monté  aux  cieux,  et  que  ce  jour  est  consacré 
à  fêter  sa  glorieuse  Ascension. 

Durant  trente-trois  années  il  vécut  de 
notre  vie  sur  la  terre.  Fils  éternel  de  Dieu, 
son  séjour  parmi  nous  fut  ignoré  de  toutes 
les  nations  sauf  une  seule.  Cette  nation  le 
crucifia;  les  Gentils  ne  l'eussent  pas  même 
regardé  ;  car  «  la  lumière  a  beau  luire  dans 
0  les  ténèbres,  les  ténèbres  ne  la  compren- 
«  nent  pas  '  »;  et  Dieu  a  pu  «  venir  dans 
«  son  œuvre  même,  et  ne  pas  être  accueilli 
«  par  les  siens  '■^.  »  Au  sein  du  peuple  préparé 
pour  sa  visite,  sa  parole  a  été  cette  semence 
qui  tombe  sur  un  terrain  pierreux  et  ne  germe 
pas,  dans  les  épines  et  est  bientôt  étouffée 
par  elles,  et  qui  rencontre  à  peine  un  coin 
de  cette  bonne  terre  où  elle  peut  fructifier  s. 
Si,  à  force  de  patience  et  de  bonté,  il  main- 
tient autour  de  lui  quelques  disciples,  leur 
confiance  en  lui  est  demeurée  faible,  hési- 
tante, toujours  prête  à  s'éteindre. 

Et  néanmoins,  depuis  la  prédication  de  ces 
mêmes  Apôtres,  le  nom  et  la  gloire  de  Jésus 
sont  partout  ;  en  toutes  les  langues,  dans 
toutes  les  races,  il  est  proclamé""  le  Fils  de 
Dieu  incarné  ;  les  peuples  les  plus  civilisés 
comme  les  plus  barbares  sont  venus  à  lui  ; 
on  fête  sa  naissance  dans  Tétable  de  Beth- 
léhem,  sa  mort  douloureuse  sur  la  croix  où  il 
paya  la  rançon  du  monde  coupable,  sa  résur- 
rection par  laquelle  il  confirma  la  rnission 
divine   qu'il  était  venu  accomplir,    enfin  son 

I.  JoHAN.   I,  5—2.  Ibid.   1 1.  —  3.  Mattm.  xni. 


2? 2  Le  Temps  Pascal. 

Ascension  qui  le  fait  asseoir  en  ce  jour 
Homme-Dieu,  à  la  droite  de  son  Père.  Dans 
Punivers  entier  la  grande  voix  de  l'Eglise 
fait  retentir  le  mystère  de  la  glorieuse  Tri- 
nité, qu'il  est  venu  révéler  au  monde.  Cette 
sainte  Eglise  qu'il  a  fondée  enseigne  à  toutes 
les  nations  la  vérité  révélée,  et  dans  toutes 
les  nations  elle  rencontre  des  âmes  dociles 
qui  répètent  son  symbole. 

Comment  s'est  accomplie  cette  merveille  ? 
comment  a-t-elle  persévéré  et  persévère- 
l-elle  depuisdix-neufsiècles  ?  Jésus,  qui  s'élève 
au  ciel  en  ce  jour,  nous  l'explique  d'un  seul 
mot  :  ce  Je  m'en  vais,  dit-il,  et  il  vous  est  avan- 
«  tageux  que  je  m'en  aille.  »  Qu'est-ce  à 
dire,  sinon  que,  dans  notre  état  actuel,  il  y  a 
pour  nous  c^uelque  chose  de  plus  avantageux 
que  sa  présence  sensible  ?  Cette  vie  n'est 
donc  pas  le  moment  de  le  voir  et  de  le  con- 
templer, même  dans  sa  nature  humaine.  Pour 
le  connaître,  pour  le  goûter,  même  dans 
cette  humaine  nature,  un  autre  élément  nous 
est  nécessaire  :  c'est  la  foi.  Or,  la  foi  aux 
mystères  du  Verbe  incarné  ne  commence  à 
régner  sur  la  terre  qu'à  partir  du  moment 
où  il  cesse  d'être  visible  ici-bas. 

Qui  pourrait  dire  la  force  triomphante  de 
la  foi?  Saint  Jean  l'appelle  d'un  nom  glo- 
rieux. <L  La  foi,  dit-il,  c'est  la  victoire  qui 
«  abat  le  monde  sous  nos  pieds  *.  »  C'est 
elle  qui  a  abattu  aux  pieds  de  notre  divin 
Chef  absent  de  ce  monde,  la  puissance,  l'or- 
gueil et  les  superstitions  de  la  société  anti- 
que ;    et   l'hommage    en  est  monté   jusqu'au 

I.  JOHAN.  y,  4. 


Le  Mercredi  dans  VOct.  de  V Ascension.     233 

trône  où  prend  place  aujourd'hui  Jésus,  Fils 
de  Dieu  et  fils  de  Marie. 

Saint  Léon  le  Grand,  le  sublime  interprète 
du  mystère  de  l'Incarnation,  a  pénétré  cette 
doctrine  de  son  couf?  d'œil  toujours  si  sûr,  et 
il  l'a  rendue  avec  l'éloquence  qui  lui  est  fa- 
milière. «  Après  avoir  accompli  la  prédica- 
tion de  l'Evangile  et  les  mystères  de  la  nou- 
velle Alliance,  nous  dit-il,  Jésus-Christ  notre 
Seigneur  s'élevant  au  ciel  sous  les  yeux  de 
ses  disciples,  a  mis  un  terme  à  sa  présence 
corporelle  ici-bas,  et  il  doit  demeurer  à  la 
droite  de  son  Père  jusqu'à  ce  que  soient 
accomplis  les  temps  divinement  destinés  à 
la  multiplication  des  enfants  de  l'Eglise; 
après  quoi  il  reviendra  pour  être  le  Juge  des 
vivants  et  des  morts,  dans  la  même  "chair 
avec  laquelle  il  est  monté.  Ainsi  donc,  tout  ce 
qui  avait  été  visible  ici-bas  en  notre  Rédemp- 
teur a  passé  dans  Tordre  des  Mystères;  et 
afin  de  rendre  la  foi  plus  excellente  et  plus 
ferme,  la  vue  a  été  remplacée  par  un  en- 
seignement dont  l'autorité,  entourée  d'un 
rayonnement  céleste,  entraîne  les  cœurs  des 
croyants. 

«C'est  par  la  vertu  de  cette  foi  dont  l'As- 
cension du  Seigneur  a  accru  l'énergie,  et  que 
le  don  de  l'Esprit-Saint  est  venu  fortifier, 
que  ni  les  chaînes,  ni  les  cachots,  ni  l'exil, 
ni  la  faim,  ni  les  bûchers,  ni  la  dent  des  bêtes 
féroces,  ni  les  supplices  inventés  par  la 
cruauté  des  persécuteurs,  n'ont  pu  effrayer 
les  chrétiens.  C'est  pour  leur  fidélité  à  cette 
foi  que,  dans  le  monde  entier,  non  seule- 
ment des  hommes,  mais  même  des  femmes, 
non  seulement  des  enfants  et  des  adolescents. 


234  Le  Temps  Pascal. 

mais  des  jeunes  filles  délicates,  ont  combattu 
jusqu'à  l'ellusion  de  leur  sang.  C'est  cette  foi 
qui  a  chassé  les  démons,  fait  disparaître  les 
maladies,  ressuscité  les  morts.  De  là,  nous 
avons  vu  les  bienheureux  Apôtres  eux-mêmes 
qui,  après  avoir  été  confirmés  par  tant  de 
miracles,  instruits  par  tant  de  discours  du 
Seigneur,  s'étaient  laissé  eifrayer  par,  les 
indignités  de  sa  Passion,  et  n'acceptèrent  la 
vérité  de  sa  résurrection  qu'après  avoir 
hésité  ;  nous  les  avons  vus  changés  aussitôt 
après  son  Ascension,  à  tel  point  que  les 
choses  qui  jusqu'alors  ne  leur  inspiraient 
que  de  la  terreur,  devinrent  tout  à  coup 
pour  eux  une  source  d'allégresse.  Toute  la 
force  du  regard  de  leur  âme  s'était  dirigée 
sur  la  divinité  de  celui  qui  est  assis  à  la 
droite  du  Père  ;  la  vue  de  son  corps  ne  retar- 
dait plus  la  vigueur  de  leur  œil,  dès  lors 
qu'ils  pénétraient  le  Mystère,  et  arrivaient  à 
comprendre  qu'en  descendant  des  cieux  il  ne 
s'était  pas  séparé  de  son  Père,  pas  plus  qu'en 
y  remontant  il  ne  s'était  isolé  de  ceux  qui 
avaient  été  ses  disciples. 

«  Le  moment  donc  où  le  Fils  de  l'homme, 
qui  est  aussi  le  Fils  de  Dieu,  s'est  manifesté 
d'une  façon  plus  excellente  et  plus  auguste, 
est  celui  où  il  s'est  retiré  dans  la  gloire  et  la 
majesté  de  son  Père;  car  c'est  alors  que,  par 
un  procédé  ineffable,  il  s'est  rendu  plus  pré- 
sent par  sa  divinité,  à  mesure  que  son  huma- 
nité s'éloignait  de  nous  davantage.  C'est  alors 
que  la  foi  plus  éclairée  que  l'œil  terrestre 
s'est  approcnée  d'un  pas  plus  ferme  de  celui 
qui  est  le  Fils  égal  au  Père,  qu'elle  n'a  plus 
eu   besoin    de    palper   dans   le    Christ    cette 


Le  Mercredi  dans  VOct.  de  V Ascension.     235 

nature  humaine  par  laquelle  il  lui  est  infé- 
rieur. La  substance  de  ce  corps  glorifié  est 
demeurée  la  même;  mais  la  foi  des  croyants 
avait  désormais  son  rendez-vous  là  où  non 
plus  une  main  de  chair,  mais  une  intelligence 
spirituelle  est  admise  à  toucher  le  Fils  égal 
au  Père.  De  là  vient  que  le  Seigneur  ressus- 
cité, lorsque  Marie-Madeleine,  qui  représen- 
tait l'Eglise,  s'élançait  pour  saisir  ses  pieds, 
l'arrêta  par  ces  paroles  :  a  Ne  me  touche  pas; 
car  je  ne  suis  pas  monté  encore  vers  mon 
Père  »  ;  comme  s'il  eût  dit  :  «  Je  ne  veux  plus 
que  tu  arrives  à  moi  par  une  \o\ç.  sensible,  ni 
que  tu  me  reconnaisses  au  contact  humain;  je 
t'ai  réservée  à  une  plus  sublime  expérience; 
j'ai  préparé  pour  toi  un  sort  plus  digne  d'en- 
vie. Lorsque  )e  serai  monté  vers  m.on  Père,  c'est 
alors  que  tu  me  saisiras,  mais  d'une  manière 
plus  parfaite  et  plus  vraie,  parce  que  les  sens 
étant  dépassés,  la  foi  te  révélera  ce  que  tes 
yeux  ne  verront  pas  encore  i.  » 

Il  est  donc  inauguré  par  le  départ  de  notre 
Emmanuel,  ce  règne  de  la  foi  qui  doit  nous 
préparer  à  l'éternelle  vue  du  souverain  bien; 
et  cette  heureuse  foi,  qui  est  notre  élément, 
nous  donne  en  même  temps  toute  la  lumière 
compatible  avec  notre  faible  condition  pré- 
sente pour  saisir  et  adorer  le  \'erbe  consub- 
stantiel  au  Père,  et  pour  avoir  l'intelligence 
des  Mystères  que  ce  Verbe  incarné  a  opérés 
ici-bas  dans  son  humanité.  Un  grand  nom- 
bre de  siècles  nous  sépare  du  moment  où  il 
se  rendit  visible  sur  la  terre,  et  nous  le  con- 
naissons mieux  que  ne  le  connurent  et  ne  le 

I.  De  Ascensione  Domini,  Sermo  ii. 


2  36  Le  Temps  Pascal. 

goûtèrent  ses  propres  disciples  avant  son 
Ascension  sur  le  mont  des  Oliviers.  Il  nous 
était  donc  véritablement  avantageux  qu'il 
s'éloignât  ;  sa  présence  eût  gêné  l'essor  de 
notre  foi,  et  notre  foi  seule  pouvait  remplir 
rintervalie  qui  le  sépare  de  nous,  jusqu'à  ce 
que  nous  ayons  pénétré  «  à  l'intérieur  du 
voile  ». 

Combien  est  profond  l'aveuglement  de  ces 
hommes  qui  ne  sentent  pas  la  puissance  sur- 
humaine de  cet  élément  de  la  foi,  par  lequel 
le  monde  a  été  non  seulement  vaincu,  mais 
transformé  !  Ils  prétendent  avoir  découvert 
la  fabrication  des  Evangiles,  et  ils  ne  voient 
pas  cet  Evangile  vivant  qui  résulte  de  dix- 
neuf  siècles  de  foi  unanime,  qui  ressort  de  la 
confession  généreuse  de  tant  de  millions  de 
martyrs,  de  la  sainteté  de  tant  de  justes,  de 
la  conversion  successive  de  tant  de  nations, 
à  commencer  par  les  plus  civilisées  et  à  linir 
par  les  plus  barbares.  Certes,  celui-là  qui, 
après  avoir  visité  un  coin  de  cette  terre  durant 
quelques  années,  n'a  eu  besoin  que  de  dis- 
paraître pour  attirer  à  lui  la  foi  des  plus 
grands  génies  comme  des  coeurs  les  plus  sim- 
ples et  les  plus  droits,  est  bien  ce  qu'il  nous 
a  dit  être  :  le  Fils  éternel  de  Dieu.  Gloire  et 
action  de  grâces  soient  donc  à  vous,  Seigneur, 
qui,  pour  nous  consoler  de  votre  départ,  nous 
avez  "donné  la  foi  par  laquelle  l'œil  de  notre 
âme  s'épure,  l'espérance  de  notre  cœur  s'en- 
flamme, et  les  divines  réalités  que  nous  pos- 
sédons se  font  sentir  à  nous  dans  toute  leur 
puissance  !  Conservez  en  nous  ce  don  précieux 
de  votre  bonté  toute  gratuite,  accroissez-le 
sans  cesse,  faites  qu'il  s^épanouissedans  toute 


Le  Mercredi  dans  VOct.  de  V Ascension.     23 j 

sa  maturité,  au  moment  solennel  qui  doit 
précéder  celui  où  vous  vous  révélerez  à  nous 
face  à  face. 


N' 


ous  célébrerons  aujourd'hui  le  mystère 
de  l'Ascension  en  empruntant  la  voix 
d'une  de  nos  Eglises  les  plus  septentriona- 
les, tombée,  hélas!  comme  toutes  ses  sœurs 
de  la  Suède,  sous  le  joug  du  luthéranisme. 
C'est  une  Séquence  tirée  du  dernier  missel 
d'Abô,  dans  la  Finlande.  La  composition 
de  cette  pièce  se  rapporte  au  xiv^  ou  au  xv" 
siècle. 


SEQUENCE. 


NATIONS,  applaudissez,  me- 
nez des  chœurs  de  fête  : 
le  Christ  triomphe,  il  re- 
monte victorieux,  traînant 
après  lui  les  dépouilles  qu'il 
a  conquises  ;  il  monte  au 
son  joyeux   de   la   trompette. 


Oh  !  quelle  gloire  entoure 
aujourd'hui  le  Fils  du  souve- 
rain Seigneur  !  Comme  il 
s'élève,  le  fruit  de  la  terre, 
au-dessus  de  tous  les  trônes 
du  ciel. 


De  même  que  Moïse  étant 
entré  dans  le  Tabernacle,  le 
peuple  est  entraîné  à  contem- 
pler un  spectacle  si  étonnant  ; 
ainsi  les  hommes  de  Galilée 
ne  peuvent  détacher  leurs  re- 


OMNES     gentes    plau- 
dite, 
Festos  choros  ducite, 
Christo  triumphan- 
te; 
Redit  cum  Victoria, 
Capta  dacens  spolia, 
Tuba   jubilante. 

Papas!  quam  magnifi- 

cum 
Hodie  dominicum 

Germen     gloriatur  ! 
Terr«  fructus  hodie 
Super  thronos  curias 

Cœli  sublimatur. 

Intrat  tabernaculum 
Moyses,  et  populum 
Trahit  ad  spectaculum 
Tantœ  virtus  rei  : 
Stant  suspensis  vultibus, 
Intendentes  nubibus 


238 


Le  Temps  Pascal. 


Jesum  subducentibus, 
Viri  Galilaîi. 

Dum    Elias    sublcva- 

tur, 
Elis.To  duplex  datur 

Spiritus  et  pallium  : 
Alta  Christus  dum  cons- 

cendit, 
Servis  suis  mnas  appen- 

dit 

Gratiarum  omnium. 

Transit    Jacob     hune 

Jordanem, 
Luctum  gerens  non  ina- 

nem, 

Crucis  usus  baculo  ; 
Redit    turmis   cum  dua- 

bus, 
Angelis  et  animabus, 

Et    thesauri    saccu- 
lo. 

Hic  est  fortis, 

Qui  de  mortis 

Victor  porîis 
Introit  cum  gloria  ; 

Rex  virtutum, 

Cujus  nutum 

Et  obtutum 
Trina   tremit  régla. 

Vocac  Pater  Filium 
Ad  consessus  solium, 
Donec  suppedaneos, 
\^ictos  vel  spontaneos, 

Ponat  inimicos. 
Sedet  in  altissimis, 
Fruitur  potissimis  ; 
Redit  ex  novissimis 
Judicans  ex  intirais 


gards  de  la  nuée  qui  leur  a 
soustrait  Jésus. 

Elic  s'élève  au  ciel,  laissant 
à  Elisée  son  double  esprit  et 
son  manteau;  le  Christ,  mon- 
tant à  son  tour,  fait  part  à  ses 
serviteurs  du  trésor  de  ses 
grâces. 


Le  véritable  Jacob  a  passé 
le  Jourdain,  et  à  travers  la 
souffrance,  se  servant  de  la 
croix  pour  bâton,  aujourd'hui 
il  revient  escorté  de  deux  ba- 
taillons, les  Anges  et  les  âmes 
rachetées,  et  il  porte  avec  lui 
le  trésor  qu'il  a  conquis. 


C'est  le  vaillant  qui.  vain- 
queur des  portes  de  la  mort, 
entre  avec  gloire;  c'est  le 
Seigneur  des  armées,  dont 
un  signe,  un  regard,  fait 
trembler  le  triple  univers. 


Le  Père  invite  son  Fils  à 
s'asseoir  sur  le  trône  jusqu'à 
ce  qu'il  ait  réduit,  de  gré  ou 
de  force,  ses  ennemis  à  lui 
servir  de  marchepied.  Le  voi- 
là siégeant  au  plus  haut  des 
cieux,  en  possession  d'hon- 
neurs infinis  ;  mais  à  la  fin  il 
doit  revenir,  pour  juger  les 


Le  Mercredi  dansVOct.  dj  l'Ascension. 


3  g 


bons  et  les  méchants  sur 
leurs  actions  même  les  plus 
secrètes. 

Dieu  vengeur,  venez  avec 
clémence,  en  ce  jour  où  nous 
serons  présentés  en  face  de 
votre  trône  ;  en  cette  vie, 
faites-nous  goûter  dès  le  ma- 
tin votre  miséricorde  ;  et 
transportez  nous  bientôt  dans 
la  vie  éternelle,  pour  y  pren- 
dre part  à  la  gloire  future. 

Amen. 

Nous  terminerons,  comme  les  jours  précé- 
dents, par  une  des  belles  prières  du  Bréviaire 
mozarabe  dans  le  cours  de  l'Octave. 


Justos  et  iniquos. 


Vcni,   Deus  ultionum, 
Veni  cum  clemcntia  : 
Dum  sistemur  ante  thro- 

•    num 
Tua  in  prassentia  : 
Mane  nobis  tune  auditam 
Fac  misericordiam  ; 
In  perennem  transfer  vi- 

tam 
Ad  futuram  gloriam. 
Amen. 


SEIGNEUR  Jésus-Christ,  qui 
avez  élevé  avec  tant  de 
gloire  votre  trône  dans 
votre  cité  de  Jérusalem  qui 
est  l'Eglise  ;  vous  qui  en 
avez  fait  si  glorieusement 
la  conquête,  et  qui  de  son 
sein  vous  élevez  dans  un 
si  beau  triomphe  jusqu'au 
Père,  et  nous  manifestez  les 
grandeurs  de  votre  Ascension 
dans  la  nature  humaine  que 
vous  avez  revêtue,  daignez 
agréer  nos  vœux  et  accepter 
nos  œuvres,  afin  que  nous 
puissions  posséder  le  royaume 
avec  vous  dans  la  gloire  éter- 
nelle. Amen. 


DOMINE  Jesu  Christe, 
qui  sublimius  exal- 
tasti  thronum  tuum  in 
Jérusalem  civitatem  tu- 
am.  quîe  est  utique  Ec- 
clesia,  dum  eara  gloriose 
conquiris  et  ab  ea  trium- 
phaliter  ad  Patrem  as- 
cendis  :  dum  in  assump- 
to  homine  Assumptionis 
tuae  gloriam  manifestas  : 
sint  ergo  in  nobis,  et 
vota  tibi  placita,  et  opé- 
ra ipsa  accepta  ;  ut  ex 
hoc  tecum  possideamus 
regnum  in  gloria  sempi- 
terna.  Amen. 


-?i^ 


LE    JEUDI 
OCTAVli   DE   L'ASCENSION. 


OREXgloriae,  Domine 
virtutum.qui  trium- 
phator  hodie  super  om- 
nes  cœlos  ascendisti,  ne 
derelinquas  nos  orpha- 
nos  ;  sed  mitte  promis- 
sura  Patris  in  nos  Spiri- 
tum  veritatis,  alléluia. 


^~\  Roi  de  gloire.  Seigneur 
^^  des  armées,  qui  aujour- 
d'hui êtes  monté  triomphant 
au-dessus  de  tous  les  cieux, 
ne  nous  laissez  pas  orphe- 
lins ;  mais  envoyez-nous  l'Es- 
prit de  vérité,  selon  la  pro- 
messe du  Père,  alléluia. 


[oùs  avons  vu  comment  l'Ascension 
de  notre  Emmanuel  lui  a  assuré 
ici-bas  un  premier  triomphe  par  la 
foi,  qui  lui'  donne  l'empire  sur  les 
intelligences.  Une  seconde  victoire  ressort  du 
même  mystère  :  c'est  la  victoire  de  l'amour 
qui  fait  régner  Jésus  sur  les  cœurs.  Depuis 
dix-neuf  siècles,  en  qui  les  hommes  ont-ils 
cru  fermement,  universellement,  si  ce  n'est 
en  lui  ?  Quel  autre  point  de  ralliement  ont 
eu  les  intelligences,  si  ce  n'est  dans  les 
dogmes  de  la  foi  ?  Quelles  ténèbres  ce  divin 
flambeau  n'a-t-il  pas  éclairées  ?  Quelles  clar- 
tés n'a-t-il  pas  projetées  sur  les  peuples  qui 
ont  accueilli  sa  lumière?  En  quelles  ombres 
n'a-t-il  pas  laissé  ceux  qui,  après  l'avoir 
accueilli,  ont  fermé  plus  tard  leurs  yeux  à 
ses  rayons  ? 

De  même  on  peut  bien  le  dire,  depuis  l'As- 
cension de  notre  Rédempteur  nul  n'a  été 
aimé  des  hommes   de  tous   les  lieux  et   de 


L'Octave  de  l'Ascension.  241 

toutes  les  races  comme  il  l'a  été,  comme  il 
l'est  encore,  comme  il  lésera  jusqu'à  la  fin. 
Or,  il  fallait  qu'il  se  retirât  pour  être  ainsi 
aimé,  comme  il  le  fallait  pour  que  nous  crus- 
sions en  lui.  «  Il  vous  est  avantageux  que  je 
«  m'en  aille  »  ;  ces  mômes  paroles  nous  ser- 
viront encore  aujourd'hui  à  mieux  pénétrer 
le  mystère.  Avant  l'Ascension,  les  disciples 
étaient  aussi  chancelants  dans  leur  amour 
que  dans  leur  foi  ;  Jésus  ne  pouvait  compter 
sur  eux;  mais  à  peine  a-t-il  disparu  à  leurs 
regards,  qu'un  élan  inconnu  s'empare  de 
leurs  cœurs.  Au  lieu  de  plaindre  leur  aban- 
don, ils  rentrent  pleins  de  joie  dans  Jérusa- 
lem. Heureux  du  triomphe  de  leur  Maître, 
oublieux  d'eux-mêmes,  ils  s'empressent  de 
lui  obéir  en  se  rendant  au  Cénacle,  où  la 
Vertu  d'en  haut  doit  venir  les  visiter.  Étudiez 
ces  hommes  dans  les  années  qui  vont  suivre, 
parcourez  leur  carrière  jusqu'à  la  mort  ; 
comptez,  si  vous  pouvez,  les  actes  de  leur 
dévouement  dans  l'immense  labeur  de  la  pré- 
dication de  l'Evangile,  et  dites  si  un  autre 
mobile  que  l'amour  de  leur  Maître  les  a 
soutenus  et  rendus  capables  de  tout  ce  qu'ils 
ont  fait.  Avec  quel  empressement  ils  ont  bu 
son  calice  ^  !  Avec  quel  transport  ils  ont  salué 
sa  croix,  lorsqu'ils  l'ont  vue  dressée  pour 
eux-mêmes  ! 

Mais  ne  nous  arrêtons  pas  à  ces  premiers 
témoins  ;  ils  avaient  vu  le  Christ ,  ils 
l'avaient  entendu  ,  ils  l'avaient  touché  de 
leurs  mains  -.  Tournons  nos  regards  sur 
les   générations    qui    ne     l'ont    connu    que 

I.  MatTH.  XX,  2.3.  —   2      I  JOHAN.  I,   I. 


LE    TEMPS    PASCAL. 


242  Le  Temps  Pascal. 

par  la  foi,  et  voyons  si  cet  amour  qui  triom- 
phe dans  les  Apôtres,  a  fait  défaut  chez  les 
chrétiens  un  seul  jour  dans  le  cours  de  dix- 
huit  siècles.  C'est  d'abord  la  lutte  du  martyre 
qui  n'a  jamais  totalement  cessé  depuis  la 
promulgation  de  l'Evangile,  et  qui  occupe 
trois  cents  ans  pour  le  début.  Par  quel 
motif  tanide  millions  de  héros  et  d'héroïnes 
ont-ils  couru  au-devant  des  tortures  les  plus 
affreuses,  bravé  en  souriant  la  flam.me  des 
bûchers,  la  dent  des  bctcs  féroces,  si  ce  n'est 
pour  prouver  au  Christ  leur  amour  ?  Rappe- 
lons-nous ces  terribles  épreuves  qu'ont 
acceptées  avec  tant  d'empressement  non  seu- 
lement des  hommes  aguerris  à  la  souffrance, 
mais  des  femmes  délicates,  de  jeunes  vierges 
et  jusqu'à  des  enfants.  Remettons-nous  "en 
mémoire  tant  de  sublimes  paroles,  noble 
élan  du  cœur  qui  aspire  à  rendre  au  Christ 
mort  pour  mort,  et  n'oublions  pas  que  les 
martyrs  de  nos  jours,  en  Chine,  au  Tongking, 
dans  la  Cochinchine,  dans  la  Corée,  ont 
ref^roduit  textuellement,  sans  s'en  douter,  en 
présence  de  leurs  ju^es  et  de  leurs  bourreaux, 
le  langage  que  tenaient  leurs  prédécesseurs 
devant  lès  proconsuls  du  m"  et  du  iv^  siècle. 

Oui,  certes,  il  est  aimé  comme  nul  ne  le 
sera  jamais,  ni  ne  le  pourrait  être,  notre 
divin  Roi  qui  s'est  enfui  aux  cieux;  car  de- 
puis son  départ,  on  ne  saurait  compter  les 
millions  d'âmes  qui,  pour  s'unir  à  lui  unique- 
ment, ont  foulé  aux  pieds  les  séductions  de 
l'amour  terrestre,  et  n'ont  voulu  connaître 
d'autre  amour  que  le  sien.  Tous  les  siècles, 
même  le  nôtre  dans  sa  triste  défaillance,  les 
ont  vus,  et  Dieu  seul  en  connaît  le  nombre 


L'Octave  de  V Ascension.  243 

Il  a  été  aimé  sur  cette  terre,  notre  Emma- 
nuel, et  il  le  sera  jusqu'au  dernier  jour  du 
monde,  ainsi  qu'en  fait  foi,  dans  toute  la 
suite  des  temps,  le  généreux  abandon  des 
biens  terrestres,  dans'^le  but  de  conquérir  la 
ressemblance  avec  l'enfant  de  Bethléhem; 
abandon  pratiqué  si  souvent  par  les  per- 
sonnes les  plus  opulentes  du  siècle  !  Que 
serait-ce  s'il  nous  fallait  signaler  tant  de 
sacrifices  de  la  volonté  propre  obtenus  de 
l'orgueil  humain,  afin  de  réaliser  dans  l'hu- 
manité le  mystère  de  l'obéissance  de  l'Homme- 
Dieu  sur  la  terre,  et  les  innombrables  traits 
d'héroïsme  offerts  par  la  pénitence  chrétienne, 
qui  continue  et  complète  ici-bas  avec  tant  de 
générosité  les  satisfactions  que  l'amour  du 
kédempteur  pour  les  hommes  lui  fit  accepter 
dans  sa  douloureuse  Passion  ? 

Mais  cette  inextinguible  ardeur  pour  Jésus 
envolé  au  ciel,  ne  s'est  pas  trouvée  satisfaite 
encore  de  tant  de  dévouements.  Jésus  avait 
dit  :  «  Tout  ce  que  vous  ferez  en  faveur  du 
«  moindre  de  vos  frères,  c'est  à  moi  que 
«  vous  l'aurez  fait  »  ;  l'amour  pour  le  Christ 
s'est  emparé  de  cette  parole,  et  depuis  le 
commencement  jusqu'aujourd'hui ,  il  s'est 
livré  à  un  autre  genre  de  recherche  pour 
atteindre,  à  travers  le  pauvre,  jusqu'à  Jésus 
qui  réside  en  lui.  Et  comme  la  première  de 
toutes  les  misères  de  l'homme  est  l'ignorance 
des  vérités  divines,  sans  lesquelles  il  ne  peut 
être  sauvé,  chaque  époque  a  fourni  une  suc- 
cession d'apôtres  qui,  renonçant  aux  liens  les 
plus  doux  de  la  patrie  et  de  la  famille, 
s'élancent  au  secours  des  peuples  assis  dans 
l'ombre   de   la   mort.  Qui  pourrait    dire   les 


244  ^^  Temps  Pascal. 

fatigues  qu'ils  assument  dans  un  tel  labeur, 
les  "tourments  qu'ils  bravent,  afin  que  le 
nom  de  Jésus  soit  annoncé,  qu'il  soit  aimé 
d'un  sauvage,  glorifié  par  un  Chinois  ou  par 
un  Indou? 

S'agit-il  de  consoler  les  douleurs  du  Christ 
ou  de  panser  ses  plaies  dans  ses  frèreslcs  plus 
disgraciés  ?  n'allez  pas  croireque  l'amour  qui 
réside  dans  lesfiidèles de  son  Eglise  fasse  jamais 
défaut.  Comptez  plutôt  les  membres  de  ces 
associations  charitables  qui  se  sont  vouées 
au  soulagement  des  pauA'res  et  des  malades, 
depuis  qu'il  a  été  possible  aux  chrétiens  de 
développer  au  grand  jour  leurs  plans  pour 
l'exercice  de  la  charité.  Voyez  le  sexe  le  plus 
faible,  décimé  chaque  année  par  les  plus 
nobles  vocations,  payer  avec  un  empresse- 
ment héroïque  son  tribut  au  chevet  des  in- 
firmes et  des  mourants.  Le  monde  lui-même 
s'en  émeut,  les  économistes  s'étonnent  d'être 
obligés  de  compter  avec  un  élément  indis- 
pensable aux  sociétés,  et  qui  échappe  à  toutes 
leurs  spéculations.  Heureux  s'ils  en  venaient 
jusqu'à  reconnaître  celui  dont  l'amour  seul 
opère  toutes  ces  merveilles  ! 

Mais  ce  que  l'œil  de  l'homme  peut  attein- 
dre n'est  rien  :  il  ne  saisit  que  ce  qui  paraît 
à  l'extérieur.  Nul  ne  saurait  donc  appréciera 
quel  point  Jésus  a  été  aimé  et  l'est  encore  sur 
la  terre.  Qu'on  se  retrace  les  millions  de 
chrétiens  qui  ont  passé  ici-bas  depuis  l'ori- 
gine de  l'Eglise.  Parmi  eux,  sans  doute,  il 
en  est  beaucoup  qui  ont  eu  le  malheur  de 
manquer  leur  hn  ;  mais  quelle  multitude 
innombrable  a  aimé  le  seigneur  Christ  de 
tout  son  cœur,  de  toute  son  ame  et  de  toutes 


L'Octave  de  l'Ascension.  245 

ses  forces  !  Les  uns  l'ont  aimé  constamment, 
d'autres  ont  eu  besoin  d'être  rappelés  par  sa 
miséricorde,  mais  ils  se  sont  endormis  dans 
son  baiser.  Comptez,  si  vous  pouvez,  les 
actes  vertueux,  les  sacrifices  sublimes,  en  dix- 
huit  siècles,  au  sein  de  cet  immense  peuple 
chrétien  que  nous  verrons  se  dérouler  tout 
entier  au  dernier  jour  du  monde,  dans  la 
vallée  de  Josaphat  !  La  mémoire  de  Dieu.peut 
seule  en  embrasser  le  souvenir.  Or,  tout  cet 
ensemble  d'œ(Uvres,  de  sentiments,  depuis 
l'élan  séraphique  de  l'àme  déjà  divinisée, 
jusqu'au  verre  d'eau  donné  au  nom  du 
Rédempteur,  qu'est-ce  autre  chose  qu'un 
incessant  concert  d'amour  qui  monte  nuit  et 
jour  vers  le  Christ,  vers  ce  divin  absent  que 
la  terre  ne  peut  oublier  ?  Où  est-il  l'homme 
d'entre  nous,  si  chère  que  soit  sa  mémoire, 
pour  lequel  on  se  dévouera  encore,  pour 
lequel  on  mourra  encore,  pour  l'amour  du- 
quel on  se  renoncera  soi-même,  un  siècle, 
dix  siècles,  vingt  siècles  après  sa  mort  ?  où 
trouvera-t-on  cet  homme  mort  dont  le  nom 
fera  battre  le  cœur  à  tant  de  millions  d'hom- 
mes de  toute  génération,  de  toute  race,  de 
tout  siècle,  si  ce  "n'est  Jésus,  qui  est  mort,  qui 
est  ressuscité,  qui  est  monté  aux  cieux  ? 

Mais,  nous  le  reconnaissons  humblement, 
ô  notre  Emmanuel,  il  était  nécessaire  que 
vous  disparussiez  du  milieu  de  nous,  afin 
que  la  foi,  prenant  son  essor,  allât  vous 
chercher  jusqu'aux  cieux,  désormais  votre 
séjour,  et  que  nos  coeurs,  ainsi  éclairés,  fus- 
sent rendus  capables  de  vous  aimer.  Jouissez 
de  votre  Ascension,  ô  divin  Chef  des  Anges 
et  des  hommes!  dans  notre  exil,  nous  goûte- 


246  Le  Temps  Pascal. 

rons  les  fruits  de  ce  sublime  mystère,  jus- 
qu'à ce  qu'il  s'opère  en  nous.  Eclairez  les 
pauvres  aveugles  que  l'orgueil  empêche  de 
vous  reconnaître  à  des  traits  si  frappants.  Ils 
vous  discutent,  ils  vous  jugent,  sans  s'être 
rendu  compte  de  ce  témoignage  de  la  foi  et 
de  l'amour  de  tant  de  générations.  L'honi- 
mage  que  vous  offre  l'humanité  représentée 
par  les  premières  nations  de  la  terre,  par 
les  coeurs  les  plus  vertueux,  par  tant  d'hom- 
mes de  génie,  est  pour  eux  comme  non  avenu. 
Que  sont-ils  pour  s'opposer  à  un  tel  concert? 
Sauvez-les,  Seigneur,  de  leur  vain  et  péril- 
leux orgueil,  et  ils  reviendront,  et  avec  nous 
ils  diront  :  «  Il  était  véritablement  avanta- 
«  geux  pour  ce  monde  qu'il  perdît  votre  pré- 
ce  sence  sensible,  ô  Emmanuel!  car  si  votre 
«  grandeur,  votre  puissance  et  votre  divinité 
«  ont  paru  et  ont  été  reconnues,  c'est  depuis 
«  que  vous  avez  cessé  d'être  visible  parmi 
«  nous.  Gloire  soit  donc  au  mystère  de  votre 
«  Ascension,  par  lequel  en  montant  aux 
«  cieux,  comme  dit  le  Psalmiste,  vous  rece- 
«  vez  les  plus  hauts  dons  pour  les  répandre 
«  en  largesses  sur  les  hommes  i.  » 


T  'Eglise  grecque  nous  fournira  aujourd'hui 
^  la  mati'ère  de  notre  hommage  liturgique 
au  Rédempteur  triomphant;  c'est  une  Hymne 
du  jour  de  la  fête,  à  l'Office  du  soir.   . 


I.  Psalm.  Lxvn,  9. 


L'Octave  de  V Ascension. 


247 


IN  ASSUMPTIONE  DOMINI,  AD  MAGNUM  VESPERTINUM. 


LE  Seigneur  a  été  enlevé 
dans  les  cieux  ,  d'où  il 
doit  envoyer  au  monde  le 
Paraclet.  Les  cieux  lui  ont 
préparé  un  trône,  et  les  nuées 
ont  secondé  son  Ascension. 
Les  Anges  sont  dans  l'éton- 
nement,  voyant  un  homme 
établi  au-dessus  d'eux.  Le 
Père  reçoit  à  son  arrivée 
celui  qui  lui  est  coéternel 
dans  son  sein.  L'Esprit-Saint 
donne  un  commandement  à 
tous  ses  Anges  :  «  Princes, 
élevez  vos  portes.  Nations  , 
battez  des  mains  ;  car  le 
Christ  est  monté  où  il  était 
auparavant.  » 

A  ton  Ascension,  ô  Christ, 
les  Chérubins  furent  dans 
l'étonnement,  te  voyant  mon- 
ter sur  les  nuées  et  aller 
t'asseoir  au-dessus  d'eux. 
Pour  nous,  nous  te  glori- 
fions ;  car  ta  miséricorde  est 
remplie  de  douceur  :  Gloire  à 
toi  ! 

O  Christ,  splendeur  de  la 
gloire  du  Père,  nous  contem- 
plons ton  Ascension  jusqu'aux 
sommets  des  montagnes  sain- 
tes, nous  célébrons  l'éclatante 
beauté  de  ton  visage,  nous 
adorons  tes  souffrances,  nous 
honorons  ta  résurrection,  nous 
glorifions  ton  Ascension  su- 
blime :  Aie  pitié  de  nous  ! 


AssuMPTUS  est  m  cœ- 
los  Dominus  ,  ut 
mundo  mitteret  Para- 
clitum.  Cœli  praepara- 
verunt  thronum  ejus,  et 
nubes  ascensum  ejus.  Mi- 
rantur  Angeli  ,  supra 
seipsos  hominem  viden- 
tes.  Pater  suscipit  quem 
habet  in  sinu  coasternum. 
Spiritus  Sanctus  omni- 
bus Angelis  suis  impe- 
rat  :  AttoUite  portas  , 
principes,  vestras;  om- 
nes  gentes  plaudite  ma- 
nibus  ,  quia  ascendit 
Christus   ubi  erat  prius. 

Domine,  Assumptione 
tua  obslupuerunt  Cheru- 
bim,  conspicientia  te 
Deum  in  nubibus  ascen- 
dentem,  super  ipsa  se- 
dentem  ;  et  glorificamus 
te,  quoniam  benigna  est 
misericordia  tua  :  Gloria 
tibi. 

In  montibus  sanctis 
tuas  videntes  exalta- 
tiones,  Christe,  splendor 
gloriae  Patris,  fulgentem 
vultus  tui  speciem  ite- 
rum  atque  iterum  cele- 
bramus  ;  tuas  adoramus 
passiones  ,  resurrectio- 
nem  honoramus ,  incly- 
tSm  glorificantes  As- 
sumptionem  :  miserere 
nobis. 


248 


Le  Temps  Pascal. 


Domine,  quando  te  in 
nubibus  elevatum  vide- 
runt  Apostoli,  cum  ge- 
mitibus  lacrymarum  tris- 
titia  repleti,  Christevitœ 
dator,  lamentantes  dice- 
bant  :  Domine,  utpote 
misericors,  ne  derelin- 
quas  nos  orphanos,  quos 
propter  clementiam  di- 
iexisti  servos  tues  ;  sed 
mitte,  sicut  promisisti 
nobis,  sanctissimum  Spi- 
ritum  tuum,  illuminan- 
tem  animas  nostras. 

Domine,  dispensatio- 
nis  impleto  mysterio  , 
tuos  assumen?  discipulos, 
in  montera  Olivarum  te- 
ciim  ducebas;  et  ecce  fir- 
mamentuum  cœli  intras- 
ti.  Qui  propter  me  ege- 
nus  sicut  ego  factus  es, 
et  illuc  ascendisti  unde 
non  es  separatus,  sanc- 
tissimum tuum  mitte  Spi- 
ritum,  illuminantem  ani- 
mas nostras. 

A  sinu  paterno  non 
separatus  ,  dulcissime 
Jesu,  et  cum  iis  qui  sunt 
in  terra  sicut  homo  con- 
versatus,  hodie  a  monte 
Olivarum  assumptus  es 
in  gloria,  et  lapsam  na- 
turam  nostram  pro  mi- 
sericordia  elevans,  cum 
Pâtre  sedere  fecisti. 
Unde  cœlestia  incorpo- 
reorum  agmina  ,  prodi- 
gium  stupentia,  admira- 
tione  stabant    attonita   ; 


Quand  les  Apôtres  te  vi- 
rent, Seigneur,  t'éiever  sur 
les  nuées,  saisis  de  tristesse, 
ils  s'adressèrent  à  toi,  dans 
les  gémissements  et  les 
larmes,  ô  Christ,  auteur  de 
la  vie  1  ils  se  lamentaient  en 
disant  :  «  Seigneur  miséri- 
cordieux, ne  laisse  pas  orphe- 
lins les  serviteurs  que  tu  as 
aimés  dans  ta  bonté  ;  mais 
envoie-nous,  ainsi  que  tu  l'as 
promis,  ton  Très  Saint  Es- 
prit pour  illuminer  nos  âmes. 

Après  avoir  accompli  le 
mystère  de  la  dispensation, 
Seigneur,  tu  pris  avec  toi  tes 
disciples,  et  tu  les  conduisis 
sur  la  montagne  des  Oliviers, 
et  bientôt  tu  pénétras  le  fir- 
mament du  ciel.  O  toi  qui 
t'es  fait  pauvre  pour  moi  et 
avec  moi,  et  qui  es  monté 
dans  ce  séjour  que  tu  n'avais 
pas  quitté,  envoie  ton  Très 
Saint  Esprit  pour  illuminer 
nos  âmes. 

Conversant  avec  les  hom- 
mes qui  sont  sur  la  terre,  ô 
très  doux  Jésus,  tu  ne  t'étais 
pas  séparé  du  sein  paternel  ; 
aujourd'hui  tu  t'élèves  glo- 
rieux du  sommet  de  la  mon- 
tagne des  Oliviers,  et  dans  ta 
miséricorde  ,  relevant  notre 
nature  tombée,  tu  l'as  fait 
asseoir  sur  le  trône  même  du 
Père.  Les  bataillons  célestes 
des  Esprits  incorporels  ont 
contemplé  avec  stupeur  le 
prodige.  Saisis  d'une  crainte 


L'Octave  de  V Ascension. 


24g 


respectueuse,  ils  ont  célébré 
ton  amour  pour  les  hommes. 
Nous  nous  joignons  à  eux, 
nous  habitants  de  la  terre  ; 
nous  glorifions  ta  descente 
vers  nous  et  ton  départ  d'avec 
nous,  et  nous  t'adressons  cette 
supplication  :  «  O  toi  qui,  au 
monaent  de  ton  Ascension,  as 
rempli  d'une  allégresse  in- 
finie le  coeur  de  tes  disciples 
et  celui  de  ta  mère  qui  a  en- 
fanté un  Dieu,  daigne,  par 
leurs  prières  et  par  ta  grande 
miséricorde,  nous  donner  part 
à  la  joie  de  tes  élus. 


et  tremore  comprehensa 
tuum  erga  homines  amo- 
rem  magnificabant.  Cum 
quibus  et  nos  in  terra 
existentes,  tuam  ad  nos 
descensionem  et  a  nobis 
Assumptionem  glorifi- 
cantes,  rogamus  dicen- 
tes  :  Qui  discipulos  et 
genitricem  tuam  Deipa- 
ram  infinito  gaudio  in 
tua  Assumptione  reple- 
visti,  nos  quoque  electo- 
rum  tuorum  lœtitia  di- 
gnare  ,  precibus  eorum, 
propter  magnam  miseri- 
cordiam  tuam. 


Enfin  nous  recueillerons,  pour  terminer 
cette  glorieuse  Octave,  la  huitième  de  ces 
belles  prières  que  le  Bréviaire  mozarabe  nous 
a  fournies  pour  chaque  jour. 


O  Christ,  ô  Jésus,  notre 
Dieu  terrible  et  notre 
roi,  vous  qui  à  votre  nais- 
sance reçûtes  les  hommages 
des  Anges  et  des  bergers  ; 
vous  qui,  après  avoir  vaincu 
l'auteur  de  la  mort,  avez  vu 
toutes  les  nations  applaudir 
de  la  main  et  du  cœur  ;  vous 
qui,  emportant  au  ciel  les 
trophées  de  votre  victoire,  y 
avez  été  suivi  par  la  foi  de 
vos  Apôtres  :  accordez-nous 
de  célébrer  les  mystères  de 
notre  rédemption  et  de  votre 
Ascension  dans  les  transports 
d'une  foi    semblable,  et  d'of- 


CHRISTE  Jesu,  terribi- 
lis  Deus  noster,  et 
rex  noster,  cujus  in  na- 
tivitate  cum  pastoribus 
Angeli  gloriam  detule- 
runt  ;  cui,  devicto  mortis 
auctore,  omnes  gentes 
manibus  cordibusque 
plauserunt  ;  quem  tro- 
phasa  victricia  reportan- 
tem  ad  œthera,  Aposto- 
lorum  est  fides  prose- 
cuta  :  fac  nos  redemp- 
tionis  nostrae,  et  Ascen- 
sionis  tuas  mysteria  fidei 
jubilatione  cantare  ;  et 
cum   principibus  populi, 


25o 


Le  Temps  Pascal. 


Deo  Abraham   fideli  fa- 
tnulatu  placera. 
Amen. 


frir  au  Dieu  d'Abraham  nos 
hommages  fidèles  dans  la 
compagnie  de  ceux  qui  ont 
été  établis  les  Princes  de  votre 
peuple. 
Amen. 


LE    VENDREDI 
APR[-:S   LOCTAVR    DE    L'ASCENSION 


(^  Roi  de  gloire,  Seigneur 
des  armées,  qui  aujour- 
d'hui êtes  monté  triomphant 
au-dessus  de  tous  les  cieux, 
ne  nous  laissez  pas  orphe- 
lins •  ;  mais  envoyez-nous 
l'Esprit  de  vérité,  selon  la 
promesse    du   Père,   alléluia. 


(^}  Rex  gloriae.  Do- 
mine virtutum,  qui 
triumphator  hodie  super 
omnes  cœlos  ascendisti, 
ne  derelinquas  nos  orpha- 
nos  ;  sed  mitte  promis- 
sum  Patris  in  nos  Spi- 
ritum  veritatis,  alléluia. 


Octave  est  achevée;  le  mystère  de 
la  glorieuse  Ascension  est  accom- 
pli; c'en  est  fait,  Jésus  ne  se  mon- 
trera plus  à  nos  regards,  jusqu'à  ce 
qu'il  vienne  juger  les  vivants  et  les  morts. 
La  foi  seule  nous  le  révèle  désormais,  et 
nous  ne  pouvons  plus  le  saisir  que  par  l'a- 
mour :  telle  est  la  condition  de  notre  épreuve, 
jusqu'à  ce  que,  pour  récompense  de  cette  foi 
et  de  cet  amour,  nous  soyons  admis  à  l'inté- 
rieur du  voile. 

Ne  murmurons  pas  cependant.  Espérons 
plutôt  de  cette  espérance  qui  ne  trompe  pas, 
comme  dit  l'Apôtre  LEt  comment  ne  serions- 
nous  pas  tout  entiers  à  cette  espérance  fortu- 
née, lorsque  nous  nous  souvenons  que  Jésus 
nous  a  promis  d'être  avec  nous  jusqu'à  la 
consommation  des  siècles  2  ?  Il  ne  se  rendra 


V,  5.  —  2.  Matth.  xxviii,  20. 


252  Le  Temps  Pascal. 

pas  visible,  mais  il  sera  là  toujours.  Pour- 
rait-il abandonner  l'Eglise  son  épouse?  et  ne 
sommes-nous  pas  les  membres  de  cette 
épouse  bien-aimée  ? 

Mais  Jésus  a  fait  plus  encore  pour  nous. 
S'il  se  retire,  c'est  en  nous  disant  avec  une 
tendresse  infinie  :  «  Je  ne  vous  laisserai  pas 
«  orphelins  i.  «  Quand  il  nous  disait  :  «  11 
«  vous  est  avantageux  que  je  m'en  aille,  »  il 
ajoutait  :  «  Si  je  ne  m'en  allais  pas,  le  Conso- 
«  lateur  ne  viendrait  pas  vers  vous  2.  »  Ce 
consolateur  ineffable  est  l'Esprit-Saint,  l'Es- 
prit du  Père  et  du  Fils  qui  va  desceiîdre 
incessamment  sur  nous,  et  qui  doit  demeurer 
avec  nous,  visible  dans  ses  œuvres,  jusc^u'à 
ce  que  Jésus  reparaisse  pour  enlever  ses  élus 
d'un  monde  qui  aura  mérité  d'être  abandonné 
aux  flammes.  xMais  l'Esprit  ne  doit  pas  des- 
cendre qu'il  ne  soit  envoyé,  et,  comme  nous 
l'apprend  TEvangéiiste,  «  il  ne  doit  pas  être 
«  envoyé  que  Jésus  n'ait  été  glorifié  3.  »  Il 
vient  continuer  l'œuvre;  mais  cette  œuvre 
devait  d'abord  être  conduite  par  le  Fils  de 
Dieu  jusqu'au  terme  assigné  dans  les  décrets 
éternels. 

Après  ses  labeurs,  Jésus  est  entré  dans  son 
repos,  emportant  avec  lui  notre  humanité 
élevée  en  lui  aux  honneurs  divins.  L'Espnt- 
Saint  ne  revêtira  pas  cette  nature  ;  mais  il 
vient  nous  consoler  de  l'absence  de  Jésus,  il 
vient  opérer  ce  qui  reste  à  accomplir  dans 
l'œuvre  de  notre  sanctification  ;  et  c'est  lui 
déjà  que  nous  avons  vu   à  l'œuvre   dans  les 


Le  Vendredi  après  VGct.  de  l'Ascension.    253 

deux  jours  précédents,  lorsque  nous  avons 
contemplé  les  prodiges  de  la  foi  et  de  l'a- 
mour, depuis  le  départ  de  celui  qui  est  l'ob- 
jet de  l'une  et  de  l'autre.  C'est  l'Èsprit-Saint 
qui  produit  la  foi  dans  les  âmes,  de  même 
que  c'est  lui  «  qui  répand  la  charité  dans  les 
cœurs  1.  » 

Nous  voici  donc  au  moment  de  voir  s'ou- 
vrir une  nouvelle  série  des  merveilles  de 
l'amour  de  Dieu  envers  sa  créature.  Encore 
quelques  heures,  et  le  règne  de  l'Esprit- 
Saint  aura  commmencé  ;  mais  en  ce  jour,  le 
dernier  qui  nous  reste,  puisque  dès  demain, 
à  l'heure  du  soir,  s'ouvrira  déjà  la  solennité 
de  la  Pentecôte,  laissons-nous  aller  au  légi- 
time besoin  de  vénérer  encore  les  traces 
augustes  de  notre  divin  Rédempteur  sur  cette 
terre.  La  sainte  Liturgie  nous  l'avait  rendu 
présent  jour  par  jour,  depuis  ces  touchantes 
seniaines  de  l'Avent  où  nous  entourions  la 
divine  Mère,  attendant  avec  respect  l'heu- 
reux moment  où  elle  nous  donnerait  son 
fruit  à  jamais  béni;  et  maintenant,  pour  le 
retrouver,  il  nous  faut  lever  les  regards  vers 
le  ciel,  sortir  de  ce  monde  où  il  ne  se  laisse 
plus  voir.  Heureux  souvenirs  de  l'intime 
commerce  que  nous  eûmes  si  longtemps  avec 
l'Emmanuel,  alors  qu'il  nous  admettait  à  le 
suivre  dans  toutes  ses  voies,  nous  ne  pou- 
vons vous  mettre  en  oubli.  Bien  plus,  nous 
comptons  sur  l'Esprit  divin  pour  vous  gra- 
ver plus  profondément  encore  dans  nos 
âmes.  Jésus  n'a-t-il  pas  annoncé  que  cet  inef- 
fable Consolateur  étant  venu  en  nous,  il  nous 

I.  Rom.  V,  5. 


2  54  ^^  Temps  Pascal. 

ferait  ressouvenir  de  tout  ce  que  nous  avons 
entendu,  goûte  et  expérimente  dans  la  so- 
ciété de  celui  qui,  étant  Dieu,  a  daigné  vivre 
avec  nous  de  notre  vie,  pour  nous  prépa- 
rer à  vivre  nous-mêmes  éternellement  de  la 
sienne  ^  ? 

Au  reste,  s'il  nous  est  cher  de  suivre  ainsi 
les  vestiges  de  notre  Sauveur  sur  la  terre,  il 
nous  est  bien  permis  de  nous  rappeler  aussi 
qu'il  ne  l'a  pas  voulu  quitter  sans  y  laisser 
une  marque  sensible  de  son  amour  pour  cet 
humble  séjour  où  il  fut  conçu  au  sein  de  la 
Vierge,  où  il  naquit,  où  il  daigna  passer  par 
toutes  les  phases  de  la  vie  de  l'homme,  où 
il  mourut  sur  la  croix,  où  il  ressuscita  glo- 
rieux, et  d'où  il  s'élança  enfin  pour  monter  à 
la  droite  de  son  Père.  N'a-t-il  pas  laissé  sur 
la  roche  du  mont  des  Oliviers  le  double  ves- 
tige de  ses  derniers  pas  ?  tant  il  se  détachait 
avec  peine  de  cette  humble  demeure  où  son 
amour  pour  nous  l'avait  retenu  durant  trente- 
trois  années!  Ce  fait  est  fondé  sur  le  témoi- 
gnage de  saint  Augustin,  de  saint  Paulin,  de 
saint  Optât,  de  Sulpice  Sévère,  qui  nous  attes- 
tent le  prodige  que  les  siècles  suivants  ont 
constaté  aprè's  eux. 

En  vain,  comme  le  remarquent  ces  anciens, 
l'armée  de  Titus  vint  s'établir  en  ce  lieu, 
d'où  elle  déminait  la  ville  déicide  sur  laquelle 
elle  allait  fondre  ;  ni  les  pas  du  soldat  romain, 
ni  les  roues  des  chariots  de  guerre,  ni  les 
pieds  des  chevaux,  ne  purent  altérer  ces 
traces  du  dernier  adieu  que  .lésus  laissa  à  sa 
sainte  Mère,  à  ses  disciples,  à  nous  tous,  du 

I.  JOHAN.  XIV,  26. 


Le  Vendredi  après  l'Oct.  de  l'Ascension.     2  55 

lieu  même  où  il  doit  reparaître  au  dernier 
jour.  C'était  donc  sur  ce  même  sol  que,  qua- 
rante ans  après,  les  enseignes  romaines  appa- 
raissaient tout  d'abord,  à  cette  heure  si  ter- 
rible pour  l'ingrate  Jérusalem.  Rappelons- 
nous  ici  les  deux  Anges  qui  vinrent  annoncer 
le  dernier  avènement  du  Fils  de  Dieu,  au 
moment  même  où  la  nuée  le  dérobait  à  tous 
les  regards  terrestres,  et    le    rapprochement 

aue  le  Seigneur  avait  fait  lui-même  de  la  ruine 
e  Jérusalem  et  de  la  dernière  catastrophe 
du  monde.  Ces  derniers  vestiges  des  pas  de 
Jésus  sont  donc  à  la  fois  un  adieu  plein  de 
tendresse  et  la  menace  d'un  retour  plein 
d'effroi.  Au  bas  de  la  montagne  s'étend  la 
Vallée  de  Josaphat,  la  \'allée  du  Jugement , 
et  ce  n'est  pas  en  vain  que  le  Prophète  a  dit  : 
»  Ses  pieds  poseront  en  ce  jour  sur  la  mon- 
«  tagne  des  Oliviers  qui  est  en  face  de  Jéru- 
«  salem,  à  l'Orient  i.  » 

Acceptons  humblement  cette  impression 
de  crainte,  par  laquelle  le  Seigneur  visite 
notre  âme  en  ce  moment,  afin  de  l'établir 
plus  solidement  dans  l'amour,  et  baisons 
avec  émotion  ces  derniers  vestiges  des  pieds 
sacrés  de  notre  Emmanuel.  La  pieuse  impé- 
ratrice sainte  Hélène,  dont  la  noble  mission 
ici-bas  fut  de  rechercher  et  d'honorer  les 
traces  du  passage  du  Fils  de  Dieu  sur  la 
terre,  n'eut  garde  d'oublier  celles  que  gar- 
dait encore  le  mont  des  Oliviers.  Par  ses  or- 
dres un  somptueux  édifice,  construit  en  ro- 
tonde, s'éleva  pour  couvrir  ce  lieu  auguste  ; 
mais  lorsque    les  ouvriers  voulurent   revêtir 


2.'^6  Le  Temps  Pascal. 


le  sol  de  marbres  précieux,  et  qu'ils  arrivè- 
rent à  l'endroit  où  étaient  imprimés  les  pas 
du  Christ,  une  force  invincible  les  arrêta. 
La  pierre  éclatait  et  jaillissait  à  leur  visage, 
en  sorte  qu'ils  durent  laisser  apparentes  les 
traces  surnaturellement  empremtes  sur  la 
roche. 

Tels  sont  les  faits  merveilleux  constatés  par 
une  longue  série  d'auteurs  pieux  et  graves 
qui  remonte  jusqu'au  siècle  même  où  ils  s'o- 
pérèrent ;  mais  le  Sauveur  ne  voulut  pas  se 
borner  à  maintenir  accessibles  aux  regards 
des  homm^es  ces  derniers  vestiges  qui  "sem- 
blent nous  dire  qu'il  n'est  pas  parti  depuis 
longtemps  et  qu'il  ne  doit  pas  tarder  à  reve- 
nir; il  daigna  confirmer  l'espérance  que 
nous  avons  de  le  suivre  un  jour,  en  opérant 
un  nouveau  prodige.  Quand  il  fallut  fermer 
la  voûte  de  l'élégant  sanctuaire  qui  devait 
abriter  le  monurnent  suprême  du  passage  du 
Fils  de  Dieu  sur  la  terre,  un  nouvel  obsta- 
cle se  déclara.  Les  pierres  ne  pouvaient  tenir 
et  tombaient  à  mesure  qu'on  les  plaçait. 
On  dut  renoncer  à  terminer  l'édifice  dans  sa 
partie  supérieure,  qui  resta  ouverte,  comme 
pour  apprendre  aux  hommes  que  la  voie 
inaugurée  par  l'Emmanuel  sur  le  sommet 
du  mont  des  Oliviers  leur  est  toujours  acces- 
sible, et  qu'ils  doivent  sans  cesse  aspirer  à 
rejoindre  leur  divin  chef  qui  les  attend  dans 
les  cieux. 

Saint  Bernardin  de  Sienne  rapporte,  dans 
son  premier  Sermon  pour  la  fcte  de  l'As- 
cension, une  émouvante  histoire  qui  nous 
servira  d'utile  entretien  dans  cette  journée 
où  nous  faisons  nos  derniers  adieux  à  la  pré- 


Le  Vendredi  après  VOct.  de  VA  scetuion.    25  y 

sence  visible  de  notre  Rédempteur.  Il  raconte 

3u'un  pieux  chevalier  entreprit  le  voyage 
'outre-mer,  désirant  visiter  les  lieux  témoins 
des  mystères  du  salut.  Dans  son  dévot  pèle- 
rinage, il  voulut  débuter  par  Nazareth,  et 
sur  le  lieu  même  où  le  Verbe  se  fit  chair,  il 
rendit  ses  hommages  à  l'amour  infini  qui  l'a- 
vait attiré  du  ciel  en  terre,  afin  de  nous  reti- 
rer de  la  perdition.  Bethléhem  vit  ensuite 
notre  pèlerin  arriver  dans  ses  murs,  cher- 
chant le  lieu  de  la  bienheureuse  naissance 
qui  nous  donna  un  Sauveur.  Ses  larmes  cou- 
lèrent abondantes  à  l'endroit  où  Marie  avait 
adoré  son  nouveau-né,  et  comme  parle  saint 
François  de  Sales  qui  a  voulu  aussi  raconter 
cette  délicieuse  histoire,  «  il  lécha  la  pous- 
«  sière  sur  laquelle  la  première  enfance  du 
«  divin  poupon  avait  été  reçue  i.  » 

De  Bethléhem,  le  noble  voyageur,  qui  ne 
craignait  pas  de  parcourir  en  tous  sens  la 
Palestine,  se  rendit  sur  les  bords  du  Jour- 
dain, et  s'arrêta  à  Bethabara,  au  lieu  appelé 
Béthanie,  où  le  Précurseur  avait  baptisé  le 
Rédempteur.  Afin  d'honorer  plus  complète- 
ment le  mystère,  il  voulut  à  son  tour  entrer 
dans  le  lit  du  fleuve,  et  se  plongea  avec  déli- 
ces dans  ces  eaux  qui  lui  rappelaient  celles 
que  Jésus  avait  daigné  sanctifier  par  le  con- 
tact de  ses  membres  sacrés.  De  là,  suivant 
toujours  la  trace  du  Fils  de  Dieu,  il  s'en- 
fonça dans  le  désert,  voulant  avoir  sous  les 
yeux  le  théâtre  de  la  pénitence,  des  combats 
et  de  la  victoire  de  notre  Maître.  Sa  marche 
se   dirigea   ensuite  vers    le  Thabor,  sur  les 

I.  Traité  de  l'Amour  de  Dieu,  Livre  VII,  chap.   xii. 


LE   TEMPS   PASCAL.    —   T.    UI. 


258  Le  Temps  Pascal. 

sommets  duquel  il  honora  le  mystère  de  la 
Transfiguration  de  Jésus,  lorsqu'il  laissa  bril- 
ler aux  regards  de  trois  de  ses  disciples 
quelq^ues  rayons  de  sa  gloire. 

Enhn  notre  pieux  chevalier  entra  dans  Jé- 
rusalem. Le  saint  Cénacle  le  vit  recueillant 
avec  le  plus  tendre  amour,  dans  un  si  au- 
guste asile,  les  souvenirs  du  lavement  des 
pieds  aux  disciples,  et  de  l'institution  du 
grand  et  sublime  mystère  de  l'Eucharistie. 
Soutenu  par  le  désir  de  ne  pas  laisser  une 
station  sans  y  avoir  versé  ses  larmes  avec 
ses  prières,  il  passa  le  torrent  de  Cédron,  et 
se  rendit  au  jardin  de  Gethsémani,  où  la 
peasée  de  son  Sauveur  couvert  d'une  sueur 
de  sang  fondit  son  cœur  dans  une  ineffable 
s)^mpathie  pour  la  victime  de  nos  péchés. 
Bientôt  il  se  représenta  ce  même  Sauveur 
chargé  de  chaînes  et  entraîné  dans  Jérusalem. 
«  Il  s'achemine  alors,  nous  dit  le  saint  évé- 
«  que  de  Genève,  à  qui  il  convient  de  ren- 
«  dre  la  parole  sur  un  tel  sujet;  il  s'ache- 
«  mine,  suivant  partout  les  traces  de  son 
«  bien-aimé,  et  le  voit  en  imagination  traîné  çà 
«  et  là  chez  Anne,  chez  Caïphe,  chez  Pilate, 
«  chez  Hérodes,  fouetté,  baffbué,  craché,  cou- 
««  ronné  d'épines,  présenté  au  peuple,  con- 
«  damné  à  mort,  chargé  de  sa  croix,  laquelle 
«  il  porte,  et  la  portant  fait  la  pitoy;able  ren- 
«  contre  de  sa  mère  toute  détrempée  de  dou- 
M  leur,  et  des  dames  de  Hiérusalem  pleuran- 
«  tes  sur  lui. 

«  Si  monte  enfin  ce  dévost  pèlerin  sur  le 
«  mont  Calvaire,  où  il  voit  en  esprit  la  croix 
«  estcndue  sur  la  terre,  et  Nostre  Seigneur 
«  que  l'on  renverse  et  que  l'on  cloue  pieds  et 


Le  Vendredi  après  VOct.  de  V Ascension.     2  5g 

«  mains  sur  icelle  cruellement.  Il  contemple 
«  de  suite  comme  on  lève  la  croix  et  le  cruci- 
«  fié  en  l'air,  et  le  sang  qui  ruisselle  de  tous 
«  les  endroits  de  son  divin  corps.  Il  regarde 
«  la  pauvre  sacrée  Vierge  toute  transpercée 
«  du  glaive  de  douleur;  puis  il  tourne  les 
«  yeux  sur  le  Sauveur  crucifié,  duquel  il  es- 
«  coûte  les  sept  paroles  avec  un  amour  non 
«  pareil  ;  et  enfin  le  voit  mourant,  puiô  mort, 
«  puis  recevant  le  coup  de  lance,  et  mons- 
«  trant  par  l'ouverture  de  la  playe  son  Cœur 
«  divin;  puis  osté  de  la  croix  et  porté  au  se- 
rt pulcre  où  il  va  le  suivant,  jettant  une  mer 
«  de  larmes  sur  les  lieux  détrempez  du  sang 
«  de  son  Rédempteur;  si  qu'il  entre  dans  le 
«  sépulcre,  et  ensevelit  son  cœur  auprès  du 
«  corps  de  son  Maistre. 

(C  Puis,  ressuscitant  avec  luy,  il  va  en  Em- 
«  maùs,  et  voit  tout  ce  qui  se'  passe  entre  le 
«  Seigneur  et  les  deux  disciples;  et  enfin  re- 
«  venant  sur  le  mont  Olivet  où  se  fit  le  mys- 
a  tère  de  l'Ascension,  et  là  voyant  les  der- 
«  nières  marques  et  vestiges  des  pieds  du  di- 
<r  vin  Sauveur,  prosterné  sur  iceiles,  et  les 
«  baisant  mille  et  mille  fois  avec  des  soupirs 
«  d'un  amour  infiny,  il  commença  à  retirera 
«  soy  toutes  -  les  'forces  de  ses  affections, 
«  comme  un  archer  retire,  la  corde  de  son 
«  arc  quand  il  veut  descocher  sa  flèche  ;  puis 
«  se  relevant,  les  yeux  et  les  mains  tendus 
«  au  ciel  :  O  Jésus,  dit-il,  mon  doux  Jésus,  je 
«  ne  sçay  plus  où  vous  chercher  et  suivre 
«  en  terre.  Hé!  Jésus,  Jésus  mon  amour, 
«  accordez  donc  à  ce  cœur  qu'il  vous  suive 
«  et  s'en  aille  après  vous  là-haut;  et  avec  ces 
«  ardentes  paroles  il  lança  quant  et  quant  son 


200  Le  Temps  Pascal. 

«  âme  au  ciel,  comme  une  sacrée  sagette,  que 
«  comme  divin  archer  il  tira  au  blanc  de  son 
«  très-heureux  object  '.  » 

Saint  Bernardin  de  Sienne  raconte  que  les 
compagnons  et  les  serviteurs  du  pieux  cheva- 
lier, le  voyant  ainsi  succomber  sous  l'etfort 
de  son  amour,  coururent  chercher  un  méde- 
cin, dans  la  pensée  qu'il  serait  possible  encore 
de  le  rappeler  à  la  vie.  Mais  cette  bienheu- 
reuse âme  s'était  envolée  à  la  suite  du  Ré- 
dempteur, nous  laissant  un  monument  im- 
mortel de  l'amour  qu'a  pu  faire  naître  au 
cœur  d'un  homme  la  seule  contemplation  des 
divins  mystères  que  nous  avons  suivis  à  loisir, 
sous  la  conduite  de  l'Eglise,  dans  la  succes- 
sion des  scènes  de  la  sainte  Liturgie.  Puis- 
sions-nous posséder  maintenant  en  nous  le 
Christ  que  nous  avons  été  si  à  même  de  con- 
naître !  et  daigne  l'Esprit-Saint,  dans  sa  vi- 
site si  prochaine,  conserver  dans  nos  âmes 
les  traits  de  ce  divin  chef,  avec  lequel  il 
vient  nous  relier  plus  étroitement  encore  ! 


A' 


FIN  de  célébrer  plus  dignement  le  grand 
mystère  qui  s'est  clos  hier  et  celui  non 
moins  sublime  qui  s'ouvre  demain,  nous 
placerons  aux  contins  des  deux  l'un  des  plus 
magnifiques  cantiques  de  l'ancienne  Alliance, 
celui  où  David  a  prophétisé  à  la  fois  de  l'As- 
cension et  de  la  Pentecôte.  Interprété  par 
saint  Paul,  le  Psaume  lxvii,  destiné  à  accom- 


Le  Vendredi  après  VOct.  de  V Ascension.     26 1 

pagner  l'entrée  de  l'Arche  d'alliance  dans 
Sion,  annonce  en  même  temps  le  triomphe 
du  Christ  remontant  dans  les  cieux.  La  vic- 
toire qu'il  a  remportée  auparavant  sur  ses 
ennemis  dans  sa  résurrection  est  d'abord 
célébrée  avec  magnificence;  les  merveilles 
qu'il  a  opérées  en  faveur  de  ses  fidèles  ont 
ensuiteleur  tour;  l'Eglise  qu'il  a  fondée  appa- 
raît enfin  tout  ento'urée  de  combats  et  de 
triomphes;  en  un  mot,  nous  avons  ici  l'œuvre 
commune  de  l'Emmanuel  qui  a  commencé 
et  de  l'Esprit  divin  qui  a  consommé.  Afin  de 
rendre  plus  accessible  au  commun  des  lec- 
teurs ce  chant  si  mystérieux,  nous  en  don- 
nons plutôt  une  glose  qu'une  traduction,  en 
nous  aidant  des  interprétations  de  l'antiquité 
chrétienne. 


PSAUME    LXVII. 


QUE  Dieu  se  lève,  le  Dieu- 
Homme  !  que  ses  enne- 
mis soient  dispersés  !  que 
ceux  qui  le  haïssent  fuient 
devant  sa  face  ! 

Comme  la  fumée  s'évanouit, 
qu'ils  se  dissipent  de  même  ; 
comme  se  fond  la  cire  en  pré- 
sence du  feu,  ainsi  périssent 
les  impies  devant  la  face  de 
Dieu. 

Quant  aux  justes  ,  qu'ils 
fassent  des  festins,  qu'ils  tres- 
saillent d'allégresse,  qu'ils  se 
laissent  aller  aux  transports 
de  la  joie  en  présence  de 
Dieu. 

O  hommes,  ô  rachetés  , 
chantez  à  Dieu,  faites  reten- 
tir vos  cantiques  à  la  gloire 


ExsuRGAT  Deus,  et  dis- 
sipentur  inimici  ejus  : 
*  et  fugiant,  qui  oderunt 
eum,  a  facie  ejus. 

Sicut  déficit  fumus, 
deficiant  :  *  sicut  fluit 
cera  a  facie  ignis,  sic  pe- 
rçant peccatores  a  facie 
Dei. 

Et  justi  epulentur,  et 
exsultent  in  conspectu 
Dei  :  *  et  delectentui  in 
Istitia. 


Cantate  Dec  ,  psal- 
mum  dicite  Nomini  ejus  : 
*  iter  facile  ei  qui  ascen- 


202 


Le  Temps  Pascal. 


dit  super  occasum  :   Do- 
minus  nomen  illi. 


Exsultate  in  conspcctu 
ejus  :  *  fjrbabuntur  a 
facie  ejus,  patris  orpha- 
norum  et  judicis  vidua- 
rum. 


Deus    in    loco    sancto 
suo  :  *  Deus  qui    inhabi- 


tare  facit 
domo. 


unius  mons  in 


Qui  educit  vinctos  in 
fortitudine  :  *  similiter 
eos,  qui  exaspérant,  qui 
habitant  in  sepulcris. 

Deus,  quum  egredere- 
ris  in  conspectu  populi 
lui  :  *  quum  pertransires 
in  deserto  : 


Terra  mota  est  ;  et- 
enim  cœli  distillaverunt 
a  facie  Dei  Sinai  :  *  a 
facie  Dei  Israël. 

Pluviam  voUtntariam 
segregabis,  Deus,  haere- 
ditati  tuse  :  *  et  infirmata 


de  son  Nom  ;  ouvrez  le  che- 
min à  celui  qui  est  monté  sur 
l'Occident,  comme  sur  un 
trône.  Il  est  fils  de  l'homme, 
mais  néanmoins  son  nom  est 
Jchovah  ; 

Livrez-vous  à  l'enthou- 
siasme en  sa  présence.  A  son 
aspect,  ses  ennemis  infernaux 
se  sont  troublés  ;  car  il  est 
venu  pour  être  le  père  de 
l'orphelin,  le  défenseur  de  la 
veuve,  le  rédempteur  du 
genre  humain  que  le  péché 
avait  livré  à  Satan. 

Dans  les  profondeurs  de 
son  sanctuaire,  il  est  Dieu 
même,  e^  il  veut  faire  habiter 
dans  sa  propre  maison  ceux 
qui  auront  vécu  dans  l'unité 
d'une  même  foi  et  d'une  même 
charité. 

Ceux  qui  étaient  captifs, 
il  les  délivre  par  la  puissance 
de  son  bras  ;  quant  à  ceux  qui 
l'irritent  par  leur  résistance, 
il  les  précipite  dans   l'abîme. 

O  Dieu  1  ô  Christ  1  quand 
vous  apparûtes  sur  la  terre, 
marchant  à  la  tête  de  votre 
peuple  que  vous  aviez  rallié 
de  toutes  parts,  quand  vous 
traversâtes  le  désert  de  ce 
monde  aride  et  désole, 

La  terre  s'émut,  les  cieur 
envoyèrent  leur  rosée  fécon- 
dante, de  la  part  du  Dieu  du 
Sinai,  du  Dieu  d'Israël  qui 
vous  avait  envoyé. 

Vous  aviez  réservé  pour 
votre  héritage  ,  pour  votre 
Eglise,  une  pluie  de  bienfaits. 


Le  Vendredi  après  VOct.  de  V Ascension.     263 


Votre  héritage  avait  dépéri, 
la  race  humaine  était  défait 
lante  lors  de  votre  venue  ; 
mais  vous  l'avez  raffermie. 

C'est  en  elle  qu'habite  dés- 
ormais le  troupeau  dont  vous 
êtes  le  Pasteur  ;  et  vous  avez, 
ô  Dieu,  préparé  dans  votre 
douceur  un  aliment  destiné  à 
soutenir  sa  faiblesse. 

Pour  convier  ses  élus  à 
tant  de  faveurs  ,  l'Esprit- 
Saint,  qui  est  aussi  le  Sei- 
gneur, va  donner  une  langue, 
une  voix  à  ceux  qui  auront  à 
évangéliser  la  terre,  et  ils 
parleront  avec  une  force  irré- 
sistible. 

Les  rois  des  armées  tombe- 
ront sous  celui  qui  est  chéri  et 
le  bien-airaé  du  Père  ;  et  celle 
qui  est  la  beauté  de  la  maison 
partagera  leurs  dépouilles. 

Durant  la  lutte,  ô  enfants 
de  l'Eglise,  vous  dormirez  en 
sûreté  dans  l'enceinte  qui 
vous  protège,  semblables  à  la 
colombe  au  plumage  d'argent, 
dont  le  dos  a  des  reflets  d'or. 
■  Lorsque  celui  dont  le  trône 
est  aux  cieux  exercera  son 
jugement  sur  ces  rois,  ses  pro- 
tégés seront  égaux  en  blan- 
cheur à  la  neige  qui  couvre 
les  sommets  de  Selmon. 

Il  est  une  montagne  ,  la 
montagne  de  Dieu,  montagne 
fertile,  grasse  et  féconde  : 
c'est  son  Eglise.  Où  cherchez- 
vous  ailleurs  des  montagnes 
qui  lui  seraient  comparables 
en  fertilité  ? 


est,    tu    vero    perfecisti 
eam. 


Animalia  tua  habita- 
bunt  in  ea  :  *  parasti  in 
dulcedine  tua  pauperi, 
Deus. 


Dominus  dabit  verbum 
evangelizantibus  :  *  vir- 
tute  multa. 


Rex  virtutum  dilecti 
dilecti  :  *  et  speciei  do- 
mus  dividere  spolia. 


Si  dormiatis  inter  me- 
dios  cleros.pennae  colum- 
bae  deargentatœ  :  *  et 
posteriora  dorsi  ejus  in 
pallore  auri. 

Dum  discernit  coelestis 
reges  super  eam  ,  nive 
dealbabuntur  in  Sel- 
mon :  *  mons  Dei,  mons 
pinguis. 

Mons  coagulatus,mons 
pinguis  :  *  ut  quid  sus- 
picamini  montes  coagu- 
latos  ? 


204 


Le  Temps  Pascal. 


Mons,  in  quo  benepla- 
citum  est  Deo  habiiare 
in  eo  :  *  etenim  Dominas 
habitabit  in  fincm. 

Currus  Dei  decemmil- 
libiis  multiplex,  millia 
laetantium  :  *  Dominus 
in  eis  in  Sina  in  Sancto. 


Ascendisti  in  altum, 
cepisti  captivitatem  :  * 
accepisti  dona  in  homi- 
nibus. 


Etenim  non  credentes  : 
*  inhabitare  Dominum 
Deum. 

Benedictus  Dominus 
die  quotidie  :  *  prospe- 
rum  iter  faciet  nobis 
Deus  salutarium  nostfo- 
rum. 

Deus  noster,  Deus  sal- 
ves faciendi  :  *  et  Domini 
Domini  exitus  mortis. 

Verjmtamen  Deus 
confringet  capita  inimi- 
corum  suorum  :  *  verti- 
cera  capilli  perambu- 
lantium   in  delictis  suis. 

Dixit  Dominus  :  Ex 
Basan  convertam  :  *  con- 
vertam  in  profundum 
maris. 


C'est  elle  qui  est  cette  mon- 
tagne où  il  a  plu  à  Dieu  d'ha- 
biter, et  le  Seigneur  l'habi- 
tera jusqu'à  la  fin. 

Le  char  du  Fils  de  Dieu 
remontant  au  ciel  est  plus 
que  dix  mille  chariots  de 
guerre  ;  des  milliers  d'Anges 
l'entourent  dans  l'allégresse. 
Le  Seigneur  est  au  milieu 
d'eux  ;  il  s'est  arrêté  dans 
son  sanctuaire,  comme  au- 
trefois sur  le  Sina. 

O  Christ,  vous  êtes  monté 
dans  les  hauteurs  ;  vous  avez 
emmené  avec  vous  ceux  qui 
étaient  captifs  ;  vous  avez 
reçu  dans  votre  humanité  des 
dons  ineffables,  et  vous  les 
répandez  sur  les  hommes. 

Et  ceux  mêmes  qui  jusque- 
là  ne  croyaient  pas,  recon- 
naissent aujourd'hui  que  Dieu 
habite  parmi  nous. 

Béni  soit  le  Seigneur  dans 
toute  la  suite  des  jours  1  Le 
Dieu  auteur  de  notre  salut 
rendra  notre   voie    heureuse. 

Oui,  notre  Dieu  est  un  Dieu 
de  salut  ;  au  Seigneur,  au 
Seigneur  appartient  de  nous 
délivrer  de  la  mort. 

Mais  ce  Dieu  brisera  les 
tètes  de  ses  ennemis,  les  têtes 
altières  de  ceux  qui  marchent 
avec  complaisance  dans  la 
voie  de  leurs  crimes. 

Le  Seigneur  a  dit  :  «  Je  les 
R  arracherai  de  Basan,  je  les 
*  précipiterai  dans  les  pro- 
1  fondeurs  de  la  mer  ; 


Le  Vendredi  après  l'Oct.  de  V Ascension.     265 


t  Et  tu  rougiras  ton  pied 
«  dans  leur  sang,  ô  mon  peu- 
«  pie  choisi  !  et  la  langue  de 
«  tes  chiens  en  sera  teinte.  » 

O  Dieu,  on  vit  votre  entrée 
dans  les  cieux,  votre  entrée 
triomphante,  à  vous  qui  êtes 
mon  roi  établi  pour  jamais 
dans  son  sanctuaire. 

Les  princes  de  la  milice 
des  Anges  étaient  venus  au- 
devant,  et  avec  eux  ceux  qui 
exécutaient  des  cantiques,  en- 
tourés du  chœur  des  jeunes 
filles  battant  du  tympanon  ; 
car  tel  est  'e  cortège  du 
Christ  :  la  force,  la  mélodie 
et  la  pureté. 

Sur  la  terre,  bénissez  donc 
le  Seigneur  dans  vos  assem- 
blées, vous  qui  êtes  de  la 
source  du  véritabfe  Israël, 
vous  qui  êtes  membres  de 
l'Eglise. 

Que  l'on  voie  réunis  dans 
un  même  concert  l'adolescent 
Benjamin  ,  saisi  d'enthou- 
siasme, 

Les  princes  de  Juda  avec 
leurs  chefs,  les  princes  de 
Zabulon,  les  princes  de  Neph- 
tali. 

Commandez  ,  ô  Dieu  ,  ô 
Christ,  dans  votre  puissance  ; 
envoyez  l'Esprit  de  force  ; 
affermissez,  confirmez  par  lui 
ce  que  vous  avez  opéré  en 
nous. 

De  votre  temple  saint  qui 
est  en  Jérusalem,  figure  de 
votre  Eglise,  les  rois  domptés 
vous  offriront  leurs  dons. 


Ut  intingatur  pes  tuus 
in  sanguine  :  *  lingua  ca- 
num  tuorum  ex  inimicis, 
ab  ipso. 

Viderunt        ingressus 
tuos,  Deus  :  *  ingressus    1 
Dei  mei  :  Régis  mei  qui 
est  in  Sancto. 

Prasvenerunt  principes 
conjuncti  psallentibus  :  * 
in  medio  juvencularum 
tympanistriarum. 


In  ecclesiis  benedicite 
Deo  Domino  ;  *  de  fonti 
bus  Israël, 


Ibi  Benjamin  adoles- 
tul'js  :  *  in  mentis  ex- 
cessu. 

Principes  Juda,  duces 
eorum  :  *  principes  Za- 
bulon, principes  Neph- 
tali. 

Manda  Deus  virtuti 
tuœ  ,  *  confirma  hoc 
Deus,  quod  operatus  es 
in  nobis. 


A  templo  tuo  in  Jéru- 
salem :  *  tibi  offerent  re- 
ges  munera. 


\66 


Le  Temps  Pascal. 


Increpa  feras  arundi- 
nis,  congregatio  tauro- 
rum  in  vaccis  populo- 
rum  :  *  ut  excludant  eos, 
qui  probati  sunt  argento. 


Dissipa  gentes  ,  qune 
bella  VQlunt  ;  venient  le- 
gati  ex  iEgypto  :  *  jEthio- 

Ëtapraeveniet  manusejus 
leo. 


Régna  terrœ  cantate 
Deo  :  '  psaliite  Domino. 

Psallite  Deo  qui  ascen- 
dit  super  cœlura  cœli  :  " 
ad  Orientera. 

Ecce  dabit  voci  suae 
vocem  virtutis  ;  date  glo- 
riam  Deo  super  Israël  : 
*  magnificentia  ejus,  et 
virtus    ejus    in  nubibus. 


Mirabilis  Deus  in 
sanctis  suis  ;  Dcus  Israël 
ipse  dabit  virtutem  et 
fortitudinem  plebi  suae  : 
*  benediclus  Deus. 


Daignez  réprimer  les  bctcs 
sauvages  qui  se  cachent  dans 
les  roseaux,  les  taureaux  qui 
fondent  sur  les  génisses,  les 
hérésies  qui  troublent  la  paix 
de  votre  peuple.  Ils  ont  cons- 
piré de  chasser  de  votre  hé- 
ritage ceux  dont  la  foi  a  été 
éprouvée  comme  l'argent. 

Dispersez  ces  nations  qui 
ne  veulent  que  la  guerre. 
Voici  que  l'Egypte  enverra 
ses  ambassadeurs  pour  obte- 
nir d'être  initiée  à  la  connais- 
sance du  vrai  Dieu  ;  l'Ethio- 
pie elle-même  tendra  les 
mains  vers  lui,  et  prévien- 
dra d'autres  peuples. 

Royaumes  de  la  terre,  chan- 
tez à  Dieu  ;  célébrez  le  Sei- 
gneur dans  vos  cantiques. 

Chantez  à  Dieu  q.ii  est 
monté  au  delà  des  cieux.  par- 
tant de  l'Orient,  du  mont  des 
Oliviers. 

Voici  le  moment  oii  il  va 
donner  à  sa  voix  une  nouvelle 
force  par  l'organe  de  ses 
Apôtres.  Rendez  gloire  à 
Dieu  de  tout  ce  qu'il  fait  en 
faveur  du  nouvel  Israël;  sa 
magnificence  et  sa  force  res- 
plendissent en  ses  envoyés 
qui  volent  comme  les  nuées 
du  ciel. 

Admirable  est  Dieu  dans 
les  profondeurs  de  son  sanc- 
tuaire :  c'est  lui  ,  le  Dieu 
d'Israël,  qui  donnera  à  son 
nouveau  peuple  l'énergie  et 
la  force  pour  durer  jusqu'à  la 
fin  des  siècles.  Béni  soit  Dieul 


yyyyyyyyyyyyyy 

LE    SAMEDI 
VEILLE  DE   LA   PENTECOTE. 


^~^  Roi  de  gloire,  Seigneur 
^~^  des  armées,  qui  aujour- 
d'hui êtes  monté  triomphant 
au-dessus  de  tous  les  cieux, 
ne  nous  laissez  pas  orphe- 
lins ;  mais  e-nvoyez-nous 
l'Esprit  de  vérité,  selon  la 
promesse   du  Père,    alléluia. 


Ç\  Rex  gloriae.  Domi- 
ne virtutum  ,  qui 
triumphator  hodie  super 
omnes  cœlos  ascendisti, 
ne  derelinquas  nos  orpha- 
nos  ;  sed  mitte  promis- 
sum  Patris  in  nos  Spiri- 
tum  veritatis,  alléluia. 


V  lumière  éblouissante  de  la  solen- 
nité de  demain  illumine  déjà  cette 
journée  qui  en  est  la  veille.  Les 
fidèles  se  disposent   par   le  jeûne  à 


célébrer  dignement  le  mystère;  mais,  comme 


à  la  Vigile  de  Pâques,  la  messe  des  néophy- 
tes,_  qui  autrefois  avait  lieu  dans  la  nuit,  est 
maintenant  anticipée,  et  dès  avant  le  milieu 
du  jour  la  louange  de  l'Esprit-Saint,  dont 
l'effusion  est  si  proche,  a  retenti  avec  éclat 
dans  toute  église  pourvue  d'une  fontaine 
baptismale.  Sur  le  soir,  l'Office  des  premiè- 
res Vêpres  ouvre  à  son  heure  l'auguste  solen- 
nité. Le  règne  du  divin  Esprit  est  donc  pro- 
clamé dès  aujourd'hui  par  la  sainte  Liturgie. 
Unissons-nous  aux  pensées  et  aux  sentiments 
des  habitants  du  Cénacle,  dont  l'attente  est 
au  moment  d'être  remplie. 

Dans  toute  la  série  des  mystères  que  nous 
avons   vus   se   dérouler   jusqu'ici   durant  le 


208  Le  Temps  Pascal. 

cours  de  l'Année  liturgique,  nous  avons  sou- 
vent pressenti  l'action  de  la  troisième  per- 
sonne de  l'auguste  Trinité.  Les  lectures  des 
livres  saints,  tant  de  l'Ancien  que  du  Nou- 
veau Testament,  ont  éveillé  plus  d'une  fois 
notre  attention  respectueuse  sur  ce  divin  Es- 
prit qui  semblait  s'environner  de  mystère, 
comme  si  le  temps  de  sa  manifestation 
n'était  pas  venu  encore.  Les  opérations  de 
Dieu  dans  les  créatures  sont  successives; 
mais  elles  arrivent  infailliblement  en  leur 
temps.  L'historien  sacré  nous  raconte  com- 
ment le  Père  céleste,  agissant  par  son  Verbe, 
disposa  en  six  journées  ce  monde  qu'il  avait 
créé;  mais  il  nous  montre  en  même  temps 
dans  un  lointain  mystérieux  l'Esprit-Saint 
planant  sur  les  eaux' et  les  fécondant  silen- 
cieusement, en  attendant  que  le  Fils  de  Dieu 
les  séparât  de  la  terre  qu'elles  inondaient. 

Si  donc  le  rè^ne  patent  du  Saint-Esprit 
sur  le  monde  a  été  différé  jusqu'à  l'établisse- 
ment de  l'Homme-Dieu  sur  son  trône  éter- 
nel, n'allons  pas  croire  que  ce  divin  Esprit 
soit  demeuré  jusqu'alors  inactif.  Toutes  ces 
Ecritures  sacrées  dont  nous  avons  rencontre 
tant  de  sublimes  fragments  dans  la  sainte 
Liturgie,  que  sont-elles  sinon  l'œuvre  cachée 
de  celui  qui,  comme  nous  dit  l'antique  Sym- 
bole, <«  a  parlé  par  les  Prophètes  *  »  ?  C'est 
lui  qui  nous  donnait  le  Verbe.  Sagesse  de  Dieu, 
au  moyen  de  l'Ecriture,  comme  il  devait 
nous  le'  donner  plus  tard  dans  la  chair  de 
l'humanité. 

I.  Qui  locutiis  est  per  Prophetas.  Symbole  de  Nicée  et 
de  Constantinople. 


La  Vigile  de  la  Pentecôte.  26g 

Il  n'a  pas  été  oisif  un  moment  dans  la 
durée  des  siècles.  Il  préparait  le  monde  au 
règne  du  Verbe  incarné,  rapprochant  et  mê- 
lant les  races,  produisant  cette  attente  univer- 
selle qui  s'étendit  des  peuples  les  plus  barba- 
res aux  nations  les  plus  avancées  dans  la  ci- 
vilisation. Il  ne  s'était  pas  encore  nommé  à 
la  terre;  mais  il  planait  sur  l'humanité  avec 
amour,  comme  il  avait  plané  avec  mystère, 
au  commencement,  sur  les  eaux  muettes  et 
insensibles. 

^.n  attendant  sa  venue,  les  prophètes  l'an- 
nonçaient dans  les  mômes  oracles  où  ils  pré- 
disaient l'arrivée  du  Fils  de  Dieu.  Le  Sei- 
gneur disait  par  la  bouche  de  Joël  :  «  Je  ré- 
«  pandrai  mon  Esprit  sur  toute  chair  >.  »  Ail- 
leurs il  s'énonçait  ainsi  par  l'organe  d'Ezé- 
chiel  :  «  Je  répandrai  sur  vous  une  eau  pure, 
«  et  vous  serez  purifiés  de  toutes  vos  souil- 
«  lures,  et  je  vous  purifierai  de  toutes  vos 
«  idoles.  Et  je  vous  donnerai  un  cœur  nou- 
«  veau,  et  je  placerai  au  milieu  de  vous  un 
«  esprit  nouveau  ;  et  j'enlèverai  le  cœur  de 
«  pierre  qui  est  dans  votre  chair,  et  je  vous 
«  donnerai  un  cœur  de  chair,  et  je  placerai  au 
«  milieu  de  vous  l'Esprit  qui  est  le  mien  2.   » 

Mais  avantsa  propre  manifestation,  l'Esprit- 
Saint  avait  à  opérer  directement  pour  celle 
du  Verbe  divin.  Lorsque  la  puissance  créa- 
trice fit  sortir  du  néant  le  corps  et  l'âme  de 
la  future  mère  d'un  Dieu,  ce  fut  lui  qui  prépara 
l'habitation  de  la  souveraine  Majesté,  en 
sanctifiant  Marie  dès  le  premier  instant  de  sa 
conception,  prenant  possession  d'elle  comme 

I.  Joël,  ii,  29.  —  2.  Ezech.  xxxvi,  a5-27. 


ajo  Le  Temps  Pascal. 

du  temple  divin  où  le  Fils  de  Dieu  S'apprê- 
tait à  descendre.  Au  moment  fortune  de  1  An- 
nonciation, l'Archange  déclare  à  la  Vierge 
que  l'Esprit-Saint  va  survenir  en  elle  et 
que  la  Vertu  du  Très-Haut  va  la  couvrir  de 
son  ombre.  A  peine  la  Vierge  a-t-elle  pro- 
noncé son  acquiescement  au  décret  éternel, 
que  soudain  l'opération  du  divin  Esprit  a 
produit  en  elle  le  plus  ineflable  des  mys- 
tères :  oc  le  \erbe  est  fait  chair,  et  il  habite 
parmi  nous.  » 

Sur  cette  fleur  sortie  de  la  branche  émanée 
du  tronc  de  Jessé,  sur  cette  humanité  pro- 
duite divinement  en  Marie,  l'Esprit  du  Père 
et  du  Fils  se  repose  avec  délices;  il  la  com- 
ble de  ses  dons,  il  l'adapte  à  sa  fin  glorieuse 
et  éternelle  i.  Lui  qui  avait  doué  la  mère  de 
tant  de  trésors  de  lagrâce,  dépasse  encore  pour 
lefils  d'une  manière  incommensurable  la  me- 
sure qui  semblait  la  plus  voisine  de  l'infini. 
Et  toutes  ces  merveilles,  le  divin  et  puissant 
Esprit  les  accomplit  silencieusement  comme 
toujours;  car  Iheure  où  doit  éclater  sa  venue 
n'est  pas  arrivée  encore.  La  terre  ne  fera  que 
l'entrevoir  au  jour  où  sur  le  lit  du  Jourdain, 
dans  les  eaux  duquel  Jésus  est  descendu,  il 
étendra  ses  ailes  et  viendra  se  reposer  sur  la 
tête  de  ce  Fils  bien-aimé  du  Père.  Jean  pénètre 
le  mystère  dans  son  ravissement,  comme, 
avant  de  naître,  il  avait  senti  au  sein  de  Ma-- 
rie  le  fruit  divin  qui  habitait  en  elle;  mais 
les  hommes  n'ont  vu  qu'une  colombe,  et  la 
colombe  n'a  pas  révélé  les  secrets  de  l'éternité. 

Le  règne  du  Fils  de  Dieu,  de  notre  Emma- 


La  Vigile  de  la  Pentecôte.  2j i 

nuel,  s'assied  sur  ses  fondements  prédestinés. 
Nous  avons  en  lui  notre  frère,  car  il  a  pris 
notre  chair  avec  ses  infirmités;  nous  avons 
en  lui  notre  docteur,  car  il  est  la  Sagesse  du 
Père,  ei  il  nous  initie  par  ses  leçons  à  toute 
vérité;  nous  avons  en  lui  notre  médecin,  car 
il  guérit  toutes  nos  langueurs  et  toutes  nos 
infirmités  ;  nous  avons  en  lui  notre  média- 
teur, car  il  ramène  en  son  humanité  sainte 
toute  l'œuvre  créée  à  son  divin  auteur;  nous 
avons  en  lui  notre  réparateur,  et  dans  son 
sang  notre  rançon:  car  le  péché  de  l'homme 
avait  brisé  le  lien  entre  Dieu  et  nous,  et  il 
nous  fallait  un  rédempteur  divin;  nous  avons 
en  lui  un  chef  qui  ne  rougit  pas  de  ses  mem- 
bres, si  humbles  qu'ils  soient,  un  roi  que 
nous  venons  de  voir  couronner  à  jamais,  un 
Seigneur  que  le  Seigneur  a  fait  asseoir  à  sa 
droite  i. 

Mais  s'il  nous  gouverne  pour  toujours,  c'est 
maintenant  du  haut  des  cieux,  jusqu'au  mo- 
ment où  il  apparaîtra  de  nouveau  pour  bri- 
ser contre  terre  la  tête  des  pécheurs,  lorsque 
la  voix  tonnante  de  l'Ange  criera  :  «  Le  temps 
«  n'est  plus  -.  »  En  attendant,  des  siècles  nom- 
breux doivent  se  dérouler,  et  ces  siècles  ont 
été  destinés  à  l'empire  de  l'Esprit  divin. 
«  Mais  l'Esprit  ne  pouvait  encore  être  donné, 
«  nous  dit  saint  Jean,  tant  que  Jésus  n'avait 
<^  pas  été  glorifié  s.  »  Notre  beau  mystère  de 
l'Ascension  forme  donc  la  limite  entre  les 
deux  règnes  divins  ici-bas  :  le  règne  visible 
du  Fils  de  Dieu  et  le  règne  visible  de  l'Es-, 

i.  Psalm.  cix.  —  2.  Apoc.  x.  6,  —  5.  Johan,  vil, 
39. 


2  y  2 


Le  Temps  Pascal. 


f)rit-Saint.  Afin  de  les  unir  et  d'en  préparer 
a  succession,  ce  ne  sont  plus  seulement  des 
propthètes  mortels  qui  parlent  ;  c'est  notre 
Emmanuel  lui-même,  durant  sa  vie  mortelle, 

3ui  se  fait  le  héraut  du  règne   prochain   du 
ivin  Esprit. 

Ne  l'avons-nous  pas  entendu  nous  dire  : 
«  Il  vous  est  avantageux  que  je  m'en  aille; 
«  car  si  je  ne  me  retirais  pas,  le  Paraclet  ne 
u  viendrait  pas  à  vous  ^  ?  »  Le  monde  a  donc 
un  grand  besoin  de  ce  divin  hôte,  dont  le 
propre  Fils  de  Dieu  se  fait  ainsi  le  précur- 
seur !  Et  afin  que  nous  connaissions  quelle 
est  la  majesté  de  ce  maître  nouveau  qui  va 
régner  sur  nous,  Jésus  nous  déclare  la  gra- 
vité des  châtiments  qu'attireront  sur  eux  ceux 
qui  l'offenseront.  «  Quiconque,  dit-il,  aura 
«  proféré  une  parole  contre  le  Fils,  elle  lui 
«  sera  pardonnée  ;  mais  celui  qui  aura  dit 
«  cette  parole  contre  le  Saint-Esprit,  il  n'en 
«  obtiendra  le  pardon  ni  en  ce  monde,  ni  en 
«  l'autre  -.  »  Cependant  cet  Esprit  divin  ne 
prendra  pas  la  nature  humaine  comme  le 
Fils;  il  n'aura  point  à  racheter  le  monde 
comme  l'a  racheté  le  Fils;  mais  il  A'iendra 
avec  une  immensité  d'amour  qui  ne  saurait 
être  méprisée  impunément.  C'est  à  lui  que 
Jésus  confiera  l'Eglise  son  Epouse  pendant 
les  longs  siècles  que  doit  durer  son  veuvage, 
à  lui  qu'il  remettra  son  œuvre,  afin  qu'il  la 
maintienne  et  la  dirige  en  toutes  choses. 

Nous  donc,  appelés  à  recevoir  sous  peu 
d'heures  l'effusion  de  cet  Esprit  d'amour  qui 


JOHAN.   XVI,  7.  —   2.  MaTTH.  XII,   2)2. 


La  Vigile  de  la  Pentecôte.  2j3 

vient  «  renouveler  la  face  de  la  terre  ',  » 
soyons  attentifs  comme  nous  le  fûmes  à 
Bethléhem,  dans  les  moments  qui  précédè- 
rent la  naissance  de  notre  Emmanuel.  Le 
Verbe  et  l'Eprit-Saint  sont  égaux  en  gloire 
et  en  puissance,  et  leur  venue  sur  la  terre 
procède  du  même  décret  éternel  et  pacifi- 
que de  la  glorieuse  Trinité,  qui  a  résolu,  par 
cette  double  visite,  de  nous  «  rendre  parti- 
«  cipants  de  la  nature  divine  2.  »  Nous  les 
fils  du  néant,  nous  sommes  appelés  à  devenir, 
par  l'opération  du  Verbe  et  de  l'Esprit,  les 
fils  du  Père  céleste.  Maintenant,  si  nous  dési- 
rons connaître  en  quelle  manière  doit  être 
préparée  l'âme  fidèle  à  l'arrivée  du  divin 
Paraclet,  retournons  par  la  pensée  au  Céna- 
cle où  nous  avons  laissé  les  disciples  rassem- 
blés, persévérant  dans  la  prière,  selon  l'ordre 
de  leur  Maître,  et  attendant  que  la  Vertu  d'en 
haut  descende  sur  eux  et  vienne  les  couvrir 
comme  une  armure  pour  les  combats  qu'ils 
auront  à  livrer. 

Dans  cet  asile  sacré  du  recueillement  et  de 
la  paix,  notre  œil  respectueux  cherche  d'a- 
bord Marie,  mère  de  Jésus,  chef-d'œuvre  de 
l'Esprit-Saint,  Eglise  du  Dieu  vivant,  de 
laquelle  sortira  demain,  comme  du  sein  d'une 
mère,  par  l'action  du  même  Esprit,  l'Eglise 
militante  que  cette  nouvelle  Eve  représente 
et  contient  encore  en  elle.  N'a-t-elle  pas  droit 
à  tous  nos  hommages  en  ce  moment,  cette 
créature  incomparable  que  nous  avons  vue 
associée  à  tous  les  mystères  du  Fils  de  Dieu, 
et  qui  tout  à  l'heure  va  devenir  le  plus  digne 

I.  Psalm.  cm.  —  2.  II  Petr.  i,  4. 


LE    TEMPS   PASCAL. 


2J4  ^e  Temps  Pascal. 

objet  de  la  visite  de  l'Esprit-Saint  ?  Nous  vous 
saluons,  ô  Marie  pleine  de  grâce,  nous  tous 
qui  sommes  encore  renfermés  en  vous  et 
goûtons  l'allégresse  dans  votre  sein  maternel. 
N'est-ce  pas  pour  nous  qu'a  parlé  l'Eglise 
dans  la  sainte  Liturgie,  lorsqu'elle  commente 
à  votre  gloire  le  divm  cantique  de  votre  aïeul 
David  *  ?^En  vain  votre  humilité  veut  se  sous- 
traire aux  honneurs  qui  demain  vous  atten- 
dent. Créature  immaculée,  temple  du  Saint- 
Esprit,  il  faut  que  ce  divin  Esprit  vous  soit 
communiqué  d'une  nouvelle  manière  ;  car 
une  nouvelle  œuvre  vous  attend,  et  la  terre 
doit  vous  posséder  encore. 

Autour  de  Marie  est  rassemblé  le  collège 
apostolique,  contemplant  avec  ravissement 
celle  dont  les  traits  augustes  lyi  rappellent 
le  Seigneur  absent.  Dans  les  jours  précédents 
un  grave  événement  a  eu  lieu  au  Cénacle 
sous  les  yeux  de  la  Mère  de  Dieu  et  des 
hommes.  De  même  que  pour  l'établissement 
du  peuple  Israélite,  Dieu  avait  fait  choix  de 
douze  fils  de  Jacob  comme  d'autant  de  fon- 
dements de  cette  race  privilégiée,  de  même 
Jésus  avait  choisi  douze  hommes  au  sein  des 
ce  même  peuple  pour  être  les  bases  de  l'édi- 
fice de  l'Eglise  chrétienne  dont  il  est,  et 
Pierre  avec  lui  et  en  lui,  la  pierre  angulaire. 
La  chute  lamentable  de  Judas  avait  réduit  à 
onze  ces  élus  du  choix  divin  ;  le  nombre  sacré 
n'existait  plus,  et  l'Esprit-Saint  était  au  mo- 
ment de  descendre  sur  le  collège  des  Apôtres. 


I.  Sicut  Ixtantitim  omnium  nostrum  habitatio  est  in  te, 
sancta  Dei  Genitrix.  (Antienne  du  2«  nocturne  de  l'OfTice 
de  la   sainte  Vierge,   sur    le   Psaume   Fiindamenta.) 


La  Vigile  de  la  Pentecôte.         2j5 

Avant  de  monter  au  ciel ,  Jésus  n'avait  pas 
jugé  à  propos  de  faire  lui-même  le  choix  du 
successeur  du  disciple  déchu;  mais  il  fallait 
que  le  nombre  sacré  fût  complété  avant  l'ef- 
fusion de  la  Vertu  d'en  haut.  L'Eglise  n,e 
devait  rien  avoir  à  envier  à  la  Synagogue. 
Qui  donc  remplirait  l'office  du  Fils  de  Dieu 
dans  la  désignation  d'un  Apôtre  ?  Un  tel  droit 
ne  pouvait  appartenir  qu'à  Pierre,  nous  dit 
saint  Jean  Chrysostome;  mais  dans  sa  modes- 
tie, il  déclina  l'honneur,  ne  voulant  se  sou- 
venir que  de  l'humilité  i.  Une  élection  fut  la 
suite  du  discours  de  Pierre,  et  Mathias  mêlé 
aux  autres  Apôtres  compléta  le  nombre  mys- 
térieux, et  attendit  avec  eux  la  descente  pro- 
mise du  Consolateur. 

Dans  le  Cénacle  et  sous  les  yeux  de  Marie, 
sont  réunis  aussi  les  disciples  qui,  sans  avoir 
eu  l'honneur  d'être  admis  dans  le  duodénaire 
sacré,  n'en  ont  pas  moins  été  les  témoins  des 
œuvres  et  des  mystères  de  l'Homme-Dieu; 
ils  sont  mis  à  part,  et  réservés  pour  la  pré- 
dication de  la  bonne  nouvelle.  Madeleine 
enfin  et  les  autres  saintes  femmes  attendent 
dans  le  recueillement  que  leur  a  prescrit  le 
Maître,  cette  visite  d'en  haut  dont  elles  con- 
naîtront bientôt  la  puissance.  Rendons  nos 
hommages  à  cette  assemblée  sainte,  à  ces  cent 
vingt  disciples  qui  nous  sont  donnés  pour 
modèles  dans  cette  grande  circonstance;  car 
l'Esprit  divin  doit  d'abord  venir  en  eux;  ils 
sont  ses  prémices.  Plus  tard  il  descendra 
aussi  sur  nous,  et  c'est  afin  de  nous  préparer 


276  Le  Temps  Pascal. 


à  sa  venue  que  la  sainte  Eglise  nous  impose 
un  jeûne  solennel  aujourd'hui. 

Dans  l'antiquité,  cette  journée  ressemblait 
à. celle  de  la  veille  de  Pâques.  Sur  le  soir  les 
fidèles  se  rendaient  à  l'église  pour  prendre 
part  aux  solennités  de  l'administration  du 
baptême.  Dans  la  nuit  qui  suivait,  le  sacre- 
ment de  la  réçénération  était  conféré  aux 
catéchumènes  que  l'absence  ou  quelque  mala- 
die avait  empêchés  de  se  joindre  aux  autres 
dans  la  nuit  de  Pâques.  Ceux  qu'on  n'avait 
pas  ju^és  suffisamment  éprouvés  encore,  ou 
dont  rinstruction  n'avait  pas  semblé  assez 
complète,  ayant  satisfait  aux  justes  exigences 
de  l'Eglise,  contribuaient  aussi  à  former  le 
croupe  des  aspirants  à  la  nouvelle  naissance 
qui  se  puise  dans  la  fontaine  sacrce.  Au  lieu 
des  douze  prophéties  qui  se  lisaient  dans  la 
nuit  de  Pâques  pendant  que  les  prêtres 
accomplissaient  sur  les  catéchumènes  les 
rites  préparatoires  au  baptême,  on  n  en  lisait 
ordinairement  que  six;  ce  qui  amené  a  con- 
clure que  le  nombre  des  baptises  dans  la 
nuit  de  la  Pentecôte  était  moins  considérable. 

Le  cierge  pascal  reparaissait  durant  cette 
nuit  de  çrâce,  afin  d'inculquer  à  la  nouvelle 
recrue  que  faisait  l'Eglise,  le  respect  et  la- 
mour  envers  le  Fils  de  Dieu,  qui  s  est  tait 
homme  pour  être  «  la  lumière  du  monde  1.  » 
Tous  les  rites  que  nous  avons  détailles  et 
expliqués  au  Samedi  saint  s'accomplissaient 
dans  cette  nouvelle  occasion  où  paraissait  la 


I.  JoHAN  vin,  12 


La  Vigile  de  la  Pentecôte.  2yj 

fécondité  de  l'Eglise,  et  le  divin  Sacrifice  au- 
quel prenaient  'part  les  heureux  néophytes 
commençait  dès  avant  le  point  du  jour. 

Dans  la  suite  des  temps,  la  coutume  chari- 
table de  conférer  le  baptême  aux  enfants 
aussitôt  après  leur  naissance,  ayant  pris  force 
de  loi,  la  Messe  baptismale  a  été  anticipée  à 
la  matinée  du  samedi  veille  de  la  Pentecôte, 
comme  il  est  arrivé  pour  la  veille  de  Pâques. 
Avant  la  célébration  du  Sacrifice,  on  lit  les 
six  prophéties  dont  nous  avons  parlé  tout  à 
l'heure;  après  quoi  a  lieu  solennellement  la 
bénédiction  de  l'eau  baptismale.  Le  cierge 
pascal  se  retrouve  à  cette  fonction,  à  laquelle 
manque  trop  souvent  l'assistance  des  fidèles. 

Dans  l'après-midi  a  lieu  la  solennité  des 
premières  Vêpres.  Nous  omettons  d'insérer 
ici  les  Psaumes,  les  Antiennes  et  les  autres 
parties  de  cet  Office,  parce  que  la  Vigile  de 
la  Pentecôte  ne  peut  jamais  se  rencontrer  un 
Dimanche,  tandis  qu'il  en  est  autrement  pour 
les  fêtes  auxquelles  nous  avons  accordé  ce 
développement.  Au  reste,  si  l'on  excepte  quel- 
ques détails,  les  premières  et  les  secondes 
Vêpres  de  la  Pentecôte  sont  entièrement 
semblables. 


N' 


fous  clorons  la  journée  en  insérant  ici  l'une 
des  plus  belles  Séquences  d'Adam  de 
Saint-Victor  sur  le  mystère  de  la  Pentecôte. 
Ce  prince  de  la  poésie  liturgique  dans  l'Oc- 
cident s'est  surpassé  lui-même  sur  les  louan- 
ges du  divin  Esprit;  et  plus  d'une  fois  dans 
le  cours  de  l'Octave,  nous  aurons  recours  à 
son  magnifique  répertoire.   Mais  ce  n'est  pas 


278 


Le  Temps  Pascal. 


seulement  une  œuvre  de  génie  que  nous 
allons  reproduire  ici  ;  c'est  une  prière  sublime 
et  ardente  adressée  au  Paraclct  que  Jésus 
nous  a  promis  et  dont  nous  attendons  la 
venue.  Lfforçons-nous  de  faire  passer  dans 
nos  âmes  les  sentiments  du  pieux  docteur  du 
xii®  siècle,  et  aspirons  comme  lui  à  la  des- 
cente du  Consolateur  qui  vient  renouveler 
la  face  de  la  terre  et  habiter  en  nous. 


OUI  procedis  ab  utro- 
que, 
Genitore  Genitoque 

Pariter,  Paraclite, 
Redde   linguas  éloquen- 
tes, 
Fac  ferventes  in  te  men- 
tes 
Flamma  tua  divite. 

Amor  Patris  Filiique, 

Par  amborum,  et  utrique 

Compar  et  consimi- 

lis, 

Cuncta     repies,     cuncta 

foves, 
Astra  régis,  cœlum  mo- 
ves, 

Permanens  immobi- 
lis. 

Lumen  carum,   lumen 

clarum, 
Intcrnarum    tenebrarum 

Effugas     caliginem; 
Fer  te  mundi  sunt  mun- 

dati  ; 
Tu  peccatum,  tu  peccati 

Destruis  rubiginem. 


SEQUENCE 

O 


TOI  qui  procèdes  du 
Père  et  du  Fils,  divin 
Paraclet,  par  ta  flamme  fé- 
conde, viens  rendre  éloquent 
notre  organe,  et  embraser  nos 
cœurs  de  tes  feux. 


Amour  du  Père  et  du  Fils, 
l'égal  des  deux  et  leur  sem- 
blable en  essence,  tu  remplis 
tout,  tu  donnes  la  vie  à  tout  ; 
dans  ton  repos,  tu  conduis 
les  astres,  tu  règles  le  mou- 
vement des  cieux. 


Lumière  éblouissante  et 
chérie,  tu  dissipes  nos  ténè- 
bres intérieures;  ceux  qui 
sont  purs,  tu  les  rends  plus 
purs  encore  ;  c'est  toi  qui  fais 
disparaître  le  péché  et  la 
rouille  qu'il  apporte  avec 
lui. 


La  Vigile  de  la  Pentecôte. 


79 


Tu  manifestes  la  vérité,  tu 
montres  la  voie  de  la  paix  et 
celle  de  la  justice;  tu  fuis  les 
cœurs  pervers,  et  tu  combles 
des  trésors  de  ta  science  ceux 
qui  sont  droits. 

Si  tu  enseignes,  rien  ne  de- 
meure obscur;  si  tu  es  pré- 
sent à  l'âme,  rien  ne  reste 
impur  en  elle;  tu  lui  appor- 
tes la  joie  et  l'allégresse,  et 
la  conscience  que  tu  as  puri- 
fiée goiitc   enfin    le  bonheur. 


Ton  pouvoir  transforme 
les  éléments;  par  toi  les  sa- 
crements obtiennent  leur  effi- 
cacité ;  tu  fais  obstacle  à  la 
puissance  mauvaise,  tu  re- 
pousses les  embiiches  de  nos 
ennemis. 


A  ta  venue,  nos  cœurs  sont 
dans  le  calme;  à  ton  entrée, 
le  sombre  nuage  se  dissipe  ; 
feu  sacré,  tu  embrases  le 
cœur  sans  le  consumer,  et  ta 
visite  l'affranchit  de  ses  an- 
goisses. 


Des  âmes  jusqu'alors  igno- 
rantes, engourdies  et  insen- 
sibles, tu  les  instruis  et  les 
ranimes.  Inspirée  par  toi,  la 
langue  fait  entendre  des  ac- 
cents  que   tu   lui  donnes:  la 


Veritatem  notam  facis, 
Et  ostendis  viam  pacis 

Et  iter  justitiae. 

Perversorum  corda  vitas, 

Et  bonorum  corda  ditas 

Munere  scientias. 

Te  docente  nil  obscu- 

rum, 
Te    présente   nil   impu- 

rum  ; 

Sub  tua  praesentia 
Gloriatur  mens  jocunda; 
Per  te  laeta,  per  te  munda 

Gaudet   conscientia. 

Tu  commutas  elemen- 

ta, 
Per  te  suam    sacramenta 

Habent    ef^caciam  : 
Tu  nocivam  vim   repel- 

lis, 
Tu  confutas  et  refellis 

Hostium  nequitiam. 

Quando  venis. 
Corda   lenis  ; 
Quando  subis, 
Atrœ  nubis 
EfFugit  obscuritas; 
Sacer  ignis, 
Pectus  uris  ; 
Non  comburis, 
Sed  a  curis 
Purgas,  quando   visitas. 

Mentes  prius  imperi- 

tas, 
Et  sopitas  et  oblitas 

Erudis  et  excitas. 
Foves    linguas,    formas 

sonum. 


28o 


Le  Temps  Pascal. 


Cor  ad  bonum  facit  pro- 
num 
A  te  data    charitas. 

O   juvamcn  oppresso- 

rum, 
O    solamen    miserorum, 

Pauperum  refugium, 
Da  conteniptum  terrcno- 

riim  : 
Ad  amorem  supernorum 

Trahe  desiderium. 

Consolator   et    funda- 
tor, 
Habitator    et  amator 

Cordium  humilium, 
Pelle»mala,  terge  sordes, 
Et  discordes  fac  concor- 
des, 
Et  affer  praesidium. 

Tu  qui  quondam  visi- 
tasti, 
Docuisti,  confortasti 

Timentes  discipulos, 
Visitare  nosdigneris; 
Nos,  si    placet,  consoic- 
ris 

Et    credentes    popu- 
los. 

Par  majestas  pcrsona- 

rum, 

Par  polcstas  est    earum. 

Et  commuais  deitas  : 

Tu  procedens  a    duobus 

Coaequalis    es  ambobus  : 

In  nullo  disparitas. 


Quia  tantus  es  et  talis. 


charité  que  tu  apportes  avec 
toi  dispose  le  cœur  à  tout 
bien. 

Secours  des  opprimés,  con- 
solation des  malheureux,  re- 
fuge des  pauvres,  donne- 
nous  de  mépriser  les  objets 
terrestres  ;  entraîne  notre 
désir  à  l'amour  des  choses 
célestes. 


Tu  consoles  et  tu  affermis 
les  cœurs  humbles;  tu  les 
habites  et  tu  les  aimes;  ex- 
pulse tout  mal,  efface  toute 
souillure,  rétablis  la  con- 
corde entre  ceux  qui  sont  di- 
visés, et  apporte-nous  ton 
secours. 

Tu  visitas  un  jour  les  dis- 
ciples timides;  par  toi  ils 
furent  instruits  et  fortifiés; 
daigne  nous  visiter  aussi  et 
répandre  ta  consolation  sur 
nous  et  sur  le  peuple  fidèle. 


Egale  est  la  majesté  des 
divines  personnes,  égale  leur 
puissance  ;  commune  aux 
trois  est  la  divinité;  tu  pro- 
cèdes des  deux  premières, 
semblable  à  l'une  et  à  l'autre, 
et  rien  d'inférieur  n'est  en 
toi. 

Aussi    grand    que  l'est    le 


La  Vigile  de  la  Pentecôte.  28  t 


Père  lui-même,  souffre  que 
tes  humbles  serviteurs  ren- 
dent à  ce  Dieu-Père,  au  Fils 
rédempteur  et  à  toi-même  la 
louange  qui  vous  est  due. 


Quantus     Pater     est     et 
qualis  ; 

Servorum  humilitas 
Deo  Patri,   Filioque 
Rcdemptori,  tibi  quoquc 
Landes  reddat  débi- 
tas. 
Amen. 


LE  SAINT   JOUR    DE    LA    PENTECOTE. 


VENI,  Sancte  Spiritus, 
reple  tuorum  corda 
fidelium,  et  tui  amoris  in 
eis  ignem  accende. 


WENEZ,      ô     Esprit- Saint, 
V    remplissez  les  cœurs  de 
vos     fidèles,   et    allumez    en 
eux  le  feu  de  votre  amour. 


\  grande  journée  qui  consomme 
l'œuvre  divine  sur  la  race 
humaine  a  lui  entin  sur  le 
monde.  «  Les  jours  de  la  Pen- 
tecôte, comme  parle  saint  Luc, 
sont  accomplis  i.  »  I>epuis  la 
Pâque,  nous  avons  vu  se  dérouler  sept  semai- 
nes; voici  le  jour  qui  fait  suite  et  amène  le 
nombre  mystérieux  de  cinquante.  Ce  )our 
est  le  Dimanche,  consacré  par  les  augustes 
souvenirs  de  la  création  de  la  lumière  et  de  la 
résurrection  du  Christ;  son  dernier  caractère 
lui  va  être  imposé,  et  par  lui  nous  allons 
recevoir  «  la  plénitude  de  Dieu  -  ». 
Sous  le  règne  des  figures,  le  Seigneur  mar- 


I.  Act.  II,    I.  —  2.  Voir  la  Mystique  du  Temps  Pas- 
cal, tome  I,  pages  24-28. 


Le  Saint  Jour  de  la  Pentecôte.       2  83 

qua  déjà  la  gloire  future  du  cinquantième 
jour.  Israël  avait  opéré,  sous  les  auspices  de 
l'agneau  de  la  Pâque,  son  passage  à  travers 
les  eaux  de  la  mer  Rouge.  Sept  semaines 
s'écoulèrent  dans  ce  désert  qui  devait  con- 
duire à  la  terre  promise,  et  le  jour  qui  suivit 
les  sept  semaines  fut  celui  où  l'alliance  fut 
scellée  entre  Dieu  et  son  peuplé.  La  Pente- 
cote  (le  cinquantième  jour)  fut  marquée  par 
la  promulgation  des  dix  préceptes  de  la  loi 
divine,  et  ce  grand  souvenir  resta  dans  Israël 
avec  la  commémoration  annuelle  d'un  tel 
événement.  Mais  ainsi  que  la  Pâque,  la  Pente- 
côte était  prophétique  :  il  devait  y  avoir  une 
seconde  Pentecôte  pour  tous  les  peuples,  de 
même  qu'une  seconde  Pâque  pour  le  rachat 
du  genre  humain.  Au  Fils  de  Dieu,  vainqueur 
de  la mort.'la Pâque  avec  tousses  triomphes; à 
l'Esprit-Saint,  la  Pentecôte,  qui  le  voit  entrer 
comme  législateur  dans  le  monde  placé  désor- 
mais sous  sa  loi. 

Mais  quelle  dissemblance  entre  les  deux 
Pentecôtes  !  La  première  sur  les  rochers  sau-* 
vages  de  l'Arabie,  au  milieu  des  éclairs  et 
des  tonnerres,  intimant  une  loi  gravée  sur 
des  tables  de  pierre;  la  seconde  en  Jérusa- 
lem, sur  laquelle  la  malédiction  n'a  pas 
éclaté  encore,  parce  qu'elle  contient  dans  son 
sein  jusqu'à  cette  heure  les  prémices  du  peu- 
ple nouveau  sur  lequel  doit  s'exercer  l'em- 
pire de  l'Esprit  d'amour.  En  cette  seconde 
Pentecôte,  le  ciel  ne  s'assombrit  pas,  on  n'en- 
tend pas  le  roulement  de  la  foudre  ;  les 
cœurs  des  hommes  ne  sont  pas  glacés  d'effroi 
comme  autour  du  Sinaï  ;  ils  battent  sous 
l'impression  du  repentir  et  de  la  reconnais- 


j3.^4  ^c  Temps  Pascal. 

sance.  L'n  feu  divin  sest  emparé  d'eux,  et  ce 
feu  embrasera  la  terre  entière.  Jésus  avait 
dit  :  «  Je  suis  venu  apporter  le  feu  sur  la 
«  terre,  et  quel  est  mon  vœu,  sinon  de  le  voir 
«  s'éprendre  '  ?  »  L'heure  est  venue,  et  celui 
qui  en  Dieu  est  l'Amour,  la  flamme  éternelle 
et  incréée,  descend  du  ciel  pour  remplir  l'in- 
tention miséricordieuse  de  l'Emmanuel. 

En  ce  moment  où  le  recueillement  plane 
sur  le  Cénacle  tout  entier,  Jérusalem  est 
remplie  de  pèlerins  accourus  de  toutes  les 
régions  de  la  gentilité,  et  quelque  chose  d'in- 
connu se  remue  au  fond  du  cœur  de  ces 
hommes.  Ce  sont  des  Juifs  venus  pour  les 
fêtes  de  la  Pâque  et  de  la  Pentecôte  de  tous 
les  licuK  où  Israël  est  allé  établir  ses  synago- 
gues. L'Asie,  l'Afrique,  Rome  elle-même, 
ont  fourni  leur  contingent.  Mêlés  à  ces  Juifs 
de  pure  race,  on  aperçoit  des  gentils  qu'un 
mouvement  de  piété  a  portés  à^embrasser  la 
loi  de  Moïse  et  ses  pratiques;  on  les  appelle 
Prosélytes.  Cette  population  mobile  qui  doit 
•  se  disperser  sous  peu  de  jours,  et  que  le  seul 
désir  d'accomplir  la  loi  a  rassemblée  dans 
Jérusalem,  représente,  par  la  diversité  des 
langages,  la  confusion  de  Babel;  mais  ceux 
qui^la  composent  sont  moins  influencés  que 
les  habitants  de  la  Judée  par  l'orgueil  et  les 
préjugés.  Arrivés  d'hier,  ils  n'ont  pas,  comme 
ces  derniers,  connu  et  repoussé  le  Messie,  ni 
blasphémé  ses  œuvres  qui  rendaient  témoi- 
gnage de  lui.  S'ils  ont  crié  devant  Pilate  avec 
les  autres  Juifs  pour  degiander  que  le  Juste 
fût  crucifié,  c'est  qu'ils  étaient  eiitraînés  par 

I.  Luc.  XII,  49. 


Le  Saint  Jour 'de  la  Pentecôte.      285 

l'ascendant  des  prêtres  et  des  magistrats  de 
cette  Jérusalem  vers  laquelle  leur  piété  et 
leur  docilité  à  la  loi  les  avaient  amenés. 

Mais  l'heure  est  venue,  l'heure  de  Tierce, 
l'heure  prédestinée  de  toute  éternité,  et  le 
dessein  des  trois  divines  personnes  conçu  et 
arrêté  avant  tous  les  temps  se  déclare  et  s'ac- 
complit. De  même  que  le  Père,  sur  l'heure 
de  minuit,  envoya  en  ce  monde  pour  y  pren- 
dre chair  au  sein  de  Marie,  son  propre  Fils 
qu'il  engendre  éternellement  :  ainsi,  le  Père 
et  le  Fils  envoient  à  cette  heure  de  Tierce 
sur  la  terre  l'Esprit-Saint  qui  procède  de 
tous  deux,  pour  y  remplir  jusqu'à  la  fin  des 
temps  la  mission  de  former  l'Eglise  épouse 
et  empire  du  Christ,  de  l'assister,  de  la  main- 
tenir, de  sauver  et  de  sanctifier  les  âmes. 

Soudain  un  vent  violent  qui  venait  du  ciel 
se  fait  entendre;  il  mugit  au  dehors  et  rem- 
plit le  Cénacle  de  son  souffle  puissant.  Au 
dehors  il  convoque  autour  de  l'auguste  édifice 
que  porte  la  montagne  de  Sion  une  foule 
d'habitants  de  Jérusalem  et  d'étrangers;  au 
dedans  il  ébranle  tout,  il  soulève  les  cent 
vingt  disciples  du  Sauveur,  et  montre  que 
rien  ne  lui  résiste.  Jésus  avait  dit  de  lui  . 
«  C'est  un  vent  qui  souffle  où  il  veut,  et  vous 
«  entendez  retentir  sa  voix  i  «  ;  puissance 
invisible  qui  creuse  jusqu'aux  abîmes  dans 
les  profondeurs  de  la  mer,  et  lance  les  vagues 
jusqu'aux  nues.  Désormais  ce  vent  parcourra 
la  terre  en  tous  sens,  et  rien  ne  pourra  l'ar- 
rêter dans  son  domaine. 

Cependant    l'assemblée    sainte    qui    était 

I.  JOHAN.  ni,  8. 


2S6  Le  Temps  Pascal. 

assise  tout  entière  dans  l'extase  de  l'attente, 
a  conserve  la  même  attitude.  Passive  sous 
l'effort  du  divin  envoyé,  elle  s'abandonne  à 
lui.  Mais  le  souffle  n'a  été  qu'une  prépara- 
tion pour  le  dedans  du  Cénacle,  en  même 
temps  qu'il  est  un  appel  pour  le  dehors.  Tout 
à  coup  une  pluie  silencieuse  se  répand  dans 
l'intérieur  de  l'édifice;  pluie  de  feu,  dit  la 
sainte  Eglise,  «  qui  éclaire  sans  brûler,  qui 
luit  sans  consumer  i  »  ;  des  flocons  enflam- 
més ayant  la  forme  de  langues,  viennent  se 
poser  sur  la  tête  de  chacun  des  cent  vingt 
disciples.  C'est  l'Esprit  divin  qui  prend  pos- 
session de  l'assemblée  dans  chacun  de  ses 
membres.  L'Eglise  n'est  plus  seulement  en 
Marie;  elle  est  aussi  dans  les  cent  vingt  dis- 
ciples. Tous  sont  maintenant  à  l'Esprit  qui  est 
descendu  sur  eux;  son  règne  est  ouvert,  il 
est  déclaré,  et  de  nouvelles  conquêtes  se  pré- 
parent. 

Mais  admirons  le  symbole  sous  lequel  une 
si  divine  révolution  s'opère.  Celui  qui  naguère 
se  montra  au  Jourdain  sous  la  forme"  gra- 
cieuse d'une  colombe,  apparaît  aujourd'hui 
sous  celle  du  feu.  Dans  l'essence  divine  il 
est  amour;  or,  l'amour  n'est  pas  tout  entier 
dans  la  douceur  et  la  tendresse  ;  il  est 
ardent  comme  le  feu.  Maintenant  donc  que 
le  monde  est  livré  à  l'Esprit-Saint,  il  faut 
q^u'il  brûle,  et  l'incendie  ne  s'arrêtera  plus. 
Lt  pourquoi  cette  forme  de  langues  ?  sinon 
parce  que  la  parole  sera  le  moyen  par  lequel 
se  propagera  le  divin  incendie.  Ces  cent  vingt 
disciplesn'auront  qu'à  parier  du  Fils  de  Dieu 

I.  Répons  du  Jeudi  de  la  Pentecôte. 


Le  Saint  Jour  de  la  Pentecôte.      28 j 

fait  homme  et  rédempteur  de  tous,  de  l'Es- 
prit-Saint  qui  renouvelle  les  âmes,  du  Père 
céleste  qui  les  aime  et  les  adopte  :  leur  parole 
sera  accueillie  d'un  grand  nombre.  Tous 
ceux  qui  l'auront  reçue  seront  unis  dans  une 
m.ème  foi,  et  l'ensemble  qu'ils  formeront  s'ap- 
pellera l'Église  catholique,  universelle,  répan- 
due en  tous  les  temps  et  en  tous  les  lieux.  Le 
Seigneur  Jésus  avait  dit  :  a  Allez,  enseignez 
«  toutes  les  nations  »;  l'Esprit  divin  apporte 
du  ciel  sur  la  terre  et  la  langue  qui  fera 
retentir  cette  parole,  et  l'amour  de  Dieu  et 
des  hommes  qui  l'inspirera.  Cette  langue  et 
cet  amour  se  sont  arrêtés  sur  ces  hommes, 
et  par  le  secours  de  l'Esprit  divin,  ces  hom- 
mes les  transmettront  à  d'autres  jusqu'à  la 
fin  des  siècles. 

Un  obstacle  cependant  semble  se  dresser 
à  rencontre  d'une  telle  mission.  Depuis  Ba- 
bel, le  langage  humain  est  divisé,  et  la  pa» 
rôle  ne  circule  pas  d'un  peuple  à  l'autre. 
Comment  donc  la  parole  pourra-t-elle  être 
l'instrument  de  la  conquête  de  tant  de  na- 
tions, et  réunir  en  une  seule  famille  tant  de 
races  qui  s'ignorent?  Ne  craignez  pas:  le 
tout-puissant  Esprit  y  a  pourvu.  Dans  l'ivresse 
sacrée  qu'il  inspire  aux  cent  vingt  disciples, 
il  leur  a  conféré  le  don  d'entendre  toutes 
langues  et  de  se  faire  entendre  eux-mêmes 
en  toute  langue.  A  l'instant  même,  dans  un 
transport  sublime,  ils  s'essayent  à  parler  tous 
les  idiomes  de  la  terre,  et  leur  langue,  comme 
leur  oreille,  se  prête  non  seulement  sans 
effort,  mais  avec  délices,  à  cette  plénitude  de 
la  parole  qui  va  rétablir  la  communion  des 
hommes  entre  eux.  L'Esprit  d'amour   a  fait 


2SS  Le  Temps  Pascal 

cesser  en  un  moment  la  séparation  de  Babel, 
et  la  fraternité  première  reparaît  dans  l'u- 
nité  du  langage. 

Que  vous  êtes  belle,  6  Eglise  de  Dieu,  ren- 
due sensible  dans  cet  auguste  prodige  de 
l'Esprit  divin  qui  agit  désormais  sans'limi- 
tcs  !  Vous  nous  retracez  le  magnifique  spec- 
tacle qu'offrait  la  terre,  lorsque  la  race  hu- 
maine ne  parlait  qu'un  seul  langage.  Et  cette 
merveille  ne  sera  pas  seulenïent  pour  la 
journée  de  la  Pentecôte,  et  elle  ne  durera 
pas  seulement  la  vie  de  ceux  en  qui  elle 
éclate  en  ce  moment.  Après  la  prédication  des 
Apôtres,  la  forme  première  du  prodige  s'ef- 
facera peu  à  peu,  parce  qu'elle  cessera  d'être 
nécessaire  ;  mais  jusqu'à  la  fin  des  siècles,  ô 
Eglise,  vous  continuerez  de  parler  toutes  les 
langues;  car  vous  ne  serez  pas  confinée  dans 
un  "seul  pays,  mais  vous  habiterez  tous  les 
pays  du  monde.  Partout  on  entend  exprimer 
une  même  foi  dans  la  langue  de  chaque  peu- 
ple, et  ainsi  le  miracle  de  la  Pentecôte,  renou- 
velé et  transformé,  vous  accompagnera  tou- 
jours, ô  Eglise  !  et  demeurera  l'un  de  vos  prin- 
cipaux caractères.  C'est  ce  qui  fait  dire  au 
grand  docteur  saint  Augustin  parlant  aux  fidè- 
les, ces  paroles  admirables:  «  L'Eglise  ré- 
«  pandue  parmi  les  nations  parle  toutes  les 
«  langues.  Qu'est  cette  Eglise,  sinon  le  corps 
«  du  Christ?  Dans  ce  corps  vous  êtes  un  mem- 
«  hre.  Etant  donc  membre  d'un  corps  qui 
«  parle  toutes  les  langues,  vous  avez  droit  de 
a  vous  considérer  vous-même  comme  parti- 
«  cipant  au  même  don  i.  »  Durant  les  siècles 

I.  In  Johan.  Tract,  xxii. 


Le  Saint  Jour  de  la  Pentecôte.      2  S  g 

de  foi,  la  sainte  Eglise,  source  unique  de 
tout  véritable  ^progrès  dans  l'humanité, 
avait  fait  plus  encore;  elle  était  parvenue  à 
réunir  dans  une  même  forme  de  langage  les 
peuples  qu'elle  avait  conquis.  La  langue  la- 
tine fut  longtemps  le  lien  du  monde  civilisé. 
En  dépit  des  distances,  les  relations  de  peu- 
ple à  peuple,  les  communications  de  la 
science,  les  affaires  même  des  particuliers  lui 
étaient  confiées;  l'homme  qui  parlait  cette 
langue  n'était  étranger  nulle  part  dans  tout 
l'Occident  et  au  delà.  La  grande  hérésie  du 
xvi*  siècle  émancipa  les  nations  de  ce  bienfait 
comme  de  tant  d'autres,  et  l'Europe,  scindée 
pour  longtemps,  cherche,  sans  le  trouver,  ce 
centre  commun  que  l'Eglise  seule  et  sa  lan- 
gue pouvaient  lui  offrir.  Mais  retournons  au 
Cénacle  dont  les  portes  ne  se  sont  pas  encore 
ouvertes,  et  continuons  à  y  contempler  les 
merveilles  du  divin  Esprit. 

Nos  yeux  tout  d'abord  cherchent  respec- 
tueusement Marie,  Marie  plus  que  jamais 
«  pleine  de  grâce  ».  Il  eût  semblé  qu'après 
les  dons  immenses  qui  lui  furent  prodigués 
dans  sa  conception  immaculée  ,  après  les 
trésors  de  sainteté  que  versa  en  elle  la  pré- 
sence du  Verbe  incarné  durant  les  neuf  mois 
qu'elle  le  posséda  dans  son  sein,  après  les  se- 
cours spéciaux  qu'elle  reçut  pour  agir  et 
souffrir  en  union  avec  son  fils  dans  l'œuvre 
de  la  Rédemption,  après  les  faveurs  dont 
Jésus  la  combla  au  milieu  des  S{?lendeiirs 
de  la  résurrection,  le  Ciel  avait  épuisé  la 
mesure  des  dons  qu'il  avait  à  répandre  sur 
une  simple  créature,  si  élevée  qu'elle  pût 
être  dans    le    plan  éternel.   11    n'en    est    pas 


LE    TEMPS    PASCAL.    —    T     III,  I9 


2 go  Le  Temps  Pascal. 

ainsi.  Une  nouvelle  mission  s'ouvre  pour 
Marie:  à  eetic  heure,  la  sainte  Eglise  est 
enfantée  par  elle;  zMarie  vient  de  mettre  au 
jour  l'Epouse  de  son  Fils,  et  de  nouveaux 
devoirs  l'appellent.  Jésus  est  monté  seul  dans 
les  cieux;  il  l'a  laissée  sur  la  terre,  afin 
qu'elle  prodigue  à  son  tendre  fruit  ses  soins 
maternels.  Qu'elle  est  touchante,  mais  aussi 

âu'elle  est  glorieuse  cette  enfance  de  notre 
glise  bien-aimée,  reçue  dans  les  bras  de 
Marie,  allaitée  par  elle,  soutenue  de  son 
appui  dès  les  premiers  pas  de  sa  carrière  en 
ce  monde  !  Il  faut  donc  à  la  nouvelle  Eve,  à 
la  véritable  «  Mère  des  vivants  »,  un  surcroît 
de  grâces  pour  répondre  à  une  telle  mission  : 
aussi  est-elle  l'objet  premier  des  faveurs  de 
l'Esprit-Saint.  Il  la  féconda  autrefois  pour 
être  la  mère  du  Fils  de  Dieu;  en  ce  moment 
il  forme  en  elle  la  mère  des  chrétiens.  «  Le 
«  fleuve  de  la  grâce,  comme  parle  le  Roi- 
ce  prophète,  submerge  de  ses  eaux  cette  Cité 
«  de  Dieu  qui  les  reçoit  avec  délices  *  »  ;  l'Es- 
prit d'amour  accomplit  à  ce  moment  l'oracle 
divin  du  Rédempteur  mourant  sur  la  croix. 
Il  avait  dit,  en  désignant  l'homme  :  «  Femme, 
«  voilà  votre  fils»  ;r'heure  est  arrivée,  et  Marie 
a  reçu  avec  une  plénitude  merveilleuse  cette 
grâce  maternelle  qu'elle  commence  à  appli- 
quer dès  aujourd'hui,  et  qui  l'accompagnera 
jusque  sur  son  trône  de  reine,  lorsqu'enfin  la 
sainte  Eglise  ayant  pris  un  accroissement 
suffisant,"  sa  céleste  nourrice  pourra  quitter 
la  terre,  monter  aux  cieux  et  ceindre  le  dia- 
dème qui  l'attend. 


^ ?-« 

Le  Saint  Jour  de  la  Pentecôte.      2g  i 

Contemplons  cette  nouvelle  beauté  qui 
éclate  dans  les  traits  de  celle  en  qui  le  Sei- 
gneur vient  de  déclarer  une  seconde  mater- 
nité :  celte  beauté  est  le  chef-d'œuvre  de 
l'Esprit- Saint  en  cette  journée.  Un  feu  divin 
transporte  Marie,  un  amour  nouveau  s'est 
allumé  dans  son  cœur;  elle  est  tout  entière  à 
cette  autre  mission  pour  laquelle  elle  avait 
été  laissée  ici-bas.  La  grâce  apostolique  est 
descendue  en  elle.  La  langue  de  feu  qu'elle 
a  reçue  ne  parlera  pas  dans  les  prédications 
publiques;  mais  elle  parlera  auXiVpôtres,  les 
dirigera,  les  consolera  dans  leurs  labeurs.  Elle 
s'énoncera,  cette  langue  bénie,  avec  autant 
de  douceur  que  de  force,  à  l'oreille  des  fidè- 
les qui  sentiront  l'attraction  vers  celle  en  qui 
le  Seigneur  a  fait  l'essai  de  toutes  ses  mer- 
veilles. Comme  un  lait  généreux,  la  parole 
irrésistible  de  cette  mère  universelle  donnera 
aux  premiers  enfants  de  l'Eglise  la  vigueur 
qui  les  fera  triompher  des  assauts  de  l'enfer; 
et  c'est  en  partant  d'auprès  d'elle  qu'Etienne 
ira  ouvrir  la  noble  carrière  des  martyrs. 

Regardons  maintenant  le  collège  apostoli- 
que. Ces  hommes  que  quarante  ^ours  de  re- 
lations avec  leur  Maître  ressuscité  avaient 
relevés,  et  que  nous  trouvions  déjà  si  diffé- 
rents d'eux-mêmes,  que  sont-ils  devenus 
depuis  l'instant  où  l'Esprit  divin  les  a  saisis? 
Ne  sentez-vous  pas  qu'ils  sont  transformés, 
qu'un  feu  divin  éclate  dans  leur  poitrine,  et 
que  dans  un  moment  ils  vont  s'élancer  à  la 
conquête  du  monde?  Tout  ce  que  le  Maître 
leur  avait  annoncé  est  accompli  en  eux;  et 
c'est  véritablement  la  Vertu  d'en  haut  qui 
est  descendue  pour  les  armer  au  combat.  Où 


2g2  Le  Temps  Pascal. 

sont-ils  ceux  qui  tremblaient  devant  les  en- 
nemis de  Jésus,  ceux  qui  doutaient  de  sa 
résurrection?  I.a  vérité  que  le  Maître  leur  a 
enseignée  brille  aux  regards  de  leur  intelli- 
gence'; ils  voient  tout,  ils  comprennent  tout. 
L'Esprit-Saint  leur  a  infus  le  don  de  la  foi 
dans  un  degré  sublime,  et  leur  cœur  brûle  du 
désir  de  répandre  au  plus  tôt  cette  foi  dans 
le  monde  entier.  Loin  de  craindre  désormais, 
ils  n'aspirent  qu'à  affronter  tous  les  périls  en 
prêchant,  comme  Jésus  le  leur  a  commandé, 
à  toutes  les  nations  son  nom  et  sa  gloire. 

Contemplez  Pierre.  Vous  le  reconnaissez 
aisément  à  cette  majesté  douce  que  tempère 
une  ineffable  humilité.  Hier  son  aspect  était 
imposant  mais  tranquille  ;  aujourd'hui,  sans 
rien  perdre  de  leur  dignité,  ses  traits  ont 
pris  une  expression  d'enthousiasme  que  nul 
n'avait  encore  vue  en  lui.  L'Esprit  divin  s'est 
emparé  puissamment  du  Vicaire  de  Jésus  ; 
car  Pierre  est  le  prince  de  la  parole  et  le 
maître  de  la  doctrine.  Près  de  Pierre,  c'est 
André  son  frère  aîné,  qui  conçoit  en  ce 
moment  cette  passion  ardente  pour   la  croix 

Î|ui  sera  son  type  à  jamais  glorieux;  c'est 
ean  dont  les  traits  semblaient  naguère  ne 
respirer  que  la  douceur,  et  qui  subitement 
ont  pris  l'expression  forte  et  inspirée  du  pro- 
phète de  Pathmos;  à  ses  cotés,  c'est  Jacques 
son  frère,  l'autre  «  fils  du  tonnerre  »,  se  cires- 
sant  avec  toute  la  vigueur  du  vaillant  che- 
valier qui  s'élancera  bientôt  à  la  conquête  de 
ribérie.  Le  second  Jacques,  celui  qui  est 
aimé  sous  le  nom  de  a  frère  du  Seigneur  », 
puise  dans  la  vertu  du  divin  Esprit  qui  le 
transporte,  un   nouveau  degré  de  charme  et 


Le  Saint  Jour  de  la  Pentecôte.      2g3 

de  béatitude.  Matthieu  est  illuminé  d'une 
splendeur  qui  fait  pressentir  en  lui  le  pre- 
mier des  écrivains  du  nouveau  Testament. 
Thomas  sent  en  son  cœur  la  foi  qu'il  a  reçue 
au  contact  des  membres  de  son  Maîtrp  res- 
suscité, prendre  un  accroissement  sans  me- 
sure ;  il  est  prêt  à  partir  pour  ses  laborieuses 
missions  dans  l'extrême  Orient;  tous,  en  un 
mot,  sont  un  hymne  vivant  à  la  gloire  de 
l'Esprit  tout-puissant,  qui  s'annonce  avec  un 
tel  empire  dès  les  premiers  instants  de  son 
arrivée. 

Dans  un  rang  inférieur  apparaissent  les 
disciples,  moins  favorisés  dans  cette  visite 
que  les  douze  princes  du  collège  apostoli- 
que, mais  pénétrés  du  même  feu;  car  eux 
aussi  marcheront  à  la  conquête  du  monde  et 
fonderont  de  nombreuses  chrétientés.  Le 
groupe  des  saintes  femmes  n'a  pas  moins  res- 
senti que  le  reste  de  l'assemblée  la  descente 
du  Dieu  qui  s'annonce  sous  l'emblème  du 
feu.  L'amour  qui  les  retint  au  pied  de  la  croix 
de  Jésus  et  qui  les  conduisit  les  premières  à 
son  sépulcre  au  matin  de  la  Pâque,  s'est  en- 
flammé d'une  ardeur  nouvelle.  La  langue  de 
feu  s'est  arrêtée  sur  chacune  d'elles,  et  elles 
seront  éloquentes  à  parler  de  leur  Maître  aux 
Juifs  et  aux  gentils.  En  vain  la  synagogue 
expulsera  Madeleine  et  ses  compagnes;  la 
Gaule  méridionale  les  écoutera  à  son  tour, 
et  ne  sera  pas  rebelle  à  leur  parole. 

Cependant,  la  foule  des  Juifs  qui  avait 
entendu  le  bruit  de  la  tempête  annonçant  la 
venue  de  l'Esprit  divin,  s'est  amassée  en 
grand  nombre  autour  du  mystérieux  Céna- 
cle. Ce  même  Esprit  qui  agit  au  dedans  avec 


2g4  Le  Temps  Pascal. 

tant  de  magnificence,  les  pousse  à  faire  le 
siège  de  cette  maison  qui  contient  dans  ses 
murs  l'Eglise  du  Christ  dont  la  naissance 
vient  d'éclater.  Leurs  clameurs  retentissent, 
et  biçntôt  le  zèle  apostolique  qui  vient  de 
naître  pour  ne  plus  s'éteindre,  ne  peut  plus 
tenir  dans  de  si  étroites  limites.  En  un 
moment  l'assemblée  inspirée  se  précipite  aux 
portes  du  Cénacle,  et  se  met  en  rapport  avec 
cette  multitude  avide  de  connaître  le  nou- 
veau prodige  que  vient  d'opérer  le  Dieu 
d'Israël. 

Mais,  ô  merveille  !  la  foule  composée  de 
toutes  les  nations,  qui  s'attendait  à  entendre 
le  parler  grossier  des  Galiléens,  est  tout  à 
coup  saisie  de  stupeur.  Ces  Galiléens  n'ont 
fait  encore  que  s'énoncer  en  paroles  confuses 
et  inarticulées,  et  chacun  les  entend  parler 
dans  sa  propre  langue.  Le  symbole  de  l'unité 
apparaît  dans  toute  sa  splendeur.  L'Eglise 
clirétienne  est  montrée  à  tous  les  peuples 
représentés  dans  cette  multitude.  Elle  sera 
une,  cette  Eglise;  car  les  barrières  que  Dieu 
plaça  autrefois,  dans  sa  justice,  pour  isoler 
les  nations,  viennent  de  s'écrouler.  Voici  les 
messagers  de  la  foi  du  Christ;  ils  sont  prêts, 
ils  vont  partir,  leur  parole  fera  le  tour  de  la 
terre. 

Dans  la  foule  cependant,  quelques  hom- 
mes, insensibles  au  prodige,  se  scandalisent 
de  rivresse  divine  dans  laquelle  ils  voient  les 
Apôtres  :  «  Ces  hommes  ,  disent-ils,  sont 
«  pleins  de  vin.  »  C'est  le  langage  du  ratio- 
nalisme qui  veut  tout  expliquer  par  des  rai- 
sons humaines.  Et  pourtant,  ces  Galiléens 
prétendus   ivres  abattront  à    leurs  pieds   le 


Le  Saint  Jour  de  la  Pentecôte.      2g5 

mande  entier,  et  l'Esprit  divin  qui  est  en 
eux,  ils  le  communiqueront  avec  son  ivresse 
à  toutes  les  races  du  genre  humain.  Les 
saints  Apôtres  sentent  que  le  moment  est 
venu  ;  il  faut  que  la  seconde  Pentecôte  soit 
proclamée  en  ce  jour  anniversaire  de  la  pre- 
mière. Mais  dans  cette  proclamation  de  la 
loi  de  miséricorde  et  d'amour  qui  vient  rem- 
placer la  loi  de  la  justice  et  de  la  crainte, 
quel  sera  le  Moïse  ?  L'Emmanuel,  avant  de 
monter  au  ciel,  l'avait  désigné  :  c'est  Pierre, 
le  fondement  de  l'Eglise.  U  est  temps  que 
tout  ce  peuple  le  voie  et  l'entende  ;  le  trou- 
peau va  se  former,  il  est  temps  que  le  pas- 
teur se  montre.  Ecoutons  l'Esprit-Saint  qui 
va  s'énoncer  par  son  principal  organe,  en 
présence  de  cette  multitude  ravie  et  silen- 
cieuse ;  chaque  mot  que  va  dire  l'Apôtre  qui 
ne  parle  qu'une  seule  langue  est  compris  de 
chacun  des  auditeurs,  à  quelque  idiome,  à 
quelque  pays  de  la  terre  qu'il  appartienne. 
Un  tel  discours  est  à  lui  seul  la  démonstra- 
tion de  la  vérité  et  de  la  divinité  de  la  loi 
nouvelle. 

«  Hommes  juifs,  s'écrie  dans  la  plus  haute 
éloquence  le  pécheur  du  lac  de  Génézareth, 
hommes  juifs  et  vous  tous  qui  habitez  en  ce 
moment  Jérusalem,  apprenez  ceci  et  prêtez 
l'oreille  à  mes  paroles.  Non,  ces  hommes  que 
vous  voyez  ne  sont  pas  ivres  comme  vous 
l'avez  pensé;  car  il  n'est  encore  que  l'heure 
de  tierce;  mais  en  ce  moment  s'accomplit  ce 
qu'avait  prédit  le  prophète  Joël  :  «  Dans  les 
«  derniers  temps,  dit  le  Seigneur,  je  répan- 
««  drai  mon  Esprit  sur  toute  chair,  et  vos  fils 
a  et  vos  filles   prophétiseront,   et  vos  jeunes 


2g6  Le  Temps  Pascal. 

«  gens  seront  favorisés  de  visions,  et  vos 
«  vieillards  auront  des  songes  prophétiques. 
«  Et  dans  ces  jours,  je  répandrai  mon  Esprit 
«  sur  mes  serviteurs  et  sur  mes  servantes,  et 
«  ils  prophétiseront.  »  Hommes  Israélites, 
écoutez  ceci.  Vous  vous  rappelez  Jésus  de 
Nazareth,  que  Dieu  même  avait  accrédité  au 
milieu  de  vous  par  les  prodiges  au  moyen 
desquels  il  opérait  par  lui,  ainsi  que  vous  le 
savez  vous-mêmes.  Or,  ce  Jésus,  selon  le 
décret  divin  résolu  à  l'avance,  a  été  livré  à 
ses  ennemis,  et  vous-mêmes  vous  l'avez  fait 
mourir  par  la  main  des  impies.  Mais  Dieu 
l'a  ressuscité,  en  l'arrachant  à  l'humiliation 
du  tombeau  qui  ne  pouvait  le  retenir.  David 
n'avait-il  pas  dit  de  lui  :  a  Ma  chair  reposera 
«  dans  l'espérance  ;  car  vous  ne  permettrez 
«  pas.  Seigneur,  que  celui  qui  est  votre 
«  Saint  éprouve  la  corruption  du  tombeau  »? 
Ce  n'était  pas  en  son  propre  nom  que  David 
parlait;  car  il  est  mort,  et  son  sépulcre  est 
encore  sous  nos  yeux;  mais  il  annonçait  la 
résurrection  du  Christ  qui  n'a  point  été  laissé 
dans  le  tombeau,  et  dont  la  chair  n'a  pas 
connu  la  corruption.  Ce  Jésus,  Dieu  lui- 
même  l'a  ressuscité,  et  nous  en  sommes 
tous  témoins.  Elevé  à  la  droite  de  Dieu,  il  a, 
selon  la  promesse  qu'en  avait  faite  le  Père, 
répandu  sur  la  terre  le  Saint-Esprit,  ainsi 
que  vous  le  voyez  et  l'entendez.  Sachez  donc, 
maison  d'Israël,  et  sachez-le  avec  toute  cer- 
titude, que  ce  Jésus  crucifié  par  vous,  Dieu 
en  a  fait  le  Seigneur  et  le  Christ  i.  » 
Ainsi  fut  accomplie  la  promulgation  de  la 

I.  Act.  II. 


Le  Saint  Jour  de  la  Pentecôte.      2gj 

loi  nouvelle  par  la  bouche  du  nouveau  Moïse. 
Comment  les  auditeurs  n'eussent-ils  pas 
accueilli  le  don  inestimable  de  cette  seconde 
Pentecôte,  qui  venait  dissiper  les  ombres  de 
l'ancienne  et  produire  au  grand  jour  les 
divines  réalités?  Dieu  se  révélait,  et,  comme 
toujours,  il  le  faisait  par  les  miracles.  Pierre 
rappelle  les  prodiges  de  Jésus  dont  la  Syna- 
gogue n'a  pas  voulu  tenir  compte,  et  qui  ren- 
daient témoignage  de  lui.  Il  annonce  la  des- 
csnte  de  l'Esprit-Saint,  et  en  preuve  il  allè- 
gue le  prodige  inouï  que  les  auditeurs  ont 
sous  les  yeux,  dans  le  don  des  langues 
départi  aux  habitants  du  Cénacle. 

Poursuivant  son  œuvre  sublime,  l'Esprit- 
Saint  qui  planaitsur  cette  foule,  féconde  par 
son  action  divine  ces  cœurs  prédestinés.  La 
foi  naît  et  se  développe  tout  d'un  coup  dans 
ces  disciples  du  Sinaï  accourus  de  tous  les 
points  du  monde  pour  une  Pâque  et  une 
Pentecôte  désormais  stériles.  Saisis  de  crainte 
et  de  regret  d'avoir  demandé  la  mort  du 
Juste,  dont  ils  confessent  la  résurrection  et 
l'ascension  au  ciel,  ces  Juifs  de  toute  nation 
poussent  un  cri  pénétrant  vers  Pierre  et  ses 
compagnons  :  «  Qu'avons-nous  donc  à  faire, 
«  ô  vo'us  qui  êtes  nos  frères  ?  »  Admirable 
disposition  pour  recevoir  la  foi!  le  désir  de 
croire,  et  le  dessein  arrêté  de  conformer  ses 
actes  à  sa  croyance.  Pierre  reprend  son  dis- 
cours :  «  Repentez-vous,  leur  dit-il,  et  que 
«  chacun  de  vous  soit  baptisé  au  nom  de 
«  Jésus-Christ,  et  vous  aurez  part,  vous  aussi, 
«  au  don  du  Saint-Esprit,  La  promesse  a  été 
«  faite  pour  vous  et  pour  vos  fils  et  égale- 
«  ment  pour  ceux  qui  sont  loin,  c'est-à-dire 


2gS  Le  Temps  Pascal. 

«  les  gentils  :  en  un  mot,  pour  tous  ceux 
«  qu'appelle  le  Seigneur  notre  Dieu.  » 

A  chaque  parole  du  nouveau  Moïse,  la 
Pentecôte  juaaïque  s'efface,  et  la  Pentecôte 
chrétienne  resplendit  d'une  lumière  toujours 
plus  splendide  à  l'horizon.  Le  règne  de  l'Es- 
prit divin  est  inauguré  dans  Jérusalem,  à  la 
face  du  temple  condamné  à  s'écrouler  sur 
lui-même.  Pierre  parla  encore  ;  mais  le  livre 
sacré  des  Actes  n'a  recueilli  que  ces  paroles 
qui  retentirent  comme  le  dernier  appel  au 
salut  :  «  Sauvez-vous,  enfants  d'Israël,  sau- 
ce vez-vous  de  cette  génération  perverse.  » 

Il  fallait  rompre,  en  effet,  avec  les  siens, 
mériter  par  le  sacrifice  les  faveurs  de  la  nou- 
velle Pentecôte,  passer  de  la  Synagogue  dans 
l'Eglise.  Plus  d'un  combat  se  livfa  dans  les 
cœurs  de  ces  hommes;  mais  le  triomphe  de 
l'Esprit-Saint  fut  complet  en  ce  premier  )our. 
Trois  mille  personnes  se  déclarèrent  disci- 
ples de  Jésus,  et  furent  marquées  aujour- 
d'hui même  du  sceau  de  l'adoption.  O  Eglise 
du  Dieu  vivant,  qu'ils  sont  beaux  vos  progrès 
sous  le  souffle  du  divin  Esprit  !  D'abord  vous 
avez  résidé  en  Marie  l'immaculée,  pleine  de 
grâce  et  mère  de  Dieu;  votre  second  pas 
vous'  a  donné  les  cent  vingt  disciples  du 
Cénacle;  et  voici  que  le  troisième  vous  dote 
de  trois  mille  élus,  nos  ancêtres,  qui  vont 
bientôt  quitter  Jérusalem  la  répudiée,  et  por- 
ter dans  les  pays  d'où  ils  sont  partis  les  pré- 
mices du  peuple  nouveau.  Demain  c'est  au 
temple  même  que  Pierre  parlera,  et  à  sa 
voix  cinq  mille  personnes  se  déclareront  à 
leur  tour  disciples  de  Jésus  de  Nazareth. 
Salut  donc,  ô  Eglise,  noble  et  dernière  créa- 


Le  Saint  Jour  de  la  Pentecôte.      2gg 

tion  de  l'Esprit-Saint,  société  immortelle  qui 
militez  ici-b^s,  en  môme  temps  que  vous 
triomphez  dans  les  cieux.  O  Pentecôte,  jour 
sacré  de  notre  naissance,  vous  ouvrez  avec 
gloire  la  série  des  siècles  que  doit  parcourir 
en  ce  monde  l'Epouse  de  TEmmanuel.  Vous 
nous  donnez  l'Esprit  divin  qui  vient  écrire, 
non  plus  sur  la  pierre,  mais  dans  nos  cœurs, 
la  loi  qui  régira  les  disciples  de  Jésus.  O 
Pentecôte  promulguée  dans  Jérusalem,  mais 
qui  devez  étendre  vos  bienfaits  à  ceux  «  qui 
sont  au  loin  »,  c'est-à-dire  aux  peuples  de  la 
gentilité,  vous  venez  remplir  les  espérances 
que  nous  fit  concevoir  le  touchant  mystère 
de  l'Epiphanie.  Les  mages  venaient  de  l'O- 
rient; nous  les  suivîmes  au  berceau  de  l'En- 
fant divin,  et  nous  savions  que  notre  tour 
viendrait.  Votre  grâce,  ô  Esprit-Saint,  les 
avait  secrètement  attirés  à  Bethléhem  ;  mais 
dans  cette  Pentecôte  qui  déclare  votre  souve- 
rain empire  avec  tant  d'énergie,  vous  nous 
appelez  tous;  l'étoile  est  transformée  en  lan- 
gues de  feu,  et  la  face  de  la  terre  va  être 
renouvelée.  Puissent  nos  cœurs  conserver  les 
dons  que  vous  nous  apportez,  ces  dons  que 
le  Père  et  le  Fils  qui  vous  envoient  nous 
ont  destinés! 

L'importance  du  mystère  de  la  Pentecôte 
étant  si  principale  dans  l'économie  du  chris- 
tianisme, on  ne  doit  pas  s'étonner  que  l'E- 
glise lui  ait  assigné  dans  la  sainte  Liturgie 
un  rang  aussi  distingué  que  celui  qu'elle 
attribue  à  la  Pàque  elle-même.  La  Pâque  est 
le  rachat  de  l'homme  par  la  victoire  du 
Christ  ;  dans  la  Pentecôte  l'Esprit-Saint  prend 


3oo  Le  Temps  Pascal. 

possession  de  l'homme  racheté  ;  l'Ascension 
est  le  mystère  intermédiaire.  D'un  côté,  elle 
consomme  la  Pâque  en  établissant  l'Homme- 
Dieu,  vainqueur  de  la  mort  et  chef  de  ses 
fidèles,  à  la  droite  du  Père;  de  l'autre,  elle 
détermine  l'envoi  de  l'Esprit-Saint  sur  la 
terre.  Cet  envoi  ne  pouvait  avoir  lieu  avant 
la  glorification  de  Jésus,  comme  nous  dit 
saint  Jean  i,  et  de  nombreuses  raisons  allé- 
guées par  les  Pères  nous  aident  à  le  com- 
prendre. Il  fallait  que  le  Fils  de  Dieu,  qui 
avec  le  Père  est  le  principe  de  la  procession 
du  Saint-Esprit  dans  l'essence  divine,  envoyât 
personnellement  aussi  cet  Esprit  sur  la  terre. 
La  mission  extérieure  de  l'une  des  divines 
personnes  n'est  qu'une  suite  et  une  manifes- 
tation de  la  production  mystérieuse  et  éter- 
nelle qui  a  lieu  au  sein  de  la  divinité.  Ainsi 
le  Père  n'est  envoyé  ni  par  le  Fils  ni  par  le 
Saint-Esprit,  parce  qu'il  n'est  pas  produit  par 
eux.  Le  Fils  a  été  envoyé  aux  hommes  par 
le  Père,  étant  engendre  par  lui  éternelle- 
ment. Le  Saint-Esprit  est  envoyé  par  le  Père 
et  par  le  Fils,  parce  qu'il  procède  de  l'un 
et  de  l'autre.  Mais  pour  que  la  mission  du 
Saint-Esprit  s'accomplît  de  manière  à  donner 
plus  de  gloire  au  Fils,  il  était  juste  qu'elle 
n'eût  lieu  qu'après  l'intronisation  du  Verbe 
incarné  à  la  droite  du  Père,  et  il  était  souve- 
rainement glorieux  pour  la  nature  humaine 
qu'au  moment  de  cette  mission  elle  fût  indis- 
solublement unie  à  la  nature  divine  dans  la 
personne  du  Fils  de  Dieu,  en  sorte  qu'il  fût 


Le  Saint  Jour  de  la  Pentecôte.      3oi 

vrai  de  dire  que  l'Homme-Dieu  a  envoyé  le 
Saint-Esprit  sur  la  terre. 

Cette  auguste  mission  ne  devait  être  don- 
née à  l'Esprit  divin  que  lorsque  les  hommes 
auraient  perdu  la  vue  de  l'humanité  de 
Jésus.  Ainsi  que  nous  l'avons  dit,  il  fallait  dés- 
ormais que  les  yeux  et  les  cœurs  des  tidèles 
poursuivissent  le  divin  absent  d'un  amour 
plus  pur  et  tout  spirituel.  Or,  à  qui  appar- 
tenait-il d'apporter  aux  hommes  cet  amour 
nouveau,  sinon  à  l'Esprit  tout-puissant  qui 
est  le  lien  du  Père  et  du  Fils  dans  un  amour 
éternel?  Cet  Esprit  qui  embrase  et  qui  unit 
est  appelé  dans  les  saintes  Ecritures  le  «  don 
de  Dieu  »  ;  et  c'est  aujourd'hui  que  le  Père 
et  le  Fils  nous  envoient  ce  don  ineffable. 
Rappelons-nous  la  parole  de  notre  Emma- 
nuel à  la  femme  de  Samarie,  au  bord  du 
puits  de  Sichar.  «  Oh  !  si  tu  connaissais  le 
«  don  de  Dieu  M  »  Il  n'était  pas  descendu 
encore  ;  il  ne  se  manifestait  jusqu'alors  aux 
hommes  que  par  des  bienfaits  partiels.  A 
partir  d'aujourd'hui,  c'est  une  inondation  de 
feu  qui  couvre  la  terre  :  l'Esprit  divin  anime 
tout,  agit  en  tous  lieux.  Nous  connaissons  le 
don  de  Dieu  ;  nous  n'avons  plus  qu'à  l'accep- 
ter, qu'à  lui  ouvrir  l'entrée  de  nos  cœurs, 
comme  les  trois  mille  auditeurs  fidèles  que 
vient  de  rencontrer  la  parole  de  Pierre 

Mais  voyez  à  quel  moment  de  l'année  l'Es- 
prit divin  vient  prendre  possession  de  son 
domaine.  Nous  avons  vu  notre  Emmanuel, 
Soleil  de  justice,  s'élever  timidement  du  sein 
des   ombres   du   solstice    d'hiver   et   monter 

I.    JOHAN.    IV,    lO. 


3o2  Le  Temps  Pascal. 


d'une  course  lente  à  son  zénith.  Dans  un  su- 
blime contraste,  l'Esprit  du  Père  et  du  Fils 
a  cherche  d'autres  harmonies.  Il  est  feu,  feu 
qui  consume  ^  ;•  il  éclate  sur  le  monde  au 
moment  où  le  soleil  brille  de  toute  sa  splen- 
deur, où  cet  astre  contemple  couverte  de 
fleurs  et  de  fruits  naissants  la  terre  qu'il  ca- 
resse de  ses  rayons.  Accueillons  de  même  la 
chaleur  vivifiante  du  divin  Esprit,  et  deman- 
dons humblement  qu'elle  ne  se  ralentisse 
plus  en  nous.  A  ce  moment  de  l'Année  litur- 
gique, nous  sommes  en  pleine  possession  de 
la  vérité  par  le  \'erbe  incarné  ;  veillons  à  en- 
tretenir fidèlement  l'amour  que  l'Esprit- 
Saint  vient  nous  apporter  à  son  tour. 

Fondée  sur  un  passé  de  quatre  mille  ans 
quant  aux  figures,  la  Pentecôte  chrétienne,  le 
vrai  quinquagénaire,  est  du  nombre  des  fêtes 
instituées  par  les  Apôtres  eux-mêmes.  Nous 
avons  vu  qu'elle  partagea  avec  la  Pâque, 
dans  l'antiquité,  l'honneur  de  conduire  les 
catéchumènes  à  la  fontaine  sacrée,  et  de  les 
en  ramener  néophytes  et  régénérés.  Son  Oc- 
tave, comme  celle  de  Pâques,  ne  dépasse  pas 
le  samedi  par  une  raison  identique.  Le  bap- 
tême se  conférait  dans  la  nuit  du  samedi  au 
dimanche,  et  pour  les  néophytes  la  solennité 
de  la  Pentecôte  s'ouvrait  au  moment  même 
de  leur  baptême.  Comme  ceux  de  la  Pâque, 
ils  revêtaient  alors  les  habits  blancs,  et  ils 
les  déposaient  le  samedi  suivant,  qui  était 
compté  pour  le  huitième  jour. 

Le  moyen  âge  donna  à  la  fête  de  la  Pente- 
côte   le  grac4eux   nom  de   Pdque  des  roses; 


Le  Saint  Jour  de  la  Pentecôte.      3o3 

nous  avons  vu  celui  de  Dimanche  des  roses 
imposé  dans  les  mêmes  siècles  de  foi  au  Di- 
manche dans  l'Octave  de  l'Ascension.  La 
couleur  vermeille  de  la  rose  et  son  parfum 
rappelaient  à  nos  pères  ces  langues  enflam- 
mées qui  descendirent  dans  le  Cénacle  sur 
chacun  des  cent  vingt  disciples,  comme  les 
pétales  effeuillées  de  la  rose  divine  qui~  ré- 
pandait l'amour  et  la  plénitude  de  la  grâce 
sur  l'Eglise  naissante.  La  sainte  Liturgie  est 
entrée  dans  la  même  pensée  en  choisissant 
la  couleur  rouge  pour  le  saint  Sacrifice  du- 
rant toute  l'Octave.  Durand  de  Mende,  dans 
son  Rational  si  précieux  pour  la  connais- 
sance des  usages  liturgiques  du  moyen  âge, 
nous  apprend  qu'au  treizième  siècle,  dans 
nos  églises,  à  la  Messe  de  la  Pentecôte,  on 
lâchait  des  colombes  qui  voltigeaient  au-des- 
sus des  fidèles  en  souvenir  de  la  première 
manifestation  de  l'Esprit-Saint  au  Jourdain, 
et  que  l'on  répandait  de  la  voûte  des  étoupes 
enflammées  et  des  fleurs  en  souvenir  de  la 
seconde  au  Cénacle. 

A  Rome,  la  Station  est  dans  la  Basilique  de 
Saint-Pierre.  Il  était  juste  de  rendre  hom- 
mage au  prince  des  Apôtres  en  ce  jour  où 
son  éloquence  inspirée  par  l'Esprit-Saint  con- 
quit à  l'Eglise  les  trois  mille  chrétiens  dont 
nous  sommes  les  descendants.  Actuellement, 
la  Station  demeure  toujours  fixée  à  Saint- 
Pierre  avec  les  indulgences  qui  s'y  rappor- 
tent ;  mais  le  Souverain  Pontife  et  le  sacré 
Collège  se  rendent  pour  la  Fonction  à  la  Basi- 
lique du  Latran,  Mère  et  Chef  de  toutes  les 
églises  de  la  ville  et  du  monde. 


3o4      J-e  Saint  Jour  de  la  Pentecôte. 


A  TIERCE. 

LA  sainte  Eglise  célèbre  aujourd'hui  l'heure 
de  Tierce  avec  une  solennité  particulière, 
afin  de  se  maintenir  dans  un  rapport  plus 
intime  avec  les  heureux  habitants  du  Céna- 
cle. Elle  a  même  choisi  cette  heure,  dans 
tout  le  cours  de  l'année,  comme  la  plus  pro- 
pice pour  l'offrande  du  saint  Sacrifice,  au- 
quel préside  l'Esprit-Saint  dans  toute  la  puis- 
sance de  son  opération.  Cette  heure  de 
Tierce,  qui  répond  à  neuf  heures  du  matin 
selon  notre  manière  de  compter,  est  remar- 
quable chaque  jour  par  une  invocation  au 
Saint-Esprit  formulée  dans  une  Hymne  de 
saint  Ambroise  ;  mais  aujourd'hui  ce  n'est 
pas  l'Hymne  ordinaire  de  Tierce  que  l'Eglise 
adresse  au  divin  Paraclet  ;  c'est  le  cantique 
si  mystérieux  et  si  grandiose  que  le  ix^  siè- 
cle nous  a  légué,  en  nous  transmettant  la 
tradition  qui  donne  Charlemagne  pour  au- 
teur de  cette  œuvre  sublime. 

La  pensée  d'en  enrichir  l'Office  de  Tierce 
au  jour  de  la  Pentecôte  appartient  à  saint 
Hugues,  abbé  de  Cluny  au  xi^  siècle  ;  et  cette 
pratique  a  semblé  si  belle,  que  l'Eglise  Ro- 
maine a  fini  par  l'adopter  dans  sa  Liturgie. 
De  là  est  venu  que  dans  les  Eglises  même  où 
l'on  ne  célèbre  pas  l'Office  canonial,  on 
chante  du  moins  le  Veni  creator  avant  la 
Messe  du  jour  de  la  Pentecôte. 

A  cette  heure  si  solennelle,  aux  accents 
inspirés  de  cette  Hymne  si  tendre  à  la  fois  et 
si  imposante,  l'assemblée  des  fidèles  se  re- 
cueille; elle  adore  et  appelle  l'Esprit  divin. 


A   Tierce. 


^o5    } 


A  ce  moment,  il  plane  sur  tous  les  temples 
de  la  chrétienté,  et  descend  invisiblement 
dans  tous  les  cœurs  qui  l'attendent  avec 
ferveur.  Exprimons-lui  le  besoin  que  nous 
éprouvons  de  sa  présence,  le  suppliant  de 
demeurer  en  nous,  et  de  ne  jamais  s'en  éloi- 
gner. Montrons-lui  notre  âme  marquée  de 
son  sceau  ineffaçable  dans  le  Baptême  et  dans 
la  Confirmation;  prions-le  de  veiller  sur  son 
œuvre.  Nous  sommes  sa  propriété;  qu'il 
daigne  faire  en  nous  ce  que  nous  le  prions 
d'y  accomplir;  mais  que  notre  bouche  parle 
avec  sincérité,  et  souvenons-nous  que  pour 
recevoir  et  conserver  l'Esprit-Saint,  il  faut 
renoncer  à  l'esprit  du  monde  ;  car  le  Sei- 
gneur a  dit:  «  Nul  ne  peut  servir  deux  maî- 
«  très  '.  » 

La  première  strophe  de  cette  Hymne  vé- 
nérable se  chante  toujours  à  genoux;  on  se 
lève  ensuite,  et  l'on  chante  debout  les  stro- 
phes suivantes. 


VENEZ  ,  Esprit  Gréateur  , 
visiter  les  âmes  de  vos 
fidèles,  et  remplir  de  la  grâce 
céleste  les  cœurs  que  vous 
avez  créés. 

Vous  êtes  appelé  le  Con- 
solateur, le  Don  du  Dieu 
Très-Haut,  la  source  d'eau 
vive,  le  feu,  l'amour,  l'onction 
spirituelle. 


■\7eni,  Creator  Spiritus, 
'     Mentes  tuorum  visi- 
ta, 
Impie  superna  gratia 
Quae   tu  creasti   pectora. 

Qui    diceris    Paracli- 

tus, 
Altissimi  donum  Dei, 
Fons  vivus,    ignis,  cari- 
tas, 
Et  spiritalis  unctio. 


LE   TEMPS    PASCAL.    —    T.    III. 


3o6      Le  Saint  Jour  de  la  Pentecôte. 


Tu  septiformis  mune- 
re, 
Digitus  Patern»  dexterae, 
Tu   rite    promissum  Pa- 

Ditris, 
Sermone  ditans  guttura. 

Accende  lumen  sensi- 

bus, 
Infunde  amorem  cordi- 

bus, 
Infirma  nostri  corporis 
Virtute    firmans  perpeti. 

Hostem   repellas   lon- 

gius, 
Pacemque   dones    proti- 

nus  : 
Ductore  sic  te    praevio 
Vitemus  omne    noxium. 

Per  te  sciamus  da  Pa- 

trem, 
Noscamus  atque  Filiura, 
Teque   utriusque    Spiri- 

tum 
Credamus  omni   tempo- 


Deo  Patri  sit  gloria, 
Et  Filio,    qui   a  mortui 
Surrexit,  ac  Paraclito 
In  saeculorum  saecula. 

Amen. 


Versant  sur  nous  vos  sept 
dons,  vous  êtes  le  doigt  de  la 
main  du  Père  ;  promis  solen- 
nellement par  lui  aux  hom- 
mes, vous  venez  leur  appor- 
ter la   puissance  du  langage. 

Eclairez  nos  esprits  de 
votre  lumière,  versez  l'amour 
dans  nos  cœurs  ;  soutenez  la 
faiblesse  de  notre  corps  par 
votre  incessante  énergie. 


Repoussez  l'ennemi  loin  de 
nous  ,  hâtez-vous  de  nous 
donner  la  paix  ;  marchez  de- 
vant nous  comme  notre  chef, 
et  nous  éviterons  tout  mal. 


Faites-nous  connaitre  le 
Père  et  le  Fils  ;  donnez-nous 
la  foi  en  vous  qui  procédez 
de  l'un  et  de  l'autre. 


Gloire  soit  à  Dieu  le  Père  ! 
Gloire  soit  au  Fils  ressuscité 
des  morts  !  Gloire  au  Para- 
clet ,  dans  les  siècles  des 
siècles  ! 

Amen. 


On  continue  ensuite  l'Office  de  Tierce, 
dont  les  trois  Psaumes  se  trouvent  ci-dessus, 
page  5i. 

»-,_     c   PiRiTus  Do-  I       \k,t      I    'Esprit  du  Sei- 
'^"^'    O     mini  reple-  |      '^^^-     L      gncur   a    rem- 


A    Tierce. 


3oj 


pli  la  terre  entière,  alléluia.  1  vit   orbem  terrarum,  al- 
I  leluia. 


CAPITULE.   (Act.    II.) 


LES  jours  de  la  Pentecôte 
étant  accomplis,  et  tous 
les  disciples  se  trouvant  réu- 
nis dans  un  même  lieu,  il  se 
fit  tout  à  coup  un  grand  bruit, 
comme  d'un  vent  impétueux 
qui  venait  du  ciel,  et  qui  rem- 
plit toute  la  maison  où  ils 
étaient  assis. 

A     ,        T  'Esprit  du  Sei- 
^'      '^*     A-  gneur    a    rem- 
pli  la  terre  entière,  *   Allé- 
luia, alléluia.  L'Esprit. 

j^.  Et  lui  qui  embrasse 
toutes  choses  possède  la 
science  du  langage.  *  Allé- 
luia, alléluia. 

Gloire  au  Père.  L'Esprit 
du  Seigneur. 

f.  L'Esprit  Paraclet,  allé- 
luia. 

^.  Vous  enseignera  toutes 
choses,  alléluia. 


CUM  complerenturdies 
Pentecostes  ,  erant 
omnes  discipuli  pariter 
in  eodem  loco  ;  et  factus 
est  repente  de  cœlo  so- 
nus  tamquam  advenien- 
tis  spiritus  vehementis. 
et  replevit  totam  domum 
ubi  crant  sedentes. 

Tf.   br.    CP'RiTUs  Do- 

^  O   mini  reple- 

vit orbem  terrarum  ,  * 
Alléluia,  alléluia.  Spiri- 
tus. 

f.  Et  hoc  quod  con- 
tinet  omnia  scientiam 
habet  vocis,  *  Alléluia, 
alléluia. 

Gloria  Patri.  Spiritus 
Domini. 

i^.  Spiritus  Paraclitus, 
alléluia^ 

^.  Docebit  vos  omnia, 
alléluia. 


L'Oraison  est  la  Collecte  de  la  Uqssc,  page 
Sog. 


.^oS      Le  Saint  Jour  de  la  Pentecôte. 


A  LA   MESSE. 

LE  moment  de  célébrer  le  saint  Sacrifice  est 
arrivé.  Remplie  de  l'Esprit  divin,  l'Eglise 
va  payer  le  tribut  auguste  de  sa  reconnais- 
sance en  offrant  la  victime  qui  nous  a  mé- 
rité un  tel  don  par  son  immolation.  Déjà 
l'Introït  retentit  avec  un  éclat  et  une  mélo- 
die non  pareils.  Le  chant  grégorien  s'élève 
rarement  à  un  tel  enthousiasme.  Les  paroles 
contiennent  un  oracle  du  livre  de  la  Sagesse, 
qui  reçoit  son  accomplissement  aujourd'hui. 
C'est  l'Esprit  divin  se  répandant  sur  le 
monde,  et  comme  gage  de  sa  présence  don- 
nant aux  saints  Apôtres  la  science  de  la  parole 
dont  il  est  la  source. 


SPIRITUS  Domini  reple- 
vit  orbem  terrarum, 
alléluia  :  et  hoc  quod 
continet  omnia  ,  scien- 
tiam  habet  vocis,  allé- 
luia, alléluia,  alléluia. 

Ps.  Exsurgat  Deus,  et 
dissipentur  inimici  ejus  : 
et  fugiant  qui  oderunt 
eum  a  facie  ejus.  Gloria 
Patri.    Spiritus  Domini. 


L'Esprit  du  Seigneur  a 
rempli  la  terre  entière, 
alléluia  ;  et  lui  qui  embrasse 
toutes  choses  ,  possède  et 
communique  la  science  du 
langage,  alléluia  ,  alléluia, 
alléluia. 

Ps.  Que  Dieu  se  lève,  et 
que  ses  ennemis  soient  dissi- 
pés ;  que  ceux  qui  le  haïssent 
fuient  devant  sa  face.  Gloire 
au  Père.  L'Esprit  du  Sei- 
gneur. 


La  Collecte  nous  fournit  l'expression  de 
nos  vœux  pour  un  si  grand  jour.  Elle  nous 
avertit  en  même  temps  que  l'Esprit  divin 
nous  apporte  deux  dons  principaux  :  le  goût 
des  choses  divines  et  la  consolation  du  cœur; 


demandons  que  l'un  et  l'autre  demeurent  en 
nous,  afin  que  nous  devenions  parfaits  chré- 
tiens. 


/^  Dieu  qui  avez  éclairé 
^^  en  ce  jour  les  cœurs  des 
fidèles  par  la  lumière  du 
Saint-Esprit,  accordez-nous 
par  le  même  Esprit  de  goû- 
t3r  ce  qui  est  bien  et  de  jouir 
sans  cesse  de  la  consolation 
dont  il  est  la  source.  Par  Jé- 
sus-Christ. 


DEUS,  qui  hodiernadie 
corda  fidelium  Sanc- 
ti  Spiritus  illustratione 
docuisti  :  da  nobis  in 
eodem  Spiritu  recta  sa- 
pere,  et  de  ejus  semper 
consolatione  gaudere. 
Per  Dominum. 


Lecture  des  Actes  des  Apô- 
tres. Chap,  II. 

LES  jours  de  la  Pentecôte 
étant  accomplis,  et  tous 
les  disciples  se  trouvant  réu- 
nis dans  un  même  lieu,  il  se 
fit  tout  à  coup  un  grand 
bruit,  comme  d'un  vent  impé- 
tueux qui  venait  du  ciel,  et  qui 
remplit  toute  la  maison  où 
ils  étaient  assis.  Et  ils  virent 
apparaître  comme  des  lan- 
gues de  feu  qui  se  partagè- 
rent, et  s'arrêtèrent  sur  cha- 
cun d'eux.  Et  iJs  furent  tous 
remplis  du  Saint-Esprit,  et 
commencèrent  à  parler  diver- 
ses langues,  selon  que  le 
Saint-Esprit  leur  en  mettait 
l'expression  dans  la  bouche. 
Or,  il  y  avait  à  Jérusalem 
des  Juifs  remplis  de  religion, 
et    appartenant  à   toutes    les 


Lectio  Actuum  Aposto- 
lorum.  Cap.  ii. 

CUiM  complerentur  dies 
Pentecostes ,  erant 
omnes  discipuli  pariter 
in  eodem  loco  :  et  fac- 
tus  est  repente  de  cœlo 
sonus,  tamquam  adve- 
nientis  spiritus  vehemen- 
tis,  et  replevit  totam  do- 
mum  ubi  erant  sedentes. 
Et  apparuerunt  illis  dis- 
pertitse  linguae  tamquam 
ignis,  seditque  supra  sin- 
gulos  eorum  :  et  repleti 
sunt  omnes  Spiritu  Sanc- 
to,  et  cœperunt  loqui 
variis  linguis,  prout  Spi- 
ritus Sanctus  dabat  elo- 
Ïui  illis.  Erant  autem  in 
.  erusalem  habitantes  Ju- 
daei,  viri  religiosi  ex 
omni  natione,    quoe    sub 


3 10      Le  Saint  Jour  de  la  Pentecôte. 


cœlo  est.  Facta  autem 
hac  voce,  convenit  mul- 
titudo,  et  mente  confusa 
est,  quoniam  audiebat 
unusquisque  lingua  sua 
illos  loquentes.  Stupe- 
bant  autem  omnes,  et 
mirabantur  dicentes  : 
Nonne  ecce  omnes  isti, 
qui  loquuntur,  Galilaei 
sunt  ?  et  quomodo  nos 
audivimus,  unusquisque 
linguam  nostram,  in  qua 
nati  sumus  ?  Parthi  et 
Medi,  et  iElamitas,  et 
qui  habitant  Mesopota- 
miam,  Judaeam  et  Cap- 
padociam  .  Pontum  et 
Asiam  ,  Phrygiam  et 
Pamphyliam,  ^gyptum, 
et  partes  Libyœ  qua?  est 
circa  Cyrenen,  et  advenœ 
Romani,  Judasi  quoque. 
et  Proselyti,  Crêtes  et 
Arabes  :  audivimus  eos 
loquentes  linguis  nostris 
magnalia  Dei. 


nations  qui  sont  sous  le  ciel. 
Le  bruit  de  ce  qui  venait  de 
se  passer  s'étant    répandu,  il 
'  s'en      rassemble     un     grand 
I  nombre,     et    ils    furent    très 
I  étonnés    de   ce    que    chacun 
d'eux  les   entendait  parler  en 
I  sa    propre     langue.     Ils     en 
étaient   tous  hors  d'eux-mê- 
mes,   et   dans    leur    étonne- 
I  ment,   ils  se  disaient   les  uns 
!  aux    autres  :    Tous   ces    gens 
I  qui  nous  parlent  ne  sont-ils 
pas     Galiléens  ?     Comment 
donc  les  entendons-nous  par- 
ler chacun  la  langue  de  notre 
pays  ?  Parthes,  Mèdes,  Ela- 
mites,  ceux  d'entre  nous  qui 
habitent  la  Mésopotamie,   la 
Judée,  la  Cappadoce,  le  Pont 
et    l'Asie,   la    Phrygie   et    la 
Pamphylie,    l'Egypte    et    la 
contrée   de   la  Libye  qui  est 
proche  de    Cyrène  ;    et  ceux 
d'entre  nous  qui   sont  venus 
de  Rome,  Juifs  et  Prosélytes, 
Cretois   et  Arabes,  nous   les 
entendons   parler   chacun  en 
notre    langue    les   merveilles 
de  Dieu. 


QUATRE  grands  événements  signalent  l'exis- 
tence de  la  race  humaine  sur  la  terre, 
et  tous  les  quatre  témoignent  de  la  bonté  in- 
finie de  Dieu  envers  nous.  Le  premier  est  la 
création  de  l'homme  et  sa  vocation  à  l'état 
surnaturel,  qui  lui  donne  pour  fin  dernière 
la  vision  et  la  possession  éternelle  de  Dieu. 
Le  second  est  l'incarnation  du  Verbe  divin 
qui,  unissant  la  nature  humaine  à  la  nature 


A  la  Messe.  3ii 


divine  dans  le  Ciirist,  élève  l'être  créé  à  la 
participation  de  la  divinité,  et  fournit  en 
même  temps  la  victime  nécessaire  pour  ra- 
cheter Adam  et  sa  race  de  leur  prévarication. 
Le  troisième  événement  est  la  descente  du 
Saint-Esprit,  dont  nous  célébrons  l'anniver- 
saire en  ce  jour.  Enfin  le  quatrième  est  le 
second  avènement  du  Fils  de  Dieu  qui  viendra 
délivrer  l'Eglise  son  épouse,  et  l'emmènera  au 
ciel  pour  célébrer  avec  elle  les  noces  éternel- 
les. Ces  quatre  opérations  divines,  dont  la 
dernière  n'est  pas  accomplie  encore,  sont  la 
clef  de  l'histoire  humaine  ;  rien  n'est  en 
dehors  d'elles;  mais  l'homme  animal  ne  les 
voit  même  pas,  il  n'y  songe  pas.  «  la  lumière 
«  a  lui  dans  les  ténèbres,"^  et  les  ténèbres  ne 
«  l'ont  pas  comprise  i.  » 

Béni  soit  donc  le  Dieu  de  miséricorde  qui 
a  nous  a  appelés  des  ténèbres  à  l'admirable 
u  lumière  de  la  foi  2.  «  H  nous  a  faits  enfants 
de  cette  génération  a  qui  n'est  ni  de  la  chair 
«  et  du  sang,  ni  de  la  volonté  de  l'homme, 
ce  mais  de  Dieu  3.  »  Par  cette  grâce,  nous 
voici  aujourd'hui  attentifs  à  la  troisième  des 
opérations  divines  sur  ce  monde,  à  la  des- 
cente de  l'Esprit-Saint,  et  nous  avons  entendu 
le  récit  émouvant  de  sa  venue.  Cette  tem- 
pête mystérieuse,  ce  feu,  ces  langues,  cette 
ivresse  sacrée,  tout  nous  transporte  au  cen- 
tre même  des  divins  conseils,  et  nous  nous 
écrions:  «  Dieu  a-t-il  donc  tant  aimé  ce 
«  monde  ?  »  Jésus,  quand  il  était  avec  nous  sur 
la  terre,  nous   le  disait:  «  Oui,   Dieu    a  tant 


I.  JoHAN.  I,  5.  —  2.  î  Petr.  II,  g.  —  3.  Johan.  i, 
i3. 


3i2      Le  Saint  Jour  de  la  Pentecôte. 

V  aimé  le  monde  qu'il  lui  a  donné  son  Fils 
«  unique  K  »  Aujourd'hui  il  nous  faut  complé- 
ter cette  sublime  parole  et  dire  :  «  Le  Père 
«  et  le  Fils  ont  tant  aimé  le  monde,  qu'ils 
«  lui  ont  donné  leur  Esprit-Saint.  »  Accep- 
tons un  tel  don,  et  comprenons  enfin  ce 
qu'est  l'homme.  Le  rationalisme,  le  natura- 
lisme, prétendent  le  grandir  en  s'etforçant 
de  le  captiver  sous  le  )ougde  l'orgueil  et  de 
la  sensualité;  la  foi  chrétienne  nous  im- 
pose l'humilité  et  le  renoncement;  mais 
pour  prix  elle  nous  montre  Dieu  lui-même 
se  donnant  à  nous. 

Le  premier  Verset  alléluiatique  est  formé 
des  paroles  de  David  où  l'Esorit-Saint  est 
montré  comme  l'auteur  d'une  création  nou- 
velle, comme  le  rénovateur  de  la  terre.  Le 
second  est  la  touchante  prière  par  laquelle 
la  sainte  Eglise  appelle  sur  ses  enfants  l'Es- 
prit d'amour.  On  la  chante  toujours  à  ge- 
noux. 

ALLELUIA,  alléluia. 

î^.  Einitte  Spiritum 
tuum,  et  creabuntur  :  et 
renovabis    faciem  terr.t. 


Alléluia. 

f.  Veni,  Sancte  Spi- 
ritus,  reple  tuorum  cor- 
da fidelium  :  et  tui  amo- 
ris  in  eis  ignetn  accende. 


A  LLELUiA,  alléluia. 

f.  Envoyez  votre  Esprit, 
et  une  création  nouvelle  s'o- 
pérera, et  vous  renouvellerez 
It  face  de  la  terre. 

Alléluia. 

f.  Venez,  ô  Esprit-Saint, 
remplissez  les  cœurs  de  vos 
fidèles  ,  et  allumez  en  eux  le 
feu  de  votre  amour. 


Vient   ensuite    la    Séquence,   œuvre   d'en- 
thousiasme et  en  même  temps   d'une  inelîa- 

I.  JOHAN.  m,  i6. 


A  la  Messe. 


3i3 


ble  tendresse  pour  celui  qui  vit  et  règne  éter- 
nellement dans  la  société  du  Père  et  du  Fils, 
et  qui  va  désormais  établir  son  empire,  dans 
nos  cœurs.  Cette  pièce  est  de  la  fin  du 
xii"  siècle,  et  on  l'attribue,  avec  vraisem- 
blance, au  grand  Pape  Innocent  III. 


SEQUENCE. 

VENEZ,  ô  Esprit-Saint,  et 
lancez  sur  nous  du  haut 
du  ciel  un  rayon  de  votre 
lumière. 


Venez,  père  des  pauvres  ; 
venez,  distributeur  des  dons; 
venez,  lumière  des  âmes. 

Vous  êtes  le  consolateur 
rempli  de  bonté,  l'hôte  bien- 
veillant de  nos  âmes,  leur 
aimable  rafraîchissement. 

Dans  le  labeur,  vous  êtes 
notre  repos  ;  notre  abri  dans 
les  ardeurs  brûlantes,  notre 
consolation  dans  les   pleurs. 

O  lumière  heureuse  et  ché- 
rie, remplissez  de  vos  clartés 
les  cœurs  de  vos  fidèles  jus- 
qu'au plus  intime. 

Si  votre  divin  secours  n'ar- 
rive pas  à  l'homme,  il  n'est 
rien  en  lui  qui  ne  puisse  lui 
devenir  nuisible. 

Lavez  nos  souillures,  arro- 
sez nos  sécheresses,  guéris- 
sez nos  blessures. 


■y/  ENi,  Sancte  Sçiritus, 
'      Et  emitte  cœlitus 
Lucis  tuae  radium. 


Veni  pater  pauperum, 
Veni  dator  munerum, 
Veni  lumen  cordium. 

Consolator  optime, 
Dulcishospes  animae, 
Dulce  refrigerium. 


In  labore  requies, 
In  sestu  temperies. 
In  fletu  solatium. 


O  lux  beatissima, 
Rcple  cordis  intima 
Tuorum  fidelium. 


Sine  tuo  numine, 
Nihil  est  in  homine, 
Nihil  est  innoxium. 


Lava   quod   est    sordi- 
dum, 
Riga  quod  est  aridum. 
Sana  quod  est  saucium. 


Flcctc  quod   est    rigi- 
dutn, 
Fove  quod  est  frigidum, 
Rege  quod   est   devium. 

Da  tuis  fidelibus, 
In  te  confidentibus, 
Sacrum  Septenarium. 

Da   virtutis    meritum, 
Da  salutis  exitum, 
Da  perenne  gaudium. 

Amen.  Alléluia. 


Pliez  ce  qui  se  roidit  en 
nous,  échaufrez  notre  froi- 
deur, redressez  nos  pas  qui 
s'égarent. 

Répandez  vos  sept  Dons 
sur  vos  fidèles,  qui  mettent 
en  vous  toute  leur  confiance. 

Accordez-leur  le  mérite  de 
la  vertu,  l'heureuse  issue  du 
salut,  et  enfin  les  joies  éter- 
nelles. 

Amen.  Alléluia. 


EVANGILE. 


Sequentia  sancti  Evan- 
gelii  secundum  Johan- 
nem.  Cap.  xiv. 

IN  illo  tempore  :  Dixit 
Jésus  discipulis  suis  : 
Si  quis  diligit  me,  ser- 
monemmeumservabit,  et 
Pater  meus  diliget  eum, 
et  ad  eum  veniemus,  et 
mansionem  apud  eum  fa- 
ciemus  :  qui  non  diligit 
me,  sermones  meos  non 
serva..  Et  sermonem 
quem  audistis,  non  est 
meus  :  sed  ejus  qui  rnisit 
me,  Patris.  Haec  locutus 
sum  vobis,  apud  vos  ma- 
nens  ;  Paraclitus  autem 
Spiritus  Sanctus,  quem 
mittet  Pater  in  nomine 
meo,  ille  vos  docebit  om- 
nia,  et  suggeret  vobis 
omnia  quaecumque  dixero 
vobis.     Pacera    relinquo 


La    suite   du   saint   Evangile 
selon    saint    Jean.     Chap. 

XIV. 

EN  ce  temps-là,  Jésus  dit  à 
ses  disciples  :  Si  quel- 
qu'un m'aime,  il  gardera  ma 
parole  ;  et  mon  Père  l'ai- 
mera, et  nous  viendrons  à 
lui,  et  nous  ferons  en  lui  no- 
tre demeure.  Celui  qui  ne 
m'aime  pas,  ne  garde  pas 
mes  paroles;  et  la  parole  que 
vous  avez  entendue  n'est  pas 
ma  parole,  mais  celle  de  mon 
Père  qui  m'a  envoyé.  Je 
vous  ai  dit  ceci,  demeurant 
encore  avec  vous  ;  mais  le 
Paraclet,  l'Esprit-Saint  que 
le  Père  enverra  en  mon  nom, 
vous  enseignera  toutes  cho- 
ses, et  vous  rappellera  tout 
ce  que  je  vous  ai  dit.  Je 
vous  laisse  la  paix,  je  vous 
donne  ma   paix.    Je   vous   la 


A  la  Messe. 


3i5 


donne,  non  comme  le  monde 
la  donne.  Que  votre  cœur  ne 
se  trouble  point  et  ne  s'effraie 
point.  Vous  avez  entendu 
que  je  vous  ai  dit  :  Je  m'en 
vais,  et  je  reviens  à  vous.  Si 
vous  m'aimez,  vous  vous  ré- 
jouirez de  ce  que  je  vais  au 
Père;  parce  que  le  Père  est 
plus  grand  que  moi.  Je  vous 
le  dis  maintenant,  avant  que 
cela  arrive,  afin  que  quand 
ce  sera  arrivé,  vous  croyiez. 
Je  ne  vous  parlerai  plus 
beaucoup  ;  car  le  Prince  de 
ce  monde  vient,  et  il  n'a  rien 
en  moi  qui  soit  à  lui  ;  mais 
c'est  afin  que  le  monde 
connaisse  que  j'aime  le  Père, 
et  que,  selon  le  commande- 
ment que  le  Père  m'a  donné, 
ainsi  je  fais. 


vobis,  pacem  meam  do 
vobis  :  non  quomodo 
mimdus  dat  ego  do  vobis. 
Non  turbetur  cor  ves- 
trum,  neque  formidet. 
Audistis  quia  ego  dixi 
vobis  :  V'ado  et  venio  ad 
vos.  Si  diligeretis  me, 
gauderetis  utique,  quia 
vado  ad  Patrem  :  quia 
Pater  major  me  est.  Et 
nunc  dixi  vobis  prius- 
quam  fiât  :  ut  quum  fa- 
ctum  fuerit  ,  credatis. 
Jam  non  multa  loquar 
vobiscum.  Venit  enim 
Princeps  mundi  hujus.  et 
in  me  non  habet  quid- 
quam.  Sed  ut  cognoscat 
mundus  quia  diligo  Pa- 
trem, et  sicut  mandatum 
dédit  mihi  Pater,  sic  fa- 


T  Avenue  de  l'Esprit-Saint  n'est  pas  seule- 
*-  ment  un  événement  qui  intéresse  la  race 
humaine  considérée  en  général  ;  chaque 
homme  est  appelé  à  recevoir  cette  même  visite 
qui  aujourd'hui  «  renouvelle  la  face  de  la 
«  terre  entière  '.  «Le  dessein  miséricordieux 
dusouverain  Seigneur  de  toutes  choses  s'étend 
jusqu'à  vouloir  contracter  une  alliance  indivi- 
duelle avec  chacun  de  nous.  Jésus  ne  de- 
mande de  nous  qu'une  seule  chose  :  il  veut 
que  nous  l'aimions  et  que  nous  gardions  sa 
parole.  A  cette  condition,  il  nous  promet  que 
son  Père  nous  aimera,    et  viendra    avec    lui 

I.  Psalm.  cm,  3o. 


3i6      Le  Saint  Jour  de  la  Pentecôte. 


habiter  notre  âme.  Mais  ce  n'est  pas  tout 
encore.  Il  nous  annonce  la  venue  de  l'Esprit- 
Saint,  qui  par  sa  présence  complétera  l'ha- 
bitation de  Dieu  en  nous.  L'auguste  Trinité 
tout  entière  se  fera  comme  un  nouveau  ciel 
de  cette  humble  demeure,  en  attendant  que 
nous  soyons  transportés  après  cette  vie  au 
séjour  même  où  nous  contemplerons  l'hôte 
divin,  Père,  Fils  et  Saint-Esprit,  qui  a  tant 
aimé  sa  créature  humaine. 

Jésus  nous  enseigne  encore  dans  ce  pas- 
sage, tiré  du  discours  qu'il  adressa  à  ses  dis- 
ciples après  la  Cène,  que  le  divin  Esprit  qui 
descend  sur  nous  aujourd'hui  est  envoyé  par 
le  Père,  mais  par  le  Père  ce  au  nom  du  Fils  »  ; 
de  même  que  dans  un  autre  endroit  Jésus  dit 
que  «  c'est  lui-même  qui  enverra  l'Esprit- 
Saint  t  ».  Ces  diverses  manières  de  s'exprimer 
ont  pour  but  de  nous  révéler  les  relations  qui 
existent  dans  la  Trinité  divine  entre  les  deux 
premières  personnes  et  le  Saint-Esprit.  Ce  di- 
vinEspritestdu  Père,  mais  il  est  aussi  du  Fils  ; 
c'est  le  Père  qui  l'envoie  ;  mais  le  Fils  l'en- 
voie aussi;  car  il  procède  de  l'un  et  de  l'au- 
tre comme  d'un  même  principe.  En  ce  grand 
jour  de  la  Pentecôte,  notre  reconnaissance 
doit  donc  être  la  même  envers  le  Père  qui 
est  la  Puissance,  et  envers  le  Fils  qui  est  la 
Sagesse  ;  car  le  don  qui  nous  arrive  du  ciel 
vie'nt  de  tous  les  deux.  Eternellement  le 
Père  a  engendré  son  Fils,  et  quand  la  pléni- 
tude des  temps  fut  venue,  il  l'a  donné  aux 
hommes  pour  être  dans  la  nature  humaine 
leur   médiateur   et   leur   sauveur  ;  éternelle- 

I.  JOHAN.  XV, 


A  la  Messe.  3iy 


ment  le  Père  et  le  Fils  ont  produit  l'Esprit- 
Saint,  et,  à  l'heure  marquée,  ils  l'ont  envoyé 
ici-bas  pour  être  dans  les  hommes  le  prin- 
cipe d'amour,  comme  il  l'est  entre  le  Père 
et  le  Fils.  Jésus  nous  enseigne  que  la  mis- 
sion de  l'Esprit  est  postérieure  à  la  sienne, 
parce  qu'il  a  fallu  que  les  hommes  fussent 
d'abord  initiés  à  la  vérité  par  celui  qui  est 
la  Sagesse.  En  effet,  ils  n'auraient  pu  aimer 
ce  qu'ils  ne  connaissaient  pas.  Mais  lorsque 
Jésus  a  consommé  son  œuvre  tout  entière, 
qu'il  a  fait  asseoir  son  humanité  sur  le  trône 
de  Dieu  son  Père,  de  concert  avec  le  Père, 
il  envoie  l'Esprit  divin  pour  conserver  en 
nous  cette  parole  qui  est  «esprit  et  vie  i  »,  et 
qui  est  en  nous  la  préparation  de  l'amour. 

L'Offertoire  est  formé  des  paroles  du 
Psaume  lxvii,  où  David  prophétise  l'arrivée 
de  l'Esprit  dont  la  mission  est  de  confirmer 
ce  que  Jésus  a  opéré.  Le  Cénacle  efface  tou- 
tes les  splendeurs  du  temple  de  Jérusalem: 
désormais  il  n'y  aplus  que  l'Eglise  catholique 
qui  recevra  bientôt  dans  son  "sein  les  rois  et 
les  peuples. 


OFFERTOIRE. 


C)NF1RMEZ,  o  Dieu,  ce  que 
vous  avez  opéré  en  nous  ; 
dans  votre  temple  qui  est  à 
Jérusalem,  les  rois  vous  pré- 
senteront leurs  offrandes,  al- 
léluia. 


CONFIRMA  hoc  DeUS, 
quod  operatus  es  in 
nobis  :  a  tempio  tuo, 
quod  est  in  Jérusalem, 
tibi  offerent  reges  mu- 
nera,  alléluia. 


En  présence  des  dons  sacrés  qui   vont  être 

I.  JOHAN.  VI    64. 


3 iS      Le  Saint  Jour  de  la  Pentecôte. 

offerts  et  qui  reposent  sur  l'autel,  l'Eglise, 
dans  la  Secrète,  demande  que  la  venue  du 
divin  Esprit  soit  pour  les  fidèles  un  feu  qui 
consume  leurs  souillures,  et  une  lumière  qui 
éclaire  leur  esprit  par  une  plus  complète 
intelligence  des  enseignements  du  Fils  de 
Dieu. 


MUNERA,  quaesumus 
Domine,  oblata  sanc- 
tifica  :  et  corda  nostra 
Sancti  Spiritus  illustra- 
tioneemunda.  Per  Domi- 
num. 


DAIGNEZ.  Seigneur,  sanc- 
tifier les  dons  qui  vous 
sont  offerts,  et  purifiez  nos 
cœurs  en  leur  envoyant  la 
lumière  du  Saint-Esprit.  Par 
Jésus-Christ. 


VERE  dignum  et  jus- 
tum  est,  a?quum  et 
salutare,  nos  tibi  semper, 
et  ubique  gratias  agere  : 
Domine  sancte,  Pater 
omnipotens.  a  t  e  r  n  e 
Deus  :  per  Christum  Do- 
minum  nostrum  ;  qui  as- 
cendens  super  omnes 
cœlos,  sedensque  ad  dex- 
teram  tuam,  promissum 
Spiritum  Sanctum  ho- 
dierna  die  in  filios  adop- 
tionis  effudit.  Quapro- 
pter  profusis  gaudiis, 
totus  in  orbe  terrarum 
mundus  exsultat.  Sed  et 
supernffi  Virtutes,  aique 
angelicœ  Potes  ta  tes, 
hymnura  gloriae  tua;  con- 
cinunt,  sine  fine  dicentes  : 
Sanctus,  Sanctus,  Sanc- 
tus. 


OUI,  c'est  une  chose  digne 
et  juste,  équitable  et 
salutaire,  que  nous  vous 
rendions  grâces,  toujours  et 
en  tous  lieux,  Seigneur  snint. 
Père  tout-puissant,  Dieu 
éternel  ;  par  Jésus-Christ 
notre  Seigneur  :  qui  étant 
monté  au  delà  de  tous  les 
cieux  et  s'étant  assis. à  votre 
droite,  répand  aujourd'hui 
sur  les  enfants  de  l'adoption 
l'Esprit-Saint  qu'il  avait  pro- 
mis. Sa  venue  excite  un  trans- 
port universel  de  joie,  et  la 
race  humaine  se  livre  à  l'al- 
légresse sur  toute  la  surface 
de  la  terre,  en  même  temps 
que  les  Vertus  célestes  et  les 
Puissances  angéliques  chan- 
tent l'hymne  à  votre  gloire, 
répétant  sans  fin  :  Saint  1 
Saint  !  Saint  ! 


A  la  Messe. 


3ig 


L'Antienne  de  la  Communion  célèbre  par 
les  paroles  du  texte  sacré  le  moment  de  l'a- 
vènement de  l'Esprit  divin.  Le  Seigneur  Jésus 
s'est  donné  à  ses  fidèles  dans  l'aliment  eu- 
charistique ;  mais  c'est  l'Esprit  qui  les  a  pré- 
parés à  une  telle  faveur,  lui  qui  a  changé 
sur  l'autel  le  pain  et  le  vin  en  le  corps  et  le 
sang  de  la  victime  sainte,  lui  qui  les  aidera 
à  conserver  en  eux  l'aliment  sacré  qui  garde 
les  âmes  pour  la  vie  éternelle. 

COMMUNION. 


IL  se  fit  tout  à  coup  un 
grand  bruit,  comme  d'un 
vent  impétueux  qui  venait 
du  ciel,  dans  le  lieu  où  ils 
étaient  assis,  alléluia.  Ils 
furent  tous  remplis  du  Saint- 
Esprit,  et  publièrent  les  mer- 
veilles de  Dieu,  alléluia,  al- 
léluia. 


FACTUS  est  repente  de 
coelo  sonus,  tamquam 
advenientis  spiritus  vehe- 
mentis,  ubi  erant  seden- 
tes,  alléluia  :  et  repleti 
sunt  omnes  Spiritu  Sanc- 
to,  loquentes  magnalia 
Dei,  alléluia,  alléluia. 


Mise  en  possession  de  son  Epoux  par  le 
sacré  Mystère,  l'Eglise,  dans  la  Postcommu- 
nion, implore  po'ur  ses  fidèles  la  perma- 
nence de  l'Esprit-Saint  dans  leurs  âmes,  en 
même  temps  qu'elle  nous  révèle  une  des 
prérogatives  de  ce  divin  Esprit,  qui,  trouvant 
nos  âmes  arides  et  incapables  de  fructifier  par 
elles-mêmes,  se  transforme  en  rosée  pour  les 
féconder. 


POSTCOMMUNION. 


FAITES.  Seigneur,  que  l'Es- 
prit-Saint se  répande  dans 
nos  cœurs,  qu'il  les  purifie,  et 
que  les  pénétrant  de  sa  rosée 


S 


ANCTi    Spiritus,    Do- 


mundet  infusio  :    et    sui 
roris    intima    aspersione 


320      Le  Saint  Jour  de  la  Pentecôte. 


fœcundet.  Per  Dominum.  1  mystérieuse,   il  leur  donne  la 
I  fécondité.   Par  Jésus-Christ. 


A  SEXTE. 

T  'Hymne  et  les  trois  Psaumes  dont  se  com- 
^  pose  l'Office  de  Sexte,  se  trouvent  ci- 
dessus,  page  56. 

Lsfurent  tous  rem- 


Ant.    R^ 


EPLETI      SUnt 

omnes  Spi- 
ritu  Sancto,  et  cœperunt 
loqui,   alléluia. 


»  1   LSiurent  tous  rem- 

^^^-   1    plis  du  Saint-Es- 
prit,   et  ils   commencèrent 
parier,   alléluia. 


CAPITULE.   {Act.   II.) 


FACTA  autem  hac  voce, 
convenit  multitudo, 
et  mente  confusa  est,  quo- 
niam  audicbat  unusquis- 
que  lingua  sua  illos  lo- 
quentes. 


„    ,      CPIRITUS     Pa- 

^  ^''-  O  raclitus.  * 
Alléluia,  alléluia.  Spiri- 
tus. 

f.  Docebit  vos  omnia. 
*  Alléluia,  alléluia. 

Gloria  Patri.  Spiritus. 

f.  Repleti  sunt  omnes 
Spiritu  Sancto,   alléluia. 

^.  Et  cœperunt  loqui, 
alléluia. 

L'Oraison  est  la  C< 
dessus,  page  3 09. 


LE  bruit  de  ce  qui  vemait  de 
se  passer  s'étant  répandu, 
il  se  rassembla  un  grand 
nombre  de  gens,  et  ils  furent 
très  étonnés  de  ce  que  cha- 
cun d'eux  les  entendait  parler 
en  sa  propre  langue. 

A     ,       1  'Esprit  Paraclet, 
RI-  t>r.    L  •   Alléluia,  allé- 
luia. L'Esprit. 

f.  Vous  enseignera  toutes 
choses.  *  Alléluia,  alléluia. 
Gloire  au  Père.  L'Esprit. 

j^.  Ils  furent  tous  remplis 
du  Saint-Esprit,  alléluia. 

^.  Et  ils  commencèrent  à 
parler,   alléluia. 

)llecte   de  la  Messe,  ci 


A  None. 


32  1 


A  NONE. 

L'Hymne  et  les  Psaumes,  ci-dessus,  pageôi. 


Ant    1     ES  Apôtres  racon- 
•  *-    taient  en  diverses 
langues     les     merveilles     de 
Dieu,  alléluia,  alléluia,  allé- 
luia. 


Amt     Î     oquebantur 
^^^'    ^     variis     lin- 
guis  Apostoli    magnalia 
Dei,     alléluia,     alléluia, 
alléluia. 


CAPITULE.    (Act.  .1.") 


luiFS  aussi  et  prosélytes, 
*'  Cretois  et  Arabes,  nous 
les  avons  entendus  raconter 
chacun  en  notre  langue  les 
merveilles  de   Dieu. 

_    ,     T  LS  furent  tous  rem- 

^-  ^'^^  '■  plis  du  Saint-Es- 
prit, *  Alléluia,  alléluia.  Ils 
furent  tous  remplis. 

j^.  Et  ils  commencèrent  à 
parler.  *  Alléluia,  alléluia. 

Gloire  au  Père.  Ils  furent 
tous    remplis. 

f.  Les  Apôtres  racontaient 
en  diverses  langues,  alléluia, 

ft.  Les  merveilles  de  Diea, 
alléluia. 


JUD.EI  quoque   et   pro- 
selyti,  Crêtes  et  Ara- 
bes,   audivimus    eos    lo- 
quentes     nostris    linguis 
magnalia  Dei. 


>..R 


EPLETI  sunt 
omnes  Spi- 
ritu  Sancto,  *  Alléluia, 
alléluia,  Repleti  sunt. 

j^.  Et  cœperunt  loqui. 
*  Alléluia,  alléluia. 

Gloria  Patri.  Repleti 
sunt. 

f.  Loquebantur  variis 
linguis  Apostoli,  allé- 
luia, 

]S|.  Magnalia  Dei,  allé- 
luia. 


L'Oraison  ci-dessus,  page  309. 


LE   TEMPS   PASCAL, 


322      Le  Saint  Jour  de  la  Pentecôte. 


A  VÊPRES. 

f  A  grande  journée  avance  dans  son  cours, 
L  et  remplis  du  Saint-Esprit  comme  nous 
l'avons  été  à  l'heure  de  Tierce,  nous  ne  pou- 
vons nous  détacher  du  sublime  spectacle 
dont  Jérusalem  est  témoin.  Du  cœur  des 
saints  Apôtres  le  feu  divin  a  passé  dans  la 
foule  qui  les  entoure.  Le  regret  d'avoir  cru- 
cifié «  le  Seigneur  de  gloire  i  »  a  dompté 
l'orgueil  juif  dans  ces  ^hommes  qui  avaient 
accompagné  la  victime  de  leurs  clameurs  et 
de  leurs  malédictions  sur  la  Voie  douloureuse. 
Que  leur  manque-t-il  maintenant  pour  être 
chrétiens  ?  Connaître  et  croire,  puis  être  bap- 
tisés. Du  milieu  du  tourbillon  de  l'Esprit- 
Saint  qui  les  enveloppe,  !a  voix  de  Pierre  et 
de  ses  frères  retentit:  a  Celui  qui  a  souffert 
«  sur  la  croix  et  qui  est  ressuscité  d'entre  les 
0  morts  est  le  propre  Fils  de  Dieu  engendré 
«  éternellement  du  Père;  l'Esprit  quisema- 
«  nifeste  en  ce  moment  est  la  troisième  per- 
«  sonne  dans  l'unique  et  divine  essence.  > 
La  Trinité,  Tlncarnation,  la  Rédemption, 
resplendissent  aux  yeux  de  ces  disciples  de 
Moïse,  les  ombres  s'effacent  et  font  place  au 
jour  radieux  de  la  nouvelle  alliance.  Il  est 
temps  que  s'accomplisse  la  parole  de  Jean- 
Baptiste  au  bord  du  Jourdain,  cette  parole 
dont  plusieurs  des  assistants  ont  gardé  mé- 
moire. «  Au  milieu  de  vous  est  quelqu'un  que 
«  vous  ne  connaissez  pas,  dont  je  ne  suis  pas 
«  même   digne  de  délier  la   chaussure.  Moi, 

I.  I  Cor.  II,  8. 


A   Vêpres.  323 

«  je  vous  baptise  dans  l'eau  ;  mais  lui  vous 
«  baptisera  dans  le  Saint-Esprit  et  dans  le 
«  feu  ^  D 

Toutefois  ce  baptême  de  feu,  c'est  par  l'eau 
qu'il  doit  s'administrer.  L'Esprit  qui  est  feu 
opère  par  l'eau,  et  il  est  appelé  lui-même 
«  la  fontaine  d'eau  vive  d.  L'antique  prophète 
Ezéchiel  avait  salué  de  loin  cette  heure  so- 
lennelle, lorsqu'il  rendait  en  ces  termes  l'o- 
racle divin  :  «  Voici  que  je  répandrai  sur  vous 
«  une  eau  pure,  et  vous  serez  lavés  de  toutes 
«  vos  souillures,  et  je  vous  purifierai  de  tou- 
«  tes  vos  idoles.  Et  je  vous  donnerai  un 
«  cœur  nouveau,  et  je  placerai  au  milieu  de 
«  vous  un  esprit  nouveau.  Et  j'ôterai  de  votre 
«  poitrine  votre  cœur  de  pierre,  et  je  vous 
«  donnerai  un  cœur  de  chair.  Et  je  placerai 
«  mon  Esprit  au  milieu  de  vous,  et  je  vous 
«  ferai  marcher  dans  la  voie  de  mes  com- 
«  mandements.  Et  vous  garderez  ma  loi 
«  sainte;  et  vous  serez  mion  peuple,  et  je  serai 
«  votre  Dieu  -.  » 

La  prophétie  était  claire,  et  l'heure  à  la- 
quelle l'Esprit  arrivait  était  la  même  où  l'eau 
allait  couler.  Cet  élément  sur  lequel  planait 
l'Esprit  divin  à  la  première  origine  de  ce 
monde,  nous  l'avons  vu,  dans  l'Epiphanie, 
recevoir  au  Jourdain  le  contact  de  la  chair 
sacrée  du  Verbe  incarné,  et  la  céleste  colombe 
unir  son  action  sanctifiante  à  celle  du  Fils 
de  Dieu.  Récemment  nous  vîmes  la  main 
du  Pontife,  au  Samedi  saint,  dans  la  con- 
sécration de  la  fontaine  baptismale,  plonger 
le  cierge,   type  du   Christ,  dans   les  eaux,  et 

J.   JOHAN.  I,  26.  —   2.    EZECH.  XXXVI.  25-28. 


324      L^  Saint  Jour  de  la  Pentecôte. 

nous  l'entendîmes  faire  cette  prière  :  «  Qu'elle 
((  descende  dans  cette  fontaine,  la  grâce  et  la 
«  vertu  de  l'Esprit-Saint!  »  Aujourd'hui  la 
source  purifiante  répand  ses  eaux  dans  Jéru- 
salem; la  main  de  Pierre  et  celles  de  ses  frè- 
res plongent  dans  l'élément  sacré  ces  fils 
d'Israël,  et  trois  mille  hommes  ont  relevé  un 
front  chrétien  et  régénéré.  Qu'ils  sont  beaux, 
ces  ancêtres  de  notre  foi,  en  qui  nous  véné- 
rons les  prémices  de  l'accomplissement  des 
prophéties!  Plus  beaux  encore  que  les  trois 
Maçes  que  nous  vîmes  autrefois  avec  tant 
de  )oie  descendre  de  leurs  chameaux  et  pé- 
nétrer dans  retable,  pour  déposer  aux  pieds 
du  divin  Roi  des  Juifs  les  offrandes  mystiques 
de  l'Orient.  Maintenant  toute  la  série  des 
mystères  est  accomplie  ;  nous  sommes  rache- 
tés, Jésus  est  assis  à  la  droite  de  son  Père, 
et  l'Esprit  divin,  envoyé  par  lui,  vient  de 
nous  arriver,  et  il  doit  demeurer  avec  nous 
jusqu'à  la  fin  des  siècles.  Voilà  pourquoi  les 
sources  des  Sacrements  sont  ouvertes.  A 
cette  heure,  l'Esprit  du  Père  et  du  Fils  a 
levé  le  premier  des  sceaux,  et  l'eau  baptis- 
male coule  pour  ne  plus  s'arrêter  dans  son 
cours,  jusqu'à  ce  qu'elle  ait  régénéré  le  der- 
nier des  chrétiens  qui  doit  passer  sur  cette 
terre.  Mais  le  divin  Esprit  est  le  «  Don  du 
Dieu  Très-Haut  f)  ;  les  saints  Apôtres  sont  en 
possession  de  ce  don  fait  aux  hommes  :  ils 
ne  doivent  pas  le  retenir  pour  eux.  Un  se- 
cond sceau  est  donc  levé,  et  le  sacrement  de 
Confirmation  fait  descendre  sur  les  néophy- 
tes l'Esprit  qui  a  éclaté  dans  le  Cénacle.  Par 
la  vertu  qui  est  en  eux,  Pierre  et  ses  frères, 
pontifes  de  la   loi   nouvelle,   communiquent 


A   Vêpres. 


325 


à  ces  hommes,  dans  le  Saint-Esprit,  la  force 
divine  qui  leur  sera  désormais  nécessaire 
pour  confesser  ce  Jésus  de  Nazareth  dont  ils 
sont  pour  jamais  les  heureux  membres. 

Mais  ils  ne  sont  pas  assez  divinisés  encore, 
ces  nouveau-nés  à  la  grâce  céleste,  marqués 
déjà  d'un  double  caractère;  il  leur  reste  à 
communier  au  Christ,  au  divin  instituteur 
des  Sacrements,  au  médiateur  et  rédemp- 
teur qui  a  réuni  Dieu  et  l'homme.  Il  faut 
qu'un  troisième  sceau  soit  levé,  que  le  sacer- 
doce nouveau  agissant  pour  la  première  fois 
par  les  Apôtres,  produise  Jésus,  le  Pain  de 
vie,  et  que  cette  multitude  saintement  affa- 
mée goûte  cette  manne  qui  ne  nourrit  pas 
seulement  le  corps  comme  celle  du  désert, 
«  mais  qui  donne  la  vie  au  monde  k  »  L'au- 
guste Cénacle,  tout  embaumé  encore  du  sou- 
venir de  la  merveille  que  le  Christ  y  opéra  la 
veille  de  sa  Passion,  revoit  le  sublime  pro- 
dige dont  il  fut  témoin.  Entouré  de  ses  frè- 
res, Pierre  consacre  le  pain  et  le  vin  par  les 
paroles  divines  que  sa  bouche  n'avait  pas  pro- 
noncées encore,  et  l'opération  de  l'Esprit  d'a- 
mour produit  entre  ses  mains  le  corps  et  le 
san^de  Jésus.  Le  Sacritice  nouveau  est  inau- 
guré, et  désormais  il  sera  offert  chaque  jour 
jusqu'à  la  consommation  des  siècles.  Les  néo- 
phytes s'approchent,  et  par  les  mains  des 
saints  Apôtres  ils  entrent  en  possession  de 
l'aliment  céleste  qui  consomme  leur  union 
avec  Dieu,  par  Jésus  Pontife  éternel  selon 
l'ordre  de  Melchisédech. 
.  Mais  n'oublions  pas  en  ce  grand  jour,  à  ce 


I.   JOHAN.  VI,  33. 


320      Le  Saint  Jour  de  la  Pentecôte. 

premier  Sacrifice  offert  par  Pierre,  assisté  de 
ses  collègues  dans  l'apostolat,  la  participation 
de  Marie  à  cette  chair  divine  dont  son  sein 
virginal  a  été  la  source.  Embrasée  des  feux 
de  l'Esprit-Saint  qui  est  venu  confirmer  en 
elle  cette  maternité  à  l'égard  des  hommes  que 
Jésus  lui  confia  sur  la  croix,  elle  s'unit  dans 
le  mystère  d'amour  à  ce  fils  bicn-aimé  qui 
s'en  est  allé  aux  cieux,  et  qui  l'a  chargée  de 
veiller  sur  son  Eglise  naissante.  Désormais  le 
Pain  de  vie  lui  rendra  son  fils  chaque  jour, 
jusqu'à  ce  qu'elle-même  soit  enlevée  à  son 
tour  dans  les  cieux  pour  jouir  éternellement 
de  sa  vue,  recevoir  ses  caresses  et  lui  prodi- 
guer les  siennes. 

Quel  ne  fut  pas  le  bonheur  de  ceux  des 
néophytes  auxquels  il  fut  donné,  en  cette 
heureuse  journée,  d'approcher  d'une  si  au- 
£;uste  reine,  de  la  Vierge-Mère,  à  qui  il  avait 
été  donné  de  porter  dans  ses  chastes  flancs 
celui  qui  était  l'espérance  d'Israël  !  Ils  con- 
templèrent les  traits  de  la  nouvelle  Eve,  ils 
entendirent  sa  voix,  ils  éprouvèrent  le  senti- 
ment filial  qu'elle  inspire  à  tous  les  disciples 
de  Jésus.  Dans  une  autre  saison,  la  sainte  Li- 
turgie nous  parlera  de  ces  hommes  fortunés; 
nous  ne  rappelons  en  ce  moment  leur  bon- 
heur que  pour  montrer  combien  fut  grande 
et  complète  cette  journée  qui  vit  le  commen- 
cement de  la  sainte  Eglise.  La  hiérarchie 
sacrée  apparut  dans  Pierre,  Vicaire  du  Christ, 
dans  les  Apôtres  ses  frères,  dans  les  disciples 
choisis  par  Jésus  lui-même.  La  semence  de  la 

Parole  divine  fut   jetée  dans   la  bonne  terre, 
eau  baptismale    régénéra  l'élite  des  enfants 
d'Israël,  l'Esprit-Saint  leur  fut  communiqué 


A   Vêpres. 


327 


dans  sa  force,  le  Verbe  divin  les  nourrit  de 
sa  chair  qui  est  vraiment  une  nourriture  et 
de  son  sangqui  est  vraiment  un  breuvage  i,  et 
Marie  les'  reçut  à  leur  nouvelle  naissance 
dans  ses  bras  maternels. 

Unissons-nous  maintenant  à  la  sainte  E- 
glise,  et  chantons  avec  elle  les  louanges  du 
divin  Esprit  qui  ,  descendu  à  l'heure  de 
Tierce,  a  rempli  de  tant  de  merveilles  ce 
premier  jour  où  il  débute  dans  sa  divine  mis- 
sion. 

L'Office  des  Vêpres  s'ouvre  par  la  procla- 
mation du  nombre  quinquagénaire  qui  réu- 
nit les  deux  Pentecôtes.  L'Antienne  nous 
montre  en  même  temps  les  disciples  au  Cé- 
nacle dans  l'attente  de  l'arrivée  du  Don  pro- 
mis. 


Ant. 


I  ES  jours  de  la 
^  Pentecôte  étaient 
accomplis,  et  tous  les  disci- 
ples se  trouvaient  réunis  en 
un  même  lieu,  alléluia. 


Aj,t.  pUM    comple- 

\^    rentur    dies 

Pentecostes,  erant  omnes 

pariter    in     eodem    loco, 

alléluia. 


Le  Psaume  que  l'Eglise  chante  sous  cette 
Antienne  représente  le  triomphe  du  Christ 
dans  son  Ascension.  Il  s'assied  à  la  droite  du 
Père,  et  c'est  de  là  que.  Dieu  et  homme,  il 
consolide  son  règne  sur  la  terre,  en  envoyant 
aujourd'hui  son  Esprit  pour  habiter  avec 
nous  jusqu'à  ce  que  lui-même  redescende, 
vengeur  de  son  Eglise,  qu'il  affranchira  du 
joug  de  ses  ennemis,  et  emmènera  avec  lui 
dans  la  gloire  éternelle. 


328      Le  Saint  Jour  de  la  Pentecôte. 


PSAUME  cix. 


DlxiT  Dominus  Dorai- 
no    mec  :    *  Sede   a 
dextris  meis. 

Donec  ponam  inimicos 
tuos  :  '  scabellum  pedum 
tuorum. 

Virgam  virtutis  tuje 
emittet  Dominus  ex 
Sioa  :  *  dominare  in  me- 
dio    inimicorum  tuorum. 


Tecura  principium  in 
die  virtutis  tuas  in  splen- 
doribus  Sanctorum  :  *  ex 
utero  ante  luciferum  ge- 
nui  te. 

Juravit  Dominus,  et 
non  pœnitebit  eum  :  *  Tu 
es  Sacerdos  in  aeternum 
secundum  ordinem  Mel- 
chisedech. 

Dominus  a  dextris  tuis: 
•  confregit  in  die  irae  suae 
reges. 

Judicabit  in  nationi- 
bus:  implebit  ruinas:  * 
conquassabit  capita  in 
terra  multorum. 

De  torrente  in  via  bi- 
bet:  *  propterea  exalta- 
bit  caput. 


CELUI  ^iii  est  le  Seigneu. 
a  dit  à  son  Fils,  mon 
Seigneur  :  Asseyez-vous  à 
ma  droite  et  rci^ne'^  jvec  moi: 

Jusqu'à  ce  que,  ait  jour  Je 
votre  dernier  avènement,  je 
fasse  de  vos  ennemis  l'esca- 
beau de  vos  pieds. 

O  Christ  !  le  Seigneur 
votre  Père  fera  sortir  de 
Sien  le  sceptre  de  votre  for- 
ce ;  c'est  de  là  que  vous  parti- 
rez pour  dominer  au  milieu 
de  vos  ennemis. 

La  principauté  éclatera  en 
vous,  au  jour  de  votre  force, 
au  milieu  des  splendeurs  des 
Saints  ;  car  le  Père  vous  a 
dit:  Je  vous  ai  engendré  de 
mon  sein  avant  l'aurore. 

Le  Seigneur  l'a  juré,  et  sa 
parole  est  sans  repentir  ;  il  a 
dit  en  vous  parlant:  Dieu- 
Homme,  vous  êtes  Prêtre  à 
jamais,  selon  l'ordre  de  Mel- 
chisédech. 

OPèrel  le  Seigneur  ro/rc 
Fils  est  donc  à  votre  droite  : 
c'est  lui  qui,  au  jour  de  sa 
colère,  viendra  juger  les  rois. 

Il  jugera  aussi  les  nations  : 
dans  cet  avènement  terrible,  il 
consommera  la  ruine  du 
monde,  et  brisera  contre 
terre  la  tète  de  plusieurs. 

Il  s'est  abaissé  pour  boire 
l'eau  du  torrent  des  afflic- 
tions ;  mais  c'est  pour  cela 
même  qu'au  jour  de  son  triom- 
phe il    élèvera  la  tête. 


A   Vêpres. 


32g 


Ant.  Les  jours  de  la  Pen- 
tecôte étaient  accomplis,  et 
tous  les  disciples  se  trou- 
vaient réunis  en  un  même 
lieu,  alléluia. 

L'attente  des  disciples 
prit  divin  est  descendu 
s'est  pas  borné  à  visiter 
jourd'hui,  c'est  le  mon 
vient  conquérir. 


Ant.  Cum  corapleren- 
tur  dies  Pentecostes, 
erant  omnes  pariter  in 
eodem  loco,  alléluia. 

a  été  comblée,  l'Es- 
sur  eux,  mais  il  ne 
leurs  âmes;  dès  au- 
de    tout   entier  qu'il 


'Esprit   du   Sei- 
neur  a  rempli   la 
terre   entière,  alléluia. 


Ant. 


Ant.''». 


PIRITUS      Do- 


r^     mini  replevit 
orbem     terraruin,     alle- 


Le  second  Psaume  célèbre  les  bienfaits  de 
Dieu  envers  son  peuple  :  l'alliance  promise, 

3ui  se  consomme  aujourd'hui,  la  rédemption 
e  l'homme  et  la  fidélité  du  Seigneur  à  ses 
promesses.  La  mission  du  Saint-Esprit  avait 
été  annoncée  par  les  Prophètes  et  par  Jésus 
lui-même  :  le  Seigneur  a  daigné  dégager  sa 
parole  en  ce  jour. 


PSAUME    ex. 


JE  VOUS  louerai,  Seigneur, 
de  toute  la  plénitude  de 
mon  cœur,  dans  l'assemblée 
des  justes. 

Grandes  sont  les  œuvres 
du  Seigneur;  elles  ont  lété 
concertées  dans  les  desseins 
de  sa  sagesse. 

Elles  sont  dignes  de  louan- 
ges et  magnifiques  ;  et  la  jus- 
lice  de  Dieu  demeure  dans  les 
siècles  des  siècles. 

Le  Seigneur  clément  et 
miséricordieux  nous  a    laissé 


CONFITEBOR  tibi.  Do- 
mine, in  toto  corde 
meo  :  *  in  concilio  justo- 
rum   et  congregatione. 

Magna  opéra  Domini  : 
*  exquisita  in  omnes  vo- 
luntates  ejus. 

Confessio  et  magnifi- 
centia  opus  ejus  :  '  et  jus- 
titia  ejus  manet  in  sae- 
culum  sasculi. 

Memoriam  fecit  mira- 
bilium   suorum,    miseri- 


33 0      Le  Saint  Jour  de  la  Pentecôte. 


cors  et  miserator  Domi- 
nus:  *  escam  dédit  ti- 
mentibus  se. 

Memor  erit  in  saecu- 
lum  testamenti  sui  :  * 
virtutem  operum  suorum 
annuntiabit  populo    suo. 


Ut  det  illis  haeredita- 
tem  gentium  :,  *  opéra 
manuum  ejus  veritas  et 
judicium. 

Fidelia  omnia  manda- 
ta ejus,  confirmata  in  sae- 
culum  sœculi  :  *  facta  in 
veritateet  aequitate. 

Redemptionem  misit 
populo  suo  :  *  mandavit 
m  asternum  testamentum 
suum. 

Sanctum  et  terribile 
Nomen  ejus  :  *  initium 
sapientiae  tiraor  Domini. 

Intellectus  bonus  om- 
nibus facientibus  eum  :  * 
laudatio  ejus  manet  in 
sasculum  sœculi. 

Ant.  Spiritus  Domini 
replevit  orbem  terrarum, 
alléluia. 


un  mémorial  de  ses  merveil- 
les; il  est  le  Pain  de  vie,  et  il 
a  donné  une  nourriture  à 
ceux  qui  le   craignent. 

Il  se  souviendra  à  jamais 
de  son  alliance  avec  les  hom- 
mes; il  enverra  son  Esprit, 
et  fera  éclater  aux  yeux  de 
son  peuple  la  vertu  de  ses 
œuvres. 

Il  donnera  à  son  Eglise 
l'héritage  des  nations  :  tout 
ce  qu'il  fait  est  justice  et  vé- 
rité. 

Ses  préceptes  sont  immua- 
bles et  garantis  par  la  suc- 
cession des  siècles  ;  ils  sont 
fondés  sur  la  vérité  et  la  jus- 
tice. 

Il  a  envoyé  à  son  peuple 
un  Rédempteur  ;  et  par  la 
mission  de  l'Esprit  divin  il 
rend  son  alliance  éternelle. 

Son  Nom  est  saint  et  terri- 
ble ;  le  commencement  de  la 
sagesse  est  de  craindre  le 
Seigneur. 

La  lumière  et  l'intelligence 
sont  pour  celui  qui  agit  se- 
lon cette  crainte:  gloire  et 
louange  à  Dieu  dans  les  siè- 
cles des  siècles  ! 

Ant.  L'Esprit  du  Seigneur 
a  rempli  la  terre  entière,  allé- 
luia. 


L'Esprit  divin  s'empare  des  disciples,  il  les 
rend  aptes  à  parler  ;  car  c'est  par  la  parole 
qu'ils  feront  la  conquête  du  monde. 


Ant. 


R 


EPLETI      sunt 
omnes   Spi- 


Ant. 


LS  furent  tous  rem- 
plis du  Saint-Es- 


A    Vêpres. 


33 1 


prit,   et   ils   commencèrent  à  1  ritu  Sancto,  et  cœperunt 
parler,  alléluia,  alléluia.  I  loqui,   alléluia,   alléluia. 

Le  troisième  Psaume  chante  la  félicité  de 
l'homme  juste  et  ses  espérances.  La  lurnière 
qui  s'élance  du  sein  des  ténèbres,  c'est  Jésus, 
le  Fils  éternel  de  Dieu;  c'est  ensuite  l'Esprit- 
Saint  qui  éclate  tout  à  coup  aujourd'hui.  Le 
pécheur  qui  s'irrite  à  la  vue  des  dons  de  Dieu, 
c'est  le  Juif  incrédule  qui  ferme  les  yeux  à  la 
lumière  et  repousse  le  divin  Esprit,  comme  il 
avait  repoussé  le  Fils  du  Père  céleste. 


PSAUME    CXI. 


HEUREUX  l'homme  qui 
craint  le  Seigneur,  et 
qui  met  tout  son  zèle  à  lui 
obéir. 

Sa  postérité  sera  puissante 
sur  la  terre:  la  race  du  juste 
sera  en  bénédiction. 

La  gloire  et  la  richesse 
sont  dans  sa  maison,  et  sa  jus- 
tice demeure  dans  les  siècles 
des  siècles. 

Une  lumière  s'est  levée  sur 
les  justes  du  milieu  des  ténè- 
bres :  c'est  le  Seigneur,  le 
Dieumiséricordieux,  clément 
et  juste  ;  l'Esprit  qui  vient 
renouveler  la  terre. 

Heureux  alors  l'homme  qui 
a  fait  miséricorde,  qui  a 
prêté  au  pauvre,  qui  a  réglé 
jusqu'à  ses  paroles  avec  jus- 
tice 1  car  il  ne  sera  point 
ébranlé. 

La  mémoire  du  juste  sera 
éternelle  :  s'il  entend  une 
nouvelle  fâcheuse,  elle  ne  lui 
donnera  point  à  craindre. 


BEATUS  vir,    qui  timet 
Dominum  :  *  in  man- 
datis  ejus  volet  nimis. 

Potens  in  terra  erit 
semen  ejus  :  *  generatio 
rectorum  benedicetur. 

Gloria  et  divitiae  in 
domo  ejus  :  *  et  justifia 
ejus  manet  in  saeculum 
sa£culi. 

Exortum  est  in  tene- 
bris  lumen  rectis  :  *  mi- 
sericors,  et  miserator,  et 
justus. 


Jucundus  homo,  'qui 
miseretur  et  commodat, 
disponet  sermones  suos 
in  judicio  :  *  quia  in 
aïternum  non  commove- 
bitur. 

In  memoria  aeterna 
erit  justus  :  *  ab  audi- 
rione  mala   non   timebit. 


332      Le  Saint  Jour  de  la  Pentecôte. 


Paratum  cor  ejus  spe- 
rare  in  Domino,  confir- 
matum  est  cor  ejus  :  • 
non  commovebitur  donec 
despiciat  inimicos    suos. 

Dispersit,  dédit  pau- 
peribus,  justitia  ejus  ma- 
net  in  saeculum  saîculi  :  * 
cornu  ejus  exaltabitur  in 
gloria. 

Peccator  videbit  ,  et 
irascetur,  dentibus  suis 
fremet  et  tabescet  :  *  de- 
sidcrium  peccatorum  pe- 
ribit. 

Ant.  Replcti  sunt  om- 
nes  Spiritu  Sancto ,  et 
cœperunt  loqui,  alléluia, 
alléluia. 

Dans  son  allégresse  à  la  pensée  des  trois 
mille  néophytes  de  ce  jour,  la  sainte  Eglise 
chante  la  fontaine  d'eau  vive  que  l'Esprit 
divin  a  fait  jaillir  pour  leur  régénération; 
elle  nous  les  montre  comme  d'heureux 
poissons  qui  s'agitent  dans  les  ondes  du  sa- 
lut. 


Son  cœur  est  toujours  prêt 
à  espérer  au  Seigneur  ;  son 
cœur  est  en  assurance  :  il  ne 
sera  point  ému,  et  méprisera 
la  rage  de  ses  ennemis. 

Il  a  répandu  l'aumône  avec 
profusion  sur  le  pauvre  :  sa 
justice  demeurera  à  jamais, 
sa  force  sera  élevée  en  gloire. 

Le  pécheur  le  verra,  et  il 
entrera  en  fureur  ;  il  grin- 
cera des  dents  et  séchera  de 
colère  :  mais  les  désirs  du 
pécheur  périront. 

Ant.  Ils  furent  tous  rem- 
plis du  Saint-Esprit,  et  ils 
commencèrent  à  parler,  allé- 
luia, alléluia. 


Ant    contes     et 

■    i       omnia    quas 

moventur  in  aquis.  hym- 

num  dicite  Deo,  alléluia. 


ONTAINES  et  vous 
tous    qui     vous 


Ant.  P 

ébattez  dans    les  eaux,  chan 
tez  un  cantique   à  Dieu,  allé- 
luia. 

Le  quatrième  Psaume  est  un  chant  de 
louange  au  Seigneur  qui,  du  haut  du  ciel,  a 
pris  pitié  de  la  nature  humaine,  et  qui,  pour 
la  relever  de  l'abaissement  où  elle  languis- 
sait, lui  a  d'abord  envoyé  son  propre  Fils, 
et  aujourd'hui  fait  descendre  vers  elle  son 
divin  Esprit. 


A    Vêpres. 


333 


PSAUME    CXII. 


SERVITEURS  du  Seigneur  , 
faites  entendre  ses  lou- 
anges, célébrez  le  Nom  du 
Seigneur. 

Que  le  Nom  du  Seigneur 
soit  béni,  aujourd'hui  et  jus- 
que dans  l'éternité. 

De  l'aurore  au  couchant,  le 
Nom  du  Seigneur  doit  être  à 
jamais  célébré. 

Le  Seigneur  est  élevé  au- 
dessus  de  toutes  les  nations  ; 
sa  gloire  est  par  delà  les 
cieux. 

Qui  est  semblable  au  Sei- 
gneur notre  Dieu,  dont  la 
demeure  est  dans  les  hau- 
teurs ?  C'est  de  là  qu'il  abaisse 
ses  regards  sur  les  choses  les 
plus  humbles  dans  le  ciel  et 
sur  la  terre. 

C'est  de  là  qu'il  soulève  de 
terre  l'indigent  ;  qu'il  élève 
le  pauvre  de  dessus  son  fu- 
mier où  il  languissait, 

Pour  le  placer  avec  les 
princes  ,  avec  les  princes 
mêmes  de  son  peuple. 

C'est  lui  qui  a  fait  habiter 
pleine  de  joie  dans  sa  maison 
celle  qui  longtemps  fut  sté- 
rile, et  qui  maintenant  est 
mère  de  nombreux  enfants. 

Ant.  Fontaines  et  vous 
tous  qui  vous  ébattez  dans  les 
eaux,  chantez  un  cantique  à 
Dieu,  alléluia. 


T  AUDATE,  pueri,  Domi- 
i-  num  :  *  laudate  No- 
men  Domini. 

SitNomen  Domini  be- 
nedictum  :  *  ex  hoc  nunc 
et  usque  in  sasculum. 

A  solis  ortu  usque  ad 
occasum  :  *  laudabile  No- 
men  Domini. 

Excelsus  super  omnes 
gentes  Dominus  :  *  et  su- 
per cœlos  gloria  ejus. 

Quis  sicut  Dominus 
Deus  noster,  qui  in  altis 
habitat  :  *  et  humilia 
respicit  in  cœlo  et  in  ter- 
ra ? 


Suscitans  a  terra  in- 
opem  :  *  et  de  stercore 
erigens  pauperem. 

Ut  collocet  eum  cum 
principibus  :  *  cum  prin- 
cipibus  populi  sui. 

Qui  habitare  facit  ste- 
rilem  in  domo  :  *  ma- 
trem   filiorum   laetantem. 


Ant.  Fontes  et  omnia 
quae  moventur  in  aquis, 
nymnum  dicite  Deo,  allé- 
luia. 


En  ce  grand  jour,  l'Esprit-Saint  a  conquis 


334      Le  Saint  Jour  de  la  Pentecôte. 

le  monde  ;  mais  c'est  par  la  parole  des  Apô- 
tres qu'il  s'en  est  rendu  le  maître,  cette 
parole  d'une  éloquence  miraculeuse  qu'il  a 
formée  en  eux,  et  à  laquelle  il  a  joint  sa  toute- 
puissance. 


Ax,^      I     OQUEBANTUR 
^^^-    ^    variis      lin- 
guis   Apostoli    magnalia 
Dei ,   alléluia,    alléluia, 
alléluia. 


AvT      L  ^^  Apôtres  par- 
-^^^^     *"    laient     en     di- 
verses langues  des  merveilles 
de    Dieu,   alléluia,    alléluia, 
cileluia. 


Le  cinquième  Psaume  rappelle  d'abord  la 
première  Pâque,  la  sortie  de  l'Egypte  et  les 
prodiges  qui  l'accompagnèrent  et  la  suivi- 
rent. "On  y  voit  ensuite  les  nations  devenues 
esclaves  de  leurs  idoles  ;  mais  aujourd'hui  le 
divin  Esprit  suscite  des  conquérants  qui  abat- 
tront ces  vains  simulacres.  La  maison  d'Israël 
et  la  maison  d'Aaron  ne  se  vanteront  plus 
d'être  les  seules  à  servir  le  vrai  Dieu.  Ins- 
truits par  les  hommes  à  la  langue  de  feu, 
tous  les  peuples  acquerront  la  crainte  du  Sei- 
gneur et  espéreront  en  lui.  Nous  ne  som^mes 
plus  au  nombre  de  ces  morts  qui  ne  louent 
pas  Dieu  ;  mais  nous  vivons  de  la  vie  surna- 
turelle que  le  Fils  de  Dieu  a  conquise  pour 
nous  par  sa  Passion  et  par  sa  Résurrection, 
et  que  l'Esprit-Saint  fait  pénétrer  en  nous 
par  le  divin  mystère  de  ce  )Our. 


PSAUME   CXIII. 


IN  exitu  Israël  de  jEgyp- 
to  :  *  domus  Jacob  de 
populo  barbaro. 

Facta  est  Judaea  sanc- 
tificatio  ejus  :  *  Israël 
potestas  ejus. 


tRSQUE  Israël  sortit  d'E- 
gypte, et  la  maison  de 
Jacob  du  milieu  d'un  peuple 
barbare, 

La  nation  juive  fut  consa- 
crée à  Dieu,  Israël  fut  son 
domaine. 


A    Vêpres. 


335 


La  mer  le  vit  et  s'enfuit  ; 
le  Jourdain  remonta  vers  sa 
source. 

Les  montagnes  bondirent 
comme  des  béliers  ,  et  les 
collines  comme  des  agneaux. 

O  mer,  pourquoi  fuyais- 
tu  ?  Et  toi,  Jourdain,  pour- 
quoi remontais-tu  vers  ta 
source  ? 

Montagnes,  pourquoi  bon- 
dissiez-vous  comme  des  bé- 
liers ?  Et  vous,  collines,  com- 
me des  agneaux  ? 

A  la  face  du  Seigneur,  la 
terre  a  tremblé  :  à  la  face  du 
Dieu  de  Jacob, 

Qui  changea  la  pierre  en 
torrents,  et  la  roche  en  fon- 
taines. 

Non  pas  à  nous.  Seigneur, 
non  pas  à  nous,  mais  à  votre 
Nom  donnez  la  gloire, 

A  cause  de  votre  miséri- 
corde et  de  votre  vérité,  de 
peur  que  les  nations  ne 
disent  :  Où  est  leur  Dieu  ? 

Notre  Dieu  est  au  ciel  :  il. 
a  fait  tout  ce  qu'il  a  voulu. 

Les  idoles  des  nations  ne 
sontque  de  l'oretde  l'argent, 
et  l'ouvrage  des  mains  des 
hommes. 

Elles  ont  une  bouche,  et  ne 
parlent  point;  des  yeux,  et  ne 
voient  point.        , 

Elles  ont  des  oreilles,  et 
n'entendent  point;  des  nari- 
nes, et  ne  sentent   point. 

Elles  ont  des  mains,  et  ne 


Mare  vidit,  et  fugit  :  * 
Jordanis  conversus  est 
retrorsum. 

Montes  exsultaverunt 
ut  arietes  :  *  et  colles 
sicut  agni  ovium. 

Quid  est    tibi  ,  mare  , 

3uod    fugisti  :    *    et    tu, 
ordanis;  quia  conversus 
es  retrorsum  ? 

Montes  exsultastis  si- 
cut arietes  :  *  et  colles 
sicut  agni  ovium  ? 

A  facie  Domini  mota 
est  terra  :  *  a  facie  Dei 
Jacob. 

Qui  convertit  petram 
in  stagna  aquarum  :  *  et 
rupem  in  fontes  aqua- 
rum. 

Non  nobis,  Domine, 
non  nobis  :  *  sed  Nomi- 
ni  tuo  da  gloriam. 

Super  misericordia 
tua,  et  veritate  tua  :  * 
nequando  dicant  gentes  : 
Ubi  est  Deus  eorum  ? 

Deus  autem  noster  in 
cœlo  :  *  omnia  quascum- 
que  voluit,  fecit. 

Simulacra  gentium  ar- 
gentum  et  aurum  :  *  opéra 
manuum  hominum. 

Os  habent,  et  non  lo- 
quentur  :  *  oculos  habent, 
et  non  videbunt. 

Aures  habent,  et  non 
audien*  :  *  nares  habent, 
et  nonodorabunt. 

Manus  habent,  et  non 


336      Le  Saint  Jour  de  la  Pentecôte. 


palpabunt  ;  pedes  habent, 
etnon  ambulabunt  :  '  non 
clamabunt  in  gutture 
suo. 

Similes  illis  fiant  qui 
faciunt  ea  :  *  et  omnes 
qui  confidunt  in  eis. 

Domus  Israël  spera- 
vit  in  Domino  :  *  adju- 
tor  eorum  et  protector 
eorum  est. 

Domus  Aaron  speravit 
in  Domino  :  *  adjutor  eo- 
rum, et  protector  eorum 
est. 

Qui  timent  Dominum 
speraverunt  in  Domino  : 

*  adjutor  eorum,  et  pro- 
tector eorum  est. 

Dominus  memor  fuit 
nostri  :  *  et  benedixit 
nobis. 

Benedixit  doraui  Is- 
raël :  *  benedixit  domui 
Aaron. 

Benedixit  omnibus  qui 
timent  Dominum  :  *  pu- 
sillis  cum  majoribus. 

Adjiciat  Dominus  su- 
per vos  :  *  super  vos,  et 
super  filios  vestros 

Benedicti  vos  a  Domi- 
no :  *  qui  fecit  cœlum  et 
terram. 

Cœlum  cœli  Domino: 

*  terram  autem  dédit 
fîliis  hominum. 

Non  mortui  laudabunt 
te.  Domine  :  *  neq^e  om- 
nes qui  descendunt  in 
infernum. 


peuvent  rien  toucher  ;  des 
pieds,  et  ne  marchent  point  ; 
un  gosier,  et  ne  peuvent  se 
faire  entendre. 

Que  ceux  qui  les  font  leur 
deviennent  semblables,  avec 
tous  ceux  qui  mettent  en  elles 
leur  confiance. 

La  maison  d'Israël  a  espé- 
ré dans  le  Seigneur:  il  est 
leur  appui  et  leur  protecteur. 

La  maison  d'Aaron  a  es- 
péré dans  le  Seigneur  :  Il  est 
leur  appui  et  leur  protecteur. 

Ceux  qui  craignent  le  Sei- 
gneur ont  espéré  en  lui  :  il 
est  leur  appui  et  leur  protec- 
teur. 

Le  Seigneur  s'est  souvenu 
de  nous,  et  il  nous  a  bénis. 

Il  a  béni  la  maison  d'Israël  •. 
il  a  béni  la   maison  d'Aaron. 

Il  a  béni  tous  ceux  qui 
craignent  le  Seigneur,  grands 
.et  petits. 

Que  le  Seigneur  ajoute  en- 
core à  ses  dons  sur  vous,  sur 
vous  et  sur  vos  enfants. 

Bénis  soyez-vous  du  Sei- 
gneur, qui  a  fait  U  ciel  et  la 
terre  ! 

Au  Seigneur,  les  hauteurs 
du  ciel  ;  la  terre  est  aux 
hommes  par  sa  largesse. 

Ce  ne  sont  pas  les  morts 
qui  vous  loueront,  6  Sei- 
gneur 1  ni  tous  ceux  qui  des- 
cendent dans  le  sépulcre  ; 


A    Vêpres. 


337 


Mais  nous  qui  vivons,  nous 
bénissons  le  Seigneur ,  au- 
jourd'hui et  à  jamais.         ^ 

Ant.  Les  Apôtres  par- 
laient en  diverses  langues 
des  merveilles  de  Dieu,  allé- 
luia, alléluia,  alléluia. 


Sed  nos  qui  vivimus. 
benedicimus  Domino  :  * 
ex  hoc  nunc  et  usque  in 
sœculum. 

Ant.  Loquebantur  va- 
riis  linguis  Apostoli  ma- 
gnalia  Dei,  alléluia,  allé- 
luia, alléluia. 


CAPITULE.   (Act.    II. 


^V  M  complerentur 
^-^  dies  Pentecostes  , 
erant  omnes  discipulipa- 
riter  in  eodem  loco  :  et 
factus  est  repente  de  cœ- 
lo  sonus,  tamquam  ad- 
venientis  spiritus  vehe- 
mentis,  et  replevit  totam 
domum  ubi  erant  se- 
dentes. 


L'Hymne  est  celle  que  nous  avons  déjà 
chantée  à  Tierce,  à  l'heure  même  où  le  divin 
Esprit  descendit  dans  le  Cénacle.  La  gran- 
deur des  pensées  et  l'onction  du  sentiment 
forment  le  caractère  de  ce  sublime  cantique, 
toujours  nouveau  et  toujours  inépuisable. 


Tes  jours  de  la  Pentecôte 
^  étant  accomplis,  et  tous 
les  disciples  se  trouvant  réu- 
nis dans  un  même  lieu,  il  se 
fit  tout  à  coup  un  grand 
bruit,  comme  d'un  vent  impé- 
tueux qui  venait  du  ciel,  et 
qui  remplit  toute  la  maison 
où  ik  étaient  assis. 


"\/enez  ,  Esprit  créateur  , 
'  visiter  les  âmes  de  vos 
fidèles,  et  remplir  de  la  grâce 
céleste  les  cœurs  que  vous 
avez  créés. 

Vous  êtes  appelé  le  Con- 
solateur ,  le  Don  du  Dieu 
très-haut  ,  la  source  d'eau 
vive,  le  feu,  l'amour,  l'onc- 
tion spirituelle. 


Veni,  Creator  Spiritus, 
Mentes  tuorum  visi- 
ta, 
Impie  superna  gratia 
Quae  tu   creasti  pectora. 

Qui  diceris  Paraclitus, 
Altissimi  donuin  Dei. 
Fons  vivus,    ignis,   cha- 

ritas, 
Et  spiritalis  unclio. 


LE   TEMPS   PASCAL.    —  T.    III. 


338      Le  Saint  Jour  de  la  Pentecôte. 


Tu   septiformis  mune- 

re, 
Digitus    Paternre  dexte- 

rae. 
Tu    rite  promissum  Pa- 

tris, 
Sermone  ditans  guttura. 

Accende  lumen  sensi- 

bus, 
Infunde   amorem  cordi- 

biis. 
Infirma  nostri  corporis 
Virtute   firmans    perpe- 

ti. 

Hostem    repellas   lon- 

gius, 
Paceraque    dones    proti- 

nus  : 
Ductore  sic  te  prœvio 
Vitemus   omne    noxium. 

Per  te    sciamus   da    Pa- 

trem, 
Noscamus  atque  Filium, 
Teque    utriusque    Spiri- 

tum  • 
Credamus  omni  tempore. 

Deo  Patri  sit  gloria, 
Et  Filio,  qui  a  mortuis 
Surrexit,  ac  Paraclito 
In  sxcuiorum  snecula. 

Âmen. 

^  j  OQUEBANTUR  va- 
'  Lriislinguis  Apos- 
toli,  alléluia, 

Vf.  Magnalia  Dei,  allé- 
luia. 


Versant  sur  nous  vos  sept 
dons,  vous  êtes  le  doigt  de  la 
main  du  Père  ;  promis  solen- 
nellement par  lui  aux  hom- 
mes, vous  venez  leur  appor- 
ter la  puissance  du   langage. 


Eclairez  nos  esprits  de  votre 
lumière,  versez  l'amour  dans 
nos  cœurs  ;  soutenez  la  fai- 
blesse de  notre  corps  par 
votre  incessante  énergie. 


Repoussez  l'ennemi  loin  de 
nous,  hâtez-vous  de  nous  don- 
ner la  paix  ;  marchez  devant 
nous  comme  notre  chef,  et 
nous  éviterons  tout  mal. 


Faites-nous  connaître  le 
Père  et  le  Fils  ;  donnez-nous 
la  foi  en  vous  qui  procédez  de 
l'un  et  de  l'autre. 


Gloire  soit  à  Dieu  le  Père  !     ' 
Gloire  soit  au  Fils  ressuscité 
des  morts  1  Gloire  au   Para- 
clet,  dans  les  siècles  des  siè- 
cles ! 

Amen. 

^     j  ES  Apôtres  parlaient 
'  ■    i-  en  diverses  langues, 

alléluia, 
Vf.  Des  merveilles  de  Dieu, 

alléluia. 


A    Vêpres. 


33g 


Vient  ensuite  le  Cantique  de  Marie,  partie 
essentielle  de  l'Office  du  soir,  accompagné 
du  solennel  encensement  de  l'autel.  L'accent 
de  cet  hymne  divin  s'est  enrichi  encore.  Ce 
n'est  plus  seulement  la  Vierge  portant  en  elle 
le  Fils  éternel  du  Père  que  l'on  entend  épan- 
cher les  émotions  de  son  âme  ;  c'est  la  Mère 
de  Dieu  inondée  des  feux  de  l'Esprit-Saint, 
et  préparée  pour  le  nouveau  ministère  qui 
l'attend.  Le  cantique  est  harmonisé  pour  la 
fête  au  moyen  de  la  magnifique  Antienne  qui 
le  précède. 


Ant.  a 


ujouRD  HUi  sont 
accomplis  les 
jours  de  la  Pentecôte,  allé- 
luia. Aujourd'hui  l'Esprit- 
Saint  a  apparu  aux  disciples 
sous  la  forme  du  feu.  et  il  a 
répandu  en  eux  les  dons  de 
ses  grâces.  Il  les  a  envoyés 
dans  le  monde  entier  prêcher 
et  rendre  témoignage.  Celui 
qui  croira  et  sera  baptisé  sera 
sauvé,  alléluia. 


Ant.  W 


ODIE  com- 
pleti  sunt 
dies  Pentecostes,  allé- 
luia :  hodie  Spiritus  Sanc- 
tus  in  i'gne  discipulis  ap- 
paraît, et  tribuit  eis  cha- 
rismatum  dona  :  misit 
eos  in  universum  mun- 
dum  praedicare  et  testifi- 
cari  :  qui  crediderit  et 
baptizatus  fuerit,  salvus 
erit,   alléluia. 


CANTIQUE   DE    MARIE. 


MON  âme  glorifie  le  Sei- 
gneur ; 

Et  mon  esprit  tressaille  en 
Dieu  mon  Sauveur,  et  en  son 
Esprit  qui  est  descendu  sur 
moi. 

Car  il  a  regardé  la  bassesse 
de  sa  servante  ;  et  pour  cela, 
toutes  les  nations  m'appelle- 
ront  bienheureuse. 

Il  a  fait  en  moi  de  grandes 


MAGNIFICAT   :      anima 
mea   Dominum. 
Et   exsultavit    spiritus 
meus  :  *   in  Dec  salutari 
meo. 

Quia  respexithumilita- 
tem  ancillae  suae  :  *  ecce 
enira  ex  hoc  beatam  me 
dicent  omnes  generatio- 
nes. 

Quia  fecitmihi  magna 


340 


Le  Temps  Pascal. 


qui  potens  est  :  *  et  Sanc- 
tum  nomen  ejus. 


Et  miserieordia   ejus  a 
progenie  in  progenies  : 
timentibus   eum. 

Fccit  potentiam  in  bra- 
chio  suo  :  *  dispersit  s.:- 
perbos    mente  cordis  sui. 

Deposiiit  potentes  de 
sede  :  *  et  exaltavit  hu- 
miles. 

Esurientes  implevit  bo- 
nis :  *  et  divites  dimisit 
inanes. 

Suscepit  Israël  puerum 
suum  :  *  recordatus  mise- 
ricordiae  suae. 

Sicut locutus  est  ad  pa- 
tres nostros  :  *  Abraham 
et  semini  ejus  in   sœcula. 

Ant.  Hodie  completi 
sunt  dies  Pentecostes,  al- 
léluia :  hodie  Spiritus 
Sanctus  in  ignediscipulis 
apparuit,  et  tribuit  eis 
charismatum  dona  :  misit 
eos  in  universum  mundum 
prœdicare  et  testificari  : 
qui  crediderit  et  baptiza- 
tus  fuerit,  salvus  erit,  al- 
léluia. 


choses,  il  m'a  associée  à  toutes 
ses  œuvres,  celui  qui  est  puis- 
sant et  de  qui  le  nom  est 
Saint  ; 

Et  sa  miséricorde  s'étend 
de  génération  en  génération 
sur  ceux  qui  le  craignent. 

Il  a  opéré  puissamment  par 
.son  bras,  et  dispersé  ceux  qui 
suivaient  les  orgueilleuses 
pensées  de   leur  cœur. 

Il  a  mis  à  bas  de  leur  trône 
les  puissants,  et  il  a  élevé  les 
humbles. 

Il  a  rempli  de  biens  ceux 
qui  avaient  faim,  et  renvoyé 
vides  ceux  qui  étaient  riches. 

Il  a  reçu  sous  sa  protection 
Israël  son  serviteur,  se  sou- 
venant de  la  miséricordieuse 
promesse 

Qu'il  fit  autrefois  à  nos 
pères,  à  Abraham  et  à  sa  pos- 
térité pour  jamais. 

Ant.  Aujourd'hui  sont  ac- 
complis les  jours  de  la  Pente- 
côte, alléluia.  Aujourd'hui, 
l'Esprit-Saint  a  apparu  aux 
disciples  sous  la  forme  du  feu, 
et  il  a  répandu  en  eux  les 
dons  de  ses  grâces.  Il  les  a 
envoyés  dans  le  monde  entier 
prêcher  et  rendre  témoi- 
gnage.Celui  qui  croira  et  sera 
baptisé  sera  sauvé,    alléluia. 


ORAISON. 


P^us,  qui  hodierna  die 
^^corda  fideliura  Sanc- 
ti  Spiritus  illustratione 
docuisti  :  da  nobis  in  co- 


ODlEU,  qui  avez  éclairé 
en  ce  jour  les  cœurs  des 
fidàles  par  la  lumière  du 
Saint-Esprit,    accordez-nous 


Le  Saint  Jour  de  la  Pentecôte.      341 

par  le  même  Esprit  de  goûter  1  dem  Sçiritu  recta  sapere, 
ce    qui    est    bien,    et  de  jouir     et  de  ejus  semper  conso- 
sans  cesse  de   la   consolation     latione  gaudere.  Per  Do- 
dont   il   est   la   source.     Par     minum. 
Jésus-Christ. 


SELON  notre  usage,  nous  achèverons  une  si 
sainte  journée  en  réunissant,  comme  dans 
un  concert,  les  voix  de  toutes  les  Eglises 
célébrant  le  glorieux  mystère  de  la  Pentecôte 
chrétienne.  Nous  nous  sommes  unis  à  la  sainte 
Eglise  Romaine  dans  tous  les  cantiques  de  ce 
jour  ;  il  nous  faut  enteridj-e  maintenant  la 
voix  de  l'Eglise  grecque.  Saint  Jean  Damas- 
cène  est  auteur  de  l'Hymne  qui  suit,  et  que 
nous  em-pruntons  au  Pentecostanon. 

HYMNE. 


AU  sortir  du  nuage  divin. 
le  prophète  dont  la  lan- 
gue était  tardive  promulgua 
la  loi  écrite  par  le  doigt  de 
Dieu  ;  guéri  de  son  infirmité, 
il  avait  contemplé  de  l'ceil  de 
l'âme  celui  qui  est,  et  il  célé- 
bra dans  de  sacrés  cantiques 
la  science  de  l'Esprit  qu'il 
avait  reçn. 

Le  grave  et  auguste  Maître 
avait  dit  à  ses  disciples  : 
«  Ne  vous  séparez  point,  ô 
mes  amis  !  lorsque  je  serai 
assis  sur  le  trône  sublime  de 
mon  Père,  je  répandrai  la 
grâce  infinie  de  l'Esprit  dans 
tout  son  éclat  sur  vous  qui 
désirez  la  connaître.   » 


DiviNA  tectus  tardilin- 
guis    nebula, 
Eloquutus  a   Deo   scrip- 

tam   legem  : 
Materia     enim     abjecta, 

oculis    mentis 
Videre  eum  qui  est  discit, 

Spiritus 
Cognitionem  laudans  di- 

vinis  cantibus. 

Dixit  severum  et  vene- 
randum  os  : 

Divisio  vobis  non  fiet,  o 
amici  : 

Ego  enim  ad  paternum 
excelsum   thronum 

ConsidenSjCfFundam  Spi- 
ritus - 

Splendere  desiderantibus 
gratiam  infinitam. 


u^ 


Le  Temps  Pascal. 


Terminus  perfectus  ve- 

rissimum   Verbum 
Tranquillae  formœ  implet 

cor   : 
Opère  enim  expleto,  laeti- 

ficavit   amicos 
Flalu  violento,    et    ignis 

glossematis 
Dato  Spiritu,  Christus  ut 

pollicitus    est. 

Incomprehensibilis  est 
divinissimus  princi- 
patus. 

Rhetores  enim  demons- 
Iravit  illitteratos, 

Satis  sophistas  mu- 
tire  faciendo  ser- 
mone. 

Et  a  profunda  n^cte  e\- 
trahendo 

Populos  infinitos  fulgiir 
Spiritus. 

Erat  procedens   ex  in- 

genita  luce 
Omnipotenter      lucificus 

incorruptusque 

splendor. 
Cujusper  Filii  paternam 

substantiam. 
Nunc  manifestât  cogna- 

tam  facem 
Ignita  vox   in  Sion  gen- 

tibus. 

Balneum  divinum  re- 
generationis, 

Verbo  miscens  composi- 
te natur^e. 

Suppeditas  mihi  aquam 
ex  incorrupto 


Sa  carrière  étant  terminée, 
le  V^erbe,  fidèle  à  sa  promesse, 
remplit  leurs  cœurs  d'un  doux 
recueillement.  Ayant  achevé 
son  œuvre,  il  répand  sur  ses 
amis  d'abord  un  souffle  vio- 
lent, bientôt  des  langues  en- 
flammées ;  lui  le  Christ,  il 
leur  donne  l'Esprit  et  dégage 
ainsi  sa   parole. 

Le  pouvoir  divin  dépasse 
toute  borne  ;  de  gens  illettrés 
il  fait  des  orateurs,  leur  pa- 
role réduira  les  sophistes  au 
silence,  et  semblable  à  un 
éclair  éblouissant,  l'Esprit 
enlèvera  à  leur  nuit  profonde 
des  peuples  innombrables. 


Cet  Esprit  tout-puissant, 
splendide,  incorruptible,  pro- 
cédait de  la  lumière  incréée, 
de  la  substance  que  le  Père 
transmet  au  Fils  ;  aujour- 
d'hui, langue  de  feu  dans 
Sion,  il  manifeste  aux  nations 
cette  lumière  qu'il  puise  dans 
la  divinité. 


Et  toi,  ô  Fils  de  Dieu  qui 
as  réuni  deux  natures,  tu 
prépares  le  bain  divin  de  la 
régénération;  l'eau  d'un  tel 
bain  s'est  épanchée  de  ton 
côté,    ô    Verbe,    et    l'ardeur 


Le  Saint  Jour  de  la  Pentecôte.      343 


puissante  de  l'Esprit  en  est  le 
sceau. 


Vous  êtes  les  vrais  servi- 
teurs du  Dieu  souverain,  vous 
qui  adorez  l'essence  trois  fois 
lumineuse.  Le  Christ  met 
aujourd'hui  la  dernière  main 
à  son  bienfait  surnaturel, 
envoyant  pour  notre  salut 
celui  qu'exprime  le  feu,  ver- 
sant sur  nous  la  grâce  uni- 
verselle de  l'Esprit. 


Enfants  de  l'Eglise,  fils  de 
la  lumière,  recevez  la  rosée 
enflammée  de  l'Esprit,  et  par 
elle  îa  rémission  et  l'affran- 
chissement de  vos  péchés  ; 
car  aujourd'hui  la  loi  est  sor- 
tie de  Sion,  la  grâce  du 
Saint-Esprit,  sous  la  forme 
d'une  langue  de  feu. 


Autrefois  on  entendit  un 
concert  d'instruments  qui 
conviait  les  hommes  à  adorer 
la  statue  d'or  inanimée  ; 
maintenant,  c'est  la  grâce  lu- 
mineuse du  Paraclet  qui  les 
rend  dignes  de  s'écrier  :  O 
Trinité  unique,  égale  en  pou- 
voir, sans  commencement, 
nous  te  bénissons. 


Oubliant  l'oracle  du  Pro- 


Vulnerato    tuo   latere,  o 

Dei  Verbum, 
Sigillans  fervore  Spiri- 

tus. 

Servitis    omnes    divî- 

nissimo  principatui, 
Quot  servi  estis  trilumi- 

nis  substantiae  : 
Supernaturaliter     enim 

perficit   ut   benefac- 

tor. 
Et     igneam     for  m  a  m 

Christus  dat  in  salu- 

tem, 
Totam  porrigens  gratiam 

Spiritus. 

Solubilem  purgatio- 
nem  criminum, 

Ignitum  accipite  Spiri- 
tus rorem, 

O  fîlii  luciformes  Eccle- 
sias  : 

Nunc  enim  ex  Sion  exi- 
vit  lex, 

Igneas  linguae  forma  , 
Spiritus  gratia. 

Concors  clamavit  ins- 

trumentorum      can- 

tus. 
Adorare   auream    inani- 

mam  imaginera  : 
Paracliti  autem   lucifera 

gratia 
Dignes  facit  ut  clament  : 

O  Trinitas  sola, 
.(Equipotens,   sine   prin- 

cipio,  bencdicta   es. 

V  0  c  e  m    a   Propheta 


344 


Le  Temps  Pascal. 


dictam   qui    ignora- 

runt, 
Diccbant    stulti,    factam 

a  vino  ebrietatem, 
Loquclac   pcregrinse   au- 

ditse  sunt  ut  Aposto- 

lorum. 
Pii  autem  tibi  clamamus 

divinitus  : 
Novifice  universi,   bene- 

dictus  es, 

Tertia    quidem    nacta 

est     horarum     gra- 

tiam, 
Ut     demonstraret ,     très 

substantias 
Adorare    in   simplicitatc 

potestatis  : 
Sed  in  prima  nunc  die- 

rum  Dominica 
Filius,    Pater   et   Spiri- 

tus,  benedictus  es. 


phète,  des  insensés  disaient 
que  l'ivresse  des  Apôtres  était 
produite  par  le  vin  ;  on  enten- 
dait retentir  tous  les  langages 
étrangers  ;  pour  nous,  nous 
n'avons  qu'un  cri  :  Toi  qui 
renouvelles  divinement  l'uni- 
vers, sois  béni. 


L'heure  de  Tierce  fut  choi- 
sie pour  l'effusion  d'une  telle 
grâce  ;  elle  signifiait  que  l'on 
devait  adorer  trois  personnes 
dans  l'unité  de  puissance;  en 
ce  jour  du  Dimanche,  le  pre- 
mier des  jours,  ô  Père,  ô 
Fils,  ô  Esprit,    soyez  béni. 


à  son  tour.  Les  strophes  suivantes  si  majes- 
tueuses et  si  remplies  de  mystère  remontent 
au  cinquième  siècle.  La  tradition  les  attribue 
à  Moïse  de  Khorène,  ou  à  Jean  Matagouni. 


CANON   PRIM.E    DIEI, 


MissAcolumba  descen- 
dens  magna?  vocis 
sonitu  de  excelsis  ad  si- 
militudinem  lucis,  ful- 
goris  igné  armavit  sine 
combustura  discipulos, 
dum  adhuc  sederent  in 
sacro  ccenaculo. 


LA  colombe  envoyée  aux 
hommes  est  descendue  des 
cieux,  annoncée  par  un  grand 
bruit  ;  voilée  sous  l'emblème 
d'une  lumière  éclatante,  elle 
a  couvert  d'une  armure  de 
feu,  sans  qu'ils  en  fussent 
brtjlés,  les  disciples  qui 
étaient  encore  assis  dans  le 
sacré  cénacle. 


Le  Saint  Jour  de  la  Pentecôte.      345 


C'est  la  colombe  immaté- 
rielle, insondable,  qui  pénè- 
tre les  profondeurs  de  Dieu, 
qui  annonce  le  second  et  ter- 
rible avènement,  qui  procède 
du  Père,  et  que  Ton  nous  en- 
seigne lui  être  consubstan- 
tielle. 

Gloire  au  plus  haut  des 
cieux,  à  l'Esprit-Saint  qui 
procède  du  Père  !  Les  Apô- 
tres ont  été  enivrés  à  son 
calice  immortel,  et  ils  ont 
invité  la  terre  à  s'unir  au 
ciel. 

Esprit  divin  et  vivifiant, 
rempli  de  bonté  pour  les  hom- 
mes, tu  as  éclairé  par  les  lan- 
gues de  feu  ceux  qui  étaient 
rassemblés  par  le  lien  d'un 
mutuel  amour  ;  c'est  pourquoi 
nous  célébrons  aujourd'hui 
ton  avènement  sacré. 

Les  saints  Apôtres  ont  été 
comblés  de  délices  à  ton  arri- 
vée ;  en  parlant  diverses  lari- 
gues  ils  ont  attiré  des  disci- 
ples qu'aucun  lien  n'aurait 
réunis  ;  c'est  pourquoi  nous 
célébrons  aujourd'hui  ton 
avènement  sacré. 

Tu  t'es  servi  d'eux  pour 
embellir,  par  le  saint  et  spi- 
rituel baptême,  la  terre  en- 
tière :  tu  l'as  couverte  de  vê- 
tements nouveaux  d'une  blan- 
cheur éclatante  ;  c'est  pour- 
quoi nous  célébrons  aujour- 
d'hui ton  avènement  sacré. 

Toi  qui  reposes  sur  le  char 
des  chérubins,  Esprit-Saint, 
tu    es   descendu    aujourd'hui 


Immaterialis  columba, 
inscrutabilis,  quas  scru- 
tatur  profunda  Dei,  quae 
accipiens  a  Pâtre,  renun- 
tiat  terribilem  alterum 
adventum,  quamque  prœ- 
dicarunt  consubstantia- 
lem. 

Laus  in  altissimis  pro- 
cedenti  a  Pâtre  Spiritui 
Sancto.  per  quem  Apos- 
toli  inebriati  sunt  im- 
mortali  calice,  et  invita- 
runt  terram  ad  cœlum. 

Vivificator  Deus,  hu- 
mane  Spiritus,  congre- 
gatos  unanimi  amore  il- 
luminnsti  igneis  linguis; 
quapropter  nos  quoque 
hodie  celebramus  adven- 
tum tuum  sanctum. 

Delectati  sunt  tuo  ad- 
ventu  sancti  Apostoli, 
accersitis  insimul  disper- 
sis  ab  invicem  multiso- 
nis  linguis  ;  quapropter 
nos  quoque  hodie  cele- 
bramus adventum  tuum 
sanctum. 

Spiritali  sancto  bap- 
tismate,  exornasti  per  eos 
terrarum  orbem  in  vesti- 
bus  pellucidis  ac  in  no- 
vis  amictibus  ;  quaprop- 
ter nos  quoque  hodie  ce- 
lebramus adventum  tuum 
sanctum. 

Qui  incherubico  curru 
quiescis,  hodie  descen- 
disti  de  cœlis  in   chorum 


346 


Le  Temps  Pascal. 


Apostolorum  ,  Sancte 
Spiritus:  benedictus  es, 
rex    immortalis. 

Qui  graderis  super 
pennas  ventorura,  hodie 
m  igneis  linguis  divisus 
quicvisti  in  Apostolis, 
Sancte  Spiritus  :  bene- 
dictus es,  rex  immortalis. 

Qui  curam  habes  in 
providentia  tuarum  crea- 
turarum,  hodie  venisti 
ad  firmandam  Ecclesiam 
tuam.  Sancte  Spiritus  : 
benedictus  es,  rex  im- 
mortalis. 


La  Liturgie  ambrosienne  nous  donne  cette 
belle  Préface  qui,  dans  sa  concision,  réunit 
tous  les  mystères  de  la  Pentecôte. 


des  cieux  sur  le  chœur  apos- 
tolique: sois  béni,  roi  immor- 
tel ! 

Toi  qui  t'avances  sur  l'aile 
des  vents,  Esprit-Saint,  tu 
t'es  partagé  en  langues  de 
feu,  et  tu  t'es  reposé  sur  les 
Apôtres  :  sois  béni,  roi  im- 
mortel ! 

Toi  qui  prends  soin  de 
toutes  les  créatures  dans  ta 
providence,  Esprit-Saint,  tu 
es  venu  aujourd'hui  pour  af- 
fermir ton  Eglise:  sois  béni, 
roi  immortel  ! 


2nQUUM  et  salutare  , 
/t  nos  in  hac  praecipua 
festivitate  gaudere,  qua 
sacratissimura  Pascha 
quinquaginta  d  i  e  r  u  m 
mysteriis  tegitur,  etmys- 
ticus  numeru?  adimplc- 
tur,  et  dispersio  lingua- 
rum,  quns  dudum  per 
superbiam  in  confusione 
facta  fucrat,  nunc  per 
Spiritum  Sanctum  adu- 
natiir.  Hodie  enim  de 
cœlis  repente  sonum  au- 
dientes  Apostoli  unius 
fidei  symbolum  excepc- 
runt,  et  linguis  variis 
Evangelii  tui  gloriam 
cunctis  gentibus  tradide- 


IL  est  Juste  et  salutaire  que 
nous  nous  laissions  aller  à 
la  joie,  en  cette  illustre  so- 
lennité qui  vient  ajoutera  la 
Pâque  sacrée  le  mystère  des 
cinquante  jours  et  compléter 
ainsi  le  nombre  mystique. 
C'est  pareillement  en  ce  jour 
que  la  division  des  langues, 
qui  avait  été  opérée  autre- 
fois pour  humilier  l'orgueil, 
fait  place  maintenant  à  leur 
réunion  par  le  Saint-Esprit. 
C'est  aujourd'hui  que  les 
Apôtres,  après  avoir  enten- 
du soudain  un  bruit  qui  ve- 
nait du  ciel,  ont  reçu  le  sym- 
bole de  la  foi  unique,  et  par- 
lant   diverses    langues,     ont 


Le  Saint  Jour  de  la  Pentecôte.      84-; 


révélé  à  toutes  les   nations  la     runt.  Per   Christum  Do- 
gloire  de  votre  Evangile.  Par     minum  nostrum. 
le  Christ  notre  Seigneur. 

L'Eglise  gothique  d'Espagne  procède  avec 
son  abondance  et  son  enthousiasme  accoutu- 
més, dans  cette  magnifique  Illation  que  nous 
fournit  son  Missel  mozarabe. 


IL  est  juste  et  raisonnable, 
ô  Dieu  tout-puissant,  que 
nous  célébrions,  dans  la  fai- 
blesse de  notre  nature,  vos 
dons  et  vos  bienfaits,  et  que 
chaque  année  nous  honorions 
particulièrement  la  mémoire 
de  celui  que  vous  avez  dai- 
gné nous  faire  aujourd'hui 
pour  notre  éternel  salut.  Qui 
oserait  garder  le  silence  sur 
l'arrivée  de  votre  Esprit- 
Saint,  en  ce  jour  où  pas  une 
seule  langue  des  nations  bar- 
bares n'est  oubliée  pnr  vos 
Apôtres?  Mais  qui  pourrait 
raconter  dignement  le  mys- 
tère de  ce  feu  qui  descend 
aujourd'hui,  et  les  idiomes  de 
tous  les  peuples  inspirés  aux 
disciples,  en  sorte  que  le  La- 
tin et  l'Hébreu,  le  Grec  et 
l'Egyptien,  le  Scythe  et  l'In- 
dien, s'exprimant  dans  une 
langue  qui  leur  était  incon- 
nue, n'altèrent  en  rien  l'i- 
diome qui  leur  est  étranger, 
et  entendent  parler  sans  al- 
tération celui  qui  leur  est 
propre?  Qui  pourrait  dé- 
crire  le    divin    pouvoir   qui 


DIGNUM  et  justum  est, 
omnipotens  Deus. 
pro  possibilitate  carnali 
munerum  tuorum  béné- 
ficia contiteri,  et  indul- 
tum  hodierno  die  donum 
salutis  asternœ  anniver- 
saria  semper  commemo- 
ratione  celebrare.  Ete- 
nim  pro  adventu  Spiri- 
tus  tui  Sancti  tacere  quis 
audeat  ?  cum  omnis  per 
Apostolos  tuos  etiam 
gentium  barbararum  lin- 
gua  non  taceat.  Quis 
enim  enarrare  valet  hu- 
jus  hodierno  die  ignis 
illapsum,  sic  distributa 
discipulis  geneca  uni- 
versa  linguarum  ;  ut  nec 
Latinus  Hebraeo,  nec 
GrEecus  '^Egyptio,  nec 
Scytha  Indo ,  propria 
dum  quisque  et  pere- 
grina  audiens  loquitur 
iingua,  detrimentum  vel 
alienigeni  fecerit,  vel  sui 
senserit  intellectus? 
Quaque  virtute  sit  ac- 
tum,  quod  dicentis  veri- 
tatis  prœconibus  per  spa- 


348 


Le  Temps  Pascal. 


tia  immensa  terrarum 
unius  atquc  indivisibilis 
dortum  doctrina;  coelestis 
pro  potestate  voluntnria 
partiretur?  Nihil  agens 
unitati  fidci  dissonum, 
quamvis  multiplicis 
scientia  distributione 
pulcherrimurn,  et  multi- 
moda  mirificumexstiterit 
varietate  sermonum.  Os- 
tendens  qaod  confessioni 
dominicre  non  impedit 
diversitas  linguas,  nec 
interestquod  vario  quis 
sermone  fateatur,  dum- 
modo  unus  sit  ille  qui 
creditur. 

Obsecramus  igitur, 
Domine,  ut  hase  nostra 
confessio  de  cordibus  fi- 
liorumpromissionis  emis- 
sa,  tibi  Pater  gloriae, 
semper  accepta  sit,  et 
ad  speranda  ac  prome- 
renda  ea  quœ  tuis  lîdeli- 
bus  promisisti,  sensus 
nostros  divini  Spiritus 
int'usione  benedicas  at- 
que  sanctifiées.  Effusa 
etenim  ad  nostram  in- 
dulgenliam  tuae  gloriœ 
largitate  inter  innumera 
dona  atque  opéra  San- 
cti  Spiritus,  nihil  subli- 
mius  Ecclesiîe  exordiis 
collatam  fuisse  cognos- 
cimus.  quam  ut  prœco- 
nium  Evangelii  tui  ora 
linguis  universarum  gen- 
tium  loquerentur.  Et  hoc 
non    nisi  Sancti  Spiritus 


vient  à  son  gré  répandre  sur 
ceux  qui  devront  prêcher  la 
vérité  parlante  par  toute  la 
terre,  le  don  d'une  doctrine 
céleste,  une  et  indivisible  ? 
Ni  la  science  ainsi  distribuée 
dans  la  plus  riche  variété, 
ni  la  diversité  merveilleuse 
des  langages,  n'enlèvent  rien 
à  l'unité  de  la  foi.  Nous  ap- 
prenons ici  que  la  dissem- 
blance des  idiomes  n'arrête 
en  rien  la  louange  du  Sei- 
gneur, et  que  peu  importe  la 
langue  dont  on  se  sert,  si  le 
même  Dieu  est  l'objet  d'une 
même  foi. 

Nous  vous  supplions  donc, 
Seigneur,  Père  de  la  gloire, 
d'agréer  notre  confession  qui 
s'élève  vers  vous  du  cœur  des 
enfants  de  la  promesse.  Dai- 
gnez par  l'infusion  du  divin 
Esprit,  bénir  et  sanctifier  nos 
âmes,  les  renJant  capables 
d'espérer  et  de  mériter  la  ré- 
compense que  vous  avez  pro- 
mise à  vos  fidèles.  Dans  l'ef- 
fusion que  votre  munificence 
pleine  de  gloire  a  faite  pour 
notre  salut,  entre  les  oeuvres 
et  les  dons  de  votre  Esprit- 
Saint,  nous  ne  voyons  rien 
de  plus  sublime,  à  l'origine 
de  l'Eglise,  que  la  prédica- 
tion de  votre  Evangile  ac- 
complie par  des  bouches  qui 
parlaient  les  langues  de 
toutes  les  nations.  Un  tel 
prodige  ne  pouvait  être  pro- 
duit que  par  la  grâce  de  l'Es- 


Le  Saint  Jour  de  la  Pentecôte.      34g 


prit-Saint,  qui  est  venu  à 
nous  sept  semaines  après  la 
glorieuse  Résurrection  de 
votre  Fils,  montrant  ainsi 
que  s'il  est  septiforme,  toutes 
ses  puissances  se  concen- 
trent dans  une  harmonieuse 
unité,  et  de  même  que  sept 
est  à  part  dans  les  nombres, 
ainsi  sept  se  retrouve  en  cha- 
cun d'eux.  De  là  les  sept  de- 
grés de  votre  temple  par  les- 
quels nous  entrons  au  royau- 
me des  cieux.  De  là  la  cin- 
quantième année,  celle  de 
la  rémission  si  célèbre  dans 
les  mystères  de  la  loi.  C'est 
le  fruit  de  la  moisson  nou- 
velle qu'il  nous  est  com- 
mandé d'offrir  aujourd'hui. 
II  est  avant  tous  les  siècles, 
il  est  éternel;  mais  pour  nous 
il  est  devenu  nouveau,  quand 
il  nous  a  apparu. 


Ce  n'est  pas  non  plus  sans 
mystère  qu'un  tel  don  est 
répandu  sur  nous  le  dixième 
jour  après  l'Ascension  de 
votre  Fils  ;  nous  y  reconnais- 
sons ce  denier  promis  par  le 
père  de  famille  aux  ouvriers 
de  la  vigne.  Il  nous  fallait  ce 
signe  imposant  de  votre  di- 
vine bonté  qui  s'est  montrée 
lorsque  la  forme  des  langues 
apparaissant  en  feu  sur  les 
têtes  des  disciples,  elle  fit 
produire  aux  cœurs  des 
croyants    ces    nouveaux    ac- 


tui  gratia  révélante,  qui 
nobis  post  Resurrectionis 
Filii  tui  gloriam.  trans- 
actis  septem  hebdoma- 
dibus  venit  :  ostendens 
quod  etsi  septiformis  est, 
tamen  in  uno  gradu  om- 
nium concordantium  sibi 
virtutum  summa  consis- 
tit.  Ac  sicut  septem 
unum  in  numeris  est,  sic 
septem  inveniuntur  in 
singulis.  Hi  sunt  sine 
dubio  septem  gradus 
templi  tui,  per  quos  ad 
cœlorum  régna  conscen- 
ditur.  Hic  est  quinqua- 
gesimus  remissionis  an- 
nus  olim  in  legis  tropo- 
logiis  prœdicatus.  Hic 
est  fructus  messis  novae, 
qui  hodie  mandatur  of- 
ferri.  Qui  licet  ante  om- 
nia  sœcula  semper  ^ter- 
nus  sit  :  tamen  nobis 
quum  ionotuit,  tune  no- 
vus  effectus   est. 

Nec  illud  sine  myste- 
rio  esse  significans,  quod 
post  Ascensionem  Filii 
tui  décima  nobis  die  hoc 
munus  infunditur,  os- 
tendens quod  cultoribus 
vineœ  hic  esset  a  patre- 
familias  denarius  repro- 
missus.  Magnum  autem 
et  pras  omnibus  necessa- 
rium  fuit  hoc  tibi  divini 
muneris  signum,  quod 
quum  super  capita  dis- 
cipulorum  ignea  cons- 
cendisset   forma  lingua- 


35  o 


Le  Temps  Pjscal. 


rum,  de  cordibus  cre- 
dentium  nec  dissonum 
aliquid  faceret  prodire 
nec  tepidum  ;  sed  prje- 
dicatorcs  Verbi  tui  et 
intellif,fentia  essent  una- 
nimes, et  charitate  fer- 
ventes. O  ignis  exurendo 
fœcundans.  Hune  igitur 
omnipotentem  esse  Do- 
minum  omnis  intellec- 
tualis  creatura  vivifica- 
tione  fatetur,  cujus  etiam 
Chérubin  et  Séraphin, 
ferventes  copiosius  igné, 
speciali  ejus  vocabulo 
sanctitatis  divins  magni- 
ficantes  aequalitatem  at- 
que  omnipotentiam  Tri- 
nitatis,  requiem  non  ha- 
bentes,  nec  tali  unquam 
officio  lassescentes,  cœ- 
lestium  exercituum  prœ- 
cinentibus  choris,  pe- 
renni  jubilatione  décan- 
tant, adorant  atque  ma- 
gnificant,  ita  dicentes  : 
S.mctus  !  S.victus  !  Sanc- 
tiis  ! 


cents  dans  lesquels  ne  parais- 
sait rien  de  dis«onant  ni  de 
tiède.  Prédicateurs  de  votre 
Verbe,  on  les  vit  unanimes 
dans  l'intelligence  et  em- 
brasés de  charité.  O  feu  qui 
brûles  et  fécondes  en  même 
temps  !  toute  créature  éclai- 
rée par  le  principe  de  vie 
confesse  que  ce  feu  est  le 
Sciorneur  tout-puissant.  C'est 
lui  dont  l'ardeur  embrase  les 
Chérubins  et  les  ardents  Sé- 
raphins désignés  par  son 
nom,  et  qui  glorifiant  avec 
transport  l'égalité  de  la  sain- 
teté divine  et  la  loute-puis- 
sancc  de  la  Trinité,  n'ont  pas 
de  repos,  et  sans  jamais  se 
lasser  chantent,  adorent  et 
glorifient  dans  une  jubilation 
éternelle,  disant  en  commun 
ûvcc  les  chœurs  des  armées 
célestes  :  Saint  !  Saint  ! 
Saint  ! 


Le  moyen  âgé  des  Eglises  latines  a  célébré 
le  mystère  de  la  Pentecôte  dansde  magnifiques 
Séquences.  Nous  en  insérons  quelques-unes 
dans  le  cours  de  l'Octave.  Aujourd'hui  nous 
reproduisons  celle  qui  fut  longtemps  attribuée 
au  pieux  roi  Robert.  Cette  pièce  intéressante, 
dont  Notkcr  est  le  véritable  auteur,  a  disparu 
des  Missels  romains-français  au  xvii*  siècle, 
et  on  l'y  a  remplacée  par  la  Séquence  romaine, 
Veni,  Sancte  Spiritus.  Nous  avons  pensé  que 


Le  Saint  Jour  de  la  Pentecôte.      35 1 


l'on  ne  devait  pas  laisser  périr  ce  noble  can- 
tique dont  parlent  nos  anciens  chroniqueurs, 
et  que  tous  les  historiens  modernes  confon- 
dent à  l'envi  avec  la  Séquence  du  Missel 
romain,  qui  n'a  dans  sa  composition  et  dans 
son  rythme  aucun  rapport  avec  les  Séquences 
du  xr  siècle. 


SEQUENCE. 


QUE  la  grâce    de  l'Esprit- 
Saint  daigne  nous  assis- 
ter ! 

Qu'elle  fasse  de  nos  cœurs 
son  habitation, 


Qu'elle  en  expulse  les  vices 
de  notre  esprit. 


O  vous  qui  éclairez  les 
hommes,  Esprit  plein  de 
bonté, 

Chassez  les  sombres  ténè- 
bres qui  attristent  notre  âme. 


Vous   qui   êtes     l'ami    des 
sages  pensées,  bon  et  saint, 


Répandez     votre      onction 
dans  nos  âmes. 


O  Esprit,  c'est  vous  qui 
nous  purîliez  de  tous  nos  pé- 
chés. 


SANCTi  Spiritus 
Adsit    nobis     gratia. 


Quae  corda  nostra 
Sibi  faciat 
Habitaculum. 

Expulsis  inde 
Cunctis  vitiis 
Spiritalibus. 

Spiritus  aime, 
Illustrator  hominum. 


Horridas 

Nostrae  mentis 
Purga  tencbras. 

Amator  sancte 

Sensatorum 

Semper  cogitatuum. 

Infunde  unctionem  tu- 
am 
Clemens    nostris    sensi- 

bus. 

Tu  purificator 
Omnium  flagitiorum, 
Spiritus. 


35  2 


Le  Temps  Pascal. 


Purifica  nostri  oculum 
Interioris     hominis. 

Ut  vidcri 
Supremus  Genitor 
Possit  a  nobis. 

Mundi  cordis, 
Quetn  soli  cernere 

Possunt   oculi. 

Prophetas  tu  inspiras- 
ti. 
Ut  praeconia  Christi 
Praecinuissent  inclyta. 

Apostolos  confortasti, 
Uti  tropaeum  Chris- 
ti 
Per  totum   orbem  vehe- 
rent. 

Quando  machinam 
Per  Verbum  suum 
Fecit  Deus 
Cœli,  terrae,  marium. 

Tu  super  aquas, 
Foturus  eas, 
Numea  tuum  expandis- 
ti, 
'^  Spiritus. 

Tu  animabus 
Vivificandis 
Aquas  fœcundas. 

Tu  aspirando, 
Das  spiritales 
Esse  homines. 

Tu  divisum 


Purifiez  en  nous  l'œil  de 
l'homme  intérieur, 

Afin  que  nous  puissions  un 
jour  contempler  le  Père  su- 
prême, 

Qu'il  n'^est  donné  de  voir 
qu'à  ceux  qui  ont  le  cœur 
pur. 

C'est  vous  qui  avez  inspiré 
les  Prophètes,  et  leur  avez 
fait  célébrer  d'avance  les  lou- 
anges du  Christ. 

Vous  avez  fortifié  les  Apô- 
tres pour  élever  le  trophée 
du  Christ  par  le  monde  en- 
tier. 


Lorsque  Dieu,  pat  son 
Verbe,  créa  le  ciel,  la  terre 
et  la  mer. 


Vous  fîtes  planer  votre  di- 
vinité sur  les  eaux  pour  les 
féconder,  ô  Esprit  1 


Maintenant  vous  donnez  à 
ces  eaux  la  vertu  de  vivifier 
les  âmes. 

Votre  souffle  rend  les  hom- 
mes spirituels. 


Le  monde  divisé  en  diver- 


Le  Saint  Jour  de  la  Pentecôte.      353 


ses  langues  et  en  divers  cul- 
tes, vous  l'avez  réuni  en  un 
seul,  ô  Seigneur  ! 

O  Docteur  rempli  de  bonté, 
c'est  vous  qui  avez  rappelé 
les  idolâtres  au  culte  du  vrai 
Dieu. 

Daignez  donc ,  Esprit- 
Saint,  exaucer  nos  supplica- 
tions. 


Sans  vous  toutes  nos  priè- 
res seraient  vaines  et  indi- 
gnes de  monter  jusqu'à  l'o- 
reille de  Dieu. 

C'est  vous  qui,  par  vos  di- 
vines caresses,  avez  instruit 
et  dirigé  les  saints  dans  tous 
les  siècles,  ô  Esprit  ! 


Décorant  aujourd'hui  les 
Apôtres  de  dons  nouveaux 
et  inconnus  aux  âges  précé- 
dents, 


Vous   avez  rendu    ce   jour 
glorieux  à  jamais. 
Amen. 


Per  linguas  mundum 
et  ritus 
Adunasti,  Domine. 

Idololatras 
Ad  cultum   Dei  revocas, 
Magistrorum  optime. 


Ergo  nos 

Supplicantes  tibi 
Exaudi   propitius, 
Sancte    Spiritus. 

Sine   quo  preces  om- 
nes 

Cassae   creduntur, 
Et  indignae  Dei  auribus. 

Tu  qui 
Omnium  saeculorum  san- 

ctos 
Tui  numinis  docuisti  in- 
stinctu 

Amplectendo, 
Spiritus. 

Ipse  hodie 

Apostolos  Christi 
Donans  munere  insolito, 
Et  cunctis  inaudito 
Saeculis, 

Hune  diem 

Gloriosura  fecisti. 
Amen. 


^4^ 
^'^ 


LE   TEMPS    PASCAL. 


iXlA.  ttlA  CX^   ctlA  ftlA  CtlA  ftlA  ctiA  CTi^k  ctlA  ftlA  ftlA 


LES   DONS  DU   SAlNl-ESPRll 


ous  devons  exposer  durant  toute 
cette  semaine  les  divines  opérations 
du  Saint-Esprit  dans  l'Eglise  et  dans 
l'âme  du  fidèle  ;  mais  il  est  néces- 
saire d'anticiper  dès  aujourd'hui  sur  l'en- 
seignement que  nous  aurons  à  présenter. 
Sept  journées  nous  sont  données  pour  étu- 
dier et  connaître  le  Don  suprême  que  le 
Père  et  le  Fils  ont  daigné  nous  envoyer,  et 
l'Esprit  qui  procède  des  deux  se  manifeste 
en  sept  manières  dans  les  âmes.  Il  est  donc 
juste  que  chacun  des  jours  de  cette  heureuse 
semaine  soit  consacré  à  honorer  et  à  recueil- 
lir ce  septénaire  de  bienfaits  par  lequel  doi- 
vent s'opérer  notre  salut  et  notre  sanctifi- 
cation. 

Les  sept  Dons  du  Saint-Esprit  sont  sept 
énergies  qu'il  daigne  déposer  dans  nos  âmes, 
lorsqu'il  y  pénètre  par  la  grâce  sanctifiante. 
Les  grâces  actuelles  mettent  en  mouvement 
simultanément  ou  séparément  ces  puissances 
divinement  infuses  en  nous,  et  le  bien  sur- 
naturel et  méritoire  de  la  vie  éternelle  est 
produit  avec  l'acquiescement  de  notre  vo- 
lonté. 

Le  prophète  Isaïe,  conduit  par  l'inspiration 
divine,  nous  a  fait  connaître  ces  sept  Dons 
dans  le  passage  où  décrivant  l'opération  de 
l'Esprit-Saint'sur  l'âme  du  Fils  de  Dieu  fait 


Les  Dons  du  Saint- Elprit.  355 

homme,  qu'il  nous  représente  comme  la  fleur 
sortie  de  la  branche  virginale  issue  du  tronc 
de  Jessé,  il  nous  dit:  «-Sur  lui  reposera  l'Es- 
«  prit  du  Seigneur,  l'Esprit  de  Sagesse  et 
«  d'Intelligence,  l'Esprit  de  Conseil  et  de 
«  Force,  l'Esprit  de  Science  et  de  Piété;  et 
«  l'Esprit  de  Crainte  du  Seigneur  le  rem- 
«  plira  1.  »  Rien  de  plus  mystérieux  que 
ces  paroles;  mais  on  sent  que  ce  qu'elles 
expriment  n'est  pas  une  simple  énumération 
des  caractères  du  divin  Esprit,  mais  bien  la 
description  des  effets  qu'il  opère  dans  l'âme 
humaine.  Ainsi  l'a  compris  la  tradition  chré- 
tienne énoncée  dans  les  écrits  des  anciens 
Pères,  et  formulée  par  la  théologie. 

L'humanité  sainte  du  Fils  de  Dieu  incarné 
est  le  type  surnaturel  de  la  nôtre,  et  ce  que 
l'Esprit-Saint  a  opéré  en  elle  pour  la  sancti- 
fier doit  en  proportion  avoir  lieu  en  nous.  Il 
a  déposé  dans  le  fils  de  Marie  les  sept  éner- 
gies que  décrit  le  Prophète;  les  mêmes  Dons 
en  même  nombre  sont  préparés  à  l'homme 
régénéré.  On  doit  remarquer  la  progres- 
sion qui  se  manifeste  dans  leur  série.  Isaïe 
énonce  d'abord  l'Esprit  de  Sagesse,  et  s'ar- 
rête en  descendant  à  l'Esprit  de  Crainte 
de  Dieu.  La  Sagesse  est  en  etfet,  ainsi  que 
nous  le  verrons,  la  plus  haute  des  préroga- 
tives à  laquelle  puisse  être  élevée  l'âme 
humaine,  tandis  que  la  Crainte  de  Dieu, 
selon  la  profonde  expression  du  Psalmiste, 
n'est  que  le  commencement  et  l'ébauche  de 
cette  divine  qualité.  On  comprend  aisément 
que  l'âme  de  Jésus  appelée  à  contracter  l'u- 

I.   ISAI.  XI,  2,  3. 


356      Le  Saint  Jour  de  la  Pentecôte. 

nion  personnelle  avec  le  Verbe  divin  ait  été 
traitée  avec  une  dignité  particulière,  en  sorte 
que  le  Don  de  la  Sagesse  ait  dû  être  infus  en 
elle  d'une  manière  primordiale,  et  que  le 
Don  de  la  Crainte  de  Dieu,  qualité  nécessaire 
à  une  nature  créée,  n'ait  été  mis  en  elle 
que  comme  un  complément.  Pour  nous  au 
contraire,  fragiles  et  inconstants  que  nous 
sommes,  la  Crainte  de  Dieu  est  la  base  de 
tout  l'édifice,  et  c'est  par  elle  que  nous  nous 
élevons  de  degré  en  degré  jusqu'à  cette 
Sagesse  qui  unit"  à  Dieu.  C'est  donc  dans  l'or- 
dre inverse  à  celui  qu'a  posé  Isaie  pour  le 
Fils  de  Dieu  incarné,  que  l'homme  monte  à 
la  perfection  au  moyen  des  Dons  de  l'Esprit- 
Saint  qui  lui  ont  été  conférés  dans  le  Baptême, 
et  qui  lui  sont  rendus  dans  le  sacrement  de  la 
réconciliation,  s'il  a  eu  le  malheur  de  perdre 
la  grâce  sanctifiante  par  le  péché  mortel. 

Admirons  avec  un  profond  respect  l'au- 
guste septénaire  qui  se  trouve  empreint  dans 
toute  l'œuvre  de  notre  salut  et  de  notre  sanc- 
tification. Sept  vertus  rendent  l'âme  agréable 
à  Dieu;  par  ses  sept  Dons,  l'Esprit- Saint  la 
conduit  à  sa  fin  ;  sept  Sacrements  lui  com- 
muniquent les  fruits  de  l'incarnation  et  de 
la  rédemption  de  Jésus-Christ;  enfin,  c'est 
après  sept  semaines  écoulées  depuis  la  Pàque, 
que  le  divin  Esprit  est  envoyé  sur  la  terre 

Êour  y  établir  et  y  consolider  le  règne  de 
lieu.  Nous  ne  nous  étonnerons  pas  après 
cela  que  Satan  ait  cherché  à  parodier  sacri- 
lègemcnt  l'œuvre  divine,  en  lui  opposant 
l'affreux  septénaire  des  péchés  capitaux,  par 
lesquels  il  s'efforce  de  perdre  l'homme  que 
Dieu  veut  sauver. 


Le  Don  de  Crainte.  35 j 


LE    DON    DE    CRAINTE. 

L'obstacle  au  bien  en  nous  est  l'orgueil. 
C'est  l'orgueil  qui  nous  porte  à  résister 
à  Dieu,  à  mettre  notre  fin  en  nous-mêmes,  en 
un  mot  à  nous  perdre.  L'humilité  seule 
peut  nous  sauver  d'un  si  grand  péril.  Qui 
nous  donnera  l'humilité?  l'Esprit-Saint,  en 
répandant  en  nous  le  Don  de  la  Crainte  de 
Dieu. 

Ce  sentiment  repose  sur  l'idée  que  la  foi 
nous  donne  de  la  majesté  de  Dieu,  en  pré- 
sence duquel  nous  ne  sommes  que  néant,  de 
sa  sainteté  infinie,  devant  laquelle  nous  ne 
sommes  qu'indignité  et  souillure,  du  juge- 
ment souverainement  équitable  qu'il  doit 
exercer  sur  nous  au  sortir  de  cette  vie,  et 
du  danger  d'une  chute  toujours  possible,  si 
nous  manquons  à  la  grâce  qui  ne  nous 
manque  jamais,  mais  à  laquelle  nous  pou- 
vons résister. 

Le  salut  de  l'homme  s'opère  donc  «  dans  la 
«  crainte  et  le  tremblement  »,  comme  l'ensei- 
gne l'Apotre  1  ;  mais  cette  crainte,  qui  est  un 
don  de  l'Esprit-Saint,  n'est  pas  un  senti- 
ment grossier  qui  se  bornerait  à  nous  jeter 
dans  répouvante  à  la  pensée  des  châtiments 
éternels.  Elle  nous  maintient  dans  la  com- 
ponction du  cœur,  quand  bien  même  nos 
péchés  seraient  depuis  longtemps  pardon- 
nés;  elle  nous  empêche  d'oublier  que  nous 
sommes  pécheurs,  que  nous  devons  tout  à 
la  miséricorde  divine,  et  que  nous  ne  sommes 
encore  sauvés  qu'en  espérance  2. 

1.  Philip.  II,  12.  —  2.  Rom.  viii,  24. 


358      Le  Saint  Jour  de  la  Pentecôte. 

Cette  crainte  de  Dieu  n'est  donc  pas  une 
crainte  servilc;  elle  devient  au  contraire  la 
source  des  sentiments  les  plus  délicats.  Elle 
peut  s'allier  avec  l'amour,  n'étant  plus  qu'un 
sentiment  filial  qui  redoute  le  péché  à  cause 
de  l'outrage  qu'il  fait  à  Dieu.  Inspirée  par 
le  respect  "de  la  majesté  divine,  par  le  sen- 
tirnent  de  la  sainteté  infinie,  elle  met  la 
créature  à  sa  vraie  place,  et  saint  Paul 
nous  enseigne  qu'ainsi  épurée,  elle  contri- 
bue à  «  l'achèvement  de  la  sanctification  i.  » 
Aussi  entendons-nous  ce  grand  apôtre,  qui 
avait  été  ravi  jusqu'au  troisième  ciel,  con- 
fesser qu'il  est  rigoureux  envers  lui-même 
t  afin  de  n'être  pas  réprouvé  -.  » 

L'esprit  d'indépendance  et  de  fausse  liberté 
qui  règne  aujourd'hui  contribue  à  rendre 
plus  raVe  la  crainte  de  Dieu,  et  c'est  là  une 
des  plaies  de  notre  temps.  La  familiarité  avec 
Dieu  tient  trop  souvent  la  place  de  cette 
disposition  fondamentale  de  la  vie  chré- 
tienne, et  dès  lors  tout  progrès  s'arrête, 
l'illusion  s'introduit  dans  l'âme,  et  les  divins 
Sacrements,  qui  au  moment  d'un  retour  à 
Dieu  avaient  opéré  avec  tant  de  puissance, 
deviennent  à  peu  près  stériles.  C'est  que  le 
Don  de  Crainte  a  été  étouffé  sous  la  vaine 
complaisance  de  l'âme  en  elle-même.  L'humi- 
lité s'est  éteinte;  un  orgueil  secret  et  univer- 
sel est  venu  paralyser"  les  mouvements  de 
cette  âme.  Elle  arrive,  sans  s'en  douter,  à  ne 
plus  connaître  Dieu,  par  cela  même  qu'elle 
ne  tremble  plus  devant  lui. 

Conservez  donc    en  nous,  ô   divin   Esprit, 

I.  II  Cor.  VII,  I.  —  2.  I  Cor.  ix,  27. 


Le  Don  de  Crainte.  35g 

le  Don  de  la  Crainte  de  Dieu  que  vous  avez 
répandu  en  nous  dans  notre  baptême.  Cette 
crainte  salutaire  assurera  notre  persévérance 
dans  le  bien,  en  arrêtant  les  progrès  de  l'es- 
prit d'orgueil.  Qu'elle  soit  donc  comme  un 
trait  qui  traverse  notre  âme  de  part  en  part, 
et  qu'elle  y  reste  toujours  fixée  comme  notre 
sauvegarde.  Qu'elle  abaisse  nos  hauteurs, 
qu'elle  nous  arrache  à  la  mollesse,  en  nous 
révélant  sans  cesse  la  grandeur  et  la  sainteté  de 
celui  qui  nous  a  créés  et  qui  doit  nous  juger. 
Nous  savons,  ô  divin  Esprit,  que  cette 
heureuse  crainte  n'étouffe  pas  l'amour;  loin 
de  là,  elle  enlève  les  obstacles  qui  l'arrête- 
raient dans  son  développement.  Les  Puis- 
sances célestes  voient  et  aiment  avec  ardeur 
le  souverain  Bien,  elles  en  sont  enivrées  pour 
l'éternité;  cependant  elles  tremblent  devant 
sa  majesté  redoutable,  tremunt  Potestates. 
Et  nous,  couverts  des  cicatrices  du  péché, 
remplis  d'imperfections,  exposés  à  mille  piè- 
ges, obligés  de  lutter  contre  tant  d'ennemis, 
nous  ne  sentirions  pas  qu'il  nous  faut  stimu- 
ler par  une  crainte  forte,  et  en  même  temps 
filiale,  notre  volonté  qui  s'endort  si  aisément, 
notre  esprit  que  tant  de  ténèbres  assiègent  ! 
Veillez  sur  votre  oeuvre,  ô  divin  Esprit  !  pré- 
servez en  nous  le  précieux  don  que  vous  avez 
daigné  nous  faire  ;  apprenez-nous  à  concilier 
la  paix  et  la  joie  du  cœur  avec  la  crainte 
de  Dieu,  selon  cet  avertissement  du  Psal- 
miste  :  «  Servez  le  Seigneur  avec  crainte,  et 
«  tressaillez  de  bonheur  en  tremblant  devant 
«  lui  1.  » 


I.  Psalm.  II,  II. 


LE    LUNDI   DE   LA   PENTECOTE. 


VENI  Sancte,  Spiritus, 
reple  tuorum  corda 
fidelium,  et  tui  amoris  in 
eis  ignem  accende. 


VENEZ,  Esprit-Saint  ;  rem- 
plissez les  cœurs  de  vos 
fidèles,  et  allumez  en  eux  le 
feu  de  votre  amour. 


|iER  l'Esprit-Saint  a  pris  posses- 
sion du  monde,  et  ses  débuts 
dans  la  mission  qu'il  a  reçue 
du  Père  et  du  Fils  ont  annoncé 
sa  puissance  sur  les  cœurs,  et 
ont  préludé  avec  éclat  à  ses 
conqu^îtes  futures.  Nous  allons  suivre  respec- 
tueusement sa  marche  et  ses  opérations  sur 
cette  terre  qui  lui  a  été  confiée;  la  succession 
des  jours  d'une  si  solennelle  Octave  nous 
permettra  de  signaler  tour  à  tour  ses  œuvres 
dans  l'Eglise  et  dans  les  âmes. 

Jésus,'  notre  Emmanuel,  est  le  Roi  du 
monde;  il  a  reçu  de  son  Père  les  nations  en 
héritage  L  II  nous  a  déclaré  lui-mcme  que 
«  toute  puissance  lui  a  été  donnée  au  ciel  et 
sur  la  terre  -.  »  Mais  il  est  monté  au  ciel 
avant  que  son  empire  fût  établi  ici-bas.  Le 


I.  Psalm.  II,  8.  —  2.  Matth.  xxviii,  i8. 


Le  Lundi  de  la  Pentecôte.  36 1 

peuple  d'Israël  lui-même  auquel  il  a  fait.en- 
tendre  sa  parole,  sous  les  yeux  duquel  il  a 
opéré  les  prodiges  qui  attestaient  sa  mission, 
ce  peuple  l'a  renié  et  a  cessé  d'être  son  peu- 
ple 1.  Quelques-uns  de  ses  membres  seule- 
ment l'ont  accepté  et  l'accepteront  encore  ; 
mais  la  masse  d'Israël  confirme  le  cri  sacri- 
lège de  ses  pontifes  :  «  Nous  ne  voulons  pas 
ce  que  celui-là  règne  sur  nous  ^.  » 

La  gentilité  est  tout  aussi  éloignée  d'accep- 
ter le  fils  de  Marie  pour  son  maître.  Elle 
ignore  profondément  sa  personne,  sa  doc- 
trine, sa  mission.  Les  traditions  antiques 
de  la  religion  primitive  se  sont  graduelle- 
ment effacées.  Le  culte  de  la  matière  a  en- 
vahi le  monde  civilisé  comme  le  monde  bar- 
bare, et  l'adoration  est  prodiguée  à  toute  créa- 
ture. La  morale  est  altérée  jusque  dans  ses 
sources  les  plus  sacrées  et  les  plus  inviola- 
bles, La  raison  s'est  obscurcie  chez  cette 
minorité  imperceptible  qui  se  fait  gloire  du 
nom  de  philosophes;  «  ils  se  sont  évanouis 
«  dans  leurs  pensées,  et  leur  cœur  insensé 
«  s'est  aveuglé  3.  »  Les  races  humaines  déraci- 
nées ont  été  mêlées  successivement  par  la 
conquête.  Tant  de  bouleversements  n'ont 
laissé  chez  les  peuples  que  l'idée  de  la  force, 
et  le  colossal  empire  romain  dominé  par 
César  pèse  de  tout  son  poids  sur  la  terre. 
C'est  le  moment  que  le  Père  céleste  a  choisi 
pour  envoyer  son  Fils  en  ce  monde.  Il  n'y  a 
pas  place  pour  un  roi  des  intelligences  et  des 
cœurs;  et  cependant  il  faut  que  Jésus  règne  sur 
les  hommes  et  que  son  règne  soit  accepté. 

I.  Dan.  IX,  26.  —  2.  Luc.  xix,  14.  —  3.  Rom.  i,  21. 


302  Le  Temps  Pascal. 

Eh  attendant,  un  autre  maître  s'est  pré- 
senté, et  les  peuples  l'ont  accueilli  avec  accla- 
mation. C'est  Satan,  et  son  empire  est  si 
fortement  établi  que  Jésus  lui-même  l'appelle 
le  Prince  de  ce  monde.  Il  faut  qu'il  soit  «  jeté 
dehors  •  »;  il  s'agit  de  le  chasser  de  ses  tem- 
ples, de  l'expulser  des  mœurs,  de  la  pensée, 
de  la  littérature,  des  arts,  de  la  politique; 
car  il  possède  tout.  Ce  n'est  pas  seulement 
l'humanité  dépravée  qui  résiste  ;  c'est  le  fort 
armé  qui  la  regarde  comme  son  domaine,  et 
qui  ne  cédera  pas  devant  une  force  créée. 

Tout  est  donc  contre  le  règne  du  Christ,  et 
rien  pour  lui.  Que  sert  à  l'impiété  moderne 
de  dire,  contre  l'évidence  des  faits,  que  le 
monde  était  prêt  pour  une  si  complète  révo- 
lution ?  Comme  si  tous  les  vices  et  toutes  les 
erreurs  étaient  une  préparation  à  toutes  les 
vertus  et  à  toutes  les  vérités!  comme  s'il  suf- 
fisait à  l'homme  vicieux  de  sentir  le  mal- 
heur, pour  comprendre  que  son  malheur 
vient  de  ce  qu'il  est  dans  le  mal,  pour  se 
résoudre  à  devenir  tout  d'un  coup,  et  au  prix 
de  tous  les  sacrifices,  un  héros  de  vertu  1 

Non,  pour  que  Jésus  régnât  sur  ce  monde 
pervers,  il  fallait  un  miracle  et  le  plus  grand 
de  tous  les  miracles,  un  prodige  qui,  comme 
le  dit  Bossuet,  n'a  de  terme  de  comparaison 
qu'avec  l'acte  créateur  qui  a  fait  sortir  les 
êtres  du  néant.  Or,  ce  prodige,  qui  l'a  fait, 
sinon  le  divin  Esprit?  C'est  lui-même  qui  a 
voulu  que  nous  qui  n'avons  pas  vu  le  Sei- 
gneur Jésus,  nous  fussions  rendus  aussi  cer- 
tains de   sa  nature    divine  et  de    sa  mission 

I.   JOHAN.  XII,  3i. 


Le  Lundi  de  la  Pentecôte.  363 

de  Sauveur,  que  si  nous  eussions  été  témoins 
de  ses  miracles  et  auditeurs  de  ses  enseigne- 
ments. C'est  dans  ce  but  qu'a  été  opéré  ce 
prodige  des  prodiges,  cette  conversion  du 
monde,  dans  laquelle  «  Dieu  a  choisi  ce 
«  qu'il  y  avait  de  plus  faible  dans  le  monde 
«  pour  renverser  ce  qui  était  fort,  ce  qui 
«  n'était  pas  pour  détruire  ce  qui  était  i.  » 
C'est  dans  ce  fait  immense  et  plus  lumineux 
que  le  soleil,  que  l'Esprit-Saint  a  rendu  sa  pré- 
sence visible,  qu'il  s'est  affirmé  lui  même. 

Voyons  par  quels  moyens  il  s'y  est  pris 
pour  assurer  le  règne  de"^ Jésus  sur  le  monde. 
Retournons  d'abord  au  Cénacle.  Considérez 
ces  hommes  revêtus  maintenant  de  la  Vertu 
d'en  haut.  Qu'étaient-ils  tout  à  l'heure?  Des 
gens  sans  influence,  de  condition  vile,  sans 
lettres,  d'une  faiblesse  connue.  N'est-il  pas 
vrai  que  l'Esfirit-Saint  en  a  fait  tout  à  coup 
des  hommes  éloquents  et  du  plus  haut  cou- 
rage, des  hommes  que  le  monde  connaîtra 
bientôt,  et  qui  remporteront  sur  lui  une  vic- 
toire devant  laquelle  pâliront  les  triomphes 
des  plus  glorieux  conquérants?  Il  faut  bien 
que  l'incrédulité  l'avoue,  le  fait  est  par  trop 
évident:  le  monde  a  été  transformé,  et  cette 
transformation  est  l'œuvre  de  ces  pauvres  juifs 
du  Cénacle.  Ils  ont  reçu  le  Saint-Esprit  en  ce 
jour  de  la  Pentecôte,  et  cet  Esprit  a  accompli 
par  eux  tout  ce  qu'il  avait  à  accomplir. 

Il  leur  a  donné  trois  choses  en  ce  jour:  la 
parole  figurée  par  les  langues,  l'ardeur  de 
l'amour  r'eprésentée  par  le  feu,  et  le  don  des 
miracles  -qu'ils   exercent    tout    aussitôt.    La 

1.  I  Cor.  I,  27. 


364  Le  Temps  Pascal. 

parole  est  le  glaive  dont  ils  sont  armés,  l'a- 
mour est  l'aliment  du  courage  qui  leur  fera 
tout  braver,  et  par  le  miracle  ils  forceront 
l'attention  des  hommes.  Tels  sont  les  moyens 
devant  lesquels  le  Prince  du  monde  sera  ré- 
duit à  capituler,  par  lesquels  le  règne  de 
l'Emmanuel  s'établira  dans  son  domaine,  et 
ces  moyens  procèdent  tous  de  l'Esprit-Saint. 
Mais  il  ne  borne  pas  là  son  action.  Il  ne 
suffit  pas  que  les  hommes  entendent  retentir 
la  parole,  qu'ils  admirent  le  courage,  qu'ils 
voient  des  prodiges.  Il  ne  suffit  pas  qan'ils  en- 
trevoient la  splendeur  de  la  vérité,  qu'ils 
sentent  la  beauté  de  la  vertu,  qu'ils  recon^ 
naissent  la  honte  et  le  crime  de  leur  situation. 
Pour  arriver  à  la  conversion  du  cœur,  pour 
reconnaître  unDieudansce  Jésusqu'onvaleur 
prêcher,  pour  l'aimer  et  se  vouer  à  lui  dans 
le  baptême  et  jusqu'au  martyre,  s'il  le  faut, 
il  est  nécessaire  que  le  Saint-Esprit  inter- 
vienne. Lui  seul,  comme  parle  le  Prophète, 
peut  enlever  de  leur  poitrine  le  cœur  de  pierre 
et  y  substituer  un  cœur  de  chair  capable 
d'éprouver  le  sentiment  surnaturel  de  la  foi 
et  de  l'amour.  L'Esprit  divin  accompagnera 
donc  partout  ses  envoyés  ;  à  eux  l'action  vi- 
sible, à  lui  l'action  invisible;  et  le  salut  pour 
l'homme  résultera  de  ce  concours.  Il  faudra  que 
l'une  et  l'autre  action  s'exercent  sur  chaque 
individu,  que  la  liberté  de  chaque  individu  ac- 
quiesce et  se  rende  à  la  prédication  extérieure 
de  l'apôtre  et  à  la  touche  intérieure  de  l'Esprit. 
Certes,  c'est  un  grand  œuvre  d'entraîner  la  race 
humaine  à  confesser  Jésus  son  seigneur  et  roi  ; 
la  volonté  perverse  résistera  longtemps;  mais 
qu'il   s'écoule  seulement   trois  siècles,  et  le 


Le  Lundi  de  la  Pentecôte.  365 

monde  civilisé  se  rangera  autour  de  la  croix 
du  Rédempteur. 

Il  était  juste  que  l'Esprit-Saint  et  ses  en- 
voyés s'adressassent  d'abord  au  peuple  de 
Dieu.  Ce  peuple  «  avait  reçu  en  dépôt  les 
«  divins  oracles  1  »  ;  il  avait  fourni  le  sang  de 
la  rédemption.  Jésus  avait  déclaré  qu'il  était 
envoyé  «  pour  les  brebis  perdues  de  la  mai- 
«  son  d'Israël  -.  »  Pierre,  son  vicaire,  devait 
hériter  de  cette  gloire  d'être  l'Apôtre  du  peu- 
ple circoncis  3  ;  bien  que  la  gentilité,  en  la 
personne  de  Corneille  le  Centurion,  dût  être 
par  lui  introduite  dans  l'Eglise,  et  l'éman- 
cipation des  gentils  baptisés  proclamée  par 
lui  dans  l'assemblée  de  Jérusalem.  Mais 
l'honneur  était  dû  d'abord  à  la  famille  d'A- 
braham, d'Isaac  et  de  Jacob;  voilà  pourquoi 
notre  première  Pentecôte  est  juive,  pourquoi 
nos  premiers  ancêtres  en  ce  jour  sont  juifs. 
C'est  sur  la  race  d'Israël  que  l'Esprit-Saint 
répand  d'abord  ses  dons  inetfables. 

Voyez-les  maintenant  partir  de  Jérusalem 
ces  juifs  qui  ont  reçu  la  parole,  et  dont  le 
saint  baptême  a  fait  de  véritables  enfants 
d'Abraham.  La  solennité  passée,  ils  retour- 
nent dans  les  provinces  de  la  gentilité  qu'ils 
habitent,  portant  dans  leurs  cœurs  Jésus  qu'ils 
ont  reconnu  pour  le  Messie  roi  et  sauveur. 
Saluons  ces  prémices  de  la  sainte  Eglise,  ces 
trophées  de  l'Esprit  divin,  ces  porteurs  de  la 
bonne  nouvelle.  Ils  ne  tarderont  pas  à  voir 
arriver  les  hommes  du  Cénacle  qui  se  tourne- 
ront vers  les  gentils,après  l'inutile  sommation 
faite  à  l'orgueilleuse  et  ingrate  Jérusalem. 

I.  Rom.  III,  2.  —  2.  Matth.  XV,  24.  —  3.  Gai.  11,  7. 


366 


Le  Temps  Pascal. 


Une  faible  minorité  dans  la  nation  juive  a 
donc  consenti  à  reconnaître  le  fils  de  David 
pour  l'héritier  du  Père  de  famille;  la  masse 
est  demeurée  rebelle  et  court  obstinément  à 
sa  perte.  Comment  qualifier  son  crime? 
Etienne,  le  Protomartyr,  nous  l'apprend.  S  a- 
dressant  à  ces  indignes  fils  d'Abraham  : 
0  Hommes  à  la  tête  dure,  leur  dit-il,  cœurs  et 
«  oreilles  incirconcis,  vous  résistez  continuel- 
«  lement  au  Saint-Esprit  K  »  Un  si  coupable 
refus  d'obéir  chez  la  nation  privilégiée  donne 
le  signal  de  la  migration  des  Apôtres  vers  la 
gentilité.  L'Esprit-Saint  ne  les  quitte  plus,  et 
c'est  désormais  sur  les  peuples  assis  dans  les 
ombres  de  la  mort  qu'il  va  épancher  les  tor- 
rents de  la  grâce  que  Jésus  a  mérités  aux 
hommes  par  son  Sacrifice  sur  la  croix. 

Ils  s'avancent,  ces  porteurs  de  la  parole  de 
vie,  vers  les  régions  païennes.  Tout  s'arme 
contre  eux,  mais  ils  triomphent  de  tout. 
L'Esprit  qui  les  anime  féconde  en  eux  ses 
dons.  Il  agit  en  même  temps  sur  les  âmes  de 
leurs  auditeurs,  la  foi  en  Jésus  se  répand  avec 
rapidité;  et  bientôt  Antioche,  puis  Rome, 
puis  Alexandrie,  voient  s'élever  en  leur  sein 
une  population  chrétienne.  La  langue  de  feu 
parcourt  le  monde;  elle  ne  s'arrête  même 
pas  aux  limites  de  l'empire  romain,  prédes- 
tiné, selon  les  divins  Prophètes,  à  servir  de 
base  à  l'empire  du  Christ.  Les  Indes,  la 
Chine,  l'Ethiopie  et  cent  peuples  lointains  en- 
tendent la  voix  des  Evangélistes  de  la  paix. 

Mais  il  ne  leur  faut  pas  seulement  rendre 
témoignage    par   la   parole  à  la   royauté  de 


Le  Lundi  de  la  Pentecôte.  36 j 

leur  Maître;  ils  lui  doivent  aussi  le  témoi- 
gnage du  sang.  Ils  ne  seront  pas  en  retard. 
Le  feu  qui  les  embrasa  au  Cénacle  les  con- 
sume dans  l'holocauste  du  martyre. 

Admirons  ici  la  puissance  et  la  fécondité  du 
divin  Esprit.  A  ces  premiers  envoyés  il  fait 
succéder  une  génération  nouvelle.  Les  noms 
sont  changés,  mais  l'action  continue  et  conti- 
nuera jusqu'à  la  fin  des  temps,  parce  qu'il  faut 
que  Jésus  soit  reconnu  sauveur  et  maître  de 
l'humanité,  et  que  l'Esprit-Saint  a  été  envoyé 
pour  opérer  cette  reconnaissance  sur  la  terre. 

Le  Prince  de  ce  monde,  «  l'ancien  ser- 
pent 1  »,  s'agite  avec  violence  pour  arrê- 
ter les  conquêtes  des  envoyés  de  l'Esprit.  Il 
a  crucifié  Pierre,  tranché  la  tête  à  Paul,  im- 
molé leurs  compagnons;  mais  lorsque  ces 
nobles  chefs  ont  disparu,  son  orgueil  est  sou- 
mis à  une  épreuve  plus  dure  encore.  C'est  un 
peuple  entier  qu'a  produit  le  mystère  de  la 
Pentecôte;  la  semence  apostolique  a  germé 
dans  des  proportions  immenses.  La  persécu- 
tion de  Néron  a  pu  abattre  les  chefs  juifs  du 
nouveau  peuple;    mais  voici    maintenant  la 

fentilité  elle-même  établie  dans  l'Eglise, 
jnsi  que  nous  le  chantions  hier  en  triom- 
phe, «  l'Esprit  du  Seigneur  a  rempli  la  terre 
«  entière  2.  »  Nous  voyons,  dès  la  fin  du  pre- 
mier siècle,  le  glaive  de  Domitien  sévir  jus- 
que sur  les  membres  de  la  famille  impériale. 
Bientôt  les  Trajan,  les  Adrien,  les  Antonin, 
les  Marc-Aurèle,  épouvantés  du  compétiteur 
Jésus  de  Nazareth,    s'élancent   sur  son  trou- 

I.  Apoc.  xiî,  9.  —  2.  Introït  de  la  fête  de  la  Pentecôte 
tiré  du  livre  de  la  Sagesse. 


368  Le  Temps  Pascal. 

peau  ;  mais  c'est  en  vain.  Le  Prince  du 
monde  les  avait  armes  de  la  politique  et  de 
la  philosophie;  TEsprit-Saint  dissout  tous 
ces  faux  prestiges,  et  la  vérité  s'étend  tou- 
jours plus  sur  la  surface  du  monde.  A  ces 
sages  succèdent  des  tyrans  forcenés,  un  Sé- 
vère, un  Décius,  un  Gallus,  un  Valérien,  un 
Aurélien,  un  Maximien;  le  carnage  s'étend 
à  tout  l'empire,  parce  que  les  chrétiens  y 
sont  partout.  Enfin  l'etfort  suprême  du 
Prince  du  monde  est  dans  l'effroyable  persé- 
cution décrétée  par  Dioclétien  et  les  farou- 
ches Césars  qui  partagent  le  pouvoir  avec 
lui.  Ils  avaient  résolu  l'extermination  du 
christianisme,  et  ce  sont  eux-mêmes  qui, 
après  avoir  répandu  des  torrents  de  sang, 
s'affaissent  dans  le  désespoir  et  l'ignominie. 

Qu'ils  sont  magnifiques  vos  triomphes,  ô 
divin  Esprit  !  qu'il  est  surhumain  l'empire 
du  Fils  de  Dieu,  lorsque  vous  l'établissez 
ainsi  à  rencontre  de  toutes  les  résistances 
de  la  faiblesse  et  de  la  perversité  humaines, 
à  la  face  de  Satan  dont  le  règne  semblait 
pour  jamais  consolidé  sur  la  terre!  Mais  vous 
aimez  le  futur  troupeau  du  Rédempteur,  et 
vous  répandez  dans  des  millions  d'àmes  l'at- 
trait pour  une  vérité  qui  exige  de  si  redou- 
tables sacrifices.  Vous  renversez  les  prétex- 
tes d'une  vaine  raison  par  des  prodiges  in- 
nombrables, et  échauffant  ensuite  par  l'a- 
mour ces  cœurs  arrachés  à  la  concupiscence 
et  à  l'orgueil,  vous  les  envoyez  pleins  d'un 
enthousiasme  tranquille  au-devant  de  la  mort 
et  des  tortures. 

Alors  s'accomplit  la  promesse  que  Jésus 
avait  faite   pour   le  moment  où  ses   fidèles 


Le  Lundi  de  la  Pentecôte.  36g 

comparaîtraient  devant  les  ministres  du 
Prince  du  monde.  Il  avait  dit  :  «  Ne  prenez 
«  pas  la  peine  de  réfléchir  sur  la  manière 
«  dont  vous  parlerez  et  sur  ce  que  vous  di- 
«  rez.  A  l'heure  même,  vous  sera  donné  ce 
«  que  vous  aurez  à  dire  ;  car  ce  ne  sera  pas 
«  vous-mêmes  qui  parlerez,  mais  ce  sera  l'Es- 
«  PRIT  de  votre  Père  qui  parlera  en  vous  i.  » 
Nous  en  pouvons  juger  encore  en  lisant  les 
limmortes  Actes  de  nos  martyrs,  en  suivant 
ces  interrogatoires  et  ces  réponses  simples  et 
sublimes  qui  s'échappent  du  milieu  même 
des  tourments.  C'est  la  voix  de  l'Esprit,  la 
parole  de  l'Esprit  qui  lutte  et  qui  triomphe. 
Les  assistants  s'écriaient:  «  Il  est  grand,  le 
«  Dieu  des  chrétiens!  »  et  plus  d'une  fois 
on  vit  les  bourreaux,  séduits  par  une  si  di- 
vine éloquence,  se  déclarer  eux-mêmes  les 
disciples  d'un  Dieu  si  puissant,  et  se  ranger 
soudain  parmi  les  nobles  victimes  qu'ils  dé- 
chiraient tout  à  l'heure.  Nous  savons  par 
les  monuments  contemporains  que  l'arène 
du  martyre  fut  la  tribune  de  la  foi,  et  que 
le  sang  des  martyrs,  joint  à  la  beauté  de  leur 
parole,  fut  la  semence  des  chrétiens. 

Après  trois  siècles  de  ces  merveilles  du  di- 
vin Esprit,  la  victore  fut  complète.  Jésus  était 
reconnu  Roi  et  Sauveur  du  monde,  docteur 
et  rédempteur  des  hommes  ;  Satan  était  ex- 
pulsé du  domaine  qu'il  avait  usurpé,  le  po- 
lythéisme dont  il  fut  l'auteur  était  remplacé 
par  la  foi  en  un  seul  Dieu,  et  le  culte  igno- 
ble de  la  matière  n'était  plus  qu'un  objet  de 
honte  et  de  mépris.  Or,  une  telle  victoire  qui 

I.  Matth.  X,  20. 


LE   TEMPS    PASCAL.    —    T,    III,  24 


3jo  Lundi  de  la  Pentecôte. 

eut  d'abord  pour  théâtre  l'empire  romain 
tout  entier,  et  qui  n'a  cesse  de  s'étendre,  de 
siècle  en  siècle,  à  tant  d'autres  nations  infi- 
dèles, est  l'œuvre  du  Saint-Esprit.  La  ma- 
nière miraculeuse  dont  elle  s'est  accomplie 
contre  toutes  les  prévisions  humaines  est  l'un 
des  principaux  arguments  sur  lesquels  re- 
pose notre  foi.  Nous  n'avons  pas  vu  de  nos 
yeux,  nous  n'avons  pas  entendu  de  nos 
oreilles  le  Seigneur  Jésus;  mais  nous  le  con- 
fessons pour  notre  Dieu,  à  cause  du  témoi- 
gnage que  lui  a  rendu  si  visiblement  l'Esprit- 
Saint  qu'il  nous  a  envoyé.  Soient  donc  a  ja- 
mais à  ce  divin  Esprit  gloire,  reconnaissance 
et  amour  de  la  part  detoute  créature  !  car  il 
nous  a  mis  en  possession  du  salut  que  notre 
Emmanuel  nous  avait  apporté. 


A  LA  MESSE. 

LA  Station  est  aujourd'hui  dans  la  Basilique 
de  Saint-Pierre-aux-Liens.  Cette  église, 
appelée  aussi  la  Basilique  d'Eudoxie,  du  nom 
de  l'impératrice  qui  l'éleva,  garde  précieuse- 
ment les  chaînes  dont  saint"  Pierre  fut  lié  à 
Jérusalem  par  l'ordre  d'Hérode,  et  à  Rome 
par  l'ordre  de  Néron.  La  réunion  du  peuple 
fidèle  en  son  enceinte  aujourd'hui  rappelle 
merveilleusement  la  force  dont  l'Esprit-Saint 
revêtit  les  Apôtres  au  jour  de  la  Pentecôte. 
Pierre  s'est  laissé  lier  pour  le  service  de  son 
maître  Jésus,  et  il  s'est  fait  honneur  de  ses 
liens.  Cet  apôtre  qui  avait  tremblé  à  la  voix 
d'une  servante,  ayant  reçu  le  don  de  l'Esprit- 
Saint,   est    allé   au-devant    des    chaînes.  Le 


A  la  Messe. 


3? 


Prince  du  monde  a  cru  qu'il  pourrait  enchaî- 
ner la  divine  parole;  mais  cette  parole  était 
libre  jusque  dans  les  fers. 

L'Introït,  formé  des  paroles  de  David,  fait 
allusion  aux  néophytes  qui  viennent  d'être 
baptisés,  et  sont  là  présents  avec  leurs  robes 
blanches.  Au  sortir  de  la  fontaine,  ils  ont  été 
nourris  de  pain  de  vie  qui  est  la  fine  fleur  du 
divin  froment.  On  leur  a  donné  à  goûter  la 
douceur  du  miel  qui  procède  de  la  pierre. 
Or  la  Pierre  est  le  Christ,  nous  dit  l'Apôtre  i, 
et  le  Christ  a  admis  Simon,  fils  de  Jonas,  à 
l'honneur  de  participer  à  ce  noble  symbole. 
Il  lui  a  dit:  «  Tu  es  Pierre  »,  et  les  chaînes 
sacrées  qui  sont  là  montrent  assez  avec  quelle 
fidélité  Simon  a  compris  qu'il  devait  s'attacher 
à  la  suite  de  son  Maître.  Le  même  Esprit  qui 
l'a  fortifié  dans  la  lutte  repose  maintenant 
sur  les  néophytes  de  la  Pentecôte. 


DIEU  les  a  nourris  de  la 
fleur  du  froment,  alléluia: 
il  les  a  rassasiés  d'un  miel 
sorti  de  la  pierre,  alléluia, 
alléluia,  alléluia.' 

Ps.  Livrez-vous  à  la  joie 
en  Dieu  notre  protecteur  : 
chantez  avec  transport  les 
louanges  du  Dieu  de  Jacob. 
Gloire  au  Père.  Dieu  les  a 
nourris. 


CIBAVIT  eos  ex  adipe 
frumenti,  alléluia; 
et  de  petra,  melle  satu- 
ravit  eos,  alléluia,  allé- 
luia, alléluia. 

Ps.  Exsultate  Deo  ad- 
jutori  nostro  :  jubilate 
Deo  Jacob.  Gloria  Patri. 
Cibavit. 


Dans  la  Collecte,  la  sainte  Eglise  rappelle 
la  descente  du  Saint-Esprit  sur  les  Apôtres,  et 
remerciant   Dieu  qui    a  daigné  répandre  le 


1. 1  Cor.  X,  4. 


3^2 


Lt  Lundi  de  la  Pentecôte. 


don  de  la  foi  dans  les  nouveaux  chrétiens, 
elle  implore  pour  eux  celui  de  la  paix  que 
Jésus  ressuscité  apporta  à  ses  disciples. 


ORAISON. 


DEUS,  qui  Apostolis 
tuis  Sanctum  dedis- 
li  Spiritum  :  concède 
plebi  tuae  piœ  petitionis 
efFectum  ;  ut  quibus  de- 
tiisti  fidem  largiaris  et 
pacem.  Per  Dominum. 


O 


Dieu,  qui  avez  donné 
le  Saint-Esprit  à  vos 
Apôtres,  accordez  à  votre 
peuple  l'objet  de  son  humble 
prière,  et  donnez  aussi  la 
paix  à  ceux  que  vous  avez 
favorisés  du  don  de  la  toi. 
Par  Jésus-Christ. 


Lectio  Actuum  Aposto- 
lorum.    Cap.  x. 

IN  diebus  illis  :  Ape- 
riens  Petrus  os  suum 
dixit  :  Viri  fratres,  no- 
bis  praecepit  Dominus 
praedicare  populo,  et  tes- 
tificari  quia  ipse  est,  qui 
constitutus  est  a  Deo  Ju- 
dex  vivorum  et  mortuo- 
rum.  Huic  omnes  pro- 
phetaî  testimonium  per- 
hibent,  remissionem  pec- 
catorumaccipereper  No- 
men  ejus  omnes  qui  cre- 
dunt  in  eum.  Adhuc  lo- 
quente  Petro  verba  hxc, 
cecidit  Spiritus  Sanctus 
super  omnes  qui  audie- 
bant  verbum.  Et  obstu- 
puerunt  ex  circumcisione 
fidelesqui  vénérant  cum 
Pelro  :  quia  et  in  nationes 
gratia  Spiritus  Sancti 
effusa     est.      Audiebant 


Lecture  des  Actes  des  Apô- 
tres. Chap.  X. 

EN  ces  jours-là,  Pierre, 
ouvrant  la  bouche,  dit  : 
Mes  frères,  le  Seigneur  nous 
a  commandé  de  prêcher  au 
peuple,  et  de  témoigner  que 
c'est  Jésus  qui  a  été  établi 
de  Dieu  pour  être  le  juge  des 
vivants  et  des  morts.  Tous 
les  prophètes  lui  rendent  ce 
témoignage,  que  quiconque 
croira  en  lui,  recevra  par  son 
Nom  la  rémission  de  ses  pé- 
chés". Pierre  parlait  encore, 
lorsque  le  Saint-Esprit  des- 
cendit sur  tous  ceux  qui 
écoutaient  la  parole.  Et  les 
fidèles  circoncis,  qui  étaient 
venus  avec  Pierre,  furent 
frappés  d'étonnement,  en 
voyant  que  la  grâce  du  Saint- 
Esprit  se  répandait  aussi  sur 
les  Gentils  ;  car  ils  les  enten- 
daient  parler    diverses    lan- 


A  la  Messe. 


373 


eues,  et  glorifier  Dieu.  Alors 
Pierre  dit  :  Peut-on  refuser 
l'eau  à  ceux  qui  ont  déjà 
reçu  comme  nous  le  Saint- 
iLsprit  ?  Et  il  commanda 
qu'on  les  baptisât  au  nom  du 
Seigneur  Jésus-Christ. 


enim  illos  loquentes  lin- 
guis,  et  magnificantes 
Deum.  Tune  respondit 
Petrus  :  Numquid  aquam 
quis  prohibere  potest,  ut 
non  baptizentur  hi,  qui 
Spiritum  Sanctum  acce 
perunt  sicut  et  nos  ?  Et 
jussit  eos  baptizari  in  no- 
mine  Domini  Jesu  Chris- 
ti. 

r^E  passage  du  livre  des  Actes  des  Apôtres 
est  d'une  haute  éloquence  en  un  tel  jour 
et  en  un  tel  lieu,  Pierre,  le  vicaire  du  Christ, 
est  en  présence  des  chrétiens  sortis  de  la  Sy- 
nagogue; sous  leurs  yeux  sont  réunis  plu- 
sieurs hommes  de  la  gentilité  que  la  grâce  a 
conduits,  par  la  prédication  de  Pierre,  à 
reconnaître  Jésus  pour  le  Fils  de  Dieu. 
L'Apôtre  est  arrivé  au  moment  solennel  où 
il  doit  ouvrir  la  porte  de  l'Eglise  aux  gentils. 
Pour  ménager  la  susceptibilité  des  anciens 
juifs,  il  en  appelle  à  leurs  prophètes.  Qu'ont- 
ils  dit,  ces  prophètes  ?  Ils  ont  annoncé  que 
tous  ceux,  sans  exception,  qui  croiraient  en 
Jésus  recevraient  la  rémission  de  leurs  pé- 
chés par  son  Nom.  Tout  à  coup  l'Esprit-Saint 
interrompt  l'Apôtre,  il  décide  la  question  en 
fondant,  comme  au  jour  de  la  Pentecôte,  sur 
ces  gentils  humbles  et  croyants.  Les  signes 
de  sa  présence  en  eux  arrachent  un  cri  d'é- 
tonnement  aux  chrétiens  circoncis.  «  C'en 
«  est  donc  fait,  s'écrient-ils  ;  la  grâce  du  Saint- 
ce  Esprit  estdonc  aussi  pour  les  Gentils  !  »  Alors 
Pierre,  avec  toute  l'autorité  de  Chef  de  l'E- 
glise, décide  la  question.  «  Oserions-nous 
«  refuser  le  baptême  à  des  hommes  qui    ont 


3^4 


Le  Lundi  de  la  Pentecôte. 


«  reçu  l'Esprit- Saint  comme  nous  l'avons 
«  reçu  nous-mêmes?  »  Et  sans  attendre  la 
réponse,  il  donne  Ordre  de  conférer  immé- 
diatement le  baptême  à  ces  heureux  caté- 
chumènes. 

Une  telle  lecture,  au  sein  de  Rome  centre 
de  la  gentilité,  dans  une  Basilique  dédiée  à 
saint  Pierre,  en  présence  de  ces  néophytes  si 
récemment  initiés  aux  donsde  l'Esprit-Saint 
par  le  Baptême,  offrait  un  à-propos  qu'il 
nous  est  aisé  de  sentir.  Puisons-y  en  même 
temps  un  profond  sentiment  de  reconnais- 
sance envers  le  Seigneur  notre  Dieu  qui  a 
daigné  appeler  nos  pères  du  sein  de  l'infidé- 
lité, et  nous  associer  après  eux  aux  faveurs 
de  son  divin  Esprit. 

L  LLELUIA,  alléluia. 


A   LLELUIA, 


alléluia. 


^.  Loquebantur  variis 
linguis  Apostoli  magna- 
lia  Dei. 

Alléluia. 

f.  Veni,  Sancte  Spi- 
ritus,  reple  tuorum  cor- 
da fidelium  :  et  tui  amo- 
ris  in  eis  ignem  accende. 


f.  Les  Apôtres  publiaient 
en  diverses  langues  les  mer- 
veilles de  Dieu. 

Alléluia. 

t.  Venez  ,  Esprit-Saint  , 
remplissez  les  cœurs  de  vos 
fidèles,  et  allumez  en  eux  le 
feu  de  votre  amour. 


La  Séquence  Veni,  Sancte  Spiritus,  ci-des- 
sus, page  3i3. 


EVANGILE. 


Sequeniia  sancti  Evan- 
gelii  secundum  Johan- 
nem.  Cap.  m. 

IN  illo   tempore  :   Dixit 
Jésus  Nicodemo  :   Sic 
Dcus     dilexit    mundum, 


La   suite  du    saint    Evangile 
selon  saint  Jean.  Chap.  m. 


EN  ce  temps-là,  Jésus  dit  à 
Nicodème  :  Dieu   a   aimé 
le  monde  jusqu'à  donner  son 


A  la  Messe. 


3-75 


Fils  unique,  afin  que  quicon- 
que croira  en  lui  ne  périsse 
pas,  mais  qu'il  ait  la  vie  éter- 
nelle. Car  Dieu  n'a  pas  en- 
voyé son  Fils  dans  le  monde 
pour  juger  le  monde,  mais 
afin  que  le  monde  soit  sauvé 
par  lui.  Qui  croit  en  lui  n'est 
pas  jugé  ;  mais  qui  ne  croit 
pas  est  déjà  jugé,  parce  qu'il 
ne  croit  pas  au  nom  du  Fils 
unique  de  Dieu.  Et  voici  le 
motif  du  jugement  :  C'est  que 
la  lumière  est  venue  dans  le 
monde,  et  que  les  hommes 
ont  mieux  aimé  les  ténèbres 
que  la  lumière,  parce  que 
leurs  œuvres  étaient  mauvai- 
ses. Car  quiconque  fait  le 
mal,  hait  la  lumière,  et  il  ne 
s'approche  point  de  la  lu- 
mière, de  peur  que  ses  œuvres 
ne  soient  convaincues  de  mal. 
Mais  celui  qui  fait  selon  la 
vérité,  vient  à  la  lumière, 
afin  que  ses  œuvres  soient 
manifestées,  parce  qu'elles 
sont  faites  en  Dieu. 


ut  Filium  suumUnigeni- 
tum  daret  :  ut  omnis  qui 
crédit  in  eum,  non  pe- 
reat,  sed  habeat  vitam 
aeternam.  Non  enim  mi- 
sit  Deus  Filium  suura 
in  mundum,  ut  judicet 
mundum,  sed  ut  salve- 
tur  mundus  per  ipsum. 
Qui  crédit  in  eum,  non 
judicatur  :  qui  autem  non 
crédit,  jam  judicatus  est: 
quia  non  crédit  in  nomi- 
ne  Unigeniti  Filii  Dei. 
Hoc  est  autem  judicium  : 
quia  lux  venit  in  mun- 
dum, et  dilexerunt  homi- 
nes  magis  teneb'ras  quam 
lucem  :  erant  enim  eo- 
rum  mala  opéra.  Omnis 
enim,  qui  maie  agit, 
odit  lucem,  et  non  venit 
ad  lucem,  ut  non  arguan- 
tur  opéra  ejus  :  qui  au- 
tem facit  veritatem,  venit 
ad  lucem,  ut  manifesten- 
tur  opéra  ejus,  quia  in 
Deo  sunt  facta. 


LE  Saint-Esprit  crée  la  foi  dans  nos  âmes, 
et  par  la  toi  nous  obtenons  la  vie  éter- 
nelle ;  car  la  foi  n'est  pas  l'adhésion  à  une 
thèse  rationnellement  démontrée,  mais  une 
vertu  qui  procède  de  la  volonté  fécondée 
par  la  grâce.  Au  temps  où  nous  vivons,  la  foi 
devient  rare.  L'orgueil  de  l'esprit  est  monté 
à  son  comble,  et  la  docilité  de  la  raison  aux 
enseignements  de  l'Eglise  fait  défaut  chez  un 
grand  nombre.  On  se  croit  chrétien  et  Catholi- 
que, et  en  même  temps  on  ne  se  sent  pas  dis- 


^76 


Le  Lundi  de  la  Pentecôte. 


posé  à  renoncera  ses  idées  en  toute  simplicité, 
si  elles  étaient  désapprouvées  par  l'autorité 
qui  seule  a  le  droit  de  nous  diriger  dans  la 
croyance.  On  se  permet  des  lectures  impru- 
dentes, quelquefois  mcme  mauvaises,  sans 
s'inquiéter  si  l'on  contrevient  à  des  défenses 
sacrées.  On  fait  peu  pour  arriver  à  une  ins- 
truction sérieuse  et  complète  sur  les  choses 
de  la  religion,  en  sorte  que  l'on  conserve 
dans  son  esprit,  comme  un  poison  caché, 
beaucoup  d'idées  hétérodoxes  qui  ont  cours 
dans  l'atmosphère  que  l'on  respire.  Souvent 
il  arrive  qu'un  homme  compte  parmi  les  ca- 
tholiques, et  remplit  les  devoirs  extérieurs  de 
la  foi  par  principe  d'éducation,  par  tradi- 
tion de  famille,  par  une  certaine  disposition 
naturelle  du  cœur  ou  de  l'imagination.  Il  est 
triste  de  le  dire,  plusieurs  aujourd'hui  pensent 
avoirla  foi,  et  elle  est  éteinte  en  eux. 

Cependant  la  foi  est  le  premier  lien  avec 
Dieu;  c'est  parla  foi,  nous  dit  l'Apôtre,  que 
l'on  approche  de  Dieu^,  et  qu'on  lui  demeure 
attaché.  Telle  est  l'importance  de  la  foi,  que 
le  Seigneur  vient  de  nous  dire  que  «  celui  qui 
C(  croit  n'est  pas  jugé.  »  En  effet,  celui  qui  croit 
dans  le  sens  de  notre  Evangile,  n'adhère  pas 
seulement  à  une  doctrine;  il  croit,  parce 
qu'il  se  soumet  de  cœur  et  d'esprit,  parce  qu'il 
veut  aimer  ce  qu'il  croit.  La  foi  opère  par  la 
charité  qui  la  complète,  mais  elle  est  un 
avant-goût  de  la  charité;  et  c'est  poiir  cela 
que  le  Seigneur  promet  déjà  le  salut  à  celui 
qui  croit,  tette  foi  éprouve  des  obstacles  de 
la  part  de  notre  nature  déchue.  Nous  venons 


I.  Heb.  XI,  6. 


A  la  Messe.  B'j'j 


de'l'entendre  :  «  La  lumière  est  venue  dans 
«  le  monde  ;  mais  les  hommes  ont  mieux  aimé 
«  les  ténèbres  que  la  lumière.  »  En  notre 
siècle,  les  ténèbres  régnent,  elles  s'épaissis- 
sent; on  voit  même  s'élever  de  fausses  lu- 
mières; des  mirages  trompeurs  égarent  le 
voyageur,  et  nous  le  répétons,  la  foi  est  deve- 
nue plus  rare,  cette  foi  qui  unit  à  Dieu  et 
sauve  de  ses  jugements.  Divin  Esprit,  arra- 
chez-nous aux  ténèbres  de  notre  temps,  corri- 
gez l'orgueil  de  notre  esprit,  délivrez-nous 
de  cette  vaine  liberté  que  l'on  prône  comme 
l'unique  lin  de  toutes  choses,  et  qui  est  si 
complètement  stérile  pour  le  bien  des  âmes. 
Nous  voulons  aimer  la  lumière,  la  posséder, 
la  conserver,  et  mériter  par  la  docilité  et  la 
simplicité  des  enfants  le  bonheur  de  la  voir 
épanouie  dans  le  jour  éternel. 

L'Offertoire  est  tiré  d'un  des  plus  magnifi- 
ques cantiques  de  David.  On  y  entend  le  bruit 
de  la  tempête  qui  annonce  l'arrivée  de  l'Es- 
prit. Bientôt  les  sources  des  eaux  vives  s'é- 
panchent et  fertilisent  la  terre;  c'est  lèvent 
impétueux  de  la  Pentecôte  et  le  baptême  qui 
succède  à  l'émission  des  feux. 


OFFERTOIRE. 


î  E  Seigneur  a  tonné  du 
*""  haut  du  ciel,  et  le  Très- 
Haut  a  fait  retentir  sa  voix, 
et  les  sources  des  eaux  ont 
paru  au  jour,  alléluia. 


I  NTONUIT  de  cœlo  Do- 
minus,  et  Atissimus 
dédit  vocem  suam  :  et 
apparuerunt  fontes  aqua- 
rum,  alléluia. 


Dans  la  Secrète,  l'Eglise  demande  qu'il  n'y 
ait  qu'une  offrande  sur  l'autel,  et  qu'elle  soit 
formée  à   la  fois  des  éléments  sacrés  et  des 


378 


Le  Lundi  de  la  Pentecôte. 


cœurs   des   fidèles  par   l'opération   du  divin 
Esprit. 


SECRETE. 


PROPITIUS  ,  Domine 
quaesumus,  haec  dona 
sanctifica:  et  hostiae  spiri- 
talis  oblatione  suscepta, 
nosmetipsos  tibi  perfice 
munus  aeternum.  Per  Do- 
minum. 


T~^  AIGNEZ,  Seigneur,  sanc- 
^  tifier  ces  dons  ;  et  en 
agréant  l'offrande  de  cette 
hostie  spirituelle,  faites  de 
nous-mêmes  une  oblation 
éternelle  à  votre  gloire.  Pat 
Jésus-Christ. 


La  Préface  de  la  Pentecôte,  ci-dessus , 
page  3 18. 

L'Antienne  de  la  Communion  est  formée 
des  paroles  du  Christ  annonçant  à  ses  dis- 
ciples le  ministère  que  va  remplir  le  Saint- 
Esprit  sur  la  terre.  Il  présidera  à  l'enseigne- 
ment des  vérités  que  Jésus  lui-même  a  ré- 
vélées. 


COMMUNION. 


]  'Esprit-Saint  vous  ensei- 
L  gnera,  alléluia,  tout  ce 
que  je  vous  aurai  dit,  allé- 
luia, alléluia. 


SPIRITUS  Sanctus  do- 
cebit  vos,  alléluia  : 
quaïcumque  dixero  vobis, 
alléluia,  alléluia. 


Dans  la  Postcommunion,  la  sainte  Eglise 
se  préoccupe  du  sort  de  ses  chers  néophytes. 
Ils  viennent  de  participer  au  Mystère  céleste, 
mais  au  dehors  de  graves  épreuves  les 
attendent  :  Satan,  le  monde,  les  persécu- 
teurs. La  Mère  commune  intervient  auprès 
de  Dieu,  pour  obtenir  que  ces  nouveaux 
fruits  de  son  sein  soient  traités  avec  des  mé- 
nagements proportionnés  à  leur  âge  encore 
tendre. 


A   Vêpres. 


37g 


POSTCOMMUNION. 


ASSISTEZ  votre  peuple  , 
Seigneur,  et  après  l'avoir 
nourri  des  Mystères  céles- 
tes, défendez-le  de  la  fureur 
de  ses  ennemis.  Par  Jésus- 
Christ. 


A  D  E  s  T  o,  quaesumus 
^  Domine,  populo  tuo: 
et  quem  mysteriis  cœles- 
tibus  imbuisti,  ab  hos- 
tium  furore  défende.  Per 
Dominum. 


A  VEPRES. 

ON  emploie  à  cet  Office  les  Antiennes,  les 
Psaumes  et  tout  ce  qui  compose  les 
Vêpres  du  jour  même  de  la  Pentecôte,  ci- 
dessus,  page  327,  sauf  l'Antienne  de  Magni- 
ficat et  fa  Collecte  qui  sont  propres  au 
lundi. 

ANTIENNE  DE  Magnificat. 


SI  quelqu'un  m'aime,  il 
gardera  ma  parole,  et  mon 
Père  l'aimera,  et  nous  vien- 
drons à  lui,  et  nous  ferons 
notre  demeure  en  lui,  allé- 
luia. 


C  I  quis  dîligit  me,  ser- 
"^  monem  meum  serva- 
bit  :  et  Pater  meus  dili- 
get  eum,  et  ad  eum  ve- 
niemus,  et  mansionem 
apud  eum  faciemus,  allé- 
luia. 


L'Oraison  des  Vêpres  est  la  Collecte  de  la 
Messe,  ci-dessus,  page  872. 


T  'Eglise  arménienne  continue  de  nous  four- 
■^  nir  ses  beaux  chants  pour  célébrer  la 
mission  du  Saint-Esprit.  Voici- l'Hymne  qui 
se  rapporte  au  lundi  de  l'Octave. 


38o 


Le  Temps  Pascal. 


CANON    SECUNDiE    DIEI. 


Idem  ac  similis  Patri  et 
'  Filio,  Spiritus  tu  non 
facte,  et  coexistens,  pro- 
cedens  a  Pâtre  inscruta- 
biliter,  accipiens  a  Filio 
inenarrabiliter,  in  Cœ- 
naculum  hodie  descen- 
disti,  spiritu  gratiae  tuas 
potasti  :  pota  nos  quo- 
que  per  misericordiam 
calice  sapientiae. 


Kxstantium  creator  ef- 
fectorum,  qui  ferebaris 
super  aquas,  pariter  in 
aquis  lavacri  concessi 
nobis  a  tibi  coexistente, 
blandiris  amore  columbœ 
instar,  homines  gêneras 
Deiformes  :  pota  nos 
quoque  per  misericor- 
diam calice  sapientias. 


Magister  supernorum 
intellectualium,  ac  imo- 
rum  horum  sensibilium  ; 
qui  Prophetas  das  de 
pastoribus,  et  Apostolos 
de  piscatoribus,  Evange- 
listas  publicanos,  prasdi- 
catores  verbi  tui  persecu- 
tores  :  pota  nos  quoque 
per  misericordiam  calice 
sapienti.ne. 


/^  Esprit  semblable  au 
-^  Père  et  au  Fils  et  de  la 
même  essence,  tu  n'as  pas 
été  fait;  mais  tu  coexistes, 
procédant  du  Père  d'une 
façon  mystérieuse,  et  rece- 
vant du  Fils  d'une  manière 
inénarrable  ;  tu  es  descendu 
aujourd'hui  dans  le  Cénacle 
pour  donner  à  tes  convives 
le  breuvage  de  ta  grâce  :  dai- 
gne nous  abreuver  aussi  dans 
ta  miséricorde  au  calice  de 
la  sagesse. 

Créateur  de  tous  les  êtres, 
toi  qui  étais  porté  sur  les 
eaux,  tu  te  montres  caressant 
comme  la  colombe  dans  les 
eaux  du  bain  sacré  qu'a  dai- 
gné instituer  pour  nous  celui 
qui  t'est  coexistant;  là  tu 
enfantes  des  hommes  qui  ont 
la  forme  de  Dieu  ;  daigne 
nous  abreuver  aussi  dans  ta 
miséricorde  au  calice  de  la 
sagesse. 

Toi  qui  instruis  à  la  fois 
les  intelligences  célestes  et 
nous  qui  vivons  sous  les  or- 
ganes corporels  ;  toi  qui 
prends  des  bergers  pour  en 
faire  des  Prophètes,  des  pê- 
cheurs pour  en  faire  des 
Apôtres,  des  publicains  pour 
en  faire  des  Evangélistes, 
des  persécuteurs  pour  en 
faire  des  prédicateurs  de  ta 
parole,  daigne  nous  abreuver 
aussi  dans  ta  miséricorde  au 
calice  de  la  sagesse. 


Le  Lundi  de  la  Pentecôte. 


38. 


Comme  un  vent  redouta- 
ble, au  bruit  violent  d'une 
tempête,  ô  Esprit,  tu  as  ap- 
paru dans  le  Cénacle  au 
chœur  des  douze  ;  tu  les  as 
baptisés  dans  le  feu,  tu  les 
as  purifiés  comme  l'or  dans 
la  flamme  ;  chasse  loin  de 
nous  les  ténèbres  du  péché, 
et  revêts-nous  de  la  lumière 
de  gloire. 

Celui  qui  est  amour  t'a  en- 
voyé par  amour,  toi  qui  es 
amour;  par  toi  il  s'est  uni  ses 
membres,  il  a  établi  sur  tes 
sept  colonnes  son  Eglise  qu'il 
a  bâtie;  il  a  établi  en  elle, 
pour  l'administrer,  ses  Apô- 
tres décorés  de  tes  sept  dons"; 
chasse  loin  de  nous  les  ténè- 
bres du  péché,  et  revêts- 
nous  de  la  lumière  de  gloire. 


Formidabilis  venti  in- 
star, horrisono  vehemen- 
ti  sonitu,  apparuisti  in 
Cœnaculo,  Spiritus  tu, 
choro  duodecim,  qui  a  te 
baptizati,  velut  aurum 
igné  purgati  sunt,  expur- 
ga  a  nobis  caliginem 
peccati,  et  indue  nos  lu- 
mine  gloriae. 

Amor  examore  te  amo- 
rem  misit,  sibi  membra 
sua  junxit ,  Ecclesiam 
suam  quam  a?dificavit, 
septem  columnis  tuis  fir- 
mavit,  ceconomos  in  ea 
posuit  Apostolos  septem 
charismatibus  tuis  exor- 
natos  :  expurga  a  nobis 
caliginem  peccati,  et  in- 
due  nos    lumine  gloriae. 


La  Séquence  qui  suit  fut  composée  au  xi» 
siècle  par  le  pieux  et  docte  Hildebert,  d'a- 
bord évêque  du  iMans,  plus  tard  archevêque 
de  Tours.  On  y  sent  combien  était  profonde, 
dans  les  âges  de  foi,  la  connaissance  du  mys- 
tère du  Saint-Esprit,  et  quel  enthousiasme 
excitait  sa  venue  parmi  les  hommes. 

SÉQUENCE. 


dieux  Paraclet, 

Amour  du  Père  et  du  Fils, 
lien  éternel  entre  celui  qui 
engendre  et  celui  qui  est  en- 
gendré. 


SPIRITUS  Sancte, 
Pie  Paraclite, 

Amor    Patris  et  Filii 
Nexus  Gignentis  et  Gc- 
niti. 


3S2 


Le  Temps  Pascal. 


Ulriusquc    bonitas    et 

caritas, 
Et     amborum      essentiae 

puritas  ; 
Benipnitas,  suavitas, 
Jocunditas. 


Vinculum  nectens 
Deum  homini, 
Virlus  adunans 
Hominem  Numini. 

Tibi  soH  digno  coli 
Cum  Pâtre  Filioque 

Jugis  cultus, 

Honormultus 

Sit  semper 
Procèdent!  ab   utro- 

que. 

Tu  mitis  et  hilaris. 
Amabilis,  laudabilis, 
Vanitatis  mundator, 
Munditiae  amator. 


Vox  suavis  exsulum 
Mœrentium, 
Melodia  civium 
Gaudentiiim. 


Islis  solamen, 
Ne  desperent  de  te, 
Istis  juvamen, 
Ut  suspirent  ad  te. 


Consolator  piorum, 
Inspirator  bonorum, 
Consiliator    mœstorum 


Vous  êtes  le  principe  de 
bonté  et  d'amour  qui  unit 
l'un  et  l'autre,  la  pureté  de 
leur  essence  ;  vous  êtes  tout 
bénignité  ,  suavité  ,  vous 
charmez  tout  par  votre  pré- 
sence. 

C'est  vous  qui  formez  le 
lien  pour  réunir  Dieu  à 
l'homme  ;  vous  êtes  la  force 
qui  produit  cette  union. 

A  vous  seul  donc  digne 
d'adoration,  ainsi  que  le  Père 
et  le  Fils,  culte  à  jamais.  A 
vous  qui  procédez  éternelle- 
ment des  deux,  hommage 
immense. 


Vous  êtes  doux  et  joyeux, 
digne  d'amour  et  de  louanges  : 
vous  purifiez  l'âme  de  la 
vanité,  la  pureté  fait  vos  dé- 
lices. 

Vous  inspirez  de  suaves 
accents  à  ceux  que  consumait 
la  tristesse  de  l'exil,  de  mélo- 
dieux accords  à  ceux  qui  sont 
dans  l'allégresse. 

Vous  consolez  les  pre- 
miers, et  les  sauver  du  déses- 
poir ;  vous  venez  apprendre 
aux  seconds   à   soupirer  vers 


Consolateur  des  cœurs 
pieux,  inspirateur  des  bons, 
conseiller  des  affligés. 


Le  Lundi  de  la  Pentecôte. 


383 


Vous  purifiez  l'homme  de 
ses  erreurs,  vous  lui  ensei- 
gnez ce  qu'il  ignorait,  vous 
fixez  ses  perplexités. 

Vous  ranimez  celui  qui  est 
faible,  vous  recueillez  celui 
qui  s'égarait,  vous  corrigez 
celui  qui  se  trompait  ;  vous 
soutenez  celui  qui  allait  tom- 
ber, vous  aidez  les  efforts  de 
celui  qui  combat,  vous  per- 
fectionnez celui  qui  aime 
déjà. 

C'est  vous  qui  avez  fait 
sortir  du  lac  de  corruption 
et  de  misère  celui  qui  main- 
tenant est  parfait. 

C'est  vous  qui  le  conduisez 
par  un  sentier  de  paix  et 
d'allégresse,  et  l'introduisez 
sous  le  nuage  de  la  foi  jusque 
dans  le  sanctuaire  de  la  divine 
Sagesse. 

Fondement  de  toute  sain- 
teté, vous  êtes  l 'aliment  de  la 
chasteté,  vous  embellissez  la 
douceur,  vous  rendez  douce 
la  pauvreté,  vous  fournissez 
aux  largesses,  vous  êtes  l'ap- 
pui de  toute  honnêteté. 


Refuge  des  misérables  , 
secours  de  ceux  qui  sont  cap- 
tifs ; 

Venant   à  point    pour    les 


Purificator  errorum, 
Eruditor  ignotorum, 
Declarator  perple.xorum. 


Debilem  erigens, 
Devium  colligens, 
Errantem  corrigens, 
Sustines  labantem, 
Promoves  conantem, 
Perficis  amantem. 


Perfectum  educis 
De  lacu  fascis, 
Et  miseriae. 


Deducis   per    semitam 
Pacis  et  Istitiaî  : 
Inducis  sub  nube 
In  aulam  Sapientiae. 


Fundamentum  sancti- 

tatis. 
Alimentum  castitatis, 
Ornamentum  Icnitatis, 
Lenimentum     pauperta- 

tis, 
Supplementum    largita- 

tis, 
Munimentum  probitatis. 

Miserorum   refugium  , 
Captivorum  suffragium. 


mis  aptissimus, 


384 


Lundi  de  la  Pentecôte. 


Istis  promptissiraus. 

Spiritus  veritatis, 
Nodus  fraternitatis, 
Ab  eodcm  missus 
A  quo  et  promissus. 

Tu    crederis 

Omnium   judex, 
Qui    crederis 
Omnium   opifex. 

Honestans  bene  meri- 
tos 

Prœœio, 
Onustans    immeritos 
Supplicio. 

Spiras  ubi   vis 
Et  quando  vis  ; 
Doces  quos  vis 
Et  quantum   vis. 


Impies  et  instruis 
Certes  in  dubiis, 
Firmas  in  subitis, 
Régis  in   licitis. 


Tu  ordo   decorans 
Omnia, 

Décor    ordinans    et    oi 
Bans 
Omnia, 

Dicta,  facta.  cogitata, 
Dicta    vcrilale, 
P'acta    honestate, 
Cogitata  puritate. 


premiers,  envoyant  un  prompt 
secours  aux  seconds. 

Esprit  de  vérité,  nœud  de 
la  fraternité  ;  celui  qui  vous 
a  envoyé  est  le  même  qui 
vous  avait  promis. 

Notre  foi  qui  reconnaît  en 
vous  le  créateur  des  êtres, 
vous  reconnaît  aussi  comme 
leur   juge  qui  doit  venir. 

Pour  honorer  de  la  récom- 
pense ceux  qui  l'auront  méri- 
tée, et  soumettre  au  supplice 
ceux  qui  s'en  seront  rendus 
dignes. 

Vous  soufflez  où  il  vous 
plaît  et  quand  il  vous  plaît  ; 
vous  êtes  le  docteur  de  ceux 
que  vous  choisissez,  et  au 
degré  qui  vous  convient. 

Vous  remplissez  les  âmes 
et  les  éclairez  de  votre  lu- 
mière dans  leurs  doutes  ; 
vous  êtes  leur  force  dans  les 
attaques  subites,  leur  règle 
dans  le  choix  de  ce  qui  est 
licite. 

Vous  êtes  l'harmonie  qui 
donne  à  tout  sa  beauté  ;  car 
toute  chose  est  par  vous  mise 
en  ordre  et  reçoit  de  vous  sa 
splendeur.  Dans  nos  paroles, 
vous  mettez  la  vérité. dans  nos 
actions  l'honnêteté,  dans  nos 
pensées  la  pureté. 


Le  Don  de  Piété. 


385 


O'don  excellent  !  Bien  par- 
fait !  Vous  donnez  l'intelli- 
gence et  vous  donnez  aussi  le 
sentiment. 

Vous  dirigez  en  nous  le 
bien,  vous  créez  en  nous  l'a- 
mour, vous  nous  fortifier 
dans  la  course,  et  aux  portes 
du  paradis,  vous  couronnez 
celui  que  vous  avez  aimé. 

Amen. 


Donum  bonum, 
Bonum  perfectum, 
Dans  intellectum, 
Dans  et  affectum. 

Dirigens  rectum, 
Formans  affectum, 
Firmans  provectum, 
Et  ad  portas   Para- 

disi 
Coronans    dilectum. 

Amen. 


LE    DON    DE    PIETE. 

T  E  don  de  Crainte  de  Dieu  est  destiné  à 
-^  guérir  en  nous  la  plaie  de  l'orgueil;  le 
don  de  Piété  est  répandu  dans  nos  âmes  par 
le  Saint-Esprit  pour  combattre  l'égoïsme,  qui 
est  l'une  des  mauvaises  passions  de  l'homme 
déchu,  et  le  second  obstacle  à  son  union 
avec  Dieu.  Le  cœur  du  chrétien  ne  doit  être 
ni  froid  ni  indifférent;  il  faut  qu'il  soit  tendre 
et  dévoué;  autrement  il  ne  pourrait  s'élever 
dans  la  voie  à  laquelle  Dieu,  qui  est  amour, 
a  daigné  l'appeler. 

L'Esprit-Saint  produit  donc  en  l'homme  le 
don  de  Piété,  en  lui  inspirant  un  retour 
filial  vers  son  Créateur.  «  Vous  avez  reçu 
«  l'Esprit  d'adoption,  nous  dit  l'Apôtre,  et 
«  c'est  par  cet  Esprit  que  nous  crions  à  Dieu  : 
«  Père  !  Père  ^  !  »  Cette  disposition  rend  l'âme 
sensible  à  tout  ce  qui  touche  l'honneur  de 
Dieu.  Elle  fait  que  l'homme  nourrit  en  lui- 

I.  Rom.  VIII,   i5. 


LE   TEMPS  PASCAL. 


2$ 


386 


Le  Lundi  de  la  Pentecôte. 


môme  la  componction  de  ses  péchés,  à  la  vue 
de  l'intinie  bonté  qui  a  daigné  le  supporter 
et  lui  pardonner,  à  la  pensée  des  souffrances 
et  de  la  mort  du  Rédempteur.  L'âme  initiée 
par  le  don  de  Piété  désire  constamment  la 
gloire  de  Dieu  ;  elle  voudrait  amener  tous  les 
nommes  à  ses  pieds,  et  les  outrages  qu'il 
reçoit  lui  sont  particulièrement  sensibles.  Sa 
joie  est  de  voir  le  progrès  des  âmes  dans 
l'amour,  et  les  dévouements  que  cet  amour 
leur  inspire  pour  celui  qui  est  le  souverain 
bien.  Remplie  d'une  soumission  filiale  envers 
cp  Père  universel  qui  est  aux  cieux,  elle  est 
prête  à  toutes  ses  volontés.  Elle  se  résigne  de 
cœur  à  toutes  les  dispositions  de  sa  Pro- 
vidence. 

Sa  foi  est  simple  et  vive.  Elle  se  tient 
amoureusement  soumise  à  l'Eglise,  toujours 
prête  à  renoncer  à  ses  idées  les  plus  chères, 
si  elles  s'écartent  en  quelque  chose  de  son 
enseignement  ou  de  sa  pratique,  ayant  une 
horreur  instinctive  de  la  nouveauté  et  de 
l'indépendance. 

Ce  dévouement  à  Dieu  qu'inspire  le  don 
de  Piété  en  unissant  l'âme  à  son  Créateur 
par  l'affection  filiale,  l'unit  d'une  affection 
fraternelle  à  toutes  les  créatures,  puisqu'elles 
sont  l'œuvre  de  la  puissance  de  Dieu  et 
qu'elles  sont  à  lui. 

Au  premier  rang  dans  les  affections  du 
chrétien  animé  du  don  de  Piété  se  placent 
les  créatures  glorifiées  dont  Dieu  jouit  éter- 
nellement, et  qui  jouissent  de  lui  pour 
jamais.  11  aime  tendrement  Marie,  et  il  est 
jaloux  de  son  honneur;  il  vénère  avec  amour 
les  saints  ;   il  admire  avec   effusion   le  cou- 


Le  Don  de  Piété.  38j 

rage  des  martyrs,  et  les  actes  héroïques  de 
vertu  accomplis  par  les  amis  de  Dieu;  il  se 
délecte  de  leurs  miracles,  il  honore  religieu- 
sement leurs  reliques  sacrées. 

Mais  son  affection  n'est  pas  seulement 
pour  les  créatures  couronnées  au  ciel  ;  celles 
qui  sont  encore   ici-bas  tiennent   une  large 

f)lace  dans  son  cœur.  Le  don  de  Piété  lui 
ait  trouver  en  elles  Jésus  lui-même.  Sa  bien- 
veillance pour  ses  frères  est  universelle.  Son 
cœur  est  disposé  au  pardon  des  injures,  au 
support  des  imperfections  d'autrui,  à  l'ex- 
cuse pour  les  torts  du  prochain.  Il  est  com- 
patissant pour  le  pauvre,  empressé  auprès  de 
l'infirme.  Une  douceur  affectueuse  révèle  le 
fond  de  son  cœur;  et  dans  ses  rapports  avec 
ses  frères  de  la  terre,  on  le  voit  toujours  dis- 
posé à  pleurer  avec  ceux  qui  pleurent,  à  se 
réjouir  avec  ceux  qui  sont  dans  la  joie. 

Telle  est,  ô  divin  Esprit,  la  disposition  de 
ceux  qui  cultivent  le  don  de  Piété  que  vous 
avez  versé  dans  leurs  âmes.  Par  cet  ineffable 
bienfait,  vous  neutralisez  le  triste  égoisme 
qui  flétrirait  leur  cœur,  vous  les  délivrez  de 
cette  sécheresse  odieuse  qui  rend  l'homme 
indifférent  à  ses  frères,  et  vous  fermez  son 
âme  à  l'envie  et  à  la  haine.  Pour  cela  il  ne 
lui  a  fallu  que  cette  piété  filiale  envers  son 
Créateur;  elle  a  attendri  son  cœur,  et  ce 
cœur  s'est  fondu  dans  une  vive  affection  pour 
tout  ce  qui  est  sorti  des  mains  de  Dieu. 
Faites  fructifier  en  nous  un  si  précieux  don, 
ô  divin  Esprit  !  ne  permettez  pas  qu'il  soit 
étouffé  par  l'amour  de  nous-mêmes.  Jésus 
nous  a  encouragés  en  nous  disant  que  son 
Père  céleste  «   l'ait  lever   son  soleil   sur  les 


^88 


Le  Lundi  de  la  Pentecôte. 


bons  et  sur  les  méchants  ^  »  ;  ne  souffrez  pas, 
divin  Paraciet,  qu'une  si  paternelle  indul- 
gence soit  un  exemple  perdu  pour  nous,  et 
daignez  développer  dans  nos  âmes  ce  germe 
de  dévouement,  de  bienveillance  et  de  com- 
passion que  vous  y  avez  daigné  placer  au 
moment  où  vous  en  preniez  possession  par 
le  saint  Baptême. 


LE  MARDI   DE  LA   PENTECOTh; 


VENEZ,  Esprit-Saint  ;  rem- 
plissez les  cœurs  de  vos 
fidèles,  et  allumez  en  eux  le 
feu   de  votre  amour. 


VENI,  Sancte  Spiritus, 
reple  tuorum  corda 
fidelium,  et  tui  amoris  in 
cis  ignem  accende. 


ous  avons  admiré  l'œuvre  du 
Saint-Esprit  accomplissant  dans 
le  monde,  par  les  Apôtres  et 
par  ceux  qui  vinrent  après  eux, 
la  conquête  du  genre  humain 
au  nom  de  Jésus"  à  qui  «  toute 
«  puissance  a  été  donnée  au  ciel  et  sur  la 
«  terre  ^  ».  La  langue  de  feu  a  vaincu,  et  le 
Prince  du  monde,  en  dépit  de  ses  fureurs,  a 
vu  crouler  ses  autels  et  tomber  son  pouvoir. 
Voyons  la  suite  des  œuvres  de  ce  divin  Esprit 
pour  la  glorification  du  Fils  de  Dieu  qui  l'a 
envoyé  aux  hommes. 

L'Emmanuel  était  descendu  ici-bas  cher- 
chant dans  son  amour  l'Epouse  qu'il  avait 
désirée  de  toute  éternité.  Il  l'épousa  d'abord 


I.  Matth.  XXVIII,  i8. 


3go 


Le  Temps  Pascal. 


en  prenant  la  nature  humaine  et  l'unissant 
indissolublement  à  sa  personne  divine;  mais 
cette  union  individuelle  ne  suffisait  pas  à  son 
amour.  Il  daignait  aspirer  à  posséder  la  race 
humaine  tout  entière;  il  lui  fallait  son  Eglise, 
«  son  unique  »,  comme  il  l'appelle  au  divin 
Cantique  ',  son  Eglise  formée  de  l'élite  de 
tous  les  peuples,  «  pleine  de  gloire,  n'ayant 
«  ni  tache  ni  ride,  mais  sainte  et  immacu- 
«  lée'-.  »  Il  trouvait  la  race  humaine  souillée 
par  le  péché,  indigne  de  célébrer  avec  lui  les 
noces  augustes  auxquelles  il  la  conviait.  Son 
amour  cependant  n'hésita  pas.  Il  déclara  qu'il 
était  l'Epoux  annoncé  dans  l'Epithalame 
sacré  3  ;  il  lava  dans  son  propre  sang  les  souil- 
lures de  sa  fiancée,  et  lui  attribua  en  dot  les 
mérites  infinis  qu'il  avait  conquis. 

L'ayant  ainsi  préparée  pour  lui-même,  il 
voulut  que  son  union  avec  lui  fût  la  plus 
intime  qui  pût  être.  Jésus  et  son  Eglise  sont 
un  seul  corps;  il  est  la  tête,  elle  est  l'ensem- 
ble des  membres  réunis  dans  l'unité  sous  ce< 
unique  chef.  C'est  la  doctrine  de  l'Apôtre  : 
«  Le  Christ  est  la  tête  de  l'Eglise  ;  nous  som- 
«  mes  les  membres  de  son  corps,  nous  som- 
«  mes  de  sa  chair  et  de  ses  os  ^.  »  Ce  corps 
se  formera  par  l'accession  successive  des  fils 
de  la  race  humaine  qui,  prévenus  du  secours 
surnaturel  de  la  grâce,  voudront  en  faire 
partie  ;  et  ce  monde  que  nous  habitons  sera 
conservé  jusqu'à  ce  que  le  dernier  élu  qui 
manquait  encore  à  rintégralité  du  corps  mys- 


I.  Cant.  VI,  8.  —  2.  Eph.   v, 
i5  ;  XXV,  6;  Marc,  ii,  19;  Luc.  v 
4.  Eph.  V,  23-3o. 


X 


—  3.  Matth.  IX, 
;  JoHAN.  m,  29.  — 


I.e  Mardi  de  la  Pentecôte.  3g  i 

téricux  du  Fils  de  Dieu  soit  venu  s'y  réunir 
pour  l'éternité.  Alors  tout  sera  consommé, 
et  la  dernière  des  conséquences  de  la  divine 
incarnation  sera  remplie. 

Or,  de  même  que  dans  le  Verbe  incarné 
l'humanité  est  composée  d'une  âme  invisible 
et  d'un  corps  visible,  ainsi  l'Eglise  sera  à  la 
fois  une  âme  et  un  corps  :  une  âme  dont  l'oeil 
seul  de  Dieu  pourra  contempler  ici-bas  toute 
la  beauté  ;  un  corps  qui  attirera  les  regards 
des  hommes,  et  sera  le  témoignage  éclatant 
de  la  puissance  de  Dieu  et  de  l'amour  qu'il 
porte  à  la  race  humaine.  Jusqu'aux  jours  où 
nous  sommes,  les  justes  appelés  à  être  réunis 
sous  le  divin  Chef  avaient  seulement  appar- 
tenu à  l'âme  de  l'Eglise  ;  car  le  corps  n'exis- 
tait pas  encore.  Le  Père  céleste  les  avait  adop- 
tés pour  ses  enfants,  le  Fils  de  Dieu  les  avait 
acceptés  pour  ses  membres,  et  l'Esprit-Saint, 
dont  nous  allons  voir  désormais  l'action  exté- 
rieure, avait  opéré  intimement  leur  élection 
et  leur  consommation.  Le  point  de  départ  du 
nouvel  ordre  de  choses  est  en  Marie.  En  elle 
d'abord,  ainsi  que  nous  l'avons  enseigné  dans 
une  des  semaines  précédentes,  résida  l'Eglise 
complète,  âme  et  corps.  Celle  qui  devait  être 
aussi  réellement  la  Mère  du  Fils  de  Dieu  selon 
l'humanité,  que  le  Père  céleste  en  est  le  Père 
selon  la  divinité,  devait  être  dans  l'ordre  des 
temps,  comme  dans  la  mesure  des  grâces, 
supérieure  à  tout  ce  qui  avait  précédé  et  à 
tout  ce  qui  devait  suivre. 

L'Emmanuel  voulut  aussi  poser  lui-même, 
en  dehors  de  sa  mère  bien-aimée,  les  assises 
de  son  Eglise.  îl  en  plaça  de  ses  mains  divi- 
nes la   Pierre  fondamentale,    il   en  éleva  les 


^^ 


Le  Temps  Pascal. 


colonnes,  et  nous  avons  vu  comment  il 
employa  les  quarante  jours  qui  précédèrent 
son  Ascension  à  l'organisation  de  cette  Eglise 
encore  si  restreinte,  mais  qui  devait  un  jour 
couvrir  le  monde  entier.  Il  annonça  qu'il 
serait  avec  les  siens  «  jusqu'à  la  consomma- 
«  tion  des  siècles  *  »  ;  c'était  promettre  que, 
lors  même  qu'il  serait  monté  au  ciel,  la  race 
de  ses  disciples  se  perpétuerait  jusqu'à  la  fin 
des  temps. 

Pour  l'accomplissement  de  son  œuvre 
qu'il  n'avait  qu'ébauchée,  il  comptait  sur  le 
divin  Esprit.  Il  était  même  nécessaire  que  cet 
Esprit-Saint  descendît  pour  perfectionner  et 
confirmer  les  élus  de  l'Emmanuel.  Il  devait 
être  leur  Paraclet.  leur  Consolateur,  après 
le  départ  de  leur  Maître;  il  était  la  Vertu  d'en 
haut  qui  devait  les  protéger  comme  une 
armure  dans  leurs  combats;  il  devait  leur 
remettre  en  mémoire  les  enseignements  de 
leur  Maître;  il  devait  féconder  de  son  action 
les  Sacrements  que  Jésus  avait  institués,  et 
dont  le  pouvoir  était  en  eux  par  le  caractère 
qu'il  avait  imprimé  à  leurs  âmes.  Voilà  pour- 
quoi il  leur  dit  :  «  Il  vous  est  avantageux  que 
«  je  m'en  aille  ;  car  si  je  ne  m'en  allais  pas, 
«  le  Paraclet  ne  viendrait  pas  vers  vous.  » 
Au  jour  de  la  Pentecôte,  nous  avons  vu  le 
divin  Esprit  opérer  sur  la  personne  des  Apô- 
tres et  des  disciples  ;  maintenant  il  nous  faut 
le  voir  à  l'œuvre  dans  la  création,  dans  le 
maintien  et  le  perfectionnement  de  cette 
Eglise   que  Jésus   a   promis  d'assister   de  sa 


Le  Mardi  de  la  Pentecôte.  3g 3 

présence  mystérieuse  «  jusqu'à  la  consomraa- 
«  tion  des  siècles  ». 

La  première  opération  de  l'Esprit-Saint 
dans  l'Eglise  est  l'élection  des  membres  qui 
doivent  la  composer.  Ce  droit  de  l'élection  lui 
est  tellement  personnel  que,  selon  laparole  du 
livre  sacré,  les  disciples  même  que  Jésus  s'était 
choisis  pour  être  les  bases  de  son  Eglise,  il 
les  avait  élus  «  avec  le  concours  de  TEsprit- 
«  Saint  1  ».  Dès  le  jour  môme  de  la  Pentecôte, 
nous  avons  vu  ce  divin  Esprit  débuter  par 
l'élection  de  trois  mille  personnes.  Peu  de 
jours  après,  cinq  mille  autres  sont  attirées, 
ayant  entendu  la  prédication  de  Pierre  et  de 
Jean  sous  les  portiques  du  temple.  Après  les 
Juifs,  la  gentilité  a  son  tour;  et  TEsprit- 
Saint,  ayant  conduit  Pierre  auprès  du  cen- 
turion Corneille,  fond  tout  à  coup  sur  ce 
Romain  et  sur  ses  gens,  les  déclarant  ainsi 
élus  pour  l'Eglise  et  appelés  au  baptême.  La 
sainte  Liturgie  nous  faisait  lire  ce  récit  hier 
encore  dans  la  solennité  de  la  Messe. 

A  la  suite  de  ces  débuts,  qui  pourrait  suivre 
la  marche  impétueuse  de  cet  Esprit  que  rien 
n'arrête?  «  Le  bruit  de  ses  envoyés  parcourt 
«  la  terre  entière,  et  leur  parole  retentit  jus- 
«  qu'aux  extrémités  du  monde  2.  »  L'Esprit 
les  précède  et  les  accompagne,  et  c'est  lui 
qui  fait  la  conquête  pendant  qu'ils  parlent. 
On  n'est  encore  qu'au  commencement  du 
iii^  siècle,  et  un  écrivain  chrétien  peut  dire 
aux  magistrats  de  l'empire  romain  :  «  Nous 
«  sommes  d'hier,  et  nous  remplissons  tout, 
«  vos  villes,  vos  municipes,  vos  camps,  le  pa- 

I.  Act.  I,  2.  —  2.  Psalm.  xviii,  5. 


3q4 


Le  Temps  Pascal. 


«  lais,  le  sénat,  le  forum  *.  »  Rien  ne  résiste 
à  l'Esprit  ;  trois  siècles  sont  loin  encore 
d'être  écoulés  depuis  la  manifestation  du 
jour  de  la  Pentecôte,  et  ce  sont  les  Césars 
eux-mêmes  que  l'Esprit  choisit  pour  en  faire 
des  membres  de  l'Eglise. 

xVinsi  se  forme  d'heure  en  heure  l'Epouse 
que  Jésus  attend,  et  dont  il  contemple  avec 
amour,  du  haut  du  ciel,  la  croissance  et  les 
développements.  Dans  les  premières  années 
du  iw^  siècle,  cette  Eglise,  œuvre  du  Saint- 
Esprit,  dépasse  les  limites  de  l'empire  ro- 
main; et  si  dans  cet  empire  lui-même,  il  est 
çà  et  là  des  groupes  païens  qui  tiennent 
encore,  tous  du  moins  ont  entendu  parler 
d'elle,  et  la  haine  qu'ils  lui  portent  témoi- 
gne assez  des  progrès  qu'elle  fait  sous  leurs 
yeux. 

Mais  n'allons  pas  croire  que  le  rôle  de  l'Es- 
prit-Saint  se  borne  à  assurer  l'établissement 
de  l'Eglise  sur  les  ruines  de  l'empire  païen, 
Jésus  veut  une  Epouse  immortelle,  toujours 
plus  connue  par  sa  présence  en  tous  lieux  et 
en  tous  temps,  toujours  supérieure  à  toute 
autre  division  de  la  race  humaine  par  l'éten- 
due de  son  empire  et  le  nombre  de  ses  su- 
jets. 

Le  divin  Esprit  ne  saurait  donc  s'arrêter 
dans  l'accomplissement  de  sa  mission.  Si 
Dieu  a  résolu  de  submerger  l'empire  coupa- 
ble sous  l'inondation  des  barbares,  c'est  un 
nouveau  triomphe  préparé  pour  l'Esprit. 
Laissez-le  pénétrer  et  agiter  doucement  cette 
masse  formidable.  Il  a   là   ses   élus,    et   par 


I.  Tehtull.  Apolcget.  xxxvn. 


Le  Mardi  de  la  Pentecôte.  3g  5 

millions.  Il  avait  renouvelé  la  face  de  la  terre 
païenne;  il  renouvelle  la  face  du  monde  de- 
venu barbare.  Les  coopérateurs  qu'il  se  pré- 
pare lui-même  ne  lui  feront  pas  défaut.  Il 
crée  sans  fin  de  nouveaux  apôtres,  et  puissant 
comme  il  est,  il  en  emploie  de  tout  genre  à 
son  œuvre.  Les  Clotilde,  les  Berthe,  les 
Théodelinde,  les  Hedwige  et  tant  d'autres, 
sont  à  ses  ordres  :  parée  de  leurs  royales 
mains.  l'Epouse  de  Jésus  croît  touiours''plus 
jeune  et  plus  belle. 

Si  de  vastes  continents  en  Europe  n'ont 
pas  encore  été  associés  au  mouvement,  c'est 
qu'il  fallait  d'abord  consolider  l'œuvre  dans 
les  régions  où  les  chrétientés  de  la  première 
époque  avaient  été  comme  submergées  sous 
le  torrent  de  l'invasion.  Mais  voici  qu'à  par- 
tir de  la  fin  du  vi«  siècle,  le  divin  Esprit 
lance  tour  à  tour  sur  l'île  des  Bretons,  sur  la 
Germanie,  sur  les  races  Scandinaves,  sur  les 
pays  slaves,  les  Augustin,  les  Boniface,  les 
Anschaire,  les  Adatbert,  les  Cyrille,  les  Mé- 
thodius,  les  Othon.  Servie  par  ces  nobles 
instruments  de  l'Esprit-Saint,  l'Epouse  répare 
les  pertes  qu'elle  a  subies  dans  l'Orient,  où 
le  schisme  et  l'hérésie  ont  successivement 
rétréci  son  héritage  primitif.  Celui  qui,  étant 
Dieu  comme  le  P'ère  et  le  Fils,  a  reçu  pour 
mission  de  la  maintenir  dans  ses  honneurs, 
veille  fidèlement  à  sa  garde. 

Et  en  effet,  lorsqu'une  défection  plus  dés- 
astreuse encore  est  à  la  veille  d'éclater  en 
Europe  par  la  prétendue  réforme,  l'Esprit- 
Saint  a  déjà  pris  les  devants.  Les  Indes  orien- 
tales sont  devenues  tout.à  coup  la  conquête 
de  la  nation    très  fidèle;  un  nouveau  monde 


3g6 


Le  Temps  Pascal. 


occidental  est  sorti  des  eaux,  et  forme  un 
nouvel  apanage  au  royaume  catholique.  C'est 
alors  que  le  divin  Esprit,  toujours  jaloux  de 
maintenir  dans  sa  dignité  et  dans  sa  pléni- 
tude le  dépôt  que  lui  a  confié  le  \'erbe  incarné, 
suscite  de  nouveaux  envoyés  pour  aller 
porter  sur  ces  plages  immenses  le  nom  de 
celui  qui  est  l'Epoux,  et  qui  sourit  du  haut 
du  ciel  aux  accroissements  qu'obtient  l'E- 
pouse. François  Xavier  est  donné  aux  Indes 
orientales;  ses  frères,  joints  aux  fils  de  Domi- 
nique et  de  François,  défrichent  avec  une  in- 
domptable persévérance  l'héritage  que  les 
Indes  occidentales  offrent  à  l'Eglis'e. 

Mais  si  plus  tard  la  vieille  Europe,  trop 
crédule  à  des  docteurs  de  mensonge,  semble 
repousser  cette  noble  reine  qui  "est  aimée 
du  Fils  éternel  de  Dieu;  si,  trahie  et  dé- 
pouillée, calomniée  et  privée  de  ses  droits, 
cette  sainte  Eglise  doit  être  en  butte  à  ceux 
qui  longtemps  furent  ses  fils,  tenez  pour  cer- 
tain que  le  divin  Esprit  ne  la  laissera  pas 
manquer  à  ses  destinées.  Voyez  plutôt  ses 
œuvres  en  nos  jours.  D'où  viennent,  si  ce 
n'est  de  son  souffle,  ces  vocations  à  laposto- 
lat  plus  nombreuses  d'année  en  année?  Tan- 
dis que  d'un  côté  les  retours  des  hérétiques  à 
l'antique  foi  sont  plus  fréquents  qu'ils  ne  l'ont 
jamais  été,  toutes  les  régions  infidèles  sont 
visitées  par  le  flambeau  de  l'Evangile.  Notre 
siècle  a  revu  les  martyrs,  il  a  entendu  les 
interrogatoires  des  proconsuls  chinois  et 
annamites,  il  a  recueilli  dans  son  admiration 
les  réponses  des  confesseurs  dictées  par  l'Es- 
prit-Saint,  selon  la  promesse  du  Maître.  L'ex- 
trême  Orient   donne  ses  élus,  les  nègres  de 


Le  Mardi  de  la  Pentecôte.  3gj 

l'Afrique  sont  évangélisés;  et  si  une  cin- 
quième partie  de  la  terre  s'est  révélée,  elle 
possède  déjà  de  nombreux  fidèles  sous  une 
hiérarchie  de  pasteurs  légitimes. 

Soyez  donc  béni,  divin  Esprit,  qui  veillez 
avec  tant  de  sollicitude  sur  l'Epouse  chérie 
de  Jésus  !  Elle  n'a  pas  défailli  un  seul  jour, 
grâce  à  votre  action  constante  et  jamais  lassée. 
Vous  n'avez  pas  laissé  passer  un  siècle  sans 
susciter  des  apôtres  pour  l'enrichir  de  leurs 
conquêtes;  sans  cesse  vous  avez  sollicité  par 
votre  grâce  les  esprits  et  les  cœurs  de  se 
donner  à  elle;  en  toute  race,  en  tous  les 
siècles,  vous  avez  élu  vous-même  les  innom- 
brables fidèles  dont  elle  se  compose.  Comme 
elle  est  notre  mère  et  que  nous  sommes  ses 
fils,  comme  elle  est  l'Epouse  de  notre  divin 
Chef  auquel  nous  espérons  nous  réunir  en 
elle,  en  opérant  pour  la  gloire  du  Fils  de  Dieu 
qui  vous  a  envoyé  sur'la  terre,  ô  divin  Es- 
prit, vous  avez  àaigné  travailler  pour  nous, 
humbles  et  pécheresses  créatures.  Nous  vous 
otfrons  nos  faibles  actions  de  grâces  pour  tant 
de  bienfaits. 

Notre  Emmanuel  nous  a  révélé  que  vous 
devez  demeurer  ainsi  avec  nous  jusqu'à  la 
fin  des  temps,  et  nous  comprenons  mainte- 
nant la  nécessité  de  votre  présence,  ô  divin 
Esprit!  Vous  dirigez  la  formation  de  l'Epouse, 
vous  la  maintenez,  vous  la  rendez  victorieuse 
de  toutes  les  attaques,  vous  la  transportez 
d'une  région  dans  l'autre,  lorsque  le  sol 
qu'elle  foule  n'est  plus  digne  de  la  porter; 
vous  êtes  son  vengeur  contre  ceux  qui  l'ou- 
tragent, et  vous  le  serez  jusqu'au  dernier 
jour. 


3g8         Le  Mardi  de  la  Pentecôte. 

Mais  cette  noble  Epouse  d'un  Dieu  ne  doit 
pas  toujours  demeurer  ainsi  exilée  loin  de 
son  Epoux.  De  même  que  Marie  resta  plu- 
sieurs années  sur  la  terre,  atin  d'y  travailler 
à  la  gloire  de  son  tils,  et  fut  enfin  enlevée 
aux  deux  pour  y  régner  avec  lui  ;  ainsi  l'E- 
glise demeurera  militante  ici- bas  durant  les 
siècles  qui  sont  nécessaires  pour  arriver  au 
complément  du  nombre  des  élus.  Mais  nous 
savons  qu'un  temps  doit  venir  dont  il  est  écrit  : 
«  Les  noces  de  l'Agneiui  sont  venues,  et  son 
«  Epouse  s'est  préparée.  On  lui  a  donné  un 
«  vêtement  de  fin  lin  d'une  blancheur  éblouis- 
«  santé,  et  le  tissu  en  est  composé  des  vertus 
«  dessaintsqu'elle  a  formés  i.  »  En  ces  derniers 
jours,  l'Epouse,  toujours  belle  et  digne  de 
l'Epoux,  ne  croîtra  plus;  elle  diminuera  même 
ici-bas,  en  proportion  de  ce  qu'elle  grandira 
triomphante  au  ciel.  Autour  d'elle,  sur  la 
terre,  la  défection  prédite  par  saint  Paul  2  se 
fera  sentir;  les  hommes  la  laisseront  seule, 
ils  courront  vers  le  Prince  du  monde  qui 
sera  dglié  «  pour  un  peu  de  temps  ^  »,  et  vers 
la  bête  à  laquelle  «  il  sera  donné  de  faire  la 
«  guerre  aux  saints  et  même  de  les  vain- 
«  cre^.  »  Les  dernières  heures  de  l'Epouse  ici- 
bas  seront  dignes  d'elle;  vous  soutiendrez 
notre  mère,  ô  divin  Esprit,  jusqu'à  l'arrivée  de 
l'Epoux.  Mais  après  l'enfantement  du  dernier 
élu,  l'EsPRiT  et  I'Epouse  s'uniront  dans  un 
même  cri  :  «  Vene:^  !  diront-ils  •''.  »  Alors 
l'Emmanuel  paraîtra  sur  les  nuées  du  ciel, 
la  mission  de  l'Esprit  sera  terminée,  et  l'E- 

I.  Apoc.  XIX,  7.  —  2.  II  Thess.  11,  3.  —  3.  Apoc. 
XX,  3.  —  4,  Ibiu.  xiii,  7.  —  5.  Ibid.  XXII,  17. 


A  la  Messe.  3gg 


pouse,  «  appuyée  sur  son  bien-aimé  »  i  s'élè- 
vera de  cette  terre  ingrate  et  stérile  vers  le 
ciel  où  l'attendent  les  noces  de  l'éternité. 


A  LA  MESSE. 

LA  Station  de  ce  jour  est  dans  l'Eglise  de 
Sainte-Anastasie,  cette  intéressante  basili- 
que  où  nous  assistâmes  à  la  Messe  de  l'Aurore 
le  jour  de  la  naissance  de  l'Emmanuel.  Nous 
la  revoyons  aujourd'hui  que  toute  la  série  des 
mystères  de  notre  salut  est  à  son  terme. 
Bénissons  Dieu  qui  a  daigné  achever  avec 
tant  de  force  ce  qu'il  a  commencé  pour  nous 
avec  tant  de  douceur.  Les  néophytes  assis- 
tent encore  à  cette  Messe  avec  leurs  robes 
blanches,  et  leur  présence  atteste  à  la  fois 
l'amour  du  Fils  de  Dieu  qui  les  a  lavés  dans 
son  sang,  et  la  puissance  de  l'Esprit-Saint 
qui  les  a  ravis  à  l'empire  du  Prince  de  ce 
monde. 

L'Introït  s'adresse  aux  néophytes  et  les 
engage  à  sentir  tout  leur  bonheur.  C'est  au 
royaume  céleste  qu'ils  sont  désormais  appelés  ; 
qu'ils  offrent  donc  une  continuelle  action  de 
grâces  à  celui  qui  a  daigné  les  choisir.  Les 
paroles  de  cette  pièce,  qui  est  de  la  plus 
haute  antiquité,  sont  tirées  du  iv'  livre  d'Es- 
dras  que  les  premiers  chrétiens  lisaient  sou- 
vent à  cause  de  la  beauté  et  de  la  gravité  de 
ses  enseignements,  bien  qu'il  ne  soit  pas 
reconnu  par  l'Eglise  pour  un  livre  inspiré. 


400 


Le  Mardi  de  la  Pentecôte. 


D  ECEVEZ  et  goûtez  ks  dé- 
lices de  la  gloire  qui  vous 
était  préparée,  alléluia  ;  ren- 
dez grâces  à  Dieu,  alléluia, 
qui  vous  a  appelés  au  royaume 
céleste,  alléluia,  alléluia,  allé- 
luia. 

Fs.  Ecoute  ma  loi,  ô  mon 
peuple  :  prête  l'oreille  aux 
paroles  de  ma  bouche.  Gloire 
au  Père.  Recevez. 


A  cciPiTE  jucundita- 
^*'  tem  gloriae  vestrae, 
alléluia  :  gratias  agentes 
Deo,  alléluia  :  qui  vos  ad 
cœlestia  régna  Tocavit, 
alléluia,  alléluia,  allé- 
luia. 

Ps.  Attendite,  popule 
meus,  legem  meam  :  in- 
clinate  aurem  vestram  in 
verba  oris  mei.  Gloria 
Patri.  Accipite. 

Dans  la  Collecte,  l'Eglise  nous  enseigne  que 
l'action  du  Saint-Esprit  est  pleine  de  douceur 

f)our  nos  âmes.  C'est  cette  action  divine  qui 
es  purifie  de  toutes  leurs  souillures,  en  même 
temps  qu'elle  les  garde  des  attaques  de  l'es- 
prit perfide  et  jaloux  qui  les  menace  sans 
cesse. 


ADSIT  nobis,  quaesu- 
mus  Domine,  virtus 
Spjritus  Sancti,  quas  et 
corda  nostra  clementer 
expurget,  et  ab  omnibus 
tueatur  adversis.  Per  Do- 
minum. 


SEIGNEUR,  daignez  nous 
assistei  de  la  vertu  du 
Saint-Esprit  ;  afin  qu'elle 
puritîe  nos  cœurs  dans  sa 
mansuétude,  et  qu'elle  nous 
défende  contre  tout  adver- 
saire.   Par  Jésus-Christ. 


Lectio  Actuum  Aposto- 
lorum.  Cap.   vhi. 

IN  diebus  illis  :  Quum 
audissent  Apostoli, 
qui  erant  Jerosolymis, 
quod  récépissé!  Samaria 


Lecture  des  Actes  des  Apô- 
tres. Chap.  vni. 

EN  ces  jours-là,  les  Apô- 
tres qui  étaient  à  Jérusa- 
lem ayant  appris  que  Samarie 
avait   reçu  la  parole  de  Dieu, 


A   la  Messe. 


401 


leur  envoyèrent  Pierre  et 
Jean,  qui,  étant  venus,  firent 
pour  eux  des  prières,  afin 
qu'ils  reçussent  le  Saint-Es- 
prit ;  car  il  n'était  pas  encore 
descendu  sur  aucun  d'eux, 
mais  ils  avaient  seulement  été 
baptisés  au  nom  du  Seigneur 
Jésus.  Alors  ils  imposèrent 
les  mains  sur  eux,  et  ils  reçu- 
rent le  Saint-Esprit. 


verbum  Dei,  miserunt  ad 
eos  Petrum  et  Johannem, 
qui  quura  venissent,  ora- 
verunt  pro  ipsis  ut  acci- 
perent  Spiritum  Sanc- 
tum  ;  nondum  enim  in 
quemquam  illorum  véné- 
rât, sed  baptizati  tantum 
erant  in  nomine  Doraini 
Jesu.  Tune  imponebant 
manus  super  illos,  et  ac- 
cipiebant  Spiritum  Sanc- 
lum. 


T  ES  habitants  de  Samarie  avaient  accepté 
^  la  prédication  évangélique  qui  leur  avait 
été  portée  par  le  diacre  Philippe.  Ils  avaient 
reçu  de  sa  main  le  baptême  qui  en  avait  fait 
des  chrétiens.  On  se  rappelle  le  dialogue  de 
Jésus  avec  une  femme  de  cette  ville  au  bord 
du  puits  de  Jacob,  et  les  trois  jours  qu'il 
daigna  passer  avec  les  habitants.  Leur  foi  est 
récompensée  :  le  baptême  les  a  faits  enfants 
de  Dieu  et  membres  de  leur  Rédempteur. 
Mais  il  faut  encore  qu'ils  reçoivent  l'Esprit- 
Saint  dans  le  Sacrement  de  force.  Le  diacre 
Philippe  n'a  pu  leur  octroyer  ce  don;  deux 
apôtres,  Pierre  et  Jean,  revêtus  du  caractère 
de  pontifes,  viennent  le  leur  conférer,  et  les 
rendre  parfaits  chrétiens.  Ce  récit  nous  remet 
en  souvenir  la  grâce  qu'a  daigné  nous  faire 
l'Esprit-Saint  en  imprimant  sur  nos  âmes  le 
sceau  de  la  Confirmation  :  offrons-lui  notre 
reconnaissance  pour  ce  bienfait  qui  nous  a 
attachés  à  lui  plus  étroitement,  et  nous  a 
rendus  capables  de  confesser  sans  faiblesse 
notre  foi  devant  tous  ceux  qui  voudront  nous 
en  demander  compte. 


LE  TEMPS  PASCAL.   —  T.   III. 


26 


402 


Le  Mardi  de  la  Pentecôte 


A  LLELUIA,  alléluia. 

f.  Spiritus  Sanctus 
docebit  vos  quaecumque 
dixero  vobis. 

Alléluia. 

f.  Veni,  Sancte  Spiri- 
tus, reple  tuorum  corda 
fidelium,  et  tui  amoris  in 
eis  ignem  accende. 


A  LLELUIA,    alléluia. 

f.  Le  Saint-Esprit  vous 
enseignera  tout  ce  que  je  vous 
ai  dit. 

Alléluia. 

y.  Venez,  Esprit-Saint, 
remplissez  les  cœurs  de  vos 
fidèles,  et  allumez  en  eux  le 
feu  de  votre  amour 


On  chante  ensuite  la  Séquence  Veni,  Sancte 
Spiritus,  ci-dessus,  page  3i3. 


Sequentia  sanctiEvange- 
lii  secundum  Johan- 
nem.    Cap.  x. 

IN  illo  tempore  Dixit 
Jésus  Pharisaeis  • 
Amen,  amen  dico  vobis, 
qui  non  intrat  per  ostium 
in  ovile  ovium,  sed  as- 
ccndit  aliunde,  ille  fur 
est,  et  latro.  Qui  autem 
intrat  per  ostium,  pastor 
est  ovium.  Huic  ostiarius 
aperit,  et  oves  vocem 
e)us  audiunt,  et  proprias 
oves  vocat  nominatim,  et 
educit  eas,  et  quum  pro- 
prias oves  emiserit,  ante 
eas  vadit  ;  et  oves  illura 
sequuntur,  quia  sciunt 
vocem  ejus.  Alienum  au- 
tem non  sequuntur,  sed 
fugiunt  ab  eo  :  quia  non 
noverunt  vocem  alieno- 
rum.  Hoc  proverbium 
dixit  eis  Jésus.  lUi  autem 


La  suite  du  saint  Evangile  se- 
lon saint  Jean.  Chap.  x. 


EN  ce  temps-là,  Jésus  dit 
aux  Pharisiens  ;  En  vérité, 
en  vérité  je  vous  le  dis,  celui 
qui  n  entre  pas  par  la  porte 
dans  la  bergerie  des  brebis, 
mais  qui  y  monte  par  un  autre 
endroit,  celui-là  est  un  voleur 
et  un  larron.  Mais  celui  qui 
entre  par  la  porte,  est  le  pas- 
teur des  brebis.  C'est  à  celui- 
là  que  le  portier  ouvre,  et  les 
brebis  entendent  sa  voix.  Il 
appelle  les  brebis  qui  sont  à 
lui  par  leurs  noms,  et  il  les 
fait  sortir.  Et  lorsqu'il  a  fait 
sortir  ses  propres  brebis,  il 
va  devant  elles,  et  les  brebis 
le  suivent,  parce  qu'elles  con- 
naissent sa  voix.  Elles  ne  sui- 
vent point  un  étranger,  mais 
elles  s'éloignent  de  lui,  parce 
qu'elles  ne  connaissent  pas  la 


A  la  Messe. 


4o3 


non  ccgnoverunt  quid  lo- 
queretur  eis.  Dixit  ergo 
eis  iterum  Jésus  :  Amen, 
amen  dico  vobis  quia  ego 
sum  ostium  ovium.  Om- 
nes  quotquot  venerunt, 
fures  sunt  et  latrones,  et 
non  audierunt  eos  oves. 
Ego  sum  ostium.  Par  me 
si  quis  introierit,  salva- 
bltur  :  et  ingredietur,  et 
egredietur,  et  pascua  in- 
veniet.  Fur  non  venit 
nisi  ut  furetur,  et  mactet 
et  perdat.  Ego  veni  ut 
vitam  habeant,  et  abun- 
dantius  habeant. 


voix  des  étrangers.  Jésus  leur 
dit  cette  parabole  ;  mais  ils 
ne  comprirent  pas  de  quoi  il 
leur  parlait.  Jésus  leur  dit 
donc  encore  :  En  vérité,  en 
vérité,  je  vous  le  dis,  je  suis 
la  porte  des  brebis.  Tous  ceux 
qui  sont  venus  avant  moi  sont 
des  voleurs  et  des  larrons,  et 
les  brebis  ne  les  ont  pas  écou- 
tés. Je  suis  la  porte.  Si  quel- 
qu'un entre  par  moi,  il  sera 
sauvé  ;  il  entrera  et  il  sortira, 
et  il  trouvera  des  pâturages. 
Le  voleur  ne  vient  que  pour 
voler,  pour  égorger  et  pour 
perdre.  Moi  je  suis  venu  afin 
que  les  brebis  aient  la  vie,  et 
une  vie  plus   abondante. 

EN  f)roposant  ce  passage  de  l'Evangile  aux 
néophytes  de  la  Pentecôte,  l'EglTse  vou- 
lait les  prémunir  contre  un  danger  qui  pou- 
vait se  présenter  à  eux  dans  le  cours  de  leur 
vie.  Au  moment  où  nous  sommes,  ils  sont 
les  heureuses  brebis  de  Jésus  le  bon  Pasteur, 
et  ce  divin  Pasteur  est  représenté  auprès 
d'eux  par  des  hommes  qu'il  a  investis  lui- 
même  de  la  charge  de  paître  ses  agneaux. 
Ces  hommes  ont  reçu  de  Pierre  leur  mission, 
et  celui  qui  est  avec  Pierre  est  avec  Jésus. 
Mais  il  est  arrivé  souvent  que  de  faux  pas- 
teurs se  sont  introduits  dans  la  bergerie,  et 
le  Sauveur  les  qualifie  de  voleurs  e't  de  lar- 
rons, parce  qu'au  lieu  d'entrer  par  la  porte, 
ils  ont  escaladé  les  clôtures  de  la  bergerie.  Il 
nous  dit  qu'il  est  lui-même  la  Porte  par 
laquelle  doivent  passer  ceux  qui  ont  le  droit 
de   paître   ses    brebis.    Tout   pasteur,    pour 


404 


Le  Mardi  de  la  Pentecôte. 


n'être  pas  un  larron,  doit  avoir  reçu  la  mis- 
sion de  Jésus,  et  cette  mission  ne  peut  venir 
que  par  celui  qu'il  a  établi  pour  tenir  sa 
place,  jusqu'à  ce  qu'il  vienne  lui-même. 

L'Esprit-Saint  a  répandu  ses  dons  divins 
dans  les  âmes  de  ces  nouveaux  chrétiens; 
mais  les  vertus  qui  sont  en  eux  ne  peuvent 
s'exercer  de  manière  à  mériter  la  vie  éter- 
nelle qu'au  sein  de  l'Eglise  véritable.  Si,  au 
lieu  de  suivre  le  pasteur  légitime,  ils  avaient 
le  malheur  de  se  livrer  à  de  faux  pasteurs, 
toutes  ces  vertus  deviendraient  stériles.  Ils 
doivent  donc  fuir  comme  un  étranger  celui 
qui  n'a  pas  reçu  sa  mission  du  Maître  qui 
seul  peut  les  conduire  aux  pâturages  de  la 
vie.  Souvent,  dans  le  cours  des  siècles,  il  s'est 
rencontré  des  pasteurs  schismatiques  ;  le 
devoir  des  fidèles  est  de  les  fuir,  et  tous  les 
enfants  de  l'Eglise  doivent  être  attentifs  à  l'a- 
vertissement que  notre]  Seigneur  leur  donne 
ici.  L'Eglise  qu'il  a  fondée  et  qu'il  conduit 
par  son  "divin  Esprit  a  pour  caractère  d'être 
Apostolique.  La  légitimité  de  la  mission  des 
pasteurs  se  manifeste  par  la  succession  ;  et 
parce  que  Pierre  vit  dans  ses  successeurs,  le 
successeur  de  Pierre  est  la  source  du  pouvoir 
pastoral.  Qui  est  avec  Pierre  est  avec  Jésus- 
Christ. 


Dans  l'Offertoire  l'Eglise  ,  préludant  au 
divin  Sacrifice,  exalte  par  les  paroles  du 
Psalmiste  la  nourriture  sacrée  à  laquelle  vont 
communier  les  fidèles;  c'est  une  manne  qui 
vient  du  ciel,  c'est  le  pain  même  des  Anges. 


A   la  Messe 


4o5 


OFFERTOIRE. 


P' 


ORTAS  cœli  aperuit 
Dominus,  et  pluit  il- 
lis  manna,  ut  ederent  : 
panem  cœli  dédit  eis,  pa- 
nem  Angelorum  mandu- 
cavit  homo,  alléluia. 


LE  Seigneur  a  ouvert  les 
portes  du  ciel,  et  il  leur  a 
fait  pleuvoir  la  manne  pour 
leur  nourriture  ;  il  leur  a 
donné  le  pain  du  ciel,  et 
l'homme  a  mangé  le  pain  des 
Anges,   alléluia. 

La  Victime  qui  va  être  offerte  a  le  pouvoir 
de  purifier  par  son  immolation  ceux  qui  sont 
appelés  à  s'en  nourrir  ;  la  sainte  Eglise,  dans 
la  Secrète,  demande  qu'il  en  arrive  ainsi 
pour  les  fidèles  qui  forment  l'assistance. 


■puRiriEz-NOUS,  Seigneur, 
*  par  l'oblation  des  dons 
que  nous  vous  offrons,  et 
faites  qu'elle  nous  rende  di- 
gnes de  participer  au  Mys- 
tère sacré.    Par  Jésus-Christ. 


P  URIFICET  nos,  quaesu- 
mus  Domine,  mune- 
ris  prîesentis  oblatio  :  et 
dignos  sacra  participa- 
tione  efficiat.  Fer  Domi- 
num. 


La  Préface  est  celle  du  jour  même  de  la 
Pentecôte,  ci-dessus,  pa^e  3i8. 

Dans  l'Antienne  de  la  Communion,  l'Eglise 
rappelle  les  paroles  dans  lesquelles  Jésus  a 
annoncé  que  l'Esprit-Saint  le  glorifierait; 
nous  qui  venons  de  voir  ce  divin  Esprit  à 
l'œuvre  dans  le  monde  entier,  nous  savons 
(^u'il  a  accompli  l'oracle  dans  toute  son 
étendue. 


COMMUNION. 


L'Esprit    qui    procède    du 
Père,    alléluia,  me  glori- 
fiera, alléluia,    alléluia. 


C  PIRITUS,    qui  a   Patte 
"■        procedit,     alléluia 
ille  me  clarificabit,  allé- 
luia,   alléluia. 


4o6 


Le  Temps  Pasav 


Le  peuple  fidèle  vient  de  participer  au 
Mystère  de  Jésus;  la  sainte  Eglise  nous  ap- 
prend, dans  la  Postcommunion,  que  la  Vertu 
de  l'Esprit-Saint  a  influe  divinement  à  ce 
moment  auguste.  C'est  lui  qui  a  accompli  le 
changement  des  dons  sacrés  au  corps  et  au 
sang  du  Rédempteur,  lui  encore  cjui  a  pré- 
pare les  âmes  à  s'unir  au  Fils  de  Dieu,  en  les 
puritîant  du  péché. 

POSTCOMMUNION. 


ENTES  nostras,  quae- 
sumus  Domine,  bpi- 


ritus  Sanctus  divinis  rc 
paret  sacramcntis  :  quia 
ipse  est  remissio  omnium 
peccatorura.    Per  Demi- 


D 


AIGNEZ  faire,  Seigneur, 
que  l'Esprit-Saint  renou- 
velle nos  âmes  par  ces  divins 
Mystères  ;  car  il  est  lui-même 
la  rémission  de  tous  les  pé- 
chés. Par  Jésus-Christ. 


A   VEPRES. 

1  ES  Antiennes,  les  Psaumes  et  tout  le  reste 
*-  de  rOflicc  des  Vêpres,  sauf  l'Antienne  de 
Magnificat,  sont  les  mêmes  qu'au  jour  de  la 
Pentecôte,  ci-dessus, /7<3jg-e  327. 

ANTIENNE  DE  Magnificat. 


•pco  sum   ostium,   dicit 
JUr   Dominus  :  per    me  si 

T  E  suis 
J     gneur 

la  porte,  dit  le  Sci- 

:  si  quelqu'un  entre 

quis  introierit,  salvabitur 

par    moi. 

il  sera   sauvé  et  il 

et  pascua  inveniet,    allé- 

trouvera 

es  pâturages,    aile- 

luia. 

luia. 

LOraison  est  la   Collecte  de  la  Messe,  ci- 
dessus,  page  400 . 


Le  Mardi  de  la  Pentecôte. 


407 


N 


ous  entendrons  encore  aujourd'hui  l'Eglise 
arménienne  célébrer  la  venue  de  l'Esprit- 
Saint  avec  toute  la  dignité  et  la  splendeur 
qui  caractérisent  son  Hymnaire. 


CANON   TERTLE    DIEI , 


Aujourd'hui  les  Esprits 
célestes  se  sont  réjouis 
du  renouvellement  de  la 
terre  ;  car  l'Esprit  rénova- 
teur des  êtres  est  descendu 
dans  le  sacré  Cénacle,  et  il  y 
a  renouvelé  le  collège  apos- 
tolique. 

Aujourd'  hui  notre  nature 
terrestre  tressaille  de  se  sen- 
tir réconciliée  avec  le  Père  ; 
car  celui  qui  avait  enlevé  son 
esprit  aux  hommes  devenus 
charnels,  daigne  le  leur  don- 
ner de  nouveau. 

Aujourd'hui  les  enfants  de 
l'Eglise  célèbrent  avec  trans- 
port l'avènement  du  Saint- 
Esprit,  qui  les  a  parés  de 
vêtements  nobles  et  lumi- 
neux, et  ils  sont  admis  à  chan- 
ter le  trisagion  avec  les  Séra- 
phins. 

Celui  qui  sépara  par  la  di- 
vision des  langues  ceux  qui 
s'étaient  unis  pour  bâtir  la 
tour,  a  réuni  de  nouveau  au- 
jourd'hui, dans  le  sacré  Cé- 
nacle, les  langues  des  na- 
tions en  une  seule.  O  vous 
tous.  Esprits,  bénissez  l'Es- 
prit de  Dieu. 

L'Esprit  du  Seigneur   qui 


HODIE  cœlestes  laîtati 
sunt  de  terrestrium 
renovatione  :  namque  in- 
novator  existentium  Spi- 
ritus  descendit  ad  sacrum 
cœnaculum,  quo  renovati 
sunt  chori  apostolorum. 

Hodie  humea  natura 
nostra  exsultat  reconci- 
liatione  cum  Pâtre  ;  quia 
qui  abstulit  spiritura  ab 
hominibus.  caro  effectis, 
iterum  donal. 

Hodie  pueri  Ecclesiae 
célébrant  in  exsultatione 
adventum  Sancti  Spiri- 
tus,  per  quem  exornati 
sunt  vestibus  pellucidis 
et  clarissimis,  cantantes 
cum  Seraphim  trisagium. 

Qui  unitos  turris,  divi- 
sione  linguarum  sejunxit, 
hodie  divisas  linguas  na- 
tionum  univit  rursum  in 
sacro  cœnaculo  ;  omnes 
Spiritus,  benedicite  Spi- 
ritum  Dei. 


Qui  descendit,  Spiri- 


4o8 


Le  Temps  Pascal. 


tus  Domini,  et  ductor 
fuit  duodecim  tribuum 
Israël  in  deserto,  hodie 
duodecim  Apostolos  per- 
ducit  ad  Evangelium  ; 
omnes  Spiritus.  bénédi- 
cité  Spiritum   Dei. 

Qui  implevit  Spiritus 
Domini,  Beseleel  archi- 
tectorem  tabernaculi.  ho- 
die efficit  homines  taber- 
naculum  sanctne  Trini- 
tati  ;  omnes  Spiritus,  bé- 
nédicité Spiritum  Dei. 


descendit  autrefois,  et  fut  le 
conducteur  des  douze  tribus 
d'Israël  dans  le  désert,  con- 
duit aujourd'hui  les  douze 
Apôtres  à  la  prédication  de 
l'Evangile.  O  vous  tous,  Es- 

Êrits,     bénissez    l'Esprit    de 
lieu. 

L'Esprit  du  Seigneur  qui 
remplit  autrefois  Bézeléel, 
l'architecte  du  tabernacle, 
rend  aujourd'hui  les  hommes 
comme  les  tabernacles  de  la 
sainte  Trinité.  O  vous  tous, 
Esprits,  bénissez  l'Esprit  de 
Dieu. 

La   belle  Séquence  que  nous  donnons    ici 
îst  empruntée  aux  anciens  Missels  de  Liège. 


SEQUENCE. 


AMOR  Patris  et    Filii, 
Veri  splendor  auxi  • 
lii, 
Totius  spes  solatii. 

O    indeficiens   piorum 
lux, 
Et   praemium    justorum  : 
Sublevator  perditorum. 


Omnis  fortitudinis, 
Ac  omnis   sanctitudinis, 
Ac  beatitudinis 

Donator, 
Omnis  rectitudinis  ama- 

tor. 

Omnipotens,  propi- 
tius  ; 


AMOUR  du  Père  et  du  Fils, 
vous  êtes  pour  nous  un 
éclatant  secours,  notre  espoir 
et  notre  consolation. 

Lumière  incessante  pour 
les  cœurs  pieux,  vous  êtes  la 
récompense  des  justes,  la 
commisération  pour  ceux 
qui  étaient  perdus. 

Toute  force  vient  de  vos 
dons,  toute  sainteté,  toute 
béatitude,  ô  vous  qui  aimez 
toute  justice  ! 


Vous     êtes    tout-puissant, 
plein  de  bonté  ;    vous   tenez 


Le  Mardi  de  la  Pentecôte. 


4oq 


tout  entre  vos  mains,  vous  si 
éloigné  du  péché  ! 

Omnitenens,  innoxius. 

Nul   ne   vous   surpasse   en 
justice  et  en  sainteté  ;  nul  ne 
peut  égaler  la  force  et  la  spi- 
ritualité de  votre  substance  ; 
rien  ne    peut  lutter  en   puis- 
sance avec  vous,  et  rien  n'est 
meilleur  que  vous. 

Justius,    carius, 

Honestius, 
Sanctius,  fortius, 

Subtilius  : 
Quo  nihil  est   potentius, 
Quo  nihil  est  vel  raelius. 

Vous  êtes   la    lumière    des 
cœurs  ;  par  vous  nous   allons 
au  Père  universel  et  à  son  Fils 
divin. 

lUuminator     cordium, 
Per  quem  ad  Patrem  om- 
nium 
Venitur,  et  ad  Filium. 

Source  d'intelligence,  prin- 
cipe de  bonheur,  remède  con- 
tre le   péché,  Esprit  de  con- 
seil. 

Fons  ingenii, 
Dator  gaudii  : 
Medicina  vitii, 
Spiritus  consilii. 

Vous    agissez    sans    bruit, 
vous  êtes    souple,    et    cepen- 
dant vous  ne   changez  pas  ; 
adresse,  noblesse,  puissance, 
ces  qualités  sont  les  vôtres  ; 
votre    marche    est   rapide,  et 
votre   conduite    envers    nous 
est  aimable. 

Humilis,  docilis. 
Et    invariabilis   ; 
Habilis,    nobilis. 
Et  insuperabilis, 

Promptus   et  amabilis 

Vous   êtes    le  don    choisi  : 
vous  donnez  l'intelligence  et 
l'amour,   vous  aimez    ce  qui 
est  droit. 

Donum    electum, 
Dans   intellectum, 
Dans  et  affectum, 
Diligens  rectum. 

Esprit  du  Père  et  du  Fils, 
Paraclet  vivifiant,    doigt   de 
la  main  divine. 

Patris  ac  Nati   Spiri- 
tus, 
Vivificans   Paraclitus  : 
Divinae  dextrae  digitus. 

Sublimité  et  charme,  com- 
passion et  bonté,  clémence  et 
largesse  • 

Sublimitas,      jucundi- 
tas, 

Pietas  et  bonitas, 
Benignitas  et  largitas  : 

410 


Le  Mardi  de  la  Pentecôte. 


Qui   prout  vult, 
Quando    vult, 
Et  ubi  vult, 
Quousque    vult, 
Et  quantum  vult, 
Spirat   et   erudit. 
Replet  et    erigit, 
Ditat  et  instruit. 


Spiritus  scientiœ, 
Ad  consolandum  hodie 
Apostolis  donatur  : 

Et  eis  plenarie, 
Fons  verne  sapicntix 
Per  hune   admiuistratur. 

Amen. 


Ainsi  que  vous  voulez, 
quand  vous  voulez,  où  vous 
voulez,  jusqu'où  vous  voulez, 
et  autant  que  vous  voulez, 
votre  souffle  se  répand  sur 
les  hommes  et  il  les  assiste, 
il  les  remplit  et  les  relève  de 
leur  chute  ;  il  les  comble  de 
richesses  et  les  instruit  lui- 
même. 

Aujourd'hui  même  cet  Es- 
prit de  science  est  départi  aux 
Apôtres  pour  être  leur  conso- 
lateur ;  et  dans  sa  confiance, 
il  remet  en  leur  pouvoir  et 
avec  plénitude  la  source  même 
de  la  véritable  sagesse. 

Amen. 


LE    DON   DE    SCIENCE. 

,  'ame  ayant  été  détachée  du  mal  par  la 
L  Crainte  de  Dieu  et  ouverte  aux  nobles  affec- 
tions par  le  don  de  Piété,  éprouve  le  besoin 
de  savoir  par  quel  moyen  elle  évitera  ce  qui 
fait  l'objet  de  sa  crainte  et  pourra  trouver 
ce  qu'elle  doit  aimer.  L'Esprit-Saint  vient  à 
son  secours,  et  lui  apporte  ce  qu'elle  désire, 
en  répandant  en  elle  le  Don  de  Science.  Par 
ce  don  précieux  la  vérité  lui  apparaît,  elle 
connaît  ce  que  Dieu  demande  et  ce  qu'il 
réprouve,  ce  qu'elle  doit  rechercher  et  ce 
qu'elle  doit  fuir.  Sans  la  science  divine 
notre  vue  court  risque  de  s'égarer,  à  cause 
des  ténèbres  qui  trop  souvent  obscurcissent 
en  tout  ou  en  partie  l'intelligence  de  l'homme. 


Le  Don  de  Science.  411 

Ces  ténèbres  proviennent  d'abord  de  notre 
propre  fonds  qui  porte  des  traces  trop  réelles 
de  la  déchéance.  Elles  ont  encore  pour  cause 
les  préjugés  et  les  maximes  du  monde  qui 
faussent  "tous  les  jours  les  esprits  que  Ton 
croirait  les  plus  droits.  Enfin  l'action  de  Satan, 
qui  est  le  Prince  des  ténèbres,  s'exerce  en 
grande  partie  dans  le  but  d'environner  notre 
"âme  d'obscurités,  ou  de  l'égarer  à  l'aide  de 
fausses  lueurs. 

La  foi  qui  nous  a  été  infuse  dans  le  bap- 
tême est  la  lumière  de  notre  âme.  Par  le  don 
de  Science,  TEsprit-Saint  fait  produire  à  cette 
vertu  des  rayons  assez  vifs  pour  dissiper 
toutes  nos  ténèbres.  Les  doutes  alors  s'éclair- 
cissent,  l'erreur  s'évanouit,  et  la  vérité  appa- 
raît dans  tout  son  éclat.  On  voit  chaque  chose 
dans  son  véritable  jour,  qui  est  le  jour  de  la 
foi.  On  découvre  les  déplorables  erreurs  qui 
ont  cours  dans  le  monde,  qui  séduisent  un  si 
çrand  nombre  d'âmes,  et  dont  peut-être  on  a 
été  soi-même  longtemps  la  victime. 

Le  don  de  Science  nous  révèle  la  fin  que 
Dieu  s'est  proposée  dans  la  création,  cette  fin 
hors  laquelle  les  êtres  ne  sauraient  trouver 
ni  le  bien  ni  le  repos.  Il  nous  apprend  l'u- 
sage que  nous  devons  faire  des  créatures,  qui 
nous  ont  été  données  non  pour  nous  être  un 
écueil,  mais  pour  nous  aider  dans  notre  mar- 
che vers  Dieu.  Le  secret  de  la  vie  nous  étant 
ainsi  manifesté,  notre  route  devient  sûre, 
nous  n'hésitons  plus,  et  nous  nous  sentons 
disposés  à  nous  retirer  de  toute  voie  qui  ne 
nous  conduirait  pas  au  but. 

C'est  cette  Science,  don  de  l'Esprit-Saint, 
que  l'Apôtre  a  en  vue   lorsque,  parlant  aux 


412  Le  Mardi  de  la  Pentecôte. 

chrétiens,  il  leur  dit  :  «  Autrefois  vous  étiez 
«  ténèbres  ;  maintenant  vous  êtes  lumière 
«  dans  le  Seigneur  :  marchez  désormais 
«  comme  les  fils  de  la  lumière  '  ».  De  là  vient 
cette  fermeté,  cette  assurance  de  la  conduite 
chrétienne.  L'expérience  peut  manquer  quel- 

?|uefois,  et  le  monde  s'émeut  à  la  pensée  des 
aux  pas  qui  sont  à  redouter  ;  mais  le  monde 
a  compté  sans  le  don  de  Science.  «  Le  Sci- 
«  gneur  conduit  le  juste  par  les  voies  droites, 
«  et  pour  assurer  ses  pas  il  lui  a  donné  la 
<«  Science  des  saints  -.  )>  Chaque  jour  cette 
leçon  est  donnée.  Le  chrétien,  au  moyen  de  la 
lumière  surnaturelle,  échappe  à  tous  les 
dangers,  et  s'il  n'a  pas  l'expérience  propre, 
il  a'i'expérience  de  Dieu. 

Soyez  béni,  divin  Esprit,  pour  cette  lumière 
que  vous  répandez  en  nous,  que  vous  y 
maintenez  avec  une  si  aimable  persévérance. 
Ne  permettez  pas  que  nous  en  cherchions 
jamais  une  autre.  Elle  seule  nous  suffit;  hors 
d'elle  il  n'y  a  que  ténèbres.  Gardez-nous  des 
tristes  inconséquences  auxquelles  plusieurs 
se  laissent  aller  imprudemment,  acceptant 
un  jour  votre  conduite,  et  le  lendemain  se 
livrant  aux  préjugés  du  monde  ;  menant  une 
double  vie  qui  ne  satisfait  ni  le  monde  ni 
vous.  Il  nous  faut  donc  l'amour  de  cette 
Science  que  vous  nous  avez  donnée  pour  que 
nous  fussions  sauvés  ;  l'ennemi  de  nos  âmes 
la  jalouse  en  nous,  cette  science  salutaire  ;  il 
voudrait  y  substituer  ses  ombres.  Ne  permet- 
tez pas,  divin  Esprit,  qu'il  réussisse  dans  son 
perhde  dessein,  et  aidez-nous  toujours  à  dis- 

I.  Eph.  V,  8.  —  2.  Sap.  X,  lo. 


Le  Don  de  Science.  41 3 

cerner  ce  qui  est  vrai  de  ce  qui  est  faux,  ce 
qui  est  juste  de  ce  qui  est  injuste.  Que,  selon 
la  parole  de  Jésus,  notre  œil  soit  simple,  afin 
que  tout  notre  corps,  c'est-à-dire  l'ensemble 
de  nos  actes,  de  nos  désirs  et  de  nos  pensées, 
soit  dans  la  lumière  ^  ;  et  sauvez-nous,  divin 
Esprit,  de  cet  œil  que  Jésus  appelle  mau- 
vais, et  qui  rend  ténébreux  le  corps  tout 
entier. 

I.    MaTTH.  VI,  23. 


tS£iXt3MM^X)dhXt3h3St3hjf~  Jlùîilidli3li3b3LéiùAtdlidliJlù 


LE   MERCREDI   DE   LA    PENTECOTE. 


VENi,  Sancte  Spîritiis, 
reple  tuorum  corda 
fidelium,  et  tui  amoris 
in  eis  ignem  accende. 


VENEZ,  Esprit-Saint,  rem- 
plissez les  cœurs  de  vos 
fidèles,  et  allumez  en  eux  le 
Lu  de  votre  amour. 


|ous  avons  vu  avec  quelle  fidélité  le 
divin  Esprit  a  su  accomplir,  dans 
le  cours  des  siècles,  la  mission  que 
l'Emmanuel  lui  a  donnée  de  for- 
mer, de  protéger  et  de  maintenir  l'Eglise  son 
Epouse.  Cette  recommandation  d'un"  Dieu  a 
été  remplie  avec  toute  la  puissance  d'un 
Dieu  ;  et  c'estle  plus  beau  et  le  plus  étonnant 
spectacle  que  présentent  les  annales  de  l'hu- 
manité depuis  dix-neut  siècles.  Cette  conser- 
vation d'une  société  morale,  toujours  la  même 
en  tous  les  temps  et  en  tous  les  lieux,  pro- 
mulguant un  symbole  précis  et  obligatoire 
pour  tous  ses  membres,  et  maintenant  par 
ses  arrêts  la  plus  compacte  unité  de  croyance 
entre  tous  ses  fidèles,  est,  avec  la  merveilleuse 
propagation  du  christianisme,  l'événement 
capital  de  l'histoire.  Aussi  ces  deux  faits 
sont-ils,  non  l'effet  d'une  providence  ordi- 
naire, comme  le  prétendent  certains  philoso- 
phes de  notre  temps,  mais  des  miracles  de 
premier  ordre  opérés  directement  par  le 
Saint-Esprit,  et  destinés  à  servir  de  base  à 
notre  foi  dans  la  vérité  du  christianisme. 
L'Esprit-Saint  qui  ne  devait  pas,  dans  l'exer- 
cice de  sa  mission,  revêtir  une  forme  sensi- 


Le  Mercredi  de  la  Pentecôte.      41 5 

ble,  y  a  rendu  sa  présence  visible  à  notre 
intelligence,  et  par  ce  moyen,  il  a  fait  assez 
pour  démontrer  son  action  personnelle  dans 
l'œuvre  du  salut  des  hommes. 

Suivons  maintenant  cette  action  divine, 
non  plus  en  tant  qu'elle  a  pour  but  de  secon- 
der le  dessein  miséricordieux  du  Fils  de  Dieu 
qui  a  daigné  prendre  une  Epouse  ici-bas, 
mais  dans  les  rapports  de  cette  Epouse  avec 
la  race  humaine.  Notre  Emmanuel  a  voulu 
qu'elle  fût  la  Mère  des  hommes,  et  que  tous 
ceux  qu'il  convie  à  l'honneur  de  devenir  ses 
propres  membres,  reconnussent  que  c'est  elle 
qui  les  enfante  à  cette  glorieuse  destinée. 
L'Esprit-Saint  devait  donc  produire  l'Epouse 
de  Jésus  avec  assez  d'éclat  pour  qu'elle  fût 
distinguée  et  connue  sur  la  terre,  tout  en  lais- 
sant à  la  liberté  humaine  le  pouvoir  de  la 
méconnaître  et  de  la  repousser. 

Il  fallait  que  cette  Eglise  dans  sa  durée 
embrassât  tous  les  siècles,  qu'elle  eût  par- 
couru la  terre  d'une  manière  assez  patente 
pour  que  son  nom  et  sa  mission  pussent  être 
connus  chez  tous  les  peuples;  en  un  mot  elle 
devait  être  Catholique,  c'est-à-dire  universelle, 
possédant  la  catholicité  des  temps  et  la  catho- 
licité des  lieux.  Telle  est,  en  effet,  l'existence 
que  le  divin  Esprit  lui  a  créée  sur  la  terre. 
Il  l'a  d'abord  promulguée  à  Jérusalem,  au 
jour  de  la  Pentecôte,  sous  les  yeux  des  Juifs 
venus  de  tant  de  régions  diverses,  et  qui  par- 
tirent bientôt  pour  aller  en  porter  la  nou- 
velle dans  les  contrées  qu'ils  habitaient.  Il  a 
lancé  ensuite  les  Apôtres  et  les  disciples  sur 
le  monde,  et  nous  savons  par  les  auteurs  con- 
temporains qu'un  siècle  était  à  peine  écoulé 


41 6  Le  Temps  Pascal. 

que  déjà  la  terre  entière  possédait  des  chré- 
tiens. Dès  lors  chaque  année  a  profité  à  la 
visibilité  de  cette  sainte  Eglise.  Si  le  divin 
Esprit,  dans  les  desseins  de  sa  justice,  a  jugé 
à  propos  de  la  laisser  s'affaiblir  au  sein  d'une 
nation  qui  n'était  plus  digne  d'elle,  il  l'a 
transférée  dans  une  autre  où  elle  devait  ren- 
contrer des  fils  plus  soumis.  Si  des  régions 
entières  ont  quelquefois  semblé  lui  être  fer- 
mées, c'est  qu'à  une  époque  antérieure  elle^ 
se  présenta  et  fut  repoussée,  ou  encore  que' 
le  moment  n'était  pas  venu  où  elle  devait 
paraître  et  s'établir.  L'histoire  de  la  propa- 
gation de  l'Eglise  nous  donne  à  constater  cet 
ensemble  merveilleux  de  vie  perpétuelle  et 
de  migrations.  Les  temps  et  les  lieux  lui 
appartiennent  ;  là  où  elle  ne  règne  pas,  elle 
est  présente  par  ses  membres,  et  cette  préro- 
gative de  la  catholicité  qui  lui  a  valu  son 
nom  est  un  des  chefs-d'œuvre  de  l'Esprit- 
Saint. 

Mais  là  ne  se  borne  pas  son  action  pour 
l'accomplissement  de  la  mission  que  lui  a 
confiée  l'Emmanuel  à  l'égard  de  son  Epouse, 
et  ici  nous  devons  pénétrer  la  profondeur  du 
mystère  du  Saint-Esprit  dans  l'Eglise.  Après 
avoir  constaté  son  influence  extérieure  pour 
la  conserver  et  l'étendre,  il  nous  faut  appré- 
cier la  direction  intérieure  qu'elle  reçoit  de 
lui,  et  qui  produit  en  elle  l'unité,  l'infaillibi- 
lité et  la  sainteté,  qualités  qui,  avec  la  catho- 
licité, forment  le  signalement  de  l'Epouse  du 
Christ. 

L'union  de  l'Esprit-Saint  avec  l'humanité 
de  Jésus  est  une  des  bases  du  mystère  de 
l'Incarnation.  Notre  divin  médiateur  est  appelé 


Le  Mercredi  de  la  Pentecôte.       41  j 

le  Christ,  parce  qu'il  a  reçu  Tonction  ',  et 
cette  onction  est  l'etTet  de  l'union  de  son  hu- 
manité avec  le  Saint-Esprit  2.  Cette  union  est 
indissoluble:  éternellement  le  Verbe  demeu- 
rera uni  à  son  humanité,  éternellement  aussi 
le  divin  Esprit-Saint  imprimera  sur  cette 
humanité  le  sceau  de  l'onction  qui  fait  le 
Christ.  Il  suit  de  là  que  l'Eglise,  étant  le  corps 
de  Jésus-Christ,  doit  avoir  part  à  l'union  qui 
existe  entre  son  divin  Chef  et  l'Esprit-Saini. 
Le  chrétien,  dans  le  baptême,  reçoit  l'onc- 
tion divine  par  le  Saint-Esprit  qui  habite 
désormais  en  lui  comme  le  gage  de  l'héritage 
éternel  ^  ;  mais  il  y  a  cette  différence  qu'il 
peut  perdre  par  le  péché  cette  union  qui 
est  en  lui  le  principe  de  la  vie  surnaturelle, 
tandis  qu'elle  ne  peut  jamais  faire  défaut  au 
corps  même  de  l'Eglise.  L'Esprit-Saint  est 
incorporé  à  l'Eglise  pour  toujours;  il  est  le 
principe  qui  l'anime,  qui  la  fait  agir  et  mou- 
voir, et  lui  fait  surmonter  toutes  les  crises 
auxquelles,  par  la  permission  divine,  elle 
demeure  exposée  durant  le  trajet  de  cette  vie 
militante. 

Saint  Augustin  exprime  admirablement 
cette  doctrine  dans  un  de  ses  Sermons  pour 
la  fête  de  la  Pentecôte  :  «  Le  souffle  par  lequel 
«  vit  l'homme,  nous  dit-il,  s'appelle  l'âme;  et 
«  vous  êtes  à  même  d'observer  le  rôle  de 
«  cette  âme  relativement  au  corps.  C'est 
fl  elle  qui  donne  la  vie  aux  membres  :  elle 
«  qui  voit  par  l'œil,  entend  par  l'oreille,  sent 
«  par  l'odorat,  parle  par  la  langue,  opère  par 
■>  la  main,  marche  par  les  pieds.  Présente  à 

I.  Psalm.  XLiv,  8.  —  2.  Act.  x,  38.  —  3.  Eph.  i,  i3. 


LE   TEMPS    PASCAL.    —    T.    III. 


4iS 


Le  Temps  Pascal. 


«  chaque  membre,  elle  donne  la  vie  à  tous 
«  et  la  fonction  à  chacun.  Ce  n'est  pas  l'œil 
«  qui  entend,  ce  n'est  pas  l'oreille  qui  voit  ni 
0  la  langue,  de  même  que  ce  n'est  ni  l'oreille 
«  ni  l'œil  qui  parlent;  cependant  l'oreille  est 
«  vivante,  la  langue  est  vivante;  les  fonctions 
«  des  sens  sont  donc  varices,  mais  une  même 
«  vie  est  commune  à  tous.  Ainsi  en  est-il 
«  dans  l'Eglise  de  Dieu.  Dans  tel  saint  elle 
«  opère  des  miracles,  dans  tel  autre  elle  ensci- 
«  gne  la  vérité,  dans  celui-ci  elle  pratique  la 
«  Virginité,  dans  celui-là  elle  garde  la  chas- 
«  tetc  conjugale  ;  en  un  mot  les  divers  mem- 
«  bres  de  l'Église  ont  leurs  fonctions  variées, 
«  mais  tous  puisent  la  vie  à  une  même  source. 
«  Or  ce  qu'est  l'âme  au  corps  humain,  le 
((  Saint-Esprit  Test  au  corps  du  Christ  qui  est 
(c  l'Eglise.  Le  Saint-Esprit  opère  dans  toute 
«  l'Eglise  ce  que  l'âme  opère  dans  tous  les 
«  membres  d'un  même  corps  ^  » 

La  voilà  donc  dégagée,  cette  notion  à  l'aide 
de  laquelle  nous  nous  rendrons  compte  de 
l'existence  de  l'Eglise  et  de  ses  opérations. 
L'Eglise  est  le  corps  du  Christ,  et  en  elle  le 
Saint-Esprit  est  le  principe  de  la  vie.  C'est 
lui  qui  l'anime,  la  conserve,  agit  en  elle  et 
par  elle.'  Il  est  son  âme,  non  plus  seule- 
ment dans  le  sens  restreint  selon  lequel  nous 
avons  parlé  plus  haut  de  l'àme  de  l'Eglise, 
c'est-à-dire  son  être  intérieur  qui  est  du  reste 
en  elle  le  produit  de  l'action  du  Saint-Es- 
prit ;  mais  il  est  son  âme  en  ce  que  toute  sa 
vie  intérieure  et  extérieure,  et  toute  son 
opération,  procèdent  de  lui.  L'Eglise  est  im- 


Serra,  cclvii.  In  die  Pentecostes. 


Le  Mercredi  de  la  Pentecôte.        41g 

périssable,  parce  que  l'amour  qui  a  porté 
l'Esprit-Saint  à  habiter  en  elle  durera  tou- 
jours; telle  est  la  raison  de  cette  perpétuité 
qui  est  le  phénomène  le  plus  étonnant  en  ce 
monde. 

Mais  il  nous  faut  considérer  maintenant 
cette  autre  merveille  qui  consiste  dans  la 
conservation  de  l'unité  au  sein  de  cette 
société.  L'Epoux,  dans  le  divin  Cantique, 
appelle  l'Eglise  «  son  unique  ».  Il  n'a  pas 
désiré  plusieurs  épouses  ;  l'Esprit-Saint  aura 
donc  dû  veiller  avec  sollicitude  sur  l'accom- 
plissement du  dessein  de  l'Emmanuel.  Sui- 
vons les  traces  de  sa  sollicitude  pour  obtenir 
un  tel  résultat.  Est-il  possible  humainement 
qu'une  société  traverse  dix-neuf  siècles  sans 
avoir  changé,  sans  avoir  remanié  son  exis- 
tence en  mille  façons,  en  supposant  même 
que,  sous  un  nom  ou  sous  un  autre,  elle  ait 
pu  remplir  une  telle  durée  ?  Songez  que  cette 
société,  durant  un  si  long  espace  de  temps, 
n'a  pu  manquer  de  voir  s'agiter  dans  son 
sein,  sous  mille  formes,  les  passions  humaines 
qui    souvent    entraînent    tout    après    elles  ; 

au'elle  a  toujours  été  composée  de  races 
iverses  de  langage,  de  génie,  de  mœurs,  tan- 
tôt éloignées  les  unes  des  autres  au  point  de 
se  connaître  à  peine,  tantôt  voisines  mais 
divisées  par  des  intérêts  et  même  par  des  an- 
tipathies nationales;  que  des  révolutions 
politiques  sans  nombre  ont  modifié  sans 
cesse,  renversé  même  l'existence  des  peuples; 
et  cependant,  partout  où  il  a  existé,  partout 
où  il  existera  des  catholiques,  l'unitédemeure 
le  caractère  de  ce  corps  immense  et  des 
membres  qui    le  composent.  Une  même  foi, 


42  0  Le   Temps  Pascal. 

un  même  symbole,  une  même  soumission  à 
un  même  chef  visible,  un  même  culte  quant 
aux  points  essentiels,  une  même  manière 
de  trancher  toute  question  par  la  tradition 
et  l'autorité.  Des  sectes  se  sont  élevées  en 
chaque  siècle  ;  toutes  ont  dit  :  «  Je  suis  la 
vraie  Eglise  »  ;  et  pas  une  seule  n'a  pu  sur- 
vivre aux  circonstances  qui  l'avaientproduitc. 
Où  sont  maintenant  les  ariens  avec  leur  puis- 
sance politique,  les  nestoriens ,  les  euty- 
chiens,  les  monothélites,  avec  leurs  inépui- 
sables subtilités  ?  Quoi  de  plus  impuissant  et 
de  plus  stérile  que  le  schisme  grec  asservi 
soit  au  sultan,  soit  au  moscovite  ?  que  reste- 
t-il  du  jansénisme  épuisé  par  ses  vains  efforts 
pour  se  maintenir  dans  l'Eglise  malgré 
l'Eglise  ?  et  quant  au  protestantisme  parti  du 
principe  de  négation,  ne  l'a-t-on  pas  vu  dès 
le  lendemain  brisé  en  morceaux,  sans  jamais 

Êouvoir  former  une  même  société  religieuse? 
t  ne  le  voyons-nous  pas  aujourd'hui  aux 
abois,  incapable  de  retenir  les  dogmes  qu'il 
avait  regardés  d'abord  comme  fondamentaux.: 
i'inspiration  des  Ecritures  et  la  divinité  de 
Jésus-Christ  ? 

En  face  de  tant  de  ruines  amoncelées, 
qu'elle  est  belle  et  radieuse  dans  son  unité, 
notre  mère  la  sainte  Eglise  catholique  , 
l'Epouse  unique  de  l'Emmanuel  !  Les  millions 
d'hommes  qui  l'ont  composée,  et  qui  la  com- 
posent encore  aujourd'hui,  seraient-ils  d'une 
autre  nature  que  ceux  qui  se  sont  partagés 
entre  les  diverses  sectes  qu'elle  a  vues  naî'trc 
et  mourir  ?  Orthodoxes  ou  hétérodoxes,  ne 
sommes-nous  pas  tous  membres  de  la  même 
famille  humaine,  sujets  aux  mêmes  passions 


Le  Mercredi  de  la  Pentecôte.       421 

et  aux  mêmes  erreurs?  D'où  vient  aux  fils 
de  l'Eglise  catholique  cette  consistance  qui 
triomphe  du  temps,  sur  laquelle  n'influe  pas 
la  dissemblance  des  races,  qui  survit  à  ces 
crises  et  à  ces  changements  que  n'ont  pu  pré- 
venir ni  la  forte  constitution  des  Etats,  ni  la 
résistance  séculaire  des  nationalités?  11  faut 
en  convenir,  un  élément  divin  est  là  qui 
résiste  et  qui  maintient.  L'âme  de  l'Eglise, 
l'Esprit-Saint,  influe  dans  tous  ses  membres, 
et  comme  il  est  unique,  il  produit  l'unité 
dans  tout  l'ensemble  qu'il  anime.  Ne  pou- 
vant être  contraire  à  lui-même,  rien  ne  sub- 
siste par  lui  qu'au  moyen  d'une  entière  con- 
formité avec  ce  qu'il  est.  Nous  avons  ainsi  la 
clef  du  grand  problème. 

Demam  nous  parlerons  de  ce  que  fait  l'Es- 
prit-Saint pour  le  maintien  de  la  foi  une  et 
invariable  dans  tout  le  corps  de  l'Eglise; 
arrêtons- nous  aujourd'hui  à  le  considérer 
comme  principe  d'union  extérieure  par  la 
subordination  volontaire  à  un  même  centre 
d'unité.  Jésus  avait  dit  :  «  Tu  es  Pierre  et  sur 
«  cette  pierre  je  bâtirai  mon  Eglise  »  ;  mais 
Pierre  devait  mourir.  La  promesse  n'avait 
donc  pas  pour  objet  sa  personne  seulement, 
mais  toute  la  suite  de  ses  successeurs  jusqu'à 
la  fin  des  siècles.  Quelle  étonnante  et  éner- 
gique action  du  divin  Esprit  produit  ainsi, 
anneau  par  anneau,  cette  dynastie  de  princes 
spirituels  arrivée  à  son  deux  cent  soixante- 
quatrième  Pontife,  et  devant  se  poursuivre  jus- 
qu'au dernier  jour  du  monde  !  Aucune  vio- 
lence ne  sera  faite  à  la  liberté  humaine;  le 
divin  Esprit  lui  laissera  tout  tenter;  mais  il 
faut   cependant  qu'il    poursuive  sa  mission. 


42  2  Le  Temps  Pascal. 

Qu'un  Décius  produise  par  ses  violences  une 
vacance  de  quatre  ans  sur  le  siège  de  Rome, 
qu'il  s'élève  des  anti-papes  soutenus  les  uns 
par  la  faveur  populaire,  les  autres  par  la 
politique  des  princes,  qu'un  long  schisme 
rende  douteuse  la  légitimité  de  plusieurs 
Pontifes,  l'Esprit-Saint  laissera  s'écouler  l'é- 
preuve, il  fortifiera,  pendant  qu'elle  dure,  la 
foi  de  ses  fidèles  ;  enfin,  au  moment  marqué, 
il  produira  son  élu,  et  toute  l'Eglise  le  recevra 
avec  acclamation. 

Pour  comprendre  tout  ce  que  cette  action 
surnaturelle  renferme  de  merveilleux,  il  ne 
suffit  pas  d'apprécier  les  résultats  extérieurs 
qu'elle  produit  dans  l'histoire;  il  faut  la  suivre 
dans  ce  qu'elle  a  d'intime  et  de  mystérieux. 
L'unité  de  l'Eglise  n'est  pas  du  genre  de  cette 
unité  que  les  conquérants  établissent  dans 
les  pays  qu'ils  ont  soumis,  où  l'on  paie  le 
tribut  parce  qu'il  faut  bien  se  soumettre  à  la 
force.  Les  membres  de  l'Eglise  gardent  l'unité 
dans  la  foi  et  dans  la  soumission,  parce  qu'ils 
se  courbent  avec  amour  sous  un  joug  imposé 
à  leur  liberté  et  à  leur  raison.  Mais  qui  donc 
captive  ainsi  l'orgueil  humain  sous  une  telle 
obéissance  ?  Qui  donc  fait  trouver  la  joie  et  le 
contentement  dans  l'abaissement  de  toute  pré- 
tention personnelle?  Qui  donc  dispose  l'homme 
à  mettre  sa  sécurité  et  son  bonheur  à  dispa- 
raître comme  individu  dans  cette  unité  abso- 
lue, et  cela  en  des  questions  où  le  caprice  hu- 
main s'est  donné  plus  large  carrière  dans  tous 
les  temps  ?  N'est-ce  pas  le  divin  Esprit  qui 
opère  ce  miracle  multiple  et  permanent,  qui 
anime  et  harmonise  ce  vaste  ensemble,  et  qui, 
sans  violence,  fond    dans  l'unité  d'un  même 


Le  Mercredi  de  la  Pentecôte.       428 

concert  les  millions  de  cœurs  et  d'esprits  qui 
forment  l'Epouse  «  unique  »  du  Fils  de 
Dieu  ? 

Dans  les  jours  de  sa  vie  mortelle,  Jésus 
demandait  pour  nous  l'unité  au  Père  céleste. 
«  Qu'ils  soientun,  comme  nous  sommes  un  1», 
disait-il.  Il  la  prépare,  en  nous  appelant  à 
devenir  ses  membres;  mais  pour  opérer  cette 
union,  il  envoie  aux  hommes  son  Esprit,  cet 
Esprit  divin  qui  est  le  lien  éternel  entre  le 
Père  et  le  Fils,  et  qui  daigne,  dans  le  temps, 
descendre  jusqu'à  nous,  pour  y  réaliser  cette 
unité  ineffable  qui  a  son  type  en  Dieu 
même. 

Grâces  vous  soient  donc  rendues,  divin 
Esprit,  qui  habitant  ainsi  dans  l'Eglise  de 
Jésus,  nous  inclinez  miséricordieusementvers 
l'unité,  qui  nous  la  faites  aimer,  et  nous  dis- 
posez à  tout  souffrir  plutôt  que  de  la  rompre. 
Fortifîez-la  en  nous,  et  ne  permettez  jamais 
qu'un  défaut  de  soumission  l'altère  même 
légèrement.  Vous  êtes  l'âme  de  la  sainte 
Eglise;  gouvernez-nous  comme  des  membres 
toujours  dociles  à  votre  impulsion;  car  nous 
savons  que  nous  ne  saurions  être  à  Jésus  qui 
vous  a  envoyé,  si  nous  n'étions  à  l'Eglise  son 
Epouse  et  notre  Mère,  à  cette  Eglise  qu'il  a 
rachetée  de  son  sang,  et  qu'il  vous  a  donnée 
à  former  et  à  conduire. 

Samedi  prochain,  l'Ordination  des  prêtres 
et  des  ministres  sacrés  aura  lieu  dans  toute 
l'Eglise;  l'Esprit-Saint,  dont  le  sacrement  de 
l'Ordre   est  une  des   principales  opérations, 

I.   JOHAN.  XVII,   II. 


424 


Le  Temps  Pascal. 


descendra  dans  les  âmes  qui  lui  seront  pré- 
sentées, et  imprimera  sur  elles,  par  les  mains 
du  Pontife,  le  sceau  du  Sacerdoce  ou  du 
Diaconat,  En  présence  d'un  si  grave  intérêt, 
la  sainte  Eglise  prescrit  dés  aujourd'hui  à 
ses  fidèles  le  jeûne  et  l'abstinence,  pour  obte- 
nir de  la  miséricorde  divine  que  l'etfusion 
d'une  telle  grâce  soit  favorable  à  ceux  qui  la 
recevront  et  avantageuse  à  la  société  chré- 
tienne. 

A  Rome,  la  Station  est  aujourd'hui  dans  la 
Basilique  de  Sainte-Marie-Majeure.  Il  était 
juste  qu'un  des  jours  de  cette  grande  Octave 
vît  les  fidèles  réunis  sous  les  auspices  de  la 
Mère  de  Dieu,  dont  la  participation  au  mys- 
tère de  la  Pentecôte  a  été  si  glorieuse  et  si 
favorable  à  l'Eglise  naissante. 


eus  achèverons  la  journée  en  insérant  ici 
l'une  des  plus  belles  Séquences  d'Adam 
de  Saint-Victor  sur  le  mystère  du  Saint-Es- 
prit. 


N 


SÉQUENCE. 


LUX  jocunda,  lux  insi- 
gnis, 
Qua    de    throno    missus 
ignis 

In  Christi  discipulos 
Corda  replet,  linguas  di- 

tat. 
Ad  concordes  non  invi- 
tât 

Linguœ  cordis    mo- 
dulos. 


UNE  lumière  joyeuse,  écla- 
tante, un  feu  lancé  du 
trône  céleste  sur  les  disciples 
du  Christ,  remplissent  les 
cœurs,  fécondent  les  langues, 
et  nous  invitent  ù  unir  dans 
un  concert  mélodieux  et  nos 
langues  et  nos  cœurs. 


Le  Mercredi  de  la  Pentecôte. 


42  5 


Le  gage  que  le  Christ  avait 
promis  à  son  Epouse,  il  le  lui 
envoie  au  cinquantième  jour; 
devenu  ferme  comme  un  ro- 
cher, Pierre  répand  dans  ses 
discours  le  miel  le  plus  doux, 
l'huile  la  plus  généreuse. 


Sur  la  montagne,  l'ancien 
peuple  reçut  la  loi,  non  dans 
des  langues  de  feu,  mais  gra- 
vée sur  la  pierre  ;  dans  le  Cé- 
nacle, un  petit  nombre  d'hom- 
mes reçoit  un  cœur  nouveau, 
et  revient  à  l'unité  des  lan- 
gues. 

O  jour  heureux,  jour  solen- 
nel, où  l'Eglise  primitive  est 
fondée  !  Trois  mille  hommes 
sont  les  prémices  de  cette 
Eglise  à  sa  naissance. 


Les  deux  pains  oflerts  en 
prémices  dans  la  loi,  figu- 
raient les  deux  peuples  adop- 
tés en  ce  jour  dans  une  même 
foi  •  la  pierre  placée  à  la  tête 
de  l'angle  s'interpose  entre 
les  deux,  et  des  deux  ne  fait 
plus  qu'un  seul  peuple. 

De  nouvelles  outres,  non 
plus  les  anciennes,  sont  rem- 
plies d'un  vin  nouveau  :  la 
veuve  préparc  ses  vases,  tan- 
dis qu'Elisée  multiplie  l'huile 
en    abondance  :    ainsi    Dieu 


Christus    misit     quod 
promisit 
Pignus     Sponsae,    quam 
revisit 

Die  quinquagesima  ; 
Post  dulcorem  mcl- 

leum 
Petra    fudit     oleum, 
Petra  jamfirmissima. 

In  tabellis  saxeis, 
Non  in  linguis  igneis, 
Lex  de   monte  popu- 
lo ; 
Paucis    cordis   covi- 

tas 
Etlinguarum  unitas, 
Datur  in  Cœnaculo. 

O  q.uam  felix,  quam 
festiva 
Dies  in  qua  primitiva 
Fundatur  Ecclcsia  l 
Vivœ  sunt  primitia; 
Nascentis  Ecclesicc, 
Tria  primum  millia. 

Panes  legis  primitivi, 
SuQt  sub  una  adoptivi 

Fide  duo  populi  : 
Se  duobus  interjecit 
Sicque  duos    unum  fecit 

Lapis,  caput  anguli. 


Utresnovi,nonvetusti, 
Sunt  capaces  novi  musti  : 

Vasa  paret  vidua. 
Liquorem    dat    Eliseus  : 
Nobis     sacrum     rorem 

Deus, 


42 G       Le  Mercredi  de  la  Pentecôte. 


Si   corda    sint    con- 
grua. 


Non  hoc  musto  vel  li- 

quore, 
Non    hoc    sumus    digni 

rore, 

Si   discordes    mori- 
bus. 
In  obscuris  vel  divisis, 
Non  potest  haec  Paracli- 

sis 

Habitare  cordibus. 

Consolator  aime,  veni  : 

Linguas  rege,   corda  le- 
ni  : 

Nihil  fellis  aut  veneni 
Sub    tua   praesentia. 

Nil  jocundum,  nil  amœ- 
num, 

Nil    salubre,    nil    sere- 
num, 

Nihil    dulce,    nihil    plé- 
num. 
Sine  tua  gratia. 

Tu  lumen    es   et     un- 

guentum, 
Tu    cœleste    condimen- 

tum, 
Aquas     ditans     eleraen- 

tum 

Virtute  mysterii. 
Nova  facti  creatura, 
Te  laudemus  mente  pa- 
ra, 
Gratiœ    nunc,     sed    na- 

tura 

Prius  irœ  filii. 


répand  aujourd'hui  la  céleste 
robée,  autant  qu'il  trouve  de 
cœurs  préparés  à  la  rece- 
voir. 

Nous  ne  serions  pas  dignes 
de  recevoir  ce  vin  précieux, 
cette  rosée  divine,  si  notre 
vie  était  déréglée  :  ce  Para- 
clet  ne  saurait  habiter  dans 
des  cœurs  remplis  de  ténè- 
bres ou  divisés. 


Viens  donc  à  nous,  auguste 
Consolateur  !  gouverne  nos 
langues,  apaise  nos  cœurs  : 
ni  fiel,  ni  venin  n'est  compa- 
tible avec  ta  présence.  Sans 
la  grâce,  il  n'est  ni  délice, 
ni  salut,  ni  sérénité,  ni  dou- 
ceur, ni  plénitude. 


Tu  es  lumière  et  parfum  -, 
tu  es  ce  principe  céleste  qui 
confère  à  l'élément  de  l'eau 
une  puissance  mystérieuse  . 
nous  qui  sommes  devenus 
une  création  nouvelle,  d'a- 
bord enfants  de  colère  par 
nature,  maintenant  enfants 
de  la  grâce,  nous  te  louons 
d'un  cœur  purifié. 


Le  Don  de  Force. 


427 


Toi  qui  donnes  et  qui  es 
en  même  temps  le  don,  toi 
qui  verses  sur  nous  tous 
les  biens,  rends  nos  cœurs 
capables  de  te  louer,  forme 
nos  langues  à  célébrer  tes 
grandeurs.  Auteur  de  toute 
pureté,  purifie-nous  du  pé- 
ché :  renouvelle-nous  dans 
le  Christ,  et  fais-nous  goûter 
la  joie  entière  que  donne  à 
l'âme  la  vie  nouvelle. 

Amen. 


Tu  qui  dater  es  et  do- 

num, 
Nostri   cordis  orane  bo- 

num, 
Cor    ad     laudera    reddc 

pronum, 
Nostrœ   linguae   formans 

sonum 

In  tua  praeconia. 
Tu  nos   purga  a  pecca- 

tis, 
Auctor  ipse  pietatis, 
Et   in   Christo  renovatis 
Da  perfectœ  novitatis 

Plena  nobis   gaudia. 
Amen. 


LE    DON    DE    FORCE. 

LE  don  de  Science  nous  a  appris  ce  que 
nous  devons  faire  et  ce  que  nous  devons 
éviter  pour  être  conformes  au  dessein  de 
Jésus-Christ  notre  divin  chef.  Il  faut  mainte- 
nant que  l'Esprit-Saint  établisse  en  nous  un 
principe  duquel  nous  puissions  emprunter 
l'énergie  qui  devra  nous  soutenir  dans  la 
voie  qu'il  vient  de  nous  montrer.  Nous  de- 
vons en  effet  compter  sur  des  obstacles,  et  le 
grand  nombre  de  ceux  qui  succombent  suffit 
à  nous  convaincre  du  besoin  que  nous  avons 
d'être  aidés.  Le  secours  que  le  divin  Esprit 
nous  communique  est  le  don  de  Force,  par 
lequel,  si  nous  sommes  tidèles  à  l'employer, 
il  nous  sera  possible  et  même  aisé  de  triom- 
pher de  tout  ce  qui  pourrait  arrêter  notre 
marche. 
Dans    les  difficultés  et   les  épreuves  de    la 


42<V       Le  Mercredi  de  la  Pentecôte 

vie,  l'homme  est  tantôt  porté  à  la  faiblesse 
et  à  l'abattement,  tantôt  poussé  par  une  ar- 
deur naturelle  qui  a  sa  source  dans  le  tem- 
pérament ou  dans  la  vanité.  Cette  double 
disposition  avancerait  peu  la  victoire  dans 
les  combats  que  l'âme  doit  livrer  pour  son 
salut.  L'Esprit-Saint  apporte  donc  un  élément 
nouveau,  cette  force  surnaturelle  qui  lui  est 
tellement  propre  que  le  Sauveur,  instituant 
ses  Sacrements,  en  a  établi  un  qui  a  pour 
objet  spécial  de  nous  donner  ce  divin  Esprit 
comme  principe  d'énergie.  Il  est  hors  de 
doute  qu'ayant  à  lutter  pendant  cette  vie 
contre  le  démon,  le  monde  et  nous-mêmes,  il 
nous  faut  autre  chose  pour  résister  que  la 
pusillanimité  ou  l'audace.  Nous  avons  besoin 
d'un  don  qui  modère  en  nous  la  peur,  en 
même  temps  qu'il  tempère  la  confiance  que 
nous  serions  portés  à  mettre  en  nous-mêmes. 
L'homme  ainsi  modifié  par  le  Saint-Esprit 
vaincra  sûrement;  car  la  grâce  suppléera  en 
lui  à  la  faiblesse  de  la  nature,  en  même 
temps  qu'elle  en  corrigera  la  fougue. 

Deux  nécessités  se  rencontrent  dans  la  vie 
du  chrétien  :  il  lui  faut  savoir  résister  et  savoir 
supporter.  Que  pourrait-il  opposer  aux  ten- 
tations de  Satan,  si  la  Force  du  divin  Esprit 
ne  venait  le  couvrir  d'une  armure  céleste  et 
aguerrir  son  bras?  Le  monde  n'est-il  pas 
aussi  un  adversaire  terrible,  si  l'on  considère 
le  nombre  des  victimes  qu'il  fait  chaque  jour 
par  la  tyrannie  de  ses  maximes  et  de  ses 
prétentions?  Quelle  ne  doit  pas  être  l'assis- 
tance du  divin  Esprit,  lorsqu'il  s'agit  de  ren- 
dre le  chrétien  invulnérable  aux  traits  meur- 
triers qui  font  tant  de  ravages  autour  de  lui  ? 


Le  Don  de  Force.  42g 

Les  passions  du  cœur  de  l'homme  ne  sont 
pas  un  moindre  obstacle  à  son  salut  et  à  sa 
sanctification:  obstacle  d'autant  plus  redou- 
table qu'il  est  plus  intime.  11  faut  que  l'Es- 
prit-Saint transforme  le  cœur,  qu'il  l'entraîne 
même  à  se  renoncer,  lorsque  la  lumière 
céleste  indique  une  autre  voie  que  celle  vers 
laquelle  nous  pousse  l'amour  et  la  recherche 
de  nous-mêmes.  Quelle  Force  divine  ne  faut- 
il  pas  pour  «  haïr  jusqu'à  sa  propre  vie  », 
quand  Jésus-Christ  l'exige  1,  quand  il  s'agit 
de  faire  le  choix  entre  deux  maîtres  dont  le 
service  est  incompatible-?  L'Esprit-Saint 
fait  tous  les  jours  de  ces  prodiges  au  moyen 
du  don  qu'il  a  répandu  en  nous,  si  nous  ne 
méprisons  pas  ce  don,  si  nous  ne  l'ctouffons 
pas  dans  notre  lâc'neté  ou  dans  notre  impru- 
dence. Il  apprend  au  chrétien  à  dominer  ses 
passions,  à  ne  pas  se  laisser  conduire  par 
ces  guides  aveugles,  à  ne  céder  à  ses  instincts 
que  lorsqu'ils  sont  conformes  à  l'ordre  que 
Dieu  a  établi. 

Quelquefois  ce  divin  Esprit  ne  demande 
pas  seulement  que  le  chrétien  résiste  inté- 
rieurement aux  ennemis  de  son  âme;  il  exige 
qu'il  proteste  ouvertement  contre  l'erreur  et 
le  mal,  si  le  devoir  d'état  ou  la  position  le 
réclament.  C'est  alors  qu'il  faut  braver  cette 
sorte  d'impopularité  qui  s'attache  parfois  au 
chrétien,  et  qui  ne  doit  pas  le  surprendre 
quand  il  se  rappelle  les  paroles  de  l'Apôtre  : 
u  Si  j'étais  agréable  aux  hommes,  je  ne  serais 
«  pas  serviteur  du  Christ  3.  »  Mais    l'Esprit- 

I.   JOHAN.   XH,   25.  —   2.   MaTTH.    VI,   24.   —  3.   Gai. 

I,  10, 


4^0       Le  Mercredi  de  la  Pentecôte. 

Saint  ne  fait  jamais  défaut,  et  lorsqu'il  ren- 
contre une  âme  résolue  à  user  de  la  Force 
divine  dont  il  est  la  source,  non  seulement 
il  lui  assure  le  triomphe,  mais  il  l'établit 
pour  l'ordinaire  dans  cette  paix  pleine  de 
douceur  et  de  courage  qu'apporte  la  victoire 
sur  les  passions. 

Telle    est    la    manière    dont    l'Esprit-Saint 
applique  le  don  de  Force  au  chrétien,  lors- 

âue  celui-ci  doit  s'exercer  à  la  résistance, 
bus  avons  dit  que  ce  précieux  don  apportait 
en  même  temps  l'énergie  nécessaire  pour 
supporter  les  épreuves  au  prix  desquelles  est 
le  salut.  Il  est  des  frayeurs  qui  glacent  le  cou- 
rage et  peuvent  entraîner  l'homme  à  sa  perte. 
Le  don  de  Force  lesdissipe;  il  les  remplace  par 
un  calme  et  une  assurance  qui  déconcertent  la 
nature.  Voyez  les  martyrs,  et  non  pas  seule- 
ment un  saint  Maurice,  chef  de  la  légion 
Thébaine,  accoutumé  aux  luttes  du  champ 
de  bataille,  mais  ces  Félicité,  mère  de  sept 
enfants,  ces  Perpétue,  noble  dame  de  Car- 
thage  pour  laquelle  le  monde  n'avait  que  des 
faveurs;  ces  Agnès,  enfant  de  treize  ans,  et 
tant  de  milliers  d'autres,  et  dites  si  le  don  de 
Force  est  stérile  en  sacrifices.  Qu'est  devenue 
la  peur  de  la  mort,  de  cette  mort  dont  la 
seule  pensée  nous  accable  parfois.^  Et  ces 
généreuses  offrandes  de  toute  une  vie  immo- 
lée dans  le  renoncement  et  les  privations, 
afin  de  trouver  Jésus  sans  partage  et  de  sui- 
vre ses  traces  de  plus  près!  Et  tant  d'exis- 
tences voilées  aux  regards  distraits  et  super- 
ficiels des  hommes,  existences  dont  l'élément 
est  le  sacrifice,  où  la  sérénité  n"est  jamais 
vaincue  par  l'épreuve,   où    la  croix  toujours 


Le  Don  de  Force.  43 1 

renaissante  est  toujours  acceptée  !  Quels  tro- 
phées pour  l'Esprit  de  Force  !  que  de  dévoue- 
ments au  devoir  il  sait  produire  !  Et  si 
l'homme  à  lui  seul  est  peu  de  chose,  com- 
bien il  grandit  sous  l'action  de  l'Esprit- 
Saint! 

C'est  lui  encore  qui  aide  le  chrétien  à  bra- 
ver la  triste  tentation  du  respect  humain, 
l'élevant  au-dessus  des  considérations  mon- 
daines qui  dicteraient  une  autre  conduite. 
C'est  lui  qui  pousse  l'homme  à  préférer  au 
vain  honneur  du  monde  la  joie  de  n'avoir  pas 
violé  le  commandement  de  son  Dieu.  C'est 
cet  Esprit  de  Force  qui  fait  accepter  les  dis- 
grâces de  la  fortune  comme  autant  de  des- 
seins miséricordieux  du  ciel,  qui  soutient  le 
courage  du  chrétien  dans  la  perte  si  doulou- 
reused'êtres  chéris,  dans  les  souffrances  phy- 
siques qui  lui  rendraient  la  vie  à  charge,  s'il 
ne  savait  qu'elles  sont  des  visites  du  Sei- 
gneur. C'est  lui  enfin,  comme  nous  le  lisons 
dans  la  vie  des  saints,  qui  se  sert  des  ré- 
pugnances même  de  la  nature,  pour  pro- 
voquer ces  actes  héroïques  où  la  créature 
humaine  semble  avoir  franchi  les  limites  de 
son  être  pour  s'élever  au  rang  des  esprits  im- 
passibles et  glorifiés. 

Esprit  de  Force,  soyez  toujours  plus  en 
nous,  et  sauvez-nous  de  la  mollesse  de  ce 
siècle.  A  aucune  époque  l'énergie  des  âmes 
n'a  été  plus  affaiblie,  l'esprit  mondain  plus 
triomphant,  le  sensualisme  plus  insolent,  l'or- 
gueil et  l'indépendance  plus  prononcés.  Sa- 
voir être  fort  contre  soi-même,  est  une  rareté 
qui  excite  l'étonnement  dans  ceux  qui  en 
sont  témoins:  tant  les  maximes  de  l'Evangile 


4^2  Le  Temps  Pascal. 

ont  perdu  de  terrain  !  Retenez-nous  sur  cette 
pente  qui  nous  entraînerait  comme  tant 
d'autres,  ô  divin  Esprit!  Souffrez  que  nous 
vous  adressions  en  forme  de  demande  les 
vœux  que  formait  Paul  pour  les  chrétiens 
d'Ephèse,  et  que  nous  osions  réclamer  de 
votre  largesse  «  cette  armure  divine  qui 
«  nous  mettra  en  état  de  résister  au  jour 
«  mauvais  et  de  demeurer  parfaits  en  toutes 
«  choses.  Ceignez  nos  reins  de  la  vérité, 
<«  couvrez-nous  de  la  cuirasse  de  la  justice, 
«  donnez  à  nos  pieds  l'Evangile  de  paix  pour 
u  chaussure  indestructible  ;  munissez-nous 
«  du  bouclier  de  la  foi,  contre  lequel  vien- 
«  nent  s'éteindre  lestraits  enflammés  de  notre 
«  cruel  ennemi.  Placez  sur  notre  tète  le  cas- 
«  que  qui  est  l'espérance  du  salut,  et  dans 
«  notre  main  le  glaive  spirituel  qui  est  la 
«  parole  même  de  Dieu  i,  »  et  à  l'aide  duquel, 
comme  le  Seigneur  dans  le  désert,  nous  pou- 
vons venir  à  bout  de  tous  nos  adversaires. 
Esprit  de  Force,  faites  qu'il  en  soit  ainsi. 


LE  JEUDI   DE   LA   PENTECOTE. 


^ENEZ,  Esprit-Saint,  rem- 
plissez les  cœurs  de  vos 
fidèles,  et  allumez  en  eux  le 
feu  de  voire  amour. 


Y  ENi,  Sancte  Spiritus, 
reple   tuorum   corda 
fidelium,  et  tui  amoris  in 
eis  ignem  accende. 


E  divin  Esprit  qui  tient  unis  dans 
un  même  tout  les  membres  de  la 
sainte  Eglise,  parce  qu'il  est  lui- 
'.:-^c~^.^  même  unique,  n'a  pas  seulement 
ete  envoyé  pour  assurer  l'unité  -inviolable  à 
l'Epouse  du  Christ.  Cette  Epouse  d'un  Dieu 
qui  s'est  appelé  lui-même  la  Vérité  ',  a  besoin 
d'être  dans  la  vérité,  et  ne  peut  être  acces- 
sible a  l'erreur.  Jésus  lui  a  confié  sa  doc- 
trine, il  l'a  instruite  en  la  personne  des  Apô- 
tres. «  Tout  ce  que  j'ai  entendu  de  mon  Père, 
«  dit-il,  )e  vous  l'ai  manifesté  2.  „  Mais  com- 
ment cette  Eglise,  si  elle  est  laissée  à  l'hu- 
maine faiblesse,  pourra-t-elle  conserver  sans 
mélange  et  sans  altération,  durant  la  traver- 
sée des  siècles,  cette  parole  que  Jésus  n'a  pas 
écrite,  cette  vérité  qu'il  est  venu  de  si  haut 
apporter  à  la  terre  ?  L'expérience  prouve  que 
tout  s  altère  ici-bas,  que  les  textes  écrits  sont 
sujets  a  de  fausses  interprétations,  et  que 
les  traditions  non  écrites  deviennent  mécon- 
naissables parle  cours  des  années. 
C'est   ici  encore    que  nous  devons  recon- 

I.  JOHAN.   XIV,   6.  —   2.1bid.  XV,  i5. 


LE   TEMPS    PASCAL.    —    T.    III. 


28 


434  L.e  Temps  Pascal. 

naître  la  divine  prévoyance  de  notre  Emma- 
nuel montant  au  ciel.  De  même  que  pour 
accomplir  le  désir  qu'il  a  «  que  nous  soyons 
«  un.  comme  il  est  un  a\  ce  son  Père  »,'  il  a 
député  vers  nous  son  unique  Esprit  ;  ainsi, 
pour  nous  maintenir  dans  la  vérité,  il  nous 
a  envoyé  ce  même  Esprit  qu'il  appelle  l'Es- 
prit de  vérité.  «  Quand  il  sera  venu,  dit-il, 
«  cet  Esprit  de  vérité,  il  \  ous  enseignera  toute 
«  vérité  '.  »  Et  quelle  est  la  vérité  qu'ensei- 
gnera cet  Esprit?  «  Il  enseignera  toutes  cho- 
«  ses,  et  il  vous  suggérera  tout  ce  que  je  vous 
«  aurai  dit  -.  » 

Rien  donc  ne  se  perdra  de  ce  que  le  Verbe 
divin  a  dit  aux  hommes.  La  beauté  de  son 
Epouse  aura  pour  fondement  la  vérité;  car 
la  beauté  est  lasplendeur  du  vrai.  Sa  fidélité  à 
l'Epoux  sera  parfaite;  car  s'il  est  la  Vérité,  la 
Vérité  est  assurée  en  elle  pour  jamais.  Jésus  le 
déclare  ainsi:  «  Le  nouveau  Consolateur  que 
«  le  Père  vous  enverra  demeurera  avec  vous 
«  pour  toujours,  et  il  sera  en  vous  s,  »  C'est 
donc  par  l'Ésprit-Saint  que  l'Eglise  possédera 
en  propre  la  vérité,  et  cette  possession  ne  lui 
sera  jamais  enlevée;  car  cet  Esprit  envoyé 
par  le  Père  et  par  le  Fils  s'attachera  à  l'É- 
glise et  ne  la  quittera  plus. 

C'est  ici  le  moment  de  se  rappeler  la  magni- 
fique théorie  de  saint  Augustin.  Selon  sa 
doctrine  qui  n'est  que  l'explication  des  pas- 
sages du  saint  Evangile  que  nous  venons  de 
lire,  l'Esprit-Saint  est  le  principe  de  la  vie 
dans  l'Eglise;   étant  donc  l'Esprit  de   vérité, 

I.  JoHAN,  xvî,  i3.  —  2.  Ibid.  XIV,  26.  —  3.  Ibid.  xiv, 
16,  17. 


Le  Jeudi  de  la  Pentecôte.  435 

il  conserve  la  vérité  en  elle,  il  la  dirige  dans 
la  vérité,  en  sorte  qu'  elle  ne  peut  exprimer 
que  la  vérité  dans  son  enseignement  et  dans 
sa  conduite.  Il  assume  la  responsabilité  de 
SCS  paroles,  comme  notre  esprit  répond  de 
ce  que  profère  notre  langue  ;  et  c'est  pour 
cela  que  la  sainte  Eglise  est  tellement  iden- 
tifiée avec  la  vérité  par  son  union  avec  l'Es- 
prit divin,  que  l'Apôtre  ne  fait  pas  difficulté 
de  nous  dire  qu'elle  en  est  «  la  colonne  et  l'ap- 
pui ^  '>  Que  l'on  ne  s'étonne  donc  pas  si  le  chré- 
tien se  repose  sur  l'Eglise  dans  sa  croyance.  Ne 
sait-il  pas  que  cette  Eglise  n'est  jamais  seule, 
qu'elle  est  toujours  avec  l'Esprit  divin  qui 
vit  en  elle,  que  sa  parole  n'est  pas  sa  parole 
à  elle,  mais  la  parole  de  l'Esprit  qui  n'est 
autre  que  la  parole  de  Jésus  ? 

Or,  cette  parole  de  Jésus,  l'Esprit  la  con- 
serve pour  l'Eglise  dans  un  double  dépôt.  Il 
veille  sur  elle  dans  les  saints  Evangiles  qu'il 
a  inspirés  à  leurs  auteurs.  Par  ses  soins,  ces 
livres  sacrés  sont  défendus  contre  toute  alté 
ration,  et  ils  traversent  les  siècles  sans  que 
la  main  de  l'homme  leur  ait  fait  subir  de 
changement.  Il  en  est  de  même  des  autres 
livres  du  Nouveau  Testament  composés  sous 
le  souffle  du  même  Esprit.  Ceux  dont  se  com- 
pose l'Ancien  Testament  sont  également  le 
produit  de  l'inspiration  du  divin  Esprit.  S'ils 
ne  rapportent  pas  les  discours  de  Jésus  du- 
rant sa  vie  mortelle,  ils  parlent  de  lui,  ils 
l'annoncent,  en  même  temps  qu'ils  contien- 
nent la  première  initiation  aux  choses  divi- 
nes. Cet  ensemble  des  livres  sacrés  est  rem- 


4^à  Le  Temps  Pascal. 

pli  des  mystères  dont  l'Esprit  a  la  clef  pour 
la  communiquer  à  l'Eglise. 

L'autre  source  de  la  parole  de  Jésus  est  la 
Tradition.  Tout  ne  devait  pas  être  écrit,  et 
l'Eglise  existaitdéjàque  les  Evangiles  n'étaient 
pas  encore  rédigés.  Cette  Tradition,  élément 
divin  comme  l'Écriture  elle-même,  comment 
aurait-elle  survécu  sans  altération,  si  l'Esprit 
de  Vérité  ne  veillait  à  sa  garde  ?  11  la  main- 
tient donc  dans  la  mémoire  de  l'Eglise,  il  la 
préserve  de  tout  changement  :  c'est  sa  mis- 
sion, et  par  la  fidélité  qu'il  met  à  remplir 
cette  mission,  l'Epouse  demeure  en  posses- 
sion de  tous  les  secrets  de  l'Epoux. 

Mais  il  ne  suffit  pas  que  l'Eglise  possède 
la  vérité  écrite  et  traditionnelle,  comme  un 
dépôt  scellé.  Il  faut  encore  qu'elle  en  ait  le 
discernement,  afin  de  pouvoir  l'interpréter  à 
ceux  auxquels  elle  doit  rendre  les  enseigne- 
ments de  Jésus.  La  vérité  n'est  pas  descendue 
du  ciel  pour  n'être  pas  communiquée  aux 
hommes;  car  elle  est  leur  lumière,  et  sans 
elle  ils  languiraient  dans  les  ténèbres,  sans 
savoir  d'où  ils  viennent  et  où  ils  vont  '. 
L'Esprit  de  \'érité  ne  se  bornera  donc  pas  à 
conserver  la  parole  de  Jésus  dans  l'Eglise 
comme  un  trésor  caché,  il  en  dirigera  l'épan- 
chement  sur  les  hommes,  afin  qu'ils  y  puisent 
la  vie  de  leurs  âmes.  L'Eglise  sera  donc 
infaillible  dans  son  enseignement  ;  car  elle 
ne  pourrait  se  tromper  ni  tromper  les 
hommes,  puisque  l'Esprit  de  Vérité  la  conduit 
en  tout  et  parle  par  son  organe.  II   est   son 


Le  Jeudi  de  la  Pentecôte.  43  j 

âme,  et  nous  avons  reconnu,  avec  saint 
Augustin,  que  lorsque  la  langue  s'exprime, 
c'est  l'âme  que  l'on  entend. 

La  voilà,  cette  infaillibilité  de  notre  mère 
la  sainte  Eglise,  résultat  direct  et  immédiat 
de  l'incorporation  de  l'Esprit  de  Vérité  en 
elle!  c'est  la  promesse  du  Fils  de  Dieu,  c'est 
l'effet  nécessaire  de  la  présence  du  Saint- 
Esprit.  Quiconque  ne  reconnaît  pas  l'Eglise 
pour  infaillible  doit,  s'il  est  conséquent  avec 
lui-même,  admettre  que  le  Fils  de  Dieu  a 
été  impuissant  à  remplir  sa  prom.esse,  et  que 
l'Esprit  de  Vérité  n'est  qu'un  Esprit  d'erreur. 
Mais  celui  qui  raisonne  ainsi  a  perdu  le 
sentier  de  la  vie  ;  il  a  cru  nier  seulement 
l'Eglise,  et  sans  s'en  apercevoir,  c'est  Dieu 
même  qu'il  a  renié.  Tel  est  le  crime  et  le 
malheur  de  l'hérésie.  Le  défaut  de  rétlexion 
sérieuse  peut  voiler  cette  terrible  consé- 
quence :  elle  n'en  est  pas  moins  rigoureuse- 
ment déduite.  L'hérétique  a  rompu  avec  le 
Saint-Esprit,  en  rompant  de  pensée  avec 
l'Eglise  :  il  pourrait  revivre  en  retournant 
humblement  vers  l'Epouse  du  Christ,  mais 
présentement  il  est  dans  la  mort;  car  l'âme 
ne  l'anime  plus.  Ecoutons  encore  le  grand 
Docteur  :  «  Il  arrive  parfois,  dit-il,  qu'un 
«  membre  du  corps  humain  soit  coupé,  une 
«  main,  un  doigt,  un  pied  :  l'âme  suit-elle  le 
«  membre  ainsi  séparé  du  corps  ?  non  ;  ce 
«  membre,  quand  il  était  uni  au  corps, 
««  jouissait  de  la  vie;  isolé  maintenant,  c'est 
«  la  vie  même  qu'il  a  perdue.  De  même  le 
«  chrétien  demeure  catholique  tant  qu'il  est 
«  adhérent  au  corps  de  l'Eglise;  en  est-il 
«  séparé,    le    voilà    hérétique;    l'Esprit    ne 


438  Le  Temps  Pascal. 

«  suit  pas  le  membre  qui  s'est  détaché  ^  ». 
Honneur  soit  donc  à  l'Esprit  divin  pour  la 
splendeur  de  vérité  qu'il  communique  à 
itpouse  !  mais  pourrions-nous,  sans  le  plus 
affreux  péril,  imposer  des  bornes  à  notre 
docilité,  aux  enseignements  qui  nous  vien- 
nent à  la  fois  de  l'Esprit  et  de  l'Epouse  que 
nous  savons  unis  d'une  manière  si  indisso- 
luble-? Soit  donc  que  l'Eglise  nous  intime 
ce  que  nous  devons  croire  en  nous  montrant 
sa  pratique,  ou  par  la  simple  énonciation 
de  ses  sentiments,  soit  quelle  déclare  solen- 
nellement la  définition  attendue,  nous  de- 
vons regarder  et  écouter  avec  soumission  de 
cœur:  car  la  pratique  de  l'Eglise  est  mainte- 
nue dans  la  vérité  par  l'Esprit  qui  la  vivifie; 
renonciation  de  ses  sentiments  à  toute  heure 
est  l'aspiration  continue  de  cet  Esprit  qui 
vit  en  elle  ;  et  quant  aux  sentences  qu'elle 
rend,  ce  n'est  pas  elle  seule  qui  prononce, 
c'est  l'Esprit  qui  prononce  en  elle  et  par 
elle.  Si  c'est  son  Chef  visible  qui  déclare  la 
doctrine,  nous  savons  que  Jésus  a  daigné 
prier  pour  que  la  foi  de  Pierre  ne  défaille 
pas,  qu'il  l'a  obtenu  de  son  Père,  et  qii'il  a 
confié  à  l'Esprit  la  charge  de  maintenir  Pierre 
en  possession  d'un  don  si  précieux  pour  nous. 
Si  le  Pontife  suprême,  à  la  tête  du  collège 
épiscopal  réuni  conciliairement.  déclare  la 
foi  dans  l'accord  parfait  du  Chef  et  des 
membres,  c'est  l'Esprit  qui  dans  ce  jugement 
collectif  prononce  avec  une  majesté  sou- 
veraine pour  la  gloire  de  la  vérité  et  la  confu- 


Le  Jeudi  de  la  Pentecôte.  43g 

sion  de  l'erreur.  C'est  l'Esprit  qui  a  abattu 
toutes  les  hérésies  sous  les  pieds  de  l'Epouse 
victorieuse  ;  c'est  l'Esprit  qui  a  suscité  dans 
son  sein,  à  tous  les  siècles,  les  docteurs  qui 
ont  terrassé  l'erreur  aussitôt  qu'elle  s'est 
montrée. 

Elle  a  donc  en  partage  le  don  de  l'infailli- 
bilité, notre  Eglise  bien-aimée;  elle  est  donc 
vraie  en  tout  et  toujours,  l'Epouse  de  Jésus  ; 
et  elle  doit  cet  heureux  sort  a  celui  qui  pro- 
cède éternellement  du  Père  et  du  Fils.  Mais 
il  est  encore  une  gloire  dont  elle  lui  est 
redevable.  L'Epouse  du  Dieu  saint  doit  être 
sainte.  Elle  l'est  ;  et  c'est  de  l'Esprit  de  sain- 
teté qu'elle  reçoit  la  sainteté.  La  vérité  et  la 
sainteté  sont  unies  en  Dieu  d'une  manière  in- 
dissoluble ;  etc'estpour  celaque  Jésus  voulant 
«  que  nous  soyons  parfaits  comme  notre  Père 
«  céleste  est  parfait  ^  )),'et  que  tout  en  restant 
de  simples  créatures  nous  cherchions  notre 
type  dans  le  souverain  bien,  demande  «  que 
il  nous  soyons  sanctifiés  dans  la  Vérité  2.  » 

Jésus  a  donc  remis  son  Epouse  à  la  direc- 
tion de  l'Esprit,  afin  qu'il  la  rendît  sainte. 
Or,  la  sainteté  est  tellement  inhérente  à  cet 
Esprit  divin  qu'elle  sert  à  le  désigner  com- 
me sa  qualité  fondamentale.  Jésus  lui-même 
l'appelle  le  Saint-Esprit,  en  sorte  que  c'est 
'lUr  le  témoignage  du  Fils  de  Dieu  que  nous 
iui  donnons"  ce  beau  nom.  Le  Père  est  la 
Puissance,  le  Fils  est  la  Vérité,  l'Esprit  est 
la  Sainteté;  et  c'est  pour  cela  que  l'Esprit 
remplit  ici-bas  le  ministère  de  sanctificateur, 
bien  que  le  Père  et  le  Fils  soient  saints,  de 

I.    MaTTH,  y,  48.  —    2.  JOHAN.    XVII,    IQ. 


440  Le  Temps  Pascal. 


même  que  la  vérité  est  dans  le  Père  et  dans 
Ibspnt,  et  que  l'Esprit  ainsi  que  le  Fils 
aient  aussi  la  puissance.  Les  trois  divines 
personnes  ont  leurs  propriétés  spéciales,  mais 
elles  sont  unies  dans  une  seule  et  même 
essence.  Or,  la  propriété  spéciale  du  Saint- 
tsprit  est  d'être  l'amour,  et  l'amour  produit 
la  samtete;  car  il  unit  et  identifie  le  souve- 
rain bien  avec  celui  qui  en  a  l'amour,  et  cette 
union  ou  identification  est  la  sainteté  qui  est 
a  splendeur  du  Bien,  comme  la  beauté  est 
la  splendeur  du  Vrai. 

Pour  être  digne  de  l'Emmanuel  son  Epoux, 
1  Eglise  devait  donc  être  sainte.  Il  lui  avait 
donne  la  venté  que  l'Esprit  a  maintenue  en 
elle;  1  Esprit  a  son  tour  lui  donnera  la  sain- 
teté, et  le  Père  céleste  la  voyant  vraie  et 
sainte,  l'adoptera  pour  sa  fille:  telle  est  sa 
destinée  glorieuse.  Vovons  maintent  les  traits 
de  cette  sainteté.  Le  premier  est  la  fidélité  à 
1  Epoux.  Or,  l'histoire  de  l'Eglise  tout  entière 
dépose  de  cette  fidélité.  Tous  les  pièges  lui 
ont  ete  tendus,  toutes  les  violences  ont  été 
dirigées  contre  elle,  pour  la  séduire  et  pour 
la  détacher  de  l'Epoux.  Elle  a  tout  déjoué, 
tout  brave;  elle  a  sacrifié  son  sang,  son  repos, 
et  jusqu'au  territoire  où  elle  régnait,  plutôt 
que  de  laisser  altérer  entre  ses  mains  le  dé- 
pot  que  l'Epoux  lui  avait  confié.  Comptez,  si 
vous  pouvez,  les  martyrs  depuis  les  Apôtres 
jusqu'aujourd'hui.  Rappelez-vous  les  offres 
des  princes,  si  elle  voulait  se  taire  sur  la 
vente  divine,  les  menaces  et  les  traitements 
cruels  qu'elle  a  encourus  plutôt  que  de  lais- 
ser mutiler  son  symbole.  Pourrait-on  oublier 
les    luttes  formidables   qu'elle   a   soutenues 


Le  Jeudi  de  la  Pentecôte.  441 

contre  les  empereurs  d'Allemagne  pour  sau- 
vegarder sa  liberté  dont  son  Epoux  est  si 
jaloux;  le  noble  détachement  qu'elle  a  mon- 
tré, aimant  mieux  voir  l'Angleterre  rompre 
avec  elle  que  de  sanctionner  par  une  dis- 
pense illicite  l'adultère  d'un  roi;  la  géné- 
rosité qu'elle  a  fait  paraître  dans  la  personne 
de  Pie  IX,  en  bravant  les  dédains  de  la  poli- 
tique mondaine  et  les  lâches  étonnements 
des  faux  catholiques,  plutôt  que  de  laisser 
un  enfant  juif  à  qui  le  baptême  avait  été 
conféré  en  danger  de  mort,  exposé  à  renier 
l'ineffaçable  caractère  de  chrétien,  et  à  blas- 
phémer le  Christ  dont  il  était  devenu  l'heu- 
reux membre  ? 

L'Eglise  agit  et  agira  ainsi  jusqu'à  la  fin, 
parce  qu'elle  est  sainte  dans  sa  fidélité;  et 
l'Esprit  nourrit  toujours  en  elle  un  amour 
qui  ne  calcule  jamais  en  présence  du  devoir. 
Elle  peut  ouvrir  le  code  de  ses  lois  en  pré- 
sence de  ses  ennemis  comme  de  ses  enfants 
fidèles,  et  leur  demander  s'ils  pourraient  en 
signaler  une  seule  qui  n'ait  pas  pour  objet 
de  procurer  la  gloire  de  son  Epoux  et  le  bien 
des  hommes  par  la  pratique  de  la  vertu. 
Aussi,  voyons-nous  sortir  de  son  sein  des 
millions  d'êtres  vertueux  qui  s'en  vont  à 
Dieu  après  cette  vie.  Ce  sont  les  saints  que 
l'Eglise  sainte  produit  par  l'influence  de 
l'Esprit-Saint.  Dans  toutes  ces  myriades 
d'élus,  il  n'en  est  pas  un  que  l'Eglise  ne  re- 
vendique comme  le  fruit  de  son  sein  mater- 
nel. Ceux-là  même  ou'une  permission  divine 
a  laissé  naître  dans  des  sociétés  séparées,  s'ils 
ont  vécu  dans  la  disposition  d'embrasser  la 
vraie  Eglise  quand  elle  leur  serait  manifestée. 


442  Le  Temps  Pascal. 

et  s'ils  ont  praticqué  toutes  les  vertus  dans 
une  entière  fidélité  à  la  grâce  qui  est  le  fruit  de 
l'universelle  rédemption  :  cette  Eglise  sainte 
les  réclame  pour  ses  fils. 

Chez  elle  fleurissent  tous  les  dévouements, 
tous  les  hcroismes.  Des  vertus  inconnues  au 
monde  avant  qu'elle  fût  fondée,  sont  journa- 
lières dans  son  sein.  En  elle  il  est  des  sain- 
tetés éclatantesqu'ellc  couronne  deshonneurs 
de  la  canonisation  :  il  est  des  vertus  humbles 
et  cachées  qui  ne  rayonneront  qu'au  jour 
de  l'éternité.  Les  préceptes  de  Jésus  sont 
observés  par  ses  disciples,  et  il  règne  en  eux 
comme  un  maître  chéri.  Mais  ce  maître  a 
donné  aussi  des  conseils  qui  ne  sont  pas  à  la 
portée  de  tous,  et  c'est  la  source  d'un  nouvel 
épanouissement  de  la  sainteté  intarissable 
de  l'Epouse.  Non  seulement  il  est  des  âmes 
généreuses  qui  s'attachent  avec  amour  à  ces 
divins  conseils  ;  mais  le  sein  de  l'Eglise  fé- 
condé par  le  divin  Esprit  ne  cesse  de  produire 
et  d'alimenter  d'immenses  familles  religieu- 
ses, dont  l'élément  est  la  perfection,  dont  la 
loi  suprême  est  la  pratique  des  conseils  unie 
par  le  vœu  à  celle  des  préceptes. 

Nous  ne  nous  étonnerons  plus  après  cela 
que  l'Epouse  resplendisse  de  ce  don  des  mi- 
racles qui  atteste  visiblement  la  sainteté. 
Jésus  lui  a  promis  que  son  front  serait  tou- 
jours entouré  de  cette  surnaturelle  auréole  ^  ; 
or,  l'Apôtre  nous  enseigne  que  les  prodiges 
opérés  dans  l'Eglise  sont  l'œuvre  directe  du 
Saint-Esprit  -. 

Que  si  quelqu'un  fait  la  remarque  que  tous 

I.   JOHAN,  XIV,    12.  —  2.   1  Cor.  xn,    I  I. 


Le  Jeudi  de  la  Pentecôte.  448 

les  membres  de  l'Eglise  ne  sont  pas  saints, 
nous  lui  répondrons  qu'il  suffit  que  cette 
Epouse  du  Christ  offre  à  tous  le  moyen  de 
le  devenir;  mais  que  la  liberté  étant  donnée 
pour  être  l'instrument  du  mérite,  il  serait 
contradictoire  que  ceux  qui  possèdent  la 
liberté  fussent  en  même  temps  nécessites  au 
bien.  Nous  ajouterons  qu'un  nombre  im- 
mense de  ceux  qui  sont  dans  le  péché,  res- 
tant membres  de  l'Eglise  par  la  foi  et  la  sou- 
mission respectueuse  aux  pasteurs  légitimes 
et  principalement  au  Pontife  romain,  rentre- 
ront tôt  ou  tard  en  grâce  avec  Dieu  et  ter- 
mineront leur  vie  dans  la  sainteté.  La  misé- 
ricorde de  l'Esprit-Saint  opère  cette  mer- 
veille par  le  moyen  de  l'Eglise  qui,  à  l'exem- 
ple de  son  Epoux,  «  n'éteint  pas  la  mèche  qui 
«  fume  encore,  et  n'achève  pas  de  rompre  le 
«  roseau  déjà  éclaté  1.  » 

Celle  qui  a  reçu,  pour  le  communiquer  à 
ses  membres,  le  divin  septénaire  des  Sacre- 
ments dont  nous  avons  exposé  la  richesse 
dans  le  cours  d'une  des  semaines  précédentes, 
comment  ne  serait-elle  pas  sainte  ?  Est-il 
rien  de  plus  saint  que  cet  auguste  ensemble 
de  rites  qui  donnent  les  uns  la  vie  aux  pé- 
cheurs, les  autres  l'accroissement  de  la  grâce 
aux  justes?  Ces  Sacrements  établis  par  Jésus 
lui-même  et  qui  sont  l'héritage  de  la  sainte 
Eglise,  ont  tous  leur  relation  avec  l'Esprit- 
Saint.  Dans  le  Baptême,  la  Confirmation  et 
l'Ordre,  c'est  lui-même  qui  agit  directement; 
dans  le  Sacrifice  eucharistique,  c'est  par  son 
action  que  l'Homme-Dieu  vit  et  est  immolé 

I.  ISAI.  XLII,    3. 


444 


Le  Temps  Pascal. 


sur  notre  autel  ;  il  fait  renaître  la  grâce  bap- 
tismale dans  la  Pénitence  ;  il  est  l'Esprit  de 
Force  qui  conforte  le  mourant  dans  l'Onc- 
tion suprême,  le  lien  sacré  qui  unit  indisso- 
lublement les  époux  dans  le  Mariage.  En 
montant  aux  cieux,  notre  Emmanuï  nous 
laissait  comme  gage  de  son  amour  ce  septé- 
naire sacrament'eT;  mais  le- trésor  demeura 
scellé  jusqu'à  ce  que  l'Esprit  divin  fût  des- 
cendu. Il  devait  lui-même  mettre  l'Epouse 
en  possession  d'un  dépôt  si  précieux,  l'ayant 
préparée,  en  la  sanctifiant,  à  le  recevoir 
dans  ses  royales  mains  et  à  l'administrer 
fidèlement  à  ses  heureux  membres, 

L'Eglise  enfin  est  sainte  au  moyen  de  la 
prière  qui  en  elle  est  incessante.  Celui  qui 
est  a.  l'Esprit  de  grâce  et  de  prières  i  »  pro- 
duit continuellement  dans  les  fidèles  de 
l'Eglise,  les  actes  divers  qui  forment  le  su- 
blime concert  de  la  prière  :  adoration,  action 
de  grâces,  demande,  élans  du  repentir,  effu- 
sions de  Tamour.  Il  y  joint  chez  plusieurs 
les  dons  de  la  contemplation,  par  lesquels  la 
créature  est  tantôt  ravie  jusqu'en  Dieu,  tan- 
tôt voit  descendre  Dieu  jusqu'à  elle  avec  des 
faveurs  qui  tiennent  de  la  vie  à  venir  plus 
que  de  celle-ci.  Qui  pourrait  compter  les 
respirations  de  la  sainte  Eglise,  je  veux  dire 
ses  épanchements  vers  l'Epoux,  dans  les 
millions  de  prières  qui  montent  à  chaque 
minute  de  la  terre  au  ciel,  et  semblent  les  unir 
l'un  à  l'autre  dans  le  plus  étroit  embrasse- 
ment  ?  Comment  ne  serait-elle  pas  sainte, 
celle  qui  a  ainsi,  selon  la  forte  expression  de 


I.  ZaCH.    XII,    10. 


Le  Jeudi  de  la  Pentecôte.  445 

l'Apôtre ,  c(  sa  conversation  dans  le  ciel  1  ?  » 
Mais  si  la  prière  des  membres  est  si  mer- 
veilleuse dans  sa  multiplication  et  son  ar- 
deur, combien  plus  encore  est  imposante  et 
plus  belle  la  prière  générale  de  rÈglise  elle- 
même  dans  la  sainte  Liturgie,  où  l'Esprit- 
Saint  agit  avec  plénitude,  inspirant  l'Epouse, 
et  lui  suggérant  ces  touchants  et  nobles  ac- 
cents que  nous  avons  cherché  à  traduire  dans 
la  succession  de  cet  ouvrage!  Que  ceux  qui 
nous  ont  suivi  jusqu'ici  disent  si  la  prière 
liturgique  n'est  pas  la  première  de  toutes, 
si  elle  n'est  pas  désormais  la  lumière  et  la  vie 
de  leur  prière  personnelle.  Qu'ils  applaudis- 
sent donc  à  la  sainteté  de  l'Epouse  qui  leur 
donne  de  sa  plénitude,  et  qu'ils  glorifient 
«  l'Esprit  de  grâce  et  de  prière  »  de  ce  qu'il 
daigne  faire  pour  elle  et  pour  eux. 

Ô  Eglise,  vous  êtes  «  sanctifiée  dans  la 
vérité  »  ;  et  par  vous  nous  sommes  initiés 
à  toute  la  doctrine  de  Jésus  votre  Epoux; 
par  vous  nous  sommes  établis  dans  la  voie 
de  cette  sainteté  qui  est  votre  élément.  Que 
pouvons-nous  désirer,  ayant  ainsi  le  ^'rai  et  le 
Bien  ?  Hors  de  vous  c'est  en  vain  que  nous 
les  chercherions,  et  notre  bonheur  consiste 
en  ce  que  nous  n'avons  rien  à  chercher  ;  car 
votre  cœur  de  mère  ne  désire  que  de  répan- 
dre sur  nous  tout  ce  qu'il  a  reçu  de  dons  et 
de  lumières.  Soyez  bénie  en  cette  solennité 
de  la  Pentecôte  où  vous  avez  tant  reçu  pour 
nous!  Nous  sommes  éblouis  de  l'éclat  des 
prérogatives  que  la  munificence  de  votre 
Epoux    vous    a   préparées,   et  dont   l'Esprit- 

I.  Philip.  Hl,  20. 


446 


Le  Temps  Pascal. 


Saint  vous  comble  de  sa  part  ;  et  mainte- 
nant que  nous  vous  connaissons  mieux  en- 
core, nous  promettons  de  vous  être  plus 
fidèles  que  jamais. 

La  Station  du  Jeudi  de  la  Pentecôte  est 
dans  la  basilique  de  Saint-Laurent-hors-lcs- 
Murs.  Ce  vénérable  sanctuaire  où  repose 
la  dépouille  du  vaillant  Archidiacre  de  l'E- 
glise romaine,  est  un  des  plus  nobles  tro- 
phées de  la  victoire  de  TEsprit  divin  sur  le 
Prince  du  monde,  et  rassemblée  annuelle  des 
fidèles  dans  un  tel  lieu  depuis  tant  de  siècles 
atteste  combien  fut  complète  la  victoire  qui 
donna  au  Christ  Rome  et  sa  puissance. 


L'Eglise  arménienne  se  retrouve  aujour- 
d'hui pour  nous  fournir  la  matière  des 
louanges  que  nous  offrirons  à  l'Esprit-Saint, 
dans  ces  belles  strophes  qui  respirent  un  si 
odorant  parfum  d'antiquité. 


CANON    QUINT.E    DIEI. 


HODIE  exsultant  chori 
Apostolorum  adven- 
tu  Spiritus  Dei,  c\nos 
consolatus  est  loco  \' er- 
bi  incarnati,  degens  apud 
illos  :  gloriam  offeramus 
illi  agiologa  voce. 

Hodie  exiit  aqua  viva 
in  Jérusalem,  unde  re- 
pleta  sunt  fluraina  Dei, 
et  currentes  inebriarunt 
terrarum  orbem  quadri- 
fluvio  fonte   Eden  :   glo- 


»  UJOURd'hui  le  chœur  des 
/\  Apôtres  tressaille  de 
bonheur  à  l'arrivée  de  l'Es- 
prit de  Dieu  qui  vient  les 
consoler  en  place  du  Verbe 
incarné,  et  habiter  avec  eux; 
rendons-lui  gloire,  et  que  nos 
voix  célèbrent  sa  sainteté. 

Aujourd'hui  une  eau  vive  a 
jailli  dans  Jérusalem  ;  les 
fleuves  de  Dieu  en  ont  été 
remplis,  et  dans  leur  cours 
ils  ont  enivré  la  terre,  comme 
les  quatre  sources  qui  arro- 


Le  Jeudi  de  la  Pentecôte. 


447 


Eden  ;     rendons-lui 
2t   que  nos  voix  célè- 


riam  offeramus  illi  agio- 
loga  voce. 

Hodie  rore  intelligi- 
bili  de  nubibus  Spiritus 
lœtata  sunt  germina  Ec- 
clesiœ,  pinguefacti  sunt 
agri  justitia.  speciosa  ef- 
fecta  est  déserta  purn 
virginitate  :  gloriam  offe- 
ramus illi  agiologa  voce. 


saient 
gloire, 
brent  sa  sainteté. 

Aujourd'hui  la  rosée  spiri- 
tuelle est  descendue  des  nuées, 
les  jeunes  plants  de  l'Eglise 
en  ont  été  réjouis,  ses  sillons 
ont  été  fertilisés  par  la  jus- 
tice, ses  déserts  sont  deve- 
nus gracieux  par  l'éclat  de  la 
virginité  ;  rendons-lui  gloire, 
et  que  nos  voix  célèbrent  sa 
sainteté. 

Nous  ajoutons  cette  belle  Séquence  que 
l'Allemagne  a  produite,  et  dans  laquelle  son 
illustre  prophétesse,  la  grande  et  sainte  ab- 
besse  Hildegarde,  exprime  son  amour  pour 
l'Esprit  divin  dont  elle  fut  constamment 
l'organe  inspiré. 


SEQUENCE 

Vous  êtes  un  feu,  ô  Esprit 
Paraclet,  la  source  de  vie 
pour  toute  créature  ! 


Saint  étes-vous,  lorsque 
vous  vivifiez  les  êtres. 

Saint  étes-vous,  lorsque  par 
votre  onction  vous  êtes  un 
baume  pour  nos  mortelles 
blessures. 

Saint  étes-vous  ,  lorsque 
vous  nettoyez  nos  plaies  hu- 
miliantes. 

O  souffle  de  sainteté!  O 
flamme  de  charité  !  O  saveur 


Spiritus    Pa- 


V_J    rachte, 

Vita  vitae   omnis  créatu- 
re. 

Sanctus  es,  vivificando 
Formas. 

Sanctus  es,  ungendo 
Periculose  fractos. 


Sanctus  es,  tergendo 
fœtida  vulnera. 


O  spiraculum    sancti- 
tatis. 


448 


Le  Jeudi  de  la  Pentecôte. 


O  ignis  caritatis, 
O  dulcis  oujtus 
In  pectoribus, 
Et  infusio  cordium 
In  bono  odore  virtutum  ! 

O  fons  purissimus, 
In  qiio  consideratur 
Quod  Deus  aliènes 

Colligit, 
Et  perditos  requirit  ! 

O  lorica  vitœ, 
Et  spes  compaginis 
ISIcmbrorura  omnium; 
O    cingulum   honestalis, 
Salva  beatos  ! 

Custodi  eos 
Qui  carcerati  sunt 

Ab  inimico, 
Et  solve  ligatos, 
Quos  divina  vis 
Salvare  vult. 

O  iter  fortissimum. 
Quod  penetravit  omnia. 
In  altissimis, 
Et  in  terrenis, 
Et  in  omnibus  abys- 

sis, 
Quum   omnes   com- 

ponis 
Et  colligis. 

De  te  nubes  fluunt, 

iEther  volât, 
Lapides    humorem    ha- 

bent, 
Aqua-  rivulos  educunt 
Et  terra   viriditatem  su- 

dat. 


si  douce  à  nos  cœurs!  O  par- 
fum pénétrant  qui  leur  faites 
répandre  la  bonne  odeu*-  des 
vertus  1 


O  source  pure  et  vive,  qui 
manifestez  la  bonté  de  Dieu 
recueillantceuxqui  lui  étaient 
étrangers  ,  et  recherchant 
ceux  qui  étaient  perdus  1 

O  défense  de  notre  vie,  es- 
pérance de  notre  conserva- 
tion, ceinture  protectrice  de 
la  vertu,  sauvez  ceux  dont 
vous  êtes  le  bonheur  ! 

Préservez  des  coups  de 
l'ennemi  ceux  qui  sont  encore 
dans  ses  liens;  brisez  leurs 
chaînes,  ô  force  divine,  vous 
qui  voulez  les  sauver  1 


O  sentier  puissant,  tracé  de 
la  terre  au  Ciel,  traversant 
tous  les  abîmes,  afin  de  re- 
cueillir et  de  rassembler  tous 
les  élus. 


Par  vous  les  nuages  par- 
courent le  ciel,  l'atmosphère 
vivifiante  s'étend  autour  de 
nous,  les  rochers  recèlent  des 
sources  d'eau  qui  arrosent  la 
terre  en  ruisseaux;  par  vous  la 
terre  se  couvre  de  sa  verdure. 


Le  Don  de  Conseil. 


449 


C'est  vous  aussi  qui  ins- 
truisez les  âmes  et  qui  les 
réjouissez,  en  leur  inspirant 
la  sagesse. 


Louange  donc  soit  à  vous 
qui  êtes  l'harmonie  de  nos 
chants,  le  charme  de  nortre 
vie,  notre  espérance  et  notre 
gloire,  celui  qui  nous  confère 
le  précieux  don  de  la  lumière. 

Amen. 


Tu  etiam  semper 
Educis  doctos, 
Per     inspirationem     sa- 
pientiae 
Lœtificatos. 

Unde  laus  tibi  sit, 
Qui  es  sonus  laudis 
Et  gaudium  vitœ, 
Spes   et    honor  fortissi- 

mus, 
Dans  praemia  lucis. 

Amen. 


LE    DON    DE    CONSEIL. 

T  ^  don  de  Force  dont  nous  avons  reconnu 
*--  la  nécessité  dans  l'œuvre  de  la  sanctifica- 
tion du  chrétien,  ne  suffirait  pas  pour  assu- 
rer ce  grand  résultat,  si  le  divin  Esprit  n'avait 
pris  soin  de  l'unir  à  un  autre  don  qui  vient 
à  la  suite  et  prévient  tout  danger.  Ce  nou- 
veau bienfait  consiste  dans  le  don  de  Conseil. 
La  Force  ne  saurait  être  laissée  à  elle  seule  : 
il  lui  faut  un  élément  qui  la  dirige.  Le  don 
de  Science  ne  pourrait  être  cet  élément, 
parce  que  s'il  éclaire  l'âme  sur  sa  fin,  et  sur 
les  règles  générales  de  la  conduite  qu'elle 
doit  tenir,  il  n'apporte  pas  une  lumière  suffi- 
sante sur  les  applications  spéciales  de  la  loi 
de  Dieu  et  sur  le  gouvernement  de  la  vie. 
Dans  les  diverses  situations  où  nous  pouvons 
être  placés,  dans  les  résolutions  que  nous 
pouvons  avoir  à  prendre,  il  est  nécessaire 
que  nous  entendions  la  voix  de  l'Esprit-Saint, 


LE   TEMPS  PASCAL.   —  T.    UI. 


J. 


^5o  Le  Jeudi  de  la  Pentecôte. 


et  c'est  par  le  don  de  Conseil  que  ce  e 
voix  divine  arrive  jusqu'à  nous.  C  est  elle 
qui  nous  dit,  si  nous  voulons  1  écouter,  ce 
que  nous  devons  faire  et  ce  que  nous  devons 
éviter  ce  que  nous  devons  dire  et  ce  que 
nous  devoni  taire,  ce  que  nous  pouvons  con- 
server et  ce  à  quoi  nous  devons  renoncer. 
Par  le  don  de  Conseil,  l'Esprit-Saint  a§it  sur 
notre  intelligence,  de  mcme  qu  il  agit  sur 
notre  volonté  par  le  don  de  Force. 

Ce  donprécieuxs'applique  ala  vie  entière  , 
car  il  nous  faut  sans  cesse  nous  déterminer 
pour  un  parti  ou  pour  l'autre,  et  ce  nous  est 
un  grand  sujet  de  reconnaissance  envers  1  es- 
prit  divin,    de    penser    qu'il    ne  nous    laisse 
lamais   à    nous-mêmes,  tant  que  nous  som- 
mes disposés  à  suivre  la  direction  qu  il  nous 
imprime.    Que  de  pièges  il    peut  nous  faire 
éviter!    que  d'illusions   il   peut   détruire  en 
nous  !  que  de  réalités  il  nous  découvre  !  Mais 
pour  ne  pas  perdre   ses  inspirations,  il  nous 
faut  nous  garder  de  l'entraînement    naturel 
qui  nous    détermine  trop   souvent  peut-etre, 
de  la  témérité  qui  nous  emporte  au  g^e  de    a 
passion,  de  la  précipitation  qui  nous  sollicite 
Se  juger  et  d'agir,  lors  même  que  nous  n  a- 
vons  ?u  encore  qu'un  côte  des  choses,  de  1  in- 
souciance enfin  qui  fait  que  nous  nous  déci- 
dons au  hasard,  dans  la  crainte  de  nous  fa   " 
guer  par  la  recherche  de  ce  qui  serait  lemeil- 

'^L^e  Saint-Esprit,  par  le  don  de.  Conseil; 
arrache  l'homme  à  tous  ces  inconvénients.  11 
réforme  la  natures!  souvent  excessive,  quand 
elle  n'est  pas  apathique.  Il  tient  l'ame  atten- 
tive à  ce  qui  est  vrai,  a  ce  qui  est  bon,  a  ce 


Le  Don  de  Conseil.  45  t 

qui  lui  est  vraiment  avantageux.  Il  lui  insi- 
nue cette  vertu  qui  est  le  complément  et 
comme  l'assaisonnement  de  toutes  les  autres, 
nous  voulons  dire  la  discrétion  dont  il  a  le 
secret,  et  par  laquelle  les  vertus  se  conser- 
vent, s'harmonisent  et  ne  dégénèrent  pas  en 
défauts.  Sous  la  direction  du  don  de  Conseil, 
le  chrétien  n'a  rien  à  craindre  ;  TEsprit-Saint 
prend  sur  lui  la  responsabilité  de  tout.  Qu'im- 
porte donc  que  le  monde  blâme  ou  critique, 
qu'il  s'étonne  ou  se  scandalise  !  le  monde  se 
croit  sage  ;  mais  il  n'a  pas  le  don  de  Conseil. 
De  là  vient  que  souvent  les  résolutions  pri- 
ses sous  son  inspiration  aboutissent  à  un  but 
tout  autre  que  celui  qu'il  s'était  proposé.  Et 
il  en  devait  être  ainsi;  car  c'est  à  lui  que  le 
Seigneur  a  dit:  «  Mes  pensées  ne  sont  pas 
«  vos  pensées,  et  mes  voies  ne  sont  pas  vos 
c(  voies  '.  » 

Appelons  donc  de  toute  l'ardeur  de  nos 
désirs  le  don  divin  qui  nous  préservera  du 
danger  de  nous  gouverner  nous-mêmes;  mais 
comprenons  que  ce  don  n'habite  que  dans 
ceux  qui  l'estiment  assez  pour  se  renoncer 
en  sai,présence.  Si  l'Esprit-Saint  nous  trouve 
détacnés  des  idées  humaines,  convaincus  de 
notre  fragilité,  il  daignera  être  notre  Con- 
seil ;  de  même  que  si  nous  étions  sages  à  nos 
propres  yeux,  il  retirerait  sa  lumière  et  nous 
laisserait  à  nous-mêmes. 

Nous  ne  voulons  pas  qu'il  en  arrive  ainsi 
pour  nous,  ô  divin  Esprit  !  Nous  savons  trop 
par  notre  expérience  qu'il  ne  nous  est  pas 
avantageux  de  courir  les  hasards  de  la  pru- 

I.   ISAI.  LV,  8. 


452  Le  Temps  Pascal. 

dence  humaine,  et  nous  abdiquons  sincère- 
ment devant  vous  les  prétentions  de  notre 
esprit  si  prompt  à  s'éblouir  et  à  se  faire  illu- 
sion. Conservez  en  nous  et  daignez  y  déve- 
lopper en  toute  liberté  ce  don  ineffable  que 
vous  nous  avez  octroyé  dans  le  Baptême  : 
soyez  pour  toujours  notre  Conseil.  «  Faites- 
«  nous  connaître  vos  voies,  et  enseignez-nous 
«  vos  sentiers.  Dirigez-nous  dans  la  vérité  et 
«  instruisez-nous;  car  c'est  de  vous  que  nous 
«  viendra  le  salut,  et  c'est  pour  cela  que  nous 
«  nous  attachons  à  votre  conduite  '.  »  Nous 
savons  que  nous  serons  jugés  sur  toutes  nos 
œuvres  et  sur  tous  nos  desseins  ;  mais  nous 
savons  aussi  que  nous  n'avons  rien  à  crain- 
dre tant  que  nous  sommes  fidèles  à  votre 
conduite.  Nous  serons  donc  attentifs  ;<  à  écou- 
«  ter  ce  que  dit  en  nous  le  Seigneur  notre 
«  Dieu  2  »,  l'Esprit  de  Conseil,  son:  qu'il  nous 
parle  directement,  soit  qu'il  nous  renvoie  à 
l'organe  qu'il  a  voulu  choisir  pour  nous.  Soit 
donc  béni  Jésus  qui  nous  a  envoyé  son  Esprit 
pour  être  notre  conducteur,  et  soit  béni  ce 
divin  Esprit  qui  daigne  nous  assister  tou- 
jours, et  que  nos  résistances  passées  n'o|it  pas 


LE  VENDREDI  DE  LA   PENTECOTE. 


VENEZ,  Esprit-Saint,  rem- 
plissez les  cœurs  de  vos 
fidèles,  et  allumez  en  eux  le 
feu  de  votre  amour. 


VENl,^Sancte  Spiritus, 
rep'le  tuorum  corda 
fidelium,  et  tui  amoris 
in  eis  ignem  accende. 


'l'SQu'ici  nous  avons  considéré  l'ac- 
tion du  Saint-Esprit  dans  l'Eglise; 
il  nous  faut  maintenant  la  suivre 
sur  un  théâtre  moins  étendu,  il 
nous  faut  l'étudier  dans  le  cœur  du  chrétien. 
Là  encore  nous  puiserons  de  nouveaux  sen- 
timents d'admiration  et  de  reconnaissance 
pour  ce  divin  Esprit  qui  daigne  se  prêter  à 
tous  nos  besoins,  et  nous  conduire  à  la  fin 
bienheureuse  pour  laquelle  nous  avons  été 
créés. 

De  même  que  l'Esprit-Saint  envoyé  «  pour 
demeurer  avec  nous  »  s'emploie  à  maintenir 
et  à  diriger  la  sainte  Eglise,  afin  qu'elle  soit 
toujours"  l'Epouse  fidèle  de  Jésus  son  Epoux 
immortel;  ainsi  s'attache-t-il  à  nous  pour 
nous  rendre  les  dignes  menrbres  de  ce  chef 
saint  et  glorieux.  Sa  mission  est  de  nous  unir 
à  Jésus  si  étroitement  que  nous  lui  soyons 
incorporés.  C'est  à  lui  de  nous  créer  dans 
l'ordre  surnaturel,  de  nous  donner  et  de  nous 
conserver  la  vie  de  la  grâce,  en  nous  appli- 
quant les  mérites  que  Jésus  notre  médiateur 
et  notre  Sauveur  nous  a  conquis. 

Elle  est  sublime  cette  mission  du  Saint- 
Esprit  qui  lui  a  été  conférée  par  le  Père  et 


454  ^<?  Temps  Pascal. 

par  le  Fils,  et  qu'il  exerce  sur  le  genre 
humain.  Au  sein  de  la  divinité  l'Esprit-ISaint 
est  produit  et  ne  produit  pas.  Le  Père  engen- 
dre le  Fils,  le  Père  et  le  Fils  produisen't  le 
Saint-Esprit;  cette  diffcrcncc  est  fondée  dans 
la  nature  divine  elle-même,  qui  n'est  et  ne 
peut  être  qu'en  trois  personnes.  De  là  vient, 
comme  l'enseignent  les  Pères,  que  le  Saint- 
Esprit  a  reçu  pour  le  dehors  la  fécondité 
qu'il  n'exerce  pas  dans  l'essence  divine.  Si 
donc  il  s'agit  de  produire  l'humanité  du  Fils 
de  Dieu  au  sein  de  Marie,  c'est  lui  qui  opère; 
et  s'il  s'agit  de  créer  le  chrétien  du  sein  de 
la  corruption  originelle,  et  de  l'appeler  à  la 
vie  de  la  grâce,  c'est  lui  encore  qui  exercera 
son  action  :  en  sorte  que,  selon  l'énergique 
expression  de  saint  Augustin,  «  la  même 
«  grâce  qui  a  produit  le"  Christ  à  son  com- 
«  mencement,  produit  le  chrétien  lorsqu'il 
«  commence  à  croire  ;  le  même  Esprit  duquel 
«  le  Christ  a  été  conçu  est  le  principe  de  la 
«i  nouvelle  naissance  du  fidèle  '.  » 

Nous  nous  sommes  étendu  longuement  sur 
l'action  du  Saint-Esprit  dans  la  "formation  et 
le  gouvernement  de  l'Eglise,  parce  que  l'œu- 
vre principale  de  ce  divin  Esprit  est  de  for- 
mer sur  la  terre  l'Epouse  du  Fils  de  Dieu, 
et  que  c'est  par  elle  que  nous  viennent  tous 
les  biens.  Elle  est  dépositaire  d'une  partie 
des  grâces  de  cet  auguste  Paraclet,  qui  a  dai- 
gné se  mettre  à  sa  disposition  pour  nous  sau- 
ver et  nous  sanctifier.  C'est  pour  nous  égale- 
ment qu'il  l'a  rendue  catholique,  visible  à 
tous  les  regards,  afin  qu'il  nous  fût  plus  facile 

I.   Da  praedestinatione  Sanctorum.  Cap.  xv. 


^ 


Le  Vendredi  de  la  Pentecôte.       455 

de  la  trouver;  c'est  pour  nous  qu'il  maintient 
dans  son  sein  la  vérité  et  la  sainteté,  afin 
que  nous  soyons  abreuvés  à  ces  deux  sour- 
ces ineffables.  Aujourd'hui  nous  voici  atten- 
tifs à  ce  qu'il  opère  dans  les  âmes,  et  tout 
d'abord  nous  nous  trouvons  en  face  de  son 
pouvoir  créateur.  N'est-ce  pas  en  effet  une 
véritable  création,  d'amener  une  âme  plongée 
dans  la  déchéance  originelle,  ou,  ce  qui  est 
plus  merveilleux  encore,  une  âme  défigurée 
par  le  péché  volontaire  et  personnel,  de  l'a- 
mener à  devenir  en  un  moment  la  fille  adop- 
tive  du  Père  céleste,  le  membre  chéri  du  Fils 
de  Dieu  ?  Le  Père  et  le  Fils  se  complaisent  à 
voir  accomplir  cette  œuvre  par  l'Esprit  qui 
est  leur  amour  mutuel.  Ils  l'ont  envoyé  afin 
qu'il  agisse,  afin  qu'il  se  conduise  en  maître 
dans  sa  mission,  et  partout  où  il  règne,  ils 
régnent  aussi. 

Eternellement  l'âme  élue  a  été  présente  à 
la  divine  Trinité;  mais,  le  moment  arrivé, 
l'Esprit  descend.  Il  s'empare  de  cette  âme 
comme  de  l'objet  désigné  à  son  amour.  Le 
vol  de  la  colombe  miséricordieuse  est  plus 
rapide  que  celui  de  l'aigle  qui  fond  sur  sa 
proie.  Que  la  volonté  humaine  n'entrave  pas 
son  action,  et  il  arrivera  de  cette  âme  ce  qui 
est  arrivé  pour  l'Eglise  elle-même,  c'est-à- 
dire  que  «  ce  qui  n'était  même  pas  triom- 
«  phera  de  ce  qui  était  *.  »  On  voit  alors  des 
miracles  d'un  ordre  étonnant,  «  la  grâce 
«  surabondant  là  même  où  le  péché  avait 
«  abondé  -.  » 

Nous  avons  vu    l'Emmanuel  conférer  aux 

Cor.  I,  28.  —  2.  Rom.  v,  20. 


456  Le  Temps  Pascal. 

eaux  la  vertu  de  purifier  les  âmes; mais  nous 
nous  souvenons  que  lorsqu'il  descendit  dans 
les  flots  du  Jourdain,  la  colombe  divine  vint 
se  poser  sur  sa  tôte,  et  prit  possession  de 
l'élément  régénérateur.  La  fontaine  baptis- 
male est  demeurée  son  domaine.  «  C'est  là, 
«  nous  dit  le  grand  saint  Léon,  qu'il  préside 
«  à  la  nouvelle  naissance  de  l'homme,  ren- 
«  dant  féconde  la  fontaine  sacrée,  comme 
«  autrefois  il  rendit  fécond  le  sein  de  la 
«  Vierge,  à  cette  différence  que  le  péché  fut 
«  absent  dans  la  conception  sacrée  du  Fils 
«  de  Dieu,  tandis  que  la  mystérieuse  ablu- 
((  tion  le  détruit  en  nous  '.  » 

Avec  quelle  tendresse  l'Esprit  divin  con- 
temple cette  nouvelle  créature  sortant  des 
eaux  !  avec  quelle  impétuosité  d'amour  il  fait 
irruption  en  elle  !  Il  est  le  Don  du  Dieu  très- 
haut,  envoyé  sur  nous  pour  résider  en  nous. 
Il  prend  donc  son  habitation  dans  cette  âme 
toute  neuve,  qu'elle  soit  celle  de  l'enfant  d'un 
;our,  ou  celle  de  l'adulte  dé)à  chargé  d'an- 
nées. Il  se  complaît  dans  ce  séjour  qu'il  a 
éternellement  ambitionné;  il  l'inonde  de  ses 
feux  et  de  sa  lumière  ;  et  comme  il  est  par 
nature  inséparable  des  deux  autres  personnes 
divines,  sa  présence  est  cause  que  le  Père  et 
le  Fils  viennent  établir  aussi  leur  demeure  en 
cette  âme  fortunée  -. 

Mais  l'Esprit-Saint  a  ici  son  action  propre, 
sa  mission  sanctificatrice,  et  pour  bien  com- 
prendre la  nature  de  sa  présence  dans  le 
chrétien,    il  faut  savoir  qu  elle  ne  se    borne 


I.  Serm.  xxvi.  In  Nativitate  Domini,  iv.  —  2.  JoHAN. 
XIV,   23. 


Le  Vendredi  de  la  Pentecôte.       4^7 

pas  à  l'âme.  Le  corps  fait  aussi  partie  de 
rhomme,  et  il  a  eu  sa  part  dans  la  régénéra- 
tion ;  c'est  pourquoi  l'Apôtre,  en  même  temps 
qu'il  nous  révèle  l'heureuse  «  habitation  »  du 
divin  Esprit  en  nous  1,  nous  apprend  encore 
que  nos  membres  matériels  sont  eux-mêmes 
ses  temples  2.  n  veut  les  faire  servir  à  la  jus- 
tice et  à  la  sainteté  3  ;  il  dépose  en  eux  un 
germe  d'im.mortalité  qui  les  conservera  dans 
la  dissolution  même  du  tombeau,  en  sorte 
qu'au  jour  de  la  résurrection  ils  reparaîtront, 
mais  spiritualisés  *,  gardant  ainsi  le  signe  de 
l'Esprit  qui  les  aura  possédés  en  cette  vie 
mortelle. 

Le  chrétien  étant  donc  ainsi  l'habitation  de 
l'Esprit- Saint,  nous  ne  devons  pas  nous  éton- 
ner que  ce  divin  Esprit  songe  à  orner  digne- 
ment la  demeure  qu'il  s'est  choisie.  Quelle 
plus  noble  parure  que  celle  des  vertus  théo- 
logales :  la  Foi  qui  nous  met  en  possession 
certaine  et  substantielle  des  vérités  divines 
que  notre  intelligence  ne  peut  voir  encore; 
1  Espérance  qui  rend  déjà  présent  le  secours 
divin  qui  nous  est  nécessaire  et  la  félicité 
éternelle  que  nous  attendons;  la  Charité  qui 
nous  unit  à  Dieu  par  le  plus  fort  et  le  plus 
doux  des  liens  !  Or,  ces  trois  vertus,  ces  trois 
moyens  pour  l'homme  régénéré  d'être  en 
rapport  avec  sa  tin,  c'est  à  la  présence  du 
Saint-Esprit  que  le  chrétien  les  doit.  Il  a 
daigné  signaler  son  arrivée  par  ce  triple 
bienfait  qui  dépasse  tous  nos  mérites  passés, 
présents  et  futurs. 


I.  Rom.  VIII,   II. —  2.  I  Cor.  VI,  IQ.  —  3.   Rom.  vi, 
19.  —  4.  I  Cor.  XV,  44. 


458  Le  Temps  Pascal. 

Au-dessous  des  trois  vertus  théologales,  il 
établit  ces  quatre  autres  qui  sont  comme  les 
assises  de  la  vie  morale  de  l'homme:  la  jus- 
tice, la  force,  la  prudence  et  la  tempérance-, 
qualités  naturelles,  qu'il  transforme  en  les 
adaptant  à  la  fin  surnaturelle  du  chrétien. 
Enhn  comme  un  dernier  lustre  cju'il  ajoute 
à  sa  demeure,  il  }^  dépose  le  septénaire  sacré 
de  ses  dons,  destinés  à  répandre  le  mouvement 
et  la  vie  dans    le  septénaire  des  vertus. 

Mais  les  vertus  et  les  dons  c|ui  tous  ten- 
dent vers  Dieu,  réclament  l'élément  supé- 
rieur qui  est  le  moyen  essentiel  de  l'union 
avec  lui  :  élément  indispensable  et  que  rien 
ne  peut  suppléer,  âme  de  l'âme,  principe  vi- 
vifiant, sans  lequel  elle  ne  saurait  ni  voir  ni 
posséder  Dieu;  c'est  la  Grâce  sanctifiante. 
Avec  quelle  satisfaction  l'Esprit  divin  l'intro- 
duit dans  l'àme  à  laquelle  elle  s'incorpore, 
et  qu'elle  rend  l'objet  des  complaisances  di- 
vines! Une  étroite  alliance  existe  entre  cette 
^râce  et  la  présence  de  l'Esprit-Saint;  car  si 
î'àme  venait  à  donner  entrée  au  péché  mor- 
tel, l'Esprit  cesserait  d'habiter  cette  âme  in- 
fortunée, au  moment  même  où  s'éteindrait 
en  elle  la  grâce  sanctifiante. 

Mais  il  veille  soigneusement  sur  son  héri- 
tage, et  il  n'y  demeure  pas  oisif.  Les  vertus 
qu'il  a  infuses  dans  cette  âme  si  chère  ne 
doivent  pas  demeurer  inertes  ;  il  faut  qu'elles 
produisent  les  actes  vertueux,  et  que  le  mé- 
rite qu'elles  obtiendront  vienne  accroître  la 
puissance  de  l'élément  fondamental,  forti- 
fier et  développer  cette  grâce  sanctifiante  qui 
enchaîne  si  étroitement  le  chrétien  à  Dieu. 
L'Esprit-Saint   ne   cesse    donc    de    mouvoir 


Le  Vendredi  de  la  Pentecôte.       45g 

l'âme  vers  l'action  soit  à  l'intérieur,  soit  à 
l'extérieur,  par  ces  touches  divines  que  la 
théologie  appelle  grâces  actuelles.  Il  obtient 
ainsi  que  sa  créature  s'élève  de  plus  en  plus 
dans  le  bien,  qu'elle  s'enrichisse  et  se  conso- 
lide toujours  davantage,  entin  qu'elle  serve  à 
la  gloire  de  son  auteur  qui  la  veut  féconde  et 
agissante. 

"Dans  cette  intention,  l'Esprit  qui  s'est 
donné  à  elle,  qui  l'habite  avec  une  si  vive 
tendresse,  la  pousse  à  la  prière  par  laquelle 
elle  pourra  tout  obtenir,  lumière,  force  et 
succès.  «  Mais,  dit  l'Apôtre,  savons-nous 
«  comment  il  faut  prier  ?  »  A  cette  question 
il  répond  lui-même  d'après  son  expérience: 
M  Ce  sera  l'Esprit  qui  demandera  pour  nous 
«  dans  des  gémissements  inénarrables  i.  » 
Ainsi  le  divin  Esprit  s'associe  à  tous  nos  be- 
soins; il  est  Dieu,  et  il  gémit  comme  la  co- 
lombe, afin  de  mettre  ses  accents  à  l'unisson 
des  nôtres.  «  Il  crie  vers  Dieu  dans  nos 
«  cœurs,  »  dit  le  même  Apôtre  2;  nous  certi- 
fiant ainsi  par  sa  présence  et  ses  opéra- 
tions en  nous  que  nous  sommes  les  enfants 
de  Dieu  3.  Se  peut-il  rien  de  plus  intime,  et 
devons-nous  nous  étonner  que  Jésus  nous  ait 
dit  qu'il  n'y  avait  qu'à  demander  pour  rece- 
voir ^,  lorsque  c'est  son  Esprit  même  qui 
demande  en  nous  ? 

Auteur  de  la  prière,  il  coopère  puissam- 
ment à  l'action.  Son  intimité  avec  l'âme  fait 
qu'il  ne  laisse  à  celle-ci  que  la  liberté  néces- 
saire au  mérite  ;  pour  le  reste,  il  la  meut,  il  la 

I.  Rom.  vni,  26.  —  2.  Gai.  iv,  6.  —  ?.  Rom.  vni, 
16.  —  4.  Luc.  XI,  9 


4^0  Le  Temps  Pascal. 

soutient,  il  la  dirige,  en  sorte  qu'à  son  tour 
elle  n'a  plus  qu'à  coopérer  à  ce  qu'il  fait  en 
elle  et  par  elle.  A  cette  action  commune  de 
l'Esprit  et  du  chrétien,  le  Père  céleste  recon- 
naît ceux  qui  lui  appartiennent,  et  c'est  pour 
cela  que  l'Apôtre  nous  dit  encore  que  «  ceux- 
«  là  sont  les  entants  de  Dieu  qui  sont  conduits 
«  par  l'Esprit  de  Dieu  '.  »  Heureuse  société 
qui  mène  le  chrétien  à  la  vie  éternelle,  qui 
fait  triompher  Jésus  en  lui,  Jésus  dont  l'Es- 
prit-Saint  imprime  les  traits  dans  sa  créa- 
ture, ahn  qu'elle  soit  un  membre  digne  d'être 
uni  à  son  Chef  ! 

Mais,  hélas!  cette  société  fortunée  peut  se 
dissoudre.  Notre  liberté,  qui  ne  se  transforme 
qu'au  ciel,  peut  amener  et  amène  trop  sou- 
vent la  rupture  entre  l'Esprit  sanctificateur 
et  l'homme  sanctifié.  Le  désir  malheureux 
de  l'indépendance,  les  passions  que  l'homme 
aurait  le  moyen  de  régler  s'il  était  docile  à 
l'Esprit,  ouvrent  le  cœur  imprudent  à  la  con- 
voitise de  ce  qui  est  au-dessous  de  lui.  Satan, 
jaloux  du  règne  de  l'Esprit,  ose  faire  briller 
aux  yeux  de^  l'homme  la  trompeuse  image 
d'un^bonheur  ou  d'un  contentement  hors  de 
Dieu.  Le  monde,  qui  est  aussi  un  esprit 
maudit,  ose  rivaliser  avec  l'Esprit  du  Père  et 
du  Fils.  Subtil,  audacieux,  actif,  il  excelle  à 
séduire,  et  nul  ne  pourrait  compter  les  nau- 
frages qu'il  a  causés.  Il  est  cependant  dé- 
noncé aux  chrétiens  par  Jésus  lui-même  qui 
nous  a  déclaré  qu'il  ne  prierait  pas  pour  lui  2, 
et  par  l'Apôtre  qui  nous  avertit  «  que  ce  n'est 


Le  Vendredi  de  la  Pentecôte.        46 1 

«  pas  l'esprit  du  monde  que  nous  avons  reçu, 
«  mais  bien  l'Esprit  qui  est  de  Dieu  ^.  » 

Néanmoins  un  cruel  divorce  s'opère  fré- 
quemment entre  l'homme  et  son  hôte  divin. 
Il  est  précédé  pour  l'ordinaire  par  un  refroi- 
dissement qui  se  manifeste  du  côté  de  la 
créature  envers  son  bienfaiteur.  Un  manque 
d'égards,  une  légère  désobéissance,  sont  les 
préludes  de  la  rupture.  C'est  alors  qu'a  lieu 
chez  le  divin  Esprit  ce  froissement  qui  mon- 
tre si  clairement  l'amour  qu'il  porte  à  l'âme, 
et  que  l'Apôtre  nous  rend  d'une  manière 
expressive,  lorsqu'il  nous  recommande  de  ne 
pas  contrister  l'Èsprit-Saint  qui  nous  marqua 
de  son  sceau  au  jour  où  la  rédemption  ve- 
nait à  nous  2.  Parole  remplie  d'un  sentiment 
profond,  et  qui  nous  révèle  la  responsabilité 
qu'entraîne  après  lui  le  péché  véniel.  L'ha- 
bitation de  l'Esprit-Saint  dans  l'âme  devient 
pour  lui  une  cause  d'amertume,  une  sépara- 
tion esta  craindre;  et  si,  comme  l'enseigne 
saint  Augustin,  «  il  n'abandonne  pas  qu'il  ne 
«  soit  abandonné,  »  si  la  grâce  sanctifiante  de- 
meure encore,  les  grâces  actuelles  deviennent 
plus  rares  et  moins  pressantes. 

Mais  le  comble  du  malheur  est  dans  la 
rupture  du  pacte  sacré  qui  unissait  l'âme  et 
l'Esprit  divin  dans  une  si  étroite  alliance. 
Le  péché  mortel  est  l'acte  d'une  souveraine 
audace  et  d'une  cruelle  ingratitude.  Cet  Es- 
prit si  rempli  de  douceur  se  voit  expulsé  de 
l'asile  qu'il  s'était  choisi,  et  qu'il  avait  em- 
belli en  tant  de  manières.  C'est  le  comble 
de  l'outrage,  et  l'on  n'a  pas  droit  de  s'étonner 

I.  I  Cor.  II,  12.  —  2.  Eph.  IV,  3o. 


462 


Le  Temps  Pascal. 


de  l'indignation  de  l'Apôtre  quand  il  s'écrie  : 
«  Quel  supplice  ne  mérite-t-il  pas  celui  qui 
«  a  foulé  aux  pieds  le  Fils  de  Dieu,  méprisé 
«  le  sang  de  l'alliance,  et  fait  une  telle  injure 
«  à  l'Esprit  de  grâce  '  ?  » 

Cependant  cette  situation  désolante  du 
chrétien  infidèle  au  Saint-Esprit  peut  en- 
core exciter  la  compassion  de  celui  qui,  étant 
Dieu,  a  été  envoyé  vers  nous  pour  être  notre 
hôte  plein  de  mansuétude.  Il  est  si  triste 
l'état  de  celui  qui,  en  chassant  l'Esprit  divin, 
a  perdu  l'âme  de  son  âme,  qui  a  vu  s'éteindre 
au  même  moment  le  flambeau  de  la  grâce 
sanctifiante,  et  s'anéantir  tous  les  mérites 
dont  elle  s'était  accrue.  Chose  admirable  et 
digne  d'une  reconnaissance  éternelle  !  L'Es- 
prlt-Saint  expulsé  du  cœur  de  l'homme  as- 
pire à  y  rentrer.  Telle  est  l'étendue  de  la 
mission  qu'a  reçue  du  Père  et  du  Fils  celui 
qui  est  amour,  et  qui  par  amour  ne  veut  pas 
abandonner  à  sa  perte  le  chétif  et  ingrat 
vermisseau  qu'il  avait  voulu  élever  jusqu'à 
la  participation  de  la  nature  divine  -, 

On  le  verra  donc,  avec  une  abnégation  su- 
blime dont  l'amour  seul  a  le  secret,  faire  le 
siège  de  cette  âme,  jusqu'à  ce  Qti'il  ait  pu 
s'en  emparer  de  nouveau.  Il  l'effrayera  par 
les  terreurs  de  la  justice  divine,  il  lui  fera 
sentir  la  honte  et  le  malheur  où  se  préci- 
pite celui  qui  a  perdu  la  vie  de  son  âme.  Il 
le  détache  ainsi  du  mal  par  ces  premières 
atteintes  que  le  saint  Concile  de  Trente  ap- 
pelle «  les  impulsions  de  l'Esprit-Saint  qui 
«  meut    l'âme   au  dehors,  sans  l'habiter  en- 


I.  Heb.  X,  29.  —  2.  II  Petr.  I,  4. 


Le  Vendredi  de  la  Pentecôte.       463 

«  core  au  dedans  i.  »  L'âme  inquiète  et  mé- 
contente d'elle-même  finit  par  aspirer  à  la 
réconciliation;  elle  rompt  les  liens  de  son  es- 
clavage, et  bientôt  le  sacrement  de  Pénitence 
va  répandre  en  elle  l'amour  qui  ranime  la 
vie,  en  consommant  la  justification.  Qui 
pourrait  exprimer  le  charme  et  le  triomphe 
de  la  rentrée  du  divin  Esprit  dans  son  do- 
maine chéri  !  Le  Père  et  le  Fils  reviennent 
vers  cette  demeure  souillée  naguère,  et  peut- 
être  depuis  longtemps.  Tout  revit  dans  l'âme 
renouvelée  ;  la  grâce  sanctifiante  y  renaît 
telle  qu'elle  était  au  moment  où  l'âme  sortit 
de  la  fontaine  baptismale.  Les  mérites  acquis 
en  avaient  développé  la  puissance,  mais 
nous  les  avons  vus  tristement  sombrer  dans  la 
tempête  ;  ils  sont  restitués  en  leur  entier,  et 
l'Esprit  de  vie  se  réjouit  de  ce  que  son  pou- 
voir est  égal  à  son  amour. 

Un  changement  si  merveilleux  n'a  pas  lieu 
une  fois  dans  un  siècle;  chaque  jour,  chaque 
heure  le  voient  s'accomplir.  Telle  est  la  mis- 
sion de  l'Esprit  divin.  Il  est  descendu  pour 
sanctifier  l'homme,  il  faut  qu'il  le  sanctifie. 
Le  Fils  de  Dieu  est  venu;  il  s'est  donné  à 
nous.  Nous  ayant  trouvés  en  proie  à  Satan, 
il  nous  a  rachetés  au  prix  de  son  sang  ;  il  a 
tout  disposé  pour  nous  conduire  â  lui  et  à  son 
Père;  et  s'il  a  dû  remonter  aux  cieux  pour 
nous  y  préparer  notre  place,  bientôt  il  a  fait 
descendre  sur  nous  son  propre  Esprit,  afin 
qu'il  soit  notre  second  Consolateur  jusqu'à 
son  retour.  Voici  donc  à  l'œuvre  ce  divin 
auxiliaire.  Eblouis  de  la  magnificence  de  ses 

I.  Sess.  XIV,  Cap.  iv. 


464  Le  Temps  Pascal. 

opérations,  célébrons  avec  effusion  l'amour 
avec  lequel  il  nous  traite,  la  puissance  et  la 
sagesse  qu'il  développe  dans  l'accomplisse- 
sement  de  sa  mission.  Qu'il  soit  donc  béni, 
qu'il  soit  glorifié,  qu'il  soit  connu  en  ce 
monde  qui  lui  doit  tout,  dans  l'Eglise  dont  il 
est  l'âme,  et  dans  ces  millions  de  cœurs  qu'il 
désire  habiter  pour  les  sauver  et  les  rendre 
heureux  à  jamais  ! 

Ce  jour  est  consacré  au  jeûne  comme  ce- 
lui du  mercredi  précédent.  L'Ordination  des 
prêtres  et  des  ministres  sacrés  aura  lieu  de- 
main. Il  importe  de  faire  une  plus  vive  ins- 
tance auprès  de  Dieu  pour  obtenir  que  l'ef- 
fusion de  la  grâce  soit  aussi  abondante  que 
sera  durable  et  auguste  le  caractère  que  l'Es- 
prit-Saint  imprimera  sur  les  membres  de  la 
tribu  sainte  qui  lui  seront  présentés. 

A  Rome,  la  Station  est  aujourd'hui  dans  la 
basilique  des  Douze- Apôtres,  où  reposent  les 
corps  de  saint  Philippe  et  de  saint  Jacques- 
le-Mineur.  Ce  souvenir  donné  aux  habitants 
du  Cénacle  ne  saurait  être  plus  à  propos  en 
ces  jours  où  l'Eglise  entière  les  salue  comme 
les  premiers  hôtes  de  l'Esprit- Saint. 


T  ES  beaux  chants  de  l'Eglise  arniénienne 
^  nous  aideront  encore  aujourd'hui  à  glori- 
fier la  venue  du  divin  Paraclet.  Nous  inserons 
ici  les  strophes  qui  se  rapportent  à  cette  jour- 


Le  Vendredi  de  la  Pentecôte.       465 


CANON    SEXT.E    DIEI. 


Tu  es,  ô  Esprit-Saint,  le 
calice  rempli  dans  les 
cieux  et  qui  rend  immortel, 
dans  lequel  a  bu  au  Cénacle 
le  chœur  des  saints  Apôtres  : 
tu  es  béni,  ô  Esprit-Saint,  tu 
es  plein  de  vérité. 

Tu  t'es  répandu  sur  nous 
avec  abondance,  ô  flamme 
vivante;  car  les  Apôtres,  après 
s'être  désaltérés  en  toi,  ont 
désaltéré  toute  la  terre  :  tu 
es  béni,  ô  Esprit-Saint,  tu  es 
plein  de  vérité. 

Aujourd'hui  les  Eglises  de 
la  gentilité  se  livrent  au  trans- 
port de  la  joie  ;  tu  es  le  prin- 
cipe de  cette  allégresse,  calice 
vivifiant  :  tu  es  béni,  ô  Es- 
prit-Saint, tu  es  plein  de 
vérité. 

Toi  qui  procèdes  de  la 
vérité  du  Père,  source  de 
lumière,  tu  as  réjoui  de  tes 
rayons  les  xVpôtres  et  tu  les 
as  remplis  de  ta  splendeur  : 
par  leurs  prières  aie  pitié  de 
nous. 

Tu  as  dévoilé  ton  essence 
en  te  montrant  sous  la  forme 
d'un  feu  merveilleux  ;  c'est  la 
lumière  divine  dont  tu  as 
rempli  les  Apôtres  en  les 
rendant  heureux  :  par  leurs 
prières  aie  pitié  de  nous. 

Toi  qui,  au  commencement, 
as  changé  en  lumière  les  té- 
nèbres qui  enveloppaient  le 
monde,     tu     as     aujourd'hui 


T.MMORTALEM  efficicns 
1  calix  effuse  de  cœlis, 
Sancte  Spiritus  ,  quem 
biberunt  in  cœnaculo 
chori  sanctorum  Apos- 
tolorum  :  benedictus  es, 
Sancte  Spiritus,  tu  vere. 
Large  diffusus  es  in 
nobis,  ignis  vivus  ;  nam 
potati  Apostoli,  potarunt 
etiam  terrarum  orbem  : 
benedictus  es,  Sancte 
Spiritus,  tu  vere. 

Hodie  magnopere  ex- 
sultant  Ecclesiœ  genti- 
lium,  oblectati  gaudio  ex 
te,  vivifice  calix  ;  bene- 
dictus es,  Sancte  Spiri- 
tus,  tu  vere. 

Qui  a  Paterna  veritate 
procedens  fons  luminis, 
radios  vibrante  lumine 
oblectans  replevisti 
Apostolos  :  precibus  ho- 
rum  miserere. 

Qui  essentiam  tuam 
igneis  mire  ostendisti,  eo 
ipso  intelligibili  divino 
lumine  delectans,  imple- 
visti  Apostolos  :  preci- 
bus horum  miserere. 

Qui  mundum  ambian- 
tes tenebras  initio  in  lu- 
cem  permutasti  ,  hodie 
mirabili     atque     divino 


LE   TEMPS  PASCAL.    —  T.   HI. 


466 


Le  Temps  Pascal. 


lumine  tuo  delectans  im- 
plevisti  Apostolos  :  pre- 
cibus  horum  miserere. 


Qui  ignem  vibranti- 
bus,  ac  alas  pandentibus 
insides,  hodie  in  chorum 
humanorum  ineffabili 
amore  effusus  es  de  cœ- 
lis  :  benedictus  es  , 
Sancte  Spiritus  Deus. 


Qui  ab  igneis  linguis 
trisagio  agiologaris,  ho- 
die in  iabia  humanorum 
igniflue  etîusus  es  de 
cœlis  :  benedictus  es, 
Sancte  Spiritus  Deus. 

Qui  ab  igniformibus 
in  fulgentissimis  flam- 
mis  semper  videris,  ho- 
die terris  ignigustus  ca- 
lix  effusus  es  de  cœlis  : 
benedictus  es  ,  Sancte 
Spiritus    Deus. 


rempli  les  Apôtres  de  ta 
lumière  admirable  et  divine, 
en  les  rendant  heureux  :  par 
leurs  prières  aie  pitié  de 
nous. 

loi  qui  es  assis  sur  ceux 
qui  lancent  des  rayons  en- 
flammés et  se  balancent  sur 
leurs  ailes,  lu  as  été  aujour- 
d'hui répandu  du  haut  des 
cieux  par  un  ineffable  amour 
sur  la  race  humaine  :  tu  es 
béni  ,  ô  Esprit-Saint  ,  ô 
Dieu  1 

Toi  qui  fais  chanter  le 
trisagion  par  des  langues  de 
feu,  tu  as  été  répandu  des 
cieux  aujourd'hui  comme  une 
flamme  sur  les  lèvres  des 
humains  :  tu  es  béni,  ô  Es- 
prit-Saint, ô  Dieu  ! 

Toi  que  les  Esprits  dont  la 
nature  est  la  flamme  contem- 
plent éternellement  au  milieu 
de  tes  feux  éblouissants,  au- 
jourd'hui tu  as  été  répandu 
des  cieux  sur  la  terre  comme 
une  coupe  remplie  d'une  li- 
queur embrasée  :  tu  es  béni, 
ô  Esprit-Saint,  ô  Dieu  ! 

Nous  empruntons  au  Missel  mozarabe  cette 
allocution  que  le  pontife  adresse  au  peuple 
fidèle  dans  la  Messe  du  jour  de  la  Pentecôte, 
pour  l'exhorter  à  faire  un  religieux  accueil 
au  divin  Esprit  qui  s'apprête  à  descendre 
dans  les  âmes. 


Le  Vendredi  de  la  Pentecôte.       467 


MISSA. 


C'est  aujourd'hui  ,  Frères 
très  chers  ,  qu'il  nous 
faut  célébrer  l'arrivée  des 
dons  de  l'Esprit-Saint  qui 
nous  a  été  promis  par  le  Fils 
de  Dieu  ;  aujourd'hui  que 
nous  devons  employer  à  l'ac- 
complissement de  ce  devoir 
tout  ce  que  nous  avons  de 
foi,  d'ardeur  et  d'allégresse. 
Unissons  à  nos  louanges  les 
sentiments  de  la  piété,  joi- 
gnons-y l'humilité  et  la  pu- 
reté, et  ouvrons  l'intérieur  de 
nos  âmes  au  transport  que 
fait  naître  un  tel  événement. 
Que  les  cœurs  des  croyants 
soient  purifiés,  que  leurs 
esprits  soient  ouverts,  que  le 
plus  intime  de  leurs  âmes  se 
prépare  ;  car  une  étroite  poi- 
trine serait  insuffisante  pour 
célébrer  la  louange  et  l'avè- 
nement de  celui  qui  est  sans 
mesure.  Il  est  en  effet  le  con- 
substantiel  du  Père  et  du 
Fils,  le  troisième  dans  l'ordre 
des  personnes,  mais  le  même 
dans  la  gloire.  Celui  que  le 
royaume  du  ciel  ne  peut 
contenir,  qui  n'est  renfermé 
par  aucune  limite,  descend 
aujourd'hui  dans  l'humble 
asile  de  notre  cœur  pour  y 
prendre  l'hospitalité.  Qui 
d'entre  nous.  Frères  très 
chers,  pourrait  se  croire  digne 
d'un  tel  hôte  ?  (^ui  serait  en 
état  de  lui  fournir  à  son  arri- 


OUANTA  possumus,'fra 
trescharissimi,  fide, 
intentione,  virtute,  gau- 
dio,  exsultatione,  praeco 
nio,  devotione,  obsequio, 
puritate,  promissa  nobis 
per  Filium  Dei,  Sancti 
Spiritus  munera  hodie 
transmissa  praedicemus. 
Reseretur  nostrorum 

compago  viscerum.  Pur- 
gentur  corda  credentium, 
et  pateant  omnes  sensus, 
atque  recessus  animorum. 
Quia  nequaquam  im- 
mensi  laudem  atque  ad- 
ventum,  pectora  angusta 
narrare  sufficiunt.  Ille 
etenim  consors  Patris, 
et  Filii,  unius  ejusdem- 
que  substantiaî  tertius  in 
persona,  sed  unus  in  glo- 
ria.  Quem  cœlorum  régna 
non  capiunt,  quia  non 
eum  circumscribunt  ne- 
que  claudunt.  hodie  ad 
angustum  cordis  nostri 
descendit  hospitium.  Et 
quis  nostrum  ,  fratres 
dilectissimi,  tali  se  di- 
gnum  hospite  recognos- 
cit  ?  Quis  condigna  ad- 
venienti  exhibeat  ali- 
menta ?  Quum  et  Ange- 
lorum  et  Archangelorum, 
et  omnium  Virtutum  cœ- 
lestium  ipse  est  vita.  Et 
ideo  quia  nos  impares 
tali  habitatore  cognosci- 


468       Le  Vendredi  de  la  Pentecôte. 


mus,  ut  in  nobis  locum 
habitaculi  sibimet  prae- 
p  a  r  e  t  suppliceinus. 
Amen. 


vée  un  festin  digne  de  lui  ? 
C'est  par  lui  que  vivent  les 
Anges  et  les  Archanges,  et 
toutes  les  Vertus  célestes.  Re- 
connaissons-nous donc  inca- 
pables de  recevoir  en  nous  un 
tel  hôte,  et  supplions-le  de 
préparer  lui-même  son  habi- 
tation dans  nos  âmes.  Amen. 


LE    DON    D  INTELLIGENCE. 

r^  E  sixième  Don  de  l'Esprit-Saint  fait  entrer 
^  l'âme  dans  une  voie  supérieure  à  celle 
où  elle  sest  exercée  jusqu'ici.  Les  cinq  pre- 
miers Dons  tendenttous  à  l'action.  La  Crainte 
de  Dieu  remet  l'homme  à  sa  place  en  l'humi- 
liant, la  Piété  ouvre  son  cœur  aux  affections 
divines,  la  Science  lui  fait  discerner  la  voie 
du  salut  de  la  voie  de  perdition,  la  Force 
l'arme  pour  le  combat,  le  Conseil  le  dirige 
dans  ses  pensées  et  dans  ses  œuvres  ;  il 
peut  donc  agir  maintenant,  et  poursuivre 
sa  route  avec  l'espoir  d'arriver  au  terme. 
Mais  la  bonté  du  divin  Esprit  lui  réserve 
encore  d'autres  faveurs.  Il  a  résolu  de  le 
faire  jouir  dès  ce  monde  d'un  avant-goût 
de  la  félicité  qu'il  lui  réserve  dans  l'autre'vie. 
Ce  sera  le  moyen  d'affermir  sa  marche,  d'a- 
nimer son  courage  et  de  récompenser  ses 
efforts.  La  voie  de  la  contemplation  lui  sera 
donc  désormais  ouverte,  et  le  divin  Esprit 
l'y  introduira  au  moyen  de  l'Intelligence. 

A  ce  mot  de  contemplation,  plusieurs  per- 
sonnes s'inquiéteront  peut-être,  persuadées  à 
tort  que  l'élément  qu'il  signifie  ne  saurait  se 


Le  Don  d'Intelligence. 


46  g 


rencontrer  que  dans  les  conditions  rares 
d'une  vie  passée  dans  la  retraite  et  loin  du 
commerce  des  hommes.  C'est  une  grave  et 
dangereuse  erreur,  et  qui  arrête  trop  sou- 
vent l'essor  des  âmes.  La  contemplation  est 
l'état  auquel  est  appelée,  dans  une  certaine 
mesure,  toute  âme  qui  cherche  Dieu.  Elle  ne 
consiste  pas  dans  les  phénomènes  qu'il  plaît 
à  l'Esprit-Saint  de  manifester  en  certaines 
personnes  privilégiées,  et  qu'il  destine  à  prou- 
ver la  réalité  de  la  vie  surnaturelle.  Elle  est 
simplement  cette  relation  plus  intime  qui 
s'établit  entre  Dieu  et  l'âme  qui  lui  est  fidèle 
dans  l'action  ;  â  cette  âme,  si  elle  n'y  met 
obstacle,  sont  réservées  deux  faveurs,  dont 
la  première  est  le  don  d'Intelligence  qui 
consiste  dans  l'illumination  de  l'esprit  éclairé 
désormais  d'une  lumière  supérieure. 

Cette  lumière  n'enlève  pas  la  foi,  mais  elle 
éclaircit  l'œil  de  l'âme  en  la  fortifiant,  et  lui 
donne  une  vue  plus  étendue  sur  les  choses 
divines.  Beaucoup  de  nuages  s'effacent,  qui 
provenaient  de  la  faiblesse  et  de  la  grossièreté 
de  l'âme  non  initiée  encore.  La  beauté  pleine 
de  charme  des  mystères  que  l'on  ne  sentait 
que  vaguement  se  révèle,  d'ineffables  harmo- 
nies que  l'on  ne  soupçonnait  pas  apparais- 
sent. Ce  n'est  pas  la  vue  face  à  face  réservée 
pour  le  jour  éternel  ;  mais  ce  n'est  déjà  plus 
cette  faible  lueur  qui  dirigeait  les  pas.  Un 
ensemble  d'analogies,  de  convenances,  qui 
se  montrent  successivement  à  l'oeil  de  l'esprit, 
apportent  une  certitude  pleine  de  douceur. 
L'ame  se  dilate  à  ces  clartés  qui  enrichissent 
la  foi,  accroissent  l'espérance  et  développent 
l'amour.  Tout  lui  semble  nouveau;  et  quand 


47  0       Le  Vendredi  de  la  Pentecôte. 

elle  regarde  derrière  elle,  elle  compare  et 
voit  clairement  que  la  vérité,  toujours  la 
même,  est  maintenant  saisie  par  elle  d'une 
manière  incomparablement  plus  complète. 

Le  récit  des  Evangiles  l'impressionne  davan- 
tage; elle  trouve  une  saveur  inconnue  pour 
elle  jusqu'alors  dans  les  paroles  du  Sauveur. 
Elle  comprend  mieux  le  but  qu'il  s'estproposé 
dans  l'institution  de  ses  Sacrements.  La  sainte 
Liturgie  l'émeut  par  ses  formules  si  augustes 
et  ses  rites  si  profonds.  La  lecture  de  la  Vie 
des  Saints  l'attire,  rien  ne  Tétonne  dans  leurs 
sentiments  et  leurs  actes  ;  elle  goûte  leurs 
écrits  plus  que  tous  les  autres,  et  elle  ressent 
un  accroissement  de  bien-être  spirituel  en 
traitant  avec  ces  amis  de  Dieu.  Entourée  de 
devoirs  de  toute  nature,  le  flambeau  divin 
la  guide  pour  satisfaire  à  chacun.  Les  vertus 
si  diverses  qu'elle  doit  pratiquer  se  concilient 
dans  sa  conduite  ;  l'une  n'est  jamais  sacrifiée 
à  l'autre,  parce  qu'elle  voit  l'harmonie  qui 
doit  régner  entre  elles.  Elle  est  loin  du  scru- 
pule commedurelàchement,  et  toujours  atten- 
tive à  réparer  aussitôt  les  pertes  qu'elle  a  pu 
faire.  Quelquefois  même  le  divin  Esprit  l'ins- 
truit par  une  parole  intérieure  que  son  âme 
entend,  et  qui  éclaire  sa  situation  d'un  nou- 
veau jour. 

Désormais  le  monde  et  ses  vaines  erreurs 
sont  appréciés  par  elle  pour  ce  qu'ils  sont, 
et  l'âme  se  purifie  du  reste  d'attache  et  de 
complaisance  qu'elle  pouvait  encore  conser- 
ver pour  eux.  Ce  qui  n'a  de  grandeur  et  de 
beautés  que  selon  la  nature,  paraît  chétif  et 
misérable  à  cet  œil  que  l'Esprit-Saint  a  ouvert 
aux  grandeurs  et  aux  beautés  divines  et  éter- 


Le  Don  d'Intelligence.  47 1 

nelles.  Un  seul  côté  rachète  à  ses  yeux  ce 
monde  extérieur  qui  fait  illusion  à  l'homme 
charnel  :  c'est  que  la  créature  visible,  qui 
porte  la  trace  de  la  beauté  de  Dieu,  est  sus- 
ceptible de  servir  à  la  gloire  de  son  auteur. 
L'âme  apprend  à  user  d'elle  avec  action  de 
grâces,  la  rendant  surnaturelle,'  glorifiant 
avec  le  Roi-Prophète  celui  qui  a  empreint 
les  traits  de  sa  beauté  dans  cette  multitude 
d'êtres  qui  servent  si  souvent  à  la  perte  de 
rhomme,  tandis  qu'ils  sont  appelés  à  deve- 
nir les  degrés  qui  le  conduiraient  à  Dieu. 

Le  don  d'Intelligence  répand  aussi  dans 
l'âme  la  connaissance  de  sa  propre  voie.  Il 
lui  fait  comprendre  combien  ont  été  sages 
et  miséricordieux  les  desseins  d'en  haut  qui 
l'ont  parfois  brisée  et  transportée  là  où  elle 
ne  comptait  pas  aller.  Elle  voit  que  si  elle 
eût  été  maîtresse  de  disposer  elle-même  son 
existence,  elle  eût  manqué  son  but,  et  que 
Dieu  l'a  fait  arriver,  en  lui  cachant  d'abord 
les  desseins  de  sa  paternelle  Sagesse.  Main- 
tenant elle  est  heureuse,  car  elle  jouit  de  la 
paix,  et  son  cœur  n'a  pas  assez  d'actions  de 
grâces  pour  remercier  Dieu  qui  l'a  conduite 
au  terme  sans  la  consulter.  S'il  arrive  qu'elle 
soit  appelée  à  donner  des  conseils,  à  exercer 
une  direction  par  devoir  ou  par  le  motif  de  la 
charité,  on  peut  se  confier  en  elle  ;  le  don  d'In- 
telligence l'éclairé  pour  les  autres  comme  pour 
elle-"même.  Elle  ne  s'ingère  pas  cependant 
à  poursuivre  de  ses  leçons  ceux  qui  ne  les  lui 
demandent  pas;  mais  si  elle  est  interrogée, 
elle  répond,  et  ses  réponses  sont  lumineuses 
comme  le  flambeau  qui  l'éclairé. 

Tel  est  le  don  d'Intelligence,  véritable  illu- 


472        Le  Vendredi  de  la  Pentecôte. 

mination  de  l'àme  chrétienne,  et  qui  se  fai' 
sentir  à  elle  en  proportion  de  sa  fidélité  à 
user  des  autres  dons.  Celui-ci  se  conserve 
par  l'humilité,  la  modération  des  désirs  et  le 
recueillement  intérieur.  Une  conduite  dissi- 
pée en  arrêterait  le  développement  et  pour- 
rait môme  l'étouffer.  Dans  une  vie  occupée 
et  remplie  par  des  devoirs,  au  sein  même  de 
distractions  obligées  auxquelles  l'àme  se  prête 
sans  s'y  livrer,  cette  âme  fidèle  peut  se  con- 
server recueillie.  Qu'elle  soit  donc  simple, 
qu'elle  soit  petite  à  ses  propres  yeux,  et  ce 
que  Dieu  cache  aux  superbes  et  révèle  aux 
petits  1  lui  sera  manifesté  et  demeurera  en 
elle. 

Nul  doute  qu'un  tel  don  ne  soit  d'un  secours 
immense  pour  le  salut  et  la  sanctification  de 
l'âme.  Nous  devons  donc  l'implorer  du  divin 
Esprit  avec  toute  l'ardeur  de  nos  désirs,  en 
demeurant  convaincus  que  nous  l'atteindrons 
plus  sûrement  par  l'élan  de  notre  cœur  que 
par  l'effort  de  notre  esprit.  C'est  dans  l'intel- 
ligence, il  est  vrai,  que  se  répand  la  lumière 
dtvine  qui  est  l'objet  de  ce  don  ;  mais  son 
effusion  provient  surtout  de  la  volonté  échauf- 
fée du  feu  de  la  charité,  selon  la  parole  d'î- 
saïe  :  «  Croyez  ,  et  vous  aurez  l'intclli- 
«  gence  2.  »  Adressons-nous  à  l'Esprit-Saint, 
et  nous  servant  des  paroles  de  David,  disons- 
lui  :  «  Ouvrez  nos  yeux,  et  nous  contemple- 
«  rons  les  merveilles  de  vos  préceptes;  don- 
•c  nez-nous  l'intelligence,  et  nous   aurons   la 


I.  Luc.  X.   21. —  2.  IsAi.  VI.  9,   cité   ainsi   par   les 
Pères  grecs  et  latins  d'après  les  Septante. 


^7? 

«  vie  1  » .  Instruits  par  l'Apôtre,  nous  expo- 
serons notre  demande  d'une  manière  plus 
pressante  encore,  en  nous  appropriant  la 
prière  qu'il  adresse  au  Père  céleste  en  faveur 
des  fidèles  d'Ephèse,  lorsqu'il  implore  pour 
eux  «  l'Esprit  de  Sagesse  et  de  révélation  par 
«  lequel  on  connaît  Dieu,  les  yeux  illuminés 
«  du  cœur  qui  découvrent  l'objet  de  notre 
«  espérance  et  les  richesses  du  glorieux  héri- 
«  taçe  que  Dieu  s'est  préparé  dans  ses 
«  saints  2.  » 


I.   Psalm.  cxviii.  —  2    Eph.  i,  17-18. 


LE  SAMEDI   DE  LA  PENTECOTE. 


T  tENI,  Sancte  Spiritus, 
V  reple  tuorum  corda 
fidelium.  et  tiii  amoris  in 
cis  ignem  accende. 


VENEZ,  Esprit-Saint  ;  rem- 
plissez les  cœurs  de  vos 
fidèles,  et  allumez  en  eux  le 
feu   de  votre  amour. 


lous  avons  admiré  avec  une  tendre 
reconnaissance  le  dévouement  inef- 
fable, la  constance  toute  divine, 
avec  lesquels  l'Esprit-Saint  accom- 
plit sa  mission  dans  les  âmes;  il  nous  reste 
encore  quelques  traits  à  ajouter,  pour  com- 
pléter, bien  imparfaitement  sans  doute,  l'idée 
des  merveilles  de  puissance  et  d'amour  qu'o- 
père cet  hôte  divin  dans  l'homme  qui  ne 
ferme  pas  son  cœur  à  ses  influences.  Mais 
avant  d'aller  plus  loin  nous  éprouvons  le 
besoin  de  rassurer  ceux  qui,  au  récit  des 
prodiges  de  bonté  que  fait  en  notre  faveur 
le  divin  Esprit,  et  du  mystère  sublime  de  sa 
présence  continue  au  milieu  de  nous,  en 
viendraient  à  craindre  que  celui  qui  est  des- 
cendu pour  nous  consoler  de  l'absence  de 
notre  Rédempteur  ne  prenne  place  dans  nos 
affections  aux  dépens  de  celui  qui  «  étant  de 
«  la  substance  divine,  et  pouvant  sans  usur- 
«  pation  se  donner  pour  l'égal  de  Dieu,  s'est 
«  anéanti  lui-même,  prenant  la  forme  de 
«  l'esclave  et  se  rendant  semblable  aux  hom- 
«  mes  1.  » 

I.  Philip.  Il,  6-7. 


Le  Samedi  de  la  Pentecôte  4j5 

La  faiblesse  de  rinstruciion  chrétienne 
chez  un  grand  nombre  de  hdèles  en  notre 
temps  est  cause  que  le  dogme  du  Saint-Esprit 
n'est  guère  connu  d'eux  que  d'une  manière 
vague,  et  qu'ils  ignorent  pour  ainsi  dire  son 
action  spéciale  dans  l'Eglise  et  dans  les  âmes. 
Ces  mêmes  fidèles  connaissent  et  honorent 
avec  la  plus  louable  dévotion  les  mystères 
de  l'Incarnation  et  de  la  Rédemption  du  Fils 
de  Dieu  notre  Seigneur;  mais  on  dirait  qu'ils 
attendent  l'éternité  pour  savoir  en  quoi  ils 
sont  redevables  au  Saint-Esprit. 

Nous  leur  dirons  donc  ici  que  la  mission 
de  ce  divin  Esprit  est  si  loin  de  faire  oublier 
ce  que  nous  devons  à  notre  Sauveur,  que  sa 
présence  au  milieu  de  nous  et  en  nous  est  le 
don  suprême  de  la  tendresse  de  celui  qui  a 
daigné  nous  racheter  sur  la  croix.  Le  souve- 
nir si  touchant  et  si  efficace  que  nous  entre- 
tenons de  ses  mystères,  par  qui  est-il  produit 
et  conservé  dans  nos  cœurs,  si  ce  n'est  par 
l'Esprit-Saint  ?  Et  le  but  de  toutes  ses  sollici- 
tudes dans  nos  âmes,  quel  est-il,  sinon  de 
former  en  nous  le  Christ,  l'homme  nouveau, 
afin  que  nous  puissions  lui  être  incorporés 
éternellement  en  qualité  de  ses  membres  ? 
L'amour  que  nous  portons  à  Jésus  est  donc 
inséparable  de  celui  que  nous  devons  à  l'Es- 
prit-Saint, de  même  que  le  culte  fervent  de 
ce  divin  Esprit  nous  unit  étroitement  au  Fils 
de  Dieu  dont  il  procède  et  qui  nous  l'a 
donné.  Nous  sommes  remués  et  attendris  à. 
la  penséedes  douleurs  de  Jésus,  et  il  en  doit 
être  aijisi;  mais  il  serait  indigne  de  rester 
insensible  aux  résistances,  aux  mépris  et  aux 
trahisons    auxquels    l'Esprit-Saint   demeure 


47^  L^  Temps  Pascal. 

exposé  dans  les  âmes  et  qu'il  y  recueille  sans 
cesse-  Nous  sommes  les  enfants  du  Père 
céleste  :  mais  puissions-nous  comprendre 
dès  ce  monde  que  nous  en  sommes  redeva- 
bles au  dévouement  des  deux  divines  per- 
sonnes c^ui  nous  auront  servi  aux  dépens  de 
leur  gloire  ! 

Après  cette  digression  qui  nous  a  semblé 
utile,  nous  continuons  à  décrire  respectueu- 
sement les  opérations  de  l'Esprit-Saint  dans 
l'âme  de  l'homme.  Ainsi  que  nous  venons  de 
le  dire,  le  but  de  ses  efforts  est  de  former  en 
nous  Jésus-Christ  par  l'imitation  de  ses  sen- 
timents et  de  ses  actes  Qui  mieux  que  ce 
divin  Esprit  connaît  les  dispositions  de  Jésus 
dont  il  a  produit  l'humanité  bienheureuse  au 
sein  de  Marie,  de  Jésus  qu'il  a  rempli  et  habité 
dans  une  plénitude  au-dessus  de  tout,  qu'il 
a  assisté  et  dirigé  en  tout  par  une  grâce  pro- 

Eortionnée  à  la  dignité  de  cette  nature 
umaine  personnellement  unie  à  la  divinité? 
Son  vœu  est  d'en  reproduire  la  fidèle  copie, 
autant  que  la  faiblesse  et  l'exiguïté  de  notre 
humble  personnalité,  lésée  déjà  par  la  chute 
originelle,  le  lui  pourra  permettre. 

Néanmoins  le  divin  Esprit  obtient  dans 
cette  œuvre  digne  d'un  Dieu  de  nobles  et 
glorieux  résultats.  Nous  l'avons  vu  disputant 
au  péché  et  à  Satan  l'héritage  racheté  du 
Fils  de  Dieu;  considérons-le  opérant  avec 
succès  dans  la  «  consommation  des  saints  », 
selon  la  magnifique  expression  de  l'Apôtre*. 
Il  les  prend  dans  l'état  de  déchéance  géné- 
rale,   il    leur  applique   d'abord    les   moyens 

I.  Eph.  IV,  12. 


Le  Samedi  de  la  Pentecôte.         4yj 

ordinaires  de  sanctification,  mais  résolu  à 
les  pousser  jusqu'à  la  limite  possible  pour 
eux  du  bien  et  de  la  vertu,  il  développe  son 
œuvre  avec  un  courage  divin,  La  nature  est 
devant  lui:  nature  tombée,  et  infectée  d'un 
virus  qui  donnerait  la  mort;  mais  nature  qui 
garde  encore  quelque  ressemblance  avec  son 
créateur,  dont  elle  a  retenu  divers  traits  dans 
sa  ruine,  L'Esprit  a  donc  à  détruire  la  nature 
souillée  et  malsaine,  en  même  temps  qu'à 
relever,  en  la  purifiant,  celle  qui  n'a  pas  été 
atteinte  mortellement  par  le  poison  II  faut, 
dans  cette  œuvre  si  délicate  et  si  laborieuse, 
qu'il  emploie  le  fer  et  le  feu,  comme  un 
habile  médecin,  et,  chose  admirable  !  qu'il 
emprunte  le  secours  du  malade  lui-même 
pour  appliquer  le  remède  qui  seul  peut  le 
guérir.  De  même  qu'il  ne  sauve  pas  le  pécheur 
sans  lui,  il  ne  sanctifie  pas  le  saint,  sans 
être  aidé  de  sa  coopération.  Mais  il  anime  et 
soutient  son  courage  par  les  mille  soins  de 
sa  grâce,  et  insensiblement  la  mauvaise 
nature  perdant  toujours  du  terrain  dans  cette 
âme,  ce  qui  était  demeuré  intact  va  se  trans- 
formant dans  le  Christ,  et  la  grâce  arrive  à 
régner  dans  l'homme  tout  entier. 

Les  vertus  ne  sont  plus  inertes  ou  faible- 
ment développées  dans  ce  chrétien  :  chaque 
jour  leur  voit  prendre  un  nouvel  essor.  L'Es- 
prit ne  souffre  pas  qu'une  seule  reste  en 
arrière;  sans  cesse  il  montre  à  son  disciple 
le  type  qui  est  Jésus,  en  qui  les  vertus  sont 
dans  leur  plénitude  comme  dans  leur  perfec- 
tion. Parfois  il  fait  sentir  à  l'âme  son  impuis- 
sance, afin  qu'elle  s'humilie;  il  la  laisse  ex- 
posée aux    répugnances   et   aux  tentations  ; 


4yS  Le  Temps  Pascal. 

mais  c'est  alors  qu'il  l'assiste  avec  plus  de 
sollicitude.  Il  faut  qu'elle  agisse,  comme  il 
faut  qu'elle  souffre  ,  mais  l'Esprit  l'aime  avec 
tendresse,  et  ménage  ses  forces  tout  en  l'exer- 
yant.  C'est  un  grand  œuvre  d'amener  un 
être  borné  et  déchu  à  reproduire  ce  qu'il  y 
a  de  plus  saint.  Dans  ce  labeur,  plus  d'une 
fois  le  courage  défaille,  et  un  faux  pas  est 
toujours  possible;  mais,  péché  ou  imperfec- 
tion, rien  ne  résiste;  l'amour  que  le  divin 
Esprit  entretient  avec  un  soin  particulier 
dans  ce  cœur  a  bientôt  consumé  ces  scories, 
et  la  tiamme  monte  toujours. 

La  vie  humaine  s'est  évanouie;  c'est  le 
Christ  qui  vit  en  cet  homme  nouveau,  de 
même  que  cet  homme  vit  dans  le  Christ  ^ 
La  prière  est  devenue  son  élément ,  car  c'est 
en  elle  qu'il  sent  le  lien  qui  l'unit  à  Jésus, 
et  que  ce  lien  se  resserre  de  plus  en  plus 
L'Esprit  ouvre  à  Vàx\:q  des  voies  nouvelles 
pour  lui  faire  trouver  son  souverain  bien 
dans  la  prière  II  en  a  disposé  les  degrés 
comme  une  échelle  divine  qui  monte  de  la 
terre  et  dont  le  sommet  se  perd  dans  les  cieux. 
Qui  pourrait  raconter  les  faveurs  de  la  divi- 
nité envers  celui  qui  s'étant  dégagé  de  l'estime 
et  de  l'amour  de  lui-même,  n'aspire  plus,  dans 
l'unité  et  la  simplicité  de  sa  vie,  qu'à  voir  et 
à  goûter  Dieu,  qu'à  se  perdre  en  lui  éternel- 
lement? La  divine  Trinité  tout  entière  s'inté- 
resse au  chef-d'œuvre  de  l'Esprit-Saint.  Le 
Père  céleste  fait  sentir  à  cette  âme  les  étrein- 
tes de  sa  tendresse  paternelle,  le  Fils  de 
Dieu    ne  contient  plus  les  élans   de  l'amour 

i.Gal.  II,  30. 


Le  Samedi  de  la  Pentecôte  4^ g 

qu'il  a  pour  elle,  et  l'Esprit  l'inonde  toujours 
davantage  de  ses  lumières  et  de  ses  conso- 
lations. 

La  cour  céleste  qui  demeure  attentive  à 
tout  ce  qui  intéresse  l'homme,  au  point  qu'elle 
tressaille  de  bonheur  à  la  vue  d'un  seul  pé- 
cheur qui  fait  pénitence  i,  a  vu  ce  beau 
spectacle,  elle  le  suit  avec  un  indicible 
amour,  et  rend  honneur  à  l'Esprit  divin  qui 
sait  opérer  de  tels  prodiges  au  sein  d'une 
nature  disgraciée.  Quelquefois  Marie,  dans 
sa  joie  maternelle,  rend  sa  présence  sensible 
à  ce  fils  nouveau  qui  lui  est  né;  les  Anges  se 
montrent  aux  regards  de  ce  frère  déjà  digne 
de  leur  société,  et  les  saints  de  la  race  hu- 
maine entretiennent  une  aimable  familiarité 
avec  celui  dont  ils  attendent  d'ici  à  peu  de 
temps  l'arrivée  au  séjour  de  la  gloire  Quoi 
d'étonnant  que  ce  nourrisson  de  l'Esprit  di- 
vin n'ait  souvent  qu'à  étendre  la  main  pour 
suspendre  les  lois  de  la  nature,  et  consoler 
ses  frères  d'ici-bas  dans  leurs  soutirances 
ou  leurs  besoins?  Ne  les  aime-t-il  pas  d'un 
amour  puisé  à  la  source  infinie  de  l'amour, 
d'un  amour  que  n'enchaînent  plus  l'égoïsme 
et  les  tristes  retours  sur  soi-même  auxquels 
est  sujet  celui  en  qui  Dieu  ne  règne  pas  r 

Mais  ne  perdons  pas  de  vue  le  point  cul- 
minant de  cette  vie  merveilleuse,  moins  rare 
aue  ne  le  pensent  les  hommes  profanes  ou 
istraits.  C'est  ici  qu'apparaît  la  puissance 
des  mérites  de  Jésus  et  son  amour  pour  sa 
créature,  en  même  temps  que  la  divine  éner- 
gie de   l'Esprït-Saint   Cette  âme  est  appelée 

I.  Luc.  XV,  7 


4^0  Le  Temps  Pascal. 

à  des  noces  sublimes,  et  ces  noces  ne  seront 
pas  réservées  pour  l'éternité  C'est  dans  le 
temps,  sous  l'horizon  étroit  de  ce  monde 
passager,  qu'elles  doivent  s'accomplir,  Jésus 
aspire  à  l'Epouse  qu'il  a  rachetée  de  son  sang, 
et  l'Epouse  n'est  plus  seulement  son  Eglise 
bicn-aimée.  C'est  aussi  cette  âme  qui  était 
encore  dans  le  néant  il  y  a  peu  d  années, 
cette  âme  que  les  hommes  ignorent,  mais 
dont  «  il  a  convoité  la  beauté  •.  »  Il  est  l'au- 
teur de  cette  beauté  qui  est  en  même  temps 
l'œuvre  de  l'Esprit;  il  n'aura  pas  de  repos 
qu'il  ne  se  la  soit  unie.  Alors  s'accomplit  par  le 
divin  Esprit  en  faveur  d'une  âme  individuelle 
ce  que  nous  l'avons  vu  opérer  pour  l'Eglise 
elle-même.  Il  la  prépare,  il  l'établit  dans 
l'unité,  il  la  consolide  dans  la  vérité,  il  la 
consomme  dans  la  sainteté  ;  alors  «  l'Esprit 
«  et  l'Epouse  disent  •  Venez  -.  » 

Il  faudrait  un  livre  entier  pour  décrire  l'ac- 
tion du  divin  Esprit  dans  les  Saints,  et  nous 
n'avons  pu  en  tracer  qu'une  insuffisante  et 
grossière  ébauche.  Toutefois  cet  essai  si  in- 
complet, outre  qu'il  était  nécessaire  pour 
achever  de  décrire,  si  en  abrégé  que  ce  soit, 
le  caractère  complet  de  la  mission  du  Saint- 
Esprit  sur  la  terre  d'après  l'enseignement  des 
divines  Ecritures  et  la  doctrine  die  la  théolo- 
gie dogmatique  et  mystic|ue,  pourra  servir  à 
diriger  le  lecteur  dans  l'étude  et  dans  l'intel- 
ligence de  la  vie  des  Saints.  Dans  le  cours 
de  cette  Année  liturgique,  où  les  noms  et 
les  œuvres  des  amis  àe  Dieu  sont  si  souvent 
rappelés  et  célébrés  par  l'Eglise  elle-même, 

l    Psalm.  XLiv.  —  2.  Apoc.  xxii,  17. 


Le  Samedi  de  la  Pentecôte.         481 

il  importait  de  proclamer  la  gloire  de  l'Esprit 
sanctificateur. 

Mais  nous  ne  saurions  laisser  s'achever 
cette  journée,  la  dernière  du  Temps  pascal  en 
même  temps  qu'elle  est  la  dernière  de  l'Oc- 
tave de  la  Pentecôte,  sans  offrir  à  la  Reine 
de  tous  les  Saints  l'hommage  qui  lui  est  dû, 
et  sans  rendre  gloire  au  divin  Esprit  pour 
toutes  les  grandes  choses  qu'il  a  opérées  en 
elle  Après'l'humanité  de  notre  Rédempteur 
ornée  par  lui  de  tous  les  dons  qui  pouvaient 
la  rapprocher,  autant  qu'il  était  possible  à 
une  créature,  de  la  nature  divine  à  laquelle 
la  divine  incarnation  l'avait  unie,  l'âme,  la 
personne  entière  de  Marie  ont  été  favorisées 
dans  l'ordre  de  la  grâce  au-dessus  de  toutes 
les  autres  créatures  ensemble.  Il  n'en  pou- 
vait être  autrement,  et  on  le  concevra  pour 
peu  que  l'on  essaye  de  sonder  par  la  pensée 
l'abîme  de  grandeurs  et  de  sainteté  que  repré- 
sente la  Mère  d'un  Dieu.  Marie  forme  à  elle 
seule  un  monde  à  part  dans  l'ordre  de  la 
grâce  ;  à  elle  seule,  un  moment,  elle  a  été 
l'Eglise  de  Jésus.  Pour  elle  seule  d'abord  l'Es- 
prit a  été  envoyé,  et  il  l'a  remplie  de  la  grâce 
dès  l'instant  même  de  sa  conception  imma- 
culée. Cette  grâce  s'est  développée  en  elle 
par  l'action  continue  de  l'Esprit  jusqu'à  la 
rendre  digne,  autant  qu'une  créature  pouvait 
l'être,  de  concevoir  et  d'enfanter  le  propre 
Fils  de  Dieu  qui  est  devenu  aussi  le  sien.  En 
ces  jours  de  la  Pentecôte,  nous  avons 
vu  le  divin  Esprit  l'enrichir  encore  de  nou- 
veaux dons,  la  préparer  pour  une  mission 
nouvelle  ;  à  la  vue  de  tant  de  merveilles,  notre 
cœur  filial  ne  peut  retenir  l'élan   de  son  ad- 


LE   TEMPS    PASCAL. 


4S2  Le  Temys  Pascal. 

miration,  ni  celui  de  sa  reconnaissance  en- 
vers l'auguste  Paraclet  qui  a  daigné  agir  avec 
tant  de  muniticence  à  1  "égard  de  la  Mère  des 
hommes. 

Mais  aussi  nous  ne  pouvons  nous  empêcher 
de  célébrer,  dans  un  enthousiasme  légitime, 
la  complète  fidélité  de  la  bien-aimée  de  l'Es- 
prit à  toutes  les  grâces  qu'il  a  répandues  en 
elle.  Pas  une  n'a  été  perdue,  pas  une  n'est 
retournée  à  lui  sans  etfct,  comme  il  arrive 
quelquefois  pour  les  âmes  les  plus  saintes. 
À  son  début,  elle  a  été  «  semblable  à  l'aurore 
u  qui  se  lève  1,  »  et  l'astre  de  sa  sainteté  n'a 
cessé  de  monter  vers  ce  midi  qui  pour  elle 
ne  devait  pas  avoir  de  couchant.  L'Archange 
n'était  pas  encore  venu  vers  elle  pour  lui 
annoncer  qu'elle  allait  concevoir  dans  son 
chaste  sein  le  Fils  du  Tout-Puissant,  et  déjà, 
comme  nous  l'enseignent  les  Pères,  elle  avait 
conçu  dans  son  âme  ce  Verbe  éternel.  Il  la 
possédait  comme  son  épouse,  avant  de  l'ap- 
peler à  l'honneur  d'être  sa  mère.  Si  Jésus  a 
Eu  dire  en  parlant  d'une  âme  qui  avait  eu 
esoin  de  la  régénération  :  «  Celui  qui  me 
«  cherche  me  trouvera  dans  le  cœur  de  Ger- 
«  trude,  »  quelle  a  dû  être  l'identification 
des  sentiments  de  Marie  avec  ceux  du  Fils 
de  Dieu,  et  combien  est  étroite  son  union 
avec  lui  !  De  cruelles  épreuves  l'attendaient 
en  ce  monde  .  elle  a  été  plus  forte  que  la 
tribulation;  et  lorsque  le  moment  est  arrivé 
où  elle  devait  se  sacrifier  dans  un  même 
holocauste  avec  son  fils,  elle  s'est  trou- 
vée   prête.    Après    l'Ascension  de    Jésus,  le 


Le  Samedi  de  la  Pentecôte  488 

Consolateur  est  descendu  sur  elle;  il  a 
ouvert  devant  elle  une  nouvelle  carrière; 
pour  la  parcourir  il  fallait  que  Marie  acceptât 
un  long  exil  de  la  patrie  où  régnait  déjà  le  fruit 
de  ses  entrailles:  elle  n'a  pas  hésité,  elle  s'est 
montrée  la  servante  du  Seigneur,  ne  désirant 
autre  chose  qu'accomplir  en  tout  sa  volonté. 
Le  triomphe  de  l'Esprit-Saint  en  Marie  a 
donc  été  complet  ;  si  magnifiques  qu'aient  été 
ses  avances,  elle  a  répondu  à  toutes.  La  qua- 
lité sublime  de  Mère  de  Dieu  à  laquelle  elle 
était  destinée  appelait  sur  elle  des  grâces 
immenses;  elle  les  a  reçues  et  elles  ont  fruc- 
tifié en  elle.  Dans  l'œuvre  de  la  «  consomma- 
tion des  saints  et  de  la  construction  du  corps 
de  Jésus-Christ  i,  «  le  divin  Esprit  a  ménagé 
à  Marie,  en  retour  de  sa  fidélité  et  à  cause 
de  sa  dignité  incomparable,  la  noble  place 
qui  lui  convenait.  Nous  savons  que  son  divin 
Fils  est  la  tête  du  corps  immense  des  élus, 
qui  se  réunissent  au-dessous  de  lui  avec  une 
harmonie  parfaite.  Dans  cet  ensemble  pré- 
destiné, notre  auguste  Reine,  selon  la  tnéo- 
logie  mariale,  représente  le  cou  qui  est  étroi- 
tement lié  à  la  tête,  et  par  lequel  la  tète  com- 
munique à  tout  le  reste  du  corps  le  mouve- 
ment et  la  vie.  Elle  n'est  pas  agent  principal, 
mais  c'est  par  elle  que  cet  agent'influe  sur  cha- 
cun des  membres.  Son  union,  comme  il  était 
juste,  est  immédiate  avec  la  tête,  parce  que 
nulle  créature,  si  ce  n'est  elle,  n'a  eu  et  ne 
pourrait  avoir  une  telle  relation  avec  le  Verbe 
incarné  ;  mais  tout  ce  qui  descend  sur  nous  de 
grâces  et  de  faveurs,  tout  ce  qui  nous  illumine 

I.  Eph.  IV,  12. 


484  Le  Temps  Pascal 

et  nous  vivifie,  nous  vient  par  elle  de  son  Fils. 
.  De  là  résulte  l'action  générale  de  Marie  sur 
l'Eglise,  et  son  action  particulière  sur  chaque 
fidèle.  Elle  nous  unit  tous  à  son  Filsqui  nous 
unit  tous  à  la  divinité.  Le  Père  nous  a  donné 
son  Fils,  le  Fils  s'est  choisi  une  Mère  parmi 
nous,  et  l'Esprit-Saint,  en  rendant  féconde 
cette  Mère  virginale,  a  consommé  la  réunion 
de  l'homme  et  de  toute  création  avec  Dieu. 
Cette  réunion  est  le  dernier  terme  que  Dieu 
s'est  proposé  dans  la  création  des  êtres;  et 
maintenant  que  le  Fils  est  glorifié  et  que 
l'Esprit  est  venu,  nous  connaissons  toute  la 
pensée  divine.  Plus  favorisés  (que  toutes  les 
générations  qui  se  sont  succédé  avant  le  jour 
de  la  Pentecôte,  nous  avons,  non  plus  en  pro- 
messe mais  en  réalité,  un  Frère  que  couronne 
le  diadème  de  la  divinité,  un  Consolateur  qui 
demeure  avec  nous  jusqu'à  la  fin  des  temps 
pour  éclairer  notre  voie  et  nous  y  soutenir, 
une  Mère  dont  l'intercession  est  toute-puis- 
sante, une  Eglise,  Mère  aussi,  par  laquelle 
nous  entrons'en  partage  de  tous  ces  biens. 

La  Station,  à  Rome,  est  aujourd'hui  dans  la 
Basilique  de  Saint-Pierre.  C'est  dans  cet  au- 
guste sanctuaire  que  les  néophytes  de  la  Pen- 
tecôte paraissaient  pour  la  dernière  fois  cou- 
verts de  leurs  robes  blanches,  et  qu'ils  étaient 
présentés  au  Pontife  comme  les  derniers 
agneaux  de  la  Pàque  qui  expire  en  ce  jour, 
"Présentement  la  journée  est  encore  célèbre 
par  la  solennité  de  l'Ordination.  Le  jeûne  et 
la  prière  que  la  sainte  Eglise  a  imposés  du- 
rant trois  jours  à  ses  enfants,  ont  dû  rendre 
le  ciel  favorable,  et  nous  devons  espérer  que 


Le  Samedi  de  la  Pentecôte 


485 


l'Esprit-Saint  qui  va  imprimer  sur  les  nou- 
veaux prêtres  et  sur  les  nouveaux  ministres 
le  sceau  immortel  du  Sacrement,  daignera 
agir  dans  toute  la  plénitude  de  sa  bonté 
comme  de  son  pouvoir  ;  car  il  ne  s'agit  pas 
seulement  en  ce  jour  de  l'initiation  de  ceux 
qui  vont  recevoir  un  si  sublime  caractère, 
mais  encore  du  salut  de  tant  d'âmes  qui 
seront  confiées  à  leurs  soins. 


A  LA  louange  du  divin  Esprit,  nous  emprun- 
^  tons  à  la  Liturgie  arménienne  ces  der- 
nières strophes  dont  elle  use  en  ce  jour  où  se 
conclut  la  solennité  de  la  Pentecôte. 


CANON    SÉPTIM.E    DIEI. 


TOI  qui,  assis  sur  les  ailes 
agiles  des  Séraphins  qui 
dans  leur  vol  spirituel  lan- 
cent l'éclair  de  leurs  feux, 
prends  soin  de  toute  créa- 
ture dans  ta  providence  :  Es- 
prit-Saint, tout  ce  que  tu  as 
créé  te  bénit. 

Toi  qui  es  éternellement 
célébré  avec  le  Père  et  le  Fils 
dans  un  concert  sublime 
d'une  harmonie  merveilleuse, 
et  qui  daignes  abaisser  ton 
regard  sur  les  créatures  :  Es- 
prit-Saint, tout  ce  que  tu  as 
créé  te  bénit. 

Aujourd'hui,  par  la  bonté 
divine,  tu  fais  retentir  le  Cé- 
nacle du  bruit  de  la  tempête, 
tu  enivres  les  Apôtres  de  tes 
feux,  et  tu   te  distribues   aux 


QUI  in  pennis  agilibus 
immaterialium  vo- 
lantium  ac  ignem  vibran- 
tium  Seraphim  supcrse- 
dens,  in  providentia  cu- 
ram  geris  creaturarum, 
Spiritus  tu  Sancte,  be- 
nedictus  es  a  creaturis 
tuis. 

Qui  praeclarissima  ac 
miroplena  voce  cum  Pâ- 
tre et  Filio  semper  glori- 
ficaris,  ac  bénigne  res- 
picis  ad  creaturas  ,  Spi- 
ritus tu  Sancte,  benedic- 
tus  es  a  creaturis  tuis. 

Hodie  divina  Provi- 
dentia in  cœnaculo  per- 
sonans  ventoso  sonore, 
atque  Apostolos  ine- 
brians  distributus  es  in 


486 


Le  Temps  Pascal. 


creaturis  ;  Spiritus  tu 
Sancte,  benedictus  es  a 
creaturis  tuis. 


créatures  :  Esprit-Saint,  tout 
ce  que  tu  as  créé  te  bénit. 


Le  répertoire  des  Séquences  d'Adam  de 
Saint-Victor  nous  fournira  cette  dernière  qui 
est  aussi  d'une  grande  beauté,  et  par  laquelle 
nous  terminerons  la  série  des  hommages  de  la 
sainte  Liturgie  à  l'Esprit  du  Père  et  du  Fils. 


SEQUENCE. 


VENI,  summe  Consola- 
tor, 
Spes     salutis,     vitae 

dator, 
Adsit  tua  gratia  ! 
Dulcis  ardor,  ros  divine, 
Bonitatis  germine 
Eadem  substantia. 

Ab  utroque  derivatus. 
Et  a  neutre  separatus. 
Ad  utrumque  colligatus 

Sempiterno  fœdere  ; 
Ros    et  vapor  utriusque, 
Donet  Pater  Filiusque 
Quod  effluas  ad  nos  us- 

que 

Largifluo  munere. 

Rorem  audis   et  vapo- 
rcm, 
Crede  simul  et  odorem 
Quo  Deus  discerni- 
tur. 
Rorem  istum  quem  emit- 

tit 
Qui  plus  gustat,    magis 
sitit, 

Nec  ardor  reprimi- 
tur. 


VIENS,  ô  Consolateur  su- 
prême, espoir  du  salut, 
auteur  de  la  vie;  viens  avec 
ta  grâce  !  Douce  ardeur,  ro- 
sée divine,  en  l'unique  et  di- 
vine substance  tu  es  le  prin- 
cipe de  bonté. 


Procédant  du  Père  et  du 
Fils,  jamais  séparé  d'eux, 
rattaché  à  l'un  et  à  l'autre 
par  un  lien  éternel,  ardeur 
et  rosée  au  sein  de  la  divi- 
nité, daignent  le  Père  et  le 
Fils  te  répandre  sur  nous 
dans  l'abondance  de  tes  dons. 


Ardeur  et  rosée,  parfum 
aussi  qui  révèle  un  Dieu  -, 
cette  rosée  que  répand  l'Es- 
prit, plus  on  la  goûte,  plus 
on  en  est  altéré  ;  l'ardeur  de 
ses  feux  ne  faillit  jamais. 


Le  Samedi  de  la  Pentecôte 


48j 


Au  commencement  de 
toutes  choses  il  était  porté 
sur  les  eaux  ;  c'est  lui  qui 
maintenant  consacre  l'eau  de 
laquelle  sort  le  peuple  saint. 
Il  est  la  fontaine  d'où  émane 
la  piété,  la  fontaine  qui  pu- 
rifie du  péché,  la  fontaine 
jaillissante  du  sein  de  la  di- 
vinité, la  fontaine  qui  rend 
sacrées    toutes  les  fontaines. 


Feu  ardent,  onde  vive, 
purifie  nos  cœurs  et  rends-les 
féconds  ,  apporte-nous  la 
grâce  ;  visite-nous  par  la 
flamme  de  charité,  daigne 
faire  de  nous  une  hostie  de 
sainteté  à  ta  gloire. 

Souffle  sacré  du  Père  et  du 
Fils,  remède  de  tout  péché, 
sois  notre  soulagement  dans 
la  fatigue,  notre  consolation 
dans  la  tristesse.  Amour  ar- 
dent, amour  chaste,  guéris 
par  ton  onction  puissante 
ceux  que  brûle  une  ardeur 
coupable. 


Voix  qui  s'énonce  sans 
bruit,  voix  mystérieuse  qu'en- 
tend l'oreille  du  cœur,voix  qui 
descend  à  l'àme  fidèle;  douce 
voix,  voix  tant  aimée,  reten- 
tis dans  nos  âmes  I  Lumière 
qui  dissipes  l'erreur,  lumière 
qui  donnes  la  vérité,  apporte 
à  nous  tous  vie  et  santé,  et 


Plebs  ut  sacra  renasca- 

tur. 
Fer  hune  unda  consecra- 

tur, 
Cui  super  ferebatur 

In  rerum  exordium  , 
Fons,  origo  pietatis, 
Fons  emundans  a  pecca- 

tis, 
Fons  de  fonte  deitatis, 

Fons    sacrator  fon- 
tium  I 

Ignis  vive,  vivax  unda, 

Munda  sinus  et  fecunda, 

Subministra       gra- 

tiam  ; 

Caritatls  tactos   igné, 

Nosmet  tibi  fac   bénigne 

Sanctitatis  hostiam. 

Patris,  Nati  pium  Fla- 

men, 
Vitiorum   medicamen, 
Fessis   esto  sublevamen, 

Mcestis     consolatio. 
Castus  amor    et    hones- 

tus, 
jEstus  ardens,    sed   mo- 

destus, 
Urit  ardor  quos  incestus 

Tua  sanet  unctio. 

Vox    non    sono   desi- 
gnata, 
Vox  subtilis,  vox  privata, 
Vox  beatis  inspirata, 
O    vox     dulcis,     o    vox 
grata, 

Sona  nostris  menti- 
bus  ! 
Lux  depellens  falsitatem, 


4SS         Le  Samedi  de  la  Pentecôte. 


Lux  inducens  vcritatem, 
Vitam   atque     sanitatem 
Et    jeternam     clarltatem 
Nobis  confcr   omni- 
bus. 
Amen. 


mets-nous    en  possession   de 
l'éternelle   splendeur. 
Amen. 


LE   DON   DE    S.\GESSE. 

LA  seconde  faveur  qu'a  destinée  le  divin 
Esprit  à  l'âme  qui  lui  est  fidèle  dans  l'ac- 
tion, est  le  don  de  Sagesse,  supérieur  encore 
à  celui  de  l'Intelligence.  Il  est  lié  cependant  à 
ce  dernier,  en  ce  sens  que  l'objet  montré 
dans  l'Intelligence  est  goûté,  et  possédé  dans 
le  don  de  Sagesse.  Le  Psalmiste,  invitant 
l'homme  à  s'approcher  de  Dieu,  lui  recom- 
mande la  saveur  du  souverain  bien  •  <r  Goû- 
«  tez,  dit-il,  et  expérimentez  que  le  Seigneur 
«  est  rempli  de  douceur  i.»La  sainte  Eglise, 
au  jour  même  de  la  Pentecôte,  demande  à 
Dieu  pour  nous  la  faveur  de  goûter  le  bien, 
recta  sapere,  parce  que  l'union  de  l'âme  avec 
Dieu  est  plutôt  l'expérimentation  par  le  goût 
gu'une  vue  qui  serait  incompatible  avec  notre 
état  présent.  La  lumière  donnée  par  le  don 
d'Intelligence  n'est  pas  immédiate,  elle  réjouit 
vivement  l'âme,  et  dirige  son  sens  vers  la  vé- 
rité; mais  elle  tend  à"  se  compléter  par  le 
don  de  Sagesse  qui  est  comme  sa  fin. 

L'Intelligence  est  donc  illumination,  et  la 
Sagesse  es^t  union.  Or,  l'union  avec  le  souve- 
rain   bien  s'accomplit  par  la    volonté,   c'est- 


!.  Psalm  XXXIII,  9. 


Le  Don  de  Sagesse.  48g 

à-dire  par  l'amour  qui  réside  dans  la  volonté. 
Nous  remarquons  cette  progression  dans  les 
hiérarchies  angéliques.  Le  Chérubin  étincelle 
d'intelligence,  mais  au-dessus  de  lui  encore 
est  le  Séraphin  embrasé.  L'amour  est  ardent 
chez  le  Chérubin,  de  même  que  l'intelligence 
éclaire  de  sa  vive  lumière  le  Séraphin  ;"mais 
l'un  est  différencié  de  l'autre  par  la  qualité 
prédominante,  et  le  plus  élevé  est  celui  qui 
atteint  le  plus  intimement  la  divinité  par 
l'amour,  celui  qui  goûte  le  souverain  bien. 

Le  septième  don  est  décoré  du  beau  nom 
de  Sagesse,  et  ce  nom  lui  vient  de  l'éternelle 
Sagesse  à  laquelle  il  tend  à  s'assimiler  par 
l'ardeur  de  l'atîection.  Cette  Sagesse  incréée, 
qui  daigne  se  laisser goûterparl'homme  dans 
cette  vallée  de  larmes,  est  le  Verbe  divin, 
celui-là  même  que  l'Apôtre  appelle  a  la  splen- 
«  deur  de  la  gloire  du  Père  et  la  forme  de  sa  sub- 
«  stance  1.  «C'est  lui  q|ui  nous  a  envoyé  l'Es- 
prit pour  nous  sanctifier  et  nous  ramener  à 
lui,  en  sorte  que  l'opération  la  plus  élevée 
de  ce  divin  Esprit  est  de  procurer  notre  union 
avec  celui  qui,  étant  Dieu,  s'est  fait  chair  et 
s'est  rendu  pour  nous  obéissant  jusqu'à  la 
mort  et  à  la  mort  de  la  croix  2,  Par  les  rnys- 
tères  accomplis  dans  son  humanité,  Jésus 
nous  a  fait  pénétrer  jusqu'à  sa  divinité  ;  par 
la  foi  éclairée  de  l'Intelligence  surnaturelle, 
«  nous  voyons  sa  gloire  qui  est  celle  du  Fils 
«  unicque  "^du  Père,  plein  de  grâce  et  de 
a  vérité  3  B  ;  et  de  même  qu'il  s'est  fait  parti- 
cipant de  notre  humble  nature  humaine,  il 
se  donne  dès  ce  monde  à  goûter,  lui  Sagesse 

I.  Heb.  ;,  3,  —  2.  Philip.  11,  8.-3.  Johan.   r,    14. 


4go         Le  Samedi  de  la  Pentecôte. 

incréée,  à  cette  Sagesse  créée  que  l'Esprit- 
Saint  forme  en  nous  comme  le  plus  sublime 
de  ses  dons. 

Heureux  donc  celui  en  qui  règne  cette  pré- 
cieuse Sagesse  qui  révèle  à  l'âme  la  saveur 
de  Dieu  et  de  ce  qui  est  de  Dieu  !  «  L'homme 
«  animal,  nous  dit  l'Apôtre,  est  privé  de  ce 
«  goût  qui  perçoit  ce  qui  vient  de  l'Esprit  de 
((  Dieu  1  :  »  pour  )ouir  de  ce  don,  il  lui  fau- 
drait devenir  spirituel,  se  prêter  docilement 
au  désir  de  l'Esprit,  et  il  arriverait  comme 
d'autres  qui  après  avoir  été  ainsi  que  lui  es- 
claves de  la  vie  charnelle,  en  ont  été  affran- 
chis par  la  docilité  à  l'égard  de  l'Esprit  divin 
qui  les  a  cherchés  et  qui  les  a  retrouvés 
L'homme  moins  grossier,  mais  livré  à  l'es- 
prit du  monde,  est  également  impuissant  à 
comprendre  ce  qui  fait  l'objet  du  don  de 
Sagesseet  ce  que  révèle  le  dondlntelligence 
II  juge  ceux  qui  ont  reçu  ces  dons,  et  il  les 
blâme  ;  heureux  s'il  ne  les  traverse  pas,  s'il 
ne  les  poursuit  pas!  Jésus  nous  le  dit  expres- 
sément :  «  Le  monde  ne  peut  recevoir  l'Es- 
«  prit  de  Vérité,  parce  qu'il  ne  le  voit  pas  et 
«  ne  le  connaît  pas  '-.  »  Que  ceux-là  donc  qui 
ont  le  bonheur  de  désirer  le  bien  suprême, 
sachent  qu'il  leur  faut  être  entièrement  déga- 
gés de  l'esprit  profane  qui  est  l'ennemi  per- 
sonnel de  l'Esprit  de  Dieu  Affranchis  de  sa 
chaîne,  ils  pourront  s'élever  jusqu'à  la  Sa- 
gesse. 

Le  propre  de  ce  don  est  de  procurer  une 
grande  vigueur  à  l'âme  et  de  fortifier  ses 
puissances.  Toute  la  vie  en  est  comme  assai- 

I.  I  Cor,  II,  14.  —  2.  JoHAN.  XIV,  17; 


Le  Don  de  Sagesse.  4g  i 

nie,  ainsi  qu'il  arrive  à  ceux  qui  font  usage 
d'aliments  qui  leur  conviennent  II  n'y  a  plus 
de  contradiction  entre  Dieu  et  l'àme,  et  c'est 
pour  cette  raison  que  l'union  est  rendue 
facile.  «  Où  est  l'Esprit  du  Seigneur,  là  est  la 
«  liberté,  »  dit  l'Apôtre  1.  Tout  devient  aisé 
pour  l'âme,  sous  l'action  de  l'Esprit  de  Sa- 
gesse. Les  choses  dures  à  la  nature,  loin 
d'étonner,  semblent  douces,  et  le  cœur  ne 
s'effraye  plus  autant  de  la  souffrance.  Non 
seulement  on  peut  dire  que  Dieu  n'est  pas 
loin  d'une  âme  que  l'Esprit-Saint  a  mise  dans 
cette  disposition;  il  est  visible  qu'elle  lui  est 
unie.  Qu'elle  veille  cependant  sur  l'humilité  ; 
car  l'orgueil  peut  encore  monter  jusqu'à  elle, 
et  sa  chute  serait  d'autant  plus  profonde  que 
son  élévation  est  plus  grande. 

Insistons  auprès  du  divin  Esprit,  et  prions- 
le  de  ne  pas  nous  refuser  cette  précieuse 
Sagesse  qui  nous  conduira  à  Jésus,  la  Sagesse 
infinie.  Un  sage  de  l'ancienne  loiaspirait  déjà 
à  cette  faveur  ,  quand  il  écrivait  ces  paroles 
dont  le  chrétien  seul  a  l'intelligence  parfaite: 
a  J'ai  désiré,  disait-il,  et  l'Intelligence  m'a 
«  été  donnée  ;  j'ai  prié,  et  l'Esprit  de  Sagesse 
«  est  venu  en  moi  2.  »  H  faut  donc  demander 
ce  don  avec  instance.  Dans  la  nouvelle 
Alliance,  l'Apôtre  saint  Jacques  nous  y  invite 
par  ses  exhortations  les  plus  pressantes  «  Si 
«  quelqu'un  de  vous,  dit-il,  veut  avoir  la 
«  Sagesse,  qu'il  la  demande  à  Dieu  qui  donne 
«  à  tous  avec  tant  de  largesse  et  qui  ne  re- 
«(  proche  pas  ses  dons  ;  qu'il  demande  avec 
«  foi,    et   qu'il   n'hésite    pas  3.  »  Nous  osons 

I.  II  Cor.  ni,  17.  —  2.  Sap.  vu,  7—3.  Jac.  i,  5. 


49-  ^^  Temps  Pascal. 

prendre  pour  nous  cette  invitation  de  l'Apotre, 
ô  divin  Ksprit,  et  nous  vous  disons:  O  vous 
qui  procédez  de  la  Puissance  et  de  la  Sagesse, 
donnez-nous  la  Sagesse.  Celui  qui  est  la  Sa- 
gesse vous  a  envoyé  vers  nous  pour  nous 
réunir  à  lui.  Enlevez-nous  à  nous-mêmes,  et 
unissez-nous  à  celui  qui  s'est  uni  à  notre 
faible  nature.  Moyen  sacré  de  l'unité,  soyez 
le  lien  qui  nous  unira  pour  jamais  à  Jésus,  et 
celui  qui  est  la  Puissance  et  le  Père  nous 
adoptera  «  pour  ses  héritiers  et  pour  les  co- 
«  héritiers  de  son  Fils  i.  » 


LA  série  successive  des  Mystères  est  com- 
plète désormais,  et  le  Cycle  mobile  de  la 
sainte  Liturgie  est  arrivé  à  son  terme.  Nous 
traversâmes  d'abord,  au  Temps  de  l'Avent, 
les  quatre  semaines  qui  représentaient  les 
quatre  millénaires  employés  par  le  genre 
humain  à  implorer  du  Père  l'envoi  de  son 
Fils.  Enfin  l'Emmanuel  descendit;  nous  nous 
associâmes  tour  à  tour  aux  joies  de  sa  nais- 
sance, aux  douleurs  de  sa  Passion,  à  la  gloire 
de  sa  Résurrection,  au  triomphe  de  son  As- 
cension. Enfin,  nous  avons  vu  descendre  sur 
nous  l'Esprit  divin,  et  nous  savons  qu'il  reste 
avec  nous  jusqu'à  la  fin.  La  sainte  Eglise 
nous  a  assistés  dans  tout  le  cours  de  cet 
immense  drame  qui  contient  notre  salut  Ses 
divins  cantiques  et  ses  augustes  cérémonies 
nous  ont  chaque  )our  éclairés,  et  ainsi  nous 
avons   pu   tout   suivre    et  tout  comprendre. 

I.  Rom.  viii,  17. 


Le  Samedi  de  la  Pentecôte  4g 3 

Bénie  soit  cette  Mère  par  les  soins  de  laquelle 
nous  avons  été  initiés  à  tant  de  merveilles 
qui  ont  ouvert  nos  esprits  et  réchauffé  nos 
cœurs  !  Bénie  soit  la  Liturgie  sacrée,  source 
de  tant  de  consolations  et  d'encouragements  ! 
Maintenant  il  nous  reste  à  achever  le  par- 
cours du  Cycle  dans  sa  partie  immobile  De 
sublimes  épisodes  nous  y  attendent  Prépa- 
rons-nous donc  à  reprendre  notre  marche, 
comptant  sur  l'Esprit-Saint  qui  dirigera  nos 
pas,  et  continuera  de  nous  ouvrir,  par  la 
sainte  Liturgie  dont  il  est  l'inspirateur,  les 
trésors  de  la  doctrine  et  de  l'exemple. 


PROPRE  DES  SAINTS 


LE    XX    MAI. 

SAINT    BERNARDIN    DE    SIENNE, 

CONFESSEUR. 


ANS  une  autre  saison  de  l'année 
liturgique,  lorsque  nous  appor- 
tions"^ nos  hommages  et  nos 
vœux  au  berceau  de  l'Enfant  di- 
vin, une  de  nos  journées  fut 
consacrée  à  célébrer  la  gloire 
et  à  goûter  la  douceur  de  son  nom.  La  sainte 
Eglise  tressaillait  de  bonheur  en  prononçant 
ce  nom  chéri  que  son  céleste  Epoux  a  choisi 
de  toute  éternité,  et  le  genre  humain  respi- 
rait à  l'aise,  en  songeant  que  le  grand  Dieu 
qui  pourrait  s'appeler  le  Juste  et  le  Vengeur, 
consentait  à  se  nommer  désormais  le  Sau- 
veur. Le  pieux  Bernardin  de  Sienne,  que 
nous  fêlons  aujourd'hui,  nous  apparut  alors 


4g  6  Le  Temps  Pascal 

portant  dans  ses  mains  et  élevant  aux  regards 
des  hommes  ce  nom  béni  entouré  de  rayons. 
Il  invitait  toute  la  terre  à  vénérer  avec 
amour  et  contiance  cette  appellation  sacrée 
sous  laquelle  se  révèle  divinement  toute  l'é- 
conomie de  notre  salut.  L'Eglise  attentive 
acceptait  ce  signe  sacré ,  elle  encourageait 
ses  fidèles  à  recevoir  des  mains  de  l'homme 
de  Dieu  un  bouclier  si  puissant  contre  les 
traits  de  l'esprit  des  ténèbres,  à  goûter  sur- 
tout un  nom  qui  nous  apprend  jusqu'à  quel 
excès  Dieu  a  aimé  le  monde  ,  et  lorsque  le 
saint  nom  de  Jésus  eut  enfin  conquis  par  son 
adorable  beauté  tous  les  cœurs  chrétiens,  elle 
lui  consacra  une  des  plus  touchantes  solen- 
nités du  Temps  de  Noël 

Aujourd'hui  le  noble  enfant  de  saint  Fran- 
çois a  reparu,  et  ses  mains  tiennent  toujours 
la  glorieuse  effigie  du  nom  sacré.  Mais  ce 
n'est  plus  l'appellation  prophétique  de  l'En- 
fant nouveau-né,  le  doux  nom  que  la  Vierge- 
mère  murmurait  avec  tendresse  et  respect, 
penchée  sur  son  berceau  ;  c'est  un  nom  qui 
retentit  plus  fort  que  tous  les  tonnerres,  c'est 
le  trophée  de  la  plus  éclatante  des  victoires, 
c'est  la  prophétie  accomplie  en  son  entier  Le 
nom  de  Jésus  promettait  au  genre  humain 
un  Sauveur  ;  Jésus  a  sauvé  le  genre  humain 
en  mourant  et  en  ressuscitant  pour  lui;  il 
est  maintenant  Jésus  dans  toute  la  plénitude 
de  son  nom.  Parcourez  la  terre,  et  dites-nous 
en  quel  lieu  ce  nom  n'est  pas  connu  ;  dites- 
nous  quel  autre  nom  a  jamais  réuni  les 
hommes  en  une  seule  famille. 

Les  princes  de  la  Synagogue  ont  voulu 
arrêter  l'essor  de  ce  nom  victorieux,  l'étouf- 


s.  Bernardin  de  Sienne,  Confesseur.    4g  j 

fer  dans  Jérusalem  ;  ils  ont  dit  aux  Apôtres  : 
«  Nous  vous  défendons  d'enseigner  en  ce 
«  nom  1  »  ;  et  c'est  pour  leur  repondre  que 
Pierre  a  prononcé  cette  forte  sentence  qui 
résume  toute  l'énergie  de  la  sainte  Eglise  : 
«  Mieux  vaut  obéir  à  Dieu  qu'aux  hommes.  » 
Autant  eût  valu  essayer  d'arrêter  le  soleil 
dans  son  cours  ;  et  lorsque  bientôt  la  puis- 
sance romaine  s'est  mise  en  devoir  de  mettre 
obstacle  par  ses  édits  à  la  marche  triom- 
phante de  ce  nom  devant  lequel  tout  genou 
doit  fléchir,  elle  s'est  vue  réduite  à  l'impuis- 
sance. Au  bout  de  trois  siècles  le  nom  de 
Jésus  planait  sur  le  monde  romain  tout 
entier. 

Armé  de  ce  signe  sacré,  Bernardin  par- 
courut au  xv"  siècle  les  villes  de  l'Italie  ar- 
mées les  unes  contre  les  autres,  et  souvent 
même  divisées  jusque  dans  leur  propre  sein. 
Le  nom  de  Jésus  entre  ses  mains  devenait 
l'arc-en-ciel  delà  paix;  tout  genou  fléchissait, 
tout  cœur  ulcéré  et  vindicatif  s'apaisait,  tout 
pécheur  courait  aux  sources  du  pardon,  dans 
tous  les  lieux  où  Bernardin  avait  arboré  ce 
puissant  symbole.  Les  trois  lettres  qui  repré- 
sentent ce  nomà  jamais  béni  devenaient  fami- 
lières à  tous  les  fidèles;  on  les  sculptait,  on 
les  gravait,  on  les  peignait  partout  ;  et  la 
catholicité  acquérait  pour  jamais  une  expres- 
sion nouvelle  de  sa  religion  et  de  son  amour 
envers  le  Sauveur  des  hommes. 

Prédicateur  inspiré,  Bernardin  a  laissé  de 
nombreux  écrits  qui  révèlent  en  lui  un  doc- 
teur  de    premier  ordre  dans   la   science  de 

I.  Act.  V,  28. 


LE    TEMPS    PASCAL.    —    T.    HI. 


4g  ^  Le  Temps  Pascal. 

Dieu.  Il  nous  serait  agréable,  si  l'espace  nous 
le  permettait,  de  le  laisser  exposer  ici  les 
grandeurs  du  mystère  de  la  Pâque  ;  donnons 
du  moins  son  sentiment  sur  l'apparition  du 
Sauveur  ressuscité  à  sa  sainte  mère.  Le  lec- 
teur catholique  verra  avec  joie  Tunité  de  doc- 
trine sur  ce  point  si  important  régner  entre 
l'école  franciscaine  représentée  par  saint  Ber- 
nardin, et  l'école  dominicaine  dont  nous 
avons  produit  le  témoignage  à  la  fête  de  saint 
Vincent  Ferrier. 

«  De  ce  que  l'histoire  évangélique  ne  donne 
aucun  détail  sur  la  visite  que  le  Christ  fit  à 
sa  mère  pour  la  consoler,  après  qu'il  fut  res- 
suscité, on  ne  saurait  conclure  que  le  très 
miséricordieux  Jésus,  source  de  toute  grâce  et 
de  toute  consolation,  si  empressé  à  réjouir  les 
siens  par  sa  présence,  aurait  oublié  sa  mère 
qu'il  savait  avoir  été  si  pleinement  abreuvée 
des  amertumes  de  sa  Passion.  Mais  il  a  plu  à  la 
providence  de  Dieu  de  ne  pas  nous  manifes- 
ter cette  particularité  par  le  texte  même  de 
l'Evangile,  et  cela  pour  trois  raisons. 

«  Eri  premier  lieu,  à  cause  de  la  fermeté  de 
la  foi  qui  était  en  Marie.  La  certitude  qu'avait 
la  Vierge-mère  de  la  résurrection  de  son  fils 
ne  fut  ébranlée  en  rien,  même  pas  par  le 
doute  le  plus  léger.  On  le  croira  aisément, 
si  l'on  veut  réfléchir  à  la  grâce  très  particu- 
lière dont  fut  remplie  la  mère  du  Christ- 
Dieu,  la  reine  des  Anges,  la  maîtresse  de  l'u- 
nivers. Le  silence  de  l'Ecriture  à  ce  suj-et  en 
dit  plus  que  Taftirmation  même  aux  âmes 
vraiment  éclairées.  Nous  avons  appris  à  con- 
naître Marie  lors  de  la  visite  de  l'Ange,  au 
moment  où  l'Esprit-Saint  la  couvrit  àe  son 


s.  Bernardin  de  Sienne,  Confesseur.     4g  () 

ombre;  nous  l'avons  retrouvée  au  pied  de  la 
croix,  mère  de  douleurs,  se  tenant  près  de 
son  fils  mourant.  Si  donc  l'Apôtre  a  pu  dire  : 
«En  proportion  de  ce  que  vous  aurez  eu 
«  part  aux  souffrances,  vous  participerez  aux 
«  consolations  ^  »  ;  calculez  d'après  cela  la 
mesure  selon  laquelle  la  Vierge-mère  dut 
être  associée  aux  joies  de  la  résurrection.  On 
doit  donc  tenir  pour  certain  que  son  très 
doux  fils  ressuscité  l'a  consolée  avant  tous  les 
autres.  C'est  ce  que  la  sainte  Eglise  Romaine 
semble  vouloir  exprimer  en  célébrant  à 
Sainte-Marie-Majeure  la  Station  du  jour  de 
Pâques.  Autrement  si,  de  ce  que  les  Evangé- 
listes  n'en  disent  rien,  vous  vouliez  conclure 
que  son  fils  ressuscité  ne  lui  est  pas  apparu 
en  premier  lieu,  il  faudrait  aller  jusqu'à 
dire  qu'il  ne  s'est  pas  du  tout  montré  à  elle, 
puisque  les  mêmes  Evangélistes,  dans  les  di- 
verses apparitions  qu'ils  rapportent,  n'en  si- 
gnalentpasuneseulequi  laconcerne,  Unetelle 
conclusion  aurait  quelque  chose  d'impie. 

«  En  second  lieu,  le  silence  de  l'Evangile 
s'explique  par  l'infidélité  des  hommes.  Le 
but  de  l'Esprit-Saint,  en  dictant  les  Evan- 
giles, était  de  décrire  celles  des  apparitions 
qui  pouvaient  enlever  tout  doute  aux  hommes 
charnels  au  sujet  de  la  croyance  en  la  résur- 
rection du  Christ.  La  qualité  de  mère  eût 
diminué  à  leurs  yeux  le  témoignage  de  Marie; 
et  c'est  pour  ce  motif  qu'elle  n'a  pas  été 
alléguée,  bien  qu'il  ne  pût  y  avoir,  assuré- 
ment, parmi  tous  les  êtres  nés  ou  à  naître, 
si    l'on   en    excepte   l'humanité   de  son   fils, 

I.   II  Cor.  I,  7. 


5 00  Le  Temps  Pascal. 

aucune  créature  dont  l'assertion  méritât 
mieux  d'être  admise  par  toute  âme  vraiment 
pieuse.  Mais  il  fallait  que  le  tjxte  évangé- 
lique  ne  nous  produisît  que  des  témoignages 
qui  fussent  de  nature  à  ctre  émis  en  pré- 
sence de  tout  le  monde;  quant  à  l'appari- 
tion de  Jésus  à  sa  mère,  l'Esprit-Sainl  l'a  lais- 
sée à  ceux  qui  sont  éclairésde  sa  lumière. 

«  En  troisième  lieu,  ce  silence  s'explique 
par  la  sublimité  même  de  l'apparition. 
Après  la  résurrection,  les  Evangiles  ne  disent 
plus  rien  sur  la  mère  du  Christ,  par  cette 
raison  que  ses  relations  de  tendresse  avec 
son  tils  furent  désormais  tellement  sublimes, 
tellement  ineffables,  qu'il  n'y  aurait  pas  de 
termes  pour  les  exprimer.  Il  est  deux  sortes 
de  visions  :  l'une  purement  corporelle,  et 
faible  en  proportion  ;  l'autre  qui  a  son  siège 
principal  dans  l'âme,  et  qui  ne  convient 
qu'aux  âmes  déjà  transformées.  Admettez,  si 
vous  voulez,  que  Madeleine  a  eu  part  avant 
les  autres  à  la  vision  purement  corporelle, 
pourvu  que  vous  reconnaissiez  que  la  Vierge 
a  vu  avant  elle,  et  d'une  manière  bien  autre- 
ment sublime,  son  fils  ressuscité,  qu'elle  l'a 
reconnu,  et  qu'elle  a  joui  tout  d'abord  de  ses 
délicieux  embrassements  dans  son  âme  plus 
encore  que  dans  son  corps  i.  » 

Lisons  maintenant,  dans  les  Leçons  trop 
abrégées  de  l'Office  de  saint  Bernardin,  le 
récit  de  ses  vertus. 

pERNARDlNlis  Albi- 1  n  ERNARDIN  Albizesca,  issu 
13  zesca,  nobili  Senensi  |  D    d'une    noble    famille   de 

I .  Sermo  LU.  Dominica  in  resurrectione,  art.  III. 


s.  Bernardin  de  Sienne,  Confesseur.     5o i 


Sienne,  donna  dès  son  en- 
fance des  marques  éclatantes 
de  sainteté.  Elevé  dans  des 
habitudes  honnêtes  par  ses 
parents  qui  étaient  vertueux, 
il  négligea  les  jeux  de  l'en- 
fance, et  dès  ses  premières 
études  sur  la  grammaire  on 
le  vit  se  livrer  aux  œuvres 
de  la  piété,  au  jeiine,  à  l'orai- 
son, et  particulièrement  au 
culte  de  la  très  sainte  Vierge. 
La  charité  envers  les  pau- 
vres éclatait  en  lui.  Après 
quelques  années,  dans  le  but 
de  mieux  pratiquer  encore 
toutes  ces  vertus,  il  voulut 
être  du  nombre  des  con- 
frères qui  servent  Dieu  à 
Sienne  dans  l'hôpital  de  No- 
tre-Dame de  la  Scala,  d'où 
sont  sortis  plusieurs  person- 
nages célèbres  par  leur  sain- 
teté. Il  s'y  exerça  avec  une 
ferveur  et  une  charité  in- 
croyables à  la  mortification 
de  son  corps  et  au  soin  des 
malades,  durant  une  peste 
qui  sévissait  cruellement  sur 
la  ville.  Entre  autres  vertus, 
il  garda  inviolablement  la 
chasteté,  malgré  les  dangers 
que  pouvait  lui  susciter  la 
rare  beauté  de  ses  traits  ;  et 
tel  fut  le  respect  qu'il  inspira, 
que  les  plus  licencieux  n'au- 
raient osé  prononcer  un  mot 
déshonnête  en  sa  présence. 

APRÈS  une   grave  maladie 
qu'il  avait  endurée  avec 
la    plus     héroïque     patience 


familia  ortus,  ab  ineunte 
astate  non  obscura  san- 
ctitatis  dédit  indicia  ; 
nam  a  piis  parentibus 
honeste  educatus,  negle- 
ctis  puerilibus  ludis,  in- 
ter  prima  grammaticœ 
studia,  pietatis  operibus 
animum  intendit,  jeju- 
niis,  orationi,  et  beatis- 
simae  Virginis  cultui  prse- 
cipue  addictus.  Miseri- 
cordia  vero  in  pauperes 
fuit  insignis;  quae  qui- 
dem  omnia  procedente 
tempore  quo  melius  pos- 
set  excolere,  eorum  nu- 
méro adscribi  voluit, 
qui  Senis  in  hospitali 
domo  beatae  Marise  de 
Scala,  Deo  inserviunt  ; 
unde  complures  sancti- 
tate  célèbres  viri  prodie- 
runt.  Ibi  corporis  afBic- 
tatione,  et  œgrotantium 
cura,  dum  atrox  pestilen- 
tia  grassaretur,  incredi- 
bili  charitate  sese  exer- 
cuit.  Inter  casteras  autem 
virtutes  castitatem,  egre- 
gia  forma  répugnante, 
sanctissime  custodivit, 
adeo  ut  eo  prœsente,  nemo 
umquam,  ne  impudentis- 
simus  quidem,  verbum 
minus  honestum  proferre 
auderet. 


/  ^  RAVI  morbo  tentatus, 
■  i  eoque  ad  quatuor 
menses  patientissime  to- 


502 


Le  Temps  Pascal. 


lerato,  deinum  incolumis 
de  religiosae  vitae  insti- 
tuto  capessendo  delibe- 
rare  cœpit  :  quo  ut  sibi 
viam  muniret,  aïdiculam 
in  extrcma  urbe  conduxit, 
in  quam  quum  sese  ab- 
didisset,  aspetrimam  om- 
ni  ex  parte  vitam  trahe- 
bat,  Deum  assidue  orans, 
ut  quid  sibi  sequendum 
esset,  ostenderet.  Quare 
divinitus  factum  est,  ut 
beati  Francisci  Ordinem 
prae  cseteris  optaret,  in 
quo  humilitate  ,  pa- 
tientia.  allisque  religiosi 
hominis  virtutibus  excel- 
luit,  Id  quum  cœnobii 
rector  animadverteret, 
jamque  antea  Bernardini 
doctrinam,  et  sacrarum 
litterarum  peritiam  pers- 
pectam  haberet.  prasdi- 
candi  onus  eidem  impo- 
suil,  quo  humillime  sus- 
cepto,  quum  se  minus 
idoneum  agnosceret,  ob 
vocis  exilitatera  ac  rau- 
citatem,  Dei  ope  implo- 
rata,  non  sine  miraculo 
ejusmodi  impedimento 
liberatus  est. 

OULMQUE  ea  tempora 
vitiis  criminibusque 
redundarent.  et  cruentis 
faclionibus  in  Italia,  di- 
vina  humanaque  omnia 
permixta  essent,  Bernar- 
dinus  urbes  atque  oppida 
concursans     in      nomine 


pendant  quatre  mois,  il  con- 
çut le  dessein  d'embrasser  la 
vie  religieuse.  Afin  de  s'y 
disposer,  il  loua  une  petite 
maison  à  l'extrémité  de  la 
ville,  où  il  vécut  inconnu,  me- 
nant la  vie  la  plus  austère, 
et  priant  Dieu  continuelle- 
ment de  lui  faire  connaître 
le  parti  qu'il  devait  prendre. 
L'inspiration  divine  lui  fit 
préférer  l'Ordre  de  Saint- 
François,  où  il  excella  en 
humilité,  en  patience  et  en 
toutes  les  autres  vertus  reli- 
gieuses. Le  gardien  du  cou- 
vent ayant  remarqué  cette 
haute  vertu,  et  connaissant 
d'ailleurs  la  science  à  laquelle 
ce  religieux  était  arrivé  dans 
les  saintes  lettres,  lui  imposa 
le  devoir  de  la  prédication. 
Le  saint  accepta  humblement 
cet  emploi,  bien  qu'il  s'y 
reconnût  peu  propre,  à  cause 
de  la  faiblesse  et  de  l'enroue- 
ment de  sa  voix.  Mais  .ayant 
imploré  le  secours  de  Dieu, 
il  se  trouva  délivré  miracu- 
leusement de  cet  obstacle. 


A  CETTE  époque,  un  débor- 
demant  de  crimes  était 
répandu  en  Italie,  et  de  san- 
glantes factions  y  foulaient 
aux  pieds  toutes  les  lois  di- 
vines et  humaines.  Bernardin 
parcourut  les  villes  et  les 
villages   au    nom    de    Jésus 


s.  Bernardin  de  Sienne,  Confesseur.     5o3 


qu'il  avait  toujours  à  la 
bouche  et  dans  le  cœur,  et 
vint  à  bout  par  ses  discours 
et  ses  exemples  de  rétablir 
presque  partout  la  piété 
et  les  bonnes  mœurs  qui 
avaient  disparu.  Plusieurs 
villes  considérables  le  de- 
mandèrent au  pape  pour  leur 
évéque;  mais  Bernardin  re- 
fusa constamment  cette  di- 
gnité par  une  humilité  invin- 
cible. Enfin  cet  homme  de 
Dieu,  après  d'immenses  fati- 
gues, après  de  grands  et  nom- 
breux miraclas,  ayant  com- 
posé des  écrits  remplis  de 
piété  et  de  doctrine,  et  vécu 
soixante-six  ans,  termina  sa 
vie  par  une  sainte  mort  à 
Aquila,  ville  de  l'Abruzze. 
Il  éclata  par  de  nouveaux 
miracles  ;  et,  six  ans  après 
sa  mort,  le  pape  Nicolas  V 
le  mit  au  nombre  des  Saints. 


Jesu,  quem  semper  in 
ore  et  in  pectore  gere- 
bat,  collapsam  pietatera 
moresque  verbo  et  exem- 
plo  magna  ex  parte  res- 
tituit  :  quo  factum  est, 
ut  prasclarcB  civitates 
eum  sibi  Episcopum  a 
Summo  Pontifice  postu- 
larent  :  quod  ille  munus 
invicta  humilitate  con- 
stantissime  rejecit.  De- 
nique  vlr  Dei  immensis 
laboribus  exhaustis,  mul- 
tis  magnisque  editis  mi- 
raculis,  libris  etiam  pie 
docteque  conscriptis  , 
cum  vixisset  annos  sex 
ac  sexaginta,  in  urbe 
Aquila  in  Vcstinis  beato 
fine  quievit  :  quem  novis 
in  dies  coruscantam  si- 
gnis,  anno  post  obitum 
sexto,  Nicolaus  Quintus 
Pontifex  Maximus  in 
Sanctorum  numerum  re- 
tulit. 


Qu'ils  sont  beaux,  ô  Bernardin,  les  rayons 
qui  forment  l'auréole  du  nom  de  Jésus! 
Que  leur  lumière  est  douce,  au  moment  où 
le  Fils  de  Dieu  reçoit  ce  nom  sauveur,  le 
huitième  jour  après  sa  naissance!  Mais  quel 
œil  mortel  pourrait  supporter  leur  éclat, 
lorsque  Jésus  opère  notre  salut,  non  plus 
dans  l'humilité  et  la  souffrance,  mais  par  le 
triomphe  de  sa  résurrection  ?  C'est  au  milieu 
des  splendeurs  pascales  du  nom  de  Jésus  que 
vous  nous  apparaissez,  ô  Bernardin  '  Ce  nom 
que  vous   avez  aimé  et  glorifié  vous   associe 


5  04  Le  Temps  Pascal. 

désormais  à  son  immortelle  victoire.  Mainte- 
nant donc  répandez  sur  nous,  plus  abon- 
damment encore  que  vous  ne  le  faisiez  sur  la 
terre,  les  trésors  d'amour,  d'admiration  et 
d'espérance  dont  ce  divin  nom  est  la  source, 
et  purifiez  les  yeux  de  notre  âme,  afin  que 
nous  puissions  un  jour  contempler  avec  vous 
ses  magnificences. 

Apôtre  de  la  paix,  l'Italie,  dont  vous  avez 
si  souvent  apaisé  les  factions,  a  droit  de  vous 
compter  au  rang  de  ses  protecteurs.  Voyez- 
la  en  ces  jours  livrée  en  proie  aux  ennemis 
du  Sauveur  des  hommes,  rebelle  à  la  voix 
de  la  sainte  Eglise,  et  tristement  abandonnée 
à  son  sort.  Ne  vous  souviendrez-vous  pas  que 
c'est  dans  son  sein  que  vous  avez  pris  nais- 
sance, qu'elle  fut  docile  à  votre  voix,  et  que 
longtemps  votre  mémoire  lui  fut  chère?  In- 
tervenez en  sa  faveur;  arrachez-la  à  ceux  qui 
l'oppriment,  et  montrez  qu'au  défaut  des 
armées  de  la  terre,  les  milices  célestes  peuvent 
toujours  sauver  les  villes  et  les  provinces. 

Illustre  fils  du  grand  patriarche  d'Assise, 
l'Ordre  séraphique  vous  vénère  comme  l'une 
de  ses  principales  colonnes.  Vous  avez  ra- 
vivé dans  son  sein  l'observance  primitive  ; 
continuez  du  haut  du  ciel  à  protéger  l'œuvre 
commencée  par  vous  ici-bas.  La  famille  de 
saint  François  est  l'un  des  plus  fermes  appuis 
delà  sainte  Eglise  ;  faites-la  fleurir  toujours, 
soutenez-la  dans  les  tempêtes,  multipliez-la 
en  proportion  des  besoins  du  peuple  fidèle  ; 
car  voiK  êtes  le  second  père  de  cette  famille 
sacrée,  et  vos  prières  sont  puissantes  auprès 
du  Rédempteur  dont  vous  avez  confessé  le 
nom  glorieux  sur  la  terre. 


LE    XXIV    MAI. 
LA    FÊTE 

DE    NOTRE-DAME    AL  XILIATRICE. 

'epuis  que  nous  sommes  entrés  dans 
les  joies  pascales,  le  Cycle  n'a  cessé, 
pour  ainsi  dire,  de  nous  apporter 
jour  par  jour  de  nouveaux  noms  à 
saluer,  de  nouvelles  gloires  à  honorer;  et 
tous  ces  noms,  toutes  ces  gloires  se  sont  mon- 
trés à  nous  tout  rayonnants  des  feux  du  soleil 
de  la  Pâque.  Cependant  aucune  fête  consa- 
crée à  Marie  n'est  venue  réjouir  nos  cœurs, 
en  nous  retraçant  quelqu'un  des  mystères 
ou  quelqu'une  des  grandeurs  de  cette  auguste 
reine.  Avril  voit,  il  est  vrai,  la  fête  des  Sept- 
Douleurs  dans  les  années  où  la  Pâque  des- 
cend jusqu'au  dix  de  ce  mois  et  au-dessous  ; 
mais  les  mois  de  mai  et  de  juin  s'écoulent 
sans  amener  aucune  solennité  spéciale  en 
l'honneur  de  la  Mère  de  Dieu.  Il  semble  que 
la  sainte  Eglise  veuille  honorer  dans  un  res- 
pectueux silence  les  quarante  jours  durant 
lesquels  Marie,  après  tant  d'angoisses,  se 
repose  dans  la  possession  de  son  fils  ressus- 
cité. En  méditant  le  mystère  pascal  dans  le 
cours  de  cette  mystérieuse  période,  nous 
devons  donc  avoir  soin  de  ne  jamais  isoler  le 
fils  de  la  mère  et  nous  demeurerons  dans  la 
vérité.  Jésus,  durant  ces  quarante  jours,  se 
communique  fréquemment  à  ses  disciples, 
hommes  faibles  et  pécheurs;  peut-il  se  sépa- 


5o6  Le  femps  Pascal. 

rer  un  instant  de  sa  mère,  à  la  veille  de  la 
nouvelle  et  dernière  épreuve  qu'elle  doit 
subir,  lorsque  les  portes  du  ciel  s'ouvriront 
pour  recevoir  son  fils?  Bien  souvent  Jésus 
se  montre  à  ses  regards,  et  la  comble  de  ses 
caresses  filiales;  mais  dans  les  intervalles  de 
ces  visites  il  ne  la  quitte  pas  ;  non  seulement 
son  souvenir,  mais  sa  présence  reste  tout  en- 
tière dans  l'âme  de  Marie,  avec  tout  le  charme 
d'une  intime  et  inetfable  possession. 

Aucune  fête  n'aurait  pu  exprimer  un  tel 
mystère  ;  toutefois  l'Esprit-Saint,  oui  gou- 
verne les  sentiments  de  la  sainte  'Eglise,  a 
fait  naître  insensiblement  dans  les  cœurs  des 
fidèles  la  pensée  de  décerner  des  hommages 
spéciaux  à  Marie  dans  tout  le  cours  du  mois 
de  mai,  qui  s'écoule,  presque  chaque  année, 
tout  entier  au  milieu  des  joies  du  Temps 
pascal.  Sans  doute  d'heureuses  harmonies 
ont  aidé  la  piété  à  concevoir  la  gracieuse  idée 
de  consacrer  mai  à  Marie  ;  mais  si  nous  réflé- 
chissons à  l'influence  céleste  et  mystérieuse 
qui  conduit  tout  dans  l'Eglise,  nous  com- 
prendrons qu'il  existe,  au  fond  de  cette  déter- 
mination, une  intention  divine  d'unir  aux 
allégresses  maternelles  dont  surabonde  en  ces 
jours  le  cœur  immaculé  de  Marie,  la  joie  qui 
remplit  les  cœurs  de  ses  enfants  de  la  terre, 
dans  le  cours  de  ce  mois  employé  tout  entier  à 
célébrer  ses  grandeurs  et  ses  miséricordes. 

Or  voici  cependant  une  fête  de  Marie  en  ce 
jour.  Hâtons-nous  de  dire  qu'elle  n'est  pas 
inscrite  sur  le  Cycle  universel  de  la  sainte 
Eglise  ;  mais  ajoutons  en  même  temps  qu'elle 
est  tellement  répandue,  avec  l'agrément  du 
Siège  Apostolique,  que  cette  Année  liturgique 


La  Fête  de  Notre-Dame  Auxiliatvice.     5oj 

eût  été  comme  incomplète,  si  nous  n'eus- 
sions pas  donné  place  à  cette  solennité.  Son 
but  est  d'honorer  la  Mère  de  Dieu  sous  le 
titre  de  Secours  des  Chrétiens;  appellation 
méritée  par  les  innombrables  faveurs  que 
cette  toute-puissante  Auxiliatricen'a  cessé  de 
répandre  sur  la  chrétienté.  Depuis  le  jour 
dont  nous  devons  célébrer  bientôt  l'anniver- 
saire, et  dans  lequel  l'Esprit-Saint  descendit 
sur  Marie  au  Cénacle,  ahn  qu'elle  commen- 
çât à  exercer  sur  l'Eglise  militante  son  pou- 
voir de  Reine,  jusqu'aux  dernières  heures  de 
la  durée  de  ce  monde,  qui  pourrait  énumé- 
rer  toutes  les  occasions  dans  lesquelles  elle 
a  signalé  et  signalera  son  action  protectrice 
sur  l'héritage  de  son  fils  ? 

Les  hérésies  se  sont  levées  tour  à  tour  plei- 
nes de  rage,  appuyées  sur  le  bras  des  puissants 
delà  terre;  il  semblait  qu'elles  allaient  dé- 
vorer la  race  des  fidèles  ;  tour  à  tour  elles  sont 
tombées  les  unes  sur  les  autres,  atteintes  d'un 
coup  mortel  ;  et  la  sainte  Eglise  nous  révèle 
que  c'est  le  bras  de  Marie  qui  chaque  fois  a 
frappé  ce  coup  ^ .  Si  des  scandales  inouïs,  des 
tyrannies  sans  nom,  ont  semblé  entraver  un 
moment  la  marche  de  l'Eglise,  le  bras  tou- 
jours armé  de  l'invincible  Reine  a  dégagé  le 
passage;  et  l'Epouse  du  Rédempteur  s'est 
avancée  libre  et  fière,  laissant  derrière  elle 
ses  entraves  brisées  et  ses  ennemis  abattus. 
C'est  en  repassant  dans  son  esprit  tant  de 
merveilles  que  le  grand  pape  saint  Pie  V,  au 


I.  GaiiJe,  Maria  Virgo  ;  cunctas  hxreses  sola  intere- 
misti  in  universo  mundo.  Office  de  la  très  sainte  Vierge 
à  Matines,  vu"  Antienne. 


5o8  Le  Temps  Pascal. 

lendemain  de  la  victoire  de  Lépante,  où 
notre  auguste  triomphatrice  venait  d'anéantir 
pour  jamais  la  puissance  navale  des  Otto- 
mans, jugea  que  l'heure  était  venue  d'inscrire 
dans  les  Litanies  de  la  sainte  Vierge,  à  la 
suite  des  titres  pompeux  dont  l'Eglise  la 
salue,    celui  de  Secours  des  Chrétiens,  Auxi- 

LIUM   CHRISTIANORUM. 

Il  était  réservé  au  dernier  sièc'e  de  voir  un 
Pontife,  décoré  aussi  du  nom  de  Pie,  relever 
encore  ce  beau  titre,  et  en  faire  l'objet  d'une 
fête  commémorative  de  tous  les  secours  que 
Marie  a  daigné  apporter  à  la  chrétienté  dans 
tous  les  âges.  Le  jour  désigné  à  cet  effet  ne 
pouvait  être  mieux  choisi.  Le  24  mai  de  l'an- 
née 18 14  éclaira  dans  Rome  le  plus  magni- 
fique triomphe  dont  les  fastes  de  la  chré- 
tienté aient  enregistré  le  souvenir.  Ce  fut  un 
grand  jour,  celui  où  Constantin  traça  les 
fondements  de  la  basilique  vaticane  en  l'hon- 
neur du  Prince  des  Apôtres,  sous  les  yeux 
de  Silvestre,  bénissant  le  César  qui  abordait 
au  christianisme  ;  mais  ce  fait  imposant  n'é- 
tait qu'un  signe  de  la  dernière  et  décisive 
victoire  remportée  par  l'Eglise  sur  toute  la 
surface  de  la  terre,  dans  la  récente  persécu- 
tion de  Dioclétien.  Ce  fut  un  grand  jour, 
celui  où  Léon  III,  vicaire  du  Roi  des  rois, 
posa  sur  la  tête  de  Charlemagne  la  couronne 
impériale,  et  renoua  de  ses" mains  aposto- 
licjues  la  chaîne  brisée  des  Césars  ;  mais 
Léon  III  ne  faisait  que  donner  une  expression 
solennelle  au  pouvoir  que  l'Eglise  exerçait 
déjà  de  toutes  parts  au  sein  des  nations  nou- 
velles, qui  recevaient  d'elle  l'idée  de  la  sou- 
veraineté chrétienne,  la   consécration  de  ses 


La  Fête  de  Notre-Dame  Auxiliatrice.     5og 

droits  et  la  sanction  de  ses  devoirs.  Ce  fut  un 
grand  jour,  celui  où  Grégoire  XI  ramena 
dans  la  ville  de  saint  Pierre  la  majesté  papale, 
après  un  triste  exil  de  soixante-dix  années  à 
Avignon  ;  mais  Grégoire  XI  ne  faisait  que 
remplir  un  devoir;  et  il  n'avait  tenu  qu'à  ses 
prédécesseurs  d'accomplir  avant  lui  ce  retour 
que  réclamaient  impérieusement  les  néces- 
sités de  la  chrétienté. 

Le  24  mai  18 14  efface  par  son  éclat  tous 
ces  jours,  si  glorieux  qu'ils  aient  été.  Pie  VII 
rentre  dans  Rome  aux  acclamations  de  la 
ville  sainte,  dont  la  population  tout  entière, 
transportée  d'enthousiasme,  est  allée  au- 
devant  de  lui,  des  palmes  à  la  main,  et  au  cri 
de  l'Hosanna.  Il  sort  d'une  captivité  de  cinq 
années,  durant  lesquelles  le  gouvernement 
spirituel  de  la  chrétienté  a  été  totalement 
suspendu.  Les  puissances  coalisées  contre  son 
oppresseur  n'ont  pas  eu  l'honneur  de  briser 
ses  fers  ;  celui-là  même  qui  le  retenait  loin 
de  Rome  l'a  déclaré  libre  d'j  retourner  dès 
les  derniers  mois  de  l'année  précédente  ; 
mais  le  Pontife  a  voulu  prendre  son  temps, 
et  ce  n'est  que  le  25  janvier  qu'il  a  quitté 
Fontainebleau.  Rome,  dans  laquelle  il  va 
rentrer,  a  été  réunie  à  l'empire  français,  il  y 
a  cinq  ans,  par  un  décret  où  se  lisait  le  nom 
de  Charlemagne  ;  elle  s'est  vue,  elle,  la  ville 
de  saint  Pierre,  réduite  en  chef-lieu  de 
département,  administrée  par  un  préfet  ;  et 
comme  pour  effacer  à  jamais  le  souvenir  de 
ce  que  fut  la  ville  des  Papes,  son  nom  a  été 
donné  en  apanage  à  l'héritier  présomptif  de 
la  couronne  impériale  de  France. 

Quel  jour  que  le  24  mai  qui  éclaira  le  re- 


Le  Temps  Pascal. 


tour  triomphal  du  Pontife  en  qualité  de  Pas- 
teur et  de  Souverain  dans  les  murs  de  cette  cité 
sacrée,  d'où  il  avait  été  arraché  la  nuit  par 
des  soldais  !  Sur  sa  route  à  petites  journées, 
Pie  .Vil  a  rencontré  les  armées,  et  l'Europe 
s'est  inclinée  devant  son  droit.  Ce  droit  sur- 
passe en  ancienneté  comme  en  dignité  celui 
de  tous  les  rois  ;  et  tous,  sans  distinction 
d'hérétiques,  de  schismatiques  ou  de  catho- 
liques, se  feront  un  devoir  de  le  reconnaître 
solennellement. 

Mais  tout  ceci  ne  nous  révèle  pas  encore  en 
son  entier  l'étendue  du  prodige  qu'a  daigné 
opérer  la  toute-puissante  Auxiliatrice.  Pour 
le  saisir  tel  qu'il  est,  il  importe  de  se  rappe- 
ler que  ce  miracle  ne  s'accomplit  pas  au  siè- 
cle de  saint  Silvestre  et  de  Constantin,  ni  au 
siècle  de  saint  Léon  III  et  de  Charlemagnc, 
ni  au  siècle  où  la  grande  prophétesse  Cathe- 
rine de  Sienne  intimait  les  ordres  du  ciel  aux 
populations  de  l'Italie  et  aux  Papes  d'Avi- 
gnon. Le  siècle  témoin  de  cette  merveille  est 
ie  XIX'  ;  et  il  la  voit  s'effectuer  dans  les  an- 
nées où  il  subit  encore  le  joug  flétrissant  du 
voltairianisme,  où  vivent  en'core  de  toutes 
parts  les  auteurs  et  les  complices  des  crimes 
et  des  impiétés  qui  furent  comme  le  couron- 
nement du  xviii«  siècle.  Tout  était  contre  un 
résultat  aussi  plein  et  aussi  inattendu  ;  la 
.  conscience  catholique  était  loin  d'être  éveillée 
alors  comme  elle  le  fut  plus  tard;  l'actiori 
\  céleste  avait  à  se  manifester  directement  ;  et 
;  c'est  afin  de  révéler  à  la  chrétienté  qu'il  en  a 
été  ainsi,  que  Rome  a  érigé  en  trophée  à  Marie, 
Secours  des  Chrétiens,  ta  journée  du  24  mai 
de  chaque  année. 


La  Fête  de  Notre-Dame  Auxiliatrice.     5i  i 

Cherchons  maintenant  à  saisir  l'intention 
divine  dans  la  double  restauration  que  le 
Christ  opère  aujourd'hui  par  la  main  de  son 
auguste  mère.  Pie  VII  avait  été  enlevé  de 
Rome  et  détrôné  ;  il  est  rétabli  dans  Rome 
comme  Pape  et  comme  souverain  temporel. 
Aux  jours  des  fêtes  de  la  Chaire  de  saint 
Pierre  à  Rome  et  à  Antioche,  nous  avons 
établi  la  doctrine  de  l'Eglise  qui  nous  ensei- 
gne que  la  succession  aux  droits  conférés 
par  le  Christ  à  saint  Pierre  est  ati  achée  à  la 
qualité  d'Evêque  de  Rome.  Il  suit  de  là  que 
la  résidence  dans  la  ville  de  Rome  est  à  la 
fois  le  droit  et  le  devoir  du  successeur  de 
Pierre,  sauf  le  cas  où  il  jugerait,  dans  sa 
sagesse,  devoir  s'en  éloigner  pour  un  temps. 
Celui-là  donc  qui,  par  les  moyens  de  la  force 
matérielle,  retient  hors  de  Rome  le  Souve- 
rain Pontife,  ou  l'empêche  d'y  résider,  agit 
contre  la  volonté  divine  ;  car  le  pasteur  doit 
habiter  au  milieu  de  son  troupeau  ;  et  le 
Christ  ayant  préposé  l'Eglise  Romaine  à  toutes 
les  Eglises  du  monde,  elles  ont  droit  à  trou- 
ver dans  Rome,  prédestijiée  à  un  tel  honneur 
par  tout  son  passé, celui  qui  est  en  même  temps 
le  docteur  infaillible  de  la  foi  et  la  source  de 
tout  pouvoir  spirituel.  Le  premier  bienfait 
dont  nous  sommes  redevables  à  Marie  en  ce 
jour  est  donc  d'avoir  restitué  l'Epoux  à  l'E- 
pouse, et  rétabli  dans  ses  conditions  nor- 
males le  gouvernement  suprême  de  la  sainte 
Eglise. 

Le  second  bienfait  est  d'avoir  remis  le  Pon- 
tife en  possession  de  la  puissance  temporelle, 
3ui  est  la  plus  sûre  garantie  de  son  indépen- 
ance  dans  l'exercice  de  son    pouvoir   spiri- 


Le  Temps  Pascal. 


tuel.  De  tristes  faits  inscrits  dans  l'histoire 
ont  révélé  plus  d'une  fois  les  dangers  d'un 
état  de  choses  qui  mettrait  le  Pape  sous  la 
dépendance  d'un  prince  ;  et  l'expérience  du 
passé  démontre  que  la  ville  de  Rome,  si  elle 
n'est  pas  placée  sous  le  domaine  de  la  pa- 
pauté, pourrait  encourir,  aux  yeux  de  la 
chrétienté,  le  reproche  de  n'avoir  pas  tou- 
jours su  veiller  à  la  liberté  ou  à  la  dignité  de 
l'Eglise  dans  l'élection  du  Pontife  suprême. 
La  sagesse  divine  a  pourvu  au  besoin  de 
l'immense  troupeau  du  Christ,  en  préparant 
de  bonne  heuTe  les  bases  du  domaine  tempo- 
rel de  la  papauté  sur  Rome  et  son  territoire, 
avant  même  que  l'épée  des  Francs  intervînt 
pour  venger,  pour  constituer  et  agrandir  ce 
précieux  domaine  qui  est  un  bien  de  la  chré- 
tienté. Quiconque  ose  l'envahir  porte  la  plus 
sensible  atteinte  à  la  liberté  de  l'Eglise  tout 
entière  ;  et  nous  entendions,  il  y  a  un  mois, 
le  grand  docteur  saint  Anselme  nous  ensei- 
gner que  «  Dieu  n'aime  rien  tant  en  ce  monde 
«  que  la  liberté  de  son  Eglise.  »  Aussi  l'a-t-il 
vengée  toujours. 

La  souveraineté  pontificale  sur  Rome  et 
sur  le  territoire  atfecté  à  l'Eglise  puise  donc 
sa  raison  d'être  dans  les  nécessités  de  l'ordre 
surnaturel.  Il  s'ensuit  que  cette  souveraineté 
dépasse  en  dignité  toutes  les  autres,  et  qu'é- 
tant vouée  au  service  de  Dieu  sur  la  terre, 
elle  doit  être  rangée  parmi  les  choses  sacrées. 
Quiconque  ose  l'envahir  n'est  plus  seulement 
spoliateur,  mais  sacrilège  ;  et  les  anathèmes 
de  l'Eglise  tombent  sur  lui  de  tout  leur  poids. 
L'histoire  est  là  tout  entière  pour  nous  redire 
combien  a  été  lamentable  le  sort  de  tous  les 


La  Fête  de  Notre-Dame  Auxiliatrice.     5i3 

princes  qui,  ayant  bravé  l'anathème,  ont 
négligé  de  donner  satisfaction  à  l'Eglise,  et 
ose  affronter  la  justice  de  celui  qui  a  conféré 
à  Pierre  le  pouvoir  de  lier  et  de  délier. 

Enfin,  la  souveraineté  étant  le  fondement 
de  toutes  les  sociétés  humaines,  et  sa  conser- 
vation sur  la  terre  important  au  plus  haut 
point  au  maintien  de  l'ordre  et  de  la  justice, 
elle  doit  être  sauvegardée  avant  tout  en  celui 
qui  en  est  la  plus  haute  expression  ici-bas  ; 
c'est-à-dire  dans  le  Pontife  romain,  dont  les 
droits  temporels  sont  les  plus  anciens  que 
l'on  puisse  constater  aujourd'hui,  et  chez  qui 
le  suprême  pouvoir  spirituel  relève  encore  la 
dignité  royale.  Quiconque  attaque  ou  ren- 
verse la  souveraineté  temporelle  du  Pape, 
attaque  et  renverse  donc  toutes  les  souve- 
rainetés ;  car  il  n'en  est  pas  une  autre  qui 
puisse  soutenir  le  parallèle  avec  celle-ci,  pas 
une  qui  puisse  prétendre  à  être  épargnée,  si 
celle-ci  succombe. 

Gloire  soit  donc  à  Marie  en  ce  vingt-qua- 
trième jour  de  mai,  consacré  à  reconnaître 
le  double  bienfait  qu'elle  a  signalé  ,  en 
déployant  la  puissance  de  son  bras  pour  opé- 
rer d'un  même  coup  le  salut  de  l'Eglise  et 
celui  de  la  société  !  Unissons-nous  aux  vives 
acclamations  des  Romains,  fidèles  alors,  et 
faisant  retentir  dans  un  même  enthousiasme 
V Alléluia  de  la  Pâque  et  VHosanna  au  Vicaire 
de  Dieu,  au  Père  de  la  Patrie.  Le  souvenir  de 
saint  Pierre  délivré  de  sa  prison  et  rendu  à 
la  liberté,  planait  sur  cette  foule  passionnée 
d'amour  pour  un  Pontife  que  tant  d'épreuves 
avaient  rendu  plus  auguste  encore.  Le  char 
s'avançait  par   la  voie  Flaminienne;    il  fut 


LE   TEMPS  PASCAL.    —  T.   111. 


5j4 


Le  Temps  Pascal. 


dételé  el  traîné  par  les  citoyens  ivres  de  joie 
jusqu'à  la  Basilique  vaticane,  où  le  Pontife 
avait  hâte  d'épancher  ses  actionsde  grâces  sur 
le  tombeau  du  Prince  des  Apôtres. 

Mais  ne  terminons  pas  cette  journée  sans 
avoir  célébré  la  miséricordieuse  intervention 
de  notre  puissante  Auxiliatrice,  Si  elle  se 
montre  quelc^ue  fois  terrible  dans  la  protec- 
tion qu'elle  répand  sur  son  peuple,  son  cœur 
de  mère  ne  saurait  se  défendre  de  la  pitié 
pour  les  vaincus;  à  eux  aussi,  quand  ils  sont 
abattus,  elle  sait  se  montrer  secourable. 
Témoin  le  grand  guerrier  dont  elle  triompha 
le  vingt-quatre  mai,  et  que  sa  bonté  entre- 
prit ensuite  de  réduire,  en  le  ramenant  à 
la  foi  de  ses  pères.  Du  sein  d'une  île  perdue 
dans  l'immensité  de  l'Océan,  Pie  VII  vit  un 
jour  arriver  un  message.  Le  prince  détrôné 
sur  lequel  il  avait  répandu  l'huile  sainte  à 
Notre-Dame,  et  qui  depuis  avait  eu  le  mal- 
heur d'attirer  sur  lui  ces  foudres  spirituelles 
dont  Dieu  même  gouverne  l'emploi,  deman- 
dait au  Pontife,  au  seul  roi  de  Rome,  la 
faveur  de  ne  pas  vivre  privé  plus  longtemps 
des  augustes  Mystères  dont  le  sacerdoce  ca- 
tholique est  le  ministre  accrédité  par  le  ciel. 
Marie  avait  en  vue  une  seconde  victoire. 

Pie  \'II,  dont  le  prince  ne  prononçait  le 
nom  qu'avec  attendrissement  dans  les  jours 
de  son  exil,  qu'il  appelait  «  un  agneau  ^  » 
Pie  VII  qui  avait,  aux  yeux  de  toute  l'Eu- 
rope, ouvert  un  asile  dans  Rome  aux  mem- 
bres de  cette   famille  descendue   de  tant  de 


La  Fête  de  Notre-Dame  Auxiliatrice.     5 15 

trônes  à  la  fois,  se  hâte  de  remplir  le  vœu  de 
son  ancien  adversaire  ;  et  bientôt  le  Sacrifice 
qui  réconcilie  le  ciel  et  la  terre  est  offert  en  pré- 
sence du  vaincu,  dans  cette  île  anglaise  et  pro- 
testante. Marie  avançait  dans  sa  conquête. 

Mais  la  divine  justice,  avant  de  pardonner, 
voulait  que  l'expiation  fût  complète  et  solen- 
nelle. Celui  qui,  en  relevant  les  autels  de  la 
France,  fut  l'instrument  du  salut  de  tant  de 
millions  d'âmes,  ne  devait  pas  périr  ;  mais  il 
avait  osé  tenir  captif  au  château  de  Fontai- 
nebleau le  Pontife  suprême,  et  ce  fut  en  ce 
même  château  de  Fontainebleau,  et  non  ail- 
leurs, qu'il  lui  fallut  signer  l'acte  de  son  ab- 
dication. Il  avait  retenu  cinq  années  dans  les 
fers  le  Vicaire  de  Dieu;  cinq  années  de  capti- 
vité, de  souffrances  et  d'humiliations,  lui 
furent  infligées.  La  loi  du  talion  accomplie, 
le  ciel  laissa  à  Marie  le  soin  d'achever  son 
triomphe.  Réconcilié  avec  l'Eglise  sa  mère, 
muni  des  divins  Sacrements  qui  purifient 
toute  âme  et  la  préparent  pour  l'éternité. 
Napoléon  rendit  la  sienne  à  Dieu  le  cinq 
mai,  dans  le  mois  consacré  à  Marie,  dans  le 
mois  qui  contient  le  noble  anniversaire  que 
nous  fêtons  aujourdh'ui.  Et  si  l'on  ose  péné- 
trer la  pensée  de  Dieu  dans  le  choix  du  jour 
marqué  éternellement  pour  ce  grand  trépas, 
ce  jour  n'est-il  pas  celui  où  nous  avons  célé- 
bré la  fête  de  saint  Pie  F,  le  jour  où  Rome 
offrait  ses  vœux  au  septième  Pie,  au  Pie 
réconciliateur,  dont  le  nom  qui  devait  repa- 
raître encore  en  nos  temps  avec  tant  de  gloire, 
signifie  la  tendre  compassion  et  la  miséri- 
corde ?  «Dieu  QsX  pie  et  miséricordieux,  jpn/5 
et  mlsericovs,  »  dit  la    Sagesse  dans  le  livre 


5i6 


Le  Temps  Pascal. 


de  l'Ecclésiastique  '.  Marie  aussi  est  pie  et 
miséricordieuse  )  et  c'est  pour  cela  que  nous 
la  saluons  aujourd'hui  de  ce  beau  titre 
dWuxiliatrice.  Qu'il  s'agisse  du  salut  de  l'E- 
çlise  entière,  qu'il  s'agisse  du  salut  d'une 
ame  en  particulier,  Mairie  est  et  demeure  à 
jamais  le  Secours  des  chrétiens.  Dieu  l'a  voulu 
ainsi,  et  nous  entrons  dans  ses  intentions, 
lorsque  nous  professons  une  confiance  sans 
bornes  dans  le  bras  d'une  si  puissante  reine 
et  dans  le  cœur  d'une  si  tendre  mère. 

Lisons  maintenant  le  récit  de  la  sainte  Li- 
turgie sur  le  grand  événement  qui  signala  en 
ce  jour  la  protection  de  Marie  sur  la  chré- 
tienté. 


PR.ESENTISSIMUM  Dei- 
parae  auxilium  ad  re- 
ligionis  hostes  profli- 
gandos,  saspe  populus 
Christianus  mirum  in 
modum  expertus  est  ;  ex 
quo  factum  ut  sanctissi- 
mus  pontifex  Plus  Quin- 
tus,  post  insignem  vic- 
t  o  r  i  a  m,  intercedente 
beatissima  Virgine,  a 
christianis  de  Turcarum 
tyranno  apud  Echinadas 
insulas  reportatam,  in 
Litaniis  Lauretanis  eam- 
dem  reginam  cœlorum, 
interalia  praeconia,  Au- 
xilium christianorum  ap- 
pellari  constituerit.  Sed 
illud  in  primis  memora- 


LE  secours  de  la  Mère  de 
Dieu  s'est  souvent  fait 
sentir  au  peuple  chrétien 
d'une  manière  miraculeuse, 
lorsqu'il  s'est  agi  de  repous- 
ser les  ennemis  de  la  religion. 
C'est  pour  cette  raison  que  le 
très  saint  pontife  Pie  V,  après 
l'insigne  victoire  remportée 
par  les  chrétiens  sur  les 
Turcs,  dans  le  golfe  de  Lë- 
pante,  par  l'intercession  de  la 
bienheureuse  Vierge,  ordon- 
na que  parmi  les  titres  d'hon- 
neur qui  sont  attribués  à  la 
reine  des  cieux  dans  les  Lita- 
nies de  Lorette,  on  insérerait 
désormais  celui  de  Secours 
des  Chrétiens.  Mais  un  des 
faits  les  plus  mémorablss  et 


I.  Eccli.  II,  i3 


La  Fête  de  Notre-Dame  Auxiliatrice     5ij 


les  plus  dignes  d'être  comptés 
parmi  les  traits  miraculeux  de 
cette  protection,  est  celui  qui 
se  rapporte  au  souverain  pon- 
tife Pie  VII,  qui  ayant  été 
enlevé  du  Siège  apostolique 
de  Pierre  par  le  conseil  des 
'impies  secondés  de  la  force 
armée,  et,  chose  inouïe  dans 
les  annales  qui  relatent  les 
persécutions  de  l'Eglise  ! 
ayant  été  détenu  sous  la 
garde  la  plus  sévère,  princi- 
palement à  Savone,  durant 
plus  de  cinq  ans,  le  gouver- 
nement de  l'Eglise  de  Dieu 
lui  étant  rendu  impossible 
par  toute  espèce  d'entraves, 
fut  tout  à  coup  et  contre 
l'attente  universelle  rétabli 
sur  le  trône  pontifical,  aux 
applaudissements  et  par  le 
concours  du  monde  entier  Ce 
qui  arriva  encore  une  seconde 
fois  ,  lorsqu'une  nouvelle 
tempête  l'ayant  contraint  de 
sortir  de  Rome,  et  de  se  reti- 
rer en  Ligurie  avec  le  sacré 
Collège  des  cardinaux,  un 
nouveau  bienfait  de  Dieu 
apaisa  l'orage  qui  menaçait 
l'Eglise  des  plus  grands  mal- 
heurs, et  permit  au  Pontife 
de  rentrer  à  Rome,  au  milieu 
des  transports  de  joie  de  la 
chrétienté  tout  entière.  Mais 
auparavant  le  Pontife  avait 
voulu  accomplir  un  désir 
qu'il  avait  conçu,  et  que  sa 
captivité  l'avait  seule  empê- 
ché d'effectuer.  Ce  fut  de 
placer  solennellement   et  de 


bile  est,  atque  explorati 
miraculi  loco  habendum, 
quod  quum  Romanus 
Pontifex,  Pius  Septimus, 
impiorum  consiliis  et  ar- 
mis  ex  Apostolica  Pétri 
sede  exturbatus,  et  arcta 
custodia,  praïsertim  Sa- 
vonrc  per  annos  quinque, 
eoque  amplius  fuisset  de- 
tentus,  viis  omnibus  pe- 
nitus  interclusis,  ne  Dei 
Ecclesiam  regere  posset, 
nullo  similis  persecutio- 
nis  in  priscis  annalibus 
exemplo,  inopinato  et 
praïter  omnium  exspecta- 
tionem  contigit,  ut  in- 
genti  plausu  ,  ac  veluti 
universi  orbis  manibus 
Pontificio  solio  restitue- 
retur.  Quod  et  secundo 
accidit,  dum  iterum  com-  [ 
moto  turbine,  ab  Urbe  [ 
discedens,  sacro  comi-  k 
tante  cardinalium  CoUe- 
gio,  Liguriam  contendit. 
Verum  praesentissimo 
Dei  benefîcio,  cessante 
procella,  quae  grave  mi- 
nabatur  excidium,  Ro- 
mam,  plaudentibus  prae 
novo  gaudio  populis,  re- 
versus  est.  Antea  tamen, 
quod  in  votis  habuerat. 
et  captivitate  detentus 
exsequi  nequiverat,  aurea 
corona  insignem  Savonae 
imaginem  Deiparae  Vir- 
ginis  sub  titulo  Matris 
Misericordiae,  solemni  ri- 
tu,   propriisque  manibus 


5i8 


Le  Temps  Pascal. 


decoravit.  Quam  mira- 
bilem  rerum  vicissitudi- 
nem  idem  Pontifex  maxi- 
mus  Pius  Septimus,  to- 
tius  eventus  intime  cons- 
ciiis,  quum  intercessioni 
sanctissimae  Dei  Geni- 
tricis,  cujus  potentem 
opem  et  ipse  impense  im- 
ploraverat.  et  ab  omni- 
bus Christi  fidelibus  im- 
plorari  curaverat,  accep- 
tam  merito  referret,  in 
ejusdem  Virginis  Matris 
honorem  sub  appella- 
tione  Auxilii  Cnristia- 
norum  solemne  festum 
indixit  perpetuo  cele- 
brandum  die  mensis  Maii 
vigesimo  quarto,  taus- 
tissimi  sui  in  Urbem  re- 
ditus  anniversario.  ad- 
probato  etiam  OfRcio 
proprio.  ut  tanti  benefi- 
cii  distincta  et  perennis 
exstet  memoria,  et  gra- 
tiarum  actio. 


ses  propres  mains  une  cou- 
ronne d  or  sur  l'insigne  image 
de  la  Vierge  Mère  de  Dieu, 
honorée  à  Savone  sous  le 
titre  de  Mère  de  la  Miséri- 
corde. Le  même  pontife  Pie 
W\  ayant  la  conscience  in- 
time de  tous  ces  faits,  et  rap- 
portant avec  raison  leur  ad- 
mirable vicissitude  à  l'inter- 
cession de  la  très  sainte  Mère 
de  Dieu,  dont  il  avait  de- 
mandé le  secours  avec  ins- 
tance, en  même  temps  qu'il 
le  faisait  implorer  par  tous 
les  fidèles,  institua  en  l'hon- 
neur de  la  Vierge  Mère  une 
fête  solennelle  qui  doit  être 
célébrée  à  perpétuité  le  vingt- 
quatre  de  mai,  anniversaire 
de  son  heureux  retour  à 
Rome  ;  et  il  approuva  un 
Office  propre  pour  cette  fête, 
afin  que  le  souvenir  et  l'ac- 
tion de  grâces  pour  un  tel 
bienfait  demeurassent  à  ja- 
mais présents  à  la  pensée  des 
fidèles. 


Les  deux  belles  Hymnes  c^ui  suivent  com- 
plètent la  solennité  de  ce  jour,  et  sont  une 
noble  expression  de  la  reconnaissance  de 
l'Eglise  envers  sa  libératrice. 


I"    HYMNE. 


S^PEdum  Christi  po- 
puUis  cruentis 
Hostis  infensi  premexe- 

tur  armis, 
Venit  adjutrix  pia  Virgo 
cœlo 


LE  peuple  du  Christ  étant 
près  de  succomber  sous 
les  armes  ensanglantées  de 
son  cruel  ennemi,  souvent  on 
a  vu  la  Vierge  pleine  de  bon- 
té descendre  du   ciel  devenu 


La  Fête  de  Notre-Dame  Auxiliatrice.     5iq 


propice,  et  venir  au  secours. 

Les  antiques  monuments 
élevés  par  nos  pères,  les  tem- 
ples décorés  de  dépouilles 
opimes,  attestent  cette  pro- 
tection ;  et  chaque  année  des 
fêtes  publiques  viennent  rap- 
peler par  leurs  pompes  le  sou- 
venir des  bienfaits  reçus. 

Une  nouvelle  faveur  ré- 
clame aujourd'hui  nos  actions 
de  grâces  envers  Marie  :  un 
nouveau  concert  de  joie  doit 
s'unir  aux  applaudissements 
dont  retentissent  et  Rome  et 
l'univers  entier. 

O  jour  fortuné,  jour  à  ja- 
mais célèbre  dans  nos  fastes, 
qui  vit  le  siège  de  Pierre 
recevoir  de  nouveau  le  doc- 
teur de  la  foi,  après  cinq  an- 
nées d'un  lamentable  exil  1 


-  Vierges  modestes,  enfants 
innocents,  prêtres  transpor- 
tés de  joie,  peuple  ravi  d'en- 
thousiasme ,  unissez-vous 
pour  célébrer  à  l'envi  les 
bienfaits  de  la  Reine  du  ciel. 


Mère  bénie  de  Jésus  , 
Vierge  des  vierges,  mettez  le 
comble  à  vos  faveurs  ;  soyez 
propice  au  saint  Pasteur,  ai- 
dez-le à  conduire  le  troupeau 
dans  les  pâturages   du    salut. 


Lapsa  sereno. 

Prisca  sic  patrum  mo- 
numenta  narrant, 
Templa  testantur  spoliis 

opimis 
Clara,     votivo     repetita 
cultu 
Festa  quotannis. 


En  novi  grates    liceat 
Mariae 
Cantici  Isetis  modulis  re- 
ferre 
Pro    novis   donis,   réso- 
nante plausu 
Urbiset  Orbis. 

O    dies   felix,    memo- 
randa  fastis, 
Qua     Pétri    sedes     fidci 

magistrum 
Triste   post   lustrum   re- 
ducem  beata 
Sorte  recepit  ! 

Virgines   castae,    pue- 
rique  puri, 
Gestiens    clerus,    popu- 

lusque  grato 
Corde  Reginae  celebrare 
cœli 

Munera  certent. 

Virginum  V  irgo,  benc- 
dicta  Jesu 
Mater,  haec   auge  bona  ; 

fac,  precamur. 
Ut  gregem  Pastor    Piuj 
ad  salutis 
Pascua  ducat. 


1 

- 

w 

520                Le  Temps  Pascal. 

Te  pcr  ccternos  venc- 

Trinité  digne  de  toutes  nos 

remur  annos, 

louanges,    accordez-nous   de 

Trinitas,    sumrao    cele- 

vous  honorer  durant  les  an- 

branda plausu; 

nées   éternelles  ;  agréez   au- 

Te fide   mentes,  resono- 

jourd'hui  la  foi  de  nos  cœurs, 

que  linguae 

avec  les  cantiques    que    nos 

Carminé    laudent. 

voix   font  monter  vers  vous. 

Amen. 

Amen. 

II" 

HYMNE. 

•-p  E  Redemptoris  Domi- 
1      nique  nostri 

XT  ous     vous     appelons     la 
J^     Mère  de  notre  Rédemp- 

Dicimus   Matrem,    spe- 

teur  et  Maître,  ô  Vierge  belle 

ciosa  Virgo, 

entre    toutes!   mais  vous  êtes 

Christianorura    decus,  et 

aussi  la  gloire  des  chrétiens 

levamcn 

et  leur  Secours  dans  l'infor- 

Rébus in  arctis. 

tune. 

Saeviant     porta;     licet 

Que  les  portes  de  l'enfer  se 

inferorum, 

déchaînent,  que  l'antique  en- 

Hostis antiquus   fremat, 

nemi   frémisse,    qu'il  suscite 

et  minaces, 

des  colères  contre   le   peuple 

Ut   Deo  sacrum   popule- 

que  Dieu  s'est  consacré; 

tur  agmen, 

Suscitet  iras. 

Nil  truces   possunt  fu- 

Ses   fureurs   et  sa    rage  ne 

ria;  nocere 

sauraient  nuire  aux  âmes  pu- 

iMentibus   castis,     prece 

res  qui  implorent  la  Vierge  ; 

quas  vocata 

car  elle  les  couvre  et   les  for- 

Annuens Virgo  fovet,  et 

tifie  de    son  secours    céleste. 

superno 

Robore  firmat. 

Tanta  si    nobis  faveat 

Lorsqu'une    telle    protec- 

patrona. 

trice  daigne  se  déclarer  pour 

Bellici  cessât  sceleris  tu- 

nous,  aussitôt  s'arrête  la   fu- 

multus, 

reur  des  guerres,  et    l'on  voit 

Mille  sternuntur,  fugiunt- 

succomber  et  fuir  les  batail- 

ve turmae, 

lons  ennemis  qui  s'avançaient 

Mille  cohortes. 

avec  fureur. 

.^^^^ 

*^ — 

La  Fête  de  Notre-Dame  Auxiliatrice.     52 1 


De  même  que  s'élève  sur  la 
sainte  montagne  de  Sion  la 
citadelle  construite  avec  so- 
lidité, la  tour  de  David  pro- 
tégée par  mille  boucliers,  et 
défendue  par  une  vaillante 
garnison  ; 

Ainsi  la  Vierge,  que  la 
main  du  Seigneur  lui-même 
a  comblée  des  dons  célestes, 
écarte  de  son  bras  invincible 
les  coups  que  le  démon  di- 
rige contre  ceux  qui  la  ser- 
vent avec  ferveur. 

Trinité  digne  de  toutes  nos 
louanges,  accordez-nous  de 
vous  honorer  durant  les  an- 
nées éternelles  ;  agréez  au- 
jourd'hui la  foi  de  nos  cœurs, 
avec  les  cantiques  que  nos 
voix  font  monter  vers  vous. 

Amen. 


Tollit  ut   sancta  caput 
in  Sione 
Turris,  arx  fîrmo  fabri- 

cata  muro, 
Civitas  David,  clypeis  et 
acri 

Milite  tuta  : 

Virgo  sic  fortis  Domi- 
ni  potenti 
Dextera,    cœli    cumulata 

donis, 
A  piis  longe  famulis  re- 
pellit 

Daemonis  ictus. 

Te  per   asternos  vene- 
remur  annos, 
Trinitas,    summo     cele- 

branda  plausu  ; 
Te  fide  mentes,  resono- 
que  linguaï 

Carminé    laudent. 
Amen. 


J'ai  levé  mes  yeux  vers  les  montagnes 
d'où  vient  le  Secours,  et  le  Secours 
«  que  j'attends  vient  du  Seigneur,  qui  a  fait 
a  le  ciel  et  la  terre  ^  »  C'est  ainsi  que  priait 
Israël.  L'Eglise  chrétienne  répète  la  même 
prière;  mais  pour  elle  le  secours  est  plus 
voisin  et  plus  prompt.  Les  vœux  du  Psalmiste 
ont  été  remplis  ;  les  cieux  se  sont  abaissés,  et 
le  divin  Secours  est  maintenant  tout  près  de 
nous.  Jésus,  Fils  de  Dieu  et  fils  de  Marie, 
est  ce  Secours,  et  il  accomplit  à  tout  instant 
cette  promesse  qu'il  nous  avait  faite  par  son 


I.  Psalm.  cxx. 


52  2  Le  Temps  Pascal. 

Prophète  :  «  Au  jour  de  ton  salut,  je  suis 
a  devenu  ton  Auxiliaire  ^  »  Mais  ce  Roi  des 
rois  a  voulu  nous  donner  une  Reine,  et  cette 
Reine  est  Marie  sa  mère.  Dans  son  amour, 
il  a  fait  dresser  pour  elle  un  trône  à  sa 
droite,  comme  fit  Salomon  pour  sa  mère 
Bethsabce  2,  et  il  a  voulu  que  du  haut  de  ce 
trône  Marie  fût  aussi  le  Secours  des  chrétiens. 
C'est  la  sainte  Eglise  qui  nous  l'enseigne,  en 
inscrivant  ce  beau  titre  sur  la  Litanie  ;  c'est 
Rome  même  qui  nous  convie  à  nous  unir  à 
elle  aujourd'hui,  afin  de  rendre  gloire  à  la 
céleste  Auxiliatrice  pour  l'un  de  ses  plus 
signalés  bienfaits. 

"Nous  venons  donc  mêler  aux  allégresses 
pascales,  ô  notre  Reine,  les  joies  qu'inspire  à 
tout  enfant  de  l'Eglise  le  souvenir  de  votre 
intervention  en  faveur  de  la  chrétienté,  en  ce 
jour  mémorable  où  Rome  revit  son  Pasteur 
et  son  Roi.  Recevez  nos  hommages,  ô  vous 
qui  avez  remporté  la  victoire.  Ce  mois  tout 
entier  retentit  de  vos  louanges  ;  mais  elles 
montent  vers  vous  plus  joyeuses  en  ce  jour. 
Daignez  donc  abaisser  vos' regards  sur  Rome 
et  sur  son  Pontife.  De  nouveaux  périls  se 
sont  élevés  ;  la  pierre  posée  par  Jésus  est 
redevenue  un  signe  de  contradiction,  et  les 
vagues  mugissantes  de  l'impiété  la  couvrent 
de  leur  écume.  Nous  savons,  ô  Marie,  que 
cette  pierre  ne  peut  être  déracinée,  et  que 
la  sainte  Eglise  pose  sur  elle  en  sûreté  ;  mais 
nous  savons  aussi  c)ue  les  destinées  de  cette 
Eglise  ne  sont  pas  éternelles  ici-bas.  Un  jour 
elle  doit  être   enlevée  dans  les  cieux,    et  ce 

I.  ISAI.   XLIX.  8.  —  2.  III  Recj.  II,    IQ. 


La  Fête  de  Notre-Dame  Auxiliatrice.     523 

jour  sera  le  dernier  que  verra  ce  monde  cou- 
pable. Jusqu'à  ce  moment  terrible,  n'êtes- 
vous  pas,  6  Marie,  notre  toute-puissante 
Auxiliatrice  ?  Oh  !  daignez  étendre  ce  bras 
auquel  rien  ne  résiste.  Souvenez-vous  de  cette 
Rome  à  qui  votre  culte  fut  si  cher,  où  tant 
de  nobles  sanctuaires  proclament  la  gloire  de 
votre  nom.  L'heure  dernière  de  ce  monde  n'a 
pas  encore  sonné;  venez  en  aide  à  la  plus 
sainte  des  causes  ;  ne  permettez  pas  que  la 
ville  sainte  soit  foulée  plus  longtemps  sous 
les  pieds  des  impies;  conservez-lui  son  Pon- 
tife, et  rendez  l'indépendance  qui  lui  est  né- 
cessaire à  celui  en  qui  nous  vénérons  le 
Vicaire  du  Roi  des  rois. 

Mais  Rome  n'est  pas  le  seul  point  de  la 
terre  qui  appelle  votre  puissant  secours,  ô 
Marie  !  De  toutes  parts  la  Vigne  de  votre  fils 
est  exposée  aux  ravages  du  sanglier  i.  Le 
mal  est  partout,  l'erreur  est  partout,  la  séduc- 
tion est  partout;  il  n'est  aucune  contrée  où 
l'Eglise  ne  soit  dans  la  souffrance,  où  sa 
liberté  ne  soit  violée  ou  menacée.  Les  sociétés, 
entraînées  loin  de  la  tradition  chrétienne 
dans  leurs  lois  et  dans  leurs  mœurs,  sont 
frappées  d'impuissance  et  sans  cesse  au 
moment  de  rouler  dans  l'abîme.  Secourez  le 
monde  dans  un  aussi  grand  péril,  6  notre 
Auxiliatrice  !  Vous  en  avez  la  force  et  le  pou- 
voir ;  ne  laissez  pas  périr  la  race  que  Jésus  a 
rachetée,  et  qu'il  vous  a  léguée  du  haut  de 
sa  croix. 

O  Marie,  Secours  des  Chrétiens,  vous  êtes 
l'espoir  de  nos  âmes  ;  et  nos  âmes  sont  mena- 

I.  Psalm.  Lxxix. 


524  Le  Temps  Pascal 


cées  par  le  mCme  ennemi  qui  s'attaque  aux 
sociétés  humaines.  Dans  sa  rage  infernale   il 

I  homme  et  dans  l'humanité.  Venez  au  secours 
tH^r^/"^^"''-  ^-^^^.achez-Ies  à  la  dent  meur- 
tr  ère  du  serpent.  Le  monstre  connaît  votre 
puissance  ;  il  sait  que  vous  pouvez  sauver 
sa  victinae  tant  qu'elle  n'est  pas"^  sortie  encore 
des  conditions  du  temps,  et  que  l'éternité  ne 
s  est  pas  encore  ouverte  pour  elle.  V^ous  avez 
re^l'lm'L'^'P^''"  d'éclatants  triomphes  pou; 
IJ.^  ^"^  ''°'  ^"fa"ts;  ne  vous  lassez  pas, 
nous  vous  en  supplions,  d'être  secourablè 
fZ  if'i  P%"'^'",  P^^heurs.  C'est  vous  sur- 
envuVnL''  ^^  prouvent,  que  Jésus  avait 
uZu  '5^^%^^'.  ^'o.ulant  remplir  de  convives 
r.fil/''  festin  éternel,  il^dit  aux  minis- 
tres de  son  amour  :  «  Forcez-les  d'entrer  i    » 

nJ^r'i'A'°'^,'''PP'^^^^^'  montent  vers  vous",  ô 
notre  Auxiliatnce,  car  nos  besoins  nous  près- 
sent;  mais  nous  n'avons  garde  d'oublier  les 
devoirs  particuliers  qui  vSus  sont  dus  en  ces 
K'rH  "l-^"  '"'"'"  ^§''^^  honore  vos  ineffa- 
niln  Jm"^  ^^^^  ''^^^^  ^'s  ressuscité.  Avec 
quelles  dehces  elle  s^identifie  aux  transports 
de  bonheur  qui  ont  tout  à  coup  remplacé 
dans  votre  ame  les  angoisses  du  Calvaire 
et  du  sépulcre!  C'est  à  la  mère  consolée 
en  son  fils,  triomphante  en  son  fils,  que 
nous  offrons,  avec    les   fleurs  du    printemps, 

mHr^^^^  ^"i""^^  ^'^  ""^  louanges  dans 
tout  le  cours  du  mois  dont  les  grâces  et  la 
splendeur  offrent  tant  d'harmonies  avec 
votre  immortelle  beauté.  En  retour,  conser- 


I.  Luc.  XIV,  23. 


La  Fête  de  Notre-Dame  Auxiliatrice.     525 

vez  à  nos  âmes  l'éclat  qu'elles  ont  puisé  dans 
la  Pàque  au  contact  de  votre  divin  ressus- 
cité, et  daignez  nous  préparer  vous-même  à 
recevoir  dignement  les  dons  de  l'Esprit-Saint 
qui  viendra  bientôt,  resplendissant  des  feux 
de  la  Pentecôte,  sceller  par  sa  descente  en 
nous  l'œuvre  de  la  régénération  pascale. 


LE    XXV   MAI. 

S.  G  R  F  GO  I  R  F  V  1 1 ,  i  \'V  {^  F.  ET  CO  N  FESS  R  U  R. 

.PRÈS  avoir  salué  sur  le  cycle  du 
Temps  Pascal  les  deux  noms  illus- 
tres de  Léon  le  Grand  et  de  Pie  V, 
nous  nous  inclinons  aujourd'hui 
devant  celui  de  Grégoire  VII.  Ces  trois  noms 
résument  l'action  de  la  Papauté  dans  la  suite 
des  siècles,  après  l'â^e  des  persécutions.  Le 
maintien  de  la  doctrme  révélée,  et  la  défense 
de  la  liberté  de  l'Eglise  :  telle  est  la  mission 
divinement  imposée  aux  successeurs  de 
Pierre  sur  le  Siège  Apostolique.  Saint  Léon 
a  soutenu  avec  courage  et  éloquence  la  foi 
antique  contre  les  novateurs  ;  saint  Pie  V  a 
fait  reculer  l'invasion  de  la  prétendue  ré- 
forme, et  arraché  la  chrétienté  au  joug^  de 
l'islamisme  ;  placé  entre  ces  deux  pontifes 
dans  l'ordre  des  temps,  saint  Grégoire  VII  a 
sauvé  la  société  du  plus  grand  péril  qu'elle 
eût  encore  éprouvé,  et  fait  refleurir  dans  son 
sein  les  mœurs  chrétiennes  par  la  restaura- 
tion de  la  liberté  de  l'Eglise. 

Au  moment  où  finissait  le  x»  siècle  et  com- 
mençait le  xi%  l'Eglise  de  Jésus-Christ  était 
en  proie  à  l'une  des  plus  terribles  épreuves 
qu'elle  ait  rencontrées  sur  son  passage  en  ce 
monde.  Après  le  fléau  des  persécutions,  après 
le  fléau  des  hérésies,  était  arrivé  le  fléau  de 
la  barbarie.  L'impulsion  civilisatrice  donnée 
par   Charlemagnc    s'était    arrêtée    de  bonne 


s.  Grégoire  VII,  Pape  et  Confesseur.     52  j 

heure  au  ix'  siècle,  et  l'élément  barbare, 
plutôt  comprimé  que  dompté,  avait  forcé  ses 
digues.  La  foi  demeurait  encore  vive  dans  les 
masses;  mais  elle  ne  pouvait  à  elle  seule 
triompher  de  la  grossièreté  des  mœurs.  Le 
désordre  social  provenant  de  l'anarchie  q^ue 
le  système  féodal  avait  déchaînée  dans  toute 
l'Europe,  enfantait  mille  violences,  et  le  droit 
succombait  partout  sous  la  force  et  la  licence. 
Les  princes  ne  rencontraient  plus  un  frein 
dans  la  puissance  de  l'Eglise;  car  Rome  elle- 
même  asservie  aux  factions  voyait  trop  sou- 
vent s'asseoir  sur  la  chaire  apostolique  des 
hommes  indignes  ou  incapables. 

Cependant  le  xi^  siècle  avançait  dans  son 
cours,  et  le  désordre  semblait  incurable.  Les 
évêchés  étaient  devenus  la  proie  de  la  puis- 
sance séculière  qui  les  vendait,  et  les  princes 
se  préoccupaient  surtout  de  rencontrer  dans 
les  prélats  des  vassaux  disposés  à  les  soute- 
nir par  les  armes  dans  leurs  querelles  et  leurs 
entreprises  violentes.  Sous  un  épiscopat  en 
majeure  partie  simoniaque,  comme  l'atteste 
saint  Pierre  Damien,  les  mœurs  du  clergé 
du  second  ordre  étaient  tombées  dans  un 
affaissement  lamentable  ;  et  pour  comble  de 
malheur,  l'ignorance,  comme  un  nuage  tou- 
jours plus  sombre,  s'en  allait  anéantissant  de 
plus  en  plus  la  notion  même  du  devoir.  C'en 
était  fait  de  l'Eglise  et  de  la  société,  si  la 
promesse  du  Christ  de  ne  jamais  abandonner 
son  œuvre  n'eût  été  inviolable. 

Pour  guérir  tant  de  maux,  pour  faire  péné- 
trer la  lumière  dans  un  tel  chaos,  il  fallait 
que  Rome  se  relevât  de  son  abaissement,  et 
qu'elle  sauvât  encore  une  fois  la  chrétienté. 


528  Le  Temps  Pascal. 

Elle  avait  besoin  d'un  Pontife  saint  et  éner- 
gique qui  sentît  en  lui-même  cette  force 
divine  que  les  obstacles  n'arrêtent  jamais  ; 
d'un  Pontife  dont  l'action  pût  être  longue  et 
non  passagère,  et  dont  l'impulsion  fût  assez 
énergique  pour  entraîner  ses  successeurs  dans 
la  voie  qu'il  aurait  ouverte.  Telle  fut  la  mis- 
sion de  saint  Grégoire  VU. 

Cette  mission,  comme  chez  tous  les  hommes 
de  la  droite  de  Dieu,  fut  préparée  dans  la 
sainteté.  Grégoire  se  nommait  encore  Hilde- 
brand,  lorsqu'il  alla  cacher  sa  vie  dans  le 
cloître  de  Cluny.  Là  seulement,  et  dans  les 
deux  mille  abbayes  confédérées  sous  la  crosse 
de  cet  insigne  monastère  de  France,  on  ren- 
contrait le'sentiment  de  la  liberté  de  l'Eglise 
et  la  pure  tradition  monastique  ;  là  était'pré- 
parée  depuis  plus  d'un  siècle  la  régénération 
des  mœurs  cnrétiennes,  sous  la  succession 
des  quatre  grands  abbés,  Odon,  Maïeul, 
Odilon  et  Hugijes.  Mais  Dieu  gardait  encore 
son  secret  ;  et  nul  n'eût  découvert  les  auxi- 
liaires de  la  plus  sainte  des  réformes  dans 
ces  monastères  qu'un  zèle  fervent  avait  atti- 
rés d'un  bout  de  l'Europe  à  l'autre  à  cette 
alliance  avec  Cluny,  par  ce  seul  motif  que 
Cluny  était  le  sanctuaire  des  vertus  du  cloître. 
Hildebrand  chercha  pour  sa  personne  ce 
pieux  asile,  au  sein  duquel  il  espérait  du 
moins  fuir  le  scandale. 

L'illustre  saint  Hugues  ne  tarda  pas  à  dé- 
mêler le  mérite  du  jeune  Italien  qui  fut 
admis  dans  la  grande  abbaye  française.  Un 
évêque  étranger  se  rencontra  un  jour  avec  le 
maître  et  le  disciple.  C'était  Brunon  de  Toul, 
désigné   par   l'empereur  Henri  III  pour  être 


s.  Grégoire  VII,  Pape  et  Confesseur.     52g 

le  Pontife  de  l'Eglise  Romaine.  Hildebrand 
s'émeut  à  la  vue  de  ce  nouveau  candidat 
à  la  chaire  apostolique ,  de  ce  pape  que 
l'Eglise  Romaine  qui  seule  a  le  droit  d'élire 
son  évêque,  n'a  pas  élu,  qu'elle  ne  connaît 
pas.  11  ose  dire  à  Brunon  qu'il  ne  doit  pas 
accepter  les  clefs  du  ciel  de  la  main  de  Cé- 
sar ,  que  la  conscience  l'oblige  à  se  sou- 
mettre humblement  à  l'élection  canonique 
de  la  ville  sainte.  Brunon,  qui  fut  saint 
Léon  IX,  accepte  avec  soumission  l'avis  du 
jeune  moine,  et  tous  deux  ayant  franchi  les 
Alpes  s'acheminent  vers  Rome.  L'élu  de 
César  devint  l'élu  de  l'Eglise  Romaine;  mais 
Hildebrand  n'eut  plus  la  liberté  de  se  sépa- 
rer du  nouveau  Pontife.  II  dut  bientôt  accep- 
ter le  titre  et  les  fonctions  d'Archidiacre  de 
l'Eglise  Romaine. 

Ce  poste  éminent  l'eût  élevé  promptement 
sur  la  chaire  apostolique,  si  Hildebrand  eût 
eu  une  autre  ambition  que  celle  de  briser 
les  fers  sous  lesquels  gémissait  l'Eglise,  et  de 
préparer  la  réforme  de  la  chrétienté.  Mais 
cet  homme  de  Dieu  préféra  user  de  son  in- 
fluence pour  faire  asseoir  sur  le  siège  de 
Pierre  par  la  voie  canonique  et  en  dehors  de 
la  faveur  impériale,  une  suite  de  Pontifes 
intègres  et  disposés  à  user  de  leur   autorité 

Eour  l'extirpation  des  scandales.  Après  saint 
,éon  IX,  on  vit  passer  successivement  Vic- 
tor II,  Etienne  IX,  Nicolas  II,  et  Alexandre  II, 
tous  dignes  du  suprême  honneur.  Mais  il 
fallut  enfin  que  celui  qui  avait  été  l'àme  du 
pontificat  sous  cinq  papes  consentît  à  ceindre 
lui-même  la  tiare.  Son  grand  cœuf  s'émut 
au    pressentiment    des   luttes    terribles    qui 


LE    TEMPS   PASCAL,    —   T.    lil.  54 


53 o  Le  Temps  Pascal. 

l'attendaient  ;  mais  ses  résistances,  ses  ten- 
tatives pour  se  soustraire  au  lourd  fardeau 
de  la  sollicitude  de  toutes  les  Eglises,  demeu- 
rèrent infructueuses;  et  sous  le  nom  de 
Grégoire  VII,  le  nouveau  Vicaire  du  Christ 
fut  révélé  au  monde.  Il  devait  remplir  toute 
l'étendue  de  ce  nom  qui  signifie  la  Vigilance. 

La  force  brute  se  liressait  devant  lui  in- 
carnée dans  un  prince  audacieux  et  rusé, 
souillé  de  tous  les  crimes,  et,  comme  un  aigle 
ravisseur,  tenant  dans  ses  serres  l'Eglise  deve- 
nue sa  proie.  Dans  les  états  de  lempire,  nul 
évèque  n'eût  été  souffert  sur  son  siège,  s'il 
n'eût  reçu,  par  l'anneau  et  la  crosse,  l'investi- 
ture de  César.  Tel  était  Henri  de  Germanie,  et 
à  son  exemple  les  autres  princes  anéantissaient 
par  le  même  procédé  toute  liberté  dans  les 
élections  canoniques.  La  double  plaie  de  la 
simonie  et  de  l'incontinence  continuait  à 
sévir  sur  le  corps  ecclésiastique.  Les  pieux 
prédécesseurs  de  Grés^oire  avaient  fait  recu- 
ler le  mal  par  de  généreux  efforts;  mais  au- 
cun d'eux  ne  s'était  senti  la  force  de  se  me- 
surer corps  à  corps  avec  César,  dont  l'action 
désastreuse  fomentait  toutes  ces  corruptions. 
Un  tel  rôle,  avec  ses  périls  et  ses  angoisses, 
était  réservé  à  Grégoire,  et  il  n'y  faillit  pas. 

Les  trois  premières  années  de  son  pontifi- 
cat furent  cependant  assez  pacifiques.  Gré- 
goire fit  des  avances  paternelles  à  Henri.  Il 
chercha,  dans  sa  correspondance  avec  ce 
jeune  prince,  à  le  fortifier  contre  lui-même, 
en  témoignant  des  espérances  que  les  faits 
vinrent  trop  tôt  démentir,  en  comblant  des 
maraues  de  sa  confiance  et  de  sa  tendresse  le 
fils  d'un  empereur  ^ui  avait  bien  mérité  de 


s.  Grégoire   VJf,  Pg^ç  ^j  Confesseur.     53 1 

l'Eglise.  Henri  crut  devoir  se  contenir  quelque 
emps  en  face  d'un  pape  dont  il  connais^^i^ 
Mr^S'/'^'^-^-T''  la  digue  céda  enfin  sous 
1  impétuosité  du  torrent,  et  l'adversaire  du 
pouvoir  spirituel  se  révéla  tout  entier  La 
vente  des  évêchés  et  des  abbayes  recom- 
mença au  profit  de  César.  Grégoire  tVap^a 
dexcommunicationlessimoniaqSes.etHend 
bravant  avec  audace  les  censures  de  FE- 
glise    persista   à  maintenir   sur  leurs  sièges 

excès.   Grégoire  adressa  au  prince  un  solen- 

avlTefe^r'"''  ^"^'  ^"i-gnant  de  rompre 
avec  ces  excommunies,  sous  peine  de  voir 
arriver  sur  lui-même  les  foudres  de  l'E^Iisê 
Henri,  qui  avait  jeté  le  masque,  se  promet- 
du  Pont^f/?^'  '^'^^  ^°"^P'^  ^^^  "-'^"^'es 
la  Saxe  do  t°'^'^'''  '^"'.^  "°"P  '^  ^^^-ol^e  de 
nlr^  'k  ""^  P'^sieurs  des  électeurs  de  l'Em- 
pire embrassaient  la  cause,  vient  l'inquiétTr 

avec  l'F.r"''""""'-.^^  ^^"^  ^^'"^^^  ^^ture 
avec  1  Eglise  peut,  dans  un  tel  moment.  lui 
devenir  fatale.  On  le  voit  alors  s'adresser  en 
suppliant  à  Grégoire,  solliciter  rabsolut  on 
et  abjurer  sa  conduite  passée  entre  les  ma?ns 
ÎJ.Tl^^^''^  envoyés^n  Allemagne  par  le 
l  ?!  Hnn.^ï'  '  P"'^"  '^  monarque  félon  a- 
i-u  triomphe  pour  un  moment  de  la  révolte 
l'E^Te^'Tl'^L'i  /^'^«"^"^ence  la  guerre  contre 
d\Ël  }  «selansune  assembléed'évêques, 
fen  '^%^''  proclamer  la  déposition  de 
S?hT''  ^'^"'°'  ^'^^^^^^  ^^  voit  arrivera  la 
fofl.^  '^'  M^'^P,^''  ^'  '^  ^'^""^  donne  à  une 
un  i.n."^  -f ''^^'''  ^?  '^§"^1  d^  ^^  révolte  contre 
de  feur  viê'^°'^  ^  "'  P"'  '°"^'''  l'ignominie 


532 


Le  Temps  Pascal. 


C'est  alors  que  Grégoire,  dépositaire  de 
ces  clefs  puissantes  qui  signifient  le  pouvoir 
de  lier  et  de  délier  au  ciel  et  sur  la  terre, 
prononce  la  terrible  sentence  qui  déclare 
Henri  privé  de  la  couronne  et  ses  sujets 
dégagés  du  serment  de  fidélité  à  sa  personne. 
Le  Pontife  ajoute  un  anathème  plus  redou- 
table encore  aux  princes  infidèles  :  il  le  déclare 
exclu  de  la  communion  de  l'Eglise.  En  s'oppo- 
sant  ainsi  comme  un  rempart  pour  la  défense 
de  la  société  chrétienne  menacée  de  toutes 
parts,  Grégoire  attirait  sur  lui  l'effort  de  toutes 
les  mauvaises  passions;  et  l'Italie  était  loin 
de  lui  offrir  les  garanties  de  fidélité  sur  les- 
quelles il  eût  eu  droit  de  compter.  César 
avait  pour  lui  plus  d'un  prince  dans  la  Pénin- 
sule, et  les  prélats  simoniaques  le  regardaient 
comme  leur  défenseur  contre  le  glaive  de 
Pierre.  Il  était  donc  à  prévoir  que  bientôt 
Grégoire  n'aurait  plus  où  mettre  le  pied  dans 
toute  l'Italie  ;  mais  Dieu  qui  n'abandonne 
point  son  Eglise  avait  suscité  un  vengeur  pour 
sa  cause.  A  ce  moment  la  Toscane  et  une 
partie  de  la  Lombardie  reconnaissaient  pour 
souveraine  la  jeune  et  vaillante  comtesse 
Mathilde.  Cette  noble  femme  se  leva  pour  la 
défense  du  Vicaire  de  Dieu  ;  ses  trésors,  ses 
armées,  elle  les  tint  à  la  disposition  du  Siège 
Apostolique  tant  qu'elle  vécut;  et  ses  doma'i- 
nes,  elle  les  légua  avant  sa  mort  au  Prince  des 
Apôtres  et  à  ses  successeurs. 

Au  fort  de  ses  succès,  Henri  eut  donc  à 
con;pter  avec  Mathilde.  Cette  princesse,  qui 
balançait  son  influence  en  Italie,  put  sous- 
traire à  sa  fureur  le  généreux  Pontife.  Par 
ses  soins,   Grégoire  arriva  sain  et  sauf  à  Ca- 


s.  Grégoire  Vil,  Pape  et  Confesseur.     533 

nossa,  forteresse  inexpugnable  près  de  Reg- 
gio.  A  ce  moment  même  la  fortune  de  Henri 
sembla  vaciller.  La  Saxe  relevait  l'étendard 
de  la  révolte,  et  piusd'un  feudataire  de  l'Em- 
pire se  liguait  avec  les  rebelles  pour  anéantir 
le  tyran  que  l'Ectlise  venait  de  mettre  au  ban 
de  la  cnrétiente.  Henri  eut  peur  pour  la 
seconde  fois,  et  son  âme  aussi  perfide  que 
lâche  ne  recula  pas  devant  le  parjure.  Le  pou- 
voir spirituel  entravait  ses  plans  sacrilèges  : 
il  osa  penser  qu'en  lui  offrant  une  satisfac- 
tion passagère,  il  pourrait  le  lendemain  rele- 
ver la  tête.  On  le  vit  se  présenter  nu-pieds  et 
sans  escorte  à  Canossa,  vêtu  en  pénitent  et 
sollicitant  avec  de  feintes  larmes  le  pardon 
de  ses  crimes.  Grégoire  eut  compassion  de 
son  ennemi,  pour  "lequel  Hugues  de  Cluny 
et  Mathilde  intercédaient  à  ses  pieds.  Il  leva 
l'excommunication,  et  réintégra  Henri  au  sein 
de  l'Eglise;  mais  il  ne  jugea  pas  à  propos  de 
révoquer  encore  la  sentence  par  laquelle  il 
l'avait  privé  des  droits  de  souverain.  Le  Pon- 
tife annonça  seulement  l'intention  de  se 
rendre  à  la  diète  qui  devait  se  tenir  en  Alle- 
magne, de  prendre  connaissance  des  griefs  que 
les  princes  de  l'Empire  avançaient  contre 
Henri,  et  de  décider  alors  selon  la  justice. 

Henri  accepta  tout,  prêta  serment  sur  l'E- 
vangile, et  rejoignit  son  armée.  L'espérance 
renaissait  dans  son  cœur,  à  mesure  qu'il  s'é- 
loignait de  la  redoutable  forteresse  dans  les 
murs  de  laquelle  il  avait  dû  sacrifier  un  ins- 
tant son  orgueil  à  son  ambition.  Il  comptait 
sur  l'appui  des  mauvaises  passions,  et  son 
calcul  jusqu'à  un  certain  point  ne  fut  pas 
trompé.  Un  tel  homme  devait  finir  misera- 


5Jf4  Le  Temps  Pascal. 

blement  ;    mais  Satan  était   trop    intéressé  à 
son  succès  pour  ne  pas  lui  venir  en  aide. 

Cependant  un  rival  s'élevait  en  Allemagne 
contre  Henri  :  Rodolphe,  duc  de  Souabe, 
appelé  à  la  couronne  dans  une  diète  des  élec- 
teurs de  l'Empire.  Grégoire,  fidèle  à  ses  prin- 
cipes de  droiture,  refusa  d'abord  de  recon- 
naître cet  élu,  bien  que  son  attachement  à 
l'Eglise  et  ses  nobles  qualités  le  rendissent 
particulièrement  recommandable.  Le  Pon- 
tife persistait  dans  son  projet  d'entendre  dans 
l'assemblée  des  princes  et  des  villes  de  l'Alle- 
magne les  griefs  reprochés  à  Henri,  de  l'écou- 
ter lui-même,  et  de  mettre  tin  aux  troubles 
en  prononçant  un  jugement  équitable.  Ro- 
dolphe insistait  auprès  du  Pontife  pour  en 
obtenir  la  reconnaissance  de  ses  droits  ; 
Grégoire  qui  l'aimait  eut  le  courage  de  résis- 
ter à  ses  instances,  et  de  remettre  l'examen 
de  sa  cause  à  cette  diète  que  Henri  avait 
acceptée  avec  serment  à  Canossa,  mais  dont 
il  craignait  tant  les  résultats.  Trois  années 
se  passèrent  durant  lesquelles  la  patience 
et  la  modération  du  Pontife  furent  cons- 
tamment mises  à  l'épreuve  par  les  délais 
de  Henri,  et  par  son  refus  d'assurer  la  sé- 
curité de  l'Eglise.  Enfin  le  Pontife,  dans 
l'impuissance'de  mettre  un  terme  aux  dis- 
cussions armées  qui  ensanglantaient  l'Alle- 
magne et  l'Italie,  ayant  constaté  le  mauvais 
vouloir  de  Henri  et  son  parjure,  lança  de 
nouveau  contre  lui  l'excommunication,  et 
renouvela  dans  un  concile  tenu  à  Rome  la 
sentence  par  laquelle  il  l'avait  déclaré  privé 
de  la  couronne.  En  même  temps  Grégoire 
reconnaissait    l'élection    de  Rodolphe  et  ac- 


s.  Grégoire  Vif,  Pape  et  Confesseur.     535 

cordait  la  bénédiction  apostolique  à  ses  adhé- 
rents. 

La  colère  de  Henri  monta  au  comble,  et  sa 
vengeance  ne  garda  plus  de  mesure.  Parmi 
les  prélats  italiens  les  plus  dévoués  à  sa 
cause,  Guibert,  archevêque  de  Ravenne,  était 
le  plus  ambitieux  et  le  plus  compromis  à 
l'égard  du  Siège  Apostolique.  Henri  fit  de  ce 
traître  un  anti-pape,  sous  le  nom  de  Clé- 
ment III.  Ce  faux  pontife  ne  manqua  pas 
de  partisans,  et  le  schisme  vint  se  joindre 
aux  autres  calamités  qui  pesaient  déjà  sur 
l'Eglise.  C'était  un  de  ces  moments  terribles 
où,  selon  l'expression  de  saint  Jean,  «  il  est 
«  donné  à  la  bête  de  faire  la  guerre  aux 
«  saints  et  de  les  vaincre  ^  ».  Toiit  à  coup  la 
victoire  se  déclare  en  faveur  de  César. 
Rodolphe  est  tué  dans  une  bataille  en  Alle- 
magne, et  les  troupes  de  Mathilde  sont  défai- 
tes en  Italie.  Henri  n'a  plus  qu'un  vœu,  celui 
d'entrer  dans  Rome,  d'en  chasser  Grégoire  et 
d'introniser  son  anti-pape  sur  la  chaire  de 
saint  Pierre. 

Au  milieu  de  ce  cataclysme  effrayant  d'où 
l'Eglise  cependant  devait  sortir  épurée  et 
affranchie,  quels  étaient  les  sentiments  de 
notre  saint  Pontife  ?  Il  les  décrit  lui-même 
dans  une  lettre  adressée  à  saint  Hugues  de 
Cluny.  «  Telles  sont,  lui  dit-il,  les  angoisses 
auxquelles  nous  sommes  en  proie,  que  ceux- 
là  même  qui  vivent  avec  nous,  non  seule- 
ment ne  les  peuvent  plus  souffrir,  mais 
n'en  supportent  pas  même  la  vue.  Le  saint 
roi  David    disait  :    a    En  proportion  de    la 

I.  Apoc.  XI,  7. 


536  Le  Temps  Pascal 

«(  douleur  immense  qui  oppressait  mon  cœur, 
«  vos  consolations,  Seigneur,  sont  venues 
«  réjouir  mon  âme  »  ;  mais  pour  nous,  bien 
souvent  la  vie  est  un  ennui  et  la  mort  un 
vœu  ardent.  S'il  arrive  que  Jésus,  le  ten- 
dre consolateur,  vrai  Dieu  et  vrai  homme, 
daigne  me  tendre  la  main,  sa  bonté  rend  la 
)oie  à  mon  cœ-ur  affligé  ;  mais  pour  peu  qu'il 
se  retire,  mon  trouble  arrive  à  l'excès.  En  ce 
qui  est  de  moi  je  meurs  sans  cesse  ;  en  ce 
qui  est  de  lui  je  vis  par  moments.  Si  mes 
forces  défaillent  tout  à  fait,  je  crie  vers  lui, 
je  lui  dis  d'une  voix  gémissante  :  «  Si  vous 
«  imposiez  un  fardeau  aussi  pesant  à 
«  Moïse  et  à  Pierre,  ils  en  seraient,  ce  me 
«  semble,  accablés.  Que  peut-il  advenir  de 
«  moi  qui  ne  suis  rien  en  comparaison  d'eux? 
«  Vous  n'avez  donc.  Seigneur,  qu'une  chose 
«  à  faire  :  c'est  de  gouverner  vous-même, 
«  avec  votre  Pierre,  le  pontificat  qui  m'est 
«  imposé  ;  autrement  vous  me  verrez  suc- 
«  comber,  et  le  pontificat  sera  couvert  de 
«  confusion  en  ma  personne  K  » 

Ce  cri  de  détresse  qui  s'échappe  de  l'âme 
du  saint  Pontife  révèle  son  caractère  tout 
entier.  Le  zèle  pour  les  mœurs  chrétiennes 
qui  ne  peuvent  se  conserver  que  par  la 
liberté  de  l'Eglise,  était  le  mobile  de  sa  vie 
entière.  Un  tel  zèle  avait  pu  seul  lui  faire 
affronter  cette  situation  terrible,  dans  laquelle 
il  n'avait  à  recueillir  en  ce  monde  que  les 
chagrins  les  plus  cuisants.  Et  pourtant,  Gré- 
goire était  ce  père  de  la  chrétienté  qui,  devan- 
çant ses  successeurs,  avait  conçu  dès  les  pre- 

I.  Data  Romae,  nonis  mail,  indictione  l  (1078). 


s.  Grégoire  VJI,  Pape  et  Confesseur.     53y 

mières  années  de  son  pontificat  la  grande  et 
courageuse  pensée  d'aller  refouler  l'isla- 
misme jusqu'en  Orient,  et  de  briser  par  une 
descente  chez  le  Sarrasin  le  joug  des  chré- 
tiens opprimés.  Il  avait  débute  dans  ce  projet 
par  une  lettre  adressée  à  tous  les  fidèles.  Il  y 
montre  l'ennemi  du  nom  chrétien  déjà  sous 
les  murs  de  Constantinople,  et  signalant  sa 
férocité  par  d'horribles  carnages. 

«  Si  nous  aimons  Dieu,  dit-il  dans  cette  épî- 
tre,  si  nous  nous  reconnaissons  chrétiens,  il 
nous  faut  gémir  sur  de  tels  désastres  ;  mais 
gémir  ne  suffit  pas.  L'exemple  de  notre 
Rédempteur  et  le  devoir  de  la  charité  frater- 
nelle nous  imposent  l'obligation  de  donner 
notre  vie  pour  la  délivrance  de  nos  frères. 
Sachez  donc  que,  rempli  de  confiance  dans 
la  miséricorde  de  Dieu  et  dans  la  puissance 
de  son  bras,  nous  faisons  tout  et  nous  pré- 
parons tout,  afin  de  porter  un  prompt  secours 
à  l'empire  chrétien  i.  »  Peu  de  temps  après, 
il  écrivait  à  Henri  qui  n'avait  pas  encore 
démasqué  ses  projets  hostiles  à  l'Eglise  : 
«  Mon  avertissement  aux  chrétiens  d'Italie  et 
d'au  delà  des  monts  a  été  reçu  avec  faveur. 
Déjà  plus  de  cinquante  mille  hommes  se  pré- 
parent, et  s'ils  peuvent  compter  sur  moi 
comme  chef  de  l'expédition  et  comme  Pon- 
tife, ils  marcheront  à  main  armée  contre  les 
ennemis  de  Dieu,  et  avec  le  secours  divin, 
ils  iront  jusqu'au  sépulcre  du  Seigneur.  » 
Ainsi  le  sublime  vieillard  ne  reculait  pas 
devant  la  pensée  de  se  mettre  lui-même  à  la 
tête  de  l'armée  chrétienne.  «  Une  chose,  dit- 

I.  Data  Romae,  calendis  martii,  indictione  12  (1074). 


53 s  Le  Temps  Pascal. 


il,  m'engage  à  exécuter  ce  projet:  c'est  1  état 
de  l'Eglise\le  Constantinoplc  qui  s'ccarte  de 
nous  sur  le  dogme  du  Saint-Esprit,  et  qui  a 
besoin  de  rentrer  en  accord  avec  le  Sicge 
\postolique.  L'Arménie  presque  tout  entière 
s'est  éloignée  de  la  foi  catholique  ;  en  un 
mot,  la  grande  majorité  des  Orientaux  ressent 
le  besoin  de  connaître  quelle  est  la  foi  de 
Pierre  sur  les  diverses  opinions  qui  ont  cours 
chez  eux.  Le  moment  est  venu  d'user  de  la 
grâce  que  le  miséricordieux  Rédempteur  a 
conférée  à  Pierre,  en  lui  faisant  ce  comman- 
dement :  J'ai  prié  pour  toi,  Pierre,  afin  que 
ta  foi  ne  défaille  pas  ;  confiryne  tes  f rares.  Nos 
pères,  dont  notre  désir  est  de  suivre  les  tra- 
ces quoique  indigne  de  leur  succéder,  ont 
plus  d'une  fois  visité  ces  contrées  pour  y  con- 
firmer la  foi  catholique  :  nous  donc  aussi, 
nous  nous  sentons  poussé,  si  le  Christ  nous 
ouvre  la  voie,  à  entreprendre  cette  expédition 
dans  l'intérêt  de  la  foi  et  pour  aller  au  secours 
des  chrétiens.  »  ^    .      .      .     .^ 

Dans  sa  loyauté  accoutumée,  Grégoire  était 
allé  jusqu'à  compter  sur  le  concours  de  Henri 
pour  protéger  l'Eglise  durant  son  absence. 
«  Un  tel  projet,  écrit-il  à  ce  prince,  demande 
un  grand  conseil  et  un  secours  puissant,  si 
Dieu  permet  qu'il  se  réalise  ;  je  viens  donc 
te  demander  ce  conseil  et  aussi  ce  secours, 
s'il  t'est  agréable.  Si,  par  la  faveur  divine, 
je  pars,  après  Dieu  c'est  à  toi  que  je  laisse- 
rai l'Eglise  Romaine,  afin  que  tu  la  gardes 
comme  une  mère  sainte,  et  que  tu  protèges 
son  honneur.  Fais-moi  savoir  au  plus  tôt  ce 
que  tu  auras  décidé  dans  ta  prudence  aidée 
du  conseil  divin.  Si   je  n'espérais  pas  de  toi 


n 


s.  Grégoire  VIT,  Pape  et  Confesseur.     53g 

plus  que  d'autres  ne  croient,  je  t'aurais  écrit 
ceci  bien  inutilement;  mais  comme  il  peut 
se  faire  que  tu  ne  te  laisses  pas  aller  à  une 
entière  contiance  en  l'atFection  que  je  te  porte, 
je  m'en  remets  à  l'Esprit-Saint  qui  peut  tout. 
Je  le  prie  de  te  faire  comprendre  à  sa  manière 
l'attachement  que  j'éprouve  pour  toi,  et  de 
gouverner  ton  esprit,  de  façon  à  renverser 
ïes  désirs  des  impies  et  à  fortifier  l'espérance 
des  bons  i.  » 

Moins  de  trois  ans  après  avait  lieu  l'entre- 
vue de  Canossa  ;  mais  au  moment  où  Gré- 
goire écrivait  cette  lettre  à  Henri,  sa  confiance 
dans  l'expédition  qu'il  projetait  était  assez 
fondée,  pour  qu'il  en  fît  part  à  la  comtesse 
Mathilde.  «  L'objet  de  mes  pensées,  écrit-il 
à  la  chevaleresque  princesse,  le  désir  que 
j'éprouve  de  passer  la  mer,  pour  venir  au 
secours  des  chrétiens  que  les  païens  immo- 
lent comme  un  vil  bétail,  me  cause  de  l'em- 
barras vis-à-vis  de  plusieurs;  je  crains  d'être 
taxé  par  eux  d'une  certaine  légèreté.  Mais  je 
n'ai  aucune  peine  à  te  le  confier,  à  toi,  ma 
fille  très  chère,  dont  j'estime  la  prudence  plus 
que  tu  ne  saurais  t'en  rendre  compte.  Après 
avoir  lu  les  lettres  que  j'envoie  au  delà  des 
monts,  si  tu  as  un  conseil  à  émettre,  ou 
mieux  encore  à  prêter  un  secours  à  la  cause 
de  Dieu  ton  créateur,  fais  en  sorte  d'y  appor- 
ter tous  tes  soins  ;  car  s'il  est  beau,  comme 
on  le  dit,  de  mourir  pour  sa  patrie,  il  est 
plus  beau  et  plus  glorieux  encore  de  sacrifier 
la  chair  mortelle  pour  le  Christ  qui  est  l'éter- 
nelle  vie.    J'ai    la    confiance    que    beaucoup 

I.  Data  Romae,  7  idus  decembris,  indictione  13(1074). 


540  Le  Temps  Pascal. 

d'hommes  de  guerre  nous  viendront  en  aide 
dans  cette  expédition  ;  j'ai  des  raisons  de  pen- 
ser que  notre  impératrice  (la  pieuse  Agnès, 
mère  de  Henri)  a  l'intention  de  partir  avec 
nous;  elle  désire  t'emmencr  avec  elle.  Ta 
mère  (la  comtesse  Béatrix)  demeurera  dans 
ce  pays,  pour  veiller  à  la  défense  des  intérêts 
communs  ;  et  toutes  choses  étant  ainsi 
réglées,  avec  l'aide  du  Christ  nous  pourrions 
nous  mettre  en  route.  En  venant  ici  pour 
satisfaire  sa  dévotion,  l'impératrice,  aidée  de 
ton  secours,  pourra  animer  un  grand  nombre 
de  personnes  à  cette  sainte  entreprise.  Pour 
ce  qui  est  de  moi,  honoré  de  la  compagnie 
de  si  nobles  sœurs,  je  passerai  volontiers  les 
mers,  disposé  à  donner  ma  vie  pour  le  Christ 
avec  vous,  dont  je  désire  n'être  pas  séparé 
dans  la  patrie  éternelle.  Adresse-moi  promp- 
tement  une  réponse  sur  ce  projet  et  sur  ton 
arrivée  à  Rome,  et  daigne  le  Seigneur  tout- 
puissant  te  bénir  et  te  mire  marcher  de  vertu 
en  vertu,  afin  que  la  Mère  universelle  puisse  se 
réjouir  en  toi  durant  de  longues  années  ^  !  » 

La  pensée  de  Grégoire,  à  laquelle  il  se 
livrait  avec  tant  d'enthousiasme,  n'était  pas 
uniquement  un  rêve  généreux  de  sa  grande 
âme  ;  c'était  un  pressentiment  divin.  "Sa  vie 
héroïque  ne  devait  pas  laisser  place  à  une 
lointaine  expédition  ;  il  allait  avoir  à  com- 
battre un  autre  ennemi  que  le  Sarrasin  , 
mais  la  croisade  qu'il  saluait  avec  tant  d'ar- 
deur n'était  pas  loin.  Urbain  11,  son  second 
successeur,    comme    lui    moine    de    Cluny, 

I.  l6  décembre  1074.  Jaffé,  Monumenta  Grego- 
riana,  fjg.  532. 


s.  Grégoire  VII,  Pape  et  Confesseur.     541 

devait  sous  peu  d'années  ébranler  l'Europe 
chrétienne  et  la  lancer  sur  l'ennemi  com- 
mun. Mais  puisque  nous  avons  rencontré  le 
nom  de  Mathilde,  nous  profiterons  de  cette 
occasion  pour  pénétrer  plus  intimement 
encore  dans  l'âme  de  notre  grand  Pontife. 
On  verra  comment  cet  illustre  athlète  de  la 
liberté  de  l'Eglise  savait  unir  à  la  hauteur  et 
à  la  grandeur  des  vues  la  touchante  sollici- 
tude du  plus  humble  prêtre  pour  l'avance- 
ment spirituel  d'une  âme.  «  Celui-là  seul 
qui  pénètre  le  secret  des  cœurs,  écrit-il  à  la 
pieuse  princesse,  peut  connaître,  et  connaît 
mieux  que  moi  encore,  le  zèle  et  la  sollici- 
tude que  je  porte  à  ton  salut.  Je  me  liatte 
que  tu  sais  comprendre  que  je  suis  tenu  à 
prendre  soin  de  toi,  en  vue  de  tant  de  peu- 
ples pour  l'intérêt  desquels  la  charité  m'a 
contraint  de  te  retenir,  lorsque  tu  songeais  à 
les  abandonner,  afin  de  ne  ^lus  songer  qu'au 
bien  de  ton  âme.  La  charité,  ainsi  que  je  te 
l'ai  dit  souvent  et  que  je  te  le  dirai  encore, 
d'après  celui  qui  est  la  trompette  du  ciel,  la 
charité  ne  cherche  pas  ce  qui  est  de  son 
intérêt.  Mais  comme  entre  les  armes  de 
défense  que  je  t'ai  fournies  contre  le  prince 
du  monde,  la  principale  est  de  recevoir  fré- 
quemment le  Corps  du  Seigneur,  et  de  te 
livrer  avec  une  entière  confiance  à  la  protec- 
tion de  sa  Mère,  dans  cette  lettre  je  veux  te 
transcrire  ce  que  le  bienheureux  Ambroise  a 
pensé  au  sujet  de   la    communion.  » 

Le  pieux  Pontife  insère  ici  deux  passages 
du  saint  Docteur,  qu'il  fait  suivre  d'autres 
citations  empruntées  à  saint  Grégoire  le 
Grand    et  à  saint   Jean    Chrvsostome   sur  le 


542  Le  Temps  Pascal. 

bienfait  de  la  divine  l'ucharistie.  Il  continue 
ainsi  :  «  Nous  devons  donc,  6  ma  fille,  recou- 
rir à  ce  merveilleux  sacrement,  aspirer  à  ce 
puissant  remède.  Je  t'ai  écrit  cette  lettre,  6 
fille  du  bienheureux  Pierre,  pour  accroître 
encore  ta  foi  et  ta  confiance,  lorsque  tu  re- 
çois le  Corps  du  Seigneur.  Tel  est  le  trésor, 
tel  est  le  bienfait,  au-dessus  de  l'or  et  des 
pierres  précieuses,  que  ton  âme  attend  de 
moi    dans  son    amour  pour  le  Roi  des  cieux 

aui  est  ton  père  ;  bien  qu'il  te  fût  possible 
'obtenir  par  tes  mérites  quelque  chose  de 
meilleur  en  t'adressant  à  un  autre  ministre 
de  Dieu.  Quant  à  la  Mère  du  Seigneur,  à 
laquelle  je  t'ai  confiée  pour  le  passé,  pour  le 
présent  et  pour  toujours,  jusqu'à  ce  que  nous 
puissions  la  contempler  au  ciel  selon  notre 
désir,  je  ne  t'en  entretiendrai  pas  aujour- 
d'hui. Que  pourrais- je  dire  qui  fût  digne  de 
celle  que  le  ciel  et  la  terre  ne  cessent  de 
combler  de  louanges,  sans  pouvoir  atteindre 
à  ce  qu'elle  mérite  ?  mais  tiens  ceci  pour 
assuré,  qu'autant  elle  est  plus  élevée,  plus 
dévouée  et  plus  sainte  que  toutes  les  autres 
mères,  autant  elle  se  montre  miséricordieuse 
et  tendre  envers  ceux  et  celles  qui  ont  péché 
et  qui  s'en  repentent.  Renonce  donc  à  toute 
inclination  au  péché,  et  prosternée  devant 
elle,  répands  les  larmes  d'un  cœur  contrit  et 
humilie.  Tu  la  trouveras  alors,  je  te  le  pro- 
mets en  toute  assurance,  plus  empressée  et 
plus  affectueuse  dans  sa  tendresse  pour  toi  que 
ne  saurait  l'être  une  mère  selon  la  chair  *.  » 
L'œil  du  Pontife  que  tant  de  sollicitudes  ne 


s.  Grégoire  Vil,  Pape  et  Confesseur.     543 

pouvaient  distraire  de  l'intérêt  paternel  qu'il 
portait  à  l'avancement  d'une  âme,  allait 
chercher,  malgré  les  distances,  à  travers  la 
chrétienté,  les  nommes  trop  rares  alors  dont 
la  sainteté  et  la  doctrine  devaient  faire  plus 
tard  l'ornement  et  la  lumière  de  l'Eglise. 
C'est  ainsi  que  Grégoire  avait  découvert  le 
grand  Anselme,  alors  encore  caché  au  fond 
de  son  abbaye  du  Bec.  Du  milieu  de  ses  tri- 
bulations inouïes  (107Q),  le  Pontife  adresse  à 
l'Abbé  cette  lettre  touchante  :  «  La  bonne 
odeur  de  tes  fruits,  lui  dit-il,  s'est  fait  sentir 
jusqu'à  nous.  Nous  en  rendons  à  Dieu  nos 
actions  de  grâces,  et  nous  t'embrassons  de 
cœur  dans  l'amour  du  Christ,  assuré  que 
nous  sommes  du  succès  que  l'Eglise  de  Dieu 
retirera  de  tes  études,  et  de  l'aide  que,  par 
la  miséricorde  du  Seigneur,  lui  apporteront, 
dans  ses  périls,  tes  prières  jointes  à  celles 
qu'otYrent  au  ciel  ceux  qui  te  ressem.blent. 
Tu  sais,  mon  frère,  la  puissance  qu'exerce 
auprès  de  Dieu  la  prière  du  juste  ;  celle  de 
plusieurs  justes  a  plus  de  force  encore  ;  il 
n'y  a  même  pas  lieu  de  douter  qu'elle  n'ob- 
tienne ce  qu'elle  implore.  C'est  l'autorité  de 
la  Vérité  même  qui  nous  oblige  de  le  croire. 
C'est  elle  qui  a  dit  :  «  Frappez,  et  l'on  vous 
((  ouvrira.  »>  Frappez  avec  simplicité,  deman- 
dez avec  simplicité,  dans  les  choses  qui  lui 
sont  agréables  ;  alors  il  vous  sera  ouvert, 
alors  vous  recevrez,  et  c'est  en  cette  manière 
que  la  prière  des  justes  sera  exaucée.  C'est 
pourquoi  nous  voulons  que  ta  Fraternité  et 
celle  de  tes  moines  s'adressent  à  Dieu  par 
des  prières  assidues,  afin  qu'il  daigne  sous- 
traire   à    l'oppression    des    hérétiques    son 


544  L^  Temps  Pascal. 

Eglise  et  nous-mêmc  qui  lui  sommes  pré- 
posé, quoique  indigne,  et  que  dissipant  l'er- 
reur qui  aveugle  nos  ennemis,  il  les  ramène 
au  sentier  de  la  vérité  i.  » 

Mais  l'œil  de  Grégoire  ne  s'arrêtait  pas  seu- 
lement sur  des  princesses  comme  Mathilde, 
sur  des  docteurs  comme  Anselme.  Il  savait 
découvrir  jusque  dans  la  mêlée  l'humble  et 
courageux  blessé  qui  soulfrait  pour  la  cause 
de  l'Église,  et  l'entourait  d'une  admiration 
et  d'une  tendresse  qu'il  n'eût  pas  éprouvée 
pour  ces  chefs  dont  la  ridélité  est  au  prix  de 
la  gloire.  Qu'on  lise  cette  lettre  à  un  pauvre 
prêtre  milanais  que  les  simoniaques  avaient 
mutilé  d'une  façon  barbare.  «  Si  nous  véné- 
rons la  mémoire  des  Saints  qui  sont  morts 
après  que  leurs  membres  ont  été  tranchés 
par  le  fer,  écrit-il  à  cet  obscur  soldat  de 
l'Eglise,  nommé  Liprand,  si  nous  célébrons 
les  souffrances  de  ceux  que  ni  le  glaive,  ni 
les  souffrances  n'ont  pu  séparer  de  la  foi  du 
Christ,  toi  à  qui  on  a  coupé  le  nez  et  les 
oreilles  pour  son  nom,  tu  es  plus  digne  de 
louanges  encore  d'avoir  mérité  une  grâce  qui, 
si  elle  est  jointe  à  la  persévérance,  te  donne 
une  entière  ressemblance  avec  les  Saints. 
L'intégrité  de  ton  corps  n'existe  plus  ;  mais 
l'homme  intérieur  qui  se  renouvelle  de  jour 
en  jour,  s'est  développé  en  toi  avec  gran- 
deur. Extérieurement  les  mutilations  désho- 
norent ton  visage  ;  mais  l'image  de  Dieu, 
qui  est  le  rayonnement  de  la  justice,  est 
devenue  en  toi  plus  gracieuse  par  ta  bles- 
sure même,  plus  attrayante  par  la  diftormité 


s.  Grégoire  V/I,  Pape  et  Confesseur.     545 

3u'on  a  imprimée  à  tes  traits.  L'Eglise  ne 
it-elle  pas  elle-même  dans  le  Cantique  : 
«  Je  suis  noire,  ô  filles  de  Jérusalem  »  ?  Si 
donc  ta  beauté  intérieure  n'a  pas  souffert  de 
ces  cruelles  mutilations,  ton  caractère  sacer- 
dotal qui  est  saint,  et  qu'il  faut  reconnaître 
plutôt  dans  l'intégrité  des  vertus  que  dans 
celle  des  membres,  n'en  a  pas  été  atteint 
davantage.  N'a-t-on  pas  vu  l'empereur  Cons- 
tantin baiser  respectueusement  au  visage  d'un 
évêque  la  cicatrice  d'un  œil  qui  avait  été 
arraché  pour  le  nom  du  Christ  ?  L'exemple 
des  Pères  et  les  anciennes  écritures  ne  nous 
apprennent-ils  pas  qu'on  maintenait  les  mac- 
tyrs  dans  l'exercice  du  ministère  sacré,  même 
après  la  mutilation  qu'ils  avaient  soufferte 
dans  leurs  membres  ?  Toi  donc,  martyr  du 
Christ,  sois  plein  d'assurance  dans  le  Sei- 
gneur, Regarde-toi  comme  ayant  fait  un  pas 
de  plus  dans  ton  sacerdoce.  Il  te  fut  conféré 
avec  l'huile  sainte  ;  aujourd'hui  le  voilà 
scellé  de  ton  propre  sang.  Plus  on  t'a  réduit, 
plus  il  te  faut  prêcher  ce  qui  est  bien,  et 
semer  cette  parole  qui  produit  cent  pour  un. 
Nous  savons  que  les  ennemis  de  la  sainte 
Eglise  sont  tes  ennemis  et  tes  persécuteurs  ; 
ne  les  crains  pas,  et  ne  tremble  pas  devant  eux; 
car  nous  gardons  avec  amour  sous  notre  tutelle 
et  sous  celle  du  Siège  Apostolique  ta  personne 
et  tout  ce  qui  t'appartient;  et  s'il  te  devient 
nécessaire  de  recourir  à  nous,  nous  acceptons 
d'avance  ton  appel,  disposé  à  te  recevoir  avec 
allégresse  et  grand  honneur,  lorsque  tu  vien- 
dras vers  nous  et  vers  ce  saint  Siège  *.  » 

I.  1075.  Jaffé,  pag.  533. 


LE   TEMPS    PASCAL.    —    T.    III. 


3^6  Le  Temps  Pascal. 

Tel  était  Grégoire,  unissant  la  simplicité 
du  cloître  aux  plus  graves  sollicitudes  de  la 
papauté.  Et  quelles  sollicitudes,  si  nous 
oublions  pour  un  moment  l'affreuse  crise  au 
milieu  de  laquelle  il  disparut!  Nous  venons 
de  parler  du  projet  de  la  croisade,  qui  plus  tard 
a  suffi  à  lui  seul  pour  immortaliser  Urbain  II  ; 
mais  que  d'œuvres  diverses,  que  d'interven- 
tions pastorales  dans  tout  le  monde  chrétien, 
qui  font  des  douze  années  de  ce  pontihcat  si 
agité  l'une  des  époques  où  la  papauté,  présente 
partout,  semble  avoir  déployé  le  plus  d'acti- 
vité et  de  vigilance  !  Dans  sa  vaste  corres- 
pondance, Grégoire  ne  se  borne  pas  à  diriger 
les  affaires  de  l'Eglise  dans  l'Empire,  en  Ita- 
lie, en  France,  en  Angleterre,  en  Espagne;  il 
soutient  les  jeunes  chrétientés  du  Danemarck, 
de  la  Suède,  de  la  Norwège  ;  la  Hongrie,  la 
Bohème,  la  Pologne,  la  Servie,  la  "Russie 
elle-même,  reçoivent  ses  lettres  remplies  de 
sollicitude.  Malgré  la  rupture  du  lien  de 
communion  entre  Rome  et  Byzance,  le  Pon- 
tife ne  cesse  pas  ses  interventions  ;  il  voudrait 
arrêter  le  scnisme  qui  emporte  l'Eglise  grec- 
que loin  de  son  orbite.  Sur  la  côte  d'Afrique, 
sa  vigilance  soutient  encore  trois  évèchés  qui 
ont  survécu  à  l'invasion  sarrasine.  Dans  le  but 
d'unifier  la  chrétienté  latine,  il  resserre  le 
lien  de  la  prière  publique,  abolissant  en 
Espagne  la  liturgie  gothique,  et  faisant  recu- 
ler au  delà  des  frontières  de  la  Bohême  la 
liturgie  de  Byzance  qui  allait  l'envahir.  Quelle 
carri'ere  pour  un  seul  homme  ;  mais  aussi 
quel  martyre  était  réservé  à  ce  grand  cœur  ! 
li  nous  faut  reprendre  le  récit, "un  moment 
suspendu,  des  épreuves  de  notre  Pontife.  Par 


s.  Grégoire  VII,  Pape  et  Confesseur.     547 

lui  l'Eglise  et  la  société  devaient  être  sau- 
vées; mais  comme  son  Maître  divin,  «  il 
«  devait  boire  l'eau  du  torrent  pour  relever 
<(  ensuite  la  tête  1.  » 

Nous  l'avons  vu  humilié  dans  ses  défen- 
seurs, le  sort  des  armes  lui  étant  devenu  con- 
traire ;  nous  l'avons  vu  menacé  par  son  vain- 
queur,  après  l'avoir  tenu  sous  ses  pieds  ;  nous 
l'avons  vu  en  but*^'^'-  à  un  anti-pape  dont  la 
cause  est  soutenue  par  d'indignes  prélats; 
mais  «  ce  n'est  là  encore  que  le  commence- 
ment des  douleurs  2.  »  Henri  marche  sur  la 
ville  sainte  en  la  compagnie  du  faux  vicaire 
du  Christ.  Un  incendie  allumé  par  sa  main 
sacrilège  menace  de  dévorer  le  quartier  du 
Vatican;  Grégoire  envoie  sa  bénédiction  sur 
son  peuple  éperdu,  et  tout  aussitôt  la  flamme 
recule  et  s'éteint.  Un  moment  l'enthousiasme 
gagne  les  Romains,  si  souvent  ingrats  envers 
le  Pontife  qui  est  à  lui  seul  la  vie  et  la  gloire 
de  Rome.  Prêt  à  consommer  le  sacrilège, 
Henri  hésite  et  tremble.  Il  laissera  tomber 
dans  la  poussière  l'ignoble  fantôme  qu'il  a 
voulu  opposer  au  véritable  pape  -,  il  ne 
demande  plus  qu'une  chose  aux  Romains  : 
que  Grégoire  consente  à  lui  donner  l'onction 
sainte,  et  lui,  Henri  de  Germanie,  désormais 
empereur,  se  montrera  fils  dévoué  de  l'Eglise. 
Cette  prière  est  transmise  à  Grégoire  par  la 
cité  tout  entière  :  «  Je  connais  trop  la  four- 
«  berie  du  roi,  répond  le  noble  Pontife.  Qu'il 
«  satisfasse  d'abord  à  Dieu  et  à  l'Eglise  qu'il 
«  a  foulée  aux  pieds  :  je  pourrai  alors  absou- 
«  dre  son  repentir,  et  placer  sur  sa  tète  con- 


5^v  Le  Temps  Pascal. 

«  vertie  la  couronne  impériale.  «  Les  ins- 
tances des  Romains  ne  purent  obtenir  d'autre 
réponse  de  l'inflexible  gardien  du  droit  de  la 
chrétienté.  Henri  allatt  s'éloigner,  lorsque 
tout  à  coup  cette  population  mobile,  gagnée 
par  d'infâmes  largesses  venues  de  Byzance 
(car  tous  les  schismes  s'entendent  contre  la 
papauté),  se  détache  de  celui  qui  est  son  roi 
et  son  père,  et  vient  déposer  les  clefs  de  la 
ville  aux  pieds  du  tyran  qui  apporte  la  ser- 
vitude des  âmes.  Grégoire  se  voit  alors  réduit 
à  chercher  un  asile  dans  le  fort  Saint-Ange, 
et  la  liberté  de  l'Eglise  y  est  assiégée  avec 
lui.  C'est  de  là,  ou"peut-être  quelques  jours 
avant  de  s'y  enfermer,  qu'il  écrit,  en  l'année 
1084,  cette  lettre  sublime  adressée  à  tous  les 
fidèles,  et  qui  est  comme  le  testament  de  sa 
grande  âme  : 

«  Les  princes  des  nations  et  les  princes  des 
prêtres  se  sont  réunis  contre  le  Christ,  Fils 
du  Dieu  tout-puissant,  et  contre  son  apôtre 
Pierre,  pour  éteindre  la  religion  chrétienne 
et  propager  partout  l'hérétique  perversité. 
Mais,  par  la  miséricorde  de  Dieu,  ils  n'ont 
pu,  malgré  leurs  menaces,  leurs  cruautés  et 
leurs  promesses  de  gloire  mondaine,  entraî- 
ner dans  leur  impiété  ceux  qui  mettent  leur 
confiance  dans  le  Seigneur.  D'iniques  cons- 
pirateurs ont  levé  la  main  contre  nous,  uni- 
quement parce  que  nous  n'avons  pas  voulu 
couvrir  du  silence  le  péril  de  la  sainte  Eglise, 
ni  tolérer  ceux  qui  ne  rougissent  pas  de 
réduire  en  servitude  l'Epouse  même  de  Dieu. 
En  tout  pays,  la  dernière  des  femmes  peut 
se  donner  îin  époux  à  son  gré  avec  l'appui 
des  lois;  et  voici  qu'il  n'est  plus  permis  à  la 


s.  Grégoire  VU,  Pape  et  Confesseur.     54g 

sainte  Eglise  qui  est  l'Epouse  de  Dieu  et  notre 
mère,  de  demeurer  unie  à  son  Epoux,  comme 
le  demande  la  loi  divine  et  comme  elle  le 
veut  elle-même.  Nous  ne  devons  pas  souffrir 
que  les  fils  de  cette  Eglise  soient  asservis  à 
des  hérétiques,  à  des  adultères,  à  des  oppres- 
seurs, comme  si  ceux-là  étaient  leurs  pères. 
De  là  des  maux  de  toute  nature,  des  périls 
divers,  des  actes  de  cruauté  inouïe,  ainsi  que 
vous  pourrez  l'apprendre  de  nos  légats. 

«  Il  a  été  dit  au  Prophète,  comme  le  sait 
votre  fraternité  :  «  Du  sommet  de  la  monta- 
«  gne,  fais  entendre  des  cris,  et  ne  cesse 
«  pas.  »  Poussé  irrésistiblement,  sans  aucun 
respect  humain,  me  mettant  au-dessus  de 
tout  sentiment  terrestre,  j'évangélise  à  mon 
tour,  je  crie  et  je  crie  encore,  et  je  vous 
annonce  que  la  religion  chrétienne,  la  vraie 
foi  que  le  Fils  de  Dieu  venu  sur  la  terre  nous 
a  enseignée  par  nos  pères,  est  menacée  de  se 
corrompre  par  l'envahissement  de  la  puis- 
sance séculière,  qu'elle  tend  à  s'anéantir,  à 
perdre  sa  couleur  antique,  exposée  ainsi  à  la 
dérision  non  seulement  de  Satan,  mais  des 
juifs,  des  sarrasins  et  des  païens.  Ces  derniers 
du  moins  gardent  leurs  lois  qui  ne  peuvent 
être  utiles  au  salut  des  âmes,  et  qui  n'ont 
point  été  garanties  par  des  miracles  comme 
la  nôtre  que  le  Roi  éternel  a  attestée  lui- 
même  :  ils  les  gardent  et  ils  y  croient.  Nous 
chrétiens,  enivres  de  l'amour  du  siècle  et  trom- 
pés par  une  vaine  ambition,  nous  faisons  céder 
toute  religion  et  toute  honnêteté  à  la  cupidité 
et  à  la  superbe,  nous  semblons  dépourvus  de 
toute  loi  et  comme  insensés,  n'ayant  plus  le 
soucirqu'avaient  nos  pères  du  salut  et  de  l'hon- 


55o  Le  Temps  Pascal. 

neur  de  la  vie  présente  et  de  la  vie  future,  n'en 
faisant  même  pas  l'objet  de  notre  espérance. 
S'il  s'en  rencontre  qui  craignent  encore  Dieu, 
c'est  uniquement  de  leur  salut  qu'ils  s'occu- 
pent, et  non  de  l'intérêt  commun.  Qui  voit- 
on  aujourd'hui  se  donner  de  la  peine,  exposer 
sa  vie  dans  les  fatigues  par  le  motif  de  la 
crainte  ou  de  l'amour  du  Dieu  tout-puissant, 
tandis  qu'on  voit  les  soldats  de  la  milice  sécu- 
lière braver  tous  les  dangers  pour  leurs  maî- 
tres, pour  leurs  amis  et  même  pour  leurs 
sujets  ?  Des  milliers  d'hommes  savent  courir 
à  la  mort  pour  leurs  seigneurs;  mais  s'agit-il 
du  roi  du  ciel,  de  notre  Rédempteur,  loin  de 
jouer  ainsi  sa  vie,  on  recule  devant  l'inimitié 
de  quelques  hommes.  S'il  en  est  (et  il  en 
existe  encore,  par  la  miséricorde  de  Dieu,  si 
peu  que  ce  soit),  s'il  en  est,  disons-nous, 
quelques-uns  qui,  pour  l'amour  de  la  loi 
chrétienne,  osent  résister  en  face  aux  impies, 
non  seulement  ils  ne  trouvent  pas  d'appui 
chez  leurs  frères,  on  les  taxe  d'imprudence 
et  d'indiscrétion,  on  les  traite  de  fous. 

«  Nous  donc  qui  sommes  obligé  par  notre 
charge  de  détruire  les  vices  dans  les  cœurs 
de  nos  frères  et  d'y  implanter  les  vertus,  nous 
vous  prions  et  vous  supplions  dans  le  Seigneur 
Jésus  qui  nous  a  rachetés,  de  réfléchir  en  vous- 
mêmes,  afin  de  bien  comprendre  pour  quel 
motif  nous  avons  à  souffrir  tant  d'angois- 
ses et  de  tribulations  de  la  part  des  ennemis  de 
la  religion  chrétienne.  Du  jour  où,  par  la  vo- 
lonté divine,  l'Eglise  mère  m'a  établi,  malgré 
ma  grande  indignité,  et  malgré  moi.  Dieu  le 
sait,  sur  le  trône  apostolique,  tous  mes  soins 
ont  été  pourque  l'Epouse  de  Dieu,  notre  dame 


s.  Grégoire  VII,  Pape  et  Confesseur.    55 1 

et  mère,  remontât  à  la  dignité  qui  lui  appar- 
tient, pour  qu'elle  se  maintînt  libre,  chaste  et 
catholique.  Mais  une  telle  conduite  devait 
déplaire  souverainement  à  l'antique  ennemi  ; 
c'est  pourquoi  il  a  armé  contre  nous  ceux  qui 
sont  ses  membres,  et  nous  a  suscité  une  oppo- 
sition universelle.  C'est  alors  que  l'on  a  vu 
se  diriger  contre  nous  et  contre  le  Siège  Apos- 
tolique plus  d'efforts  violents  qu'il  n'en  avait 
été  tenté  depuis  les  temps  de  Constantin  le 
Grand.  Mais  que  l'on  ne  s'en  étonne  pas  ;  il 
est  naturel  que  plus  le  temps  de  TAniéchrist 
approche,  plus  il  mette  d'acharnement  à 
poursuivre  l'anéantissement  de  la  religion 
chrétienne  i.  » 

Telle  était  à  ce  moment  suprême  l'îndigna- 
tion  douloureuse  du  grand  Pontife,  presque 
seul  contre  tous,  abattu  par  les  revers,  mais 
non  vaincu.  De  la  forteresse  où  il  avait  abrité 
la  majesté  apostolique,  il  put  entendre  les 
impies  vociférations  du  cortège  qui  condui- 
sait à  la  basilique  vaticane  Henri,  que  son 
faux  pape  attendait  à  la  Confession  de  saint 
Pierre.  C'était  le  dimanche  des  Rameaux 
io85.  Le  sacrilège  fut  consommé.  La  veille, 
Guibert  avait  ose  trôner  dans  la  basilique  de 
Latran  ;  et  sous  les  palmes  triomphales  por- 
tées en  l'honneur  du  Christ  dont  Grégoire 
était  le  vicaire,  on  vit  l'intrus  placer  sur  la 
tête  du  César  excommunié  la  couronne  de 
l'Empire  chrétien  ;  mais  Dieu  préparait  un 
vengeur  à  son  Eglise.  Au  moment  où  le 
Pontife  était  serré  de  plus  près  dans  la  forte- 
resse qui  lui   servait  d'abri,  et  qu'il  semblait 

I.    1084.  JaffÉ,  ;E:'ag'.   572. 


55: 


Le  Temps  Pascal. 


avoir  tout  à  craindre  de  la  fureur  de  son  en- 
nemi, Rome  retentit  tout  à  coup  du  bruit  de 
l'arrivée  du  vaillant  chef  des  Normands, 
Robert  Guiscard.  Cet  homme  de  guerre  est 
accouru  pour  mettre  ses  armes  au  service  du 
Pontife  assiég'^,  et  pour  délivrer  Rome  du 
joug  des  Allemands.  Une  panique  soudaine 
s'empare  du  faux  César  et  du  faux  pape  ;  l'un 
et  l'autre  prennent  la  fuite,  et  la  cité  parjure 
expie  dans  les  horreurs  d'un  saccagement 
effroyable  le  crime  de  son  odieuse  trahison. 

Le  cœur  de  Grégoire  fut  accablé  du  désas- 
tre de  son  peuple.  Impuissant  à  contenir  la 
rage  dévastatrice  de  ces  barbares  qui  ne 
surent  pas  se  borner  à  délivrer  le  Pontife, 
mais  donnèrent  carrière  à  toutes  leurs  cupi- 
dités au  sein  de  cette  ville  qu'ils  auraient  dû 
châtier  et  non  écraser;  menacé  du  retour  de 
Henri  qui  comptait  sur  le  ressentiment  des 
Romains  et  se  préparait  à  remplacer  les 
Normands,  lorsqu'ils  auraient  assouvi  leurs 
convoitises,  Grégoire  sortit  de  Rome  avec 
désolation,  et,  secouant  la  poussière  de  ses 
pieds,  il  alla  demander  asile  au  Mont-Cassin, 
et  passer  quelques  heures  dans  ce  sanctuaire 
du  grand  patriarche  des.moines.  Le  contraste 
des  jours  tranquilles  de  sa  jeunesse  abritée 
sous  le  cloître,  avec  les  orages  dont  sa  car- 
rière apostolique  n'avait  cessé  d'être  agitée, 
dut  se  présentera  sa  pensée.  Errant,  fugitif, 
abandonné,  sauf  d'une  élite  d'âmes  fidèles  et 
dévouées,  il  poursuivait  sa  douloureuse  pas- 
sion ;  mais  son  calvaire  n'était  pas  éloigné,  et 
le  Seigneur  ne  devait  pas  tarder  à  le  re'cevoir 
dans  le  repos  de  ses  saints.  Avant  qu'il  des- 
cendît de  la   sainte  montagne,  un  fait  mer- 


s.  Grégoire  VII,  Pape  et  Confesseur.     553 

veilleux  arrivé  déjà  plusieurs  fois  se  mani- 
festa de  nouveau.  Grégoire  étant  à  l'autel  et 
célébrant  le  saint  Sacrifice,  une  blanche 
colombe  parut  tout  à  coup  posée  sur  son 
épaule,  et  parlant  à  son  oreille.  Il  ne  fut  pas 
difficile  de  reconnaître  à  ce  symbole  expres- 
sif l'action  de  l'Esprit-Saint  qui  dirigeait  et 
Pouvernait  les  pensées  et  les  actes  du  saint 
ontife. 

On  était  dans  les  premiers  mois  de  l'année 
io85.  Grégoire  se  rendit  à  Salerne,  dernière 
station  de  sa  vie  si  agitée.  Ses  forces  l'aban- 
donnaient de  plus  en  plus.  Il  voulut  cepen- 
dant faire  la  dédicace  de  l'Eglise  du  saint 
évangéliste  Matthieu  dont  le  corps  reposait 
dans  cette  ville,  et  d'une  voix  défaillante  il 
adressa  encore  la  parole  au  peuple.  Ayant 
pris  ensuite  le  Corps  et  le  Sang  du  Sauveur, 
fortifié  par  ce  puissant  viatique,  il  reprit  le 
chemin  de  sa  demeure,  et  s'étendit  sur  la 
couche  d'où  il  ne  devait  plus  se  relever. 
Image  saisissante  du  Fils  de  Dieu  sur  la 
croix,  comme  lui  dépouillé  de  tout  et  aban- 
donné de  la  plupart  des  siens,  ses  dernières 
pensées  furent  pour  la  sainte  Eglise  qu'il 
laissait  dans  le  veuvage.  Il  indiqua  aux  quel- 
ques cardinaux  et  évèques  qui  l'entouraient, 
les  noms  de  ceux  entre  les  mains  desquels 
il  verrait  avec  contentement  passer  sa  labo- 
rieuse succession  :  Didier,  Abbé  du  Mont- 
Cassin,  qui  fut  après  lui  Victor  III  ;  Othon 
de  Châtillon,  moine  de  Cluny,  qui  fut  après 
Victor  Urbain  II  ;  et  le  fidèle  légat  Hugues  de 
Die,  que  Grégoire  avait  fait  archevêque  de 
Lyon. 
On  interrogea  le  Pontife  agonisant  sur  ses 


554  ^^  Temps  Pascal. 

intentions  relativement  aux  nombreux  cou- 
pables qu'il  avait  dû  frapper  du  glaive  de 
l'excommunication.  Là  encore,  comme  le 
Christ  sur  la  croix,  il  exerça  miséricorde  et 
justice  :  «  Sauf,  dit-al,  le  roi  Henri,  et  Gui- 
«  bert  l'usurpateur  du  Siège  Apostolique, 
«  ainsi  que  ceux  qui  favorisent  leur  injustice 
«  et  leur  impiété,  j'absous  et  bénis  tous 
«  ceux  qui  ont  foi  en  mon  pouvoir  comme 
a  étant  celui  des  saints  apôtres  Pierre  et 
((  Paul.  »  Le  souvenir  de  la  pieuse  et  invin- 
cible Mathilde  s'étant  présenté  à  sa  pensée, 
il  confia  cette  fille  dévouée  de  l'Eglise  Romaine 
aux  soins  du  courageux  Anselme  de  Lucques, 
rappelant  ainsi,  comme  le  remarque  le  bio- 
graphe de  ce  saint  évêque,  le  don  (que  Jésus 
expirant  fit  de  Marie  à  Jean  son  disciple  de 
prédilection.  Trente  années  de  luttes  et  de 
victoires  furent  pour  l'héroïque  comtesse  le 
prix  de  cette  bénédiction  suprême. 

La  fin  était  imminente  ;  mais  la  sollicitude 
du  père  de  la  chrétienté  survivait  encore  en 
Grégoire.  Il  appela  l'un  après  l'autre  ces 
hornmes  généreux  qui  entouraient  sa  couche, 
et  leur  fit  prêter  serment  entre  ses  mains 
glacées  de  ne  jamais  reconnaître  les  droits  du 
tyran,  tant  qu'il  n'aurait  pas  donné  satisfac- 
tion à  l'Eglise.  Il  résuma  sa  dernière  énergie 
dans  une  défense  solennelle  intimée  à  tous 
de  reconnaître  pour  Pape  celui  qui  n'aurait 
pas  été  élu  canoniquement  et  selon  les  règles 
des  saints  Pères,  Se  recueillant  ensuite  en 
lui-même,  et  acceptant  la  divine  volonté  sur 
sa  vie  de  pontife  qui  n'avait  été  qu'un  sacri- 
fice continuel,  il  dit  :  «  J'ai  aimé  la  justice  et 
«  j'ai  haï    l'iniquité;    c'est   pour  cela  que  je 


s.  Grégoire  VII,  Pape  et  Confesseur.     555 

a  meurs  en  exil.  »  Un  des  évêques  qui  l'en- 
touraient répondit  avec  respect  :  «  Vous  ne 
«  pouvez,  seigneur,  mourir  en  exil,  vous  qui, 
«  tenant  la  place  du  Christ  et  des  saints 
«  Apôtres,  avez  reçu  les  nations  en  héritage, 
«  et  en  possession  l'étendue  de  la  terre.  » 
Parole  sublime  que  déjà  Grégoire  ne  pouvait 
plus  entendre  ;  car  son  âme  s'était  élancée 
au  ciel,  et  recevait  dès  ce  moment  l'immor- 
telle couronne  des  martyrs. 

Grégoire  était  donc  vaincu,  comme  le 
Christ  lui-même  fut  vaincu  par  la  mort  ; 
mais  le  triomphe  sur  cette  mort  ne  manqua 
pas  plus  au  disciple  qu'il  n'avait  manqué  au 
Maître.  La  chrétienté  abaissée  en  tant  de 
manières  se  releva  dans  toute  sa  dignité  ;  et 
l'on  peut  même  dire  qu'un  g^ge  de  cette 
résurrection  fut  donné  par  le  ciel  le  jour 
même  où  Grégoire  rendait  à  Salerne  son 
dernier  soupir.  Ce  même  jour,  vingt-cinq 
mai  io85,  Alphonse  VI  entrait  victorieux  à 
Tolède,  et  arborait  la  croix  dans  la  cité  re- 
conquise des  Eugène  et  des  Julien,  après 
quatre  siècles  d'esclavage  sous  le  joug  sar- 
rasin. 

Mais  il  fallait  à  l'Eglise  opprimée  un  con- 
tinuateur de  Grégoire,  et  le  Dieu  dont  il  fut 
le  vicaire  ne  le  lui  refusa  pas.  Le  martyre  du 
grand  Pontife  fut  comme  une  semence  de 
Pontifes  dignes  de  lui.  De  même  qu'il  avait 
préparé  ses  prédécesseurs,  on  peut  dire  que 
ses  successeurs  procédèrent  de  lui  >  et  les 
fastes  de  la  papauté  ne  présentent  nulle  part 
dans  toute  leur  teneur  une  suite  de  noms  plus 
glorieuse  que  celle  qui  s'étend  de  Victor  III, 
successeur   immédiat  de  Grégoire,    à    Boni- 


556 


Le  Temps  Pascal. 


face  VIII,  en  qui  recommença  pour  de 
longs  siècles  le  martyre  que  noire  grand 
héros  avait  subi.  Son  âme  était  à  peine 
affranchie  des  épreuves  de  cette  vallée  de 
larmes,  et  déjà  la  victoire  se  déclarait.  Les 
ennemis  de  l'Eglise  étaient  abattus,  la  sup- 
pression des  investitures  éteignait  la  simonie 
et  assurait  l'élection  canonique  des  Pasteurs  ; 
la  loi  sacrée  de  la  continence  des  clercs  re- 
prenait partout  son  empire. 

Grégoire  avait  été  l'instrument  de  Dieu 
pour  ia  réforme  de  la  société  chrétienne  ; 
et  si  son  nom  est  demeuré  béni  des  vrais 
enfants  de  l'Eglise,  sa  mission  avait  été  trop 
belle  et  trop  courageusement  remplie  pour 
qu'elle  n'attirât  pas  sur  lui  la  haine  de  l'en- 
fer. Or,  voici  ce  que  le  Prince  de  ce  monde  * 
imagina  contre  lui  dans  sa  rage.  Non  content 
d'avoir  fait  de  Grégoire  un  objet  d'exécration 
pour  les  hérétiques,  il  vint  à  bout  de  le  ren- 
dre odieux  aux  faux  catholiques,  embarras- 
sant pour  les  demi-chrétiens.  Longtemps  ces 
derniers,  malgré  le  jugement  de  l^Eglise  qui 
l'a  placé  sur  ses  autels,  affectèrent  de  l'ap- 
peler insolemment  Grégoire  VJI.  Son  culte 
tut  proscrit  par  des  gouvernements  qui  se 
disaient  encore  cathotiques  ;  il  fut  prohibé 
par  des  mandements  épiscopaux.  Son  ponti- 
ficat et  ses  actes  furent  attaqués  comme  con- 
traires à  la  religion  chrétienne  par  le  plus 
éloquent  de  nos  orateurs  sacrés.  II  fut  un 
temps  où  les  lignes  que  nous  consacrons  à  ce 
saint  Pape,  dans  un  livre  destiné  à  nourrir 
chez  les  fidèles  l'amour  et  l'admiration  pour 


I.    JOHAN.     XII,    3i. 


5.  Grégoire  VII,  Pape  et  Confesseur.    55'] 

les  héros  de  la  sainteté  que  l'Eglise  offre  à 
leur  culte,  eût  attiré  sur  nous  la  vindicte  des 
lois.  Les  Leçons  de  l'Office  d'aujourd'hui 
furent  supprimées  par  le  Parlement  de  Paris 
en  1729,  avec  défense  de  s'en  servir,  sous 
peine  de  saisie  du  temporel.  Ces  barrières 
sont  tombées,  ces  scandales  ont  cessé.  Par 
suite  du  rétablissement  de  la  Liturgie  ro- 
maine en  France,  chaque  année  le  nom  de 
saint  Grégoire  VII  est  proclamé  dans  nos 
Eglises,  la  louange  qui  honore  les  saints  lui 
est  publiquement  décernée,  et  le  divin  Sacri- 
fice est  offert  à  Dieu  pour  la  gloire  d'un  si 
illustre  Pontife. 

Il  était  temps  pour  notre  honneur  français 
qu'une  telle  justice  fût  rendue  à  qui  la 
mérite.  Lorsque  depuis  plus  de  soixante  ans 
on  entendait  les  historiens  et  les  publicistes 
protestants  de  l'Allemagne  combler  d'éloges 
celui  qui  n'est  pourtant  à  leurs  yeux  qu'un 
grand  homme,  mais  en  qui  ils  reconnaissent 
l'héroïque  vengeur  des  droits  de  la  société 
humaine  ;  lorsque  les  gouvernements  réduits 
aux  abois  par  l'envahissement  toujours  plus 
impérieux  du  principe  démocratique,  n'ont 
plus  le  loisir  de  céder  à  leurs  anciennes 
jalousies  contre  l'Eglise  ;  lorsque  l'Episcopat 
se  serre  toujours  plus  étroitement  autour  de 
la  Chaire  de  saint  Pierre,  centre  de  vie,  de 
lumière  et  de  force  :  rien  n'est  plus  naturel 
que  de  voir  le  nom  immortel  de  saint  Gré- 
goire VII  resplendir  d'une  gloire  nouvelle, 
après  l'éclipsé  qui  l'avait  si  longtemps  dérobé 
aux  regards  d'un  trop  grand  nombre  de  fidè- 
les. Qu'il  demeure  donc,  ce  glorieux  nom, 
jusqu'à  la   fin  des   siècles,  comme  l'un   des 


55S 


Le  Temps  Pascal. 


astres  les  plus  brillants  du  Cycle  pascal,  et 
qu'il  verse  sur  l'Eglise  de  nos  jours  l'influence 
salutaire  qu'il  répandit  sur  celle  du  moyen 
âge! 

Nous  lirons  maintenant  les  pages  que  la 
sainte  Eglise  a  consacrées  à  la  mémoire  du 
saint  Pontife,  et  nous  les  lirons  avec  d'autant 
plus  de  respect  cju'elles  ont  été  plus  outragées 
par  ceux  «  qui  ne  savaient  ce  qu'ils  fai- 
saient 1.  » 


.->REGORius  papa  Sep- 
V_J  timus.  antea  Hilde- 
brandus,  Soanae  in  Etru- 
ria  natus,  doctrina,  sanc- 
titate,  omnique  virtutum 
génère  cum  primis  nobi- 
lis,  mirifice  universam 
Dei  illustravit  Eccle- 
siam.  Cum  parvulus  ad 
fabri  ligna  edolantis  pe- 
des,  jam  litterarum  ihs- 
cius,  liideret,  ex  rejectis 
tamen  segmentis  illa  Da- 
vidici  elementa  oraculi  : 
Dominabitur  a  mari  us- 
que  ad  mare  :  casu  for- 
masse narratur,  manum 
pueri  ductante  Numine, 
quo  significaretur  ejus 
fore  amplissimam  in 
mundo  auctoritatem.  Ro- 
mam  deinde  profectus, 
sub  protectione  sancti 
Pétri  educatus  est.  Juve- 
nis  Ecclesia»  libertatem 
a  laicis  oppressam,  ac 
depravatos     Ecclesiasti- 


GRÉGOIRE  VII.  nomme  au- 
paravant Hildebrand  , 
né  à  Soana  en  Toscane,  il- 
lustre au  plus  haut  degré  par 
la  science,  la  sainteté  et  tou- 
tes les  vertus,  glorifia  d'une 
manière  merveilleuse  l'Eglise 
de  Dieu  tout  entière.  Etant 
encore  dans  la  première  en- 
fance, et  jouant  aux  pieds 
d'un  ouvrier  qui  travaillait 
le  bois,  ignorant  encore  les 
lettres,  on  rapporte  qu'il  for- 
ma comme  par  hasard  avec 
les  copeaux  cette  parole  pro- 
phétique de  David  :  «  II  do- 
minera d'une  mer  à  l'autre;  » 
mais  Dieu  conduisait  la  main 
de  l'enfant,  et  voulait  mon- 
trer par  là  qu'un  jour  il  de- 
vait exercer  dans  le  monde 
le  plus  grand  des  pouvoirs. 
S'étant  rendu  à  Rome,  il  y 
fut  élevé  sous  la  protection 
de  saint  Pierre.  Etant  encore 
dans  les  années  de  sa  jeunesse, 
il  conçut  une  si  grande  dou- 


I.  Luc.  XXIII,  34. 


s.  Grégoire  VII,  Pape  et  Confe^eiir.     55g 


leur  en  vo^-ant  l'oppression 
qui  étouffait  la  liberté  de 
l'Eglise  et  la  dépravation  des 
mœurs  du  clergé,  qu'il  se  re- 
tira à  l'abbaye  de  Cluny,  où 
l'observance  et  l'austérité  de 
la  vie  monastique  était  alors 
en  pleine  vigueur  sous  la  rè- 
gle de  saint  Benoît.  II  y  prit 
l'habit  de  moine  et  se  livra 
au  service  de  la  divine  Ma- 
jesté avec  tant  de  piété  et 
d'ardeur,  qu'il  fut  élu  Prieur 
par  les  saints  religieux  de  ce 
monastère.  Mais  la  divine 
Providence  l'ayant  destiné  à 
un  plus  haut  emploi  pour  le 
salut  d'un  grand  nombre, 
Hildebrand  fut  tiré  de  Cluny, 
pour  être  d'abord  Abbé  du 
monastère  de  Saint-Paul  , 
hors  les  murs  de  Rome;  il  fut 
ensuite  créé  Cardinal  de  l'E- 
glise Romaine.  Chargé  des 
emplois  et  des  missions  les 
plus  importantes,  sous  les 
papes  Léon  IX,  Victor  II, 
Etienne  IX.  Nicolas  II  et 
Alexandre  II,  il  mérita  d'ê- 
tre appelé  l'homme  de  con- 
seil très  saint  et  très  pur  par 
saint  Pierre  Damien.  Envoyé 
en  France  par  Victor  II,  en 
qualité  de  légat  a  latere.  il 
força  par  un  miracle  l'arche- 
vêque de  Lyon,  qui  «tait 
souillé  de  la  simonie,  à  con- 
fesser son  crime,  et  contrai- 
gnit Bérenger  à  abjurer  de 
nouveau  son  erreur  dans  un 
concile  tenu  à  Tours.  Il  par- 
vint aussi  par   son  énergie  à 


corum  mores  vehemen- 
tius  dolens,  in  Clunia- 
censi  monasterio,  ubi  sub 
régula  sancti  Patris  Be- 
nedicti  austerioris  vitae 
observantia  eo  tempore 
maxime  vigebat,  mona- 
chi  habitum  induens  , 
tanto  pietatis  ardore  di- 
vinœ  Majestati  deservie- 
bat.  ut  a  sanctis  ejusdem 
Cœnobii  Patribus  Prier 
sit  electus.  Sed  divina 
Providentia  majora  de 
eo  disponente  in  salutem 
plurimorum.  Cluniaco 
eductus  Hildebrandus  , 
Abbas  primum  monas- 
terii  sancti  Pauli  extra 
muros  Urbis  electus,  ac 
postmodum  romanae  Ec- 
clesias  Cardinalis  crea- 
tus,  sub  summis  pontifî- 
cibus.  Leone  Nono,  Vie- 
tore  Secundo.  Stéphane 
Nono.  Nicolao  Secundo 
et  Alexandre  Secundo, 
puEecipuis  muneribus  et 
legationibus  perfunctus 
est,  sanctissimi  et  puris- 
simi  consilii  vir  a  beato 
Petro  Damiano  nuncu- 
patus.  A  Victore  papa 
Secundo  legatus  a  latere 
in  Galliam  missus,  Lug- 
duni  episcopum  simo- 
niaca  labe  infectum  ad 
sui  criminis  confessio- 
nem  miraculo  adegit.  Be- 
rengarium  in  concilio 
Turonensi  ad  iteratam 
h  as  r  es  i  s    abjurationem 


56o 


Le  Temps  Pascal. 


compulit.  Cadaloi  quo- 
que  schisma  sua  virtute 
comprcssit. 

MORTUO  Alexandre 
Secundo,  invitus  et 
mœrens  unanimi  omnium 
consensu,  decimo  calen- 
das  maii,  anno  Christ! 
millesimo  septuagesimo 
tertio,  summus  Pontifex 
electus,  sicut  sol  effulsit 
in  domo  Dei  :  nam  po- 
tens  opère  et  sermone, 
Ecclesiasticae  disciplina; 
reparandae,  fidei  propa- 
gandas,  libertali  Eccie- 
sise  restituendae  ,  exstir- 
pandis  erroribus,  et  cor- 
ruptelis  tanto  studio  in- 
cubuit,  ut  ex  Apostolo- 
rum  astate  nullus  Ponti- 
ficum  fuisse  tradatur,  qui 
majores  pro  Ecclesia  Dei 
labores  ,  molestiasque 
pertulerit,  aut  qui  pro 
ejus  libertate  acrius  pu- 
gnaverit.  Aliquot  pro- 
vincias  a  simoniaca  labe 
expurgavit.  Contra  Hen- 
rici  imperatoris  impies 
conatus  fortis  per  omnia 
athleta  impavidus  per- 
mansit.  seque  pro  muro 
domui  Israël  ponere  non 
timuit,  ac  eumdera  Hcn- 
ricum  in  profundum  ma- 
lorum  prolapsura,  fide- 
lium  communione,  rc- 
gnoque  privavit  ,  atque 
subditos  populos  lide  ci 
data  liBeravit. 


comprimer  le  schisme  de  Ca- 
daloûs. 


A  LA  mort  d'Alexandre  II, 
malgré  ses  répugnances 
et  ses  regrets,  il  fut  élu  sou- 
verain Pontife  d'un  consen- 
tement unanime,  le  dix  des 
calendes  de  mai,  l'an  de  Jé- 
sus-Christ mil  soixante-trei- 
ze, et  brilla  tout  aussitôt 
comme  un  soleil  dans  la  mai- 
son de  Dieu.  Puissant  en 
œuvres  et  en  paroles,  on  le  vit 
s'appliquer  avec  un  si  grand 
zèle  au  renouvellement  de  la 
discipline  ecclésiastique,  à  la 
propagation  de  la  foi,  au 
rétablissement  de  la  liberté 
de  l'Eglise,  à  l'extirpation 
des  erreurs  et  des  scanda- 
les, que  l'on  peut  dire  qu'il 
n'est  aucun  Pontife,  depuis 
le  temps  des  Apôtres,  qui 
ait  encouru  plus  de  labeurs 
et  de  tribulations  pour  le 
service  de  l'Eglise  de  Dieu, 
et  qui  ait  combattu  pour  sa 
liberté  avec  plus  de  courage. 
Des  provinces  entières  furent 
arrachées  par  lui  au  fléau  de 
la  simonie.  Comme  un  athlète 
intrépide  il  s'opposa  sans 
trembler  aux  fureurs  impies 
de  l'empereur  Henri,  e{  ne 
craignit  pas  de  s'opposer 
comme  un  mur  pour  la  défense 
de  la  maison  d'Israël  ;  et  lors- 
que ce  même  Henri  fut  tombé 
jusqu'aux  derniers  excès  du 
mal,  il  le  priva  de  la  commu- 


s.  Grégoire  VIT,  Pape  et  Confesseur.     56 1 


nion  des  fidèles  ainsi  que  de  l'empire,  et- délia  du  ser- 
ment de  fidélité  les  peuples  qui  lui  étaient  soumis. 


PENDANT  qu'il  célébrait  la 
Messe,  des  hommes  pieux 
aperçurent  une  colombe,  qui, 
descendant  du  ciel,  venait  se 
reposer  sur  son  épaule  et  lui 
voilait  la  tête  de  ses  ailes  : 
ce  qui  signifiait  que  Grégoire 
était  conduit  dans  le  gouver- 
nement de  l'Eglise  par  le 
souffle  de  l'Esprit-Saint,  et 
non  par  les  raisons  de  la  pru- 
dence humaine.  La  ville  de 
Rome  se  trouvant  assiégée 
par  l'armée  du  méchant  roi 
Henri,  Grégoire  éteignit  par 
le  signe  de  la  croix  un  incen- 
die que  les  ennemis  avaient 
allumé.  Enfin  arraché  de 
leurs  ma-ins  par  Robert  Guis- 
card,  chef  Normand,  il  se 
rendit  au  Mont-Cassin,  et 
de  là  à  Salerne  pour  y  faire 
la  dédicace  de  l'Eglise  de 
l'apôtre  saint  Matthieu. 
Après  avoir  adressé  un  ser- 
mon au  peuple  de  cette  ville, 
se  sentant  épuisé  de  traver- 
ses, il  tomba  malade  et  pres- 
sentit sa  fin  prochaine.  «  J'ai 
«  aimé  la  justice  et  j'ai  haï  l'i- 
(•  niquité  ;  c'est  pour  cela  que 
«  je  meurs  en  exil.»  Telles  fu- 
rent les  dernières  paroles  de 
Grégoire  mourant.  Les  épreu- 
ves qu'il  supporta  avec  tant 
de  courage  furent  innombra- 
bles, et  les  décrets  qu'il  porta 
dans  les  nombreux  conciles 
qu'il  rassembla  sont   remplis 


DUM  Missarum  solem- 
nia  perageret,  visa 
est  viris  piis  columba  e 
cœlo  delapsa  humero 
ejus  dextro  insidens  alis 
extensis  caput  ejus  ve- 
lare,  quo  significatum 
est,  Spiritus  Sancti  af- 
flatu,  non  humanae  pru- 
dentiœ  rationibus  ipsum 
duci  in  Ecclesise  regimi- 
ne.  Cum  ab  iniqui  Hen- 
rici  exercitu  Romae  gravi 
obsidione  premeretur  , 
excitatum  ab  hostibus  in- 
cendium  signo  crucis  exs- 
tinxit.  De  ejus  manu  tan- 
dem a  Roberto  Guis- 
cardo  duce  Northmanno 
ereptus  ,  Cassinum  se 
contulit  ;  atque  inde  Sa- 
lernum  ad  dedicandam 
Ecclesiam  sancti  Mat- 
thaei  Apostoli  contendit. 
Cum  aliquando  in  ea  ci- 
vitate  sermonem  habuis- 
set  ad  populum,  aerum- 
nis  confectus  in  morbum 
incidit,  quo  se  interitu- 
rum  praescivit.  Postrema 
morientis  Gregorii  verba 
fuere  :  Dilexi  justitiam 
et  odivi  iniq  u  i  t  a  t  e  m, 
propterea  morior  inex- 
silio.  Innumerabilia  sunt 
qucc  vel  fortiter  susti- 
nuit,  vel  multis  coactis 
in  Urbe  synodis  sapien- 
ler   constituit,    vir  vere 


LE   TEMPS    PASCAL.    —    T.    III. 


562 


Le  Temps  Pascal. 


sanctus,  cnminum  vin- 
dex,  et  acerrimus  Eccle- 
siae  defensor.  Exactis  ita- 
que  in  pontificatu  annis 
duodecim,  migravit  in 
coelum,  anno  salutis  mil- 
lesimo  octoijesimo  quin- 
to,  pluribus  in  vita  et 
post  mortem  miraculis 
clarus,  ejusque  sacrum 
corpus  in  calhedrali  ba- 
silica  Salernitana  est  ho- 
Qorifice  conditum. 


de  sagesse  ;  homme  véritable- 
ment saint,  vengeur  du  crime 
et  ardent  défenseur  de  l'E- 
glise. Après  douze  ans  de 
pontificat,  il  partit  pour  le 
ciel  l'an  du  salut  mil  quatre- 
vingt-cinq.  Il  fut  célèbre  par 
ses  miracles  durant  sa  vie  et 
après  sa  mort,  et  son  saint 
corps  repose  avec  honneur 
dans  l'église  cathédrale  de 
Salerne. 


Les  Répons  que  nous  insérons  ici  font  par- 
tie de  l'Office  du  saint  Pape;  ils  retracent  ses 
combats  et  ses  triomphes. 


/^^  REGORIUS  primo 
™'  vj  tempore  Hilde- 
brandus  ,  nomen  ignis 
sortitus  est  ,  non  sine 
grandi  prcesagio  futuro- 
rum  :  *  Qui  divini  elo- 
quii  jaciilo  ingruentes 
hostes  a  domo  Dei  pro- 
pulsavit. 

j^.  Nomine  praetulit 
incendiura  ,  quod  exhi- 
buit  fervent!  charitate.  * 
Qui  divini  eloquli  jaculo 
ingruentes  hostes  a  domo 
Dei  propulsavit. 


^.  Cernens  juvenis  sx- 
culum  peccatis  invetera- 
tum,  nec  inveniens  ubi 
cor  suum  requiesceret  , 
patrium  solum  reliquit  : 


/'GRÉGOIRE,  nommé  d'a- 
^-  V_J  bord  Hildebrand, 
emprunta  son  nom  du  feu, 
non  sans  un  éloquent  présage 
de  l'avenir  :  *  Car  il  devait 
repousser  par  les  traits  de  la 
parole  divine,  les  ennemis 
prêts  à  envahir  la  maison  de 
Dieu. 

f.  Son  nom  signifiait  la 
flamme,  et  il  en  remplit  le 
sens  par  son  ardente  charité. 
*  Car  il  devait  repousser  par 
les  traits  de  la  parole  divine, 
les  ennemis  prêts  à  envahir 
la  maison  de  Dieu. 

^.  Dès  sa  jeunesse  il  vit 
que  le  monde  était  envieilli 
dans  le  péché  ;  ne  trouvant 
pas  où  reposer  son  cœur,  il 
quitta  le  sol  /^e  sa  patrie    :  * 


s.  Grégoire  VII,  Pape  et  Confesseur.    563 


Et  ayant  passé  en  France,  il 
résolut  d'embrasser  le  service 
de  Dieu  seul  sous  la  disci- 
pline de  Cluny. 

j^.  Sous  la  conduite  de  la 
foi,  il  sortit  de  son  pays,  se 
mettant  à  la  recherche  de  la 
cité  dont  Dieu  est  l'auteur  et 
l'architecte.  *  Et  ayant  passé 
en  France,  il  résolut  d'em- 
brasser le  service  de  Dieu 
seul  sous  la  discipline  de 
Cluny. 

ft.  Le  saint  Pontife  Léon, 
dont  Hildehrand  avait  en- 
flammé le  courage,  l'appela  à 
prendre  part  à  ses  sollicitu- 
des :  *  Et  par  leur  concert  à 
tous  deux,  le  champ  du  Sei- 
gneur commença  à   refleurir. 

j^.  Hildebrand,  homme  de 
conseil  très  saint  et  très  pur, 
se  montra  fort  dans  l'adver- 
sité et  maître  de  lui-même 
dans  la  prospérité.  *  Et  par 
leur  concert  à  tous  deux,  le 
champ  du  Seigneur  com- 
mença à  refleurir. 

Ri.  Spirituel  agriculteur, 
le  Pontife  Léon  ayant  admiré 
la  fécondité  d'un  tel  rejeton, 
accrut  encore  en  lui  la  pré- 
sence du  Christ  par  l'imposi- 
tion de  l'ordre  lévitique  : 
*  Par  le  commandement  du 
Seigneur  Apostolique,  Hil- 
debrand brilla  comme  Archi- 
diacre de  l'Eglise  romaine. 


*  Et  ad  partes  Gallorum 
transiens,  soli  Deo  sub 
Cluniacensi  disciplina 
militare  decrevit. 

f.  Fide  egressus  est 
de  terra  sua,  quasrens  ci- 
vitatem  cujus  artifex  et 
conditor  Deus.  *  Et  ad 
partes  Gallorum  tran- 
siens, soli  Deo  sub  Clu- 
niacensi disciplina  mili- 
tare decrevit. 


'Bf.  Léo  Pontifex  sanc- 
tus,  cujus  animum  Hil- 
debrandus  accenderat  , 
hune  in  partem  soUici- 
tudinis  vocavit  :  *  Et 
amborum  concordia  Do- 
minicus  ager  jam  reflo- 
rescere  cœpit. 

f.  Hildebrandus,  san- 
ctissimi  et  purissimi  con- 
silii,  in  adversis  visus  est 
fortis,  in  prosperis  tem- 
peratus.  *  Et  amborum 
concordia  Dominicus 
ager  jam  reflorescere  cœ- 
pit. 

^.  Spiritualis  agricola, 
Léo  Pontifex,  tanti  pal- 
mitis  feracitatem  admi- 
ratus,  in  eo  mansionem 
Christi  per  impositio- 
nem  levitici  ordinis  dila- 
tavit  :  *  Et  Apostolico 
mandato,  Hildebrandus 
romanae  Ecclesiae  Archi- 
diaconus  cffulsit. 


504 


Le  Temps  Pascal. 


f.  Qui  die  nociuque 
saluti  Ecclesiae  invigi- 
lans,  minori  considens 
loco,  quinque  Pontifici- 
bus  mirum  in  modum  pro- 
fuit. *  Et  Apostolico 
mandate,  Hildebrandus 
romanas  Ecclesiae  Archi- 
diaconus  effulsit. 


IÇ!.  Invitum  tandem 
Gregorium  romana  Ec- 
clesia  ad  sua  gubernacu- 
la  traxit  :  *  Qui  potius 
voluisset  vitam  in  pere- 
grinatione  finire,  quam 
Pctri  locum  pro  mundi 
gloria  conscendere. 

^.  Nec  sibi  sumpsit 
honorem,  sed  a  Deo  vo- 
catus  est  tamquam  Aaron. 
*  Qui  potius  voluisset  vi- 
tam in  peregrinatione  fi- 
nire, quam  Pétri  locum 
pro  mundi  gloria  cons- 
cendere. 

I^.  Vineam  Domini 
exercituum,  quam  plan- 
tavit  dextera  ejus,  exter- 
minavit  aper  de  silva,  et 
singularis  férus  depastus 
est  eam  :  *  Accingere 
gladio  tuo  super  fémur 
tuum,    fidelissime. 

f.  Si  Angelos  judica- 
turus  es,  quanto  magis 
sxcularia?  *  Accingere 
gladio  tuo  super  fémur 
luum,    fidelissime. 


t.  Veillant  jour  et  nuit  au 
salut  de  l'Eglise,  bien  qu'il 
fut  établi  dans  un  degré  infé- 
rieur, il  servit  successivement 
cinq  Pontifes,  et  les  aida 
d'une      manière     admirable. 

*  Par  le  commandement  du 
Seigneur  Apostolique,  Hil- 
debrand  brilla  comme  Archi- 
diacre de  l'Eglise  romaine. 

^.  L'Eglise  romaine  fit 
enfin  violence  à  Grégoire,  en 
l'obligeant  à    la   gouverner  : 

*  Lui  qui  eût  mieux  aimé  finir 
sa  vie  sur  une  terre  étrangère 
que  de  s'asseoir  pour  la 
gloire  mondaine  sur  le  siège 
de  Pierre. 

j^.  Il  ne  porta  pas  la  main 
sur  un  tel  honneur  ;  mais  il 
y  fut  appelé  de  Dieu  comme 
l'avait  été  Aaron,  *  Lui  qui 
eût  mieux  aimé  finir  sa  vie 
sur  une  terre  étrangère  que  de 
s'asseoir  pour  la  gloire  mon- 
daine sur  le  siège  de  Pierre. 

Vf.  Le  sanglier  de  la  forêt 
s'est  rué  sur  la  vigne  qu'avait 
plantée  la  main  du  Seigneur 
des  armées  ;  cette  bête  féroce 
l'a  ravagée  tout  entière  :  * 
Ceins  ton  glaive  sur  ta  cuisse, 
ô  gardien  fidèle  ! 

f.  S'il  t'appartient  de  ju- 
ger jusqu'aux  Anges  même, 
combien  plus  les  puissances 
du  siècle?*  Ceins  ton  glaive 
sur  ta  cuisse,  ô  gardien  fi- 
dèle ! 


s.  Grégoire  VII,  Pape  et  Confesseur.     565 


^.  Le  roi,  étant  entré  dans 
la  forteresse,  déposa  les  mar- 
ques de  sa  dignité,  restant  à 
Jean  du  matin  jusqu'au  soir, 
vêtu  de  laine  et  nu-pieds  :  * 
II  implorait  le  secours  de  la 
miséricorde  apostolique. 

f.  Lui  qui  avait  dit  dans 
son  cœur  :  J'élèverai  mon 
trône  sur  l'autel  même  de 
Dieu,  je  m'assiérai  sur  la  mon- 
tagne du  testament.*  Il  im- 
plorait le  secours  de  la  misé- 
ricorde apostolique. 

1^.  Grégoire  dit  au  roi 
Henri  :  Voici  le  Corps  du 
Seigneur  ;  que  ce  soit  au- 
jourd'hui l'épreuve  de  mon 
innocence  :  *  Fais  donc,  ô 
mon  fils,  ce  que  tu  m'as  vu 
faire. 

f.  Mais  le  roi  n'osa  éten- 
dre la  main  pour  recevoir  le 
Saint  des  saints.  '  Fais  donc, 
ô  mon  fils,  ce  que  tu  m'as  vu 
faire. 


f.  Un  jour  que  le  bienheu- 
reux Grégoire  célébrait  so- 
lennellement la  Messe,  une 
colombe  blanche  comme  la 
neige  parut  tout  à  coup  des- 
cendre près  du  saint  autel, 
d'où  s'élevant  d'un  vol  léger  : 
*  Elle  se  reposa,  les  ailes 
étendues,  sur  l'épaule  droite 
du  Pontife. 

f.  La  colombe  demeura 
ainsi  immobile,     jusqu'à    ce 


B^.  Rex  castellum  in- 
gressus,  deposito  cultu 
regio,  jejunus  a  mane  us- 
que  ad  vesperam  persta- 
bat  ;  indutus  laneis  et 
nudis  pedibus  :  *  Apos- 
tolicae  miserationis  auxi- 
lium  implorabat. 

j^.  Qui  dixerat  in  corde 
suo  :  Super  altare  Dei 
exaltabo  solium  meum, 
sedebo  in  monte  testa- 
menti.  *  Apostolicas  mi- 
serationis auxilium  im- 
plorabat. 

]^.  Dixit  Gregorius  ad 
Henricum  regem  :  Ecce 
Corpus  Dominicum;  fiât 
hodie  experimentum  in- 
nocentiae  meœ  :  *  Fac  er- 
go,  fili,  si  placet,  quod 
me  facere    vidisti. 

j^.  Nec  ausus  est  rex 
manum  extendere,  ut  ac- 
ciperet  Sancta  sancto- 
rum.  *  Fac  ergo,  fili,  si 
placet,  quod  me  facere 
vidisti. 

^.  Dum  beatus  Gre- 
gorius Missarum  solem- 
nia  celebraret,  nivei 
candoris  columba  sacro 
altari  protinus  adstitit; 
quae  inde  leviter  advo- 
lans  :  *  Supra  dextrum 
Pontificis  humerum  re- 
cubuit,   alis  expansis. 

f.  Et  tamdiu  sic  pers- 
titit  quousque  sacri  mys- 


566 


Le  Temps  Pascal. 


terii  commixtio  in  calice 
fieret.  *  Supra  dextrum 
Pontificis  humerum  re- 
cubuit,  alis   expansis. 


Hj.  Cum  ultimi  doloris 
luctam  inchoasset  beatus 
Gregorius,  adstantibus 
dixit  :  Nullos  labores 
meos  alicujus  momenti 
facio  :  *  In  hoc  solum- 
modo  confidens,  quod 
semper  dilcxi  justitiam 
et  odivi  iniquitatem. 

j^.  Et  elevatis  in  cœlum 
oculis,  ait  :  Illuc  adscen- 
dam,  et  obnixis  precibus 
Deo  pronitio  vos  com- 
raittam.  In  hoc  sohim- 
modo  confidens,  quod 
semper  dilexi  justitiam, 
et  odivi  iniquitatem. 

fi|.  Pontifex  sanctissi- 
mus  cum  doleret  se 
mori  in  exsilio,  quidam 
venerabilis  episcopus 
ait  :  In  exsilio  mori  non 
potes,  qui  vice  Christi  et 
Apostolorum  ejus  :  *  Ac- 
cepisti  gentes  in  haeredi- 
tatem,  et  possessionem 
tuam  termines   terrac. 

f.  Dominabitur  a  mari 
usque  ad  mare,  et  a  flu- 
mine  usque  ad  terminos 
orbis  terrarum.  *  Acce- 
pisti  gentes  in  haeredita- 
tem,  et  possessionem 
tuam  terminos  terra?. 


que  le  mélange  du  Mystère 
sacré  eût  lieu  dans  le  calice.  " 
Elle  se  reposa,  les  ailes  éten- 
dues, sur  l'épaule  droite  du 
Pontife, 

^.  Le  bienheureux  Gré- 
goire étant  arrivé  à  ses  der- 
niers moments,  luttait  avec 
la  souffrance;  alors  il  dit  aux 
assistants:  Je  ne  fais  aucun 
compte  des  labeurs  que  j'ai 
soufferts  :  *  Mon  unique  motif 
de  confiance  est  d'avoir  tou- 
jours aime  la  justice  et  haï 
l'iniquité. 

^.  Il  éleva  ensuite  les  yeux 
au  ciel,  et  dit  :  C'est  là  que 
je  veux  monter,  et  par  mes 
instantes  prières  je  vous  re- 
commanderai au  Dieu  de 
bonté.  *Mon  unique  motif  de 
confiance  est  d'avoir  toujours 
aimé  la  justice  et  haï  l'iniquité. 

]^.  Le  saint  Pontife  ayant 
témoigné  du  regret  de  mou- 
rir dans  l'exil,  un  vénérable 
évèque  lui  dit  :  Vous  ne  pou- 
vez mourir  en  exil,  puisque, 
tenant  la  place  Christ  et  de 
ses  Apôtres  :  *  Vous  avez  reçu 
"es  nations  en  héritage,  et 
es  confins  de  la  terre  comme 
a  limite  de  vos  possessions. 
j^.  Il  dominera  de  la  mer 
usqu'à  la  mer,  et  du  fleuve 
lusqu'aux  confins  de  la  terre. 
*  Tu  as  reçu  les  nations  en  hé- 
ritage, et  les  confins  de  la 
terre  comme  la  limite  de  tes 
possessions. 


s.  Grégoire  VII,  Pape  et  Confesseur.     5  67 

Nous  réunissons  dans  une  seule  Ode  trois 
Hymnes  consacrées  à  célébrer  les  vertus  et 
les  services  de  saint  Grégoire  VII. 


C'est  toi-même  ,  ô  Gré- 
goire, que  nous  célébrons 
dans  nos  chants  de  triomphe  ; 
toi  l'honneur  de  Rome,  toi 
dont  le  grand  cœur  brava  les 
tempêtes,  après  lesquelles  tu 
touches  aujourd'hui  le  ri- 
vage. 

Qu'elle  soit  dans  la  joie,  la 
race  du  père  Benoît,  qui  a 
jusqu'ici  enfanté  tant  de  hé- 
ros ;  aucun  n'a  brillé  encore 
d'une  gloire  semblable. 


Un  jour,  dans  son  enfance, 
il  assistait  au  travail  d'un 
ouvrier  :  on  le  vit,  de  sa  main 
conduite  par  le  ciel,  tracer 
en  se  jouant  des  caractères 
qui  annonçaient  qu'un  jour  il 
régirait  un  vaste  empire. 

Monte  donc,  ô  Père  ! 
comme  un  soleil  nouveau, 
lève-toi,  et  viens  éclairer  le 
monde  de  tes  rayons.  Pontife, 
assieds-toi  sur  la  chaire  de 
Pierre,  et  sois-y  l'arbitre  de 
la  terre. 

Ils  n'ont  qu'à  fuir  mainte- 
nant dans  leurs  sombres   ca- 


nr  E    triumphanti    cele- 
*■     bramus  ore, 
Inclytum  Romœ  jubar,  c 

Gregori  ; 
Corde  qui  magno   supe- 

rans  procellas, 
Littora  tangis. 


Gaudeat  cœtus   Bene- 
dicti  patris. 
Qui  tôt     et     tantos  ge- 

neravit  orbi 
Filios  :  nullus  simili  re- 
fulsit 

Laude  verendus. 

Nuntium  latœ  ditionis 
adfert 
Dextra     ludentis     pueri, 

dolantem 
Dum  secus  fabrum.  Do- 
mino régente, 

Segmine     scribit. 

Alla  conscendas,    Pa- 
ter ;  oriaris 
Sol  novus   mundum    ra- 

diis  serenans  : 
Pontifex     Pétri     sedeas 
cathedra, 
Arbiter   orbis. 

In   latebrosos   fugiant 
recessus. 


568 


Le  Temps  Pascal. 


Quotquot     hostili    rabie 

furentcs, 
In   gregcm  Christi  sata- 

gunt  nefanda 
Tela   vibrare. 

En  adest  Pastor  vigil 
et  superno 
Spiritu  plenus  :    gladio- 

que  verbi 
Conteret     tetros    Zabuli 
minantis 

Fortior  astus. 

Jam  Sicambrorum  do- 
minator   audax 
Gestit  Henricus,  monitis 

supremi 
Patris    abscedens,   vete- 
rum  furorum 
Flare   favillas. 

Sed     reluctantem    co- 
hibes,    Gregori, 
E  sacra  fulmen  jaculatus 

arce  : 
Et  potestatis  tumidos  ca- 
ducae 

Despicis   ausus. 

Mox  ab  indîgnis  mani- 
bus   révulsa 
Sceptra  regnantis   regl- 

menque    transfers, 
A  fide  cives  relevans  ty- 
ranno 
Jure  negata. 

Pontifex  magnus,    po- 
pulo   stupente, 
Sub    coiumbina    specie, 
loquentis 


vernes,  tous  ceux  qui  exer- 
cent leurs  hostilités  contre 
l'Eglise,  et  ne  cessent  de  lan- 
cer leurs  traits  sacrilèges  sur 
le  troupeau  du  Christ. 

Voici  le  Pasteur  vigilant 
et  plein  de  l'Esprit  d'en 
haut;  le  glaive  de  la  parole 
est  dans  sa  main  ;  et  plus  fort 
que  Satan,  il  saura  briser  ses 
résistances  et  déjouer  ses 
noirs  complots. 

C'est  en  vain  que  Henri, 
l'audacieux  prince  des  Ger- 
mains, sourd  à  ses  avertisse- 
ments paternels,  suscite  un 
incendie  qui  rappelle  les 
premières  fureurs  des  princes 
contre  l'Eglise. 

Tu  le  domptes,  ô  Grégoire, 
malgré  ses  résistances  ;  et 
dédaignant  les  orgueilleuses 
prétentions  d'une  puissance 
caduque,  tu  lances  sur  elle  la 
foudre,  du  haut  des  remparts 
sacrés. 

Bientôt  tu  arraches  le  scep- 
tre à  ses  indignes  mains,  et 
tu  transmets  le  pouvoir  à  un 
plus  digne,  déliant  ainsi  les 
peuples  de  la  foi  jurée  à  celui 
qui  n'est  plus  qu'un  tyran. 


Tel  est  notre  grand  Pon- 
tife, dirigé  dans  ses  conseils 
par  l'Esprit-Saint  lui-même, 
dont   il  ne  fait  que   remplir 


s.  Grégoire  VII,  Pape  et  Confesseur.     5&g 


les  ordres  ;  le  peuple  saisi 
d'un  saint  respect  a  vu  la 
divine  colombe  apparaître  et 
parler  à  son  oreille. 

Mathilde,  la  femme  forte, 
vient  au  secours  du  Pontife  ; 
elle  apporte  son  aide  efEcace 
au  souverain  Père,  et  sou- 
tient par  sa  fidélité  les  droits 
menacés  du  plus  auguste  des 
sièges. 

Grégoire  a  vu  de  toutes 
parts  l'ivraie  disputer  la 
place  au  bon  grain,  et  la 
moisson  sur  le  point  de  pas- 
ser tout  entière  en  des  mains 
profanes  ;  nouvel  Elie,  le 
zèle  le  transporte,  et  il  sévit 
contre  les  sacrilèges. 

Afin  d'assurer  au  peuple 
fidèle  la  liberté  de  marcher 
d'un  pas  rapide  dans  le  che- 
min de  la  patrie  céleste,  il 
s'avance  à  leur  tète,  prêt  à 
donner  sa  vie,  comme  il  est 
du  devoir  du  pasteur. 

Tu  as  été,  ô  Grégoire,  le 
ferme  rempart  de  la  maison 
d'Israël,  le  vengeur  das  cri- 
mes, le  soutien  de  Rome  ; 
mais  une  mort  tranquille  t'é- 
tait réservée  après  tant  d'é- 
preuves. 

Presque  martyr  ici-bas, 
ton  front  est  ceint  de  la  cou- 
ronne ;  la  fermeté,  la  cons- 
tance et  la  fidélité  ne  t'abaa- 


Spiritus     Sancti     docu- 
menta   sensit, 
Actibus  implet. 


Fortis  occurrit  mulier 
Mathildis, 
Quae,  Patri   summo    tri- 

buens    juvamen, 
Inclytae  Sedis,  studio  fi- 
deli, 

Jura  tuetur. 

Triticumcernens  loliis 
scatere 
Prœsul,  et  messem  mani- 

bus  profanis 
Objici;     zelo    rapiente, 
srevit, 

Alter  Elias. 


Ut  viam   currant   pa- 
triae  supernae 
Libero  gressu  populi   fi- 
dèles, 
Anteit  pastor,    propriam 
paratus 

Tradere    vitam. 

Murus     Israël     domui 
stetisti, 
Criminum  vindex,  colu- 

menque  Romae, 
Inter    œrumnas  placida, 
Gregori, 

Morte  potiris. 

Martyres  pergis  prope, 
laureatus  ; 
Firmus  et  constans,  fidei 
tenacem. 


570 


Le  Temps  Pascal. 


O     Pater,    praebes    ani- 
mum  :  triumphi 
Gaudia  sumas. 

Sis    memor  chari   gre- 
gis,  et  patronus, 
Sis  ad  reternam  Triadem, 

precamur  : 
Cuncla  cui  dignas  reso- 
nent  per  orbem 
Saecula  laudes. 


-  Amen. 


donnèrent  jamais:  goûte  main- 
tenant l'allégresse  du  triom- 
phe. 

Daigne  avoir  souvenir  du 
troupeau  qui  te  fut  si  cher, 
sois  son  protecteur  auprès  de 
l'éternelle  Trinité,  à  qui  les 
siècles  tour  à  tour  envoient 
de  toutes  les  parties  de  la 
terre  l'hommage  qui  lui  est 
dû. 

Amen. 


N' 


os  joies  pascales  se  sont  accrues  de  votre 
triomphe,  ô  Grégoire  ;  car  nous  recon- 
naissons en  vous  l'image  de  celui  qui,  par  sa 
résurrection  glorieuse  annoncée  à  tout  l'uni- 
vers, a  relevé  le  monde  qui  s'atfaissait  sur 
lui-même.  \'otre  pontificat  avait  été  préparé 
dans  les  desseins  de  la  divine  sagesse  comme 
une  ère  de  régénération  pour  la  société  suc- 
combant sous  l'etfort  de  la  barbarie.  Votre 
courage  fondé  sur  la  confiance  dans  la  parole 
de  Jés'us  ne  recula  devant  aucun  sacrifice. 
\'otre  vie  sur  le  Siège  Apostolique  ne  fut 
qu'un  long  combat;  et  pour  avoir  aimé  la  jus- 
tice et  haï  l'iniquité,  il  vous  fallut  mourir 
dans  l'exil.  Mais  en  vous  s'accomplissait  l'ora- 
cle du  Prophète  sur  votre  Maître  divin  : 
«  Parce  qu'il  a  donné  sa  vie  à  cause  du 
«  péché  ,  il  jouira  d'une  postérité  nom- 
«  breuse  ^  »  Une  suite  glorieuse  de  trente- 
six  papes  s'avança  dans'  la  voie  q^ue  votre 
sacrifice  avait  ouverte  ;  par  vous  l'Lglise  fut 
libre,  et   la   force  s'inclina  devant    le  droit. 


s.  Grégoire  VII,  Pape  et  Confesseur.     5yi 

Après  cette  période  triomphante,  la  guerre  a 
été  déclarée  de  nouveau,  et  elle  dure  encore. 
Les  princes  se  sont  insurgés  contre  la  puis- 
sance spirituelle;  ils  ont  secoué  le  joug  du 
vicaire  de  Dieu,  et  ils  ont  décliné  le  contrôle 
de  toute  autorité  ici-bas.  A  leur  tour  les 
peuples  se  sont  levés  contre  un  pouvoir  qui 
ne  se  rattache  plus  au  ciel  par  un  lien  visi- 
ble et  sacré,  et  cette  double  insurrection  met 
aujourd'hui  la  société  aux  abois. 

Ce  monde  est  à  Jésus-Christ,  «  le  Roi  des 
«  rois,  le  Seigneur  des  seigneurs  ^  »  ;  à  lui,  à 
l'Homme-Dieu,  «  toute  puissance  a  été  don- 
«  née  au  ciel  et  sur  la  terre  '-  ».  Quiconque 
s'insurge  contre  lui,  roi  ou  peuple,  sera  brisé 
comme  l'a  été  le  peuple  juif  qui  s'écriait 
dans  son  orgueil  :  «  Nous  ne  voulons  pas  que 
«  celui-là  règne  sur  nous  3  ».  Grégoire,  priez 

Eour  ce  monde  que  vous  avez  sauvé  de  la 
arbarie,  et  qui  est  au  moment  d'y  retomber. 
Les  hommes  de  ce  temps  ne  parlent  que  de 
liberté  ;  c'est  au  nom  de  cette  prétendue 
liberté  qu'ils  ont  dissous  la  société  chré- 
tienne ;  et  le  seul  moyen  qui  leur  reste  de 
maintenir  quelque  ordre  au  sein  de  tant  d'é- 
léments ennemis,  le  seul  moyen,  c'est  la 
force.  Vous  aviez  triomphé  de  la  force, 
vous  aviez  rétabli  les  droits  de  l'esprit; 
par  vous  la  liberté  des  enfants  de  Dieu, 
la  liberté  du  bien,  était  reconnue,  et  elle 
régna  durant  plusieurs  siècles.  Généreux 
Pontife,  venez  en  aide  à  cette  Europe  que 
votre  main  ferme   préserva    autrefois   d'une 

I.  I  Tira.  VI,  i5.  —  2.  Matth.  xxvni,  i8.  —  3.  Luc. 
XIX,  14. 


^7- 


Le  Temps  Pascal. 


ruine  imminente.  Fléchissez  le  Christ  que  les 
hommes  blasphèment,  après  l'avoir  expulsé 
de  son  domaine,  comme  s'il  ne  devait  pas  y 
rentrer  triomphant  au  jour  de  ses  justices. 
Implorez  sa  clémence  pour  tant  de  chrétiens 
séduits,  et  entraînés  par  d'absurdes  sophis- 
mes,  par  d'aveugles  préjugés,  par  une  éduca- 
tion perfide,  par  des  mots  sonores  et  mal 
définis,  et  qui  appellent  voie  du  progrès 
celle  qui  les  éloigne  toujours  plus  de  l'uni- 
que but  que  Dieu  s'est  proposé  en  créant 
l'homme  et  l'humanité. 

De  ce  séjour  tranquille  où  vous  vous 
reposez  après  tant  de  combats,  jetez,  ô  Gré- 
goire, un  regard  sur  la  sainte  Eglise  qui 
poursuit  sa  marche  pénible  à  travers  mille 
entraves.  Tout  est  contre  elle  :  les  débris 
d'anciennes  lois  inspirées  par  la  réaction  de 
la  force  contre  l'esprit,  les  entraînements  de 
l'orgueil  populaire  qui  poursuit  avec  achar- 
nernent  tout  ce  qui  lui  semble  contraire  à 
l'égalité  des  droits,  la  recrudescence  de  l'im- 
piété qui  a  compris  qu'il  faut  marcher  sur 
l'Eglise  pour  monter  jusqu'à  Dieu.  Au  mi- 
lieu de  cette  tempête,  le  rocher  qui  porte  le 
siège  immortel  sur  lequel  vous  avez  tenu,  6 
Grégoire,  la  place  de  Pierre,  est  battu  par  les 
flots  en  furie.  Priez  pour  le  vicaire  de  Dieu. 
Comme  vous,  il  a  aimé  la  justice,  il  a  détesté 
l'iniquité;  et  nous  craignons  de  le  voir  par- 
tir aussi  pour  l'exil.  Détournez,  ô  saint  Pon- 
tife, le  fléau  qui  pèse  sur  Rome.  «  Les  secta- 
«  teurs  de  Satan,  ainsi  que  l'a  annoncé  Jean, 
«  Evangéliste  et  Prophète,  sont  rnontés  de 
«c  leurs  antres  ténébreux  à  la  scirface  de  la 
«  terre  ;  ils  ont  fait  le  siège  du  camp  des  saints 


s.  Grégoire  VU,  Pape  et  Confesseur.     5y3 

«  et  cje  la  cité  bien-aimée  i.  »  Veillez,  ô  Gré- 
goire, sur  cette  ville  sainte  qui  fut  votre 
épouse  sur  la  terre.  Déjouez  des  plans  per- 
fides, ranimez  le  zèle  des  enfants  de  l'Eglise, 
afin  que,  par  leur  courage  et  par  leurs  lar- 
gesses, ils  continuent  de  venir  en  aide  à  la 
plus  sacrée  des  causes. 

Priez,  ô  Pontife,  pour  l'ordre  épiscopal 
dont  le  Siège  Apostolique  est  la  source.  For- 
tifiez les  oints  du  Seigneur  dans  la  lutte  qu'ils 
ont  à  soutenir  contre  les  tendances  d'une 
société  qui  a  expulsé  le  Christ  de  ses  lois  et 
de  ses  institutions.  Qu'ils  soient  revêtus  de  la 
force  d'en  haut,  fidèles  dans  la  confession  de 
l'antique  doctrine,  empressés  à  prémunir  les 
fidèles  exposés  à  tant  de  séductions  dans  ce 
fatal  naufrage  des  vérités  et  des  devoirs. 
Dans  un  temps  comme  le  nôtre,  la  force  de 
l'Eglise  n'est  plus  que  dans  les  âmes  ;  ses 
appuis  extérieurs  ont  disparu  presque  par- 
tout. Le  divin  Esprit,  dont  la  mission  est  de 
soutenir  ici-bas  l'œuvre  du  F'ils  de  Dieu, 
l'assistera  jusqu'au  dernier  jour;  mais  il  veut 
pour  instruments  des  hommes  dégagés  des 
préoccupations  de  la  vie  présente,  resignés, 
s'il  le  faut,  à  l'impopularité,  résolus  à  braver 
tout  pour  proclamer  l'immuable  enseigne- 
ment de  la  Chaire  suprême.  Par  la  miséri- 
corde divine,  ils  sont  nombreux  aujourd'hui 
dans  la  sainte  Eglise,  ô  Grégoire,  les  pasteurs 
conformes  à  l'intention  de  celui  que  saint 
Pierre  appelle  «  le  Prince  des  pasteurs  2  ». 
Priez,  afin  que  tous,  à  votre  exemple,  aiment 
la   justice    et  haïssent  l'iniquité,    aiment    la 

I.  Apoc.  XX,  8.  —  2. 1  Petr.  y, 


Le  Temps  Pascal. 


vérité  et  haïssent  l'erreur;  qu'ils  ne*  crai- 
gnent ni  l'exil,  ni  la  persécution,  ni  la  mort; 
car  «  le  disciple  n  est  pas  au-dessus  du 
maître  *.  » 


LE    MÊME    JOUR. 
SAINT   URBAIN,   PAPE   ET   MARTYR. 

[ette  journée  est  marquée  par  le 
triomphe  de  deux  saints  papes,  et  le 
septième  Grégoire,  en  quittant  la 
terre,  est  introduit  dans  le  séjour 
céleste  par  un  de  ses  prédécesseurs  :  Urbain, 
martyr  par  l'etfusion  de  son  sang;  Grégoire, 
martyr  par  les  douleurs  qu'éprouva  sa  grande 
âme.  La  cause  était  la  même.  Urbain  don- 
nait sa  vie  plutôt  que  de  céder  à  la  puis- 
sance terrestre  qui  eût  voulu  courber  toute 
âme  généreuse  devant  les  idoles  des  faux 
dieux  ;  Grégoire  préféra  encourir  toutes  les 
disgrâces  de  cette  vie  plutôt  que  de  laisser 
la  sainte  Eglise  sous  le  joug  de  César.  Tous 
deux  embellissent  le  cycle  pascal  de  leurs 
palmes  et  de  leurs  couronnes.  Jésus  ressus- 
cité avait  dit  à  Pierre  :  «  Suis-moi  i.  »  Pierre 
suivit  son  Maître  jusqu'à  la  croix.  Héritiers 
de  Pierre,  Urbain  et  Grégoire  se  sont  atta- 
chés à  la  suite  du  même  chef,  et  nous  saluons 
leur  commun  triomphe,  en  lequel  brille  la 
force  invincible  que  le  triomphateur  de  la 
mort  a  communiquée  dans  tous  les  siècles  à 
ceux  qu'il  a  choisis  pour  rendre  témoignage 
ici-bas  à  la  vérité  de  sa  résurrection. 

Voici  maintenant  le    récit   que  la  Liturgie 

1.  JOHAN.  XXI,   19. 


S-rf) 


Le  Temps  Pascal. 


romaine   nous   donne  sur  les  œuvres   et 
mérites  du  saint  pape  Urbain. 


les 


LiRBANL's  Romanus, 
'  Alexandre  Severo 
imperatore,  doctrina  et 
vitas  sanctitate  multos  ad 
Christi  fîdem  convertit  : 
in  illis  Valerianum,  bea- 
ta;  Cœciliœ  sponsum,  et 
Tiburtium  Valeriani  fra- 
trem,  qui  postea  marty- 
rium  forti  animo  subie- 
runt.  Hic  de  bonis  Ec- 
clesiœ  attributis  scripsit 
his  verbis  :  Ipsae  res  fide- 
lium,  quae  Domino  offe- 
runtur,  nor.  debent  in 
alios  usus,  quam  Eccle- 
siasticos  et  Christiano- 
rum  fratrum,  vel  indigen- 
tium,  converti  :  quia  vota 
sunt  fidelium,  et  pretia 
peccatorum.  ac  patrimo- 
nia  pauperum.  Sedit  an- 
nos  sex.  menses  septem, 
dies  quatuor  :  ac  marty- 
rio  coronatus,  sepultus 
est  in  cœmeterio  Prsetex- 
tati,  octavo  calendas  ju- 
nii,  Ordinationibus  quin- 
que  habitis  mense  de- 
cembri,  creavit  presbytè- 
res novem  ,  diaconos 
quinque,  episcopos  per 
diversa  loca  octo. 


URBA 
ver 


RBAIN,  ne  à  Rome,  gou- 
rna  l'Eglise  au  temps 
de  l'empereur  Alexandre  Sé- 
vère. Par  son  enseignement 
et  la  sainteté  de  sa  vie  il  con- 
vertit un  grand  nombre  de 
personnes  à  la  foi  du  Christ, 
entre  autres  Valérien,  époux 
de  la  bienheureuse  Cécile, 
et  Tiburce,  frère  de  Valé- 
rien. lesquels  endurèrent  plus 
tard  le  martyre  avec  un  grand 
courage.  Il  a  écrit  ces  paroles 
au  su)ct  des  biens  qui  sont 
donnés  à  l'Eglise  :  «  Les 
«  choses  que  les  fidèles  offrent 
«  au  Seigneur  ne  doivent 
«  être  employées  que  pour  la 
«  subsistance  des  ministres 
«  de  l'Eglise,  des  chrétiens 
«  nos  frères  et  de  ceux  qui 
«  sont  dans  le  besoin,  parce 
«  que  ce  sont  les  oblations 
«  des  fidèles,  le  prix  de  la 
«  rémission  de  leurs  péchés, 
M  et  le  patrimoine  d«s  pau- 
»  vres.  »  Il  siégea  six  ans, 
sept  mois  et  quatre  jours;  il 
reçut  la  couronne  du  martyre, 
et  fut  enseveli  dans  le  cime- 
tière de  Prétextât,  le  huit  des 
calendes  de  juin.  En  cinq 
ordinations  qu'il  tint  au  mois 
de  décembre,  il  créa  neuf 
prêtres,  cinq  diacres  et  huit 
évêques  pour    divers  lieux. 

SAINT  Pontife,   nous  célébrons  votre  triom- 
phe avec  une  joie  augmentée  encore  par 


Saint  Urbain^  Pape  et  Martyr.    5yy 

l'anniversaire  du  départ  de  votre  illustre 
successeur  pour  le  séjour  où  vous  l'attendiez 
dans  la  gloire.  Du  haut  du  ciel  vous  aviez 
suivi  ses  combats,  et  vous  aviez  reconnu  que 
son  courage  n'était  pas  au-dessous  de  celui 
des  martyrs.  Lui,  sur  sa  couche  funèbre  à 
Salerne,  s'animait  à  la  dernière  lutte  par  la 
pensée  de  votre  dernier  combat  en  ce  même 
jour.  O  lien  merveilleux  de  l'Eglise  triom- 
phante et  de  l'Eglise  militante"!  6  sublime 
fraternité  des  saints!  ô  espérance  immortelle 
pour  nos  cœurs  !  Jésus  ressuscité  nous  convie 
à  nous  réunir  à  lui  pour  l'éternité.  Chaque 
génération  lui  envoie  ses  élus,  et  ils  viennent 
tour  à  tour  se  grouper  au-dessous  de  ce  di- 
vin Chef,  comme  autant  de  membres  qui 
forment  la  plénitude  de  son  corps.  Il  est 
«  le  premier-né  entre  les  morts  »,  et  il  nous 
fera  participer  à  sa  vie,  selon  que  nous  au- 
rons participé  à  ses  souffrances  et  à  sa  mort. 
Priez,  ô  Urbain,  afin  que  le  désir  de  nous 
réunir  à  Jésus  qui  est  «  la  voie,  la  vérité  et 
«  la  vie  »,  s'enflamme  en  nous  toujours  plus. 
Rendez-nous  supérieurs  aux  calculs  terres- 
tres, et  donnez-nous  de  sentir  toujours  que 
tant  que  nous  restons  en  ce  monde,  «  nous 
a  sommes  exilés  du  Seigneur  ^  ». 

I.  II  Cor.  V,  6, 


LE   TEMPS   PASCAL.    —  T.    HI. 


^^m^m^Émm^^^^ 


LE    XXVI    MAI. 


SAINT  PHILIPPE  NKRI,  CONFESSEUR. 

\  joie  est,  ainsi  que  nous  l'avons  dit, 
le  caractère  principal  du  Temps 
pascal:  joie  surnaturelle,  motivée 
à  la  fois  par  le  triomphe  si  éclatant 
de  notre  Emmanuel  et  par  le  sentiment  de 
notre  heureuse  délivrance  des  liens  de  la 
mort.  Or,  ce  sentiment  de  l'allégresse  inté- 
rieure a  régné  d'une  manière  caractéristique 
dans  le  grand  serviteur  de  Dieu  que  nous 
honorons  aujourd'hui  ;  et  c'est  bien  d'un  tel 
homme,  dont  le  cœur  fut  toujours  dans  la 
jubilation  et  dans  l'enthousiasme  des  choses 
divines,  que  l'on  peut  dire,  avec  la  sainte 
Ecriture,  «  que  le  cœur  du  juste  est  comme 
«  un  festin  continuel  i  ».  Un  de  ses  derniers 
disciples,  l'illustre  Père  Faber,  fidèle  aux 
doctrines  de  son  maître,  enseigne,  dans  son 
beau  livre  du  Progrès  spirituel,  que  la  bonne 
humeur  est  l'un  des  principaux  moyens  d'a- 
vancement dans  la  perfection  chrétienne. 
Nous  accueillerons  donc  avec  autant  d'allé- 
gresse que  de  respect  la  figure  radieuse  et 
bienveillante  de  Philippe  Néri,  l'Apôtre  de 
Rome  et  l'un  des  plus  beaux  fruits  de  la  fé- 
condité de  l'Eglise  au  xvi*  siècle. 

L'amour  de  Dieu,  un  amour  ardent,  et  qui 


Saint  Philippe  Néri,  Confesseur.     Sjg 

se  communiquait  comme  invinciblement  à 
tous  ceux  qui  l'approchaient,  fut  le  trait  par- 
ticulier de  sa  vie.  Tous  les  saints  ont  aimé 
Dieu;  car  l'amour  de  Dieu  est  le  premier  et 
le  plus  grand  commandement;  mais  la  vie 
de  Philippe  réalise  ce  divin  précepte  avec  une 
plénitude,  pour  ainsi  dire,  incomparable.  Son 
existence  ne  fut  qu'un  transport  d'amour  en- 
vers le  souverain  Seigneur  de  toutes  choses; 
et  sans  un  miracle  de  la  puissance  et  de 
la  bonté  de  Dieu,  cet  amour  si  ardent  au 
cœur  de  Philippe  eût  consumé  sa  vie  avant 
le  temps.  Il  était  arrivé  à  la  vingt-neuvième 
année  de  son  âge,  lorsqu'un  jour,  dans  l'Oc- 
tave de  la  Pentecôte,  le  feu  de  la  divine  cha- 
rité embrasa  son  cœur  avec  une  telle  impé- 
tuosité que  deux  côtes  de  sa  poitrine  éclatè- 
rent, laissant  au  cœur  l'espace  nécessaire 
pour  céder  désormais  sans  péril  aux  trans- 
ports qui  l'agitaient.  Cette  fracture  ne  se  ré- 
para jamais;  la  trace  en  était  sensible  par 
une  proéminence  visible  à  tout  le  monde  ; 
et  grâce  à  ce  soulagement  miraculeux,  Phi- 
lippe put  vivre  cinquante  années  encore,  en 
proie  à  toutes  les  ardeurs  d'un  amour  qui 
tenait  plus  du  ciel  que  de  la  terre. 

Ce  séraphin  dans  un  corps  d'homme  fut 
comme  une  réponse  vivante  aux  insultes  dont 
la  prétendue  Réforme  poursuivait  l'Eglise  ca- 
tholique. Luther  et  Calvin  avaient"  appelé 
cette  sainte  Eglise  l'intidèle  et  la  prostituée 
deBabylone;  et  voici  que  cette  même  Eglise 
avait  à  montrer  de  tels  enfants  à  ses  aniis  et 
à  ses  ennemis  :  une  Thérèse  en  Espagne,  un 
Philippe  Néri  dans  Rome.  Mais  le  protestan- 
tisme  s'inquiétait  beaucoup  de   l'affranchis- 


5So 


Le  Temps  Pascal. 


sèment  du  joug,  et  peu  de  l'amour.  Au 
nom  de  la  liberté  des  croyances,  il  opprima 
les  faibles  partout  où  il  domina,  il  s'implanta 
par  la  force  là  même  où  il  était  repoussé; 
mais  il  ne  revendii^uait  pas  pour  Dieu  le  droit 

3u'il  a  d'être  aimé.  Aussi  vit-on  disparaître 
es  pays  qu'il  envahit  ce  dévouement  qui 
produit  le  sacritice  à  Dieu  et  au  prochain. 
Un  long  intervalle  de  temps  s'est  écoulé  de- 
puis la  prétendue  Réforme,  avant  que  celle- 
ci  ait  songé  qu'il  existe  encore  des  inridèles 
sur  la  surface  du  globe;  et  si  plus  tard  elle 
s'est  fastueusement  imposé  l'œuvre  des  mis- 
sions, on  sait  assez  quels  apôtres  elle  choisit 
pour  organes  de  ses  étranges  sociétés  bibli- 
ques. C"est  donc  après  trois  siècles  qu'elle 
s'aperçoit  que  l'Eglise  catholique  n'a  pas 
cessé  de  produire  des  corporations  vouées 
aux  œuvres  de  charité.  Emue  d'une  telle  dé- 
couverte, elle  essaie  en  quelques  lieux  ses 
diaconesses  et  ses  infirmières.  Quoi  qu'il  en 
soit  du  succès  d'un  effort  si  tardif,  on  peut 
croire  raisonnablement  qu'il  ne  prendra  ja- 
mais de  vastes  proportions;  et  il  est  permis  de 
penser  que  cet  esprit  de  dévouement  qui 
sommeilla  trois  siècles  durant  au  cœur  du 
protestantisme,  n'est  pas  précisément  l'es- 
sence de  son  caractère,  quand  on  Ta  vu,  dans 
les  contrées  qu'il  envahit,  tarir  jusqu'à  la 
source  de  l'esprit  de  sacrifice,  en  arrêtant  avec 
violence  la  pratique  des  conseils  évangéli- 
ques  qui  n'ont  leur  raison  d'être  que  clans 
l'amour  de  Dieu. 

Gloire  donc  à  Philippe  Néri,  l'un  des  plus 
dignes  représentants  de  la  divine  charité  au 
xvi«  siècle  !  Par  son  impulsion,  Rome  et  bien- 


Saint  Philippe  Néri,  Confesseur.     58 1 

tôt  la  chrétienté  reprirent  une  vie  nouvelle 
dans  la  fréquentation  des  sacrements,  dans 
les  aspirations  d'une  piété  plus  fervente.  Sa 
parole,  sa  vue  même  électrisaient  le  peuple 
chrétien  dans  la  cité  sainte  ;  aujourd'hui 
encore  la  trace  de  ses  pas  n'est  point  effacée. 
Chaque  année,  le  vingt-six  mai,  Rome  célè- 
bre avec  transport  la"  mémoire  de  son  paci- 
fique réformateur.  Philippe  partage  avec  les 
saints  Apôtres  les  honneurs  de  Patron  dans 
la  ville  de  saint  Pierre.  Les  travaux  sont  sus- 
pendus, et  la  population  en  habits  de  fête  se 
presse  dans  les  églises  pour  honorer  le  jour 
où  Philippe  naquit  au  ciel,  après  avoir  sanc- 
tifié la  terre.  Le  Pontife  romain  en  personne 
se  rend  en  pompe  à  l'église  de  Sainte-Marie 
in  Vallicella,  et  vient  acquitter  la  dette  du 
Siège  Apostolique  envers  l'homme  qui  releva 
si  haut  la  dignité  et  la  sainteté  de  la  Mère 
commune. 

Philippe  eut  le  don  des  miracles,  et  tandis 
qu'il  ne  cherchait  que  l'oubli  et  le  mépris,  il 
vit  s'attacher  à  lui  tout  un  peuple  qui  deman- 
dait et  obtenait  par  ses  prières  la  guérison 
des  maux  de  la  vie  présente,  en  même  temps 
que  la  réconciliation  des  âmes  avec  Dieu. 
La  mort  elle-même  obéit  à  son  commande- 
ment, témoin  ce  jeune  prince  Paul  Massimo 
que  Philippe  rappela  à  la  vie,  lorsque  l'on 
s'apprêtait  déjà  à  lui  rendre  les  soins  funé- 
raires. Au  moment  où  cet  adolescent  rendait 
le  dernier  soupir,  le  serviteur  de  Dieu  dont  il 
avait  réclamé  l'assistance  pour  le  dernier 
passage,  célébrait  le  saint  Sacrifice.  A  son 
entrée  dans  le  palais,  Philippe  rencontre  par- 
tout l'image   du    deuil  :  un  père  éploré,  des 


5S2  Le  Temps  Pascal. 

sœurs  en  larmes,  une  famille  consternée  ; 
tels  sont  les  objets  qui  frappent  ses  regards. 
Le  jeune  homme  venait  de  succomber 
après  une  maladie  de  soixante-cinq  jours, 
qu'il  avait  supportée  avec  la  plus  rare 
patience.  Philippe  se  jette  à  genoux,  et  après 
une  ardente  prière,  il  impose  sa  main  sur  la 
tète  du  défunt  et  l'appelle  à  haute  voix  par 
son  nom.  Paul,  réveillé  du  sommeil  de  la 
mort  par  cette  parole  puissante,  ouvre  les 
yeux,  et  répond  avec  tendresse  :  «  Mon  Père  !  » 
Puis  il  ajoute  :  «  Je  voudrais  seulement  me 
«  confesser.  »  Les  assistants  s'éloignent  un 
moment,  et  Philippe  reste  seul  avec  cette 
conquête  qu'il  vient  de  faire  sur  la  mort. 
Bientôt  les  parents  sont  rappelés,  et  Paul,  en 
leur  présence,  s'entretient  avec  Philippe  d'une 
mère  et  d'une  sœur  qu'il  aimait  tendrement, 
et  que  le  trépas  lui  a  ravies.  Durant  cette 
conversation,  le  visage  du  jeune  homme, 
naguère  défiguré  par  "la  fièvre,  a  repris  ses 
couleurs  et  sa  grâce  d'autrefois.  Jamais  Paul 
n'avait  semblé  plus  plein  dévie.  Le  saint  lui 
demande  alors  s'il  mourrait  volontiers  de 
nouveau.  —  «  Oh  !  oui,  très  volontiers,  répond 
«  le  jeune  homme  ;  car  je  verrai  en  paradis 
«  ma  mère  et  ma  sœur.  »  —  «  Pars  donc, 
«  répond  Philippe  ;  pars  pour  le  bonheur,  et 
«  prie  le  Seigneur  pour  moi.  »  A  ces  mots, 
le  jeune  hornme  expire  de  nouveau,  et  entre 
dans  les  joies  de  l'éternité,  laissant  l'assis- 
tance saisie  de  regret  et  d'admiration. 

Tel  était  cet  homme  favorisé  presque  cons- 
tamment des  visites  du  Seigneur  dans  les 
ravissements  et  les  extases,  âoué  de  l'esprit 
de  prophétie,  pénétrant  d'un  regard  les  cons- 


Saint  Philippe  Néri,  Confesseur.     583 

ciences,  répandant  un  parfum  de  vertu  qui 
attirait  les  âmes  par  un  charme  irrésistible, 
La  jeunesse  romaine  de  toute  condition  se 
pressait  autour  de  lui.  Aux  uns  il  faisait  évi- 
ter les  écueils  ;  aux  autres  il  tendait  la  main 
dans  le  naufrage.  Les  pauvres,  les  malades, 
étaient  à  toute  heure  l'objet  de  sa  sollicitude. 
Il  se  multipliait  dans  Rome,  employant  tou- 
tes les  formes  du  zèle,  et  ayant  laissé  après 
lui  une  impulsion  pour  les  bonnes  œuvres  qui 
ne  s'est  pas  ralentie. 

Philippe  avait  senti  que  la  conservation 
des  mœurs  chrétiennes  dépendait  principa- 
lement d'une  heureuse  dispensation  de  la 
parole  de  Dieu,  et  nul  ne  se  montra  plus 
empressé  à  procurer  aux  fidèles  des  apôtres 
capables  de  les  attirer  par  une  prédication  so- 
lide et  attrayante.  Il  fonda  sous  le  nom  d'Ora- 
toire une  institution  qui  dure  encore,  et  dont  le 
but  est  de  ranimer  et  de  maintenir  la  piété 
dans  les  populations.  Cetteinstitution,  qu'il  ne 
faut  pas  confondre  avec  l'Oratoire  de  France, 
a  pour  but  d'utiliser  le  zèle  et  les  talents  des 
prêtres  que  la  vocation  divine  n'appelle  pas 
à  la  vie  du  cloître,  et  qui,  en  associant  leurs 
efforts,  arrivent  cependant  à  produire  d'abon- 
dants fruits  de  sanctification. 

En  fondant  l'Oratoire  sans  lier  les  mem- 
bres de  cette  association  par  les  vœux  de  la 
religion,  Philippe  s'accommodait  au  genre  de 
vocation  que  ceux-ci  avaient  reçu  du  ciel,  et 
leur  assurait  du  moins  les  avantages  d'une 
règle  commune,  avec  le  secours  de  l'exemple 
si  "puissant  pour  soutenir  l'âme  dans  le  ser- 
vice de  Dieu  et  dans  la  pratique  des  œuvres 
du  zèle.  Mais  le  saint  apôtre  était  trop   atta- 


584  J^e  Temps  Pascal. 


ché  à  la  foi  de  l'Eglise  pour  ne  pas  estimer 
la  vie  religieuse  comme  l'état  de  la  perfec- 
tion. Durant  toute  sa  longue  carrière,  il  ne 
cessa  de  diriger  vers  le  cloître  les  âmes  qui 
lui  semblcrent  appelées  à  la  profession  des 
vœux.  Par  lui  les  divers  ordres  religieux  se 
recrutèrent  d'un  nombre  immense  de  sujets 
qu'il  avait  discernés  et  éprouvés  :  en  sorte 
que  saint  Ignace  de  Loyola,  ami  intime  de 
Philippe  et"  son  admirateur,  le  comparait 
agréablement  à  la  cloche  qui  convoque  les 
fidèles  à  l'Eglise,  bien  qu'elle  n'y  entre  pas 
elle-même. 

La  crise  terrible  qui  agita  la  chrétienté  au 
XVI*  siècle,  et  enleva  à  l'Eglise  catholique  un 
si  grand  nombre  de  ses  provinces,  affecta 
doiTloureusement  Philippe  durant  toute  sa 
longue  vie.  Il  souffrait  cruellement  de  voir 
tant  de  peuples  aller  s'engloutir  les  uns  après 
les  autres  dans  le  gouffre  de  l'hérésie.  Les 
efforts  tentés  par  le  zèle  pour  reconquérir 
les  âmes  séduites  par  la  prétendue  Réforme 
faisaient  battre  son  cœur,  en  même  temps 
qu'il  suivait  d'un  œil  attentif  les  manœuvres 
à  l'aide  desquelles  le  protestantisme  travail- 
lait à  maintenir  son  influence.  Les  Centuries 
de  Magdebourg,  vaste  compilation  historique 
destinée  à  donner  le  change  aux  lecteurs,  en 
leur  persuadant,  à  l'aide  de  passages  falsifiés, 
de  faits  dénaturés  et  souvent  même  inventés, 
que  l'Eglise  Romaine  avait  abandonné  l'anti- 
que croyance  et  substitué  la  superstition  aux 
pratiques  primitives;  cet  ouvrage  sembla  à 
Philippe  d'une  si  dangereuse  portée,  qu'un 
travail  supérieur  en  érudition,  puisé  aux 
véritables    sources,    pouvait   seul  assurer   le 


Saint  Philippe  Néri,  Confesseur.     585 

triomphe  de  l'Eglise  catholique.  Il  avait 
deviné  le  génie  de  César  Baronius,  l'un  de  ses 
compagnons  à  l'Oratoire.  Prenant  en  main 
la  cause  de  la  foi,  il  commanda  à  ce  savant 
homme  d'entrer  tout  aussitôt  dans  la  lice,  et 
de  poursuivre  l'ennemi  de  la  vraie  foi  en  s'é- 
tablissant  sur  le  terrain  de  l'histoire.  Les 
Annales  ecclésiastiques  furent  le  fruit  de  cette 
grande  pensée  de  Philippe;  et  Baronius  lui- 
même  en  rend  le  plus  touchant  témoignage 
en  tête  de  son  huitième  livre.  Trois  siècles 
se  sont  écoulés  sur  ce  grand  œuvre.  Avec  les 
moyens  de  la  science  dont  nous  disposons 
aujourd'hui  il  est  aisé  d'en  signaler  les  imper- 
fections ;  mais  jamais  l'histoire  de  l'Eglise 
n'a  été  racontée  avec  une  dignité,  une  élo- 
quence et  une  impartialité  supérieures  à 
celles  qui  régnent  dans  ce  noble  et  savant 
récit  dont  le  parcours  est  de  douze  siècles. 
L'hérésie  sentit  le  coup  ;  l'érudition  malsaine 
et  infidèle  des  Centuriateurs  s'éclipsa  en  pré- 
sence de  cette  narration  loyale  des  faits,  et 
Ton  peut  affirmer  que  le  flot  montant  du 
protestantisme  s'arrêta  devant  les  Annales 
de  Baronius,  dans  lesquelles  l'Eglise  appa- 
raissait enfin  telle  qu'elle  a  été  toujours,  «  la 
colonne  et  l'appui  de  la  vérité  ^  »  La  sain- 
teté de  Philippe  et  le  génie  de  Baronius 
avaient  décidé  la  victoire  ;  de  nombreux 
retours  à  la  foi  romaine  vinrent  consoler  les 
catholiques  si  tristement  décimés;  et  si  de 
nos  jours  d'innombrables  abjurations  annon- 
cent la  ruine  prochaine  du  protestantisme, 
il  est  juste  de  l'attribuer  en  grande  partie  au 

I.  I  Tim.  ni,  i5. 


succès   de  la  méthode    historique  inaugurée 
dans  les  Annales. 

Mais  il  est  temps  de  lire  le  récit  liturgique 
des  vertus  et  des  saintes  œuvres  de  l'apôtre 
de  Rome  au  xvi^  siècle. 


Philippus  Nerius  piis 
*  honestisque  parenli- 
ubs  Florentiae  natus,  ab 
ipsa  ineunte  œtate  non 
obscura  dédit  futurae 
sanctitatis  indicia.  Ado- 
lescens  ampla  patrui  he- 
reditate  dimissa,  Romam 
se  contulit  ;  ubi  philoso- 
phia  ac  sacris  litteris  eru- 
ditus,  totum  se  Christo 
dicavit.  Ea  fuit  absti- 
nentia,  ut  sœpe  jejunus 
triduum  pcrmanserit. 
Vigiliis  et  orationibus 
intentus,  septem  Urbis 
Ecclesias  fréquenter  visi- 
tans,  apud  Cœmeterium 
Callisti  in  cœlestium  re- 
rum  contemplatione  per- 
noctare  consuevit.  Sacer- 
dos  ex  obedientra  factus. 
in  animarum  salute  pro- 
curanda  totus  fuit,  et  in 
confessionibus  audiendis 
ad  extremum  usque  diem 
perseverans.  innumeros 
pêne  filios  Christo  pepe- 
rit  ;  quos  verbi  Dei  quo- 
tidiano  pabulo,  Sacra- 
m  e  n  t  o  r  u  m  frequentia, 
G  r  a  t  i  o  n  i  s  assiduitate, 
aliisque  piis  exercita- 
tionibus  enutriri  cupiens, 


P  HILIPPE  Néri  naquit  à 
Florence  de  parents  bon 
nétes  et  pieux,  et  dès  son  en- 
fance il  donna  des  marques 
visibles  de  sa  future  sainteté. 
Arrivé  à  l'adolescence,  il 
abandonna  une  riche  succes- 
sion qui  lui  venait  d'un  oncle 
paternel,  et  se  rendit  à  Romo 
où  il  étudia  la  philosophie  et 
la  théologie,  et  se  consacra 
entièrement  à  Jésus-Christ. 
Son  abstinence  était  telle, 
que  souvent  il  passait  jusqu'à 
trois  jours  sans  nourriture 
Adonné  à  la  veille  et  à  la 
prière,  il  visitait  fréquem- 
ment les  sept  Eglises  de 
Rome,  et  il  avait  coutume  de 
passer  la  nuit  au  Cimetière 
de  Callixte  dans  la  contem- 
plation des  choses  célestes. 
Ayant  reçu  par  obéissance  le 
sacerdoce,  il  s'appliqua  tout 
erM'er  au  service  des  âmes, 
e;  continua  jusqu'au  dernier 
jour  de  sa  vie  d'entendre  les 
confessions.  Il  donna  à  .Tésus- 
Christ  un  nombre  d'enfants 
presque  innombrable  ;  et  afin 
de  les  soutenir  par  la  nour- 
riture quotidienne  de  la  pa- 
role de  Dieu,  la  fréquenta- 
tion des  sacrements,    l'assi- 


Saint  Philippe  Néri,  Confesseur.     58y 


duilé  à  l'oraison,  et  par 
d'autres  exercices  de  piété,  i! 
institua  la  congrégation  de 
l'Oratoire. 

L'amour  de  Dieu  dont  il 
portait  la  blessure  le  jetait 
dans  une  continuelle  lan- 
gueur, et  l'ardeur  qui  l'em- 
brasait était  si  grande,  que 
son  cœur  se  trouvant  trop 
resserré  dans  les  bornes  na- 
turelles, le  Seigneur  lui  élar- 
git miraculeusement  la  poi- 
trine parla  rupture  et  l'élé- 
vation de  deux  côtes.  Quel- 
quefois Philippe,  célébrant 
la  Messe,  ou  priant  avec  une 
plus  grande  ferveur,  était 
élevé  de  terre,  et  paraissait 
tout  environné  d'une  lumière 
éclatante.  Il  rendait  aux  pau- 
vres et  à  ceux  qui  étaient  dans 
quelque  besoin  tous  les  soins 
que  peut  inspirer  la  charité, 
et  il  mérita  qu'un  ange  vînt 
recevoir  de  lui  l'aumône  sous 
la  figure  d'un  mendiant.  Une 
autre  fois,  comme  il  portait 
du  pain  la  nuit  aux  indigents, 
étant  tombé  dans  une  fosse, 
le  secours  d'un  autre  ange 
l'en  fit  sortir  sain  et  sauf. 
Voué  à  l'humilité,  il  eut  tou- 
jours le  plus  grand  éloigne- 
ment  pour  les  honneurs,  et 
refusa  plus  d'une  fois  les 
premières  dignités  de  l'Eglise 
qui  lui  étaient  offertes. 

RENDU  illustre  par  le  don  de 
prophétie,  il  fut  remar- 


Oratorii  congregationem 
instituit. 


r^  HARiTATE  Dei  vulnc- 
^— '  ratus  languebat  ju- 
giter  :  tantoque  cor  ejus 
œstuabat  ardore,  ut  cum 
intra  fines  suos  contineri 
non  posset,  illius  sinuni, 
confractis  atque  elatis 
duabus  costulis,  mirabi- 
Hter  Dominus  amplia- 
verit.  Sacrum  vero  fa- 
ciens  ,  aut  ferventius 
orans,  in  aéra  quandoque 
sublatus,  mira  undique 
luce  fulgere  visus  fuit. 
Egenos  et  pauperes  omni 
charitatis  officio  prose- 
quebatur  :  dignus  qui  et 
augelo,  in  specie  paupe- 
ris  eleemosynam  eroga- 
ret,  et  dum  egentibus 
noctu  panem  deferret,  in 
foveam  lapsus,  inde  pa- 
riter  ab  angelo  incolu- 
mis  eriperetur.  Humili- 
tati  addictus  ab  honori- 
bus  semper  abhorruit  , 
atque  ecclesiasticas  di- 
gnitates,  etiam  prima- 
rias,  non  semel  ultro  de- 
latas  constantissime  re- 
ciisavit. 


PROPHEl 
illustr 


ETIVE    donc   fuit 
et  in  ani- 


588 


Le  Temps  Pascal. 


morum  sensibus  pene- 
trandis  mirifice  enituit. 
Virginitateni  perpétue 
illibatam  servavit  :  id- 
qiic  assccutus  est,  ut  eos 
qui  puritatem  colerent, 
ex  odore  ;  qui  vero  secus, 
ex  fœtore  dignoscerot. 
Absentibus  interdutn  ap- 
paruit,  iisque  pereclitan- 
tibus  opem  tulit.  iEgro- 
tos  plurimos,  et  morti 
proximos  sanitati  resti- 
tuit.  Mortuum  quoque 
ad  vitam  revocavit.  Cœ- 
lestium  spirituum  ,  et 
ipsius  Deiparaî  Virginis, 
fréquenter  fuit  appari- 
tione  dignatus,  ac  pluri- 
morum  animas  splendore 
circumfusas  ia  cœlum 
conscondere  vidit.  Deni- 
que  anno  salutis  millesi- 
mo  quingentcsimo  nona- 
gesimo  quinto,  octavo 
calendas  junias,  in  quem 
diem  inciderat  festum 
Corporis  Christi,  Sacro 
maxirua  spiritus  cxsulta- 
tioae  peracto,  caeterisque 
functionibus  expletis  , 
post  mediam  noctem, 
qua  praedixerat  hora,  oc- 
togenarius  obdormivit  in 
Domino.  Quem  Grego- 
rius  Decimus  quintus 
miraculis  clarum  in 
Sanctorum  numerum  re- 
tulit. 


quable  aussi  par  la  périctra- 
tion  des  pensées  les  plus  se- 
crètes. Il  garda  toute  sa  vie 
la  plus  entière  virginité,  et 
il  avait  reçu  le  don  de  distin- 
guer à  la  bonne  ou  à  la  mau- 
vaise odeur  ceux  qui  étaient 
chastes  et  ceux  qui  ne  l'étaient 
pas.  Il  apparaissait  quelque- 
fois à  des  personnes  éloignées 
du  lieu  où  il  se  trouvait,  et 
les  secourait  dans  le  danger. 
Il  rétablit  en  santé  un  grand 
nombre  de  malades,  et  même 
des  moribonds.  Il  rappela  un 
mort  à  la  vie.  Honoré  sou- 
vent de  l'apparition  des  es- 
prits célestes  et  même  de  la 
Vierge  Mère  de  Dieu,  il  vit 
les  âmes  de  plusieurs  per- 
sonnes monter  au  ciel  bril- 
lantes de  lumière.  Enfin  l'an 
du  salut  mil  cinq  cent  quatre- 
vingt-quinze,  le  huit  des 
calendes  de  juin,  jour  auquel 
tombait  la  fête  du  Saint-Sa- 
crement, après  avoir  célébré 
leSacrifice  dans  les  transports 
d'une  pieuse  joie,  et  avoir 
exercé  les  autres  fonctions 
ordinaires,  il  s'endormit  dans 
le  Seigneur  âgé  de  quatre- 
vingts  ans,  un  peu  après  mi- 
nuit, à  l'heure  même  qu'il 
avait  prédite.  Après  sa  mort 
il  éclata  encore  par  ses  mi- 
racles, et  fut  mis  au  nombre 
des  Saints  par  Grégoire  XV, 


rous    avez    aimé  le  Seigneur  Jésus,  ô  Phi- 
lippe,  et  votre    vie    tout   entière  n'a   été 


Saint  Philippe  Néi-i,  Confesseur.     58g 

qu'un  acte  continu  d'amour  ;  mais  vous  n'a- 
vez pas  voulu  jouir  seul  du  souverain  bien. 
Tous  vos  efforts  ont  tendu  à  le  faire  connaî- 
tre de  tous  les  hommes,  afin  que  tous  l'ai- 
massent avec  vous,  et  parvinssent  à  leur  tin 
suprême.  Durant  quarante  années,  vous  fûtes 
l'apôtre  infatigable  de  la  ville  sainte,  et  nul 
ne  pouvait  se  soustraire  à  l'action  du  feu 
divin  qui  brûlait  en  vous.  Nous  qui  sommes 
la  postérité  de  ceux  qui  entendirent  votre 
parole  et  admirèrent  les  dons  célestes  qui 
étaient  en  vous,  nous  osons  vous  prier  de 
jeter  aussi  les  regards  sur  nous.  Enseignez- 
nous  à  aimer  notre  Jésus  ressuscité.  11  ne 
nous  suffit  pas  de  l'adorer  et  de  nous  réjouir 
de  son  triomphe;  il  nous  faut  l'aimer;  car  la 
suite  de  ses  mystères  depuis  son  incarnation 
jusqu'à  sa  résurrection,  n'a  d'autre  but  que 
de  nous  révéler,  dans  une  lumière  toujours 
croissante,  ses  divines  amabilités.  C'est  en 
l'aimant  toujours  plus  que  nous  parviendrons 
à  nous  élever  jusqu'au  mystère  de  sa  résur- 
rection, qui  achève  de  nous  révéler  toutes  les 
richesses  de  son  cœur.  Plus  il  s'élève  dans 
la  vie  nouvelle  qu'il  a  prise  en  sortant  du 
tombeau,  plus  il  apparaît  rempli  d'amour 
pour  nous,  plus  il  sollicite  notre  cœur  de 
s'attacher  à  lui.  Priez,  ô  Philippe,  et  deman- 
dez que  «  notre  cœur  et  notre  chair  tressail- 
«  lent  pour  le  Dieu  vivant  K  »  Après  le  mys- 
tère de  la  Pâque,  introduisez-nous  dans  celui 
de  l'Ascension  ;  disposez  nos  âmes  à  recevoir 
le  divin  Esprit  de  la  Pentecôte  ;  et  lorsque 
l'auguste  mystère  de  l'Eucharistie  brillera  à 

I.  Psalm.  Lxxxiii, 


5(^0  Le  Temps  Pascal. 

nos  regards  de  tous  ses  feux  dans  la  solen- 
nité qui  approche  ,  vous,  ô  Philippe  ,  qui 
l'ayant  fcie  une  dernière  fois  ici-bas,  êtes 
monté  à  la  fin  de  la  journée  au  séjour  éter- 
nel où  Jésus  se  montre  sans  voiles,  prépa- 
rez nos  âmes  à  recevoir  et  à  goûter  «  ce 
«  pain  vivant  qui  donne  la  vie  au  monde  ■  ». 

La  sainteté  qui  éclata  en  vous,  6  Philippe, 
eut  pour  caractère  Tel  an  de  votre  âme  vers 
Dieu,  et  tous  ceux  qui  vous  approchaient 
participaient  bientôt  à  cette  disposition,  qui 
seule  peut  répondre  à  l'appel  du  divin  rédemp- 
teur. Vous  saviez  vous  emparer  des  âmes,  et 
les  conduire  à  la  perfection  par  la  voie  de 
la  confiance  et  la  générosité  du  cœur.  Dans 
ce  grand  œuvre  votre  méthode  fut  de  n'en 
pas  avoir,  imitant  les  Apôtres  et  les  anciens 
Pères,  et  vous  confiant  dans  la  vertu  propre 
de  la  parole  de  Dieu.  Par  vous  la  fréquenta- 
tion fervente  des  sacrements  reparut  comme 
le  plus  sûr  indice  de  la  vie  chrétienne.  Priez 
pour  le  peuple  fidèle,  et  venez  au  secours  de 
tant  d'âmes  qui  s'agitent  et  s'épuisent  dans 
des  voies  que  la  main  de  l'homme  a  tracées, 
et  qui  trop  souvent  retardent  ou  empêchent 
l'union  intime  du  créateur  et  de  la  créa- 
ture. 

Vous  avez  aimé  ardemment  l'Eglise,  6  Phi- 
lippe ;  et  cet  amour  de  l'Eglise  est  le  signe 
indispensable  de  la  sainteté.  Votre  contem- 
plation si  élevée  ne  vous  distrayait  pas  du 
sort  douloureux  de  cette  sainte  Epouse  du 
Christ,  si  éprouvée  dans  le  siècle  qui  vous 
vit  naître  et  mourir.  Les  efforts  de  l'hérésie 

I.  JOHAN.  VI,  33. 


Saint  Philippe  Néri,  Confesseur.       Sgi 

triomphante  en  tant  de  pays  stimulaient  le 
zèle  dans  votre  cœur  :  obtenez-nous  de  l'Es- 
prit Saint  cette  vive  sympathie  pour  la  vérité 
catholique  qui  nous  rendra  sensibles  à  ses 
défaites  et  à  ses  victoires.  Il  ne  nous  suffit  pas 
de  sauver  nos  âmes  ;  nous  devons  désirer  avec 
ardeur  et  aider  de  tous  nos  moyens  Tavance- 
mentdu  règne  de  Dieu  sur  la  terre,  l'extirpa- 
tion de  l'hérésie  et  l'exaltation  de  notre  mère 
la  sainte  Eglise  :  c'est  à  cette  condition  que 
nous  sommes  enfants  de  Dieu.  Inspirez-nous 
par  vos  exemples,  6  Philippe,  cette  ardeur 
avec  laquelle  nous  devons  nous  associer  en 
tout  aux  intérêts  sacrés  de  la  Mère  commune. 
Priez  aussi  pour  cette  Eglise  militante  qui 
vous  a  compté  dans  ses  rangs  comme  un  de 
ses  meilleurs  soldats.  Servez  vaillamment  la 
cause  de  cette  Rome  qui  se  fait  honneur  de 
vous  être  redevable  de  tant  de  services.  Vous 
l'avez  sanctifiée  durant  votre  vie  mortelle  ; 
sanctifiez-la  encore  et  défendez-la  du  haut 
du  ciel. 


LE    MÊME    JOUR. 

^AINT  ELFL'THÈRF.  PAPE  f.tMARTYP 

A  journée  est  encore  embellie  par  la 
mémoire  d'un  de  ces  premiers  pon- 
tifes qui,  comme  Urbain,  ont  été 
les  fondements  de  la  sainte  Eglise 
à  l'âge  des  tempêtes.  Eleuthère  monta  sur  le 
Siège  Apostolique  au  milieu  de  la  tourmente 
excitée  par  la  persécution  de  Marc-Aurèle  et 
de  Commode.  Il  vit  arriver  à  Rome  la  léga- 
tion que  lui  envoyaient  les  martyrs  de  TE- 
glise  de  Lyon,  et  qui  avait  à  sa  tê'te  le  grand 
ïrénée.  Cette  illustre  Eglise,  couronnée  à  ce 
moment  des  palmes  les  plus  glorieuses,  venait 
les  offrir  à  la  nouvelle  Rome  en  qui  elle 
reconnaissait  la  «  puissante  principauté  »  qu'a 
célébrée  le  même  saint  ïrénée,  dans  ses 
livres  Contre  les  Hérésies. 

La  paix  ne  tarda  pas  à  être  rendue  à  l'E- 
glise, et  le  reste  du  pontificat  d'Eleuthère 
s'écoula  dans  le  calme  et  la  tranquillité.  Au 
sein  de  cette  paix,  avec  son  nom  qui  exprime 
la  Liberté^  ce  pontife  est  une  image  de  notre 
divin  ressuscité,  dont  le  Psalmiste  nous  dit 
qu'il  est  «  libre  entre  les  morts  i  ». 

L'Eglise  honore  saint  Eleuthère  comme  mar- 
tyr, avecles  autrespapes  qui  ont  siégé  avant  la 
paix  de  Constantin,  et  qui  presqiie  tous  ont 
versé  leur  sang  dans  les  persécutions  des  trois 


Saint  Éleiithère,  Pape  et  Martyr.     5g3 


f)remiers  siècles.  Associés  à  toutes  les  souf- 
rances  de  l'Eglise,  gouvernant  la  chrétienté 
à  travers  mille  périls,  ne  goûtant  la  paix  que 
dans  de  rares  et  courts  intervalles,  cette  suite 
de  trente-trois  pontifes  a  droit  d'être  consi- 
dérée comme  une  série  de  martyrs. 

Une  gloire  particulière  pour  Eleuthère  est 
d'avoir  été  l'apôtre  de  la  grande  île  britan- 
nique qui  est  devenue  plus  tard  l'Angleterre. 
Les  Romains  avaient  colonisé  dans  cette  île, 
cfui  n'était  plus  comme  auparavant  séparée 
du  reste  du  monde.  La  divine  Providence  choi- 
sit les  années  de  paix  du  pontificat  d'Eleu- 
thère  pour  aggréger  à  l'Eglise  les  prémices 
delà  race  bretonne.  Plus  tard,  l'île  évangé- 
lisée  ainsi  dès  le  second  siècle  par  les  soins 
de  notre  saint  pape  deviendra  l'Ile  des  saints, 
et  dans  deux  jours  ses  gloires  chrétiennes 
resplendiront  une  seconde  fois  sur  le  cycle. 


ELEUTHÈRE,  né  à  Nicopo- 
lis  en  Grèce,  fut  d'abord 
diacre  du  pape  Anicet,  et 
gouverna  ensuite  l'Eglise 
sous  l'empire  de  Commode. 
Au  commencement  de  son 
pontificat,  il  reçut  des  let- 
tres de  Lucius,  roi  des  Bre- 
tons, qui  le  suppliait  de  l'ad- 
ûiettre  ainsi  que  ses  sujets  au 
nombre  des  chrétiens.  Eleu- 
thère envoya  donc  dans  la 
Grande-Bretagne  Fugacius 
et  Damien,  personnages  doc- 
tes et  pieux,  pour  enseigner 
la  foi  à  ce  prince  et  à  sa  na- 
tion. Ce  fut  aussi  sous  son 
pontificat  que  saint  Irénée, 
disciple  de  saint  Polycarpe, 


ELEUTHERIUS,  Nicopoiî 
in  Grascia  natus  , 
Aniceti  Pontificis  Dia- 
conus,  Commodo  impe- 
ratore,  prasfuit  Ecclesias. 
Huic  initio  Pontificatus 
supplices  litterœ  vene- 
runt  a  Lucio,  Britanno- 
rum  rege,  ut  se  ac  suos 
in  Christianorura  nume- 
rum  reciperet.  Quamob- 
rem  Fugatium  et  Da- 
mianum,  doctos  et  pios 
viros  misit  in  Britan- 
niam,  per  quos  rex  et  re- 
liqui  fidem  susciperent. 
Hoc  Pontifice  Irenaeus, 
Polycarpi  d  i  s  c  i  p  u  I  u  s, 
Romam   veniens,    ab   eo 


LE   TEMPS  PASCAL.    —  T.    III. 


5g4 


Le  Temps  Pascal. 


bénigne  acceptas  est. 
Quo  tempore  surama  pa- 
ce  et  quiète  frucbatur 
Ecclesia  Dei  :  ac  per  to- 
tum  orbem  terrarum  , 
maxime  Romae,  fides  pro- 
pagabatur.  Vixit  Eleu- 
therius  in  Pontificatu  an- 
nos  quindecim,  dies  vi- 
ginti  très.  Fecit  Ordina- 
tiones  très  mense  decem- 
bri,  quibus  creavit  pres- 
bytères duodecim,  dia- 
conos  octo,  episcopos 
per  diversa  loca  quinde- 
cim :  sepultusque  est  in 
Vaticano  prope  corpus 
sancti  Pétri. 


vint  à  Rome,  où  il  fut  ac- 
cueilli avec  une  grande  cor- 
dialité. L'Eglise  jouit  d'une 
grande  paix  et  d'un  profond 
repos  sous  Eleuthére,  et  la 
foi  faisait  de  grands  progrés 
dans  le  monde  entier,  princi- 
palement à  Rome.  Il  exerça 
le  pontificat  quinze  ans  et 
vingt-trois  jours,  et  fit  trois 
ordinations  au  mois  de  dé- 
cembre, dans  lesquelles  il 
créa  douze  prêtres,  huit  dia- 
cres et  quinze  évèques  pour 
divers  lieux.  Il  fut  enseveli 
au  Vatican  près  du  corps  de 
saint  Pierre. 


VOTRE  nom,  ô  Eleuthère,  est  le  nom  du 
chrétien  ressuscité  avec  Jésus-Christ.  La 
Pâque  nous  a  tous  délivrés,  tous  affranchis, 
rendus  tous  libres.  Priez  donc,  afin  que  nous 
conservions  toujours  cette  «  glorieuse  liberté 
«  des  enfants  de  Dieu  »,  que  recommande 
l'Apôtre  1.  Par  elle  nous  sommes  retirés  des 
liens  du  péché  qui  nous  livrait  à  la  mort,  de 
la  servitude  de  Satan  qui  nous  entraînait 
loin  de  notre  fin,  de  la  tyrannie  du  monde 
qui  nous  égarait  par  ses  maximes  charnelles. 
La  vie  nouvelle  que  nous  a  donnée  la  Pâque 
est  toute  du  ciel  où  le  Christ  nous  attend  dans 
sa  gloire;  nous  ne  pourrions  la  perdre  que 
pour  être  esclaves  de  nouveau.  Saint  Pontife, 
obtenez  que  la  Pâque,  à  son  retour  en  l'année 
qui  suivra,  nous  retrouve  dans  cette  heureuse 


I.  Rom.  VIII,  21. 


Sahit  Éîeuthére,  Pape  et  Martyr.     5g5 

liberté  qui  est  le  fruit  de  notre  délivrance  par 
le  Christ  \ 

Il  est  une  autre  liberté  que  vante  le  monde, 
et  pour  la  conquête  de  laquelle  il  arme  les 
hommes  les  uns  contre  les  autres.  Elle  con- 
siste à  fuir,  comme  on  fuirait  un  crime,  toute 
sujétion  et  toute  dépendance,  à  ne  s'incliner 
devant  aucune  autorité  qu'on  ne  l'ait  créée 
soi-même,  pour  ne  durer  qu'autant  qu'il  nous 
plaira.  Délivrez-nous,  saint  Pontife,  de  tout 
attrait  pour  cette  prétendue  liberté  si  con- 
traire à  la  soumission  chrétienne,  et  qui  n'est 
que  le  triomphe  de  l'orgueil  humain.  Dans 
sa  frénésie,  elle  verse  des  torrents  de  sang  ; 
enivrée  de  ce  qu'elle  appelle  fastueusement 
les  droits  de  l'homme,  elle  substitue  l'égoïsme 
au  devoir.  Pour  elle  la  vérité  n'est  plus,  car 
elle  va  jusqu'à  reconnaître  des  droits  à  l'er- 
reur ;  pour  elle  le  bien  n'est  plus,  car  elle  a 
abdiqué  tout  droit  d'enchaîner  le  mal:  tant 
elle  est  devenue  esclave  du  principe  sauvage 
de  l'indépendance.  Elle  détrône  Dieu  autant 
qu'il  lui  est  possible,  en  refusant  de  le  recon- 
naître dans  les  dépositaires  de  l'autorité  so- 
ciale, et  jette  l'homme  sans  défense  sous  le 
joug  de  la  force  brutale,  l'écrasant  sous  le 
poids  de  ce  qu'elle  appelle  les  majorités,  et 
sous  la  pression  monstrueuse  des  faits  ac- 
complis. Non,  telle  n'est  pas,  6  Eleuthère, 
la  liberté  à  lacjuelle  nous  a  conviés  le 
Christ,  notre  libérateur.  «  Soyez  comme  des 
«  hommes  libres  »,  nous  dit  Pierre  votre 
prédécesseur,  «  et  ne  soyez   pas  de  ceux  qui, 


I.  Gai.  IV,  3i. 


5g6 


Le  Temps  Pascal. 


«  sous  un  voile  trompeur,  sont  les  sectateurs 
«  de  la  liberté  du  mal  i.  » 

Demeurez  toujours,  6  saint  Pontife,  le  père 
de  la  société  humaine  dont  vous  fûtes  le 
chef  ici-bas.  Durant  votre  règne  pacitique, 
vous  avez  siégé  près  des  Césars  dans  la  ville 
aux  sept  coUmes.  La  pourpre  et  le  diadème 
étaient  portés  par  d'autres;  mais  votre  nom 
n'était  pas  ignoré  dans  le  monde.  Tandis  que 
le  pouvoir  matériel  tenait  la  hache  suspen- 
due sur  votre  tête,  d'innombrables  fidèles  se 
dirigeaient  vers  Rome  pour  vénérer  la  tombe 
de  Pierre  et  rendre  hommage  à  son  suc- 
cesseur. Vous  vîtes  arriver  un  jour  l'ambas- 
sade d'un  roi  barbare.  Cette  légation  ne  se 
dirigeait  pas  vers  le  palais  des  Césars;  elle 
s'arrêtait  à  la  porte  de  votre  humble  demeure. 
Un  peuple  était  appelé  par  la  grâce  divine  à 
recevoir  la  bonne  nouvelle,  à  entrer  dans  la 
famille  chrétienne.  Les  destinées  de  ce  peu- 
ple que  vous  avez  évangélisé  le  premier  de- 
vaient être  grandes  dans  l'Eglise.  L'île  des 
Bretons  est  fille  de  l'Eglise  Romaine;  et  c'est 
en  vain  qu'elle  voudrait  effacer  cette  noble 
origine.  Prenez  ses  maux  en  pitié,  ô  vous  qui 
fûtes  son  premier  apôtre  ;  aidez  les  efforts  qui 
sont  faits  de  toutes  parts  pour  la  rendre  à 
l'unité.  Souvenez- vous  de  la  foi  de  Lucius  et 
de  son  peuple,  et  montrez  votre  paternelle 
sollicitude  en  faveur  d'un  pays  que  vous  avez 
enfanté  à  la  foi. 


I.  I  Petr.  II,  i6. 


Kj« 


yyyyyyyyyyyyyyyyy 

LE    XXVII    MAI. 
SAINT  BEDE   LE  VHNÉRABLE. 

CONFESSEUR     ET     DOCTEUR    DE    l'ÉGLISE- 

A  bénédiction  que  le  Seigneur  donnait 
à  la  terre  en  s'élevant  au  ciel  atteint 
les  plus  lointaines  frontières  de  la 
gentilité.  Trois  jours  de  suite,  le  Cy- 
cle nous  montre  les  grâces  qu'elle  annonçait 
concentrant  sur  rextr'éme  Occidentleurs  éner- 
gies :  c'est  le  fleuve  de  Dieu  i,  dont  les  eaux 
débordées  se  font  plus  impétueuses  à  la  li« 
mite  qu'elles  ne  dépasseront  pas. 

Hier,  l'expédition  évangélique  que  le  roi 
Lucius  avait  sollicitée  du  Pontife  Eleuthère 
quittait  Rome  pour  la  future  Ile  des  Saints. 
Demain,  dans  la  terre  des  Bretons  devenue 
celle  des  Angles,  elle  sera  suivie  par  le  chef 
du  second  apostolat,  Augustin,  l'envoyé  de 
Grégoire  le  Grand.  Aujourd'hui,  impatiente 
de  justifier  ces  céleste«  prodigalités,  Albion 
produit  devant  les  hommes  son  illustre  fils, 
Bède  le  Vénérable,  l'humble  et  doux  moine 
dont  la  vie  se  passe  à  louer  Dieu,  à  le  cher- 
cher dans  la  nature  et  dans  l'histoire,  mais 
plus  encore  dans  l'Ecriture  étudiée  avec 
amour,  approfondie  à  la  lumière  des  plus 
sûres  traditions.  Lui  qui  toujours  écouta  les 
anciens  prend  place  aujourd'hui  parmi  ses 
maîtres,  devenu  lui-même  Père  et  Docteur  de 


5g8  Le  Temps  Pascal. 

l'Eglise  de  Dieu.  Entendons-le,  dans  ses  der- 
nières années,  résumer  sa  vie  : 

((  Prêtre  du  monastère  des  bienheureux 
Pierre  et  Paul,  Apôtres,  je  naquis  sur  leur 
territoire  et  je  n'ai  point  cessé  ,  depuis  ma 
septième  année,  d'habiter  leur  maison,  obser- 
vant la  règle,  chantant  chaque  jour  en  leur 
église,  faisant  mes  délices  d'apprendre,  d'en- 
seigner ou  d'écrire.  Depuis  que  j'eus  reçu  la 
prêtrise,j"annotai  pour  mes  frères  et  pour  moi 
la  sainte  Ecriture  en  quelques  ouvrages,  m'ai- 
dant  des  expressions  dont  se  servirent  nos 
Pères  vénérés,  ou  m'attachant  à  leur  manière 
d'interprétation.  Et  maintenant,  bon  Jésus  , 
je  vous  le  demande  :  vous  qui  m'avez  misé- 
ricordieusement  donné  de  m'abreuver  à  la 
douceur  de  votre  parole,  donnez-moi  béni- 
gnement  d'arriver  à  la  source,  ô  fontaine  de 
sagesse,  et  de  vous  voir  toujours  i  »>. 

La  touchante  mort  du  serviteur  de  Dieu  ne 
devait  pas  être  la  moins  précieuse  des  leçons 
qu'il  laisserait  aux  siens.  Les  cinquante 
jours  de  la  maladie  qui  l'enleva  de  ce  monde 
s'étaient  passés  comme  toute  sa  vie  à  chanter 
des  psaumes  ou  à  enseigner.  Comme  on 
approchait  de  l'Ascension  du  Seigneur,  il 
redisait  avec  des  larmes  de  joie  l'Antienne 
de  la  fête  :  «  O  Roi  de  gloire  qui  êtes  monté 
triomphant  par  delà  tous  les  cieux,  ne  nous 
laissez  pas  orphelins,  mais  envoyez-nous  l'Es- 
prit de  vérité  selon  la  promesse  du  Père.  »  A 
ses  élèves  en  pleurs  il  disait,  reprenant  la 
parole  de  saint  Ambroise  ;  «  Je  n'ai  pas  vécu 
de  telle  sorte    que  j'eusse  à  rougir  de  vivre 

I.  Bed.  Hist.  eccl.  Cap.  uhimum. 


Saint  Bède  le  Vénérable.  5gg 

avec  vous  ;  mais  je  ne  crains  pas  non  plus  de 
mourir,  car  nous  avons  un  bon  Maître.  »  Puis 
revenant  à  sa  traduction  de  l'Evangile  de 
saint  Jean  et  à  un  travail  qu'il  avait  entrepris 
sur  saint  Isidore  :  «  Je  ne  veux  pas  aue  mes 
disciples  après  ma  mort  s'attardent  à  des  faus- 
setés et  que  leurs  études  soient  sans  fruit.  « 
Le  mardi  avant  l'Ascension,  l'oppression  du 
malade  augmenta, 'et  les  symptômes  d'un 
dénouement  prochain  se  montrèrent.  Plein 
d'allégresse,  il  dicta  durant  toute  cette  jour- 
née, et  passa  la  nuit  en  actions  de  grâces. 
L'aube  du  mercredi  le  retrouvait  pressant  le 
travail  de  ses  disciples.  A  l'heure  de  Tierce, 
ils  le  quittèrent  pour  se  rendre  à  la  proces- 
sion qu'on  avait  dès  lors  coutume  de  faire 
en  ce  jour  avec  les  reliques  des  Saints. 
Resté  près  de  lui:  «  Bien-aimé  Maître,  dit  l'un 
d'eux,  un  enfant,  il  n'y  a  plus  à  dicter  qu'un 
chapitre  ;  en  aurez-vous  la  force  ?  —  C'est 
facile,     répond     souriant    le     doux     Père  : 

E rends  ta  plume,  taille-la,  et  puis  écris  ;  mais 
âte-toi.  »  A  l'heure  de  None,  il  manda  les 
prêtres  du  monastère,  et  leur  fit  de  petits 
présents,  implorant  leur  souvenir  à  l'autel 
du  Seigneur.  Tous  pleuraient.  Lui,  plein  de 
joie,  disait  :  «  il  est  temps,  s'il  plaît  à  mon 
Créateur,  que  je  retourne  à  Celui  qui  m'a 
fait  de  rien  quand  je  n'étais  pas  ;  mon  doux 
Juge  a  bien  ordonné  ma  vie  ;  et  voici  qu'ap- 
proche maintenant  pour  moi  la  dissolution; 
le  la  désire  pour  être  avec  le  Christ  :  oui, 
mon  âme  désire  voir  mon  Roi,  le  Christ,  en 
sa  beauté.  » 

Ce   ne    furent    de   sa    part    jusqu'au   soir 
qu'effusions  semblables,  jusqu'à  ce  dialogue 


6oo 


f.e  Temps  Pascal. 


plus  touchant  que  tout  le  reste  avec  Wibert, 
l'enfant  mentionné  plus  haut  :  «  Maître  chéri, 
il  reste  encore  une  phrase.  —  Ecris-la  vite.  » 
Et  après  un  moment  :  «  C'est  fini,  dit  l'enfant. 
—  Tu  dis  vrai,  répartit  le  bienheureux:  c'est 
fini  ;  prends  ma  tête  dans  tes  mains  et  sou- 
tiens-la du  côté  de  l'oratoire,  parce  que  ce 
m'est  une  grande  joie  de  me  voir  en  face  du 
lieu  saint  où  j'ai  tant  prié.  »  Et  du  pavé  de  sa 
cellule  où  on  l'avait  déposé, il  entonna  :  Gloire 
au  Père,  et  au  Fils,  et  au  Saint-Esprit;  quand 
il  eut  nommé  l'Esprit-Saint,  il  rendit  l'âme  i. 

Lisons  la  vie  du  saint   moine  dans  le  livre 
de  l'Eglise. 


BEDA  presbyter  Girvi, 
in  Britanniœ  et  Sco- 
tiœ  finibus  ortus,  sep- 
tennis  sancto  Benedicto 
Biscopio  abbati  Wire- 
muthensi  educandus  tra- 
ditur.  Monachus  deinde 
factus,  vitam  sic  insti- 
tuit,  ut  dum  se  artium 
et  doctrinarum  studiis 
totum  impenderet,  ni- 
hil  unquam  de  rcmula- 
ri  disciplina  remittcret. 
Nullum  fuit  doctrinœ 
chenus,  in  quo  non  esset 
diligentissime  versatus  ; 
sed  prascipua  illi  cura 
divinarum  Scripturarum 
mcditatio,  quarum  scn- 
tentiam  ut  plenius  asse- 
queretur,  graeci  hebrai- 
cique  sermonis  notitiam 


LE  prêtre  Bède  naquit  à 
Yarrow,  aux  confins  de 
la  Grande-Bretagne  et  de 
l'Ecosse  ;  âgé  de  sept  ans, 
son  éducation  fut  confiée  à 
saint  Benoît  Biscop,  Abbé 
de  Wearmouth.  Devenu 
moine,  il  ordbnna  de  telle 
sorte  sa  vie,  que  se  livrant 
tout  entier  à  l'étude  des  arts 
et  des  sciences,  il  n'omit 
jamais  rien  toutefois  des 
observances  de  la  discipli- 
ne régulière.  Excellemment 
versé  en  tous  les  genres  de 
connaissances,  la  méditation 
des  divines  Ecritures  fixa 
néanmoins  ses  préférences  ; 
et  pour  les  mieux  compren- 
dre, il  se  rendit  maître  de  la 
langue  grecque  et  de  l'hé- 
braïque. Ordonné  prêtre    en 


Saint  Bède  le  Vénérable. 


60  T 


sa  trentième  année  par  l'or- 
dre de  son  Abbé,  ce  fut  à  la 
sollicitation  d'Acca,  évêque 
d'  Hexham  ,  qu'il  entreprit 
alors  d'expliquer  les  saints 
Livres  ;  il  ne  le  fit  qu'en 
suivant  d'aussi  près  que  pos- 
sible la  doctrine  des  saints 
Pères,  n'avançant  rien  qu'ils 
n'eussent  eux-mêmes  ensei- 
gné, et  pour  ainsi  dire  repro- 
duisant leur  langaÊfe.  Enne- 
mi constant  de  l'oisiveté,  il 
ne  quittait  l'étude  que  pour 
la  prière,  et  revenait  pareil- 
lement de  la  prière  à  l'étude  ; 
son  cœur  s'y  embrasait  au 
point  que  souvent,  ensei- 
gnant ou  lisant,  il  fondait 
en  larmes.  Ne  voulant  point 
être  distrait  par  le  souci  des 
choses  qui  passent,  il  re- 
fusa constamment  la  charge 
d'Abbé. 


BIENTOT  une  telle  répu- 
tation de  piété  et  de 
science  s'attachait  à  s  09 
nom,  que  le  Pape  saint  Ser- 
gius  eut  la  pensée  de  l'appe- 
ler à  Rome  pour  y  travail- 
ler à  la  solution  d  épineuses 
difficultés  qui  s'étaient  éle- 
vées dans  l'Eglise.  Il  écrivit 
beaucoup  d'ouvrages  pour 
réformer  les  mœurs  des  fi- 
dèles, pour  soutenir  et  dé- 
fendre la  foi.  Grande  fut  l'es- 
time universelle  qu'il  s'ac- 
quit ainsi  :  saint  Boniface, 
evêque  et  martyr,   le  procla- 


est  adeptus.  Triccsimo 
atatis  anno,  abbatîs  sui 
jussu  sacerdos  initiatus, 
statim  ,  suasore  Acca 
Hagulstadensi  episcopo, 
sacros  explanare  libres 
aggressus  est  :  in  quo 
eanctorum  Patrum  doc- 
trinîs  adeo  inhaesit,  ut 
nihil  proferret  nisi  illo- 
rum  judicio  comproba- 
tum  ,  eorumdem  etiam 
fere  verbis  usus.  Otium 
perosus  semper,  ex  Icc- 
tione  ad  orationem  tran- 
sibat  ac  vicissim  ex  ora- 
tione  ad  lectionem  :  in 
qua  adeo  animo  inllam- 
mabatur,  ut  srcpe  inter 
legendum  et  docendum 
lacrymis  perfunderetur. 
Ne  autem  rerumfluxarum 
curis  distraheretur,  dela- 
tum  abbatis  munus  con- 
stantissime  detrectavit. 

SciENTi.E  ac  pietatis 
laude  Bedœ  nomen 
sic  brevi  claruit,  ut  sanc- 
tus  Sergius  Papa  de  eo 
Romam  arcessendo  cogi- 
taverit  ;  quo  difficilli- 
mis  scilicet,  quae  de  ré- 
bus sacris  exortœ  erant, 
quasstionibus  definiendis 
conferret  operam.  Emen- 
dandis  fîdelium  mori- 
bus,  fidei  vindicandse 
atque  adserendae  libres 
plures  conscripsit  :  qui- 
bus  tantam  sui  apud 
omncs    opinionem   fecit, 


602 


Le  Temps  Pascal. 


ut  illum  sanctus  Bonifa- 
cius  episcopus  et  martyr 
Ecclesiae  lumen  praedi- 
caverit,  Lanfrancus  An- 
(;lorum  doctorem  ,  Con- 
c  i  1  i  u  m  Aquisgranense 
doctorem  admirabilem 
dixerit.Quin  ejus  scripta 
eo  adhuc  vivente,  publi- 
ée in  Ecclesiis  legeban- 
tur.  Quod  cum  fieret, 
quoniam  ipsum  sanctum 
minime  appellare  lice- 
ret  ,  venerabilis  titulo 
cfferebant  :  qui  deinde 
veluti  proprius  sequutis 
etiam  temporibus  sem- 
per  habitus  est.  Ejus  au- 
tem  doctrinae  eo  vis  effi- 
cacior  erat,  quod  vitœ 
sanctimonia  religiosis- 
quc  virtutibus  confirma- 
batur.  Quamobrem  dis- 
cipulos,    quos   multos  e 


mait  la  lumière  de  l'Eglise  ; 
Lanfranc  lui  donnait  le  ti- 
tre de  docteur  des  Anglais, 
le  Concile  d'Aix-la-Chapelle 
celui  de  docteur  admirable. 
11  arriva  que,  de  son  vivant 
même,  on  lut  publiquement 
ses  écrits  dans  les  Eglises, 
et  comme  alors  on  ne  pou- 
vait lui  attribuer  le  titre  de 
saint,  on  lui  donnait  celui 
de  vénérable  qui  lui  resta 
toujours  depuis.  Son  ensei- 
gnement était  d'autant  plus 
efficace,  qu'il  était  soutenu 
de  la  sainteté  de  la  vie  et 
des  vertus  religieuses.  Aussi 
ses  disciples  ,  qui  furent 
nombreux  et  remarquables, 
devinrent-ils,  grâce  à  son 
zèle  et  à  son  exemple,  non 
moins      éminents      dans     la 


sainteté  que    dans  les  lettres 
et  les  sciences, 
egregios    imbuendos    habuit,    studio   et    exemplo    non 
litteris  modo  atque  scientiis,  sed  etiam  sanctitate  fecit 
insignes. 


w^TATE  demum  et  la- 
/t  boribusfractus,  gra- 
vi rHorbo  correptus  est. 
Quo  cum  amplius  quin- 
quaginta  dies  detentus 
esset,  consuetum  orandi 
more  m  Scripturasque 
interpretandi  non  inter- 
cepit  :  eo  namque  tcm- 
pore  Evangclium  Joan- 
nis  in  popularium  suo- 
rum  usum  anglice  veriit 
Cum  autem  in  Atccnsio- 
nis  pracludio  instare  sibi 


BRISÉ  enfin  par  l'âge  et  le 
labeur  .  il  fut  atteint 
d'une  maladie  grave.  Il  la 
supporta  cinquante  jours  et 
plus  sans  interrompre  ni  ses 
habitudes  de  prière,  ni  son 
travail  d'interprétation  des 
Ecritures  ;  car  ce  fut  en 
ce  temps  qu'il  traduisit  en 
anglais  pour  ses  compatrio- 
tes l'Evangile  de  saint  Jean. 
La  veille  de  l'Ascension  , 
sentant  que  la  mort  appro- 
chait,   il    voulut    être    muni 


Saint  Bède  le  Vénérable. 


6o3 


des  derniers  sacrements  , 
embrassa  ses  frères  et  se 
fit  étendre  à  terre  sur  un 
cilice  ;  redisant  alors  :  Gloire 
au  Père,  et  au  Fils,  et  au 
Saint-Esprit,  il  s'endormit 
dans  le  Sei^^neur.  Son  corps 
exhalant,  dit-on,  une  odeur 
très  suave,  fut  enseveli  dans 
le  monastère  de  Yarrow,  et 
par  la  suite  transporté  à 
Durham  avec  les  reliques  de 
saint  Cuthbert.  Les  Bénédic- 
tins, d'autres  familles  reli- 
gieuses, des  diocèses  l'hono- 
raient par  avance  comme 
docteur  ,  quand  ,  sur  l'avis 
de  la  Congrégation  des  Rites 
sacrés,  Léon  Xlll,  Souve- 
rain Pontife,  le  déclara  doc- 
teur de  l'Eglise  universelle, 
décrétant  que  Messe  et  Office 
des  Docteurs  seraient  désor- 


mais récites  par  tous  au  jour 
de  sa  fête. 


mortem  persentiret,  su- 
premis  Ecclesise  Sa- 
cramentis  munirivoluit  : 
tum  sodales  amplexatus, 
atque  humi  super  cilicio 
stratus,  cum  illa  verba 
ingeminaret,- Gloria  Pa- 
tri  et  Filio  et  Spiritui 
Sancto  ,  obdormivit  in 
Domino.  Ejus  corpus, 
suavissimum,  uti  fertur, 
spirans  odorem,  sepul- 
tum  est  in  monasterio 
Girvensi,  ac  postea  Dun- 
clinum  cum  sancti  Cuth- 
berti  reliquiis  trans- 
latum.  Eum  tamquam 
doctorem  a  Benedictinis 
aliisque  religiosis  fami- 
liis  ac  diœcesibus  cul- 
tum,  Léo  decimus  tertius 
Pontifex  Maximus ,  ex 
Sacrorum    Rituum  Con- 


gregationis  consulto  , 
universalis  Ecclesiœ  doc- 
torem declaravit,  et  festo  ipsius  die  Missam  et  Offi- 
cium  de  Doctoribus  ab  omnibus  recîtari  decrevit. 


Q  LOIRE  au  Père,  et  au  Fils.et au  Saint-Esprit! 
C'est  le  chant  de  Téternité  :  l'ange  et 
l'homme  n'étaient  pas,  que  Dieu,  dans  le  con- 
cert des  trois  divines  personnes,  suffisait  à  sa 
louange  :  louange  adécquate,  infinie,  parfaite 
comme  Dieu,  seule  digne  de  lui.  Combien 
le  monde,  si  magnifiquement  qu'il  célébrât 
son  auteur  par  les  mille  voix  de  la  nature, 
demeurait  au-dessous  de  l'objet  de  ses  chants! 
Toutefois  la  création  elle-même  était  appelée 
à  renvoyer  au  ciel  un  jour  l'écho  de  la  mélo- 
die trine  et  une  ;  lorsque  le  Verbe  fut  devenu 


6o4 


Le  Temps  Pascal. 


par  l'Esprit-Saint  his  de  l'homme  en  Marie 
comme  il  l'était  du  Père,  la  résonance  créée 
du  Cantique  éternel  répondit  pleinement  aux 
adorables  harmonies  dont  la  Trinité  gardait 
primitivement  le  secret  pour  elle  seule.  Depuis, 
pour  l'homme  qui  sait  comprendre,  la  perfec- 
tion fut  de  s'assimiler  au  tils  de  Marie  afin  de 
ne  faire  qu'un  avec  le  Fils  de  Dieu,  dans  le 
concert  auguste  où  Dieu  trouve  sa  gloire. 

Vous  fûtes,  ô  Bède,  cet  homme  à  qui  l'in- 
telligence est  donnée.  11  était  juste  que  le 
dernier  souffle  s'exhalât  sur  vos  lèvres  avec  le 
chant  d'amour  oii  s'était  consumée  pour 
vous  la  vie  mortelle,  marquant  ainsi  votre 
entrée  de  plain-pied  dans  l'éternité  bienheu- 
reuse et  glorieuse.  Puissions-nous  mettre  à 
profit  la  leçon  suprême  où  se  résument  les  en- 
seignementsde  votre  vie  si  grande  etsi  simple. 

Gloire  à  la  toute-puissante  et  miséricor- 
dieuse Trinité  î  N'est-ce  pas  aussi  le  dernier 
mot  du  Cycle  entier  des  mystères  qui  s'achè- 
vent présentement  dans  la  glorification  du 
Père  souverain  par  le  triomphe  du  Fils  ré- 
dempteur, et  l'épanouissement  du  règne  de 
TEsprit  sanctificateur  en  tous  lieux.-  Qu'il 
était  beau  dans  l'Ile  des  Saints  le  règne  de 
l'Esprit,  le  triomphe  du  Fils  à  la  gloire  du 
Père,  quand  Albion,  deux  fois  donnée  par 
Rome  au  Christ,  brillait  aux  extrémités  de 
l'univers  comme  un  joyau  sans  prix  de  la 
parure  de  l'Epouse  !  Docteur  des  Angles  au 
temps  de  leur  fidélité,  répondez  à  l'espoir  du 
Pontile  suprême  étendant  votre  culte  à  toute 
l'Eglise  en  nos  jours,  et  réveillez  dans  l'âme 
de  vos  concitoyens  leurs  sentiments  d'autre- 
fois pour  la  Mère  commune. 


LE    MÊME    JOUR. 
SAINT  JEAN   1^'\    PAi'E   ET  MARTYR. 


A  palme  du  martyre  n'a  pas  été  con- 
quise par  ce  saint  pape  dans  une 
victoire  remportée  sur  quelque 
prince  païen  ;  il  l'a  gagnée  en  lut- 
tant pour  la  liberté  de  l'Eglise  contre  un  roi 
chrétien.  Mais  ce  roi  était  hérétique,  et  par 
conséquent  ennemi  de  tout  pontife  zélé  pour 
le  triomphe  de  la  vraie  foi.  La  situation  du 
vicaire  de  Jésus-Christ  ici-bas  est  une  situa- 
tion de  lutte,  et  souvent  il  arrive  qu'un  pape 
est  véritablement  martyr  sans  avoir  versé 
son  sang.  Saint  Jean  1^%  que  nous  honorons 
aujourd'hui,  n'a  pas  succombé  sous  le  glaive; 
un  indigne  cachot  a  été  l'instrument  de  son 
martyre  ;  mais  bien  d'autres  pontifes  brille- 
ront au  ciel  en  sa  compagnie,  sans  avoir 
même  porté  le  poids  des  chaînes  :  le  Vatican 
a  été  leur  Calvaire.  Ils  ont  vaincu  et  ils  ont 
succombé  sans  éclat,  laissant  au  ciel  le  soin 
de  venger  leur  cause  :  tel  fut  entre  autres  t'an- 
gélique  Clément  XIll  audix-huitième  siècle. 
Celui  qui  paraît  aujourd'hui  sur  le  Cycle 
exprime  dans  sa  conduite  la  pensée  qiii 
doit  inspirer  tout  membre  de  l'Eglise,  s'il 
est  digne  de  sa  mère.  Saint  Jean  I*"'  nous 
apprend  que  nous  ne  devons  jamais  pactiser 
avec  l'hérésie,  ni  prendre  part  aux  mesures 
qu'une  politique  mondaine  croit  devoir  ins- 
tituer pour  lui  assurer  des  droits.  Si  les  siè- 


6o6 


Le   Temps  Pascal. 


clés,  aidés  de  l'indillérence  religieuse  des 
gouvernements,  ont  lé^ué  la  tolérance  2t 
même  le  privilège  de  l'égalité  aux  sectes  qui 
ont  rompu  avec  l'Eglise,  nous  pouvons  subir 
cette  situation  qui  est  la  plus  grave  atteinte 
à  la  constitution  chrétienne  d'un  Etat; 
mais  notre  conscience  catholicjue  nous  inter- 
dit de  la  louer  et  de  la  considérer  comme  un 
bien.  En  quelque  condition  que  la  divine 
Providence  nous  ait  placés,  nous  n'en  devons 
pas  moins  puiser  nos  inspirations  dans  la 
foi  de  notre  baptême,  dans  l'enseignement  et 
dans  la  pratique  infaillibles  de  l'Eglise,  hors 
desquels  il  n'y  a  que  contradiction,  péril  et 
naufrage, 

La  sainte  Liturgie  consacre  aujourd'hui  ces 
lignes  à  l'éloge  des  vertus  et  de  la  constance 
de  saint  Jean  I»'. 


JOANNES  Etruscus,  Jus- 
tine seniore  impera- 
iore  rexit  Ecclesiam  :  ad 
quem  profectus  est  Cons- 
tantinopolim  auxilii  cau- 
sa, quod  Theodoricus  rex 
hœreticus  divexabat  Ita- 
liam  :  cujus  etiam  iter 
Deus  rairaculis  illustra- 
vit.  Nam  cum  ei  nobilis 
vir  ad  Corinthumequum, 
quo  ejus  uxor  mansueto 
utebatur,  itineris  causa 
commodasset  ;  factum 
est,  ut  domino  postea 
remissus  equus  ita  ferox 
evaderet,  ut  frcmitu  et 
totius  corporisagitatione 
sempcr    deinccps   domi- 


JEAN,  né  dans  l'Etrurie, 
gouverna  l'Eglise  sous 
l'empire  de  Justin  l'Ancien. 
Il  fit  le  voyage  de  Constan- 
tinople  pour  implorer  le 
secours  de  ce  prince,  dans  un 
moment  où  !e  roi  hérétique 
Théodoric  persécutait  l'Ita- 
lie. Dieu  illustra  par  des  mi- 
racles le  voyage  du  pontife. 
Un  homme  de  condition  lui 
prêta  pour  se  rendre  à  Corin- 
the  le  cheval  dont  sa  propre 
femme  se  servait.  Il  arriva 
que  cette  bête  qui  avait  été 
jusqu'alors  de  la  plus  grande 
douceur,  ayant  été  rendue 
après  que  le  pontife  s'en  fut 
servi,    se   montra    désormais 


Saint  Jean  i«f,  Pape  et  Martyr,      ôo-j 


furieuse  et  agitée  de  mouve- 
ments violents  chaque  fois 
que  sa  maîtresse  voulut  la 
monter,  et  qu'elle  la  jeta  par 
terre  plusieurs  fois,  comme  si 
elle  se  fût  indignée  de  porter 
une  femme,  après  avoir  été 
montée  par  le  vicaire  de 
Jésus-Christ  ;  ce  qui  fut  cause 
que  le  mari  et  la  femme  en 
firent  hommage  au  pontife. 
Mais  un  prodige  plus  grand 
eut  lieu  à  Constantinople  à 
l'entrée  de  la  porte  dorée, 
lorsque  le  saint  Pape  rendit 
la  vue  à  un  aveugle,  sous  les 
yeux  d'un  peuple  immense 
qui,  ainsi  que  l'empereur, 
était  accouru  par  honneur  au- 
devant  du  pontife.  Ce  prince 
se  prosterna  à  ses  pieds  pour 
lui  rendre  l'hommage  de  sa 
vénération.  Les  afTaires  étant 
réglées  avec  l'empereur,  Jean 
retourna  en  Italie,  et  envoya 
aussitôt  à  tous  les  évêques  de 
ce  pays  l'ordre  de  consacrer 
au  service  catholique  les 
Eglises  des  ariens.  Il  ajoutait 
ces  paroles  :  «  Nous-mème, 
durant  le  séjour  que  nous 
avons  fait  à  Constantinople 
pour  l'intérêt  de  la  religion 
catholique  et  pour  les  affaires 
du  roi  Théodoric,  nous  avons 
consacré  dans  ce  pays  comme 
Eglises  catholiques  toutes 
celles  que  nous  avons  trou- 
vées en  la  possession  des 
hérétiques.  »  Théodoric  fut 
irrité  de  cette  conduite  ;  il 
attira   par   ruse  le  pontife  à 


nam  expulerit  :  tamquam 
indignaretur  mulierem 
recipere,  ex  quo  sedisset 
in  eo  Jesu  Christi  vica- 
rius.  Quamobrem  illi 
equum  pontifici  donave- 
runt.  Sed  illud  majus  mi- 
raculum,  quod  Constan- 
îinopoli  in  aditu  portae 
aureœ,  inspectante  fre- 
quentissimo  populo,  qui 
unacum  imperatore  Pon- 
tifici honoris  causa  oc- 
currerat,  casco  lumen  res- 
tituit.  Ad  cujus  pedes 
prostratus  etiam  impera- 
tor  eum  veneratus  est. 
Rébus  cum  Imperatore 
compositis,  in  Italiam  re- 
diit,  statimque  epistolam 
scripsit  ad  omnes  Italiae 
episcopos,  jubens  eos 
arianorum  Ecclesias  ad 
Catholicum  ritum  conse- 
crare,  illud  subjungens  : 
Quia  et  nos  quando  fui- 
mus  Constantinopoli, 
tam  pro  religione  Catho- 
lica,  quam  pro  régis 
Theodorici  causa,  quas- 
cumque  illis  in  partibus 
eorum  Ecclesias  reperire 
potuimus,  Catholicas  eas 
consecravimus.  Quod 
iniquissimo  animo  ferens 
Theodoricus,  dolo  ac- 
cersitum  Pontificem  Ra- 
vennam  in  carcerem  con- 
jecit  :  ubi  squalore  ine- 
diaque  afflictus,  paucis 
diebus  cessit  e  vita,  cum 
sedisset  annos  duos,  men- 


6o8 


Le  Temps  Pascal. 


ses  novem,  diesquatuor- 
dccim  :  ordinatis  eo  tem- 
pore  episcopis  quinde- 
cim.  Paulo  post  moritur 
Theodoricus  :  quem  qui- 
dam eremita,  ut  scribit 
sanctus  Gregorius,  vidit 
jnter  Joanncm  Pontifi- 
ceni,  et  Symmachum  pa- 
tritium;  quem  idem  occi- 
derat,  demergi  in  ignem 
Liparitanum,  ut  videlicet 
illi,  quibus  mortem  attu- 
lerat,  tamquam  judices 
essent  ejus  interitus. 
Joannis  corpus  Ravenna 
Romam  portatum  est,  et 
in  Basilica  sancti  Pétri 
sepultum. 


Ravenne,  et  le  fit  jeter  en 
prison.  L'insalubrité  du  lieu 
et  les  dures  privations  que 
Jean  y  subit  achevèrent  sa 
vie  en  peu  de  jours.  Il  avait 
siégé  deux  ans,  neuf  mois 
et  quatorze  jours,  et  avait 
ordonné  durant  ce  temps 
quinze  évèques.  Théodoric 
mourut  peu  après  ;  et  saint 
Grégoire  raconte  à  son  sujet 
qu'un  pieux  anachorète  avait 
vu  ce  prince  en  présence  du 
pape  Jean  et  du  patricien 
Symmaque,  qu'il  avait  aussi 
fait  mourir,  et  que  Théodoric 
avait  été  jeté  dans  le  cratère 
de  Lipari  ;  en  sorte  que  ces 
deux  hommes  de  la  mort  des- 
quels il  était  coupable  étaient 
ses  juges  et  le  condamnaient. 
Le  corps  de  Jean  fut  rapporté 
de  Ravenne  à  Rome,  et  on 
l'ensevelit  dans  la  Basilique 
de  Saint-Pierre. 

■y  ous  avez  cueilli  la  palme,  saint  Pontife,  en 
^  confessant  la  sainteté  itrimaculée  de  l'E- 
glise. Cette  Epouse  du  Fils  de  Dieu  u  n'a  ni 
tache  ni  ride  i,  »  comme  nous  dit  l'Apôtre; 
et  c'est  pour  cela  qu'elle  ne  peut  habiter  avec 
l'hérésie  dans  la  terre  que  son  Epoux  divin 
lui  a  assignée  en  dot.  Des  jours  sont  venus 
où  les  hommes,  épris  des  calculs  et  des  inté- 
rêts de  ce  monde  passager,  ont  résolu  de 
régler  la  société  humaine  sans  plus  tenir 
compte  des  droits  du  Fils  de  Dieu,  de  qui 
procède  tout  ordre  social  comme  toute  vérité. 


Saint  Jean  F"^,  Pape  et  Martyr.      6og 


fidèles,  et  se  sont  complus  à  élever  de  toutes 
parts  des  temples  pour  les  sectes  qui  se  sont 
révoltées  contre  elle.  Le  catholique  Mexique 
a  vu  s'accomplir  cet  attentat  au  grand  jour, 
et  Dieu  ne  l'a  pas  laissé  sans  Vengeance. 
Saint  Pontife,  reveillez  dans  les  cœurs  des 
chrétiens  d'aujourd'hui  le  sentiment  du  droit 
imprescriptible  de  la  vérité  divine.  Nous 
pourrons  alors  nous  abaisser  devant  les  néces- 
sités imposées  par  le  triomphe  fatal  de  l'er- 
reur, dans  l'âge  qui  nous  a  précédés,  sans 
accepter  comme  un  progrès  l'égalité  que  l'on 
affecte  d'établir  entre  1  erreur'et  la  vérité. 
Dans  votre  prison,  vaillant  martyr,  vous  avez 
proclamé  le  droit  de  l'Eglise  unique  ;  au 
milieu  de  la  défection  prédite  par  l'Apôtre  i, 
gardez-nous  des  lâches  complaisances,  des 
entraînements  funestes,  de  la  légèreté  cou- 
pable qui  fait  tant  de  victimes  en  ces  jours; 
et  que  notre  dernière  parole,  au  sortir  de 
ce  monde,  soit  celle  que  le  Fils  de  Dieu  a 
daigné  nous  apprendre  lui-même  :  «  O  vous 
«  qui  êtes  notre  père,  que  votre  Nom  soit 
«  sanctifié,  que  votre  règne  arrive  !  » 

I.  II  Thess.  II,  3. 


LE   TEMPS    PASCAL.    —    T.    III. 


LE    XXVIII    MAI. 
SAIN  J    AUL.U6  1  IN,    ÉVÈgUE, 

APÔTRE     DE    L'ANGLETERRE. 

UATRE  cents  ans  étaient  à  peine  écou- 
lés, depuis  le  départ  d'Eleuthère 
pour  la  patrie  céleste,  qu'un  second 
apôtre  de  la  grande  île  britannique 
s'élevait  de  ce  monde,  au  môme  jour,  vers  la 
gloire  éternelle.  La  rencontre  de  ces  deux 
pontifes  sur  le  cycle  est  particulièrement  tou- 
chante, en  même  temps  qu'elle  nous  révèle 
la  prévoyance  divine  qui  règle  le  départ  de 
chacun  de  nous,  en  sorte'  que  le  jour  et 
l'heure  en  sont  tixés  avec  une  sagesse  admi- 
rable. Plus  d'une  fois  nous  avons  reconnu 
avec  évidence  ces  coïncidences  merveilleuses 
qui  forment  un  des  principaux  caractères  du 
cycle  liturgique.  Aujourd'hui,  quel  admirable 
spectacle  dans  ce  premier  archevêque  de 
Cantorbéry,  saluant  sur  son  lit  de  mort  le 
jour  où  le  saint  pape  à  qui  l'Angleterre  doit 
la  première  prédication  de  l'Evangile,  monta 
dans  les  cieux,  et  se  réunissant  à  lui  dans  un 
même  triomphe  !  Mais  aussi  qui  n'y  recon- 
naîtrait un  gage  de  la  prédilection'  dont  le 
ciel  a  favorisé  cette  contrée  longtemps  fidèle, 
et  devenue  depuis  hostile  à  sa  véritable 
gloire  ? 

L'œuvre  de   saint   Eleuthère  avait   péri  en 
grande  partie  dans  l'invasion    des  Saxons  et 


5.  A  ugustin,  Év.,  Apôtre  de  VA  ngleterre.    6 1 1 

des  Angles,  et  une  nouvelle  prédication  de 
l'Evangile  était  devenue  nécessaire.  Rome  y 
pourvut  comme  la  première  fois.  Saint  Gré- 
goire le  Grand  conçut  cette  noble  pensée  ;  il 
eût  désiré  assumer  sur  lui-même  les  fatigues 
de  l'apostolat  dans  cette  contrée  redevenue 
infidèle;  un  instinct  divin  lui  révélait  qu'il 
était  destiné  à  devenir  le  père  de  ces  insulai- 
res, dont  il  avait  vu  quelques-uns  exposés 
com.me  esclaves  sur  les  marchés  de  Rome. 
Mais  du  moins  il  fallait  à  Grégoire  des  apôtres 
capables  d'entreprendre  ce  labeur  auquel  il 
ne  lui  était  pas  donné  de  se  livrer  en  per- 
sonne. Il  les  trouva  dans  le  cloître  bénédic- 
tin, où  lui-même  avait  abrité  sa  vie  durant 
plusieurs  années.  Rome  alors  vit  partir 
Augustin  à  la  tête  de  quarante  moines  se 
dirigeant  vers  l'île  des  Bretons,  sous  l'éten 
darà  de  la  croix, 

Ainsi  la  nouvelle  race  qui  peuplait  cette 
île  recevait  à  son  tour  la  foi  par  les  mains 
d'un  pape;  des  moines  étaient  ses  initiateurs 
à  la  doctrine  du  salut.  La  parole  d'Augustin 
et  de  ses  compagnons  germa  sur  ce  sol  privi- 
légié. Il  lui  fallut,  sans  doute,  du  temps  pour 
s'étendre  à  l'île  tout  entière;  mais  ni  Rome, 
ni  Tordre  monastique  n'abandonnèrent  l'œu- 
vre commencée  ;  les  débris  de  l'ancien  chris- 
tianisme breton  finirent  par  s'unir  aux  nou- 
velles recrues,  et  l'Angleterre  mérita  d'être 
appelée  longtemps  l'Ile"  des  saints. 

Les  gestes  de  l'apostolat  d'Augustin  dans 
cette  île  ravissent  la  pensée.  Le  dél^arquement 
des  missionnaires  romains  qui  s'avancent  sur 
dette  terre  infidèle  en  chantant  la  Litanie; 
l'accueil  pacifique  et  même  bienveillant  que 


ôia 


Le  Temps  Pascal. 


leur  fait  dès  l'abord  le  roi  Ethclbert  ;  l'in- 
fluence de  la  reine  Bcrthe,  française  et  chré- 
tienne, sur  rétablissement  de  la  foi  chez  les 
Saxons;  le  baptême  de  dix  mille  néophytes 
dans  les  eaux  d'un  fleuve  au  jour  de  Noël, 
la  fondation  de  l'Eglise  primatiale  de  Cantor- 
béry,  l'une  des  plus  illustres  de  la  chrétienté 
par  la  sainteté  et  la  grandeur  de  ses  évèques  : 
toutes  ces  merveilles  montrent  dans  l'évan- 
gclisation  de  l'Angleterre  un  des  traits  les 
plus  marqués  de  la  bienveillance  céleste  sur 
un  peuple.  Le  caractère  d'Augustin,  calme 
et  plein  de  mansuétude,  son  attrait  pour  la 
contemplation  au  milieu  de  tant  de  labeurs, 
répandent  un  charme  de  plus  sur  ce  magni- 
fique épisode  de  l'histoire  de  l'Eglise  ;  mais 
on  a  le  cœur  serré  quand  on  vient  à  songer 

au'une  nation  prévenue  de  telles  grâces  est 
evenue  infidèle  à  sa  mission,  et  qu'elle  a 
tourné  contre  Rome,  sa  mère,  contre  l'insti- 
tut monastique  auquel  elle  est  tant  redeva- 
ble, toutes  les  fureurs  d'une  haine  parricide 
et  tous  les  efforts  d'une  politique  sans  en- 
trailles. 


Nous  donnons  ici  le  récit  liturgique  de  la 
vie  du  saint  apôtre. 


AUGUSTINUS  Romae  in 
Lateranensi  cœnobio 
monachus,  a  Gregorio 
Magno  cum  sociis  mo- 
nachis  fere  quadraginta 
in  Angliam  missus  est 
anno  qiiingentesimo  no- 
nagesimo  septimo  ,  ut 
gentcs  illas  ad  Christum 


AUGUSTIN,  moine  du  mo- 
nastère de  Latran  à 
Rome,  fut  envoyé  par  Gré- 
goire le  Grand  en  Angleterre 
pour  convertir  à  Jésus-Christ 
les  peuples  de  cette  contrée. 
Environ  quarante  moines  de 
sa  communauté  l'accompa- 
gnaient.   C'était    en    l'année 


s.  A u^ustin,  Év.,  Apôtre  de  VA ngleterre.     6 13 


cinq  cent  quatre-vingt-dix- 
sept.  Le  très  puissant  Ethel- 
bert,  alors  roi  de  Kent,  ayant 
appris  la  cause  de  l'arrivée 
d'Augustin,  l'invita  à  venir  à 
Contorbéry  ,  métropole  de 
son  royaume,  et  lui  accorda 
gracieusement  la  faculté  d'y 
demeurer  et  de  prêcher  Jésus- 
Christ.  Le  saint  construisit 
donc  près  de  Cantorbéry  un 
oratoire  où  il  se  fixa  quelque 
temps  et  s'efforça  d'imiter 
avec  les  siens  la  vie  aposto- 
lique. 


L'exemple  de  sa  vie  ,  la 
doctrine  céleste  qu'il  prê- 
chait et  qu'il  confirmait  par 
beaucoup  de  miracles,  adou- 
cirent tellement  le  caractère 
de  ces  insulaires,  qu'il  amena 
la  plupart  d'entre  eux-  à  la 
foi  chrétienne,  et  enfin  le 
roi  lui-même,  qu'il  régénéra 
dans  la  fontaine  sacrée  avec 
un  nombre  considérable  des 
gens  de  sa  suite.  Berthe,  l'é- 
pouse royale,  qui  était  chré- 
tienne, s'en  réjouit  grande- 
ment. Un  jour  de  Noël  il 
administra  le  baptême  à  plus 
de  dix  mille  personnes  dans 
les  eaux  de  la  rivière  d'York  ; 
et  l'on  raconte  que  tous  ceux 
de  ces  néophytes  qui  étaient 
atteints  de  quelque  maladie, 
reçurent  en  cette  circonstance 
la  santé   de   leur   corps   avec 


converteret.  Erat  eo 
tempore  rex  Ethelbertus 
in  Cantio  potentissimus, 
qui  audita  adventus  Au- 
gustini  causa,  eum  cum 
sociis  Cantuariam.  sui 
regni  metropolim,  invi- 
tavit  ;  ibique  manendi  et 
Christum  prœdicandi  fa- 
cult-atem  eidem  libérali- 
té r  concessit.  Quare 
sanctus  vir  prope  Can- 
tuariam oratorium  ex- 
struxit,  ubi  ipse  aliquam- 
diu  consedit,  atque  apos- 
tolicam  vivendi  ratio- 
nem  cum  suis  asmulatus 
est. 

CΠ LE  s  T  I  s  doctrinae 
prœdicatione  pluri- 
mis  firmata  miraculis,  ac 
vitœ  exemple  sic  insu- 
lanos  illos  demulsit,  ut 
eorum  plerosque  ad  chris- 
tianam  fidem  perduxerit, 
ac  demum  regem  ipsum 
quem  cum  innumero  suo- 
rum  comitatu  sacro  fonte 
lustravit  ,  summa  cum 
laetitia  Berthae  regias  uxo- 
ris.  quœ  christiana  erat. 
Olim  in  Natali  Domini, 
cum  decem  millibus  et 
amplius  baptismum  in 
alveo  fluminis  Eboraci 
contulisset,  quotquot  ex 
lis  morbo  aliquo  affecti 
erant,  cum  animas  salu- 
te,  corporis  quoque  sani- 
tatem  récépissé  memoriae 
prodiîum  est.  Jussu  Gre- 


6/4 


Le  Temps  Pascal. 


gorii  ordinatus  episco- 
pus  ,  sedem  Cantuarine 
iDstituit  in  Ecclesia  Sal- 
vatoris  a  se  erecta,  in 
qua  monachos  opcris  sui 
sabsidiarios  collocavit  ; 
et  Sancti  Pétri  monaste- 
rium,  quod  postea  et  a 
suo  nomine  dictum  est, 
in  suburbanis  construxit. 
Idem  Gregorius  usum 
pnllii  cum  facultate  ec- 
clesiasticas  hierarchias  in 
Anglia  instituendœ  ei 
concessit  ,  quo  novam 
etiam  operariorum  ma- 
num  misit,  nerape  Mel- 
litum.  Justura,  Paulinum 
et  Rufinianum. 


Disposrns  ejus  Eccle- 
sias  rébus,  synodum 
habiiit  Augustinus  cum 
episcopis  atque  doctor:- 
bus  veterum  Britonum, 
qui  in  Paschae  celebratio- 
ne  aliisque  ritibus  ab  Ec- 
clesia Romana  jamdudum 
dissidebant.  Sed  cum  eos 
neque  Apostolicaî  Sedis 
auctoritate,  neque  mira- 
culis  movere  posset  ut 
dissidio  cessarent,  pro- 
phetico  spiritu  eis  exci- 
dium  prccnuntiavit,  De- 
nique  maximis  p  r  o 
Christo  exantlatis  labo- 
ribus,  miraculis  clarus, 
cum     Mellitum     Londi- 


le  salut  de  leurs  âmes.  Or- 
donné évéque  par  le  com- 
mandement de  Grégoire,  il 
établit  son  siège  à  Cantor- 
béry,  dans  l'Eglise  du  Sau- 
veur qu'il  avait  bâtie,  et  il  y 
plaça  une  partie  des  moinci 
qui  l'aidaient  dans  ses  tra- 
vaux. Il  fonda  ensuite  dans 
les  faubourgs  le  m'-nastère 
de  Saint-Pierre,  qui  plus 
tard  fut  appelé  du  nom  d'Au- 
gustin lui-même.  Le  même 
Grégoire  lui  accorda  l'usage 
du  pallium  et  les  pouvoirs 
nécessaires  pour  établir  la 
hiérarchie  ecclésiastique  en 
Angleterre,  en  même  temps 
qu'il  lui  envoyait  un  nouveau 
renfort  d'ouvriers  ,  savoir 
Meilitus,  Juslus,  Paulin  et 
Rufinien. 

AYANT  réglé  les  affaires  de 
cette  Eglise  ,  Augustin 
tint  un  concile  avec  les  évé- 
ques  et  les  docteurs  des  an- 
ciens Bretons,  qui  étaient 
depuis  longtemps  en  désac- 
cord avec  l'Eglise  Romaine 
dans  la  célébration  de  la  Pà- 
que  et  sur  plusieurs  autres 
rites.  Mais  comme  ils  refu- 
saient de  se  rendre  et  à  l'au- 
torité du  Siège  Apostolique, 
et  aux  miracles  qu'il  faisait 
pour  les  ramener  à  la  con- 
corde, inspiré  par  un  esprit 
prophétique,  Augustin  leur 
prédit  les  désastres  qui  les 
attendaient.  Enfin,  après 
avoir      accompli      les      plus 


s.  Augustin,  Ev.,  Apôtre  de  V Angleterre.  6 1 5 


grands  travaux  pour  Jésus- 
Christ,  illustre  par  ses  mira- 
cles, ayant  préposé  Mellitus 
à  l'Eglise  de  Londres,  Justus 
à  celle  de  Rochester,  Lau- 
rent à  la  sienne,  il  passa  au 
ciel  le  sept  des  calendes  de 
juin,  sous  le  règne  d'Ethel- 
bert.  On  l'ensevelit  au  mo- 
nastère de  Saint-Pierre,  qui 
devint  par  la  suite  le  lieu  de 
sépulture  des  archevêques  de 
Cantorbéry  et  de  plusieurs 
rois.  Les  peuples  d'Angle- 
terre lui  rendirent  un  culte 
fervent  ;  et  le  Souverain 
Pontife  Léon  XIII  a  étendu 
son  Office  et  sa  Messe  à  toute 
l'Eglise. 

Nous  plaçons  ici  cette  Hymne  qui  a  été 
approuvée  par  le  Saint-Siège,  en  l'honneur 
de  l'apôtre  de  TAngleterre. 


nensi  Ecclesiae  prœfecis- 
set,  Justum  Roffensi,  suae 
Laurentium,  in  cœlum 
migravit  septimo  calen- 
das  junias ,  Ethelberto 
régnante,  ac  sepultus  est 
in  monasterio  Sancti 
Pétri,  quod  exinde  Can- 
tuariensium  Antistitum 
et  aliquot  regum  condi- 
torium  fuit.  Èjus  cultum 
ferventi  studio  prose- 
c  u  t  32  sunt  Anglorum 
gentes,  ac  Léo  Decimus- 
tertius  Pontifex  Maxi- 
mus  ejus  Officium  et 
Missam  ad  universam 
extendit  Ecclesiam. 


ILE  féconde  des  saints,  cé- 
lèbre ton  apôtre,  exalte 
lans  tes  pieux  concerts  le 
rils  de  Grégoire. 


Rendue  fertile  par  ses  la- 
beurs, tu  donnas  une  moisson 
abondante  ;  et  longtemps  les 
fleurs  de  sainteté  qui  cou- 
vraient ton  sol  répandirent 
sur  toi  un  éclat  supérieur. 

Suivi  d'une  troupe  de  qua- 
rante   moines  ,     il   débarqua 


FŒCUN 
la, 


DA  sanctis  insu- 


Tuum  canas  apostolum  ; 
Et  filium  Gregorii 
Laudes     piis     concenti- 
bus. 

Ejus  labore  fertilis, 
Messem    dedisti     pluri- 

mam, 
Quae  sanctitatis  floribus 
Diu  refulges  inclyta. 


Turma   quadragenaria 
Stipatus  intrat  Angliann: 


6i6 


Le  Temps  Pascal. 


Vexilla    Christi    profe- 

rens, 
Dus  pacis   adfert  pigno- 


Crucis  trophaeum  pro- 
micat, 

Verbum  salutis  spargi- 
tur: 

Fidera  quin  ipse  barba- 
rus 

Rex  corde  prompto  sus- 
cipit. 

Mores  feros  gens  exuit, 
Undisque   Iota  fluminis, 
Ipsa  die  renascitur 
Qua  sol  salutis  ortus  est. 


O    Pastor   aime,  filios 
E  sede  pascas  siderum  : 
In  matris  ulnas  anxiae 
Gregem  reducas  devium. 


Praesta,    beata    Trini- 

tas, 
uae  rore  jugi  gratiae 
item  rigas  :  ut  pristina 
Fides    resurgens  floreat. 

Amen. 


î 


sur  tes  rivages,  ô  terre  des 
Anglais  !  Il  portait  l'étendard 
du  Christ  ;  messager  de  la 
paix,  il  venait  en  apporter 
les  gages. 

Bientôt  la  croix  est  plantée 
sur  ton  sol  comme  un  écla- 
tant trophée,  la  parole  du 
salut  se  répand  de  toutes 
parts  ;  et  un  roi  barbare  re- 
çoit lui-même  la  foi  d'un  cœur 
docile. 


La  nation  renonce  à  ses 
coutumes  sauvages  ;  elle  se 
plonge  dans  les  eaux  sancti- 
fiées d'un  fleuve,  et  renaît  à 
la  vie  de  l'àme  le  jour  même 
où  le  Soleil  de  justice  se  leva 
sur  le  monde. 

O  Pasteur  auguste,  du  haut 
du  ciel,  gouverne  toujours 
tes  fils;  ramène  dans  les  bras 
de  la  mère  désolée  l'ingrat 
troupeau  qui  s'est  éloigné 
d'elle. 

Heureuse  Trinité,  qui  en- 
voyez sans  cesse  sur  votre 
vigne  la  rosée  de  la  grâce, 
daignez  faire  renaître  l'anti- 
que foi,  afin  qu'elle  fleurisse 
comme  aux  anciens  jours. 

Amen. 


-  .ous  êtes,  ô  Jésus  ressuscité,  la  vie  des  peu- 
y  pies,  comme  vous  êtes  la  vie  de  nos 
âmes.  Vous  appelez  les   nations  à  vous  con- 


s.  A  ugiistin,  Êv. ,  Apôtre  de  l'A  ngleterre.  6 1'] 

naître,  à  Vous  aimer  et  à  vous  servir  ;  car 
«  elles  vous  ont  été  données  en  héritage  i  )), 
et  vous  les  possédez  tour  à  tour.  Votre  amour 
vous  inclina  de  bonne  heure  vers  cette  île 
de  l'Occident  que,  du  haut  de  la  croix  du 
Calvaire,  votre  regard  divin  considérait  avec 
miséricorde.  Dès  le  deuxième  siècle,  votre 
bonté  dirigea  vers  elle  les  premiers  envoyés 
de  la  parole  ;  et  voici  qu'à  la  fin  du  sixième, 
Augustin,  votre  apôtre,  délégué  par  Grégoire, 
votre  vicaire,  vient  au  secours  d'une  nouvelle 
race  païenne  c^ui  s'est  rendue  maîtresse  de 
cette  île   appelée    à  de  si  hautes  destinées. 

Vous  avez  régné  glorieusement  sur  cette 
région,  ô  Christ  !  Vous  lui  avez  donné  des 
pontifes,  des  docteurs,  des  rois,  des  moines, 
des  vierges,  dont  les  vertus  et  les  services  ont 
porté  aii  loin  la  renommée  de  l'Ile  des  saints, 
et  la  grande  part  d'honneur  dans  une  si 
noble  conquête  revient  aujourd'hui  à  Augus- 
tin, votre  disciple  et  votre  héraut.  Votre  em- 
pire a  duré  longtemps,  6  Jésus,  sur  ce  peuple 
dont  la  foi  fut  célèbre  dans  le  monde  entier  ; 
mais,  hélas  !  des  jours  funestessont  venus,  et 
l'Angleterre  n'a  plus  voulu  que  vous  régniez 
sur  elle  2,  et  elle  a  contribuée  égarer  d'autres 
nations  soumises  à  son  influence.  Elle  vous 
a  haï  dans  votre  vicaire,  elle  a  répudié  la  plus 
grande  partie  des  vérités  que  vous  avez  ensei- 
gnées aux  hommes,  elle  a  éteint  la  foi,  pour 
y  substituer  une  raison  indépendante  qui  a 
produit  dans  son  sein  toutes  les  erreurs.  Dans 
sa  rage  hérétique,  elle  a  foulé  aux  pieds  et 
brûlé  les   reliques  des  saints  qui  étaient   sa 

I.  Psalm.  II.  —  2.  Luc.    XIX,   14. 


6iS  Le  Temps  Pascal. 

gloire,  elle  a  anéanti  l'ordre  monastique  au- 
quel elle  devait  le  bienfait  du  christianisme, 
elle  s'est  baignée  dans  lesangdcs  martyrs,  en- 
courageant l'apostasie  et  poursuivant  comme 
le  plus  grand  des  crimes  la  fidélité  à  l'anti- 
que foi. 

En  retour,  elle  s'est  livrée  avec  passion  au 
culte  de  la  matière,  à  l'orgueil  de  ses  flottes 
et  de  ses  colonies  ;  elle  "voudrait  tenir  le 
monde  entier  sous  sa  loi.  Mais  le  Seigneur 
renversera  un  jour  ce  colosse  de  puissance 
et  de  richesse.  La  petite  pierre  détachée  de 
la  montagne  l'atteindra  à  ses  pieds  d'argile, 
et  les  peuples  seront  étonnés  du  peu  de  soli- 
dité qu'avait  cet  empire  géant  qui  s'était  cru 
immortel.  L'Angleterre  "n'appartient  plus  à 
votre  empire,  6  Jésus  !  Elle  s'en  est  séparée 
en  rompant  le  lien  de  communion  qui  l'unit 
si  longtemps  à  votre  unique  Eglise.  \'ous  avez 
attendu  son  retour,  et  elle  ne  revient  pas  ; 
sa  prospérité  est  le  scandale  des  faibles,  et 
c'est  pour  cela  que  sa  chute,  que  l'on  peut 
déjà  prévoir,  sera  lamentable  et  sans  retour. 

En  attendant  cette  épreuve  terrible  que 
votre  justice  fera  subir  à  l'île  coupable,  votre 
miséricorde,  ô  Jésus,  glane  dans  son  sein  des 
milliers  d'âmes,  heureuses  de  voir  la  lumière, 
et  remplies  pour  la  vérité  qui  leur  apparaît, 
d'un  amour  d'autant  plus  ardent,  qu'elles  en 
avaient  été  plus  longtemps  privées.  Vous  vous 
créez  un  peuple  nouveau  au  sein  même  de 
l'intidélité,  et  chaque  année  la  moisson  est 
abondante.  Poursuivez  votre  œuvre  miséri- 
cordieuse, aùn  qu'au  jour  suprême  ces  restes 
d'Israël  proclament,  au  milieu  des  désastres 
de  Babylone,  l'immortelle  vie  de  cette  Eglise 


s.  Augustin,  Év.,  Apôtre  de  l'Angleterre.  61  g 

dont  les  nations   qu'elle  a  nourries  ne  sau- 
raient se  séparer  impunément.  • 

Saint  apôtre  de  l'Angleterre,  Augustin,  votre 
mission  n'est  donc  pas  terminée.  Le  Seigneur 
a  résolu  de  compléter  le  nombre  de  ses" élus, 
en  glanant  parmi  l'ivraie  qui  couvre  le  champ 
que  vos  mains  ont  ensemencé.  Venez  en  aide 
au  labeur  des  nouveaux  envoyés  du  Père  de 
famille.  Par  votre  intercession,  obtenez  ces 
grâces  qui  éclairent  les  esprits  et  changent 
les  cœurs.  Révélez  à  tant  d'aveugles  que 
l'Epouse  de  Jésus  est  «  unique  d,  comme  il 
l'appelle  lui-même  ^  ;  que  la  foi  de  Grégoire 
et  d'Augustin  n'a  pas  cessé  d'être  la  foi  de 
l'Eglise  catholique,  et  que  des  siècles  de 
possession  ne  sauraient  créer  un  droit  a  l'hé- 
résie  sur  une  terre  qu'elle  n'a  conquise  que 
par  la  séduction  et  la  violence,  et  qui  garde 
toujours  le  sceau  ineffaçable  de  la  caTholi- 
cité. 


OiA  (XUL  CZUk  CXtÀ.  <tlA  <tiA  iXU,  <\2J^  CZUl,  CXiJL  CtiA  <TiA 
LE     XXIX    MAI. 

SAINTE  MARIE-MADELEINE  DE  PAZZI, 


:  Cycle  pascal  nous  oifïre  trois  illus- 
tres vierges  que  l'Italie  a  produites. 
Nous  avons  salué  dans  notre  admi- 
ration la  vaillante  Catherine  de 
Sienne  ;  sous  peu  de  jours,  nous  célébrerons 
Angèle  de  Mérici,  entourée  de  son  essaim  de 
)eunes  tilles  ;  aujourd'hui  le  lis  de  Florence, 
Madeleine  de  Pazzi,  embaume  toute  l'Eglise 
de  ses  parfums.  Elle  a  été  l'amante  et  l'imita- 
trice du  divin  crucifié  ;  n'est-il  pas  juste 
qu'elle  ait  part  aux  allégresses  de  sa  résur- 
rection ? 

Madeleine  de  Pazzi  a  brillé  sur  le  Carmel 
par  son  éclatante  pureté  et  par  l'ardeur  de 
son  amour.  Elle  a  été,  comme  Philippe  Néri, 
l'une  des  plus  éclatantes  manifestations  de  la 
divinecharitéau  sein  de  la  vraie  Eglise,  se  con- 
sumant à  l'ombre  du  cloître  comme  Philippe 
dans  les  labeurs  du  ministère  des  âmes,  ayant 
recueilli  l'un  et  l'autre,  pour  l'accomplir  en 
eux,  cette  parole  de  l'Homme-Dieu  :  «  Je  suis 
«  venu  allumer  le  feu  sur  la  terre  ;  et  quel  est 
({  mon  désir,  sinon  qu'il  s'entlamme  '  ?  » 

La  vie  de  l'Epouse  du  Christ  fut  un  mira- 

I.  Luc.  XII,  49. 


Sainte  Marie-Madeleine  de  Pa:^:{ii  Vierge.  621 

cle  continuel.  L'extase  et  les  ravissements 
étaient  journaliers  chez  elle.  Les  plus  vives 
lumières  lui  furent  communiquées  sur  les 
mystères,  et,  afin  de  l'épurer  davantage  pour 
ces  sublimes  communications,  Dieu  lui  fit 
traverser  les  plus  redoutables  épreuves  de  Ir. 
vie  spirituelle.  Elle  triompha  de  tout,  et  sor. 
amour  montant  toujours,  elle  ne  trouvait 
plus  de  repos  que  dans  la  souffrance,  paï 
laquelle    seule  elle   pouvait  alimenter  le  feu 

aui  la  consumait.  En  même  temps  son  cœur 
ébordait  d'amour  pour  les  hommes  ;  elle  eût 
voulu  les  sauver  tous,  et  sa  charité  si  ar- 
dente pour  les  âmes  s'étendait  avec  héroïsme 
jusqu'à  leurs  corps.  Tant  que  dura  ici-bas 
cette  existence  toute  séraphique,  le  ciel  re- 
garda Florence  avec  une  complaisance  par- 
ticulière ;  et  le  souvenir  de  tant  de  merveilles 
a  maintenu  dans  cette  ville,  après  plus  de 
deux  siècles,  un  culte  fervent  à  l'égard  de 
l'insigne  épouse  du  Sauveur  des  hommes. 

L'un  des  plus  frappants  caractères  de  la 
divinité  et  de  la  sainteté  de  l'Eglise  apparaît 
dans  ces  existences  privilégiées,  sur  lesquelles 
se  montre  avec  tant  d'éclat  l'action  directe 
des  mystères  de  notre  salut,  u  Dieu  a  tant 
f(  aimé  le  monde,  qu'il  lui  a  donné  son  Fils 
«  unique  1  »  ;  et  ce  Fils  de  Dieu  daigne  se 
passionner  pour  une  de  ses  créatures,  pro- 
duisant en  elle  de  tels  effets,  que  tous  les 
hommes  sont  à  même  d'y  prendre  une  idée 
de  l'amour  dont  son  Cœur  divin  est  embrasé 
pour  ce  monde  qu'il  a  racheté  au  prix  de 
son  sang.  Heureux  ceux  qui  savent  goûter  ce 

I.  JOIIAN.  III,   i5. 


622 


Le  Temps  Pascal. 


spectacle,  qui  savent  rendre  grâces  pour  de 
tels  dons  !  Ils  ont  la  vraie  lumière,  tandis 
que  ceux  qui  s'éionnent  et  hésitent  font  voir 
que  les  lueurs  qui  sont  en  eux  luttent  encore 
avec  les  ténèbres  de  la  nature  déchue. 


L'espace  qui  nous  reste  ne  nous  permet  pas, 
à  notre  grand  regret,  de  développer  davan- 
tage le  caractère  et  la  vie  de  notre  sainte; 
nous  insérons  ici  les  Leçons  trop  abrégées  de 
son  Office  qui  n'en  donnent  qu'une  faible 
idée. 


MARIA  Magdalena,  il- 
lusiriori  Pazziorum 
génère  Florentiae  nata, 
fere  ab  incunabulis  iter 
pert'cctionisarripuit.De- 
cennis  pcrpetuara  virgi- 
nitatem  vovit.  suscepto- 
que  habitu  in  monaste- 
rio  Sanctœ  Marias  Ange- 
loruin  ordinis  Carmeli- 
tarum,  se  omnium  virtu- 
tum  exemplar  exhibuit. 
Adeo  casta  fuit,  ut  quid- 
quid  puritatem  laedere 
potest.  penitus  ignorave- 
rit.  Quinquennium,  Deo 
jubente.  solo  pane  et 
aqua  transegit.  exceptis 
dicbiis  Dominicis,  qui- 
bus  cibis  Quadragesima- 
libus  vescebatur.  Corpus 
suum  cilicio,  flagellis, 
frigore,  inedia,  vigiliis, 
nuditate  ,  atque  omni 
pœnarum  génère  crucia- 
bat. 


Marie-Madeleine  ,  de 
l'illustre  famille  des  Paz- 
zi.  naquit  à  Florence,  et 
marcha  presque  dès  le  ber- 
ceau dans  le  chemin  de  la 
perfection.  Dès  l'âge  de  dix 
ans,  elle  fit  vœu  de  virginité, 
et,  lorsqu'elle  eut  pris  l'habit 
de  carmélite  dans  le  monas- 
tère de  Notre-Dame- des- 
Anges.  elle  fit  voir  en  sa  per- 
sonne un  modèle  achevé  de 
toutes  les  vertus.  Sa  pureté 
alla  jusqu'à  ignorer  toute  sa 
vie  ce  qui  peut  blesser  cette 
vertu.  Par  l'ordre  de  Dieu, 
elle  jeûna  cinq  ans  au  pain  et 
à  l'eau,  hors  les  dimanches 
qu'elle  usait  des  mets  permis 
en  Carême.  Elle  afliigeait 
son  corps  par  le  cilice,  les 
fouets,  l'abstinence,  les  veil- 
les, la  nudité,  et  par  toutes 
sortes  de  tourments. 


Sainte  Marie-Madeleine  de  Pa^:^i,  Vierge. 623 


LE  feu  de  l'amour  divin  était 
si  brûlant  en  elle,  que, 
n'en  pouvant  supporter  l'ar- 
deur, elle  était  obligée,  pour 
la  tempérer,  de  répandre  de 
l'eau  sur  sa  poitrine.  Souvent 
ravie  hors  d'elle-même,  elle 
éprouvait  de  longues  et  me-r- 
veilleuses  extases,  dans  les- 
quelles elle  pénétrait  les  mys- 
tères célestes,  et  recevait  de 
Dieu  des  faveurs  admirables. 
Fortifiée  par  ces  secours,  elle 
soutint  un  long  combat  con- 
tre les  princes  des  ténèbres, 
livrée  à  la  sécheresse  et  à  la 
désolation,  abandonnée  de 
tout  le  monde,  et  poursuivie 
de  diverses  tentations,  par  la 
permission  de  Dieu,  qui  vou- 
lait en  faire  le  modèle  d'une 
invincible  patience  et  de  la 
plus  profonde  humilité. 

SA  charité  envers  le  pro- 
chain éclatait  particuliè- 
rement :  souvent  elle  passait 
les  nuits  sans  dormir,  ;occu- 
pée  soit  à  faire  l'ouvrage  des 
sœurs,  soit  à  servir  les  mala- 
des, qu'elle  guérit  plus  d'une 
fois  en  suçant  leurs  ulcères. 
Elle  pleurait  amèrement  la 
perte  des  infidèles  et  des  pé- 
cheurs, et  s'offrait  à  endurer 
toutes  sortes  de  tourments 
pour  leur  salut.  Plusieurs 
années  avant  sa  mort,  elle 
renonça  avec  une  vertu  héroï- 
que à  toutes  les  délices  dont 
le  Ciel  la  comblait,  et  elle 
avait  souvent  à  la  bouche  ces 


TANTO  ignc  divini 
amoris  œstuabat ,  ut 
ei  ferendo  impar,  ingasta 
aqua  pectus  refrigerare 
cogeretur.  Extra  sensus 
fréquenter  rapta,  diutur- 
nas  et  admirabiles  exsta- 
ses passa  est,  in  quibus 
et  arcana  cœlestia  pene- 
travit,  et  eximiis  a  Deo 
gratiis  illustrata  fuit- 
His  autem  munita  lon- 
gum  certamen  a  princi- 
pibus  tenebrarum  susii- 
nuit,  arida,  desolata,  ab 
omnibus  derelicta,  va- 
riis  que  tentationibus 
vexata  ;  Deo  sic  permit- 
tente,  ut  invictœ  pat.ien- 
tiaï.  ac  profundissimœ 
humilitatis  exemplar 
praeberet. 


CHARiTATEerga  proxi- 
mum  singulariter 
enituit  ;  nam  sœpe  noc- 
tes  ducebat  insomnes, 
vel  obeundis  Sororum 
ministeriis,  vel  inser- 
viendo  infirmis  occupata, 
quarum  aliquando  ulcéra 
lambens  sanavit.  Infide- 
lium  et  peccatorum  per- 
ditionem  amarc  deflens, 
se  ad  quîelibet  pro  illo- 
rum  salute  tormenta  pa- 
ratam  offerebat,  Multis 
ante  obitum  annis,  uni- 
versis  cœli  deliciis,  qui- 
bus copiose  affluebat,  he- 
roica  virtute  renuntians, 


6^4 


Le  Temps  Pascal. 


illud  fréquenter  in  orc 
habebat  :  Pati,  non  mori. 
Tandem  lonj^a  et  gravis- 
sima  infirmitate  exhai;s- 
ta,  transivit  ad  Spon- 
sum  die  vigesima  quin- 
ta  maii  anr.o  millesimo 
sexcentesimo  septimo, 
explcto  anno  quadrap;e- 
simo  primo  netatis  sua?. 
Eam  multis  in  vita  et 
post  mortem  miraculis 
claram  Clemens  Nonus 
sanctarum  Virginum  nu- 
méro adscripsii  :  cujus 
corpus  in  prœsentem 
diem  incorruptum  con- 
servât ur. 


paroles  :  Souffrir,  et  ne  pas 
mourir.  Epuisée  enfin  par 
une  longue  et  grave  maladie, 
elle  alla  se  réunir  à  TEpoux 
le  vingt-cinq  mai  de  l'an  mil 
six  cent  sept,  étant  âgée  de 
quarante-un  ans.  De  nom- 
breux miracles  la  rendirent 
célèbre  durant  sa  vie  et  après 
sa  mort.  Clément  IX  lin- 
scrivit  au  nombre  des  saintes 
vierges,  et  son  corps  s'est 
conservé  jusqu'aujourd'hui 
sans  corruption. 


VOTRE  vie  ici-bas,  ô  Madeleine,  a  semblé 
celle  d'un  ange  que  la  volonté  divine  eût 
captivé  sous  les  lois  de  notre  nature  inférieure 
et  déchue.  Toutes  vos  aspirations  vous  en- 
traînaient au  delà  des  conditions  de  la  vie 
présente,  et  Jésus  se  plaisait  à  irriter  en  vous 
cette  soif  d'amour  qui  ne  pouvait  s'apaiser 
qu'aux  sources  jaillissantes  de  la  vie  éter- 
nelle ^.  Une  lumière  céleste  vous  révé- 
lait les  mystères  divins  ;  votre  cœur  ne 
pouvait  contenir  les  trésors  de  vérité  et 
d'amour  que  l'Esprit-Saint  y  accumulait;  et 
alors  votre  énergie  se  réfugiait  dans  le  sacri- 
fice et  dans  la  souffrance,  comme  si  l'anéan- 
tissement de  vous-même  eût  pu  seul  acquitter 
la  dette  que  vous  aviez  contractée  envers  le 
grand  Dieu  qui  vous  comblait  de  ses  faveuss 
les  plus  chères. 


JOHAN.  IV,     t4. 


Sainte  Marie-Madeîeine  de  Pu;;  ji,  Vierge.  025 

Ame  de  séraphin,  comment  vous  suivrons- 
nous  ?  Qu'est  notre  amour  auprès  du  vôtre  ? 
Nous  pouvons  cependant  nous  attacher  de 
loin  à  vos  traces.  L'année  liturgique  était  le 
centre  de  votre  existence  ;  chacune  de  ses 
saisons  mystérieuses  agissait  sur  vous,  et 
vous  apportait,  avec  de  nouvelles  lumières, 
de  nouvelles  ardeurs.  L'Enfant  divin  de 
Bethléhem,  la  sanglante  Victime  de  la  croix, 
le  glorieux  Epoux  vainqueur  de  la  mort, 
l'Esprit  rayonnant  de  sept  dons  ineffables, 
vous  ravissaient  tour  à  tour  ;  et  votre  âme, 
renouvelée  par  cette  succession  de  merveilles, 
se  transformait  toujours  plus  en  celui  qui, 
pour  s'emparer  de  nos  cœurs,  a  daigné  se 
traduire  lui-même  dans  ces  gestes  immortels 
que  la  sainte  Eglise  nous  fait  repasser  chaque 
année  avec  le  secours  d'une  grâce  toujours 
nouvelle.  Vous  aimiez  ardemment  les  âmes 
durant  votre  vie  mortelle,  6  Madeleine;  votre 
amour  s'est  accru  encore  dans  la  possession 
du  bien  suprême  ;  obtenez-nous  la  lumière 
pour  voir  mieux  ce  qui  ravissait  toutes  vos 
puissances,  l'ardeur  de  l'amour  pour  aimer 
mieux  ce  qui  passionnait  votre  cœur. 


LE    TEMPS    PASCAL.    —    T.    III.  40 


*^<*&W&«i^«*^»S.«é&«é&Wg.(^W£. 


LE   XXX    MAI. 


SAINT  FELIX  I",  PAPE  ET  MART^  R. 


ES  saints  papes  de  l'âge  primitif 
apparaissent  en  groupe  sur  cette 
dernière  partie  du  Cycle  pascal. 
Aujourd'hui,  c'est  Félix  I",  un  mar- 
tyr de  la  persécution  d'Aurélien  au  iii«  siè- 
cle. Le  détail  de  ses  actes  ne  s'est  pas  con- 
servé ;  nous  savons  seulement  qu'il  proclama 
le  dogme  de  l'Incarnation  avec  une  admira- 
ble précision  dans  une  lettre  à  l'Eglise  d'A- 
lexandrie, dont  un  fragment  fut  lu  avec  éloge 
dans  les  deux  conciles  œcuméniques  d'Ephèse 
et  de  Chalcédoine. 

Un  autre  trait  emprunté  aux  usages  de 
l'Eglise  de  ces  temps  orageux  nous  montre 
le  saint  Pontife  empressé  à  faire  rendre  aux 
saints  martyrs  l'honneur  qui  leur  est  dû.  Il 
ordonna  qu'on  célébrerait  le  divin  Sacrifice 
sur  leurs  tombeaux  ;  et  l'Eglise  pratique 
encore  aujourd'hui  un  reste  ^e  cette  pres- 
cription, en  exigeant  que  tous  les  autels,  fixes 
ou  portatifs,  contiennent  au  moins  quelques 
reliques  des  martyrs.  Nous  aurons  occasion 
de  revenir  sur  cet  usage. 

Voici  le  court  récit  que  la  Liturgie  consa- 
cre à  la  mémoire  du  saint  Pape. 


FELIX   Romanus,   pâtre 
Constantio,  Aurelia- 
no     imperatore     praefuit 


FÉLIX,   né  à   Rome,  fils   de 
Constantius,     gouverna 
l'Eglise  sous  l'empire   d'Au- 


Saint  Félix  I^^,  Pape  et  Martyr.      62- 


rélien.  Il  ordonna  que  la 
Messe  serait  célébrée  sur  les 
Mémoires  et  sur  les  Sépul- 
cres des  martyrs.  Il  tint  deux 
ordinations  au  mois  de  dé- 
cembre, où  il  créa  neuf  prê- 
tres, cinq  diacres  et  cinq 
évêques  pour  divers  lieux. 
II  fut  couronné  du  martyre, 
et  enseveli  sur  la  voie  Auré- 
lia, dans  une  basilique  qu'il 
avait  élevée,  et  qu'il  dédia. 
11  vécut  dans  le  pontificat 
deux  ans,  quatre  mois  et 
vingt-neuf  jours. 


Ecclesiae.  Constituit  ut 
Missa  supra  memorias  et 
sepulcra  Martyrum  ce- 
lebraretur.  Qui  cum 
mense  decembri  habuis- 
set  Ordinationes  duas, 
et  creasset  presbytères 
novem,  diaconos  quin- 
que,  episcopos  per  di- 
versa  loca  quinque,  mar- 
tyrio  coronatus,  via  Au- 
rélia sepelitur  in  Basilica 
quam  a  se  aedificatam 
dedicarat.  Vixit  in  pon- 
tificatu  annos  duos,  men- 
ses  quatuor,  dies  viginti 
novem. 


VOUS  avez  imité  dans  sa  mort  votre  Maître 
divin,  ô  saint  Pontife;  car  vous  avez 
donné  comme  lui  votre  vie  pour  votre  trou- 
peau. Comme  lui  aussi  vous  sortirez  vivant 
du  tombeau,  et  votre  âme  bienheureuse  vien- 
dra rejoindre  ce  corps  qui  a  souffert  la  mort 
en  témoignage  de  la  vérité  que  vous  annon- 
ciez dans  Rome.  Jésus  est  le  premier-né 
entre  les  morts  '  ;  après  l'avoir  suivi  dans  sa 
passion,  vous  le  suivrez  dans  sa  résurrection 
Votre  corps  fut  déposé  dans  ces  souterrains 
glorieux  que  la  piété  de  l'Eglise  de  votre 
temps  décora  du  nom  de  Cimetières,  qui 
signifie  un  lieu  préparé  pour  le  sommeil. 
Vous  vous  réveillerez,  ô  Félix,  en  ce  grand 
jour  où  la  Pâque  recevra  son  dernier  accom- 
plissement ;  priez  afin  que  nous  ayons  part 
avec   vous   à   la   bienheureuse    résurrection. 


1.  Apec.  I,  5. 


638 


Le  Temps  Pascal. 


Obtenez  que  les  grâces  de  la  solennité  pas- 
cale se  conservent  en  nous,  et  disposez  nos 
cœurs  à  la  visite  de  l'Esprit-Saint,  cjui  con- 
firme dans  les  âmes  l'œuvre  accomplie  par  le 
divin  auteur  du  salut. 


LE    MÊME    JOUR.. 
S.   FERDINAND  11!.    ROI    DE  CASTILLE, 

ET    CONFESSEUR. 

'ans  les  jours  consacrés  à  honorer  la 
naissance  de  notre  Emmanuel,  nous 
vîmes  près  de  son  berceau  l'impo- 
sante figure  du  Bienheureux  empe- 
reur Charlemagne.  Ceint  du  diadème  impé- 
rial, tenant  en  main  son  puissant  glaive,  il 
semblait  veiller  sur  l'enfant  que  des  bergers 
avaient  adoré  les  premiers.  Aujourd'hui,  près 
du  glorieux  sépulcre  visité  d'abord  par  Made- 
leine et  ses  compagnes,  nous  apercevons  un 
roi,  Ferdinand  le  Victorieux ,  ceint  de  la 
couronne  et  faisant  la  garde  avec  sa  vaillante 
épée  si  redoutée  du  Sarrasin.  La  France  et 
l'Espagne  sont  ainsi  représentées  sur  le  Cycle 
par  leurs  plus  nobles  souverains  :  l'un  véné- 
rant le  mystère  du  Dieu  incarné,  l'autre  ren- 
dant son  hommage  au  mystère  du  Dieu  vain- 
queur de  la  mort. 

La  catholique  Espagne  est  personnifiée 
dans  son  Ferdinand,  et  la  France  très  chré- 
tienne reconnaît  dans  ce  prince  héroïque  le 
sang  de  son  saint  Louis.  Bérengère,  mère  de 
Ferdinand,  et  Blanche,  mère  de  Louis,  étaient 
sœurs.  Pour  former  le  royaume  catholique, 
il  fallut  un  des  Apôtres  du  Christ,  saint  Jac- 
ques le  Majeur  ;  il  fallut  une  épreuve  formi- 
dable, l'invasion  du  Sarrasin  qui  déborda  sur 
la  Péninsule  comme  un  déluge  ;   il  fallut  un 


63  o  Le  Temps  Pascal. 

exploit  chevaleresque  qui  dura  huit  siècles, 
et  par  lequel  l'Espagne  recouvra  son  sol  et 
sa  liberté.  Saint  Ferdinand  résume  en  lui 
cette  armée  de  héros  qui  ont  repoussé  le 
Maure  et  créé  la  patrie  ;  mais  au  courage  du 
soldat  il  a  réuni  les  vertus  du  saint. 

Quels  exploits  dans  cette  vie  qui  compte 
autant  de  victoires  que  de  combats!  Cordoue, 
la  ville  des  Califes,  tomba  au  pouvoir  d'un 
si  fier  chrétien,  et  les  portiques  de  son  alham- 
bra  n'abriteront  plus  le  luxe  et  la  mollesse 
féroce  des  sectateurs  de  l'Islam.  Sa  splen- 
dide  mosauée  est  purifiée  par  l'eau  sainte,  et 
devient  l'église  cathédrale  de  Cordoue  rede- 
venue chréuenne.  Les  sectateurs  de  Mahomet 
avaient  enlevé  les  cloches  de  l'Eglise  de  Saint- 
Jacques  à  Compostelle,  ils  les  gardaient  en 
trophée  à  Cordoue;  par  ordre  du  saint  roi, 
ces  cloches  sont  reportées  à  dos  de  Sarrasin,  à 
travers  l'Espagne,  jusqu'à  l'auguste  sanc- 
tuaire auquel  elles  avaient  été  ravies. 

Séville,  à  son  tour,  après  un  siège  de  seize 
mois,  tomba  au  pouvoir  de  Ferdinand,  mal- 
gré sa  double  enceinte  de  murailles  flanquées 
cie  cent  soixante-six  tours.  L'armée  chrétienne 
était  faible  en  nombre;  la  défense  des  Sar- 
rasins servis  par  tous  les  avantages  du  site  et 
l'habileté  de  la  conduite,  fut  de  la  dernière 
énergie  ;  mais  le  croissant  dut  s'éclipser 
devant  la  croix  triomphante.  Ferdinand 
accorda  un  mois  aux  Sarrasins  pour  se  reti- 
rer de  la  ville  et  du  territoire.  Trois  cent 
mille  se  replièrent  sur  Xérès,  et  cent  mille 
passèrent  en  Afrique.  Le  vaillant  chef  de  ce 
peuple  abattu,  jetant  un  dernier  regard  sur 
la  ville  rentrée  au  pouvoir  des  chrétiens,  dit 


5.  Ferdinand,  Roi  de  Castille  et  Conf.     63  r 

à  ses  officiers,  les  larmes  aux  yeux  :  «  Il  n'y 
«  a  qu'un  saint  qui  ait  pu  avec  de  si  faibles 
«  troupes   se   rendre   maître   d'une   place  si 
«  forte  et  peuplée  de  tant  de  défenseurs.  » 
Nous  n'énumérerons  pas  ici  les  villes  et  les 

grovinces  reconquises  par  le  héros  chrétien, 
a  carrière  toute  de  succès  dut  faire  pressen- 
tir aux  Maures  que  la  Péninsule  leur  échap- 
perait un  jour  tout  entière  ;  au  reste,  Ferdi- 
nand avait  formé  le  projet  de  faire  une  des- 
cente sur  la  côte  africaine,  et  d'aller  ainsi 
éteindre  l'islamisme  jusque  dans  son  foyer  le 
plus  ardent.  La  mort  arrêta  ce  noble  dessein, 
et  parvenu  à  Tàge  de  cinquante-trois  ans,  le 
saint  roi  échangea  la  couronne  de  la  terre 
pour  celle  du  ciel. 

Sa  piété  l'avait  rendu  le  ministre  docile  de 
la  volonté  de  Dieu,  dont  il  se  regarda  toujours 
comme  l'humble  instrument.  Austère  comme 
un  anachorète,  Ferdinand  fut  compatissant 
comme  un  père  pour  ses  peuples:  «  Je  crains 
«  plus,  dit-il  un  jour,  les  malédictions  d'une 
«  î?auvre  femme  que  toute  l'armée  des  Sar- 
«  rasins.  »  Il  dota  richement  les  églises  qu'il 
élevait  dans  l'Espagne  reconquise,'  et,  fidèle 
chevalier  de  la  Rei^ne  des  cieux,  il  l'honora 
toujours  commue  sa  dame  et  maîtresse.  En 
retour  d'un  culte  si  fervent,  Marie  daigna 
bénir  constamment  les  armes  de  son  illus- 
tre champion.  On  doit  voir  aussi  un  gage  de 
sa  maternelle  tendresse  pour  le  saint  roi  dans 
un  fait  mentionné  par  les  chroniqueurs  con- 
temporains, et  qui  dans  ces  siècles  atteste 
l'intervention  divine.  Durant  tout  le  règne  de 
Ferdinand,  ni  la  peste  ni  la  famme  ne  vin- 
rent affliger  ses  Etats.  A  la  ditîérence  de  notre 


632  Le  Temps  Pascal. 

saint  Louis,  dont  la  vie  fut  remplie  d'épreu- 
ves, Ferdinand  fut  toujours  heureux  ;  comme 
si  Dieu  eût  voulu  donner  à  la  fois  aux  hom- 
mes, dans  ces  deux  admirables  princes,  le 
modèle  du  courage  dans  l'adversité  et  l'exem- 
ple de  la  modération  dans  les  prospérités.  A 
eux  deux  ils  forment  le  plus  complet  tableau 
de  la  vie  humaine  régénérée  dans  le  Christ, 
en  qui  nous  adorons  les  humiliations  de  la 
croix  et  les  splendeurs  de  la  résurrection. 
Heureux  siècles  où  Dieu  choisissait  les  rois 
pour  donner  aux  chrétiens  de  telles  leçons! 
On  se  demandera  comment  un  homme,  un 
prince,  tel  que  saint  Ferdinand,  accueillit  la 
mort,  lorsqu'elle  vint  tout  à  coup  arrêter  le 
cours  de  sa  glorieuse  carrière.  Il  était  encore 
dans  la  force  de  l'âge.  A  l'approche  du  prêtre 
qui  lui  apportait  le  Corps  du  Seigneur,  le 
pieux  héros  descend  de  son  lit,  et  ce  n'est 
qu'après  avoir  adoré  son  Sauveur,  la  face 
contre  terre  et  la  corde  au  cou,  qu'il  reçoit 
i'hostie  sacrée.  Ayant  accompli  ce  grand  acte, 
se  sentant  arrivé  aux  portes  de  l'éternité,  il 
ordonne  qu'on  le  dépouille  des  marques  de 
la  royauté,  et  appelle  ses  tils  autour  de  son 
lit  de  mort.  S'adressant  à  l'aîné  qui  fut 
Alphonse  le  Sage,  il  lui  recommanda  le  soin 
de  ses  frères  étales  égards  qu'il  devrait  à  ceux 
qui  sont  les  vassaux  du  prince  et  ses  com- 
pagnons d'armes  ;  puis  il  ajouta:  «  Mon  lils, 
«  tu  vois  de  quelles  forces,  de  quelles  posses- 
«  sions,  de  quel  nombre  de  sujets  tu  es  en- 
«  touré,  plus  qu'aucun  autre  roi  chrétien  ; 
«  fais  en  sorte  d'user  dignement  de  ces  avan- 
«  tages  ;  sois  bon,  ayant  tant  de  moyens 
«  de  faire  le   bien.  Te  voilà  maître  de  cette 


*s*^^^§^^flwr"ip»i#" 


.V.  Ferdinand  III,  Roi  de  Castille  et  Conf.  633 

«  terre  que  les  Maures  enlevèrent  jadis  au 
«  roi  Rodrigue.  Si  tu  conserves  le  royaume 
«  dans  l'état  où  je  te  le  laisse,  tu  seras  un 
«  bon  roi,  comme  je  l'ai  été  ;  il  en  serait 
«  autrement,  si  tu  en  laissais  perdre  quelque 
«  chose.  » 

La  dernière  heure  approchait;  une  appari- 
tion céleste  vint  conforter  le  royal  mourant. 
Il  remercia  Dieu  de  cette  faveur,  et  demanda 
le  cierge  béni  ;  mais  avant  de  le  prendre 
dans  ses  mains,  levant  les  yeux  au  ciel,  il 
dit  :  c(  Seigneur,  vous  m'avez  donné  le  ro- 
«  yaume  que  je  n'avais  pas,  vous  m'avez  donné 
<L  plus  d'honneur  et  de  puissance  qiie  je  ne 
«  méritais  :  recevez-en  mes  actions  de  grâces. 
«  Je  remets  entre  vos  mains  ce  royaume  que 
«  j'ai  accru  autant  qu'il  m'a  été  possible  :  je 
«  vous  présente  en  même  temps  mon  âme.  » 
Il  demanda  ensuite  pardon  à  ceux  qui  l'entou- 
raient, les  priant  de  lui  faire  grâce,  s'il  leur 
avait  donné  lieu  quelquefois  de  se  plaindre 
de  lui.  Toute  la  cour  était  présente  ;  et  l'on 
n'entendit  que  des  voix  entrecoupées  de  san- 
glots, qui  àleur  tour  imploraient  le  pardon. 

Le  saint  roi  prit  alors  le  cierge  en  ses 
mains,  et  l'élevant  vers  le  ciel,  il  dit  :  ce  Sei- 
«  grieur  Jésus-Christ,  mon  rédempteur,  je 
«  suis  sorti  nu  du  sein  de  ma  mère,  et  je  vais 
«  rentrer  nu  dans  la  terre.  Seigneur,  recevez 
«  mon  âme,  et  par  les  mérites  de  votre  très 
«  sainte  Passion,  qu'il  vous  plaise  la  placer 
«  parmi  celles  de  vos  serviteurs.  »  Après  ces 
paroles,  il  rendit  le  cierge,  et  demanda  aux 
évêques  et  aux  prêtres  qui  étaient  autour  de 
lui,  de  réciter  les  Litanies,  après  lesquelles 
il  leur  fit  chanter  le  Te  Deion.  Tout  étant 


634 


Le  Temps  Pascal. 


achevé,  il  inclina  la  tète,  ferma  les  veux  et 
expira  doucement. 

Ainsi  mouraient  ces  hommes  dont  la  foi 
avait  inspire  toutes  les  œuvres,  et  qui  sen- 
taient qu'ils  n'étaient  en  ce  monde  que  pour 
servir  Jesus-Christ  et  le  faire  régner  Ces  rois 
avaient  fait  l'Europe;  ils  lui  avaient  donné 
pour  première  loi  l'Evan-ile,  et  pour  droit 
public  les  canons  de  l'Eglise.  L'Eufope,  après 
des  siècles  d'unité  dans  le  lien  catholique,  a 
cherche  une  autre  loi  et  un  autre  droit;  elle 
se  dissout  aujourd'hui,  et  semble  même  avoir 
oublie  1  élément  qui  la  forma  et  la  maintint 
durant  tant  de  siècles  à  la  tète  de  l'humanité, 
ruisse-t-elle  un  jour  ouvrir  les  yeux,  et,  s'il 
en  est  temps  encore,  arrêter  la  décadence  qui 
1  entraîne  fatalement,  et  conjurer  la  ruine 
qui  la  menace  ! 

Nous  empruntons  les  Leçons  de  l'Office  du 
saint  roi  au  Propre  de  la  ville  de  Rome. 

FERDINANDLS  Tertius 
Castellae.  et  Legionis 
rex,  cui  Sancti  cogno- 
mentum  jam  inde  a  qua- 
tuor saeculis  ecclesiasti- 
corumet  sœcularium  con- 
sensus dedere,  tantum 
prudentia;  adolescens 
adhuc  spécimen  prœbuit, 
ut  Berengaria  mater  Ca- 
stella»  regina,  a  qua  per- 
sancte  educatus  fuerat, 
abdicatum  a  se  regnum 
in  filium  transtulerit.  In 
eo,  adjunctis  regni  curis, 
regiœ  virtutes  eraicuere  : 
magnanimitas,     clemen- 


PERDINAND  III,  roi  de  Cas- 
1  tille  et  de  Léon,  à  qui 
depuis  quatre  siècles  l'accord 
des  ecclésiastiques  et  des  sé- 
culiers a  attribué  le  nom  de 
saint,  donna,  dès  son  ado- 
lescence, ds  si  grandes  preu- 
ves de  sagesse,  que  Béren- 
gère,  reine  de  Castille,  sa 
mère,  qui  l'avait  élevé  très 
saintement ,  abdiqua  la 
royauté  pour  la  lui  remettre 
entre  les  mains.  A  peine  Fer- 
dinand fut-il  entré  dans  les 
soins  du  gouvernement,  que 
l'on  vit  briller  en  lui  les 
vertus  d'un  roi  :  la  magnani- 


s,  Ferdinand  III,  Roi  de  Castille  et  Conf.  635 


mité,  la  clémence,  la  justice, 
et  par-dessus  tout  le  zèle  de 
la  foi  catholique,  dont  il  sut 
défendre  et  propager  la  pra- 
tique religieuse  avec  ardeur. 
Il  montra  ce  zèle  principale- 
ment en  poursuivant  les  héré- 
tiques, auxquels  il  ne  permit 
jamais  d'habiter  dans  ses 
royaumes.  Il  le  fit  voir  encore 
en  érigeant,  dotant  et  consa- 
crant au  culte  chrétien  les 
églises  de  Cordoue,  Jaen, 
Séville,  et  autres  villes  arra- 
chées par  lui  au  joug  des 
Maures.  Il  rétablit  avec  une 
pieuse  et  royale  munificence 
les  cathédrales  de  Tolède,  de 
Burgos,  et   plusieurs  autres. 


EN  même  temps,  dans  le 
royaume  de  Castille  et  de 
Léon,  où  il  avait  succédé  à 
Alphonse  son  père,  il  réunit 
de  fortes  armées,  et  entreprit 
chaque  année  des  expéditions 
contre  les  Sarrasins,  ennemis 
du  nom  chrétien.  Le  plus 
puissant  moyen  de  ce  pieux 
roi  pour  s'assurer  constam- 
ment la  victoire  fut  dans  les 
prières  qu'il  adressait  à  Dieu, 
dont  il  s'assurait  le  secours 
en  flagellant  sévèrement  son 
corps  avant  la  bataille,  et  se 
couvrant  d'un  rude  cilice. 
Ce  fut  ainsi  qu'il  remporta 
d'insignes  victoires  contre 
les  puissantes  armées  des 
Maures,  et  qu'il  restitua  au 
culte  chrétien  et  à  l'Espagne 


tia,  justitia,  et  prae  caete- 
ris  catholicae  fidei  zelus, 
ejusque  religiosi  cultus 
tuendi,  ac  propagandi 
ardens  studium.  Id  praes- 
titit  inprimis  hœreticos 
insectando,  quos  nullibi 
regnorura  suorum  consi- 
stere  passus  est.  Praesti- 
tit  insuper  in  erigendis, 
dotandis,  et  consecrandis 
christiano  ritu  Cordu- 
bensi,  Giennensi,  Hispa- 
lensi  et  aliarum  urbium 
ecclesiis,  a  maurico  erep- 
tarum  jugo,  simulque  in 
instaurandis  primariis 
templis  Toletano,  Bur- 
gensi  et  aliis  pia  et  regia 
munificentia. 

T  NTER  hœc,  per  Castel- 
I  lœ  et  Legionis  re- 
gnum,  in  quo  patri  Al- 
fonso  successerat,  col- 
lectismagnis  exercitibus, 
annuas  expeditiones  con- 
tra Saracenos  Christian! 
nominis  hostes  suscepit. 
In  queis,  ut  semper  vin- 
ceret,  prsecipui  exercitus 
fuere  preces  piissimi  ré- 
gis ad  Deum  fusse,  et 
quod  ante  pugnam,  ut 
sibi  Deum  propitiaret, 
flagris  in  se  saeviebat,  at- 
que  aspero  cilicio  mu- 
niebat  corpus.  Sicque 
insignes  contra  ingentes 
Maurorum  acies  victorias 
reportavit,  et  plures  ur- 
bes     christiano      cultui, 


63b 


Le  Temps  Pascal. 


imperioque  restituit  , 
c«nquisiiis  Giennii,  Cor- 
dub;c  et  Miirciae  ret,'nii», 
ac  Granatensi  vectigali 
facto.  Ad  expugnandam 
Hispalim  primariam  Bae- 
tica;  urbem,  hortante  in 
visione  (ut  traditum  est) 
leato  Isidoro  olim  illius 
urbis  episcopo,  victricia 
signa  transtulit.  In  ea 
obsidione  prœsentem  di- 
vinam  opem  habuisse 
fertur  ;  nam  ferream  ca- 
tenam.  quae  super  Bœtim 
transversim  extensa  Ma- 
hometanis  pro  repagulo 
erat,  coorto  validiori 
vento,  una  ex  navibus  re- 
giis,  régis  jussu  eo  de- 
lata,  tanto  impetu  fregit, 
ut  longius  praetervecta  , 
ponîem  quoque  ligncum, 
et  simul  spes  Maurorum 
obruperit  et  ad  deditio- 
ncm  coegerit. 


TOT  victorias  beatas 
Virginis  Marias  pa- 
trocinio  ferebat  acceptas, 
cujus  imaginem  secum  in 
castris  habens,  peculiari 
cuitu  prosequebatur. 

Capta  Hispali,  prima 
religionis  cura  fuit  :  nam 
templum  Maurorum  ex- 
piatum  et  Christianorum 
dedicatum  sacris,  insigni 
archiepiscopatu,    et    ho- 


I  des  villes  nombreuses,  ayant 
conquis  les  royaumes  de  Jaën, 
Cordoue  et  Nlurcie,  en  même 
temps  qu'il  rendit  tributaire 
celui  de  Grenade.  Il  amena 
ses  étendards  victorieux  de- 
vant Séville,  capitale  de  la 
Bétique,  après  une  vision 
dans  laquelle  on  rapporte 
que  saint  Isidore,  autrefois 
évéque  de  cette  ville,  lui  en 
avait  donné  le  conseil.  Les 
historiens  racontent  aussi 
qu'il  fut  assisté  du  secours 
divin  dans  ce  siège,  en  la  ma- 
nière suivante.  LesMahomé- 
tans  avaient  tendu  sur  le 
Guadalquivir  une  chaîne  de 
fer  qui  barrait  le  passage.  Un 
vent  violent  s'éleva  tout  à 
coup,  et  l'un  des  navires 
royaux  lancé  par  l'ordre  du 
prince  alla  briser  cette  chaîne 
avec  une  telle  violence  qu'il 
fut  entraîné  plus  loin,  et  alla 
rompre  un  pont  de  bateaux 
dont  la  ruine  enleva  l'espoir 
aux  Maures,  et  amena  la  red- 
dition de  la  place. 

FERDINAND  a  attribué  toutes 
ces  victoires  au  patronage 

j  de  la  bienheureuse  Vierge 
Marie,  dont  il  avait  toujours 

I  dans  son  camp  l'image  qu'il 
honorait  d'un  culte  spécial. 
Avant  pris  Séville,  son  pre- 
mier soin  fut  de  songer  au 
culte  divin.  Il  fit  purifier  tout 
aussitôt  la  mosquée  des  Sar- 
rasins, et  la  dédia  au  service 
religieux       des       chrétiens, 


s.  Ferdinand  III,  roi  de  Castille  et  Conf.  b3j 


l'ayant  pourvue  avec  une 
royale  et  pieuse  libéralité 
d'un  siège  archiépiscopal  ri- 
chement doté  et  d'un  collège 
de  chanoines  et  de  dignités 
convenablement  établis.  Il 
érigea  encore  d'autres  églises 
et  plusieurs  monastères  dans 
cette  ville.  Au  milieu  de  ces 
actes  de  piété,  il  se  préparait 
à  passer  en  Afrique  pour  y 
anéantir  la  puissance  musul- 
mane, lorsqu'il  se  vit  appelé 
au  royaume  du  ciel.  Etant 
arrivé  à  ses  derniers  mo- 
ments, il  adora  la  corde  au 
cou,  prosterné  par  terre,  avec 
d'abondantes  larmes,  la  sainte 
Eucharistie  qu'on  lui  appor- 
tait pour  viatique.  Ayant 
reçu  le  divin  sacrement  avec 
la  plus  humble  révérence  ac- 
compagnée des  plus  vifs  té- 
moignages de  son  attache- 
ment à  la  foi  catholique,  il 
s'endormit  dans  le  Seigneur. 
Son  corps,  demeuré  sans  cor- 
ruption depuis  six  siècles, 
repose  dans  la  cathédrale  de 
Séville,  où  il  est  renfermé 
dans  un  tombeau  de  la  plus 
rare  magnificence. 

VTous  avez  délivré  votre  peuple  du  joug  de 
l'infidèle,  ô  Ferdinand,  imitant  le  divin 
ressuscité  qui  nous  a  affranchis  de  la  mort  du 
péché  et  rendus  à  la  vie  que  nous  avions  per- 
due. Vos  conquêtes  n'ont  point  ressemblé  à 
celles  des  conquérants  profane-s,  qui  n'ont 
d'autre  but  que  de  satisfaire  leur  orgueil  et 
celui  de  leurs  peuples.  Vous   veniez  délivrer 


nestissimo  carK)nicorum 
et  dignitatum  collegio, 
regia  et  religiosa  libera- 
litate  exornavit.  Alia 
deinde  in  urbe  templa  et 
cœnobia  erexit  :  inter 
quas  pietatis  oflficia,  dum 
trajicere  in  Africam  pa- 
rât, mahumetanum  in  ea 
imperium  eversurus,  ad 
cœlestem  regiam  voca- 
tur.  In  extremo  vitae  ago- 
ne  sacram  Eucharistiam 
pro  viatico  allatam,  fune 
ad  collum  alligato,  et 
humi  stratus,  cum  lacry- 
mis  ubertim  fusis  ado- 
rans,  eaque  dignis  reve- 
rentiae,  humilitatis  et  ca- 
tholicne  fidei  obtestatio- 
nibus  accepta,  obdormi- 
vit  in  Domino.  Jacet 
ejus  corpus,  incorruptum 
adhuc  post  sex  sœcula, 
in  templo  maximo  His- 
palensi,  honorificentissi- 
mo     inclusum    sepulcro. 


63  s  Le  Temps  Pascal. 

vos  frères  opprimes  et  courbés  depuis  des 
siècles  sous  un  joug  odieux.  Vous  veniez  les 
arracher  aux  périls"  de  séduction  qu'ils  cou- 
raient dans  un  esclavage  séculaire.  Champion 
du  Christ,  c'est  pour  lui  d'abord  çque  vous 
forciez  les  remparts  des  cités  sarrasines.  Son 
étendard  était  le  vôtre,  et  vouscherchiez  avant 
tout  à  étendre  son  royaume.  En  retour,  il 
daigna  vous  bénir  en  tous  vos  combats,  et 
votre  épée  sortit  toujours  victorieuse. 

Votre  mission,  6  Ferdinand,  fut  de  prépa- 
rer au  Seigneur  un  peuple  que  la  sainte  E£;lise 
a  honoré  entre  tous  les  autres,  en  lui  décer- 
nant le  beau  nom  de  Catholii^ue.  Heureuse 
Espagne,  qui  à  force  de  persévérance  et  de 
courage  a  su  briser  le  joug  musulman,  que 
les  peuples  qui  l'ont  subi  gardent  toujours  ! 
Heureuse  Espagne,  qui  a  repoussé  avec  suc- 
cès l'invasion  âe  la  prétendue  Réforme  au 
XVI*  siècle,  ayant  ainsi  conservé  l'antique  foi 
qui  sauve  les  âmes,  et  est  en  même  temps  le 
plus  fort  lien  de  la  patrie  !  Priez  pour  votre 
peuple,  ô  Ferdinand  !  Des  doctrines  perverses 
circulent  dans  son  sein,  des  influences  per- 
fides cherchent  à  l'égarer,  et  beaucoup  d'âmes 
sont  séduites.  Ne  souffrez  pas  qu'il  sacrifie 
jamais  par  d'imprudentes  et  lâches  conces- 
sions ce  dépôt  de  foi  qu'il  a  su  maintenir 
intact  durant  tant  de  siècles.  Combattez  les 
machinations  ténébreuses  par  lesquelles  les 
méchants  cherchent  à  le  lui  enlever.  Mainte- 
nez en  lui  l'horreur  qu'il  a  si  longtemps  res- 
sentie pour  l'hérésie,  et  que  rien  ne  le  fasse 
déchoir  du  rang  qu'il  a  conquis  entre  les 
peuples  fidèles."  L'unité  de  croyance  et  de 
culte  peut  le  sauver  encore,  le  retenir  sur  le 


s.  Ferdinand  III,  Roi  de  Castille  et  Conf.  63g 

bord  de  l'abîme  où  tant  de  nations  ont  som- 
bré ;  saint  roi,  sauvez  encore  une  fois  le 
royaume  que  Dieu  vous  avait  confié,  et  que 
vous  remettiez  entre  ses  mains  avec  une  si 
humble  reconnaissance,  au  moment  où  vous 
alliez  échanger  la  couronne  de  la  terre  contre 
celle  du  ciel.  Vous  êtes  resté  son  protecteur 
aimé  ;  hâtez-vous  de  le  secourir. 


LE  XXXI    MAI. 

SAINTE  ANGÈLE   DE  MÉRICI,  VIERGE. 

E  jour  rayonne  d'unedouble  gloire  : 
marqué  par  le  triomphe  virginal 
d'Aurélia  Pétronilla  au  premier  âge 
de  l'Eglise,  il  est  embaumé  par  le 
parfum  des  lis  qui  ceignent  le  front  d'Angèle 
de  Mérici.  Le  xvi'  siècle,  qui  naguère  offrait 
au  Christ  ressuscité  !a  séraphique  Madeleine 
de  Pazzi,  lui  présente  aujourd'hui  ce  nouveau 
tribut  de  la  sainteté  de  l'Eglise.  Angèle  rem- 
plit toute  la  signihcation  du  beau  nom  qu'elle 
a  reçu.  Elle  possède  dans  un  corps  mortel  la 
pureté  des  esprits  bienheureux,  et  elle  imite 
leur  vol  agile,  leur  céleste  énergie,  par  la  vi- 
gueur de  toutes  les  vertus.  On  voit  cette  hé- 
roïne de  la  grâce  céleste  abattre  à  ses  pieds 
tout  ce  qui  pourrait  arrêter  sa  course.  Elevée 
de  bonne  heure  à  la  plus  haute  contempla- 
tion, une  ardeur  chevaleresque  la  pousse  jus- 
que sur  les  plages  de  l'Orient  pour  y  suivre 
les  traces  de  l'Époux  divin  auquel  elle  s'est 
donnée.  On  la  voit  ensuite  visiter  la  nouvelle 
Jérusalem,  et  répandre  ses  vœux  devant  la 
Confession  de  saint  Pierre  ;  après  quoi,  ren- 
trée dans  son  repos,  elle  fonde  un  Ordre  re- 
ligieux qui  est  encore  et  qui  sera  toujours  l'un 
des  ornements  et  l'un  des  secours  de  la  sainte 
Eglise. 
Le  spectacle  d'Ursule  entourée  de  sa  légion 


Sainte  Angèle  de  Mérici,  Vierge      641 


de  vierges  a  séduit  le  cœur  d'Angèle  ;  il  lui 
faut  aussi  une  armée  de  filles  vaillantes.  La 
noble  princesse  bretonne  atfronta  les  bar- 
bares ;  Angèle,  nouvelle  Ursule,  livrera  ba- 
taille au  monde  et  à  ses  séductions  si  redou- 
tables pour  des  âmes  encore  neuves,  et, 
comme  trophée  de  ses  victoires,  elle  peut 
montrer  les  innombrables  générations  d'ado- 
lescentes que  son  saint  institut  a  sauvées 
depuis  trois  siècles,  en  les  initiant  à  la  pra- 
tique et  à  l'amour  des  vertus  chrétiennes. 

La  sainte  Eglise  nous  donne  en  ces  termes 
le  récit  abrégé  des  vertus  et  des  actions  de 
sainte  Angèle. 


ANGÈLE  de  Mérici  naquit 
de  parents  pieux  à  De- 
cenzano,  petite  ville  du  dio- 
cèse de  Vérone,  près  du  lac 
Benago,  dans  l'Etat  de  Ve- 
nise. Dès  son  jeune  âge,  elle 
veilla  avec  la  plus  grande 
précaution  sur  le  lis  de  la  vir- 
ginité, qu'elle  avait  résolu  de 
conserver  à  jamais  intacte. 
Repoussant  toutes  les  parures 
de  son  ■  sexe,  elle  altéra  la 
beauté  de  son  visage  et  coupa 
ses  cheveux,  afin  de  ne  plaire 
qu'au  céleste  Epoux  des  âmes. 
Etant  encore  dans  la  fleur  de 
son  adolescence,  et  ayant 
perdu  ses  parents,  elle  tenta 
de  s'enfuir  dans  un  désert, 
afin  d'y  mener  une  vie  plus 
austcre.  Ayant  été  empêchée 
par  un  oncle  de  mettre  ce 
dessein  à  exécution,  elle  sut 
pratiquer  à  la  maison  ce  qu'il 


ANGELA  Mericia,  De- 
centiani  Veronensis 
diœcesis  oppido  ad  lacum 
Benacum,  in  ditione  Ve- 
neta,  piis  orta  parenti- 
hus,  a  prima  asiate  virgi- 
nitatis  lilium,  quod  per- 
pétue servare  statuerai, 
sedula  sepsit.  Ab  omni 
muliebri  ornatu  abhor- 
rens,  egregiam  vuhus 
formam,  pulchram  cjesa- 
riem  studiose  fœdavit,  ut 
cœlesti  duntaxat  anima- 
rum  sponso  placcret.  In 
ipso  autem  adolescentiae 
flore  parentibus  orbata, 
austerioris  vitae  desiderio 
in  desertum  locum  aufu- 
gere  tentavit  ;  sed  ab 
avuncLiloprohibita,  novit 
praïstare  domi,  quod  in 
solitudine  non  licuit.  Ci- 
licio,  ac  flagellis  frequen- 


LE   TEMPS    PASCAL. 


T.    III. 


64.. 


Le  Temps  Pascal. 


ter  usa  ;  carnem  non  nisi 
infirma  valetudine,  vi- 
num  in  Nativitatis  et  Rc- 
surrectionis  Dominicoe 
tantiim  celebritate,  com- 
plures  vero  dies  nihil 
omnino  dcgustavit.  Ora- 
tioni  dedita  brevissimiim 
liumi  carpebat  somnum  : 
daemonem  vero  sub  lucen- 
tis  angeli  forma  sibi  illu- 
dere  conantem  agnovit 
protinus.  et  conjecit  in 
fugam.  Tandem  paternis 
bonis  abdicatis,  et  habi- 
tum  ac  regulam  tertii 
Ordinis  sancti  Francisci 
amplcxa,  evangelicam 
paupertatem  virginitatis 
laudi   conjunxit. 


NULLUM  pietatis  offi- 
cium  erga  proximos 
omittens,  pauperibus 
quidquid  sibi  ex  emendi- 
cato  victusuperesset.  lar- 
giebatur.  Libenter  mi- 
nistrabat  aegrotis,  plura- 
quc  cum  magna  janctita- 
tis  fama  peragravit  loca, 
ut  vel  solatio  esset  afflic- 
tis,  vel  reis  veniam  impe- 
traret,  vel  infensos  invi- 
cem  reconciliaret  ani- 
mes, vel  e  vitiorum  cœno 
scelestos  revocaret.  An- 
gelorum       pane,       quem 


ne  lui  était  pas  permis  de 
faire  dans  la  solitude.  Elle  se 
revêtit  du  cilice,  et  prit  fré- 
quemment la  discipline  ;  hors 
les  cas  de  maladie  elle  s'in- 
terdit la  viande,  et  n'usa  de 
vin  qu'aux  fêtes  de  la  Nati- 
vité et  de  la  Résurrection  du 
Seigneur  ;  il  lui  arrivait 
même  de  passer  plusieurs 
jours  sans  prendre  de  nourri- 
ture. \'ouée  à  une  prière  con- 
tinuelle, elle  prenait  sur  la 
terre  nue  un  court  sommeil. 
Le  démon  ayant  voulu  lui 
faire  illusion  sous  la  forme 
d'un  ange  de  lumière,  elle  le 
reconnut  aussitôt  et  le  mit  en 
fuite.  Ayant  enfin  renoncé  à 
la  succession  de  son  père,  et 
embrassé  la  règle  du  tiers- 
ordre  de  saint  François  dont 
elle  prit  l'habit,  elle  joignit 
la  pauvreté  évangélique  à  la 
gloire   de   la  virginité. 

FIDÈLE  à  tous  les  devoirs  de 
miséricorde  envers  le  pro- 
chain, elle  donnait  aux  pau- 
vres tout  ce  qui  lui  restait  de 
la  nourriture  qu'elle  avait 
obtenue  par  l'aumône,  et  se 
livrait  avec  empressement  au 
soin  des  malades.  Elle  laissa 
une  haute  renommée  de  sain- 
teté dans  un  grand  nombre 
de  lieux  quelle  visitait,  soit 
pour  consoler  les  affligés,  soit 
pour  réconcilier  des  ennemis, 
soit  pour  retirer  de  grands 
pécheurs  du  bourbier  des 
vices.   Nourrie  fréquemment 


Sainte  Angcle  de  Mérici,   Vierge.     643 


du  pain  des  anges,  unique 
objet  de  ses  désirs,  l'ardeur 
de  son  transport  pour  Dieu 
était  si  grande,  que  souvent 
elle  était  ravie  hors  de  ses 
sens.  Elle  visita  avec  une 
piété  profonde  les  saints  lieux 
de  la  Palestine.  Dans  le  cours 
de  ce  voyage,  ayant  perdu  la 
vue  en  passant  dans  l'île  de 
Candie,  elle  l'y  recouvra  au 
retour,  après  avoir  échappé 
par  le  secours  divin  aux 
mains  des  barbares  et  au  dan- 
ger imminent  d'un  naufrage. 
Sous  le  pontificat  de  Clément 
VII.  elle  se  rendit  à  Rome, 
afin  d'y  vénérer  la  pierre  fon- 
damentale de  l'Eglise  et  d'y 
gagner  l'abondant  pardon  du 
jubilé.  Le  pape  ayant  eu  avec 
elle  un  entretien,  découvrit  sa 
haute  sainteté,  parla  d'elle 
avec  les  plus  grands  éloges, 
et  ne  lui  permit  de  sortir  de 
Rome  qu'après  avoir  reconnu 
que  le  ciel  l'appelait  ailleurs. 

DE  retour  à  Brescia,  elle 
alla  prendre  sa  demeure 
près  de  l'Eglise  de  Sainte- 
Afra.  Ce  fut  là  qu'elle  insti- 
tua, d'après  l'ordre  de  Dieu 
qu'elle  avait  connu  par  une 
voix  céleste  et  par  une  vision, 
une  nouvelle  société  de  vier- 
ges sous  une  discipline  par- 
ticulière, avec  des  règles 
qu'elle  avait  rédigées  d'une 
manière  toute  sainte.  Elle 
donna  à  cet  institut  le  nom  et 
le  v^atronage  de  sainte  Ursule. 


unice  esuriebat,  frequen- 
tissime  refecta,  tanta  cha- 
ritatis  vi  ferebatur  in 
Deum,  ut  saspius  extra 
sensus  raperetur.  Sacra 
Halaestinae  loca  summa 
cum  religione  obivit. 
Quo  in  itinere,  et  visum 
quem  ad  Cydonias  ap- 
pulsa  oras  amiserat,  eo- 
dem  régressa  rocupera- 
vit.  et  barbarorum  capti- 
vitatem  ac  naufragium 
imminens  divinitus  eva- 
sit.  Romam  denique  fir- 
mam  Ecclesias  petram 
veneratura,  et  amplissi- 
mae  Jubilaei  venias  per- 
cupida,  sedente  Clémente 
Septimo  accessit,  quam 
summus  Pontifex  allocu- 
tus,  ejusdem  sanctimo- 
niam  suspexit,  et  com- 
mendavit  summopere  ; 
nec  ab  Urbe  ipsam  abire 
ante  permisit,  quam  alio 
cœlitus  vocatam  agnovit. 

BRixiAM  itaque,  ubi 
donuim  ad  sanctae 
Aphrae  templum  condu- 
xir,  reversa,  novam  ibi 
virginum  societatem,  si- 
cut  cœlesti  voce  ac  vi- 
sione  mandatum  sibi  fue- 
rat,  sub  certa  disciplina, 
sanctisque  vivendi  regu- 
lis  constituit,  quam  sanc- 
t<T  Ursulaî  invictœ  virgi- 
num ducis  patrocinio,  ac 
nomine  insignivit,  eam 
vero    perennem    futuram 


644 


Le  Temps  Pascal. 


inorti  proxima  pra-dixii. 
Tandem  prope  septua- 
genaria,  divcs  meritiN 
avolavit  in  cœliim  sexlo 
calendas  februarias  anni 
millesimi  quingentesimi 
et  quadragesimi  ;  cujus 
cadaver  per  ipsos  tri- 
ginta  dies  inhumatum, 
flexibile,  ac  vivo  similli- 
mum  perseveravit.  De- 
nium  in  sancta;  Aphrae 
templo  inter  cœteras, 
quibus  illud  abundat, 
sanctoruni  reliquias,  re- 
posito,  plurima  ad  ejus 
sepulcrum  agi  statim 
cœpere  miracula  :  quo- 
rum fama  late  diffusa 
non  Brixiœ  modo,  et  De- 
centiani,  sed  alibi  etiam 
vulgo  coepit  nuncupari 
Beata,  ejusque  imago 
aris  iraponi  :  imo  sanctus 
ipse  Carolus  Borromneus 
non  multis  post  annis  di- 
gnam.  quae  ab  Apostolica 
Sede  in  sanctarum  virgi- 
num  album  referretur, 
Brixias  palam  asseruit. 
Cultum  vero  illi  jamdiu 
a  populis  exhibitum,  et 
tum  locorum  ordinariis 
probatum,  tum  pluribus 
etiam  sumraorum  Ponti- 
ficum  indultis  munitum, 
Clemens  papa  Tertius 
Decimus  solemni  decreto 
ratum  habuit  et  confir- 
mavit.  Eain  tandem,  no- 
vis  miraculis  rite  proba- 
tis  insignem,    Plus   papa 


chef  invincible  de  l'armée  des 
vierges,  et  prédit,  peu  avant 
de  mourir,  qu'il  durerait  tou- 
jours, l^lnfin,  étant  presque 
septuagénaire,  comblée  de 
mérites,  elle  s'envola  r.u  ciel 
le  six  des  calendes  de  février 
de  l'an  mil  cinq  cent  qua- 
rante. Son  corps,  que  l'on 
garda  trente  jours  avant  de 
l'inhumer,  demeura  flexible 
et  conserva  les  apparences  de 
la  vie.  On  le  déposa  dans 
l'Eglise  de  Sainte-Afra,  par- 
mi les  autres  reliques  des 
saints  qu'elle  possède  en 
grand  nombre  ;  et  plusieurs 
miracles  commencèrent  à  se 
manifester  à  son  tombeau.  Le 
bruit  s'en  répandit  non  seule- 
ment à  Brescia  et  à  Decen- 
zano,  mais  encore  au  loin,  et 
l'on  commença  de  bonne 
heure  à  donner  le  nom  de 
Bienheureuse  à  Angèle  et  à 
placer  son  image  sur  les  au- 
tels. Saint  Charles  Borro- 
mée  lui-même,  peu  d'années 
après  la  mort  d'Angèle.  affir- 
ma en  chaire  à  Brescia  qu'elle 
était  digne  d'être  inscrite  par 
l'autorité  du  Saint-Siège  au 
catalogue  des  saintes  vierges. 
Clément  XIII  ratifia  et  con- 
firma par  un  décret  ce  culte 
populaire  approuvé  déjà  par 
plusieurs  évéques,  et  encou- 
ragé par  de  nombreux  induits 
des  Souverains  Pontifes.  En- 
fin après  de  nouveaux  mira- 
cles légitimement  prouvés. 
Pie  Mi  ins.  rivit  Angèle  sur 


Sainte  Ansrèle  de  Mer 


f)45 


la  liste  des  saintes  viert^ei, 
dans  la  solennelle  canonisa- 
tion qu'il  accomplit  dans  la 
basilique  vaticane  le  vingt- 
quatre  mai  mil  huit  cent 
sept. 


Septimus  solemni  cano- 
nizatione  in  vaticana  ba- 
silica  peracta,  die  vigesi- 
ma  quarta  maii,  anno 
millesimo  octingentesi- 
mo  septimo  sanctarum 
virginum  catalogo  ads- 
cripsit. 


V 


ous  avez  combattu  les  coinbats  du  Sei- 
gneur, 6  Angèle,  et  votre  vie  si  remplie 
d'œuvres  saintes  vous  a  mérité  un  repos  glo- 
rieux dans  l'éternel  séjour.  Un  zèle  insatia- 
ble pour  le  service  de  celui  que  vous  aviez 
choisi  pour  Epoux,  une  ardente  charité  pour 
tous  ceux  qu'il  a  rachetés  de  son  sang  divin, 
forment  le  caractère  de  votre  existence  tout 
entière.  Cet  amour  du  prochain  vous  a  ren- 
due mère  d'une  famille  innombrable  ;  car 
nul  ne  pourrait  compter  les  jeunes  enfants 
qui  ont  sucé  à  l'école  de  vos  filles  le  lait  de 
la  saine  doctrine  et  de  la  piété.  Vous  avez 
puissamment  contribué,  ô  Angèle,  au  main- 
tien de  la  famille  chrétienne  en  préparant 
tant  de  mères  et  tant  d'épouses  pour  leurs 
sublimes  devoirs  ;  et  comoien  d'institutions 
appelées  au  même  but  sont  sorties  de  la 
vôtre  pour  la  consolation  de  l'Eglise  et  l'a- 
vantage de  la  société  !  Le  Pontife" suprême  a 
ordonné  que  votre  nom  fût  désormais  fêté 
dans  toute  la  catholicité.  En  promulguant 
ce  décret,  il  a  déclaré  qu'il  voulait  placer 
sous  votre  maternelle  protection  toute  la 
jeunesse  de  votre  sexe  exposée  aujour- 
d'hui à  tant  de  périls  de  la  part  des  enne- 
mis de  Jésus-Christ  et  de  son  Eglise.  Ils  ont 
formé    le  dessein   d'arracher   la  Toi  du  cœur 


646  Le  Temps  Pascal. 

des  épouses  et  des  mères,  atin  d'anéantir 
plus  sûrement  le  christianisme,  qu'une  forte 
et  douce  influence  a  conservé  jusqu'ici  dans 
la  famille.  Déjouez  ces  noirs  complots,  6 
Angèle  !  Protégez  votre  sexe  ;  nourrissez  en 
lui  le  sentiment  de  la  dignité  de  la  femme 
chrétienne,  et  la  société  peut  encore  être 
sauvée. 

Nous  nous  adressons  aussi  à  vous,  ô  épouse 
du  Christ,  pour  obtenir  votre  aide  dans  le 
parcours  de  cette  année  liturgique,  où  nous 
retrouvons  chaque  jour  vos  traces.  Votre 
ardeur  à  suivre  les  divins  mystères  qui  se 
déroulent  successivement  à  nos  yeux  vous 
entraîna  au  delà  des  mers.  Vous  vouliez  voir 
Nazareth  et  Rethléhem,  parcourir  la  Galilée 
et  la  Judée,  rendre  grâces  dans  le  Cénacle, 
pleurer  sur  le  Calvaire,  adorer  le  Sépulcre 
glorieux.  Daignez  bénir  notre  marche  timide 
clans  ces  sentiers  que  vos  pas  ont  parcou- 
rus. Nous  voulons  vous  suivre  sur  le  mont 
des  Oliviers ,  d'où  notre  Emmanuel  est 
remonté  dans  les  cieux  ;  il  nous  faut  péné- 
trer une  seconde  fois  dans  le  Cénacle,  que  le 
divin  Esprit  illumine  de  ses  feux.  Condui- 
sez-nous sur  vos  pas,  6  Angèle,  vers  ces  lieux 
bénis  dont  Tattraii  vous  arracha  à  votre 
patrie,  et  vous  lança  à  travers  les  hasards 
dans  une  lointaine  et  périlleuse  pérégrina- 
tion ;  élevez  nos  âmes  à  la  hauteur  des 
augustes  mystères  qui  couronnent  le  Temps 
pascal. 


LE    MÊME    JOUR. 

SAINTE   PÉTRONMLLE,  VIERGE 

'Eglise  n'accorde  qu'un  souvenir  à 
cette  illustre  vierge  dans  l'Office 
d'aujourd'hui  ;  mais  nous  ne  lais- 
serons pas  de  lui  rendre  nos  hom- 
mages. Au  douze  de  ce  mois  nous  avons  fêté 
la  noble  Flavia  Domitilla,  décorée  de  la  dou- 
ble palme  de  la  virginité  et  du  martyre  ; 
Aurélia  Pétronilla  paraît  avoir  appartenu 
comme  elle  à  la  race  impériale  des  Flaviens. 
Les  plus  antiques  traditions  nous  la  recom- 
mandent comme  la  fille  spirituelle  du  Prince 
des  Apôtres  ;  et  si  elle  n'eut  pas  la  fortune  de 
répandre  son  sang  pour  la  foi  du  Christ 
comme  Domitilla,  elle  offrit  à  l'Epoux  divin 
l'hommage  suprême  de  la  virginité.  De  très 
anciens  documents  nous  apprennent  qu'ayant 
été  demandée  en  mariage  par  un  patricien 
de  Rome  du  nom  de  Flaccus,  elle  réclama 
trois  jours  pour  réfléchir  à  la  proposition 
Son  refuge  tut  auprès  du  Seigneur  auquel 
elle  s'éia'it  vouée;  et  Flaccus  s'ètant  présenté 
le  troisième  jour,  trouva  le  palais  dans  le 
deuil,  avec  tout  l'appareil  des  solennelles 
funérailles  que  Ton  préparait  pour  la  jeune 
vierge  qui  s  était  envolée  comme  la  colombe 
aux  approches  de  l'oiseleur. 

Au  viii'^  siècle,  le  pape  saint  Paul  I*""  retira 
des  Catacombes  le  corps  de  sainte  Pétronille, 
qui  reposait  au  Cimetière  de  Domitilla,  sur 


b4^  Le  Temps  Pascal. 


la  voie  Ardéatine.  On  le  trouva  renfermé 
dans  un  sarcophage  de  marbre,  dont  le  cou- 
vercle était  orné  de  dauphins  aux  quatre 
angles.  Paul  le  déposa  dans  une  petite  église 
qu'il  éleva  près  du  flanc  méridional  de  la 
basilique  vaticane. 

La  France  a  professé  longtemps  une  ten- 
dre vénération  pour  sainte  Pétronille.  Pépin 
le  Bref  fit  transporter  à  Rome  sa  tille  Gisèle 
qui  venait  de  naître,  demandant  qu'elle  reçût 
le  baptême  des  mains  du  pape  saint  Paul  I*" 
près  du  tombeau  de  la  noble  vierge.  L'église 
bâtie  par  ce  pontife  fut  longtemps  appelée  la 
Chapelle  des  rois  de  France.  Louis  XI  la  fit 
restaurer  et  la  dota  richement,  et  son  tils 
Charles  VIII  lui  donna  de  nouvelles  marques 
de  sa  muniticence.  Cette  église,  où  l'on  remar- 
quait de  nombreuses  sépultures  françaises, 
fut  détruite  au  xvi«  siècle  par  suite  des  dis- 
positions que  nécessitait  la  construction 
de  la  nouvelle  basilique  de  Saint-Pierre,  et 
le  corps  de  sainte  Pétronille  fut  transféré 
sous  l'un  des  autels  de  la  partie  occidentale 
de  ce    temple  auguste.  Il   ne    convenait    pas 

?[ue  la  dépouille  mortelle  de  l'illustre  vierge 
ût  éloignée  de  la  Confession  du  Prince  des 
Apôtres  qui  l'avait  initiée  à  la  foi,  et  préparée 
pour  les  noces  éternelles. 

Nous  associons  votre  triomphe  à  nos  joies 
pascales,  ô  tille  de  Pierre  !  nous  vénérons  à 
travers  les  siècles  votre  mémoire  bénie.  \'ous 
avez  dédaigné  le  monde  avec  ses  délices  et 
ses  honneurs,  et  votre  nom  virginal  se  lit  en 
tète  des  fastes  de  la  sainte  Eglise  Romaine 
qui  s'honore  d'avoir  été  votre  mère.  Aidez-la 
maintenant  de  vos  prières,  et  souvenez-vous 


Sainte  Pétronille,  Vierge. 


f>4Q 


aussi  de  la  France,  qui  longtemps  vous  voua 
un  culte  fervent.  Protégez  tous  ceux  qui  vous 
implorent,  et  donnez-nous  de  célébrer  avec 
un  saint  enthousiasme  les  solennités  qui 
se  multiplient  en  ces  jours. 


FI.V    DU    TEMPS    PASCAL. 


/^i£/^ff^if^f,yi^^^^^yi^£^i^f$L/i¥^i^y^^yS^£/^^£j^£ 


TABLE 


Pages. 

LE  TEMPS  PASCAL.  Préface v 

Chapitre  I^'^  —    Prières  du  matin  et  du  soir,  au 

Temps  Pascal i 

Chapitre  IL  —  De   l'assistance  à  la  sainte  Messe, 

au  Temps  Pascal 17 

Chapitre  IIL  —  Pratique  de  la  sainte  Commu- 
nion, au  Temps  Pascal 43 

Chapitre  IV.  —  Des  Offices  de  Tierce,  Sexte  et 

None,  au  Temps  Pascal 5o 

Chapitre  V.   —      De    l'Office    des    Vêpres     des 

Dimanches  et  Fêtes,  au  Temps  Pascal.     ...  67 

Chapitre  VI.    —  De    l'Office  de   Complies,    au 

Temps  Pascal 77 

PROPRE  DU  TEMPS 87 

Le  Cinquième  Dimanxhe  après  Pâques.      .     .  çS 

A  la  Messe gS 

A  Vêpres ...  104 

Le  Lundi  des  Rogations 108 

La  Messe  des  Roifations I16 


^"52  Table. 


Papes, 

Le  Mardi  des  Rogations 123 

Le  Mercredi  des  Rogations.  La  Vigile  de  1  Ascen- 
sion   i3j 

L'ASCENSION  DE  NOTRE-SEIGNEUR.     .  142 

A  Tierce l52 

A  la  Messe i  53 

A  Sexle 1O4 

Midi ■  .     .     .  i65 

A  None 167 

A  Vêpres 168 

Le  Vendredi  dans  l'Octave  de  l'Ascension    .     .     .  178 

Le  Samedi  dans  l'Octave  de  l'Ascension.     .     .     .  186 

Le  Dimanche  dans  l'Octave  de  l'Ascension.    .  194 

A  la  Messe 201 

A  Vêpres 207 

Le  Lundi  dans  l'Octave  de  l'Ascension 211 

Le  Mardi  dans  l'Octave  de  l'Ascension 219 

Le  Mercredi  dans  l'Octave  de  l'Ascension.  .     .     .  23o 

L'Octave  de  l'Ascension 240 

Le  Vendredi  après  rOctave  de  l'Ascension.  .  25l 

Le  Samedi  veille  do  la  Pentecôte 267 

LE  JOUR  DE  LA  PENTECOTE 282 

A  Tierce 3o4 

A  la  Messe ?oS 

A  Sexte ?20 

A  None.     . 32i 

A   Vêpres .      .  32  2 

Les  Dons  du  Saint-Esprit 334 

Le  Don  de  Craints 357 


Table.  653 

Pages. 

Le  Lundi  de  la  Pentecôte 36o 

A  la  Messe 3yo 

A  Vêpres 3jq 

Le  Don  de  Piété 385 

Le  Mardi  de  la  Pentecôte 389 

A  la  Messe 3qg 

A  Vêpres 4.06 

Le  Don  de  Science 410 

Le  Mercredi  de  la  Pentecôte ^14 

Le  Don  de  Force ,|27 

La  Jeudi  de  la  Pentecôte 433 


Le  Don  de  Conseil. 


449 


Le  Vendredi  de  la  Pentecôte .  ^53 

Le  Don  d'Intelligence 468 

Le  Samedi  de  la  Pentecôte 474 

Le  Don  de  Sagesse 488 

PROPRE  DES  SAINTS 495 

XX  Mai. —  Saint  Bernardin  de  Sienne. Confesseur.  4q5 

XXIV  .^1ai.  —  La  Fête  de  Notre  Dame  Auxiliatrice.  5o5 

XXV  Mai.  —  Saint   Grégoire  VII,  Pape  et  Con- 
fesseur   526 

Le  mê  ve  jour.  —    Saint  Urbain,  Pape  et  Martyr.  b-]b 

XXVI  Mai. —  Saint  Philippe  Néri,  Confesseur.     .  SyS 
Lemême  jour. —  Saint  Eleuthére,  Pape  et  Martyr,  592 

XXVII  Mai. —  Saint    Bède  le  Vénérable,  Confes- 
seur et  Docteur  de  l'Eglise Sq" 


65^  Table. 

Pages. 
Le  même  jour. —  Saint  Jean  I",  Pape  cl  Martyr.     .  6o3 
XXVIII  Mai.  —  Saint  Augustin,  Evoque,    apô- 
tre de  TAngleterre 6lo 

XXIX Mai.  —  Sainte  Marie-Madeleine  de  Pazzi, 

Vierge 620 

XXX  Mai.  —  Saint  Félix  I",  Pape  et  Martyr.     .  6  6 
Le  même  jour.  —  Saint  Ferdinand  II  F,  roi  de  Cas- 
tille   et    Confesseur 629 

XXXI Mai    — Sainte  Angèle  de  Mérici,    Vierge  640 

Le  même  jour. —  Sainte    Pétrunille,    Vierge     .     .  647 


FIN    DE    LA   TABLE    DU   TOME    TROISIEME 


POITIERS,    —    LIBRAIRIE    H.    OUDIN. 


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